C’est une des grandes difficultés quand on est jeune doctorant et que l’on commence à s’intéresser sérieusement à l’épistémologie des sciences. Au détour d’un bon cours, on en vient à s’intéresser à la dynamique des systèmes non linéaires, à la systémique ago-antagoniste chère à Élie Bernard Weil ou on découvre Edgar Morin. Et là, on sait que plus rien ne sera comme avant et que la communication sera parfois « ill », comme diraient… les Beastie Boys.
Le plus dur alors, c’est d’oser poser la question qui fait mal. Celle qu’on ne poserait pas par exemple si l’on pensait, avec Aristote, que le tiers est nécessairement exclu donc qu’une chose ne peut pas être la chose et son contraire. Sauf que si, précisément, c’est ça qu’il faut faire, nous indiquent les auteurs précédemment cités : oser de telles questions.
Qui perd gagne ?
Concrètement, si on applique ce principe au cas du « president-elect Trump », cela nous donnerait quelque chose comme : et si pour réellement gagner, depuis le départ il fallait perdre ? Autrement dit, là où tout le monde penserait que devenir président est le plus grand des honneurs, le but ultime ; que logiquement on passe sa vie à y penser, et pas seulement en se rasant ; eh bien non, dans le cas de Donald Trump, et si ça n’avait été finalement qu’une tactique ?
Bizarrement, cette hypothèse, aussi iconoclaste soit-elle, se trouve largement corroborée par les faits. Au point même qu’elle pourrait ne plus être si originale…
Cela expliquerait, depuis le départ, toutes les outrances, toutes les folles attaques contre la presse, tous les abus de comportement comme de langage. Cela justifierait qu’après avoir gagné, contre toute attente, la primaire – alors même que vous pensiez la perdre et souhaitiez simplement négocier au prix fort votre reddition – il ait fallu non seulement ne pas freiner mais surtout continuer toujours plus loin, toujours plus fort. Quand enfin vous êtes convaincu que ça va s’arrêter, que vos propos contre les femmes étaient définitivement inadmissibles, que vous n’en finissez plus de balancer des poules puantes contre les journalistes et autres adversaires de votre propre camp, patatras, finalement vous finissez par gagner.
Et vous vous retrouvez donc élu, « president-elect » des United-States.
Qui gagne, en rajoute
Le seul moyen de vous sortir de cette galère dans laquelle vous n’auriez jamais dû logiquement vous retrouver, c’est alors non seulement de continuer votre ligne, mais surtout d’accélérer encore : les élites tant décriées ? Au pouvoir, dans votre team ! Avoir commis l’irréparable, en Russie ? Mais bien sûr que vous avez été hacké, comme l’ont été les démocrates, comme l’ont même été les élections ! Des vidéos ? Pas si grave puisque votre réputation de tombeur n’est de toute façon plus à faire : on sait comment se comportent les filles avec vous quand vous êtes célèbre, dixit…
Accessoirement, cela vous aura permis de démontrer par A + B pourquoi, ô ciel, vous auriez pu prendre toutes les dispositions du monde pour ne pas être taxé de conflits d’intérêts ; mais combien aussi, au vu de l’empire tellement immense que vous avez constitué, ne pas être en conflit d’intérêts aurait été de toute façon chose impossible. Et vous aurez même commis l’affront ultime : refuser au correspondant à la maison blanche de CNN de vous poser sa question, puisqu’il participe d’une grande conspiration de « fake news » digne de la « Nazi Germany ».
De fil en aiguille, vous risquez donc de finir « impeaché », puisqu’à l’évidence il ne peut plus en être autrement et que cela tombe à vrai dire assez bien : c’est ce que vous avez toujours souhaité.
Qui part gagne
Vous pourrez alors partir la tête haute, puisque personne ne vous attendait et que finalement tout le monde vous voulait. En plus, vous aurez amassé gros en quelques semaines, en bourse, alors même que vos affaires étaient avant au plus mal. Et, surtout, plus personne à l’avenir n’osera venir vous intenter un procès ni mettre le nez dans vos affaires, ce qui était d’ailleurs précisément votre objectif depuis le départ.
Enfin, avec un peu de chance, vos droits sur votre ouvrage The Art of The Deal continueront de s’envoler. Et Hollyweed fera de cette « fake election » le plus grand blockbuster de l’Histoire.