Un lac, c’est bien plus qu’un plan d’eau au bord duquel nous pouvons nous prélasser par une belle journée ensoleillée d’été. C’est bien plus qu’une source d’eau fraîche, entourée de nature et de tranquillité.
Les lacs jouent un rôle vital dans nos écosystèmes et, par conséquent, dans notre quotidien. Ils fournissent de l’eau potable, abritent une diversité impressionnante de formes de vie et permettent des activités économiques importantes.
Cet article fait partie de notre série Nos lacs : leurs secrets, leurs défis. Cet été, La Conversation vous propose une baignade fascinante dans nos lacs. Armés de leurs loupes, microscopes ou lunettes de plongée, nos scientifiques se penchent sur leur biodiversité, les processus qui s’y produisent et les enjeux auxquels ils font face. Ne manquez pas nos articles sur ces plans d’eau d’une richesse inouïe !
Malheureusement, la qualité de l’eau de ces précieux milieux est de plus en plus menacée par différents facteurs environnementaux et par l’activité humaine.
Afin de protéger et de préserver les lacs, il est primordial de surveiller leur état de santé de manière proactive, rapide et efficace. Chercheurs en écologie aquatique, c’est dans cette optique que nous avons développé une technologie de pointe qui mesure la santé des lacs en surveillant les micro-organismes qui y vivent.
Planète et écosystèmes en transition
Notre planète est en perpétuel changement et nos écosystèmes en ressentent les effets.
Les lacs, en particulier, subissent de nombreuses perturbations : pollution industrielle et agricole, sels de voirie, eutrophisation et augmentation des températures due aux changements climatiques.
Ces facteurs participent à la dégradation de la qualité de l’eau et engendrent des déséquilibres dans les écosystèmes aquatiques.
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Par exemple, la prolifération de cyanobactéries, ou algues bleu vert représente un risque majeur pour la santé humaine et écologique. Bien que microscopiques, les cyanobactéries peuvent former des proliférations visibles à l’œil nu, appelées fleurs d’eau, lorsqu’elles se multiplient et s’agglutinent.
Certaines espèces de cyanobactéries responsables de la formation de fleurs d’eau produisent des toxines (cyanotoxines) qui peuvent contaminer l’eau potable, nuire à la faune aquatique et provoquer la fermeture de plages. Les fleurs d’eau peuvent ainsi compromettre les activités récréotouristiques et l’économie locale.
Et malheureusement, avec le réchauffement climatique, la prolifération des cyanobactéries devrait s’accroître de plus en plus dans nos lacs.
Le microbiome : un indicateur de la santé des lacs
Une simple goutte d’eau d’un lac peut abriter des milliers, voire des centaines de milliers de microbes.
Ces microbes forment le microbiome du lac, un indicateur clé de sa santé. En d’autres termes, si quelque chose ne va pas dans le lac, ces microbes seront les premiers à le révéler.
C’est un peu comme lorsque votre système digestif fait des siennes en raison d’un déséquilibre dans votre microbiome intestinal !
Les microbes, bien que microscopiques, sont les gardiens silencieux de nos écosystèmes aquatiques. Accéder à cette première ligne d’information est donc essentiel pour comprendre l’état de santé et l’évolution des lacs.
Mais comment obtenir ces informations précieuses rapidement et de manière efficace ?
Les outils génomiques : une nouvelle génération de surveillance des écosystèmes
C’est ici qu’entrent en jeu les outils modernes de séquençage d’ADN environnemental, ou l’ADNe, un mélange de matériel génétique qui provient d’organismes qui peuplent un environnement donné.
La métagénomique, par exemple, nous permet d’accéder aux séquences d’ADN de chaque individu, appelées génomes, de l’ensemble des microbes d’un échantillon d’eau. Cet outil offre ainsi une vue complète de la composition du microbiome des lacs, y compris les espèces moins faciles à détecter.
La technique de microscopie optique, traditionnellement employée pour la surveillance de cyanobactéries, permet en effet d’agrandir la taille des organismes jusqu’à mille fois, facilitant leur visualisation et leur décompte. Bien qu’efficace, cette technique nécessite néanmoins un important investissement de temps et repose sur l’identification visuelle des espèces par des experts en taxonomie. Par ailleurs, elle ne permet pas de détecter les microbes trop petits, contrairement aux outils de séquençage.
L’approche de séquençage d’ADNe peut ainsi être utilisée de façon complémentaire à la microscopie optique, de manière à limiter les erreurs d’identification potentielles, avec l’avantage de pouvoir être employée directement sur le terrain. Les nouvelles générations d’appareils de séquençage sont transportables sur le terrain et permettent d’obtenir un profil du microbiome en quelques heures.
À l’aide des techniques de séquençage, nous pouvons détecter rapidement les changements dans la communauté microbienne, indices de déséquilibres environnementaux. Par exemple, une augmentation soudaine des cyanobactéries peut être repérée avant même que les effets visibles, comme les fleurs d’eau, n’apparaissent. Ces outils avancés permettent ainsi aux gestionnaires de l’environnement de prendre des mesures préventives plus tôt.
L’innovation RosHAB
Parmi les innovations récentes dans le domaine du séquençage, l’outil RosHAB, développé par notre équipe à l’Institut national de la recherche scientifique en collaboration avec des chercheurs de l’Université Laval, se distingue par sa capacité à décrire en temps réel le génome des microbes des lacs.
Cet outil avancé utilise la métagénomique pour surveiller la diversité microbienne et détecter les déséquilibres potentiels. Conçu pour être utilisé par les gestionnaires de l’environnement, RosHAB est une méthode pratique et rapide pour la surveillance en continu des écosystèmes aquatiques, et ce, sur directement sur le terrain.
Implications pratiques et limites
L’intégration des outils génomiques dans les politiques de gestion des lacs et des écosystèmes aquatiques nécessite un effort de formation et d’adaptation pour les équipes de surveillance.
Bien que ces technologies offrent de nombreux avantages, elles présentent également plusieurs défis. Tout d’abord, l’analyse bio-informatique n’est pas simple et doit donc être rendue accessible pour des non-experts.
Par ailleurs, les changements de la diversité des microbes de saison en saison peuvent compliquer l’analyse des données. Des échantillonnages mensuels réguliers ou même plus fréquents sont nécessaires pour obtenir des résultats représentatifs.
La surveillance de l’état de santé des lacs est cruciale face aux menaces croissantes posées par les changements climatiques et par l’activité humaine.
Les lacs sont des écosystèmes vitaux, et leur protection nécessite des méthodes de surveillance avancées et proactives. Les outils génomiques, comme l’outil RosHAB, représentent une avancée significative dans ce domaine, offrant des moyens efficaces pour anticiper et répondre aux menaces environnementales.
En comprenant et en surveillant la santé des lacs à travers les microbes qui y vivent, il devient possible de mieux préserver ces ressources pour que les générations futures puissent en profiter, autant que nous, durant les journées chaudes de l’été.