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Un traitement est à l'étude pour lutter contre les arrêts respiratoires souvent présents chez les filles touchées par le syndrome de Rett, une maladie génétique rare. Roya Ann Miller/Unsplash

Syndrome de Rett : de nouvelles pistes pour retrouver le souffle

En dépit des progrès de la médecine, certaines maladies rares comme le syndrome de Rett, une affection génétique touchant uniquement les filles, ne peuvent pas encore être guéries. L’espoir de découvrir un traitement repose sur une collaboration étroite entre les médecins suivant les malades et les chercheurs travaillant en laboratoire sur les mécanismes en cause à l’échelle des cellules. C'est le cas dans beaucoup de maladies rares, dont la 11ème journée mondiale se tient le 28 février.

Les fillettes touchées par le syndrome de Rett ne parlent pas ou quasiment pas, souffrent souvent d’épilepsie et de scoliose. Ces problèmes peuvent être améliorés par différents traitements. Par contre, il n’existe pas de solution satisfaisante pour lutter contre leurs troubles respiratoires. En effet, la maladie peut provoquer aussi bien des arrêts respiratoires (apnées) que des accélérations de la respiration (hyperventilation). C’est un enjeu majeur, sachant qu’à ce jour, environ 20 % des malades décèdent subitement en raison de ces arythmies cardio-respiratoires chroniques.

Les recherches de notre équipe Inserm de neurogénétique humaine, au sein du Centre de génétique médicale de Marseille situé à la faculté de médecine de Marseille, portent sur les maladies rares du cerveau de l’enfant conduisant à une déficience intellectuelle, parmi lesquelles le syndrome de Rett. Les liens tissés avec les équipes médicales partout en France nous ont permis d’ouvrir la voie à un traitement améliorant la survie des malades.

Une maladie qui se déclare après l’âge de six mois

Initialement décrit par le neuropédiatre autrichien Andreas Rett dans les années 1960, ce grave désordre neurologique est causé par des mutations dans un gène situé sur le chromosome X. Les filles touchées présentent un développement normal in utero et pendant les 6 à 18 premiers mois de leur vie. Puis celui-ci s’arrête, entraînant un profond handicap mental et physique. Entre 25 et 40 filles porteuses de ce syndrome naissent chaque année en France.

Dans notre équipe, nous avons mené nos travaux sur des souris représentant un modèle de ce syndrome, pour lesquelles le gène en cause (Mecp2) a été rendu totalement inopérant. Nous avons mis en évidence des déficits en catécholamines au niveau de plusieurs structures majeures du système nerveux central et du système nerveux périphérique. Les catécholamines les plus courantes sont l’adrénaline, la noradrénaline et la dopamine. En particulier nous avons observé des anomalies des contenus en noradrénaline dans le tronc cérébral, la partie du cerveau impliquée dans la mise en place et la régulation des rythmes respiratoires. Nos résultats ont montré que l’intensité des troubles respiratoires est intimement liée à une diminution des niveaux de noradrénaline dans le cerveau.

À la suite de cette découverte, nous avons pu mettre au point chez les souris un traitement pharmacologique stimulant les neurones producteurs de noradrénaline, dit noradrénergiques, par un mécanisme bien précis (en inhibant le processus de recapture dans la fente synaptique). De cette façon, nous avons pu améliorer leurs fonctions respiratoires et motrices, et donc, leur survie.

Une molécule pour agir sur les troubles respiratoires

La molécule retenue, la désipramine, l’a été parmi le grand nombre d’agents pharmacologiques capables d’agir sur l’activité des neurones noradrénergiques, pour la plupart des médicaments antidépresseurs. Cette molécule agit de manière très spécifique sur la noradrénaline, et pas sur d’autres neurotransmetteurs. Autre avantage : elle possède déjà une autorisation de mise sur le marché dans le traitement de la dépression, facilitant ainsi les futures étapes pour obtenir l’autorisation de traiter des humains, et non plus des souris.

Pour évaluer les effets de la désipramine, nous avons traité des souris modèles du syndrome de Rett dès qu’elles présentaient une augmentation significative du nombre d’apnées. Nous avons constaté une amélioration notable de leur rythme respiratoire durant plusieurs semaines, avec un niveau d’apnée maintenu à un seuil très bas. De manière encore plus intéressante, le traitement a prolongé la durée de vie des souris d’environ 50 % par rapport aux souris non traitées, ou traitées par un placebo (ressemblant au médicament mais sans principe actif).

Avec nos collègues praticiens, le Pr Josette Mancini (alors responsable du service de neurologie pédiatrique à l’hôpital de la Timone), et les médecins du centre de pharmacologie clinique et d’évaluations thérapeutiques (CPCET) de Marseille dirigé par le Pr Joëlle Micaleff, nous avons décidé de mettre en place un essai clinique permettant de traiter 36 patientes âgées de 6 à 18 ans. Nous avons obtenu pour cet essai de phase II un financement de 500 000 euros provenant du ministère de la Santé, sous la forme d’un Programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) national.

Des patientes de Lyon, Lille, Marseille, Tours, Toulouse et Paris

Au vu de la rareté de la maladie, et afin de faciliter le recrutement des volontaires, nous avons impliqué six hôpitaux dans cet essai, à Lyon, Lille, Marseille, Tours, Toulouse et Paris. Il a démarré en 2010 et s’est terminé en 2016.

Les participantes ont effectué trois passages à l’hôpital, le premier avant de prendre la désipramine, le deuxième après trois mois de traitement et le dernier après six mois. À chacune de leurs visites, des enregistrements respiratoires, moteurs et une prise de sang ont été effectués. À la maison, elles ont vu enregistré leur rythme cardiaque, ce qui demandait le maintien de l’appareillage pendant 24 heures – sans doute l’examen le plus contraignant pour elles, et pour leurs parents.

Par ailleurs les parents remplissaient une grille avec des critères permettant d’apprécier leur propre qualité de vie, un moyen d’évaluer le comportement général de leurs filles.

Cet essai n’a pas permis de montrer directement une amélioration des troubles respiratoires chez les patientes en fonction de la dose de désipramine prise. Nous nous sommes en effet heurtés à deux difficultés. Un nombre trop faible de patientes ont pu réaliser l’essai jusqu’au bout. Par ailleurs, les patientes ont assimilé la molécule dans des proportions variables, selon leur métabolisme. Cependant, nous avons mis en évidence un lien entre la dose de médicament présente dans le sang des patientes et la diminution de leurs troubles respiratoires, comme indiqué dans l’article paru dans le journal Annals of Clinical and Translational Neurology. Ce qui nous conforte dans l’idée que l’hypothèse de départ est juste.

Passer le plus rapidement possible de la recherche fondamentale à l’essai chez les malades

Ainsi, notre équipe a pu, sur une période s’étalant sur douze années, passer de résultats obtenus chez l’animal à un essai chez l’homme, un mode de recherche dit translationnel. L’idée étant de réussir à reproduire auprès des malades, le plus rapidement possible, des résultats fondamentaux obtenus en laboratoire. Ces travaux ont généré, aussi, un grand nombre de mesures chez les filles Rett, un avantage dans la perspective d’un nouvel essai clinique.

La création en 2015 de la fédération hospitalo-universitaire (FHU) maladies rares et chroniques de l’enfant et de l’adolescent (Marche) doit permettre d’accélérer ces recherches. Le FHU Marche regroupe en effet, autour d’un même campus situé à Marseille, des chercheurs de plusieurs disciplines (biologie, physique) et des médecins en charge de ces pathologies.

Nous avons cependant constaté, dans le syndrome de Rett, les limites d’une approche centrée uniquement sur des médicaments. Aussi, nous avons mis en place un autre projet relevant de la thérapie génique, visant à apporter un gène sain pour compenser la mutation du gène Mecp2 sur le chromosome X, à l’origine de la maladie. Ce travail s’effectue en partenariat avec l’AFM-Telethon. Nos premiers résultats, publiés en 2017, sont très encourageants car ils montrent, chez l’animal, une correction importante des atteintes respiratoires. Cette approche novatrice doit d’abord être optimisée avant de pouvoir être proposée à des patientes, mais constitue un réel espoir dans cette maladie.

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