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Tempête Eleanor : pourquoi certaines régions sont plus exposées aux coupures d’électricité

Ce 3 janvier 2018 sur la côte normande. Charly Triballeau/AFP

Le passage de la tempête Eleanor sur le Nord de la France a occasionné de violentes rafales de vent et impacté le réseau électrique par des chutes de branches et d’arbres sur les fils. Mercredi 3 janvier au matin, on comptait plus de 200 000 foyers privés de courant dans les régions touchées (Normandie, Hauts-de France, Île-de-France et Grand-Est).

Ces tempêtes, de même que les vagues de froid, soulignent certaines inégalités territoriales face aux coupures électriques ; les habitants de la campagne bretonne y sont, par exemple, davantage exposés que les Franciliens. Comment expliquer de telles disparités ?

Réseaux des villes, réseaux des campagnes

Il y a d’abord une inégalité géographique bien connue qui existe entre les équipements des villes de ceux des campagnes. Du fait de leur réseau électrique plus majoritairement aérien qu’en milieu urbain, les zones rurales ont été davantage impactées par ces coupures.

Si l’on compare la France à d’autres pays européens, l’Hexagone apparaît, avec ses 44 % de lignes enterrées, plutôt à la traîne. En Allemagne, cet enfouissement concerne 80 % des lignes et presque 100 % en Belgique et aux Pays-Bas.

Ces trois pays disposent d’un réseau de villes plus maillé que la France : l’habitat moins diffus favorise l’enfouissement du réseau électrique. Il faut cependant noter qu’entre 2010 et 2012, plus de 80 % des nouvelles lignes installées en France ont été enfouies.

Si les lignes enterrées semblent être la solution pour faire face aux tempêtes, elles demeurent néanmoins vulnérables en cas d’inondations. Lors de la tempête Xynthia, en 2010, plusieurs lignes souterraines du littoral vendéen avaient été inondées, entraînant des coupures d’électricité.

La Bretagne, une péninsule électrique (Image temps, 2011).

Bretagne et Provence-Côte d’Azur très exposées

La seconde inégalité géographique, moins connue, se dessine entre certaines régions : un Breton ou un habitant de la région Provence-Côte d’Azur sera en effet plus exposé aux risques de coupures lors d’une vague de froid. Ces deux régions souffrent de problèmes identiques.

D’abord, elles produisent peu d’électricité et possèdent un réseau électrique sous-dimensionné par rapport aux besoins de leur population. Elles sont ensuite considérées comme des « péninsules électriques » du fait de leur isolement géographique – elles se trouvent « au bout » du réseau de distribution électrique national.

Lors d’une précédente vague de froid, en 2009, ces deux régions avaient d’ailleurs été placées en alerte par RTE (Réseau de transport d’électricité) ; les pouvoirs publics avaient alors appelé les habitants de ces régions à réduire leur consommation d’électricité entre 17h et 20h pour plusieurs jours consécutifs.

Contrairement à d’autres régions françaises équipées en centrales nucléaires (Normandie, Rhône-Alpes, Grand-Est notamment) ou bien desservies en électricité du fait de leur position de carrefour géographique (île-de-France, Centre-Val-de-Loire), les régions Bretagne et Provence-Côte-d’Azur dépendent fortement de l’importation d’électricité de régions limitrophes ou de pays voisins. La Bretagne ne produit ainsi que 15 % de son électricité.

Cette carte montre les disparités régionales existantes au niveau de l’équilibre entre l’offre et la demande en période de pointe de consommation d’électricité. Observatoire de l’industrie électrique (2010)

Quelles solutions ?

Ces inégalités sont pourtant loin d’être une fatalité. Deux pistes se distinguent nettement.

En premier lieu, enterrer les lignes électriques afin de réduire l’inégalité entre les zones urbaines et rurales. Si, ces dernières années, la grande majorité des nouvelles lignes ont été enterrées, plus de la moitié du réseau d’électricité en France demeure aérien.

Bien sûr, enterrer l’ensemble du réseau électrique français serait beaucoup trop coûteux – il a été estimé à plus de 100 milliards d’euros par ERDF en 2012. Mais pourquoi ne pas systématiser l’enterrement des lignes passant à proximité directe d’espaces boisés afin de prévenir le risque de chutes de branches ? Il semblerait que cela soit le cas depuis peu dans certains départements ruraux, comme en Haute-Vienne par exemple.

Il apparaît également essentiel de réduire notre dépendance à l’énergie nucléaire en développant largement les énergies renouvelables. La France reste en effet « prisonnière » de cette spécialisation énergétique initiée dans les années 1950 et fait face depuis quelques années à la vétusté de certaines centrales, comme celle de Fessenheim.

En période de vague de froid durable sur l’Europe de l’Ouest, si plusieurs centrales venaient à s’arrêter pour cause de dysfonctionnements, l’importation d’électricité des pays voisins pourrait ne pas suffire ; une partie du pays serait plongée dans le noir, Provence-Côte d’Azur et Bretagne en tête.

Pour cette dernière région qui, rappelons-le, n’a plus aucune centrale nucléaire en fonctionnement depuis la fermeture de celle de Brennilis en 1985, l’accent est mis sur la transition énergétique avec le développement de l’éolien, de la méthanisation et des panneaux solaires. En 2015, plus de 11 % de l’énergie consommée en Bretagne était d’origine renouvelable. D’ailleurs, un « pacte électrique breton » a été signé en 2010 entre l’État, la région, RTE, l’Ademe et l’Agence nationale de l’habitat pour répondre à ces enjeux.

Enfin, c’est l’ensemble de nos habitudes de consommation qu’il est essentiel de revoir pour devenir moins énergivore en électricité et donc moins dépendant des risques associés aux aléas climatiques.

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