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Tim Walz aime afficher une image décontractée évoquant ses origines rurales et son attachement au Minnesota, dont il est le gouverneur. Tom Williams/CQ Roll Call/Getty Images

Tim Walz permettra-t-il à Kamala Harris d’attirer l’électorat rural ?

Le choix de Tim Walz comme colistier de Kamala Harris a suscité une vague de commentaires suggérant que le simple fait d’élever un ancien entraîneur de football d’une petite ville au rang de candidat à la vice-présidence permettrait aux Démocrates de s’assurer l’allégeance des électeurs ruraux de tout le pays.

À première vue, une telle analyse semble aller de soi. Walz, le gouverneur du Minnesota, a grandi dans une petite ville rurale du Nebraska et dirige un État du Midwest doté d’une forte identité rurale. Et il est difficile de nier que sa désignation par Harris a permis à de nombreux défenseurs de la ruralité de se sentir mieux représentés – un sentiment qu’ils n’avaient pas éprouvé depuis un certain temps. D’ailleurs, son emblématique casquette kaki peut désormais être arborée pendant la saison de chasse.

Mais un examen plus approfondi révèle que ces attentes peuvent être trop simplistes et optimistes.

Tim Walz en campagne pour le poste de gouverneur à St. James, Minnesota, le 15 septembre 2018. Walz a remporté l’élection en récoltant seulement 40,3 % du vote rural. Tom Williams/CQ Roll Call/Getty Images

La nationalisation de l’électorat rural

Si la nomination de Walz peut avoir une valeur symbolique, s’il est volontiers présenté comme un « gars sympa du Midwest », amateur de corn-dogs (sandwich typique des campagnes américaines) et de « blagues de papa », c’est sans doute trop demander que d’espérer que sa seule présence sur le ticket démocrate suffise à reconfigurer en profondeur la géographie politique américaine. En effet, comme le politologue Dan Shea et moi-même l’avons montré dans notre livre The Rural Voter, les Républicains se sont largement imposés dans le monde rural aux États-Unis au cours des 40 dernières années.

D’une certaine manière, Walz a construit sa carrière en essayant d’inverser cette tendance, en se positionnant comme le défenseur des communautés semblables à celle dont il est issu. Ses positions sont bien sûr sujettes à interprétation, mais il est indéniable qu’il a dû faire face à ce que nous appelons la « nationalisation » du bloc électoral rural, c’est-à-dire le fait que les électeurs ruraux de toutes les régions du pays se considèrent comme politiquement impuissants, victimes des mauvaises politiques gouvernementales et culturellement déclassés.

Au cours des 40 dernières années, cette identité politisée en est venue à distinguer les électeurs ruraux des électeurs urbains, et même des autres groupes prédisposés à voter pour des candidats républicains ou conservateurs. Depuis février 2024, j’ai examiné, en compagnie de 15 autres chercheurs, un échantillon national représentatif de 7 500 électeurs ruraux pour étudier leur vision du monde et de la politique.

Comme le suggèrent de nombreux indicateurs, la majorité des résidents ruraux estiment que leurs communautés reçoivent moins de dépenses publiques qu’elles ne le méritent, que leurs enfants ne réussiront pas aussi bien qu’eux-mêmes dans la vie, et que tout cela est en grande partie la faute des citadins. Sur ces points, le Midwest ne diffère pas du reste du pays.

Succès limités dans les scrutins ruraux

Étant donné que les électeurs ruraux du Midwest ressemblent beaucoup à ceux du reste du pays, les résultats de Walz dans son État d’origine, le Minnesota, sont un bon indicateur de l’attrait qu’il exerce sur les électeurs ruraux à l’échelle nationale. Or il s’avère que malgré son réel enracinement rural, les électeurs des campagnes ne l’ont pas toujours soutenu autant que son histoire pourrait le laisser penser.

Nous avons examiné les résultats des six élections conduites lors des huit dernières années dans les États du nord du Midwest. Il en ressort que les résultats obtenus par Walz depuis sa dernière réélection au Congrès en 2016 ont baissé parmi les électeurs ruraux.

J’ai calculé le pourcentage de la population vivant dans le bloc rural défini par le recensement pour l’ancienne circonscription électorale de Walz et l’État du Minnesota. J’ai ensuite calculé le pourcentage de votes de Walz provenant de comtés à majorité rurale lors de chacune des trois dernières élections auxquelles il a participé, l’une pour le Congrès et les deux autres pour le poste de gouverneur.

À l’instar de la plupart des autres Démocrates ailleurs dans le pays, Walz a eu du mal à convaincre les électeurs ruraux dans sa circonscription, le premier district du Minnesota, et dans l’ensemble de l’État. Aucune de ces circonscriptions n’est majoritairement rurale, mais même dans les zones les plus rurales, Walz n’a jamais obtenu la majorité. En fait, c’est dans les communautés rurales qu’il a subi ses plus lourdes pertes lors de sa réélection au poste de gouverneur en 2022. Cette année-là, il n’a recueilli que 38 % des voix dans les comtés à majorité rurale du Minnesota.

Certains pourraient y voir la preuve qu’aucun Démocrate ne peut faire bonne figure dans l’Amérique rurale. Si le sympathique Walz n’y parvient pas, alors qui pourrait réussir ce tour de force ?

Il suffit de regarder juste à côté.

Dans la région du Midwest chère à Walz, d’autres Démocrates ont obtenu de bons résultats dans les circonscriptions rurales. Les sénatrices Tammy Baldwin (Wisconsin) et Amy Klobuchar (Minnesota) ont réussi des scores presque aussi bons que leurs homologues républicains dans les zones les plus rurales de leur électorat. Même la gouverneure du Michigan, Gretchen Whitmer, a obtenu des résultats supérieurs à ceux de Walz dans les zones rurales.

Il en ressort que si les Démocrates voulaient absolument avoir sur le ticket national un candidat du Midwest susceptible de mobiliser en sa faveur les électeurs ruraux, un duo Harris-Whitmer aurait pu avoir plus de chances de réussir que Harris-Walz. À noter également que Whitmer, Baldwin et Klobuchar ont toutes trois grandi en ville.

Gérer les attentes des Démocrates

Cela ne veut pas dire que les Démocrates ont commis une erreur en jouant sur l’image des zones rurales ou des petites villes que beaucoup ont évoquée avec enthousiasme à propos de la candidature de Walz. Ce dernier fait clairement contrepoids à l’image construite par un autre candidat du Midwest, porte-parole autoproclamé de l’Amérique rurale : J. D. Vance.

Un récent sondage du Washington Post sur la popularité des deux candidats à la vice-présidence montre que Walz dispose d’un avantage géographique marginal auprès des électeurs américains. Dans les zones urbaines, les électeurs sont 20 % plus nombreux à éprouver de l’aversion pour Vance qu’à l’apprécier, tandis que dans les zones rurales, les électeurs sont 14 % plus nombreux à éprouver de l’aversion pour Walz qu’à l’apprécier. Il reste qu’en règle générale, Walz est populaire essentiellement auprès d’un électorat rural alors que Vance bénéficie en moyenne d’une image plutôt positive.

Mais il convient de rappeler que le candidat le plus populaire auprès de l’Amérique rurale n’est pas originaire des campagnes et ne prétend pas l’être. L’attrait de Donald Trump ne réside pas dans son lien personnel avec la vie rurale, mais dans sa capacité à exploiter les sentiments de mécontentement des ruraux et à les inscrire dans son message politique.

Il ne devrait pas être difficile de trouver un candidat qui ne méprisera pas les électeurs ruraux en les considérant comme un panier de pitoyables, comme l’a fait Hillary Clinton lors de la campagne présidentielle de 2016. Il ne devrait pas non plus être difficile de trouver un candidat qui pense que se montrer dans les zones rurales n’est pas seulement une bonne stratégie, comme le pense l’équipe de campagne de Kamala Harris, mais aussi une bonne chose pour la démocratie.

Mais le défi auquel est confronté Walz n’est pas seulement de présenter une image favorable aux zones rurales. Il va devoir aborder les questions plus profondes qui motivent les électeurs ruraux, telles que l’insécurité économique, la perception d’une marginalisation culturelle et la méfiance à l’égard du gouvernement. Les gestes symboliques – et les casquettes kaki – ne suffiront pas à les convaincre.

This article was originally published in English

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