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Les troubles anxieux sont parmi les maladies mentales les plus courantes, touchant plus de 18 % de la population. Ils sont traitables, notamment par la thérapie cognitivo-comportementale. Shutterstock

Troubles anxieux: comment faire face à ses peurs?

« Pourquoi certaines personnes souffrent-elles de maladie mentale? »

Voilà l’une des questions les plus fréquentes qu’entendent les psychologues et autres prestataires de soins de santé mentale.

Prudents, voire soucieux d’exactitude, bien des spécialistes affirmeront que « nul ne le sait ». Cela constitue la réponse simple à cette question. D’autres parleront brièvement du rôle des mécanismes neurobiologiques.

Cela dit, des travaux effectués en laboratoire au cours des dernières décennies ont permis aux psychologues d’acquérir peu à peu une meilleure compréhension du développement et de la persistance des maladies mentales – et plus particulièrement de celles qui sont associées à l’anxiété.

Nous éprouvons tous de l’anxiété de temps à autre. En fait, cette émotion est essentielle à notre survie. Par contre, chez certaines personnes, elle a des effets incapacitants. Nous le savons maintenant, des facteurs autres que les processus biologiques méritent que nous leur portions une attention particulière, et ce, aux fins de la modélisation et du traitement des troubles anxieux. Précisons que nous ne faisons pas référence ici aux processus inconscients ou psychanalytiques!

Les répercussions des pensées automatiques sur le ressenti

Occupant une place de choix dans la littérature psychologique d’avant-garde, la théorie cognitivo-comportementale offre une explication à l’émergence et à la persistance des troubles anxieux. Elle est très simple à comprendre. Selon cette conception théorique, les pensées qui nous viennent automatiquement à l’esprit dans une situation donnée exercent une influence sur les émotions que nous éprouvons à ce moment-là. De même, le ressenti a des répercussions sur le comportement et les décisions que nous adoptons dans cette situation.

Illustrons notre propos par un exemple. Si quelqu’un arrive à une réception en pensant : « dès que j’ouvrirai la bouche, tout le monde remarquera à quel point je suis stupide » (pensée), il se sentira probablement très angoissé (émotion). Vraisemblablement, il décidera de rester dans son coin, de ne parler qu’aux personnes qu’il connaît ou de partir (comportement). Cet exemple montre bien ce qui arrive souvent aux gens souffrant de phobie sociale.

De même, à la vue d’un chien, une personne cynophobe pensera automatiquement que l’animal l’attaquera à coup sûr (pensée). Cette pensée déclenchera la peur chez elle (émotion) et exacerbera son désir de fuir le chien (comportement).

Dans ces deux exemples, c'est cet évitement (de la réception ou de l'animal) qui maintient ces pensées irrationnelles et cette anxiété.

La phobie sociale se caractérise par la peur des évaluations négatives et par l'évitement de situations sociales, comme les fêtes. Photo Mauricio Mascaro

Vous vous demandez peut-être pourquoi certaines personnes craignent qu’on les trouve stupides à une réception alors que d'autres ont peur d'être mordus par un chien. Bien sûr, il y a aussi ceux qui adorent assister à des réceptions et ceux qui caressent tous les chiens qu'ils voient passer dans la rue.

La théorie cognitivo-comportementale fournit la réponse à cette question.

Les croyances: l’idée que l’on se fait de soi, des autres et du monde

Dans une situation précise, les pensées automatiques donnent parfois l’impression qu’elles surgissent de nulle part. En fait, ce schéma de pensée n’a rien d’aléatoire.

Selon la psychologie, chacun possède ses propres croyances sur son identité, sur autrui et sur le fonctionnement du monde et de ses nombreuses composantes. Ainsi, la personne qui a une image positive d’elle-même (« je suis aimable ») saura probablement bien s’adapter. De plus, cette croyance l’aidera à évoluer efficacement en société.

Par contre, celui qui exprime des croyances irrationnelles et négatives à son propre égard (« je suis stupide ») aura tendance à avoir des pensées automatiques comme « il suffit que j’ouvre la bouche pour qu’on se rende compte de ma stupidité ». Dès lors, le développement et la persistance des maladies mentales semblent découler des croyances irrationnelles qu’entretiennent les gens.

Quand nous connaissons les croyances particulières que nourrit une personne, nous comprenons mieux pourquoi elle souffre de tel ou tel trouble anxieux. Par exemple, l’idée que « l’avion n’est pas un mode de transport sécuritaire » sous-tend vraisemblablement un cas d’aviophobie. À l’avenant, la croyance « je suis stupide » peut corréler la présence de symptômes de phobie sociale chez un patient, tandis que la perception que « l’incertitude constitue un danger » explique généralement pourquoi un autre est angoissé par absolument tout (trouble d'anxiété généralisé).

Dans le cas des troubles anxieux, peu importe leurs croyances, la plupart des patients évaluent que la probabilité que se concrétise un résultat appréhendé est plus élevée qu’elle ne l’est réellement (« il est fort probable qu’une araignée se jette sur moi »). Parallèlement, ils croient généralement que leur capacité à faire face au résultat appréhendé est moins élevée qu’elle ne l’est en réalité (« si une araignée grimpe sur moi, je serai incapable de m’en débarrasser »).

Les phobies se caractérisent par une peur irrationnelle d'un objet ou d'une situation spécifique, comme les araignées, les aiguilles, les hauteurs ou l'avion. pixabay.com

Cela étant, l’origine de telles croyances reste floue. Parfois, un patient formulera sa propre hypothèse (« quand j’étais enfant, je voyais toujours ma mère fuir à l’approche d’un chien »). Il importe toutefois de comprendre que la plupart d’entre nous entretiennent, dans une certaine mesure, plusieurs croyances négatives. Par conséquent, d’autres facteurs – comme une prédisposition génétique à éprouver une vive anxiété – interagissent probablement avec ces croyances et provoquent les symptômes débilitants.

Au-delà de la théorie, la science

Pourquoi les psychologues sont-ils persuadés que les croyances jouent un rôle crucial dans le développement et la persistance des troubles anxieux? La réponse à cette question est fort simple: la science. La réalisation de recherches en laboratoire permet de mettre à l’essai et de perfectionner les théories. À preuve, les travaux menés sur la théorie cognitivo-comportementale montrent que si l’on fait croire à un sujet (sain) les choses que croit une personne atteinte de troubles anxieux, ledit sujet ressentira les symptômes associés à de tels troubles.

Les expériences en laboratoire sont essentielles pour évaluer et affiner les théories psychologiques. Concordia University

Dans le cadre d’une expérience, j’ai « manipulé » des croyances relatives à la perte de contrôle. De fait, j’ai suggéré à des participants qu’ils risquaient fort de perdre le contrôle de leurs pensées et de leur comportement. Puis, j’ai fait croire le contraire à d’autres sujets.

Les participants amenés à croire qu’ils étaient à risque de perdre le contrôle ont accompli plus de rites de vérification. Il est important de noter que la théorie cognitivo-comportementale stipule que les croyances relatives à la perte de contrôle contribuent au développement du trouble obsessionnel-compulsif et que la vérification compulsive est le symptôme le plus fréquent de ce même trouble!

Dès lors, cette expérience confirme l’importance des croyances dans le développement des problèmes liés à l’anxiété. Bien entendu, ce type de recherche permet subséquemment au psychologue d’aborder ces croyances en clinique et d’aider son patient souffrant de troubles anxieux.

Traiter les troubles anxieux

D’après la théorie et le soutien scientifique décrits ci-dessus, il semblerait logique que le clinicien cerne les croyances irrationnelles de son patient lorsqu’il tente de trouver un traitement pour les troubles anxieux de ce dernier.

C’est là l’un des volets de la thérapie cognitivo-comportementale. Par exemple, le patient peut être invité à mener une petite expérience scientifique. Plus précisément, le sujet s’exposera aux objets ou aux situations qui le rendent anxieux, puis comparera ses prédictions (potentiellement irrationnelles) à la réalité des faits.

La thérapie cognitivo-comportementale est le traitement de choix pour les problèmes liés à l'anxiété et elle s'est avérée très efficace. Il s'agit souvent d'affronter ses peurs, de remettre en question sa façon de penser et de mettre à l'épreuve ses croyances. © Concordia University, Author provided (no reuse)

Ainsi, petit à petit, le patient remet en cause ses croyances ancrées et acquiert de nouvelles connaissances sur lui-même et autrui, voire sur le monde. C’est connu, la personne ayant un trouble anxieux évite délibérément l’objet de son anxiété. Par exemple, celle qui souffre de phobie sociale s’abstiendra d’assister à des réceptions, ce qui l’empêchera par contre de glaner de l’information « réelle » sur ses peurs.

Bien que l’approche puisse effrayer de prime abord, la thérapie cognitivo-comportementale est le traitement par excellence des problèmes liés à l’anxiété (au-delà de la médication).

Alors, qu’attendez-vous? Il est temps de faire face à vos peurs et de mettre vos croyances à l’épreuve!

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