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abeilles – The Conversation
2024-02-13T15:42:48Z
tag:theconversation.com,2011:article/221150
2024-02-13T15:42:48Z
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Pourquoi toutes les fleurs ne sentent pas la rose… loin de là !
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/575308/original/file-20240213-22-7r8ddf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C33%2C7360%2C4869&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les odeurs des fleurs servent à attirer les pollinisateurs.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/abeille-se-nourrissant-de-fleur-doranger-hphxtt_aUUw">Diana Măceşanu/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p><em>Chaque semaine, nos scientifiques répondent à vos questions dans un format court et accessible, <a href="https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSdior67a7Z5bsoJKoMtltxJ-q9EUW1WneDbrNIWpNZUMJsxkA/viewform">l’occasion de poser les vôtres ici !</a></em></p>
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<p>Le règne végétal est constitué d’environ 350 000 espèces de plantes à <a href="https://theconversation.com/fr/topics/fleurs-39612">fleurs</a>, chacune possédant des caractéristiques distinctes afin d’assurer sa survie. Elles adaptent certaines caractéristiques en fonction de leur environnement et de leurs besoins spécifiques pour ce faire. Parmi ces caractéristiques, l’odeur est celle qui nous est la plus accessible.</p>
<h2>Pourquoi les fleurs produisent-elles des odeurs ?</h2>
<p>L’odeur des fleurs est due à la présence de composés chimiques spécifiques. Elles se servent des odeurs qu’elles produisent comme un moyen d’interaction et de communication entre elles et avec les autres êtres vivants.</p>
<p>La production d’une odeur florale a pour but principal d’attirer les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pollinisateurs-35904">pollinisateurs</a>. La grande majorité des plantes à fleurs sont pollinisées par les insectes et sont dites « entomophiles ». La production d’odeurs florales spécifiques est généralement un des signes indicateurs de la présence de récompenses pour les pollinisateurs : le nectar (sucres) ou le pollen (protéines). Ceci les encourage à s’approcher de la plante pour la butiner et, ce faisant, la polliniser. Les odeurs peuvent également être produites dans le but d’assurer la défense de la plante. Dans ce cas, elles produisent des composés chimiques pour dissuader les herbivores et les florivores. C’est le cas de la lavande (<em>Lavandula angustifolia</em>) qui produit le linalool et le linalyl acetate qui attire des pollinisateurs mais dissuade les herbivores et les florivores.</p>
<p>Les odeurs florales sont un mélange d’un ou plusieurs composés organiques volatils capables de s’évaporer facilement dans l’air. Ces composés sont souvent spécifiques à des groupes de pollinisateurs différents (abeilles, bourdons, fourmis, mouches, papillons, oiseaux, etc.). Ils sont produits en quantité variable par les plantes, aboutissant ainsi à une signature spécifique destinée à attirer un ou plusieurs pollinisateurs.</p>
<h2>Pourquoi les odeurs sont-elles dites agréables ou non ?</h2>
<p>Il est important de noter que la qualification d’une odeur « agréable » ou « désagréable » dépend de la perception humaine. Les plantes, elles, produisent des odeurs dans un but bien précis : celui d’assurer leur reproduction et leur survie sur terre.</p>
<p>Les senteurs peuvent varier en fonction des pollinisateurs que souhaite attirer la plante. Par exemple certaines espèces adoptent la stratégie de production d’odeurs « sucrée » comme chez la lavande, le jasmin, le lys et les jacinthes pour attirer des pollinisateurs comme les papillons, des abeilles et des bourdons.</p>
<p>D’autres fleurs comme les Rafflesia, les Araceae ou encore certaines Orchidaceae miment des odeurs associées à la décomposition organique (odeur de charogne, d’urine, de matières fécales, de viande pourrie chez l’orchis brûlé ou l’orchis bouc) pour attirer des mouches ou d’autres insectes nécrophages.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/575362/original/file-20240213-24-9m0ay7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/575362/original/file-20240213-24-9m0ay7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/575362/original/file-20240213-24-9m0ay7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/575362/original/file-20240213-24-9m0ay7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/575362/original/file-20240213-24-9m0ay7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/575362/original/file-20240213-24-9m0ay7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/575362/original/file-20240213-24-9m0ay7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/575362/original/file-20240213-24-9m0ay7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Fleurs d’Orchis bouc, une plante qui produit une odeur de bouc pour attirer des pollinisateurs.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Orchis_bouc#/media/Fichier:Himantoglossum_hircinum_MHNT.jpg">Didier Descouens/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Selon les espèces de plantes, les odeurs peuvent être produites pour attirer un pollinisateur particulier, on dit alors qu’elles sont « spécialisées » comme chez des figuiers ou, au contraire, dites « généraliste » lorsqu’elles attirent plusieurs groupes de pollinisateurs comme la lavande.</p>
<p>La production des odeurs des fleurs coïncide généralement avec la période d’activité de leur pollinisateur. Plus précisément, par exemple, on observe chez les orchidées africaines des espèces dites « sphingophiles » qui présentent de grosses fleurs blanches produisant beaucoup de nectar. Celles-ci sont odorantes uniquement pendant la nuit car elles attirent un pollinisateur nocturne : le papillon sphinx. D’autres espèces proches dites « mélittophiles » possèdent de petites fleurs blanches qui sentent uniquement durant la journée et qui sont alors pollinisées par des abeilles qui sont généralement diurne.</p>
<p>Parfois, l’odeur d’une plante peut être imperceptible par le nez humain mais bel et bien détectée par des pollinisateurs. C’est le cas des orchidées du genre Ophrys, qui sont généralement pollinisées par des abeilles solitaires. <a href="https://theconversation.com/pollinisation-les-insectes-pris-au-piege-du-leurre-amoureux-des-orchidees-203012">L’Ophrys</a> utilise une stratégie d’attraction appelée la « déception florale », qui attire les insectes pollinisateurs en imitant des caractères visuels ou olfactifs sans fournir la récompense attendue. Cette stratégie est traduite par la forte ressemblance des fleurs d’Ophrys avec la forme, la couleur et même l’odeur d’une abeille femelle que le mâle ainsi leurré viendra polliniser.</p>
<h2>Pourquoi certaines plantes ne sentent-elles pas du tout ?</h2>
<p>Dans la plupart des cas, les plantes qui ne produisent aucune odeur sont pollinisées par le vent, elles sont dites « anémophiles » par exemple le noisetier commun et le maïs. Elles possèdent souvent des fleurs discrètes et peu colorées car elles n’ont pas besoin d’un visiteur (autre que le vent…) pour transporter leur pollen vers d’autres fleurs de la même espèce. Pour compenser, elles produisent d’énormes quantités de pollen très léger qui seront facilement dispersées par le vent.</p>
<p>Ceci montre que les plantes ont des stratégies de reproduction très variables (comme les exemples ci-dessus d’anémophilie ou d’entomophilie) adaptées à leur environnement et aux conditions spécifiques de pollinisation.</p>
<p>En conclusion, les odeurs des plantes contiennent des composés chimiques volatils pas simplement agréables ou non pour les humains, mais qui sont avant tout produits pour assurer un rôle dans la survie des espèces impliquées, plantes comme insectes (mais pas que !). Elles permettent la communication avec les autres organismes vivants. En plus des odeurs, les plantes à fleurs utilisent d’autres caractéristiques visuelles toutes aussi fascinantes telles que la couleur et la forme, ainsi qu’une récompense plus ou moins riche, le nectar, pour attirer les pollinisateurs.</p>
<p>La prochaine fois que vous verrez une fleur, vous irez sûrement sentir son parfum, et pourrez imaginer son importance et deviner le groupe de pollinisateurs qui assure sa survie !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221150/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lydie Messado Kamga ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les plantes ne produisent pas des odeurs pour plaire aux humains mais pour attirer des pollinisateurs qui assureront leur reproduction.
Lydie Messado Kamga, Doctorante en biologie végétale, Institut de recherche pour le développement (IRD)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/219999
2024-01-22T15:31:50Z
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Glyphosate et après : où va le droit des pesticides ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/566247/original/file-20231218-21-76ww21.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C12%2C2032%2C1348&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Épandage de pesticides dans les Yvelines, en France.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/yvelines/50342895677/">© Nicolas Duprey / CD 78</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>À l’heure où la Commission européenne a procédé au <a href="https://theconversation.com/le-glyphosate-revelateur-de-linfluence-des-lobbys-industriels-sur-la-science-reglementaire-215604">renouvellement de l’approbation du glyphosate</a> pour une période de dix ans, l’abstention de la France lors du vote interroge.</p>
<p>D’un côté, Foodwatch et Générations futures dénoncent une <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/11/16/glyphosate-la-decision-de-reautorisation-de-la-commission-europeenne-critiquee62005163244.html">« trahison »</a>, quand Greenpeace pointe le « manque de courage » du gouvernement. De l’autre, l’absence affichée de choix politique pourrait s’interpréter comme un refus, certes timide, de soutenir la proposition européenne.</p>
<p>Le regard sur les pesticides a, en effet, bien changé. S’ils ont été ce « parapluie chimique » à l’abri duquel les cultures industrielles se sont développées, aujourd’hui leurs effets <a href="https://theconversation.com/pesticides-et-biodiversite-les-liaisons-dangereuses-182815">délétères pour l’environnement</a> et la santé sont attestés par un nombre croissant d’<a href="https://www.anses.fr/fr/content/liens-cancers-pediatriques-residence-vignes">études</a>.</p>
<p>Mais changer les modes de protection des cultures pour sortir de la dépendance aux pesticides chimiques revient à <a href="https://theconversation.com/pesticides-les-alternatives-existent-mais-les-acteurs-sont-ils-prets-a-se-remettre-en-cause-146648">bouleverser les modes de production agricole</a> majoritaires. Trancher en faveur de la transition agroécologique est un vrai choix politique, économique et citoyen difficile à assumer.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/glyphosate-vous-avez-dit-probablement-cancerogene-216947">Glyphosate : vous avez dit « probablement » cancérogène ?</a>
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<p>Le droit, qui encadre les conditions d’usage des pesticides et assure le contrôle des risques attachés à leur utilisation, est pourtant un puissant outil à mobiliser pour y parvenir. Les normes juridiques actuelles comprennent effectivement les possibilités de remettre en cause le modèle dominant.</p>
<p>La Constitution française reconnaît elle-même, dans la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/contenu/menu/droit-national-en-vigueur/constitution/charte-de-l-environnement">Charte de l’environnement</a>, que « certains modes de consommation ou de production » affectent « la diversité biologique, l’épanouissement de la personne et le progrès des sociétés humaines ». Le droit peut ainsi être un levier essentiel de la transition agroécologique.</p>
<p>Mais face aux intérêts de l’agro-industrie et à la nature diffuse des dommages, les règles relatives à la mise sur le marché et l’usage des pesticides sont largement désarmées. Les juges, saisis par la société civile, sont alors appelés à monter au front.</p>
<h2>Un droit désarmé</h2>
<p>Le droit européen des produits phytopharmaceutiques a pour objet aussi bien le contrôle de l’efficacité de ces produits que la prévention de leurs dangers pour la santé et l’environnement. La réglementation est stricte, puisque tous les produits destinés à protéger les végétaux doivent faire l’objet d’une autorisation de mise sur le marché et ne doivent pas présenter d’effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine et animale, pas plus que d’effets inacceptables sur la biodiversité et les écosystèmes.</p>
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<p>Par ailleurs, les textes comme le juge affirment que « l’objectif de protection de la santé et de l’environnement […] devrait <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32009R1107">primer</a> sur l’objectif d’amélioration de la production végétale ». C’est que la réglementation repose sur l’illusion d’une maîtrise complète des risques : on peut mettre sur le marché des produits dangereux puisque, dans les conditions d’usage préconisées, ils sont censés ne pas avoir d’effet nocif.</p>
<p>C’est peu dire que les conditions fixées par le droit ne sont pas respectées et ne peuvent pas l’être, sauf à repenser nos modèles de protection des cultures : c’est-à-dire réduire les quantités et la dangerosité, promouvoir l’usage de produits alternatifs moins dangereux, s’orienter vers d’autres modes de phytoprotection, mais aussi modifier les critères de sélection des semences pour les rendre <a href="https://theconversation.com/cereales-les-mils-meilleurs-allies-dune-agriculture-durable-nourriciere-et-resiliente-199051">plus résistantes aux parasites et maladies</a>.</p>
<p>On l’aura compris, vouloir atteindre les objectifs fixés par la réglementation, en termes de protection de la santé et de l’environnement, apparaît de nature à remettre en cause le système de production conventionnel le plus répandu, fondé sur l’utilisation de pesticides chimiques. L’enjeu est donc pour les industriels de désarmer le droit afin de le rendre inoffensif.</p>
<h2>Infiltrer le droit</h2>
<p>Pour ce faire, les efforts se portent principalement sur les données scientifiques produites lors des demandes d’autorisation. Si les stratégies sont diversifiées : données scientifiques faussées, <a href="https://theconversation.com/pesticides-et-sante-ne-pas-ignorer-ce-que-lon-sait-56405">production du doute</a>, mais l’une des plus discrète et efficace est probablement d’infiltrer le processus de production des normes techniques régissant notamment la conduite des évaluations.</p>
<p>La « science réglementaire » qui en est issue produit alors une vision tronquée, étroite, des effets des pesticides sur la santé et l’environnement, là où les études scientifiques et académiques, en adoptant une approche globale et systémique, montrent, au contraire, la diversité des facteurs de risques et la difficulté, voire l’impossibilité, de les <a href="https://www.inrae.fr/actualites/biodiversite-services-rendus-nature-que-sait-limpact-pesticides">contrôler</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-glyphosate-revelateur-de-linfluence-des-lobbys-industriels-sur-la-science-reglementaire-215604">Le glyphosate, révélateur de l’influence des lobbys industriels sur la « science réglementaire »</a>
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<p>Ce sont ainsi les fondements mêmes de la décision publique d’autoriser – ou non – la mise sur le marché d’un produit qui sont biaisés, alors même que cette décision, de nature politique résulte en principe d’une mise en balance des intérêts en présence.</p>
<h2>Contrepoids juridiques insuffisants</h2>
<p>En outre, les contrepoids juridiques que constituent les régimes de responsabilité pénale et civile sont largement inopérants en la matière.</p>
<p>Le droit pénal sanctionne en effet le non-respect des règles d’emploi des produits et vise ainsi les usagers, les agriculteurs en première ligne, et non les responsables de la conception et de la mise sur le marché des pesticides.</p>
<p>Quant au droit de la responsabilité civile, il est inapplicable du fait de l’impossibilité d’établir le lien de causalité indispensable entre l’usage d’un produit et la perte de biodiversité ou la pollution des nappes phréatiques notamment. Reste alors le recours aux juges amenés à contrôler l’action des pouvoirs publics.</p>
<h2>Des juges appelés au front</h2>
<p>Depuis quelques années, la contestation de l’inertie administrative en matière environnementale s’intensifie ; elle n’est pas seulement politique et sociale, mais aussi juridique. C’est ainsi que l’on assiste à une multiplication des procédures juridictionnelles qui s’explique, entre autres, par le travail des associations et l’élargissement de leurs conditions d’accès au prétoire.</p>
<p>Des affaires célèbres (<a href="https://laffairedusiecle.net/">« l’Affaire du siècle »</a>, notamment) ont, par exemple, conduit le juge administratif français à sanctionner la carence de l’État à respecter ses engagements pour diminuer ses émissions de gaz à effet de serre (GES).</p>
<p>Dans le même sens, la Cour européenne des droits de l’homme est actuellement saisie de plusieurs recours dirigés contre les pays membres du Conseil de l’Europe et pointant leur <a href="https://www.echr.coe.int/documents/d/echr/fs_climate_change_fra">inaction climatique</a>.</p>
<h2>Des condamnations périodiques</h2>
<p>En matière de pesticides, les juridictions viennent régulièrement rappeler au gouvernement la nature de ses obligations. En 2023, la <a href="https://www.leclubdesjuristes.com/international/neonicotinoides-la-cour-de-justice-de-lunion-europeenne-siffle-la-fin-de-la-derogation-551/">Cour de justice de l’UE</a> et le <a href="https://www.conseil-etat.fr/actualites/neonicotinoides-pas-de-derogation-possible-a-l-interdiction-europeenne">Conseil d’État</a> ont, par exemple, jugé que les dérogations pour l’utilisation de néonicotinoïdes étaient illégales, dès lors que la Commission européenne avait formellement interdit ce type de pesticide.</p>
<p>Suivant la même logique, le Tribunal de l’Union a, le <a href="https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2023-10/cp230153fr.pdf">4 octobre 2023</a>, confirmé l’application du principe de précaution aux produits phytosanitaires, considérant que pour que la demande d’approbation d’une substance active soit refusée il suffit qu’une simple incertitude quant à la présence d’un risque pour la santé puisse être identifiée.</p>
<p>Enfin, dans une décision remarquable, le tribunal administratif de Paris a considéré le <a href="http://paris.tribunal-administratif.fr/Actualites-du-Tribunal/Espace-presse/Prejudice-ecologique-lie-a-l-utilisation-des-produits-phytopharmaceutiques-l-%C3%89tat-est-condamne">29 juin 2023</a> que l’État a méconnu les objectifs qu’il s’était lui-même fixés en matière de réduction de l’usage des pesticides et l’a condamné à réparer le préjudice écologique causé par ces produits.</p>
<p>La réponse du gouvernement ne s’est d’ailleurs pas fait attendre : le <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/02/28/pesticides-l-etat-ne-fixe-pas-d-objectif-de-reduction-des-produits-phytosanitaires-pour-le-nouveau-plan-ecophyto-2030_6163587_3234.html">nouveau plan Ecophyto</a> est vidé de ses objectifs chiffrés, par crainte que les juges ne rendent obligatoire ce qui avait été pensé, à l’origine, comme des affichages politiques sans conséquence.</p>
<h2>Prendre en compte les générations futures</h2>
<p>Les juges ne peuvent pas tout, l’affaire du <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/06/27/scandale-du-chlordecone-la-justice-reconnait-des-negligences-fautives-de-l-etat_6132239_3244.html">chlordécone</a> en atteste. Désormais saisis de ces questions environnementales, ils s’érigent néanmoins en gardiens des promesses politiques non tenues et en protecteurs des écosystèmes des générations futures.</p>
<p>Le tribunal administratif de Strasbourg a ainsi pu suspendre, le <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/11/07/dechets-toxiques-de-stocamine-le-droit-des-generations-futures-applique-pour-la-premiere-fois-par-la-justice_6198787_3244.html">7 novembre 2023</a>, l’arrêté qui prolongeait l’autorisation de stockage souterrain de produits dangereux non radioactifs, accordée pour une durée illimitée à la société des Mines de potasse d’Alsace (Stocamine).</p>
<p>Il a considéré qu’il fallait analyser davantage les alternatives à l’enfouissement de déchets au nom du droit à un environnement sain dont bénéficient les générations futures depuis une récente décision du <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/communique/decision-n-2023-1066-qpc-du-27-octobre-2023-communique-de-presse">Conseil constitutionnel</a>.</p>
<p>Audacieuse, l’interprétation est pour l’heure encore provisoire, dans l’attente d’un jugement sur le fond. Elle témoigne toutefois d’un réel changement d’appréhension des problématiques sanitaires et environnementales par les juridictions. Elles tentent d’interpréter les décisions administratives dont elles sont saisies en se projetant vers l’avenir et en analysant si les trajectoires de réduction de substances dangereuses sont bel et bien suivies par les autorités.</p>
<p>Ce type de raisonnement quasi probabiliste est complexe à mener, car il suppose aussi le recours à une expertise scientifique solide. En outre, les juges sont contraints par les règles de droit applicables au litige. L’engagement de la responsabilité de l’État, en ces matières comme ailleurs, répond en effet à des conditions strictes et notamment celle de la preuve du lien de causalité et celle du préjudice invoqué.</p>
<h2>Pour un retour du politique</h2>
<p>C’est parfois là qu’achoppe, en matière de pollution atmosphérique ou dans le dossier du chlordécone par exemple, le travail du juge. Celui-ci ne peut avoir réponse à tout et, parfois, seul un <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/10/09/glyphosate-theo-grataloup-porteur-de-graves-malformations-apres-une-exposition-prenatale-sera-indemnise_6193378_3244.html">fonds d’indemnisation</a> peut prendre le relais.</p>
<p>Au-delà du consensus social et des juridictions, la protection du climat, de l’environnement ou de la biodiversité nécessite des décisions politiques. L’interdiction des produits les plus dangereux, la prise en compte de l’incertitude, le principe pollueur-payeur sont d’ores et déjà prévus par le droit actuel. Reste au <a href="https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-43161-rapport-enquete-echec-ecophyto.pdf">pouvoir politique</a> à s’en <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/environnement/budget-2024-le-gouvernement-renonce-a-la-hausse-des-taxes-sur-les-pesticides-et-lirrigation-en-agriculture">souvenir</a> et à l’appliquer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219999/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sara Brimo, en tant que titulaire de la Chaire « Observatoire Santé et Environnement - Analyse Juridique et InterdisciplinaiRe (OSE AJIR) » a reçu des financements de l'ANR.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Isabelle Doussan a reçu des financements de l'ANR. </span></em></p>
En réaction aux détournements du droit par les fabricants de pesticides, les juges deviennent progressivement des acteurs de la défense de la santé et de l'environnement.
Sara Brimo, Professeur Junior HDR en droit public, Université Paris-Panthéon-Assas
Isabelle Doussan, Directrice de Recherche en droit, Inrae
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/214796
2023-10-10T21:14:23Z
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Les animaux et les plantes peuvent-ils s’entraider ?
<p>Les plantes constituent le premier maillon des chaînes alimentaires. Elles sont consommées par les animaux ou les insectes herbivores, qui à leur tour sont les proies des prédateurs. Les plantes fournissent donc les éléments essentiels à la survie des animaux. Bien que basées sur des interactions où l’un se nourrit de l’autre, les chaînes alimentaires jouent un rôle essentiel dans le maintien de la circulation de la matière, qui sera ensuite remobilisée sous forme d’éléments nutritifs par les décomposeurs, au bénéfice des plantes qui s’en nourrissent.</p>
<p>Dans la grande majorité des cas, les herbivores se nourrissent de plantes, mais il existe des cas où les plantes se nourrissent d’insectes herbivores, c’est le cas des plantes carnivores.</p>
<p>Mais où est l’entraide dans tout cela, puisque ces interactions sont bénéfiques uniquement pour un seul des partenaires au détriment de l’autre qui est consommé ?</p>
<p>Pour qu’il y ait entraide, il faut que les bénéfices soient réciproques pour les deux espèces qui interagissent, c’est ce que l’on appelle scientifiquement un mutualisme.</p>
<h2>Les animaux aident les plantes à se reproduire</h2>
<p>La pollinisation et la dispersion des graines font partie des mutualismes les plus connus entre des plantes et des animaux. Dans le premier cas, les animaux pollinisateurs, transportant des grains de pollen d’une fleur à une autre, permettent à la plante de se reproduire. Les insectes, tels que les abeilles, les papillons ou les bourdons, sont parmi les pollinisateurs les plus importants. Dans le deuxième cas, les disséminateurs dispersent les graines dans des environnements favorables à leur germination. Les oiseaux, les singes, les éléphants, les fourmis constituent quelques exemples d’animaux disperseurs. En retour, les animaux pollinisateurs et disperseurs de graines bénéficient d’une récompense alimentaire sous forme de nectar floral sucré et riche en énergie ou de pulpe de fruits.</p>
<p>Moins bien connu, mais tout aussi important que les mutualismes de dispersion du pollen et des graines, évoquons le mutualisme de protection. Il implique des plantes et des fourmis, peut être facultatif ou obligatoire.</p>
<h2>Quand les fourmis protègent les plantes</h2>
<p>Dans le cas du mutualisme de protection opportuniste et non spécifique, de nombreuses espèces de fourmis interagissent avec des plantes. Le point commun de ces plantes est de secréter du nectar au niveau de petites glandes situées sur les feuilles (nectaires extrafloraux), qui se différencient des glandes florales. Les nectaires extrafloraux produisent des liquides généralement riches en sucres qui peuvent également contenir des acides aminés, des protéines et des vitamines. À l’instar du nectar floral, qui attire et « récompense » des animaux pollinisateurs, le nectar extrafloral attire en premier lieu les fourmis.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/553018/original/file-20231010-15-lvtiga.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Fourmis Azteca andreae qui chassent un insecte sur une feuille de Cecropia obtusa en Guyane française." src="https://images.theconversation.com/files/553018/original/file-20231010-15-lvtiga.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/553018/original/file-20231010-15-lvtiga.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/553018/original/file-20231010-15-lvtiga.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/553018/original/file-20231010-15-lvtiga.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/553018/original/file-20231010-15-lvtiga.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/553018/original/file-20231010-15-lvtiga.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/553018/original/file-20231010-15-lvtiga.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Fourmis Azteca andreae qui chassent un insecte sur une feuille de Cecropia obtusa en Guyane française.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Céline Leroy</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les ouvrières patrouillent ainsi sur l’ensemble du feuillage et des branches des plantes. Agressives et prédatrices, les fourmis expulsent ou capturent les herbivores, assurant ainsi la protection de la plante. Le coût que représente la production de nectar pour la plante est ainsi compensé par le bénéfice qu’elle retire de cette défense par procuration.</p>
<p>Certaines plantes tropicales vivent obligatoirement avec une ou quelques espèces de fourmis spécialistes. La majorité de ces interactions se produit dans les zones tropicales d’Asie du Sud-Est, d’Afrique et d’Amérique Centrale et du Sud. La spécificité et la fidélité de ces interactions reposent sur des spécialisations importantes, à la fois chez la plante et chez les fourmis.</p>
<p>Du côté des plantes, désignées comme « plantes à fourmis », le développement de structures creuses, permettant le logement de la colonie de fourmis, est un caractère fondamental. Ces structures creuses sont localisées, selon les cas, au niveau du tronc, des rhizomes ou des feuilles. En plus du logement, les plantes à fourmis peuvent également, mais pas systématiquement, fournir des aliments aux fourmis, sous forme de nectar extrafloral et/ou de « corps nourriciers » qui couvrent tout ou partie des besoins de la colonie de fourmis.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/553019/original/file-20231010-27-uuf49m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Détail du tronc de la plante à fourmis Cecropia obtusa, présente en Guyane française, montrant les logements où habitent la colonie de fourmis." src="https://images.theconversation.com/files/553019/original/file-20231010-27-uuf49m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/553019/original/file-20231010-27-uuf49m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/553019/original/file-20231010-27-uuf49m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/553019/original/file-20231010-27-uuf49m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/553019/original/file-20231010-27-uuf49m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1134&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/553019/original/file-20231010-27-uuf49m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1134&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/553019/original/file-20231010-27-uuf49m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1134&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Détail du tronc de la plante à fourmis Cecropia obtusa, présente en Guyane française, montrant les logements où habitent la colonie de fourmis.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Céline Leroy</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Du côté des fourmis, la capacité des reines fondatrices à reconnaître la plante hôte est un caractère primordial. Si les fourmis bénéficient de nourriture fournie par la plante, elles n’en demeurent pas moins prédatrices. Les proies capturées fournissent une source principale ou complémentaire d’azote aux fourmis qui, en exerçant leur prédation sur le feuillage de leur plante hôte, contribuent à sa protection contre les herbivores. Au-delà de ce rôle de protection, les fourmis apportent des nutriments à leur plante hôte en déposant leurs excréments et/ou des déchets divers dans les logements.</p>
<hr>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : <a href="mailto:tcjunior@theconversation.fr">tcjunior@theconversation.fr</a>. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre. En attendant, tu peux lire tous les articles <a href="https://theconversation.com/fr/topics/the-conversation-junior-64356">« The Conversation Junior »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214796/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Céline Leroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Plantes et animaux peuvent coopérer. C’est le cas de certaines fourmis qui, en échange de nourriture, vont protéger la plante contre les herbivores.
Céline Leroy, Directrice de recherche en écologie tropicale, Institut de recherche pour le développement (IRD)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/187408
2023-05-30T16:10:01Z
2023-05-30T16:10:01Z
Biomimétisme : retour sur Amelios, un dispositif économique inspiré de la pollinisation des abeilles
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/522773/original/file-20230425-1294-tbi6n3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C38%2C5106%2C3290&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Afin de limiter au minimum ses dépenses, l’abeille séléctionne les espèces qu’elle butine, en se concentrant par exemple sur une certaine couleur, une certaine odeur et une certaine forme de fleurs, dont elle assurera la fécondation.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/f0OL01IHbCM"> Jenna Lee sur Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Approche innovante, pluridisciplinaire et inspirée du vivant pour concevoir des produits, des services et des procédés, le biomimétisme consiste à s’appuyer sur les mécanismes existants dans la nature afin de développer des procédés respectueux de l’environnement.</p>
<p>Parmi les innovations technologiques les plus célèbres en matière de biomimétisme, on peut citer le <a href="https://cultea.fr/le-velcro-quand-la-curiosite-a-permis-la-creation-dun-produit-revolutionnaire.html">Velcro</a> (ou scratch), issu de la technique de dissémination de la bardane, dont les fruits s’accrochent au pelage des mammifères. Ou bien le <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/photos/nature-biomimetisme-nature-inspire-innovations-2134/oiseaux-shinkansen-train-bec-oiseau-15866/">Shinkasen</a>, train japonais dont les nuisances sonores étaient devenues invivables lorsqu’il pénétrait dans un tunnel : les ingénieurs se sont appuyés sur la forme du bec des martins-pêcheurs, qui fendent en toute discrétion, sans aucune éclaboussure, la surface de l’eau pour plonger pêcher.</p>
<p>Mais le biomimétisme ne se réduit pas à des technologies en tant que telles : s’il ne s’accompagne pas d’une remise en question de nos modes de production, son impact sera limité. Si son utilisation en revanche s’inscrit dans des systèmes eux-mêmes bioinspirés, il peut se révéler plus pertinent. Dans ce contexte, l’Agence de la transition écologique (Ademe) expérimente dans le cadre du projet BLOOM, en Hauts-de-France, la notion de territoire bioinspiré.</p>
<p>C’est par exemple l’ambition d’Amelios, un dispositif fondé sur les quatre principes du biomimétisme – la parcimonie, la coopération, l’optimisation et la responsabilité. Il est notamment tiré d’un modèle imaginé par l’économiste Yann Moulier-Boutang dans son livre <a href="https://www.decitre.fr/livres/l-abeille-et-l-economiste-9782355360305.html"><em>L’abeille et l’économiste</em></a>, publié en 2010 après la crise des « subprimes », qui promeut les économies d’énergie en imitant la formidable capacité des abeilles mellifères à optimiser leur dépense.</p>
<h2>Comprendre l’énergie des abeilles</h2>
<p>L’abeille butineuse qui sort de sa ruche va collecter d’une part le nectar de la fleur pour fabriquer du miel, et d’autre part du pollen afin de nourrir les larves de la colonie.</p>
<p>Il lui est par conséquent indispensable d’optimiser <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Wx9qg-OU0YE">sa dépense énergétique</a>, en fonction non seulement de la distance qu’elle parcourt mais aussi de la quantité de pollen qu’elle transporte. Elle utilise pour voler le nectar stocké dans son jabot, qui joue le rôle d’apport énergétique en sucre – pour 3 à 5km, elle devra butiner entre 1 000 et 1 500 fleurs ! Afin de limiter au minimum ses dépenses, l’abeille sélectionne les espèces qu’elle butine, en se concentrant par exemple sur une certaine couleur, odeur et forme de fleurs, dont elle assurera la fécondation.</p>
<p>Par la pollinisation, elle travaille ainsi non seulement à l’avenir de sa colonie mais aussi au bon développement des organismes environnants, produisant des externalités positives pour la planète et pour l’humain « en diffusant gratuitement la vie ».</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Wx9qg-OU0YE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’énergie des abeilles (Nature = Futur !, MNHN, 14 octobre 2019)).</span></figcaption>
</figure>
<h2>Une théorie née après la crise des subprimes</h2>
<p>C’est de ce modèle ingénieux de diffusion et de coopération chez les abeilles que s’est inspiré <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2010/05/31/l-abeille-et-l-economiste-de-yann-moulier-boutang_1365300_3234.html">Yann Moulier-Boutang</a> pour imaginer sa théorie. L’idée est de permettre à chaque individu de constituer un stock d’énergie à partir d’un bilan énergétique et de le faire fructifier comme le font les abeilles en pollinisant les arbres fruitiers. Avec l’objectif de concilier la baisse rapide des émissions et préservation de la biodiversité sur un territoire.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/522777/original/file-20230425-22-jitz3c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="couverture de livre" src="https://images.theconversation.com/files/522777/original/file-20230425-22-jitz3c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522777/original/file-20230425-22-jitz3c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=781&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522777/original/file-20230425-22-jitz3c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=781&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522777/original/file-20230425-22-jitz3c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=781&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522777/original/file-20230425-22-jitz3c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=981&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522777/original/file-20230425-22-jitz3c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=981&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522777/original/file-20230425-22-jitz3c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=981&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’abeille et l’économiste, Yann Moulier-Boutang.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>À chaque changement d’usage ou de comportement, changement de fenêtre, isolation d’un toit, choix d’un autre mode de déplacement moins énergivore, l’individu épargne de l’énergie et constitue ainsi un capital qui est déposé dans une banque de l’énergie. Des actions fondées sur la bienveillance et la coopération peuvent également être prises en compte.</p>
<p>Ce capital peut grossir à mesure que les sociétaires – particuliers ou entreprises – multiplient leurs externalités positives en faveur de la société : faire du covoiturage ou être bénévole dans une association, par exemple.</p>
<h2>Amelios, le dispositif testé à Senlis</h2>
<p>C’est Philippe Botte, ancien de Veolia et désormais bénévole retraité, qui a souhaité mettre en pratique la théorie de Yann Moulier-Boutang pour en faire un vrai dispositif économique à l’échelle de Senlis, dans l’Oise – où est implanté le <a href="https://ceebios.com/">Ceebios, centre européen d’excellence sur le biomimétisme</a>, avec lequel l’Agence de la transition écologique (Ademe) a signé une convention afin de mener des actions d’acculturation et d’accompagnement des acteurs économiques, de la recherche et des territoires sur le biomimétisme. L’idée étant de valoriser à l’échelle d’un territoire les économies d’énergie et la réduction des émissions de GES, en une monnaie permettant de financer des actions pour la biodiversité.</p>
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<p>Pour cela, Philippe Botte a d’abord créé un site de démonstration, un bâtiment en matériaux renouvelables construit à Senlis sur une parcelle pour laquelle il a contracté des obligations réelles environnementales, un dispositif juridique né en 2016 qui offre à un propriétaire immobilier de sanctuariser la biodiversité sur sa parcelle en s’engageant par un contrat signé à y préserver le vivant dans des conditions qu’il fixe lui-même. C’est ce qu’a fait Philippe Botte avec le Centre permanent d’initiatives pour l’environnement de l’Oise.</p>
<p>Il a en parallèle créé une société civile de patrimoine, Pole-N, qui permet de gérer des actifs immatériels non codifiables comme la bienveillance, et dont les bénéfices – tirés des économies d’énergie – sont reversés à une association naturaliste.</p>
<h2>Une monnaie indexée sur l’état de la nature</h2>
<p>Les économies d’énergie sont converties en « CoO » (pour coopération), une monnaie fluctuant en fonction des impacts sur l’environnement et la biodiversité. Plus les impacts sur l’environnement sont mauvais plus la valeur du CoO sera élevée – mais cette valeur demeure toujours supérieure à celle de l’euro. Plus les dégâts sur l’environnement et la biodiversité sont faibles plus la valeur des CoO sera basse.</p>
<p>C’est donc une monnaie qui n’a de la valeur que si on coopère et que l’on enrichit le vivant. Contrairement à l’euro et au dollar, elle est « informationnelle », c’est-à-dire que son cours est directement dépendant de l’état de la nature et de la consommation d’énergie sur le territoire (évalués à partir des actions menées par les sociétaires). A l’image de l’abeille, qui en rentrant à la ruche, informe par une danse ses congénères de la présence proche d’un cerisier en fleurs.</p>
<p>De là, Philippe Botte a commencé à créer un réseau de sociétaires à l’échelle de la ville, encore embryonnaire à ce stade, qui peuvent transformer leurs certificats d’économie d’énergie et leurs actions en faveur de la société, en un capital stocké sur la banque de l’énergie, Amelios. Ce capital donne la possibilité à chaque sociétaire de frapper monnaie lui-même (en imprimant des billets de CoO).</p>
<p>Ses détenteurs obtiennent en la présentant des remises auprès des commerçants membres du réseau – par exemple le coiffeur ou le maraîcher, qui lui reçoit davantage, le CoO ayant une valeur supérieure à l’euro.</p>
<p>À terme, l’objectif est que le modèle se disperse horizontalement, à l’image de la pollinisation : que partout en France, des territoires le copient à leur échelle et en fonction de leurs problématiques environnementales.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187408/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Iman Bahmani-Piaseczny ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Testé à Senlis, ce système tend à valoriser, à l’échelle d’un territoire, les actions de coopération et d’épargne d’énergie menées par ses membres, avec une monnaie indexée sur l’état de la nature.
Iman Bahmani-Piaseczny, Coordinatrice du pôle transversal recherche-innovation-investissement d’avenir, Ademe (Agence de la transition écologique)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/205911
2023-05-19T13:22:53Z
2023-05-19T13:22:53Z
Les abeilles peuvent apprendre, mémoriser, penser et prendre des décisions
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/527111/original/file-20230518-21019-3s1ww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C988%2C646&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les abeilles sont des animaux intelligents qui ressentent probablement la douleur, se souviennent des motifs et des odeurs et reconnaissent même les visages humains.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Au moment où les arbres et les fleurs s’épanouissent au printemps, les abeilles sortent de leurs nids et cachettes hivernales. Pour de nombreuses espèces, c’est le <a href="https://theconversation.com/spring-signals-female-bees-to-lay-the-next-generation-of-pollinators-134852">moment de s’accoupler</a>. Et certaines construisent de nouveaux nids solitaires ou des colonies. </p>
<p>Les abeilles et les autres pollinisateurs sont essentiels à la société. Ils fournissent environ un tiers de la <a href="https://theconversation.com/a-bee-economist-explains-honey-bees-vital-role-in-growing-tasty-almonds-101421">nourriture que nous consommons</a>, un service dont la valeur mondiale est estimée à <a href="https://doi.org/10.1038/nature20588">577 milliards de dollars américains par année</a>.</p>
<p>Mais les abeilles sont également intéressantes à bien d’autres égards. Dans mon nouveau livre, <a href="https://islandpress.org/books/what-bee-knows"><em>What a Bee Knows : Exploring the Thoughts, Memories, and Personalities of Bees</em></a>, rédigé à la lumière de mes <a href="https://scholar.google.com/citations?user=tqms8REAAAAJ&hl=en">50 années de recherche sur les abeilles</a>, j’explore la façon dont ces créatures perçoivent le monde et leurs étonnantes capacités de navigation, d’apprentissage, de communication et de mémorisation. Voici ce que j’ai appris.</p>
<h2>Au-delà des ruches et du miel</h2>
<p>À l’image des abeilles mellifères, l’idée que toutes les abeilles sont sociales et vivent dans des ruches ou des colonies avec une reine est largement répandue. Or, seulement 10 % des abeilles sont sociales. Et la plupart des types d’abeilles ne produisent pas de miel.</p>
<p>La majorité des abeilles mènent une vie solitaire, creusant des nids dans le sol ou trouvant des terriers de coléoptères abandonnés dans le bois mort pour y élire domicile. Certaines abeilles sont des cleptoparasites, c’est-à-dire qu’elles se faufilent dans des <a href="https://www.sciencefriday.com/articles/death-and-thievery-in-the-colony/">nids inoccupés pour y pondre leurs œufs</a>. On observe ce même comportement chez certains oiseaux, notamment chez les vachers qui pondent leurs œufs dans les nids d’autres oiseaux et <a href="https://madisonaudubon.org/blog/2018/8/9/into-the-nest-cowbirds-everybodys-favorite-villain">laissent les parents nourriciers, qui ne se doutent de rien, élever leurs petits</a>.</p>
<p>Quelques espèces d’abeilles tropicales, connues sous le nom d’abeilles vautours (ou abeilles charognardes), survivent en <a href="https://doi.org/10.1128/mBio.02317-21">mangeant des carcasses</a>. Leurs intestins contiennent des bactéries acidophiles qui leur permettent de digérer la viande en décomposition. </p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/CGWgbHdgmBB/ ?utm_source=ig_web_copy_link\u0026igshid=MzRlODBiNWFlZA==","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<h2>Des cerveaux bien remplis</h2>
<p>Les abeilles perçoivent le monde très différemment des humains. Mais de manière tout aussi complexe. Les abeilles sont des animaux intelligents qui <a href="https://doi.org/10.1016/j.anbehav.2016.05.005">ressentent probablement la douleur</a>, se souviennent des motifs et des odeurs et <a href="https://doi.org/10.1242/jeb.01929">reconnaissent même les visages humains</a>. Elles <a href="https://doi.org/10.1006/nlme.1996.0069">peuvent résoudre des labyrinthes</a> et utiliser des outils simples. </p>
<p>Les recherches montrent que les abeilles <a href="https://doi.org/10.1016/j.cub.2020.12.027">ont conscience de leur existence</a> et pourraient même avoir une <a href="https://doi.org/10.1016/j.cub.2017.08.008">forme primitive de conscience</a>. Pendant les six à dix heures que les abeilles <a href="https://doi.org/10.7717/peerj.9583">passent à dormir quotidiennement</a>, les souvenirs sont <a href="https://doi.org/10.1016/j.neubiorev.2014.09.020">consolidés</a> dans leur étonnant cerveau, un organe de la taille d’une graine de pavot qui contient un million de cellules nerveuses. Il semblerait que les <a href="https://doi.org/10.1016/j.cub.2015.09.001">abeilles puissent même rêver</a>. Et j’aime beaucoup cette idée. </p>
<h2>Un monde sensoriel étranger</h2>
<p>L’expérience sensorielle des abeilles est très différente de la nôtre. Par exemple, les humains voient le monde à travers les couleurs primaires <a href="http://hyperphysics.phy-astr.gsu.edu/hbase/vision/colcon.html">rouge, vert et bleu</a>. Pour les abeilles, les couleurs primaires sont le <a href="https://doi.org/10.1007/978-3-642-71496-2_15">vert, le bleu et l’ultraviolet</a>.</p>
<p>La vision des abeilles est <a href="https://doi.org/10.1146/annurev.ento.010908.164537">60 fois moins précise que celle des humains</a> : une abeille qui vole ne peut voir les détails d’une fleur qu’à une distance d’environ 10 pouces. Cependant, les abeilles peuvent voir des <a href="https://theconversation.com/les-tournesols-ont-des-motifs-imperceptibles-qui-attirent-les-pollinisateurs-177602">motifs floraux cachés dans l’ultraviolet</a> qui sont invisibles pour nous, et ces motifs les conduisent au nectar des fleurs.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le naturaliste David Attenborough utilise la lumière ultraviolette pour montrer comment les fleurs peuvent apparaître différemment aux abeilles et aux humains.</span></figcaption>
</figure>
<p>Les abeilles peuvent également repérer les fleurs en détectant les changements de couleur à distance. Lorsque les humains regardent un film projeté à 24 images par seconde, les images individuelles semblent se confondre avec le mouvement. Ce phénomène, appelé <a href="https://www.cchst.ca/oshanswers/ergonomics/lighting/lighting_flicker.html">seuil de fusion du papillotement</a>, indique la capacité de notre système visuel à résoudre les images en mouvement. Les abeilles ont une fréquence de fusion des scintillements beaucoup plus élevée – il faudrait passer le film 10 fois plus vite pour qu’il leur paraisse flou – et peuvent donc survoler une prairie fleurie et <a href="https://doi.org/10.1007/BF00610583">voir des points lumineux de couleur</a> qui ne se distingueraient pas pour les humains.</p>
<p>De loin, les abeilles détectent les fleurs par leur odeur. L’odorat de l’abeille est <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0009110">100 fois plus sensible</a> que le nôtre. Des scientifiques ont utilisé des abeilles pour renifler des produits chimiques <a href="https://entomologytoday.org/2013/11/25/can-trained-bees-detect-cancer-in-patients/">associés au cancer</a> et <a href="https://www.cbsnews.com/boston/news/boston-researchers-train-bees-to-detect-diabetes/">au diabète</a> dans l’haleine de patients ainsi que pour détecter la présence <a href="https://www.technologyreview.com/2006/12/07/227361/using-bees-to-detect-bombs/">d’explosifs</a>. </p>
<p>Le sens du toucher des abeilles est également très développé : elles peuvent sentir de minuscules crêtes semblables à des empreintes digitales <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.82.14.4750">sur les pétales de certaines fleurs</a>. Les abeilles sont <a href="https://doi.org/10.1080/0005772X.1995.11099233">presque sourdes</a> à la plupart des sons aériens, sauf si elles sont très proches de la source. Mais elles sont sensibles aux vibrations. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1348645052134944771"}"></div></p>
<h2>Résoudre des problèmes</h2>
<p>Les abeilles <a href="https://doi.org/10.1080/0005772X.1995.11099233">peuvent naviguer dans des labyrinthes</a> aussi bien que les souris, et des études montrent qu’elles sont conscientes des dimensions de leur corps. Par exemple, lorsque de gros bourdons ont été entraînés à voler puis à passer par une fente dans une planche pour atteindre la nourriture de l’autre côté, les abeilles ont <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.2016872117">tourné leur corps de côté et dissimulé leurs pattes</a>. </p>
<p>Des expériences menées par le chercheur canadien Peter Kevan et Lars Chittka en Angleterre ont démontré que les abeilles ont une capacité d’apprentissage remarquable. Des bourdons ont été entraînés à tirer une ficelle – en d’autres termes, à utiliser un outil – reliée à un disque en plastique contenant des cavités cachées remplies d’eau sucrée. Ils pouvaient voir les puits de sucre mais ne pouvaient pas obtenir la récompense <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pbio.1002564">à moins de tirer sur la ficelle</a>.</p>
<p>D’autres abeilles ouvrières ont été placées dans une cage grillagée où elles pouvaient voir ce que faisaient un autre groupe d’abeilles entraînées à tirer cette ficelle. Une fois les nouvelles élèves libérées, elles ont également tiré sur la ficelle pour obtenir les friandises. Cette étude a démontré ce que les scientifiques appellent <a href="https://www.britannica.com/science/social-learning">l’apprentissage social</a> – agir de manière à imiter le comportement des autres.</p>
<h2>La pollinisation par les vibrations</h2>
<p>Même la pollinisation, l’un des comportements les plus connus des abeilles, peut être beaucoup plus compliquée qu’il n’y paraît. </p>
<p>Le processus de base est similaire pour tous les types d’abeilles : les femelles transportent sur leur corps des grains de pollen, les cellules sexuelles des plantes, d’une fleur à l’autre, afin de collecter du pollen et du nectar pour se nourrir et nourrir leurs larves en développement. Lorsque le pollen frotte sur le <a href="https://www.amnh.org/learn-teach/curriculum-collections/biodiversity-counts/plant-identification/plant-morphology/parts-of-a-flower">stigmate d’une fleur</a>, il y a pollinisation. </p>
<p>Mon domaine de recherche préféré sur les abeilles examine une méthode appelée <a href="https://doi.org/10.1016/j.pbi.2013.05.002">pollinisation par vibration</a>. Les abeilles l’utilisent sur environ 10 % des 350 000 espèces de plantes à fleurs du monde qui possèdent des <a href="https://www.amnh.org/learn-teach/curriculum-collections/biodiversity-counts/plant-identification/plant-morphology/parts-of-a-flower">anthères</a> spéciales, structures qui produisent du pollen. </p>
<p>Par exemple, les cinq anthères d’une fleur de tomate sont pincées ensemble, comme les doigts fermés d’une main. Le pollen est libéré par un ou deux petits pores situés à l’extrémité de chaque anthère. </p>
<p>Lorsqu’une femelle bourdon se pose sur une fleur de tomate, elle mord une anthère et contracte ses muscles de vol de <a href="https://doi.org/10.1093/jxb/erab428">100 à 400 fois par seconde</a>. Ces puissantes vibrations éjectent le pollen des pores de l’anthère sous la forme d’un nuage qui happe l’abeille. Et tout ça, en quelques dixièmes de seconde. </p>
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<figcaption><span class="caption">Des bourdons font une démonstration de pollinisation par vibration sur une fleur de violette de Perse.</span></figcaption>
</figure>
<p>L’abeille, alors suspendue par une patte, racle le pollen dans des « paniers » – des structures situées sur ses pattes arrière. Elle répète ensuite la vibration sur les anthères restantes avant de passer à d’autres fleurs.</p>
<p>Les abeilles utilisent également la pollinisation par vibration sur les fleurs de bleuets, de canneberges, d’aubergines et de kiwis. Mes collègues et moi-même menons des expériences pour déterminer la biomécanique entourant la <a href="https://doi.org/10.1098/rsif.2022.0040">façon dont les vibrations des abeilles éjectent le pollen des anthères</a>. </p>
<h2>Planter pour les abeilles</h2>
<p>De nombreuses espèces d’abeilles sont en <a href="https://theconversation.com/il-faut-sauver-les-abeilles-on-ne-peut-pas-se-permettre-de-perdre-nos-pollinisateurs-naturels-117280">déclin dans le monde entier</a>, en raison de facteurs de stress tels que les <a href="http://dx.doi.org/10.1126/science.1255957">parasites, les pesticides et la perte d’habitat</a>.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Cubes de bois remplis de brindilles et de briques" src="https://images.theconversation.com/files/526311/original/file-20230515-18664-v796la.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/526311/original/file-20230515-18664-v796la.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/526311/original/file-20230515-18664-v796la.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/526311/original/file-20230515-18664-v796la.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/526311/original/file-20230515-18664-v796la.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/526311/original/file-20230515-18664-v796la.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/526311/original/file-20230515-18664-v796la.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un « hôtel à insectes » pour abeilles solitaires et autres insectes nicheurs, fabriqué à partir de tiges, de briques et de blocs de bois.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/insect-hotel-for-solitary-bees-and-artificial-nesting-place-news-photo/601067110">Arterra/Universal Images Group vis Getty Images</a></span>
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<p>Que vous ayez une jardinière en appartement ou plusieurs hectares de terrain, vous pouvez poser quelques <a href="https://theconversation.com/to-help-insects-make-them-welcome-in-your-garden-heres-how-153609">gestes simples pour aider les abeilles</a>. </p>
<p>Tout d’abord, plantez des fleurs sauvages indigènes afin que les fleurs soient disponibles à chaque saison. Deuxièmement, essayez d’éviter d’utiliser des insecticides ou des herbicides. Troisièmement, aménagez un terrain dégagé où les abeilles fouisseuses peuvent faire leur nid. </p>
<p>Avec un peu de chance, vous aurez bientôt de nouvelles voisines bourdonnantes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205911/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stephen Buchmann ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les scientifiques découvrent des phénomènes étonnants sur la perception sensorielle et les capacités cognitives des abeilles.
Stephen Buchmann, Adjunct Professor of Entomology and of Ecology and Evolutionary Biology, University of Arizona
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/205070
2023-05-14T15:21:18Z
2023-05-14T15:21:18Z
Pesticides et abeilles : comment les fongicides s’attaquent à la reine
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/524406/original/file-20230504-27-2ofmnf.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=30%2C53%2C1164%2C811&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Reine d'abeille entourée d'ouvrières.</span> <span class="attribution"><span class="source">Freddie-Jeanne Richard</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Ce n’est plus un secret pour personne tant les alarmes se multiplient : les menaces pèsent sur les pollinisateurs, alors que la grande majorité des plantes à fleurs ont besoin d’eux pour transporter le pollen et donc se reproduire. Pour les attirer, les fleurs ont de nombreuses astuces. Elles utilisent des <a href="https://theconversation.com/changement-climatique-les-abeilles-deboussolees-par-la-nouvelle-odeur-des-fleurs-114776">odeurs</a>, des couleurs, des formes… et peuvent aussi produire du nectar.</p>
<p>Ce travail de pollinisation est effectué par 1080 espèces d’oiseaux, <a href="https://doi.org/10.1111/conl.12162">plus de 340 espèces de mammifères décrites</a> et même certains lézards. Au moins <a href="https://www.hup.harvard.edu/catalog.php?isbn=9780674811751">20 000 espèces d’abeilles</a> dans le monde aident plus de 80 % d’espèces de plantes à fleurs à se reproduire. Excellents vecteurs de pollen, les abeilles en utilisent aussi pour leur propre consommation.</p>
<p>La biodiversité étant menacée par des facteurs <a href="https://www.nature.com/articles/536143a">essentiellement anthropiques</a> (surexploitation, activités agricoles, développement urbain, augmentation des <a href="https://theconversation.com/le-frelon-asiatique-est-entre-dans-paris-62746">espèces exotiques envahissantes</a>, des maladies et la pollution, le nombre de pollinisateurs ne cesse donc de diminuer, les animaux étant soumis à un large éventail de <a href="https://theconversation.com/quand-lalimentation-des-abeilles-sauvages-raconte-les-modifications-de-leur-environnement-193178">stress</a> qui, s’ils ne sont pas nécessairement mortels, limitent leurs performances et les services écologiques fournis.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/tj9UGlh1o1Y?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’énergie des abeilles (Muséum national d’histoire naturelle, 6 avril 2020).</span></figcaption>
</figure>
<h2>Fongicides et butineuses affaiblies</h2>
<p>Conçus à l’origine pour tuer, les pesticides sont des produits chimiques utilisés généralement sur les organismes nuisibles aux cultures – les herbicides pour détruire les herbes et les fongicides les champignons, par exemple.</p>
<p>Le Boscalid est un fongicide de la famille des SDHI, largement utilisé en culture sur les arbres fruitiers et les fleurs de colza. Son action cible la respiration mitochondriale des champignons en inhibant la succinate deshydrogénase essentielle dans la voie de production d’énergie (ATP) – présente chez de nombreuses espèces – avec pour conséquence de cette inhibition une perturbation du métabolisme dont les mécanismes de détoxification.</p>
<p>Les abeilles exposées aux SDHI sont plus sensibles <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.aam7470">à d’autres pesticides</a> et <a href="https://doi.org/10.3390/insects4010071">aux pathogènes</a>. Les fonctions chez elles liées à la recherche de nourriture seraient également perturbées, comme le suggère l’augmentation de la consommation et de la collecte de pollen <a href="https://doi.org/10.1016/j.envpol.2020.115964">dans les études de terrain</a>.</p>
<p>Si les SDHI ne présentent pas de toxicité aiguë pour les abeilles domestiques, des observations d’une durée supérieure au test standard de 10 jours ou en extérieur révèlent une augmentation de la mortalité à la suite d’une exposition à des concentrations de SDHI existantes dans la nature. D’autres résultats montrent qu’ils réduisent les performances de vol et l’apprentissage chez les abeilles ouvrières et perturbent la reconnaissance des nids chez les abeilles solitaires.</p>
<h2>L’impact sur la reine</h2>
<p>Mais d’autres effets indirects pourraient exister : chez l’abeille domestique, la reine détient le monopole de la reproduction et donne naissance à l’ensemble des ouvrières de la colonie. Ne s’accouplant qu’au début de sa vie, elle ne dispose que de quelques jours pour faire le stock de spermatozoïdes nécessaire : le bon déroulement de la reproduction est donc essentiel pour elle et sa colonie.</p>
<p>Elle est en outre dès son émergence alimentée par les ouvrières : dans le cadre d’une étude, nous avons donc nourri des ouvrières avec du Boscalid ou sa formule commerciale, le pictor pro, avec des quantités comparables aux concentrations retrouvées en milieu naturel. Au printemps, les reines émergentes ont été alimentées par ces ouvrières exposées pendant deux jours.</p>
<p>Nous avons pu constater que les reines exposées au fongicide meurent significativement plus pendant et peu après la période des vols nuptiaux. La survie des reines exposées au pictor pro diminue par exemple de 48 % par rapport aux reines non exposées. Les analyses sur la descendance des reines ayant survécu au vol nuptial montrent également qu’elles s’accouplent avec 23 % de mâles en moins que les reines non exposées. Or des études ont montré les effets bénéfiques de la diversité génétique apportée <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0000980;http://www.sciencemag.org/cgi/content/full/317/5836/362">par les accouplements multiples</a> en modifiant les signaux de fertilité des reines (ses phéromones) et la productivité des colonies (plus de miel).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="épandage de pesticides dans un champ" src="https://images.theconversation.com/files/524414/original/file-20230504-25-hvmfft.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/524414/original/file-20230504-25-hvmfft.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/524414/original/file-20230504-25-hvmfft.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/524414/original/file-20230504-25-hvmfft.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/524414/original/file-20230504-25-hvmfft.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/524414/original/file-20230504-25-hvmfft.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/524414/original/file-20230504-25-hvmfft.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La contamination de l’environnement par les pesticides (largement utilisés en agriculture) contribue largement au déclin de la biodiversité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nicolas Duprey/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La descendance affectée</h2>
<p>Nos résultats montrent donc que le Boscalid perturbe la reproduction, comme l’indique une augmentation spectaculaire de la mortalité des reines <a href="https://doi.org/10.1016/j.envpol.2023.121131">pendant et peu après la période des vols nuptiaux</a>.</p>
<p>Mais l’exposition des reines au Boscalid a en outre des conséquences néfastes sur les colonies qu’elles ont ensuite établies : entre autres, la production d’œufs et de larves est plus faible, les colonies sont davantage parasitées par le Varroa – acarien vecteur de maladies chez les abeilles – et des différences apparaissent dans les quantités de stockage de pollen et la taille de la population.</p>
<p>Ces perturbations observées au niveau de la colonie correspondent à des conditions de stress nutritionnel et pourraient donc résulter d’une réduction de l’apport énergétique de la reine aux œufs.</p>
<h2>La reproduction, facteur clé dans le déclin des abeilles ?</h2>
<p>Nous avons ainsi constaté que les reines exposées présentaient une diminution des niveaux d’expression génétique d’une protéine impliquée dans la formation des corps gras.</p>
<p>Dans l’ensemble, nos résultats confirment la nécessité d’inclure la reproduction dans les caractéristiques mesurées au cours des procédures d’évaluation des risques liés aux pesticides. À ce jour en effet, l’évaluation des risques des pesticides avant l’autorisation de mise sur le marché réalisée sur les pollinisateurs ne considère que les ouvrières sans étudier les effets sur les reproducteurs (femelles et mâles).</p>
<p>Lorsque la reine joue un rôle clé dans la reproduction, comme chez les abeilles domestiques et d’autres insectes monogynes, la dégradation de cette reproduction pourrait être l’un des principaux facteurs de perte des colonies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205070/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Freddie-Jeanne Richard a réalisé ces recherches dans le cadre du projet « Explora », avec le soutien financier de l’OFB dans le cadre de l’APR « Produits phytopharmaceutiques : de l’exposition aux impacts sur la santé humaine et les écosystèmes » lancé dans le cadre du plan Écophyto II+ et co-piloté par les ministères de la Transition écologique, de l’Agriculture et de l’Alimentation, des Solidarités et de la Santé et de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation.
</span></em></p>
Des recherches sur un fongicide montrent que les effets sur l’abeille domestique se traduisent par des dégâts sur la reine, la qualité de sa reproduction et sa descendance.
Freddie-Jeanne Richard, Enseignante chercheuse en écologie et comportement des invertébrés, Université de Poitiers
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/198823
2023-01-31T19:32:20Z
2023-01-31T19:32:20Z
Comment les abeilles se tiennent chaud en hiver ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567601/original/file-20240102-19-9zxbla.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C1%2C613%2C623&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption"></span> </figcaption></figure><p>En hiver, de nombreux insectes disparaissent. Ils se réfugient dans des endroits protégés du froid et des intempéries et attendent, endormis, la venue du printemps. Les colonies d’abeilles mellifères font de même, et les ruches ne présentent aucune activité hivernale visible, mais elles doivent conserver la chaleur que produisent les abeilles. La survie de la colonie en dépend grandement.</p>
<p>Les abeilles ne sortent pas en raison du froid et restent regroupées pour former ce que l’on appelle la « grappe hivernale ». Elles sont plus ou moins en léthargie, elles présentent une activité limitée. Elles se déplacent un peu, notamment pour s’alimenter : elles consomment les réserves de miel qu’elles ont stockées avant l’hiver, ou des blocs de sucre que les apiculteurs leur ont fournis par crainte d’un manque de nourriture. Grâce à cet apport énergétique, elles contractent régulièrement leurs muscles thoraciques <a href="https://journals.biologists.com/jeb/article/206/2/353/13914/Endothermic-heat-production-in-honeybee-winter">pour produire de la chaleur</a>. Elles maintiennent ainsi au sein du groupe une température supérieure à 10 °C qui assure leur survie, quelle que soit la température extérieure.</p>
<p>Dès le retour des beaux jours et de températures plus clémentes, la température au sein des ruches pourra remonter et restera maintenue aux alentours de 35 °C – la température optimale pour assurer le développement des larves et le renouvellement des ouvrières adultes au sein des colonies.</p>
<h2>La caméra thermique, un outil de suivi hivernal des ruchers</h2>
<p>Pour les apiculteurs, la période hivernale sert à préparer la nouvelle saison apicole, en bricolant et en préparant les cadres de ruches qui recevront les nouvelles productions de miel de la nouvelle année. Cette période est toutefois compliquée car ils ne doivent pas ouvrir les ruches pour vérifier l’état de leurs colonies, car si la température descend en dessous de 10 °C au sein de la ruche, la colonie peut mourir.</p>
<p>Comment savoir alors si les colonies vont bien, si le nombre d’abeilles n’est pas trop bas, si elles ne sont pas malades, s’il n’y a pas de mortalité excessive, si elles ont assez de réserves de nourriture… ceci sans aller regarder dans les ruches ?</p>
<p>Les apiculteurs, surtout professionnels, ont besoin d’outils de suivi non intrusifs de leurs colonies. La prise de mesures de température au sein des ruches est une analyse intéressante qui permet un suivi de la santé des colonies. Toute colonie en bonne santé maintient sa température au-dessus de 10 °C-12 °C. Diverses techniques permettent cela, notamment par la mise en place de sondes thermiques au sein des ruches. Toutefois, elles nécessitent une installation parfois assez lourde, et surtout peuvent ne pas permettre une mesure thermique fine au sein de la grappe, celle-ci pouvant se positionner en divers endroits dans la ruche.</p>
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<p>L’imagerie infrarouge est ainsi une alternative de choix. Ce rayonnement étant corrélé à la chaleur, une caméra infrarouge, dite thermique, permet de visualiser de l’extérieur, et sans toucher aux ruches, la température émise par les abeilles qui réchauffe les parois des ruches. Une couleur bleu-violet homogène de la ruche indique classiquement une absence de chaleur, donc une colonie qui est malheureusement morte. Par contre, une zone plus ou moins étendue colorée en jaune et blanc indique la position de la grappe d’abeille qui émet de la chaleur.</p>
<p>L’image thermique de la ruche permet de suivre sa température, de visualiser la localisation de la grappe d’abeille et ainsi de vérifier que la colonie est toujours vivante. Une caméra thermique peut, de fait, devenir un outil important pour assurer le suivi hivernal des colonies d’abeilles. Néanmoins, le prix de ces caméras reste relativement haut.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198823/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Darrouzet a reçu des financements de C-Valo et du matériel de Edialux. </span></em></p>
Pour évaluer la santé d’une ruche en plein hiver, prenez sa température !
Eric Darrouzet, Chercheur sur les insectes sociaux, spécialiste du frelon asiatique, Université de Tours
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2022-11-09T23:43:05Z
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Quand l’alimentation des abeilles sauvages raconte les modifications de leur environnement
<p>Elles sont plus de 20 000 espèces à l’échelle de notre planète, 2000 en Europe… Pourtant, les abeilles sauvages sont en danger. Selon l’<a href="https://uicn.fr/">Union internationale pour la conservation de la nature (UICN)</a>, bon nombre sont <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0185809">menacées, en déclin ou en passe de décliner</a>. Mais l’ampleur réelle du phénomène reste méconnue car, paradoxalement, le statut de conservation de certaines espèces n’est pas renseigné du fait de données manquantes sur leur distribution et abondance : impossible alors de savoir ce qu’il en est. Même en Europe, où les recherches et les suivis sont considérables, les données manquantes concernent près de <a href="https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/85452815-51f6-4d84-926c-8230d55385d6/language-en">57 % des espèces</a>.</p>
<p>Malgré un intérêt grandissant de l’opinion publique, des politiques et des scientifiques et la multiplication des initiatives de conservation, une part non négligeable d’espèces d’abeilles sauvages continue de décliner. En cause, de nombreuses menaces telle <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.1255957">l’intensification des pratiques agricoles avec utilisation de pesticides et simplification des assolements (dégradation de la biodiversité florale), les changements climatiques ainsi que l’introduction d’espèces invasives</a>.</p>
<p>Une étude menée dans six régions du monde (Afrique, Asie pacifique, Australie/Nouvelle-Zélande, Europe, Amérique latine et Amérique du Nord) a montré qu’occupation et utilisation des sols sont à chaque fois les <a href="https://www.nature.com/articles/s41559-021-01534-9">principales causes responsables</a> des difficultés des pollinisateurs. En effet, les modifications du cortège floristique qu’elles entraînent peuvent représenter un stress nutritionnel pour les abeilles se nourrissant du pollen, principale source de protéines et lipides, et du nectar, principale source de sucres. La <a href="https://resjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.0307-6946.2005.00662.x">disponibilité en matériaux végétaux pour la nidification est, par conséquent, elle aussi perturbée</a>.</p>
<p>Comprendre l’impact des pratiques d’utilisation du sol sur les abeilles sauvages s’avère capital pour éclairer et orienter les stratégies de protection et de conservation de leurs populations. Et pour suivre cet impact, nous avons développé une approche innovante basée sur l’alimentation de ces pollinisateurs.</p>
<h2>Une méconnaissance préjudiciable de cette diversité sauvage</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="Une abeille du genre andrène" src="https://images.theconversation.com/files/491673/original/file-20221025-23-k5fl69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491673/original/file-20221025-23-k5fl69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=523&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491673/original/file-20221025-23-k5fl69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=523&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491673/original/file-20221025-23-k5fl69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=523&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491673/original/file-20221025-23-k5fl69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491673/original/file-20221025-23-k5fl69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491673/original/file-20221025-23-k5fl69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les abeilles Andrènes comptent plus de 1 300 espèces, ce qui en fait un des plus grands groupes d’abeilles sauvages. Leur diversité les rend difficiles à identifier.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Entomart</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Premier élément à prendre en compte : le manque de connaissances, d’éducation et d’attention envers les abeilles sauvages. L’abeille domestique (l’abeille à miel de l’apiculture) est en effet bien plus facilement identifiée comme « abeille » que d’autres genres ou <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/fee.1531">espèces sauvages comme les osmies (famille des Mégachilidés) ou les andrènes</a> – qui sont ainsi moins préservés.</p>
<p>Les abeilles sauvages sont aussi nombreuses que diverses en termes de morphologies, comportements de nidification et d’approvisionnement. Pour extraire le nectar en profondeur des fleurs, certaines ont des langues courtes, d’autres longues. La collecte du pollen peut se faire par des structures spécialisées comme la scopa chez les osmies ou non comme chez les abeilles masquées (famille des Collétidés) – qui le transportent en l’avalant puis en le régurgitant de retour au nid.</p>
<p>Concernant le nid lui-même, là encore il y a de grandes différences… mais il ressemble rarement à la fameuse ruche des abeilles « domestiques ». Dans la famille des Andrénidés, on creuse la terre pour s’y installer, chez les Xylocopes c’est le bois de tiges ou de troncs. Le genre <em>Sphecodes</em> ne prend pas cette peine et, tel un « coucou », s’introduit plutôt dans les nids de ses cousines du genre <em>Lasioglossum</em> pour y pondre ses œufs.</p>
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<h2>Des études trop souvent limitées</h2>
<p>Pour les spécialistes aussi, parfois les données manquent. Nous l’avons dit, pour de nombreuses espèces, impossible de connaître avec précision leur statut de conservation (en danger ou non). Une raison est que souvent elles ne sont pas suivies sur des échelles spatio-temporelles suffisamment étendues.</p>
<p>Une étude a prouvé que pour représenter fidèlement les changements dans les populations d’abeilles sauvages, le plus efficace (et le plus fiable) était d’analyser <a href="https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/1365-2664.13755">entre 75 et 145 sites sur une période de 10 ans</a> : ce qui est rarement voire jamais le cas, du fait d’un manque de ressources humaines et financières.</p>
<p>Le coût de telles études peut paraître élevé, cependant il serait inférieur à 0,02 % de la <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0035954">valeur économique fournie par la pollinisation, estimé à 351 millions de dollars</a>. En effet, les abeilles sont responsables de la <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1600-0706.2010.18644.x">pollinisation de 87 % des plantes à fleurs</a> et il était démontré que la <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.1230200">pollinisation des cultures par les abeilles sauvages multiplie par deux le succès de nouaison</a> (développement du fruit après fécondation) par rapport à une pollinisation effectuée uniquement par les abeilles domestiques.</p>
<p>Pour tenter de répondre à ces limites spatio-temporelles et développer des mesures correctives pour la conservation de la biodiversité, plusieurs approches complémentaires ont émergé.</p>
<h2>Une nouvelle approche</h2>
<p>Une nouvelle approche, nommée physiologie de la conservation, qui permet de mettre en évidence des liens entre une cause (activités humaines) et ses effets sur un organisme, est en plein développement. Le postulat derrière cette discipline est simple : dans beaucoup voire la plupart des cas, des modifications physiologiques apparaissent suite à un stress et leur étude permet d’estimer l’impact de changements environnementaux sur la santé des organismes. Chez les mammifères, des marqueurs de stress sont déjà utilisés pour évaluer l’effet de la qualité des habitats.</p>
<p>Chez les abeilles sauvages, étudier les réserves énergétiques est particulièrement pertinent : le stockage réalisé chez ces espèces dépend en effet en grande partie de l’apport nutritionnel, et donc de la disponibilité des ressources florales. L’hypothèse de travail que j’ai développée est qu’une diminution dans l’abondance et/ou la diversité des ressources florales conduit à une réduction des réserves énergétiques.</p>
<p>À l’aide de mesures morphométriques (taille, poids) et de mesures du métabolisme énergétique, je décris la condition corporelle des abeilles de façon individuelle et notamment :</p>
<ul>
<li><p>Le glycogène (sucres), qui constitue le carburant pour l’activité de vol et pour lutter contre les températures extrêmes.</p></li>
<li><p>Les triglycérides (acides gras), qui permettent de faire fonctionner les muscles alaires, sont impliqués dans la production des œufs et mobilisés dans les épisodes de disette.</p></li>
<li><p>Les protéines, qui interviennent dans les phases de diapause (phase de développement de l’organisme où il se met en pause) et sont impliquées dans le maintien de l’immunité.</p></li>
</ul>
<h2>Une application concrète dans un projet européen</h2>
<p>Dans le <a href="https://nutrib2.project.uj.edu.pl/about-project">projet européen NutriB²</a>, nous avons échantillonné des communautés d’abeilles dans des agroécosystèmes en Allemagne et en Belgique caractérisés par leur diversité florale et leur indice de perturbation du paysage – qui compile trois paramètres d’utilisation du paysage : apports en azote, fréquence de pâturage et de fauchage.</p>
<p>Nos objectifs sont doubles :</p>
<p>1) Déterminer comment la disponibilité des ressources florales, en particulier leur diversité, affecte la santé des abeilles sauvages et identifier les espèces les plus sensibles aux perturbations,</p>
<p>2) Identifier les mesures physiologiques et morphologiques les plus pertinentes pour étudier la sensibilité des abeilles à la disponibilité des ressources florales.</p>
<p>Après avoir analysé 670 individus femelles appartenant à 28 espèces, allant des petites halictes (ou abeilles de la sueur) aux plus imposants bourdons, j’ai pu tester si des liens entre variables paysagères (causes) et marqueurs physiologiques (effets) existaient. Et la réponse est oui.</p>
<p>L’une des premières relations montre une diminution du poids des individus avec l’augmentation des perturbations du paysage chez plusieurs espèces de bourdons notamment : <em>Bombus hortorum</em>, <em>B. humilis</em>, <em>B. lucorum</em> et <em>B. sylvarum</em>, alors que d’autres espèces comme <em>B. pascuorum</em> ou <em>B. lapidarius</em> ne sont pas affectées. Cette relation, assez intuitive, met en évidence l’effet négatif des perturbations du paysage sur le poids, un trait déterminant car impliqué notamment dans la capacité à porter plus ou moins de pollen – et aussi connu pour être positivement relié à la fécondité chez plusieurs espèces.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Ouvrière B. sylvarum en train de collecter du pollen" src="https://images.theconversation.com/files/491678/original/file-20221025-19-cx6ruy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491678/original/file-20221025-19-cx6ruy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491678/original/file-20221025-19-cx6ruy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491678/original/file-20221025-19-cx6ruy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491678/original/file-20221025-19-cx6ruy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491678/original/file-20221025-19-cx6ruy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491678/original/file-20221025-19-cx6ruy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Chez des espèces comme Bombus sylvarum, une perte de poids a été enregistrée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ivar Leidus</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces données sont d’autant plus intéressantes que, parmi les espèces concernées, le bourdon forestier <em>B. sylvarum</em> a été placé sur la liste des espèces prioritaires en termes de conservation en Grande-Bretagne et au Pays de Galle du fait de son statut « menacé ». Le bourdon forestier émergeant tardivement dans la saison, l’une des explications pourrait être que les espèces florales à disposition ne sont plus suffisamment diverses et abondantes pour lui permettre de pourvoir de façon optimale à ses besoins alimentaires.</p>
<p>Une autre relation intéressante démontre une diminution du contenu en triglycérides avec une augmentation de la diversité florale mesurée chez plusieurs espèces et notamment deux espèces d’andrènes. Ce phénomène de réduction du stockage en acides gras est un <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1606101113">choix nutritionnel courant des abeilles</a>, notamment chez les bourdons, pour qui les pollens protéinés (plutôt que gras) sont plus adaptés. L’hypothèse est que la diversité florale permettrait à ces espèces de choisir le régime alimentaire le plus adapté à leur survie et reproduction, ce qui ne serait pas possible lors d’une trop faible diversité florale – la qualité nutritive du pollen et du nectar pouvant largement varier entre espèces florales.</p>
<h2>Des approches pleines de promesses</h2>
<p>En définitive, les marqueurs physiologiques sont prometteurs dans les études de suivi de l’état de santé des populations d’abeilles sauvages, notamment pour mesurer l’impact des changements environnementaux.</p>
<p>Leur sensibilité permet une compréhension anticipée des dysfonctionnements éventuels survenant à l’échelle d’une population. Ceci dit, le chemin est encore long pour une utilisation plus large de ces outils. Il faudrait par exemple développer une base de données de marqueurs simples et facilement utilisables (par ex. poids et taille) – ce qui faciliterait leur adoption par les scientifiques et gestionnaires du territoire.</p>
<p>Ce n’est qu’en consultant et dialoguant avec les parties prenantes que les réticences et barrières liées à la conservation des espèces pourront être surmontées.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 7 au 17 octobre 2022 en métropole et du 10 au 27 novembre 2022 en outre-mer et à l’international), dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition a pour thème : « Le changement climatique ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193178/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Clémentine Leroy a reçu des financements dans le cadre d'un projet européen suite à un appel d’offre BiodivERsA.</span></em></p>
Les abeilles ont un capital sympathie important… mais on oublie leurs consœurs sauvages ! Primordiales pour l’environnement, elles sont tout aussi menacées. Une méconnaissance préjudiciable.
Clémentine Leroy, Doctorante en écophysiologie, Inrae
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/193916
2022-11-09T15:03:45Z
2022-11-09T15:03:45Z
Après les humains, les abeilles sont les seuls animaux capables de faire la différence entre les nombres pairs et impairs
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/493364/original/file-20221103-24-opavd5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C29%2C3876%2C2555&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En apprenant à d’autres espèces animales à distinguer les nombres pairs et impairs et à effectuer d’autres opérations mathématiques abstraites, nous pouvons en apprendre davantage sur la façon dont les mathématiques et la pensée abstraite sont apparues chez les humains.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>« Deux, quatre, six, huit… »</p>
<p>Enfants, nous apprenons que les chiffres peuvent être pairs ou impairs. Et il existe de nombreuses façons de les classer.</p>
<p>Nous pouvons mémoriser la règle selon laquelle les chiffres se terminant par 1, 3, 5, 7 ou 9 sont impairs, tandis que ceux se terminant par 0, 2, 4, 6 ou 8 sont pairs. Nous pouvons aussi diviser un nombre par 2 : si le résultat est un nombre entier, cela signifie qu’il est pair, sinon il est forcément impair.</p>
<p>De même, dans le monde réel, nous pouvons utiliser l’appariement lorsque nous travaillons avec des objets. Si un élément reste non apparié, nous avons donc un nombre impair d’objets.</p>
<p>Jusqu’à présent, la catégorisation paire et impaire, également appelée classification par parité, n’avait jamais été prouvée chez les animaux non humains. Dans une nouvelle étude <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fevo.2022.805385/full">publiée récemment</a> dans la revue <em>Frontiers in Ecology and Evolution</em>, nous démontrons que les abeilles domestiques peuvent apprendre à le faire.</p>
<h2>Pourquoi la classification par parité est-elle particulière ?</h2>
<p>Les tâches de parité (telles que la catégorisation des impairs et des pairs) sont considérées comme des <a href="https://psycnet.apa.org/record/1993-44067-001?doi=1">concepts numériques abstraits et de haut niveau chez les humains</a>.</p>
<p>Il est intéressant de noter que l’être humain fait preuve de biais de précision, de vitesse, de langage et de relations spatiales lorsqu’il classe les nombres en catégories paire ou impaire. Par exemple, nous <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0010027799000487">avons tendance à répondre plus rapidement</a> aux nombres pairs avec des actions effectuées par notre main droite, et aux nombres impairs avec des actions effectuées par notre main gauche.</p>
<p>Nous sommes également plus rapides, et plus précis, lorsque nous classons les nombres pairs par rapport aux nombres impairs. Et les recherches ont montré que les enfants associent généralement le mot <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022096599925183">« pair » à « droite » et « impair » à « gauche »</a>.</p>
<p>Ces études suggèrent que ces biais peuvent être appris ou innés dans le cas des nombres pairs et impairs, et qu’ils peuvent être le résultat de l’évolution, de la transmission culturelle ou d’une combinaison des deux.</p>
<p>L’importance de la parité, au-delà de son utilisation en mathématiques, n’est pas claire. Les origines des biais restent donc floues. Nous pourrions en apprendre davantage sur notre propre relation avec la parité en comprenant pourquoi et comment d’autres animaux peuvent reconnaître (ou apprendre à reconnaître) les nombres pairs et impairs.</p>
<h2>Entraîner les abeilles à apprendre la parité et l’imparité</h2>
<p>Des études ont révélé que les abeilles peuvent apprendre à <a href="https://theconversation.com/bees-join-an-elite-group-of-species-that-understands-the-concept-of-zero-as-a-number-97316">classer des quantités</a>, à effectuer des additions et des soustractions simples, à <a href="https://theconversation.com/we-taught-bees-a-simple-number-language-and-they-got-it-117816">associer des symboles à des quantités</a> et à <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2589004220303072">associer des concepts de taille et de nombre</a>.</p>
<p>Pour enseigner aux abeilles une tâche de parité, nous avons séparé les individus en deux groupes. L’un d’eux a été entraîné à associer les nombres pairs à de l’eau sucrée et les nombres impairs à un liquide amer (de la quinine). Pour l’autre groupe, les nombres impairs étaient associés à de l’eau sucrée et les nombres pairs à de la quinine.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Image montrant un schéma d’une abeille à qui l’on montre un tableau de quantités paires et impaires sur un panneau circulaire dans trois essais différents" src="https://images.theconversation.com/files/457822/original/file-20220413-12-dpkge8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457822/original/file-20220413-12-dpkge8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457822/original/file-20220413-12-dpkge8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457822/original/file-20220413-12-dpkge8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457822/original/file-20220413-12-dpkge8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457822/original/file-20220413-12-dpkge8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457822/original/file-20220413-12-dpkge8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Voici un exemple d’une abeille entraînée à associer des stimuli « pairs » à une récompense sur 40 choix d’entraînement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Scarlett Howard), Fourni par l’auteure</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Nous avons entraîné des abeilles individuelles en utilisant des comparaisons de nombres pairs et impairs (avec des cartes présentant 1 à 10 formes imprimées) jusqu’à ce qu’elles choisissent la bonne réponse avec une précision de 80 %.</p>
<p>Étonnamment, les deux groupes ont appris à des rythmes différents. Les abeilles dressées pour associer les nombres impairs à l’eau sucrée ont appris plus vite. Leur biais d’apprentissage en faveur des nombres impairs était à l’opposé de celui des humains, qui catégorisent plus rapidement les nombres pairs.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Abeilles se tenant sur l’arête d’une plate-forme en plexiglas gris et buvant un liquide clair (eau sucrée)" src="https://images.theconversation.com/files/457280/original/file-20220411-19-z8jc37.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457280/original/file-20220411-19-z8jc37.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=834&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457280/original/file-20220411-19-z8jc37.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=834&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457280/original/file-20220411-19-z8jc37.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=834&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457280/original/file-20220411-19-z8jc37.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1048&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457280/original/file-20220411-19-z8jc37.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1048&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457280/original/file-20220411-19-z8jc37.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1048&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les abeilles se posaient sur une plate-forme pour boire de l’eau sucrée pendant l’expérience.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Scarlett Howard), Fourni par l’auteure</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Nous avons ensuite testé chaque abeille avec d’autres chiffres qui n’avaient pas été montrés pendant l’entraînement. Fait impressionnant, elles ont classé les nouveaux chiffres de 11 ou 12 éléments comme impairs ou pairs avec une précision d’environ 70 %.</p>
<p>Nos résultats ont montré que les abeilles, avec leurs cerveaux miniatures, étaient capables de comprendre les concepts d’imparité et de parité. Ainsi, un cerveau humain complexe et imposant <a href="https://www.nature.com/scitable/blog/brain-metrics/are_there_really_as_many/#:%7E:text=Approximately%2086%20billion%20neurons%20in,between%20200%20and%20400%20billion.">composé de 86 milliards de neurones</a>, et un cerveau d’insecte miniature <a href="https://rsv.org.au/one-two-bee/#:%7E:text=Les%20cerveaux%20des%20abeaux%20sont,des%20capacit%C3%A9s%20de%20traitement%20neural%20en%20comparaison.">comptant environ 960 000 neurones</a> peuvent tous deux classer les nombres par parité.</p>
<p>La tâche de parité était-elle donc moins complexe que nous le pensions ? Pour trouver la réponse, nous nous sommes tournés vers la technologie biomimétique.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/0dMRzGQKKLU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Nous avons entraîné les abeilles à choisir des nombres pairs. Dans cette vidéo, nous voyons l’abeille inspecter chaque carte sur l’écran, avant de faire le bon choix sur celle présentant un nombre pair de 12 formes.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Création d’un réseau de neurones artificiels simple</h2>
<p>Les réseaux neuronaux artificiels ont été l’un des premiers algorithmes d’apprentissage mis au point pour l’apprentissage automatique. Inspirés des neurones biologiques, ils sont évolutifs et peuvent s’attaquer à des tâches complexes de reconnaissance et de classification en utilisant la <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/BF02478259">logique des propositions</a>.</p>
<p>Nous avons construit un réseau neuronal artificiel simple à cinq neurones seulement pour effectuer un test de parité. Entre 0 et 40 impulsions ont été transmises au réseau, qui les a classées comme impaires ou paires. Malgré sa simplicité, le réseau neuronal a correctement classé les nombres d’impulsions comme impairs ou pairs avec une précision de 100 %.</p>
<p>Cela nous a montré que, <em>en principe</em>, la classification par parité ne nécessite pas un cerveau imposant et complexe comme celui d’un humain. Il ne faut cependant pas en déduire que les abeilles et le réseau neuronal simple ont utilisé le même mécanisme pour résoudre la tâche.</p>
<h2>Simple ou complexe ?</h2>
<p>Nous ignorons encore comment les abeilles ont pu effectuer la tâche de parité. Les explications peuvent porter sur des processus simples ou complexes. Par exemple, les abeilles peuvent avoir :</p>
<ol>
<li><p>apparié des éléments pour obtenir un élément non apparié</p></li>
<li><p>effectué des calculs de division – bien que la division n’ait pas été démontrée auparavant chez les abeilles</p></li>
<li><p>compté chaque élément, puis appliqué la règle de classification pair/impair à la quantité totale.</p></li>
</ol>
<p>En apprenant à d’autres espèces animales à distinguer les nombres pairs et impairs et à effectuer d’autres opérations mathématiques abstraites, nous pouvons en apprendre davantage sur la façon dont les mathématiques et la pensée abstraite sont apparues chez les humains.</p>
<p>La découverte des mathématiques est-elle une conséquence inévitable de l’intelligence ? Ou les mathématiques sont-elles en quelque sorte liées au cerveau humain ? Les différences entre les humains et les autres animaux sont-elles moins importantes que nous le pensions jusque-là ? Peut-être pouvons-nous en tirer une compréhension intellectuelle ; il suffit d’être à l’écoute.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193916/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Scarlett Howard a reçu une bourse du programme de formation à la recherche (RTP) du gouvernement australien, de l'université RMIT, de la Fondation Fyssen, du prix français L'Oréal-UNESCO pour les femmes et la science pour les jeunes talents, et de l'université Deakin. Elle est affiliée à Pint of Science Australia en tant que responsable média bénévole.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Adrian Dyer a reçu des financements du Conseil australien de la recherche. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Andrew Greentree a reçu des financements du Conseil australien de la recherche, du Defence Science and Technology Group, du SmartSat CRC, de l'Office de la recherche scientifique de l'US Air Force, de l'Office asiatique de la recherche et du développement aérospatiaux, de l'Office de la recherche navale des États-Unis et de la Foundation for Australia-Japan Studies.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jair Garcia ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Avec leur cerveau miniature de 960 000 neurones (contre 86 milliards chez l’homme), les abeilles ont réussi à comprendre les concepts d’impairs et de pairs.
Scarlett Howard, Lecturer, Monash University
Adrian Dyer, Associate Professor, Monash University
Andrew Greentree, Professor of Quantum Physics and Australian Research Council Future Fellow, RMIT University
Jair Garcia, Researcher and analyst, Monash University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/188397
2022-08-18T17:36:53Z
2022-08-18T17:36:53Z
« Pourquoi je me suis laissé piquer par des dizaines d'insectes différents au nom de la science… »
<p><em><a href="https://theconversation.com/les-tiques-des-animaux-venimeux-120246">Tiques</a>, <a href="https://theconversation.com/comment-les-moustiques-nous-piquent-et-les-consequences-186325">moustiques</a>, <a href="https://theconversation.com/punaises-de-lit-bien-connaitre-les-effets-de-leurs-morsures-pour-mieux-sen-proteger-184437?notice=L%27article+a+%C3%A9t%C3%A9+mis+%C3%A0+jour.">punaises de lit</a>… L'été n'est jamais sans risque ! Notre série « Un été qui pique » fait le point sur les piqûres, morsures, etc. les plus fréquentes, les pires, et sur les façons de limiter les dangers. Nous finissions avec l'échelle des piqûres les plus douloureuses, établie par l'entomologiste Justin Schmidt…</em></p>
<hr>
<p>Au cours des 40 dernières années (mais en réalité depuis l’âge de cinq ans), j’ai été fasciné par les insectes et leur capacité à piquer et à causer de la douleur. Durant mes études supérieures pour devenir entomologiste, j’ai commencé à m’intéresser au pourquoi de ces piqûres… et au comment : comment des animaux si petits peuvent-ils causer de telles souffrances ?</p>
<p>Pour répondre à mes questions, il fallait d’abord trouver un moyen de mesurer la douleur. J’ai donc inventé <a href="http://www.improbable.com/ig/winners/">l’échelle des douleurs causées par les insectes</a>. Cette échelle est basée sur des estimations réalisées à partir d’environ un millier de piqûres que j’ai personnellement subies, administrées par des hyménoptères (guêpes, fourmis, etc.) appartenant à plus de 80 groupes d’insectes, ainsi que sur les évaluations de divers collègues.</p>
<p>Pourquoi les insectes piquent-ils ? La protection conférée par les piqûres leur ouvre des portes vers davantage de ressources alimentaires, leur permet d’accéder à des territoires plus étendus et à la vie sociale au sein de colonies. Et étudier les insectes piqueurs nous permet aussi de mieux comprendre notre propre façon de vivre, ainsi que les sociétés dans lesquelles nous évoluons.</p>
<h2>Pourquoi piquer ?</h2>
<p>Dire que les insectes piquent « parce qu’ils le peuvent » ne répond pas vraiment à la question… Le point essentiel est de comprendre pourquoi les insectes se sont retrouvés dotés d’un dard.</p>
<p>Il est évident que cet organe présentait un certain intérêt, sinon il ne serait jamais apparu au cours de l’évolution – ou, s’il était présent au départ, il aurait été perdu par l’effet de la sélection naturelle.</p>
<p>Les dards ont deux usages principaux : obtenir de la nourriture et éviter de devenir la nourriture d’un autre animal. Parmi les exemples d’utilisation du dard pour se nourrir, citons les guêpes parasites, qui piquent et paralysent les chenilles, lesquelles deviennent la nourriture des <a href="http://what-when-how.com/insects/venom-insects/">jeunes guêpes</a>, ou les <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Myrmecia_%28ant%29">fourmis bouledogues</a> qui piquent des insectes difficiles à maîtriser pour les soumettre.</p>
<p>Plus important encore, le dard constitue une avancée majeure dans la défense contre les grands prédateurs. Imaginez un instant que vous soyez un insecte de taille moyenne attaqué par un prédateur un million de fois plus grand que vous : sans dard, quelle chance auriez-vous de vous en sortir ?</p>
<p>Les abeilles domestiques sont confrontées à ce problème avec les ours friands de miel. Mordre, griffer ou donner des coups de pied ne fonctionne pas… Piquer avec un dard injectant un venin douloureux est bien plus efficace.</p>
<p>En ce sens, l’insecte piqueur a trouvé un moyen de surmonter le problème posé par sa petite taille. Le dard est en quelque sorte un « pistolet pour insectes », qui neutralise la différence de taille entre l’agresseur et la victime.</p>
<h2>L’indice de douleur des piqûres d’insectes</h2>
<p>C’est ici que mon <a href="https://www.barnesandnoble.com/w/the-sting-of-the-wild-justin-o-schmidt/1122850012">échelle de douleur des piqûres d’insectes</a> prend tout son sens, car il prend en compte durée des piqûres, le type et l’intensité de la douleur qu’elles provoquent, etc. </p>
<p>En effet, sans chiffres pour comparer et analyser, le vécu des piqûres n’est qu’un tissu d’anecdotes et d’histoires à raconter. Avec des chiffres, en revanche, nous pouvons comparer l’efficacité de la « défense par la douleur » d’un insecte piqueur par rapport à un autre, et ainsi tester des hypothèses (<em>les descriptions de l’auteur sont aussi très imagées, pour faciliter le ressenti, ndlr</em>).</p>
<p>L’une de ces hypothèses est que les piqûres douloureuses constituent un moyen pour les petits insectes de se défendre (et de défendre leurs petits) contre les grands prédateurs tels que mammifères, oiseaux, reptiles ou amphibiens. Plus la douleur est forte, plus la défense est efficace.</p>
<p><a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0047248414000591">Une meilleure défense</a> permet aux insectes de former des groupes et de devenir des sociétés complexes, comme nous le voyons chez les fourmis, les guêpes sociales et les abeilles. Plus la douleur est grande, plus la société peut croître. Et les grandes sociétés ont des avantages dont ne bénéficient pas les individus solitaires ou les sociétés plus petites.</p>
<p>Parmi les piqûres les plus douloureuses figure celle de la guêpe du genre <em>Pepsis</em> (aussi appelée en anglais « Tarantula hawk », littéralement « faucon à tarantule », car elle chasse les araignées). Elle ne dure toutefois que quelques minutes, alors que la douleur causée par le venin de la fourmi <em>Paraponera</em> (ou fourmi « Balle de fusil »), cause un niveau de douleur similaire, mais qui peut durer jusqu’à 24 heures !</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="L'échelle comporte 4 niveaux." src="https://images.theconversation.com/files/478109/original/file-20220808-1720-e5d8uk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/478109/original/file-20220808-1720-e5d8uk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1040&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/478109/original/file-20220808-1720-e5d8uk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1040&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/478109/original/file-20220808-1720-e5d8uk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1040&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/478109/original/file-20220808-1720-e5d8uk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1307&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/478109/original/file-20220808-1720-e5d8uk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1307&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/478109/original/file-20220808-1720-e5d8uk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1307&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Échelle de la douleur provoquée par les piqûres de plus de 80 Hyménoptères ( fourmis, abeilles, guêpes…). Le niveau 0 correspond à une piqûre sans effet chez nous.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Justin Schmidt</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>[Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>.]</em></p>
<h2>Sociétés humaines et sociétés d’insectes</h2>
<p>La socialité de l’être humain permet à certains individus de se spécialiser et ainsi de devenir capables d’accomplir une tâche particulière mieux que la plupart de leurs congénères. Parmi les spécialistes humains, on peut citer les plombiers, les chefs cuisiniers, les médecins, les agriculteurs, les enseignants, les avocats, les soldats, les rugbymen… et même les politiciens – une profession parfois considérée comme douteuse, mais nécessaire au fonctionnement de la société.</p>
<p>Les sociétés que forment les insectes sociaux ont également des spécialistes, qui cherchent de la nourriture, s’occupent des jeunes, défendent la colonie, se reproduisent et servent même de croque-morts. Un autre avantage de former des sociétés est la possibilité de recruter d’autres individus pour pouvoir exploiter une grande source de nourriture, pour mettre en place une défense commune, ou encore pour obtenir des aides supplémentaires afin d’accomplir certaines tâches difficiles.</p>
<p>La socialité présente également un avantage plus subtil : elle réduit les conflits entre les individus d’une même espèce. Les individus qui ne vivent pas en groupe social ont tendance à se battre lorsqu’ils entrent en contact. Mais pour vivre en groupe, les conflits doivent être limités.</p>
<p>Chez bien des animaux sociaux, les conflits sont atténués par l’établissement d’une hiérarchie. Souvent, si l’individu dominant dans la hiérarchie est éliminé, de violentes batailles éclatent.</p>
<p>Dans les sociétés humaines, les conflits sont également diminués par l’établissement d’une hiérarchie, mais surtout par des lois, ainsi que par la mise en place d’une police chargée de faire respecter lesdites lois ; les échanges, discussions et des apprentissages contribuent en outre à inculquer un comportement coopératif. </p>
<p>Dans les sociétés d’insectes, le risque de conflits est réduit par l’établissement d’une hiérarchie et des phéromones (« odeurs » qui identifient les individus et leur place dans la société).</p>
<h2>Que nous dit la douleur ?</h2>
<p>L’indice de douleur provoqué par les piqûres d’insectes ouvre également une fenêtre sur la psychologie et les émotions humaines. Pour le dire brièvement, les humains sont fascinés par les insectes piqueurs. Nous prenons plaisir à raconter des histoires de piqûres, d’accidents évités de justesse, voire à nous épancher sur notre peur des insectes piqueurs.</p>
<p>Pourquoi ? Parce que nous avons une <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1090513814001032">peur innée</a> des animaux qui nous attaquent, qu’il s’agisse de léopards, d’ours, de serpents, d’araignées ou d’insectes piqueurs. Les personnes qui ne ressentent pas cette peur ont plus de risques d’être dévorées ou de mourir après une piqûre ou morsure par un animal venimeux. Et donc plus de risque de ne pas pouvoir transmettre leur bagage génétique que les personnes qui sont plus sensibles à cette crainte innée.</p>
<p>Les insectes piqueurs nous font peur parce qu’ils sont source de douleur. Or, la douleur est la façon dont notre corps nous indique qu’un dommage est en train de se produire, s’est produit ou est sur le point de se produire. Les dommages sont mauvais et nuisent à notre capacité à nous reproduire.</p>
<p>En d’autres termes, notre peur émotionnelle et notre fascination presque irraisonnée pour les insectes dont la piqûre est douloureuse favorisent notre survie à long terme… C’est d’autant plus étonnant que nous manifestons peu de crainte à l’égard des cigarettes ou des aliments gras et sucrés, qui tuent beaucoup plus de gens que lesdits insectes… Une explication de cette différence, en ce qui concerne les aliments gras et sucrés, est que ceux-ci ont longtemps été plébiscités par notre corps – quoique dans des quantités réduites. La peur de ces « tueurs » ne s’est pas inscrite dans nos gènes, en quelque sorte…</p>
<p>L’échelle de douleur des piqûres d’insectes n’est pas seulement « amusante » (même si elle l’est aussi). Elle permet de mieux nous comprendre, de comprendre comment nous avons évolué pour arriver là où nous sommes, et ce que nous pourrions attendre de l’avenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/188397/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Justin Schmidt ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Intensité, durée, type… La douleur causée par une piqûre d’insecte peut être analysée par un entomologiste comme le vin par un œnologue. Justin Schmidt les a hiérarchisées d’après son expérience.
Justin Schmidt, Entomologist, Southwest Biological Institute, University of Arizona
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/177602
2022-06-14T13:29:55Z
2022-06-14T13:29:55Z
Les tournesols ont des motifs imperceptibles qui attirent les pollinisateurs
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/451615/original/file-20220311-27-1ylp0hw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=35%2C0%2C4663%2C3746&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les tournesols sont plus colorés pour les pollinisateurs, qui voient dans l’ultraviolet, que pour nous.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Unsplash/Marco de Hevia)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les fleurs constituent un des exemples les plus frappants de la diversité de la nature. Elles présentent une myriade de combinaisons de couleurs, de motifs, de formes et de parfums. On y trouve des tulipes colorées, de délicates marguerites, des frangipaniers odorants, mais aussi des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Arum_titan">fleurs cadavres géantes à l’odeur putride</a>. Leur variété et leur diversité sont stupéfiantes – il suffit de penser à <a href="https://www.2tout2rien.fr/orchidee-canard-volant/">l’orchidée en forme de canard volant</a>.</p>
<p>Mais même si nous pouvons admirer la beauté et la diversité des fleurs, elles ne sont pas vraiment conçues pour nos yeux.</p>
<p>Le but des fleurs est d’attirer les pollinisateurs, et c’est à leurs sens que les fleurs répondent. Les motifs ultraviolets (UV) en sont un bon exemple. De nombreuses fleurs accumulent des pigments UV dans leurs pétales, formant des motifs qui sont invisibles pour nous, mais que la <a href="https://doi.org/10.1016/S0169-5347(00)89179-X">plupart des pollinisateurs peuvent voir</a>.</p>
<p>Le décalage entre ce que nous voyons et ce que les pollinisateurs perçoivent est particulièrement frappant pour les tournesols. Malgré leur caractère emblématique dans la culture populaire (comme en témoigne le supposé honneur d’être l’une des rares espèces de fleurs ayant un <a href="https://unicode.org/emoji/charts/full-emoji-list.html">emoji à leur image</a>), ils ne semblent pas être le meilleur exemple de diversité florale.</p>
<figure>
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<figcaption><span class="caption">Comment les insectes voient-ils le monde ?</span></figcaption>
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<h2>Une affaire de perception</h2>
<p>Ce que nous considérons généralement comme un seul tournesol est en fait une grappe de fleurs, appelée inflorescence. Tous les tournesols sauvages, dont il existe environ <a href="https://www.jstor.org/stable/43390641">50 espèces en Amérique du Nord</a>, ont des inflorescences très similaires. À nos yeux, leurs ligules (les <a href="https://cronodon.com/BioTech/asteraceae.html">pétales agrandis et soudés au pourtour de l’inflorescence du tournesol</a>) sont toutes du même jaune vif uniforme que nous connaissons bien.</p>
<p>Cependant, lorsqu’on l’examine dans le spectre UV (c’est-à-dire au-delà du type de lumière que nos yeux peuvent voir), ce qu’on voit est très différent. Les tournesols accumulent des pigments absorbant les UV à la base des ligules. Sur l’ensemble de l’inflorescence, il en résulte un motif <a href="https://www.researchgate.net/publication/268075987_A_Microscopic_Review_of_the_Sunflower_and_Honeybee_Mutualistic_Relationship">qui forme comme un centre de cible</a>.</p>
<p>Dans une étude récente, nous avons comparé <a href="https://doi.org/10.7554/eLife.72072.sa0">près de 2 000 tournesols sauvages</a>. Nous avons constaté que la taille de ces taches UV varie considérablement, tant entre les espèces qu’au sein d’une même espèce.</p>
<p>Le tournesol présentant la plus grande diversité dans la taille des cercles UV est <em>Helianthus annuus</em>, le tournesol commun. <em>H. annuus</em> est le <a href="https://dx.doi.org/10.3390/genes11030266">parent sauvage le plus proche du tournesol cultivé</a> et est le plus répandu des tournesols sauvages, poussant presque partout du sud du Canada jusqu’au nord du Mexique. Alors que certaines populations de <em>H. annuus</em> possèdent de très petites taches UV, chez d’autres, la région absorbant les ultraviolets couvre toute l’inflorescence.</p>
<h2>Attirer les pollinisateurs</h2>
<p>Pourquoi y a-t-il d’aussi grandes différences ? Les scientifiques connaissent depuis longtemps les <a href="https://doi.org/10.1007/BF00340242">motifs UV des fleurs</a>. Parmi les nombreuses approches utilisées pour étudier le rôle de ces motifs dans l’attraction des pollinisateurs, certaines ont été très inventives, comme <a href="https://doi.org/10.1242/bio.20146445">couper et coller des pétales</a> ou les <a href="https://doi.org/10.1111/1365-2435.12242">enduire de crème solaire</a>.</p>
<p>Lorsque nous avons comparé des tournesols avec différents cercles UV, nous avons constaté que les pollinisateurs étaient capables de les distinguer et préféraient les plantes avec des taches de taille moyenne.</p>
<p>Cela n’explique pas pour autant toute la diversité des motifs UV que nous avons observée dans différentes populations de tournesols sauvages : si les cercles UV moyens attirent plus de pollinisateurs (ce qui est <a href="https://doi.org/10.2135/cropsci2017.03.0148">manifestement un avantage</a>), pourquoi existe-t-il des plantes avec des taches petites ou grosses ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/446033/original/file-20220211-25-1brx0ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="images de tournesols sous lumière ultraviolette montrant des distributions de couleurs en forme de bulles d’air" src="https://images.theconversation.com/files/446033/original/file-20220211-25-1brx0ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/446033/original/file-20220211-25-1brx0ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/446033/original/file-20220211-25-1brx0ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/446033/original/file-20220211-25-1brx0ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/446033/original/file-20220211-25-1brx0ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=404&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/446033/original/file-20220211-25-1brx0ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=404&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/446033/original/file-20220211-25-1brx0ew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=404&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Tournesols avec différents motifs UV tels que nous les voyons (en haut) et tels qu’une abeille pourrait les voir (en bas).</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Marco Todesco)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>D’autres facteurs</h2>
<p>Si l’attraction des pollinisateurs est sans contredit la principale fonction des caractéristiques des fleurs, il apparaît de plus en plus que des facteurs <a href="https://www.researchgate.net/publication/254469747_Non-pollinator_agents_of_selection_on_floral_traits">non liés à la pollinisation</a>, comme la température ou les herbivores, peuvent affecter l’évolution de caractéristiques telles que la couleur et la forme des fleurs.</p>
<p>Nous avons découvert un premier indice que cela pourrait être le cas pour les motifs UV du tournesol lorsque nous avons examiné comment leur variation est régulée sur le plan génétique. Un seul gène, HaMYB111, est généralement responsable de la diversité des motifs UV qu’on observe chez <em>H. annuus</em>. Ce gène contrôle la production d’une famille de substances chimiques appelées glycosides de flavonol, que nous avons trouvées en forte concentration dans la partie absorbant les UV des ligules. Les <a href="https://dx.doi.org/10.1111/j.1365-313X.2007.03078.x">glycosides de flavonol</a> ne sont pas seulement des pigments qui absorbent les UV, et ils jouent un rôle important en aidant les plantes à <a href="https://dx.doi.org/10.1093/aob/mcr234">affronter différents stress environnementaux</a>.</p>
<p>Un deuxième indice est lié à la découverte du fait que le même gène est responsable de la pigmentation UV dans les pétales de <a href="https://doi.org/10.7554/eLife.06100">l’arabette de Thalius, <em>Arabidopsis thaliana</em></a>. Cette plante est l’organisme modèle le plus couramment utilisé en génétique végétale et en biologie moléculaire. Elle est capable de se polliniser elle-même et <a href="https://doi.org/10.1055/s-2003-44784">se passe donc généralement de pollinisateurs</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/447391/original/file-20220219-2552-1d64kx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="une petite fleur blanche dans une prairie" src="https://images.theconversation.com/files/447391/original/file-20220219-2552-1d64kx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/447391/original/file-20220219-2552-1d64kx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/447391/original/file-20220219-2552-1d64kx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/447391/original/file-20220219-2552-1d64kx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/447391/original/file-20220219-2552-1d64kx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/447391/original/file-20220219-2552-1d64kx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/447391/original/file-20220219-2552-1d64kx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’arabette de Thalius peut se polliniser elle-même sans recourir à des pollinisateurs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Comme elles n’ont pas besoin d’attirer les pollinisateurs, leurs fleurs blanches sont petites et discrètes. Pourtant, leurs pétales sont remplis de flavonols qui absorbent les rayons UV. Cela laisse croire qu’il existe des raisons non liées à la pollinisation qui expliquent que ces pigments soient présents dans les fleurs de l’arabette de Thalius.</p>
<p>Enfin, nous avons remarqué que les tournesols de climats plus secs présentaient systématiquement des taches UV plus grosses. L’une des fonctions connues des glycosides de flavonol est de <a href="https://dx.doi.org/10.1111/tpj.12388">réguler la transpiration</a>. Nous avons effectivement constaté que les ligules avec de gros motifs UV (qui contiennent de grandes quantités de glycosides de flavonol) perdaient de l’eau à un rythme beaucoup plus lent que celles avec de petits motifs.</p>
<p>Cela semble indiquer que la pigmentation UV des fleurs peut avoir deux fonctions, du moins chez les tournesols : rendre les fleurs plus attrayantes pour les pollinisateurs et aider les plants à survivre dans des environnements secs en conservant l’eau.</p>
<h2>Une évolution économe</h2>
<p>Alors, qu’est-ce que cela nous enseigne ? Tout d’abord, que l’évolution est économe et que, dans la mesure du possible, elle utilise le même trait pour atteindre plus d’un objectif adaptatif. Ces observations nous apportent également une voie potentielle pour améliorer les cultivars de tournesol, en augmentant les taux de pollinisation en même temps que la résistance des plantes à la sécheresse.</p>
<p>Nos travaux, ainsi que d’autres études portant sur la diversité végétale, permettront de prévoir comment et dans quelle mesure les plantes arriveront à faire face aux changements climatiques, qui modifient déjà les environnements auxquels elles sont adaptées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177602/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marco Todesco a reçu des financements de Génome Canada et Genome British Columbia, et du Human Frontier Science Program. </span></em></p>
Les tournesols ont des motifs cachés de couleurs ultraviolettes. Visibles par les pollinisateurs, ces couleurs sont dues à la présence de pigments qui aident également les plantes à retenir l’humidité.
Marco Todesco, Research associate, Biodiversity, University of British Columbia
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/182090
2022-05-19T15:02:33Z
2022-05-19T15:02:33Z
Les vagues de chaleur extrême menacent la fertilité des abeilles et provoquent leur mort subite
<p>En juin 2021, les températures ont dépassé les 42 °C pendant plusieurs jours dans l’Ouest canadien. La ville de Lytton, en Colombie-Britannique, a même atteint 49,6 °C, soit la <a href="https://www.rmets.org/metmatters/record-breaking-heat-canada">température la plus élevée jamais enregistrée au Canada</a>. Des feux de forêt ont ravagé la province, entraînant un <a href="https://www2.gov.bc.ca/gov/content/safety/wildfire-status/about-bcws/wildfire-history/wildfire-season-summary">état d’urgence qui a duré 56 jours</a> et <a href="https://www2.gov.bc.ca/assets/gov/birth-adoption-death-marriage-and-divorce/deaths/coroners-service/statistical/heat_related_deaths_in_bc_knowledge_update.pdf">près de 600 morts subites de plus</a> qu’au même moment en 2020.</p>
<p>Les humains n’ont pas été les seuls affectés par la chaleur. Les apiculteurs de la vallée de l’Okanagan ont signalé la <a href="https://alisonmcafeeblogs.wordpress.com/2022/01/19/research-bulletin-keeping-nucs-cool-in-a-heatwave/">mort anormale de reines d’abeilles, de faux bourdons et de petites colonies</a>. Les faux bourdons, qui sont les mâles reproducteurs, <a href="https://news.ubc.ca/2022/02/22/bees-are-explosively-ejaculating-to-death-a-polystyrene-cover-could-help-stop-it/">éjaculent spontanément</a> lorsqu’ils meurent des suites d’un stress. Emily Huxter, apicultrice à Armstrong, a vu des <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/breves/insecte-etrangete-vivant-ejaculation-mortelle-faux-bourdons-6011/">dizaines de faux bourdons</a> morts <a href="https://images.theconversation.com/files/451688/original/file-20220312-25-1agjimo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip">sur les couvercles de ses ruches, leurs organes reproducteurs ressortis</a>.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/451688/original/file-20220312-25-1agjimo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/451688/original/file-20220312-25-1agjimo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451688/original/file-20220312-25-1agjimo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=247&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451688/original/file-20220312-25-1agjimo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=247&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451688/original/file-20220312-25-1agjimo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=247&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451688/original/file-20220312-25-1agjimo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=311&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451688/original/file-20220312-25-1agjimo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=311&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451688/original/file-20220312-25-1agjimo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=311&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un faux bourdon mort pendant la vague de chaleur de juin 2021 en Colombie-Britannique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Emily Huxter)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>J’étudie la façon dont le stress thermique affecte les abeilles domestiques, et les observations de Mme Huxter reflètent ce que j’ai vu en laboratoire. Nos expériences montrent qu’après six heures à 42 °C, <a href="https://doi.org/10.1038/s41893-020-0493-x">50 % des abeilles mâles meurent</a>. Ces résultats sont alarmants, mais moins que ceux d’études antérieures. <a href="https://doi.org/10.1093/beheco/art049">D’autres chercheurs</a> ont constaté que jusqu’à 77 % des mâles mouraient après une exposition à 42 °C pendant seulement quatre heures.</p>
<p>Cela signifie qu’après une vague de chaleur, les nouvelles reines — les femelles reproductrices — auront moins d’occasions de s’accoupler. Les colonies dirigées par des reines qui ne se sont pas accouplées <a href="https://doi.org/10.1007/s00114-013-1065-y">sont plus à risque de s’effondrer</a>, ce qui pourrait poser des problèmes aux agriculteurs qui comptent sur les abeilles domestiques pour polliniser leurs cultures. Cela révèle aussi le risque que les vagues de chaleur font courir aux populations d’insectes sauvages.</p>
<h2>Pas qu’une question de mort</h2>
<p>Fait inquiétant, la fertilité masculine commence probablement à décliner bien avant la mort des faux bourdons. Ainsi, après seulement deux heures à 42 °C, environ un <a href="https://doi.org/10.1038/s41893-020-0493-x">tiers des spermatozoïdes</a> contenus dans les éjaculats des mâles ont péri. Cela signifie que si une abeille mâle survit à un épisode de chaleur, elle est sans doute moins fertile qu’avant. La mort des faux bourdons de Mme Huxter indique que les températures de l’été dernier ont largement atteint le seuil de fertilité, même pour ceux qui ont survécu.</p>
<p>Les reines s’accouplent et conservent le sperme dans un organe de stockage pendant toute leur vie, généralement <a href="https://doi.org/10.1016/s0531-5565(00)00236-9">d’un an à trois ans</a>. Les spermatozoïdes stockés ne sont toutefois pas à l’abri des grandes chaleurs. Les reines exposées à des températures supérieures à 38 °C pendant deux heures ou plus survivent habituellement, mais la viabilité du sperme stocké se détériore et atteint ce que les apiculteurs considèrent comme une <a href="https://doi.org/10.1038/s42003-020-01586-w">« qualité médiocre »</a>.</p>
<p>Les colonies importantes et établies semblent s’être bien portées pendant le dôme de chaleur de 2021, en termes de survie. Cependant, même si la plupart des abeilles ont survécu, la perte de fertilité, tant pour les faux bourdons que pour les reines, signifie qu’elles pourraient tout de même avoir été affectées.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Reine d’abeille" src="https://images.theconversation.com/files/451685/original/file-20220312-26-12odmtz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451685/original/file-20220312-26-12odmtz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=502&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451685/original/file-20220312-26-12odmtz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=502&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451685/original/file-20220312-26-12odmtz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=502&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451685/original/file-20220312-26-12odmtz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=631&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451685/original/file-20220312-26-12odmtz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=631&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451685/original/file-20220312-26-12odmtz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=631&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le Canada importe environ 250 000 reines d’abeilles chaque année.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Alison McAfee)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Et les insectes sauvages ?</h2>
<p>Les abeilles domestiques ne sont pas les seuls insectes dont la chaleur extrême diminue la fertilité. Les chercheurs prévoient que <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/rechauffement-climatique-vagues-chaleur-font-suffoquer-terre-depuis-annees-50-40564/">l’aggravation des vagues de chaleur</a> pourrait nuire à la fertilité des <a href="https://doi.org/10.1038/s41467-018-07273-z">coléoptères</a>, des <a href="https://doi.org/10.1111/1365-2435.13738">bourdons</a>, des <a href="https://doi.org/10.1111/j.1420-9101.2005.00914.x">mouches</a>, des <a href="https://doi.org/10.1016/j.jinsphys.2017.09.004">papillons de nuit</a> et des <a href="https://doi.org/10.1016/j.jinsphys.2012.12.001">guêpes</a> — et ce ne sont là que quelques-uns des insectes chez qui cela a été observé.</p>
<p>Lorsqu’on étudie des populations entières, les tendances sont encore plus préoccupantes. Chez le tribolium de la farine,Tribolium castaneum, les fils de pères stressés par la chaleur peuvent avoir une fertilité réduite, même s’ils n’ont jamais connu de grande chaleur. Les scientifiques s’attendent à un <a href="https://doi.org/10.1126/science.aax8591">déclin généralisé des bourdons sauvages</a> à mesure que la fréquence des épisodes de chaleur atteindra des extrêmes « intenables ». Et les températures auxquelles les drosophiles mâles perdent leur fertilité <a href="https://doi.org/10.1038/s41558-021-01047-0">expliquent mieux leur répartition géographique</a> que les <a href="https://www.nature.com/scitable/knowledge/library/physiological-optima-and-critical-limits-45749376/">températures les plus élevées auxquelles elles peuvent survivre</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Bourdon sur des fleurs de myrtille" src="https://images.theconversation.com/files/451746/original/file-20220313-20-1lyio88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451746/original/file-20220313-20-1lyio88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451746/original/file-20220313-20-1lyio88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451746/original/file-20220313-20-1lyio88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451746/original/file-20220313-20-1lyio88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451746/original/file-20220313-20-1lyio88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451746/original/file-20220313-20-1lyio88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les abeilles domestiques sont souvent utilisées pour la pollinisation des bleuets, mais les bourdons sauvages sont également d’excellents pollinisateurs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Alison McAfee)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les abeilles domestiques peuvent toutefois s’adapter à leur environnement et, grâce aux apiculteurs, elles s’adapteront probablement aussi à des températures plus élevées. Les sous-espèces du Moyen-Orient ont une meilleure tolérance au <a href="https://saudibi.com/file/research_folder/Tolerance_of_two_honey_bee_races_to_various_temperature_and_relative_humidity_gradients.pdf">temps chaud et aride</a> que celles originaires d’Europe, par exemple, tandis que les colonies propagées au Canada présentent des <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0011096">signes de sélection</a> pour la tolérance au froid.</p>
<p>Cependant, les colonies d’abeilles ne produisent de nouvelles reines qu’une fois par an environ, lorsqu’elles se préparent à essaimer, c’est-à-dire à produire une nouvelle colonie. Cela signifie que, comparativement aux insectes qui se reproduisent fréquemment, comme les moustiques, elles sont désavantagées pour s’adapter à des conditions qui évoluent rapidement.</p>
<p>Heureusement, les reines peuvent pallier ce désavantage en s’accouplant avec plusieurs mâles, s’ils n’ont pas été tués au cours d’une vague de chaleur. Cela permet d’accroître la diversité génétique de leurs colonies, qui est la base de la sélection naturelle.</p>
<p>Les apiculteurs canadiens importent environ <a href="https://dx.doi.org/10.1093%2Fjee%2Ftoaa102">250 000 reines</a> chaque année, ce qui fournit un flux constant de nouveau matériel génétique. En ce moment, les reines proviennent principalement de Californie et d’Hawaï, mais aussi du Chili, d’Australie, d’Ukraine, de Nouvelle-Zélande, entre autres pays. Cela peut constituer un avantage ou un inconvénient, selon l’équilibre entre la diversité génétique et l’adaptation locale, mais cela favorise de nouvelles combinaisons de gènes qui pourraient s’avérer bénéfiques.</p>
<h2>Les abeilles comme baromètres</h2>
<p>Malgré les pertes constatées par les apiculteurs, les abeilles domestiques, en tant qu’espèce, survivront fort probablement aux changements climatiques. Mais tous les insectes n’auront pas cette chance. Les reines des bourdons, des guêpes et de nombreuses fourmis, qui sont aussi produites chaque année pendant l’été, s’accouplent généralement <a href="https://doi.org/10.1146/annurev.en.31.010186.001501">avec un ou quelques mâles</a>, avec des possibilités limitées d’apport génétique, et pourraient être moins aptes à s’adapter.</p>
<p>En plus des vagues de chaleur, les insectes sont confrontés à d’autres défis, comme la <a href="https://doi.org/10.3389/fevo.2022.847997">perte d’habitat, les pesticides et les agents pathogènes</a>. Ainsi, deux mois après la levée de l’état d’urgence en Colombie-Britannique, une <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1842523/inondations-tempete-pluie-cb-abbotsford-routes-armee">inondation dévastatrice</a> a de nouveau déplacé des familles, ainsi qu’un nombre incalculable d’abeilles indigènes qui hibernaient dans le sol.</p>
<p>Les insectes sont des acteurs essentiels des écosystèmes du monde entier, et comme de <a href="https://doi.org/10.1126/science.aax9931">nombreuses espèces terrestres sont déjà en déclin</a>, il est vital d’étudier l’impact des changements climatiques sur leur fertilité. Nous nous préoccupons des abeilles domestiques parce que nous comptons sur elles pour polliniser les cultures, mais elles ne sont pas les seules dont nous dépendons. Nous savons que les conditions qui ont prévalu pendant le dôme de chaleur de 2021 peuvent réduire la fertilité des abeilles domestiques, ce qui devrait tirer la sonnette d’alarme pour les insectes sauvages qui n’ont personne pour veiller sur eux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182090/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alison McAfee reçoit des fonds du projet Apis m., du Boone Hodgson Wilkinson Trust Fund, de l'Eastern Apicultural Society et du Fonds canadien de recherche apicole. Elle est également un membre actif de l'Association canadienne des apiculteurs professionnels et fait partie du comité de recherche de la British Columbia Honey Producers' Association.</span></em></p>
Des apiculteurs de la Colombie-Britannique ont signalé la mort d'abeilles domestiques pendant le dôme de chaleur de 2021. D'autres insectes peuvent également être en danger.
Alison McAfee, Postdoctoral Fellow at UBC and North Carolina State University, University of British Columbia
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/176715
2022-05-04T18:41:11Z
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L’apiculture dirigée par les données et les modèles
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/460077/original/file-20220427-16-mxbd1d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2047%2C1354&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les nouvelles technologies pourraient aider les apiculteurs à mieux gérer leurs ruchers.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/boklm/3355146870/">Nicolas Vigier/flickr</a></span></figcaption></figure><p>Les abeilles participent de façon notable à la biodiversité. La pollinisation est en effet une étape indispensable du cycle de vie des plantes, et les abeilles y contribuent pleinement. Cependant, les menaces qui pèsent aujourd’hui sur la biodiversité annoncent la disparition des insectes pollinisateurs, et en particulier celle des abeilles domestiques (comme l’<em>Apis mellifera</em> résidant en Europe). Cette disparation serait catastrophique pour l’humain : on estime que près de <a href="https://hal.inrae.fr/hal-02801092/document">35 % de notre alimentation</a> dépend des services de pollinisation rendus par les abeilles !</p>
<p>Le syndrome d’effondrement des colonies (en anglais <em>colony collapse disorder</em> ou CCD, c’est-à-dire l’abandon systématique des ruches) est un phénomène devenu récurrent chez les colonies d’abeilles domestiques. Une diminution importante des colonies d’abeilles est ainsi signalée dans le monde entier ; elle pourrait causer jusqu’à <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/pourquoi-les-abeilles-disparaissent">90 % de pertes des ruches</a>. Concernant les abeilles mellifères, les causes peuvent être multiples : toxicologiques, parasitaires, virales, voire même prédatrices, avec l’apparition ces dernières années du frelon asiatique (<em>Vespa velutina</em>) puis du frelon oriental (<em>Vespa orientalis</em>) dans l’hexagone.</p>
<p>En élevant des abeilles, les apiculteurs jouent un rôle clé dans la sauvegarde de l’espèce. Pour les y aider, ils disposent aujourd’hui de solutions moins invasives pour le suivi et la prédiction de l’état de santé des ruches. En particulier, cet article se focalise sur deux de nos travaux de recherche, qui utilisent des technologies de l’internet des objets (en anglais <em>Internet of things</em> ou IoT) associées à l’intelligence artificielle, à des modèles informatiques et à des simulations, ceci afin d’aider les apiculteurs dans leurs pratiques métiers.</p>
<h2>Comportement des abeilles à l’entrée de la ruche</h2>
<p>La première clé de suivi et de prédiction de la santé de la ruche est la modélisation du comportement des abeilles ; elle permet de repérer les forces ou les faiblesses de la ruche, causées par les maladies, les famines ou les prédateurs. On peut ainsi comprendre ce qui se passe à l’intérieur de la ruche en observant <a href="https://www.lapi.fr/livres/859-au-trou-de-vol-h-storch.html">ce qui se passe à l’extérieur</a>. Pour cela, l’image et la vidéo sont des sources d’information riches à exploiter, non destructives, et qui constituent un enjeu scientifique et écologique fort. Néanmoins, la modélisation de trajectoire n’avait pas encore été développée, ce qui a motivé notre travail.</p>
<p>Nos <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02187412">premiers travaux</a> ont ainsi porté sur la détection des abeilles, ainsi que la modélisation de leurs trajectoires. L’idée était de capter individuellement les trajectoires de vol des abeilles, puis de caractériser le rythme de l’activité globale devant la ruche afin d’en déduire des observations qui seront consolidées et mises à disposition des scientifiques pour être croisées avec des données apicoles (famine, prédateur, sécheresse…).</p>
<p>En pratique, il s’agissait de capturer le mouvement des abeilles avec une caméra fixe et non-invasive, filmant les entrées et les sorties des insectes. À l’aide d’un capteur de haute résolution et de haute fréquence d’acquisition, des techniques de traitement des images permettent d’isoler l’abeille de l’arrière-plan.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/458658/original/file-20220419-14894-c01pkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Le trajet de deux abeilles, représentées par 3 points temporels" src="https://images.theconversation.com/files/458658/original/file-20220419-14894-c01pkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/458658/original/file-20220419-14894-c01pkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/458658/original/file-20220419-14894-c01pkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/458658/original/file-20220419-14894-c01pkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/458658/original/file-20220419-14894-c01pkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/458658/original/file-20220419-14894-c01pkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/458658/original/file-20220419-14894-c01pkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 1 : Centre du corps (point vert) et déplacements (trait rouges, bleu, violet et jaune) de deux abeilles, calculés à partir de plusieurs images.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Baptiste Magnier, Gregory Zacharewicz</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ensuite, les compteurs d’abeilles sont extraits de chaque image de la vidéo, permettant de détecter le centre de chaque abeille (les points verts sur les abeilles de la figure 1). Puis, l’orientation de chaque abeille est représentée par une ellipse (liées à la forme d’une abeille). L’orientation et la taille des ellipses dans l’image permettent de calculer les déplacements des abeilles entre les différentes images d’une vidéo (traits bleu et rouge pour l’abeille 1 et traits jaune et violet pour l’abeille 2).</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/458659/original/file-20220419-25-nlicyw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Courbe de trajectoires de deux abeilles qui se croisent. Dans l’image de gauche, le croisement est cohérent. Dans l’image de droite, l’une des trajectoires s’arrête pendant que l’autre revient en arrière pour faire une fourche" src="https://images.theconversation.com/files/458659/original/file-20220419-25-nlicyw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/458659/original/file-20220419-25-nlicyw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=266&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/458659/original/file-20220419-25-nlicyw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=266&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/458659/original/file-20220419-25-nlicyw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=266&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/458659/original/file-20220419-25-nlicyw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=335&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/458659/original/file-20220419-25-nlicyw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=335&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/458659/original/file-20220419-25-nlicyw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=335&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 2 : Tracé de trajectoires incohérentes (à gauche) et cohérentes (à droite).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Baptiste Magnier, Gregory Zacharewicz</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En effet, il est plus aisé de suivre dans les vidéos ces objets de tailles constantes et mêmes orientations plutôt que des objets déformables. Cette technique évite également de confondre des abeilles et de calculer des trajectoires aberrantes, comme illustrées dans la figure 2.</p>
<p>Différents tracés sont ainsi enregistrés. La figure 3 est un résultat sur une vidéo contenant 1755 images. Elle montre des trajectoires d’abeilles rentrant dans la ruche (traits verts), en sortant (rouge), ou passant simplement devant (bleu). Les trajectoires mal identifiées sont également indiquées en bleu. À partir de ces données, il sera ensuite possible d’étudier et classer le comportement des abeilles.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/458660/original/file-20220419-25-p0d4jo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Dizaines de traits colorés qui se croisent, sans pattern évident" src="https://images.theconversation.com/files/458660/original/file-20220419-25-p0d4jo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/458660/original/file-20220419-25-p0d4jo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/458660/original/file-20220419-25-p0d4jo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/458660/original/file-20220419-25-p0d4jo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/458660/original/file-20220419-25-p0d4jo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/458660/original/file-20220419-25-p0d4jo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/458660/original/file-20220419-25-p0d4jo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 3 : Suivi des trajectoires d’abeilles devant la ruche, établie à partir de 1 755 images. Traits verts : abeilles rentrant dans la ruche ; traits rouges : abeilles sortant de la ruche ; traits bleus : abeilles passant devant la ruche et trajectoires mal identifiées.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Baptiste Magnier, Gregory Zacharewicz</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À l’avenir, le comportement des abeilles pourra être interprété de manière plus approfondie en complétant l’étude par un apprentissage automatique des données et une méthode semi-supervisée de l’IA.</p>
<h2>Caractéristiques physiques de la ruche</h2>
<p>La deuxième clé d’aide à la décision pour l’apiculteur est l’analyse de la santé interne de la ruche. Ici les travaux de notre équipe utilisent des <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03273924/document">balances connectées</a> combinées avec les données issues de plusieurs capteurs (comme l’humidité relative et la température interne) pour analyser l’évolution du poids de chaque ruche, ainsi que des vidéos de l’activité sur la planche d’envol (telles que présentées ci-dessus).</p>
<p>Le projet BeePMN – mené par notre équipe en partenariat avec l’USEK au Liban, ConnectHive en France et l’Atelier du miel au Liban – contribue à la caractérisation physique de l’état de la ruche à partir des données de ruchers provenant de bases de données partagées. Nous avons proposé une méthodologie basée sur la reconnaissance de motifs caractéristiques dans les données de poids enregistrées par un pèse-ruche. Un motif peut être une augmentation du poids, puis un plateau suivi d’une chute de poids qui correspondrait à un départ d’abeilles (par essaimage par exemple).</p>
<p>Par la suite, les données collectées ont été évaluées et traitées grâce à des algorithmes, ce qui a permis de découvrir des <a href="https://www.mdpi.com/1424-2818/13/7/296">motifs récurrents</a> associés aux événements survenant dans la ruche.</p>
<h2>L’apiculture connectée</h2>
<p>Couplés à d’autres données, ces deux exemples pourront à terme être intégrés à un système de suivi généralisé d’une ruche. Des modèles informatiques (présentés en figure 4) sont déclenchés automatiquement par une série d’alertes prédéfinies, qui invitent l’apiculteur à passer à l’action. Par exemple, l’information pour l’apiculteur du besoin de nourrir les abeilles peut être déclenchée par le passage du poids en dessous d’une valeur de référence lors d’une période particulière en automne ou en hiver.</p>
<p>Concrètement, comme les tâches apicoles ne peuvent pas être automatisées et que l’intervention humaine est obligatoire, le système proposé se contentera d’aider et guider l’apiculteur à planifier et exécuter plus précisément plusieurs tâches pertinentes : l’élevage et la reproduction de nouvelles colonies, l’alimentation des colonies, l’ajout de hausses (partie supérieure de la ruche pour récolter du miel), la planification des opérations sanitaires, le contrôle des parasites (comme le varroa), la planification d’opérations telles que l’hibernation, etc. L’apiculteur pourra ainsi facilement surveiller sa colonie, effectuer ses tâches routinières, répondre aux alertes en cas de dysfonctionnements éventuels et prévoir ses besoins futurs en fournitures.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/459062/original/file-20220421-14-amv7t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Diagramme de décision pour estimer s’il faut nourrir la ruche ou non en fonction de son poids et de l’environnement, et envoyant une alerte à l’apiculteur via son smartphone si la réponse est positive" src="https://images.theconversation.com/files/459062/original/file-20220421-14-amv7t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/459062/original/file-20220421-14-amv7t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=478&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/459062/original/file-20220421-14-amv7t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=478&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/459062/original/file-20220421-14-amv7t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=478&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/459062/original/file-20220421-14-amv7t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=600&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/459062/original/file-20220421-14-amv7t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=600&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/459062/original/file-20220421-14-amv7t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=600&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 4 : Ruches, capteurs, IA et smartphones/tablettes forment un système de suivi généralisé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gregory Zacharewicz, Baptiste Magnier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces modèles sont basés sur des règles métier construites avec l’aide d’experts du domaine. Il est également envisagé que ces règles métiers puissent ultérieurement évoluer grâce aux apports de la communauté d’apiculteurs utilisant le système.</p>
<p>Enfin, tout ce qui précède sera orchestré et présenté au sein d’une interface conviviale sur smartphone ou tablette, basée sur les principes de la <a href="https://fr.wiktionary.org/wiki/gamification">gamification</a>.</p>
<p>Cette contribution améliorera l’expérience des apiculteurs amateurs et professionnels, en réduisant les risques d’exploitation d’un rucher et ouvrira la porte à d’autres entrées disponibles (phénomènes météo détaillée, cartes de floraison, humidité, comportement des colonies d’abeilles, etc.) pour étendre les capacités des simulations. Enfin, l’apport des dernières générations des techniques numériques, et en particulier la <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03648045">simulation</a>, devrait ouvrir la voie à une apiculture de plus grande précision, afin de minimiser les traitements invasifs et de synthèse.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176715/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gregory Zacharewicz a reçu pour L'IMT Mines Ales des financements de Campus France. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Baptiste Magnier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
L’utilisation de capteurs connectés couplés à des modèles informatiques peut permettre de suivre l’activité d’un rucher, donnant ainsi de précieuses indications aux apiculteurs.
Gregory Zacharewicz, Professeur de l'Institut Mines Telecom, IMT Mines Alès – Institut Mines-Télécom
Baptiste Magnier, Associate professor, IMT Mines Alès – Institut Mines-Télécom
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/163757
2021-07-11T17:03:18Z
2021-07-11T17:03:18Z
Néonicotinoïdes, un débat qui réduit la nature à sa valeur financière
<p>Ce printemps 2021 a été marqué par le retour dans les champs de betteraves des insecticides à base de néonicotinoïdes. <a href="https://theconversation.com/interdiction-des-insecticides-neonicotino-des-pourquoi-a-t-il-fallu-attendre-plus-de-20-ans-95759">Après 20 ans de débats</a>, ils avaient été interdits en France en 2016 (pour une application en 2018), avant de l’être également dans l’Union européenne en 2018.</p>
<p>Ce rétropédalage correspond en fait à une dérogation temporaire accordée aux betteraviers pour lutter contre une invasion de pucerons vecteurs de la jaunisse, maladie qui décime les plants. Cette autorisation a été arrachée après une année <a href="https://theconversation.com/reintroduction-des-pesticides-neonicotino-des-comment-nos-deputes-ont-ils-vote-et-pourquoi-155158">d’intenses controverses</a> entre les partisans du texte (syndicats agricoles et industries d’agrochimie notamment) et ses opposants (apiculteurs, associations de défense de l’environnement).</p>
<p>Jusqu’à leur interdiction, les néonicotinoïdes étaient largement utilisés par l’agriculture contre les insectes nuisibles. Ces molécules attaquent le système nerveux des insectes, entraînant une paralysie mortelle. Leur nocivité sur les pollinisateurs, les petits vertébrés, les oiseaux et la faune aquatique <a href="https://www.pnas.org/content/116/34/16817.short">a été démontrée</a>. Pour l’homme, ils sont suspectés d’être <a href="https://www.anses.fr/fr/content/avis-de-lanses-relatif-%C3%A0-limpact-sur-la-sant%C3%A9-humaine-des-substances-n%C3%A9onicotino%C3%AFdes">cancérogènes et neurotoxiques</a>.</p>
<p>Comment s’explique ce revirement de la part du gouvernement français ? L’affaire a suscité de vives querelles. Au cœur de ce débat emblématique entre impératifs économiques et urgence environnementale, les deux camps ont mobilisé des valorisations financières (l’expression de valeurs en termes financiers) comme fer de lance de leurs revendications. Quels sont leurs arguments ?</p>
<h2>L’impact économique des pucerons</h2>
<p>L’argument principal avancé par les partisans de la dérogation porte sur la perte de rendement, estimée de <a href="https://www.itbfr.org/tous-les-articles/article/news/f-a-q-betterave-sucriere-pucerons-verts-jaunisse-et-neonicotinoides/">30 % à 50 %</a>, provoquée par l’interdiction des néonicotinoïdes. Les <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/08/06/face-a-la-jaunisse-de-la-betterave-sucriere-l-executif-veut-permettre-un-recours-aux-neonicotinoides_6048305_3244.html">pertes financières</a> associées ont quant à elles été évaluées entre 150 et 200 millions d’euros au total et jusqu’à 1 000€ par hectare.</p>
<p>Au-delà des pertes immédiates, les défenseurs invoquent la souveraineté alimentaire française et l’économie du pays. Cette baisse des rendements intervient dans un contexte de fragilisation de la filière à la suite de la fin des quotas européens et la chute du cours du sucre. Son effondrement ferait disparaître les emplois locaux (45 000 emplois directs) tout en imposant l’importation de produits dérivés (sucre, éthanol).</p>
<p>Les arguments sont principalement économiques : ils s’appuient sur une marchandisation de la nature, soit une causalité entre éléments naturels et revenus financiers. Cette marchandisation repose sur deux mécanismes.</p>
<h2>Le rendement pour quantifier la nature</h2>
<p>D’abord, la nature est quantifiée à travers le rendement. Clef de voûte de l’argumentaire des partisans, celui-ci traduit les éléments naturels (surface de terre) en quantités (kilogrammes de betteraves).</p>
<p>Cet indicateur suppose certaines limites : il s’inscrit dans un horizon temporel de court terme car les rendements ne se rapportent qu’à une année et les prévisions ne portent pas au-delà. Il ne peut faire sens que par rapport à une valeur de référence, ici historique, fondée sur les résultats passés (souvent une moyenne quinquennale).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1292563875985010688"}"></div></p>
<p>La référence historique implique un objectif de maintien (voire d’amélioration) de la performance dans le temps. D’autres références, tirées du benchmark (comparaison avec les parcelles les moins touchées par la jaunisse) ou théoriques (rendement estimé possible compte tenu des conditions), auraient pu mener à des interprétations différentes.</p>
<p>Le rendement est également un indicateur global, c’est-à-dire qu’il agrège des facteurs variés en un seul nombre et gomme les variations telles que les rendements locaux ou les circonstances météorologiques.</p>
<p>Enfin, il est exclusivement quantitatif. Il ne prend en compte aucun aspect qualitatif, tel que la qualité du sol, des betteraves ou la biodiversité existante.</p>
<p>Ainsi, les néonicotinoïdes, qui interviennent dans ce mécanisme de quantification en diminuant le rendement, altèrent le lien de causalité entre surface et quantité produite.</p>
<h2>Les revenus financiers pour monétiser la nature</h2>
<p>Ensuite, un mécanisme de monétisation permet de traduire cette quantité en revenus financiers. <a href="https://journals.openedition.org/economierurale/4073">Ce mécanisme dépend</a> notamment du prix du marché et de la concurrence internationale.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"798167534130397184"}"></div></p>
<p>Cependant, dans le calcul du bénéfice économique, cette valorisation ignore <a href="http://eprints.gla.ac.uk/33552/">certains coûts</a> comme celui de la destruction de biodiversité ou celui de la pollution.</p>
<h2>La nocivité environnementale des néonicotinoïdes</h2>
<p>Les adversaires de la dérogation opposent à ses partisans les études scientifiques démontrant la <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/09/23/la-reautorisation-des-neonicotinoides-en-france-constituerait-un-recul-democratique-majeur_6053238_3232.html">nocivité des néonicotinoïdes</a>, les associant au déclin des pollinisateurs.</p>
<p>Le taux de mortalité des abeilles peut en effet atteindre <a href="https://www.unaf-apiculture.info/nos-actions/pesticides-et-abeilles.html">30 %</a> après la floraison de plantes traitées (contre 5 % en temps normal) tandis que, au global, trois cent mille ruches disparaissent chaque année.</p>
<p>Ils rappellent l’urgence liée à l’effondrement de la biodiversité et exhortent à transformer la situation en opportunité de <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/09/02/les-insectes-pollinisateurs-sont-les-veritables-garants-de-notre-securite-alimentaire_6050683_3232.html">penser une autre agriculture</a>.</p>
<h2>La valeur économique de la pollinisation</h2>
<p>En miroir de la partie adverse, ils mobilisent le langage économique. Ainsi, la pollinisation par les insectes est évaluée à <a href="https://easac.eu/publications/details/ecosystem-services-agriculture-and-neonicotinoids/">14,6 milliards d’euros</a>. La Fondation Nicolas Hulot avance que l’extinction des abeilles coûterait <a href="https://www.fondation-nicolas-hulot.org/projet-de-loi-neonicotinoides-le-gouvernement-castex-choisit-le-sacrifice-des-abeilles-plutot-que-laccompagnement-des-agriculteurs/">2,9 milliards d’euros</a> à la France, contre les 100 millions alloués pour le soutien aux betteraviers.</p>
<p>Les opposants à la dérogation affirment donc que la pollinisation gratuite des cultures est plus profitable que l’emploi d’insecticides (<a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/09/02/les-insectes-pollinisateurs-sont-les-veritables-garants-de-notre-securite-alimentaire_6050683_3232.html">jusqu’à 200€ par hectare</a>).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1363961434535849984"}"></div></p>
<p>La perte de la biodiversité est la valorisation clef dans ce raisonnement : en donnant à l’environnement une valeur économique, sa destruction se transforme en coût et entre dans le discours médiatique et politique. L’existence d’espèces à l’état naturel est valorisée par le service de pollinisation rendu à l’humain, ce qui suppose là aussi une causalité entre nature et bénéfice économique.</p>
<h2>Au-delà de la valeur financière</h2>
<p>Cette valorisation s’inscrit dans un horizon temporel de long terme : le déclin des populations, ici des abeilles, se répercute sur plusieurs générations, aussi ses conséquences ne sont pas mesurables sur une année.</p>
<p>Elle est par ailleurs financière : d’autres définitions de la valeur sont possibles, telles que la valeur morale de la protection des espèces, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2212041616301942">leur valeur esthétique</a> ou leur contribution au bien-être individuel.</p>
<p>La valeur financière permet de parler un langage néolibéral plus légitime dans le débat public. Elle suppose que la valeur d’une espèce dépend de son degré d’utilité pour l’humain, ici par la pollinisation.</p>
<p>Cet angle néglige la <a href="https://www.degruyter.com/document/doi/10.1515/9781400857869.138/html">valeur intrinsèque</a> des espèces et leur participation à l’équilibre des écosystèmes. Elle implique que l’utilité de l’espèce à l’humain est connue et mesurable.</p>
<p>Ainsi, l’environnement devient un actif, générant des revenus présents et futurs. Sa destruction entraîne non seulement la diminution de la valeur de l’actif mais également des bénéfices futurs, voire des coûts de remplacement s’il est nécessaire à l’activité humaine.</p>
<h2>D’autres aspects du débat rendus invisibles</h2>
<p>Les valorisations au cœur des arguments des deux camps ont centré le débat sur l’enjeu économique de l’interdiction des néonicotinoïdes. Loin d’être neutres, ces valorisations rendent (in)visibles certaines composantes du débat.</p>
<p>Dans les deux cas, elles présentent la nature comme un capital économique et orientent la discussion sur l’importance des bénéfices résultant de son exploitation. A contrario, elles masquent ses facettes qualitatives et <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/AAAJ-06-2017-2963/full/html">morales</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/G3tW2dLFNcg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Disparition des abeilles : les pesticides néonicotinoïdes en 10 questions à Stéphane Foucart (Geo/Youtube, le 19 novembre 2019).</span></figcaption>
</figure>
<p>Malgré ces fondations communes, les deux valorisations étudiées révèlent des priorités sous-jacentes radicalement différentes. À travers le rendement, les partisans mettent l’accent sur les intérêts sociaux et économiques, soulignant les pertes dans un cadre temporel de court terme.</p>
<p>Les détracteurs avancent des préoccupations environnementales en valorisant les bénéfices générés sur le long terme et le coût de destruction. De ce fait, ces valorisations sont symptomatiques de modèles divergents qui sont en réalité difficilement opposables directement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163757/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
De part et d’autre, les arguments sont centrés sur la question des pertes et bénéfices liés à l’usage ou non de ces insecticides. Mais les modèles sociétaux défendus sont radicalement opposés.
Marion Ligonie, Assistante professeure en contrôle de gestion, Ph.D., IÉSEG School of Management
Sarah Maire, Assistant Professor in Accounting, Ph.D., IÉSEG School of Management
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tag:theconversation.com,2011:article/161233
2021-06-01T19:19:38Z
2021-06-01T19:19:38Z
Pénélope : « Les abeilles sont-elles conscientes qu’elles vont mourir si elles piquent ? »
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/403620/original/file-20210531-15-lrjgi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C3508%2C1780&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Seules les abeilles femelles peuvent piquer.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-vector/bee-open-wings-top-view-decorated-1434879311">Serafima Antipova / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Tout naturellement, le dard permet aux abeilles ouvrières de défendre leur nid, si un intrus vient à s’y intéresser de trop près. Les ours aiment beaucoup le miel et peuvent faire des dégâts là où leurs populations sont fortes comme dans les pays baltes. En France, ce sont plutôt les piverts qui peuvent faire des dégâts sur les ruches, et plus rarement les blaireaux. La colonie d’abeilles est organisée autour d’une seule reine qui est le seul individu à pouvoir pondre des œufs. Les ouvrières regroupent toutes les autres abeilles qui exécutent différentes tâches. Le butinage est la dernière tâche effectuée dans leur vie. Les mâles n’ont pour fonction que la reproduction c’est-à-dire la fécondation des reines.</p>
<p>Les ouvrières emploient aussi leur dard si elles sont malmenées ou se sentent menacées. Presque toujours, les abeilles n’utilisent leur dard que pour se défendre. Lorsque nous sommes piqués par une abeille mellifère (celle qui produit le miel que tu manges), la douleur n’est pas déclenchée par le dard en lui-même, mais par un venin injecté à l’aide de glandes à venin lors de la piqûre. Mais dans une situation normale – et à moins d’être placé à côté d’une ruche – il n’y a que peu de risque d’être piqué par une abeille.</p>
<h2>Pourquoi les abeilles ont-elles un dard ?</h2>
<p>Les ancêtres des abeilles et des guêpes n’avaient pas de dard. En revanche, ils possédaient un organe appelé <em>ovipositeur</em>. Celui-ci sert à déposer des œufs dans des endroits difficiles d’accès. Étant donné que les abeilles pondent aujourd’hui leurs œufs simplement dans leur nid, elles n’ont plus besoin de l’ovipositeur. Sur une période de plusieurs millions d’années, cet ovipositeur est devenu le dard des abeilles. Voilà pourquoi seules les abeilles femelles en ont un. Les mâles ne pondant pas d’œufs, ils n’ont donc pas pu développer de dard.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/403622/original/file-20210531-20-1lvmqtl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/403622/original/file-20210531-20-1lvmqtl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/403622/original/file-20210531-20-1lvmqtl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=682&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/403622/original/file-20210531-20-1lvmqtl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=682&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/403622/original/file-20210531-20-1lvmqtl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=682&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/403622/original/file-20210531-20-1lvmqtl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=856&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/403622/original/file-20210531-20-1lvmqtl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=856&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/403622/original/file-20210531-20-1lvmqtl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=856&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Dard d’une abeille noire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bee-sting-abeille-dard-2.jpg">SuperManu/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les abeilles sociales vivant au sein d’une même colonie ont des dards beaucoup plus puissants, car elles se sacrifient pour défendre leur reine. Si une ouvrière meurt, des milliers d’autres abeilles peuvent prendre sa place. En Europe, seules les abeilles mellifères vivent dans des abris (des troncs d’arbres creux, des cheminées ou des ruches). Les autres abeilles, dites sauvages, ne vivent pas en société (avec une reine et des ouvrières), elles ne vivent pas dans des abris, mais le plus souvent dans des terriers qu’elles creusent dans le sol.</p>
<p>Le dard permet de percer la peau d’un animal identifié comme étant une menace. Il est pointu et il se compose de deux parties qui glissent rapidement l’une sur l’autre permettant ainsi la progression dans les chairs. Le dard rétractile, situé à l’arrière de son abdomen, est barbelé.</p>
<p>Ceci lui permet de rester planté dans la peau des mammifères, mais pas des autres insectes. Lorsque le dard est retenu, l’abeille ne peut se libérer qu’en se séparant de tout son appareil venimeux. Ainsi éviscérée, elle mourra quelques heures après.</p>
<p>L’individu se sacrifie alors pour protéger la colonie. Elle ne peut donc piquer qu’une seule fois, contrairement aux frelons ou aux guêpes dont le dard est lisse. Le dard des reines pour sa part n’est pas barbelé. Elles peuvent donc en faire un usage plus fréquent, sans risquer une amputation mortelle.</p>
<p>Le comportement défensif d’une abeille dépend d’un certain nombre de facteurs : les conditions climatiques, la couleur, leur état physiologique, le mouvement, l’odeur, la période de l’année, la race d’abeille.</p>
<h2>La conscience des abeilles</h2>
<p>Il est difficile d’évaluer la conscience des abeilles. La question est de savoir si abeilles sont capables de <em>sentience</em>. Ce mot désigne la capacité d’éprouver des choses subjectivement, d’avoir des expériences vécues. Un être sentient ressent la douleur, le plaisir, et diverses émotions ; ce qui lui arrive lui importe. Selon cette philosophie, ce fait lui confère une perspective sur sa propre vie, des intérêts (à éviter la souffrance, à vivre une vie satisfaisante, etc.).</p>
<p>Pour avancer sur cette question, les chercheurs ont créé des expériences qui permettent de se rendre compte de certaines choses. Par exemple, on a découvert que les abeilles connaissaient le zéro. Pour cela, les abeilles ont été entraînées à choisir, entre deux images, celle qui avait le moins d’éléments. Lors du test, elles étaient récompensées grâce à une boisson sucrée. Ainsi, entre des images avec trois ou quatre éléments, les abeilles devaient choisir l’image avec trois éléments. Si les chercheurs présentaient une image sans élément et une avec un ou plus, les abeilles comprenaient que zéro était le plus petit nombre. Les abeilles comprennent donc le concept mathématique du zéro qui n’est pourtant pas si évident.Il a été aussi montré que les abeilles pouvaient reconnaître des visages humains.</p>
<p>En conclusion, il est difficile de répondre à la question de savoir si les abeilles savent qu’elles vont mourir avant de piquer un mammifère, à moins d’être une abeille.</p>
<hr>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : tcjunior@theconversation.fr. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161233/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Pierre Chauzat a reçu des financements de la Commission Européenne et de l'EFSA.
Mon mari possède des colonies d'abeilles. </span></em></p>
Saviez-vous que seules les femelles peuvent piquer ? S’il est difficile de déterminer si les abeilles ont une conscience, il est possible d’expliquer pourquoi elles attaquent au péril de leur vie.
Marie-Pierre Chauzat, Biologiste, spécialiste des abeilles, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/159650
2021-05-17T18:55:33Z
2021-05-17T18:55:33Z
À Paris, le retour des pollinisateurs sauvages
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/400469/original/file-20210513-23-bxqwf3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C1637%2C4103%2C2904&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Psithyre vestale (Bombus vestalis), qui butine ici un chardon-marie dans le parc de Belleville (XXe arrondissement de Paris), est un bourdon « coucou » : un intrus qui s’installe dans le nid du bourdon terrestre.</span> <span class="attribution"><span class="source">Vincent Zaninotto</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Au printemps 2020, alors que les Parisiens restaient confinés à leur domicile, c’est toute la <a href="https://www.paris.fr/pages/de-nouvelles-mesures-pour-proteger-la-biodiversite-dans-les-parcs-et-jardins-7827">biodiversité urbaine</a> qui a repris possession des espaces verts de la capitale.</p>
<p>Avec un entretien <em>a minima</em>, de nombreuses espèces de plantes sauvages ont été libres de se développer dans les pelouses et les haies ; tandis que les oiseaux, mammifères et insectes se sont réapproprié les espaces délaissés.</p>
<p>Lors du déconfinement, cette effervescence s’est révélée à des Parisiens avides de nature. Ceux-ci ont alors redécouvert la richesse d’une faune et d’une flore qu’ils côtoient tous les jours sans les remarquer. Une biodiversité que la ville de Paris tient notamment à valoriser à travers son nouvel <a href="https://www.paris.fr/pages/atlas-de-la-nature-de-paris-partez-a-la-decouverte-de-la-biodiversite-parisienne-17153"><em>Atlas de la nature à Paris</em></a>.</p>
<h2>À l’assaut des prairies parisiennes</h2>
<p>À la faveur d’un printemps particulièrement doux et en l’absence de tonte, les pelouses des parcs et jardins se sont progressivement transformées en prairies, accueillant pâquerettes, renoncules, cirses, etc. Une aubaine pour les insectes pollinisateurs sauvages.</p>
<p>Moins connus que la célèbre abeille à miel ou abeille domestique, les autres insectes pollinisateurs sont pourtant essentiels. Papillons, syrphes, abeilles sauvages… C’est leur <a href="https://ipbes.net/assessment-reports/pollinators">diversité</a> qui fait leur force et assure une pollinisation optimale des plantes à fleurs.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"986831238047649792"}"></div></p>
<p>Il existe de nombreuses espèces d’abeilles sauvages – près de <a href="https://oabeilles.net/les-abeilles-de-france/generalites">1 000 en France</a>. Aucune ne produit de miel, et la plupart sont <a href="http://base.dnsgb.com.ua/files/book/Agriculture/Beekeeping/Thep-Bees-of-the-World.pdf">solitaires</a>.</p>
<p>Pour ces abeilles, pas de ruche ! Certaines creusent leur nid dans le sol, tandis que d’autres s’installent dans les tiges creuses. Ce sont ces dernières que l’on peut apercevoir dans les fameux « hôtels à insectes ».</p>
<h2>Plus de 87 espèces d’abeilles sauvages à Paris</h2>
<p>Dans les parcs de la capitale, on en a déjà répertorié <a href="https://www.osmia-journal-hymenoptera.com/osmia-7-3.html">87 espèces</a>. Mais l’on en découvre sans cesse de <a href="https://www.mdpi.com/2075-4450/12/3/199">nouvelles</a> qui avaient jusque-là échappé aux inventaires.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/400470/original/file-20210513-3456-nz38w4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/400470/original/file-20210513-3456-nz38w4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/400470/original/file-20210513-3456-nz38w4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/400470/original/file-20210513-3456-nz38w4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/400470/original/file-20210513-3456-nz38w4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/400470/original/file-20210513-3456-nz38w4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/400470/original/file-20210513-3456-nz38w4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/400470/original/file-20210513-3456-nz38w4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Cette Mégachile du rosier (<em>Megachile centuncularis</em>) récolte le nectar et le pollen d’une cardère sauvage respectivement grâce à sa longue langue et à sa brosse ventrale. Jardin naturel Pierre-Emmanuel, XXᵉ arrondissement, Paris.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Vincent Zaninotto</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Certaines sont dites généralistes et butinent volontiers sur une large gamme de fleurs, dont celles des arbres, arbustes et plantes horticoles. D’autres sont spécialistes et ne visitent que certaines espèces bien précises de plantes sauvages. Ces abeilles spécialistes sont donc plus rares et plus vulnérables.</p>
<p>L’assortiment d’abeilles parisiennes diffère toutefois de ce que l’on peut trouver dans les milieux naturels. La ville agit comme un filtre qui ne laisse s’installer que <a href="http://doi.wiley.com/10.1002/ece3.2374">certaines espèces</a>. À Paris, par exemple, il y a relativement peu d’abeilles terricoles, comme les Andrènes. Ces abeilles peinent à y trouver des étendues de terre nue, indispensables pour creuser leur nid.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"832357710444232704"}"></div></p>
<p>Globalement, les abeilles sauvages urbaines sont plutôt grosses. La ville semble être un <a href="https://www.mdpi.com/2075-4450/12/3/199">milieu favorable</a> pour des espèces trapues telles que les abeilles maçonnes (Osmies), les abeilles coupeuses de feuilles (Mégachiles), et la plus massive, l’abeille charpentière (Xylocope).</p>
<p>On y trouve également plusieurs espèces de bourdons, qui sont aussi des abeilles sauvages. Mais ceux-ci sont sociaux, et leurs nids accueillent jusqu’à une centaine d’ouvrières. Le bourdon des champs (<em>Bombus pascuorum</em>), en particulier, peut se révéler très abondant dans les parcs et jardins.</p>
<h2>Des saisons chamboulées</h2>
<p>C’est sans doute la disponibilité en nourriture et en sites de nidification qui détermine <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0006320719307761?via%3Dihub">quelles espèces peuvent s’installer en ville</a>. Les abeilles ont besoin du gîte et du couvert, et certaines peuvent trouver leur compte dans les espaces verts urbains. Encore faut-il qu’elles supportent un milieu majoritairement très minéral, où les îlots de végétation sont rares et fragmentés.</p>
<p>C’est par ailleurs tout le calendrier des abeilles qui peut être perturbé en ville. Le climat y est plus chaud, c’est le phénomène des <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rsbl.2017.0125">îlots de chaleur urbains</a>. Et on y trouve en outre de nombreuses plantes exotiques et horticoles, qui peuvent fournir de la nourriture aux abeilles, <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0009559">même au cœur de l’hiver</a>. Déboussolées, les abeilles perdent la notion du temps et les successions saisonnières naturelles s’en trouvent <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/ece3.6794">modifiées</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1338630714338775040"}"></div></p>
<p>Malgré ces perturbations, les pollinisateurs urbains demeurent capables d’assurer une pollinisation efficace de certaines plantes. C’est ce que nous avons <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/ece3.6794">démontré</a> grâce à deux plantes de référence, la moutarde blanche et le lotier corniculé. Cultivées parallèlement dans des parcs parisiens et des milieux naturels d’Île-de-France, elles ont produit davantage de graines en ville. La pollinisation s’est d’ailleurs révélée efficace même hors-saison, grâce à de petites abeilles sauvages plus précoces à Paris et à une forte fréquentation par des bourdons.</p>
<h2>Favoriser la diversité des pollinisateurs urbains</h2>
<p>Les abeilles sauvages répertoriées à Paris demeurent toutefois des espèces très communes, ce qui soulève des questions.</p>
<p>Certains espaces verts urbains abritent-ils davantage de diversité que d’autres ? Pourrait-on en tirer des leçons sur les modes de gestion favorables aux insectes pollinisateurs ? En association avec les services de la ville de Paris, les chercheurs continuent d’explorer cette biodiversité urbaine et de proposer des pistes pour favoriser la nature en ville.</p>
<p>Pour rappel, <a href="https://ipbes.net/assessment-reports/pollinators">75 %</a> des variétés de plantes cultivées en agriculture dépendent de la pollinisation pour assurer un rendement et une qualité convenables.</p>
<p>Dans le contexte du retour en grâce de <a href="https://www.parisculteurs.paris/fr/a-propos/lagriculture-urbaine-pourquoi/">l’agriculture urbaine</a>, il apparaît donc essentiel de maintenir une faune pollinisatrice à la fois abondante et diversifiée. Ce petit monde peut alors assurer le succès d’activités qui conjuguent lien social, économie circulaire et protection de l’environnement.</p>
<p>Pour aider les pollinisateurs sauvages chacun à son échelle, la meilleure solution est encore de leur offrir des ressources florales variées, avec une préférence pour les <a href="https://www.arb-idf.fr/nos-travaux/publications/plantons-local-en-ile-de-france-2019/">espèces de plantes locales</a>.</p>
<p>Ces dernières, que l’on peut installer dans son jardin ou sur son balcon, fournissent une nourriture de qualité aux insectes adultes ainsi qu’à leurs larves. Elles seront également bien accueillies par les oiseaux, et participeront à l’équilibre de l’écosystème local !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159650/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Zaninotto travaille pour la ville de Paris dans le cadre de sa thèse de doctorat en écologie (dispositif CIFRE). Ses travaux ont bénéficié de financements de l’Institut de la transition environnementale de Sorbonne Université, de la région Ile-de-France, et de l’Institut écologie et environnement du CNRS.</span></em></p>
Les confinements ont réaffirmé la place des insectes pollinisateurs sauvages dans la capitale.
Vincent Zaninotto, Doctorant en écologie, Sorbonne Université
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/160401
2021-05-06T18:23:34Z
2021-05-06T18:23:34Z
« Zootopique » : Le silence des abeilles (4 / 5)
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/399002/original/file-20210505-19-qqmfwf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C17%2C5734%2C3811&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une abeille faisant le plein de pollen.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/IyP6Y7LpOWY">Dustin Humes / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>« Zootopique » est une série de cinq podcasts réalisés en partenariat avec l’Anses (Agence nationale sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail). Nous vous proposons une immersion en 2031, en interrogeant ce que seront nos relations avec les animaux. Grâce aux chercheuses et aux chercheurs, nous tentons de comprendre comment la science, aujourd’hui, peut anticiper les risques de demain.</p>
<iframe width="100%" height="188" src="https://embed.acast.com/anses-zootopique/episode4-lesilencedesabeilles" scrolling="no" frameborder="0" style="border:none;overflow:hidden;"></iframe>
<p>Depuis de nombreuses années les scientifiques alertent sur la perte de biodiversité avec un emblème fort : l'abeille domestique, celle qui produit notre miel. Est-ce que le pot de miel va devenir un produit de luxe ? Le déclin des abeilles est-il inexorable ? Que faire aujourd'hui, pour les aider sans oublier les autres insectes pollinisateurs ? </p>
<p>Bonne écoute !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160401/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Dans le podcast Zootopique, nous vous vous proposons une immersion en 2031 pour interroger nos relations avec les animaux.
Benoît Tonson, Chef de rubrique Science + Technologie, The Conversation France
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/154444
2021-02-04T21:29:57Z
2021-02-04T21:29:57Z
Le commerce du miel et des abeilles, entre fables et réalités
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/382176/original/file-20210203-17-1xgd11v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C115%2C1263%2C905&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les abeilles parcourent l’équivalent d’un tour du monde et visitent cinq millions de fleurs pour produire un seul pot de miel.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/an%C3%A9mone-abeilles-fermer-alimentaire-2670890/">Pixabay </a>, <a class="license" href="http://artlibre.org/licence/lal/en">FAL</a></span></figcaption></figure><p>On raconte beaucoup de fables sur le miel et les abeilles. Les économistes n’y échappent pas, prenant appui sur des ruches imaginaires pour fonder leurs théories. Les diététiciens ne sont pas en reste : les bienfaits du miel pour notre santé sont fantaisistes s’il provient de Chine, a été coupé par du sirop de sucre et contient des antibiotiques. Petit tour d’horizon de quelques fabulations et vérités de son commerce… ainsi que quelques conseils pour vos prochains achats.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/382180/original/file-20210203-17-1bcgyke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/382180/original/file-20210203-17-1bcgyke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/382180/original/file-20210203-17-1bcgyke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=975&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/382180/original/file-20210203-17-1bcgyke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=975&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/382180/original/file-20210203-17-1bcgyke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=975&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/382180/original/file-20210203-17-1bcgyke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1225&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/382180/original/file-20210203-17-1bcgyke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1225&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/382180/original/file-20210203-17-1bcgyke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1225&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« La fable des abeilles », édition de 1724.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Fable_des_abeilles#/media/Fichier:TheFableOfBees-Mandeville.jpg">Wikimedia</a></span>
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</figure>
<p>La vie sociale des abeilles libère l’imagination. L’écrivain romain Pline l’Ancien (23-79) admirait leur organisation en société politique avec ses chefs et ses conseils. Il les voyait même <a href="http://remacle.org/bloodwolf/erudits/plineancien/livre11.htm">animées d’une morale</a>. Près de 1 700 ans plus tard, à l’inverse, l’auteur Anglo-Néerlandais Bernard Mandeville décrit une ruche opulente habitée d’abeilles égoïstes où règne le vice. Elle périclitera lorsque la vertu leur sera imposée. Son ouvrage, <a href="https://www.institutcoppet.org/wp-content/uploads/2011/01/La-fable-des-abeilles.pdf"><em>La fable des abeilles</em></a>, deviendra une référence de l’économie politique. Précurseur d’Adam Smith et de sa main invisible des intérêts personnels conduisant au bien commun, Mandeville veut prouver que l’égoïsme est productif, contrairement à l’altruisme. Adversaire de la frugalité (le voleur de la richesse d’un avare la fera ruisseler), il inspirera John Maynard Keynes dans sa dénonciation de l’épargne excessive.</p>
<p>À la décharge de Pline, de Mandeville et de bien d’autres anciens fabulistes des abeilles, la ruche et ses cadres mobiles en bois n’avaient pas encore été inventés. L’observation de la vie et des mœurs des abeilles restait difficile. Pas de parois vitrées pour les voir s’agiter et pour compter les faux bourdons, ces mâles qui ne servent quasiment à rien d’autre qu’à féconder une reine. Moins encore de marqueurs électroniques pour étudier les déplacements incessants des abeilles et établir qu’un pot de miel d’un demi-kilo leur fait parcourir la distance d’un tour du monde et leur fait visiter <a href="http://rucherecole68.thann.free.fr/Calendrier%20apicole/des_abeilles_des_chiffres.pdf">cinq millions de fleurs</a>.</p>
<p>La difficulté d’observation n’est pas en revanche une excuse recevable pour James Meade, économiste anglais distingué par le prix de la Banque de Suède en mémoire à Alfred Nobel pour ses travaux d’économie internationale. Il s’est aventuré au début des années 1950 à vouloir illustrer ses réflexions théoriques sur les externalités à partir de <a href="https://www.jstor.org/stable/2227173?seq=1#metadata_info_tab_contents">l’exemple de pomiculteurs et d’apiculteurs d’une même région</a>. Les premiers rendent service aux seconds en offrant des fleurs à butiner à leurs abeilles qui en feront du miel et les seconds rendent service aux premiers en pollinisant leurs fleurs qui fructifieront en pommes. Mais ces services réciproques ne pouvant pas être rémunérés, les uns et les autres sous-investissent.</p>
<p>Les apiculteurs installent moins de ruches que nécessaire à l’optimum économique car ils ne percevront pas le bénéfice marginal qu’en retireront les pomiculteurs en kilos de pommes supplémentaires et ces derniers plantent moins de pommiers que nécessaires à l’optimum économique car ils ne percevront pas le bénéfice marginal qu’en retireront les apiculteurs en kilos de miel supplémentaires.</p>
<p>Cet exemple, sans doute par son caractère bucolique et printanier, a connu un grand succès auprès des professeurs d’économie et de leurs étudiants. Dommage car il relève de la pure fabulation. James Meade s’est doublement fourvoyé. D’abord, mais passe encore, il ignore que les fleurs de pommier produisent très peu de nectar. Le miel de pommier, si vous en trouvez ainsi étiqueté, sera en réalité issu d’autres fleurs de la pommeraie.</p>
<h2>Les abeilles voyagent parfois en camion</h2>
<p>Surtout, et c’est rédhibitoire, il ignore les nombreux arrangements en vigueur entre les arboriculteurs et les apiculteurs pour se rendre service et rémunérer leurs prestations. Pas de trace en réalité de facteurs de production gratuits et impayés, donc pas d’externalités manifestes. Un économiste américain spécialiste des droits de propriété et des coûts de transaction, Steven Cheung, <a href="https://www.jstor.org/stable/724823?seq=1#metadata_info_tab_contents">l’a bien montré</a> en réalisant une enquête auprès des apiculteurs et des arboriculteurs. Il a observé qu’ils s’arrangeaient entre eux selon des règles forgées par la tradition ou bien qu’ils signaient entre eux de véritables contrats.</p>
<p>Les apiculteurs américains font payer leurs services de pollinisation depuis longtemps. Mais le phénomène a pris une dimension incroyable avec le boom de la consommation d’amandes. Chaque année, plus d’un million de ruches transportées par camions migrent vers les amanderaies de Californie. Couvrant l’équivalent de la moitié de la Corse et fournissant près de 80 % de la production mondiale, elles reçoivent ainsi pour quelques semaines une <a href="https://www.scientificamerican.com/article/migratory-beekeeping-mind-boggling-math/">trentaine de milliards d’abeilles venues d’ailleurs</a>. Les ruches repartent ensuite en Floride ou au Texas pour polliniser d’autres vergers.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/382173/original/file-20210203-23-12kcvd8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/382173/original/file-20210203-23-12kcvd8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/382173/original/file-20210203-23-12kcvd8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/382173/original/file-20210203-23-12kcvd8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/382173/original/file-20210203-23-12kcvd8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/382173/original/file-20210203-23-12kcvd8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/382173/original/file-20210203-23-12kcvd8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Apiculteurs nord-américains chargeant des « ruchers itinérantes » sur un semi-remorque.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bee_migration_9045.JPG">Pollinator/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
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<p>En France, les abeilles voyagent aussi parfois en camion de région en région. Elles sont déplacées pour butiner des coins de floraison plus favorables. Une même ruche produira, par exemple, du miel de garrigue, puis du miel d’acacia, et enfin de lavande. Contrairement à leurs collègues américains, les apiculteurs professionnels français tirent leurs recettes de la production de miel et non principalement des services de pollinisation. Le commerce des abeilles est chez nous peu répandu.</p>
<p>En Chine également la transhumance des abeilles est jusqu’à maintenant pratiquée pour le miel plus que pour la pollinisation. Dans certaines régions comme le Sichuan, la pollinisation se fait pourtant à la main, à un coût évidemment supérieur. L’insuffisance de la population locale d’abeilles face à l’augmentation des surfaces en arboriculture en est indirectement l’origine. La cause principale est l’<a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2014/04/23/dans-les-vergers-du-sichuan-les-hommes-font-le-travail-des-abeilles_4405686_3244.html">utilisation massive de pesticides dans les vergers</a> de pommiers et de poiriers. Après avoir perdu leurs colonies, les apiculteurs ne veulent plus y déplacer leurs ruches.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/_KlN3fXNeo4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Reportage de France 2 sur la pollinisation manuelle réalisée par des femmes en Chine (2017).</span></figcaption>
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<p>Le commerce du miel opère sur de plus grandes distances encore que celui des abeilles. Vous pouvez vous procurer à Paris du miel de Nouvelle-Zélande ou de Cuba. Il est en vente en magasins spécialisés et en épiceries fines. Dans la grande distribution, vous pouvez aussi acheter du miel provenant de Chine mais alors sans le savoir ni le rechercher. Il suffit que l’étiquette sur le pot indique « mélange de miels non originaires de l’UE » ou « mélange de miels originaires et non originaires de l’UE ».</p>
<p>La Chine est en effet la première provenance des miels non continentaux importés en France. En réalité, j’aurais dû normalement employer un temps passé de l’indicatif. En premier lieu, car les importations d’Argentine ont dorénavant <a href="http://blog-itsap.fr/marche-miel-france-point-importations-2019/">dépassé les importations chinoises</a> pour le commerce lointain avec la France et parce que ce sont les importations d’Ukraine et non plus de Chine qui occupent aujourd’hui dans l’Hexagone la première place des importations extracommunautaires.</p>
<p>En second lieu, les règles d’étiquetage ont changé depuis le début de cette année. Pour les miels mélangés, l’indication de la provenance de chaque pays est devenue obligatoire : par exemple, miel de Chine (70 %), de France (20 %) et de Roumanie (10 %). Pour un miel d’origine géographique unique, rien n’est en revanche modifié, l’étiquette doit mentionner « Récolté en Espagne », « Récolté en Italie » ou encore « Récolté en Moldavie ». Si vous vous rendez en magasin vous verrez toutefois encore dans le rayon miel les pots de mélanges avec l’ancien étiquetage UE/non UE. Le ménage n’a pas été fait.</p>
<h2>Fraudes massives</h2>
<p>Comme dans beaucoup d’autres domaines, la Chine est le premier producteur et exportateur de miel dans le monde. Les statistiques de production et d’échange sont cependant à utiliser avec prudence : le miel fait l’objet de fraudes multiples et massives.</p>
<p>La plus courante consiste à ajouter un sirop de sucre. Il est beaucoup moins cher et pas toujours détecté. Soit parce que les pots ne sont pas contrôlés – les contrôles à la production et à l’importation restent exceptionnels –, soit parce que sa présence n’est pas décelée – certains sucres ajoutés sont seulement observables avec des techniques coûteuses comme la résonnance magnétique nucléaire.</p>
<p>Un article paru dans <em>l’American Bee Journal</em> soutient de façon convaincante que la croissance des volumes de miel exportés entre 2007 et 2015 par la Chine, l’Inde, et même l’Ukraine ne peut s’expliquer que par l’ajout de sucres. En effet, dans ces pays – comme ailleurs dans le monde – la demande intérieure n’a pas diminué (ce qui aurait libéré des quantités pour l’export), la productivité des ruches non plus (les abeilles souffrent de problèmes sanitaires et environnementaux de plus en plus sévères) et le nombre de ruches n’a que modérément augmenté (à défaut d’une rentabilité attractive et d’une formation significative de nouveaux apiculteurs).</p>
<p>Une seconde fraude consiste à blanchir le miel en falsifiant son origine. Certains pays comme la Thaïlande et le Vietnam exportent visiblement plus de miel qu’ils sont capables d’en produire, même en ajoutant du sucre ! La différence vient d’importations chinoises en transit vers les États-Unis. Elles y font l’objet d’une taxe anti-dumping dissuasive depuis le début des années 2000. Labelisés en provenance du pays d’escale, les miels chinois contournent l’obstacle.</p>
<p>Le non-respect des réglementations sanitaires constitue une troisième fraude. Il entraîne la présence dans le miel de pesticides et d’antibiotiques interdits ou en quantité dépassant les limites autorisées. Les antibiotiques peuvent provenir de traitements des colonies malades (par exemple contre la loque américaine, une maladie causée par une bactérie sporulante) ou bien de l’environnement des abeilles (dégradation de produits chimiques utilisés en agriculture, fumier et lisier de bétail).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/382179/original/file-20210203-19-lzltwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/382179/original/file-20210203-19-lzltwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/382179/original/file-20210203-19-lzltwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/382179/original/file-20210203-19-lzltwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/382179/original/file-20210203-19-lzltwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=462&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/382179/original/file-20210203-19-lzltwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=462&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/382179/original/file-20210203-19-lzltwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=462&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Falsifier l’origine de la production constitue l’une des principales fraudes sur le marché du miel.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/abeilles-ruche-entr%C3%A9e-objectif-3717962/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://artlibre.org/licence/lal/en">FAL</a></span>
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<p>Ingérer de fortes doses d’antibiotiques en mangeant du miel est paradoxal car il est connu pour ses propriétés antibactériennes grâce à des petites molécules qu’il contient, les défensines. Le miel contient aussi un antitussif naturel, le dextrométhormane, mais rassurez-vous, dans des quantités telles que contrairement aux sirops et gélules de synthèse son usage ne peut être détourné pour obtenir un effet psychotrope.</p>
<p>Comme pour les antibiotiques, la présence de pesticides dans le miel résulte de traitements apicoles (insecticides contre les acariens infestant la ruche, par exemple) ou agricoles (produits phytosanitaires). La majorité des miels à travers le monde contient quelques microgrammes ou nanogrammes de ces molécules chimiques. Dès lors que les interdictions et les seuils sont respectés, les résidus de pesticides dans le miel, même consommé régulièrement, ne présentent pas de danger pour la santé humaine.</p>
<p>Tel n’est pas le cas pour la santé des abeilles avec certains produits, en particulier les néonicotinoïdes. Des expériences montrent qu’ils induisent des désorientations qui <a href="https://itsap.asso.fr/projet_recherche/presentation-de-lumt-prade-protection-des-abeilles-dans-lenvironnement/les-abeilles-desorientees-par-une-faible-dose-dinsecticide/">empêchent les abeilles de retrouver le chemin de la ruche</a>. De façon générale, les pesticides contribuent, pour une <a href="https://www.anses.fr/fr/content/travaux-de-l%E2%80%99anses-sur-les-n%C3%A9onicotino%C3%AFdes">part cependant difficile à déterminer</a>, au syndrome d’effondrement des colonies, un phénomène aux causes multiples à l’origine d’une forte mortalité des abeilles depuis plus de vingt ans en Europe et aux États-Unis.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/FyK1ZdvX5LY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles (National Geographic Wild France, 2015).</span></figcaption>
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<p>Comme les précédentes, cette fraude agit sur les courants d’échanges car elle favorise les producteurs et les régions de miels de mauvaise qualité qui les font passer pour de bons produits. La mauvaise qualité étant moins coûteuse les producteurs et les régions de miels de qualité font face à des prix insuffisamment rémunérateurs et perdent des parts de marché. Les consommateurs sont également pénalisés : les vertus médicinales et nutritionnelles du miel deviennent des fables quand le miel qu’ils mangent est pour partie du sirop de maïs ou de canne et contient de fortes doses de produits chimiques.</p>
<h2>Délice de contrefacteur</h2>
<p>Le lecteur aura compris que je ne lui recommanderais pas d’acheter du miel chinois. Même s’il en existe bien sûr certainement de bonne qualité mais il faut alors les connaître et savoir comment et où se les procurer. Ce conseil vaut même si vous recherchez un miel de pâte à tartiner très bon marché. Préférez alors un miel argentin.</p>
<p>À l’autre extrême de la gamme de prix, je vous suggère d’être vigilant dans l’achat de miel néo-zélandais. Ce miel monofloral de Manuka, un arbuste austral, se caractérise par les propriétés antiseptiques et antibactériennes exceptionnelles. À cause de son prix extrêmement élevé, la Nouvelle-Zélande talonne la Chine au rang de premier exportateur de miel en valeur, c’est-à-dire en dollars et non plus en tonnes.</p>
<p>À plus de 100 euros le kilo il fait évidemment le délice des contrefacteurs : cinq fois plus de tonnes sont vendues dans le monde qu’il n’en est produit en Nouvelle-Zélande, pourtant le seul pays exportateur. De façon générale, si vous souhaitez acheter un produit de qualité d’origine extracommunautaire, approvisionnez-vous dans une boutique spécialisée où les miels sont sélectionnés et analysés (par exemple, <a href="https://www.miel-factory.com">Miel Factory</a>).</p>
<p>Pour un miel ordinaire et moins exotique, je vous recommande d’acheter un miel produit dans l’Union européenne. Les normes sanitaires et de qualité y sont plus sévères, mieux respectées et plus souvent contrôlées. Cela vous laisse un très large choix en particulier celui d’opter pour un miel produit dans votre région que vous pourrez acheter en vente directe à un apiculteur sur un marché ou dans une grande surface. Si vous craignez les résidus de pesticides et d’antibiotiques, il vous faut choisir un miel certifié bio. Ou, à défaut, si vous appréciez les miels au goût prononcé, un miel de garrigue, de maquis ou de forêt (de châtaigner, par exemple) mais surtout pas le miel d’une région d’agriculture intensive.</p>
<p>En l’absence de mention d’une origine locale sur l’étiquette, je ne ferais pas de distinction entre les nationalités des miels de l’Union européenne. L’origine locale est pertinente car elle correspond à un écosystème végétal et floral qui joue fondamentalement sur la qualité du miel. L’origine européenne est aussi pertinente car c’est l’échelle des réglementations, dont le niveau d’exigence et le respect détermine également la qualité. Entre ces deux échelles, le niveau national permet seulement de jouer sur l’attachement des consommateurs pour leur pays, – pourquoi pas ? –, ou sur un réflexe identitaire plus problématique.</p>
<p>Distinguer le miel français de façon générique promeut le 100 % made in France. Un ancien ministre de l’économie et du redressement productif en a fait son cheval de bataille. Il a créé la marque <a href="https://www.bleu-blanc-ruche.fr">Bleu Blanc Ruche</a> pour ne distribuer que du miel national et contribuer au « repeuplement de la France en abeilles ». Grand pourfendeur du libéralisme, nul doute qu’il ne partage pas les thèses de Mandeville sur les vertus du vice et du laissez-faire que les abeilles lui ont inspirées. Pollinisant les fleurs et produisant du miel, les abeilles nourrissent les hommes, mais aussi leur fertile imagination.</p>
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<p><em>François Lévêque est l’auteur de « Les entreprises hyperpuissantes. Géants et Titans, la fin du modèle global » à paraître chez Odile Jacob.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154444/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Lévêque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Des ruches qui voyagent en camion, des abeilles rémunérées pour leur service de pollinisation, des miels frelatés, des théories économiques fondées sur une organisation sociale imaginaire…
François Lévêque, Professeur d’économie, Mines Paris
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/154109
2021-01-28T18:07:01Z
2021-01-28T18:07:01Z
Débat scientifique sur le déclin des insectes : que reste-t-il à prouver ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/380985/original/file-20210127-21-bnxgg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C185%2C1504%2C1030&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les hyménoptères figurent parmi les catégories d’insectes les plus touchées par les pesticides. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/131075422@N07/31409966593">Luc Durocher/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le recul de la biodiversité, le réchauffement climatique, l’origine de certaines pandémies : ces faits sont établis depuis des décennies, notamment par des panels internationaux de scientifiques qui font consensus, à l’image du GIEC ou de l’IPBES.</p>
<p>Dans ce contexte, et pour la première fois, L’Académie des sciences <a href="https://www.academie-sciences.fr/fr/Rapports-ouvrages-avis-et-recommandations-de-l-Academie/declin-insectes-urgence.html">vient d’émettre un avis très clair</a> sur le déclin des insectes et l’urgence d’agir.</p>
<p>Sur ces sujets subsistent encore des polémiques issues de sources diverses, le plus souvent sans fondement scientifique, voire au-delà de toute rationalité. Et il existe aussi des controverses entre scientifiques. Les médias s’y engouffrent, les réseaux sociaux s’en nourrissent, le public s’y perd.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1353983019070218244"}"></div></p>
<p>L’exemple actuel de la pandémie de Covid-19 et de ses nombreux « scandales » vécus par tous – que ce soit à propos des masques, de la chloroquine ou des vaccins – rend tout cela très concret.</p>
<p>C’est qu’il y a souvent une confusion entre « la science en train de se faire » – où la controverse peut occuper une place de choix, habituellement restreinte aux échanges dans les revues spécialisées et les congrès – et la médiatisation immédiate de ce processus « immature » (car en cours et non abouti).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/de-la-controverse-scientifique-au-debat-de-societe-112039">De la controverse scientifique au débat de société</a>
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<p>Les scientifiques peinent eux-mêmes parfois à s’y retrouver dans la masse de publications accessibles sur tel ou tel sujet non directement compris dans leur domaine d’expertise. Et il n’est pas rare non plus d’être démuni dans sa propre spécialité, lorsque certains confrères compliquent trop l’exercice de la science, voire font preuve de mauvaise foi.</p>
<p>Il faut alors revenir à un examen attentif, en vérifiant par exemple l’ensemble des publications pouvant servir de sources aux articles scientifiques. Le processus de <em>peer reviewing</em> (le fait pour une revue spécialisée de soumettre les articles à l’approbation de pairs qui servent d’arbitres) est censé jouer ce rôle en partie. Mais c’est aussi et avant tout le travail des auteurs de ces articles de vérifier leurs bases de données.</p>
<h2>La nécessité de la vérification</h2>
<p>C’est à ce lent et fastidieux travail de vérification que se sont attelés la chercheuse <a href="https://www.tse-fr.eu/fr/people/marion-desquilbet">Marion Desquilbet</a> (Inrae) et ses collègues au sujet d’une méta-analyse <a href="https://science.sciencemag.org/content/368/6489/417">parue en avril 2020 dans la revue <em>Science</em></a> sur le déclin des insectes. Cette étude modulait les travaux précédents et se voulait rassurante. Pas si grave ni si rapide que cela, le déclin des insectes ?</p>
<p>Il a fallu regarder de plus près et le fruit des investigations de Marion Desquilbet et de ses collègues a été <a href="https://science.sciencemag.org/content/370/6523/eabd8947/tab-pdf">publié en décembre 2020, toujours dans la revue <em>Science</em></a>.</p>
<p><a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/01/18/vive-controverse-autour-du-declin-des-insectes_6066693_1650684.html">Des faiblesses ont ainsi été mises à jour</a> sur environ les deux tiers des publications utilisées dans la méta-analyse d’avril 2020. Le plus dérangeant étant l’agrégation d’études sur des approches spatio-temporelles très différentes (du local au global, études sur 2 ans ou à plusieurs décennies) et un mélange d’expériences naturelles (observations dans des contextes non expérimentaux) et d’expériences de type « mésocosmes » (dans des milieux reconstitués)</p>
<p>On pouvait donc légitimement penser que le résultat d’un tel amalgame conduirait à une sorte de combinaison d’effets différents – positifs, négatifs, neutres – pouvant mener à un résultat global significatif, une sorte de tendance arithmétique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/381176/original/file-20210128-21-1iso9r3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/381176/original/file-20210128-21-1iso9r3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/381176/original/file-20210128-21-1iso9r3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/381176/original/file-20210128-21-1iso9r3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/381176/original/file-20210128-21-1iso9r3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/381176/original/file-20210128-21-1iso9r3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/381176/original/file-20210128-21-1iso9r3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Abeille à longue corne Eucera (France). Comme tous les hyménoptères, les pollinisateurs sauvages sont très sensibles aux pesticides.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Romain Garrouste/MNHN</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Le rêve du <em>big data</em></h2>
<p>Mais revenons aux méta-analyses : elles se proposent d’étudier des données sur la base de connaissances établies, avec des objets parfois disparates pour lesquels on recherche des tendances générales, des corrélations originales, des associations discrètes, mais intéressantes.</p>
<p>Bref, c’est une sorte de <em>big data</em> des publications où l’on mettrait tout ensemble pour appuyer ensuite sur quelques boutons – ceux des logiciels d’analyses statistiques ou de modélisation qui permettraient de nous donner de « vrais » résultats non biaisés. C’est ici le grand rêve de ces <em>big data</em>, où la puissance de l’analyse permettrait de s’affranchir des erreurs initiales (mauvais protocoles, erreurs de saisies, statistiques inappropriées, etc.) et de méthodologie de constitution du corpus à analyser (la base de données de publications).</p>
<p>Reste que le plus important pour une information, c’est qu’elle soit exacte et vérifiée <em>avant</em> d’être incorporée dans les bases de données. Cette règle vaut évidemment pour les publications compilées dans ces méta-analyses.</p>
<p>Malgré les discussions autour de ces compilations – comme celle parue au printemps 2020 sur le recul des populations d’insectes – la tendance globale au déclin dans les milieux terrestres est bel et bien confirmée.</p>
<h2>La question des états de référence</h2>
<p>Cette controverse autour du recul des colonies d’insectes nous inspire plusieurs constats.</p>
<p>Rappelons en premier lieu que les insectes sont difficiles à étudier. Nous les connaissons mal en Europe – il y a de moins en moins d’enseignements naturalistes et taxonomiques – et ils souffrent d’un certain désintéressement. Pour eux, c’est la double peine : on a du mal à évaluer leur déclin, car ils ne nous ont <a href="https://theconversation.com/biodiversite-quand-loiseau-fait-de-lombre-a-linsecte-95629">jamais vraiment intéressés</a> ; ils sont de fait trop nombreux et mal connus puisqu’ils ne nous intéressent pas beaucoup !</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/381177/original/file-20210128-17-132049a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/381177/original/file-20210128-17-132049a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/381177/original/file-20210128-17-132049a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/381177/original/file-20210128-17-132049a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/381177/original/file-20210128-17-132049a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/381177/original/file-20210128-17-132049a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/381177/original/file-20210128-17-132049a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Prédation d’une mante religieuse sur un lézard Tarentola (France).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Romain Garrouste/MNHN</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Second point, la disparition programmée des insectes, pourtant annoncée dès 1962 dans <em>Le Printemps silencieux</em> de Rachel Carlson, n’a jamais vraiment représenté une priorité pour la science. Autrement, les évaluations du danger des insecticides auraient reçu une tout autre attention. Quant aux études à long terme, elles auraient été lancées de longue date, s’appuyant sur des réseaux d’« observatoires » ou des sites ateliers comme on en trouve aujourd’hui.</p>
<p>Il n’existe donc, on le comprend, aucun protocole, aucune initiative à une échelle suffisamment large, et qui ai commencé suffisamment tôt, pour donner un état de référence de la situation des insectes.</p>
<p>Il est à ce titre intéressant de rappeler que c’est à une société savante d’amateurs que l’on doit les 27 années de données ayant permis à des chercheurs allemands de publier en 2017 dans la revue <em>PLOS One</em> un <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0185809">article sur le déclin global des insectes outre-Rhin</a> qui a valeur d’exemple.</p>
<p>Dernier constat : si l’on a longtemps cru que les sciences participatives pourraient résoudre bien des problèmes de recherche sur la biodiversité – chaque citoyen pouvant potentiellement contribuer à la collecte de données –, elles ne peuvent toutefois régler les questions des états de référence dans lesquels s’engouffrent les contradicteurs, qu’ils soient de bonne ou de mauvaise foi.</p>
<h2>Au-delà des controverses, un constat partagé</h2>
<p>C’est donc bien de l’absence de programmes à long terme et des états de référence qui en découlerait pour comprendre la tendance et les changements d’état de la biodiversité dont nous souffrons et qui alimente les controverses.</p>
<p>Si des problèmes spécifiques à l’exercice de la science persistent de façon évidente, comme le souligne le débat autour de la méta-analyse évoquée plus haut, des milliers d’observateurs et des dizaines d’études locales ou nationales font sur le terrain le même constat d’un recul sans précédent du vivant.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1096263125752524801"}"></div></p>
<p>Autrement dit : est-on toujours obligé d’avoir la preuve de cette action dans la nature quand on connaît les difficultés de ces expériences – dont celles liées répétons-le à l’absence d’état de référence –, et la pollution globale de nos écosystèmes</p>
<p>C’est un peu comme si nous avions la preuve d’une action délétère d’une molécule persistante sur des cultures cellulaires et que l’on doutait de son action sur l’organisme : on connaît le mode d’action de molécules comme les néonicotinoïdes, pour ne citer qu’elles ; on sait les mesurer partout dans l’environnement… Comment alors peut-on imaginer l’absence d’effet à l’échelle des biocénoses et des écosystèmes ?</p>
<p>Cette pollution généralisée (au demeurant tout à fait mesurable) réclamerait sans doute un ré-ensauvagement de la planète… A minima, une sérieuse réévaluation écotoxicologique des molécules que nous épandons par milliers de tonnes depuis des décennies. Sur les insectes, sur les biocénoses, sur les écosystèmes et sur nous-mêmes.</p>
<p>Une recherche de transition est nécessaire pour comprendre et corriger ce qui se passe dans nos écosystèmes. Elle passe par l’établissement d’états de références pour la science du futur ou de la recherche de compensation de leur absence en innovant, par exemple, dans l’étude de nos collections ; celles-ci constituent en effet des formes de références dans l’espace et le temps. Comme le souligne l’Académie des sciences dans son tout récent avis, il est désormais urgent d’agir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154109/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Romain Garrouste a reçu des financements du CNRS, IPEV, Labex BCDiv, Sorbonne Université, National Geographic et MAEE.</span></em></p>
Pour la première fois, l’Académie des sciences vient d’émettre un avis très clair sur le déclin des insectes et l’urgence d’agir.
Romain Garrouste, Chercheur à l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (ISYEB), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/152761
2021-01-12T19:44:00Z
2021-01-12T19:44:00Z
Pourquoi les abeilles sont bonnes en maths
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/378347/original/file-20210112-17-13w3l50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C2993%2C1995&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les abeilles produisent des alvéoles d'une forme "parfaite".</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-vector/honeycomb-background-yellow-hexagon-shape-1474210157">CRStocker / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>As-tu déjà eu la chance d’étudier l’intérieur d’une ruche ? C’est une action périlleuse qu’il convient d’effectuer avec prudence et le moins souvent possible. En effet, ouvrir une ruche est perçu par les abeilles qui y vivent comme une agression, une attaque contre leur logis et c’est bien compréhensible : personne n’a envie qu’un géant retire le toit de sa maison ou de son appartement pour regarder à l’intérieur, voire se servir dans le frigo ! Il faut dire aussi qu’une ruche recèle de nombreux trésors : depuis longtemps l’être humain s’en nourrit.</p>
<p>Regardons en particulier le fruit du travail de nos ouvrières en bâtiment : constitués de multiples cellules en forme d’hexagone (c’est-à-dire ayant six côtés bien droits) qu’on appelle des alvéoles, les rayons de cire qu’elles bâtissent remplissent plusieurs fonctions.</p>
<figure class="align-Alvéoles de forme hexagonale construites par des abeilles zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/378341/original/file-20210112-15-uxdt63.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/378341/original/file-20210112-15-uxdt63.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/378341/original/file-20210112-15-uxdt63.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/378341/original/file-20210112-15-uxdt63.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/378341/original/file-20210112-15-uxdt63.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/378341/original/file-20210112-15-uxdt63.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/378341/original/file-20210112-15-uxdt63.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/378341/original/file-20210112-15-uxdt63.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">beehive.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/ruche-abeilles-insectes-1952648/">Равиль Мухаметов/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>En premier lieu, certains des alvéoles servent à la reine : elle y pond ses œufs, ceux-ci deviennent vite des larves (des petites chenilles) qui sont nourries par les abeilles ouvrières. Ce qui est étonnant, c’est que les larves nourrissent aussi les ouvrières avec une sorte de liquide qu’elles sécrètent. Les larves y font leur mue, jusqu’à devenir de véritables abeilles adultes, comme une chenille devient un papillon par un processus de métamorphose identique, à la seule différence que la mue des abeilles a lieu à l’abri d’une cellule faite de cire au lieu d’un cocon de soie.</p>
<p>Les alvéoles servent aussi de garde-manger : les ouvrières y déposent d’une part un mélange de pollen de fleurs et de salive, d’autre part le nectar (mélangé lui aussi à leur salive) qu’elles récoltent sur d’innombrables fleurs (plus il y a d’espèces de fleurs différentes et mieux c’est pour l’équilibre alimentaire des abeilles). C’est ce nectar qui, après évaporation d’une grande part de son eau devient le délicieux miel dont nous nous régalons.</p>
<h2>Où est la géométrie là-dedans ?</h2>
<p>T’es-tu déjà demandé pourquoi les alvéoles sont de forme hexagonale ? Pourquoi ne sont-ils pas plutôt carrés ou rectangulaires, avec quatre côtés, ou triangulaires avec seulement trois côtés ? Ou pourquoi pas de formes diverses, disposées de manière anarchique ?</p>
<p>Le quotidien d’une abeille est fait d’un travail harassant. Il en va de leur survie. Une ruche est continuellement active, même la nuit et l’hiver, les abeilles n’hibernent pas, elles ont une activité réduite (on parle de diapause) mais elles continuent de vaquer à diverses tâches.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/378349/original/file-20210112-17-4ts6bc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/378349/original/file-20210112-17-4ts6bc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/378349/original/file-20210112-17-4ts6bc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=681&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/378349/original/file-20210112-17-4ts6bc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=681&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/378349/original/file-20210112-17-4ts6bc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=681&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/378349/original/file-20210112-17-4ts6bc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=856&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/378349/original/file-20210112-17-4ts6bc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=856&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/378349/original/file-20210112-17-4ts6bc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=856&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une ruche dans la nature.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/des-animaux-insectes-abeilles-ruche-2612075/">Gerhard G./Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Les abeilles ont donc besoin d’optimiser leur activité et l’espace dont elles disposent dans la ruche pour être le plus efficace possible. Tout est calibré, tiré au cordeau, tout doit être parfait. C’est d’ailleurs pour cela que nous sommes émerveillés devant une ruche. Tout y est exceptionnel : la qualité des produits (la cire, le miel et le pollen dont elles se nourrissent, une résine qu’elle récolte sur les bourgeons de certains arbres, qu’on appelle propolis et qui leur sert à calfeutrer et aseptiser leur logis, la gelée royale dont elles nourrissent leurs larves, même le venin des abeilles est épatant !), la gestion de l’espace, les odeurs, couleurs, les « danses » des abeilles, leurs différents type de vols… il y aurait tant à dire !</p>
<p>L’hexagone régulier, dont les six côtés ont la même longueur, est la forme géométrique qui permet de recouvrir complètement une surface plane, sans laisser aucun espace vide perdu et en minimisant la quantité de cire nécessaire pour obtenir un alvéole d’une surface donnée : il faudrait plus de cire pour fabriquer les parois d’alvéoles carrés ou triangulaires qui permettraient de stocker la même quantité de miel.</p>
<h2>Un petit calcul</h2>
<p>Par exemple, pour une même surface de 1m<sup>2</sup> (un mètre carré), un triangle équilatéral a un périmètre (la longueur de son contour) de 4,56 mètres (un triangle quelconque de même surface aura toujours un périmètre supérieur à cette valeur), un carré a un périmètre de 4 mètres (un rectangle de même surface aura toujours un périmètre supérieur à 4 mètres, quelles que soient sa longueur et sa largeur) alors qu’un hexagone régulier a lui un périmètre de seulement 3,72 mètres, c’est-à-dire une diminution de 7 % par rapport à un carré et de plus de 18 % par rapport à un triangle équilatéral. Évidemment les alvéoles construits par les abeilles ne font pas 1m<sup>2</sup> mais plutôt 1cm<sup>2</sup>. Le résultat reste le même.</p>
<p>L’hexagone est la forme qui permet de répondre à cette délicate question : comment stocker un maximum en faisant un minimum d’effort et en perdant le moins de place ? À l’échelle de l’humanité, bien qu’il ait été conjecturé dès le IV<sup>e</sup> siècle par le mathématicien Pappus d’Alexandrie, ce n’est que récemment, en 1999, que Thomas Hales a démontré rigoureusement le « théorème du nid d’abeille » qui énonce le caractère idéal de l’hexagone. Les abeilles, sans papier ni crayon, « savent » depuis des millions d’années que c’est la forme qui convient le mieux. La théorie de l’évolution des espèces de Charles Darwin explique que des essais répétés et la sélection naturelle ont fait que les abeilles se sont peu à peu « orientées » vers ce type de construction très élaborée : celles qui ont adopté cette stratégie de construction l’ont emporté sur les autres.</p>
<p>L’être humain ne fait rien d’autre : s’il s’intéresse aux mathématiques, c’est que celles-ci lui permettent de mieux s’adapter à son environnement, de mieux le comprendre, d’aller plus loin, de devenir plus fort et de vivre en meilleure harmonie avec les autres espèces.</p>
<p>Si tu es encore curieux, nous pourrons continuer de parler des extraordinaires capacités des abeilles : savais-tu par exemple qu’elles étaient capables de faire des additions et même des soustractions ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : tcjunior@theconversation.fr. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152761/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Rouyer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les abeilles sont de remarquables mathématiciennes. Plus précisément, ce sont d’admirables géomètres et d’économes maçons !
Julien Rouyer, Agrégé et doctorant en mathématiques, Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/148956
2020-11-15T17:04:36Z
2020-11-15T17:04:36Z
Les insectes, ces super-héros
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science 2020 (du 2 au 12 octobre 2020 en métropole et du 6 au 16 novembre en Corse, en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition a pour thème : « Planète Nature ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>Les scientifiques tirent la sonnette d’alarme : la biomasse d’insectes a diminué au cours des 40 dernières années, déclinant même de près de 75 % dans certaines régions d’Europe. Les insectes sont pourtant indispensables pour notre sécurité alimentaire et le maintien de la biodiversité. Leur déclin pose question quant à la résilience des services qu’ils rendent pour l’agriculture, qui dans sa forme actuelle ne pourrait pas exister sans eux ! Ces services peuvent être vus comme autant de super-pouvoirs trop souvent négligés et malheureusement menacés.</p>
<p>Ce sont principalement les changements environnementaux mondiaux qui affectent la biodiversité des insectes, en premier lieu la destruction et l’altération des habitats naturels ainsi que la contamination des milieux par les pesticides. La mondialisation des échanges, responsable de l’arrivée d’insectes envahissants, et le réchauffement climatique, qui favorise leur implantation et modifie les aires de distribution de nombreuses espèces, accentuent encore le phénomène.</p>
<p>Les insectes représentent environ 50 % de tous les organismes vivants connus sur la terre, regroupant <a href="https://doi.org/10.1146/annurev-ento-020117-043348">75 % du règne animal</a>. Par leur abondance et leur diversité, ils constituent une composante essentielle de la vie terrestre.</p>
<p>Tout d’abord, les insectes sont une ressource alimentaire directe pour les oiseaux, les mammifères et les amphibiens.</p>
<p>Mais les ils ne fournissent pas seulement de la nourriture à d’autres organismes ; ils leur apportent également des services écosystémiques qui permettent le maintien et l’équilibre dynamique des écosystèmes tels que la pollinisation, le cycle des nutriments et la lutte biologique.</p>
<p>Ces facultés sont également clés pour la sécurité alimentaire, la santé humaine et le développement économique, car l’agriculture en bénéficie tous les jours. Tour d’horizon de quelques-uns de ces super-pouvoirs.</p>
<h2>Champions de la pollinisation</h2>
<p>Dans le monde, près de 90 % des espèces de plantes à fleurs sont pollinisées par des animaux, principalement des insectes tels que les abeilles. Ces plantes à fleurs sont essentielles au fonctionnement des écosystèmes et garantissent, par exemple, la régulation de la qualité de l’air, de l’eau douce et du climat, et l’approvisionnement en médicaments.</p>
<p>Par ailleurs, 5 à 8 % de la production agricole mondiale est directement attribuable à la pollinisation par les insectes. Ainsi, la valeur économique de la pollinisation par les insectes est estimée entre <a href="https://doi.org/10.1038/nature20588">235 à 577 milliards de dollars (USD)</a> annuellement pour les cultures destinées à l’alimentation humaine.</p>
<p>Les insectes pollinisateurs sont donc des super-héros, garantissant notre sécurité alimentaire. En effet, de nombreux fruits, légumes, semences, noix et oléagineux fournissant des proportions importantes de micronutriments, de vitamines et de minéraux dans l’alimentation humaine, dépendent des pollinisateurs.</p>
<p>Par ailleurs, une étude a mis en évidence que la baisse de diversité alimentaire associée au déclin des pollinisateurs pourrait causer des déficits en certains nutriments et engendrer une augmentation de la fréquence de certains <a href="https://doi.org/10.1016/S0140-6736(15)61085-6">troubles ou maladies</a>. Si les services de pollinisation des insectes sont considérablement endommagés, il y aura de graves impacts sur les économies agricoles et la sécurité alimentaire.</p>
<p>Ce sont les images du miel et de la ruche qui viennent généralement à l’esprit lorsqu’on évoque le mot « abeille ». Pourtant, en Europe, le miel est produit par une seule espèce, l’abeille mellifère (<em>Apis mellifera</em> L.), tandis que le mot « abeille » rassemble une diversité écologique remarquable.</p>
<p>La super-famille des Apoidea, ou abeilles, comprend en effet environ 20 000 espèces dans le monde et près de 2 000 espèces en Europe. En agriculture, le service de pollinisation est d’autant plus efficace lorsqu’il est rendu par une diversité d’abeilles. Des études ont mis en évidence une <a href="https://doi.org/10.1126/science.1230200">complémentarité et une synergie</a> d’action entre l’abeille mellifère et les abeilles sauvages pour les rendements des cultures entomophiles (c’est-à-dire dont la pollinisation est faite par les insectes).</p>
<p>En Argentine, par exemple, les <a href="https://doi.org/10.1111/1365-2664.13561">bourdons améliorent la production de pommes</a> en association avec les abeilles mellifères. Le bourdon sud-américain <em>Bombus pauloensis</em> a presque disparu du territoire argentin depuis l’introduction de bourdons européens, importés pour polliniser des cultures sous serre.</p>
<p>Il a déserté les environnements agricoles et ne s’aventure plus, comme la plupart des pollinisateurs, dans les vergers de pommes traités aux pesticides. Or ce bourdon natif est un excellent pollinisateur de pommiers. Pour étudier l’impact potentiel de sa disparition pour la production fruitière, des chercheurs ont réintroduit quelques colonies de <em>Bombus pauloensis</em> dans plusieurs vergers et en ont mesuré les rendements.</p>
<p>Comparée à celle obtenue dans des vergers sans bourdons et seulement pollinisée par l’abeille mellifère (<em>Apis mellifera</em>), la production de fruits est nettement améliorée : les pommiers donnent plus de fruits et les pommes portent plus de graines lorsque les fleurs sont visitées par le bourdon et les abeilles mellifères.</p>
<p>Une communauté diversifiée de pollinisateurs assure généralement une pollinisation des cultures plus efficace et plus stable que n’importe quelle espèce seule. La diversité des pollinisateurs contribue à la pollinisation des cultures même lorsque des espèces gérées par l’Homme (par exemple, les ruches d’abeilles mellifères <em>Apis mellifera</em>) sont présentes en abondance.</p>
<p>Pour les agriculteurs, cette étude démontre que la réintroduction du bourdon local se traduirait par de meilleurs revenus. Mais son maintien ne sera possible que si le recours aux pesticides diminue. D’autres études récentes ont démontré qu’en termes de production et rentabilité des cultures, le service de pollinisation rendu par les abeilles surpasse les bénéfices dérivés des pesticides dans le <a href="https://doi.org/10.1098/rspb.2019.1550">cas du colza</a>. Ces résultats illustrent parfaitement l’importance de conserver les insectes pour notre production alimentaire.</p>
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<span class="caption">Le bourdon, un auxiliaire précieux pour la pollinisation des cultures. Crédit : Pixabay.</span>
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<p>Il est important de souligner que les abeilles ne sont pas les seuls insectes pollinisateurs. Certaines espèces parmi les diptères (les <a href="https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/23942">syrphes</a> par exemple), les coléoptères (les cétoines par exemple) ou les lépidoptères (les papillons de jour et de nuit) <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1517092112">jouent un rôle crucial dans la pollinisation de nombreuses cultures</a> et dans la reproduction des plantes en général.</p>
<p>Il est également important de rappeler qu’il faut bien différencier l’abeille mellifère et les abeilles sauvages (et autres pollinisateurs sauvages) lorsque l’on parle de déclin des pollinisateurs. La première, employée en apiculture, accuse des surmortalités importantes mais le nombre global de ruches <a href="https://doi.org/10.1016/j.cub.2009.03.071">augmente chaque année</a>.</p>
<p>Les surmortalités sont encore mal comprises, mais elles résulteraient d’une <a href="https://doi.org/10.1126/science.1255957">combinaison de plusieurs facteurs</a> : exposition aux pesticides, manque de ressource florale et augmentation des pathogènes et parasites.</p>
<p>Les abeilles sauvages et les pollinisateurs sauvages accusent quant à eux un déclin important causé avant tout par l’altération et la destruction des habitats (disparition des haies, raréfaction des fleurs, etc.), sans que l’on puisse négliger, là encore, l’incidence négative des pesticides.</p>
<h2>Les insectes, alliés de la fertilité des sols</h2>
<p>Contrairement à la pollinisation, les autres services écosystémiques fournis par les insectes (lutte biologique, décomposition et cycle des nutriments, maintien de la structure et de la fertilité du sol) sont souvent difficiles à relier directement à la sécurité alimentaire, et sont donc plus difficiles à évaluer en terme économique. Le superpouvoir le plus répandu fourni par les insectes, et peut-être le plus sous-évalué, est leur rôle dans le développement et le maintien de la structure et de la fertilité du sol.</p>
<p>De nombreuses espèces d’insectes, essentiellement des coléoptères, décomposent les détritus végétaux et animaux, améliorent la structure du sol, et augmentent le stockage de carbone et d’eau sous nos pieds. Ces super-pouvoirs fournis par les bousiers sont estimés aux États-Unis à <a href="https://doi.org/10.1111/een.12240">380 millions USD</a> par an.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/365856/original/file-20201027-24-1qtnru7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/365856/original/file-20201027-24-1qtnru7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=535&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/365856/original/file-20201027-24-1qtnru7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=535&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/365856/original/file-20201027-24-1qtnru7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=535&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/365856/original/file-20201027-24-1qtnru7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=673&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/365856/original/file-20201027-24-1qtnru7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=673&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/365856/original/file-20201027-24-1qtnru7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=673&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le scarabée bousier utilise des pelotes sphériques de matière fécale comme nourriture et comme matériau de construction. Crédit : Pixabay.</span>
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<p>Les bousiers et les coléoptères en général ne sont qu’un petit composant de tous les insectes qui permettent le recyclage rapide et efficace des nutriments. D’autres insectes jouent ce rôle comme les termites, les fourmis, les mouches, les blattes et les collemboles.</p>
<h2>Ennemis des nuisibles</h2>
<p>La lutte biologique est un autre superpouvoir rendu par les insectes. Les super-héros mis en avant peuvent être des ennemis et antagonistes naturels et des agents de lutte biologique qui réduisent les populations de différents organismes nuisibles. Par exemple, de minuscules guêpes et mouches peuvent contrôler naturellement les ravageurs des cultures en pondant leurs œufs dans le corps des ravageurs.</p>
<p>Sans elles, celles-ci seraient dévastées et la dépendance aux produits agrochimiques, avec tous les coûts environnementaux et financiers associés, serait ruineuse. Pour ne prendre qu’un exemple, la guêpe <em>Cotesia flavipes</em> qui a été importée en Afrique de l’Est et australe pour lutter contre le foreur envahissant du maïs, le Lepidoptère <em>Chilo partellus</em>, dans les années 90, aurait sauvé les moyens de subsistance de plus de 130 000 agriculteurs ruraux de la région.</p>
<p>L’analyse coûts-avantages suggère que les avantages économiques sur une période de 20 ans de cette minuscule guêpe étaient de <a href="https://doi.org/10.1080/00379271.2006.10697487">183 millions USD</a> au Kenya et de <a href="https://doi.org/10.1016/j.agee.2016.05.026">39 millions USD</a> en Zambie. Un autre exemple, plus emblématique est le service rendu par les coccinelles dans nos cultures et jardins. Les coccinelles peuvent, par prédation, contrôler les invasions de pucerons.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/365857/original/file-20201027-19-kguulx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/365857/original/file-20201027-19-kguulx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/365857/original/file-20201027-19-kguulx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/365857/original/file-20201027-19-kguulx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/365857/original/file-20201027-19-kguulx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/365857/original/file-20201027-19-kguulx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/365857/original/file-20201027-19-kguulx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Coccinelle ayant isolé des pucerons au bout de feuilles de rosiers, et s’apprêtant à en manger. Crédit : Wikipedia.</span>
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<p>Qu’ils soient pollinisateurs, agent de lutte biologique ou décomposeur, les insectes rendent des services écosystémiques inestimables en agriculture tout comme dans la nature et nos jardins. Ils fécondent de nombreuses espèces cultivées et contribuent au maintien de la biodiversité. Trop souvent, nous attendons que ces services se détériorent pour prendre conscience de leur importance. La conservation des insectes est devenue une question urgente. L’agriculture dans sa forme actuelle ne pourrait pas exister sans eux. </p>
<p>Chacun d’entre nous doit prendre conscience de l’importance des insectes dans notre monde moderne, et le mot « insecte » ne devrait pas être perçu comme négatif : <a href="https://www.ird.fr/les-insectes-au-secours-de-la-planete-une-exposition-de-lird">ces animaux ont des superpouvoirs</a> qui peuvent sauvegarder la capacité de nos systèmes agricoles à garantir notre sécurité alimentaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/148956/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Les insectes, dont le nombre n'a cessé de décliner ces quarante dernières années, sont indispensables pour notre sécurité alimentaire et le maintien de la biodiversité.
Fabrice Requier, Chargé de recherche, Université Paris-Saclay
Olivier Dangles, Écologue, Institut de recherche pour le développement (IRD)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/148734
2020-11-13T15:55:11Z
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Ce que la vie amoureuse du châtaignier nous enseigne de l’agroécologie
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/365167/original/file-20201023-23-dx7bfe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C5%2C1290%2C859&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les insectes et notamment les coléoptères (ici le téléphore fauve, à gauche, et une trichie commune), sont de bons pollinisateurs du châtaignier.</span> <span class="attribution"><span class="source">Rémy Petit</span></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science 2020 (du 2 au 12 octobre 2020 en métropole et du 6 au 16 novembre en Corse, en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition a pour thème : « Planète Nature ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>Quoi de plus agréable en ce début d’automne que de savourer des fruits de saison ? Mieux encore, si on a la chance de disposer d’un jardin, pourquoi ne pas les produire soi-même ? Voici quelques leçons de botanique et d’écologie utiles pour s’assurer une belle récolte.</p>
<p>Posons-nous d’abord quelques questions simples : d’où vient le pollen fécondant les fleurs et comment est-il transporté ? Pour cela, prenons l’exemple du châtaignier, l’<a href="https://www.fayard.fr/sciences-humaines/terres-de-castanide-9782213017235">« arbre à pain »</a> de nos ancêtres. Magnifique, capable de vivre des centaines d’années et d’atteindre une circonférence de plus de 10 mètres, il a subvenu aux besoins essentiels des habitants de plusieurs régions d’Europe du Sud de la fin du Moyen Âge au XIX<sup>e</sup> siècle. Mais à compter de la révolution industrielle, produire sans labourer devient contraire au nouvel idéal de progrès, et un <a href="https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1984_num_39_6_283126">mauvais procès</a> est fait au châtaignier et à sa culture. Puis au mépris des vertus du châtaigner a succédé l’oubli.</p>
<p>Malgré l’arrivée de maladies et <a href="https://twitter.com/FR_Conversation/status/1082360615522525185">ravageurs exotiques</a> entraînant des dépérissements locaux, on assiste aujourd’hui à un <a href="https://www.invenio-fl.fr/chataigne">renouveau des châtaigneraies</a>, porté par des consommateurs en quête d’authenticité. Les producteurs de châtaignes, appelés castanéiculteurs, sont confrontés à une production hétérogène et ont décidé de soutenir des recherches sur la reproduction du châtaignier afin de faire évoluer sa culture par une meilleure compréhension des mécanismes écologiques sous-jacents.</p>
<p>Ces travaux nous serviront à illustrer <a href="https://www.inrae.fr/agroecologie">quelques enjeux de l’agroécologie</a>, la science appliquant les principes de l’écologie à l’agriculture. Des principes tout aussi valables pour votre jardin ou le parc voisin !</p>
<h2>Plantez plusieurs variétés d’une même espèce</h2>
<p>Les arbres fruitiers, comme toutes les plantes à fleurs, possèdent des étamines où sont produits les grains de pollen, et des pistils contenant les ovules et équipés pour capter les grains de pollen. La pollinisation correspond au transport du pollen émis par les étamines vers les stigmates, la partie réceptrice du pistil. À première vue, un arbre pourrait donc se débrouiller seul dès lors qu’il est à la fois mâle et femelle : c’est l’autofécondation. Mais <a href="https://www.annualreviews.org/doi/10.1146/annurev.ecolsys.37.091305.110215">chez la plupart des arbres</a>, celle-ci ne fonctionne pas ou très mal : le pollen émis doit obligatoirement rencontrer les stigmates portés par les fleurs d’un autre arbre.</p>
<p>Ainsi, notre châtaignier a besoin de pollen produit par d’autres arbres compatibles pour se reproduire et porter des fruits. Or la culture de cet arbre est basée sur des variétés, c’est-à-dire des arbres aux caractéristiques particulièrement intéressantes repérés puis multipliés à l’identique par greffage. Par exemple, dans le Périgord, les variétés les plus courantes sont appelées Marigoule et Bouche de Bétizac. Deux arbres d’une même variété étant génétiquement identiques, ils sont incompatibles. Il faut donc planter des arbres appartenant à des variétés différentes pour espérer récolter des fruits.</p>
<p>« J’ai la même variété que ma cousine, mais alors qu’elle récolte plein de fruits, j’ai des rendements catastrophiques ». Peut-être que le jardin de ma cousine est situé à côté d’un autre verger ou d’un bois de châtaigniers produisant du pollen compatible en abondance et lui assurant ainsi une belle récolte. Au contraire, si mon verger est isolé et ne compte qu’une seule variété de châtaignier, le rendement ne sera jamais au rendez-vous, quelle que soit la variété choisie. Mieux vaut donc dans tous les cas planter suffisamment de variétés dans un verger et au moins deux arbres différents si c’est pour un jardin !</p>
<h2>Offrez aux insectes le gîte et le couvert</h2>
<p>Il faut aussi se poser la question du transport du pollen d’une variété à une autre : par le vent ou par les insectes ? Confier son destin au vent est si aléatoire que les arbres ainsi pollinisés doivent nécessairement produire de grandes quantités de grains de pollen de petite taille. Cela devrait rendre facile l’identification du mode de pollinisation de ces plantes.</p>
<p>Dans le cas du châtaignier pourtant, la question est restée sans réponse des botanistes <a href="https://www.jstor.org/stable/pdf/4060307.pdf">depuis plus de 140 ans</a>. Il produit une quantité gigantesque de pollen (estimée à deux mille milliards de grains de pollen par hectare), ce qui a longtemps conduit certains à penser que le vent pourrait jouer un rôle dans sa reproduction. Mais comment interpréter la forte odeur suave de ses fleurs, si ce n’est pour attirer des insectes ? Les châtaigniers ne laissent d’ailleurs pas les abeilles indifférentes, comme vous le confirmeront tous les amateurs de miel de châtaignier !</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/365168/original/file-20201023-13-k9qqf8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/365168/original/file-20201023-13-k9qqf8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/365168/original/file-20201023-13-k9qqf8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/365168/original/file-20201023-13-k9qqf8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/365168/original/file-20201023-13-k9qqf8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/365168/original/file-20201023-13-k9qqf8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/365168/original/file-20201023-13-k9qqf8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/365168/original/file-20201023-13-k9qqf8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Châtaignier couvert de fleurs dans un verger : l’extrême abondance de la production de pollen a longtemps été interprétée comme une preuve que cette espèce était pollinisée par le vent, mais si on empêche l’accès des fleurs aux insectes, très peu de fruits sont produits.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rémy Petit</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Nos travaux indiquent que ce n’est pas le vent mais bien les insectes qui jouent un rôle essentiel dans la pollinisation du châtaignier. En plaçant autour des fleurs des filets conçus pour empêcher les insectes d’y accéder, nous avons montré que la production de châtaignes était divisée par cinq ou par dix. Il faut donc pouvoir bénéficier de l’aide des insectes pollinisateurs pour espérer récolter des châtaignes, mais lesquels ? Les abeilles ?</p>
<h2>Laissez les fleurs duper les coléoptères</h2>
<p>Les fleurs mâles du châtaignier produisent d’énormes quantités de pollen très nutritif ainsi que du nectar.</p>
<p>Les fleurs femelles n’offrent pas de récompense aux insectes mais ont l’apparence des fleurs mâles, ce qui augmente leurs chances d’être visitées par erreur et fécondées. Tous les insectes ne sont pas dupes du stratagème : les abeilles par exemple tirent profit de l’abondance du pollen des fleurs mâles sans pour autant rendre visite aux fleurs femelles.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/365170/original/file-20201023-19-pc521s.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/365170/original/file-20201023-19-pc521s.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/365170/original/file-20201023-19-pc521s.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/365170/original/file-20201023-19-pc521s.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/365170/original/file-20201023-19-pc521s.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/365170/original/file-20201023-19-pc521s.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/365170/original/file-20201023-19-pc521s.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Quand les fleurs femelles imitent les fleurs mâles. Portion de chaton de châtaignier, comportant une inflorescence femelle à la base dont les extrémités réceptrices blanchâtres et allongées (cf. cercle pointillé de gauche) ressemblent aux étamines des fleurs mâles qui produisent à leur extrémité des grains de pollen (cercle pointillé de droite).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rémy Petit</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À l’inverse, d’autres insectes tombent dans le panneau : c’est le cas des coléoptères, cette famille très ancienne et très diversifiée dont font partie les scarabées, coccinelles et autres hannetons. Recouverts du pollen abondant et collant d’un autre châtaignier visité plus tôt, ils sont victimes de l’illusion. Espérant à tort trouver une récompense chez les fleurs femelles, ils assurent ainsi la production des fruits.</p>
<p>Pour augmenter le rendement dans les vergers, il est donc inutile d’y installer des souffleries en espérant favoriser la pollinisation par le vent, ou même d’y multiplier le nombre de ruches. Il convient plutôt de rendre le verger et ses abords accueillants aux insectes sauvages, en leur assurant toute l’année le gîte et le couvert.</p>
<p>Nos recherches sur cet arbre confortent ainsi trois messages plus généraux de l’agroécologie.</p>
<p>En premier lieu, maintenir une diversité génétique suffisante de l’espèce cultivée est déterminant. C’est vrai à court terme, pour assurer la reproduction croisée, mais aussi à plus long terme, pour assurer la stabilité de la production dans un contexte marqué par des changements environnementaux très rapides et drastiques.</p>
<p>En deuxième lieu, maintenir une diversité d’espèces d’insectes associées et souvent auxiliaires des cultures est également crucial. En particulier, les populations d’insectes sauvages assurant la pollinisation doivent absolument être préservées. Pour les châtaigniers, il n’y a pas d’alternative possible !</p>
<p>Enfin, troisième message, en agriculture, mieux vaut chercher à comprendre ce qui se passe plutôt que de se fier à sa seule expérience. C’est la clé pour apporter des réponses adaptées quand les circonstances changent : là réside toute la beauté de la science et l’art véritable du paysan… ou du jardinier du dimanche.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/148734/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Clément Larue a reçu des financements de l'ANRt et de la région Nouvelle-Aquitaine pour le financement de sa thèse CIFRE.
Cette thèse CIFRE est un partenariat entre une entreprise, Invenio, et une unité mixte de recherche, Biogeco. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Rémy Petit ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Voici quelques leçons tirées de la reproduction du châtaignier pour planter des arbres et recevoir des fruits en abondance.
Clément Larue, Doctorant en écologie et évolution - Thèse CIFRE Biogeco & Invenio, Université de Bordeaux
Rémy Petit, Docteur en écologie et évolution, Inrae
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/148269
2020-11-12T21:51:53Z
2020-11-12T21:51:53Z
Qu’est-ce qu’un pollinisateur ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/369057/original/file-20201112-19-9x8a3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1899%2C4500%2C2586&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Abeilles sur des marguerites</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.freepik.com/vecteurs-libre/abeilles-fleurs-marguerite_5921800.htm#page=1&query=bee%20flower&position=12">Macrovector / Freepik</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Si je te dis « pollinisateur », tu penses sans doute aux abeilles domestiques qu’on élève pour leur miel. En ce cas, tu as un peu raison, mais ce ne sont pas les seules !</p>
<p>Déjà, faisons le point sur la pollinisation. Les scientifiques estiment que 80 % des plantes à fleurs parient sur les pollinisateurs pour leur reproduction : ce sont eux qui transportent le pollen d’une fleur à l’autre. Le pollen, c’est une poudre que les fleurs fabriquent pour se reproduire entre elles. Pas de pollen, pas de fécondation. Pas de fécondation, pas de graine ni de fruit. Pas de graine, pas de reproduction. Ou alors une reproduction à l’identique, sans diversité ni capacité d’adaptation face aux changements de l’environnement. C’est dire à quel point la pollinisation est cruciale ! Heureusement que l’abeille domestique n’est pas la seule à remplir cette fonction.</p>
<p>En France, les entomologistes (les scientifiques qui s’intéressent aux insectes) ont décrit près de 1000 espèces d’abeilles sauvages, des cousines de l’abeille domestique. Et ce ne sont pas les seules espèces pollinisatrices. Qui sont les autres ? En France métropolitaine, ce sont tous les insectes qui visitent les fleurs et qui emportent le pollen accroché sur leurs poils : des abeilles bien sûr, mais aussi des mouches, des papillons, des coléoptères et des punaises. Tous contribuent à la pollinisation. Sous d’autres latitudes, ce rôle est également rempli par des mammifères, des reptiles et des oiseaux qui se nourrissent sur les fleurs. Le pollen peut s’accrocher partout !</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/369059/original/file-20201112-15-17ujsf3.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/369059/original/file-20201112-15-17ujsf3.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/369059/original/file-20201112-15-17ujsf3.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=157&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/369059/original/file-20201112-15-17ujsf3.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=157&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/369059/original/file-20201112-15-17ujsf3.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=157&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/369059/original/file-20201112-15-17ujsf3.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/369059/original/file-20201112-15-17ujsf3.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/369059/original/file-20201112-15-17ujsf3.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une halicte (Hyménoptère), un hélophile (Diptère), un nacré de la ronce (Lépidoptère), une hoplie bleue (Coléoptère), et un pentatome (Hémiptère).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alix Sauve (photos 1, 2, 5), Bastien Castagneyrol (photos 3 et 4)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Les insectes pollinisateurs ne travaillent pas gratuitement. La plupart visitent les fleurs pour s’y nourrir et transportent donc du pollen d’une fleur à l’autre involontairement. Au fil de leurs visites, ils amassent sur leur corps des grains de pollen qui se déposeront sur d’autres fleurs. Beaucoup d’insectes pollinisateurs… mangent le pollen ! Ou bien s’alimentent à partir d’un jus sucré spécialement produit par les plantes pour attirer les pollinisateurs : c’est le nectar. Les pollinisateurs qui sont équipés de trompes peuvent atteindre le fond de la fleur et aspirer le nectar comme avec une paille. Mais certains s’en servent aussi pour se nourrir sans rentrer dans la fleur : un petit trou sur le côté pour passer sa trompe, et le voleur est servi ! On parle dans ce cas en effet de vol car l’insecte ne ramasse ni ne dépose de pollen et ne pollinise donc pas la plante qui le nourrit.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/369060/original/file-20201112-23-1r2rsvi.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/369060/original/file-20201112-23-1r2rsvi.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=191&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/369060/original/file-20201112-23-1r2rsvi.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=191&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/369060/original/file-20201112-23-1r2rsvi.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=191&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/369060/original/file-20201112-23-1r2rsvi.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=240&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/369060/original/file-20201112-23-1r2rsvi.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=240&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/369060/original/file-20201112-23-1r2rsvi.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=240&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des bourdons (de différentes espèces) visitent des fleurs et (1) ramassent du pollen sur leurs soies, (2) remplissent leurs corbeilles, (3) aspirent du nectar, parfois en (4) perçant un trou sur le côté de la fleur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Crédits photo : Frédéric Barraquand (photo 2), Alix Sauve (photos 1 et 3), et Alves Gaspar (photo 4)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Les plantes et les pollinisateurs sont plus ou moins dépendants les uns des autres, et c’est ce qui est en partie à l’origine de leur fabuleuse diversité. A priori, plus une fleur attire de pollinisateurs, plus elle a de chances d’être fécondée. Mais seulement si le pollen est échangé entre deux fleurs de la même espèce ! Pour garantir le succès des échanges, les plantes ont deux stratégies : se spécialiser ou faire dans le vrac. Certaines orchidées ont un contrat exclusif avec un seul type de pollinisateurs. Elles assurent leur fidélité en imitant l’odeur et la forme des femelles de leurs pollinisateurs. Trompés, les mâles tentent de copuler avec la fleur… En vain (pour eux) mais en se chargeant de pollen !</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/HUMzVEjT0y4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Une <em>Colletes cunicularius</em> mâle tente de copuler avec une fleur d’<em>Ophrys arachnitiformis</em> (Nicolas Vereecken).</span></figcaption>
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<p>À l’opposé, certaines fleurs comme les carottes sauvages attirent une pléthore d’insectes qui viennent s’y nourrir, se reposer, ou se reproduire. Tous peuvent contribuer (à des degrés divers) à la pollinisation de ces plantes.</p>
<p>Les deux stratégies ont des avantages et des inconvénients. Les plantes généralistes qui attirent de nombreuses espèces de pollinisateurs ont plus de chances de recevoir du pollen, d’autant que si une espèce de pollinisateur venait à disparaître, d’autres assureraient la pollinisation. Mais ce n’est pas toujours garanti que le pollen qu’ils transportent vient de la bonne plante. De leur côté, les plantes qui ne font affaire qu’avec une seule espèce de pollinisateurs s’assurent le transport privilégié du bon pollen. Mais cette spécialisation les rend également très vulnérables à la disparition de leurs visiteurs !</p>
<p>Les insectes pollinisateurs sont aujourd’hui menacés par plusieurs facteurs : la réduction de leurs habitats, le réchauffement climatique qui peut décaler la période d’activité des insectes par rapport à celle de la floraison (de quoi affamer les pollinisateurs…), ou encore un usage important des pesticides. Autant de perturbations qui peuvent se répercuter sur tout l’écosystème à travers les relations qui existent entre les plantes, les insectes et leurs prédateurs, les prédateurs de leurs prédateurs, etc. Pour ces raisons, il est impératif de mieux comprendre la biologie des pollinisateurs pour les protéger efficacement. Tu peux toi-même aider les scientifiques dans cette vaste tâche… en <a href="https://www.spipoll.org/">prenant des photos</a> qui permettront de savoir quels pollinisateurs se nourrissent sur quelles fleurs, à quel endroit et à quel moment.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été co-écrit avec Alix Boher-Sanchez, étudiante en Master 1 de Médiation des Sciences à l’Université Bordeaux Montaigne et Bastien Castagneyrol, chercheur en écologie à l’UMR BIOGECO INRAE-Université de Bordeaux.</em></p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : tcjunior@theconversation.fr. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/148269/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alix Sauve est salariée du Comité Français de l'UICN.
Le Comité français de l’UICN est le réseau des organismes et des experts de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature en France. C'est une association agréée au titre de la protection de l’environnement.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Frédéric Barraquand ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Il n’y a pas que les abeilles qui permettent la reproduction des fleurs, partons à la découverte de tous les pollinisateurs !
Frédéric Barraquand, Chercheur au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), Institut de Mathématiques de Bordeaux, Université de Bordeaux
Alix Sauve, Chargée de mission "Liste Rouge des Écosystèmes", Comité Français de l'UICN
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/146228
2020-10-21T20:01:01Z
2020-10-21T20:01:01Z
Comment observe-t-on la biodiversité en milieu agricole ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/358093/original/file-20200915-18-1qfr64f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C1198%2C736&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De gauche à droite, et de haut en bas&nbsp;: mégère (Lasiommata megera), flambé (Iphiclides podalirius), piéride du navet (Pieris napi), et cuivré commun (Lycaena phlaeas).
</span> <span class="attribution"><span class="source">Laurent Palussière / D.R.</span></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science 2020 (du 2 au 12 octobre 2020 en métropole et du 6 au 16 novembre en Corse, en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition a pour thème : « Planète Nature ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>En France métropolitaine, la surface utilisée pour la production agricole représente environ la <a href="https://agriculture.gouv.fr/agriculture-et-foret/quelle-part-du-territoire-francais-est-occupee-par-lagriculture">moitié de la surface du territoire</a>. Les terres agricoles sont donc des milieux à ne pas négliger dans la prise en compte de la préservation de la biodiversité, d’autant qu’une part importante des espèces des climats tempérés est étroitement liée au milieu agricole.</p>
<p>L’<a href="http://observatoire-agricole-biodiversite.fr/">Observatoire agricole de la biodiversité</a> (OAB) est un programme de science participative développé en 2009 par le Museum national d’histoire naturelle (MNHN), sous l’impulsion du ministère de l’Agriculture, dans le cadre de la Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB). Il permet l’observation de la biodiversité au sein de parcelles agricoles à l’aide de quatre protocoles ciblant les vers de terre, les abeilles solitaires, les invertébrés du sol et les papillons.</p>
<h2>Rôles divers</h2>
<p>Les vers de terre ont une réelle influence sur la qualité et la fertilité des sols. On les classe en trois groupes : les épigés, qui vivent en surface et se nourrissent de matière organique ; les anéciques, qui creusent des galeries entre la surface du sol et les zones profondes et qui enfouissent la matière organique de surface ; enfin, les endogés, qui vivent en profondeur et se nourrissent de matière organique dégradée. Leur présence et leur diversité permettent de maintenir voire d’améliorer la qualité et la fertilité des sols.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/358085/original/file-20200915-22-mskbjn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/358085/original/file-20200915-22-mskbjn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/358085/original/file-20200915-22-mskbjn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/358085/original/file-20200915-22-mskbjn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/358085/original/file-20200915-22-mskbjn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/358085/original/file-20200915-22-mskbjn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/358085/original/file-20200915-22-mskbjn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/358085/original/file-20200915-22-mskbjn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Osmie cornue (<em>osmia cornuta</em>), l’une des quelque 800 espèces d’abeilles solitaires présentes en France métropolitaine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marion Lecardonnel/DR</span></span>
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</figure>
<p>Les abeilles solitaires représentent en France environ 800 espèces différentes, alors que l’abeille domestique de nos ruches n’est qu’une espèce : <em>Apis mellifera</em>. Les abeilles solitaires jouent donc un rôle important dans la pollinisation, notamment lorsque les températures sont encore basses, au début du printemps.</p>
<p>Les papillons participent également à la pollinisation. Certains se plaisent dans des milieux variés, même les plus anthropisés, mais d’autres sont spécifiques de milieux très précis. Leur cycle de vie est parfois lié à une plante en particulier, appelée plante hôte.</p>
<p>Enfin, les invertébrés du sol regroupent un grand nombre d’animaux ayant des rôles très divers : araignées, scarabées, vers de terre, limaces, escargots, cloportes, mille-pattes, fourmis et bien d’autres !</p>
<p>Avec ces protocoles, il n’est pas toujours possible d’identifier la faune jusqu’à l’espèce. L’analyse se fait donc en partie par rapport aux fonctions des animaux, classés en 4 catégories :</p>
<ul>
<li><p>les <strong>décomposeurs</strong> (vers de terre, cloportes, fourmis, etc.) qui décomposent la matière organique et participent à la fertilité des sols ;</p></li>
<li><p>les <strong>pollinisateurs</strong> (papillons, coléoptères, etc.) qui participent à la reproduction des végétaux en transportant du pollen ;</p></li>
<li><p>les <strong>prédateurs</strong> (carabes, araignées, staphylins, perce-oreilles, etc.) qui se nourrissent d’autres espèces et participent à la régulation des ravageurs ; on peut citer l’exemple bien connu de la coccinelle qui mange des pucerons, ou celui moins connu de certains carabes qui mangent des limaces ;</p></li>
<li><p>les <strong>ravageurs</strong> (limaces, charançons, taupins, etc.) qui se nourrissent de végétaux (feuilles ou racines) et peuvent détruire des cultures, provoquant des pertes de récoltes.</p></li>
</ul>
<p>En Indre-et-Loire, ce sont une quinzaine d’agriculteurs volontaires qui participent aux suivis de l’OAB chaque année. Ils sont accompagnés par la <a href="https://sepant.fr/">Sepant</a>, l’association animatrice du réseau départemental, et épaulés par un groupe de bénévoles actifs et intéressés par ces thématiques.</p>
<p>Depuis 2019, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (<a href="http://www.inrae.fr">INRAE</a>) met également en place les protocoles de l’OAB sur deux parcelles du site de Nouzilly (37380) : une prairie conduite sans intrants chimiques et une parcelle de blé conduite en conventionnel.</p>
<h2>Nichoirs, planches et moutarde</h2>
<p>Pour le suivi des populations de vers de terre dans le cadre de l’OAB, un mélange d’eau et de moutarde est déposé sur trois zones de 1m<sup>2</sup> pour faire remonter les vers de terre. Ils sont ensuite récupérés, puis triés par groupe et comptés avant d’être relâchés. Ce protocole a été mis en place sur la prairie et a permis d’identifier 26 épigés, 10 anéciques et 10 endogés. Ce nombre était inférieur à la moyenne nationale de 2018 (62 vers de terre par parcelle en moyenne, selon le <a href="http://oab.mnhn.fr/sites/observatoire-agricole-biodiversite.fr/files/upload/attached/bilan_oab_2018.pdf">bilan OAB 2018</a>)</p>
<p>Pour le suivi des abeilles solitaires dans le cadre de l’OAB, deux nichoirs sont installés sur la bordure des parcelles. Les abeilles viennent occuper les loges qui composent ces nichoirs, ce qui permet de les compter et d’estimer leur diversité grâce aux <a href="http://observatoire-agricole-biodiversite.fr/la-biodiversite-en-milieu-agricole/les-abeilles-sauvages/les-differents-opercules-observes">matériaux utilisés pour fermer les loges</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/358091/original/file-20200915-18-10s791r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/358091/original/file-20200915-18-10s791r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/358091/original/file-20200915-18-10s791r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/358091/original/file-20200915-18-10s791r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/358091/original/file-20200915-18-10s791r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/358091/original/file-20200915-18-10s791r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/358091/original/file-20200915-18-10s791r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/358091/original/file-20200915-18-10s791r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Nichoir à abeilles disposé sur la bordure d’une parcelle d’INRAE.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ghylène Goudet/DR</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Nous avons réalisé ces relevés sur deux parcelles d’INRAE entre mai et octobre, et nous avons observé 12 à 15 loges colonisées par des abeilles sur la prairie et 14 à 28 loges colonisées sur la culture.</p>
<p>Au niveau national, <a href="http://oab.mnhn.fr/sites/observatoire-agricole-biodiversite.fr/files/upload/attached/bilan_oab_2018.pdf">9 loges en moyenne</a> étaient colonisées par parcelle en 2018. Nous avons noté la présence d’osmies maçonnes (loges fermées par de la terre ou de la boue), d’<em>Osmia caerulescens</em> (loges fermées par des feuilles mâchées) et de mégachiles (loges fermées par des morceaux de feuilles).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/358097/original/file-20200915-22-n2hdif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/358097/original/file-20200915-22-n2hdif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/358097/original/file-20200915-22-n2hdif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=171&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/358097/original/file-20200915-22-n2hdif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=171&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/358097/original/file-20200915-22-n2hdif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=171&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/358097/original/file-20200915-22-n2hdif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=215&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/358097/original/file-20200915-22-n2hdif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=215&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/358097/original/file-20200915-22-n2hdif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=215&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Nombre de loges fermées dans les nichoirs sur les deux parcelles d’INRAE au cours de l’année 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ghylène Goudet/DR</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour le suivi des papillons dans le cadre de l’OAB, ils sont observés en vol lors de passages dans la parcelle. On estime ainsi leur quantité et la diversité des groupes. Nous avons compté et identifié les papillons sur les deux parcelles d’INRAE en juin, juillet et août 2019 et nous avons observé entre 5 et 12 individus par mois, la <a href="http://oab.mnhn.fr/sites/observatoire-agricole-biodiversite.fr/files/upload/attached/bilan_oab_2018.pdf">moyenne nationale</a> étant à 14 individus en 2018.</p>
<p>Nous avons observé une diversité relativement importante avec des papillons de la famille des papilionidés (flambé et machaon), des piéridés (piéride blanche, citron, souci), des lycénidés (lycènes bleus, lycènes orangés) et des nymphalidés (mégère, myrtil, amaryllis, procris, tabac d’Espagne, tircis).</p>
<p>Pour le suivi des invertébrés terrestres dans le cadre de l’OAB, trois planches sont posées à même le sol, deux en bordure et une au centre de la parcelle. Les invertébrés du sol se réfugient sous la planche, qui offre un refuge et de l’humidité, ce qui permet de les compter et de les identifier. Nous avons placé 3 planches sur chacune des deux parcelles d’INRAE.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/358095/original/file-20200915-20-164g7lr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/358095/original/file-20200915-20-164g7lr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/358095/original/file-20200915-20-164g7lr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=356&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/358095/original/file-20200915-20-164g7lr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=356&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/358095/original/file-20200915-20-164g7lr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=356&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/358095/original/file-20200915-20-164g7lr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=448&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/358095/original/file-20200915-20-164g7lr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=448&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/358095/original/file-20200915-20-164g7lr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=448&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Planche de suivi des invertébrés du sol disposée dans la bordure d’une parcelle d’INRAE.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ghylène Goudet/DR</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>D’avril à novembre, nous avons observé en moyenne 31 individus par mois sur la prairie et 29 sur la culture, la <a href="http://oab.mnhn.fr/sites/observatoire-agricole-biodiversite.fr/files/upload/attached/bilan_oab_2018.pdf">moyenne nationale</a> étant à 30 individus en 2018. Nous avons observé des prédateurs, des décomposeurs et des ravageurs, avec une diversité importante puisque nous avons relevé de 8 à 18 groupes différents.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/358098/original/file-20200915-24-12a5bza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/358098/original/file-20200915-24-12a5bza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/358098/original/file-20200915-24-12a5bza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=196&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/358098/original/file-20200915-24-12a5bza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=196&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/358098/original/file-20200915-24-12a5bza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=196&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/358098/original/file-20200915-24-12a5bza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=246&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/358098/original/file-20200915-24-12a5bza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=246&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/358098/original/file-20200915-24-12a5bza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=246&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Nombre d’invertébrés observés sous les planches disposées sur les deux parcelles d’INRAE au cours de l’année 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ghylène Goudet/DR</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans les deux parcelles, l’abondance et la diversité des invertébrés étaient plus importantes sur les bordures des parcelles par rapport au centre de la parcelle. Les bordures semblent donc être un réservoir important de biodiversité, qu’il faut prendre en compte dans les pratiques agricoles pour préserver la faune.</p>
<hr>
<p><em>Marion Bernard, chargée de mission agronomie, eau et environnement à la Sepant, a co-rédigé cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146228/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ghylène Goudet a reçu des financements de INRAE. </span></em></p>
Vers de terre, abeilles, papillons, invertébrés… L’Observatoire agricole de la biodiversité a mis au point des techniques spécifiques pour chaque espèce.
Ghylène Goudet, Ingénieur de recherche, Inrae
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/146882
2020-10-13T18:12:02Z
2020-10-13T18:12:02Z
Du tracteur au carnet de comptage, un projet de sciences participatives 100 % agricole
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/361725/original/file-20201005-22-13x1dqj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un nichoir en bordure de champ pour identifier et compter les abeilles sauvages. </span> <span class="attribution"><span class="source">B.Lamouroux</span></span></figcaption></figure><p>En mai 2019, le <a href="https://ipbes.net/news/Media-Release-Global-Assessment-Fr">rapport de l’IPBES</a> désignait notre système agroalimentaire, agriculture intensive en tête, comme l’un des principaux facteurs responsables de l’érosion de la biodiversité. Les changements d’usage des sols, le travail intensif des terres, l’homogénéisation des paysages et l’utilisation d’intrants chimiques (pesticides, fertilisation minérale) y étaient pointés du doigt.</p>
<p>Si les scientifiques s’accordent aujourd’hui sur ces liens de cause à effet, relier dynamiques de biodiversité et pratiques agricoles relève d’un véritable défi dès lors qu’on se place sur de grandes échelles.</p>
<p>La plupart des études se basent en effet, pour des raisons pratiques, sur des expérimentations en laboratoire, au mieux sur une ou quelques dizaines de parcelles ; et elles se déploient sur des temps relativement courts. Ces travaux se concentrent d’autre part en général sur un groupe d’espèces unique (les abeilles, les vers de terre, les oiseaux par exemple), manquant parfois d’informations précises sur les pratiques agricoles relatives aux mesures de biodiversité.</p>
<p>Pour tirer des conclusions générales, les chercheurs se voient donc contraints de s’appuyer sur des suppositions, au mieux des extrapolations.</p>
<h2>Dans la peau d’un agriculteur-naturaliste</h2>
<p>L’Observatoire agricole de la biodiversité (OAB) est né en 2011 de cette volonté de comprendre les interactions et les interconnexions entre agriculture et biodiversité, sur un temps long et pour l’ensemble du territoire.</p>
<p>Ce programme de sciences participatives – qui s’inscrit au sein du réseau <a href="http://www.vigienature.fr/fr">Vigie-Nature</a> – est porté conjointement par le Muséum national d’histoire naturelle et le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation avec de nombreux partenaires ; il rassemble aujourd’hui près d’un millier de professionnels de l’agriculture provenant de tous horizons : viticulteurs, céréaliers, maraîchers, etc.</p>
<p>Cette initiative repose sur le volontariat : à raison de quelques jours par an, les participants doivent se mettre dans la peau d’un naturaliste afin de référencer différents groupes d’organismes vivants (appelés « taxons ») sur leurs parcelles.</p>
<p>Quatre protocoles d’observation sont proposés : abeilles sauvages, invertébrés du sol, vers de terre et papillons.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/362220/original/file-20201007-18-sosq9b.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/362220/original/file-20201007-18-sosq9b.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/362220/original/file-20201007-18-sosq9b.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/362220/original/file-20201007-18-sosq9b.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/362220/original/file-20201007-18-sosq9b.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/362220/original/file-20201007-18-sosq9b.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/362220/original/file-20201007-18-sosq9b.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Avec les agriculteurs volontaires de l’Observatoire agricole de la biodiversité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">MNHN</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Nichoirs à abeilles</h2>
<p>Concernant le protocole relatif aux abeilles, chaque année à la fin de l’hiver, l’agriculteur doit fixer en bordure de champ deux structures composées de plusieurs cavités ; elles feront office de nichoir et de nurserie pour les abeilles femelles au printemps.</p>
<p>Il lui suffira ensuite de venir dénombrer les trous obstrués, à raison d’une fois par mois de mars à novembre, et d’identifier la nature des matériaux ayant servi à construire le nid – terre, feuilles mâchées, cire, paille… Ces informations donnent une indication des groupes d’espèces présents sur la parcelle.</p>
<p>Pour le protocole vers de terre, on versera un volume de moutarde diluée dans l’eau. Une fois remontés à la surface en raison du caractère urticant de la solution, il faut les identifier à l’aide d’une petite clé de détermination. On y distingue alors les vers épigés, vivant en surface, des anéciques et des endogés, vivant en profondeur.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/362221/original/file-20201007-14-22rqht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/362221/original/file-20201007-14-22rqht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/362221/original/file-20201007-14-22rqht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/362221/original/file-20201007-14-22rqht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/362221/original/file-20201007-14-22rqht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/362221/original/file-20201007-14-22rqht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/362221/original/file-20201007-14-22rqht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">En Vendée, lors d’un protocole de suivi des vers de terre sur les parcelles agricoles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">RL.Preud’Homme/MNHN</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les groupes d’espèces n’ont pas été choisis par hasard : ils entretiennent des liens étroits avec l’agriculture en remplissant des fonctions écologiques indispensables.</p>
<p>Les abeilles sauvages assurent une pollinisation efficace, tandis que les vers de terre travaillent les sols, garantissant leur fertilité. De leur côté, les carabes sont des prédateurs redoutables des ravageurs (notamment certains mollusques) ; enfin, les papillons font office d’indicateurs précis de la santé paysagère d’un territoire. Cette biodiversité ordinaire, tout comme la biodiversité remarquable, constitue un atout pour l’activité agricole.</p>
<p>Ces échantillonnages réguliers, relativement peu contraignants, permettent à l’agriculteur d’évaluer la santé de son milieu. Cette boussole écologique doit naturellement le conduire à se poser des questions, à engager des réflexions sur ses responsabilités, à guider certains choix… pour valider, ajuster, voire remettre en cause certaines pratiques.</p>
<h2>Dix ans de données agricoles</h2>
<p>Toutes les données récoltées par les agriculteurs volontaires intègrent ensuite une base nationale. C’est là que nous, chercheurs, intervenons.</p>
<p>Depuis près de dix ans, des centaines d’agriculteurs issus de toute la France ont fait part de leurs rencontres avec la faune sauvage, tout en renseignant leurs pratiques et les caractéristiques des paysages qui les entourent. Nous disposons grâce eux d’une mine d’information inestimable que seule une mobilisation de cette ampleur peut offrir.</p>
<p>En nous appuyant sur les sept premières années de suivis (2011-2017), impliquant 1 216 agriculteurs sur 2 382 parcelles, nous avons pu établir des <a href="https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/1365-2664.13746">corrélations inédites à cette échelle</a>.</p>
<p>Sans surprise, les tendances générales sont au déclin.</p>
<p>Les abeilles et papillons voient leur abondance dégringoler dans les vergers et en grande culture (entre 30 et 80 % avec toutefois une forte variation selon les contextes), et ce d’autant plus que l’utilisation d’intrants chimiques (pesticides, fertilisation minérale) augmente. Cela confirme le fait que ces produits affectent directement les organismes par intoxication ou indirectement en diminuant les ressources en fleurs et les sites de nidification.</p>
<p>Les invertébrés du sol (carabes et mollusques) souffrent d’un autre phénomène : le recul des prairies permanentes, généralement maintenues pour l’élevage. Enherbées depuis au moins 5 ans, elles renferment un écosystème stable et riche. Mais l’élevage subissant un net recul depuis plusieurs décennies dans nos contrées, les prairies, jeunes, annuelles, servent dorénavant surtout à limiter les adventices (« mauvaises herbes ») dans les rotations en grandes-culture.</p>
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<img alt="Carabe doré avançant sur un sol caillouteux" src="https://images.theconversation.com/files/361724/original/file-20201005-22-mpqtio.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/361724/original/file-20201005-22-mpqtio.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/361724/original/file-20201005-22-mpqtio.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/361724/original/file-20201005-22-mpqtio.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/361724/original/file-20201005-22-mpqtio.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/361724/original/file-20201005-22-mpqtio.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/361724/original/file-20201005-22-mpqtio.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le carabe doré (Carabus auratus) est un redoutable prédateur et protecteur des cultures, indispensable au champ.</span>
<span class="attribution"><span class="source">RL. Vermeersch</span></span>
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<h2>Des perspectives collectives</h2>
<p>Derrière ce tableau noir ressortent toutefois quelques dynamiques positives.</p>
<p>Les exploitations en grande culture ayant le moins recours aux intrants chimiques voient abeilles et papillons se stabiliser dans le temps, voire croître légèrement ; d’au minimum 10 à 12 % (toujours avec de fortes variations selon les contextes). De même, les vers de terre semblent recoloniser ces exploitations qui ont diminué ou banni le travail du sol. <a href="https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/1365-2664.13746">L’étude révèle également</a> que les vignobles entourés de forêts sont beaucoup plus accueillants pour les abeilles, les lisières offrant gîte et couvert en abondance.</p>
<p>Des solutions existent donc pour inverser les tendances. Les agriculteurs de l’OAB le démontrent eux-mêmes depuis une décennie. Reste la mise en œuvre. C’est là qu’apparaissent de profonds dilemmes : comment cesser le travail du sol sans recourir aux herbicides pour lutter contre les adventices ? Inversement, abandonner les herbicides, comme l’exige la production biologique, c’est se voir contraint de travailler le sol pour compenser mécaniquement… En somme, faut-il choisir entre les insectes pollinisateurs et les vers de terre ?</p>
<p>Les agriculteurs de l’OAB partagent tous les ans leurs expériences, en portant un regard écosystémique sur leurs parcelles. Ils sont de fait les premières sentinelles de la biodiversité agricole. Il est donc important qu’ils puissent s’associer avec d’autres acteurs pour trouver des solutions et améliorer les pratiques agricoles. Au plan national, avec les chercheurs à l’OAB, ou en participant à des initiatives locales : replantage de haies, réduction des phytosanitaires, bandes fleuries, fauchage tardif, etc.</p>
<p>Car c’est en combinant savoirs naturalistes et savoirs agronomiques que l’agriculture pourra retrouver son rôle de producteur de biodiversité sauvage et culturale.</p>
<p><em>Hugo Struna, journaliste et rédacteur du blog de <a href="http://www.vigienature.fr/">Vigie-Nature</a>, un programme de sciences participatives porté par le Muséum national d’histoire naturelle, est co-auteur de cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146882/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Billaud a reçu des financements du Crédit Agricole via un mécénat au Muséum national d'Histoire naturelle. </span></em></p>
L’Observatoire agricole de la biodiversité cherche à comprendre, sur le temps long et tout le territoire français, les interactions entre pratiques agricoles et biodiversité.
Olivier Billaud, Doctorant en écologie et sciences de gestion, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
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