tag:theconversation.com,2011:/uk/topics/agriculture-20572/articlesagriculture – The Conversation2024-03-26T16:35:25Ztag:theconversation.com,2011:article/2249872024-03-26T16:35:25Z2024-03-26T16:35:25ZLa restauration collective peut-elle sauver l’agriculture française ?<p>Parmi les annonces faites le 21 février dernier en réponse à la colère des agriculteurs, le premier ministre Gabriel Attal a promis le lancement d’une <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/produits-francais-dans-les-cantines-gabriel-attal-annonce-une-conference-des-solutions-avec-les">« conférence des solutions »</a> visant à accélérer l’application du volet de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000037547946/">loi EGALim</a> (une loi votée en 2018 ciblant des <a href="https://www.agencebio.org/2021/11/20/quest-ce-que-la-loi-egalim/">objectifs de durabilité de l’alimentation</a> et de rééquilibrage des relations commerciales dans les filières agricoles) portant sur les achats de la restauration collective.</p>
<p>Déjà, depuis le 1<sup>er</sup> janvier 2024, <a href="https://draaf.occitanie.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/annexe_2_mesures_egalim_rc_sept_2022.pdf">tous les établissements publics comme privés</a> de restauration collective ont l’obligation de servir des repas composés au minimum de 50 % de produits « durables et de qualité » (Label rouge, indications géographiques protégées…) dont 20 % de produits issus de l’agriculture biologique. Cette obligation concerne tous les secteurs de la restauration collective : scolaire et universitaire, médico-social et carcéral, mais aussi la restauration collective des entreprises et des administrations.</p>
<p>Ces obligations, qui n’étaient par le passé que des « objectifs », ont été annoncées depuis plusieurs années, pour certaines même depuis très longtemps puisque les 20 % de produits bio ont été avancés pour la première fois dans une <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000020243534">circulaire de 2008</a> portant sur l’exemplarité des achats de l’État.</p>
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<p>Pourtant, et même s’il est difficile d’avoir des chiffres fiables, tout le monde reconnaît que ces deux obligations sont probablement loin d’être satisfaites. En 2022, un dixième des établissements de restauration collective français ont déclaré sur le site « ma cantine » <a href="https://agriculture.gouv.fr/telecharger/137367">leurs données d’achat</a>. Seulement 11 % d’entre eux, dont on peut supposer qu’ils sont plutôt les « bons élèves », annonçaient alors respecter la loi. Globalement, pour ces répondants, les taux globaux d’achat étaient de 23 % pour les produits « durables et de qualité » dont 11 % pour les produits bio.</p>
<h2>Des obligations qui font consensus</h2>
<p>L’annonce du Premier ministre n’est pas étonnante. Ce volet de la loi EGAlim semble faire l’objet d’un large consensus politique, que même les professionnels contraints par la loi n’osent pas contester publiquement. D’ailleurs, à chaque crise agricole, la solution de la restauration collective est rappelée par les pouvoirs publics. Cela était par exemple le cas lors de celle qui a affecté le secteur porcin en <a href="https://www.cairn.info/revue-pole-sud-2021-2-page-19.htm">2015</a>.</p>
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<p>De même, alors que les organisations professionnelles agricoles peuvent être en <a href="https://www.youtube.com/watch?v=EKoD5zdd0jU">désaccord sur d’autres mesures</a> de sorties de crise (comme celles concernant l’évolution du plan Ecophyto de réduction des pesticides de synthèse), toutes demandent le respect de ces obligations.</p>
<p>C’est particulièrement le cas parmi les <a href="https://www.fnab.org/pour-sauver-la-bio-le-gouvernement-doit-revenir-en-arriere/">acteurs de l’agriculture biologique</a>, qui voient dans la restauration collective un relai de croissance qui permettrait d’amoindrir la <a href="https://www.agencebio.org/vos-outils/les-chiffres-cles/observatoire-de-la-consommation-bio/">baisse de la consommation bio</a> constatée dans les autres circuits de commercialisation.</p>
<h2>Un impact sur l’agriculture à relativiser</h2>
<p>Ce consensus ne doit cependant pas empêcher d’exprimer des réserves quant à l’impact sur le secteur agricole que pourrait avoir l’atteinte des objectifs de la loi EGAlim.</p>
<p><a href="https://www.franceagrimer.fr/fam/content/download/63429/document/Rapport%20complet_PanoramaCHD%202018_FAM-GIRAfoodservice.pdf">L’étude réalisée pour FranceAgriMer en 2018</a> comptabilise 3,7 milliards de repas par an en restauration collective, petits déjeuners compris. Le chiffre peut sembler impressionnant, mais il n’équivaut en fait qu’à un repas par semaine et par français. L’étude évalue aussi le montant total des achats alimentaires de la restauration collective à <a href="https://www.franceagrimer.fr/fam/content/download/63429/document/Rapport%20complet_PanoramaCHD%202018_FAM-GIRAfoodservice.pdf">7 milliards d’euros</a>, soit environ l’équivalent de 4 % des <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/serie/010565748#Tableau">180 milliards de consommation alimentaire</a> des ménages français.</p>
<p>Le raisonnement peut être également tenu en comparant les besoins de la restauration collective et les volumes de production dans une région donnée. Par exemple, la Fédération des fruits et légumes du Languedoc-Roussillon avait estimé en 2016 que l’ensemble des repas en restauration collective de la région ne représentait que <a href="https://draaf.occitanie.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/Etude_transfo_FL_2016_cle47fad8.pdf">2 % des salades et 1 % des tomates ou des melons qui y étaient produits</a>.</p>
<p>D’ailleurs, les collectivités territoriales développant des approvisionnements locaux pour leurs cantines savent bien que leurs achats ne représentent au mieux que quelques hectares d’une exploitation. Même celles qui servent dans leurs restaurants scolaires plusieurs dizaines de milliers de repas par jour savent qu’elles ne peuvent prétendre avoir, au regard de leurs seuls volumes d’achat, un impact sur la production agricole de leur territoire.</p>
<h2>Un débouché qui n’est pas toujours satisfaisant</h2>
<p>Le débouché de la restauration collective n’est pas forcément la panacée. Une grande diversité de situations est observable sur le terrain. Certains agriculteurs établissent des relations partenariales avec la restauration collective, leur offrant un débouché plus intéressant que les circuits longs dans lesquels ils sont impliqués. Nous l’avons par exemple observé dans différents circuits en <a href="https://hal.inrae.fr/hal-03566993/document">Rhône-Alpes</a> ou dans l’<a href="https://books.openedition.org/pressesmines/3722">ouest de la France</a>, avec des logiques d’ajustement des menus aux contraintes des agriculteurs (prise en compte de la saisonnalité des productions, valorisation de l’ensemble des parties d’un animal…).</p>
<p>D’autres agriculteurs, par exemple les <a href="https://www.bioloireocean.fr/medias/site-25/Note_restauration_collective_Bio_Loire_Ocean.pdf">producteurs ligériens de l’organisation Bio Loire Océan</a>, témoignent de leurs difficultés et de leurs échecs. Ils mettent en avant les faibles volumes vendus, l’importance des frais logistiques, la baisse des commandes pendant l’été, l’absence d’engagements sur le long terme et le manque d’efforts des acheteurs pour s’adapter aux contraintes du monde agricole.</p>
<p>Un fort ressentiment s’exprime alors, tout particulièrement parmi ceux qui ont réalisé des investissements pour s’équiper en outils logistiques et de transformation à même de répondre aux besoins de la restauration collective.</p>
<h2>Une aspiration au localisme discutable</h2>
<p>L’<a href="https://agriculture.gouv.fr/telecharger/88970">interdiction faite par le code de la commande publique</a> de privilégier une origine géographique est une autre pièce importante de ce dossier. Pour autant, ce problème ne nous semble pas toujours bien posé.</p>
<p>Lors d’un appel d’offres public, il est interdit d’exiger une origine française ou régionale et même de valoriser cette origine au moment de la sélection des offres. Pour cette raison, les obligations de la loi EGAlim ne ciblent pas des produits locaux et ne prévoient pas que la proximité géographique soit un signe de durabilité et de qualité.</p>
<p>Une réforme a par le passé été régulièrement annoncée, y compris en 2011 par <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/181066-declaration-de-m-bruno-le-maire-ministre-de-lagriculture-de-lalimen">Bruno Le Maire</a> alors ministre de l’Agriculture, mais elle n’a pour le moment pas été réalisée, tant elle heurterait les <a href="https://hal.inrae.fr/hal-03647718v1/document">principes fondamentaux d’égalité de traitement et de mise en concurrence</a> du code de la commande publique.</p>
<p>Beaucoup plaident donc encore aujourd’hui pour inclure dans la loi une <a href="https://franceurbaine.org/actualites/il-faut-introduire-lexception-alimentaire-et-agricole-dans-nos-marches-publics/">« exception alimentaire »</a> qui permette de soutenir la production agricole française ou locale.</p>
<p>Face à ces revendications, gardons en mémoire que l’interdit du code n’empêche pas de nombreux acheteurs publics de travailler avec des producteurs locaux. Surtout, si rien n’est fait pour l’éviter, développer un achat local peut amener à soutenir les acteurs dominants des filières (industriels, distributeurs) qui sont à l’origine même des crises agricoles. C’est ce que montre la politiste Jeanne Pahun dans <a href="https://www.cairn.info/revue-pole-sud-2021-2-page-19.htm">son étude</a> du plan d’action engagé par la Région Bretagne à la suite de la crise du marché porcin de 2015.</p>
<p>Plus généralement, si le localisme ne se couple pas avec une visée d’amélioration de la rémunération et des conditions de travail des producteurs, il est à craindre que l’achat public ne sera pas plus vertueux que l’achat privé.</p>
<h2>Ne pas se tromper d’objectif</h2>
<p>Les objectifs de la loi EGAlim portant sur la restauration collective peuvent être poursuivis pour de multiples raisons, à commencer par l’amélioration de la qualité des repas, mais ils ne peuvent être brandis comme une solution évidente à la crise agricole.</p>
<p>Le faible poids de la restauration collective invite à faire en sorte que son arbre ne cache pas la forêt de l’industrie et de la distribution, par lesquelles transite l’essentiel des productions agricoles. Le rééquilibrage des relations commerciales au sein de ces filières, autre volet des lois EGAlim, est porteur d’un potentiel de transformation bien plus fort.</p>
<p>L’enjeu est aussi que la restauration collective et le monde agricole développent des relations commerciales vectrices d’une amélioration des conditions de vie des agriculteurs. Le meilleur comme le pire sont observables sur le terrain et il convient que chacun fasse les efforts nécessaires pour que ce débouché ne se transforme pas, selon les mots des producteurs déçus de Bio Loire Océan, en <a href="https://www.bioloireocean.fr/medias/site-25/Note_restauration_collective_Bio_Loire_Ocean.pdf">« mirage collectif »</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224987/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ronan Le Velly a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche, de la Région Occitanie et de INRAE. </span></em></p>Les services de restauration collective et le monde agricole pourraient développer des relations commerciales qui améliorent les conditions de vie des agriculteurs.Ronan Le Velly, Professeur de sociologie, Montpellier SupAgroLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2255982024-03-19T16:57:51Z2024-03-19T16:57:51ZLe poulet français bat de l’aile face à la concurrence internationale<p>Si en France la production de poulets excédait la consommation de 250 000 tonnes en 2010, le pays est devenu importateur net de poulets à partir de 2019. Il est ainsi déficitaire de plus de 100 000 tonnes en 2021 (graphique 1). Ce croisement des courbes concorde avec une augmentation de la part des importations dans la consommation, doublée d’une baisse de la part de la production destinée à l’exportation (graphique 2).</p>
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<p>En d’autres termes, la production de poulets diminue en France, et est de moins en moins destinée à l’exportation, tandis que la consommation repose davantage sur des fournisseurs étrangers. Ainsi, 36 % des poulets consommés en France en 2021 sont importés, contre 25 % en 2010. Dans le même temps, les exportations qui représentaient 32 % de la production en 2010 ne comptent plus que pour 26 % de la production.</p>
<h2>Concurrence internationale accrue</h2>
<p>Le marché mondial du poulet est en réalité très segmenté. On y distingue les produits frais, pour lesquels les échanges sont régionaux, et les produits surgelés, moins différenciés, plus faciles à transporter sur de longues distances, et pour lesquels le marché est véritablement mondial.</p>
<p>Les échanges intracommunautaires de produits frais comptaient pour 66 % des échanges mondiaux en 2021, contre 17,5 % pour les produits congelés. Le marché du congelé est dominé par le Mercosur, zone de libre-échange sud-américaine regroupant l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay, qui exporte vers le monde entier (42 % des parts de marché mondiales à l’exportation de produits congelés en 2021).</p>
<p>Par ailleurs, les poulets sont vendus soit à la découpe (en morceaux), soit entier. À l’échelle mondiale, le commerce de morceaux a très fortement augmenté, bien plus que les échanges de poulets entiers, notamment en raison du <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/03/04/agriculture-les-changements-d-habitudes-alimentaires-des-francais-contribuent-a-la-hausse-des-importations_6219967_3234.html">changement des modes de consommation du poulet</a>.</p>
<p>Les exportations françaises de poulets ont connu une dynamique très différente en fonction de ces produits (graphique 3). En particulier, les exportations de produits congelés ont considérablement reculé depuis 2010.</p>
<p><iframe id="zrNrD" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/zrNrD/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ces déboires à l’exportation tiennent à deux facteurs : un positionnement sur un produit dont la demande s’est révélée peu dynamique, doublé d’une perte de débouchés traditionnels sous l’effet d’une concurrence internationale accrue.</p>
<h2>L’Ukraine et la Pologne montent en puissance</h2>
<p>En effet, la spécialisation historique des exportateurs français sur les poulets entiers congelés (graphique 3) n’a pas été très profitable car la demande mondiale pour ces produits n’a pas connu une évolution particulièrement favorable. Ainsi, le poulet entier congelé, qui représentait la majorité des exportations de poulets français en 2010 (58 %), a vu son commerce mondial croître de 12 % depuis cette date, quand dans le même temps les échanges de morceaux augmentaient plus de trois fois plus vite (41 % sur la période).</p>
<p>En outre, la France a décroché sur ce produit, pour lequel la concurrence mondiale est particulièrement forte. En particulier, les producteurs français exportaient énormément vers le Moyen-Orient au début des années 2010, un marché qu’ils ont quasi totalement perdu au bénéfice du Mercosur (81 % des exportations de poulets entiers congelés vers le Moyen-Orient et Proche-Orient en 2022).</p>
<p>De manière générale, la part de marché de la France sur les poulets entiers congelés a chuté de 12 points de pourcentage (pp) entre 2010 et 2022 (graphique 4), quand dans le même temps celle de l’Ukraine progressait de 4 pp et celle de la Pologne de 2 pp. Le Mercosur n’a pas particulièrement accru sa présence pour ce produit, sa progression se situant davantage sur le marché des morceaux congelés, particulièrement dynamique, et sur lequel la France a connu également un déclin.</p>
<p><strong>Graphique 4 : Variation des parts de marché mondiales de poulet congelé entre 2010 et 2022</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/582767/original/file-20240319-20-xjg6yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/582767/original/file-20240319-20-xjg6yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/582767/original/file-20240319-20-xjg6yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/582767/original/file-20240319-20-xjg6yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/582767/original/file-20240319-20-xjg6yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/582767/original/file-20240319-20-xjg6yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/582767/original/file-20240319-20-xjg6yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/582767/original/file-20240319-20-xjg6yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Sur la période 2010-2022, la France a changé de spécialisation à l’exportation. Elle exporte désormais essentiellement des morceaux frais, qui représentent 51 % de ses exportations de poulets en 2022.</p>
<p>Sur ce marché, la concurrence est essentiellement européenne. Les Pays-Bas, et la Belgique sont les exportateurs historiques de poulets frais découpés, mais l’Ukraine et la Pologne montent en puissance sur la période.</p>
<p>La Pologne enregistre ainsi une augmentation significative de sa part de marché de 13 pp sur la période, tandis que l’Ukraine connaît une progression plus modeste de 2 pp (graphique 5). En comparaison, la part de marché de la France n’a augmenté que de 0,7 pp sur la période.</p>
<p><strong>Graphique 5 : Variation des parts de marché mondiales de poulet frais entre 2010 et 2022</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Des fournisseurs quasi exclusivement européens</h2>
<p>Nous avons vu que la France est à présent importatrice nette de poulets. Ses importations sont uniquement composées de morceaux, frais et congelés (graphique 6) et ses fournisseurs sont quasi exclusivement des partenaires européens, y compris pour les morceaux surgelés qui sont pourtant largement mondialisés.</p>
<p><iframe id="jTAZd" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/jTAZd/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ce sont surtout les importations de morceaux frais qui s’accroissent sur la période, dont la Belgique est le principal fournisseur. Toutefois sa part dans les importations françaises de ces produits se réduit fortement sur la période, au bénéfice de la Pologne et du Royaume-Uni (graphique 7). La trajectoire de la Pologne est la plus spectaculaire : elle voit sa part dans les importations françaises s’accroître substantiellement, aussi bien pour les morceaux de poulet frais (de 2 % en 2010 à 19 % en 2022) que pour les morceaux congelés (de 10 % à 37 %). Cet accroissement de la part de marché polonaise se retrouve également sur l’ensemble du marché européen.</p>
<p><strong>Graphique 7 : Structure géographique des importations françaises de morceaux de poulet</strong></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/582769/original/file-20240319-20-jkx5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/582769/original/file-20240319-20-jkx5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/582769/original/file-20240319-20-jkx5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/582769/original/file-20240319-20-jkx5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/582769/original/file-20240319-20-jkx5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/582769/original/file-20240319-20-jkx5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/582769/original/file-20240319-20-jkx5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/582769/original/file-20240319-20-jkx5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Le succès à l’exportation de la Pologne va de pair avec une forte augmentation de sa production qui a doublé depuis 2010. Plus discrètement, le Royaume-Uni confirme sa place sur le marché européen, avec une hausse continue de sa production sur la période (32 %). La production française, quant à elle, progresse très peu sur la période (5 %).</p>
<h2>Une faible concurrence sud-américaine</h2>
<p>Les importations françaises de poulet proviennent essentiellement des pays de l’Union européenne (UE), et le marché unique est l’échelon pertinent en France pour penser la concurrence internationale sur ces produits. Les baisses de parts de marché et de compétitivité françaises par rapport aux producteurs européens s’expliquent notamment par un <a href="https://www.senat.fr/rap/r21-905/r21-905.html">différentiel de coût de production</a>, lié en partie aux coûts de la main-d’œuvre et du bâti.</p>
<p>Toutefois, les différentiels de prix entre les produits français et leurs concurrents sont également liés à une spécialisation de la production française sur des produits plus haut de gamme et à la diversité de ses produits.</p>
<p>En dépit des discours alarmistes sur le poulet brésilien, le Mercosur ne concurrence quasiment pas les producteurs français sur leur marché domestique pour le moment. Sa concurrence opère principalement sur les marchés tiers, en particulier au Moyen-Orient. Cette faible part du Mercosur dans les importations françaises s’explique en partie par le fait que le marché européen est encore très protégé, avec des droits de douane autour de 1 euro par kilo pour les morceaux frais et congelés et 0,30 euro par kilo pour les poulets entiers. Les produits importés doivent en outre faire face à de nombreuses normes pour être acceptés sur le marché européen.</p>
<p>Étant donné les différences de prix entre les pays du Mercosur et la France, il n’est toutefois pas exclu que les importations en provenance de cette région augmentent si un accord commercial était conclu. A noter cependant que les négociations ne portent que sur une suppression de droits de douane pour 180 000 tonnes de poulet, soit 1,2 % de la consommation européenne.</p>
<p>Concernant l’Ukraine, l’ouverture du marché communautaire depuis le mois de juin 2022 a fortement augmenté les importations de poulets (de 142 % dans l’UE entre 2021 et 2023). L’Ukraine est ainsi passée de 21 % à 43 % des importations extracommunautaires en deux ans. Ces volumes représentent actuellement 3,5 % de la production européenne (10,8 millions de tonnes). Toutes origines confondues, pour l’UE, la hausse des importations extracommunautaires de poulets n’est cependant que de 8 % entre 2021 et 2023, ce qui suggère que les fournisseurs ukrainiens se sont surtout substitués à d’autres fournisseurs extra-européens.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225598/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La France est devenue importatrice nette en 2019. En cause : une perte de débouchés à l’exportation et une concurrence accrue des importations sur le marché français.Pierre Cotterlaz, Économiste, CEPIICharlotte Emlinger, Économiste, CEPIIManon Madec, Apprentie Économiste, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2251082024-03-13T15:57:43Z2024-03-13T15:57:43ZPlanter une nouvelle haie ne compense pas la destruction d’une haie ancienne<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/581348/original/file-20240312-29-dfogyv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C13%2C4672%2C3084&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Paysage avec haies</span> <span class="attribution"><span class="source">Guillaume Decocq</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>La haie est revenue sur le devant de la scène médiatique : tandis que les victimes des inondations dans le Pas-de-Calais déplorent leur arrachage intempestif, les agriculteurs en colère dénoncent les mesures réglementaires entravant leur destruction. Au-delà de ces positions médiatiques, les haies sont accusées de tout et son contraire, tantôt considérées comme un obstacle au développement agricole ou érigées comme une infrastructure agroécologique au rôle protecteur, taxées de zones enfrichées peuplées de nuisibles ou présentées comme des réservoirs de biodiversité utiles à l’agriculture. Alors qu’en est-t-il ? Les haies sont-elles les reliques d’un modèle paysan frappé d’obsolescence ou bien un levier pour engager l’agriculture dans une nécessaire transition écologique ?</p>
<p>Universitaires, chercheurs et botanistes travaillant de longue date sur les haies, nous nous sommes rassemblés en un groupe de travail au sein de la <a href="https://societebotaniquedefrance.fr/">Société botanique de France</a> pour synthétiser les connaissances sur cet écosystème très particulier. En réalité, toutes les haies ne se valent pas. Si replanter des haies là où elles ont disparu est une avancée écologique indéniable, protéger les haies anciennes là où elles subsistent devrait être une priorité absolue.</p>
<h2>Aux origines des haies, une vocation oubliée ?</h2>
<p>Pour comprendre les débats actuels sur les haies, il est d’abord nécessaire de revenir à leur raison d’être initiale. Car les haies d’aujourd’hui sont <a href="https://revueforestierefrancaise.agroparistech.fr/article/view/5105">issues de plantations plus ou moins anciennes</a>, répondant à des objectifs précis : délimiter des parcelles, empêcher la divagation des troupeaux, protéger les chemins et les cultures du vent ou encore limiter l’érosion des terres arables.</p>
<p>Les haies étaient aussi, à l’origine, pourvoyeuses de biens : fruits sauvages (mûres, noisettes, voire fruits d’arbres fruitiers) ou bois de chauffage à l’origine de la taille « en têtard » des arbres, dont la silhouette typique inspira de nombreux peintres. </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/581310/original/file-20240312-22-f31n8t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/581310/original/file-20240312-22-f31n8t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/581310/original/file-20240312-22-f31n8t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/581310/original/file-20240312-22-f31n8t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/581310/original/file-20240312-22-f31n8t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/581310/original/file-20240312-22-f31n8t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/581310/original/file-20240312-22-f31n8t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/581310/original/file-20240312-22-f31n8t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>La motivation initiale de la création des haies était donc purement utilitaire. Elles ont accompagné, entre la fin du 18ème et la fin du 19ème siècle, le développement des grands systèmes bocagers français, en complétant une trame jusque-là concentrée autour des villages, remontant parfois au Haut Moyen Âge.</p>
<p>Aujourd’hui, leur vocation a été oubliée ; plus de 1,4 million de kilomètres de haies anciennes ont été arrachées, perçues comme un obstacle à la circulation des engins agricoles et comme une perte de surface cultivable. Selon le <a href="https://agriculture.gouv.fr/la-haie-levier-de-la-planification-ecologique">Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux [MOU2]</a> « depuis 1950, 70 % des haies ont disparu des bocages français ». Le phénomène s’accélère même puisque, d’après le même rapport, 23 500 km de haies ont été annuellement détruits entre 2017 et 2021, contre 10 400 km entre 2006 et 2014.</p>
<p>Paradoxalement, dans le même temps, on replante des haies là où il n’y en avait pas, pour compenser la destruction d’autres haies ou pour réintroduire un peu de « naturalité » dans des paysages de grandes cultures. Mais les politiques d’incitation à la création de haies se sont traduites par la replantation de seulement 3 000 km de haies par an, avec parfois des espèces peu adaptées ou exotiques.</p>
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<h2>La haie ancienne est un réservoir de biodiversité</h2>
<p>Maintenant, observons un peu ce qui se passe à l’intérieur d’une haie. La haie est un objet hybride : une création humaine artificielle qui se naturalise au fil du temps, et dont l’ensauvagement progressif efface peu à peu l’artificialité au point qu’elle devienne un habitat presque « naturel ». <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/jvs.12845">Un nombre croissant d’espèces végétales, animales et microbiennes la colonise alors spontanément</a> : d’abord des espèces « généralistes », participant à la biodiversité ordinaire, puis, au fil des siècles, des espèces de plus en plus « spécialistes », notamment forestières, à la valeur patrimoniale importante. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/581253/original/file-20240312-28-v7a8cf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/581253/original/file-20240312-28-v7a8cf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/581253/original/file-20240312-28-v7a8cf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/581253/original/file-20240312-28-v7a8cf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/581253/original/file-20240312-28-v7a8cf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/581253/original/file-20240312-28-v7a8cf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/581253/original/file-20240312-28-v7a8cf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Parallèlement, la structuration verticale et horizontale de la haie se complexifie, créant autant de micro-habitats pour une grande diversité d’espèces. Ni ouverte, ni forestière, la haie constitue un habitat semi-naturel unique : entre 60 et 80 % des espèces animales des campagnes s’y nourrissent ou s’y reproduisent. Si la haie est implantée sur un talus ou au bord d’un chemin creux, abeilles sauvages solitaires et mammifères fouisseurs y creusent leur terrier. Les tas de pierres attirent lézards, serpents et amphibiens. L’exploitation et l’entretien des haies contribuent également à en accroître la biodiversité, en favorisant par exemple la formation de cavités dans les troncs des vieux arbres de la haie, propices à de nombreux invertébrés, oiseaux et mammifères parmi les plus menacés dans les paysages agricoles.</p>
<p>À l’échelle du paysage, les haies forment également un réseau relié à des éléments forestiers ou à des zones humides, facilitant ainsi la circulation de nombreux organismes d’un milieu à l’autre et abritant par-là une diversité plus importante. Les haies les mieux préservées des usages agricoles adjacents, souvent les plus larges et les plus hautes, sont les plus riches et doivent être conservées prioritairement. Il existe en effet une relation entre l’ancienneté d’une haie et sa biodiversité : une nouvelle haie n’offrira pas avant longtemps la richesse en espèces d’une haie ancienne détruite ailleurs ; il faudra plusieurs siècles, si les espèces n’ont pas disparu entre-temps.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/climat-biodiversite-le-retour-gagnant-des-arbres-champetres-174944">Climat, biodiversité : le retour gagnant des arbres champêtres</a>
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<h2>La haie ancienne rend de multiples services à l’Homme</h2>
<p>Si la haie a donc été créée pour répondre à des objectifs humains, avant de devenir un important réservoir de biodiversité, elle demeure aujourd’hui pourvoyeuse de nombreux services bénéfiques à l’Homme et au fonctionnement des écosystèmes.</p>
<p>Pour comprendre cela, il faut notamment s’intéresser à la partie souterraine des haies. </p>
<p>L’enracinement des arbres et arbustes est plus profond que pour leurs congénères forestiers : la <a href="https://www.decitre.fr/livres/le-defi-alimentaire-9782701175836.html">majorité des racines des arbres forestiers</a> se trouvent dans le premier mètre cinquante du sol, tandis que les racines des arbres agroforestiers se concentrent entre 1 et 3 m. Les végétaux des haies freinent de ce fait l’écoulement de l’eau en surface et favorisent son infiltration dans les sols, ainsi que sa remontée par capillarité lors d’épisodes de sécheresse.</p>
<p>Les haies stabilisent également les sols, réduisent la lixiviation des particules limoneuses les plus fines et le lessivage des engrais et pesticides. L’actualité récente a démontré comment la disparition de haies aggravait les inondations lors d’épisodes pluvieux exceptionnels… Alliée des populations locales, mais aussi des agriculteurs, la haie limite l’érosion des sols et les enrichit en matière organique et en nutriments via son tapis de feuilles et de bois morts. Les produits de taille peuvent aussi, après broyage, servir de couvre-sol remplaçant les herbicides.</p>
<p>Les haies peuvent aussi contribuer à améliorer la qualité de l’eau, en fixant certains polluants tels les nitrates ou les métaux lourds lorsqu’ils sont présents dans l’eau de ruissellement. Elles participent aussi à une meilleure qualité de l’air, en interceptant les pesticides volatilisés lorsqu’ils sont épandus par temps chaud.</p>
<p>Les haies, enfin, créent des conditions microclimatiques favorables, par un effet « climatiseur » qui met les cultures et le bétail à l’abri des vagues de chaleur, du vent sec et des gelées tardives. Leur effet « brise-vent » s’étend jusqu’à une distance de dix à vingt fois leur hauteur. À l’heure des changements climatiques, cet effet « tampon » salvateur est plus que bienvenu. Dans ce contexte, selon l’<a href="https://librairie.ademe.fr/changement-climatique-et-energie/5388-stocks-de-bois-et-de-carbone-dans-les-haies-bocageres-francaises.html">ADEME</a>, les haies fixent et stockent au moins 100 tonnes de carbone par kilomètre linéaire, via les troncs, les branches et les feuilles mais aussi leur système racinaire.</p>
<p>Face à l’étendue de ces services écosystémiques, on objecte parfois que les haies seraient des réservoirs de maladies et de bioagresseurs des cultures. Si ce fait est indéniable, l’impact actuel sur les rendements des cultures reste cependant très limité et bien inférieur aux bénéfices apportés par les organismes auxiliaires vivant dans les haies : pollinisateurs des cultures ou prédateurs des bioagresseurs (insectes, araignées, rapaces, chauve-souris…). Or ces auxiliaires sont d’autant plus nombreux et abondants que la haie est ancienne, et de ce fait riche en espèces. Ainsi, selon un <a href="https://www.inrae.fr/actualites/augmenter-diversite-vegetale-espaces-agricoles-proteger-cultures">rapport de l’INRAE de 2022</a>, une haie réduit de 84 % l’abondance de bioagresseurs dans les cultures adjacentes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/planter-des-arbres-venus-de-regions-seches-la-migration-assistee-une-fausse-bonne-idee-221340">Planter des arbres venus de régions sèches : la « migration assistée », une fausse bonne idée ?</a>
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<h2>Préserver les haies anciennes avant d’en planter de nouvelles</h2>
<p>Combinés, tous ces services améliorent le rendement des cultures et le potentiel fourrager des prairies, avec une intensité qui dépend des types de sol, de la composition et de l’ancienneté des haies et des modes de culture. La possible baisse de productivité liée à la surface de production occupée par la haie et à l’effet « lisière » en bordure de celle-ci, est insignifiante au regard de l’augmentation des services apportés par la biodiversité qu’elle renferme, mais une haie nouvellement plantée mettra plusieurs décennies voire siècles à rendre les mêmes services qu’une haie ancienne. Malheureusement, les acteurs du monde agricole et les décideurs méconnaissent cette réalité : l’arrachage d’une haie amène, à moyen terme, davantage de pertes que de gains.</p>
<p>De fait, le <a href="https://agriculture.gouv.fr/pacte-en-faveur-de-la-haie">« pacte en faveur de la haie »</a> du gouvernement, qui vise à « arrêter la saignée » en plantant « en quantité et qualité » 50 000 km de haies d’ici 2030, ne pourra jamais compenser la destruction des haies anciennes qui se poursuit, car un kilomètre de haies nouvelles n’équivaut pas à un kilomètre de haies anciennes. « Déplacer » une haie ne conserve ni la biodiversité qu’elle hébergeait, ni la qualité et la quantité des services qu’elle rendait. La préservation des haies anciennes est donc une urgence, au nom de la sauvegarde d’un patrimoine historique, culturel et naturel inestimable, non seulement compatible mais vital pour l’agriculture du 21ème siècle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225108/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Decocq est vice-président de la Société botanique de France</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Arnaud Mouly est membre du conseil d'administration de la Société botanique de France. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Déborah Closset est membre du conseil d'administration de la Société Botanique de France</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marc-André Selosse est membre du conseil d'administration de la Société botanique de France. Son laboratoire a reçu des financements de l'ANR, du NCN (fond polonais pour la recherche) et de la Fondation de France. Il est membre des conseils scientifique de Mycophyto et Pour une Agriculture du Vivant.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Michel Botineau est membre de la Société botanique de France</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pierre-Antoine Précigout est membre du conseil scientifique de la Société botanique de France. Ses travaux sur les haies au sein de l'INRAE ont été en partie financés par le projet TRAVERSéES (TRAjectoires de transition VErtueuses pour la Réduction des usages des pesticides aSsociant les leviers Ecologiques, Economiques, Sociaux et institutionnels à l’échelle du territoire, 2020-2024) soutenu par le Ministère de la Transition Ecologique, le Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, le Ministère des Solidarités et de la Santé, le Ministère de l'Enseignement Supérieur de la Recherche et de l'Innovation et l'Office Français de la Biodiversité (Appel à projets "Leviers territoriaux pour réduire l’utilisation et les risques liés aux produits phytopharmaceutiques" du plan Ecophyto II+).</span></em></p>Une nouvelle haie n'offrira pas avant longtemps la richesse en espèces d’une haie ancienne détruite ailleurs ; il faudra pour cela plusieurs siècles, si les espèces n’ont pas disparu entre-temps.Guillaume Decocq, Professeur en sciences végétales et fongiques, directeur de l’UMR EDYSAN, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Arnaud Mouly, Maître de Conférences en Systématique et Ecologie Végétales, Université de Franche-Comté – UBFCDéborah Closset, Maitre de conférences en écologie forestière, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Marc-André Selosse, Professeur du Muséum national d'Histoire naturelle, Professeur invité aux universités de Gdansk (Pologne) & Viçosa (Brésil), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Michel Botineau, professeur de botanique, Université de LimogesPierre-Antoine Précigout, Chargé de recherche en agroécologie, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2250412024-03-05T16:02:23Z2024-03-05T16:02:23ZDes prix plancher au secours de l’agriculture : ne peut-on pas trouver meilleure idée ?<p>La visite du président Macron au salon de l’agriculture 2024, tout <a href="https://www.bfmtv.com/politique/reconquete/marion-marechal-aspergee-de-biere-au-salon-de-l-agriculture-va-continuer-a-mouiller-la-chemise_AN-202403010144.html">comme celle d’autres personnalités politiques</a>, a été <a href="https://www.youtube.com/watch?v=McEmx_9sO9A">relativement houleuse</a>. Plusieurs débordements ont été signalés avant qu’il ne puisse visiter les hangars de la Porte de Versailles dans un climat tendu et en étant régulièrement pris à partie.</p>
<p>C’est dans ce contexte qu’est intervenue la déclaration surprise de la volonté du gouvernement et du président d’aller vers la mise en place de <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/agroalimentaire-biens-de-consommation-luxe/agriculture-les-prix-planchers-d-emmanuel-macron-une-proposition-qui-divise-le-monde-agricole-991500.html">prix planchers dans le secteur agricole</a>. Les contours du dispositif sont encore flous : il s’agirait, à gros traits, de faire en sorte que les distributeurs ne puissent pas acheter aux producteurs les fruits de leur récolte ou de leur élevage en-deçà d’un certain prix. En théorie, la loi Égalim garantit aujourd’hui des prix qui ne peuvent descendre en dessous des coûts de production.</p>
<p>Le premier ministre, fin janvier 2024, en plein crise agricole, avait esquissé la mise en place <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/politique/discours-de-politique-generale-le-premier-ministre-na-rien-compris-a-ce-que-demandent-les-agriculteurs-sur-les-barrages">d’une « exception agricole</a>, qui permettrait aux productions agricoles nationales de bénéficier de mesures de sauvegarde ou de protection (à l’image de ce qui fût fait <a href="https://www.csa.fr/Cles-de-l-audiovisuel/Connaitre/Histoire-de-l-audiovisuel/Qu-appelle-t-on-l-exception-culturelle">pour le cinéma au travers de l’exception culturelle</a>). Celle-ci est réclamée depuis longtemps par les syndicats, au motif que l’agriculture n’est <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/09/26/puisque-l-alimentation-n-est-pas-une-marchandise-comme-les-autres-etendons-les-principes-de-la-securite-sociale-a-l-alimentation_6191050_3232.html">« pas une activité économique comme les autres »</a>. S’agit-il de couper l’herbe sous le pied au Rassemblement national qui depuis plusieurs années <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-edito-politique/edito-prix-planchers-pesticides-europe-les-raison-des-contorsions-du-rassemblement-national_6355366.html">milite pour ce type de mécanismes</a> ?</p>
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<p>À quelques mois des élections européennes, chaque thématique semble être l’objet d’un bras de fer entre la majorité présidentielle et le Rassemblement national. L’agriculture n’y échappe pas. Certains médias affirment d’ailleurs qu’il y aurait une <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/03/01/entre-le-rn-et-la-coordination-rurale-une-proximite-ideologique-et-des-accointances-locales_6219533_823448.html">affinité entre certains syndicats et le programme défendu par Jordan Bardella</a>.</p>
<p>Ce qui paraît certain est que la mise en place de cette idée de prix planchers ne va pas de soi. Elle paraît même <a href="https://www.lopinion.fr/economie/prix-plancher-un-peu-de-culture-economique-la-chronique-demmanuel-combe">largement discutable</a>, tant au regard de la théorie économique que des réalités de terrain. Des alternatives semblent sans doute préférables.</p>
<h2>Pas de cavaliers seuls ?</h2>
<p>Premier point qui peut conduire à remettre cette idée en question : les prix planchers ne semblent <a href="https://theconversation.com/colere-des-agriculteurs-europeens-traiter-lorigine-des-maux-pour-eviter-la-polarisation-224420">pas avoir de sens au sein d’un marché commun européen</a>. L’Europe a abandonné depuis les années 2000 la politique de quotas et <a href="https://theconversation.com/crise-agricole-une-reponse-politique-mal-ciblee-223947">a cessé de vouloir piloter les volumes produits et indirectement les prix</a>. Cela a presque automatiquement généré une <a href="https://theconversation.com/de-la-fin-des-quotas-de-la-pac-a-aujourdhui-20-ans-de-politiques-agricoles-en-echec-222535">élévation de la concurrence intra-européenne</a> et mondiale, <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/sucre-le-triste-bilan-de-la-fin-des-quotas-europeens-140391">qui s’est traduite par de fréquentes crises de surproduction</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1753805095169388785"}"></div></p>
<p>Chaque acteur et chaque pays n’ont en effet aucun intérêt propre à se limiter pour atteindre un hypothétique équilibre de marché. C’est ce qu’a bien montré la théorie économique des jeux : sur certains marchés <a href="https://www.persee.fr/doc/ecoap_0013-0494_2001_num_54_1_1756">peuvent se produire des déséquilibres et des actions non coopératives qui aboutissent à des situations sous-optimales</a>. Ici, des surplus de production amènent une baisse généralisée des prix. À quoi bon instaurer des prix planchers quand chaque pays peut décider de faire « cavalier seul » ?</p>
<p>Une des conditions fortes des prix planchers serait ainsi que les règles du jeu soient exactement les mêmes pour tous. En économie, l’un des principes de base des <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/270244-quest-ce-que-la-concurrence">théories de la concurrence</a> <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/270244-quest-ce-que-la-concurrence">pure et parfaite</a> consiste à avoir des acteurs qui se comportent de la même façon et qui tous ont le même poids. Aucun acteur ne peut déstabiliser seul un marché et donc tout le monde joue à armes égales.</p>
<h2>Le défi de l’hétérogénéité</h2>
<p>Or, cela ne correspond pas à la réalité des marchés et des filières agricoles. D’une part, il existe des acteurs <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/negociations-commerciales-et-prix-des-matieres-premieres-agricoles-la-france-a-cote-de-la-pac-905654.html">qui « font » le marché, en pesant plusieurs milliards d’euros</a>. En général les <a href="https://theconversation.com/les-producteurs-principaux-perdants-de-la-repartition-des-gains-de-productivite-de-lagriculture-depuis-1959-222780">producteurs sont les grands perdants de ces rapports de force</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1754931388837417156"}"></div></p>
<p>D’autre part, parce que plusieurs pays n’ont pas intérêt et ne mettront jamais en place les prix planchers à l’échelle européenne et encore moins mondiale. Les pays en mesure de proposer des prix bas se priveraient en effet d’une demande qui leur est acquise. Certains produits agricoles sont des commodités, aux caractéristiques identiques ou très proches, et pour lesquelles le prix devient donc le facteur unique de décision des agents économiques.</p>
<p>L’idée de prix plancher ne serait ainsi pertinente qu’à condition d’avoir des produits agricoles qui se différencient autrement que par le prix. Cela justifierait l’existence d’un prix minimal au regard des caractéristiques supérieures du produit ou de sa qualité essentielle.</p>
<p>Par ailleurs, le concept même de prix plancher repose sur une hypothèse forte et très restrictive : que les <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/02/27/quatre-questions-sur-les-prix-planchers-des-produits-agricoles_6218908_4355770.html">couts des différents exploitants agricoles soient assez homogènes,</a> quelle que soit leur zone de production. Or les conditions locales, climatiques ou la simple topographie sont nettement différentes selon la région de production. Dans la filière laitière, les coûts de production varient du simple au double. Dans ce cas, sur quel niveau de coût s’aligner et donc quel niveau de prix plancher ?</p>
<h2>Une inspiration américaine ?</h2>
<p>La notion de prix plancher soulève d’ailleurs des enjeux juridiques : elle peut conduire plusieurs acteurs à s’entendre de fait sur des prix. Or, les ententes sont <a href="https://www.lopinion.fr/economie/agriculture-les-prix-planchers-suscitent-une-montagne-dinterrogations">interdites du point de vue du droit de la concurrence</a>. Cela incite les principaux acteurs sur le marché, peu nombreux dans la grande distribution, à s’accorder sur des niveaux d’achats et des prix et les conséquences peuvent s’avérer à terme contre-productives. En effet, les distributeurs peuvent être plus incités encore à avoir des prix d’achat quasi identiques, le prix plancher donnant un signal. Dans ce cas, le mécanisme stimulant de la concurrence du côté de la demande qui peut pousser les prix d’achat vers le haut peut se gripper (le producteur vendrait en théorie au plus offrant).</p>
<p>Outre le droit européen, il faudra aussi composer avec les accords de libre-échange qui comportent des allègements, si ce n’est des suppressions, de contraintes douanières ou fiscales. Cela va bien évidemment à l’encontre des velléités protectionnistes ou même de <a href="https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560">souveraineté nationale</a>. L’idée est de permettre d’échanger des <a href="https://www.sudouest.fr/economie/agriculture/mercosur-poulets-bresiliens-contre-voitures-allemandes-ou-en-est-l-accord-de-libre-echange-entre-l-europe-et-l-amerique-du-sud-18373445.php">productions agricoles étrangères contre d’autres types de produits comme le fait par exemple l’Allemagne</a>. Dans le cas français, ce sont bien nos productions agricoles qui risquent de pâtir de cette concurrence directe des produits importés.</p>
<p>Dans cette approche fondée sur la théorie des avantages comparatifs, chaque pays essaie de favoriser la performance de ses productions nationales disposant d’avantages relatifs. Tout l’enjeu pour les produits agricoles consiste à introduire des <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/societe/agriculture-quest-ce-que-les-clauses-miroirs-que-demandent-les-agriculteurs">clauses miroirs</a> pour que les pays importés soient soumis aux mêmes règles et contraintes que les produits nationaux, notamment en matière environnementale. Cela induit sinon une distorsion majeure de concurrence. En introduisant des prix planchers qui ne s’appliqueraient qu’aux productions nationales, on risque de rendre encore moins compétitifs sur notre sol nos produits agricoles et on renforcerait l’avantage comparatif du poulet ukrainien ou du sucre brésilien, par exemple.</p>
<p>Plusieurs experts rappellent l’existence d’autres dispositifs qui représentent une alternative plus pertinente. Un des dispositifs les plus aboutis existe dans le pays roi du marché et de la libre concurrence, à savoir les États-Unis. Les Américains ont mis en place depuis plusieurs années, au travers du <a href="https://agriculture.gouv.fr/le-nouveau-farm-bill-americain-un-renforcement-des-assurances-agricoles-subventionnees-et-des"><em>Farm Bill</em></a>, différents mécanismes permettant de compléter les prix offerts sur le marché. Des aides sont versées, sauf quand les prix deviennent plus rémunérateurs pour les paysans ou franchissent certains seuils. C’est une façon de « préserver » le revenu des agriculteurs américains, de limiter les effets de la volatilité et d’offrir un peu de prévisibilité et de stabilité. Un juste équilibre, sans doute, pour un secteur qui fait face à <a href="https://theconversation.com/crise-agricole-quels-defis-pour-demain-224685">venir d’immenses défis</a>, tant <a href="https://theconversation.com/ce-que-la-crise-agricole-revele-des-contradictions-entre-objectifs-socio-ecologiques-et-competitivite-222293">techniques</a> et économiques <a href="https://theconversation.com/revoir-notre-vision-de-la-nature-pour-reconcilier-biodiversite-et-agriculture-223927">qu’environnementaux</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225041/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Xavier Hollandts ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Et si, au lieu d’instaurer un système de prix plancher dans l’agriculture, on s’inspirait de dispositifs américains, plus pertinents sans doute pour garantir un minimum de stabilité aux producteurs ?Xavier Hollandts, Professeur de stratégie et entrepreneuriat, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2228212024-03-05T10:14:40Z2024-03-05T10:14:40ZL’alimentation positive, c’est s’inspirer du régime méditerranéen et limiter le sucre<p>L’alimentation peut être positive ! C’est le cas quand elle favorise la santé en combinant deux approches clés : l’adoption d’un <a href="https://theconversation.com/fr/topics/regime-mediterraneen-21767">régime méditerranéen</a> et la réduction de la consommation de sucres non essentiels qui sont ajoutés par l’industrie agroalimentaire dans différentes familles de produits (gâteaux, biscuits pour goûter, sodas, etc.)</p>
<p>Et l’alimentation peut aussi être durable quand elle contribue à la diminution de la production de gaz à effet de serre.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<h2>Le régime occidental favorise l’obésité et les maladies cardiovasculaires</h2>
<p>Les changements socioéconomiques, influencés par la grande distribution et les géants de l’agroalimentaire, éloignent les individus des choix alimentaires sains comme le régime méditerranéen.</p>
<p>Le principal problème réside en l’accessibilité trop facile de produits ultra-transformés, trop riches en sucres et graisses et souvent peu coûteux.</p>
<p>En France, la <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-interview-eco/crise-agricole-le-consommateur-doit-prendre-conscience-que-l-alimentation-vertueuse-est-plus-chere-selon-le-chercheur-sebastien-abis_6335743.html">crise agricole</a> récente a également mis en lumière les déséquilibres dans la chaîne alimentaire, en montrant la nécessité de repenser notre approche de sa production, de sa distribution et de sa consommation.</p>
<p>Pour faire le lien avec la santé, il est clairement établi que l’hyperalimentation devient le principal défi de santé publique, bien que la pénurie alimentaire reste une préoccupation majeure pour bon nombre de personnes dans le monde.</p>
<p>Sont en cause : l’augmentation de la taille des portions, leur plus grande densité énergétique, l’alimentation industrielle en excès, la grande disponibilité de l’alimentation, et l’évolution des prix alimentaires qui sont tous des éléments qui favorisent des repas trop riches en calories.</p>
<p>Ce type de régime, couramment appelé « régime occidental », est à l’origine d’une prise de poids excessive. Ainsi, l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/obesite-23289">obésité</a> est un véritable problème de santé publique, que ce soit en France ou au niveau mondial. <a href="https://presse.inserm.fr/obesite-et-surpoids-pres-dun-francais-sur-deux-concerne-etat-des-lieux-prevention-et-solutions-therapeutiques/66542/">En France, une personne sur deux est en surpoids et 17 % de la population souffre d’obésité</a>.</p>
<p>Une vaste étude épidémiologique montre que les facteurs de risque alimentaires sont responsables de <a href="https://doi.org/10.1016/S0140-6736(19)30041-8">plus de 11 millions de décès par an dans le monde</a>, un chiffre qui date de 2017. Et <a href="https://doi.org/10.1016/S0140-6736(19)30041-8">il est prévu qu’il continue de croître dans les années à venir</a>.</p>
<p>Les <a href="https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/risque-cardiovasculaire/definition-facteurs-favorisants">maladies cardiovasculaires</a> constituent la principale cause de décès liés à une alimentation inadéquate, totalisant 10 millions de décès, suivies des <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/cancers">cancers</a> (environ 1 million) et du <a href="https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/diabete/diabete-comprendre/definition">diabète de type 2</a> (environ 340 000).</p>
<p>Il est également alarmant de constater, toujours selon cette étude, que plus de 5 millions de décès liés à l’alimentation (représentant 45 % du total) surviennent chez des adultes de moins de 70 ans.</p>
<h2>Trop de viande rouge, de sel, de sucres et pas assez de fibres, de fruits, de légumes</h2>
<p>Les principaux facteurs de risque alimentaires incluent un faible apport en céréales complètes (issues du petit-déjeuner, du pain, du riz, des pâtes, etc.) et une consommation insuffisante de fruits et de légumes.</p>
<p>En revanche, dans cette <a href="https://doi.org/10.1016/S0140-6736(19)30041-8">alimentation occidentale</a>, l’apport en sodium (le sel dans le langage courant) est trop élevé, notamment dans les plats préparés. Elle est également marquée par une surconsommation de sucre ajouté, de viande rouge, d’<a href="https://theconversation.com/acides-gras-trans-limites-par-lue-que-se-passe-t-il-au-niveau-moleculaire-pour-quils-soient-nocifs-157791">acides gras trans</a> et de viandes transformées (charcuterie), ainsi qu’un faible apport en certaines céréales, légumineuses (lentilles, haricots secs…), produits de la mer et en calcium.</p>
<p>Des <a href="https://academic.oup.com/jnci/article/97/12/906/2544064">études</a> <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2776517">montrent</a> clairement que le risque de <a href="https://www.e-cancer.fr/Patients-et-proches/Les-cancers/Cancer-du-colon/Les-points-cles">cancer colorectal</a> peut être réduit en prenant en compte ces facteurs de risque dans nos habitudes alimentaires, notamment en réduisant la consommation de viande rouge, d’abats et de charcuterie.</p>
<h2>Pourquoi le choix du régime méditerranéen ?</h2>
<p>Pour la sixième année consécutive, le régime méditerranéen a été désigné comme le meilleur régime à suivre en 2023 par le <a href="https://health.usnews.com/best-diet/mediterranean-diet">« US News and World Report »</a>. Il est à présent universellement reconnu comme un des modèles d’alimentation de référence pour une bonne santé.</p>
<p>Le terme « régime méditerranéen » désigne un mode alimentaire établi dans le bassin méditerranéen depuis des millénaires, reposant sur l’utilisation des ressources locales. Au cours des 30 dernières années et après plus de 3000 références d’<a href="https://www.mdpi.com/2072-6643/14/14/2956">articles scientifiques publiés dans le monde</a>, ce régime s’est avéré être un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/joim.13333">allié précieux pour la santé</a>, dans la prévention de l’infarctus, de l’accident vasculaire cérébral, du diabète, de certains cancers…</p>
<p>Dès les années 1990, en France, Michel de Lorgeril et ses collaborateurs ont mis en lumière les <a href="https://www.ahajournals.org/doi/10.1161/01.CIR.99.6.779">effets protecteurs du régime méditerranéen contre les maladies cardiovasculaires</a>. Ces études ont largement démontré les bienfaits de ce régime sur de vastes échantillons de population.</p>
<p>Ces effets bénéfiques s’expliquent notamment par la présence d’aliments aux propriétés anti-inflammatoires et antioxydantes, ainsi que par son efficacité globale dans le contrôle du poids et la réduction de l’obésité.</p>
<h2>En pratique, ça donne quoi le régime méditerranéen ?</h2>
<p>Le <a href="https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-319-29370-7">régime méditerranéen</a> apporte une multitude de bienfaits pour la santé grâce à sa variété d’aliments nutritifs. Les produits de la mer, comme les sardines, le saumon et le maquereau, fournissent des <a href="https://www.anses.fr/fr/content/les-acides-gras-om%C3%A9ga-3">acides gras oméga-3 essentiels</a>, tandis que <a href="https://www.mdpi.com/2072-6643/7/9/5356">l’huile d’olive extra vierge</a>, principale source de graisse dans ce régime, est riche en molécules actives bénéfiques.</p>
<p>Les fruits et légumes occupent une place prépondérante dans le régime méditerranéen, offrant une grande diversité de nutriments tels que les fibres, le <a href="https://www.anses.fr/fr/content/les-r%C3%A9f%C3%A9rences-nutritionnelles-en-vitamines-et-min%C3%A9raux">potassium</a>, la <a href="https://www.anses.fr/fr/content/les-r%C3%A9f%C3%A9rences-nutritionnelles-en-vitamines-et-min%C3%A9raux">vitamine C</a> et les polyphénols. Des <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/proceedings-of-the-nutrition-society/article/generating-the-evidence-for-risk-reduction-a-contribution-to-the-future-of-foodbased-dietary-guidelines/D4CBE7A3A8218A48859A70E0314C0D36#">études</a> ont démontré que leur consommation réduisait le risque de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/10408398.2017.1392288">maladies cardiovasculaires, d’accident vasculaire cérébral</a>, de diabète de type 2, de cancer du côlon rectal et de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2161831322003970">prise de poids</a>.</p>
<p>Les légumineuses, les céréales et les oléagineux sont également des composantes importantes de ce régime, riches en fibres, en <a href="https://www.anses.fr/fr/content/les-r%C3%A9f%C3%A9rences-nutritionnelles-en-vitamines-et-min%C3%A9raux">vitamines et en minéraux</a>. En particulier, la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/B9780081005965225110">consommation</a> de <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/british-journal-of-nutrition/article/nuts-and-coronary-heart-disease-an-epidemiological-perspective/3560F2ECAF709F832E625C4DB163C8D4">noix</a>, amandes ou encore noisettes est <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/jcp.27506">cruciale</a> en raison de leur teneur en <a href="https://www.anses.fr/fr/content/les-lipides">acides gras monoinsaturés et polyinsaturés</a> ainsi qu’en flavonoïdes (des antioxydants présents dans le thé, le cacao, les pommes… qui appartiennent à la grande famille des polyphénols).</p>
<h2>Pourquoi il faut réduire la consommation de sucres non essentiels</h2>
<p>Il convient également de réduire la consommation de sucres non essentiels ajoutés artificiellement à notre alimentation via les produits industriels notamment. L’objectif est de réduire les pics de <a href="https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/diabete/diabete-symptomes-evolution/autosurveillance-glycemie">glycémie</a> (ou taux de sucre dans le sang) pour éviter les coups de fatigue et le stockage de graisses.</p>
<p>Limiter les aliments à indice glycémique élevé (le sucre blanc raffiné, pain blanc, viennoiseries, les pommes de terre cuites…) et favoriser les sucres lents (la famille des féculents par exemple) et nutriments complets (farine complète, riz et pain complets…) est recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (<a href="https://www.who.int/fr/news/item/04-03-2015-who-calls-on-countries-to-reduce-sugars-intake-among-adults-and-children">OMS</a>) et, en France, par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (<a href="https://www.anses.fr/fr/content/sucres-dans-l%E2%80%99alimentation">Anses</a>).</p>
<p>L’OMS suggère de limiter les sucres ajoutés à moins de 25 g par jour (soit cinq cuillères à café environ). Les sucres libres sont présents dans les aliments transformés et les boissons telles que les jus de fruits et les sodas. Réduire leur consommation de moitié est recommandé par les organismes officiels pour lutter contre le diabète et l’obésité.</p>
<p>Or, le régime méditerranéen limite naturellement les sucres rapides. Limiter les sucres et augmenter les lipides, selon la littérature scientifique, favorise la perte de poids et améliore la santé globale. C’est notamment la stratégie adoptée quand on met en place un <a href="https://www.inrae.fr/actualites/regime-cetogene-utile-pas-forcement-perdre-du-poids">régime dit cétogène</a>.</p>
<h2>Manger mieux aussi pour la planète</h2>
<p>Manger mieux pour sa santé est également bénéfique pour l’environnement. L’agriculture intensive, telle qu’elle est pratiquée depuis les années 1960, a certes des rendements extraordinaires, mais elle épuise les sols et pollue l’environnement.</p>
<p>L’émission de méthane par les ruminants y joue un rôle majeur. La prise de conscience récente des limites des ressources naturelles et de la pollution des sols, de l’air et de l’eau, pousse vers une nouvelle agriculture, l’agriculture axée sur le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/developpement-durable-21018">développement durable</a>.</p>
<p>En France, l’agriculture est le deuxième poste d’émission de gaz à effet de serre avec <a href="https://www.notre-environnement.gouv.fr/themes/climat/les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-et-l-empreinte-carbone-ressources/article/les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-de-l-agriculture">19 % du total national</a>.</p>
<p>Ainsi, il est primordial que l’agriculture contribue à l’effort général de réduction des émissions de gaz et c’est donc à nous, citoyens de ce monde, de pousser tous les acteurs, des politiciens à la grande distribution, à diminuer cette production.</p>
<h2>Des repères pour manger positif et durable ?</h2>
<p>Pour concrétiser nos recherches, nous avons créé le site Internet <a href="https://mmmenus.fr/">Mes meilleurs menus</a> qui propose un programme de menus hebdomadaires. Ce programme a été réalisé grâce aux méta-analyses publiées dans les plus grandes revues scientifiques internationales et en tenant compte des recommandations officielles.</p>
<p>Ces menus s’appuient sur une alimentation méditerranéenne à faible indice glycémique, équilibrée en 25 nutriments essentiels et personnalisée en fonction du poids, de l’âge, du sexe et du niveau d’activité physique.</p>
<p>Ce service est offert gratuitement. L’objectif est également d’inciter la population à adopter de bonnes habitudes alimentaires sans culpabilité.</p>
<p>D’autres sites fournissent des repères pour mieux connaître la qualité des aliments et manger mieux comme la <a href="https://ciqual.anses.fr/">table de composition nutritionnelle</a> de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses).</p>
<p>A nous de nous rapprocher de nos agriculteurs, de nos fermes, afin de consommer local en privilégiant les <a href="https://www.aprifel.com/fr/">produits de saison</a>,ce qui favorise une alimentation saine et durable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222821/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joffrey Zoll a reçu des financements de l'Université de Strasbourg, la société STEPAN. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anouk Charlot a reçu des financements de l’université de Strasbourg (bourse doctorale)</span></em></p>Manger positif et durable pour sa santé et pour la planète, c’est possible. Pour cela, il faut adopter un régime méditerranéen et limiter le sucre non essentiel présent dans les aliments industriels.Joffrey Zoll, MCU-PH en physiologie, faculté de médecine, Université de StrasbourgAnouk Charlot, Doctorante, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2247822024-03-04T17:01:23Z2024-03-04T17:01:23ZComment les nouveaux OGM relancent la question de la brevetabilité du vivant<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/579512/original/file-20240304-21-wh3xb7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C55%2C5264%2C3882&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quelles conséquences les nouveaux OGM auront sur la diversité des semences ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/farmer-spraying-green-wheat-field-644903410">oticki/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Présentées comme une solution miracle par leurs promoteurs et comme des « OGM cachés » par leurs opposants, les nouvelles techniques d’édition des génomes sont en débat au Parlement européen.</p>
<p>Un des enjeux qui a occupé jusque-là les eurodéputés a été de distinguer parmi les plantes produites par ces nouvelles technologies génomiques celles qui pourraient résulter de mutations ou de techniques de sélection considérées comme naturelles, et qui, à ce titre-là pourraient être exemptées des exigences des réglementations des OGM.</p>
<p>Le 7 février 2024, le texte adopté a tranché cette question de la façon suivante : les plantes dont le génome a subi moins de vingt modifications peuvent être exemptées d’évaluation, à condition que les modifications opérées aillent dans le sens d’une agriculture durable, c’est-à-dire, par exemple, en produisant des plantes bénéficiant d’une meilleure résistance aux sécheresses ou aux nuisibles.</p>
<p>Toujours le 7 février, et de manière plus surprenante, le <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/en/press-room/20240202IPR17320/new-genomic-techniques-meps-back-rules-to-support-green-transition-of-farmers">texte</a> adopté par le Parlement demande une interdiction de breveter ces nouvelles modifications génétiques. C’est un véritable coup de théâtre car la question de la propriété intellectuelle était à l’origine censée être remise à plus tard, afin de favoriser l’adoption rapide d’un texte favorable à l’usage de ces nouvelles techniques. Il faudra donc scruter de près l’évolution de cette question au cours des prochaines étapes législatives, lors des négociations entre la Commission, le Parlement et le Conseil.</p>
<p>En tant que membres du Comité des enjeux sociétaux de <a href="https://www.semae.fr/">SEMAE</a> (interprofession réunissant tous les acteurs des semences), comité interdisciplinaire d’experts indépendant, nous avons préparé en 2023 un <a href="https://www.semae.fr/comite-des-enjeux-societaux/">avis</a> sur les enjeux de la propriété intellectuelle des semences. Cet article se fonde sur cet avis afin d’éclairer le débat.</p>
<p></p><div style="position: relative; width: 100%; height: 0; padding-top: 56.2500%; padding-bottom: 0; box-shadow: 02px 8px 0 rgba(63,69,81,0.16); margin-top: 1.6em; margin-bottom: 0.9em; overflow: hidden; border-radius: 8px; will-change: transform;"> <p></p>
<iframe loading="lazy" style="position: absolute; width: 100%; height: 100%; top: 0; left: 0; border: none; padding: 0;margin: 0;" src="https://www.canva.com/design/DAF-KwuvThs/EegKPEOdzrzjOyegxUVssA/view?embed" allowfullscreen="allowfullscreen" allow="fullscreen" width="100%" height="400"> </iframe>
<p></p></div><a href="https://www.canva.com/design/DAF-KwuvThs/EegKPEOdzrzjOyegxUVssA/view?utm_content=DAF-KwuvThs&utm_campaign=designshare&utm_medium=embeds&utm_source=link" target="_blank" rel="noopener"></a> <p></p>
<h2>Le certificat d’obtention végétale (COV) contre le brevet industriel</h2>
<p>Dans le monde des semences, la propriété intellectuelle est régie depuis 1961 par un cadre plus souple que celui du brevet et plus à même de correspondre aux mécanismes d'évolution des génomes et d'adaptation, objets d’incessants croisements. Ce cadre, c’est celui du Certificat d’Obtention Végétale ou COV, droit de propriété intellectuelle établi par la convention de l’Union Internationale de la Protection des Obtentions Végétale (UPOV).</p>
<p>Le COV garantit à la personne ou l’entreprise qui le détient le monopole d’exploitation commerciale d’une variété végétale, pour une durée de vingt ou vingt-cinq ans. Mais le COV donne également le droit à toute personne d’utiliser cette variété pour en créer une nouvelle. C’est ce qu’on appelle l’exemption du sélectionneur. Ainsi, le sélectionneur utilise systématiquement différentes variétés commerciales dans ses schémas de sélection et, par de multiples opérations de croisement et sélection, peut obtenir une nouvelle variété. Si celle-ci est distincte, homogène et stable, elle sera protégée par un nouveau COV, indépendant de ceux des variétés utilisées.</p>
<p>Autre caractéristique importante, le COV autorise l’agriculteur à reproduire ses semences. C’est ce que l’on appelle le privilège du fermier. C’est la reconnaissance du rôle essentiel des communautés agricoles qui, depuis le néolithique, ont contribué collectivement à la constitution de ces ressources génétiques. Cela a commencé par la domestication de plantes sauvages, grâce au repérage et à la sélection de certains caractères favorables, en général dans un temps long et sur une ou plusieurs régions étendues. Les ressources génétiques se sont ensuite diversifiées avec les migrations des humains dans de nouveaux environnements, les ajustements des caractères et de leurs combinaisons en fonction de besoins, coutumes, préférences sans cesse renouvelés, intégrant les mutations génétiques spontanées et les croisements naturels survenus entre variétés et avec les formes sauvages avoisinantes. La diversité des plantes cultivées s’est ainsi considérablement diversifiée, produisant une manne qu’on appelle les ressources génétiques. Le privilège du fermier reconnaît cette contribution.</p>
<p>Concrètement, lorsque les variétés ne sont pas des hybrides (cas du maïs), l’agriculteur peut garder une partie de sa récolte qu’il utilisera comme semence l’année suivante. En France, c’est monnaie courante pour bon nombre de cultures comme les céréales à paille (blé, orge, avoine…) pour lesquelles l’agriculteur achète en moyenne des semences commerciales moins d’une année sur deux. A la différence de la plupart des autres pays, le droit européen des brevets reconnaît le privilège du fermier.</p>
<h2>Comment le brevet s’est immiscé dans le monde des semences</h2>
<p>Mais avec les techniques d’ingénierie génétique, le brevet d’invention est entré dans le monde des semences. Or l'esprit de celui-ci est très différent du COV : une invention dépendant d’un brevet existant ne pourra pas être utilisée sans l’autorisation du propriétaire de ce brevet. Cette transformation de la propriété intellectuelle a été l’un des moteurs de la concentration des entreprises qui a atteint des niveaux inquiétants. En témoigne la situation aux États-Unis où le ministère de l’agriculture (<a href="https://www.ams.usda.gov/sites/default/files/media/SeedsReport.pdf">USDA</a>), juge très préoccupante la concentration dans les segments de marchés marqués par une utilisation généralisée des OGM protégés par brevets (maïs, soja, coton). Sur les 17208 brevets industriels concernant les plantes déposés à l’office américain des brevets (USPTO) entre 1976-2021. Les trois premiers groupes (Corteva, Bayer et Syngenta) en détiennent 71%. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578908/original/file-20240229-16-n6y4g8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578908/original/file-20240229-16-n6y4g8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578908/original/file-20240229-16-n6y4g8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578908/original/file-20240229-16-n6y4g8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578908/original/file-20240229-16-n6y4g8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=512&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578908/original/file-20240229-16-n6y4g8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=512&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578908/original/file-20240229-16-n6y4g8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=512&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Au niveau international, quelques grands groupes, en général liés à la chimie, dominent les marchés Dans le monde, la <a href="https://www.isaaa.org/resources/publications/briefs/55/executivesummary/default.asp">culture d’OGM</a>, concentrée sur quatre espèces (soja, maïs, coton et colza représentent 99 % des surfaces cultivées d’OGM) et sur deux caractères (tolérance aux herbicides et résistance aux insectes), mais qui s'étend sur plus de 200 millions d'hectares ne peut que diminuer la diversité des assolements, et <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2002548117">leurs conséquences environnementales défavorables</a>. De plus, par exemple en Argentine, la surface consacrée au soja et au maïs a été multipliée par 4 en 30 ans pour atteindre 24 millions d’hectares et s'est étendue aux dépens des espaces naturels, sans pour autant répondre à des besoins humains essentiels, mais plutôt pour favoriser la production de protéines animales. Comme l’indique un avis récent de <a href="https://www.academie-technologies.fr/publications/avis-sur-les-nouvelles-technologies-genomiques-appliquees-aux-plantes/">l’Académie des technologies</a>, ces éléments tempèrent le bilan des OGM généralement présenté sous un jour très favorable, mais avec<a href="https://philpapers.org/rec/HICGMC"> peu d'évidences scientifiques</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-largentine-sest-entierement-faconnee-autour-des-ogm-220481">Comment l’Argentine s’est entièrement façonnée autour des OGM</a>
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<p>L’Europe a jusque-là été relativement protégée de ce mouvement du fait de l’embargo de facto sur l’utilisation des OGM en culture et du fait d’une législation qui interdit de breveter la variété végétale. À l’heure des débats sur les nouveaux OGM, pour la très grande majorité des acteurs européens impliqués, le COV doit rester le pilier de la protection de la propriété intellectuelle des variétés végétales.</p>
<p>Car le COV permet une innovation ouverte, c’est-à-dire qui résulte d’un échange intensif de connaissances et de ressources génétiques entre une diversité d’acteurs. Il a largement fait la preuve de son efficacité. Ce système est d’ailleurs d’une étonnante modernité car il promeut l’innovation combinatoire qui est clé pour les domaines à fort contenu informationnel. Dans de tels domaines, c’est en effet la combinaison originale d’un ensemble d’éléments qui crée la valeur, pas les éléments isolés. Aussi, il est essentiel d’éviter que les brevets sur les caractères génétiques limitent les possibilités de création de combinaisons originales.</p>
<p>Bien qu’en Europe les variétés en tant que telles ne soient donc pas brevetables, elles peuvent cependant être dépendantes de brevets qui revendiquent des caractères génétiques. Par exemple, une variété tolérante au glyphosate ne pourra pas être utilisée sans l’autorisation de Bayer qui, depuis l’acquisition de Monsanto, détient les brevets sur ce caractère de tolérance. Les ressources génétiques se trouvent alors confisquées par des brevets. Ce risque de confiscation a des implications internationales, notamment pour les régions tropicales aujourd’hui en lourdes difficultés économiques, dont on séquence le génome des végétaux pour en extraire des connaissances.</p>
<h2>Les nouvelles technologies génomiques à l’ombre des brevets</h2>
<p>Concernant les nouveaux OGMs, avant même de parler de la propriété intellectuelle des nouvelles variétés de plantes produites, il faut d’abord se pencher sur la propriété intellectuelle des techniques utilisées pour produire ces mutations, en premier lieu la technique CRISPR-Cas9. Les brevets sur cette technologie de base ont été déposés par ses inventrices Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna et les institutions auxquelles elles sont affiliées (UC Berkeley, MIT/Broad Institute, Université de Vilnius, Université de Vienne…).</p>
<p>Les grands groupes de la chimie comme Corteva et Bayer ont ensuite acquis des licences – souvent exclusives – pour l’utilisation des techniques d’édition des génomes sur les plantes. Corteva, notamment, a pu réunir des licences sur les brevets détenus par ces grandes institutions de recherche. Les brevets de base (brevets sur les technologies d’édition) sont complétés par de très nombreux brevets d’application sur les plantes, à la fois sur la mise au point de techniques et sur les traits.</p>
<p>Dans ce contexte, de nombreux acteurs considèrent qu’il est très difficile de s’assurer de la liberté d’opérer lorsque l’on crée une variété nouvelle car :</p>
<ul>
<li><p>le cadre réglementaire est flou et sujet à des interprétations diverses ;</p></li>
<li><p>les offices de brevets n’ont pas les compétences pour appliquer strictement les règles d’exclusion à la brevetabilité ;</p></li>
<li><p>l’accès à l’information sur le champ des brevets est complexe et coûteux. Les acteurs du secteur parlent de « buisson de brevets », voire de « champ de mines » pour décrire cette situation.</p></li>
</ul>
<p>Différentes initiatives privées ont été prises pour tenter de résoudre le problème de l’information et celui de l’accès, notamment la création de plates-formes visant à faciliter l’accès aux brevets (International Licensing Platform ILP – pour les semences potagères – et Agricultural Crops Licensing Platform ACLP – pour les semences de grande culture-). Néanmoins, ces dispositifs de droit privé n’offrent aucune garantie à moyen et long terme.</p>
<p>De plus, il est très probable qu’avec l’évolution technologique on associe de nombreux caractères brevetés dans une même variété : tolérance à un herbicide, tolérance au stress hydrique, résistance aux nuisibles (insectes et champignons), teneur en acides gras spécifiques ou en protéines… On se retrouvera ainsi fréquemment dans des situations où une variété sera obtenue, par exemple, à l’aide de trois technologies différentes permettant d’introduire quinze gènes recombinants édités. La confiscation de la ressource génétique par les brevets sera alors irréversible. D’ores et déjà, de nombreuses variétés OGM sont modifiées pour deux caractères transgéniques ou plus. Les plantes tolérantes à un herbicide et résistantes aux nuisibles représentent plus de 40 % des variétés cultivées dans le monde.</p>
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<h2>Pour une innovation ouverte et les ressources génétiques comme bien commun</h2>
<p>Ces quarante dernières années ont vu une extension du domaine de la brevetabilité qui conduit à une restriction de l’espace des recherches pré-compétitives et publiques. L’observation vaut autant pour les connaissances scientifiques fondamentales que pour les organismes vivants. Même si la résistance s’est organisée en Europe et dans d’autres parties du monde, le brevet a considérablement progressé, imposant dans le monde vivant des conceptions empruntées au monde de la mécanique et de la chimie.</p>
<p>Compte tenu de l’importance des enjeux, le régime de la propriété intellectuelle des plantes doit faire l’objet d’une politique ambitieuse, visant à maximiser la diversité sous toutes ses formes. Il est essentiel de restaurer un régime de propriété qui garantisse véritablement le libre accès aux ressources génétiques. Remettre les principes du COV au cœur de la propriété intellectuelle des plantes impose d’interdire les brevets non seulement sur les variétés, mais aussi sur les plantes et sur les caractères génétiques.</p>
<p>C’est le cœur des amendements votés au Parlement européen par les commissions environnement et agriculture ainsi qu’en plénière. Ajoutons que, compte tenu des nombreux brevets déjà accordés, cette interdiction devrait être complétée par une autre disposition. Il s’agit de pouvoir obliger le titulaire d’un brevet à concéder une licence permettant d’utiliser l’objet de son brevet contre rémunération. De telles licences obligatoires existent en droit européen. Néanmoins, elles sont conditionnées à un critère qui les rend inopérantes. L’inventeur dépendant du premier brevet doit en effet démontrer que son invention apporte un « progrès économique considérable ». Il faudrait donc supprimer cette condition dirimante.</p>
<h2>La diversité comme réponse aux menaces et aux défis</h2>
<p>Réfléchir ainsi au devenir de la propriété intellectuelle des plantes c’est donc déboucher rapidement sur des réflexions techniques, des zones grises du droit, des confrontations entre plusieurs systèmes juridiques. Mais les répercussions de ces décisions légales peuvent être colossales. C’est la diversité génétique de notre agriculture qui est en jeu. Or si les promoteurs des nouveaux OGM aiment mettre en avant les atouts de leurs technologies pour proposer une agriculture résiliente aux dérèglements climatiques et environnementaux, il est essentiel de garder en tête l’importance première de la diversité des systèmes agricoles.</p>
<p>Cette diversité se décline à différents niveaux : diversité génétique au sein des espèces cultivées pour introduire de nouveaux caractères, diversité interspécifique pour bénéficier d’espèces mieux adaptées au nouveau régime climatique, diversité des assemblages d’espèces et des systèmes de production, diversité des paysages agricoles pour restaurer la biodiversité des espaces cultivés et diminuer l’usage des pesticides et des engrais.</p>
<p>Face à la crise environnementale et climatique, la diversité sous toutes ses formes constitue en effet la meilleure assurance, la clé de la robustesse et donc de la capacité d’adaptation de l’activité agricole. Concernant les semences, alors que le paradigme dominant de la variété végétale distincte, homogène et stable (DHS) a conduit à adapter le milieu de culture à la semence, il faudra dans de nombreux cas faire l’inverse : adapter les semences aux caractéristiques des agro-écosystèmes. Une plus grande intégration de la création variétale et de l’agronomie système s’avère essentielle pour opérer un tel changement et réussir la transition agroécologique.</p>
<p>Dans ce cadre, la protection intellectuelle dans le domaine des semences végétales doit soutenir une activité de création variétale accrue et diversifiée au service de tous les systèmes de culture et non la freiner.</p>
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<p><em>Les personnes suivantes ont également participé à la rédaction de cet article :</em> </p>
<p><em>Anne-Claire Vial, agricultrice sur une exploitation de production de semences et d’ail pour la consommation et présidente d’Arvalis (association créée et dirigée par les professionnels des filières des céréales à paille, pommes de terre, lin fibre, maïs, sorgho et tabac, reconnue par les pouvoirs publics)</em></p>
<p><em>Jean-Martial Morel, paysan maraîcher et semencier à Chavagne.</em></p>
<p><em>Marcel Lejosne, agriculteur dans le Nord de la France depuis 1989. Entre 2007 et 2012, il a également saisi l'opportunité d'aider à développer la production de pommes de terre à l'île Maurice avec une entreprise mauricienne. Depuis, il dirige des entreprises spécialisées dans la production végétale à des fins industrielles ainsi que pour le marché du frais. Il est membre correspondant de l'Académie d'Agriculture de France.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224782/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Benoit Joly préside le Comité des Enjeux Sociétaux de SEMAE, organisation qui rassemble tous les acteurs de la filière semence et membre de l'Académie d'Agriculture de France</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Rey Alexandrine est membre du Comité des Enjeux Sociétaux de SEMAE</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anne-Françoise ADAM-BLONDON est membre de la section Ressources Génétiques du Comité Technique Permanent de la Selection des Plantes Cultivées et membre du conseil scientifique de l’IFB (Institut Français de Bioinfiromatique). Elle reçoit régulièrement des financements de l'ANR et des programmes de recherche de la commission Européenne dans le cadre de ses activités de recherche. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Antoine Messéan est vice-président de l'Association Française d'Agronomie, membre de l'Académie d'Agriculture de France, membre du Comité des Enjeux Sociétaux de SEMAE et expert auprès de l'EFSA (European Food Safety Authority). Il a reçu des financements de l'Union Européenne pour des projets de recherche sur la transition agroécologique.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Denis Couvet est membre de l'Académie d'Agriculture de France et du Comité des Enjeux Sociétaux de SEMAE, du conseil scientifique de la commission du génie biomoléculaire, du haut conseil des biotechnologies. Il a reçu divers financements pour des projets de recherches sur la biodiversité.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Glaszmann Jean Christophe est membre du Comité des Enjeux Sociétaux de SEMAE</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Lorène Prost est membre du Comité des Enjeux Sociétaux de SEMAE, elle reçoit régulièrement des financements de l'ANR, de l'OFB et du CASDAR dans le cadre de ses activités de recherche publique. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Michel Dron est membre du Comité aux Enjeux Sociétaux de SEMAE et de l'Académie d'Agriculture de France. </span></em></p>Les nouvelles techniques d'édition du génome sont en discussion au parlement européen. En jeu : la diversité de l'agriculture de demain.Pierre-Benoit Joly, Directeur de recherche, économiste et sociologue, InraeAlexandrine Rey, Juriste, CiradAnne-Françoise ADAM-BLONDON, Directrice de Recherche en biologie et amélioration des plantes, InraeAntoine Messéan, Chercheur en agronomie système, InraeDenis Couvet, Professeur en écologie et gestion de la biodiversité, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Jean Christophe Glaszmann, Agronome, chercheur en génétique végétale, CiradLorène Prost, directrice de recherche en agronomie système, InraeMichel Dron, Professeur émérite en Biologie Végétale, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2239272024-03-01T16:30:15Z2024-03-01T16:30:15ZRevoir notre vision de la nature pour réconcilier biodiversité et agriculture<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/578652/original/file-20240228-24-g22th9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C3986%2C2982&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Deux approches s'opposent : celle du land sparing, qui veut séparer les espace agricoles et ceux de la biodiversité, et celle du land sharing, qui vise à combiner production agricole et conservation de la biodiversité sur les mêmes territoires</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/aerial-view-car-driving-on-road-1675885519">nblx/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>L’instant était qualifié d’historique par Ursula von der Leyen, elle-même. En <a href="https://france.representation.ec.europa.eu/informations/declaration-de-la-presidente-von-der-leyen-au-sujet-de-laccord-de-kunming-montreal-sur-la-2022-12-19_fr">décembre 2022</a>, la présidente de la Commission européenne se félicitait de l’<a href="https://theconversation.com/accord-de-kunming-montreal-sur-la-biodiversite-pourquoi-on-peut-vraiment-douter-de-son-efficacite-197183">accord de Kunming-Montréal</a> sur la biodiversité, dont la protection, soulignait-elle, est capitale à l’heure où « la moitié du PIB mondial dépend des services écosystémiques ». Les objectifs de ce traité étaient aussi précis qu’ambitieux : la protection de 30 % des zones terrestres et marines mondiales et la restauration de 30 % des écosystèmes dégradés.</p>
<p>Un an et demi plus tard, à l’échelle européenne, le report de mesures phares (<a href="https://agriculture.gouv.fr/derogation-lobligation-de-maintenir-des-jacheres-sur-les-terres-arables-pour-la-campagne-pac-2024">4 % de terres arables en jachère</a>, <a href="https://www.vie-publique.fr/questions-reponses/291363-glyphosate-une-autorisation-renouvelee-dans-lue-jusquen-2033">interdiction du glyphosate</a>, diminution de <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/agriculture/mise-en-pause-du-plan-ecophyto-les-ong-vent-debout-contre-le-possible-abandon-du-nodu_6363886.html">l’usage des pesticides</a>…) semble cependant sonner le glas d’une telle ambition. De quoi nous interroger : si les enjeux de protection de la biodiversité sont colossaux, les politiques qui la concernent sont-elles condamnées à cet incessant mouvement d’avancées trop rapidement qualifiées d’historiques et de reculs ? Comment comprendre de tels rétropédalages ?</p>
<p>On explique souvent ces revirements par les limites évidentes d’un système influencé par les intérêts commerciaux et financiers, mais une autre explication est peut-être à trouver dans la vision de l’écologie qui transparaît derrière ces ambitions : celle d’un humain forcément destructeur de la biodiversité. Partant d’un tel a priori, il convient de compartimenter l’espace, d’isoler l’humain de la « Nature » remarquable (dans la <a href="https://biodiv.mnhn.fr/fr/strategie-de-lue-pour-la-biodiversite-lhorizon-2030">stratégie pour la biodiversité 2030 par exemple</a>) et de lui imposer des règles pour <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20231031IPR08714/loi-sur-la-restauration-de-la-nature-les-deputes-concluent-un-accord">l’empêcher de détruire les autres espaces</a>, via les lois sur la restauration de 2023 par exemple. Cette écologie, qui ignore le poids des contextes socio-écologiques comme les dimensions géographiques et territoriales des problèmes, n’a guère de chance de réussir. Voici pourquoi.</p>
<h2>La dimension spatiale n’est pas bien pensée</h2>
<p>L’objectif phare de la <a href="https://biodiversite.gouv.fr/les-objets-phares-de-la-strategie-nationale-pour-la-biodiversite-2030">stratégie biodiversité 2030</a> de l’Union européenne consiste à protéger 30 % des terres et des mers de l’Union européenne, dont le tiers en protection stricte.</p>
<p>Cet objectif répond-il à une nécessité identifiée par les scientifiques ? il est permis d’en douter. De nombreux travaux d’écologues, s’ils soulignent les résultats obtenus pour la conservation d’espèces et d’écosystèmes remarquables,constatent dans le même temps que les aires de protection ne font souvent qu’atténuer la perte de biodiversité. Elles s’avèrent en outre peu adaptées au contexte du changement climatique qui devrait entraîner un déplacement des aires de répartition des espèces et des écosystèmes. Dès lors, est-il judicieux de se focaliser sur des aires de protection alors <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1461-0248.2011.01610.x">que 60 % des espèces actuellement présentes</a> dans les aires de protection européennes ne bénéficieront plus d’un climat adapté en 2080 ?</p>
<p>Cet objectif possède en outre l’inconvénient de concentrer l’attention et les crédits sur la biodiversité remarquable alors que depuis plus de 20 ans les travaux des écologues ont montré le <a href="https://journals.openedition.org/ethnoecologie/1979#tocto2n1">rôle décisif de la biodiversité ordinaire</a> dans le maintien de l’ensemble du vivant.</p>
<p>De plus, les aires de protection restent peu connectées entre elles car entourées d’espaces longtemps délaissés par les politiques de protection.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578668/original/file-20240228-9454-s5xddp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578668/original/file-20240228-9454-s5xddp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578668/original/file-20240228-9454-s5xddp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578668/original/file-20240228-9454-s5xddp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578668/original/file-20240228-9454-s5xddp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578668/original/file-20240228-9454-s5xddp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578668/original/file-20240228-9454-s5xddp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’alouette des champs fait partie de ces espèces d’oiseaux autrefois ordinaire dans les plaines agricoles qui ont perdu en moyenne un individu sur trois en quinze ans.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Yann Brilland/Flickr</span></span>
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<p>Une telle démarche avait déjà été critiquée lors de la COP15 par <a href="https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2022/12/biodiversity-cop15-biodiversity-deal-a-missed-opportunity-to-protect-indigenous-peoples-rights/">nombre d’associations</a> la considérant comme une émanation de la pensée conservationniste étasunienne, reposant sur la patrimonialisation d’une nature sauvage largement fantasmée. Or l’histoire nous montre que la réalisation d’une telle vision, s’est souvent traduite par la spoliation des terres des communautés locales. Elle paraît donc aujourd’hui inadaptée à bien des situations dans lesquelles les communautés locales vivent en partie de la biodiversité et l’entretiennent avec attention.</p>
<p>Pour les espaces « ordinaires » (notamment les espaces agricoles dégradés), l’UE s’appuie sur une approche de type « land sharing » selon laquelle l’ensemble des espaces doit combiner biodiversité et production agricole : introduction de <a href="https://agriculture.gouv.fr/sites/default/files/150209_fiche-sie_cle49c446.pdf">surfaces d’intérêts ecologiques</a> (haies, bandes enherbées, bosquets…), diminution de 50 % des pesticides, <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/bio-secteur-resilient-au-coeur-transition-alimentaire">25 % d’agriculture biologique sur l’ensemble du territoire</a>. Là encore, de nombreux travaux d’écologues et d’agronomes discutent le <a href="https://zslpublications.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/jzo.12920">bien-fondé d’une telle approche</a>.</p>
<p>Une étude récente menée <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0065250420300301">au niveau européen</a> montre que la coexistence d’espaces d’agriculture bio et conventionnelle adaptée est à privilégier et à équilibrer à l’échelle des territoires, tant en termes de productions agricoles qu’en termes de biodiversité, s’approchant ainsi plus du « land sparing » qui vise à compartimenter les espaces agricoles et les espaces réservés à la biodiversité. <a href="https://zslpublications.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/jzo.12920">Certains auteurs</a> plaident également au niveau international pour une telle approche. Le débat est ainsi loin d’être clos sur le sujet dans la communauté scientifique avec nombre de travaux avançant l’idée d’une cohabitation des deux modèles en fonction des contextes propres aux différents socio-écosystèmes.L’<a href="https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/etude-4-pour-1000-resume-en-francais-pdf-1_0.pdf">étude de l’Inrae</a> de 2019 sur le carbone dans le sol, indicateur important pour la biodiversité et pour la transition énergétique, conclut ainsi que « La solution la plus efficace est une combinaison de bonnes pratiques aux bons endroits, où chaque région contribue en fonction de ses caractéristiques ».</p>
<p>Faut-il dès lors imposer, sur l’ensemble d’un continent européen morcelé par l’histoire et la géographie, une approche uniformisante fondée sur une démarche quantitative à base d’objectifs chiffrés, de critères, et d’indicateurs bien peu pertinents pour caractériser les dynamiques du vivant et leurs multiples déclinaisons en fonction de contextes variés ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-oiseaux-victimes-collaterales-de-lintensification-agricole-en-europe-223495">Les oiseaux, victimes collatérales de l’intensification agricole en Europe</a>
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<h2>Une approche managériale incapable de mobiliser</h2>
<p>Ouvrir le débat est d’autant plus nécessaire que la stratégie européenne en faveur de la biodiversité peine à susciter l’adhésion.</p>
<p>Ses critères et indicateurs manquent également de justifications scientifiques. Protection légale de 30 % de la superficie terrestre, protection stricte de 30 % des zones protégées ; veiller à ce que 30 % des habitats dégradés atteignent un état favorable ; réduire de moitié l’utilisation de pesticides chimiques, gérer un quart des terres agricoles en agriculture biologique ; réduire l’utilisation des engrais de 25 %… L’accumulation des chiffres n’est pas une garantie de scientificité et le flou masque mal les approximations.</p>
<p>Le chiffre de 30 % est déjà considéré par certains comme insuffisant car il ne constituerait qu’une étape vers les 50 % – le <a href="https://reporterre.net/Pour-sauver-la-vie-sauvage-il-faut-lui-reserver-la-moitie-de-la-Terre">« Half Earth » cher au biologiste américain E.O. Wilson</a>. On ignore également ce que recouvre le terme « protection stricte » : libre évolution ou gestion conservatoire ? et qu’est-ce qu’un état favorable ? Certains, comme l’UICN, parlent de « protection stricte » (Zones I et II de la nomenclature UICN), quand les autres parlent de « protection forte » sans non plus définir véritablement ce terme. Ainsi, en France, par exemple, l’OFB parle de <a href="https://www.ofb.gouv.fr/la-strategie-nationale-pour-les-aires-protegees">1,8 %</a> du territoire national en protection forte, le gouvernement de <a href="https://aides-territoires.beta.gouv.fr/aides/proteger-et-restaurer-les-espaces-naturels-4/">4,2 %</a>.</p>
<p>Faute d’avoir été discutés, ces critères et ces indicateurs apparaissent comme une norme imposée d’en haut sans véritable fondement. L’approche quantitative est vite considérée comme technocratique et mise en cause dans son application : il ne suffit pas, par exemple, de planter une haie pour accroître la biodiversité ; il faut encore la planter avec des espèces différenciées, l’entretenir, la tailler au bon moment, hors des périodes de nidification, qu’elle soit connectée à d’autres haies, bref il faut avoir envie d’entretenir la haie. La quantité ne remplace pas la qualité.</p>
<p>Une telle approche par les seuls indicateurs ne fait au final que des mécontents : les agriculteurs conventionnels qui considèrent les normes comme des handicaps et les agriculteurs engagés dans la transition qui ne bénéficient pas du soutien qu’ils attendent. La démarche top-down se solde alors soit par des reculades comme celle que nous voyons actuellement, soit par des compromis boiteux tel celui qui fut adopté pour le Parc national des forêts en France avec l’autorisation d’exploitation du bois dans la zone cœur du parc et de la chasse dans la réserve dite intégrale normalement exempte de toute activité anthropique. Un compromis entre l’état et les acteurs locaux de la chasse et de la filière-bois qui marque, selon certains juristes, une <a href="https://www.cairn.info/revue-juridique-de-l-environnement-2020-1-page-81.htm">régression du droit de l’environnement</a>.</p>
<h2>Privilégier le processus, l’engagement, le commun</h2>
<p>Tous ces débats qui traversent le monde scientifique permettent d’esquisser une autre démarche que celle adoptée par l’UE.</p>
<p>Davantage qu’un plan d’action prédéfini, c’est d’une <a href="https://library.oapen.org/handle/20.500.12657/87556">démarche réellement stratégique</a> dont l’Europe a besoin. Il faut bien évidemment développer l’agriculture écologique mais fixer un seuil de 25 % sans connaître l’état futur du marché et de la demande revient à prendre un risque considérable pour la filière agroécologique. Les épisodes récents avec la guerre en Ukraine et la crise agricole soulignent que le réel n’est que rarement conforme aux plans d’action.</p>
<p>Pour que cette stratégie soit efficace, elle se doit également de susciter l’adhésion, de favoriser les engagements en faveur du vivant. Tous les travaux de recherche fondés sur l’étude de cas pratiques soulignent combien <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0006320718306700">l’adhésion des populations</a> est une condition du succès des actions entreprises. Pourquoi ne pas valoriser davantage l’agriculture de conservation et les pratiques innovantes qui, dans l’agriculture productiviste, permettent de limiter les impacts négatifs voire de protéger un compartiment essentiel de la biodiversité à savoir le sol ? Mieux cibler par ailleurs les aides aux agriculteurs engagés dans la transition, leur assurer une visibilité à long terme est également indispensable.</p>
<p>Sortir enfin d’une démarche qui individualise les choix, qui laisse les agriculteurs souvent seuls face aux difficultés pour soutenir les initiatives territoriales qui existent déjà ou qui cherchent à se développer et qui associent agriculture écologique – biodiversité – alimentation et santé. De tels dispositifs existent déjà (<a href="https://www.ofb.gouv.fr/territoires-engages-pour-la-nature">Territoires engagés pour la Nature</a>, <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/territoires-energie-positive-croissance-verte">territoires à énergie positive</a>…) mais restent peu soutenus et peu reconnus. Les développer et les soutenir constituerait un levier d’action pertinent et permettrait la structuration des réseaux d’acteurs motivés.</p>
<p>La politique de l’Union européenne, dans le droit fil de la COP 15, résulte très largement d’une expertise, celle des grandes ONG, qui masque les débats et les interrogations traversant le monde scientifique. Ces débats laissent entrevoir en creux la possibilité d’une écologie humaniste qui prenne en compte les dynamiques en partie incertaines du vivant (humain compris), la diversité des contextes et des histoires et la nécessité de rassembler les énergies <a href="https://www.jstor.org/stable/26677964">pour dépasser les blocages et les verrouillages</a>. Si l’on veut bien sortir d’une approche qui fonctionne de manière indifférenciée avec des objectifs, des critères et des indicateurs, guère pertinents pour tracer les chemins du changement, peut-être pourra-t-on alors dépasser les fausses oppositions, les manipulations et les simplifications et laisser place aux vraies questions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223927/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Simon est expert au sein de "La Fabrique Ecologique"</span></em></p>Un dilemme continue d’animer la recherche sur la biodiversité. Faut-il séparer les espaces agricoles et ceux de la biodiversité, ou combiner production agricole et conservation sur les mêmes terres ?Laurent Simon, Professeur émérite en géographie de l’environnement, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2239922024-03-01T16:29:13Z2024-03-01T16:29:13Z« Paysan » : histoire d’un terme tour à tour stigmatisant et valorisant<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/577108/original/file-20240221-26-3bkgdk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C0%2C2348%2C1762&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La Paye des moissonneurs, Léon Augustin Lhermitte, 1882, musée d'Orsay.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Paye_des_moissonneurs#/media/Fichier:Lhermitte_La_Paye_des_moissonneurs.jpg">Wikipédia</a></span></figcaption></figure><p>La conférence de Gabriel Attal, qui s’est tenue le 26 janvier 2024 dans une ferme près du barrage de l’autoroute A64, foyer de la dernière contestation agricole, a marqué les esprits en raison de l’organisation dont <a href="https://www.lepoint.fr/politique/bottes-de-paille-saucisson-et-vin-rouge-le-numero-de-charme-de-gabriel-attal-aupres-du-monde-agricole-27-01-2024-2550843_20.php">elle a fait l’objet</a>. Le premier ministre y apparaît planté au milieu d’un public d’agriculteurs, avec des bottes de paille en guise de pupitre, et une grange, une petite église et la montagne en toile de fond.</p>
<p>En déclarant que <a href="https://twitter.com/BFMTV/status/1750923207501021389">« sans nos paysans et agriculteurs, ce n’est plus la France »</a>, Gabriel Attal parle des agriculteurs pour encenser la puissance économique <a href="https://theconversation.com/agriculture-comment-napoleon-iii-a-permis-le-productivisme-a-la-francaise-222775">d’une agriculture productiviste</a> et exportatrice. Le terme paysan revêt quant à lui une dimension affective. Le discours de Gabriel Attal se veut rassurant, protecteur, voire paternaliste. Il s’adresse bien sûr aux exploitants agricoles, mais aussi à toute une partie de la société française en manque de repères dans la mondialisation. Cette thématique est particulièrement exploitée par l'extrême-droite. Dans un message publié sur Twitter/X, le 1er mars 2024, Marion Maréchal-Le Pen oppose ainsi les « paysans » et les « migrants ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1763523482434814191"}"></div></p>
<p>Si à l’heure actuelle le mot <em>paysan</em> est donc plutôt valorisé, il convient de ne pas oublier sa nature polysémique et son acception changeante au fil des circonstances et de <a href="https://theconversation.com/comment-la-societe-francaise-a-appris-a-mepriser-les-paysans-et-leurs-patois-223387">l’histoire</a>.</p>
<p><a href="https://books.openedition.org/pulg/1107">L’étymologie du terme <em>paysan</em></a> vient du latin <em>pagus</em> (pays) : circonscription administrative et religieuse à la fin de l’Empire romain. Ses habitants sont appelés les « <em>pagani</em> », les « gens du pays », par opposition aux « alienus », c’est-à-dire aux étrangers, en fait souvent des militaires romains. Aux IV<sup>e</sup>-V<sup>e</sup> siècles, les chrétiens, qui affirment être les soldats du Christ désignent les <em>pagani</em> comme des <em>paganus</em> (païens), parce qu’ils continuent d’exercer le polythéisme à l’inverse des citadins.</p>
<p>Les païens se situent donc essentiellement dans les campagnes du point de vue chrétien. Au cours du Moyen Âge, le mot <em>païsant</em>, <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-socio-economie-2012-1-page-117.htm">attesté à partir du XIᵉ siècle,</a> en vient à désigner l’habitant de son pays natal et une personne qui cultive la terre. Cependant, le travailleur du sol est plus souvent qualifié de « vilain », de « serf » ou encore de « manant ».</p>
<h2>Du paysan « littéraire » au paysan « politique »</h2>
<p>L’invention littéraire et artistique du « bon paysan » ne se produit vraiment qu’au XVII<sup>e</sup> siècle et durant la première moitié du XVIII<sup>e</sup> siècle. En 1680, Madame de Sévigné vante les <a href="https://www.persee.fr/doc/abpo_0003-391x_1972_num_79_3_2647">« âmes de paysans plus droites que des lignes »</a>. Dans <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k105077m/f1.item"><em>Les Caractères ou les Mœurs de ce siècle</em></a> (1688) de Jean de La Bruyère, c’est un être franc, utile, qui a un bon fond, même s’il vit dans la misère.</p>
<p>Ces qualités de simplicité et d’honnêteté, qui frôlent la naïveté, sont encore mises en évidence par Marivaux dans son roman <a href="https://editions.flammarion.com/le-paysan-parvenu/9782081231481"><em>Le Paysan parvenu</em></a> (1735). L’exaltation des vertus paysannes permet à ces auteurs de dénoncer les vices de la Cour du roi de France à Versailles. La connotation péjorative du terme <em>paysan</em> semble s’imposer à la même époque en réaction. Elle apparaît dans l’édition de 1718 du <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1280389n/f243.item"><em>Nouveau Dictionnaire de l’Académie française</em></a> :</p>
<blockquote>
<p>« Homme, femme de village, de campagne. […] On dit, d’un homme malpropre et incivil, que c’est un paysan, un gros paysan, qu’il a l’air d’un paysan. »</p>
</blockquote>
<p>La dévalorisation du mot <em>paysan</em> s’accentue au cours du XVIII<sup>e</sup> siècle.</p>
<h2>L’apparition du « cultivateur »</h2>
<p>Les philosophes des Lumières et les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Physiocratie">physiocrates</a> préfèrent utiliser le terme <a href="https://www.cairn.info/revue-histoire-et-societes-rurales-2017-2-page-93.htm"><em>cultivateur</em></a> pour désigner la personne qui travaille le sol.</p>
<p>Ils opposent les cultivateurs, qui sont utiles pour l’économie, aux aristocrates oisifs et décadents. Le mot <em>paysan</em> renvoie à un état intermédiaire entre celui de sauvage et celui de cultivateur sur l’échelle du progrès humain. La stigmatisation du terme <em>paysan</em> est <a href="https://theses.hal.science/tel-04187197">inversement proportionnelle à la valorisation de celui de cultivateur</a>. Au XIX<sup>e</sup> siècle, les élites agricoles, qui veulent moderniser les campagnes, <a href="https://www.persee.fr/doc/rural_0014-2182_1966_num_21_1_1265">ne parlent jamais de paysans</a>, terme jugé infamant, mais de cultivateurs, d’agriculteurs, de viticulteurs, d’éleveurs, etc. Le paysan reste une importante figure littéraire au XIX<sup>e</sup> siècle, mais sa perception varie en fonction des auteurs et des circonstances politiques.</p>
<p>Les républicains démocrates, comme George Sand dans <em>La Mare au Diable</em> (1846), ou Jules Michelet dans <em>Le Peuple</em> (1846), idéalisent le paysan. Ce dernier <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6118289n/f67.item.r=Michelet,%20Jules%20Le%20Peuple">écrit</a> : « Le paysan n’est pas seulement la partie la plus nombreuse de la nation, c’est la plus forte, la plus saine, et, en balançant bien le physique et le moral, au total la meilleure ».</p>
<p>Au contraire, Honoré de Balzac, dans <em>Les Paysans</em> (1844), ou Émile Zola dans <em>La Terre</em> (1887), dressent un <a href="https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1957_num_12_4_2676">portrait très noir du paysan</a>. Pour Balzac, propriétaire conservateur, c’est un dupe, un jaloux et un voleur de riches. Pour Zola, républicain hostile à Napoléon III <a href="https://www.napoleon.org/enseignants/documents/lage-dor-des-campagnes-limportance-du-monde-rural-cours-et-bibliogr/">soutenu massivement par l’électorat rural</a>, le paysan est orgueilleux, buté, obscène, violent.</p>
<h2>De la « classe objet » au sentiment d’appartenance</h2>
<p>Pierre Bourdieu qualifie la paysannerie de <a href="https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1977_num_17_1_2572">« classe objet »</a>, pour expliquer <em>que « l’on ne pense à peu près jamais les paysans en eux-mêmes et pour eux-mêmes</em> », mais seulement pour louer ou critiquer un autre groupe.</p>
<p>Par exemple, dans le discours politique et journalistique dominant sous la III<sup>e</sup> République, le paysan représente un gage de moralité et de stabilité pour la société en opposition aux ouvriers urbains attirés par le socialisme. Avec l’essor des sciences médicales et anthropologiques, il représente la partie saine de la « race française », la vie rurale étant réputée meilleure pour la santé humaine. Cette valorisation biologique du paysan atteint son paroxysme avec <a href="https://books.openedition.org/pul/15740">l’idéologie raciste de l’État français (1940-1944)</a>. En outre, le « soldat-paysan » devient l’incarnation du patriotisme et de l’héroïsme suite à la Première Guerre mondiale (1914-1918).</p>
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<p>Dans ce contexte positif, des <a href="https://www.persee.fr/doc/rural_0014-2182_1966_num_21_1_1265">exploitants agricoles commencent à revendiquer l’identité paysanne</a>. Il s’agit d’une rupture historique majeure : avant le début du XX<sup>e</sup> siècle, très peu de gens ne se sentaient ou ne se disaient « paysans » dans les campagnes. Les mouvements politiques agrariens d’extrême droite, tels que les <a href="https://www.persee.fr/doc/rhmc_0048-8003_1975_num_22_2_2416">« Comités de Défense paysanne » de Dorgères</a>, concourent à la diffusion d’un sentiment d’appartenance paysan.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’Historial du Paysan Soldat, le monde rural pendant la Grande Guerre.</span></figcaption>
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<h2>Le paysan « égoïste, râleur, ennemi de la modernité »</h2>
<p>Le terme <em>paysan</em> redevient stigmatisant au lendemain de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945). Le citadin accuse le paysan de s’être enrichi sur son dos grâce au <a href="https://paybox.lhistoire.fr/les-parvenus-du-march%C3%A9-noir">marché noir</a> (1940-1949). Le gouvernement lui reproche d’être incapable de nourrir la France et d’être trop conservateur face au <a href="https://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/remembrement">grand remembrement rural</a> (1955-1975). Il est encore jugé « égoïste, râleur, ennemi de la modernité », <a href="https://journals.openedition.org/economierurale/3473">à l’heure des premières manifestations de tracteurs dans les années 1960</a>.</p>
<p>La figure du « paysan millionnaire » devient ensuite un lieu commun des trente glorieuses, comme l’illustre le sketch de l’humoriste Fernand Reynaud : « Ça eût payé » (1965).</p>
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<figcaption><span class="caption">Fernand Reynaud, « Ça eût payé », 1965.</span></figcaption>
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<p>En 1967, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Mendras">Henri Mendras</a> publie un livre intitulé <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1967_num_8_4_3243"><em>La Fin des paysans</em></a> où il observe que le « paysan », qui cultive la terre de façon routinière, est remplacé progressivement par « l’agriculteur », qui exploite rationnellement à la manière d’un entrepreneur capitaliste. C’est la <a href="https://www.cairn.info/revue-paysan-et-societe-2018-3-page-27.htm">« révolution silencieuse »</a> et le triomphe du <a href="https://theconversation.com/agriculture-comment-napoleon-iii-a-permis-le-productivisme-a-la-francaise-222775">productivisme</a> (1950-1975).</p>
<p>La civilisation paysanne est, croit-on, appelée à disparaître.</p>
<h2>Une revalorisation marketing</h2>
<p>Toutefois, à partir des années 1960, des contestataires du productivisme, à l’instar de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard_Lambert">Bernard Lambert</a>, proposent un modèle agricole alternatif : <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-socio-economie-2012-1-page-117.htm">l’agriculture paysanne</a>. Ils s’inscrivent résolument à gauche dans une logique anticapitaliste. Ils fondent la <a href="https://www.cairn.info/histoire-de-la-nouvelle-gauche-paysanne--9782707146311.htm">Confédération paysanne</a> en 1986. Néanmoins, les représentations du paysan restent globalement négatives jusqu’au début du XXI<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>L’importance croissante de la question environnementale dans le débat public et la critique de la mondialisation néolibérale tendent depuis à revaloriser le mot <em>paysan</em>. Ce dernier est désormais synonyme de denrées produites à proximité, par une personne de confiance avec aussi des visées marketing. Beaucoup de marques emploient le terme <em>paysan</em> et mettent des photos des agriculteurs ou des éleveurs sur les emballages.</p>
<p>Il constitue aux yeux des consommateurs le gage d’une alimentation plus saine et respectueuse de la biodiversité. Gabriel Attal énumère tour à tour les paysans et les agriculteurs, parce qu’il semble placer sur un pied d’égalité <a href="https://www.inrae.fr/actualites/meilleure-comparaison-entre-agriculture-biologique-conventionnelle">l’agriculture conventionnelle</a> et l’agriculture biologique. Aujourd’hui, le paysan semble donc être appelé à devenir un acteur aussi important que l’agriculteur.</p>
<p>Toutefois, l’histoire laisse penser que la portée du terme <em>paysan</em> fluctuera encore à l’avenir. Les conceptions du paysan forgées à chaque génération constituent néanmoins autant de strates sensibles et sémantiques qui accentuent la complexité et l’ambivalence du terme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223992/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anthony Hamon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si à l’heure actuelle le mot « paysan » est plutôt valorisant, il convient de ne pas oublier sa nature polysémique et son acception changeante au fil de l’histoire.Anthony Hamon, Docteur en histoire contemporaine, Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2246852024-03-01T16:29:07Z2024-03-01T16:29:07ZCrise agricole : quels défis pour demain ?<p>Produire bio, en circuit court, en agriculture raisonnée. Et, « en même temps », accepter la concurrence de producteurs étrangers soutenus par des subventions internationales ou ne respectant pas les normes sanitaires. Produire toujours plus, mais si possible sans les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pesticides-25901">pesticides</a> difficilement dissociables du modèle de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/agriculture-intensive-61354">production agricole intensif</a>. Respecter des réglementations plus ou moins strictes quant à leur usage, et devoir rétropédaler lorsque l’exécutif choisit de les « mettre en pause ». Nourrir la France, tout en restant invisible…</p>
<p>Les agricultrices et agriculteurs français ont marqué leur opposition à des normes et des injonctions contradictoires toujours plus nombreuses, dans un contexte où les consommateurs eux-mêmes ont parfois du mal à s’y retrouver. Retour sur les principaux points économiques, scientifiques, réglementaires ou historiques de ces colères.</p>
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<h2><a href="https://theconversation.com/pesticides-et-sante-les-agriculteurs-ont-ete-sont-et-seront-les-principales-victimes-de-ces-substances-223102">Pesticides et santé : les agriculteurs ont été, sont et seront les principales victimes de ces substances</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578673/original/file-20240228-30-93zj95.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578673/original/file-20240228-30-93zj95.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578673/original/file-20240228-30-93zj95.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578673/original/file-20240228-30-93zj95.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578673/original/file-20240228-30-93zj95.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578673/original/file-20240228-30-93zj95.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578673/original/file-20240228-30-93zj95.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les agriculteurs sont en première ligne en matière d’exposition aux pesticides.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Les effets des pesticides sur la santé des agriculteurs ont été constatés dès la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. Depuis, un lien clair a été établi entre ces produits et certains cancers plus fréquents dans la profession.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/plan-ecophyto-tout-comprendre-aux-annonces-du-gouvernement-223571">Plan Ecophyto : tout comprendre aux annonces du gouvernement</a></h2>
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<span class="caption">Pour comprendre ce qui se joue à travers les indicateurs Ecophyto défendus par les uns ou les autres, il faut d’abord définir de quoi on parle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Usaid Egypt/Flickr, CC BY-NC</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Comment s’y retrouver dans la jungle des indicateurs du plan Ecophyto, QSA, NoDU, HRI… et en quoi posent-ils problème ? L’éclairage de plusieurs experts du Comité scientifique et technique du plan.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560">Une vraie souveraineté alimentaire pour la France</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578667/original/file-20240228-27-rvdzde.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578667/original/file-20240228-27-rvdzde.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578667/original/file-20240228-27-rvdzde.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578667/original/file-20240228-27-rvdzde.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578667/original/file-20240228-27-rvdzde.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578667/original/file-20240228-27-rvdzde.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578667/original/file-20240228-27-rvdzde.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La souveraineté alimentaire est devenue un argument d’autorité, trop souvent invoqué afin de poursuivre des pratiques agricoles délétères.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Thibaut Marquis/Unsplash</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>La souveraineté alimentaire est régulièrement invoquée pour justifier le productivisme agro-alimentaire. Une vision restrictive qui ignore bon nombre des services écosystémiques rendus par la nature.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/mobilisations-agricoles-ou-en-sont-les-femmes-224106">Mobilisations agricoles : où (en) sont les femmes ?</a></h2>
<p>Le secteur agricole continue à se représenter au masculin alors que les femmes sont de plus en plus présentes dans les arènes décisionnelles et les instances de gouvernance. Décryptage d’une invisibilisation.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/comment-la-societe-francaise-a-appris-a-mepriser-les-paysans-et-leurs-patois-223387">Comment la société française a appris à mépriser les « paysans » et leurs « patois »</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une chanson en patois limousin. Carte postale ancienne.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Comment s’est imposée la prétendue supériorité universelle du français, par opposition aux patois régionaux ?</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/agriculture-comment-napoleon-iii-a-permis-le-productivisme-a-la-francaise-222775">Agriculture : comment Napoléon III a permis le productivisme à la française</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578686/original/file-20240228-22-tk4pbq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578686/original/file-20240228-22-tk4pbq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=491&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578686/original/file-20240228-22-tk4pbq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=491&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578686/original/file-20240228-22-tk4pbq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=491&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578686/original/file-20240228-22-tk4pbq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=617&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578686/original/file-20240228-22-tk4pbq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=617&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578686/original/file-20240228-22-tk4pbq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=617&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La récolte des foins. Huile sur toile, 1881, Julien Dupré. L’agriculture de subsistance qui co-existait avec l’agriculture commerciale connaît un bouleversement sans précédent sous Napoléon III et laissera peu à peu place au modèle intensif.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Julien Dupré</span></span>
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<p>La crise agricole française et sa logique productiviste est un facteur héréditaire de l’identité agricole de la France depuis la fin du Second Empire (1852-1870).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224685/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Retour sur les principaux points économiques, scientifiques et historiques des récentes colères agricoles.Clea Chakraverty, Cheffe de rubrique Politique + Société, The Conversation FranceSarah Sermondadaz, Cheffe de rubrique environnement et énergieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2238812024-02-29T09:37:14Z2024-02-29T09:37:14ZAliments ultra-transformés : comment ils modèlent notre agriculture<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/576539/original/file-20240219-24-gj7jpm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les aliments ultra-transformés façonnent l'agriculture mais leur rôle reste peu questionné</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/bucharest-romania-april-28-fast-food-190944998">Radu Bercan/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Notre alimentation est une chaîne avec de nombreux maillons, de la semence à l’agriculteur jusqu’au consommateur.</p>
<p>Mais alors que des débats de plus en plus passionnés émergent sur l’avenir de notre modèle agricole, un maillon de cette chaîne reste peu questionné : celui de l’industrie de transformation qui produit un très grand nombre d’aliments ultra-transformés (AUT) vendus en masse dans nos super et hypermarchés. Sans visage médiatique, cette étape peu évoquée est pourtant décisive.</p>
<p>Si le grand public a de plus en plus conscience que ces produits sont néfastes pour la santé, il est sans doute plus ignorant de la façon dont les aliments ultra-transformés modèlent notre agriculture.</p>
<p>Il n’est pas le seul. Pendant longtemps, les scientifiques et décideurs politiques se sont surtout focalisés sur l’amont (producteurs) et l’aval (consommateurs). On a ainsi fait porter tout le poids de la qualité des systèmes alimentaires sur les agriculteurs, trop souvent accusés d’être responsables de la dégradation de l’environnement, mais aussi sur le consommateur accusé de faire des mauvais choix ou de ne pas avoir assez d’activité physique pour sa santé.</p>
<p>Pourtant, les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/sd.2899?af=R">agro-industriels jouent un rôle majeur en milieu de chaîne</a>, en stimulant en amont une agriculture de qualité ou pas, et en proposant aux consommateurs des aliments de qualité ou pas. Aussi, ce sont bien eux qui jouent un rôle majeur sur la durabilité des systèmes alimentaires et la plupart des agriculteurs comme des consommateurs ne font que s’adapter à ces acteurs du milieu de la chaîne qui ont coopté une grande partie de la valeur. Voici comment.</p>
<h2>Les aliments ultra-transformés sont beaucoup consommés alors que nocifs pour la santé</h2>
<p>Commençons par un constat paradoxal : les <a href="https://www.mdpi.com/2071-1050/13/13/7433">produits ultra-transformés sont toujours très consommés</a> malgré leur impact néfaste pour la santé humaine.</p>
<p>À ce jour, près de 200 études épidémiologiques (dont près de 80 études de cohorte longitudinale) convergent dans le même sens : une consommation excessive d’AUT est associée à des risques significativement accrus de dérégulations métaboliques, maladies chroniques et/ou mortalité précoce toutes causes confondues. Or les <a href="https://www.mdpi.com/2071-1050/13/13/7433">français adultes consomment près d’un tiers de calories ultra-transformées/jour, et les moins de 18 ans 46 %</a>.</p>
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<p>Pour prendre conscience du nombre d’AUT que nous mangeons, il faut regarder la liste des ingrédients des aliments que nous consommons. Car un AUT se définit par la présence d’au moins un marqueur d’ultra-transformation (MUT), des composés purifiés qui permettent de modifier le goût, la couleur, l’arôme et/ou la texture d’un aliment.</p>
<p>Ils sont d’origine strictement industrielle et sont obtenus par synthèse en laboratoire ou par fractionnement excessif des matrices alimentaires (« cracking ») afin d’en extraire les briques élémentaires. On en distingue <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S088915752100048X">deux grandes catégories</a> : les additifs cosmétiques (texturants, émulsifiants, modificateurs de goût, colorants..) et les non-additifs, qui incluent les arômes (naturels, de synthèse et extraits), les protéines, sucres, gras et fibres ultra-transformés par exemple le dextrose, le sucre inverti, le sirop de glucose, certains isolats de fibres ou de protéines ou des graisses hydrogénées ou inter-estérifiées, mais aussi des procédés technologiques très drastiques et récents qui modifient beaucoup les matrices alimentaires comme la cuisson-extrusion et le soufflage, appliqués surtout aux féculents.</p>
<p>Ces MUTs sont ensuite :</p>
<ul>
<li><p>soit recombinés entre eux dans de nouvelles matrices alimentaires qui n’existent pas dans la nature, avec peu de vrais ingrédients alimentaires non ultra-transformés. C’est ce qu’on appelle les « fake foods », par exemple les confiseries industrielles ou beaucoup de steaks végétaux qui peuvent n’être composés que de MUTs, ressemblant au final plus à de la chimie comestible.</p></li>
<li><p>soit ajoutés à de vrais ingrédients alimentaires non ultra-transformés pour en corriger ou exacerber certaines propriétés sensorielles, comme c’est le cas pour de nombreux plats préparés prêts à l’emploi ou beaucoup d’aliments des fast foods.</p></li>
</ul>
<p>Pour la santé humaine, c’est l’ensemble de l’AUT qui pose problème, pas un seul MUT, que l’on pourrait remplacer ou transformer. Cette réalité souligne ainsi l’importance d’avoir donc une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0924224419301025">approche globale des aliments transformés</a>, d’autant plus que ceux-ci sont aussi néfastes pour le vivant dans son ensemble à travers leur mode de production.</p>
<hr>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<hr>
<h2>Les exigences de l’industrie pour s’approvisionner en matières premières</h2>
<p>Une des raisons du succès des AUT n’est pas un mystère : ils sont <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/renewable-agriculture-and-food-systems/article/abs/compliance-of-french-purchasing-behaviors-with-a-healthy-and-sustainable-diet-a-1yr-followup-of-regular-customers-in-hypermarkets/7F7D6FA2A96693704B39AFE524E8B892">globalement moins chers que les aliments non-ultra-transformés</a>, souvent prêts à l’emploi et très facilement accessibles. Mais comment cela se fait-il ?</p>
<p>D’abord car ils utilisent des MUTs produits à partir du fractionnement de quelques espèces végétales et produits animaux, ce qui permet d’atteindre des prix très bas. Ainsi, un sirop de glucose coûte dix fois moins cher que du sucre de table, et un arôme de fruit de synthèse infiniment moins cher que de vrais fruits.</p>
<p>Mais, nous l’avons vu, les aliments ultra-transformés comprennent aussi de vrais ingrédients non-ultra-transformés. Vu la grande distribution et le succès planétaire de ces aliments, ces ingrédients doivent être produits avec une qualité constante et disponibles toute l’année quelle que soit la saison. Il s’agit par exemple du sucre de table (betterave et canne à sucre), d’huile de palme et de tournesol, de céréales, de soja… ou bien, pour les produits animaux, des préparations industrielles à base d’œufs, de la viande des fast food et de nombreux plats préparés, de certains fromages industriels…</p>
<p>Au final, ce sont donc bien peu d’ingrédients animaux comme végétaux qui composent l’essentiel des aliments vendus. Sur les 6000 espèces végétales cultivées à des fins alimentaires, par exemple 9 d’entre elles représentent 66 % de la production agricole totale.</p>
<p>Pour ces ingrédients dominants que l’on retrouve dans les aliments ultra-transformés de la grande distribution, plusieurs exigences sont de mise : ils doivent être disponibles toute l’année et se conserver longtemps, donc certifier d’un haut niveau de sûreté alimentaire en termes de toxicologie et de conservation. Pour remplir ce cahier des charges, point de secret : l’agriculture et l’élevage intensifs sont les plus qualifiés comme les moins onéreux.</p>
<h2>Les agricultures permettant de produire à bas coûts des produits standardisés</h2>
<p>L’industrie a de fait fortement favorisé la dynamique de spécialisation et de standardisation de production agricole avec un petit nombre d’espèces cultivées en masse dans une région donnée. Des pratiques agroécologiques telles que les mélanges d’espèces (graminées et légumineuses) ou de variétés (deux variétés de blé) ne sont pas compatibles avec les exigences de l’agro-industrie. La faible valeur ajoutée des produits commercialisés a aussi poussé à une concentration géographique des productions (économie d’agglomération), un agrandissement des exploitations agricoles pour obtenir des économies d’échelle.</p>
<p>Ces systèmes de production intensifs et spécialisés sont à l’origine d’émissions importantes de gaz à effet de serre et de composés azotés dans l’air, de nitrates dans l’eau, ainsi que de pollutions dans les sols et de pertes de biodiversité. Les <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s13593-017-0429-7">technologies « intelligentes » du génie génétique ou de l’agriculture de précision promues par ce modèle intensif</a> (le bon produit, à la bonne dose, au bon endroit et au bon moment) ne remettant pas en cause le niveau de spécialisation et de simplification, ne permettent pas à elles seules d’enrayer les pollutions : pesticides <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048969723067876">et azote</a> par exemple.</p>
<p>La production de MUTs a donc un coût important pour la santé globale, notamment pour les <a href="https://theconversation.com/les-aliments-ultratransformes-sont-aussi-tres-mauvais-pour-la-planete-140869">sécurités nutritionnelles et alimentaires :</a> si les AUT sont des calories bon marché, avec un haut niveau de sécurité sanitaire et très accessible partout sur la planète, cela se fait au détriment de l’environnement, de la biodiversité, de la santé humaine et du social et de l’économie.</p>
<p>Cette optimisation purement économique à court terme est possible car les coûts cachés de ce système ne sont pas intégrés dans le prix de la nourriture : si l’on devait payer pour les conséquences néfastes de notre système alimentaire sur la santé (maladies liés à la malbouffe) et l’environnement (pollutions, émissions de gaz à effet de serre), notre alimentation coûterait deux fois son prix actuel, <a href="https://www.fao.org/newsroom/detail/hidden-costs-of-global-agrifood-systems-worth-at-least--10-trillion/fr">soit 170 milliards d’€ en France</a>.</p>
<p>Outre la filière de l’agriculture biologique, quelques industriels de la transformation ou distribution commencent à s’approvisionner à partir de modes de production moins intensifs voire agroécologiques, que ce soit <a href="https://www.omie.fr/">à titre individuel</a>, ou dans le cadre d’<a href="https://bleu-blanc-c%C3%BAur.org/">associations</a> ou de <a href="https://agricultureduvivant.org/">mouvements</a>. C’est une avancée, mais seulement à condition que les matières premières ne soient pas utilisées pour fabriquer des AUT.</p>
<h2>Consommer moins d’aliments ultra-transformés est nécessaire pour soutenir une agriculture agroécologique</h2>
<p>Agriculteurs, consommateurs et acteurs des politiques publiques doivent prendre conscience de cette interdépendance entre agriculture intensive au fort coût environnemental comme sanitaire et consommation d’aliments ultra-transformés.</p>
<p>Pour les consommateurs, savoir que les <a href="https://www.cahiersagricultures.fr/en/articles/cagri/full_html/2022/01/cagri210174/cagri210174.html">modèles d’agriculture les plus impactant sur l’environnement</a> sont ceux qui permettent de produire à bas coût des AUT est un argument supplémentaire pour en réduire la consommation. En effet, le dernier <a href="https://www.mangerbouger.fr/manger-mieux/s-informer-sur-les-produits-qu-on-achete/comprendre-les-informations-nutritionnelles-et-les-etiquettes/les-aliments-ultra-transformes-pourquoi-moins-en-manger">Plan National Nutrition</a> Santé n°4 le recommande déjà pour des raisons de santé. Ce serait un moyen pour les consommateurs de soutenir une agriculture agroécologique d’intérêt pour l’environnement, dont les produits ne contiennent pas de MUTs nocifs pour la santé à long terme. Le choix du consommateur pourrait être facilité par l’utilisation d’applications proposant le <a href="https://www.mangerbouger.fr/manger-mieux/s-informer-sur-les-produits-qu-on-achete/comprendre-les-informations-nutritionnelles-et-les-etiquettes/les-aliments-ultra-transformes-pourquoi-moins-en-manger">score Nova</a>.</p>
<p>Les agriculteurs subissent des injonctions contradictoires. D’une part, les citoyens et politiques publiques leur demandent de mettre en place des pratiques agroécologiques (diversification des cultures, haies…), d’autre part, les logiques économiques sous-tendues par l’industrie conduisent à des <a href="https://classiques-garnier.com/systemes-alimentaires-food-systems-2023-n-8-varia-paradigm-changes-of-the-food-system.html">systèmes agricoles simplifiés basés sur un petit nombre d’espèces produites de manière standardisées</a>.</p>
<p>Faire porter le fardeau des problèmes environnementaux sur les agriculteurs est donc très exagéré. Les politiques publiques devraient donc aussi concerner les <a href="https://classiques-garnier.com/systemes-alimentaires-food-systems-2023-n-8-varia-paradigm-changes-of-the-food-system.html">acteurs intermédiaires</a> qui de fait façonnent et soutiennent les modèles d’agriculture qu’elles veulent éviter. Par ailleurs, un approvisionnement en matières premières issues de pratiques agroécologiques n’a pas non plus beaucoup de sens si c’est pour fractionner à l’extrême les matières premières brutes, puis ajouter des MUTs aux aliments industriels, dégradant au final la valeur santé globale des aliments. Ainsi, du bio ultra-transformé, hors-saison et importé n’a aucun sens pour la santé globale. Là encore, les politiques publiques ont un rôle à jouer pour éviter de telles dérives.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223881/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Duru est membre des conseils scientifiques de Bleu Blanc Coeur et de Pour une Agriculture Du Vivant </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anthony Fardet est membre des comités scientifiques de MiamNutrition, The Regenerative Society Foundation, Centre européen d'excellence ERASME Jean Monnet pour la durabilité, Projet Alimentaire Territorial Grand Clermont-PNR Livradois Forez et l'Association Alimentation Durable. Il est aussi adhérent et/ou membre des associations GREFFE, AuSI, Collectif Les Pieds dans le Plat et ANIS Etoilé. Il a été membre du comité scientifique de Siga entre 2017 et 2022.</span></em></p>Si les méfaits pour la santé des aliments ultra-transformés sont de plus en plus connus. L'impact de ces produits sur notre modèle agricole l'est moins. Il est pourtant colossal.Michel Duru, Directeur de recherche, UMR AGIR (Agroécologie, innovations et territoires), InraeAnthony Fardet, Chargé de recherches HC, UMR 1019 - Unité de Nutrition humaine, Université Clermont Auvergne, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2244202024-02-28T15:40:23Z2024-02-28T15:40:23ZColère des agriculteurs européens : traiter l’origine des maux pour éviter la polarisation<p>Jeudi 1<sup>er</sup> février, j’ai assisté, à Bruxelles, à la manifestation des agriculteurs autour du Parlement européen. À un kilomètre de la place Luxembourg, je voyais déjà les longues files de tracteurs portant des plaques d’immatriculation belges, françaises et néerlandaises. Klaxons et pneus brûlés saturaient mes sens à mesure que je m’approchais du cœur de la manifestation.</p>
<h2>Voix multiples et dissonantes</h2>
<p>En tant que juriste, <a href="https://scholar.google.com/citations?hl=en&user=mN-xJAMAAAAJ&view_op=list_works&sortby=pubdate">j’ai passé les dernières années</a> à étudier la façon dont le droit économique européen et international peut saper les tentatives de mise en place de systèmes alimentaires durables. J’étais donc impatient de participer à cette « manifestation des agriculteurs ». Cependant, une fois sur place, j’ai dû nuancer l’idée que je me faisais de cet événement, plus complexe que je l’avais imaginé.</p>
<p>Derrière l’uniformité des tracteurs, la place rassemblait des identités bien différentes, chacune conservant sa spécificité tout en contribuant à la visibilité de l’action collective. Vue d’en haut, la place aurait ressemblé à un patchwork de gilets bleus, jaunes et verts, traversé de ballons jaunes, et éclaboussé ici et là de copieux tas de fumier, de banderoles vertes et jaunes de syndicats et de groupes de gauche, ainsi que de drapeaux belges et flamands exprimant des aspirations nationalistes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/575019/original/file-20240212-22-3jkw1c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/575019/original/file-20240212-22-3jkw1c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/575019/original/file-20240212-22-3jkw1c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/575019/original/file-20240212-22-3jkw1c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/575019/original/file-20240212-22-3jkw1c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/575019/original/file-20240212-22-3jkw1c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/575019/original/file-20240212-22-3jkw1c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Certains des agriculteurs les plus progressistes montent sur scène le 1ᵉʳ février à Bruxelles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Tomaso Ferrando</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>En réalité, il y avait au moins deux manifestations en une.</p>
<p>Près de l’entrée, une bannière recouvrant la statue de John Cockerill, un industriel d’origine anglaise, appelait les agriculteurs à « dire non au despotisme » et à s’organiser contre les mesures prises par l’UE au nom de la protection de l’environnement. Du côté du jardin central, des membres d’une confédération agricole italienne donnaient des interviews sur la nécessité de libéraliser les nouvelles technologies génomiques pour stimuler la productivité, tandis que d’autres discutaient des limites des lois sur le bien-être animal, tout en faisant la queue pour manger un hot dog.</p>
<p>Un peu plus loin, la situation était très différente. Près du Parlement, les drapeaux d’organisations militant pour l’agriculture paysanne et biologique telles que <em>La Via Campesina</em>, la Confédération paysanne et le <em>Forum Boeren</em> flottaient aux côtés de ceux d’<em>Extinction Rebellion</em> et de <em>Grandparents for Climate</em>. Depuis la scène, les orateurs exhortaient le public et les décideurs politiques à s’attaquer au pouvoir des distributeurs, à la concentration du marché, aux prix bas et à l’exploitation de la main-d’œuvre.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/575025/original/file-20240212-16-q3b7b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/575025/original/file-20240212-16-q3b7b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/575025/original/file-20240212-16-q3b7b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/575025/original/file-20240212-16-q3b7b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/575025/original/file-20240212-16-q3b7b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/575025/original/file-20240212-16-q3b7b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/575025/original/file-20240212-16-q3b7b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La place Luxembourg, à Bruxelles, le 1ᵉʳ février 2024.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Tomaso Ferrando</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Si nous voulons vraiment tirer des leçons de ce qui se passe et élaborer des réponses politiques, il est essentiel de reconnaître que la <a href="https://vientosur.info/el-enfado-en-el-shared">contestation n’est pas uniforme</a>, et que les visions de l’avenir des protestataires sont divergentes, bien qu’elles découlent probablement des mêmes problèmes structurels.</p>
<h2>Des réactions opposées à un même problème</h2>
<p>Dans son dernier livre <a href="https://theconversation.com/in-doppelganger-naomi-klein-says-the-world-is-broken-conspiracy-theorists-get-the-facts-wrong-but-often-get-the-feelings-right-209990"><em>Doppelganger</em></a>, Naomi Klein souligne que la pandémie de Covid-19 et l’état d’incertitude qui l’a accompagnée ont conduit à des manifestations exceptionnelles de solidarité, mais aussi à un renforcement de l’individualisme, de la compétitivité et de la peur de l’autre. Bien qu’incompatibles, ces deux réactions seraient nées d’un sentiment d’isolement, d’insatisfaction et de frustration, et de la prise de conscience que la société – et son économie – a échoué à répondre aux aspirations de bon nombre d’entre nous.</p>
<p>Selon Naomi Klein, ces deux réactions seraient le « Doppelgänger » l’une de l’autre (les Doppelgänger sont des doubles, souvent maléfiques, dans le folklore et la mythologie germaniques et nordiques) ; mais nous avons tendance à considérer notre double (l’autre) comme différent ou séparé de nous, au point de nous en moquer : plutôt que d’affronter et d’identifier l’origine commune de notre état, nous refusons de le reconnaître. Et cela ne peut, selon l’essayiste, que conduire à davantage de divergences et de conflits qui, au final, favorisent l’extrême droite.</p>
<p>Pourtant, nous ne sommes pas condamnés à la polarisation, nous dit Klein. Si nous reconnaissons que ces réactions apparemment opposées ont une origine commune, nous pouvons commencer à créer un espace commun de compréhension et donc, dans ce cas, à élaborer une vision à long terme pour le système alimentaire de l’UE, loin des solutions hâtives telles que l’<a href="https://www.euractiv.com/section/agriculture-food/news/von-der-leyen-to-withdraw-the-contested-pesticide-regulation/">affaiblissement de la régulation des pesticides</a> ou l’<a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20240202IPR17320/nouvelles-techniques-genomiques-et-transition-ecologique-des-agriculteurs">autorisation de nouvelles techniques génomiques</a> (dites NTG, pour <em>new genomic technologies</em>).</p>
<p>Sur la place Luxembourg, l’origine commune des griefs des agriculteurs m’a semblé bien exprimée par ce slogan : « Free Farmers ! Stop Free Trade ! » (soit « Libérez les agriculteurs, pas le commerce international »).</p>
<h2>Des piliers essentiels pour nourrir l’Europe</h2>
<p>En effet, indépendamment de leurs tendances politiques, la plupart des agriculteurs semblaient s’accorder sur le fait qu’un système alimentaire qui traite la nourriture comme n’importe quel autre produit commercialisable était à l’origine de tous les maux – comme l’illustre le surnom donné à l’accord commercial UE-Mercosur <a href="https://www.veblen-institute.org/The-draft-trade-agreement-between-the-EU-and-the-Mercosur-countries-remains-a.html">« cars for cows »</a> (« des voitures contre des vaches »).</p>
<p>Car, dans l’agriculture, le libre-échange sans entraves et l’obsession de la compétitivité ont entraîné une baisse des revenus, une concentration des marchés, une dépendance accrue à l’égard des distributeurs, l’exploitation de la nature, des animaux et de la main-d’œuvre et l’<a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2021/652241/IPOL_ATA(2021)652241_EN.pdf">abandon de terres</a>.</p>
<p>Il y a d’autres raisons pour lesquelles la pandémie de Covid mentionnée par Klein peut constituer un modèle utile pour l’analyse de la crise des agriculteurs. Au début de cette crise, les agriculteurs et les travailleurs de l’alimentation furent estimés essentiels, indispensables pour nourrir l’Europe. En fait, « essentiels » signifiait souvent « exploités » : ces personnes étaient fortement exposées au virus, à la fragilité des marchés, et à l’absence de stratégies à long terme pour consolider leur position et leurs moyens de subsistance. Le temps est peut-être venu de traiter les piliers « essentiels » de notre société comme ils le méritent.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/575054/original/file-20240212-18-jef0q3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/575054/original/file-20240212-18-jef0q3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=510&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/575054/original/file-20240212-18-jef0q3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=510&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/575054/original/file-20240212-18-jef0q3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=510&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/575054/original/file-20240212-18-jef0q3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=641&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/575054/original/file-20240212-18-jef0q3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=641&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/575054/original/file-20240212-18-jef0q3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=641&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tracteurs alignés dans le centre de Bruxelles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Tomaso Ferrando</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Des politiques tangibles pour surmonter la polarisation</h2>
<p>Si nous voulons surmonter la polarisation actuelle, il est essentiel que nous adoptions des politiques qui s’attaquent aux causes profondes du problème.</p>
<p>De 2020 à 2023, j’ai dirigé un projet de recherche-action <a href="https://fassfood.eu/">FASS-Food EU</a>, qui a rassemblé des agriculteurs, des consommateurs, des travailleurs, des organisations environnementales et des décideurs politiques de l’UE afin de décortiquer et d’améliorer le système agro-alimentaire européen. L’objectif était de réfléchir collectivement aux obstacles réglementaires et politiques qui empêchent l’UE de bénéficier de chaînes alimentaires équitables, accessibles, durables et courtes (<em>Fair, Accessible, Sustainable and Short</em>, FASS).</p>
<p>La première leçon qui est ressortie de ce projet est qu’il est essentiel de reconnaître que ce ne sont pas seulement les agriculteurs qui souffrent, mais l’ensemble du système alimentaire : celui-ci se trouve dans un état de crise permanente et nécessite une transformation rapide.</p>
<p>Combien de temps l’UE pourra-t-elle accepter un système qui est à l’origine de <a href="https://www.euractiv.com/section/agriculture-food/news/meps-call-for-mental-health-initiative-in-farming/">suicides d’agriculteurs</a>, d’insécurité alimentaire et de régimes alimentaires malsains, de dégradation de l’environnement, de souffrances animales et de conditions de travail précaires ?</p>
<p>Le débat autour d’une <a href="https://foodpolicycoalition.eu/wp-content/uploads/2023/05/SUSTAINABLE-FOOD-SYSTEMS-LAW-Recommendations-for-a-meaningful-transition.pdf">législation-cadre sur les systèmes alimentaires durables</a> a été une première tentative de la Commission européenne d’enrichir la <a href="https://theconversation.com/de-la-fin-des-quotas-de-la-pac-a-aujourdhui-20-ans-de-politiques-agricoles-en-echec-222535">Politique agricole commune</a> avec un texte législatif qui aurait favorisé la transition durable de la production et de la consommation de denrées alimentaires dans l’UE.</p>
<p>Cependant, après des mois de retards et de frictions entre les différentes directions générales, la possibilité d’une discussion systémique sur les systèmes alimentaires a été oubliée dans un tiroir de la <a href="https://commission.europa.eu/about-european-commission/departments-and-executive-agencies/health-and-food-safety_en">DG-Santé</a>. Nous sommes maintenant revenus à la case départ, avec un <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_24_417">Dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture européenne</a> qui renforce la séparation entre l’agriculture et l’alimentation.</p>
<p>Dans notre projet de recherche, nous avons identifié d’autres possibilités pour trouver un terrain commun, dont certains ont été mentionnés sur la place Luxembourg :</p>
<ul>
<li><p>La révision de la <a href="https://agriculture.ec.europa.eu/common-agricultural-policy/agri-food-supply-chain/unfair-trading-practices_en">directive de 2019 sur les pratiques commerciales déloyales</a> pourrait donner à l’UE et aux États membres la possibilité de sanctionner les grands acteurs commerciaux qui achètent des denrées alimentaires à un prix qui ne garantit pas un salaire décent aux agriculteurs et aux travailleurs.</p></li>
<li><p>Grâce au droit de la concurrence, l’UE et les autorités nationales peuvent briser les oligopoles du commerce et de la distribution. Le droit commercial peut également être utilisé pour repenser les accords commerciaux existants et l’impact de la compétitivité mondiale sur les systèmes alimentaires, tant en Europe que chez ses partenaires commerciaux.</p></li>
<li><p>Les initiatives des gouvernements peuvent aider les citoyens à mieux se nourrir. La <a href="https://www.fian.be/+-Sociale-Voedselzekerheid-+">Sécurité sociale de l’alimentation belge</a> en est un exemple : à partir des recettes fiscales, les administrations publiques émettent des bons alimentaires pour les citoyens, qui peuvent être utilisés pour acheter des denrées alimentaires respectant des normes sociales et environnementales.</p></li>
</ul>
<p>Ces solutions – quelles que soient celles que nous choisirons – n’émergeront pas des dynamiques de marché dominantes à l’heure actuelle ni d’approches purement technologiques. La boîte à outils est grande, mais pour pouvoir l’utiliser, nous devons accepter que la nourriture n’est pas une marchandise comme les autres, et que les protestations des agriculteurs ne sont que la partie émergée de l’iceberg.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224420/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tomaso Ferrando ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si les agriculteurs divergent sur les remèdes à apporter à leurs maux, ceux-ci ont une origine commune : l’alimentation ne peut pas être traitée comme une marchandise comme les autres.Tomaso Ferrando, Research Professor of Law, University of AntwerpLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2241172024-02-28T15:33:06Z2024-02-28T15:33:06ZClimat : nos systèmes alimentaires peuvent devenir plus efficaces, plus résilients et plus justes<p>À Paris, l’édition 2024 du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/salon-de-lagriculture-25013">Salon de l’Agriculture</a> se déroule dans un contexte particulier, entre <a href="https://theconversation.com/la-fnsea-syndicat-radical-derriere-le-mal-etre-des-agriculteurs-des-tensions-plus-profondes-222438">grogne des syndicats agricoles</a> et <a href="https://theconversation.com/colere-des-agriculteurs-ce-qui-etait-coherent-et-cohesif-est-devenu-explosif-222066">colère des agriculteurs</a>.</p>
<p>Pendant ce temps, le réchauffement planétaire continue de s’accentuer, et expose la production agricole à une augmentation des dommages dus à ses conséquences : intensification des <a href="https://theconversation.com/des-temperatures-extremes-statistiquement-impossibles-quelles-sont-les-regions-les-plus-a-risque-210342">vagues de chaleurs</a>, sécheresses, <a href="https://theconversation.com/changement-climatique-et-pluies-extremes-ce-que-dit-la-science-103660">pluies extrêmes</a>…</p>
<p>Comment y faire face ? Dans un <a href="https://www.hautconseilclimat.fr/publications/accelerer-la-transition-climatique-avec-un-systeme-alimentaire-bas-carbone-resilient-et-juste/">récent rapport du Haut conseil pour le climat</a>, nous montrons qu’il est possible d’accélérer la réduction des émissions de l’alimentation et de la production agricole, en protégeant l’avenir des agriculteurs et des consommateurs, notamment les plus vulnérables. Autrement dit, un cercle plus vertueux est possible.</p>
<h2>L’agriculture en première ligne des défis climatiques</h2>
<p>Chaque dixième de degré compte et expose la production agricole à une augmentation des dommages dus aux <a href="https://theconversation.com/les-risques-de-temperatures-extremes-en-europe-de-louest-sont-sous-estimes-213015">événements météorologiques extrêmes</a>.</p>
<p>On les observe déjà en France, à travers l’intensification des <a href="https://theconversation.com/secheresse-2022-un-manque-de-pluies-presque-ordinaire-aux-effets-exceptionnels-191323">sécheresses</a> à l’origine de <a href="https://theconversation.com/changement-climatique-et-agriculture-les-economistes-alertent-sur-la-necessite-dintensifier-les-efforts-dadaptation-en-afrique-subsaharienne-218184">baisses de rendements</a> pour les cultures (dont le blé, le maïs, et les fourrages). D’autant plus que les vagues de chaleur induisent un <a href="https://theconversation.com/chaleur-et-humidite-leurs-effets-sur-notre-corps-se-font-sentir-plus-tot-que-prevu-212041">stress thermique</a> et hydrique néfastes tant pour les cultures que pour les animaux.</p>
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<p>Le réchauffement rend également les semis et les récoltes plus précoces, ce qui les expose davantage aux gelées printanières ainsi qu’à certaines maladies, par exemple les <a href="https://www.inrae.fr/actualites/laccave-10-ans-recherche-partenariat-ladaptation-viticulture-au-changement-climatique">maladies cryptogamiques (liées au développement de champignons) dans les vignobles</a>. De la même façon, plusieurs maladies touchant les animaux d’élevage <a href="https://www.anses.fr/fr/content/maladie-hemorragique-epizootique">risquent de se développer à cause du réchauffement</a>.</p>
<p>Les inondations, plus fréquentes du fait de l’élévation des températures, entraînent elles aussi de lourds dégâts, tant pour pour les sols, les cultures que le matériel agricole.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578258/original/file-20240227-26-3stevc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578258/original/file-20240227-26-3stevc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578258/original/file-20240227-26-3stevc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578258/original/file-20240227-26-3stevc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578258/original/file-20240227-26-3stevc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578258/original/file-20240227-26-3stevc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578258/original/file-20240227-26-3stevc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Hersage sur un terrain inondé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Irri Photos/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Les dommages liés au changement climatique représentent déjà des surcoûts pour les agriculteurs et les <a href="https://theconversation.com/risques-climatiques-les-tarifs-des-assurances-sont-ils-condamnes-a-augmenter-191216">assureurs</a> qui ont des <a href="https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-working-group-ii/">répercussions sur les prix et la sécurité de l’approvisionnement alimentaire</a>.</p>
<p>Et ce n’est que le début : les conséquences du changement climatique sur les rendements des cultures et de l’élevage continueront de s’amplifier avec chaque incrément de réchauffement supplémentaire. Pour y faire face, il convient de combiner plusieurs transformations pour renforcer la résilience du système alimentaire et réduire son <a href="https://theconversation.com/une-alimentation-bonne-pour-moi-et-la-planete-tout-depend-de-la-ou-jhabite-153330">empreinte carbone</a>.</p>
<h2>Des systèmes alimentaires à transformer</h2>
<p>Car pour l’heure, l’adaptation des activités agricoles aux effets négatifs du changement climatique est surtout réactive. Elle intervient en réponse à des sécheresses ou des inondations, mais n’anticipe pas les transformations des systèmes agricoles et alimentaires qui seront nécessaires au cours des prochaines décennies du fait de la hausse de la température planétaire. Par exemple, le déplacement des aires de production agroclimatiques et les conséquences de l’accélération de la montée du niveau de la mer.</p>
<p>Pour autant, les interventions pour répondre au changement climatique ne doivent pas cibler seulement l’agriculture, mais l’ensemble du système alimentaire. En effet, l’alimentation représente <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lempreinte-carbone-de-la-france-de-1995-2022">22 % de l’empreinte carbone des Français</a>, et cette empreinte carbone ne diminue <a href="https://www.hautconseilclimat.fr/publications/accelerer-la-transition-climatique-avec-un-systeme-alimentaire-bas-carbone-resilient-et-juste/">qu’insuffisamment au regard des objectifs climatiques</a>.</p>
<p>Bien que l’agriculture en France, comme dans les autres pays, représente <a href="https://librairie.ademe.fr/consommer-autrement/779-empreinte-energetique-et-carbone-de-l-alimentation-en-france.html">60 % de cette empreinte carbone</a>, d’autres activités y contribuent de manière significative principalement par des émissions de CO<sub>2</sub> :</p>
<ul>
<li><p>la transformation des aliments est à l’origine de 6 à 18 % des émissions <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lempreinte-carbone-de-la-france-de-1995-2022">selon les méthodes</a>,</p></li>
<li><p>le commerce et la restauration de 12 %,</p></li>
<li><p>le transport notamment routier de 6 à 14 %.</p></li>
</ul>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578263/original/file-20240227-26-dh7oex.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578263/original/file-20240227-26-dh7oex.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578263/original/file-20240227-26-dh7oex.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578263/original/file-20240227-26-dh7oex.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578263/original/file-20240227-26-dh7oex.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578263/original/file-20240227-26-dh7oex.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578263/original/file-20240227-26-dh7oex.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les bovins sont de grands émetteurs de méthane, un gaz à effet de serre notoire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pexels</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Pour limiter l’escalade des impacts climatiques, il est indispensable d’atteindre l’objectif de zéro émission nette de CO<sub>2</sub> d’ici 2050 tous secteurs confondus.</p>
<p>Et cela, tout en réduisant fortement les émissions des autres gaz à effet de serre, comme le méthane, émis par l’élevage et la riziculture et le protoxyde d’azote émis par les sols fertilisés.</p>
<p>Cela implique de réduire l’ensemble des émissions du système alimentaire, dont l’agriculture, tout en renforçant le <a href="https://theconversation.com/pour-sauver-nos-systemes-alimentaires-restaurer-nos-sols-en-sequestrant-le-carbone-212820">stockage de carbone dans les sols</a> et dans la <a href="https://theconversation.com/mesurer-linvisible-la-dure-tache-de-calculer-le-stock-et-le-flux-de-carbone-dune-foret-212810">biomasse agroforestière</a>.</p>
<h2>Des freins systémiques à surpasser</h2>
<p>Le problème, c’est que la structure et le fonctionnement du système alimentaire actuel freinent l’adoption de pratiques agricoles et alimentaires bas carbone. Cela limite aussi la possibilité de changements transformationnels, tant du côté agricole que du côté de l’évolution de l’alimentation des consommateurs.</p>
<p>D’un côté, la transformation des pratiques agricoles se heurte aux <a href="https://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?GCOI=27246100979080">difficultés économiques des agriculteurs</a> (pertes de production, inégalités et faiblesse des revenus de l’agriculture) et aux besoins de transferts de compétences (formation, accompagnement technique).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/agriculture-pourquoi-la-bio-marque-t-elle-le-pas-en-france-207510">Agriculture : pourquoi la bio marque-t-elle le pas en France ?</a>
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<p>De l’autre, les changements de régimes alimentaires sont fortement contraints par les environnements alimentaires proposés aux consommateurs, puisque les offres bas-carbone (par exemple, riches en protéines végétales) sont peu nombreuses, <a href="https://theconversation.com/affichage-environnemental-bio-ou-pas-comment-evaluer-limpact-ecologique-des-aliments-216505">peu visibles</a> et peu accessibles économiquement. Cela demande donc des efforts concertés des filières agricoles, des industries agroalimentaires et de la distribution.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578564/original/file-20240228-22-8fk536.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578564/original/file-20240228-22-8fk536.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578564/original/file-20240228-22-8fk536.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578564/original/file-20240228-22-8fk536.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578564/original/file-20240228-22-8fk536.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578564/original/file-20240228-22-8fk536.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578564/original/file-20240228-22-8fk536.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Certains produits importés, comme la viande, contribuent fortement à ce qu’on appelle la déforestation importée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ted Eytan/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>En outre, une partie de cette offre alimentaire concerne des produits animaux importés, qui contribuent fortement à l’empreinte carbone de l’alimentation française, notamment via la <a href="https://theconversation.com/lutte-contre-la-deforestation-importee-en-europe-quelles-consequences-pour-des-millions-dafricains-187952">déforestation importée</a>.</p>
<p>Pour faciliter les changements, il est important de mobiliser l’ensemble du système alimentaire, des agriculteurs aux consommateurs, en passant aussi par l’agrofourniture, le conseil agricole, la formation, les coopératives, la transformation, la distribution et la restauration.</p>
<p>Or, les nombreuses interdépendances entre les maillons du système alimentaire, mais aussi la situation socio-économique du secteur (<a href="https://theconversation.com/comment-la-grande-distribution-sadapte-aux-tensions-sur-le-pouvoir-dachat-197146">inflation alimentaire</a>) et son organisation institutionnelle constituent d’importants freins au changement.</p>
<p>Cela concerne notamment les formes inégales du partage de la valeur au sein des filières, la concurrence internationale, la faiblesse des revenus agricoles, la structuration autour d’un nombre restreint de cultures et d’animaux et la concentration des acteurs de l’aval (industries agroalimentaires, distribution).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-producteurs-principaux-perdants-de-la-repartition-des-gains-de-productivite-de-lagriculture-depuis-1959-222780">Les producteurs, principaux perdants de la répartition des gains de productivité de l’agriculture depuis 1959</a>
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<p>Des options existent pourtant pour s’adapter au changement climatique tout en réduisant les gaz à effet de serre. Par exemple, la diversification des cultures permet de limiter les dommages en cas de sécheresse et cette diversification permet d’introduire des <a href="https://theconversation.com/les-legumineuses-pilier-pour-des-systemes-agroalimentaires-plus-durables-en-europe-193186">légumineuses</a> (lentilles, pois…) qui <a href="https://theconversation.com/cultiver-des-legumineuses-pour-utiliser-moins-dengrais-mineraux-et-nourrir-la-planete-197256">ne nécessitent pas d’engrais azotés</a> (moins de gaz à effet de serre émis) et qui renforcent l’offre de protéines végétales.</p>
<p>Toutefois, cette diversification nécessite le développement de <a href="https://theconversation.com/legumineuses-insectes-nouvelles-cultures-les-scientifiques-au-defi-des-futurs-systemes-alimentaires-184512">nouvelles filières végétales</a>, avec leurs silos et leurs usines de transformation. Elle implique aussi des changements en aval de la production pour mieux transformer et valoriser ces produits dans l’offre en matière d’alimentation.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-legumineuses-bonnes-pour-notre-sante-et-celle-de-la-planete-216845">Les légumineuses : bonnes pour notre santé et celle de la planète</a>
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<p>Un autre obstacle concerne la forte spécialisation des bassins de production. Dans les régions spécialisées en grandes cultures, les sols ne reçoivent pas assez d’azote organique issu de l’élevage et consomment beaucoup d’engrais de synthèse, alors que dans d’autres régions les élevages peinent à épandre leurs excédents d’azote organique. Ces déséquilibres régionaux contribuent aux pertes d’azote et aux émissions de <a href="https://theconversation.com/agroforesterie-intrants-labour-comment-ameliorer-le-bilan-carbone-de-lagriculture-165403">protoxyde d’azote, un puissant gaz à effet de serre</a>.</p>
<p>Enfin, le changement climatique comme les politiques de transition risquent de faire augmenter encore le <a href="https://www.i4ce.org/publication/alimentation-durable-budget-consommateurs-climat/">coût de l’alimentation</a> et d’accroître le risque de <a href="https://theconversation.com/insecurite-alimentaire-au-dela-du-prix-des-aliments-il-faut-sattaquer-aux-obstacles-systemiques-202933">précarité alimentaire</a>.</p>
<p>Par conséquent, on ne peut réduire les émissions de l’alimentation et de la production agricole sans protéger agriculteurs et consommateurs. Cela nécessite des mesures qui portent sur l’ensemble du système alimentaire dans un esprit de transition juste.</p>
<h2>Des solutions agroécologiques à portée de main</h2>
<p>Ces freins et verrous pourraient pourtant être levés. Il faudrait notamment :</p>
<ul>
<li><p>revaloriser les revenus des agriculteurs et des éleveurs en difficulté pour soutenir et accompagner leurs changements de pratiques,</p></li>
<li><p>réorienter les dispositifs de soutien vers un cap à long terme de résilience au changement climatique, et de baisse des émissions nettes de gaz à effet de serre,</p></li>
<li><p>mobiliser les acteurs de la transformation, du stockage, du transport, de la distribution et de la restauration, afin de maîtriser l’empreinte carbone de l’alimentation.</p></li>
</ul>
<p>De nombreuses options pour l’atténuation et l’adaptation au changement climatique peuvent être déployées de manière élargie dans toutes les composantes du système alimentaire. Elles concernent :</p>
<ul>
<li><p>la gestion des terres (<a href="https://www.inrae.fr/actualites/stocker-4-1-000-carbone-sols-potentiel-france">stockage de carbone dans les sols</a>),</p></li>
<li><p>l’<a href="https://www.cirad.fr/les-actualites-du-cirad/actualites/plus-vieux/agroforesterie-et-coefficients-carbone-du-giec">agroforesterie</a>,</p></li>
<li><p>les productions végétales (gestion adaptative de l’eau, <a href="https://www.inrae.fr/actualites/ble-tendre-secheresse-nouvelles-varietes-venir">tolérance à la sécheresse et à la chaleur</a>, <a href="https://www.inrae.fr/actualites/quelle-contribution-lagriculture-francaise-reduction-emissions-gaz-effet-serre">réduction des pertes d’azote et de la fertilisation minérale</a>,</p></li>
<li><p>et les productions animales (<a href="https://gabi.jouy.hub.inrae.fr/actualites/etude-de-l-adaptation-des-bovins-au-changement-climatique">tolérance à la chaleur</a>, santé animale, additifs alimentaires et <a href="https://www.inrae.fr/actualites/methane-2030-demarche-collective-francaise-focalisee-methane-enterique">sélection pour réduire les émissions de méthane</a>).</p></li>
</ul>
<p>Ces options peuvent être déployées dans le cadre de la transition <a href="https://theconversation.com/fr/topics/agro-ecologie-33625">agroécologique</a> afin de mobiliser les <a href="https://www.inrae.fr/dossiers/lagriculture-va-t-elle-manquer-deau/lagroecologie-source-solutions">régulations écologiques</a> (conservation des sols, renforcement de l’agrobiodiversité, complémentarités agriculture-élevage) au bénéfice de la production agricole, tout en bénéficiant <a href="https://www.inrae.fr/evenements/lancement-pepr-agroecologie-numerique">d’approches technologiques</a> (numérique, services climatiques)</p>
<p>La transformation des environnements alimentaires (l’environnement des consommateurs qui détermine les choix possibles), notamment la substitution de protéines animales par des protéines végétales, et la réduction du gaspillage à chaque étape sont nécessaires.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/voici-trois-bonnes-raisons-de-consommer-des-proteines-dorigine-vegetale-176097">Voici trois bonnes raisons de consommer des protéines d’origine végétale</a>
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<p>Ces actions combinées auraient des effets vertueux, en permettant de diminuer la consommation de produits alimentaires intensifs en émissions, de réduire l’empreinte carbone de la production agricole tout en évitant l’importation de produits alimentaires avec des effets d’augmentation de l’empreinte carbone importée.</p>
<p>Enfin, une importante difficulté tient au fait que les politiques agricoles et alimentaires sont aujourd’hui peu mobilisées en appui aux politiques climatiques.</p>
<h2>Un besoin de politiques plus engagées</h2>
<p>Il est clair que seule une coordination des politiques concernant l’agriculture, l’alimentation, la santé publique, le climat, la qualité de l’eau et de l’air, et la biodiversité, permettra de mener ces transformations.</p>
<p>Celles-ci doivent être menées tout en protégeant les agriculteurs français d’une forte augmentation des dommages causés par le changement climatique, en minimisant les coûts de la transition et en réduisant les risques économiques pour les acteurs du système alimentaire les plus vulnérables. Enfin, elles doivent garantir l’accès à une alimentation durable et saine pour tous les consommateurs.</p>
<p>Avec une vision partagée de l’agriculture et de l’alimentation bas carbone, adaptée au climat de demain, la France pourrait porter la réforme de la Politique agricole commune de l’Union européenne de 2028. Elle pourrait également, grâce à des lois d’orientation nationale, permettre la réduction des émissions du secteur agricole par au moins un facteur deux d’ici à 2050, <a href="https://www.hautconseilclimat.fr/publications/accelerer-la-transition-climatique-avec-un-systeme-alimentaire-bas-carbone-resilient-et-juste/">comme le montre notre rapport</a>. De quoi se rapprocher le plus possible de la neutralité carbone pour le secteur agricole, en augmentant fortement le stockage de carbone dans les sols agricoles et dans la biomasse.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/que-sont-les-puits-de-carbone-et-comment-peuvent-ils-contribuer-a-la-neutralite-carbone-en-france-201420">Que sont les « puits de carbone » et comment peuvent-ils contribuer à la neutralité carbone en France ?</a>
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<p>Ceci réduirait la dépendance aux <a href="https://www.academie-sciences.fr/fr/Communiques-de-presse/communique-de-presse-foret-et-changement-climatique-menace-sur-le-puits-forestier-francais.html">puits de carbone forestiers</a>
qui sont fragilisés par le changement climatique, et à la capture et au <a href="https://theconversation.com/la-capture-et-le-stockage-du-carbone-comment-ca-marche-192673">stockage de carbone technologique</a>, qui sont des options <a href="https://www.hautconseilclimat.fr/publications/avis-sur-la-strategie-de-capture-du-carbone-son-utilisation-et-son-stockage-ccus/">plus coûteuses, limitées et risquées</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224117/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Financements publics reçus par l'INRAE pour des projets que j'ai coordonné : de l'Agence Nationale de la Recherche (France) ; du programme de recherche Horizon de la Commission Européenne ; du programme KIC Climat de l'Institut Européen de Technologie ; de l'ADEME (France).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Corinne Le Quéré préside le Haut conseil français pour le climat. Corinne Le Quéré a reçu des financements du programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 de l'Union européenne dans le cadre de la convention de subvention n° 821003 (4C), du Conseil de recherche sur l'environnement naturel du Royaume-Uni sous la subvention NE/V011103/1 (Frontiers), de la Royal Society du Royaume-Uni sous subvention RP\R1\191063 (Professeur de recherche), et a reçu un don pour financer ses recherches de l'Institut virtuel de recherche sur le système terrestre (VESRI), une initiative de Schmidt Futures. Corinne Le Quéré est également membre du Comité britannique sur le changement climatique. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marion Guillou est actuellement présidente de l’Académie d’agriculture de France et membre du Haut conseil pour le Climat.
Elle fait partie de plusieurs conseils d’administration privés et publics qui ne tirent aucun bénéfice des sujets traités dans cet article.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sophie Dubuisson-Quellier est directrice de recherche au CNRS et directrice du Centre de sociologie des organisations (CNRS-Sciences Po), membre du Haut conseil pour le climat. Dans le cadre de ses activités de recherche, elle a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche pour le projet ANR-18-CE26-0016 sur les politiques alimentaires.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Valérie Masson-Delmotte est directrice de recherches au CEA, et a été co-présidente du groupe I du GIEC de 2015 à 2023. Elle a reçu des financements de l'European Research Council pour le projet ERC Synergy AWACA sur le cycle de l'eau en Antarctique.</span></em></p>Nos systèmes agricoles et alimentaires sont en première ligne du changement climatique. Ils pourraient être transformés pour gagner en résilience et équité, et contribuer à la stabilisation du climat.Jean-François Soussana, Directeur de Recherche, InraeCorinne Le Quéré, Royal Society Research Professor of Climate Change Science, University of East AngliaMarion Guillou, Retired scientist, InraeSophie Dubuisson-Quellier, Directrice de recherche CNRS, Sciences Po Valérie Masson-Delmotte, Chercheuse en sciences du climat, coprésidente du groupe de travail I du GIEC, directrice de recherche au CEA (Commissariat à l’énergie atomique), Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2234952024-02-27T16:17:20Z2024-02-27T16:17:20ZLes oiseaux, victimes collatérales de l’intensification agricole en Europe<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/575366/original/file-20240213-22-rm2wz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le bruant proyer (Emberiza calandra) a vu sa population décliner en Europe, comme d’autres espèces liées aux milieux agricoles.</span> <span class="attribution"><span class="source">Luiz Lapa / Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Les alarmes de la communauté scientifique sur les effets de l’emploi des pesticides sur la santé humaine et la disparition de nombreuses espèces dans les milieux agricoles <a href="https://www.inrae.fr/actualites/biodiversite-services-rendus-nature-que-sait-limpact-pesticides">s’accumulent depuis un demi-siècle</a>. Le <a href="https://wildproject.org/livres/printemps-silencieux-60">travail pionnier de Rachel Carson</a> annonçait dès 1962, des « printemps silencieux » provoqués par le déclin des oiseaux, victimes collatérales des pesticides via l’empoisonnement des milieux et la disparition des insectes.</p>
<p>En cause, un modèle agricole reposant sur une industrialisation toujours plus poussée pour rester compétitif sur le plan international ayant massivement recours aux <a href="https://theconversation.com/plan-ecophyto-tout-comprendre-aux-annonces-du-gouvernement-223571">pesticides</a>. Un modèle toujours plus dominant en France, où les exploitations sont de <a href="https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/download/publication/publie/Pri2213/Primeur%202022-13_RA2020_%20VersionD%C3%A9finitive.pdf">moins en moins nombreuses (-40 % depuis 2000)</a> et de plus en plus grandes (leur surface moyenne a été <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4277860?sommaire=4318291">multipliée par quatre depuis les années 1960</a>).</p>
<p>Conséquence : la surface agricole couverte par des fermes à forte utilisation de pesticides et d’engrais <a href="https://ec.europa.eu/eurostat">n’a cessé d’augmenter</a>. Si bien que seuls 17 % des sols en Europe ne sont pas contaminés par des <a href="https://solagro.org/focus/atlaspesticides">pesticides</a>. Depuis 2009, plus de 300 000 ha de terres agricoles, souvent fertiles, <a href="https://artificialisation.developpement-durable.gouv.fr/determinants-artificialisation-2009-2022">ont disparu sous le bitume</a>.</p>
<p>Au-delà des constats inquiétants et des prophéties, dispose-t-on de preuves scientifiques tangibles et sans équivoque de la dangerosité de ce modèle de production agricole pour le vivant à l’échelle européenne ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pesticides-et-biodiversite-les-liaisons-dangereuses-182815">Pesticides et biodiversité, les liaisons dangereuses</a>
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<h2>De la difficulté à expérimenter sur le vivant en conditions réelles</h2>
<p>L’expérimentation semble à première vue un procédé idéal. Par exemple, faites manger des graines enrobées de pesticides à des moineaux, et ils seront en moins bonne forme. Soit. Le procédé a de grandes chances de fonctionner.</p>
<p>Mais, hors du laboratoire, lorsque les <a href="https://parlonssciences.ca/ressources-pedagogiques/documents-dinformation/determiner-les-variables">variables ne sont plus directement contrôlables</a> par le chercheur, on entre dans un monde complexe où les processus sont causés par de multiples facteurs enchevêtrés. Dans ces conditions, comment construire la preuve de l’effet d’un facteur en particulier sur la santé ou l’environnement ?</p>
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<p>Pour s’affranchir de cette difficulté, la méthode scientifique peut toujours s’appuyer sur des protocoles et des variables de contrôle. Ainsi, l’effet des substances que l’on suppose problématiques et de tous les autres facteurs ayant un effet potentiel ne sera pas manipulé expérimentalement, mais étudié statistiquement.</p>
<p>Car, s’il est déjà un peu brutal de faire manger des pesticides de force à des oiseaux, il est encore plus absurde d’imaginer pouvoir tout expérimenter. On pourra plutôt vérifier si l’emploi d’une quantité croissante de pesticides se manifeste dans le temps par une baisse de la quantité d’insectes. En d’autres termes, on abordera la question sous un angle épidémiologique.</p>
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<a href="https://theconversation.com/debat-scientifique-sur-le-declin-des-insectes-que-reste-t-il-a-prouver-154109">Débat scientifique sur le déclin des insectes : que reste-t-il à prouver ?</a>
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<p>Il y a pourtant un piège. On pourra toujours supposer que ce ne sont pas les pesticides qui sont en cause mais le stress, la pollution de l’air, la sécheresse ou toute variable qui influencerait de près ou de loin le système étudié.</p>
<p>Il fallait donc se donner les moyens d’y voir plus clair. C’est ce que nous avons réalisé avec une équipe de 50 chercheuses et chercheurs dans une <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.2216573120">étude à ciel ouvert</a> publiée en mai 2023. Notre motivation était de vérifier si une pression dominait sur les autres, et si oui laquelle, pour expliquer le déclin des populations de nombreuses espèces d’oiseaux en Europe.</p>
<h2>L’ampleur inédite de l’hécatombe dans les milieux agricoles</h2>
<p>Il fallait tout d’abord mettre un chiffre sur ce déclin. Grâce au travail assidu de nombreux ornithologues bénévoles qui ont reproduit chaque année le même protocole de suivi dans 28 pays européens, un jeu de données exceptionnel a pu être constitué, couvrant la période allant de 1980 à 2016. C’était une étape essentielle : partir des oiseaux eux-mêmes dans leurs habitats, pas seulement d’une expérience sur quelques individus isolés en laboratoire.</p>
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<a href="https://theconversation.com/recenser-les-oiseaux-identifier-les-plantes-les-sciences-participatives-font-elles-vraiment-avancer-la-recherche-214008">Recenser les oiseaux, identifier les plantes : les sciences participatives font-elles vraiment avancer la recherche ?</a>
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<p>L’étude a permis de suivre 170 espèces différentes, avec des populations en liberté et subissant de plein fouet les pollutions, le changement climatique, les pratiques de chasse, le dérangement ou encore le risque de prédation.</p>
<p>Loin de nous limiter aux milieux agricoles, nous nous sommes intéressés à tous les habitats : forêts, villes, montagnes, milieux ouverts ou non, cultivés ou non… En résumé, nous sommes allés ausculter l’état de santé des oiseaux européens, sans filtre.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/577353/original/file-20240222-22-fyycrl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577353/original/file-20240222-22-fyycrl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577353/original/file-20240222-22-fyycrl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577353/original/file-20240222-22-fyycrl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577353/original/file-20240222-22-fyycrl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577353/original/file-20240222-22-fyycrl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577353/original/file-20240222-22-fyycrl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un Pic vert cherchant des fourmis au sol.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Hedera.Baltica/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Résultat ? Les oiseaux ont perdu un quart de leur abondance en Europe entre 1980 et 2016, soit 800 millions d’individus sur la période, 20 millions par an en moyenne. Une hécatombe, pourtant sans surprise : les oiseaux doivent composer avec les modifications profondes qu’ont connu les paysages et les modes de vie au cours du XX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Toutes les espèces d’oiseaux ne sont pas affectées de la même manière.</p>
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<li><p>Par exemple, les oiseaux vivants dans les milieux forestiers ont perdu 18 % de leurs effectifs ;</p></li>
<li><p>Ceux des milieux urbains, 25 %,</p></li>
<li><p>Ce qui est surprenant en revanche c’est l’intensité du déclin, spectaculaire, des oiseaux des plaines agricoles : leur effectif a chuté de 57 % !</p></li>
</ul>
<p>Un record peu enviable : c’est <a href="https://theconversation.com/que-signifie-vraiment-le-declin-des-insectes-pour-la-biodiversite-122676">l’une des baisses les plus spectaculaires</a> jamais enregistrées à cette échelle pour des organismes vivants.</p>
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<a href="https://theconversation.com/comment-mesure-t-on-la-perte-de-biodiversite-lexemple-de-lafrique-222320">Comment mesure-t-on la perte de biodiversité ? L’exemple de l’Afrique</a>
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<h2>Prouver le lien entre intensification agricole et déclin des oiseaux</h2>
<p>Il fallait aller plus loin pour comprendre à quoi attribuer ce déclin. Or, nous avions à disposition les données idéales pour tester si le climat, les changements d’habitats et le modèle agricole industriel pouvaient être tenus responsables.</p>
<p>Imaginons un instant : dans un lieu précis, par exemple au bord d’un champ de colza, un ou plusieurs ornithologues ont compté chaque année, avec la même méthode, le nombre d’oiseaux. Et, précisément, pour cette année et cet endroit, nous avons aussi à disposition des données comme l’expansion des surfaces en agriculture intensive, l’évolution des températures, de l’étalement des sols artificialisés, ou encore les variations du couvert forestier.</p>
<p>C’est ce procédé, répété sur des milliers de sites dans les 28 pays étudiés, au cours de plusieurs décennies, qui a permis de construire la <a href="https://pecbms.info/">base de données la plus complète</a>, la plus précise, jamais collectée de suivi d’espèces sauvages en Europe.</p>
<p>Cela nous a permis de faire le lien statistique entre devenir des oiseaux et ces multiples pressions, et de construire un deuxième résultat fort : le déclin des espèces coïncide avec l’augmentation de l’intensification des pratiques agricoles. Dans les environnements dans lesquels l’agriculture industrielle est plus présente, et cela, quels que soient le climat et les autres conditions, les oiseaux déclinent plus vite.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pesticides-et-sante-les-agriculteurs-ont-ete-sont-et-seront-les-principales-victimes-de-ces-substances-223102">Pesticides et santé : les agriculteurs ont été, sont et seront les principales victimes de ces substances</a>
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<p>Nous étions toutefois conscients d’un autre piège possible : que ce lien ne soit qu’une simple coïncidence attribuable au hasard. Or, ce n’est pas le cas. Nos analyses montrent que nous ne sommes plus dans le domaine de la corrélation, mais du lien sans équivoque.</p>
<p>Un dernier résultat nous a permis d’ajouter une brique supplémentaire à notre compréhension de la situation : les espèces qui se nourrissent préférentiellement d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/insectes-24857">insectes</a>, éradiqués par les pesticides, sont encore plus impactées que les autres espèces.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-cest-grave-que-les-insectes-disparaissent-206643">Pourquoi c’est grave que les insectes disparaissent ?</a>
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<h2>Réchauffement et artificialisation des sols également en cause</h2>
<p>Bien entendu, l’intensification des pratiques agricoles n’est pas le seul facteur des déclins observés. Le changement climatique, notamment l’élévation des températures, constitue une deuxième pression importante.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/577359/original/file-20240222-30-ic55iq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577359/original/file-20240222-30-ic55iq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577359/original/file-20240222-30-ic55iq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577359/original/file-20240222-30-ic55iq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577359/original/file-20240222-30-ic55iq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577359/original/file-20240222-30-ic55iq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577359/original/file-20240222-30-ic55iq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une mésange boréale (<em>Poecile Montanus</em>) en plein vol.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Estormiz/Wikimedia</span></span>
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</figure>
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<li><p>Les espèces septentrionales, adaptées aux milieux froids (comme la Mésange boréale, qui a décliné de 79 %), remontent vers le nord et voient leurs populations décliner fortement avec l’augmentation des températures.</p></li>
<li><p>À l’inverse, d’autres espèces adaptées aux milieux chauds (comme la Fauvette mélanocéphale, dont la population augmente) peuvent en profiter.</p></li>
</ul>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/577363/original/file-20240222-20-sl6uvx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577363/original/file-20240222-20-sl6uvx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577363/original/file-20240222-20-sl6uvx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577363/original/file-20240222-20-sl6uvx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577363/original/file-20240222-20-sl6uvx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577363/original/file-20240222-20-sl6uvx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577363/original/file-20240222-20-sl6uvx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le martinet noir ne se pose que pour couver ses œufs, généralement dans des bâtiments en pierre de grande hauteur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pierre-Marie Epiney/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’étalement des zones artificialisées se fait aussi aux dépens des oiseaux, incapables de vivre dans des milieux minéraux et pollués, et dont l’habitat se fragmente.</p>
<p>Même les espèces capables de nicher en milieu urbain sont en recul (comme le Martinet noir, dont les populations ont chuté de 17 %), notamment face au manque de sites disponibles sur les constructions modernes et à la faible abondance d’insectes dans ces milieux.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-architectes-peuvent-ils-aider-les-oiseaux-a-ne-pas-secraser-contre-les-vitres-216302">Comment les architectes peuvent-ils aider les oiseaux à ne pas s’écraser contre les vitres ?</a>
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<p>Enfin, le retour du <a href="https://theconversation.com/un-autre-regard-sur-levolution-contemporaine-de-la-foret-francaise-207398">couvert forestier</a> en Europe, encore récent, et souvent le fait de plantations, ne suffit pas à enrayer le déclin des espèces dépendantes de forêts naturelles.</p>
<h2>Semer le doute… et gagner du temps ?</h2>
<p>Des résultats qui devrait nous inciter à <a href="https://theconversation.com/plan-ecophyto-tout-comprendre-aux-annonces-du-gouvernement-223571">réduire drastiquement notre recours aux pesticides</a>. Mais pour les défenseurs de l’agrochimie, le niveau de preuve apporté par la science n’est jamais assez grand.</p>
<p>Une situation qui rappelle celles de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/amiante-42690">amiante</a>, du tabac, ou même l’action des producteurs d’énergie fossile pour <a href="https://theconversation.com/climat-comment-lindustrie-petroliere-veut-nous-faire-porter-le-chapeau-213142">retarder la prise de conscience climatique</a>.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/577538/original/file-20240223-18-9alkcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577538/original/file-20240223-18-9alkcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577538/original/file-20240223-18-9alkcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577538/original/file-20240223-18-9alkcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577538/original/file-20240223-18-9alkcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577538/original/file-20240223-18-9alkcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577538/original/file-20240223-18-9alkcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Plusieurs pétroliers, dont Shell, avaient prédit le risque de crise climatique des décennies dès les années 1980.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mike Mozart/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Toutes ces industries ont mis à profit la difficulté inhérente à la construction d’une preuve scientifique afin de gagner du temps, perpétuer le doute, maintenir leur réputation ainsi que leurs profits. <a href="https://www.cairn.info/revue-questions-de-communication-2013-1-page-462.htm">L’entretien du doute est ainsi devenu stratégique</a>.</p>
<p>Au point que les industriels se sont désormais <a href="https://theconversation.com/le-glyphosate-revelateur-de-linfluence-des-lobbys-industriels-sur-la-science-reglementaire-215604">imposés comme référence scientifique auprès des agences de contrôle, notamment en Europe</a>.</p>
<p>Il est devenu irresponsable de minimiser l’effet du modèle agricole industriel et de ses pesticides et de se cacher derrière de prétendus biais, manque de recul ou supposée absence d’alternatives, <a href="https://www.inrae.fr/actualites/agriculture-europeenne-pesticides-chimiques-2050-resultats-dune-etude-prospective-inedite">qui existent pourtant</a>.</p>
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<a href="https://theconversation.com/pesticides-les-alternatives-existent-mais-les-acteurs-sont-ils-prets-a-se-remettre-en-cause-146648">Pesticides : les alternatives existent, mais les acteurs sont-ils prêts à se remettre en cause ?</a>
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<p>L’utilisation généralisée de pesticides <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fsufs.2022.1027583/full">a un coût social et économique considérable</a>, qui ne se répercute d’ailleurs pas sur les prix dès lors que leur emploi demeure encouragé et subventionné. Sur le plan de la santé humaine, <a href="https://theconversation.com/pesticides-et-sante-les-agriculteurs-ont-ete-sont-et-seront-les-principales-victimes-de-ces-substances-223102">leurs effets sont de mieux en mieux documentés</a>.</p>
<p>Tout devrait pousser à <a href="https://www.iddri.org/fr/publications-et-evenements/etude/une-europe-agroecologique-en-2050-une-agriculture">changer ce modèle de production</a>. Comment peut-on se satisfaire de qualifier de « conventionnelle » une agriculture incompatible avec le maintien de la <a href="https://www.inserm.fr/expertise-collective/pesticides-et-sante-nouvelles-donnees-2021/">santé des humains</a> et des non-humains ?</p>
<p>Les changements nécessaires ne peuvent reposer seulement sur la bonne volonté d’agricultrices et d’agriculteurs empêtrés dans un modèle industriel conçu par et pour l’agro-industrie et inscrit dans un modèle d’exportation régulé par la spéculation ou la recherche du prix le plus faible.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560">Une vraie souveraineté alimentaire pour la France</a>
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<p>Ce sont des <a href="https://www.ipbes.net/node/42052">changements transformateurs</a> dans notre manière d’habiter le monde, de produire et de consommer qui sont nécessaires. Les outils politiques devraient être des leviers capables d’amorcer cette transformation, plutôt que de maintenir « quoi qu’il en coûte » un modèle en bout de course.</p>
<p>Il est urgent que les décideurs, aux échelles européenne, nationale et locale, regardent enfin en face les ravages d’une certaine agriculture chimique dépassée qui détruit la vie, piège les paysans et les paysannes et se moque des consommateurs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Science et Société se nourrissent mutuellement et gagnent à converser. La recherche peut s’appuyer sur la participation des citoyens, améliorer leur quotidien ou bien encore éclairer la décision publique. C’est ce que montrent les articles publiés dans notre série « Science et société, un nouveau dialogue », publiée avec le soutien du <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr">ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223495/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une étude d’une ampleur inédite a montré le lien entre déclin des oiseaux et agriculture intensive. Une coïncidence, plaide le discours de l’agrochimie. Les chiffres sont pourtant sans équivoques.Vincent Devictor, Directeur de recherche en écologie, Université de MontpellierStanislas Rigal, Postdoctorant en biologie de la conservation, ENS de LyonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2240252024-02-27T16:11:50Z2024-02-27T16:11:50ZLa gestion agroécologique des mauvaises herbes, un levier pour l’agriculture durable<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/576803/original/file-20240220-16-uaxpth.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=24%2C6%2C1064%2C758&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les herbicides représentent actuellement 54&nbsp;% de la consommation totale de pesticides en Europe.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixnio.com/fr/nature-paysages/champ-fr/mauvaises-herbes-plante-champ">Pixnio</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les herbicides, dont la consommation – en hausse – devrait atteindre environ <a href="https://www.statista.com/statistics/1403196/global-agricultural-use-of-herbicides-forecast/">2,4 millions de tonnes en 2027</a> dans le monde, représentent actuellement <a href="https://www.statista.com/topics/11803/pesticides-in-europe/">54 % de la consommation totale de pesticides en Europe</a>. Or, la stratégie « <a href="https://food.ec.europa.eu/horizontal-topics/farm-fork-strategy_en">Farm to Fork</a> », promue au niveau de l’Union européenne (UE) inclut la réduction de l’utilisation des herbicides parmi ses objectifs politiques clés.</p>
<p>Les herbicides peuvent entraîner l’appauvrissement de la biodiversité et en <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1890/14-1605.1">nuisant aux plantes non ciblées</a>, cruciales pour l’équilibre de divers écosystèmes. La persistance de certains herbicides dans l’environnement peut contribuer à des dommages écologiques à long terme et présenter des <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/weed-science/article/abs/seedbank-and-field-emergence-of-weeds-in-glyphosateresistant-cropping-systems-in-the-united-states/8814FD777D92DF0E026BDD6DE79874C4">risques pour la faune</a>.</p>
<p>De plus, leur utilisation entraîne des effets néfastes sur la santé humaine via des résidus dans les aliments et l’eau, <a href="https://www.mdpi.com/1422-0067/23/9/4605">pouvant causer des problèmes allant de réactions allergiques à des problèmes de santé plus graves</a>.</p>
<p>Comment faire pour réduire cette consommation de produits néfastes ? La gestion agroécologique des mauvaises herbes (AWM pour « agroecological weed management ») peut ici constituer ici une réponse. Il s’agit d’une approche qui concentre diverses pratiques agricoles pour lutter efficacement contre les mauvaises herbes en limitant l’usage des herbicides.</p>
<p>Par exemple : le pâturage, le contrôle automatisé des mauvaises herbes, les couverts (qui bénéficient au sol plutôt qu’à la récolte) ou encore la rotation des cultures (l’alternance de différentes cultures dans un champ pour perturber le cycle de croissance des mauvaises herbes).</p>
<p>Le résultat de ces techniques n’est pas seulement une meilleure gestion des mauvaises herbes, mais aussi une amélioration de la durabilité, de la biodiversité et de la santé des sols.</p>
<h2>La force de l’habitude</h2>
<p>Comment expliquer, dès lors, que les agriculteurs restent fortement tributaires des herbicides ? L’explication réside ici notamment dans la force des habitudes. C’est ce dont il ressort d’une étude récente menée dans le cadre du projet européen <a href="https://www.goodhorizon.eu/">GOOD</a>. Comme le montre la recherche en sciences comportementales, l’aversion au risque conduit les agriculteurs à <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-031-15258-0_4">craindre des pertes</a> en cas de changement de pratiques. Ce biais, non seulement maintiendrait leur utilisation des herbicides, mais les conduirait aussi à en « surconsommer » 25 % en plus que nécessaire en moyenne !</p>
<p>Une étude récente menée dans le cadre du projet européen <a href="https://www.goodhorizon.eu/">GOOD</a> montre cependant que le terrain est propice à un changement d’habitude. S’inspirant de la « théorie du comportement planifié », qui a été appliquée dans de nombreux domaines (y compris le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00036846.2023.2210815">comportement de consommation du vin</a>), ce travail par questionnaire a impliqué 330 agriculteurs dans 8 pays (Portugal, Grèce, Chypre, Italie, Espagne, Pays-Bas, Serbie et Lettonie).</p>
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<p>Il en ressort en effet que les agriculteurs connaissent les pratiques de l’AWM et sont prêts à les adopter, ce qui témoigne d’une reconnaissance croissante des avantages et de la durabilité. Un autre résultat significatif de l’enquête révèle la tendance progressive des agriculteurs à réduire l’utilisation d’herbicides, avec 63 % de l’échantillon déclarant leur intention de réduire cet usage à court terme (figure 1).</p>
<p><iframe id="h7V5L" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/h7V5L/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’enquête met également en lumière les avantages perçus qui motivent l’adoption de l’AWM (figure 2). Les agriculteurs reconnaissent généralement le potentiel de ces pratiques pour l’amélioration de la qualité des sols. Ils sont convaincus que les herbicides représentent un problème critique de nos jours et que l’adoption de ces pratiques est une étape fondamentale pour garantir la sécurité alimentaire.</p>
<p><iframe id="1RYX6" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/1RYX6/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Toutefois, un grand nombre d’exploitants estiment que d’autres agriculteurs continueront à utiliser des herbicides sans adopter les pratiques de l’AWM (figure 3).</p>
<p><iframe id="Yv5V9" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Yv5V9/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En effet, des obstacles perçus à l’adoption de l’AWM demeurent. En premier lieu, les agriculteurs admettent leurs difficultés à modifier leurs habitudes (figure 4). Ils estiment que, si la compréhension des pratiques de l’AWM reste relativement facile, la mise en œuvre s’avère plus compliquée, notamment en raison du manque de main-d’œuvre.</p>
<p><iframe id="JLP1C" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/JLP1C/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Dans l’ensemble, l’avenir du secteur agricole semble néanmoins de plus en plus orienté vers des pratiques agricoles réduisant l’utilisation d’herbicides. Le développement d’un réseau de gestion agroécologique des mauvaises herbes pourrait ainsi fournir des lignes directrices pour une gestion durable de celles-ci, déployant des pratiques agricoles plus résilientes et plus respectueuses de l’environnement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224025/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Un projet de recherche montre que les freins à l’adoption de techniques agricoles moins gourmandes en herbicides sont notamment psychologiques.Lara Agnoli, Associate professor, Burgundy School of Business Efi Vasileiou, Assistant professor at the Economics and Social Science Department, Burgundy School of Business Nikos Georgantzis, Professor, Director of the Wine and Spirits Business Lab, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2235892024-02-26T15:51:13Z2024-02-26T15:51:13ZÀ la découverte du meilleur poivre du monde<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/577361/original/file-20240222-22-jhwzut.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=53%2C0%2C6000%2C3961&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">À Madagascar, le voatsiperifery est un poivre sauvage endémique qui suscite les convoitises. Mais son exploitation s'accompagne d'un destruction de son milieu.</span> <span class="attribution"><span class="source">Jérome Queste/Cirad</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Le voatsiperifery : quelle est donc cette nouvelle épice au nom imprononçable, <a href="https://www.facebook.com/100044563800645/posts/10158492682644935/">coup de cœur de la cheffe triplement étoilée Anne-Sophie Pic</a> ? Il s’agit du poivre sauvage de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/madagascar-24701">Madagascar</a>, une épice endémique de l’île devenue populaire il y a une quinzaine d’années. </p>
<p>Considéré comme un des meilleurs poivres au monde, il possède un goût d’une subtilité rarement égalée, plus de saveurs et de senteurs et moins de piquant que les autres poivres. Une fois séchées, les baies dégagent des arômes à la fois boisés, terreux et fruités ; fraîches, ses saveurs et senteurs sont encore plus équilibrées. Le voatsiperifery est l’illustration parfaite des services écosystémiques dits <a href="https://www.millenniumassessment.org/documents/document.354.aspx.pdf">« culturels »</a> que fournissent les forêts naturelles de Madagascar et leur biodiversité.</p>
<h2>De la médecine à la gastronomie</h2>
<p>Si le voatsiperifery ne contribue pas à la sécurité alimentaire, il fournit cependant un plaisir gustatif à des gastronomes du monde entier ; une raison de plus d’investir dans la conservation de la biodiversité. <a href="https://doi.org/10.17660/th2017/72.6.1">Sa cueillette constitue une source de revenus</a> pour les paysans vivant en lisière de forêts, notamment durant la période de soudure, période entre deux récoltes durant laquelle les gens n’ont presque pas à manger : les récoltes précédentes sont épuisées et les suivantes ne sont pas encore disponibles.</p>
<p>Il est aussi le parfait ambassadeur de Madagascar. C’est la <a href="https://doi.org/10.1007/s10457-022-00732-z">seule épice exportée de Madagascar</a> qui soit endémique de la grande île. Ce poivre sauvage est une petite baie ronde ou ovoïde. Ces baies s’organisent en grappes qui poussent sur de grandes lianes dans les forêts naturelles humides orientales de Madagascar, des littorales jusqu’aux hautes terres centrales. <a href="https://doi.org/10.17660/th2017/72.6.1">La plante est dioïque</a>, c’est-à-dire que les fleurs mâles et femelles sont portées par des pieds distincts.</p>
<p>En malgache, <em>voatsiperifery</em> est la contraction de « voa » qui signifie fruit et de tsiperifery signifie « qui fait que les plaies n’existent pas ». Ce nom provient de l’usage médicinal de cette plante pour <a href="https://www.fofifa.mg/wp-content/uploads/2021/01/Th%C3%A8seVF_Rharizoly_EDGRND_compressed.pdf">cicatriser les plaies</a> et désigne la baie elle-même, alors que <em>tsiperifery</em> est le nom donné à la plante. De la famille des pipéracées, le voatsiperifery est un cousin du poivre noir (<em>Piper nigrum</em>) et a été un temps assimilé au <em>Piper borbonense</em> de l’île de La Réunion. Cependant, à l’heure où nous écrivons cet article, le tsiperifery n’a en revanche toujours pas de nom scientifique valide.</p>
<h2>Une histoire qui s’accélère</h2>
<p>Les premières références écrites à la liane de tsiperifery remontent à l’époque coloniale. Des écrits du XIX<sup>e</sup> siècle et du début du XX<sup>e</sup> siècle décrivent un poivre rond utilisé localement à des fins médicinales, pour soigner des maladies vénériennes, des coliques et pour noircir les dents. Des spécimens collectés par les premiers explorateurs européens sont conservés au Muséum national d’histoire naturelle de Paris.</p>
<p>Les populations riveraines des forêts exploitent et utilisent de façon traditionnelle le tsiperifery pour ses valeurs culinaires, médicinales mais aussi culturelles et spirituelles. Les feuilles sont utilisées dans des rites pour se protéger de la foudre et empêcher la pluie de tomber. Les tiges et racines sont préparées dans des tisanes contre les mauvais sorts. En plus d’être un bon cicatrisant, <a href="https://doi.org/10.17660/th2017/72.6.1">il est utilisé pour soigner des maladies respiratoires, vénériennes, dermatologiques et les troubles sexuels</a>.</p>
<p>Les qualités gustatives exceptionnelles du tsiperifery sont découvertes entre 2004 et 2010, par deux « découvreurs d’épices », Olivier Roellinger et Gérard Vives. À compter de 2010, la demande explose et déclenche une ruée vers ce poivre sauvage. L’exploitation de cette ressource s’appuie sur les circuits de collecte existants : les cueilleurs s’enfoncent en forêt et vendent des baies fraîches à des collecteurs. Ces derniers collectent tout type de produit forestier et les revendent à des opérateurs économiques qui assurent la transformation, l’ensachage et l’exportation. Ces derniers capturent l’essentiel de la rente de la chaîne de valeur.</p>
<p>Mais la cueillette de ce poivre sauvage est difficile. En forêt naturelle, les lianes fructifient très haut dans la canopée. Arracher la liane fructifère, voire abattre l’arbre qui lui sert de tuteur est alors la solution la plus simple. À peine découvert, le poivre sauvage se voit déjà menacé de disparition et contribue à la destruction de son habitat.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/577914/original/file-20240226-18-e3jz30.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Liane adulte de tsiperifery grimpant le long d’un arbre en forêt" src="https://images.theconversation.com/files/577914/original/file-20240226-18-e3jz30.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577914/original/file-20240226-18-e3jz30.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=942&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577914/original/file-20240226-18-e3jz30.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=942&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577914/original/file-20240226-18-e3jz30.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=942&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577914/original/file-20240226-18-e3jz30.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1184&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577914/original/file-20240226-18-e3jz30.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1184&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577914/original/file-20240226-18-e3jz30.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1184&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le tsiperifery est une liane qui pousse haut le long des arbres, rendant la récolte des baies difficile.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Harizoly Razafimandimby/FOFIFA</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Dès 2010, des chercheurs malgaches et français, dont nous faisons partie, initient <a href="https://doi.org/10.1051/cagri/2021009">plusieurs programmes de recherche</a> interdisciplinaires pour acquérir, dans l’urgence, les connaissances permettant d’accompagner le développement de la filière d’exportation du tsiperifery. Ces recherches portent sur la <a href="https://www.fofifa.mg/wp-content/uploads/2021/01/Th%C3%A8seVF_Rharizoly_EDGRND_compressed.pdf">biologie et l’écologie des lianes</a>, sur son <a href="https://www.forets-biodiv.org/content/download/4770/35531/version/1/file/RAHERINJATOVOARISON+2017+Aire+de+distribution.pdf">aire de distribution</a>, l’économie de <a href="https://www.forets-biodiv.org/content/download/4771/35535/version/1/file/Rakotomalala+2017+Filiere+tsiperifery+et+encastrement.pdf">leur chaîne de valeur</a> et sur la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0031942221002351">chimie de leur transformation</a>. Ces recherches aboutissent à la production de <a href="https://www.forets-biodiv.org/productions/ouvrages/guides-de-bonnes-pratiques-tsiperifery">guides de bonnes pratiques pour la culture et la transformation du tsiperifery</a>.</p>
<h2>La culture du tsiperifery en forêt naturelle</h2>
<p>À l’instar d’autres produits forestiers non ligneux (PFNL) comme les champignons, certaines écorces ou le miel, les retombées de l’exploitation du tsiperifery devraient bénéficier aux populations riveraines de forêts qui sont en grande précarité. C’est en tout cas le principe à l’origine du protocole de Nagoya, qui traite notamment du partage juste et équitable des résultats de recherches ou financiers liés à l’exploitation des ressources. En pratique, la <a href="http://www.ecologyandsociety.org/vol11/iss2/art20/">durabilité de l’exploitation des PFNL est controversée</a>.</p>
<p>Dans le cas du tsiperifery, les techniques de cueillette s’avèrent destructives. Dans les forêts malgaches, les <a href="http://www.jstor.org/stable/1724745">PFNL sont traditionnellement en accès libre</a>, donc rapidement surexploités. La faiblesse de l’État malgache rend illusoire toute forme de régulation étatique. Les instruments de régulation des filières comme la certification butent sur le vide juridique qui encadre la collecte de produits sauvages en forêt.</p>
<p>Les travaux de recherche en cours visent à sortir de ce paradigme en <a href="https://doi.org/10.17660/th2021/76.3.3">accélérant le processus de domestication du tsiperifery</a>, à l’instar de ses cousins pipers. Des lianes cultivées sont susceptibles d’être considérées comme des ressources privées ou associatives, protégées par ceux qui les exploitent. <a href="http://www.ecologyandsociety.org/vol5/iss2/art13/">Cette promesse plausible</a> a servi de principe d’action à <a href="https://doi.org/10.1051/cagri/2017059">deux programmes de recherche concertée</a> menés par le Cirad et le FOFIFA en concertation avec quatre villages de cueilleurs de voatsiperifery.</p>
<p>Dans deux d’entre eux, la concurrence avec d’autres cultures plus lucratives – la vanille et les fruits de la passion – a conduit à un abandon de la tentative de domestication. Dans les deux autres, les recherches ont permis de <a href="https://doi.org/10.17660/ActaHortic.2023.1362.80">maîtriser les premières étapes de multiplication par bouturage et germination</a>.</p>
<p>Les premières enquêtes conduites trois ans après la replantation de lianes en forêt mettent en évidence une forte augmentation de la densité en lianes de tsiperifery, y compris dans des zones hors plantation. Les riverains de la forêt ont donc cessé d’arracher les lianes, en replantent et opèrent une surveillance des parcelles forestières qui les abritent. Le tsiperifery y a changé de statut. De liane sauvage en libre accès, il devient un argument en faveur de la conservation de la forêt.</p>
<p>Le chemin vers la domestication du poivre sauvage reste cependant encore long. Il faut à présent investir des aspects agronomiques comme la fertilisation, la sélection variétale et la protection des cultures. Au niveau de la filière, les paysans ne cultiveront du tsiperifery que s’ils sont convaincus de pouvoir écouler leurs produits à un prix acceptable. Une évolution des relations entre amont et aval de la filière semble nécessaire à cet égard.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223589/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Queste travaille au Cirad. Cet établissement de recherche public français a reçu des financements de l'Union Européenne et de la société Solina pour la mise en œuvre de recherches sur le tsiperifery. D'autres financements de l'Agence Nationale de la Recherche, des sociétés Yves Rocher et l'Oréal ont été perçus pour développer des recherches sur d'autres produits forestiers non ligneux à Madagascar.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Harizoly Razafimandimby a reçu des financements de International Foundation for Science.</span></em></p>Poivre sauvage endémique de Madagascar, le voatsiperifery est une épice prisée des grandes tables. Mais son exploitation doit réussir à préserver son milieu et garantir aux producteurs une rémunération juste.Jérôme Queste, Sociologue, CiradHarizoly Razafimandimby, Maître de Recherche Gestion des Ressources Naturelles et Développement, FOFIFALicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2228392024-02-26T15:50:11Z2024-02-26T15:50:11ZPeut-on se passer de plastique en agriculture ?<p>En novembre 2023, les Nations unies se sont réunies pour élaborer un <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/291790-pollution-plastique-pas-daccord-au-kenya-pour-un-traite-international">traité international sur la pollution plastique</a>, avec un instrument qui se veut juridiquement contraignant. Un effort pour l’instant en forme de coup d’épée dans l’eau, puisque les discussions n’ont pas abouti.</p>
<p><a href="https://www.unep.org/inc-plastic-pollution/session-4">Les discussions se poursuivront</a> en avril 2024 sur un <a href="https://wedocs.unep.org/bitstream/handle/20.500.11822/44526/RevisedZeroDraftText.pdf">projet de texte révisé</a>. Sans surprise, les exportateurs de pétrole, qui sert de base à la fabrication des plastiques, ne <a href="https://www.voanews.com/a/un-plastic-treaty-talks-grapple-with-re-use-recycle-reduce-debate-/7361510.htm">sont pas favorables à une réduction de la production de plastique</a>. Au vu de la quantité de secteurs économiques qui dépendent du plastique, l’inertie est grande.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-lindustrie-fossile-influence-les-negociations-mondiales-sur-le-plastique-222112">Comment l’industrie fossile influence les négociations mondiales sur le plastique</a>
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<p>Le problème de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pollution-plastique-81856">pollution</a> posé par le plastique est bien connu. Il s’agit du <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0025326X22010402">troisième matériau de synthèse le plus produit</a> après le ciment et l’acier. Entre 1950 et 2017, la production de plastique neuf a atteint <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0025326X22010402">9 200 millions de tonnes</a> et pourrait atteindre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/B9780128178805000025">34 milliards de tonnes en 2050</a>.</p>
<p>Ce qui n’empêche guère l’insolent succès du plastique. Notamment en agriculture, où le matériau est notamment prisé pour le paillage des cultures. L’enjeu : contrôler la température du sol et le rayonnement solaire, limiter l’évaporation d’eau et empêcher le développement des mauvaises herbes (ou adventices). Des alternatives biodégradables existent, mais elles ne sont pas dénuées d’inconvénients…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/vers-des-plastiques-biodegradables-et-recyclables-la-piste-des-phas-progresse-211962">Vers des plastiques biodégradables et recyclables ? La piste des « PHAs » progresse</a>
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<h2>Bienvenue dans le « plasticocène »</h2>
<p>Pour qualifier l’omniprésence du plastique, certains parlent de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048969723034903">« plasticocène »</a>, sur le modèle de la construction du mot <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0025326X22010402">anthropocène</a>. Sur tout le plastique produit depuis 1950, <a href="https://wedocs.unep.org/bitstream/handle/20.500.11822/36963/POLSOL.pdf">seuls 24 % sont encore en usage</a>, 8 % ont été recyclés, et plus de la moitié (58 %) a été jetée (décharges ou autres) dans l’environnement.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/573795/original/file-20240206-28-l2g5ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/573795/original/file-20240206-28-l2g5ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/573795/original/file-20240206-28-l2g5ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=648&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/573795/original/file-20240206-28-l2g5ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=648&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/573795/original/file-20240206-28-l2g5ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=648&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/573795/original/file-20240206-28-l2g5ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=814&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/573795/original/file-20240206-28-l2g5ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=814&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/573795/original/file-20240206-28-l2g5ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=814&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Production globale de plastique depuis 1950.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.grida.no/resources/15041">GRID-Arendal/UNEP (2021)</a></span>
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</figure>
<p>En bout de course, le plastique s’accumule l’environnement : dans les sols et dans les systèmes aquatiques. L’image du <a href="https://marinedebris.noaa.gov/info/patch.html">« continent de plastique »</a> illustre bien le phénomène. À l’échelle macroscopique ou microscopique, les plastiques créent des risques pour de nombreux organismes et écosystèmes terrestres et marins.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/que-sont-les-microplastiques-et-pourquoi-sont-ils-un-enorme-probleme-dans-les-oceans-144634">Que sont les microplastiques et pourquoi sont-ils un énorme problème dans les océans ?</a>
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<h2>Le plastique en agriculture, à la fois bénédiction et malédiction</h2>
<p>Le plastique possède de nombreux atouts : robuste, flexible, léger et bon marché. Une bénédiction pour l’industrie et les consommateurs, mais une malédiction pour l’environnement. Dans la production agricole, le paillage plastique permet de protéger les récoltes et <a href="https://doi.org/10.3390/polym14235062">d’augmenter les rendements de production</a>.</p>
<p><em>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p>Grâce au « mulch » (paillis) de plastique, les agriculteurs peuvent prolonger la période de récolte et réduire les pertes. De quoi mieux contrôler l’humidité du sol, empêcher le développement des mauvaises herbes, limiter le recours aux pesticides, aux engrais, diminuer les besoins d’eau et même protéger le sol de l’érosion.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/573860/original/file-20240206-24-c4wbsm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/573860/original/file-20240206-24-c4wbsm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/573860/original/file-20240206-24-c4wbsm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/573860/original/file-20240206-24-c4wbsm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/573860/original/file-20240206-24-c4wbsm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/573860/original/file-20240206-24-c4wbsm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/573860/original/file-20240206-24-c4wbsm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Paillage plastique pour protéger des champs de Maïs en Belgique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gilles San Martin/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>De ce point de vue, l’<a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s13593-011-0068-3">application de paillis plastique</a> contribue donc à la protection de l’environnement et à l’utilisation durable des ressources… Mais ce dernier présente aussi des aspects négatifs.</p>
<p>D’abord parce que le plastique est produit à partir de pétrole, et que son usage en agriculture n’est pas très esthétique dans le paysage. La couverture du sol modifie aussi les écosystèmes de la flore et de la faune. Mais aussi parce que des fragments de plastique et de microplastique vont se retrouver dans les sols, pouvant être lessivés <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0048969716301528">jusque dans les écosystèmes aquatiques</a>.</p>
<p>Il est donc essentiel de trouver des alternatives moins problématiques. Mais toutes les options ne sont pas des compromis acceptables.</p>
<h2>Des alternatives biodégradables parfois pires</h2>
<p>L’industrie tente généralement de résoudre le problème de la pollution plastique agricole en utilisant des paillages plastiques biodégradables. Ces derniers ont toutefois plusieurs inconvénients : moins solides, ils <a href="https://doi.org/10.1016/j.apsoil.2022.104667">peuvent libérer davantage de matière plastique dans le sol</a>.</p>
<p>L’utilisation de paillage en plastiques biodégradables suggère une production agricole durable. Mais leur biodégradabilité et les émissions de plastique qu’ils entraînent dans l’environnement constituent des sujets de préoccupation.</p>
<p>Pour être qualifié de plastique biodégradable, un matériau doit pouvoir être transformé en CO<sub>2</sub>, eau et biomasse par des micro-organismes en <a href="https://natureplast.eu/en/biodegradable-plastics-definitions-and-standards/">moins de 24 mois</a>. Cette aptitude à la dégradation est généralement vérifiée en laboratoire dans des conditions contrôlées.</p>
<p>Le problème ? C’est qu’il n’y a <a href="https://doi.org/10.1016/j.jhazmat.2022.130055">pas assez de preuves</a> pour s’assurer que cela fonctionne aussi bien dans le vrai sol sans impacter négativement son écosystème… Si les plastiques biodégradables ne le sont pas suffisamment, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11367-023-02253-y">alors ils peuvent s’accumuler dans le sol</a>. Des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0045653522023323">recherches supplémentaires sont donc requises</a> avant d’affirmer que les paillis plastiques biodégradables constituent une alternative intéressante aux paillis plastiques non biodégradables.</p>
<p>Dans certains cas, des alternatives comme le <a href="https://bnrc.springeropen.com/articles/10.1186/s42269-020-00290-3">paillage végétal</a>) peuvent être intéressantes, mais elles sont généralement moins efficaces contre la prolifération des mauvaises herbes et pour conserver la chaleur au sol. De nouvelles technologies (par exemple, le paillis de cellulose ou les films de paillis liquides) sont également en cours de développement. Mais pour l’instant, ces options <a href="https://doi.org/10.3390/agronomy10101618">restent moins intéressantes que les paillis en plastique</a>.</p>
<h2>Des pistes pour améliorer les paillages plastiques</h2>
<p>Les scientifiques travaillent au développement de matériaux nouveaux qui combineraient les avantages des plastiques les plus robustes, tout en pouvant se dégrader rapidement dans l’environnement. Or, il est difficile de combiner les deux caractéristiques. Pour l’heure, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10666-022-09826-5">cela nécessite des technologies sophistiquées et des coûts de production encore très élevés</a>.</p>
<p>L’augmentation de la stabilité et de la résistance à la traction du paillage plastique est une autre stratégie pour réduire ses émissions de plastique dans l’environnement. Pour cela, on peut soit améliorer la structure chimique du film plastique, soit tout simplement en augmenter l’épaisseur. C’est ce que montre une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10666-023-09944-8">étude récente</a> que j’ai menée, qui s’intéressait à la situation en Allemagne.</p>
<p>En effet, on observe que des films de paillage épais, de l’ordre de 50 micromètres d’épaisseur, libèrent <a href="https://doi.org/10.5194/soil-8-31-2022">moins de plastique dans l’environnement que des films plus fins</a>. Remplacer un film de paillage plastique de 20 micromètres d’épaisseur par un film de 30 ou 40 micromètres <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10666-022-09826-5">peut ainsi réduire les émissions de plastique</a>.</p>
<p>Cependant, l’augmentation de cette épaisseur entraîne des coûts plus élevés et une augmentation des quantités de plastique totales étendues dans les champs. Des systèmes efficaces de recyclage des films de paillage usagés peuvent permettre de lutter contre l’augmentation des déchets plastiques. <a href="https://www.erde-recycling.de/en/erde-news/ik-initiative-erde-starts-collecting-mulch-film-in-germany/">Une initiative existe déjà en Allemagne pour recycler les films de paillage usagés</a>.</p>
<p>En fin de compte, le statut de bénédiction ou de malédiction du plastique en agriculture va surtout dépendre de la façon dont il est utilisé, dont il est éliminé et dont il est recyclé. Un concept qui n’est pas très nouveau.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-dechets-plastiques-de-lafrique-de-louest-pourraient-alimenter-leconomie-au-lieu-de-polluer-les-oceans-217849">Les déchets plastiques de l'Afrique de l'Ouest pourraient alimenter l'économie au lieu de polluer les océans</a>
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<img src="https://counter.theconversation.com/content/222839/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Martin Henseler ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le plastique est très utilisé en agriculture pour le paillage des cultures, où il pose des problèmes de pollution. Des alternatives existent, mais elles ne sont pas toujours satisfaisantes.Martin Henseler, Research Engineer, Laboratoire d’Economie Rouen Normandie, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2241812024-02-26T15:47:31Z2024-02-26T15:47:31ZRéussir la relève agricole : le rôle capital des entreprises familiales<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/577274/original/file-20240222-30-urbkvd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=37%2C7%2C1135%2C781&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La France compte 100&nbsp;000 exploitations de moins qu’en 2010.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/710513">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le modèle de l’entrepreneuriat familial, <a href="https://journals.openedition.org/economierurale/5150">majoritaire dans l’agriculture française</a>, apparaît aujourd’hui comme un levier économique robuste mais vulnérable, un mois après le mouvement de colère qui <a href="https://www.lefigaro.fr/politique/en-direct-crise-agricole-gabriel-attal-devoile-de-nouvelles-mesures-pour-tenter-de-calmer-la-fronde-20240221">s’est prolongé lors de l’ouverture du Salon de l’agriculture</a>, le 24 février à Paris.</p>
<p>Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’agriculture familiale joue en effet un rôle essentiel pour ce qui est de <a href="https://www.fao.org/3/cb8227fr/cb8227fr.pdf">rendre les systèmes agroalimentaires plus inclusifs et plus durables</a>, plus résilients, et plus efficaces. En tant que gardiens de la biodiversité, des paysages, des communautés, et du patrimoine culturel, les agriculteurs familiaux dépassent les simples considérations de rentabilité financière pour y inclure des considérations d’ordre <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0894486520910876">socio-émotionnel</a>. Avec cet état d’esprit, les entreprises familiales agricoles s’avèrent être non seulement plus performantes mais également <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0308521X21000354">plus résilientes</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Salon de l’agriculture : une journée de tensions, huées et dialogue (TF1 INFO, 25 février 2024).</span></figcaption>
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<p>Ainsi, plutôt que de se centrer exclusivement sur les <a href="https://www.20minutes.fr/societe/3347415-20221017-education-pourquoi-lycees-agricoles-attirent-plus-plus-jeunes">jeunes dans les lycées agricoles</a>, transmettre l’entreprise à la génération suivante apportera des <a href="https://www.worldscientific.com/doi/pdf/10.1142/S0218495822300013">atouts uniques</a> performance : vision de long-terme, ancrage territorial fort ou encore ressources stratégiques (histoire, savoir-faire, valeurs, capital de confiance, etc.). Mais comment relever ce défi de la transmission générationnelle ?</p>
<p>Notre récente <a href="https://www.worldscientific.com/doi/10.1142/S0218495822300013">recherche</a> apporte des éléments de réponse à cette question. Il en ressort notamment que, s’il existe un <a href="https://www.institutmontaigne.org/expressions/salon-international-de-lagriculture-2023-un-secteur-agricole-en-mal-dattractivite">problème d’attractivité chez les jeunes</a> pour les métiers agricoles et l’installation en agriculture, le véritable défi réside au niveau intergénérationnel. La génération des cédants partage également une responsabilité dans ce problème.</p>
<h2>La composante familiale s’estompe</h2>
<p>Tout d’abord, notons que des mutations structurelles compliquent cette transmission. La composante familiale tend ainsi à s’atténuer dans le travail agricole. Les exploitants agricoles ont de plus en plus recours à une main-d’œuvre extérieure au cercle familial, souvent sous forme de salariat agricole.</p>
<p>L’agriculture est également largement perçue comme générant des revenus modestes et impliquant des contraintes de travail importantes. Les générations plus jeunes, du fait de leurs parcours éducatifs, s’éloignent en outre souvent de l’exploitation. Il faut aussi composer avec le phénomène d’<a href="https://chambres-agriculture.fr/actualites/toutes-les-actualites/detail-de-lactualite/actualites/agribashing-un-terme-a-proscrire-pour-comprendre-la-relation-agriculture-et-societe/">« agribashing »</a> qui peut constituer un repoussoir.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Le recensement agricole de 2020 révèle ainsi que la France compte <a href="https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/download/publication/publie/Pri2210/Primeur%202022-10_RA_Age%20des%20exploitations.pdf">100 000 exploitations de moins</a> qu’en 2010. Deux phénomènes s’articulent : la baisse du nombre total des exploitations des entreprises réalisant moins de 2000 euros de recettes par mois et l’agrandissement des exploitations agricoles.</p>
<p>Les jeunes estiment que la durée de travail en agriculture est non seulement élevée par rapport à d’autres secteurs, mais également répartie sur tous les jours de la semaine. En 2019, les agriculteurs ont déclaré travailler en moyenne <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4806717">55 heures par semaine</a> pour leur emploi principal, comparé à 37 heures pour l’ensemble des travailleurs. Cette réalité va à l’encontre de ce que recherche la nouvelle génération, qui aspire à <a href="https://theconversation.com/equilibre-de-vie-sens-ethique-les-nouvelles-cles-pour-fideliser-les-jeunes-en-entreprise-184504">trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie privée</a>.</p>
<h2>« La nouvelle génération peut faire la différence »</h2>
<p>Cependant, les jeunes particulièrement enthousiastes à entreprendre dans le domaine agricole, qu’ils soient ou non membres d’entreprises familiales agricoles, sont motivés avant tout par le désir d’avoir « un travail stimulant » et attirés par des approches respectueuses de l’écosystème.</p>
<p>Une agricultrice interrogée sur sa motivation, dans le cadre d’une enquête menée auprès des étudiants ingénieurs d’UniLaSalle (Communication au séminaire interne « L’entrepreneuriat agricole des jeunes : quels moyens pour réussir », octobre 2021), met par exemple en avant :</p>
<blockquote>
<p>« Une envie forte de m’impliquer face aux enjeux du changement climatique. Une prise de conscience personnelle assez forte de vouloir être dans l’action […] car le secteur agricole a une importance vitale pour la société, pour le monde, pour le rôle à jouer face aux enjeux du changement climatique justement. ».</p>
</blockquote>
<p>En entreprise familiale, la motivation de la nouvelle génération s’inscrit également dans cette lignée tout en s’imbibant d’autres dimensions. Comme l’affirme Marianne Gamet, membre de la troisième génération d’une lignée de producteurs de champagne, « la nouvelle génération peut faire la différence dans l’entreprise familiale agricole ». Tout en s’acharnant à dire que la cession de parts de l’entreprise à un investisseur externe n’est pas une option pour elle, rejoindre la <a href="https://www.champagne-gamet.com/">Maison de Champagne Gamet</a> trouve ses sources dans la passion du métier qui lui a été transmise et qu’elle tient à perpétuer pour assurer la continuité de l’affaire familiale.</p>
<p>En France comme <a href="https://research-repository.uwa.edu.au/en/publications/changing-land-management-adoption-of-new-practices-by-rural-landh">ailleurs</a>, cette motivation se concrétise dans la diversification des activités : méthanisation, le photovoltaïque, le tourisme agricole ou encore à visée éducative, à l’instar de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=N3oEaqjTt_Q">l’entreprise Oleastro</a>, productrice d’olives et de produits dérivés qui a été pionnière à Chypre en matière de production bio. Autres exemples : l’entreprise chypriote <a href="https://www.youtube.com/watch?v=fTEPv-ZBoZk">Golden Donkey Farm</a>, qui développe des produits à base de lait d’ânesse avec des activités culturelles sur la ferme, ou encore, en France, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=RoajZS1gVTs">Les Délices du Jardin d’Ainval</a>, qui propose des visites de la ferme aux écoles avec un retour aux racines mettant en valeur les légumes « oubliés ».</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/N3oEaqjTt_Q?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Olive Park Oleastro (ARTISAN EU, 2018).</span></figcaption>
</figure>
<p>L’esprit entrepreneurial, souvent considéré comme l’ADN des entreprises familiales, incarne l’essence même des facteurs de motivation des jeunes familiaux à prendre la relève, notamment le goût des défis à relever, le désir d’autonomie, la créativité, la volonté de s’impliquer dans les décisions et de concrétiser des projets. L’alliance entre aspects psychologiques et organisationnels constitue donc le point clé de la transmission dans le secteur agricole.</p>
<h2>Se retirer au bon moment</h2>
<p>Une relation saine entre le cédant et le repreneur contribue par ailleurs à établir des bases solides, entraînant une cohabitation harmonieuse et, par conséquent, une transition réussie de l’affaire agricole dans le cadre familial. Elle implique une <a href="https://www.researchgate.net/publication/358884227_Motivating_Next-generation_Family_Business_Members_to_Act_Entrepreneurially_a_Role_Identity_Perspective">compréhension des attentes mutuelles</a>, suivie par un ajustement effectif des rôles et des décisions. Les prédécesseurs doivent également être capables à la fois d’accompagner la phase post-transmission et de se retirer au bon moment, en <a href="https://api.pageplace.de/preview/DT0400.9781641135320_A37017984/preview-9781641135320_A37017984.pdf">faisant confiance</a> à la jeune génération.</p>
<p>Le rôle des exploitants agricoles en place est donc de se préparer à cette transition en l’anticipant et en travaillant à rendre leurs exploitations transmissibles aux nouvelles générations. Cela implique de répondre à leurs attentes en créant des conditions favorables à la reprise, notamment en adoptant des pratiques et des modèles d’exploitation qui tiennent compte des évolutions souhaitées par cette nouvelle génération.</p>
<p>Parmi ces adaptations, figure l’organisation du travail, notamment le recrutement de salariés pour améliorer les conditions de travail sur l’exploitation en réduisant la pénibilité et les contraintes. En déléguant les tâches techniques, l’exploitant agricole peut par exemple consacrer davantage d’attention à des aspects stratégiques, innovants et durables de l’exploitation. Réduisant ainsi la pénibilité liée aux nombreuses activités agricoles exigeantes physiquement, l’agriculteur contribue à moderniser l’image de l’agriculture, démontrant qu’elle est une profession dynamique, impliquant des compétences variées et <a href="https://start.lesechos.fr/travailler-mieux/metiers-reconversion/les-agriculteurs-devront-etre-des-super-entrepreneurs-selon-audrey-bourolleau-directrice-dhectar-2077731?xtor=CS2-13">offrant des opportunités de carrière diversifiées</a>.</p>
<h2>« Apporter quelque chose de nouveau »</h2>
<p>Les exemples d’installations réussies dans le cadre familial soulignent l’importance cruciale de la transmission des savoirs et des valeurs familiales, conjuguée à une approche innovante indispensable pour garantir la durabilité de l’exploitation et l’épanouissement du repreneur. Marius Voeltzel, producteur de légumineuses dans l’Eure et créateur de la marque Pousses de là, illustre cette dynamique :</p>
<blockquote>
<p>« Le message de ma mère a toujours été clair, à mon frère et à moi-même. Si nous voulons nous installer, nous avons la possibilité de reprendre une partie de l’exploitation, mais à condition d’avoir un projet en tête visant à apporter quelque chose de nouveau. Pour moi, cette approche est stimulante, car elle me pousse à réfléchir sur la manière dont je peux apporter ma propre contribution distinctive à l’exploitation. Ma mère nous a également apporté son soutien en fournissant les outils nécessaires et en nous aidant physiquement, mon frère et moi, dès notre arrivée sur l’exploitation. En effet, lorsqu’on débute, il n’est pas toujours possible d’acheter immédiatement des équipements importants tels qu’un tracteur ou du matériel agricole ».</p>
</blockquote>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/AzxClVZmcT8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Transmission de l’entreprise familiale agricole : société Pousses de là (UniLaSalle, 2022).</span></figcaption>
</figure>
<p>Ce dernier exemple montre bien que les dimensions entrepreneuriales, organisationnelles, et psychologiques constituent autant de dimensions à considérer, en plus de celles relevant d’un soutien administratif ou financier, si l’on veut développer durablement les entreprises familiales agricoles, poumon de l’agriculture française.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224181/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La transmission générationnelle des exploitations n’est pas seulement essentielle pour pérenniser le secteur mais aussi pour l’orienter vers des pratiques plus durables.Rania Labaki, Directrice de l’EDHEC Family Business Centre, EDHEC Business SchoolMaryem Cherni, Enseignant-chercheur en Stratégie et Innovation, UniLaSalleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2233872024-02-25T16:27:23Z2024-02-25T16:27:23ZComment la société française a appris à mépriser les « paysans » et leurs « patois »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/577081/original/file-20240221-20-u0u13t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=28%2C102%2C1537%2C960&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une chanson en patois limousin. Carte postale ancienne. </span> </figcaption></figure><p>Les manifestations récentes par lesquelles le monde agricole français a fait entendre ses protestations et ses revendications ont, une fois de plus, fait apparaître des différences profondes, voire des fractures, <a href="https://theconversation.com/comprendre-le-malaise-des-agriculteurs-127862">entre le monde rural et le monde urbain</a> et plus encore entre des images valorisantes de l’urbanité et <a href="https://www.cairn.info/manuel-indocile-de-sciences-sociales--9782348045691-page-864.htm">dévalorisantes de la ruralité</a>.</p>
<p>La France moderne a été construite depuis <a href="https://www.cairn.info/sociologie-de-paris--9782707182623-page-39.htm">Paris</a>, <a href="https://www.cairn.info/sociologie-historique-du-politique--9782707196477-page-19.htm">lieu de la puissance politique</a>, en développant un sentiment de supériorité de la capitale sur « la province » (le singulier est significatif) et des villes (supposées modernes) sur les campagnes (supposées arriérées). Au lieu d’être fédérale, vu sa diversité, « la France est un pays dont l’unité a été construite à coups de cravache […] par l’autorité de l’État central », <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/linvitee-des-matins/lantisemitisme-de-laffaire-dreyfus-a-miss-france-en-passant-par-laffaire-epstein">selon Jean Viard</a>.</p>
<p>Les normes sociales valorisées ont donc été celles, urbaines, de la <a href="https://www.cairn.info/sociologie-de-paris--9782707182623-page-39.htm">ville-capitale</a> érigée en phare de l’État hypercentralisé. On le voit, par exemple, dans le fait qu’en français le mot <a href="http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?13;s=802211895;r=1;nat=;sol=2;">urbain</a> a le double sens « de la ville » et « poli, courtois » et que le mot <a href="http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?71;s=802211895;r=2;nat=;sol=0;">paysan</a> a le double sens de « rural, agricole » et « rustre, grossier ». Ce mode de relation est clairement confirmé par une analyse sociolinguistique plus large, comme on va le voir ci-après. En effet, la sociolinguistique a pour but d’étudier principalement deux choses : les effets de l’organisation d’une société sur les langues qu’on y parle et ce que la place faite aux langues révèle de l’organisation de cette société.</p>
<h2>Paris, ses bourgeois et leur langue érigés en modèle</h2>
<p>C’est en effet la langue de la capitale qui a été imposée notamment <a href="https://www.axl.cefan.ulaval.ca/francophonie/HIST_FR_s8_Revolution1789.htm">à partir de la Révolution française</a> à l’ensemble des populations progressivement rattachées à la France. Elle est considérée comme la <a href="https://theconversation.com/le-conseil-constitutionnel-a-deja-pris-des-decisions-plus-politiques-que-juridiques-lexemple-des-langues-dites-regionales-203771">langue « normale » en France</a>. Et c’est le français des classes supérieures parisiennes qui a été prescrit comme modèle d’expression. Ainsi le <a href="https://www.revuedesdeuxmondes.fr/wp-content/uploads/2018/01/Claude-Favre-de-Vaugelas.pdf">grammairien Vaugelas définissait-il ce « bon français » en 1647</a> :</p>
<blockquote>
<p>« La façon de parler de la plus saine partie de la Cour […] Quand je dis la cour, j’y comprends les femmes comme les hommes, et plusieurs personnes de la ville où le prince réside. »</p>
</blockquote>
<p>La prétendue supériorité universelle du français, par opposition à toutes les autres langues et d’autant plus aux « patois régionaux », affirmée dès 1784 par le pamphlétaire <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k81622t.image">Rivarol</a>, est régulièrement reprise dans les discours étatiques <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2023/10/30/inauguration-de-la-cite-internationale-de-la-langue-francaise-a-villers-cotterets">jusqu’à aujourd’hui</a>, par exemple par le président de la République lui-même lorsqu’il inaugure une <a href="https://blogs.mediapart.fr/philippe-blanchet/blog/141020/cite-de-la-langue-francaise-villers-cotterets-le-contresens-d-un-mythe-national">cité qui cultive les mythes</a> sur la langue française.</p>
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<p>Tout au long du XIX<sup>e</sup> siècle, la construction de la nation française passe par cette vision de la langue française, que l’école de la III<sup>e</sup> République (1870-1940) est chargée de mettre en œuvre de façon particulièrement offensive.</p>
<p>En 1951, le phonéticien Pierre Fouché poursuit cette vision suprémaciste de la langue de Paris et de ses classes dominantes en établissant pour l’enseignement une <a href="https://www.cairn.info/revue-langage-et-societe-2015-1-page-7.htm">norme de prononciation du français</a> sur le modèle d’une « conversation soignée chez des Parisiens cultivés ».</p>
<h2>Les « patois pauvres et corrompus » des campagnes « provinciales »</h2>
<p>Quant aux autres <a href="https://www.axl.cefan.ulaval.ca/monde/langues_de_France.htm">langues de France</a>, comme on les appelle depuis 1999, elles ont, à l’inverse, été disqualifiées par le nom de « patois » au départ méprisant, par l’association au seul monde rural et à une arriération prétendue. L’origine du mot « patois » est discutée, mais il est très probable qu’il vienne du verbe « patoiller » qui veut dire soit « marcher dans la boue, barboter, patauger », soit « gesticuler, parler en faisant des signes avec les mains ». Dans les deux cas, c’est un terme péjoratif à l’origine.</p>
<p>Or, tout ceci est doublement faux : ces langues étaient aussi celles des villes (à Marseille par exemple le provençal était la langue générale jusque dans les années 1920) et d’intellectuels (Frédéric Mistral, licencié en droit, a reçu le prix Nobel de littérature pour son œuvre toute en provençal).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/577083/original/file-20240221-30-6eyjyr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577083/original/file-20240221-30-6eyjyr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=485&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577083/original/file-20240221-30-6eyjyr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=485&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577083/original/file-20240221-30-6eyjyr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=485&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577083/original/file-20240221-30-6eyjyr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577083/original/file-20240221-30-6eyjyr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577083/original/file-20240221-30-6eyjyr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Frédéric Mistral.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais les préjugés sont fondés sur un aveuglement pour ne voir que ce que l’on veut voir. Ainsi, on lit dans <a href="http://enccre.academie-sciences.fr/encyclopedie/page/v12-p184/">l’Encyclopédie</a> (1765) :</p>
<blockquote>
<p>« Patois : Langage corrompu tel qu’il se parle presque dans toutes les provinces : chacune a son patois ; ainsi nous avons le patois bourguignon, le patois normand, le patois champenois, le patois gascon, le patois provençal, etc. On ne parle la langue que dans la capitale. »</p>
</blockquote>
<p>Le <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3413126b">Dictionnaire de Furetière</a> (1690) précisait :</p>
<blockquote>
<p>« Langage corrompu et grossier tel que celui du menu peuple, des paysans, et des enfants qui ne savent pas encore bien prononcer. »</p>
</blockquote>
<p>À la création de la 1<sup>ere</sup> République française, ses responsables considéraient ainsi que dans les provinces on parlait « ces jargons barbares et ces idiomes grossiers » à « éradiquer » (<a href="https://www.axl.cefan.ulaval.ca/francophonie/barere-rapport.htm">Rapport Barrère</a>, publié en 1794). Pourquoi ? Parce que « nous n’avons plus de provinces et nous avons encore environ trente patois qui en rappellent les noms » dont « deux idiomes très dégénérés » et parce que « l’homme des campagnes, peu accoutumé à généraliser ses idées, manquera toujours de termes abstraits » à cause de cette « inévitable pauvreté de langage, qui resserre l’esprit » disait le <a href="https://www.axl.cefan.ulaval.ca/francophonie/gregoire-rapport.htm">Rapport Grégoire</a> (publié en 1794). Il ajoutait « les nègres de nos colonies, dont vous avez fait des hommes, ont une espèce d’idiome pauvre », ne mesurant pas le racisme linguistique de son propos. </p>
<p>Le mépris des provinciaux, des ruraux et de leurs langues, alimentés par ces préjugés conjugués, a été sans borne. Il a culminé au XIX<sup>e</sup> siècle sous la forme d’un véritable racisme, dont celui contre les <a href="https://hal.science/hal-00879629/document">Bretons</a> ou les <a href="https://www.codhis-sdgd.ch/wp-content/uploads/2020/11/Didactica-6_2020_Piot.pdf">Méridionaux</a>, bien attesté.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=986&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=986&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=986&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1238&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1238&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577084/original/file-20240221-22-7v1o6p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1238&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le rapport de l’Abbé Grégoire.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À l’époque <a href="http://www.sociolinguistique.fr/">l’étude scientifique des langues</a> n’existait pas encore. La sociolinguistique, qui se développe à partir des années 1950-1970, a montré par la suite que toutes les langues sont égales (y compris celles dites « patois ») : aucune n’est supérieure ou inférieure à une autre en raison de ses caractéristiques proprement linguistiques. Ce sont les hiérarchisations sociales qui se reflètent en hiérarchisation des langues ou de leurs variétés locales ou sociales particulières.</p>
<p>Hélas, comme on l’observe trop souvent et encore plus à l’époque des « fake news », les connaissances scientifiques ont du mal à remplacer les croyances répandues dans l’opinion publique. C’est d’autant plus le cas quand il s’agit de langues en France, pays où a été instaurée une véritable <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/2003/11/25/le-francais-religion-d-etat-par-bernard-cerquiglini_343309_1819218.html">religion nationale de la langue française</a> accompagnée d’une sorte d’excommunication des autres langues.</p>
<p>En conséquence, cette conception est encore présente de nos jours. Le <a href="http://atilf.atilf.fr/">Trésor de la Langue française</a> (CNRS) la décrit ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Patois : Parler essentiellement oral, pratiqué dans une localité ou un groupe de localités, principalement rurales. Système linguistique restreint fonctionnant en un point déterminé ou dans un espace géographique réduit, sans statut culturel et social stable […]. Langage obscur et inintelligible. Synonymes : baragouin, charabia, jargon. »</p>
</blockquote>
<h2>Le « plouc » et son parler aussi méprisés l’un que l’autre</h2>
<p>Aujourd’hui encore, le stéréotype du « plouc » est fortement voire principalement constitué de caractéristiques linguistiques (“phrase, accent, prononciation, langue”), comme le montre <a href="https://www.cairn.info/revue-politiques-de-communication-2018-1-page-55.htm?contenu=article">l’étude de Corentin Roquebert</a>, qui conclut :</p>
<blockquote>
<p>« On peut relever l’association forte entre des catégories et des objets plus ou moins valorisés socialement, ce qui favorise l’expression d’un jugement social positif ou négatif sur une population : le beauf comme personnage raciste et sexiste, le hipster branché et cool qui n’aime pas le mainstream, la prononciation et l’accent du plouc. »</p>
</blockquote>
<p>Les préjugés <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-glottophobie-219038">glottophobes</a> contre des « patois » supposés employés (uniquement) par des « paysans » <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/07/10/les-deux-bouts-de-la-langue-par-michel-onfray_1386278_3232.html">sont toujours là</a>. Et même quand les « paysans » et autres « provinciaux » ont finalement adopté le français, bon gré mal gré, on continue à stigmatiser les <a href="https://francaisdenosregions.com">traces de leurs “patois” dans leurs façons de parler français</a> : mots locaux, expressions, tournures, et <a href="https://www.lexpress.fr/societe/discrimination-a-l-embauche-moqueries-cette-france-allergique-aux-accents-regionaux_2126439.html">surtout accent</a>…</p>
<p>Le pseudo raisonnement, fondé sur des préjugés, est circulaire : les « patois » ne sont pas de vraies langues puisqu’ils sont parlés par des « paysans »/les « paysans » sont des rustres puisqu’ils parlent « patois ». Les deux stéréotypes négatifs projetés simultanément sur les « paysans » et sur les « patois » (ou les « accents » qu’il en reste), associés les uns aux autres, se renforcent réciproquement et produisent un mépris de classe renforcé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223387/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Blanchet est membre de la Ligue des Droits de l'Homme.</span></em></p>Comment s’est imposée la prétendue supériorité universelle du français, par opposition aux patois régionaux ?Philippe Blanchet, Chair professor, Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2241062024-02-25T16:26:54Z2024-02-25T16:26:54ZMobilisations agricoles : où (en) sont les femmes ?<p><a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/02/21/colere-des-agriculteurs-gabriel-attal-annonce-un-nouveau-projet-de-loi-d-ici-l-ete-pour-renforcer-le-dispositif-egalim_6217681_823448.html">« Colère des agriculteurs »</a>, « Manifestation des agriculteurs », « Blocage des agriculteurs ». Ces titres de presse éclairent à double titre l’invisibilisation de la participation et de l’expression syndicale des femmes dans le <a href="https://theconversation.com/colere-des-agriculteurs-ce-qui-etait-coherent-et-cohesif-est-devenu-explosif-222066">secteur agricole</a> : numériquement, en signifiant leur absence des scènes médiatiques et des terrains de la mobilisation, symboliquement, en renvoyant la <a href="https://theconversation.com/les-mouvements-de-contestation-des-agriculteurs-servent-ils-a-quelque-chose-221889">grogne</a> de la profession à des considérations uniquement portées par les hommes.</p>
<p>Les femmes représentaient en 2020 <a href="https://www.msa.fr/lfp/documents/98830/28556362/Population+f%C3%A9minine+en+agriculture+en+2020.pdf">26 % des chef·fe·s d’exploitation</a>, une part qui reste relativement stable. Elles sont majoritairement présentes en élevage et exercent davantage dans les filières de petits ruminants (caprins, ovins lait et viande), équine et avicole, qui généralement renvoient à des structures économiques de taille moyenne et petite.</p>
<p>Les <a href="https://www.oxfamfrance.org/app/uploads/2023/02/Oxfam_mediabrief_agriculture_Vdef.pdf">études</a> montrent que les femmes doivent se confronter à des représentations sociales qui peuvent décrédibiliser leur projet agricole : visions stéréotypées de ce qu’est « un exploitant agricole », remise en cause de la légitimité, remarques sexistes émanant des professionnel·le·s des instances agricoles telles que les commissions d’attribution des terres, banques, techniciens, bailleurs/futurs cédants, associations de développement agricole, etc. Plus généralement, des doutes persistent quant à la capacité d’une jeune femme à s’installer seule et les femmes sont soumises au test répété de leurs compétences.</p>
<p>Un constat qui par ailleurs contraste avec la féminisation des trois principales directions syndicales agricoles, à la tête desquelles œuvrent ou ont œuvré <a href="https://www.lesechos.fr/weekend/business-story/christiane-lambert-lagricultrice-la-plus-courtisee-de-france-2076504">Christiane Lambert</a> (pour la FNSEA), <a href="https://www.lecese.fr/membre/veronique-le-floch">Véronique le Floch</a> (pour la coordination rurale) et <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/crise/blocus-des-agriculteurs/salon-de-l-agriculture-emmanuel-macron-prevoit-un-moment-de-discussion-un-peu-long-avec-avec-les-syndicats-lors-de-l-inauguration-selon-la-confederation-paysanne_6373798.html">Laurence Marandola</a> (pour la Confédération paysanne).</p>
<p>Comment éclairer ce paradoxe d’une profession qui continue à se représenter au masculin alors que les femmes sont de plus en plus présentes dans les arènes décisionnelles et les instances de gouvernance du monde agricole ?</p>
<h2>Des rôles genrés dans la mobilisation</h2>
<p>Une première manière de répondre à cette apparente contradiction est de s’intéresser à la place qu’occupe objectivement les femmes dans l’organisation des événements manifestants. Malgré l’accaparement de la parole par les hommes depuis le coup d’envoi de la mobilisation, les agricultrices n’en sont pas pour autant absentes mais les rôles attribués aux hommes et aux femmes ne sont pas les mêmes : aux premiers les actions commandos et coups de force médiatiques, aux secondes les opérations de sensibilisation.</p>
<p>Les agricultrices invoquent alors un style « manifestant » complémentaire à celui des hommes.</p>
<p>Elles se présentent comme celles qui « prennent la relève » des hommes mobilisés, comme dans le cas <a href="https://www.ladepeche.fr/2024/01/27/colere-des-agriculteurs-les-femmes-prennent-la-releve-sur-le-barrage-de-demu-dans-le-gers-11725617.php">du barrage gersois de Dému</a> le 28 janvier dernier où est organisé, à l’initiative des agricultrices du département, une <a href="https://www.ladepeche.fr/2024/01/27/colere-des-agriculteurs-les-femmes-prennent-la-releve-sur-le-barrage-de-demu-dans-le-gers-11725617.php">journée dédiée aux femmes et aux familles</a>. Elles se représentent aussi comme celles qui « prennent le relais » sur les exploitations, en apportant <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/gironde/bordeaux/temoignages-sur-une-exploitation-une-femme-c-est-primordial-conjointes-meres-exploitantes-les-femmes-soutien-indefectible-des-agriculteurs-2914130.html%C3%A0">leur soutien à l’arrière</a>, incarnant ainsi les <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2013-3-page-99.htm">« épouses honorables et les gardiennes indéfectibles »</a> de la communauté familiale.</p>
<p>Leur prise de parole repose sur un <a href="https://www.cairn.info/load_pdf.php?download=1&ID_ARTICLE=SR_024_0043">mode d’argumentation moral et humaniste</a>, plutôt que directement politique ou syndical. Tout autant qu’elle vise l’apaisement après les excès de violence masculins, leur participation, parce que rare, a comme objectif de convaincre l’opinion publique de la profondeur du <a href="https://theconversation.com/colere-des-agriculteurs-ce-qui-etait-coherent-et-cohesif-est-devenu-explosif-222066">« malaise »</a> paysan. Produit d’une conception relativement traditionnelle des rôles de genre dans la profession, cette tactique de mobilisation (assurer l’arrière/prendre le relais/incarner une parole apaisante) est également un ressort de mobilisation stratégiquement encouragé par les organisations dominantes du gouvernement de l’agriculture et ses fractions les plus conservatrices.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/loin-de-leternel-paysan-la-figure-tres-paradoxale-de-lagriculteur-francais-169470">Loin de « l’éternel paysan », la figure très paradoxale de l’agriculteur français</a>
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<h2>Observer plus finement les actions de basse intensité</h2>
<p>Une seconde réponse à apporter est de regarder autrement les façons de militer pour la profession agricole. Si les médias portent les coups de projecteurs sur des répertoires d’action à forte dimension protestataires, une analyse du travail syndical agricole attentive aux rapports de genre réclame que l’on dépasse ces seuls temps forts de mobilisation pour davantage envisager les actions de promotion professionnelle dites <a href="https://www.theses.fr/2017REN1G038">« de basse intensité »</a>.</p>
<p>Nous entendons par ce terme l’ensemble des événements festifs, ludiques et récréatifs où se construit « discrètement » la défense de la cause agricole. Très régulièrement en effet, les agricultrices, réunis en collectif, mènent des actions de promotion de leur métier destinées à qui repose sur l’ouverture au public de leur territoire professionnel.</p>
<p>On pense ainsi aux portes ouvertes sur les exploitations, l’accueil de groupes scolaires, l’organisation d’animations autour de l’agriculture lors de salons agricoles locaux, les manifestations sportives ou des festivals…</p>
<p>Rien de surprenant alors que l’opération baptisée « sur la paille », lancée par la Coordination rurale de la Vendée au lendemain de l’annonce des mesures par le premier ministre Gabriel Attal, soit venue <a href="https://www.challenges.fr/economie/les-agriculteurs-sur-la-paille-se-deshabillent-pour-repondre-a-attal_881579">d’une agricultrice</a>. Rompant avec les habituels feux de pneus et épandages de lisiers, les manifestants présents ont exprimé leur ras-le-bol en entonnant, dévêtus derrière une large banderole, des chants.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/pZDi4oped0o?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Premier week-end de mobilisation pour les agriculteurs de Vendée (TV Vendée Actu, 29 janvier 2024).</span></figcaption>
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<p>Un registre humoristique qui n’est pas nouveau : des agricultrices avaient déjà posé en maillot de bain en 2014 <a href="https://www.ouest-france.fr/bretagne/rennes-35000/rennes-des-agricultrices-en-maillots-de-bain-pour-un-calendrier-2906455">pour la réalisation d’un calendrier</a> dont les bénéfices avaient été reversés à la recherche contre le cancer du sein.</p>
<h2>Les mandats agricoles de plus en plus tenus par des femmes</h2>
<p>Une autre forme d’engagement politique fort des femmes néanmoins peu analysée est leur place croissant au sein d’organisations professionnelles ou syndicales.</p>
<p>Certes le nombre d’agricultrices occupant des postes à responsabilité dans les organisations agricoles augmente tendanciellement. Ainsi, depuis 2012, les assemblées des chambres d’agriculture comptent un tiers de femmes. Globalement, les organisations agricoles cherchent à ce que leurs conseils d’administration soient composés d’au moins 30 % de femmes afin d’atteindre la représentation dite « miroir », c’est-à-dire <a href="https://www.cairn.info/revue-pour-2014-2-page-183.htm">descriptive</a>.</p>
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<p>Cependant, un très fort plafond de verre limite la progression des femmes dans la hiérarchie des mandats. Ainsi le nombre de femmes présidentes de chambres départementales d’agriculture reste très limité, <a href="https://www.senat.fr/rap/r16-615/r16-61512.html">on en compte trois à ce jour</a> : Drôme, Lozère et Côtes-d’Armor.</p>
<p>C’est également un mur de verre qui contribue à une répartition stéréotypée des mandats entre, d’une part, une surreprésentation des femmes dans les fonctions relevant des domaines considérés comme typiquement féminins (le social, la communication, la diversification) et, d’autre part, leur quasi-absence dans les mandats économiques et techniques les plus prestigieux. Au sein des coopératives d’utilisation de matériel agricole mais surtout dans les grands groupes industriels qui pèsent pourtant dans les orientations stratégiques et économiques de la profession, les femmes sont encore très peu présentes.</p>
<h2>Le manque de ressources</h2>
<p>Un ensemble de facteurs expliquent cette dichotomie. D’abord, comme elles sont rarement héritières de leurs entreprises par transmission familiale, elles estiment que les connaissances clefs du « milieu » leur font défaut (maîtrise enjeux fonciers, des données techniques, faible familiarité avec l’environnement institutionnel de la profession) pour évaluer l’opportunité d’une proposition, trancher des litiges et être la porte-voix de leurs homologues.</p>
<p>Ensuite, comme elles se sentent moins habilitées à manier les référents idéologiques, à émettre un avis syndical et à le défendre et à s’exposer publiquement aux jugements des pairs, elles se sentent éloignées des deux composantes gestionnaire et protestataire centrales du répertoire syndical agricole et incarnent moins immédiatement le rôle du « parfait » militant doté d’ambition, de tonus, de hauteur de vue et de charisme. Enfin, comme elles sont moins habituées à endosser ces fonctions, quand elles franchissent le pas, elles partagent une définition exigeante l’engagement porteuse de stress et de sentiment d’inconfort.</p>
<p>Pourquoi alors, certaines agricultrices et paysannes font figure d’exceptions ? Parce qu’elles sont dotées de ressources familiales, culturelles et sociales qui répondent aux qualités attendues du « bon » syndicaliste. Soit elles sont elles-mêmes filles de syndicaliste et ont été dès l’enfance socialisées aux rôles de responsables agricoles, soit elles ont eu des expériences scolaires et professionnelles antécédentes à l’agriculture qui leur ont permis de nourrir une aisance oratoire et argumentative ou encore de se forger des habitudes des négociations avec les pouvoirs publics, à l’instar de Danielle Even, qui a été présidente de la Chambre d’agriculture des Côtes-d’Armor.</p>
<p>Reste enfin une dernière hypothèse qu’il conviendrait de tester plus finement. <a href="https://www.cairn.info/revue-geneses-2007-2-page-45.htm">Les recherches</a> montrent en effet que certains contextes organisationnels favorisent l’accession des femmes : lorsque la valeur des mandats décroît ou en cas de conflits politiques internes.</p>
<p>C’est par exemple les difficultés financières et l’épuisement militant que rencontre l’UDSEA, version finistérienne de la Confédération paysanne, après six années de gestion de la chambre d’agriculture, qui éclairent la nomination d’une femme à la tête du syndicat en 2001.</p>
<p>Dans ces cas, la concurrence pour l’accès aux postes est moindre et l’ascension militante des femmes facilitée. La situation de crise qui mine actuellement la profession agricole est-elle donc un terreau fertile à l’engagement des femmes ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/plan-ecophyto-tout-comprendre-aux-annonces-du-gouvernement-223571">Plan Ecophyto : tout comprendre aux annonces du gouvernement</a>
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<p class="fine-print"><em><span>Clémentine Comer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le secteur agricole continue à se représenter au masculin alors que les femmes sont de plus en plus présentes dans les arènes décisionnelles et les instances de gouvernance. Décryptage d’une invisibilisation.Clémentine Comer, Sociologue, IRISSO, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2239472024-02-22T15:52:30Z2024-02-22T15:52:30ZCrise agricole : une réponse politique mal ciblée ?<p>En ce début d’année 2024, les agriculteurs français ont largement manifesté leur mécontentent à l’égard de la <a href="https://theconversation.com/de-la-fin-des-quotas-de-la-pac-a-aujourdhui-20-ans-de-politiques-agricoles-en-echec-222535">Politique agricole commune</a> (PAC) et du Pacte vert européen, perçus comme des politiques de contraintes et de décroissance pesant négativement sur leurs revenus. Leurs griefs ciblaient aussi le gouvernement au double titre de la surtransposition des injections bruxelloises et de l’inefficacité des lois EGalim d’équilibre des relations commerciales agro-alimentaires.</p>
<p>À situation de crise, mesures de crise annoncées par le premier ministre en trois salves les 26, 28 et 30 janvier. Ces <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/agriculture/colere-des-agriculteurs-ce-quil-faut-retenir-des-nouvelles-annonces-de-gabriel-attal-d023a8be-bf86-11ee-9812-c8f10941541a">annonces</a> comprennent des mesures de simplification et d’affaiblissement des contraintes, notamment environnementales dont la « mise sur arrêt » du Plan EcoPhyto de baisse des utilisations de pesticides. Elles sont associées à des décisions fiscales, dont le maintien de la niche sur le gazole non routier et des aides d’urgence à plusieurs secteurs pour un coût budgétaire de 400 millions d’euros.</p>
<p>Passées les annonces de Gabriel Attal, les principaux syndicats agricoles ont annoncé mettre le <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/l-attente-est-tres-forte-previent-le-president-de-la-fnsea-avant-le-salon-de-l-agriculture-20240219">mouvement sur pause</a>, conditionnant sa reprise à une concrétisation rapide ou non des dispositifs promis. Échéance fixée ? Le salon de l’agriculture qui se tient du 24 février au 3 mars, et qui s'est ouvert avec des affrontements entre agriculteurs et forces de l'ordre. </p>
<p>À quelques jours du salon, le premier ministre avait fait le point sur différents avancements au cours d’une <a href="https://www.francebleu.fr/infos/agriculture-peche/direct-video-colere-des-agriculteurs-suivez-la-conference-de-presse-de-gabriel-attal-9h00-1735092">conférence de presse</a> le 21 février.</p>
<p>Parallèlement, le président de la République obtenait de ses homologues européens des concessions sur <a href="https://www.lepoint.fr/politique/colere-des-agriculteurs-les-annonces-d-emmanuel-macron-apres-le-sommet-a-bruxelles-01-02-2024-2551313_20.php">trois dossiers communautaires</a> : la suspension temporaire du retrait de la production de 4 % des terres arables, le meilleur contrôle des exportations agro-alimentaires ukrainiennes, et la reconnaissance de l’intérêt d’une loi « EGalim like » à l’échelle européenne. Il réaffirmait son opposition à la ratification par la France de l’accord commercial avec le Mercosur en l’état, en désaccord avec plusieurs autres chefs d’état et de gouvernement.</p>
<p>Mais ce n'est clairement pas la fin de l’histoire. </p>
<h2>Une inégale répartition des soutiens</h2>
<p>Commençons par un petit retour en arrière. Sous la pression internationale exercée au sein de l’Organisation mondiale du commerce, l’Union européenne a remplacé, à compter du début des années 1990, sa politique de garantie des prix intérieurs à des niveaux supérieurs aux cours mondiaux par une <a href="https://www.quae.com/produit/1790/9782759234950/evolving-the-common-agricultural-policy-for-tomorrow-s-challenges">politique de soutien des revenus agricoles via des aides directes</a> progressivement déconnectées des choix et niveaux des productions. Ce processus dit de découplage est quasiment achevé.</p>
<p>Les aides étant versées à l’hectare, un lien étroit est maintenu entre la taille de l’exploitation, mesurée par sa surface, et le montant d’aides qu’elle perçoit. En moyenne sur les 3 années 2020, 2021 et 2022, une exploitation française du Réseau d’information comptable agricole (échantillon qui exclut les 30 % de micro-exploitations) a reçu <a href="https://theothereconomy.com/fr/fiches/evolution-du-revenu-des-agriculteurs/">13 200 euros d’aides directes si elle comptait moins de 50 hectares</a> contre 82 400 euros pour sa consœur de plus de 200 hectares. Sur les mêmes années, il existait un écart de 1 à 2, de 35 700 à 64 300 euros, entre le revenu courant avant impôt par unité de travail non salariée des petites exploitations par rapport aux grandes (indicateur qui inclut les aides et subventions). L’écart est variable toutefois, plus grand pour certaines productions (de 20 000 à 84 700 euros pour les exploitations spécialisées de grandes cultures céréales et oléo-protéagineux) et moindre pour d’autres en outre autour d’une moyenne bien plus faible (bovins, ovins et caprins).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1753805095169388785"}"></div></p>
<p>La nouvelle PAC en vigueur depuis le 1<sup>er</sup> janvier 2023 pour cinq ans <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s13280-023-01861-0">ne devrait pas modifier la donne</a>. Les mesures annoncées par le premier ministre ne sont donc pas une réponse à la double question des bas revenus de nombreuses petites exploitations et de l’<a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s41130-023-00192-8">inégale répartition des soutiens publics</a> entre exploitations.</p>
<h2>Entre producteurs, industriels et distributeurs</h2>
<p>En France, la première loi EGalim a été adoptée en 2018. Une seconde a suivi en 2021 et une troisième en 2023. Ces lois ont rendu non négociable entre industriels et distributeurs la part du prix du produit final correspondant au coût de la matière première agricole, y compris aujourd’hui pour les produits sous marques de distributeurs. Les exportations et les débouchés de l’alimentation du bétail ne sont toutefois pas concernés.</p>
<p>L’application de ces lois est défaillante. Industriels et distributeurs se renvoient la balle, les premiers reprochant aux seconds de délocaliser hors de nos frontières une partie des négociations via des centrales d’achat basées à l’étranger, les seconds accusant les premiers d’une forte opacité sur les coûts de la matière première agricole et leurs coûts de production de façon plus générale.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1754931388837417156"}"></div></p>
<p>Le gouvernement a promis de renforcer les contrôles chez les deux acteurs et d’augmenter les amendes en cas de non-respect. Gabriel Attal l’a réaffirmé en conférence de presse le 21 février :</p>
<blockquote>
<p>« Les fraudeurs doivent être sanctionnés, les contrôles se multiplient et les sanctions seront au rendez-vous. »</p>
</blockquote>
<p>Une mission parlementaire a été lancée et un projet de loi pour renforcer le dispositif est attendu « d’ici l’été ».</p>
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<p>« La construction du prix, ça doit partir d’abord du producteur avec l’industriel, puis ensuite la grande distribution »</p>
</blockquote>
<p>Ceci sera-t-il suffisant ? Outre la question de la traduction pérenne de la promesse en actes, ces annonces ne répondent pas totalement aux griefs dont les deux acteurs s’accusent. Les négociations doivent par ailleurs être totalement transparentes pour qu’il soit possible de développer des analyses indépendantes et fiables de leurs effets.</p>
<h2>Des cercles vertueux qui ne seront pas appliqués</h2>
<p>Il en va de même de la (re)mise à l’agenda de la question de la supposée surtransposition des textes européens sur la base de cas certes avérés mais qui ne font pas toute l’histoire. Il n’est pas possible de démontrer qu’il y a aujourd’hui <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/environnement/colere-des-agriculteurs-en-france-on-ne-peut-pas-parler-de-surtransposition-des-normes-europeennes">surtransposition généralisée</a>. En pratique, la colère des agriculteurs porte tout autant sur l’excès de normes, notamment celles relevant du volet environnemental de la PAC. Celui-ci inclut des obligations, via la conditionnalité de l’octroi des aides au respect de certains textes européens et de bonnes conditions agricoles et environnementales.</p>
<p>Il comprend aussi des incitations financières via la compensation des surcoûts liés à l’emploi de pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement. À ce second titre, la PAC 2023-2027 inclut un nouvel instrument, l’écorégime, doté d’un budget annuel bien supérieur à celui des mesures agri-environnementales et climatiques en place depuis 1992 : en France, il équivaut à 1,6 milliard d’euros contre 260 millions pour les mesures agri-environnementales et climatiques qui néanmoins bénéficient d’une dotation additionnelle de 150 millions euros en 2023.</p>
<p>L’écorégime aurait pu être le vecteur du verdissement de la PAC. Ce ne sera pas le cas puisque la quasi-totalité des agriculteurs français aura accès au paiement de base de l’instrument (46 euros par hectare) <a href="https://journals.openedition.org/economierurale/11331">sans changer leurs pratiques actuelles</a>, et plus de 80 % auront accès au niveau supérieur (62 euros par hectare) dans les mêmes conditions. Cet accès devrait également être facile dans un grande majorité d’États membres. Dans cette perspective, les réponses françaises à la crise ne font qu’accentuer le signal que l’environnement peut encore attendre.</p>
<p>La transition agroécologique gagnerait à être mise en œuvre par des mesures fiscales visant à modifier les comportements plutôt qu’au moyen d’une croissance des normes que dénoncent les agriculteurs. Il y aurait par ailleurs là un moyen de compenser une large part des impacts négatifs économiques de la transition, en redistribuant de façon découplée aux agriculteurs le <a href="https://hal.science/hal-04318187">produit de ces taxes environnementales</a>. Augmenter les ressources budgétaires allouées au secteur agricole peut aussi se faire via la <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s13280-023-01861-0">création de marchés environnementaux</a>. Dans cette perspective, la suppression de la niche fiscale sur le gazole non routier et le ciblage des recettes ainsi générées sur le financement de la transition et de la transmission allaient dans le bon sens. Ce mécanisme vertueux ne sera finalement pas appliqué.</p>
<p>Cela vaut aussi pour le Pacte vert, qui vise à développer des systèmes alimentaires sains et durables. Si sa mise en œuvre a des effets positifs sur l’environnement, il aura aussi des <a href="https://www.nature.com/articles/s43247-023-01019-6">impacts négatifs</a> sur des acteurs des systèmes alimentaires. Y renoncer à ce titre n’est sans doute <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/revue/5-183OFCE.pdf">pas la solution</a> et un accompagnement des « perdants » semble préférable. Notons qu’il n’est pas encore appliqué dans le secteur agro-alimentaire et ne peut donc pas être accusé des maux actuels.</p>
<h2>L’Europe, perdante du commerce international ?</h2>
<p>En ce qui concerne les échanges internationaux, enfin, l’échec du cycle de Doha, reconnu en 2006 par Pascal Lamy alors directeur général de l’OMC, a conduit l’Union à multiplier les accords commerciaux bilatéraux. Si elle a échoué à conclure le partenariat transatlantique avec les États-Unis, elle a signé avec le Canada, Singapour, le Japon ou le Vietnam, sans oublier le Royaume-Uni en 2020 dans le contexte du Brexit. D’autres accords attendent signature ou ratification avec le Mercosur, le Mexique ou la Nouvelle-Zélande. Et des discussions sont en cours avec des pays aussi différents que l’Australie ou la Thaïlande.</p>
<p>Ces accords peuvent être légitimement critiqués au motif qu’ils ne tiennent pas assez compte des aspects sociaux, sanitaires ou environnementaux. À ce jour, ils ont plutôt <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Extra-EU_trade_in_agricultural_goods">bénéficié au secteur agro-alimentaire européen</a> puisque ses exportations ont davantage augmenté que ses importations. Entre 2000 et 2022, les premières sont passées de [69 à 233 milliards d’euros], les secondes de <a href="https://hal.inrae.fr/hal-04353405/document">70 à 202 milliards d’euros</a>. En outre, ces accords sont loin d’ouvrir à tous les vents le marché communautaire agro-alimentaire. Quand les risques de déstabilisation de ce dernier sont élevés, l’ouverture à des droits de douane nuls ou réduits est limitée à des quantités prédéterminées faisant l’objet d’âpres négociations.</p>
<p>Qu’en-est-il de la France ? Avec 9,4 milliards d’euros, son excédent commercial agro-alimentaire en 2022 a atteint son plus haut niveau depuis 2013. Ce chiffre masque le fait que la balance commerciale agro-alimentaire de notre pays s’améliore avec les pays non-européens et se détériore avec le reste de l’Union. Double évolution qui questionne le positionnement produits et prix de notre pays sans se cacher derrière la seule cause de la surtransposition.</p>
<p>La concurrence des exportations ukrainiennes est une autre affaire car elle résulte d’une libéralisation temporaire des échanges via un règlement incluant la possibilité de rétablir des droits de douane en cas de trop fortes perturbations des marchés communautaires. Les deux priorités semblent ici de fonder de possibles restrictions aux échanges sur une mesure objective des perturbations, secteur par secteur, et de s’assurer que le règlement profite bien aux agriculteurs ukrainiens et non à un nombre réduit d’intermédiaires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223947/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hervé Guyomard a reçu des financements de la Commission européenne (projets BrightSpace, Step-Up). </span></em></p>Commerce international, transition verte, répartition des subventions, poids de la grande distribution… Le gouvernement répond-il vraiment aux difficultés des agriculteurs ?Hervé Guyomard, Chercheur, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2224252024-02-22T08:35:28Z2024-02-22T08:35:28ZLa méthanisation est-elle vraiment un levier
pour l’agroécologie ?<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574464/original/file-20240208-26-qytx19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574464/original/file-20240208-26-qytx19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1036&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574464/original/file-20240208-26-qytx19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1036&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574464/original/file-20240208-26-qytx19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1036&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574464/original/file-20240208-26-qytx19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1302&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574464/original/file-20240208-26-qytx19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1302&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574464/original/file-20240208-26-qytx19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1302&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Couverture de l’ouvrage Idées reçues sur la méthanisation agricoles, paru le 12 octobre 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Le Cavalier Bleu Editions</span></span>
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<p><em>C’est l’un des débouchés industriels de la <a href="https://theconversation.com/dechets-alimentaires-a-quoi-va-servir-le-nouveau-tri-a-la-source-221052">collecte des biodéchets</a> obligatoire depuis le 1er janvier 2024. Ce sont les agriculteurs qui ont été les premiers pionniers de la méthanisation, qui constitue aujourd’hui un enjeu sociétal, à la croisée de l’économie, du social et de l’environnemental.</em></p>
<p><em>L’ouvrage <a href="http://www.lecavalierbleu.com/livre/idees-recues-methanisation-agricole/">« Idées reçues sur la méthanisation agricole »</a>, paru en octobre 2023 au Cavalier Bleu Éditions et dirigé par Aude Dziebowski, Emmanuel Guillon et Philippe Hamman, entreprend de démystifier les idées reçues véhiculées tant par les pro que par les anti méthanisation.</em></p>
<p><em>Nous en reproduisons ci-dessous un chapitre. Malgré son intérêt, la méthanisation agricole ne se résume pas à une « énergie verte » et questionne les évolutions des mondes ruraux dans leur globalité. C’est notamment le cas pour l’agroécologie, où la méthanisation est généralement vue comme levier. La réalité, comme souvent, est plus complexe.</em></p>
<p><em>L’ouvrage a également fait l’objet d’une présentation lors d’une journée d’étude dédiée, dont une captation est <a href="https://www.youtube.com/live/D5PLwpAwKsE?si=x_a7M1vQOrqi3aAy">accessible en ligne</a>.</em></p>
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<p>Les articles scellant l’union de la méthanisation avec l’agroécologie se multiplient dans les médias professionnels agricoles (par exemple <a href="https://www.entraid.com/articles/methanisation-agroecologie-engie">ici</a> ou <a href="https://www.agrosolutions.com/agroecologie-developpement-methanisation/">là</a>), en même temps que le sujet s’immisce dans les canaux grand public <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-terre-au-carre/agroecologie-les-limites-de-la-methanisation-8324437">comme la radio</a> et justifie l’émergence de programmes de recherche dédiés, à l’instar de <a href="https://solagro.org/images/imagesCK/files/methalae_10_pages.pdf">MéthaLAE</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lobligation-de-tri-des-biodechets-va-t-elle-enfin-faire-decoller-la-methanisation-en-france-221272">L’obligation de tri des biodéchets va-t-elle enfin faire décoller la méthanisation en France ?</a>
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<h2>Agroécologie : de quoi parle-t-on ?</h2>
<p>D’importants débats épistémologiques demeurent sur la polysémie de l’agroécologie et les conditions de sa mise en œuvre, a fortiori puisque la notion n’embarque pas les mêmes implications selon l’échelle de gouvernance considérée. Au niveau international, la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) <a href="https://www.fao.org/family-farming/detail/fr/c/1263888/">décrit l’agroécologie comme</a> :</p>
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<li><p>« une solution qui peut contribuer à transformer les systèmes alimentaires en appliquant les principes écologiques à l’agriculture et en veillant à une utilisation régénérative des ressources naturelles et des services écosystémiques, tout en répondant au besoin de systèmes alimentaires socialement équitables. »</p></li>
<li><p>« L’agroécologie réunit une science, un ensemble de pratiques et un mouvement social : elle se présente maintenant comme un domaine transdisciplinaire qui couvre l’ensemble des dimensions écologique, socio-culturelle, technologique, économique et politique des systèmes alimentaires. »</p></li>
<li><p>« Les pratiques agroécologiques mettent à profit, préservent et améliorent les processus biologiques et écologiques dans la production agricole, afin de réduire l’utilisation d’intrants commerciaux (combustibles fossiles…) et de constituer des écosystèmes agricoles plus diversifiés, plus résilients et plus productifs »</p></li>
</ul>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Tout en concluant qu’« il n’existe pas de limite claire universellement admise quant à ce qui est agroécologique et ce qui ne l’est pas », la FAO précise ce qu’elle considère comme 13 principes agroécologiques : le recyclage, la réduction des intrants, la santé du sol, la santé et le bien-être animal, la biodiversité, les effets de synergie, la diversification économique, la production conjointe de connaissances autochtones et scientifiques, les valeurs sociales, l’équité, la connectivité, la gouvernance des terres et ressources naturelles, et enfin la participation.</p>
<h2>D’abord un cas d’étude pour pays émergents</h2>
<p>En France, la définition proposée par le ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire converge. Pour les deux instances, l’agroécologie consiste aussi, au-delà de l’intensification des systèmes naturels, à l’intégration de nouvelles technologies innovantes… une orientation high-tech bien loin du modèle de développement socio-économique promu à la genèse de l’agroécologie, dès les années 1970.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560">Une vraie souveraineté alimentaire pour la France</a>
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<p>En effet, c’est à cette période qu’émergent les premières recherches (par exemple en <a href="https://portals.iucn.org/library/node/21358">France en 1983</a> ou au <a href="https://books.google.fr/books/about/A_Handbook_on_Appropriate_Technology.html?id=ZwYoAAAAMAAJ&redir_esc=y">Canada en 1979</a>) de synergies entre agroécologie et méthanisation. On retrouve plusieurs cas d’études dans les pays en voie de développement, qui sont à la recherche de nouveaux modèles pour s’assurer une autosuffisance alimentaire de qualité et adaptée aux milieux, tout en cherchant à produire leurs propres énergies dans un monde où les pays développés imposent leurs dépendances au pétrole, au charbon et au nucléaire.</p>
<p>À présent, l’agriculteur issu de pays développés s’engage dans cette voie, particulièrement en France. Il se retrouve ainsi au cœur de la transition écologique en cherchant à dégager un équilibre entre ses intérêts économiques et la préservation du milieu naturel.</p>
<h2>Le développement d’une filière européenne</h2>
<p>En Europe, le recours à la méthanisation répond d’abord à la volonté de produire de l’énergie « verte » et, ensuite, de réduire les émissions de gaz à effet de serre, en particulier pour les méthanisations à base d’effluents. L’usage de l’agroécologie convoque d’autres critères, comme la gestion des adventices (mauvaises herbes) sans produits phytosanitaires, le bouclage des cycles de l’azote et du phosphore, ainsi que l’impact sur la biodiversité. Bien qu’important, ce dernier point reste encore mal compris.</p>
<p>Les synergies requièrent inévitablement de l’espace pour se déployer, tout en reposant sur de nouveaux itinéraires techniques qui peuvent modifier les rotations, à l’image de l’introduction des cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE), des dates de semis et de récolte, ainsi que les traitements phytosanitaires et fertilisations associés. Une modification spatio-temporelle s’observe sur les paysages, qui affecte la disponibilité des ressources pour la faune et la flore (par exemple, types et périodes de couvert, d’alimentation).</p>
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<p>De fait, le vivant s’adapte plus ou moins facilement à ces nouvelles modalités d’exploitation de l’espace au risque d’influencer les dynamiques des populations (par exemple, répartition, attractivité/ répulsion spécifique, risques de mortalité issue de dates précoces de fauche).</p>
<p>Au-delà de l’aspect écologique, trois opportunités de compétitivité apparaissent, qui instaurent un nouvel équilibre en matière de création de profits, de rentes et de filières face aux pressions exercées par les filières puissantes et stabilisées, comme les coopératives dominantes multinationales financiarisées.</p>
<p>– Premièrement, comme l’a démontré le <a href="https://shs.hal.science/halshs-02886217/document">projet de recherche Métha’Revenus</a>, la production énergétique accorde un complément de revenu et un gain d’autonomie à l’agriculteur. Avec la cogénération, il obtient en plus de la chaleur qui lui permet de sécher sa biomasse à faible coût sur son exploitation (exemple des céréales).</p>
<p>– Deuxièmement, les économies d’intrant se perçoivent aussi en récupérant du digestat (soit la matière obtenue après digestion anaérobie dans un méthaniseur). Les rendements sont améliorés de 20 à 25 % sur les cultures en agriculture biologique (AB) (céréales, prairies), ainsi que la fertilité des sols (davantage de vers de terre et de matières organiques). Elles permettent d’assurer la transition vers l’AB, dont l’objectif est d’atteindre les 25 % de surface agricole si l’on se réfère à la stratégie européenne Farm to Fork. Cependant, son usage se heurte au potentiel de fertilisation en azote et en phosphore qui peut limiter fortement les rendements des sols.</p>
<p>– Troisièmement, les certifications environnementales qui se rattachent à ces initiatives constituent une nouvelle forme de segmentation du marché permettant de capter de nouvelles sources de profit et de gagner en indépendance financière. Il conviendra tout de même de rester prudent car tous ces avantages peuvent inciter à l’intensification de l’agroécologie et engendrer des effets pervers.</p>
<p>Pour bénéficier de ces opportunités, l’agriculteur se doit de complexifier considérablement la gestion de son exploitation <a href="https://www.cairn.info/l-agriculture-francaise-une-diva-a-reveiller--9782759222391.htm">à partir de nouvelles compétences </a> : l’expérimentation et l’apprentissage, individuels ou « de paysans à paysans », deviennent des <a href="https://www.cairn.info/revue-pour-2018-2-page-193.htm">facteurs clés de réussite</a>.</p>
<p>Ils permettent une résilience singulière de chaque exploitation, qui devient plus agile pour faire face aux anticipations et répondre aux pressions systémiques subies. Cela n’est possible que grâce à une réorganisation du travail de l’agriculteur qui aspire à une meilleure qualité de vie. Certes, mais à quel prix ?</p>
<h2>Une méthanisation chronophage</h2>
<p>Deux craintes omniprésentes dans la culture agricole peuvent s’objectiver avec la mise en œuvre et le suivi d’un projet de méthanisation agricole individuel : le coût et la disponibilité de la main d’œuvre, et la difficulté à se libérer du temps. Si elle peut permettre de gagner du temps sur la conduite de certaines activités (par exemple, la manutention du fumier et du lisier), voire même alléger considérablement la charge de travail des agriculteurs insérés dans des projets collectifs, la méthanisation peut au contraire se révéler chronophage dans le cas de projets individuels, a fortiori s’agissant des éleveurs, puisque sa mise en œuvre exige une vigilance et une disponibilité de tous les instants.</p>
<p>Pris en étau entre la gestion de leur ferme et la maintenance de leur unité de méthanisation, il n’est pas rare que les agriculteurs doivent engager un nouveau salarié à plein temps, dans une dynamique de supervision constante ; ici, la mobilisation du temps de gestion peut être conséquente, alors que certains des bénéfices attendus n’arriveront qu’à moyen/long terme. Cette forme d’agriculture articulée autour des compétences des agriculteurs est <a href="https://www.cairn.info/revue-projet-2013-4-page-76.htm">« intensive en main d’œuvre »</a> : encore faut-il trouver du personnel qui soit à la fois formé et compétent en matière de méthanisation, un obstacle couramment rencontré dans l’activité agricole.</p>
<p>D’où la nécessité d’apprendre également à s’organiser et travailler en collectif afin d’avoir accès à certaines ressources cruciales, parmi lesquelles l’insertion dans des réseaux d’agriculteurs pour la circulation de connaissances et l’accompagnement rigoureux d’interlocuteurs qualifiés – on pense à la création d’un <a href="https://www.cairn.info/revue-economie-rurale-2018-2-page-73.htm">réseau national de fermes de référence avec l’Association des méthaniseurs de France</a>.</p>
<p>En résumé, ce nouveau modèle de développement se heurte à celui, dominant, qui souhaite conserver ses propres standards en matière de financement, d’assurance, de taille critique acceptable selon le droit de l’environnement. Les enjeux en matière d’innovation sont importants. L’alliance méthanisation et agroécologie, reposant sur des techniques d’expérimentation singulières, de partage d’information communautaire et des innovations sur mesure – incluant high- et low-tech –, se confronte aux institutions financières et juridiques qui prônent la standardisation.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/oZTvMaRgYyM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Une approche sociologique de la méthanisation agricole (Aude Dziebowski/Youtube, 2023)</span></figcaption>
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<h2>De l’agriculture à l’énergiculture</h2>
<p>Il existe cependant un large spectre de profils d’agriculteurs qui évoluent entre deux paradigmes opposés, des modèles alternatifs – non productivistes – jusqu’au modèle d’énergiculture. Dès lors, certains modèles privilégiés en France sont là pour contribuer à la transition énergétique, mais non forcément écologique.</p>
<p>Dans de telles conditions, ceux souhaitant profiter de ces synergies sont à l’heure actuelle en minorité et leurs faibles revenus <a href="https://www.cairn.info/revue-projet-2013-4-page-76.htm">les rendent inaudibles</a> pour ces institutions. Se pose alors la question de l’intervention des politiques publiques pour contrer cette vision monolithique de la transition.</p>
<p>En effet, le tandem méthanisation-agroécologie porte à la fois des enjeux identitaires, culturels et de territorialité, interrogeant la sphère démocratique. Ce faisant, il s’agit de penser de nouvelles structures de gouvernance décentralisées laissant une place de choix à chacun dans la réappropriation des outils techniques et dans la prise de décision collective en matière de « bonnes trajectoires » de gestion des ressources.</p>
<p>Un cadre multiscalaire permettrait à l’agriculteur de restaurer son image professionnelle et sa relation à la société civile par le biais de son engagement dans la transition écologique.</p>
<h2>Le risque de contestation locale</h2>
<p>Pour autant, son intégration à échelle micro-locale peut s’avérer à double tranchant : cette visibilité renouvelée peut, dans le cas où son projet de méthanisation devient un <a href="https://www.cairn.info/revue-economie-rurale-2022-3-page-21.htm">objet de politisation contestataire locale</a>, l’exposer à de vives critiques au sein du tissu territorial de proximité, entraîner sa mise au ban et renforcer une solitude professionnelle, une pression réglementaire et socio-environnementale et une défection populaire <a href="https://hal.science/hal-03449707">déjà largement déplorées au sein du monde agricole</a>.</p>
<p>En butte à l’hostilité de certains de leurs pairs et/ou à la contestation citoyenne puisqu’ils façonnent un paysage des énergies renouvelables déjà en proie à une acceptabilité sociale fragile, les agriculteurs engagés dans la méthanisation courent également un risque social.</p>
<p>Des verrous sociotechniques demeurent, qui nous rappellent l’importance de penser toute l’intrication des différentes échelles de gouvernance des pratiques agroécologiques, de l’exploitation au territoire, sans oublier le rôle prégnant des organismes professionnels agricoles (négoces, coopératives, syndicats agricoles, Chambres d’agriculture) et des systèmes alimentaires et énergétiques.</p>
<p>Devant de telles tensions, on assiste à une montée en puissance du lobbying de la part des agriculteurs minoritaires pour faire face aux décisions politiques : des communautés d’intérêt s’organisent en syndicats et réseaux d’agriculteurs (par exemple, le <a href="https://www.civam.org/civam-oasis/">CIVAM de l’Oasis</a>) de manière à créer leurs propres standards et références, et proposer un encadrement technique conforme aux règles de l’agroécologie autour d’un système d’échange adapté (par exemple, approvisionnement contre digestat) pour pallier la hausse des coûts des coproduits et renforcer l’autonomie.</p>
<p>Finalement, cette réappropriation du pouvoir d’agir permet aux agriculteurs investis dans l’agroécologie de renforcer leur modèle productif, de monter en qualité et de trouver une symbiose entre leur environnement et leur activité économique, facilitant leur conversion à une activité plus intégrée (la méthanisation, l’agriculture biologique, etc.) dans laquelle ils sont autonomes et maîtrisent tous les outils… à l’inverse de l’énergiculteur qui, bien qu’initialement animé par une recherche d’autonomie, devient un prestataire de services.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222425/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La méthanisation agricole ne se résume pas à une « énergie verte ». Parfois vue comme un levier pour l'agroécologie, la réalité est, comme souvent, est plus complexe.Aude Dziebowski, Doctorante en sociologie des mondes ruraux, Université de StrasbourgEmmanuel Guillon, Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA)Romain Debref, Maître de conférences, Université de Reims Champagne Ardenne, Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA)Yves Leroux, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2238682024-02-21T15:45:32Z2024-02-21T15:45:32ZOMC : à Abou Dabi, un sommet ministériel aux multiples enjeux<p>La XIII<sup>e</sup> Conférence ministérielle de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/organisation-mondiale-du-commerce-omc-50902">l’Organisation mondiale du commerce</a> (OMC) se tiendra du 26 au 29 février 2024 à Abou Dabi (Émirats arabes unis). Entre 1996 et 2022, les 12 sommets ministériels ont donné au total peu de résultats. On peut compter trois succès en 26 ans : l’accord sur la facilitation du commerce à Bali en 2013, qui a permis une <a href="https://www.wto.org/english/res_e/booksp_e/world_trade_report15_e.pdf">amélioration des procédures douanières dans le monde</a> ; l’accord sur l’élimination des subventions à l’exportation dans l’agriculture à Nairobi en 2015 ; l’accord sur la pêche à Genève en 2022, qui interdit les subventions aux vaisseaux opérant une pêche illicite, non notifiée ou non règlementée et celles contribuant à la pêche de stocks « surexploités ».</p>
<p>À Abou Dabi, de nombreux sujets, qui divisent aujourd’hui les 164 pays membres, doivent être discutés. En premier lieu : la réforme de l’organe de règlement des différends (ORD), dont le mécanisme d’appel est <a href="https://theconversation.com/lomc-joue-t-elle-sa-survie-lors-de-sa-douzieme-conference-ministerielle-a-geneve-171859">bloqué depuis décembre 2019</a>.</p>
<h2>Le blocage du règlement des différends</h2>
<p>L’ORD a été créé en même temps que l’OMC, en 1995. Cet organe permet à n’importe quel pays membre de l’OMC de porter plainte contre un autre qui aurait enfreint les règles multilatérales du commerce. Une fois la plainte portée devant l’OMC, les parties au litige ont 60 jours pour négocier un accord entre eux.</p>
<p>Si cette phase de concertation n’aboutit pas, le plaignant peut demander à l’OMC de réunir un panel qui fournit des conclusions juridiques. Les parties au litige peuvent toutes les deux faire appel à la suite de ces premières recommandations. Si tel est le cas, l’organe d’appel peut confirmer, modifier ou aller à l’encontre des premières recommandations. S’il est donné raison au plaignant, le défendeur doit alors mettre en conformité la ou les mesures concernée(s). Si ce dernier refuse, le plaignant peut être autorisé à mettre en place des mesures de représailles contre le défendeur.</p>
<p>L’ORD a joué un rôle déterminant dans la résolution de litiges commerciaux. Depuis 1995, 621 demandes de consultation ont été émises et ont impliqué globalement 53 pays comme plaignants et 55 comme défendeurs. En éliminant les renouvellements de requête et en tenant compte des cas avec plusieurs plaignants, il y a eu, depuis 1995, 616 cas de plainte d’un pays contre un autre.</p>
<p>Le tableau 1 montre la répartition des pays suivant les groupes de revenu et les acteurs les plus fréquents. Pays développés et pays en développement ont eu recours à l’ORD pour résoudre leurs différends et des pays à revenu intermédiaire ont porté plainte contre des pays plus riches. Les litiges ont couvert une grande variété de sujets : mesures anti- dumping, subventions, accords sur l’agriculture, obstacles techniques au commerce, mesures sanitaires et phytosanitaires…</p>
<p><iframe id="zTMoq" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/zTMoq/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Dans un cas sur six environ (108 sur 616), les différends ont été résolus par voie de consultation, avant qu’un panel soit réuni ou ait produit un rapport. Parmi les procédures qui ont eu recours à un panel et qui ont fait l’objet de prises de décision (295 sur 616), les issues les plus fréquentes ont été une solution coopérative (solution mutuellement négociée ou mise en œuvre de la recommandation du panel) et on note seulement vingt cas d’autorisation d’application de mesures de représailles.</p>
<p>Depuis maintenant quatre ans, l’ORD, considéré longtemps comme le « joyau de la couronne » du système commercial multilatéral, est en crise avec le blocage de la nomination de membres de l’organe d’appel par les États-Unis. Ce dernier n’est plus en mesure de fonctionner alors que plus de 70 % des conclusions des panels ont fait l’objet d’appel.</p>
<p>La moyenne par an des différends portés à l’ORD est passée de 23,8 entre 1995 et 2018 à 6,5 entre 2020 et 2023. La plupart des rapports des panels font maintenant l’objet d’un appel « dans le vide » et le règlement de ces différends est en suspens. Il y a urgence à trouver une solution, mais il sera difficile pour l’administration américaine de faire des concessions sur ce dossier une année d’élection présidentielle.</p>
<h2>Un nouvel accord sur la pêche</h2>
<p>Les subventions aux activités halieutiques concernent à la fois des subventions que l’on peut qualifier de bénéfiques, car ayant vocation à conserver et gérer les ressources halieutiques, les subventions contribuant à une surcapacité ou une surpêche, et les subventions dont il est difficile d’estimer l’impact sur l’activité halieutique.</p>
<p>À l’OMC, les discussions portent sur la réduction des subventions contribuant à une surcapacité ou une surpêche, les plus importantes pour la plupart des membres, à l’exception des États-Unis et de la Corée du Sud (graphique 1). Ces subventions incluent des subventions de capital (achat, modernisation de vaisseaux, etc.), de consommation intermédiaire (fuel, glace, appâts), de coût du personnel, des soutiens aux revenus ou aux prix, ou couvrant des pertes, ou des subventions de pêche dans des zones en dehors de la juridiction du pays.</p>
<p><iframe id="38UmM" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/38UmM/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les points d’achoppement dans ce dossier concernent le traitement spécial et différencié, c’est-à-dire la prise en compte des situations individuelles des pays membres de l’OMC (par exemple la distinction pays les moins avancés/pays en développement/pays développés, critère croisé dans cette discussion avec le cas des 20 pays pratiquant les subventions les plus importantes) pour définir une règle spécifique de réduction des subventions par groupe de pays.</p>
<p>D’un côté, les États-Unis veulent un accord ambitieux avec le moins d’exemptions possible. De l’autre, des pays en développement veulent autoriser des flexibilités importantes à leur bénéfice.</p>
<h2>Commerce de transmissions électroniques</h2>
<p>Le commerce de transmissions électroniques est un commerce en forte croissance. Il correspond à des livraisons internationales en ligne de musique, de e-books, de magazines, de quotidiens, de films, de jeux vidéo… En 2020 et 2022, il avait été décidé de <a href="https://docs.wto.org/dol2fe/Pages/SS/directdoc.aspx?filename=r:/WT/MIN22/32.pdf&Open=True">renouveler un moratoire</a>, temporaire, qui exempte de droits de douane ces transactions. À Abou Dabi, les participants devront décider soit d’un nouveau moratoire temporaire, soit d’un moratoire permanent, soit de l’arrêter.</p>
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<p>L’Inde, l’Indonésie et l’Afrique du Sud sont d’ores et déjà contre un moratoire permanent : ces pays se déclarent intéressés par la taxation des transmissions électroniques, car ce commerce est en pleine expansion. Une évaluation récente montre pourtant qu’au niveau mondial, les pertes potentielles de recettes publiques sont faibles et que pour ces pays, elles pourraient être <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/fr/trade/understanding-the-potential-scope-definition-and-impact-of-the-wto-e-commerce-moratorium_59ceace9-en">facilement compensées par une faible augmentation des taxes à la valeur ajoutée</a>.</p>
<h2>Propriété intellectuelle et Covid-19</h2>
<p>La conférence de Genève en 2022 avait autorisé un certain nombre de dérogations à l’accord sur les droits de la propriété intellectuelle liés au commerce pour faciliter la production et l’exportation de vaccins contre le Covid-19. Les discussions portent maintenant sur l’extension de ces dérogations aux tests de dépistage et thérapies.</p>
<p>L’Afrique du Sud, l’Inde et d’autres pays en développement, mais aussi des pays moins avancés, sont en faveur de cette extension. Une coalition réunissant l’Union européenne, le Royaume-Uni et la Suisse y est opposée, au motif qu’une telle tolérance compromettrait les dépenses d’innovation dans le secteur de la santé et n’est pas nécessaire pour des raisons de santé publique.</p>
<h2>Agriculture et sécurité alimentaire</h2>
<p>À Abou Dabi, sept sujets sur l’agriculture et la sécurité alimentaire seront discutés :</p>
<p>1/Le <strong>soutien domestique ou soutien national aux agriculteurs</strong> : le groupe de Cairns (Afrique du Sud, Argentine, Australie, Brésil, Canada) veut une réduction significative du soutien domestique. L’Union européenne et les pays du G10 (Suisse, Japon, Corée du Sud, Norvège, Islande…) s’y opposent.</p>
<p>2/<strong>L’accès au marché</strong> : les États-Unis veulent une diminution significative des droits de douane dans l’agriculture ; l’Union européenne, les pays du G10 et l’Inde sont contre.</p>
<p>3/La <strong>clause de sauvegarde spéciale</strong> est un instrument de protection réservé aux pays en développement pour augmenter temporairement leurs droits de douane dans l’agriculture lors d’une forte croissance des importations ou d’une chute des prix. L’Inde veut faciliter l’accès à cet instrument pour les pays en développement ; les États-Unis sont contre.</p>
<p>4/Les <strong>restrictions à l’exportation sur des produits agricoles</strong>, mises en place régulièrement par des pays comme l’Argentine, l’Inde ou le Vietnam, jouent un rôle certain dans la volatilité des prix agricoles, volatilité qui peut nuire aux intérêts des pays importateurs nets et notamment parmi eux les pays pauvres (Bangladesh, Pakistan, beaucoup de pays africains). Les discussions portent sur des disciplines plus sévères sur ces restrictions.</p>
<p>5/Les <strong>subventions et aides à l’exportation</strong> : le Canada, le Chili et la Suisse veulent renforcer les disciplines sur les crédits à l’exportation, l’aide alimentaire internationale et les opérations des entreprises exportatrices d’État.</p>
<p>6/Les <strong>subventions pour les producteurs de coton</strong> : c’est un sujet traditionnel de discussion à l’OMC, opposant notamment des pays producteurs et exportateurs comme le Bénin, le Burkina Faso, le Mali et le Tchad à l’Union européenne et aux États-Unis, les premiers voulant la fin des programmes de soutien aux filières locales des seconds.</p>
<p>7/Les <strong>stocks publics constitués pour la sécurité alimentaire</strong> sont des programmes d’achat, de stockage et de distribution de denrées alimentaires en cas d’insécurité croissante. Un certain nombre de pays en développement, dont l’Inde, veulent une clause de paix permanente sur les stocks constitués à des prix administrés ou minimum (une clause de paix temporaire avait été adoptée à Nairobi en 2015). Les pays exportateurs de ces denrées sont contre.</p>
<p>Sur tous ces sujets, les positions des pays membres semblent difficilement conciliables. La seule décision à faire aujourd’hui l’objet d’un consensus est <a href="https://www.hinrichfoundation.com/research/article/wto/a-moment-of-truth-for-the-wto/">l’accès à l’OMC des Comores et du Timor-Leste</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223868/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Règlement des différends, agriculture, propriété intellectuelle… les antagonismes entre les 164 pays membres restent profonds à l’ouverture de la XIIIᵉ Conférence ministérielle, prévue le 26 février.Antoine Bouët, Directeur, CEPIIJeanne Métivier, Professeure assistante en comptabilité, finance et économie, Kedge Business SchoolLeysa Maty Sall, Économiste, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2235712024-02-21T11:45:55Z2024-02-21T11:45:55ZPlan Ecophyto : tout comprendre aux annonces du gouvernement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/576541/original/file-20240219-30-szydzb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour comprendre ce qui se joue à travers les indicateurs Ecophyto défendus par les uns ou les autres, il faut d'abord définir de quoi on parle.</span> <span class="attribution"><span class="source">USAID Egypt / Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>Face aux manifestations des agriculteurs début 2024, le gouvernement français a annoncé une <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/environnement/pause-du-plan-ecophyto-cest-une-grave-erreur-pour-la-biodiversite-mais-aussi-pour-les-agriculteurs">« mise à l’arrêt » du plan Ecophyto</a> jusqu’au salon de l’Agriculture fin février. Cette pause devait permettre de revoir les indicateurs utilisés pour évaluer la <a href="https://theconversation.com/pour-en-finir-avec-les-pesticides-il-faut-aussi-des-agriculteurs-dans-les-champs-106978">baisse de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques</a> (pesticides appliqués sur les cultures) en France.</p>
<p>Certains indicateurs développés au niveau européen étaient fortement mis en avant avec le soutien de certains syndicats d’agriculteurs. À l’inverse, des organisations de défense de l’environnement et de la santé défendaient l’indicateur NoDU, indicateur actuel du plan Ecophyto. Le gouvernement a finalement tranché le 21 février, avec l'annonce par Gabriel Attal de <a href="https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/pesticides-lindicateur-de-mesure-conteste-par-les-agriculteurs-est-abandonne-2077724?xtor=CS4-6235">l'abandon du NoDU, au profit de l'indicateur européen HRI-1</a>.</p>
<p>Comment s’y retrouver dans cette jungle d’acronymes ?</p>
<p>En tant que membres du Comité Scientifique et Technique du plan Ecophyto, comité indépendant des pilotes du plan, nous avons notamment pour mission de guider le choix des indicateurs. Dans ce texte, nous souhaitons préciser la nature de ces derniers et en clarifier les enjeux.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pesticides-et-sante-les-agriculteurs-ont-ete-sont-et-seront-les-principales-victimes-de-ces-substances-223102">Pesticides et santé : les agriculteurs ont été, sont et seront les principales victimes de ces substances</a>
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<h2>À l’origine des indicateurs, un besoin d’évaluation</h2>
<p>La mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des politiques publiques nécessitent la définition d’indicateurs quantitatifs. Mais pour construire des indicateurs pertinents, il faut faire des choix quant à la nature de ce que l’on mesure, et à la façon dont on le définit.</p>
<p>Du fait de ces choix, les indicateurs, y compris agro-environnementaux, sont par nature <a href="http://www.agro-transfert-rt.org/wp-content/uploads/2016/03/Evaluation-agri-environnementale-et-choix-des-indicateurs.pdf">imparfaits</a>. Une quantification des ventes décrira imparfaitement la toxicité et l’écotoxicité des produits, mais même un indicateur spécifique de la toxicité pose le problème de la définition des écosystèmes et espèces touchées : humains, insectes, faune du sol ou des cours d’eau… tous sont différents par leur exposition, mais surtout par leur sensibilité aux différentes substances actives.</p>
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<p>Face à cette complexité, il est utile de se rappeler qu’un indicateur doit éclairer une décision. Il faut trouver un compromis entre pertinence et accessibilité des données mobilisées pour le calculer.</p>
<h2>Les ventes de produits phytopharmaceutiques en France comme prérequis</h2>
<p>Devant la difficulté de connaître l’utilisation de produits dans les champs, il a été choisi, aux niveaux français comme européen, de mesurer les ventes au niveau des distributeurs, par année civile.</p>
<p>Il faut garder à l’esprit que la quantification des ventes ne permet pas de suivre les pratiques agricoles en temps réel, puisque les produits sont achetés à l’avance et que les agriculteurs adaptent leur utilisation au statut agronomique de leurs parcelles (mauvaises herbes, maladies, infestations par des insectes…).</p>
<p>En France, le suivi des ventes a été rendu possible par la création de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006074220/LEGISCTA000006195230/2021-02-14">redevance pour pollutions diffuses</a> (RPD) en 2008, qui est une taxe payée par les utilisateurs de produits phytopharmaceutiques. Sa mise en œuvre a permis l’enregistrement de toutes les ventes de produits phytopharmaceutiques en France dans une base de données (<a href="https://www.eaufrance.fr/actualites/mise-en-ligne-du-site-bnv-d-tracabilite">BNVD</a>).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-france-une-taxation-des-terres-agricoles-qui-favorise-leur-artificialisation-216194">En France, une taxation des terres agricoles qui favorise leur artificialisation</a>
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<p>À partir des données de vente, plusieurs indicateurs ont été proposés dans le débat public. Nous les présentons brièvement ci-après.</p>
<h2>La quantité de substance active (QSA)</h2>
<p>La QSA correspond à la masse totale de substances actives dans les produits vendus au cours d’une année civile. Sa simplicité d’utilisation apparente voile un travers majeur : elle cumule des substances ayant des doses d’application par hectare très différentes, ce qui revient à additionner des choux et des carottes.</p>
<p>Par analogie, c’est comme si l’industrie pharmaceutique additionnait les masses de médicaments ayant des posologies radicalement différentes. Or, pour les traitements phytopharmaceutiques, les « posologies » varient fréquemment d’un facteur 1 à 100. Des substances potentiellement très toxiques, mais actives à beaucoup plus faible dose peuvent ainsi se retrouver « masquées » par d’autres substances.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/576548/original/file-20240219-20-98pykf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/576548/original/file-20240219-20-98pykf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/576548/original/file-20240219-20-98pykf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/576548/original/file-20240219-20-98pykf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/576548/original/file-20240219-20-98pykf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/576548/original/file-20240219-20-98pykf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/576548/original/file-20240219-20-98pykf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La simplicité d'utilisation de l'indicateur QSA est entachée d'un problème de taille : elle cumule des substances ayant des doses d'application par hectare très différentes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LeitenbergerPhotography</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Par exemple, les insecticides sont généralement efficaces à très faibles doses. Par conséquent, ces derniers ne représentent que 1,8 % de la QSA moyenne annuelle sur la période 2012-2022, alors qu’ils représentent environ 15 % des traitements.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-bioinsecticides-miracle-ou-mirage-147050">Les bioinsecticides, miracle ou mirage ?</a>
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<p>Par ailleurs, l’industrie phytopharmaceutique tend à produire des substances de plus en plus légères pour une efficacité donnée. Par conséquent, la QSA peut baisser au cours du temps sans que cela soit lié à une diminution du nombre de traitements, ou à une baisse de toxicité des substances utilisées.</p>
<p>Par exemple, un herbicide en cours d’homologation serait efficace à un gramme par hectare, soit plus de 1000 fois moins que le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/glyphosate-40177">glyphosate</a>, efficace à plus d’un kilogramme à l’hectare. Si cette substance venait à remplacer les herbicides actuels, et notamment le glyphosate, la QSA pourrait baisser soudainement d’un tiers, sans que les pratiques ni leur toxicité potentielle n’aient changé.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/glyphosate-et-apres-ou-va-le-droit-des-pesticides-219999">Glyphosate et après : où va le droit des pesticides ?</a>
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<h2>Le nombre de doses unité (NoDU)</h2>
<p>Le <a href="https://agriculture.gouv.fr/quest-ce-que-le-nodu">NoDU agricole</a> est l’indicateur de référence du plan Ecophyto depuis sa création en 2008. Historiquement, il a été construit par des scientifiques d’INRAE en lien avec les pouvoirs publics pour pallier les faiblesses de la QSA.</p>
<p>Sans rentrer dans les détails, on peut dire qu’il corrige le problème de la grande diversité des doses auxquelles sont utilisées les substances actives, en divisant chaque quantité de substance commercialisée par une dose de référence à l’hectare, appelée « dose unité » (DU).</p>
<p>Le NoDU correspond ainsi au cumul des surfaces (en hectares) qui seraient traitées à ces doses de référence. Cette surface théorique est supérieure à la surface agricole française, puisque les cultures sont généralement traitées plusieurs fois.</p>
<p>Le calcul de la dose unité, complexe et détaillé au paragraphe suivant, s’appuie sur les doses maximales autorisées lors d’un traitement (doses homologuées). Ces doses sont validées par l’Anses sur la base de l’efficacité et de la toxicité et écotoxicité de chaque produit.</p>
<p>Dans le NoDU, les substances appliquées à une dose inférieure à 100 g par hectare sont bien prises en compte : elles représentent la large majorité du NoDU. Dans la QSA au contraire, les quelques substances appliquées à plus de 100 g par hectare représentent la grande majorité de la QSA et invisibilisent les autres substances.</p>
<h2>Le calcul de la dose unité, ou quand le diable est dans les détails</h2>
<p>Bien que les indications données par le NoDU permettent de caractériser l'évolution du recours aux produits phytopharmaceutiques, il pose néanmoins des problèmes, liés notamment à la complexité du calcul des doses unités.</p>
<p>Commençons par préciser que lorsqu’une substance est présente dans plusieurs produits commercialisés, chaque produit va être homologué sur plusieurs cultures et pour différents usages, potentiellement à différentes doses. </p>
<p>La dose unité est définie, de manière complexe mais précise, comme la moyenne des maxima, par culture, des doses homologuées pour une substance une année civile donnée. Cette moyenne est pondérée par la surface relative de chaque culture en France.</p>
<p>Chaque année, le NoDU est calculé avec les doses unités de l'année et les NoDU des années précédentes sont recalculés avec ces doses unités pour éviter que les changements réglementaires affectent les tendances observées. </p>
<p>Le calcul des doses unités, tout à fait justifié du point de vue conceptuel, entraîne en pratique d'importantes difficultés :</p>
<ul>
<li><p>la définition est difficile à comprendre, ce qui en soi est un problème pour un indicateur aussi important ; </p></li>
<li><p>l’utilisation des surfaces de culture implique d’attendre la publication de ces valeurs, ce qui retarde d’autant le calcul du NoDU. Pourtant, tenir compte des surfaces cultivées n’a <a href="https://odr.inrae.fr/intranet/carto_joomla/index.php/ressource/documents/documents-odr/publications-odr/3257-rapport-avi-nodu">qu’un impact très faible sur le résultat obtenu au niveau national</a>. C'est également un frein à la généralisation du calcul à d'autres échelles géographiques ;</p></li>
<li><p>l’utilisation des maxima des doses homologuées <a href="https://odr.inrae.fr/intranet/carto_joomla/index.php/ressource/documents/documents-odr/publications-odr/3257-rapport-avi-nodu/file">augmente la sensibilité du calcul</a> aux évolutions réglementaires, ainsi qu’aux erreurs potentiellement présentes dans les bases de données.</p></li>
</ul>
<p>Cependant, et malgré les évolutions de surfaces de culture et de réglementation d'une année à l'autre, l’utilisation des doses unités d’une année ou d’une autre ne font varier la valeur du NoDU que de <a href="https://odr.inrae.fr/intranet/carto_joomla/index.php/ressource/documents/documents-odr/publications-odr/3257-rapport-avi-nodu/file">quelques pourcents au niveau national</a>.</p>
<h2>Notre proposition pour simplifier le NoDU</h2>
<p>Pour faciliter la compréhension et le calcul du NoDU, tant au niveau régional qu’européen, nous recommandons de définir la dose unité d'une substance comme la médiane de toutes ses doses homologuées – plutôt que la moyenne des maxima des doses homologuées par culture, pondérée par la surface relative de chaque culture.</p>
<p>Cette modification ne remettrait pas en cause le principe général du NoDU pour caractériser les ventes des produits phytopharmaceutiques en tenant compte des doses homologuées.</p>
<p>Enfin, les variations du NoDU en fonction l’année de calcul des doses unités deviendraient indétectables. De plus, nous avons montré que l’indicateur résultant est <a href="https://odr.inrae.fr/intranet/carto_joomla/index.php/ressource/documents/documents-odr/publications-odr/3257-rapport-avi-nodu/file">extrêmement corrélé au NoDU actuel</a>. De sorte que même si les valeurs absolues sont différentes, les évolutions restent identiques.</p>
<h2>Bilan du plan Ecophyto à l’aune du NoDU</h2>
<p>Depuis 2009, première année de collecte des données de vente, le NoDU a augmenté de 15 à 20 % jusqu’en 2014, puis s’est stabilisé jusqu’en 2017. S'en est suivi deux années exceptionnelles d'augmentation (stockage en 2018) puis de diminution (déstockage en 2019) liées à l'annonce, en 2018, de l'augmentation de la RPD au 1er janvier 2019. Depuis 2020, la valeur du NoDU s'est alors stabilisée à nouveau à un niveau proche de celui de 2009-2012.</p>
<p>Cette dernière baisse pourrait être liée à l’augmentation de la RPD en 2019 mais aussi à des conditions climatiques globalement défavorables aux pathogènes et aux ravageurs ces trois dernières années.</p>
<p>La relative stabilité du NoDU pour l'ensemble des substances entre 2009 et 2022 peut donner une impression d'immobilisme. Cependant, le plan Ecophyto prévoit aussi le calcul du NoDU sur la base plus restreinte des substances identifiées dans le code du travail comme <a href="https://www.anses.fr/fr/content/substances-canc%C3%A9rog%C3%A8nes-mutag%C3%A8nes-et-toxiques-pour-la-reproduction-cmr">cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction</a> (CMR) aux effets avérés ou supposés (CMR1) ou suspectés (CMR2). Ces substances particulièrement toxiques doivent en effet être éliminées en priorité.</p>
<p>Or, le NoDU pour les CMR1, les plus dangereuses, a baissé de 88 % entre 2009 et 2020 (voir graphe ci-dessous), avant <a href="https://agriculture.gouv.fr/une-nouvelle-strategie-nationale-en-construction-sur-les-produits-phytopharmaceutiques">d’approcher 0 % en 2022</a>. Les CMR dans leur ensemble ont vu leur NoDU diminuer de 40 % entre 2009 et 2020. Cette baisse met en évidence les changements importants permis par l’évolution réglementaire d’une part, et par l’adaptation des agriculteurs à ces évolutions d’autre part.</p>
<p>Autrement dit, oui, le NoDU a été utile pour quantifier la limitation de l’usage des produits phytopharmaceutiques dangereux. De plus, et contrairement à ce qui aurait pu arriver, cette élimination des produits les plus dangereux, et potentiellement les plus efficaces, n’a pas entraîné une augmentation des traitements dans leur ensemble.</p>
<p>C'est d'autant plus remarquable que l'interdiction de traitements de semences (par exemple <a href="https://theconversation.com/faut-il-simplement-interdire-les-neonicotino-des-pour-en-sortir-184268">néonicotinoïdes</a> sur colza), non inclus dans le NoDU, a sans doute entraîné l'utilisation de traitements en végétation (par exemple contre les altises à l'automne) qui eux sont comptabilisés dans le NoDU. Il faudrait donc profiter de la réflexion actuelle sur les indicateurs pour intégrer l’ensemble des substances actives utilisées pour les traitements de semences dans le calcul.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pesticides-les-alternatives-existent-mais-les-acteurs-sont-ils-prets-a-se-remettre-en-cause-146648">Pesticides : les alternatives existent, mais les acteurs sont-ils prêts à se remettre en cause ?</a>
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<h2>HRI, F2F… Les indicateurs européens</h2>
<p>Au niveau européen, d’autres indicateurs ont été proposés : les <a href="https://agriculture.gouv.fr/les-indicateurs-de-risque-harmonises-etablis-au-niveau-europeen">HRI-1 et 2 (Harmonized Risk Indicator, prévu par la directive n°2009/128)</a> et les <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/10/21/le-parlement-europeen-adopte-a-une-large-majorite-la-strategie-de-la-ferme-a-la-fourchette_6099346_3244.html">F2F-1 et 2</a> (Farm to Fork, prévu dans la stratégie de la Ferme à la Table).</p>
<p>Les indicateurs HRI-1 et F2F-1 sont jumeaux, puisqu’ils ne diffèrent que par l’éventail des substances prises en compte et par les périodes de référence considérées. Tous deux prennent en compte la masse de substances actives, comme le fait la QSA, mais en les pondérant en fonction de leur appartenance à des groupes de « risque » : 1 pour les substances de faible risque, 8 pour les substances autorisées, 16 pour les substances dont l’interdiction est envisagée, et enfin 64 pour les substances interdites.</p>
<p>Ces indicateurs européens sont problématiques pour plusieurs raisons :</p>
<ul>
<li><p>tout d’abord les masses ne sont pas rapportées à des doses d’usage ;</p></li>
<li><p>de surcroît, en France, environ 80 % des substances vendues sont par défaut classées dans le second groupe (substances « autorisées »), ce classement est donc peu discriminant ;</p></li>
<li><p>enfin, les valeurs de pondération utilisées pour le calcul de ces indicateurs sont arbitraires et ne sont étayées par aucun résultat scientifique.</p></li>
</ul>
<h2>Faut-il en finir avec le NoDU ?</h2>
<p>Le NoDU n'est aujourd’hui utilisé qu'en France mais il suffirait de simplifier son calcul, tel que nous le proposons, pour le rendre utilisable à l’échelle européenne.</p>
<p>Les doses maximales autorisées par application peuvent varier entre pays européens, la dose unité pourrait donc correspondre à la médiane de toutes les doses homologuées en Europe. Le calcul serait simple, pertinent et applicable partout en Europe. Cette méthode pourrait aussi être utilisée pour calculer l’évolution des ventes pour chaque groupe de « risque » défini actuellement au niveau européen.</p>
<p>Une autre option acceptable pourrait être que les indicateurs européens soient modifiés pour utiliser, au sein de chaque groupe, un équivalent au NoDU et non une masse totale de substance. C'est fondamentalement ce que l’agence environnementale allemande propose dans son <a href="https://www.umweltbundesamt.de/sites/default/files/medien/11740/publikationen/factsheet_zum_hri1.pdf">rapport de mai 2023</a> bien qu'elle critique aussi les coefficients de pondération du HRI-1.</p>
<p>Par ailleurs, il apparaît difficile d’embrasser la complexité de la question de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques avec un unique indicateur. Idéalement, il faudrait que le plan Ecophyto se dote d’un panel d’indicateurs complémentaires permettant de décrire :</p>
<ul>
<li><p>l’intensité de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques ;</p></li>
<li><p>les services agronomiques rendus par les produits phytopharmaceutiques ;</p></li>
<li><p>les risques pour la santé humaine ;</p></li>
<li><p>les risques pour la biodiversité.</p></li>
</ul>
<p>Quelles que soient les options choisies, le comité alerte sur la nécessité de conserver un indicateur prenant en compte les doses d’usage, tel que le NoDU. Cet indicateur doit continuer d'une part d'être appliqué à l’ensemble des ventes pour caractériser la quantité totale de traitement et d'autre part d'être appliqué aux substances les plus préoccupantes pour quantifier l’effort d'arrêt des substances les plus dangereuses.</p>
<hr>
<p><em>Pour citer cet article : Barbu Corentin, Aulagnier Alexis, Gallien Marc, Gouy-Boussada Véronique, Labeyrie Baptiste, Le Bellec Fabrice, Maugin Emilie, Ozier-Lafontaine Harry, Richard Freddie-Jeanne, Walker Anne-Sophie, Humbert Laura, Garnault Maxime, Omnès François, Aubertot JN. « Plan Ecophyto : tout comprendre aux annonces du gouvernement », The Conversation, 21 février 2024.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223571/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Corentin Barbu est membre expert du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Il a reçu des financements de l'ANR et du plan Ecophyto. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Alexis Aulagnier est membre expert du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Il a reçu des financements du plan Ecophyto dans le cadre de sa participation au CST.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anne-Sophie Walker est membre expert du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Elle a reçu des financements du plan Ecophyto.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Baptiste Labeyrie est membre expert du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Il a reçu des financements du plan Ecophyto.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emilie Maugin est membre expert du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Elle a reçu des financements du plan Ecophyto.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Fabrice Le Bellec est membre expert du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Il a reçu des financements du plan Ecophyto.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>François Omnes représente l'OFB au sein du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Il a reçu des financements du plan Ecophyto dans le cadre de sa participation au CST.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Freddie-Jeanne Richard est membre expert du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Elle a reçu des financements du plan Ecophyto.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Harry Ozier-Lafontaine est membre expert du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Il a reçu des financements du plan Ecophyto.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-Noël Aubertot est président du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Il a reçu des financements du plan Ecophyto.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marc Gallien est membre expert du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Il a reçu des financements du plan Ecophyto dans le cadre de sa participation au CST.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Maxime Garnault est chargé de mission au sein du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Il a reçu des financements du plan Ecophyto dans le cadre de sa participation au CST.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Véronique Gouy Boussada est membre expert du Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Elle a reçu des financements du plan Ecophyto.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laura Humbert est chargée de mission pour le Comité scientifique et technique (CST) du plan Ecophyto. Elle a reçu des financements du plan Ecophyto dans le cadre de sa participation au CST.</span></em></p>Comment s’y retrouver dans la jungle des indicateurs du plan Ecophyto, QSA, NoDU, HRI… et en quoi posent-ils problème ? L’éclairage de plusieurs experts du Comité scientifique et technique du plan.Corentin Barbu, Chargé de recherche sur le contrôle des ravageurs et maladies des grandes cultures, InraeAlexis Aulagnier, Chercheur postdoctoral, projet APCLIMPTER au Centre Emile Durkheim, Sciences Po BordeauxAnne-Sophie Walker, Ingénieure de recherche, InraeBaptiste Labeyrie, Ingénieur de recherche en arboriculture, Centre Technique Interprofessionnel des Fruits et Légumes (CTFIL)Emilie Maugin, Ingénieure recherche conseil en horticulture, Astredhor (Institut technique de l’horticulture)Fabrice Le Bellec, Directeur de l'unité de recherche HortSys, CiradFrançois Omnes, Chef du Service Usages et Gestion de la Biodiversité à l'Office français de la biodiversitéFreddie-Jeanne Richard, Enseignante chercheuse en écologie et comportement des invertébrés, Université de PoitiersHarry Ozier-Lafontaine, Directeur de Recherche INRAE, InraeJean-Noël Aubertot, Senior research scientist, InraeMarc Gallien, Chargé de prévention de la santé et de la sécurité au travail, DREETS de NormandieMaxime Garnault, Ingénieur de recherche, InraeVéronique Gouy Boussada, Ingénieur de l'Agriculture et de l'Environnement, HDR, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2231022024-02-18T15:49:12Z2024-02-18T15:49:12ZPesticides et santé : les agriculteurs ont été, sont et seront les principales victimes de ces substances<p>Jeudi 1er février 2024, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a annoncé la <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/02/02/gabriel-attal-tente-d-eteindre-la-colere-des-agriculteurs-en-cedant-sur-l-environnement_6214355_823448.html">mise en pause du plan Écophyto II+</a>, qui visait à <a href="https://agriculture.gouv.fr/le-plan-ecophyto-quest-ce-que-cest">« réduire les usages de produits phytopharmaceutiques de 50 % d’ici 2025 »</a>. Cette décision visait à satisfaire les demandes d’une partie des agriculteurs, dans le contexte des négociations destinées à mettre un terme à la crise débutée en janvier.</p>
<p>Les effets délétères de ces substances sur la santé, et en particulier celle des exploitants agricoles des pays occidentaux et de leurs familles, sont pourtant de mieux en mieux documentés. Plusieurs types de cancers sont notamment plus répandus dans les populations d’agriculteurs que dans la population générale. C’est aussi le cas de diverses maladies neurodégénératives et respiratoires.</p>
<p>Voici ce que l’on en sait à l’heure actuelle, et les questions qui restent posées.</p>
<h2>Qu’est-ce qu’un « pesticide » ?</h2>
<p>Sous l’appellation de « pesticides » sont regroupés un ensemble de produits de synthèse ou naturels visant à lutter, le plus souvent en les détruisant, contre les organismes jugés nuisibles pour l’être humain ou ses activités, notamment en agriculture.</p>
<p>Ces substances répondent à quatre usages : il peut s’agir de produits phytopharmaceutiques (les plus connus des pesticides, ceux qui sont utilisés sur les cultures), de certains biocides (utilisés dans les bâtiments d’élevage ou en salle de traite, pour traiter le bois afin de le protéger des insectes et des moisissures…), de certains médicaments vétérinaires (antiparasitaires externes ou antifongiques) et enfin de certains médicaments destinés à la santé humaine (anti-poux, anti-gale, anti-mycoses…).</p>
<p>Les pesticides ont donc par nature une activité toxique vis-à-vis du vivant. Ils sont de ce fait soumis à une réglementation plus ancienne et plus contraignante que la plupart des autres produits chimiques. Cette réglementation, établie au niveau européen, <a href="https://www.efsa.europa.eu/fr/topics/topic/pesticides">est complexe</a>, car elle vise à encadrer le quadruple usage de ces substances.</p>
<h2>Des effets sur la santé connus de longue date</h2>
<p>L’histoire des pesticides commence à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. En France, dès les années 1880, certaines substances (arsenicaux, dérivés du cuivre et du soufre) ont été employées dans les régions où l’agriculture s’intensifiait, notamment en viticulture et en arboriculture. Déjà à cette époque, <a href="https://hal.science/hal-01196933">des médecins hygiénistes notèrent chez les travailleurs agricoles l’émergence de nouvelles maladies</a> liées à leur emploi.</p>
<p>Mais c’est après la Seconde Guerre mondiale que l’usage des pesticides prend véritablement son essor, avec le passage à une production industrielle en quantité et en variété des familles chimiques. Conséquence : dès les années 1950-1970, plusieurs constats préoccupants sont faits.</p>
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<img alt="Publicité pour des pesticides à base de nicotine, The Florists’ Review, novembre 1917" src="https://images.theconversation.com/files/576249/original/file-20240216-28-276kp4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/576249/original/file-20240216-28-276kp4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=887&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/576249/original/file-20240216-28-276kp4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=887&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/576249/original/file-20240216-28-276kp4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=887&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/576249/original/file-20240216-28-276kp4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1115&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/576249/original/file-20240216-28-276kp4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1115&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/576249/original/file-20240216-28-276kp4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1115&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Publicité pour des pesticides à base de nicotine, The Florists’ Review, novembre 1917.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://archive.org/details/5205536_40_3/page/n189/mode/2up">University of Illinois Urbana-Champaign (via archive.org / Wikimedia Commons)</a></span>
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<p>Des intoxications aiguës se produisent, dans les vergers en Californie, chez les applicateurs d’organophosphorés, ainsi que chez d’autres travailleurs en contact avec les végétaux après les traitements. Des contaminations alarmantes de l’environnement sont détectées, et des travaux révèlent que le lait humain est lui aussi contaminé, notamment par certains insecticides de la famille des organochlorés (tels que le DDT ou le lindane).</p>
<p>Dès les années 1960, en France, certains médecins du travail agricole se préoccupent des effets des pesticides sur la santé des travailleurs agricoles. Aux États-Unis, les critiques associées à leur utilisation ont alimenté dès cette époque d’importantes mobilisations protestataires, dénonçant leurs effets délétères sur la santé des saisonniers agricoles, des consommateurs ou de la faune sauvage.</p>
<p>Après plus de cinquante ans d’études épidémiologiques (1970-2020), il est maintenant admis que les populations agricoles des pays à forts revenus, dans lesquels la plupart des études ont été conduites, présentent des particularités en matière de risque de cancer.</p>
<h2>Trois cancers clairement plus fréquents chez les agriculteurs</h2>
<p>Dans les pays occidentaux, on observe un excès de certains cancers dans les populations agricoles, par rapport à la population générale.</p>
<p>Il s’agit principalement des cancers de la prostate (cancer masculin le plus fréquent en France, il touche chaque année près de 60 000 hommes, entraînant le décès de près de 9 000 d’entre eux), des lymphomes non hodgkiniens et des myélomes multiples.</p>
<p>Pour les cancers de la prostate, au moins 5 méta-analyses ont été conduites sur le lien avec l’exposition professionnelle aux pesticides et elles ont conclu pour quatre d’entre elles à une augmentation de risque variant de 13 à 33 %. Quelques méta-analyses ont porté sur le lien avec des familles chimiques spécifiques de pesticides comme celle sur les insecticides organochlorés qui a conclu à <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26245248/">une augmentation de risque variant de 30 à 56 %</a> selon les molécules étudiées. Pour les lymphomes, une méta-analyse datant de 2014 montrait <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24762670/">une augmentation de risque variant de 30 à 70 %</a> pour les 7 familles chimiques étudiées.</p>
<p>Dans sa première expertise collective publiée en 2013, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) concluait à une présomption forte d’un lien entre l’exposition professionnelle aux pesticides et la survenue de ces trois cancers. Cette conclusion a été maintenue lors de la <a href="https://www.inserm.fr/wp-content/uploads/2021-07/inserm-expertisecollective-pesticides2021-rapportcomplet-0.pdf**">mise à jour de cette expertise collective, en 2021</a>.</p>
<p>En raison de ces données scientifiques, ces trois cancers font l’objet de tableaux de maladies professionnelles en France (tableau 59 du régime agricole pour les lymphomes non hodgkiniens incluant les myélomes multiples et, tableaux 61 (régime agricole) et 102 (régime général) pour les cancers de la prostate).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/glyphosate-sur-quelles-pathologies-portent-les-soupcons-et-avec-quels-niveaux-de-preuves-217583">Glyphosate : sur quelles pathologies portent les soupçons et avec quels niveaux de preuves ?</a>
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<p>D’autres cancers ayant fait l’objet de moins d’études (leucémies, tumeurs du système nerveux central, sarcomes, cancers du rein et de la vessie), seraient aussi plus fréquents chez les utilisateurs professionnels de pesticides. L’expertise collective Inserm de 2021 a conclu à une présomption moyenne de lien pour ces cancers.</p>
<p>Enfin, de nombreux autres cancers ont été très peu étudiés et n’ont d’ailleurs pas pu faire l’objet d’une analyse détaillée par les expertises de l’Inserm de 2013 et 2021 par manque de moyens humains et/ou de données disponibles. Il s’agit des cancers broncho-pulmonaires, des cancers digestifs (colorectaux, estomac, pancréas, foie, œsophage), des cancers gynécologiques (sein, ovaires, corps et col de l’utérus), des cancers ORL ou des lèvres et des cancers de la thyroïde.</p>
<h2>Les données manquent pour étudier tous les pesticides utilisés</h2>
<p>Il faut noter que peu d’études épidémiologiques ont analysé les liens entre la survenue de cancers ou de maladies chroniques et l’exposition à des familles ou des molécules pesticides spécifiques. En effet, la plupart des études conduites portaient sur des effectifs réduits, ne permettant pas d’explorer la diversité des molécules.</p>
<p>On considère que plus de 1000 molécules à activité pesticide ont été homologuées en Europe, et ont été présentes pour une utilisation agricole à un moment ou un autre. Certaines molécules étant retirées tandis que de nouvelles sont homologuées, aujourd’hui, on considère que le nombre de molécules autorisées est plus proche de 400.</p>
<p>Cependant, il est important de considérer également les molécules retirées du marché, en raison des effets retardés qu’elles peuvent avoir (<a href="https://www.anses.fr/fr/content/apc-gt-lindane">comme dans le cas du lindane</a>, interdit en France depuis 1998 pour les usages agricoles et assimilés - mais seulement en 2006 dans les produits anti-poux, qui persiste encore néanmoins dans l’environnement).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pesticides-vers-une-meilleure-reconnaissance-des-effets-sur-la-sante-des-enfants-dagriculteurs-222330">Pesticides : vers une meilleure reconnaissance des effets sur la santé des enfants d’agriculteurs</a>
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<p>Ainsi, dans le meilleur des cas, pour des cancers très étudiés et pour des familles chimiques de pesticides très anciennes (herbicides tels que le 2,4D ou insecticides organochlorés comme le DDT, utilisés depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale), il n’existe pas plus d’une dizaine d’études disponibles permettant de documenter un lien.</p>
<p>Dans la méta-analyse de 2015 qui a conclu à une augmentation de risque de cancer de la prostate de plus de 50 % pour les expositions professionnelles au lindane, faute de données, les auteurs n’ont pu analyser que 5 organochlorés parmi la vingtaine qui ont été utilisés massivement dans le monde depuis les années 1950…</p>
<p>Les auteurs de la méta-analyse de 2014 qui a établi un lien entre lymphomes non hodgkiniens et expositions à des pesticides spécifiques (21 familles chimiques et plus de 80 matières actives rapportées) n’ont identifié que 12 études fournissant des données sur les phénoxy-herbicides (2,4D, MCPA…).</p>
<p>En 2017, d’autres auteurs se sont focalisés sur le lien entre ces lymphomes non hodgkiniens et l’exposition au 2,4D à partir de 12 études cas-témoins et d’une cohorte historique dans une usine de production de cet herbicide. Cette méta-analyse a pu conclure à une augmentation du risque de 70 % chez les professionnels les plus exposés.</p>
<h2>D’autres maladies que le cancer sont aussi concernées</h2>
<p>Au-delà des cancers, des données de plus en plus nombreuses et convergentes indiquent que l’exposition aux pesticides a pour conséquences d’autres effets sur la santé. Les effets sur le cerveau, par exemple, sont de mieux en mieux documentés.</p>
<p>D’après les expertises collectives de 2013 et de 2021 de l’Inserm, le niveau de présomption du lien <a href="https://www.inserm.fr/wp-content/uploads/2021-07/inserm-expertisecollective-pesticides2021-rapportcomplet-0.pdf#page=265">entre l’exposition aux pesticides et le développement d’une maladie de Parkinson est fort</a>. Les connaissances sur ce lien se sont constituées au cours du temps à partir de la survenue de quelques cas observés chez de personnes ayant été exposées à des substances proches de certains herbicides (des toxicomanes ayant consommé des drogues contenant une substance, le MPTP, très proche chimiquement du paraquat et du diquat, deux herbicides largement utilisés).</p>
<p>Ces constats ont été renforcés par des études géographiques montrant une plus forte prévalence de la maladie dans certaines zones agricoles, puis des études cas-témoins et quelques données de cohorte. Au final, les nombreuses études publiées mettent en évidence un risque de maladie de Parkinson quasiment doublé chez les personnes ayant été exposées aux pesticides.</p>
<p>Les données toxicologiques renforcent la compréhension de ce lien : chez des animaux exposés en laboratoire à certains pesticides (notamment la roténone, une molécule dérivée d’une plante et considérée comme un insecticide biologique), des atteintes neurodégénératives ont été mises en évidence.</p>
<p>Par ailleurs, plus d’une cinquantaine d’études ont également révélé des altérations des performances cognitives (capacités du cerveau à traiter les informations) chez les personnes exposées de manière chronique aux pesticides, ce qui a également conduit l’expertise collective de l’Inserm à conclure à un niveau de présomption fort pour ces troubles.</p>
<p>Ces résultats interrogent sur un possible lien avec la maladie d’Alzheimer, pour laquelle les troubles cognitifs peuvent représenter des symptômes précurseurs. Cependant, le nombre d’études sur cette maladie reste aujourd’hui encore limité. De ce fait, le niveau de présomption du lien est considéré comme « moyen ».</p>
<p>Il faut enfin souligner que certaines altérations respiratoires chroniques ont donné lieu à un grand nombre d’études probantes au cours des dix dernières années, amenant l’Inserm à la conclusion d’un niveau de présomption fort entre l’exposition aux pesticides et le risque de développer <a href="https://www.inserm.fr/dossier/bronchopneumopathie-chronique-obstructive-bpco/">une bronchopneumopathie chronique obstructive</a>, une grave maladie inflammatoire des bronches.</p>
<h2>Accumuler et croiser les données grâce à des cohortes de grande taille</h2>
<p>La difficulté à documenter l’effet de molécules pesticides spécifiques a été en partie résolue dans certaines études récentes, qui se sont essentiellement appuyées sur de grandes cohortes prospectives.</p>
<p>C’est par exemple le cas de l’<em>Agricultural Health Study</em> aux USA, qui porte sur plus de 50 000 agriculteurs utilisateurs de pesticides inclus à la fin des années 1990 (les questionnaires initiaux interrogeaient les agriculteurs sur l’usage d’une cinquantaine de molécules spécifiques).</p>
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<img alt="Un panneau portant une mention en anglais et en espagnol interdisant l’entrée d’une zone traitée." src="https://images.theconversation.com/files/576266/original/file-20240216-18-89sfx3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/576266/original/file-20240216-18-89sfx3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/576266/original/file-20240216-18-89sfx3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/576266/original/file-20240216-18-89sfx3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/576266/original/file-20240216-18-89sfx3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/576266/original/file-20240216-18-89sfx3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/576266/original/file-20240216-18-89sfx3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un panneau portant une mention en anglais et en espagnol interdisant l’entrée d’une zone traitée.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Eerie_caution_sign_about_use_of_pesticides.jpg">Austin Valley / Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>En France, depuis le milieu des années 2000, la cohorte AGRIculture & CANcer (<a href="https://www.agrican.fr/">AGRICAN</a>) suit plus de 182 000 affiliés agricoles dans 11 départements français métropolitains, dont près de 70 % d’agriculteurs/éleveurs. Ces participants sont utilisateurs de pesticides pour plus de 70 % des hommes et plus de 20 % des femmes.</p>
<p>Les cohortes Agricultural Health Study et AGRICAN sont en outre associées avec des données du recensement agricole norvégien au sein d’un consortium international de cohortes agricoles nommé AGRICOH.</p>
<p>Parallèlement, la plupart des études cas-témoins plus récentes permettent d’analyser le lien avec des pesticides spécifiques. De plus, certaines de ces études cas-témoins – les plus anciennes – sont réunies en consortium internationaux portant sur des maladies ciblées, généralement peu fréquentes, et bénéficiant du regroupement de cas à l’échelle internationale.</p>
<p>C’est le cas du consortium INTERLYMPH : regroupant plus de 20 études cas-témoins conduites dans une dizaine de pays différents, dont la France, il porte sur plus de 17 000 patients atteints de lymphomes.</p>
<h2>Une nocivité confirmée</h2>
<p>À l’heure actuelle, AGRICAN a permis d’obtenir des résultats concernant les effets d’expositions professionnelles agricoles – incluant les pesticides – sur les cancers de la prostate, de la vessie, du côlon et du rectum, du système nerveux central, des ovaires ainsi que pour les myélomes multiples ou les sarcomes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/576259/original/file-20240216-24-ipzdgl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Avertissements sur un sac de semences traitées." src="https://images.theconversation.com/files/576259/original/file-20240216-24-ipzdgl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/576259/original/file-20240216-24-ipzdgl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/576259/original/file-20240216-24-ipzdgl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/576259/original/file-20240216-24-ipzdgl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/576259/original/file-20240216-24-ipzdgl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/576259/original/file-20240216-24-ipzdgl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/576259/original/file-20240216-24-ipzdgl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Avertissements sur un sac de semences traitées.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Semences_de_France,_produit_canc%C3%A9rig%C3%A8ne.jpg">Wikimedia Commons / Yann</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Pour chacun de ces cancers, plusieurs secteurs de production ont été associés à des effets délétères, ainsi que certaines tâches associées soit à une exposition directe, lors de l’application des pesticides sur les cultures ou en traitement de semences, soit à l’exposition indirecte : réentrée (autrement dit, le fait de revenir dans les cultures juste après les traitements, ce qui conduit à un contact avec des surfaces traitées et un transfert de résidu de la plante vers la peau des travailleurs), contact avec des semences enrobées, récoltes…</p>
<p>Pour permettre aux personnes ayant travaillé en agriculture d’estimer leurs expositions à certains pesticides, en fonction des cultures sur lesquelles elles sont intervenues, un outil épidémiologique (<a href="https://sites.bph.u-bordeaux.fr/PESTIMAT/Pestimat_ModeEmploi">PESTIMAT</a>) a été élaboré. Celui-ci a permis d’évaluer l’influence, dans la survenue de tumeurs du système nerveux central, de molécules pesticides spécifiques, telles que les herbicides, insecticides et fongicides carbamates.</p>
<p>Par ailleurs, en 2019, AGRICOH a permis de conclure à une association entre l’exposition au glyphosate et la survenue d’un type de lymphome particulier, le lymphome diffus à grandes cellules B. Cette analyse a également permis de détecter une association entre l’exposition à un insecticide de la famille des pyréthrinoïdes, la deltaméthrine, et la survenue d’une autre hémopathie lymphoïde (les leucémies lymphoïdes chroniques).</p>
<p>Enfin, en 2021, les travaux d’INTERLYMPH ont montré (en s’appuyant sur 9 études cas-témoins pour 8 000 patients atteints de lymphomes), que l’exposition des agriculteurs à deux insecticides, le carbaryl et le diazinon, était associée à un doublement du risque de certains lymphomes. L’année suivante, d’autres travaux menés dans le cadre d’INTERLYMPH ont révélé que chez les personnes ayant utilisé pendant de nombreuses années des phénoxy-herbicides comme le 2,4 D, les risques de survenue de plusieurs lymphomes spécifiques étaient doublés.</p>
<h2>Des questions encore en suspens qui concernent aussi d’autres professions</h2>
<p>L’impact de l’exposition professionnelle aux pesticides sur la santé humaine, notamment en termes de cancers et de certaines maladies neurodégénératives, ne fait guère de doute aujourd’hui, en raison d’une littérature scientifique nombreuse et convergente. Les arguments en faveur d’un lien entre cette exposition et d’autres maladies, en particulier respiratoires et endocriniennes, sont aussi de plus en plus nombreux au fil des ans.</p>
<p>Cependant, les connaissances nécessitent d’être encore renforcées. En effet, des zones d’ombre persistent notamment quant aux fenêtres d’exposition les plus critiques. L’impact des expositions aux pesticides pendant la vie fœtale et l’enfance est aussi une source de préoccupations.</p>
<p>Par ailleurs, si l’agriculture est le secteur professionnel utilisant les plus grandes quantités de pesticides, de nombreux autres secteurs d’activité sont également concernés, mais nettement moins étudiés (espaces verts, industrie du bois, hygiène publique, pompiers, industries agroalimentaires…).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223102/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Lebailly est membre élu du Conseil d'Administration de la Ligue Nationale de Lutte contre le Cancer au niveau national et au niveau du comité départemental du Calvados. Il a reçu des financements de diverses associations/fondations (Ligue contre le Cancer, Fondation de France, Fondation ARC) et structures publiques (ANSES, Office Français de la Biodiversité, INSERM, ANR...) ou privées (MSA, Centre de Lutte Contre le Cancer François Baclesse). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Isabelle Baldi a reçu des financements de ANR, Ligue contre le cancer, INSERM, ANSES, ECOPHYTO, Fondation de France, ARC, ...(financements publics ou associations reconnues d'utilité publique)</span></em></p>Les effets des pesticides sur la santé des agriculteurs ont été constatés dès la fin du XIXᵉ siècle. Depuis, un lien clair a été établi entre ces produits et certains cancers plus fréquents dans la profession.Pierre Lebailly, Maître de Conférences en Santé publique, membre de l'Unité de recherche Interdisciplinaire pour la prévention et le traitement des cancers - ANTICIPE, chercheur en épidémiologie au Centre de Lutte Contre le Cancer François Baclesse à Caen, Université de Caen NormandieIsabelle Baldi, Professeur des Universités – Praticien Hospitalier, co-directrice de l’équipe EPICENE ( Epidémiologie du cancer et des expositions environnementales) - Centre de Recherche INSERM U 1219, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2227752024-02-08T17:00:20Z2024-02-08T17:00:20ZAgriculture : comment Napoléon III a permis le productivisme à la française<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/573508/original/file-20240205-23-b5p2m7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C5%2C3982%2C3233&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La récolte des foins. Huile sur toile, 1881, Julien Dupré. L'agriculture de subsistance qui co-existait avec l'agriculture commerciale connaît un bouleversement sans précédent sous Napoléon III et laissera peu à peu place au modèle intensif.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/d/de/Julien_Dupr%C3%A9_-_La_Recolte_Des_Foins.jpg">Julien Dupré /Wikimedia</a></span></figcaption></figure><p>Le slogan « Notre fin sera votre faim », martelé sur chaque barrage routier depuis le départ de la contestation, témoigne de la crise morale et identitaire que traverse l'agriculture française. Le principe de « souveraineté alimentaire » <a href="https://twitter.com/FNSEA/status/1753158150818000996">se situe au cœur des revendications</a>. Arnaud Rousseau en fait son cheval de bataille depuis son élection à la présidence de la FNSEA en avril 2023. Il demande au gouvernement à ce que cet objectif de souveraineté alimentaire soit <a href="https://www.leparisien.fr/economie/colere-des-agriculteurs-on-veut-du-concret-sinon-on-remettra-le-couvert-assure-le-patron-de-la-fnsea-02-02-2024-VT2FYCEQHNBJBB6DNOETVY2NWA.php">inscrit dans la loi</a>. Pour lui, la souveraineté alimentaire est indissociable d'une agriculture française exportatrice et surtout <a href="https://www.lepoint.fr/politique/arnaud-rousseau-le-discours-de-macron-est-aux-antipodes-de-ce-que-fait-son-administration-13-01-2024-2549625_20.php">compétitive sur les marchés européens et mondiaux</a>.</p>
<p>La notion a pourtant été conçue dans un tout autre sens par le mouvement <a href="https://viacampesina.org/fr/vingt-cinq-ans-de-conviction-et-dengagement-pour-la-souverainete-alimentaire-celebrer-la-diversite-la-resilience-et-notre-volonte-de-transformer-la-societe/">Via Campesina</a>, qui la définit comme </p>
<blockquote>
<p>« le droit des personnes à produire de manière autonome […] en utilisant des ressources locales et par des moyens agroécologiques, principalement pour répondre aux besoins alimentaires locaux de leurs communautés ». </p>
</blockquote>
<p>Or, la centralité de l'acte de production et de la recherche du profit ouvre la voie au productivisme. En reprenant à son compte cette notion, A. Rousseau ne fait donc que rafraîchir la devanture de la vieille boutique agricole sans en modifier le fonds de commerce. Bien qu'il affirme le contraire, le président de la FNSEA défend la logique productiviste, qui est un facteur héréditaire de l'identité agricole de la France depuis la fin du Second Empire (1852-1870).</p>
<h2>L’invention du paradigme productiviste</h2>
<p>L’agronome <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89douard_Lecouteux">Édouard Lecouteux</a> (1819-1893), considéré comme le <a href="https://books.google.fr/books?id=TtcqimtmTPQC&pg=PA31">« père fondateur de l’économie rurale »</a>, est en quelque sorte le concepteur du paradigme productiviste en matière agricole. En 1855, il publie ses <a href="https://books.google.fr/books?id=85Q3AAAAMAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage"><em>Principes économiques de la culture améliorante</em></a>, guide pour faire de la ferme une « entreprise » capitaliste et l’agriculture une « industrie » moderne.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/573399/original/file-20240205-18-cn1rjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Portrait d’Édouard Lecouteux, agronome français du XIXᵉ siècle" src="https://images.theconversation.com/files/573399/original/file-20240205-18-cn1rjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/573399/original/file-20240205-18-cn1rjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=782&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/573399/original/file-20240205-18-cn1rjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=782&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/573399/original/file-20240205-18-cn1rjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=782&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/573399/original/file-20240205-18-cn1rjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=982&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/573399/original/file-20240205-18-cn1rjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=982&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/573399/original/file-20240205-18-cn1rjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=982&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Portrait d’Édouard Lecouteux, agronome français du XIXᵉ siècle.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89douard_Lecouteux#/media/Fichier:%C3%89douard-Michel_Lecouteux.png">Société des agriculteurs de France -- Académie des sciences et lettres de Montpellier, conférence du 15/4/96. Bull. Acad. Sci. et Lettres de Montpellier, tome 27, pp. 117-134</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Lecouteux mise sur la concurrence internationale pour encourager les transformations, à une époque où la France applique des tarifs douaniers prohibitifs. L’instauration du libre-échange permettra, selon lui, de réveiller « ces campagnes qui dorment ». Il entend par là mettre fin à l’emprise de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie_de_subsistance">l’économie de subsistance</a>, qui est le modèle agricole dominant depuis des siècles. Néanmoins, une <a href="https://books.openedition.org/psorbonne/2346">agriculture commerciale</a> coexiste séparément avec l’économie de subsistance depuis la fin du XVII<sup>e</sup> siècle. C’est une agriculture spéculative, avec des produits destinés à la vente. Elle renvoie à des activités diverses – céréaliculture, viticulture, élevages, cultures maraîchère et industrielle, etc. – selon les régions. Quoique minoritaire, elle gagne du terrain à mesure que les infrastructures et les villes se développent en France. Lecouteux écrit à raison que l’accroissement des débouchés est le « plus vif stimulant des progrès agricoles » : la hausse des prix incite à produire davantage.</p>
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<p>Dans son livre, Lecouteux s’adresse aussi bien aux promoteurs d’un capitalisme agricole qu’aux propriétaires rentiers, d’origine nobiliaire ou bourgeoise, qui possèdent les fonds pour améliorer leurs terres. À compter des années 1820, ces « agriculteurs » fondent des sociétés d’agriculture et des <a href="https://www.academie-agriculture.fr/sites/default/files/publications/encyclopedie/final_04.01.q11_les_comices_agricoles.pdf">comices agricoles</a>, dans l’objectif d’augmenter leurs revenus et de raffermir leur influence locale. Toutefois, un nombre important de propriétaires fonciers continue à produire du blé par l’intermédiaire de fermiers ou de métayers, car cette culture comporte peu de risques alimentaires et financiers.</p>
<h2>La crise finale de l’économie de subsistance</h2>
<p>L’identité agricole de la France change durant la décennie 1860. À partir de 1860, année de ratification du <a href="https://www.herodote.net/23_janvier_1860-evenement-18600123.php">traité de libre-échange franco-britannique</a>, le gouvernement de Napoléon III négocie une série d’accords comparables avec d’autres États voisins. Il espère pousser l’industrie française à se moderniser et réduire le coût de l’alimentation pour les citadins. Cette <a href="https://www-cairn-info.distant.bu.univ-rennes2.fr/un-empire-de-velours--9782348073359.htm">« véritable diplomatie du libre-échange »</a>, selon l’historien David Todd, vise à placer la France au centre du commerce mondial.</p>
<p>Dès le milieu des années 1860, la France constitue le noyau d’un espace européen du libre-échange s’étendant de la Scandinavie à la péninsule ibérique. Le secteur agricole, qui produit plus de 50 % de la richesse nationale, est un atout économique de poids. <a href="https://books.openedition.org/psorbonne/52838">La France est le premier producteur de blé de la planète à cette époque</a>. Les producteurs de céréales et les propriétaires fonciers croient que l’abaissement des tarifs douaniers leur permettra d’exporter leurs récoltes sur le marché britannique. Sauf que la Grande-Bretagne préfère acheter son blé aux États-Unis en raison de leur histoire commune. En parallèle, les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Minoterie">meuniers</a> du sud de la France importent des céréales depuis la Russie. Les consommateurs anglais rechignent à boire du vin français, alors qu’à l’origine les viticulteurs comptent sur eux pour écouler leurs surplus. En 1864-1866, les cours des prix du blé et du vin s’effondrent donc sous l’effet de la surproduction. L’agriculture française entre en « crise ».</p>
<p>Celle-ci affecte principalement les élites de la terre dont les revenus dépendent de l’état des marchés : les viticulteurs, les céréaliers capitalistes du Bassin parisien et les propriétaires rentiers qui, bien organisés, manifestent très vite leur mécontentement.</p>
<p>Les élites monarchistes hostiles à Napoléon III accusent le libre-échange et la concurrence déloyale d’être responsables des « souffrances agricoles ». Ils estiment que les agriculteurs étrangers produisent avec moins de contraintes fiscales et législatives. Beaucoup d’entre eux font partie d’associations agricoles et s’expriment au nom des <a href="https://books.openedition.org/cths/2753">millions de cultivateurs français</a>.</p>
<p>Les paysans ne ressentent pourtant pas vraiment cette crise. Le gouvernement réagit de façon inappropriée et défend à tout prix sa politique. Il exhorte les cultivateurs à réduire leurs emblavures <a href="https://www.cnrtl.fr/lexicographie/emblavure">(terres ensemencées)</a>, à produire de la viande, à mettre en pratique la logique productiviste.</p>
<p>Les autorités et les libre-échangistes croient que l’économie de subsistance est la source de la crise. Le discours gouvernemental n’est que partiellement audible pour les élites en colère. Elles réclament soit un allègement des charges pour être plus compétitives, soit l’instauration de mesures protectionnistes. Alors que ce « malaise temporaire » met à l’épreuve la capacité de résistance des rentiers et des capitalistes du sol, le débat public concourt à en faire une crise d’adaptation du modèle agricole de subsistance aux lois du marché. La politisation de la contestation conduit Napoléon III à ouvrir une vaste enquête, en 1866, dans le but de rechercher et de remédier aux causes de la crise agricole.</p>
<h2>L’enquête agricole de 1866-1870 : le triomphe du productivisme ?</h2>
<p><a href="https://theses.hal.science/tel-04187197">L’enquête agricole de 1866-1870</a> est la plus grande investigation organisée par un État européen au XIX<sup>e</sup> siècle. Le gouvernement institue des commissions dans chaque département pour auditionner les agriculteurs, mais aussi toutes autres personnes voulant être entendues. Les commissions se composent de notables, c’est-à-dire des nobles ou des bourgeois fortunés et influents auprès des populations rurales. La France des 89 départements est divisée en 28 circonscriptions. Comme il n’existe pas de véritable ministère de l’Agriculture, ce sont des commissaires délégués par le pouvoir et les préfets qui se chargent de superviser l’enquête.</p>
<p>L’administration invite les associations agricoles et les conseils généraux à répondre à un questionnaire de 80 pages.</p>
<p>Il ne s’agit pas d’établir un tableau complet des campagnes françaises, mais d’inventorier les progrès agricoles réalisés et ceux qui sont encore à effectuer. L’agriculture de subsistance, jugée routinière, n’intéresse pas les enquêteurs, sauf pour la critiquer.</p>
<p>Le gouvernement étend aussi l’enquête à 31 États, répartis sur cinq continents, par l’intermédiaire des diplomates et des consuls. Son objectif est de mener une étude comparative des modèles agricoles étrangers, afin d’évaluer le degré de compétitivité de l’agriculture française. Seul le modèle agricole britannique est valorisé. Les notables ont le monopole de la participation que ce soit en France ou à l’étranger.</p>
<h2>Le premier atlas de la France agricole</h2>
<p>Les renseignements collectés sont imprimés et rassemblés dans une collection de 38 gros volumes, d’environ 20 000 pages. En 1870, ces données servent pour la confection du premier <a href="https://mrsh.unicaen.fr/bibagri2/france-agricole/nomenclature-cartes-agricoles.html"><em>Atlas de la France agricole</em></a> comprenant 45 cartes. Les résultats de l’enquête comprennent les revendications des élites agricoles, mais le pouvoir central qui leur promet des réformes préfère temporiser. En 1867, Lecouteux, devenu rédacteur en chef du Journal d’agriculture pratique, appelle les <a href="https://books.openedition.org/pur/20250">agrariens</a> à former une <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Soci%C3%A9t%C3%A9_des_agriculteurs_de_France">Société des agriculteurs de France</a> (SAF).</p>
<p>Ce groupe de pression, toujours en activité, constitue pour la première fois une représentation nationale des agriculteurs. Il donnera une impulsion décisive au syndicalisme agricole sous la III<sup>e</sup> République. Dans l’immédiat, la SAF presse Napoléon III de céder aux revendications formulées dans l’enquête. L’empereur accepte seulement de développer l’enseignement agricole afin de freiner l’exode rural et former professionnellement les <a href="https://theses.hal.science/tel-04187197">fils de paysans</a>. Bien que l’enquête révèle la capacité de résistance de la petite exploitation aux aléas du marché, elle préconise l’arrêt du modèle économique de subsistance.</p>
<p>L’enquête de 1866-1870 annonce ainsi la fin de la coexistence pacifique entre celui-ci et le modèle agricole capitaliste. Cela montre que l’État a joué un rôle essentiel dans la transition entre les deux modèles, tout comme il choisit aujourd’hui de tolérer la cohabitation entre <a href="https://www.inrae.fr/actualites/meilleure-comparaison-entre-agriculture-biologique-conventionnelle">l’agriculture « conventionnelle »</a> et l’agriculture biologique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222775/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anthony Hamon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La crise agricole française et sa logique productiviste est un facteur héréditaire de l’identité agricole de la France depuis la fin du Second Empire (1852-1870).Anthony Hamon, Docteur en histoire contemporaine, Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.