tag:theconversation.com,2011:/uk/topics/benoit-hamon-35171/articlesBenoît Hamon – The Conversation2022-03-07T20:11:16Ztag:theconversation.com,2011:article/1775642022-03-07T20:11:16Z2022-03-07T20:11:16ZPrésidentielle : pourquoi n’y a-t-il pas (encore) de dynamique de « vote utile » à gauche et à l’extrême droite ?<p>La multiplication des candidatures est un thème récurrent des campagnes présidentielles depuis le « choc » du 21 avril 2002 – où la gauche, pourtant électoralement dominante, avait été évincée du second tour du fait de la grande dispersion des voix <a href="https://www.cairn.info/revue-esprit-2021-10-page-137.htm">entre ses candidats</a>.</p>
<p>En 2022, les candidatures d’Éric Zemmour et de Marine Le Pen pourraient bien se neutraliser et fermer les portes du second tour à l’extrême droite. À gauche, la division associée à l’absence d’hégémonie d’une de ses composantes constitue un obstacle parmi d’autres à <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/remi-lefebvre-de-nombreux-citoyens-pensent-a-gauche-vivant-a-dr/00102249">toute éventuelle victoire électorale</a>. Cette multiplication des candidatures, si elle peut en partie être expliquée par des divergences politiques, semble aussi recouvrir des différences sociologiques.</p>
<p>C’est ce que met en évidence notre analyse agrégée des sondages d’intentions de vote réalisés depuis septembre 2021 (et avant la <a href="https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/article/2022/03/04/pour-emmanuel-macron-une-entree-en-campagne-tout-en-sobriete_6116074_6059010.html">déclaration de candidature</a> d’Emmanuel Macron du jeudi 3 mars 2022).</p>
<p>Cela pourrait être une des explications de l’absence, pour l’heure, de mouvements vers un « vote utile » à gauche comme à l’extrême droite, alors même que Jean-Luc Mélenchon semble le candidat le moins mal placé à gauche et Marine Le Pen la mieux placée à l’extrême droite (même si les intentions de vote en faveur d’Éric Zemmour sont très fluctuantes) (voir figure 1).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/448093/original/file-20220223-19-1lz7rxj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/448093/original/file-20220223-19-1lz7rxj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448093/original/file-20220223-19-1lz7rxj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448093/original/file-20220223-19-1lz7rxj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448093/original/file-20220223-19-1lz7rxj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448093/original/file-20220223-19-1lz7rxj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448093/original/file-20220223-19-1lz7rxj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448093/original/file-20220223-19-1lz7rxj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Figure 1. Intentions de vote en faveur de Jean-Luc Mélenchon, Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Marine Le Pen et Éric Zemmour.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Agrégation par les auteurs de 53 sondages réalisés entre septembre 2021 et janvier 2022 par BVA, Cluster 17, Elabe, Harris Interactive, IFOP et OpinionWay</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Agréger les sondages pour saisir des régularités sociopolitiques</h2>
<p>Les sondages sont avant tout des instruments au service des médias, transformant l’élection présidentielle en « course de petits chevaux » pour reprendre les mots du chercheur <a href="https://www.cairn.info/revue-savoir-agir-2007-1-page-37.htm">Patrick Lehingue</a>. Ils servent aussi les candidats en leur permettant de se prévaloir d’une capacité à mobiliser autour d’eux les citoyens. Ils sont donc la plupart du temps interprétés sur le vif dans le débat public. Pourtant, étant répétés dans le temps, les sondages permettent aussi de voir des régularités dans les profils sociaux et politiques des électeurs potentiels des différents candidats.</p>
<p>C’est pourquoi nous avons collecté, avec six étudiants d’ESPOL entre septembre 2021 et janvier 2022, les intentions de vote selon le sexe, l’âge, la catégorie socioprofessionnelle (CSP) et le vote en 2017 lord de la dernière présidentielle. Au total, 53 sondages réalisés par 6 instituts différents (BVA, Cluster17, Elabe, Harris Interactive, IFOP et OpinionWay) ont été agrégés. L’agrégation ayant été réalisée avant la victoire de Christiane Taubira à la primaire populaire, sa candidature n’a pas été prise en compte. De même, les intentions de vote en faveur de Fabien Roussel n’ayant connu que très récemment une légère augmentation, leur analyse s’est révélée trop délicate.</p>
<p>Agréger ainsi les intentions de vote n’est toutefois pas anodin dans la mesure où la méthodologie des instituts privés peut apparaître discutable, notamment en ce qui concerne le recours quasi-exclusif à des enquêtes en ligne auprès de panels de répondants <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/11/04/dans-la-fabrique-opaque-des-sondages_6100879_823448.html">quasi-professionnels</a>, la faiblesse des échantillons de répondants dont les intentions de vote sont <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/10/10/presidentielle-2022-biais-et-disparites-methodologiques-des-intentions-de-vote_6097801_823448.html">comptabilisées</a>, en particulier lorsqu’on s’intéresse à des sous-populations, ou encore la sous-représentation des personnes les moins intéressées par la <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/02/13/il-faudrait-deshysteriser-la-production-et-l-utilisation-des-sondages_6113457_3232.html">politique</a>. Ces problèmes sont autant dus aux logiques marchandes de <a href="https://theconversation.com/derriere-les-chiffres-qui-sont-les-sondeurs-173274">l’activité de sondage</a> qu’à des dynamiques sociales et politiques structurelles, plus difficiles à corriger.</p>
<h2>Par rapport à 2017, des déperditions, mais peu de porosité</h2>
<p>Une première analyse fait apparaître la faible capacité de certains candidats à retrouver leurs électeurs de 2017. Ainsi, Jean-Luc Mélenchon, qui avait obtenu, à la suite d’une dynamique très marquée en fin de campagne qui lui avait permis de dépasser les bases traditionnelles de la <a href="https://www.cairn.info/le-vote-disruptif---page-175.htm">gauche radicale</a>, 19,58 % des suffrages exprimés, ne rassemble qu’en moyenne 9,7 % des intentions de vote et ne récupère pour l’heure en moyenne que les intentions de vote de 42,5 % de ses électeurs de 2017. De même, seule une petite moitié des électeurs de Benoît Hamon se tournerait vers la candidate socialiste Anne Hidalgo (25,3 %) ou vers le candidat écologiste Yannick Jadot (23,6 %), qui avait soutenu Benoît Hamon en 2017. À l’extrême droite, Marine Le Pen parvient en moyenne à retrouver les intentions de vote de 65,5 % de ses électeurs de 2017, un chiffre qui, quoique plus élevé que pour d’autres candidats, la place dans une posture délicate en vue d’une qualification au second tour.</p>
<p>La même analyse fait toutefois apparaître une faible porosité entre candidats. Ainsi, à gauche, les électeurs de 2017 de Jean-Luc Mélenchon qui se tourneraient vers un autre candidat sont minoritaires : en moyenne, 13,8 % déclarent avoir l’intention de voter Yannick Jadot et 5,6 % Anne Hidalgo. À l’inverse, seuls 5,5 % en moyenne des électeurs de Benoît Hamon auraient l’intention de voter Jean-Luc Mélenchon en 2022. Ces chiffres, s’ils se confirment, pourraient nuancer l’idée d’une importante porosité entre les <a href="https://www.cairn.info/des-votes-et-des-voix-de-mitterrand-a-hollande---page-95.htm">« électorats » des différents partis de gauche</a>.</p>
<p>À l’extrême droite, si la candidature d’Éric Zemmour crée une forme de porosité, celle-ci a lieu à la fois avec Marine Le Pen et avec Les Républicains. Ainsi, Éric Zemmour attire quasiment autant d’intentions de vote d’électeurs de François Fillon (en moyenne 18,6 %, alors que Marine Le Pen n’en attire qu’en moyenne 4,3 %) que d’intentions de vote d’électeurs de Marine Le Pen (en moyenne 26 %).</p>
<h2>A gauche, des différences, mais des traits sociaux communs</h2>
<p>Les profils sociaux des électeurs ayant l’intention de voter pour Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot ou Anne Hidalgo sont en partie différents, mais des traits communs demeurent. La première différence concerne l’âge. Ainsi Jean-Luc Mélenchon attire davantage d’intentions de vote parmi les 18-24 ans (17,8 % en moyenne) et les intentions de vote en sa faveur diminuent graduellement avec l’âge pour atteindre seulement 4,3 % parmi les 65 ans et plus. À l’inverse, les intentions de vote en faveur d’Anne Hidalgo ou de Yannick Jadot varient peu selon l’âge des enquêtés si on excepte des intentions de vote plus faibles pour Yannick Jadot parmi les enquêtés de 65 ans et plus (5,6 % contre 7 % en moyenne et 8,1 % parmi les 18-24 ans). Cela confirme que, comme l’avait noté le chercheur Florent Gougou à l’occasion des élections régionales de 2015, l’un des rares traits distinctifs des électeurs socialistes par rapport aux autres électeurs de gauche est <a href="https://hal-sciencespo.archives-ouvertes.fr/hal-01515793/file/tiberj-2017-la-deconnexion-electorale.pdf">l’aspect générationnel</a>. En ce sens, Jean-Luc Mélenchon parvient, même si c’est pour l’heure dans une moindre ampleur, à remobiliser, comme en 2017, bien plus massivement que ses concurrents de gauche les jeunes et les <a href="https://www.cairn.info/le-vote-disruptif---page-175.htm">primo-votants</a>.</p>
<p>La seconde différence concerne la position sociale. Ainsi, Jean-Luc Mélenchon recueille en moyenne légèrement plus d’intentions de vote au sein des catégories populaires qu’au sein des catégories supérieures (+2,4 points). On observe notamment des intentions de vote significativement plus importantes au sein du groupe ouvrier (13,3 % en moyenne) (voir figure 2). Ce résultat est inversé pour Yannick Jadot et Anne Hidalgo qui recueillent davantage d’intentions de vote parmi les catégories supérieures que parmi les catégories populaires (respectivement +3,8 et +2,5 points). 10,9 % et 6,4 % des cadres et professions intellectuelles supérieures déclarent avoir l’intention de voter Yannick Jadot et Anne Hidalgo contre seulement 4 % et 2,8 % des ouvriers (voir figure 2). Là encore, Jean-Luc Mélenchon semble être parvenu à maintenir son ancrage au sein d’une partie des milieux populaires qui avait fait <a href="https://www.cairn.info/le-vote-disruptif---page-175.htm">son succès en 2017</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/449842/original/file-20220303-21-xf8nhm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/449842/original/file-20220303-21-xf8nhm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/449842/original/file-20220303-21-xf8nhm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/449842/original/file-20220303-21-xf8nhm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/449842/original/file-20220303-21-xf8nhm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/449842/original/file-20220303-21-xf8nhm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=341&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/449842/original/file-20220303-21-xf8nhm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=341&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/449842/original/file-20220303-21-xf8nhm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=341&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Source : agrégation par les auteurs de 22 à 28 sondages (selon la modalité) réalisés entre septembre 2021 et janvier 2022 par BVA, Cluster17, Elabe, Harris Interactive, IFOP et OpinionWay.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>On retrouve cependant plusieurs traits communs pour les trois candidats de gauche. Ainsi, les salariés du public et les chômeurs ont davantage l’intention que les salariés du privé de voter pour Jean-Luc Mélenchon (respectivement 10,9 % et 18,7 % contre 9,3 %), Yannick Jadot (respectivement 10,9 % et 10,2 % contre 7,5 %) ou encore Anne Hidalgo (respectivement 6,5 % et 5,5 % contre 4,8 %). Ces résultats avaient déjà été observés en 2017 tant pour <a href="https://www.cairn.info/le-vote-disruptif---page-175.htm">Jean-Luc Mélenchon</a> que pour <a href="https://www.cairn.info/le-vote-disruptif---page-193.htm">Benoît Hamon</a>.</p>
<h2>A l’extrême droite, deux candidats et des profils sociaux très différents</h2>
<p>Le Rassemblement national, auparavant Front national, est parvenu, au moins depuis l’élection présidentielle de 1995 et surtout depuis <a href="https://www.cairn.info/des-votes-et-des-voix-de-mitterrand-a-hollande---page-101.htm">celle de 2012</a>, à davantage mobiliser en sa faveur certaines fractions des classes populaires. L’analyse des sondages fait apparaître un fossé très important entre les intentions de vote des catégories populaires et celles des catégories aisées : en moyenne, 29 % des répondants appartenant aux catégories populaires ont l’intention de voter pour Marine Le Pen contre 12,9 % de ceux appartenant aux catégories aisées.</p>
<p>C’est en particulier le cas pour les ouvriers qui ont l’intention de se rendre aux urnes parmi lesquels Marine Le Pen recueille 35,5 % des intentions de vote en moyenne alors qu’elle n’obtient que 6,7 % d’intentions de vote parmi les cadres et professions intellectuelles supérieures (voir figure 2). Toutefois, les sondages nous fournissant un nombre limité de variables, ils tendent à homogénéiser ces catégories populaires qui sont en réalité fortement segmentées, segmentations qui recouvrent l’opposition électorale entre <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-votes-populaires-176305">Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon</a>.</p>
<p>À l’inverse, Éric Zemmour semble avoir construit une stratégie de campagne en direction des classes supérieures pour lesquels la candidate du Rassemblement national serait <a href="https://www.bfmtv.com/politique/trop-populaire-ou-bourgeois-comment-eric-zemmour-et-marine-le-pen-s-attaquent-sur-leur-strategie-electorale_VN-202110230183.html">« trop populaire »</a>. Cette stratégie semble en partie porter ses fruits puisque, à rebours d’une prolétarisation, perceptible dans toute l’Europe, des électorats des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0192512107088390">droites extrêmes ou radicales</a>, Éric Zemmour attire en moyenne légèrement plus les intentions de vote des catégories aisées (13,8 %) que celles des catégories populaires (11,9 %), même si la ventilation en fonction des groupes socioprofessionnels fait apparaître des écarts plus réduits (voir figure 2). De même, s’il apparait que, comme en 2017, les salariés du public (17,3 % en moyenne) ont moins l’intention de voter Marine Le Pen que ceux du privé (24,1 % en moyenne) et que les chômeurs (24,1 % en moyenne également), la dynamique est inverse pour Éric Zemmour : seuls 7,3 % en moyenne des chômeurs déclarent avoir l’intention de voter pour lui contre 11,4 % des salariés du privé et 13,3 % des salariés du public.</p>
<p>En outre, l’âge semble être, encore plus qu’à gauche, un facteur différenciant. En effet, si Marine Le Pen recueille davantage d’intentions de vote parmi les 25-64 ans et bien moins parmi les 65 ans et plus (9 % en moyenne) (voir figure 3), Éric Zemmour voit les intentions de vote en sa faveur croître avec l’âge des enquêtés : 6,7 % en moyenne parmi les 18-24 ans, 11 % parmi les 25-34 ans et jusqu’à 16 % parmi les 50 ans et plus (voir figure 3).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/449843/original/file-20220303-10768-139sjfq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/449843/original/file-20220303-10768-139sjfq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/449843/original/file-20220303-10768-139sjfq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/449843/original/file-20220303-10768-139sjfq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/449843/original/file-20220303-10768-139sjfq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/449843/original/file-20220303-10768-139sjfq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/449843/original/file-20220303-10768-139sjfq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/449843/original/file-20220303-10768-139sjfq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Source : agrégation par les auteurs de 53 sondages réalisés entre septembre 2021 et janvier 2022 par BVA, Cluster17, Elabe, Harris Interactive, IFOP et OpinionWay.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Le retour d’un « gender gap » à l’extrême droite</h2>
<p>Pour terminer, la principale différence entre Marine Le Pen et Éric Zemmour concerne le genre. En effet, Marine Le Pen est parvenue, à l’occasion des scrutins présidentiels de 2012 puis de 2017, à inverser le traditionnel « Radical Right Gender Gap » mis en évidence par <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0010414003260124">Terri Givens en 2004</a>, à savoir une moindre propension des femmes à voter pour <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2017-6-page-1067.htm">l’extrême-droite</a>. En vue de l’élection présidentielle de 2022, ce sont même en moyenne 19 % des femmes contre 15,6 % des hommes qui déclarent avoir l’intention de voter Marine Le Pen. Mais cette disparition du Radical Right Gender Gap ne concerne pas Éric Zemmour. Bien au contraire, en moyenne, 16,5 % des hommes contre seulement 11,3 % des femmes déclarent avoir l’intention de voter pour Éric Zemmour.</p>
<h2>L’absence de mécanisme automatique de « vote utile »</h2>
<p>Cette étude des bases électorales potentielles des différents candidats de gauche et d’extrême droite, en mettant au jour des différences sociales, permet d’expliquer, faute de « rassemblement » des candidatures, l’absence de mécanisme automatique de « vote utile » susceptible de permettre une réorientation des électeurs de tout un « camp » vers la candidature la mieux placée.</p>
<p>Cependant, une analyse de ces bases électorales potentielles au regard des déterminants traditionnels de <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2017-6-page-1023.htm">l’abstention</a> rend des dynamiques possibles en cas de remobilisation électorale. Si cette hypothèse apparaît plus qu’incertaine dans un contexte de <a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/grand-entretien-la-presidentielle-2022-est-elle-menacee-par-l-abstention-record-qui-touche-les-autres-elections_4931159.html">hausse continue de l’abstention</a>, une réduction de la démobilisation électorale, particulièrement répandue parmi les jeunes générations et au sein des classes populaires, pourrait bénéficier aux deux candidats qui recueillent le plus d’intentions de vote au sein de ces groupes les moins prédisposés à participer.</p>
<p>D’une part, Marine Le Pen qui, forte du soutien plus important d’une partie des classes populaires, pourrait à la fois devancer Éric Zemmour et se qualifier en vue du second tour. De l’autre, Jean-Luc Mélenchon qui, fort de son meilleur ancrage chez les jeunes et au sein de certaines fractions des milieux populaires, pourrait réincarner, dans les dernières semaines de campagne, un « vote utile » à gauche, rendant son accès au second tour moins improbable.</p>
<p>Autrement dit, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont des « réserves de voix » bien plus importantes <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/abstention-et-potentiel-electoral-des-candidats-a-la-presidentielle/">qu’Emmanuel Macron, Valérie Pécresse ou Éric Zemmour</a>, mais encore leur faudrait-il parvenir à les mobiliser et c’est là tout le problème alors que la campagne présidentielle, qui peinait à gagner en intensité, est désormais éclipsée par la guerre en Ukraine.</p>
<hr>
<p><em>Les auteurs remercient l’ensemble des étudiants ayant participé au codage des sondages : Jeanne Delhay, Julien Dorlencourt, Alix Lemetais, Julia Mascarell et Saima Sellimi. Cet article s’inscrit dans le cadre du projet PEOPLE (Pratiques électorales et opinions liées aux élections) financé par ESPOL, par l’Institut catholique de Lille, par le CERAPS (CNRS/Université de Lille/Sciences Po Lille) et par le LEM (CNRS, Université de Lille)</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177564/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tristan Haute a reçu des financements de ESPOL, de l'Université Catholique de Lille et du Ceraps.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Paul Desplaces participe aux travaux du groupe ESPOL.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marie Neihouser a reçu des financements de ESPOL, de l'Université Catholique de Lille et du Ceraps.</span></em></p>La multiplication des candidatures à gauche peut aussi s’expliquer par les différences sociologiques des « électorats » potentiels de chaque candidat.Tristan Haute, Maître de conférences, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1740652021-12-21T19:07:27Z2021-12-21T19:07:27ZLa gauche française vit-elle son tournant américain ?<p>Appréhendée au jour le jour, la difficulté des partis qui forment la gauche française à désigner un candidat unique est peu compréhensible. Le choix du grand angle et, plus particulièrement, la comparaison de modalités des élections française et américaine permettent de montrer que les obstacles rencontrés par <a href="https://www.lefigaro.fr/elections/presidentielles/presidentielle-2022-anne-hidalgo-dans-le-piege-des-sables-mouvants-20211210">Anne Hidalgo</a> tiennent au moins autant à une crise du parti socialiste en tant qu’organisation qu’au peu d’audience d’un projet de gouvernement dont la facture est, cette fois, très classique. Et la candidature de Christiane Taubira ne permet pas de clarifier les choses. </p>
<p>Tout cela confirme une hypothèse qui pouvait déjà être posée au lendemain de <a href="https://www.lefigaro.fr/elections/presidentielles/2017/04/23/35003-20170423ARTFIG00184-benoit-hamon-autopsie-d-un-echec-programme.php">l’échec</a> de Benoît Hamon en 2017. La rénovation du programme par l’introduction de la revendication du <a href="https://www.editionsbdl.com/produit/linvention-du-revenu-de-base/">revenu universel</a> n’avait pas suffi, ni pour imposer Hamon comme le candidat unique de la gauche ni pour lui assurer un score très supérieur à celui promis en 2021 par les sondages à la maire de Paris, soit de l’ordre de 6 %.</p>
<p>Les candidats progressistes qui, sortis des rangs de gouvernements socialistes, ont réussi à obtenir la confiance d’une part importante de l’électorat traditionnel du PS, sont Emmanuel Macron et <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/le_populisme_de_gauche-9782348054921">Jean-Luc Mélenchon</a>.</p>
<p>Si les contenus de leurs programmes respectifs les distinguent, ils partagent le fait d’avoir renoncé à s’appuyer sur une construction traditionnelle de fédérations et de sections à laquelle ils ont préféré la fluidité et l’agilité de mouvements recourant au porte à porte, à des formes de mobilisation spontanée, à la participation locale comme aux derniers produits de la technologie électorale.</p>
<h2>Une évolution des organisations progressistes françaises</h2>
<p>Une <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/british-journal-of-political-science/article/abs/organizational-and-ideological-strategies-for-nationalization-evidence-from-european-parties/4F10C959DCBC194D3FF0949373F5C6E6">telle évolution</a> dans le <em>business model</em> des organisations progressistes françaises n’est pas sans rappeler la modernisation des campagnes américaines impulsées sous la présidence du Parti démocrate par Howard Dean avant l’élection de Barack Obama.</p>
<p>Les instituts de sondages n’envisagent pas une victoire de la France insoumise, <a href="https://www.lesechos.fr/elections/presidentielle/presidentielle-2022-jean-luc-melenchon-semploie-a-relancer-sa-campagne-1364399">créditée de 8 à 10 % des intentions</a> de vote en novembre 2021. Par contre, si le président de la République française conserve en 2022 la confiance d’un nombre suffisants d’électeurs socialistes, le paysage politique national pourrait ressembler un peu plus à celui des États-Unis.</p>
<p>Il serait alors probablement dominé par l’opposition entre une force progressiste libérale qui succéderait, conformément à l’un des scénarios décrits par <a href="https://www.laprocure.com/presidence-anormale-racines-election-emmanuel-macron-essai-bruno-jeanbart/9791097455248.html">Bruno Jeanbart</a>, au PS, et un parti républicain éprouvant des difficultés à convaincre les franges les plus radicales de la droite. La pièce n’est toutefois pas jouée comme en témoigne l’impact de la candidature de Valérie Pécresse sur la répartition des rôles.</p>
<h2>La personnalisation du pouvoir</h2>
<p>La France et les USA sont, à l’évidence, des pays dont la culture est différente. Cependant, saisir leurs convergences importe pour comprendre les contraintes de leur fonctionnement politique et l’état de la conjoncture.</p>
<p>La fondation de ces deux nations sur un moment révolutionnaire au XVIII<sup>e</sup> siècle ne résume en effet pas leurs similitudes. Parmi celles-ci, l’institution d’une présidence de la république, caractérisée par une élection au suffrage universel, a une influence déterminante sur l’organisation des partis politiques bien que ceux-ci n’existent pas pour cette seule élection et interviennent aussi dans le cadre de structures parlementaires nationales et régionales. La fonction présidentielle était secondaire sous la IV<sup>e</sup> république comme pour nombre de constituants américains au lendemain de la <a href="https://oxford.universitypressscholarship.com/view/10.1093/oso/9780197546918.001.0001/oso-9780197546918">révolution</a>.</p>
<p>Son renforcement a induit une personnalisation du pouvoir en même temps qu’une bipolarisation du champ partisan que les organisations doivent maîtriser pour réaliser le score électoral requis. C’est cette capacité qui est aujourd’hui mise à l’épreuve en France. Aux USA, les partis démocrate et républicain connaissent d’importantes divisions, mais celles-ci ne remettent pas en cause leur existence.</p>
<p>En France, la disparition de Charles de Gaulle, qui fut à même de rassembler une majorité par delà les frontières de la gauche et de la droite, a favorisé dans les années 1970 l’imitation du modèle américain d’organisation et la construction, en vue de la course à la présidence, de deux alliances à vocation majoritaire, dominées par une figure charismatique.</p>
<h2>L’avènement des partis présidentiels</h2>
<p>L’établissement, en 1972, d’un « programme commun » à trois formations ainsi que l’évolution de la composition sociologique du salariat au détriment du mouvement ouvrier communiste permirent l’élection de François Mitterrand en 1981. Elle assura l’installation – au moins jusqu’en 2002, sinon 2012 – du PS dans le rôle de « parti présidentiel » de gauche. Parallèlement, l’affirmation du mouvement néogaulliste dominé par la figure de Jacques Chirac sur l’UDF, inspirée par la démocratie-chrétienne de Valery Giscard d’Estaing, fédéra un nombre suffisant d’électeurs de droite pour constituer un autre grand parti présidentiel.</p>
<p>Ce dernier se montra capable de surmonter les défaites de 1981 et 1988 avant de remporter une succession de victoires entre 1995 et 2012. Il se maintient aujourd’hui sous le nom des « Républicains » à l’intérieur d’une compétition qui l’oppose au « Rassemblement national » de Marine Le Pen, voire à l’initiative d’Eric Zemmour.</p>
<p>Contrairement au cas américain, l’existence de deux formations capables de rassembler, chacune sur son nom, un peu plus ou un peu moins de la moitié des électeurs n’a pas été accompagnée en France par la disparition d’organisations concurrentes. Aux USA, rare est la posture du « troisième homme ». Récemment adoptée par Donald Trump, elle a abouti à l’adoubement par le parti républicain du célèbre homme d’affaires.</p>
<h2>Des usages électoraux bouleversés</h2>
<p>La différence entre la France et les États-Unis trouve différentes explications qui se complètent. La question financière constitue un premier élément : une élection à l’échelle d’un continent suppose des ressources importantes et par conséquent la concentration de celles-ci au service d’un petit nombre de participants à la compétition.</p>
<p>Les usages institutionnels en sont un autre. La tradition américaine d’une « primaire » à laquelle les candidats acceptent de se soumettre contribue à la limitation du nombre des formations en lice à l’élection présidentielle proprement dite en même temps qu’elle assure l’expression comme la mesure des divergences. Elle est également une occasion de tester le talent de personnalités qui peuvent déjà présenter une expérience en tant que gouverneurs, de chefs d’État.</p>
<p>En France, la difficulté de l’enracinement des « primaires » dans les usages électoraux et le <a href="https://journals.openedition.org/lectures/51473">pluralisme historique de la gauche</a> ne <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/ae/2008-v84-n2-ae2867/000376ar/">suffisent pas</a> à expliquer le nombre des candidatures.</p>
<p>La garantie d’un remboursement par l’État des frais de campagne dès qu’un score minimum relativement faible est atteint contribue à l’explication. Il en sera sans doute ainsi tant qu’un mode de financement, inspiré des propositions de <a href="https://www.fayard.fr/documents-temoignages/le-prix-de-la-democratie-9782213704616">l’économiste Julia Cagé</a>, ne réservera pas aux contribuables la responsabilité de la répartition des moyens financiers entre les candidats en amont de l’élection.</p>
<p>Mais plus fondamentalement, le nombre actuel des candidatures françaises communément cataloguées comme de gauche résulte d’une incapacité de « petites et moyennes entreprises » politiques qui, bien que partageant une sensibilité sociale et écologique, à s’agréger et à s’adresser d’une seule voix et de façon intelligible aux citoyens. Cette faiblesse de l’esprit d’entreprise de la gauche rompt avec un passé qui vit la construction, au XIX<sup>e</sup> siècle, par une « social-démocratie » unitaire d’organisations internationales mettant en réseau les partis ouvriers.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174065/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>L'auteur contribue à différentes revues européennes et fondations, parmi lesquelles la Fondation Jean-Jaurès et la Fondation européenne d’études progressistes (FEPS).</span></em></p>Le nombre actuel des candidatures cataloguées comme de gauche résulte d’une incapacité de « petites et moyennes entreprises » politiques à s’adresser d’une seule voix intelligible aux citoyens.Christophe Sente, Chercheur en sciences politiques, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1682032021-09-20T20:44:22Z2021-09-20T20:44:22ZLa gauche dans un paysage politique fragmenté<p>À l’heure où, en France, le Congrès du Parti socialiste vient de ratifier la <a href="https://www.francebleu.fr/infos/politique/olivier-faure-reelu-a-la-tete-du-parti-socialiste-1631967467">réélection à sa tête d’Olivier Faure</a>, et où près de <a href="https://www.la-croix.com/France/presidentielle-2022-candidats-gauche-deja-declares-verts-lfi-2021-09-15-1201175619">sept candidats</a> se revendiquant de gauche devraient se présenter à l’élection présidentielle de 2022, ce camp politique ne paraît guère capable d’unité. La gauche est éclatée et le paysage politique est lui-même fragmenté.</p>
<p>La fragmentation est sans doute le terme qui caractérise le mieux les systèmes politiques occidentaux contemporains depuis la disparition de l’Union soviétique.</p>
<p>L’Europe est particulièrement représentative du phénomène bien que celui-ci ne s’y cantonne pas. Révélatrices d’un cadre bipartisan sous tension, les divergences des républicains américains comme la difficulté de <a href="https://www.nytimes.com/2021/08/22/us/politics/democrats-divisions-infrastructure.html">Joe Biden</a> à bénéficier d’une discipline électorale démocrate au Congrès montrent combien la tendance à la fragmentation est répandue dans les démocraties libérales du XXI<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Superficiellement présentée dans les termes d’une crise, cette transformation des systèmes politiques affecte en particulier, comme l’illustre le cas français, ce qu’il reste convenu d’appeler « la gauche » européenne malgré le <a href="https://www.cairn.info/revue-esprit-2013-8-page-74.html">flou de ses contours</a>.</p>
<h2>Une fragmentation décuplée par les crises</h2>
<p>D’une part, la disparition des partis communistes n’a pas signifié la consolidation d’une hégémonie « social-démocrate » ou « socialiste », notions devenues synonymes et renvoyant à la défense de la Sécurité sociale et de la négociation collective par des <a href="https://www.bloomsbury.com/us/one-hundred-years-of-socialism-9781780767611/">partis d’origine ouvrière</a>. D’autre part, l’acuité de la perception collective de l’existence d’inégalités au sein des sociétés prospères de l’hémisphère nord a moins bénéficié à la « gauche » qu’à une nouvelle génération de partis dits <a href="http://cup.columbia.edu/book/populocracy/9781788210256">« populistes »</a>, de droite, voire d’extrême droite.</p>
<p>Un coup d’œil sur les résultats électoraux récents en Europe gagne à s’arrêter sur la <a href="https://searchworks.stanford.edu/view/1667069">situation des Pays-Bas</a>. Là où une société politique a reposé sur les piliers constitués par les familles chrétiennes, socialistes et libérales, plus de 10 partis se partagent actuellement les préférences des électeurs. Le PVDA, longtemps navire amiral du mouvement ouvrier, s’est <a href="https://progressivepost.eu/dutch-elections-2021-no-recovery-of-social-democracy/">effondré</a> tandis que se sont affirmés, en partie sur ses décombres, des formations représentatives de la gauche radicale, d’un libéralisme social, de l’écologie politique ou encore d’un vote protestataire, hostile à l’islam.</p>
<p>Ce paysage défini par la fragmentation – voire la disparition comme en Italie – des organisations traditionnelles communiste, socialiste et démocrate-chrétienne ainsi que par le surgissement de nouvelles formations qui peuvent sembler issues de nulle part a un précédent déjà historique.</p>
<h2>Un puissant entrepreneuriat politique</h2>
<p>En effet, dans les pays de l’ancienne Europe centrale et orientale, notamment en Pologne ou dans l’ancienne Tchécoslovaquie, on a vu émerger et s’affirmer, dès les premiers instants de la libéralisation constitutionnelle et économique, un puissant <a href="https://www.routledge.com/The-Routledge-Handbook-of-East-European-Politics/Fagan-Kopecky/p/book/9780367500092#">entrepreneuriat politique</a> ou autrement dit une capacité de citoyens à créer de nouveaux partis.</p>
<p>La comparaison est utile parce qu’elle elle montre qu’il convient de distinguer entre une crise et l’apocalypse. La fragmentation politique n’est pas nécessairement le prélude d’un chaos. Elle peut constituer le moment d’un processus de destruction créatrice au fil duquel l’offre politique s’adapte à l’évolution d’une demande sociale.</p>
<p>Aussi, une trentaine d’années après la chute du Mur de Berlin, les anciennes « démocraties populaires » satellisées par l’URSS ne sont-elles pas moins gouvernables que les pays qui appartenaient à la « Communauté européenne » instituée par le Traité de Rome en 1957 ? L’évolution des pays de l’Est tend également à indiquer, notamment en Pologne, que l’existence de partis socialistes n’est pas, ou plus, nécessaire à la satisfaction des <a href="https://www.palgrave.com/gp/book/9781137293794">attentes populaires</a>.</p>
<p>Tirer des enseignements de l’évolution est-européenne n’est cependant pas suffisant pour comprendre les ressorts de la fragmentation des systèmes partisans et les difficultés de la gauche dans ce nouvel environnement.</p>
<h2>Leçons d’Israël</h2>
<p>À cet égard, Israël constitue un autre laboratoire très intéressant. D’abord, parce qu’il illustre, comme en France, une évolution du système politique caractérisée par la disparition de la domination du Likoud et du Parti travailliste et ainsi que par l’<a href="https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-l-orient-2009-3-page-83.htm">effondrement</a> de ce dernier depuis le début des années 2000.</p>
<p>Ensuite, et c’est là un trait plus original bien qu’il se manifeste dans d’autres États comme l’Italie à l’occasion de la constitution des gouvernements successivement dirigés par Giuseppe Conte et Mario Draghi, dans le cadre de la fragmentation du système, la composition des gouvernements est désormais régie moins par des convergences idéologiques que par les contraintes de la constitution mathématique d’une majorité parlementaire.</p>
<p>Cette évolution s’accomplit selon un schéma conforme à la théorie de la démocratie qui, défendue par <a href="https://www.payot-rivages.fr/payot/livre/capitalisme-socialisme-et-d%C3%A9mocratie-9782228883177">Joseph Schumpeter</a>, réduisait celle-ci à une technique et une logique économique.</p>
<p>Autrement dit, la diversification des mouvements politiques favorise la constitution de majorités techniques plutôt que la réalisation d’un programme commun.</p>
<p>Ramenés à leur quintessence et considérés en tant que laboratoires, l’Europe de l’Est et Israël enseignent que l’issue de la fragmentation des systèmes politiques est indéterminée et peut aboutir à des résultats tout à fait contradictoires. Soit un renouvellement idéologique dont la Hongrie et la Pologne offrent des illustrations très radicales puisque l’évolution pourrait atteindre la nature même du régime politique. Soit une réduction de la politique à l’arithmétique.</p>
<h2>Quelques scénarios</h2>
<p>Appliquées au cas de la France, ces leçons permettent d’élaborer les scénarios suivants.</p>
<p>Selon un premier scénario, les résultats des prochaines élections présidentielles et législatives pourraient converger, comme ils l’ont encore fait en 2017. De la sorte, serait favorisée la perpétuation de la tendance dominante de la <a href="https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2001-4-page-101.htm">Vᵉ république</a> qui permet d’associer à un gouvernement et une présidence des choix politiques clairs, inspirés par un programme et une idéologie.</p>
<p>Selon un second scénario, les difficultés de la « cohabitation » qu’ont déjà connues les institutions françaises pourraient être augmentées par l’estompement de partis dit présidentiels, c’est-à-dire à vocation majoritaire et l’impossibilité pour le parti qui a remporté l’élection présidentielle de bâtir une majorité parlementaire à partir de la seule alliance avec un parti nettement plus faible.</p>
<p>Dans un tel environnement, les perspectives ouvertes aux partis de la gauche française paraissent maigres à moins que les résultats engrangés dans les urnes diffèrent des estimations proposées par les sondages. Ils n’en sont pas moins confrontés au choix suivant.</p>
<h2>Un choix drastique</h2>
<p>La première option consiste à parier sur les chances de l’entrepreneuriat en adaptant l’offre politique à une demande sociale.</p>
<p>Cette évolution a été jusqu’à présent accomplie sous la direction de Jean-Luc Mélenchon. Elle n’a pas permis aux formations qu’il a créées et aux programmes qu’il a défendus d’approcher une majorité parlementaire nationale ou législative comme avait pu le faire <a href="https://searchworks.stanford.edu/view/6005376">François Mitterrand</a> en liquidant la <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/congres-d-epinay-il-y-a-50-ans-les-socialistes-s-unissent-derriere-francois-mitterrand">SFIO</a>.</p>
<p>Elle avait également été tentée au parti socialiste à partir de la mise en avant par Benoît Hamon d’une revendication de <a href="https://journals.openedition.org/lectures/28190?lang=es">revenu universel</a> mais s’était soldée par un échec.</p>
<p>Aujourd’hui, la plausibilité d’un renouvellement sous la forme d’une union de la gauche, d’une extension de celle-ci aux écologistes et d’un programme écosocialiste paraît écartée comme l’a été l’organisation d’une « primaire » des candidats des différentes formations.</p>
<p>L’option qui consiste à parier sur la mathématique électorale ne devrait permettre ni au PS, ni à la France Insoumise, ni aux formations écologistes et encore moins à l’extrême gauche de participer à une majorité nationale.</p>
<p>Elle n’autorise que l’accès à des coalitions dans d’autres niveaux de pouvoir, ouvrant peut-être la voie à la refondation d’une alliance progressiste à partir des succès d’une gestion municipale ou départementale.</p>
<hr>
<p><em>L’auteur vient de publier <a href="https://www.editionsbdl.com/produit/la-gauche-entre-la-vie-et-la-mort/">« La gauche entre la vie et la mort. Une histoire des idées au sein de la social-démocratie européenne »</a>, éditions Bord de l’eau, septembre 2021.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168203/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Sente est membre du conseil scientifique de la Feps et du Cevipol (Université Libre de Bruxelles). </span></em></p>Parier sur la mathématique électorale ne devrait permettre ni au PS, ni à la France Insoumise, ni aux formations écologistes et encore moins à l’extrême gauche de participer à une majorité nationale.Christophe Sente, Chercheur en sciences politiques, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1470582020-10-07T17:21:49Z2020-10-07T17:21:49ZL’union de la gauche a-t-elle un avenir ?<p>La gauche partira finalement unie dans les Hauts-de-France pour les élections régionales de juin prochain : le Parti socialiste, le Parti communiste, la France Insoumise et Europe Écologie-Les Verts<a href="https://www.ouest-france.fr/europe/france/regionales-a-gauche-une-union-dans-les-hauts-de-france-qui-cache-bien-des-divisions-7187137"> se sont rassemblés derrière l'écologiste Karima Delli</a>.</p>
<p>Mais cette union peut-elle se généraliser à d'autres régions et, surtout, à l'élection présidentielle, qui approche à grand pas ?</p>
<p>À l'automne dernier, déjà, <a href="https://www.ouest-france.fr/politique/francois-hollande/entretien-exclusif-francois-hollande-le-ps-ne-peut-pas-rester-dans-l-etat-ou-il-est-6952452">François Hollande</a>, <a href="https://www.nouvelobs.com/politique/20200902.OBS32812/exclusif-lionel-jospin-sort-du-silence.html">Lionel Jospin</a> et <a href="https://www.lepoint.fr/politique/presidentielle-anne-hidalgo-je-prendrai-toute-ma-part-17-09-2020-2392386_20.php">Anne Hidalgo</a> ont, chacun de leur côté, réclamé une social-démocratie rénovée, soulignant en creux que la crise du socialisme français ouverte par la présidence Hollande était loin d’être résorbée. Au cours des cinq années d’exercice du pouvoir, la démission de plusieurs ministres, l’émergence de « frondeurs » au sein du groupe parlementaire et la division du Parti socialiste (PS) au moment de l’élection présidentielle de 2017 ont profondément fracturé cette famille politique.</p>
<p>Plusieurs ténors du gouvernement refusèrent de soutenir la candidature du vainqueur de la primaire socialiste, Benoît Hamon, et 9 % des cadres du parti rallièrent le mouvement En Marche <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/02/11/30-de-departs-en-cinq-ans-au-parti-socialiste-la-fuite-massive-des-cadres_6029124_4355770.html">d’Emmanuel Macron</a>.</p>
<p>Un mécanisme classique dans l’histoire socialiste s’enclencha alors après la défaite de 2017, celui des appels à la refondation et à l’unité de la gauche.</p>
<h2>Rebâtir la gauche</h2>
<p>À l’instar de François Hollande, Lionel Jospin et Anne Hidalgo, des personnalités au centre, aux marges ou en dehors du PS appellent à la rebâtir sur un projet conciliant efficacité économique, justice sociale, transition écologique et respect des valeurs démocratiques – avec des nuances importantes sur le contenu et la stratégie pour y parvenir.</p>
<p>Dès juillet 2017, Benoît Hamon fonde le mouvement Génération·s dont l’objectif affiché est de « refaire la gauche ». Au PS, la nouvelle direction ambitionne de construire la « gauche d’après », <a href="https://www.parti-socialiste.fr/un_espoir_s_est_leve_discours_du_premier_secre_taire_en_cl_ture_du_conseil_national_du_30_juin_2020">thème central</a> de sa récente université d’été.</p>
<p>Si la gravité de cette crise est indéniable, la replacer dans une perspective historique de longue durée permet de nuancer sa singularité et d’éviter de céder à la thèse trop simple de la « mort » du socialisme politique en France, énoncée par certains commentateurs <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/politique/il-faudrait-que-quelqu-un-ait-le-courage-de-prononcer-l-acte-de-deces-du-ps-l-edito-de-christophe-barbier_1976249.html">comme une évidence</a>.</p>
<h2>Une crise inscrite dans une histoire longue</h2>
<p>Depuis les dernières années du quinquennat Hollande, les effectifs du PS n’ont cessé de décliner, ce qui n’avait pas été le cas lors des précédentes crises de 1993 (défaite historique aux élections législatives), du 21 avril 2002 ou encore de 2005, lorsque le parti s’était divisé au moment du référendum pour l’adoption d’une Constitution européenne. En janvier 2016, le PS comptait environ 100 000 adhérents à jour de cotisations.</p>
<p>Ils n’étaient plus que <a href="https://editions-croquant.org/hors-collection/491-que-faire-des-partis-politiques.html">40 000 fin 2017</a>.</p>
<p>Comme le relevait justement l’ancien sénateur <a href="https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2020/04/27/l-ancien-senateur-socialiste-henri-weber-figure-de-mai-68-et-du-trotskisme-francais-des-annees-1960-et-1970-est-mort_6037833_3382.html">Henri Weber</a>, fin connaisseur de l’histoire et de la doctrine socialistes récemment disparu, l’ampleur de cette hémorragie militante n’est comparable qu’à celle qui frappa la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) à l’issue du congrès de Tours de décembre 1920 entérinant la <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2017/06/23/mouvement-citoyens-la-grande-mue-du-politique_5150074_3232.html">scission</a> entre socialistes et communistes.</p>
<p>Deux tiers environ de ses 178 000 militants la quittèrent alors pour fonder la Section française de l’Internationale communiste (SFIC) et <a href="https://www.cairn.info/magazine-l-histoire-2010-12-page-40.htm">adhérer au Komintern</a> créé un an plus tôt par Lénine.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/SmkvXZqGFqM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Léon Blum, la vie mouvementée d’un humaniste.</span></figcaption>
</figure>
<p>Dès 1923 cependant, le Parti socialiste redevint le premier parti ouvrier français. De nombreux militants communistes, hostiles à la discipline exercée par Moscou sur les <a href="https://www.puf.com/content/Histoire_du_Parti_communiste_fran%C3%A7ais">structures et la presse du nouveau parti</a>, réintégrèrent la « vieille maison » (Léon Blum), qui maintenait son identité révolutionnaire tout en garantissant le respect des principes démocratiques dans ses débats internes.</p>
<p>Un tel retour de flamme militant apparaît improbable en <strong>2021</strong> et aucune des personnalités appelant à la refondation ne l’envisage sérieusement.</p>
<h2>Le PS, une force parmi d’autres</h2>
<p>La configuration politique de la gauche post-2017 est en effet fort différente de celle de 1920. Le PS est désormais une force parmi d’autres et subit la concurrence d’EELV et de La France insoumise (LFI), cette dernière dominant la gauche de la gauche loin devant le Parti communiste (PCF).</p>
<p>Il faut remonter à la période antérieure à l’« ère Mitterrand » (1965-1995) pour trouver une <a href="https://www.cairn.info/histoire-des-gauches-en-france--9782707147370-page-275.htm">situation comparable</a>.</p>
<p>La SFIO est alors très affaiblie. Le silence face à l’usage de la torture en Algérie par le gouvernement de Guy Mollet (1956-1957), secrétaire général de l’organisation, suivie quelques mois plus tard du ralliement de la direction à la V<sup>e</sup> République du général De Gaulle provoquèrent une <a href="https://www.theses.fr/1992PA010550">scission dans ses rangs</a>.</p>
<p>À partir de 1960, elle doit ainsi faire face à la <a href="http://www.pur-editions.fr/detail.php?idOuv=3268">concurrence</a> du Parti socialiste unifié (PSU). De très loin la principale force de gauche, le PCF maintient quant à lui la position adoptée depuis les débuts de la guerre froide en 1947, à savoir le refus de tout rapprochement durable avec les organisations socialistes, qui ne l’empêchait cependant pas, depuis la mort de Staline en 1953, de soutenir ponctuellement des candidats de gauche au niveau local et national.</p>
<p>Ses députés se prononcèrent ainsi pour la nomination de Pierre Mendès France à la tête du gouvernement en 1954 et votèrent l’investiture du gouvernement Mollet en 1956.</p>
<p>Sans pousser trop loin la comparaison, la situation actuelle de la gauche évoque cette période sur plusieurs points. Si LFI ne jouit pas du même rayonnement intellectuel et militant que le PCF de l’époque, elle apparaît difficilement contournable dans la perspective d’une reconquête du pouvoir.</p>
<p>EELV présente quant à lui un air de famille avec le PSU : faibles effectifs, tendance aux <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/09/22/empetre-dans-ses-courants-et-ses-contradictions-eelv-louvoie-recule-devant-l-obstacle-de-la-presidentielle_6053094_3232.html">divisions</a> et place importante accordée à la réflexion intellectuelle qui lui permet d’être un laboratoire d’idées pour la gauche, les dérèglements climatiques renforçant sa légitimité.</p>
<p>Par-delà les limites de cette comparaison qu’il convient maintenant de préciser, la manière dont la gauche se recomposa dans les années 1960 peut donner à réfléchir à son héritière.</p>
<h2>Sortir de la crise</h2>
<p>Une première différence majeure tient à la relation qu’entretient le PS avec EELV et LFI. Préoccupée avant tout par ses rapports avec le PCF, la SFIO d’alors considérait le PSU comme une composante négligeable et un frein à l’union.</p>
<p>De même, le PS a longtemps vu dans les Verts une simple force d’appoint qu’il pouvait être utile d’avoir avec soi mais à qui les concessions accordées tant au niveau des postes gouvernementaux que des idées restaient mineures – que l’on songe à la <a href="https://www-cairn-info.acces-distant.sciencespo.fr/revue-commentaire-2000-3-page-682.htm?contenu=resume">« gauche plurielle »</a> du gouvernement Jospin ou à la place des écologistes dans le gouvernement Ayrault (2012-2014).</p>
<p>Les <a href="https://www.editions-stock.fr/livres/hors-collection-litterature-francaise/un-president-ne-devrait-pas-dire-ca-9782234075481">confidences</a> candides de François Hollande aux journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme concernant l’écologie ne laissent guère de doute sur son rapport principalement instrumental à EELV tout au long du quinquennat :</p>
<blockquote>
<p>« Je me suis intéressé à ce sujet tardivement, quand on a eu la COP 21 […]. Ségolène est beaucoup plus écolo que moi. Elle faisait du tri sélectif […]. Moi, je laissais faire. […] Les poubelles, je les descendais, mais elle faisait le tri. Je pensais que l’écologie était un sujet, mais qu’il n’y avait pas de traduction électorale. »</p>
</blockquote>
<p>Les succès municipaux d’EELV, auxquels s’ajoutent ceux obtenus lors des dernières élections européennes, ont changé la donne pour une <a href="https://editions-croquant.org/hors-collection/491-que-faire-des-partis-politiques.html">organisation</a> considérée jusqu’à peu comme un « petit parti de gouvernement » particulièrement « vulnérable aux OPA politiques à l’heure où chacun peut se dire écologiste ».</p>
<p>Le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, qui se positionne en faveur d’une candidature unique de la gauche, envisage la possibilité que son parti <a href="https://www.lanouvellerepublique.fr/blois/olivier-faure-pas-de-victoire-sans-une-gauche-unie">se range</a> derrière un candidat ne sortant pas de ses rangs lors de la prochaine élection présidentielle.</p>
<p>La relation entre le PS et LFI est également très différente de celle prévalant entre la SFIO et le PCF. On peut toutefois rappeler que l’hostilité radicale du PCF à toute union de la gauche, stratégie aujourd’hui privilégiée par <a href="https://www.liberation.fr/france/2020/08/20/pour-melenchon-le-solo-plutot-que-les-ecolos_1797318">Jean‑Luc Mélenchon</a>, évolua rapidement face à la menace d’une hégémonie gaulliste sur la vie politique nationale.</p>
<p>En 1962, la direction du PCF accepta la proposition de Guy Mollet de renouer un dialogue idéologique avec la SFIO.</p>
<p>Après la mort de Maurice Thorez en 1964, le nouveau secrétaire général du PCF, Waldeck Rochet, approfondit cette stratégie d’ouverture, dont le résultat le plus visible fut le soutien apporté par les communistes au candidat unique de la gauche à l’élection présidentielle de 1965, François Mitterrand.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/arWErtlqguw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Waldeck Rochet annonce le soutien de son parti à François Mitterand, 23 septembre 1965, INA.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Un rassemblement autour des partis passé de mode ?</h2>
<p>Ce rassemblement des gauches orchestré par les partis semble toutefois passé de mode. Une deuxième différence importante entre les années 1960 et la période actuelle réside en effet dans le discrédit de cette structure politique.</p>
<p>À l’image de LFI, qui se définit comme un mouvement, beaucoup de ténors socialistes, en particulier ses grands édiles, considèrent que le PS doit se fondre dans un ensemble plus large et horizontal, fortement implanté dans les milieux associatifs.</p>
<p>L’originalité de cette approche ne doit cependant pas être surestimée. La SFIO et le PS ne furent jamais des partis de masse ; leur audience reposa toujours sur un enracinement dans des réseaux et des milieux dépassant largement le cadre partisan, par exemple dans le Nord au sortir de la <a href="https://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2007-4-page-47.htm">Seconde Guerre mondiale</a>.</p>
<p>La symbiose entre le PS et de larges couches de la société fut aussi particulièrement forte dans les années suivant la refondation de l’organisation lors du congrès d’Épinay de 1971. Sa popularité dans les milieux syndicaux (notamment la CFDT) et associatifs lui permit de vivre jusqu’en 1981 une <a href="https://croquant.atheles.org/savoiragir/lasocietedessocialistes/">parenthèse militante</a> rare dans son histoire.</p>
<p>Cette implantation dans la société s’est progressivement relâchée, notamment après 2002 où le PS devient clairement un parti dominé par les élus locaux et leurs collaborateurs.</p>
<p>Cette mutation sociologique lourde, qui l’éloigne voire le coupe des milieux populaires et intellectuels dans certains territoires, explique le déclin des engagements multiples de ses militants. Comme le constate le <a href="https://editions-croquant.org/hors-collection/491-que-faire-des-partis-politiques.html">politiste Rémi Lefebvre</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Être adhérent implique moins que par le passé d’être syndiqué (les statuts l’exigent pourtant toujours), membre d’une association de parents d’élèves, de militer dans l’éducation populaire »</p>
</blockquote>
<p>Dans leur enquête sur les adhérents socialistes, les politistes Claude Dargent et Henri Rey soulignent quant à eux que 38 % seulement des adhérents du PS étaient syndiqués en 2011 contre <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/cahier_59.pdf">64 % en 1998 et 71 % en 1985</a>.</p>
<h2>Quel enracinement sociétal pour demain ?</h2>
<p>Le renouvellement idéologique promu par tous ceux qui appellent à la refondation permettra-t-il à cette organisation de retrouver un ancrage social comparable à celui des années 1970 ?</p>
<p>Un consensus semble en tout cas émerger autour d’un projet où les questions sociétales, environnementales et régaliennes seraient plus centrales et mieux articulées à la problématique des inégalités sociales.</p>
<p>A contrario, des thématiques conflictuelles <a href="https://www.cairn.info/revue-parlements-2016-1-page-193.htm">comme la laïcité</a>, l’identité ou l’économie apparaissent volontairement mises en retrait. Cette marginalisation stratégique s’explique par les divisions profondes et anciennes des gauches sur ces sujets.</p>
<p>L’économie en offre un bel exemple. Depuis les années 1980, la régulation de la mondialisation et le rapport à l’UE constituent une pomme de discorde récurrente entre le PS et la gauche de la gauche. Les positions apparaissant irréconciliables à court terme, les « refondateurs » font le choix de mettre ces questions en sourdine.</p>
<p>François Mitterrand avait tenu un raisonnement comparable en 1965. Au cours de cette campagne qui le vit mettre de manière assez inattendue le général de Gaulle en ballottage, il entretint un flou volontaire sur sa politique économique, très éloignée de celle du PCF, <a href="https://www.cairn.info/les-socialistes-francais-et-l-economie--9782724618600.htm">afin de ne pas s’aliéner son soutien</a>.</p>
<p>L’évocation de cette candidature unique de 1965 permet de revenir sur la dimension probablement la plus cruciale pour la « gauche d’après », celle de son incarnation. Recourant à une rhétorique classique dans le jeu politique, les « refondateurs » socialistes appellent aujourd’hui leur camp à s’accorder d’abord sur les idées avant de désigner celui ou celle qui incarnera le projet.</p>
<p>À l’heure de la personnalisation toujours plus forte du pouvoir en démocratie, notamment sous la pression des <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Hors-serie-Connaissance/Peuplecratie">divers mouvements populistes</a> et dans une Ve République où <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/NRF-Essais/La-force-de-gouverner">prédomine le pouvoir exécutif</a>, ce souhait s’apparente à un vœu pieu.</p>
<p>L’élection présidentielle est en effet bien plus centrale pour la gauche actuelle qu’elle ne l’était pour celle des années 1960. François Mitterrand, qui en faisait dès 1962 l’objectif prioritaire de sa carrière politique, constituait alors une exception et non la norme : le PCF ne jugeait pas utile de présenter un candidat ; Guy Mollet ne souhaitait pas engager sa formation dans la conquête du pouvoir tandis que Pierre Mendès France, la personnalité la plus rassembleuse à gauche, ne cachait pas son animosité à l’égard du suffrage universel direct.</p>
<p>Ce rapport à l’élection présidentielle tranche avec la situation présente, marquée par un afflux de prétendants (Jean‑Luc Mélenchon, Yannick Jadot voire de manière plus hypothétique Anne Hidalgo) rendant bien incertaine la perspective d’une candidature unique en 2022.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147058/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathieu Fulla ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si la gravité de la crise à gauche est indéniable, la replacer dans une perspective historique évite de céder à la thèse trop simple de la « mort » du socialisme politique en France.Mathieu Fulla, Agrégé et docteur en histoire, membre permanent du Centre d’histoire de Sciences Po (CHSP), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1358832020-04-20T17:27:54Z2020-04-20T17:27:54ZLe revenu universel inconditionnel plébiscité en Europe<p>Ainsi que les implications de la pandémie de coronavirus deviennent évidentes, de nouveaux appels ont été lancés en faveur d’un revenu de base universel : par des politiciens de <a href="https://www.cnbc.com/2020/03/16/coronavirus-stimulus-romney-proposes-1000-for-every-american.html">droite</a> comme de <a href="https://basicincome.org/news/2020/03/united-states-alexandria-ocasio-cortez-calls-for-basic-income-as-a-response-to-the-corona-virus-crisis/">gauche</a>, des <a href="https://www.independent.co.uk/voices/letters/coronavirus-universal-basic-income-ubi-poverty-economy-business-migrants-a9408846.html">academiques</a>, le <a href="https://www.americamagazine.org/faith/2020/04/12/easter-message-pope-francis-proposes-universal-basic-income?fbclid=IwAR0xTJ0tGNejz5jge74dHZOQ6LUzy_4ZvgqSB3TBl4XPGzCmvj8NFsy5mHs">pape</a> et même le comité de rédaction du <a href="https://www.ft.com/content/7eff769a-74dd-11ea-95fe-fcd274e920ca"><em>Financial Times</em></a>. Cette politique garantirait aux individus des paiements réguliers de la part de l’État, quelle que soit leur activité économique.</p>
<p>Nous avons récemment <a href="https://www.springer.com/gp/book/9783030300432">analysé la faisabilité de la mise en place d’un tel revenu dans les pays de l’Union européenne</a>. Nos conclusions montrent que, bien que des mesures importantes aient été prises, pour que ces politiques soient mises en œuvre avec succès, des changements seraient nécessaires en termes de soutien public, d’alignement institutionnel, de preuve des effets et de clarté de l’objectif politique. La pandémie de Covid-19 pourrait-elle déclencher un tel changement ?</p>
<h2>Mettre le stimulus financier entre les mains des particuliers ?</h2>
<p>Étant donné que des stimuli financiers massifs <a href="https://fr.euronews.com/2020/04/10/coronavirus-l-eurogroupe-trouve-finalement-un-accord-pour-renflouer-l-economie-europeenne">sont négociés</a> pour atténuer la dépression économique, <a href="https://www.ft.com/content/927d28e0-6847-11ea-a6ac-9122541af204">certains économistes</a> soutiennent qu’une politique de transferts directs d’argent aux particuliers est un mécanisme relativement abordable. Un revenu de base pourrait soulager les travailleurs et entrepreneurs qui sont en <a href="https://www.liberation.fr/debats/2020/04/09/coronavirus-face-a-une-telle-crise-il-faut-un-revenu-universel_1784609">difficulté</a>.</p>
<p>Au-delà de ses avantages potentiels en temps normal – comme atténuer les situations de <a href="https://www.revenudebase.info/decouvrir/">pauvreté</a>, <a href="https://theconversation.com/le-revenu-universel-la-solution-aux-inegalites-homme-femme-93019">valoriser</a> le travail de soin <a href="https://theconversation.com/money-for-nothing-lheure-du-revenu-de-base-universel-a-t-elle-sonne-71435">non rémunéré</a> – il est suggéré qu’un revenu de base inconditionnel puisse amoindrir certains des effets et des causes de la pandémie.</p>
<p>En effet, d’après les <a href="https://www.ids.ac.uk/opinions/precarious-and-informal-work-exacerbates-spread-of-coronavirus/">économistes</a> et les <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2020/mar/19/coronavirus-insecurity-anxiety-us-epidemic">épidémiologistes</a>, en palliant l’insécurité des revenus, un revenu de base pourrait renforcer le respect de la distance sociale, en particulier chez les <a href="https://www.weforum.org/agenda/2020/03/covid-19-quarantine-sick-pay/">travailleurs précaires</a> qui ne bénéficient pas d’indemnités de maladie ou le télétravail, ce qui ralentirait la propagation du virus. Des <a href="https://www.nytimes.com/article/coronavirus-stimulus-package-questions-answers.html">transferts directs en espèces</a> sont aussi proposés pour faire face à la chute précipitée des dépenses de consommation, ce qui permettrait d’amortir l’impact économique de la crise.</p>
<h2>Les pays qui soutiennent le revenu universel</h2>
<p>Une <a href="https://theconversation.com/survey-reveals-young-people-more-likely-to-support-universal-basic-income-but-its-not-a-left-right-thing-87554">enquête sociale européenne</a> de 2016 a montré un soutien assez élevé pour le revenu de base dans les pays européens, détaillé dans le tableau 1. Toutefois, il est surprenant de constater que le soutien public le plus important se trouve en Lituanie, en Hongrie et en Slovénie, des pays qui, <a href="https://www.springer.com/gp/book/9783030300432">selon nous</a>, ont peu ou aucune propositions concrètes concernant le revenu de base. Puisque la popularité du revenu de base n’équivaut pas à la faisabilité politique, il est donc important que nous examinions cette dernière en profondeur.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/326174/original/file-20200407-147360-1055vhz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/326174/original/file-20200407-147360-1055vhz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=304&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/326174/original/file-20200407-147360-1055vhz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=304&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/326174/original/file-20200407-147360-1055vhz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=304&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/326174/original/file-20200407-147360-1055vhz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=382&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/326174/original/file-20200407-147360-1055vhz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=382&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/326174/original/file-20200407-147360-1055vhz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=382&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Pourcentage de la population favorable ou fortement favorable à l’existence d’un régime du revenu de base dans son pays en 2016.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shanahan, Smith and Srinivasan (2020)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Notamment, même en l’absence d’un soutien public particulièrement fort pour les politiques du revenu de base, quelque pays prennent des mesures pour tester les propositions, avec des essais pilotes en <a href="https://basicincome.org/news/2019/03/germany-the-hartzplus-experiment-is-starting-and-the-basic-income-discussion-is-there-to-stay/">Allemagne</a> et les <a href="https://www.utrecht.nl/city-of-utrecht/study-on-rules-in-social-assistance/">Pays-Bas</a>. Notre recherche du degré relatif de développement des initiatives sur le revenu de base est résumée dans le tableau 2.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/327355/original/file-20200412-134587-1vi9uqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/327355/original/file-20200412-134587-1vi9uqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=219&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/327355/original/file-20200412-134587-1vi9uqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=219&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/327355/original/file-20200412-134587-1vi9uqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=219&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/327355/original/file-20200412-134587-1vi9uqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=275&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/327355/original/file-20200412-134587-1vi9uqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=275&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/327355/original/file-20200412-134587-1vi9uqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=275&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Initiatives revenu de base par niveau de développement dans 28 États membres de l’UE, janvier 2016-mars 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shanahan, Smith and Srinivasan (2020)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La faisabilité politique</h2>
<p>Nous pouvons examiner la faisabilité politique en déterminant si les conditions sociales actuelles sont propices à une politique du revenu de base. <a href="https://www.researchgate.net/publication/304799382_On_the_Political_Feasibility_of_Universal_Basic_Income_An_Analytic_Framework">Selon les théoriciens politiques Jurgen De Wispelaere et Jose Antonip Noguera</a>, la faisabilité dépend de quatre sous-types :</p>
<ul>
<li><p>La faisabilité institutionnelle : la politique atteindrait-elle ses objectifs dans le cadre institutionnel existant ?</p></li>
<li><p>La faisabilité stratégique : les principaux acteurs politiques sont-ils prêts à engager des ressources pour mettre en œuvre la politique ?</p></li>
<li><p>La faisabilité psychologique : le grand public soutient-il la politique ?</p></li>
<li><p>La faisabilité comportementale : la politique établirait-elle des incitations comportementales cohérentes avec ses objectifs ?</p></li>
</ul>
<h2>Est-on prêt à payer le prix du revenu universel ?</h2>
<p>L’un des principaux obstacles à la mise en œuvre du revenu de base est le <a href="https://www.ft.com/content/cf63e08e-725f-11e9-bbfb-5c68069fbd15">prix apparemment</a> élevé des caractéristiques distinctives de la politique, en particulier en l’absence de vérification des moyens mis en œuvre.</p>
<p>Mais les soutiens au revenu universel proposent de le mettre en place de la même façon que le système d’allocation. <a href="https://www.weforum.org/agenda/2017/01/why-we-should-all-have-a-basic-income/">Ils affirment</a> que la différence de coût entre les allocations sociales sous condition de moyens et un revenu de base sans condition de moyen pourrait être récupérée par le biais du système fiscal donc être payé par les contribuables les plus fortunés, ainsi que par une réduction des coûts administratifs liés à la vérification des moyens.</p>
<p>Ces idées dépendent d’une forte volonté politique. Néanmoins on observe un certain volontarisme politique stimulé par la pandémie. Les gouvernements sont soumis à une pression intense pour faire <a href="https://theconversation.com/coronavirus-why-the-uk-needs-a-basic-income-for-all-workers-134257">« tout ce qu’il faut »</a> afin d’éviter une dépression économique.</p>
<p>Les économistes réclament des mesures d’urgence économique rapides et simples pour <a href="https://www.ft.com/content/abd6bbd0-6a9f-11ea-800d-da70cff6e4d3">« mettre l’argent entre les mains de tout le monde »</a>, et nous voyons apparaître des initiatives qui <a href="https://read.oecd-ilibrary.org/view/?ref=119_119686-962r78x4do&title=Supporting_people_and_companies_to_deal_with_the_Covid-19_virus">échappent</a> à de nombreuses restrictions habituelles.</p>
<p>Par exemple, en <a href="https://www.oireachtas.ie/en/debates/debate/dail/2020-04-02/5/">Irlande</a>, une allocation de chômage Covid-19 a été mise à la disposition par le gouvernement de ceux qui perdent leur emploi à la suite de la pandémie, avec moins de restrictions, moins de conditions de moyens et donc une période d’attente beaucoup plus courte pour le paiement que les allocations de chômage ordinaires. On voit des mesures similaires à <a href="https://www.nytimes.com/2020/04/03/world/europe/coronavirus-Berlin-self-employed.html">Berlin</a>.</p>
<p>Bien qu’il s’agisse de mesures temporaires, certains dirigeants politiques, comme la <a href="https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/coronavirus-pour-faire-face-la-crise-l-espagne-veut-deployer-un-revenu-universel-6801428">ministre de l’Économie d’Espagne</a> et le <a href="https://www.thejournal.ie/dail-emergency-legislation-5058234-Mar2020/">premier ministre irlandais</a>, ont laissé entendre que nous ne reviendrons pas entièrement au statu quo une fois la pandémie maîtrisée.</p>
<p>Ces allocations ne sont pas identiques au revenu de base, dans la mesure où elles s’adressent exclusivement aux travailleurs ou aux ménages pauvres. Néanmoins, la réduction de l’administration et de la vérification des moyens établissent un <a href="https://www.nytimes.com/2020/03/06/business/europe-coronavirus-labor-help.html">cadre de protection sociale</a> plus proche qu’auparavant du revenu de base, renforçant ainsi la faisabilité institutionnelle de la politique.</p>
<h2>Impact psychologique et comportemental</h2>
<p>L’acceptabilité sociale du revenu de base est liée à l'adéquation entre les effets attendus par chacun sur le comportement de l'autre, et les effets réellement observés de la mise en place d'un revenu garanti. Une préoccupation commune concernant le revenu de base est qu’il agirait comme un facteur de dissuasion au travail. Pourtant des recherches initiales, conduites par exemple au <a href="http://archive.irpp.org/po/archive/jan01/hum.pdf">Canada</a> et en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0304387818306084 ?via %3Dihub">Iran</a>, suggèrent que les gens n’abandonnent généralement pas le travail lorsqu’ils sont par ailleurs soutenus par un revenu de base.</p>
<p>Cependant, <a href="https://www.kela.fi/web/en/basic-income-objectives-and-implementation">l’expérimentation finlandaise du revenu de base</a>, peut-être l’expérience de revenu de base la plus médiatisée à ce jour, a <a href="https://www.theguardian.com/world/2019/feb/08/finland-free-cash-experiment-fails-to-boost-employment">été critiquée</a> parce qu’elle ne maximisait pas l’insertion professionnelle.</p>
<p>Or, l’insertion par le travail <a href="https://helda.helsinki.fi/handle/10138/167728">n’est pas la seule raison</a> d’un revenu de base. Il est donc important d’examiner ce que les gens considèrent comme <a href="https://www.academia.edu/38154431/From_Rights_to_Activation_The_Evolution_of_the_Idea_of_Basic_Income_in_the_Finnish_Political_Debate_1980_2016">l’objectif du revenu de base</a> pour la société : s’il s’agit d’encourager l’emploi ou de faciliter une transformation du rôle du travail rémunéré dans la société tout entière.</p>
<h2>Objectifs de transformation ?</h2>
<p>Un effet frappant de la crise Covid-19 est la façon dont elle change déjà la façon dont la société perçoit les prestations de l’État. Lorsque l’ancien secrétaire d’État britannique au travail a critiqué le soutien au revenu des coronavirus, affirmant qu’il aurait un effet <a href="https://www.independent.co.uk/news/uk/politics/coronavirus-uk-update-universal-basic-income-iain-duncan-smith-a9411251.html">« dissuasif sur le travail »</a>, les commentateurs se sont empressés de noter que, dans ce cas, la dissuasion au travail est <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2020/mar/26/universal-basic-income-help-self-employed">précisément le but recherché</a>. Aujourd’hui, certains travailleurs sont <a href="https://www.nytimes.com/2020/03/06/business/europe-coronavirus-labor-help.html">« payés pour rester à la maison »</a> pour le bien de la santé publique.</p>
<p>Comme la pandémie oblige pour la première fois de <a href="https://www.euronews.com/2020/03/31/coronavirus-in-europe-one-million-job-losses-in-two-weeks-is-tip-of-the-iceberg">vastes pans de la population</a> active à dépendre du soutien au revenu de l’État, on peut s’attendre à une érosion des barrières psychologiques à l’acceptation de <a href="https://www.jacobinmag.com/2019/12/basic-income-finland-experiment-kela">« l’aumône »</a> et à une remise en question de la signification de ces transferts.</p>
<p>Peut-être cela ouvre-t-il la porte à l’examen d’autres objectifs sociaux qu’un revenu de base pourrait servir, comme donner aux citoyens le temps de <a href="https://www.vox.com/future-perfect/2020/3/24/21188779/mutual-aid-coronavirus-covid-19-volunteering">s’occuper les uns des autres</a>, de <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2019/feb/12/universal-basic-income-work-finland-experiment-payments">réduire le rôle du travail rémunéré</a> dans leur vie, et de réduire les activités qui nuisent à <a href="https://www.bbc.com/future/article/20200326-covid-19-the-impact-of-coronavirus-on-the-environment">l’environnement</a>.</p>
<hr>
<p><em>Priya Srinivasan a contribué à cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135883/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Pour mettre en place un revenu universel, des changements seraient nécessaires en termes de soutien public et politique. La pandémie de Covid-19 pourrait-elle faire basculer la donne ?Mark Smith, Dean of Faculty & Professor of Human Resource Management, Grenoble École de Management (GEM)Genevieve Shanahan, Etudiante PhD, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1097332019-01-13T20:19:27Z2019-01-13T20:19:27ZGrand débat : et si on commençait par des assemblées citoyennes ?<p>Le grand débat national : cette initiative inédite en France prendra forme officiellement demain. En réaction aux demandes émanant du mouvement « gilets jaunes », le premier ministre Édouard Philippe <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/21/gilets-jaunes-des-citoyens-tires-au-sort-pour-contribuer-au-grand-debat_5401128_3224.html?xtmc=tires_au_sort&xtcr=4">avait annoncé fin décembre</a> que des conférences de citoyens tirés au sort devraient être organisées prochainement afin de dessiner les contours de ce grand débat.</p>
<p>À côté du <a href="https://theconversation.com/debat-le-referendum-dinitiative-populaire-la-solution-108355">référendum d’initiative populaire</a>, revendiqué par de nombreux membres du mouvement, l’idée d’assemblées citoyennes tirées au sort <a href="https://theconversation.com/referendums-assemblees-citoyennes-des-propositions-a-ne-pas-sous-estimer-108927">séduit de plus en plus</a> d’acteurs politiques.</p>
<p>Cela n’avait peut-être pas frappé les esprits pendant la dernière campagne présidentielle française, mais le recours à des jurys, collèges ou assemblées citoyen(ne)s faisait partie des promesses de campagne tant d’<a href="https://en-marche.fr/emmanuel-macron/le-programme/vie-politique-et-vie-publique">Emmanuel Macron</a> que de <a href="https://www.lemonde.fr/personnalite/benoit-hamon/programme/#institutions-1">Benoît Hamon</a> et de <a href="https://www.lemonde.fr/personnalite/jean-luc-melenchon/programme/#institutions-1">Jean‑Luc Mélenchon</a>.</p>
<p>Sans doute n’avaient-ils pas tous à l’esprit le <a href="https://www.politico.eu/article/macron-populism-sham-democracy-plans-to-revamp-decision-making-disappointing/">même genre d’assemblée</a>, mais cela témoigne en tout cas du fait que l’idée, <a href="https://theconversation.com/nous-ne-sommes-pas-en-democratie-ou-le-tirage-au-sort-comme-alternative-108962">remise à l’agenda par les « gilets jaunes »</a>, est dans l’air du temps et s’impose de plus en plus franchement dans le débat politique, en France comme ailleurs.</p>
<p>Ainsi, de nombreuses assemblées citoyennes utilisant le tirage au sort ont été organisées <a href="http://press.ecpr.eu/book_details.asp?bookTitleID=395">à travers l’Europe</a> et le monde, suggérant une nouvelle manière de construire des décisions politiques et remettant en question le monopole des élus. Une grande diversité de modèles existe cependant, conférant un pouvoir très varié aux citoyens, de la simple recommandation de politiques publiques à des propositions de révision constitutionnelle.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253532/original/file-20190113-43517-pkpwj2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253532/original/file-20190113-43517-pkpwj2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253532/original/file-20190113-43517-pkpwj2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253532/original/file-20190113-43517-pkpwj2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253532/original/file-20190113-43517-pkpwj2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253532/original/file-20190113-43517-pkpwj2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253532/original/file-20190113-43517-pkpwj2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Paris : Nuit debout, place de la République, des idées de concertations citoyennes émergentes (27 avril 2016).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/3/34/2016-04-27_17-11-42_nuit-debout.jpg/1024px-2016-04-27_17-11-42_nuit-debout.jpg">Thomas Bresson/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<h2>Les citoyens sont capables d’appréhender des sujets complexes</h2>
<p>Depuis la fin des années quatre-vingt, le tirage au sort a été utilisé dans le cadre de conférences de citoyens. Ces expériences rassemblent douze à quelques centaines de citoyens dans des assemblées <em>ad hoc</em> et limitées dans le temps. Après avoir rencontré des experts et écouté le point de vue des différentes parties prenantes, les participants sont invités à échanger sur une problématique publique.</p>
<p>À la fin du processus de délibération, ils remettent un rapport composé d’une série de recommandations transmises aux autorités publiques.</p>
<p>En France, par exemple, en 1998 déjà, une <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_2000_num_50_4_395508">conférence de citoyens sur les OGM</a> à l’Assemblée nationale avait débouché sur une série de recommandations comme l’amélioration des procédures d’évaluation des risques ou la création de filières séparées.</p>
<p>Les pouvoirs publics ont mobilisé de telles conférences dans un grand nombre de démocraties, sur un grand nombre de sujets, organisant des échanges du niveau du quartier jusqu’à des assemblées paneuropéennes. Les résultats varient grandement d’un cas à l’autre, mais il est possible de dresser le double constat suivant.</p>
<p>D’une part, ces expériences montrent que les citoyens sont capables d’appréhender des sujets réputés complexes et de fournir des recommandations argumentées aux décideurs publics. Le tirage au sort peut également partiellement tenir ses promesses d’inclusion, en intégrant des publics qui s’expriment peu ou déclarent ne jamais s’investir en politique.</p>
<p>Mais d’autre part, le véritable apport de ces conférences à la dynamique démocratique globale est incertain. Ces expériences restent la plupart du temps extrêmement isolées des processus décisionnels, produisant peu d’effets sur la conduite de l’action publique. Le caractère événementiel et médiatique peut même produire de la frustration chez les citoyens qui ont accepté d’y prendre part et ont l’impression de s’être fait manipuler, pour rien. C’est un risque auquel s’expose le projet du gouvernement français.</p>
<h2>L’expérience irlandaise</h2>
<p>Un modèle plus ambitieux a été offert par la République d’Irlande, qui s’est placée à la pointe de l’innovation démocratique en organisant entre 2012 et 2014 une <a href="https://www.citizensassembly.ie/en/Resource-Area/Convention-on-the-Constitution/">Convention constitutionnelle</a> impliquant des citoyens tirés au sort. L’objectif consistait à faire émerger des recommandations de réformes de la Constitution.</p>
<p>Concrètement, la convention était composée d’un président, de 33 élus (29 membres du Parlement et 4 représentants de partis nord-irlandais) et 66 citoyens sélectionnés par un institut de sondage avec pour objectif de refléter l’équilibre de genre, d’âge et de régions de l’électorat. Suivant le même type d’organisation que les conférences de citoyen, cette assemblée mixte s’est déroulée sur 10 week-ends, subdivisés en trois moments : présentations par des experts, débat entre groupes opposés sur le sujet en question et discussions en petits groupes avec des facilitateurs.</p>
<p>Les recommandations furent soumises au gouvernement, ce dernier choisissant de les accepter, de les rejeter ou de les soumettre à référendum. Le résultat le plus spectaculaire de cette convention, à ce jour, fut la <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2015/05/23/mariage-homosexuel-en-irlande-les-partisans-du-oui-confiants_4639307_3214.html">légalisation du mariage homosexuel</a> (62 % de voix favorables), recommandée par la Convention, après un référendum national en 2015.</p>
<p>L’expérience fut reconduite en 2016 avec la mise en place de l’<a href="http://www.citizensinformation.ie/en/government_in_ireland/irish_constitution_1/citizens_assembly.html">Irish Citizen Assembly</a>, mais composée cette fois-ci des seuls citoyens tirés au sort, abandonnant de la sorte le modèle d’une composition mixte.</p>
<p>Parmi les sujets discutés par cette nouvelle assemblée, les tirés au sort étaient invités à faire des propositions sur l’enjeu particulièrement clivant de l’avortement. Suite aux cinq week-ends de délibérations, c’est l’option de l’abrogation de la disposition constitutionnelle interdisant le recours à l’interruption volontaire de grossesse qui fut plébiscitée par la majorité des participants. Le 25 mai 2018, la question a fait l’objet d’un <a href="https://www.liberation.fr/planete/2018/05/27/referendum-l-irlande-fait-corps-pour-l-avortement_1654587">référendum</a> entraînant la validation de cette mesure d’abrogation.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/mL5siWzKDOM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Emission sur Europe 1 consacrée à l’Islande et la démocratie directe.</span></figcaption>
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<p>L’Islande elle aussi a eu recours à ce format pour son <a href="https://thecenterfordemocracy-dot-yamm-track.appspot.com/Redirect?ukey=19-9LI-8PielI7XlEPuW0aj9hCk-wYlYv_3z-O82PE14-0&key=YAMMID-39445397&link=https%3A%2F%2Fgrapevine.is%2Fmag%2Farticles%2F2015%2F07%2F23%2Fa-quiet-riot-filming-icelands-constitutional-reform%2F">processus de révision de la Constitution</a> (2010-2012) mêlant assemblée tirée au sort et élection de citoyens indépendants des partis. Des interactions délibératives via les réseaux sociaux furent même organisées pour <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/jopp.12032">inclure un maximum de citoyens</a>. Le résultat, proposant d’amender divers articles de la Constitution (par exemple la reconnaissance des ressources naturelles du pays comme propriété publique) fut approuvé par référendum, mais finalement ignoré par le Parlement après un changement de majorité en 2013. À l’heure actuelle, malgré les pressions émanant de la société civile, le projet de réforme est toujours gelé.</p>
<p>En 2017, la méthode a également séduit la <a href="http://constitutionnet.org/news/deliberative-polling-constitutional-change-mongolia-unprecedented-experiment">Mongolie</a>. Une nouvelle loi y rend obligatoire l’organisation de <a href="https://www.liberation.fr/debats/2017/02/22/james-fishkin-architecte-de-la-democratie-pure_1550301">sondages délibératifs</a>, à savoir la consultation, après délibération, de <a href="http://cdd.stanford.edu/2017/main-findings-of-the-first-nationwide-deliberative-polling-on-constitutional-amendment-of-mongolia/">citoyens tirés au sort</a>, avant que le Parlement puisse considérer d’amender certains articles de la Constitution. Ainsi, l’idée de créer une seconde chambre législative (élue) a été rejetée par les participants, craignant qu’elle ne soit que le reflet de la première chambre, et a donc été laissée de côté par le Parlement.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/mzjiRUqq_MM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Université de Standford, sur l’assemblée citoyenne en Mongolie.</span></figcaption>
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<h2>Quelques expériences françaises</h2>
<p>Si la France semble encore loin de la mise en place de dispositifs d’une telle ampleur, des conférences de citoyens ont déjà été organisées par le passé, et certaines municipalités expérimentent de nouvelles formes démocratiques. La <a href="http://www.grenoble.fr/92-citoyennete.htm">ville de Grenoble</a>, par exemple, s’illustre depuis plusieurs années par une diversité de canaux de participation, allant des conseils citoyens aux budgets participatifs en passant par le <a href="https://www.liberation.fr/debats/2018/06/01/donnons-aux-citoyens-le-droit-d-interpellation_1655882">droit d’interpellation</a> (possibilité pour les citoyens de demander des justifications à leurs représentants dans le cadre d’un conseil municipal).</p>
<p>À <a href="https://www.rue89strasbourg.com/critique-livre-jo-spiegel-democratie-locale-115309">Kingersheim</a>, près de Mulhouse, des assemblées mixtes rassemblent régulièrement des citoyens tirés au sort, des élus et des représentants d’associations pour élaborer collectivement des projets après avoir été formés sur des thèmes spécifiques, puis après délibérations. Ceux qui participent sont ensuite tenus de partager les fruits de leurs délibérations <a href="https://www.allary-editions.fr/publication/les-enfants-du-vide/">avec ceux qui n’ont pas participé</a>, afin de ne pas se couper du reste de la population.</p>
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<figcaption><span class="caption">Jo Spiegel, édile de Kingersheim, s’exprime sur la démocratie directe dans sa commune.</span></figcaption>
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<h2>Et si on tirait le Sénat au sort ?</h2>
<p>Une autre façon de mobiliser le hasard, encore non-expérimentée, mais dont on parle de plus en plus dans différents pays comme la <a href="https://ledrenche.fr/2017/06/supprimer-senat-et-remplacer-par-citoyens-tires-au-sort-1136/">France</a>, la <a href="http://www.revuepolitique.be/un-senat-tire-au-sort-2/">Belgique</a> ou le <a href="https://montrealgazette.com/opinion/columnists/opinion-lets-replace-canadas-senate-with-a-randomly-selected-citizen-assembly">Canada</a>, consisterait à tirer au sort une partie des membres d’une assemblée législative.</p>
<p>Selon les partisans de <a href="http://www.revuepolitique.be/un-senat-tire-au-sort-2">cette méthode</a>, le profil diversifié des parlementaires tirés au sort ainsi que l’absence de discipline de parti poseraient les bases d’un débat démocratique plus ouvert et prenant mieux en compte les aspirations des différents groupes de citoyens. Souvent proposé en complément d’une chambre élue, ce modèle consiste donc à pluraliser les sources de légitimité démocratique et à tirer parti des <a href="https://www.academia.edu/37703755/Le_tirage_au_sort_est-il_compatible_avec_l%C3%A9lection_RFSP_2018_">vertus respectives du tirage au sort et de l’élection</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">En France en 2017 le collectif #MaVoix proposait notamment de faire élire des députés tirés au sort.</span></figcaption>
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<p>Ce point de vue reste cependant minoritaire et le soutien à une telle innovation reste encore limité. Une <a href="https://www.academia.edu/38071053/Intercameral_Relations_in_a_Bicameral_Elected_and_Sortition_Legislature">enquête récente</a> que nous avons réalisée avec des collègues dans le contexte belge auprès de 966 citoyens et 124 élus montre que les élus des différents parlements (écologistes exceptés) sont aujourd’hui très largement opposés à l’usage du sort pour constituer des institutions politiques. Sans doute y voient-ils une menace pour leur monopole sur la représentation légitime.</p>
<p>Du côté des citoyens, les positions sont plus partagées, beaucoup n’ayant pas encore d’avis. Ce sont les catégories sociales les moins favorisées, en termes de niveau d’éducation et de revenu, qui se montrent les plus favorables à l’idée d’une seconde chambre tirée au sort – signe peut-être du décalage sociologique entre les élus et ces catégories de la population. Par ailleurs, l’idée d’une chambre mixte, composée à la fois d’élus et de citoyens tirés au sort, reçoit davantage de soutien (de la part des élus et des citoyens) qu’une composition purement aléatoire.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253491/original/file-20190112-43544-1osy47h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253491/original/file-20190112-43544-1osy47h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=887&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253491/original/file-20190112-43544-1osy47h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=887&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253491/original/file-20190112-43544-1osy47h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=887&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253491/original/file-20190112-43544-1osy47h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1114&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253491/original/file-20190112-43544-1osy47h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1114&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253491/original/file-20190112-43544-1osy47h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1114&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Résultats enquête tirage au sort Belgique (Vincent Jacquet, Christoph Niessen, Min Reuchamps, John Pitseys et Pierre-Étienne Vandamme, 2018).</span>
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<h2>Se familiariser, s’impliquer, décider</h2>
<p>Sur base de ces diverses expériences, que pouvons-nous imaginer pour la France ?</p>
<p>Sans doute serait-il bienvenu de commencer par multiplier les assemblées citoyennes au niveau local, à l’image de ce qui se fait déjà à Grenoble ou Kingersheim, pour familiariser davantage les citoyens au tirage au sort et à de tels processus délibératifs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253528/original/file-20190113-43535-1njjjie.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C610%2C5982%2C3377&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253528/original/file-20190113-43535-1njjjie.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253528/original/file-20190113-43535-1njjjie.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253528/original/file-20190113-43535-1njjjie.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253528/original/file-20190113-43535-1njjjie.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253528/original/file-20190113-43535-1njjjie.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253528/original/file-20190113-43535-1njjjie.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une conférence de 20 citoyens tirés au sort a été organisée sur 3 sites nationaux fin 2018 par Enedis et Les Cahiers de la ville responsable. Ce processus vise à échanger sur la question du déploiement des compteurs Linky.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.debatparticipatiflinky.fr/le-debat-participatif-linky/la-conference-des-citoyens/">debatparticipatiflinky.fr</a></span>
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<p>En effet pour beaucoup, ces derniers demeurent sans doute étranges. Nous baignons dans des cultures politiques centrées sur l’élection et de nombreuses personnes ignorent les usages historiques du tirage au sort ainsi que les expériences plus récentes. Sans avoir assisté à des délibérations citoyennes ou lu à leur sujet, on peut douter que des citoyens ordinaires soient capables de se mesurer à des questions politiques complexes. Si le nombre de personnes ayant pris part à de telles expériences ou en ayant entendu parler par des proches augmentait, l’idée serait peut-être davantage prise au sérieux. Peut-être également que le nombre de personnes <a href="https://dial.uclouvain.be/pr/boreal/object/boreal:179869">prêtes à consacrer une partie de leur temps libre</a> à de telles délibérations – nombre aujourd’hui assez faible – s’accroîtrait également.</p>
<p>L’idée d’une assemblée citoyenne nationale gagnerait alors peut-être en crédibilité.</p>
<p>Deux modèles plus ambitieux pourraient alors être envisagés. Celui d’une réforme constitutionnelle inclusive et délibérative, à l’image des expériences irlandaise et islandaise. Ou celui plus novateur encore d’une assemblée législative permanente – un Sénat ou une troisième chambre tirée au sort qui se pencherait sur une série de sujets, comme les enjeux de long terme tels que le climat ou l’éducation, qui nécessitent de pouvoir s’extraire du temps court des cycles électoraux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/109733/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Etienne Vandamme a reçu des financements du Fonds national belge de la recherche scientifique (FNRS) et de la KU Leuven. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Vincent Jacquet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des assemblées citoyennes composées de membres tirés au sort ont été organisées dans de nombreux pays, remettant en question le monopole des élus.Vincent Jacquet, charge de recherches FRNS à UCLouvain en science politique, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Pierre-Etienne Vandamme, Chercheur en théorie politique, KU LeuvenLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/935932018-03-21T00:30:49Z2018-03-21T00:30:49ZRéforme constitutionnelle : le macronisme, horizontal en campagne et vertical au pouvoir<p>La réforme constitutionnelle proposée par le gouvernement a pour objet de rationaliser, une fois de plus, le fonctionnement de la V<sup>e</sup> République en se focalisant uniquement sur le Parlement. C’est donc bien la démocratie représentative dans sa fonction législative et délibérative qui est jugée malade.</p>
<p>On en connaît les principaux ressorts : réduction du nombre de parlementaires, interdiction de cumuler plus de trois mandats dans le temps, simplification de la procédure législative pouvant aller jusqu’à restreindre le droit d’amendement en fonction de la taille des groupes politique, introduction d’une <a href="https://theconversation.com/la-proportionnelle-derniere-etape-de-la-strategie-demmanuel-macron-79286">dose – pour l’instant indéterminée – de proportionnelle</a> afin d’équilibrer la représentation des diverses sensibilités politiques, notamment celle du FN, dont la candidate (Marine Le Pen) a obtenu plus de 10 millions de voix au second tour de l’élection présidentielle et qui se retrouve avec 7 députés seulement.</p>
<p>Au-delà du flou des propositions dont le contour exact n’est toujours pas déterminé et fait l’objet de négociations musclées avec le président du Sénat, cette réforme s’inscrit dans un renforcement sans précédent de la fonction présidentielle. Le seul contrepoids à cette évolution est de supposer que la réduction du nombre de parlementaires et l’augmentation de leurs moyens techniques devraient permettre un meilleur contrôle des politiques publiques – ce qui reste à prouver. Comme il reste à prouver que le contrôle <em>a posteriori</em> peut remplacer la fonction délibérative <em>a priori</em>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/JogfLbPBEWI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>On assiste donc à un véritable retournement du macronisme. Ce dernier, dans une posture presque gaullienne, s’était construit en 2016 contre les oligarchies partisanes sur la base de réseaux militants pratiquant avec fierté la participation high-tech. Il s’agissait d’inventer une nouvelle façon de faire de la politique, une méthode réticulaire regroupant tous les « Marcheurs » de bonne volonté suffisamment diplômés pour utiliser les réseaux sociaux et s’engageant dans des délibérations permettant de faire remonter les demandes du terrain.</p>
<p>Deux ans plus tard, ce même macronisme produit une série de réformes peu ou pas négociées avec les partenaires sociaux, <a href="https://theconversation.com/reforme-la-sncf-des-tensions-grandissantes-entre-puissance-publique-et-democratie-sociale-92817">notamment celle de la SNCF</a>, et une réforme constitutionnelle devant réduire la part de parlementarisme au sein de la V<sup>e</sup> République.</p>
<p>Pour comprendre ce qui se joue dans la vie politique française, on peut faire l’hypothèse qu’un nouveau clivage est né, opposant les tenants du pouvoir vertical aux partisans du pouvoir horizontal.</p>
<h2>Les deux représentations du pouvoir</h2>
<p>L’aspiration à la délibération et à la participation citoyenne a sans doute été l’un des marqueurs de l’élection présidentielle de 2017. Elle s’est exprimée, bien que de manière malheureuse et caricaturale, dans l’organisation des primaires à gauche comme à droite, mais aussi dans les programmes de la plupart des candidats, à la notable exception de celui de François Fillon.</p>
<p>Il est indéniable qu’une transformation du paysage politique français s’est opérée depuis quelques années, sous l’influence notamment d’expériences participatives locales ou de tentatives de relancer la démocratie directe en créant de nouveaux lieux de rencontres où la parole politique puisse se construire et se libérer, comme l’a illustré l’aventure de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/nuit-debout-26696">Nuit debout</a>.</p>
<p>La <a href="http://www.cevipof.com/fr/le-barometre-de-la-confiance-politique-du-cevipof/">vague 9 du Baromètre de la confiance politique du Cevipof</a>, dont le terrain a été réalisé en décembre 2017, nous apprend que la confiance dans les institutions politiques, loin de s’améliorer avec l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, s’est au contraire tassée de manière spectaculaire : la confiance dans la plupart des catégories d’élus, y compris les élus locaux, a perdu environ une dizaine de points par rapport aux résultats engrangés une année avant, alors que François Hollande faisait l’objet de toutes les réprobations.</p>
<iframe src="https://e.infogram.com/4e57f59e-63d9-462d-a719-6845b74608b9?src=embed" title="Niveau de confiance" width="100%" height="690" scrolling="no" frameborder="0" style="border:none;" allowfullscreen="allowfullscreen"></iframe>
<p>Comme le macronisme s’est (aussi) présenté en tant que mouvement réformateur ne voulant plus s’embarrasser de tergiversations ou de débats, on s’est interrogé sur ce qui faisait aux yeux des enquêtés un « bon » responsable politique au début de l’année 2018. S’agit-il de quelqu’un qui sait s’entourer d’experts compétents, prendre ses décisions sans tenir compte des critiques (indicateurs de pouvoir vertical) ou bien de quelqu’un qui prend l’avis du plus grand nombre avant de décider et qui sait passer des compromis pour éviter les conflits (indicateurs de pouvoir horizontal) ?</p>
<h2>Le macronisme : libéralisme culturel, tolérance sociétale et pratique verticale du pouvoir</h2>
<p>Ces caractéristiques ont été présentées sous la forme de deux questions permettant aux enquêtés de dire ce qu’ils plaçaient en première et seconde position. Le regroupement des réponses, en tenant compte de la priorité donnée à chaque item, montre que les enquêtés se répartissent en <a href="http://www.cevipof.com/rtefiles/File/noterech-08/Confiance2018_ROUBAN.pdf">deux groupes égaux</a> puisque 50 % choisissent le pouvoir vertical, 47 % le pouvoir horizontal et 3 % ne savent pas.</p>
<iframe src="https://e.infogram.com/2a4aa764-18c3-4496-b539-79bac4ceacb1?src=embed" title="Modèle de pouvoir d'un homme politique que préfèrent les enquêtés" width="100%" height="532" scrolling="no" frameborder="0" style="border:none;" allowfullscreen="allowfullscreen"></iframe>
<p>L’analyse montre, tout d’abord, que les partisans du pouvoir vertical se rencontrent surtout chez les électeurs d’Emmanuel Macron (64 %) et de François Fillon (68 %) au premier tour de l’élection présidentielle. En revanche, ceux de Benoît Hamon sont bien plus partagés (54 %), alors que ceux de Jean‑Luc Mélenchon le rejettent (38 %), comme ceux de Marine Le Pen (34 %). Dans l’esprit de ses électeurs, et non pas de ses militants, le macronisme n’est donc pas assimilé à un pouvoir participatif horizontal mais bien à une volonté d’appliquer de manière assez unilatérale le programme de réformes.</p>
<p>Le second résultat contre-intuitif de l’enquête est de montrer que si les catégories supérieures et diplômées se caractérisent par un haut niveau de libéralisme culturel et de tolérance sociétale, elles se distinguent également par leur défense du pouvoir vertical. Comme quoi le libéralisme culturel ne préjuge pas du type de pouvoir ou de démocratie que les enquêtés défendent.</p>
<p>C’est ainsi que 38 % de ceux ayant un niveau CAP-BEP défendent la vision verticale contre 47 % de ceux ayant le niveau du bac et 58 % ayant au moins une licence. Le niveau de libéralisme culturel (tel qu’on peut le mesurer sur la base de questions portant sur le rétablissement de la peine de mort, le nombre jugé excessif ou non d’immigrés et la suppression de la loi autorisant le mariage homosexuel) et la représentation du « bon élu » sont donc relativement déconnectés.</p>
<p>On est ici au cœur de l’ambivalence du managérialisme qui renforce le pouvoir hiérarchique en le couvrant d’un masque de libre communication et de culture soixante-huitarde. Cela montre aussi que les électeurs (et non pas les militants) des mouvements « populistes » qui sont, en l’espèce, défenseurs du pouvoir horizontal, ne sont pas nécessairement à la recherche d’un modèle autoritaire, et ne sont pas nécessairement caractérisés par une « personnalité autoritaire ». L’autoritarisme a peut-être pris d’autres chemins aujourd’hui.</p>
<h2>Pouvoir vertical et libéralisme économique sont associés</h2>
<p>En revanche, la défense du pouvoir vertical s’intensifie avec le degré de libéralisme économique. On a créé un indice sur la base de trois questions (il faut réduire le nombre de fonctionnaires, faire confiance aux entreprises pour sortir de la crise économique, ne pas prendre aux riches pour donner aux pauvres afin d’assurer la justice sociale) et allant donc de 0 à 3 en fonction du nombre de réponses positives. On voit alors que les enquêtés au niveau 0 du libéralisme économique choisissent le pouvoir vertical à concurrence de 32 % contre 42 % de ceux qui se situent au niveau 1 puis 54 % de ceux qui sont au niveau 2 et 67 % de ceux de niveau 3. La proportion de ceux qui préfèrent le pouvoir horizontal varie de manière inverse.</p>
<p>On peut mesurer ici le fait que la dimension « managériale » du macronisme ne signifie nullement une perspective de pouvoir horizontal ou participatif, comme pourraient le laisser croire les métaphores entrepreneuriales utilisées lors de la campagne. De fait, 22 % des électeurs d’Emmanuel Macron se situent au niveau 3 de l’indice de libéralisme économique contre il est vrai 62 % de ceux de François Fillon mais 15 % de ceux de Marine Le Pen, 4 % de ceux de Jean‑Luc Mélenchon et 3 % de ceux de Benoît Hamon.</p>
<p>Cette association entre les représentations de la démocratie et le niveau de libéralisme économique renvoie à l’appartenance sociale des enquêtés. Les deux représentations de la démocratie se retrouvent dans la distribution en grandes classes sociales, construites sur la base des occupations professionnelles selon la grille de lecture retenue pour les travaux précédents.</p>
<h2>Le sens de la révision constitutionnelle</h2>
<p>Le clivage entre pouvoir vertical et pouvoir horizontal détermine le niveau de la confiance placée dans les institutions. Les enquêtés préférant le pouvoir horizontal ont moins confiance dans les institutions politiques, nationales ou locales, que ceux qui préfèrent le pouvoir vertical.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/211023/original/file-20180319-31617-x71697.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/211023/original/file-20180319-31617-x71697.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/211023/original/file-20180319-31617-x71697.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/211023/original/file-20180319-31617-x71697.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/211023/original/file-20180319-31617-x71697.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/211023/original/file-20180319-31617-x71697.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/211023/original/file-20180319-31617-x71697.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tous derrière et lui devant : le Président Macron, lors des cérémonies du 14 juillet 2017.</span>
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<p>De la même façon, la critique des élus est plus forte chez les partisans du pouvoir horizontal : 74 % d’entre eux contre 52 % des tenants du pouvoir vertical estiment que la plupart des responsables politiques ne se soucient que des riches et des puissants et 63 % des premiers contre 37 % des seconds pensent que c’est le peuple et non les responsables politiques qui devrait prendre les décisions les plus importantes.</p>
<p>La révision constitutionnelle actuelle s’appuie donc sur la dénonciation assez générale des élus (ils sont trop nombreux, plutôt corrompus et ne travaillent pas beaucoup) développée chez les partisans du pouvoir horizontal pour renforcer le pouvoir vertical associé au macronisme.</p>
<p>Au-delà de son élitisme, confirmé par le profil des nouveaux députés de la République en Marche, le macronisme se présente comme un moment politique où se joue une confrontation non seulement entre deux visions de la démocratie mais aussi entre deux anthropologies du pouvoir. La réforme constitutionnelle en cours doit venir séparer encore un peu plus le personnel politique national et le personnel politique local.</p>
<h2>Une attente de proximité</h2>
<p>L’agrandissement mécanique des circonscriptions lié à la réduction du nombre d’élus va rendre plus difficile le contact avec les électeurs. Or c’est bien la proximité physique et sociale des électeurs et des élus qui reste au sein de la relation de confiance politique, qui est elle-même <a href="http://www.ladocumentationfrancaise.fr/ouvrages/9782111455146-la-democratie-representative-est-elle-en-crise">au cœur de la démocratie représentative</a>. Et c’est bien cette attente de proximité qui nourrit la vision d’un pouvoir horizontal participatif.</p>
<p>La révision constitutionnelle, telle qu’elle est actuellement proposée, entend dissocier le national du local et rendre le national encore plus lointain et abstrait en laissant le local se confronter aux difficultés quotidiennes. Comment peut-on penser que cette réforme puisse améliorer la confiance politique dans les institutions ?</p>
<p>De plus, l’<a href="https://theconversation.com/la-proportionnelle-derniere-etape-de-la-strategie-demmanuel-macron-79286">instauration d’une dose de proportionnelle</a> va contribuer à relancer les manœuvres au sein des partis politiques, comme on le voit déjà lors des élections régionales. La plupart des réformes nées d’une ingénierie institutionnelle hasardeuse comme le quinquennat ou les primaires n’ont fait qu’aggraver les problèmes.</p>
<p>La révision constitutionnelle actuelle, tout comme les conflits sociaux qui secouent le secteur public, partagent des structures communes dans le sens où l’on voit s’affronter dans chaque cas une revendication de terrain – soucieuse de la réalité vécue par les élus et les agents – à une norme juridique ou financière devant décliner un modèle de pouvoir désincarné et impalpable.</p>
<p>À travers l’opposition entre pouvoir vertical et pouvoir horizontal se joue donc une opposition entre deux modes d’interaction politique, l’un virtuel et numérique, l’autre physique et humain.</p>
<hr>
<p><em>Les datavisualisations de cet article ont été réalisées par Diane Frances</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/93593/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Rouban ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>On assiste à un véritable retournement du macronisme : construit en 2016 contre les oligarchies partisanes sur la base de réseaux militants, il produit une série de réformes peu ou pas négociées.Luc Rouban, Directeur de recherche CNRS, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/839042017-09-17T20:23:03Z2017-09-17T20:23:03ZRythmes scolaires : et les élèves, dans tout ça ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/186184/original/file-20170915-8071-ncl40t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1713%2C1061&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Et les enfants ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jblndl/328432553/in/photolist-v2iye-8G45is-Frp79-Syhh2L-dVeG5w-8G42tA-8zjCvR-99pcQi-9AHFmn-W8jrvu-3goMH8-43F657-6Ph1SB-9VLQJc-8FZJpg-dYdeir-nosRMR-7io1Pf-oWvPJ-7nXk7K-9eHr8S-9eE1in-7iiSmP-7nXkb2-5umDuc-69L3Tq-bwZyBA-pq67uS-9qL9Mp-bznA3W-EnMDTZ-5r9vdY-8G45Ry-5DK4f4-7ccdNB-8FZHdB-7inMi5-7iiVeX-8FZUtv-7inQad-fbHjBK-7iiWgx-7iiQTc-7iiXNH-VrmWJQ-dyjMMM-58e5bM-7iiRhi-7nXkrR-7iiT5i/">Môsieur J./Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Pour le Président de la République, la France n’est pas réformable. Les « rythmes scolaires » n’en sont-ils pas un témoignage ? L’histoire de cette réforme est de nature à nous éclairer sur une des raisons profondes de l’échec de tant de tentatives de réforme, dans le champ éducatif : la difficulté à faire prévaloir l’intérêt des élèves.</p>
<h2>L’étrange destin de la réforme Peillon</h2>
<p>Pour bien saisir les enjeux du « moment » actuel, (que nous désignerons comme « moment Blanquer » : printemps/été 2017), il faut se remettre dans la perspective du premier moment de la réforme (moment Peillon/Hamon, 2012-2014). L’un des aspects les plus frappants de ce premier grand moment est en effet que l’on soit passé, en quelques mois, d’un consensus quasi unanime, à une contestation quasi généralisée.</p>
<p>Le consensus (<a href="http://bit.ly/2weSgTK">sondage Harris Interactive publié le 23 août 2012</a> : 72 % des Français sont favorables au passage à la semaine de 4,5 jours) pouvait s’expliquer. Des données scientifiques, produites par la chronobiologie, avaient conduit l’Académie de médecine à conclure (<a href="http://bit.ly/2fnsDpw">« avis » du 15/01/2010</a>) que la semaine de quatre jours était un « contresens biologique pour l’enfant » ! Et on avait pris conscience, sous l’impulsion d’<a href="http://bit.ly/2h6g2Hk">Antoine Prost</a>, de la nécessité de redresser la courbe du raccourcissement sensible et continu de la durée de présence obligatoire en classe dans l’enseignement primaire (de 1894 à 2008, on était passé de 1338 à 840 heures annuelles, et de 223 à 140 jours de classe).</p>
<p>La mise en œuvre de la réforme suscitera pourtant de très importantes résistances. Celles-ci, fondées pour l’essentiel sur des craintes, des rancœurs, et des considérations idéologiques, prenaient parti de réelles difficultés de mise en œuvre pour rejeter en bloc ce dont on saluait peu de temps auparavant le bien-fondé, et la nécessité. Après deux années de fortes turbulences, marquées par des grèves et des manifestations, la réforme survécut tant bien que mal, mais au prix d’importantes concessions (dont le <a href="http://bit.ly/2jvtadu">décret Hamon</a>, qui autorise le regroupement des activités périscolaires sur un seul après-midi). Mais le retour au calme, dans une ambiance teintée d’amertume et de désenchantement, n’était que précaire. Le moment Blanquer va venir révéler la fragilité de cette survie.</p>
<h2>De la vie et de la mort des réformes</h2>
<p>Est-ce le destin de toute réforme éducative que de passer du consensus au rejet ? L’analyse de la tragi-comédie qu’a constitué le moment 2012–2014 peut en tout cas permettre de dégager, comme a contrario, quelques conditions de possibilité d’une réforme éducative.</p>
<p>Tout d’abord, il est important de noter que pratiquement personne n’a remis en cause le bien-fondé du cœur même de la réforme : revenir à une semaine de 4,5 jours pour mieux respecter les rythmes d’apprentissage propres aux élèves. Ce que l’on refuse, ce n’est pas le contenu de la réforme, mais ce qui vient perturber un « ordre » établi, sans gain visible pour la catégorie d’acteurs sociaux à laquelle on appartient. Chacun rêve d’une réforme qui, pour lui, serait à la fois indolore et « gagnante »…</p>
<p>La réforme devra donc vaincre bien des égoïsmes pour imposer la prise en compte de ce qui est (en tout cas : devrait être !) en son cœur : l’intérêt des élèves. Une étude des reproches adressés à la réforme par les différents groupes d’acteurs en cause (Hadji, 2017) nous a permis d’identifier plus spécifiquement six « zones problématiques », où se jouent six défis. On peut considérer que chacun d’entre eux définit une condition de possibilité de la réussite de la réforme.</p>
<p>L’actuel, et second grand « moment », de la réforme, nous semble alors souligner l’importance de deux de ces défis, à savoir : ne jamais perdre de vue ce qui donne son sens à la réforme, et en constitue le cœur, d’une part ; être capable de dépasser ses intérêts égoïstes, d’autre part. En effet, cette nouvelle poussée dans « la fièvre des rythmes » (<em>Le Monde</em> du 7 juillet 2017) est une parfaite illustration de ce qui constitue une constante dans la chaotique histoire des réformes éducatives en France : l’insuffisante prise en compte, par les différents acteurs sociaux, de l’intérêt fondamental des élèves.</p>
<h2>La réforme prise au piège des intérêts particuliers (ou : la bande des quatre dans ses œuvres)</h2>
<p>Depuis que le <a href="http://bit.ly/2fo810r">décret Blanquer du 27 juin</a> en a donné la possibilité, on constate une progression impressionnante du choix du retour à la semaine de 4 jours (31,8 % des écoles, représentant 28,7 % des écoliers, au 18 juillet 2017). Les acquis de la chronobiologie seraient-ils devenus caducs ? Les connaissances produites sur l’importance du temps scolaire et le nombre de jours d’école, obsolètes ? Certainement pas. Mais les acteurs qui s’investissent dans le débat ont en tête de toutes autres considérations. À savoir, les intérêts immédiats des institutions ou des groupes qu’ils représentent, ou auxquels ils appartiennent.</p>
<p>Le ministre, plongé dans son temps politique, agit en ayant principalement en tête le « coût » et l’intérêt politiques de ses décisions, avec la tentation de défaire ce qu’ont fait ses prédécesseurs, pour bien marquer l’entrée dans les temps nouveaux. Ce qui le conduit à ignorer le vote du Conseil supérieur de l’éducation (rejet le 8 juin, par 35 voix contre 21, du projet de décret autorisant le retour à la semaine de 4 jours). À œuvrer ainsi à la démolition de l’existant sans attendre que l’expérimentation et l’évaluation, dont par ailleurs il vante les mérites, aient eu le temps de produire leurs enseignements. Et à contraindre les écoles et les municipalités à faire des choix dans la précipitation d’une fin d’année scolaire.</p>
<p>Les parents d’élèves privilégient leurs propres soucis. Pour eux, l’école sert, entre autres, à garder leurs enfants pendant qu’ils travaillent. Ils sont donc d’abord attentifs à ce qui les arrange, et ne voient pas d’inconvénient majeur à la perte d’une matinée de classe (où l’efficacité des apprentissages est plus grande), pourvu que des activités soient proposées le mercredi matin pour compenser.</p>
<p>Les enseignants, et leurs syndicats, succombent (comme toujours ?) à la tentation de penser d’abord à leurs conditions de travail. Un enseignant interrogé par <a href="http://lemde.fr/2tYGP15"><em>Le Monde</em> (du 7 juillet 2017)</a> confesse « qu’avoir son mercredi pour soi, c’est confortable ». Faut-il alors s’étonner que, selon une consultation syndicale conduite en juin, 75 % des professeurs des écoles ayant répondu se déclarent en faveur de la semaine de 4 jours (<em>Le Monde</em> des 25/26 juin 2017) ?</p>
<p>Les maires, enfin, ont d’abord une vision comptable du problème. Dans une période de restriction budgétaire, marquée par la baisse des dotations de l’État, ils privilégient en quelque sorte « naturellement » la recherche du moindre coût. Ce qui les conduit à faire des « choix économiques », « sur le dos des enfants », comme l’exprime la responsable départementale de la FCPE dans l’Aude (<a href="http://bit.ly/2jtZwVU"><em>Le Midi Libre</em> du 20 juillet 2017</a>).</p>
<h2>À qui appartient-il alors de définir l’intérêt des élèves ?</h2>
<p>Bien sûr, les intérêts de chaque partie prenante méritent d’être pris en compte. En particulier, on peut comprendre que les enseignants soient soucieux de leurs conditions de travail. Toutes les préoccupations ont leur niveau de légitimité. Mais, si le problème à résoudre est de trouver les rythmes les plus favorables aux apprentissages scolaires, les intérêts particuliers doivent passer au second plan, pour s’effacer devant l’intérêt des élèves qui apprennent.</p>
<p>Ce qui soulève une dernière question : qui peut, en dehors des élèves eux-mêmes, que leur âge ne place pas en situation de dire seuls ce qui est bon pour eux, parler légitimement au nom des élèves ? La réponse nous paraît simple : les scientifiques, pour la description des processus d’ordre chronobiologique ; les pédagogues, pour la recherche de « bonnes pratiques » à mettre en œuvre ; le législateur, pour la détermination des finalités de l’action éducative collective. Puissions-nous être d’abord à l’écoute des voix en provenance de ces trois champs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/83904/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Hadji ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’histoire de cette réforme éclaire une des raisons profondes de l’échec de tant de tentatives de réforme, dans le champ éducatif : la difficulté à faire prévaloir l’intérêt des élèves.Charles Hadji, Professeur honoraire (Sciences de l’éducation), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/827942017-08-30T18:55:43Z2017-08-30T18:55:43ZComment les enseignants sont passés du soutien ambivalent au rejet de la réforme des rythmes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/184011/original/file-20170830-23702-bwr83v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Ecole primaire, La Roche de Glun, France</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/astrozombie/3123356950/in/photolist-FiKFu-mA7KP-SyhVou-dVjPvi-SyhgPG-Vu8v5k-bNhgYK-5Q2yL3-Syhh7W-SUhryo-b9Myna-4zhWfE-REy8Y2-VjCTsD-5L12cU-iEbCey-8G3U2G-9aMNG3-9qYhum-hdPFCX-uN8Gr-oQn6a1-3gtb3o-8FZTjF-8G3TtC-cGXYJw-Wy9Zum-5GWhan-VGNq86-Syhh2L-99pcQi-WrtdT2-5V2LAV-8G45Jw-8G3Tmm-6a76Mj-v2iye-8G45is-Frp79-8FZGF4-dVeG5w-nEXaU8-W8jrvu-8G42tA-8zjCvR-9AHFmn-3goMH8-43F657-6Ph1SB-9VLQJc/">Allison Meier/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En 2012, la plupart des observateurs, moi compris, estimaient que la réforme des rythmes scolaires initiée par le ministre de l’Éducation nationale, Vincent Peillon, ne susciterait pas de grande mobilisation.</p>
<p>Depuis une tribune retentissante de l’historien Antoine Prost dénonçant un <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2008/05/28/un-munich-pedagogique-par-antoine-prost_1050752_3232.html">« Munich pédagogique »</a>, l’idée avait fait consensus qu’il est impossible « d’apprendre mieux et plus en travaillant moins » et qu’une répartition sur quatre jours est dangereuse, car « six heures de classe pour des enfants de moins de 8 ans, c’est trop pour être efficace ». <a href="http://www.laligue.org/lappel-de-bobigny/">L’appel de Bobigny</a>, initié par la Ligue de l’Enseignement et signé par les principaux acteurs de l’éducation (associations d’éducation populaire, élus locaux, parents d’élèves, mouvements pédagogiques, syndicats) demandait le rétablissement à 4 jours et ½ par semaine.</p>
<p>50 % des professeurs des écoles (PE) le souhaitaient selon une <a href="http://harris-interactive.fr/opinion_polls/les-enseignants-et-la-refondation-de-lecole-primaire/">consultation du SNUipp-FSU de septembre 2012</a>. Pourtant, dès l’année suivante, une vague de grève démontrait le caractère inflammatoire du sujet.</p>
<p><strong>Sur la répartition du temps de travail hebdomadaire, diriez-vous que vous êtes :</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/183997/original/file-20170830-12933-12ipjvc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183997/original/file-20170830-12933-12ipjvc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183997/original/file-20170830-12933-12ipjvc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=311&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183997/original/file-20170830-12933-12ipjvc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=311&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183997/original/file-20170830-12933-12ipjvc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=311&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183997/original/file-20170830-12933-12ipjvc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=391&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183997/original/file-20170830-12933-12ipjvc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=391&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183997/original/file-20170830-12933-12ipjvc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=391&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Sondages Harris Interactive/SNUipp FSU. 2014 (3036 PE) et 2016 (5 555 PE)</span></span>
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<p>Entre 2015 et 2016 les enquêteurs de la recherche Militens ont constaté sur le terrain ce basculement : aucun des 30 PE interviewés ne soutenait la réforme. La dégradation rapide de son taux de satisfaction (-19 points) s’effectue au bénéfice d’une radicalisation (doublement du nombre d’enseignants totalement insatisfaits).</p>
<p>Dans un sondage Ifop d’avril 2017, 87 % des PE veulent « supprimer ou assouplir » une réforme déjà largement amendée par Benoît Hamon. Comment expliquer qu’elle soit désormais rejetée alors que ses justifications avaient été approuvées par les grandes organisations syndicales et validées par les experts ?</p>
<h2>Des syndicats tiraillés</h2>
<p>Dès le début, la réforme partait avec un handicap, l’absence de soutien syndical franc. Le décret Peillon est largement rejeté par le Conseil supérieur de l’Éducation (CSE). Le SNUipp FSU, majoritaire (48 % des voix en 2011), avait approuvé l’Appel de Bobigny mais divisé, il évolue vers un refus assorti de propositions. FO (9 %) se positionne clairement contre.</p>
<p>Deux syndicats minoritaires sont susceptibles de soutenir le texte (SE UNSA, 25 % des voix et SGEN CFDT, 6 %), mais ils restent prudents. Ils ne feront donc pas la pédagogie de la réforme. Aujourd’hui, leurs sympathisants la refusent nettement (76 % pour le SE UNSA, 80 % pour le SGEN CFDT, enseignants du premier et second degré confondus, sondage Ifop), plus que ceux de la FSU (61 %).</p>
<p>Visiblement, les syndicalistes les mieux disposés envers les arguments des chronobiologistes, ressentent un certain décalage avec leur base. On pourrait l’expliquer par la <a href="http://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1981_num_36_1_2105">théorie bourdieusienne</a> de l’écart structural entre représentants et représentés. Il ressort des entretiens que nombre d’enseignants délèguent la représentation de leurs intérêts à leurs syndicats sans savoir ce qu’ils proposent réellement. Lors d’un moment de crise, ils ne se sentent donc pas liés par leur position. On pourrait également invoquer une réforme mal pensée, bien inspirée mais qui pêche pour son application. Il ne suffit pas d’un accord sur les principes, car le diable est dans les détails. Les promoteurs de la réforme répliquent que cette idée fournit un prétexte commode pour ne rien changer.</p>
<p>Les syndicats représentatifs ont beaucoup varié sur la réforme. Le SGEN CFDT a exprimé son soutien critique aussi bien à la réforme Darcos qu’à son opposé, le décret Peillon. En compagnie du SE UNSA, il signe d’ailleurs le <a href="http://www.education.gouv.fr/cid20923/aide-aux-eleves-releve-de-conclusions-avec-le-se-unsa-et-le-sgen-cfdt.html">5 février 2008 un protocole</a> sur la réutilisation des heures supprimées le samedi matin, légitimant cette mesure. Le SNUipp vote contre les deux décrets.</p>
<p>Conformément à sa tradition, il a consulté et sondé régulièrement les enseignants, ce qui l’a amené à infléchir sa position à partir de 2013. FO montre autant de détermination à lutter contre le décret Darcos que contre le décret Peillon. Au CSE du 20 mars 2008, FO se demande <a href="http://snudifo13.org/archives/Decln_FNEC_CSE_200308.pdf">« Comment garantir la lutte contre l’échec scolaire en diminuant les heures de classes obligatoires ? »</a>. Le syndicat regrette que le ministère ne réponde pas lorsque François Testu, « médecin chronobiologiste a fait état des <a href="http://snudifo94.free.fr/Iufm/Communique%20FNEC%20FP%20FO%20du%2026%20mars%202008.pdf">conséquences scientifiquement prévisibles</a> pour l’équilibre et la santé des élèves ».</p>
<p><strong>Les positions syndicales sur les rythmes scolaires</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/184009/original/file-20170830-23670-dbl5fh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/184009/original/file-20170830-23670-dbl5fh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/184009/original/file-20170830-23670-dbl5fh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=159&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/184009/original/file-20170830-23670-dbl5fh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=159&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/184009/original/file-20170830-23670-dbl5fh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=159&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/184009/original/file-20170830-23670-dbl5fh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=200&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/184009/original/file-20170830-23670-dbl5fh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=200&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/184009/original/file-20170830-23670-dbl5fh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=200&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<p>Il semble que les arguments soient réversibles. Arbitrer entre l’intérêt des élèves et celui des personnels est très inconfortable dans la culture de ces organisations. Pour autant, on retrouve une cohérence dans le positionnement stratégique : le SE UNSA et le SGEN CFDT privilégient l’accompagnement critique des réformes, FO le refus complet et le SNUipp le refus ouvert à la discussion.</p>
<h2>Une situation perdant/perdant</h2>
<p>Point capital, Vincent Peillon refuse toute négociation globale, ce que regrette le SE UNSA qui affirme que <a href="http://www.se-unsa.org/spip.php?page=presse-imprim&id_article=5196&printver=1">« deux volets sont indissociables »</a> : la « réussite des élèves » et « l’amélioration des conditions de travail des enseignants ». Le ministre évolue dans un cadre contraint sur le plan financier et demande aux PE de revenir sur le lieu de travail un jour de plus dans la semaine sans compensation. <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/philippe-fremeaux/bloc-notes-doctobre-2014/00049618">Philippe Frémeaux</a> estime que « la pression en faveur d’une baisse des dépenses publiques » ne permet pas d’apporter « de réponses satisfaisantes […] sur les horaires de travail des enseignants, sur le ramassage scolaire, sur l’organisation des activités proposées lors du temps périscolaire » Elvire, 32 ans, ex-syndiquée SE-UNSA, en tire une conclusion : « C’était une bonne idée à l’origine. Mais je veux dire, on n’a peut-être pas les moyens de le faire non plus ». (entretien réalisé par Georges Ortusi).</p>
<p>Maladroitement, Vincent Peillon déclare que « les priorités des enseignants » ne sont pas revendicatives, car les <a href="http://www.leparisien.fr/societe/peillon-aimerait-augmenter-les-salaires-profs-mais-ne-peut-pas-30-08-2012-2143215.php">« gens qui choisissent ce métier ne le choisissent pas d’abord pour l’argent »</a>. Or les PE réclament à 86 % une revalorisation salariale parallèle à la réforme (consultation SNUipp-FSU, 2012). Un an plus tard, le ministre met tout de même en place une prime de 400 euros par an. Mais en 2014 encore, les PE placent cette question en priorité absolue (67 %), avec la réduction du nombre de tâches administratives (38 %) et l’amélioration des formations (37 %, sondage Harris SNUipp). Se dessine ainsi un compromis possible, à condition d’en avoir les moyens et de le faire au bon moment. En 2016, peu avant les élections, Manuel Valls annonce un effort supplémentaire de 300 millions € pour porter l’indemnité à 1200 € par an. Trois ans plus tôt, cette annonce aurait eu un effet plus percutant.</p>
<h2>L’effet contexte</h2>
<p>Le contexte joue son rôle dans le basculement des enseignants. D’abord à cause de la déception ressentie lorsqu’ils constatèrent que la priorité au primaire s’était retournée contre ses maîtres. Ensuite parce que l’opinion publique oscille et ne constitue pas un soutien solide au gouvernement. Au contraire, la dégradation de la popularité de la réforme (en novembre 2013, 54 % des Français souhaitent son abandon, <a href="http://www.cevipof.com/fr/le-centre/le-centre-de-documentation/">sondage CSA/BFM TV</a>) n’a pu qu’encourager le raidissement des enseignants.</p>
<p>Enfin, les PE, très hostiles à la haute administration de Grenelle, n’ont pas dû apprécier la <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/education/20131114.OBS5494/rythmes-scolaires-un-concentre-de-mauvaise-foi-et-d-hypocrisie.html">colère de Christian Forestier</a>, symbole de cette institution, qui proclame que leur grève « est un concentré de mauvaise foi et d’hypocrisie » et que le « corporatisme » de leurs collègues parisiens « à ce degré, est intolérable ! » Contre les opposants à la réforme, un répertoire classique est mobilisé : on dénonce aussi leur conservatisme et leur dédain de l’intérêt de l’enfant. Un mouvement social ascendant ne peut qu’être fortifié par ces propos, car <a href="http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-La_soci__t___du_m__pris-9782707153814.html">ils enclenchent un sentiment de mépris qui catalyse le mécontentement</a>.</p>
<p>Les PE ne manquent pas de se présenter comme porteurs de la réalité du terrain et de pointer les contradictions des décideurs. Charles, 55 ans, syndiqué SNUipp, dénonce leurs « lubies » : « Maintenant on a changé les rythmes scolaires. Et là je m’aperçois que ça donne aussi beaucoup de soucis » (entretien réalisé par Georges Ortusi). Frédérique, militante SNUipp, relève elle que Benoît Hamon a autorisé la concentration des activités périscolaires le vendredi après-midi : « Tu vas avoir un week-end de deux jours et demi, et ça, ça ne dérange pas les ministres. Alors qu’au début la réforme, elle était faite parce que les deux jours, c’était trop long ».</p>
<h2>La tension initiale</h2>
<p>Si une faible majorité de PE affiche en 2012 un soutien au passage à la semaine de quatre jours et demi, la quasi-totalité des écoles avait saisi l’opportunité de fonctionner sur quatre jours. L’ambivalence est forte. Certes 77 % des PE considèrent que « l’intérêt des enfants doit primer dans le cadre de cette réforme, avant l’intérêt des enseignants et des parents », conformément à la culture vocationnelle du corps. Mais cette tension entre leur intérêt et celui de mieux étaler les apprentissages se retrouve dans le placement de la réforme en dernière position parmi les priorités :</p>
<p><strong>L’action suivante, pour l’avenir de l’école primaire est :</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/184010/original/file-20170830-29224-1g3au1v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/184010/original/file-20170830-29224-1g3au1v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/184010/original/file-20170830-29224-1g3au1v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/184010/original/file-20170830-29224-1g3au1v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/184010/original/file-20170830-29224-1g3au1v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/184010/original/file-20170830-29224-1g3au1v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/184010/original/file-20170830-29224-1g3au1v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/184010/original/file-20170830-29224-1g3au1v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Consultation du SNUipp, 23 444 réponses traitées par Harris Interactive. Structure de l’échantillon relativement fidèle à la population des PE.</span></span>
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</figure>
<p>À partir de 2013, beaucoup de PE résolvent cette tension en basculant dans le refus total. Il reste à éclaircir les soubassements de cette attitude. C’est l’objet de l’article qui suit sur ce thème.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/82794/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Frajerman travaille pour l'Institut de recherches de la FSU. Il est membre du SNES-FSU.</span></em></p>Quand la réforme des rythmes a été lancée, les enseignants exprimaient une tension entre leur intérêt et celui de mieux étaler les apprentissages. Cinq ans plus tard, le refus l’a emporté. Décryptage.Laurent Frajerman, Chercheur spécialiste de l'engagement enseignant, Centre d’histoire sociale du XXème siècle, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/796512017-06-19T05:06:01Z2017-06-19T05:06:01ZCinq enseignements de ces législatives et une possible comparaison<p>À chaud, il est possible d’exposer un tout premier bilan de cette séquence électorale en soulignant les conséquences du scrutin pour les forces partisanes, en remettant en perspective les résultats avec l’histoire de la V<sup>e</sup> République, ou en établissant un parallèle avec la vie politique italienne.</p>
<h2>Les législatives, sous-produits de la présidentielle</h2>
<p>Comme il est désormais de coutume depuis la réforme constitutionnelle sur le quinquennat votée en 2000, avec l’inversion du calendrier électoral présidentielle-législatives, celles-ci viennent confirmer la présidentielle, et le 2<sup>e</sup> tour du scrutin législatif est une confirmation du 1<sup>er</sup> tour mais pas une amplification, comme cela arrive parfois. Tous les appels au sursaut venus de droite comme de gauche, en espérant un retournement de tendance, sont restés lettre morte. Ils tenaient, en réalité, plus du discours obligé au soir du premier tour que d’un discours de mobilisation audible et crédible.</p>
<p>L’abstention au soir du second tour est encore plus forte qu’une semaine avant, entre ceux qui ont perdu leur candidat et ne souhaitent se rabattre sur aucun autre et ceux qui sont découragés devant l’ampleur de la vague macronienne et qui ont baissé les bras. Ceci étant dit, la victoire du mouvement du Président n’est pas aussi large que le laissaient croire les scores du premier tour. Dans une série de circonscriptions, les candidats En Marche n’ont pas réussi (sauf quand ils faisaient face à un candidat Front national) à mobiliser beaucoup de nouveaux électeurs entre les deux tours, alors que leurs adversaires ont réussi des redressements spectaculaires, doublant leur score là où le candidat EM ne progressait que de 10 à 20 %.</p>
<p>Une des explications plausibles de ce phénomène serait le bon report de voix d’électeurs des autres partis vers l’adversaire de celui d’En marche, dans une logique du « tout sauf une hégémonie excessive d’En marche au Parlement ». De plus, tout se passe comme si l’électorat Macron s’était déjà bien mobilisé au premier tour et que la réserve de voix au second tour manquait, alors que les adversaires ayant été punis par l’abstention de leurs électeurs avaient réussi à remobiliser un peu en leur faveur.</p>
<h2>PS : encore quelques secondes Monsieur le bourreau</h2>
<p>L’oraison funèbre s’approche dangereusement du Parti socialiste tel que François Mitterrand avait réussi à la reconstruire à partir du fameux congrès d’Epinay de 1971. Déjà le score spectaculairement bas de Benoît Hamon à la présidentielle avait été un camouflet, mais la confirmation reçue lors de ces élections législatives lui porte le coup de grâce. Son premier secrétaire, Jean‑Christophe Cambadelis en tire logiquement la conclusion et annonce sa démission. Et il est instructif de souligner que le discrédit des élus socialistes frappe sans distinction les fidèles du Président Hollande, les anciens ministres, même parmi ceux qui ont eu le soutien implicite de En Marche, comme les « frondeurs » qui ont passé leur temps à se désolidariser du gouvernement Valls.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/174373/original/file-20170619-5756-1sy05lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/174373/original/file-20170619-5756-1sy05lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/174373/original/file-20170619-5756-1sy05lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/174373/original/file-20170619-5756-1sy05lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/174373/original/file-20170619-5756-1sy05lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/174373/original/file-20170619-5756-1sy05lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/174373/original/file-20170619-5756-1sy05lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dépôt de gerbe sur la tombe de François Mitterrand par le Premier secrétaire Harlem Désir, en janvier 2013.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/partisocialiste/8361011179/in/photolist-dJQnka-bUgCrs-7J3x4u-9M3YXK-9M3YWp-9GrFuq-9GrFiY-9Mphjf-77wE48-eFkf5u-dJQtgZ-9GoMQD-9M3Z6R-9M6LSj-9GrEof-dJQ9X8-9Mmts6-9MmtEH-9MmtAV-9MphSA-9M6LR7-dJVPWu-7exghA-9GrHUw-9EfvGj-dJQmma-9M6LCq-vdz2Cx-9M3Z5K-9M6LVC-9M6LBL-9Mmto8-9GrqiN-9Mmtm6-9GoKJK-9GrEJC-9M6LEY-dJQuwH-9GoNo6-9GoNcv-9MmtCR-9MmtxR-9Mppp5-9MphAh-9MphMG-9Mmtu8-9MmtK6-6mYdyp-6n3ouN-9Mmthk">PS/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Sur les 42 signataires qui avaient clairement rompu avec le devoir de solidarité de leur majorité présidentielle et législative, le bilan n’est pas brillant : seuls 6 ont pu se qualifier pour le second tour, dont un seul en tête. Leurs scores oscillent entre 9 % et 24,7 %. Le score moyen étant de 15,7 %, ce qui est bien supérieur au score du PS pris globalement lors du premier tour, mais reste faible pour nourrir l’ambition d’incarner une opposition de gauche. On notera que 15 – soit un tiers – préférait ne pas se représenter. Taux de désertion spectaculaire pour des députés si combatifs un an avant. Bilan : 20 députés sortants battus dès le premier tour, 6 qualifiés pour le second et 3 élus à l’issue du second, on est loin d’une validation par le suffrage du bien-fondé de leur jeu de posture au Parlement.</p>
<p>De ce constat, il en ressort que le Parti socialiste est effectivement définitivement brisé, qu’il n’abritera plus deux gauches jugées « irréconciliables » selon les termes prémonitoires de Manuel Valls. Les membres de ce parti se jettent en effet au visage la responsabilité réciproque du naufrage électoral subi : les uns criant au poison de la déloyauté qui a affaibli le réformisme gouvernemental voulu par François Hollande, les autres criant à la trahison des idéaux de la campagne de 2012. Les oppositions idéologiques ou programmatiques deviennent donc des rancœurs, voire des haines, chacun jugeant que l’autre porte la faute originelle, alors qu’en vérité chacun à sa place est responsable de ce désastre, par le spectacle qui fut ainsi donné qui a sapé la confiance des électeurs socialistes, partis en masse chez En Marche.</p>
<p>Il y a fort à parier que les divers courants et visions du monde qui ont divisé ce parti durant le quinquennat de François Hollande vont désormais essayer de se réorganiser, de réviser leurs logiciels intellectuels et programmatiques, en revenant donc probablement à l’état ante-Epinay d’un éclatement entre plusieurs groupuscules conçus comme des laboratoires d’idées, comme une étiquette électorale partagée, bénéficiant ainsi de soutiens publics ou comme des cercles d’élus à forte assise locale cherchant à fédérer leurs maigres moyens au niveau national dans une logique de préservation de fiefs. L’heure dans la mouvance socialiste va sans doute être à la dispersion, à la refondation de micro-chapelles, avant un jour – peut-être – une nouvelle recomposition. Et François Hollande si soucieux de laisser une trace dans l’histoire va très probablement rester comme celui qui aura sabordé le Parti socialiste tel que François Mitterrand avait réussir à la bâtir pour en faire une force de gouvernement crédible.</p>
<h2>Des forces protestataires qui ont du mal à mobiliser les Français</h2>
<p>Si, durant la campagne présidentielle, les discours de Marine Le Pen et Jean‑Luc Mélenchon ont porté, et si leur score les a convaincus qu’ils allaient faire un carton au moment des législatives, force est de constater qu’ils subissent un net recul. Guillaume Caline, de Kantar Public, pointe ainsi que « dans les 30 circonscriptions métropolitaines où l’abstention a le plus progressé au premier tour, le score moyen de Marine Le Pen était de 25,4 % à la présidentielle (contre 21,3 % au niveau national) et de 21,5 % pour Jean‑Luc Mélenchon (contre 19,6 %) ». À l’inverse, dans les 30 circonscriptions où l’abstention a le moins progressé aux législatives, le score moyen du candidat Macron était de 28,5 % contre 24 % en moyenne nationale.</p>
<p>Néanmoins, à l’extrême gauche comme à l’extrême droite, ils peuvent se consoler en soulignant – à raison – qu’ils ont désormais bien plus de députés qu’en 2012 à l’issue de ce second tour. C’est un maigre capital en nombre d’élus, mais en termes symboliques c’est très important, surtout pour la France insoumise et le PCF qui ont de quoi fonder un groupe parlementaire avec tous les avantages associés pour le travail parlementaire et la visibilité médiatique de l’action d’opposant au gouvernement.</p>
<h2>Une défaite historique pour la droite</h2>
<p>Même si elle peut essayer de se consoler en se disant qu’elle limite les dégâts, qu’elle est première force d’opposition, qu’elle dépasse les cent députés, la droite parlementaire subit une défaite historique depuis 1958. Au plus fort de la « vague rose » de 1981, elle comptait 150 députés dans ses rangs pour sa première entrée dans le rôle d’opposant. Elle en aura encore moins pour cette législature.</p>
<p>Et les problèmes ne font que commencer car elle arrive au Palais Bourbon, fracturée en trois blocs, entre ceux qui se sont déclarés ouvertement favorables à l’alliage Macron-Philippe, puisque justement le premier ministre est de droite. Ceux qui se disent partisans d’une opposition « constructive », votant ce qui correspond à leur programme. Et ceux qui plaident pour une opposition dure face à une majorité pléthorique.</p>
<p>Les élus resteront-ils soudés dans un même groupe parlementaire ou, au moins, deux tendances seront-elles en autonomie, via deux groupes distincts ? On doit aussi souligner que ces législatives sont perçues, non sans raison, par des ténors du parti Les Républicains, comme le reliquat de l’entêtement du candidat Fillon à se maintenir malgré tous ses ennuis judiciaires, entraînant son camp par le fond.</p>
<h2>Abstention : une preuve de plus de la crise de confiance démocratique</h2>
<p>Ces élections législatives sont un double signal de la crise profonde de confiance des électeurs français vis-à-vis des forces politiques traditionnelles qui se partagent le pouvoir, à coup d’alternances successives, depuis des décennies.</p>
<p>Signal exprimé d’abord par le nombre conséquent des Français qui ont décidé de donner leur chance à une force politique nouvelle, qui se retrouve à l’Élysée et avec une majorité absolue inégalée dans l’histoire de la V<sup>e</sup> République pour une force qui a à peine douze mois d’existence.</p>
<p>Signal ensuite par le nombre très élevé d’électeurs du premier tour de la présidentielle qui ont décidé de s’abstenir et donc de ne pas aller soutenir les candidats locaux du leader pour lequel ils avaient pourtant voté six semaines auparavant.</p>
<h2>Un air de déjà vu : l’Italie de Forza Italia</h2>
<p>Si le mouvement de fond électoral qui traverse la France est inédit sous la V<sup>e</sup> République, de troublants parallèles sont possibles avec la vie politique italienne de 1992-1994, au moment de l’émergence sur la scène politique de Silvio Berlusconi.</p>
<p>Entre 1992 et 1994, le système partisan italien a connu une profonde mutation, au point que les commentateurs italiens ont parlé de <em>Seconda Repubblica</em> alors même qu’il n’y eut aucune nouvelle constitution promulguée. Mais les élections de 1994 virent arriver sur la scène politique de nouveaux partis, et notamment celui d’un entrepreneur, dirigeant de médias et d’un club de football, donc un candidat qui se présente comme n’étant pas un professionnel de la politique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/174370/original/file-20170619-5774-sstm8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/174370/original/file-20170619-5774-sstm8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/174370/original/file-20170619-5774-sstm8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/174370/original/file-20170619-5774-sstm8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/174370/original/file-20170619-5774-sstm8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/174370/original/file-20170619-5774-sstm8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/174370/original/file-20170619-5774-sstm8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Silvio Berlusconi, le dynamiteur de Forza Italia (ici en 2006).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/enricomaioli/457518199/in/photolist-GqUdP-c1WF5-c2fUj-bK7Z48-GqPH7-9DZqgK-cihSr-apBiQ8-5N3d92-Cr9v3-7LYFqr-cmZzx-6Tsn2X-7LYFaH-6QMFhs-7LYFv8-5J4tpA-cqyFZ-dKkHGX-73n6w6-cxDDq-aofU9F-rPu8C-67R4BQ-8VrdVb-cb3Uy-aZzfb-8Vo23Z-aVZbxi-9wFN7p-8VoqEi-9wJLn3-6HhZKw-nFufry-aE6qRJ-9Li5ES-amiP5W-7nR3rm-8Vr75N-8U8yND-9iqHsH-9wFN6F-8Vr4Aq-8Vr1m1-ujBBJ-8UbDWY-dm93E-8VrtRd-4mvJ9X-8VnXLT">Enrico Maioli/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Dans un climat de très grande défiance des électeurs vis-à-vis des trois partis qui s’étaient partagé le pouvoir, la démocratie chrétienne – hégémonique – et le Parti socialiste ou Parti socialiste démocratique italien, forces d’appoint, les électeurs transalpins ont éradiqué de la vie politique ces trois forces en propulsant Forza Italia, créé ex nihilo, et quelques autres partis plus petits.</p>
<p>Les partis traditionnels furent discrédités par l’opération judiciaire dite <em>Mani pulite</em> (« mains propres ») initiée par des juges de Milan pour lutter contre la corruption devenue endémique. Au fil des arrestations, des suicides, de la découverte de l’étendue des dégâts, le désir de transparence financière a grandi dans l’opinion publique, accompagné de l’envie de balayer le personnel politique habituel. De nombreuses personnes issues de la société civile furent candidats pour la première fois et se firent élire, à la surprise des autres forces politiques qui n’avaient pas anticipé pareil coup de balai.</p>
<p>Chacun conviendra que les parallèles sont troublants, même si Berlusconi n’est en rien un modèle revendiqué par Macron. Et ce n’est pas le moindre des paradoxes de constater qu’Emmanuel Macron porte finalement le projet de Jean‑Luc Mélenchon, en devenant le chantre du « dégagisme » que le second avait théorisé, mais n’a pas su incarner de façon crédible aux yeux d’une écrasante majorité de Français.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79651/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Riches en résultats inattendus ou mal perçus, ces élections législatives sont un ferment de recomposition politique qui fera date dans l’histoire de la Vᵉ République.Arnaud Mercier, Professeur en Information-Communication à l’Institut Français de presse, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/781032017-05-22T18:57:08Z2017-05-22T18:57:08ZLa marche confirmée de la gauche vers sa gentrification<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/170283/original/file-20170522-25041-hgs2qc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans une rue de Paris, à la veille du second tour de la présidentielle.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/number7cloud/34472525615/in/photolist-UwdGRV-UoFseZ-UmRu6N-nf4S38-UCYNag-qnz3kH-TXmNM9-qnvA5j-Td8vUC-q6a7Bz-qnvAT3-q62hJC-pqPm6n-UBou9v-qnvAjh-UxoyDB-qkhYVG-pqRzf4-TW2e8R-q629vJ-qkhZdA-UkVNhV-qkhQgN-qnvA7y-UBorfV-q6a7Sz-q62hvm-pqPchR-pqCa3U-qkhZ4Y-q61FEY-pqzW3Q-q6cmEF-pqzWiu-TmzjCa-TiUqhB-qnz3za-q629DE-UwxPkj-UxfWer-Myyd8x-MFVRzg-MyycX2-rpYeWo-Tnrhap-qvgAE9-TywaV6-TAaD9j-BFmnWF-TjztbW">Lorie Shaull/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La gentrification est un terme habituellement utilisé pour désigner la métamorphose sociologique de quartiers populaires en quartiers plus bourgeois, peuplés par de nouveaux arrivants tels que des professionnels de l’information, des arts et des spectacles, mais aussi des ingénieurs et des cadres du privé, et enfin des cadres et professions intellectuelles supérieures.</p>
<p>C’est ce que l’on peut constater dans certains quartiers de Paris qui est peu à peu devenue une <a href="http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Paris_sans_le_peuple-9782707171283.html">« ville sans peuple »</a>.</p>
<p>Cette métamorphose s’observe de façon tout aussi évidente dans la vie politique et notamment au sein de la gauche française socialiste ou plutôt sociale-démocrate. Cette gauche française qui aura fini sa mue en portant Emmanuel Macron au pouvoir, celui qui pose là le libéralisme économique, tout aussi bien qu’une forme certes timide mais réelle du libéralisme culturel.</p>
<h2>Au bon endroit et au bon moment</h2>
<p>Car en effet, c’est bien cette gauche-là qui porte majoritairement ce nouveau Président au pouvoir, parachevant sa gentrification.</p>
<p>En tout premier lieu, <a href="http://harris-interactive.fr/wp-content/uploads/sites/6/2017/04/Rapport-Harris-Sondage-Jour-du-Vote-1er-tour-de-lelection-presidentielle-M6.pdf">45 % des électeurs</a> qui avaient voté pour François Hollande en 2012 ont soutenu Emmanuel Macron dès le premier tour – pour des raisons diverses et variées : vote utile, stratégique, perplexité face à Benoît Hamon, campagne médiatique complexe…</p>
<p>En second lieu, certains groupes de réflexion de gauche, à l’instar de la <a href="https://jean-jaures.org/nos-productions/comprendre-en-deux-graphiques-le-succes-d-emmanuel-macron">Fondation Jean Jaurès</a>, ont livré des notes démontrant combien Macron était la bonne personne, au bon endroit, au bon moment ; son Président comptait d’ailleurs parmi les invités d’Emmanuel Macron lors de sa prise de fonction, le 14 mai. De même, Terra Nova, traditionnel think-tank de la gauche, n’est pas pour rien non plus dans cette élection et certains ouvrages émanant de ces milieux ont pu influencer la <a href="http://www.parismatch.com/Actu/Politique/Comment-est-nee-l-ambition-d-Emmanuel-Macron-1119539">matrice du Président actuel</a>, ainsi que certaines réunions à Bercy-même avec les responsables de ces groupes de réflexion.</p>
<p>Enfin, au sommet de la pyramide, de nombreux ministres et autres figures de proue de cette gauche dite socialiste voire écologiste ont peu soutenu Benoît Hamon pour préférer se tourner vers Emmanuel Macron.</p>
<p>Finalement, une grande partie de la base, les corps intermédiaires mais aussi le top du pouvoir socialiste ont largement migré pour aller marcher avec lui.</p>
<h2>Changer de <em>working class</em></h2>
<p>Nous disons ici que ce mouvement correspond à une sorte de gentrification de cette gauche, à son embourgeoisement et à sa coupure visible, voire assumée avec les classes populaires.</p>
<p>Depuis deux décennies on sait combien une <a href="http://www.cevipof.com/fichier/p_publication/931/publication_pdf_notemichelat.1.pdf">partie de classes populaires</a> s’est détournée de cette gauche-là pour aller vers le FN.</p>
<p>Mais cette année marque un pas de plus : c’est comme si la présidence Macron avait cristallisé cette coupure, ce fait électoral et sociologique. Rappelons-nous du rapport de Terra Nova rédigé pour la précédente présidentielle <a href="http://tnova.fr/rapports/gauche-quelle-majorite-electorale-pour-2012">« Gauche quelle majorité électorale pour 2012 ? »</a>.</p>
<p>Que disait ce rapport pour rappel ?</p>
<p>Il préconisait pour la gauche de changer de soubassement électoral et, grosso modo, de changer de <em>working class</em>. La principale recommandation de ce rapport était de se détourner de la classe ouvrière pour se tourner vers un électorat représentant « la France de demain » : « plus jeune, plus diverse, plus féminisée, plus diplômée et plus progressiste sur le plan culturel. »</p>
<p>Le monde ouvrier ne paraissait plus être une cible pertinente pour plusieurs raisons : d’une part parce qu’il se rétrécissait démographiquement, d’autre part car il votait de moins à moins à gauche et enfin parce que, selon les auteurs, ses valeurs étaient par trop structurées autour des « réactions de repli », et qu’il n’était donc « plus en phase avec ses valeurs ». Dans ce rapport, les électorats des classes moyennes et populaires étaient uniquement considérés comme des « compléments stratégiques ».</p>
<h2>Une mue libérale parachevée</h2>
<p>L’élection de Macron pose la pierre finale à cette mue sociologique et politique. Elle laisse un <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-8h20/l-invite-de-8h20-22-mai-2017">Parti socialiste exsangue</a> et franchit le dernier pas de cette métamorphose à savoir : ajouter à cette France que d’aucuns qualifieraient de « bobo » – féminine, urbanisée, diverse – la France de la <a href="http://lemonde.fr/campus/article/2016/02/08/l-impitoyable-univers-de-l-ivy-league-americaine_4861200_4401467.html"><em>Ivy League</em></a> – cadres du privé, ingénieurs – et celle de la Silicon Valley – start-upeurs. C’est exactement, trait pour trait le processus de gentrification que peut connaître Paris (« Paris sans le peuple », déjà cité) ou d’autres grandes villes, et qui se traduit ici du point de vue d’un mouvement politique, se cristallisant dans le mouvement « En Marche ! »</p>
<p>Un mouvement qui parle de libéralisme, d’empowerment, de liberté, de gouvernement de soi-même, pour ne pas dire de « self-start-up ».</p>
<p>Aujourd’hui, cette mue libérale, cette migration électorale est achevée, voire dépassée : la France gentrifiée a laissé la gauche canal historique-socialiste exsangue, les classes populaires ont été en partie récupérées par Jean‑Luc Mélenchon et sont encore largement fidèles à Marine Le Pen. Quant aux libéralismes, ils se sont réconciliés au cœur d’un <a href="http://www.humanite.fr/emmanuel-macron-incarne-la-reunification-de-la-bourgeoisie-636080">bloc élitaire venant de la droite et de la gauche</a>. On peut voir d’ailleurs combien ce qu’il est convenu d’appeler les <a href="https://theconversation.com/deux-populismes-valent-mieux-quun-77666">populismes ne s’additionnent pas</a>, contrairement à cesdits libéralismes.</p>
<p>C’est le parachèvement de cette mue que raconte l’élection d’Emmanuel Macron, c’est une sorte de remake du vote au référendum de 2005, c’est la France de la façade atlantique et des villes contre la France de la façade européenne, c’est la France des insiders contre celle des outsiders. Finalement, la nature – et la politique – ayant horreur du vide, l’effacement du clivage gauche-droite s’est mué en clivage de classe. Une sorte de retour vers le futur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/78103/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Virginie Martin est vice-présidente du think tank Different. </span></em></p>La gauche française a fini sa gentrification, sa mue en portant Emmanuel Macron au pouvoir celui qui pose là le libéralisme économique tout aussi bien qu’une forme du libéralisme culturel.Virginie Martin, Docteure sciences politiques, HDR sciences de gestion, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/774942017-05-10T21:01:19Z2017-05-10T21:01:19ZLa présidentielle 2017, accélérateur de transition<p>L’élection d’Emmanuel Macron face à Marine Le Pen, après la percée de Jean‑Luc Mélenchon pour la gauche radicale et l’élimination au premier tour des candidats des deux forces politiques (Benoît Hamon pour le PS, François Fillon pour la droite LR-UDI) qui ont monopolisé le pouvoir national depuis 1981, sinon depuis 1958, marque un bouleversement sans précédent du paysage politique français.</p>
<p>Pour la première fois sous la V<sup>e</sup> République, un candidat gagne l’élection présidentielle sans avoir été soutenu au premier tour par le PS ou la droite conservatrice-libérale. Pour la première fois également, la droite conservatrice-libérale est devancée par le Front national. Et pour la première fois depuis 1981, le PS n’est plus dominant à gauche.</p>
<h2>Une droitisation de la droite, pas de la France</h2>
<p>Pour analyser plus avant ces résultats, il faut d’abord s’intéresser au cas de la droite. Contrairement à l’affirmation souvent répétée par les leaders de LR (Les Républicains), depuis la constitution d’un centre autonome en 2007, la droite (même avec le FN) n’est pas majoritaire en France sans une fraction importante du centre (voir tableau ci-dessous). Il y a <a href="https://theconversation.com/la-droitisation-des-valeurs-de-la-droite-francaise-69379">droitisation de la droite</a>, pas de la France.</p>
<p>Si la droite, FN compris, était nettement majoritaire lors des élections intermédiaires de 2014 (municipales et européennes) et 2015 (départementales et régionales), elle le devait – pour l’essentiel – au phénomène fréquent de démobilisation de l’électorat gouvernemental, particulièrement fort à cause de l’impopularité record du Président. Mais son incapacité à stopper la progression du FN aurait dû être une plus forte source d’inquiétude. Les dynamiques électorales de Macron et Mélenchon ont remobilisé la grande majorité des anciens électeurs déçus de Hollande, ramenant la droite à son niveau de 2012.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/168802/original/file-20170510-21588-wmbeql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/168802/original/file-20170510-21588-wmbeql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/168802/original/file-20170510-21588-wmbeql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/168802/original/file-20170510-21588-wmbeql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/168802/original/file-20170510-21588-wmbeql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/168802/original/file-20170510-21588-wmbeql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/168802/original/file-20170510-21588-wmbeql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/168802/original/file-20170510-21588-wmbeql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Résultats des présidentielles depuis 1981.</span>
<span class="attribution"><span class="source">DR</span></span>
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<p>Dans ce cadre, il est particulièrement grave pour la droite LR-UDI qu’elle n’ait réussi à attirer pratiquement aucun électeur de Hollande de 2012 alors que celui-ci a été le Président le plus impopulaire de la V<sup>e</sup> République. Cet échec cinglant s’explique principalement par le caractère extrémiste au niveau économique, social et sociétal du <a href="https://theconversation.com/apres-la-primaire-de-la-droite-la-grande-bataille-ideologique-se-prepare-69444">programme de François Fillon</a>, auquel s’est ajoutée l’affaire Penelope. Durant la primaire, <a href="https://theconversation.com/alain-juppe-victime-de-la-peur-du-chirac-bis-69181">Alain Juppé a été attaqué par Nicolas Sarkozy et François Fillon</a> précisément sur sa volonté d’alliance avec François Bayrou, ainsi que sur son choix ne pas fermer la porte aux électeurs déçus de François Hollande.</p>
<p>La droite LR-UDI a ainsi été réduite à son noyau électoral de personnes âgées, de milieux favorisés (58,5 % dans le XVI<sup>e</sup> arrondissement de Paris) ou culturellement très conservateurs. Sa grande faiblesse dans les milieux populaires a permis au FN de la devancer et de se qualifier pour le second tour.</p>
<h2>Le succès de la stratégie centriste de Macron</h2>
<p>Cette droitisation de la droite LR-UDI ainsi que l’<a href="https://theconversation.com/francois-hollande-la-non-candidature-de-lelysee-69801">impopularité de François Hollande</a> ont ouvert la voie à la stratégie centriste libérale d’Emmanuel Macron. Celui-ci a mobilisé les électeurs satisfaits de l’évolution générale de la société et de l’économie, <a href="https://theconversation.com/une-presidentielle-sous-le-signe-de-la-polarisation-des-clivages-politiques-75509">culturellement et économiquement libéraux</a> (les libéraux-libertaires) déçus par les résultats économiques et la faiblesse du <em>leadership</em> de François Hollande et inquiets face à la droitisation accentuée de la droite LR-UDI et la montée du FN.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/macron-bayrou-lunion-des-marques-fait-la-force-73670">Son accord avec François Bayrou</a> lui a permis de monopoliser cette position centriste libérale et pro-européenne. De plus, Emmanuel Macron a pleinement repris à son compte la double aspiration d’une fraction importante de l’électorat à écarter une classe politique (PS et LR-UDI) perçue comme corrompue et inefficace (avec une suite d’échecs au pouvoir face au chômage), et en même temps à dépasser l’opposition gauche-droite pour rassembler les « bonnes volontés ».</p>
<p>Il a réussi cette synthèse en étant ferme dans son refus de négocier avec les appareils des partis en place, tout en tenant un <a href="https://theconversation.com/emmanuel-macron-heraut-de-la-mondialisation-heureuse-64268">discours de rassemblement désidéologisé et optimiste</a>. Le candidat d’En Marche ! a ainsi rassemblé au premier tour un électorat à forte proportion de cadres moyens et supérieurs culturellement libéraux (34,8 % à Paris), associant trois grands types de profils : de nombreux électeurs de centre gauche ayant voté Hollande en 2012, satisfaits des orientations générales (sinon des résultats) de la politique gouvernementale et trouvant Hamon trop à gauche ; la plupart des soutiens de Bayrou en 2012 ; la fraction la plus modérée de l’électorat LR-UDI, <a href="https://theconversation.com/emmanuel-macron-plus-proche-de-juppe-que-de-hollande-dans-les-urnes-virtuelles-60402">déçue de la défaite d’Alain Juppé</a>.</p>
<h2>Le PS, une suite de défaites de plus en plus lourdes</h2>
<p>À gauche, le discrédit de la politique gouvernementale a eu un quadruple effet :</p>
<ul>
<li><p>la défaite de Manuel Valls à la primaire face à Benoît Hamon ;</p></li>
<li><p>l’effondrement de ce dernier au premier tour de la présidentielle (6,4 %) ;</p></li>
<li><p>le plus faible résultat de la gauche à une élection présidentielle (27,7 %) ;</p></li>
<li><p>la percée finale de Jean‑Luc Mélenchon, candidat de « la France insoumise » et porteur d’un programme écosocialiste, perçu comme le plus cohérent à gauche dans son opposition aux politiques menées depuis 2012.</p></li>
</ul>
<p>Mélenchon obtient un résultat inédit pour une force à la gauche du PS depuis 1981 et s’impose nettement dans beaucoup de fiefs de gauche, en particulier dans les banlieues populaires des grandes agglomérations, tout en rassemblant un électorat jeune et diplômé de classes moyennes.</p>
<p>Cet effondrement du PS s’inscrit dans une suite de défaites de plus en plus lourdes des socialistes français à la fin de chacun de leurs exercices du pouvoir depuis 1981 (1981-1986, 1988-1993, 1997-2002, 2012-2017). Si, aux législatives de 1986, le PS avait bien limité les dégâts (31,6 %), ce n’était déjà plus le cas en 1993 (18,9 %), législatives où la gauche française avait enregistré la plus grande défaite de son histoire, puis en 2002 (16,2 %) où Lionel Jospin a été éliminé dès le premier tour de la présidentielle. 2017 est une sorte d’apothéose : le PS n’est même plus dominant à gauche.</p>
<p>Mais cet effondrement socialiste fait également écho à une suite de désastres électoraux récents de partis socialistes ou sociaux-démocrates en Europe : Grèce (6,3 %), Islande (5,7 %), Irlande (6,6 %), Pays-Bas (5,7 %), Autriche (11,3 %). De la même façon, le résultat de la France insoumise s’inscrit dans un mouvement récent de <a href="https://theconversation.com/au-dela-de-lespagne-la-crise-bouscule-les-systemes-partisans-deurope-du-sud-52602">percées électorales de forces contestataires de gauche radicale ou « démocrates-radicales »</a> : Syriza en Grèce, Podemos en Espagne, le Mouvement cinq étoiles en Italie, le Parti Pirate en Islande, la gauche radicale et le Sinn Féin en Irlande, Bernie Sanders aux États-Unis, <a href="https://theconversation.com/le-parti-socialiste-entre-la-tentation-de-corbyn-et-la-victoire-a-la-pyrrhus-71696">Jeremy Corbyn</a> chez les travaillistes en Grande-Bretagne.</p>
<p>L’ampleur de sa défaite au second tour montre que le FN reste incapable de constituer une alternative crédible. Cependant, le résultat de Marine Le Pen (33,9 %), très supérieur à celui obtenu par son père au second tour de 2002 (17,8 %), indique que Le FN est maintenant une force incontournable à droite.</p>
<h2>Radicalisation et formation d’un centre libéral-mondialisateur</h2>
<p>Les bouleversements électoraux de cette présidentielle doivent aussi être mis en rapport avec une transformation plus générale des systèmes partisans occidentaux.</p>
<p>Cette transformation des systèmes partisans occidentaux (analysées et développées dans notre livre à paraître : <em>Crise mondiale et systèmes partisans</em>) peut-être représentée sous la forme d’un basculement progressif d’un système partisan théorique vers un autre (figures 1 et 2) sous l’effet de l’émergence de deux nouveaux clivages partisans (au sens de <a href="http://www.editions-universite-bruxelles.be/fiche/view/2430">Lipset et Rokkan</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/168803/original/file-20170510-21610-1ea1d8l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/168803/original/file-20170510-21610-1ea1d8l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/168803/original/file-20170510-21610-1ea1d8l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=527&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/168803/original/file-20170510-21610-1ea1d8l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=527&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/168803/original/file-20170510-21610-1ea1d8l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=527&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/168803/original/file-20170510-21610-1ea1d8l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=662&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/168803/original/file-20170510-21610-1ea1d8l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=662&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/168803/original/file-20170510-21610-1ea1d8l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=662&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Système partisans « types ».</span>
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<p>Le premier clivage identité/cosmopolitisme, qui se développe depuis 30 ans, est lié aux questions d’immigration, d’insécurité et à la construction européenne : il oppose les électeurs les plus hostiles à l’immigration et à l’Union européenne aux autres.</p>
<p>Le second clivage, altermondialisme/néolibéralisme, qui émerge depuis la crise de 2008, est lié aux questions d’inégalités sociales, d’environnement et de productivisme, et oppose ceux qui réclament une politique de réduction des inégalités sociales et l’abandon du productivisme – revendications articulées autour d’une plus forte démocratisation –, à ceux qui veulent continuer les politiques néolibérales.</p>
<p>La figure 1 décrit le système partisan « type » en place jusqu’en 2008-2015, où des forces sociales-démocrates et conservatrices-libérales formaient le club des partis de gouvernement et, en alternance ou en coalitions, menaient des politiques économiques néolibérales et culturellement libérales. Une droite radicale se développait sur le côté identitaire du premier clivage alors qu’à gauche subsistait une gauche radicale et que se développaient des écologistes qui restaient minoritaires.</p>
<p>La crise de 2008 a eu pour conséquence, dans les pays où elle a frappé le plus durement, de mettre en crise ce « consensus centriste », en favorisant l’émergence de forces de contestation démocrates-écosocialistes faisant pression sur la social-démocratie, et en accentuant la pression de la droite radicale sur la droite conservatrice-libérale. Cette radicalisation générale à gauche et à droite provoque en réaction la formation d’un centre libéral-mondialisateur autour de forces voulant continuer les politiques précédemment menées, aboutissant au modèle théorique de la figure 2.</p>
<p>La France insoumise et les socialistes de Hamon correspondent au nouveau pôle partisan démocrate-écosocialiste en formation, le FN, DLF (Debout la France) et une grande partie de LR au pôle conservateur-identitaire, et la percée de Macron au pôle libéral-mondialisateur. Les anciennes forces de gouvernement, PS et LR-UDI, sont directement impactées, car elles sont sur les lignes de faille du bouleversement correspondant à la transition entre les deux systèmes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77494/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Martin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les anciennes forces de gouvernement, PS et LR-UDI, sont directement impactées car elles sont sur les lignes de faille du bouleversement correspondant à la transition entre deux systèmes partisans.Pierre Martin, Politologue au CNRS (PACTE), Sciences Po GrenobleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/773252017-05-08T06:02:07Z2017-05-08T06:02:07ZPrésident Macron, une nette victoire mais une dernière marche reste à franchir<p>L’élection à la présidence de la République d’Emmanuel Macron est un incroyable succès pour un candidat au parcours aussi atypique : création <em>ex nihilo</em> d’un mouvement qui ne se veut pas un parti politique un an avant l’élection ; inexpérience électorale du candidat qui n’a jamais concouru au moindre scrutin ; fragilité redoublée par son « jeune » âge alors qu’on s’emploie à dire depuis les débuts de la V<sup>e</sup> République que la Présidence nécessite de passer la cinquantaine en ayant cumulé mandats et expériences ; volonté de dépasser les clivages habituels et les forces politiques instituées se faisant ainsi de solides ennemis de tous côtés.</p>
<p>Malgré ces sérieux obstacles, il a réussi, en arrivant à tourner en atouts ses handicaps. Mais cette élection reste le résultat d’une conjoncture électorale plus que singulière, avec pour adversaire une candidate d’extrême droite qui fait toujours peur à une majorité de Français et qui s’est autodissoute lors de sa calamiteuse et choquante prestation télévisée de ce qu’on peine à appeler un « débat » de second tour tant elle a <a href="https://www.marianne.net/debattons/entretiens/marine-le-pen-profanatrice-des-regles-du-debat-democratique">profané les règles du débat démocratique</a>. Si le « vote républicain » a joué en faveur d’Emmanuel Macron, le soutien du vote populaire reste très modéré. Cela augure une difficile bataille législative pour obtenir la majorité qu’il désire pour conduire ses réformes.</p>
<p>Revenons donc sur les facteurs explicatifs du succès d’Emmanuel Macron, avant de regarder l’état des rapports de forces électoraux et en tirer quelques conclusions sur son « mois utile » entre la date de son intronisation et le scrutin législatif.</p>
<h2>Les cinq marches du succès</h2>
<p><strong>1.</strong> Bien sûr, Emmanuel Macron n’a aucune expérience électorale et donc d’administration d’un territoire. Bien sûr, il n’avait pas le soutien d’un des grands partis de gouvernement. Cela apparaissait comme un défaut rédhibitoire, c’était en réalité un <a href="https://theconversation.com/macron-candidat-de-la-protestation-si-si-71018">atout</a>. Car cela accrédita sa posture de rebelle contre une certaine façon de concevoir le monde politique, avec son lot d’excès de professionnalisation, de cumul des mandats, de petits arrangements entre époux ou en famille, de longévité excessive… Il a su incarner la réponse à l’un des reproches chroniques des Français contre la « classe politique » en proposant une « moralisation de la vie politique », dit-il.</p>
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<p><strong>2.</strong> Il a su aussi incarner une position de défense des institutions européennes et de volonté de voir la France écrire son destin au sein de l’Europe, avec des euros en poche. À cet égard, sa déambulation nocturne dans la cour du Louvre au son de l’Hymne à la joie (hymne européen) fut son plus beau coup de communication symbolique de la soirée électorale.</p>
<p><strong>3.</strong> Au jeu des postures, il a su capter la volonté d’une partie des Français d’entendre un discours d’optimisme, de foi dans l’avenir, de confiance dans l’aptitude du tissu social et économique de la France à s’en sortir, à prospérer. Ce que ses adversaires raillent comme les bénéficiaires de la <a href="https://theconversation.com/emmanuel-macron-heraut-de-la-mondialisation-heureuse-64268">« mondialisation heureuse »</a>. Mais au-delà de la dimension d’un vote de classe – puisque, oui, la France de Macron est diplômée, faite de cadres supérieurs et professions intermédiaires, de retraités plutôt aisés, d’électeurs aux revenus plus élevés que la moyenne, pendant que l’électorat dominant de Le Pen en est le miroir inversé –, ce vote traduit aussi la séduction qu’exerce un <a href="http://theconversation.com/quest-ce-que-le-liberalisme-egalitaire-comprendre-la-philosophie-de-macron-76808">discours</a> qui appelle chacun à réussir son épanouissement, en promettant de lever les entraves et lourdeurs qui gênent l’esprit d’initiative individuel.</p>
<p><strong>4.</strong> Comme dans toute élection, il faut une part de chance liée aux erreurs des adversaires. Celle-ci n’a pas manqué à Emmanuel Macron. La principale est la démonétisation, par affaire politico-judiciaire interposée, de son rival à droite. Mais, notons que l’élimination de deux de ses rivaux (PS et LR) est le <a href="https://theconversation.com/lamere-lessive-de-la-mere-denis-la-presidentielle-a-lepreuve-du-prelavage-des-primaires-75437">fruit du piège des primaires</a>. Or un des actes fondateurs d’Emmanuel Macron tient justement à son refus d’y participer. La « primaire victime » du scrutin présidentiel c’est cette théorie selon laquelle, le vainqueur de la primaire sort forcément grandi de l’épreuve, posé sur une rampe de lancement pour faciliter sa campagne devant tous les Français. C’est exactement le contraire qui s’est passé. Puisque la situation était qu’aucun leadership ne s’imposait avec évidence, les divers candidats ont joué sur des positionnements assez différents. Et à LR comme au PS, le gagnant fut celui qui prit l’investiture par son aile radicale, à la droite ou à la gauche.</p>
<p>Ce qui permettait de complaire à son électorat le plus mobilisé et démonstratif est devenu chez Fillon et Hamon un boulet plus ou moins facile à porter. François Fillon a coupé ainsi une partie du lien avec l’électorat populaire de droite tissé par Nicolas Sarkozy. Benoît Hamon a créé ainsi les conditions d’une porosité entre l’électorat PS et le mouvement des insoumis, tout en jetant l’électorat social-démocrate habituel du PS dans les bras d’Emmanuel Macron. Ses deux rivaux immédiats à sa droite et à sa gauche ont ouvert un boulevard politique à Emmanuel Macron que son talent a transformé en autoroute.</p>
<p>De plus, Marine Le Pen a fait peur à l’électorat conservateur âgé de droite, susceptible de la rejoindre au second tour, avec sa mesure phare de <a href="https://theconversation.com/abandonner-leuro-quand-les-fetards-auront-dessaoule-74207">sortie de l’euro</a>. Elle a créé ainsi son propre plafond de verre par la peur économique engendrée. Et ses explications fumeuses durant l’entre-deux tours pour expliquer que, finalement, on sortirait de l’euro, mais peut-être pas complètement, ont fini le travail. Et elle a ajouté un dernier clou à son cercueil par sa prestation violente lors du pugilat télévisé du second tour et l’étalage de son incompétence crasse sur de nombreux sujets.</p>
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<p><strong>5.</strong> Enfin, pour le meilleur ou pour le pire diront certains, ce succès est le fruit d’une formidable machinerie marketing. La création du mouvement En Marche ! a permis de mobiliser des bénévoles pour faire du porte à porte pour recueillir l’avis de milliers de Français. Données qui ont ensuite été compilées, triées, hiérarchisées, <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/rue89/rue89-politique/20161116.RUE3756/comment-emmanuel-macron-a-fait-son-diagnostic.html">algorithmisées</a> pour aider à définir les argumentaires de campagne, à trouver les mots percutants, à cibler des sous-catégories d’électeurs. Un travail de pros qui a dont connu la consécration par cette victoire.</p>
<h2>La périlleuse marche législative</h2>
<p>Cette victoire vient rassurer tous ceux qui voient avec soulagement le jeu de domino s’arrêter là. Après le Brexit et après Trump, la France ne sera pas une nouvelle prise de choix pour les populistes et les nationalistes xénophobes. Mais ce n’est pas parce que la victoire est belle, qu’elle doit aveugler. Heureusement pour eux, l’équipe Macron et lui-même ont évité de sombrer dans le triomphalisme hier soir. Mieux même, la première allocution télévisée du président élu était empreinte de gravité au point de frôler le sinistre.</p>
<p>Ils ont bien compris qu’une bonne partie de la France n’a pas voté, qu’une autre a voté <a href="https://theconversation.com/les-votes-blancs-et-nuls-feront-cette-election-77183">blanc ou nul</a>, qu’une autre s’est ralliée au panache de monsieur Macron pour mieux choisir son adversaire des cinq années à venir, en éliminant la pire ennemie. Mais cela traduit bien que l’obstacle législatif à franchir est conséquent, ce que montrent plusieurs indicateurs.</p>
<p>Le sondage Ipsos du jour du scrutin indique que 43 % des électeurs Macron ont d’abord voté pour lui, pour barrer Mme Le Pen, 33 % pour le renouvellement politique qu’il incarne et 16 % pour son programme. Ce qui ne signifie pas que seulement 16 % approuvent son programme, puisque la question posée dans ce sondage est celle de la hiérarchisation des motivations de vote.</p>
<p>Dans un contexte où l’abstention (signe d’un refus volontaire des deux candidatures) a cru fortement entre les deux tours et atteint un haut niveau pour un second tour avec – en sus – un taux record de vote blanc et nul sous la V<sup>e</sup> République, il convient de ne pas raisonner en pourcentage des suffrages exprimés officiels, mais de regarder le pourcentage des inscrits.</p>
<p>En comparant les quatre derniers Présidents, on s’aperçoit vite dans notre graphique que le socle électoral d’Emmanuel Macron est fragile. Après le score historiquement bas de Jacques Chirac en 2002, Nicolas Sarkozy avait réussi à redresser le score de premier tour de l’élu final. Mais depuis la pente est à nouveau à l’affaiblissement du score. Emmanuel Macron n’étant qu’à 18,2 % des inscrits. Et pour le second tour, Emmanuel Macron fait jeu égal avec Nicolas Sarkozy en 2007, alors qu’il bénéficie d’un « front républicain », certes partiel mais existant quand même ! Et chacun peut voir qu’on est très loin du soutien de 2002 à Jacques Chirac.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/168286/original/file-20170508-14381-8xvttm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/168286/original/file-20170508-14381-8xvttm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=481&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/168286/original/file-20170508-14381-8xvttm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=481&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/168286/original/file-20170508-14381-8xvttm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=481&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/168286/original/file-20170508-14381-8xvttm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=605&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/168286/original/file-20170508-14381-8xvttm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=605&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/168286/original/file-20170508-14381-8xvttm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=605&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Résultats présidentiels 2002-2017.</span>
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<p>Ce résultat global fragile, se concrétise au niveau des départements, sous forme de situations triangulaires, où votes Macron, votes Le Pen et le « parti » des blancs et nuls, se divisent plus ou moins en trois tiers, rapportés aux inscrits. C’est le cas dans l’Yonne, l’Oise, le Pas de Calais, les Ardennes par exemple.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/168285/original/file-20170508-14374-1ag0zie.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/168285/original/file-20170508-14374-1ag0zie.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=196&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/168285/original/file-20170508-14374-1ag0zie.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=196&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/168285/original/file-20170508-14374-1ag0zie.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=196&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/168285/original/file-20170508-14374-1ag0zie.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=247&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/168285/original/file-20170508-14374-1ag0zie.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=247&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/168285/original/file-20170508-14374-1ag0zie.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=247&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tableau de résultats départementaux.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ajoutons, enfin, que si la présidentielle se joue sur une circonscription unique, les législatives sont la somme de 577 configurations singulières, qui dépendent des cultures politiques locales, des personnalités en lice, surtout de celles qui ont un fief électoral ou pas. Le pari des candidatures très renouvelées pour nombre d’investitures En Marche ! est un pari audacieux, car il n’y aura pas des centaines de mini-Macron dans chaque circonscription et l’inexpérience électorale n’est pas encore devenue le <em>nec plus ultra</em> pour se faire élire en toutes circonstances, surtout pour une campagne si courte.</p>
<p>Et si, au nom d’une méthode Coué classique (et de bonne guerre) les dirigeants d’En Marche ! disent que les Français seront cohérents et donneront une majorité à celui qu’ils ont fait Président, il ne faut rester lucide. Ce mécanisme, habituel et plutôt vérifié, peut cette fois-ci se gripper.</p>
<p>Une forte abstention peut rendre plus difficile à atteindre le seuil de qualification des 12,5 % des inscrits pour figurer au second tour. Dans les zones où Emmanuel Macron a eu du mal à atteindre les 20 % des suffrages exprimés au premier tour, avec une bonne participation nationale, la tâche pour ses candidats aux législatives sera ardue. Les triangulaires qui vont sans doute fleurir un peu partout produisent des configurations très très incertaines pour le second tour, rendant les projections fort compliquées.</p>
<p>On l’aura compris : la marche vers la majorité législative sera difficile et escarpée. D’autant que vont s’ajouter les tractations avec les sortants venant d’autres forces politiques qu’il va falloir rendre lisibles et crédibles. Enfin, il y a bien peu de chances que les électeurs des partis éliminés du premier tour, surtout à droite, se désintéressent des législatives, par dépit. On peut s’attendre plutôt à ce qu’ils soient motivés par un esprit de revanche, considérant que leur champion a été éliminé par acharnement médiatico-judiciaire.</p>
<h2>Démarches symboliques</h2>
<p>Mais Emmanuel Macron peut s’ingénier à s’éclairer le chemin. On peut penser que les dirigeants d’En Marche ! comptent sur le mécanisme de l’engagement bien mis au jour par les psychologues <a href="https://www.contrepoints.org/2013/10/12/142279-petit-traite-manipulation-lusage-honnetes-gens">Beauvois et Joule</a>. Ils espèrent sans doute que certains électeurs du second tour ayant soutenu Macron par défaut se sentiront néanmoins engagés par ce choix et subiront intérieurement un conflit entre retour à leurs allégeances habituelles et volonté de montrer une forme de cohérence entre les deux scrutins. Mais pour que ce ressort psychologique joue à plein, il faudra donner des gages, donner des signes encourageants. Et là les premières décisions à prendre seront lourdes de sens.</p>
<p>Il n’est pas exagéré d’écrire que, dans ce contexte, de fortes divisions (au moins en <a href="https://theconversation.com/une-france-pliee-en-quatre-mais-qui-ne-fait-pas-rire-76585">quatre</a>) du pays, où le scrutin législatif est incertain, le quinquennat d’Emmanuel Macron va se jouer dans ce tout premier mois. Entre les gestes et discours du nouveau Président, la désignation du premier ministre, la composition du gouvernement, et l’annonce des premières mesures gouvernementales ne nécessitant aucun vote du Parlement, tout ce qui va être décidé aura des allures d’actes symboliques pouvant créer ou briser une dynamique électorale.</p>
<p>La démarche symbolique du premier mois sera vitale pour le Président Macron afin de franchir l’ultime marche, celle de la majorité parlementaire. Sinon trois scénarios défavorables se dessinent pour lui : la cohabitation, les coalitions plus ou moins bancales ou pires : la majorité introuvable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77325/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Mercier est président de l'association The Conversation France. </span></em></p>Pour une analyse à chaud du scrutin, trois aspects sont à aborder : les clés de ce succès, les fragilités qu’il recèle, l’importance décisive du mois à venir dans les actes et les discours.Arnaud Mercier, Professeur en Information-Communication à l’Institut Français de presse, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/773072017-05-08T06:01:14Z2017-05-08T06:01:14ZAprès l’élection : réconcilier les Français avec le monde<p>Sur le plan de la seule politique française, le premier constat de cette élection aux rebondissements inédits a déjà été établi, et ses ressorts seront disséqués par les spécialistes de sociologie électorale : le Président élu, Emmanuel Macron, représentait à 39 ans la nouveauté et donc l’inconnu dans cette campagne. Les candidats des deux partis de gouvernement ont été désavoués, terminant troisième (François Fillon) et cinquième (Benoît Hamon) de la compétition. Marine Le Pen a réussi pour la deuxième fois en quinze ans à porter l’extrême droite au second tour de l’élection présidentielle, incarnant davantage la colère que la nouveauté (<a href="http://www.france-politique.fr/elections-presidentielles.htm">depuis 1974</a>). Depuis 43 ans, il y a toujours eu un candidat de la famille Le Pen aux présidentielles, à l’exception de 1981.</p>
<p>Mais le regard doit se porter aussi sur les significations internationales de la campagne. Le débat, les prises de position des principaux candidats, ont montré des inflexions importantes dans le rapport que la France entretient avec le monde.</p>
<h2>De la peur de la mondialisation à la tentation autoritaire ?</h2>
<p>Sur les quatre candidats arrivés en tête du premier tour, et qui rassemblaient près de 85 % des suffrages exprimés, trois d’entre eux ont développé un message critique à l’égard de l’Union européenne, dont deux – Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon – particulièrement virulents, remettant en cause l’idée européenne elle-même. Il faut, en réalité, ajouter à cette dynamique les scores de la plupart des petits candidats (Dupont-Aignant, Asselineau, Cheminade…). A part Emmanuel Macron et Benoît Hamon, l’immense majorité des candidats de l’élection de 2017 n’adhérait donc plus au projet européen tel qu’actuellement développé.</p>
<p>Sur cette thématique portée courageusement compte tenu de l’atmosphère générale, Emmanuel Macron était bien seul. Il l’a emporté largement, à la fois par rejet du FN, et par crainte de l’aventurisme-amateurisme de sa dirigeante sur des questions comme celle de l’euro. Pour autant, sa victoire ne vaut pas résurrection soudaine de l’enthousiasme européen en France.</p>
<p>On retrouve plus largement, chez les mêmes candidats (Le Pen, Mélenchon, Fillon dans une moindre mesure, plus Dupont-Aignan et quelques autres moins significatifs), la tentation d’une rupture en matière de politique étrangère, parfois jusqu’au retournement d’alliance, autour d’un ensemble rhétorique mêlant critique de la domination américaine, volonté d’une révision de notre relation à l’OTAN, et surtout souhait d’un rapprochement fort avec la Russie de Vladimir Poutine.</p>
<p>Les liens assumés de plusieurs candidats (surtout Le Pen, Fillon, Mélenchon) avec le dirigeant du Kremlin, le soutien qui leur a été apporté par les médias pro-russes (de <a href="https://fr.sputniknews.com/france/201705021031204762-partisan-melenchon-vote-marine-lepen/">Sputnik</a> à <a href="https://francais.rt.com/france/37116-fillon-estime-etre-plus-menace-par-terrorisme-en-raison-radicalite-islamisme">RT</a>), la proposition reprise par deux candidats (Mélenchon et Fillon) d’une <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/03/23/estimer-que-la-paix-passe-par-la-redefinition-des-frontieres-est-surprenant_5099276_3232.html">conférence sur les frontières</a> en Europe de nature à entériner les avancées russes en Ukraine et en Géorgie, auraient été difficilement imaginables sans réaction notable, il y a encore cinq ans.</p>
<p>Cette affinité avec le dirigeant russe va de pair avec un discours porté sur la restauration de l’autorité, et pour certains (Fillon, Le Pen) avec la défense de la chrétienté, qui amène ainsi à proposer de soutenir le régime de Bachar al-Assad au nom de la protection des chrétiens d’Orient. Au final, c’est bel et bien un rapprochement avec des régimes au mieux semi-autoritaires qui est en vogue. Là encore, Emmanuel Macron aura été presque le seul candidat à souligner la dimension positive de l’appartenance au projet européen, et à un projet démocratique libéral. Cela représentait 24 % des suffrages exprimés au premier tour.</p>
<h2>La nécessité d’un message fort</h2>
<p>La nécessité politique et sociologique, sur le plan interne, de reconcilier plusieurs France après cette élection a déjà été soulignée. Il en existe une autre : réconcilier les Français avec leur politique étrangère, et avec le monde.</p>
<p>Depuis 1958 et bien après le retrait du général de Gaulle, le socle gaullien a prôné un maintien dans l’Alliance atlantique assorti d’une liberté de ton et de manœuvre, une solidarité avec nos partenaires européens, à commencer par l’Allemagne (avec la même liberté critique), et un universalisme impliquant une relation privilégiée avec le Sud, donc la France se fait souvent le porte-parole aux Nations Unies ou à d’autres tribunes internationales. Cette tradition est aujourd’hui remise en cause. Elle l’a d’abord été par une conception plus occidentaliste, qui a pu placer le curseur plus proche des faucons que des colombes, aux États-Unis bien sûr (Bush plutôt qu’Obama), mais aussi ailleurs (Netanyahu plutôt que le parti travailliste ou le parti de la paix en Israël, entre autres exemples).</p>
<p>Elle l’a été bien plus fortement encore, pendant la campagne, par une tentation du repli associée à une <a href="https://theconversation.com/trump-poutine-erdogan-et-demain-le-pen-comment-expliquer-le-succes-des-cesars-du-xxi-siecle-71421">fascination de l’homme fort</a>. Il ne sera pas toujours facile de convaincre, dans l’hexagone, qu’Angela Merkel ou Donald Tusk constituent des partenaires plus fiables et plus proches que Poutine ou Erdogan.</p>
<p>Il ne sera pas facile non plus, du fait de cette difficulté à resouder le front domestique, de convaincre le reste du monde que la France a de nouveau un message fort et lisible. La formulation d’un tel message sera sans aucun doute une priorité du nouveau Président, quels que soient les résultats des élections législatives, compte tenu du rôle spécifique que la V<sup>e</sup> République confère au chef de l’Etat en la matière.</p>
<h2>Un discours de politique étrangère à reconstruire</h2>
<p>Sur l’Europe, la France devra faire des propositions dans un document rédigé à cet effet, ce qui n’a pratiquement pas été fait de manière formelle ou forte depuis des années (on se souvient du discours de Jacques <a href="http://www.cvce.eu/obj/discours_de_jacques_chirac_devant_le_bundestag_berlin_27_juin_2000-fr-ecd6f6e1-be92-4b9b-bf6c-0e0df1936b48.html">Chirac à Berlin en 2000</a>).</p>
<p>Sur la zone Méditerranée – Afrique du Nord-Moyen-Orient –, les deux derniers quinquennats ont envoyé des <a href="https://groupeavicenne.wordpress.com/2017/04/02/rapport-avicenne-2017-maghreb-moyen-orient-une-priorite-de-politique-etrangere-pour-la-france/">signaux contradictoires</a>, qu’il faudra clarifier. Si un grand discours de « politique arabe » semblable à celui de <a href="http://discours.vie-publique.fr/notices/967005600.html">Jacques Chirac au Caire en 1996</a> est peut-être devenu anachronique, travailler à une posture claire sur les enjeux du moment (Palestine, Syrie, avenir du Maghreb, terrorisme, relations avec le Golfe, Libye…) est vital. Sur l’Afrique sub-saharienne, l’avenir de <a href="http://www.defense.gouv.fr/operations/operations/sahel/dossier-de-presentation-de-l-operation-barkhane/operation-barkhane">Barkhane</a>, la relation à une nouvelle Afrique jeune et dynamique, le partenariat avec les grands acteurs non francophones du continent (Nigéria, Angola, Afrique du Sud…) feront partie des priorités, sans tomber naturellement ni dans le retour en arrière chiraquien (le retour de Jacques Foccart à l’Elysée en 1995…), ni dans la tentative de remise à plat ratée de Nicolas Sarkozy dans son <a href="http://www.jeuneafrique.com/173901/politique/france-s-n-gal-extraits-du-discours-de-dakar-prononc-par-nicolas-sarkozy-en-2007/">discours de Dakar en 2007</a>.</p>
<p>La priorité de la lutte anti-terroriste au Sahel ne posera pas de problème, mais les modalités de sa mise en œuvre seront plus délicates. Sur l’environnement, les droits de l’homme, ou d’autres biens communs, la tâche sera plus facile, car l’enjeu est moins polarisant en interne, et déjà largement exploré de façon consensuelle par la diplomatie française dans les dernières années.</p>
<p>Il n’empêche, c’est bien le rapport à l’autre que l’étrange campagne que nous venons de vivre a questionné. C’est ce rapport à l’autre qui a même dicté une partie de la tonalité des débats. La dédramatisation de cet enjeu, l’apaisement en la matière, passe inévitablement par son traitement serein mais précis et engagé, dans un discours de politique étrangère à reconstruire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77307/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Charillon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La nécessité politique et sociologique de réconcilier plusieurs France après cette élection a déjà été soulignée. Il en existe une autre : réconcilier les Français avec leur politique étrangère.Frédéric Charillon, professeur de science politique, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/766762017-04-27T20:27:45Z2017-04-27T20:27:45Z« Mieux que les sondages », ou les menues escroqueries intellectuelles de Filteris<p>Dans le climat de dénigrement systématique des sondages durant cette campagne présidentielle française, un acteur nouveau est apparu : les agences d’étude des messages publiés par les internautes sur leurs comptes de réseaux sociaux. Même si cette activité existe depuis une petite dizaine d’années, la visibilité que certains médias et candidats leur ont donnée est inédite.</p>
<p>Ces agences qui scrutent ce qui dit sur ces réseaux ou qui incitent les gens à venir s’exprimer sur leurs plateformes ambitionnent toutes de transformer ces messages en des métriques sociales, des données chiffrées qui objectiveraient le rapport de force entre les candidats, en terme de poids relatif de la conversation en ligne concernant chaque candidat.</p>
<p>Et le désespoir pathétique des militants les plus durs de la droite filloniste les a conduits à s’accrocher, telle une bouée de secours en pleine tempête, à ces statistiques nouvelles livrées par des sociétés qui ont ainsi connu leur heure de gloire dans la presse engagée à soutenir François Fillon, au premier rang desquels l’appli YouGOV ou Filteris, société canadienne animée par des Français.</p>
<p>On a ainsi vu gonfler sous nos yeux ébahis un microécosystème, articulant dans des liens réciproques de promotion croisée l’équipe de campagne de François Fillon, les sites d’information les plus à droite et quelques sociétés en mal de reconnaissance et de publicité. Microécosystème qui avait finalement tout d’une petite arnaque intellectuelle entre amis.</p>
<h2>Dévoiement de la mesure numérique des conversations sociales</h2>
<p>Démontons donc cette tentative de manipulation de l’opinion qui prit pour cible les sondages d’intention de vote en s’appuyant sur des pseudo concurrents pour essayer de donner vie à une réalité inverse de celle que les sondages donnaient à voir. Celle-là même que le scrutin a confirmée, puisque les <a href="https://theconversation.com/drafts/76617/edit">sondages ne sont pas trompés</a>, donnant le quinté des candidats dans l’ordre exact et avec des chiffres compris dans les marges d’erreur.</p>
<p>Cette mesure de la conversation sociale est très utile, très instructive. Elle fut utilisée dans bien des élections passées en France. Nous avons nous-mêmes conduit en 2014 une étude pour établir un <a href="https://fr.slideshare.net/arnomercier/baromtre-des-municipales-sur-Twitter-france-info-semiocast-obsweb">baromètre de la tweet-campagne</a> des municipales sous l’égide de France Info et sous la houlette de la société d’étude Semiocast.</p>
<p>Pourtant en 2017, les thuriféraires de ces mesures en période électorale en ont dévoyé totalement le sens en se positionnant comme des concurrents directs des sondages d’intention de vote, au lieu de rester prudemment dans une position de complémentarité. Le journal <em>Valeurs actuelles</em> en a fait un baromètre quotidien concurrent des sondages, publiant chaque jour le nouveau graphique publié par Filteris. Le site <em>Atlantico</em> s’est engouffré dans la même voie qu’il croyait être une brèche, donnant une forte visibilité à des métriques qui ne peuvent pas dire ou prédire ce pour quoi elles ne sont pas conçues, à savoir : exprimer un vote !</p>
<blockquote>
<p>« Depuis plusieurs semaines, toutes les analyses big data donnent invariablement François Fillon vainqueur de cette présidentielle, qu’il s’agisse de Filteris, ElectionScope, YouGov et Multivote, ou plus simplement des sondages appelant les internautes à faire un choix… Même si elles ont déja démontré leur pertinence (élection de Trump, Brexit, primaires de la droite et du centre), ces analyses attirent systématiquement les critiques des sondeurs et celles des partisans d’Emmanuel Macron. »<br>
Atlantico (1<sup>er</sup> avril 2017).</p>
</blockquote>
<p>Sous le titre « Un sondeur annonce que Fillon sera au second tour », qui introduit un coupable brouillage des repères, puisqu’il ne s’agit pas du tout d’un institut de sondage au sens classique, <em>Valeurs actuelles</em> publia le 17 avril, un article commençant ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Interrogé sur France Info, mercredi 12 avril, le cofondateur de l’application GOV, qui sonde gratuitement des milliers de Français, annonce que « François Fillon sera au second tour ». Il ajoute : « N’en déplaise aux principaux instituts qui les font, les sondages traditionnels ont montré leurs limites. Réalisées presque quotidiennement auprès d’un nombre de personnes réduit, ces études particulièrement prisées en période électorale ont déjà prouvé qu’on ne pouvait pas s’y fier, comme l’a montré l’élection de Donald Trump aux États- Unis. »</p>
</blockquote>
<p>Que des journaux qui ne cachent pas leur posture militante de droite s’adonnent à des articles visant à dénigrer les sondages, à instiller le doute sur ce qui se dit de défavorable au sujet du candidat qu’ils soutiennent, c’est n’est pas très honnête intellectuellement mais après tout attendu. Que, cruellement démenti par les faits, cela ne les amène pas à faire amende honorable et à s’excuser auprès de leurs lecteurs d’avoir accrédité de telles fables est en revanche bien triste.</p>
<p>Mais il est plus intéressant de s’occuper des soubassements factuels et intellectuels des sociétés elles-mêmes, en prenant pour cas d’école les postures des responsables de Filteris.</p>
<h2>Filteris, une pseudo martingale instrumentalisée par le bunker Fillon</h2>
<p>Leurs porte-parole véhiculent depuis des mois un argumentaire à géométrie variable servant à la fois à s’autopromouvoir comme des visionnaires quand cela les arrange et à réfuter les critiques quand ils sont pris en faute de prévision. Puisque des semaines durant, il a été question d’opposer ces « vraies » métriques aux « mauvais » sondages, rappelons graphiquement la cruelle réalité.</p>
<p>À titre d’exemple, voici le sondage IFOP du 21 avril 2017 :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/166523/original/file-20170424-12650-93gfw4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/166523/original/file-20170424-12650-93gfw4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=504&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/166523/original/file-20170424-12650-93gfw4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=504&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/166523/original/file-20170424-12650-93gfw4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=504&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/166523/original/file-20170424-12650-93gfw4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=633&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/166523/original/file-20170424-12650-93gfw4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=633&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/166523/original/file-20170424-12650-93gfw4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=633&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">DR</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Et voici les résultats officiels du ministère de l’Intérieur :</p>
<ul>
<li><p>Emmanuel Macron : 24,01</p></li>
<li><p>Marine Le Pen : 21,3</p></li>
<li><p>François Fillon : 20,01</p></li>
<li><p>Jean‑Luc Mélenchon : 19,58</p></li>
</ul>
<p>On constatera que Macron était surévalué de 0,5 point, Le Pen surévaluée de 1,3 point, Fillon sous-estimé de 0,5 point et Mélenchon sous-estimé de 1 point. Tout est donc parfaitement compris entre les marges d’erreur et est, en vérité, précis, puisque c’était le quarté gagnant. Que donnaient aussi d’autres instituts d’ailleurs. Comparons maintenant avec l’ultime métrique de Filteris, le 21 avril :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/166890/original/file-20170426-2828-1v5quyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/166890/original/file-20170426-2828-1v5quyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=358&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/166890/original/file-20170426-2828-1v5quyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=358&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/166890/original/file-20170426-2828-1v5quyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=358&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/166890/original/file-20170426-2828-1v5quyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=450&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/166890/original/file-20170426-2828-1v5quyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=450&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/166890/original/file-20170426-2828-1v5quyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=450&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Filteris 21 avril 2017.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Avec les indications de Filteris, pas un seul des candidats n’est à sa vraie place. Je n’irai pas jusqu’à calculer les points d’écart entre cette métrique et celle du scrutin, puisque cela ne mesure pas la même chose ! Ce serait aussi ridicule que d’essayer de faire une comparaison entre des taux de chômage et un taux de satisfaction des services de Pôle emploi calculé à partir de la conversation sociale sur Twitter et Facebook. Enivrés par ce qu’ils croient être la performance prédictive du vote, de leur outil, les responsables de Filteris se sont livrés à ces comparaisons aussi douteuses qu’absurdes sur leur site.</p>
<p>Commençons par leur griserie des sommets :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/166892/original/file-20170426-2822-bf99pq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/166892/original/file-20170426-2822-bf99pq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=147&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/166892/original/file-20170426-2822-bf99pq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=147&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/166892/original/file-20170426-2822-bf99pq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=147&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/166892/original/file-20170426-2822-bf99pq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=184&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/166892/original/file-20170426-2822-bf99pq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=184&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/166892/original/file-20170426-2822-bf99pq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=184&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">buzzpol.</span>
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<p>Ce discours leur faire croire qu’ils rivalisent de plain-pied avec les sondages. D’ailleurs, ils s’intègrent sans vergogne dans un classement comparatif en dressant une égalité de valeur entre des chiffres qui n’ont jamais mesuré la même chose :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/166893/original/file-20170426-2857-vudrwm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/166893/original/file-20170426-2857-vudrwm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=720&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/166893/original/file-20170426-2857-vudrwm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=720&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/166893/original/file-20170426-2857-vudrwm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=720&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/166893/original/file-20170426-2857-vudrwm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=905&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/166893/original/file-20170426-2857-vudrwm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=905&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/166893/original/file-20170426-2857-vudrwm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=905&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Buzzpol correlation image scrutin.</span>
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<p>En étudiant d’un peu plus près leur discours autopromotionnel, on démasque assez vite la supercherie.</p>
<p>Dans une interview avec un très complaisant André Bercoff (collaborateur régulier de <em>Valeurs actuelles</em>), sur le plateau de Sud Radio, une des responsables de Filteris, Véronique Queffelec affirme que grâce à leurs collectes de millions de données et à l’identification de la sentimentalité des messages émis, les responsables de Filteris peuvent établir un classement. Et elle déroule :</p>
<blockquote>
<p>« Attention, on a aussi un pourcentage possible d’erreur, mais en général on est quand même assez près du résultat. Déjà en 2007, alors que cette technologie en était à ses balbutiements, le premier tour des élections présidentielles françaises, nous avons trouvé Bayrou à 18,6, il a fait 18,57 et les sondeurs à la même époque le donnaient à 10 ! (…) Sur la primaire de droite, nous avons dès le 12 octobre dit que F. Fillon serait au deuxième tour, le 13 octobre un institut de sondage le plaçait en quatrième position. (…) De même, nous ne sommes pas trompés pour l’élection de Trump, (…) un mois avant nous avions annoncé la probabilité de l’élection de Trump, de sa victoire ! »</p>
</blockquote>
<p>Les hauts faits d’armes s’accumuleraient donc : Filteris donne souvent des métriques de conversation sociale dont le chiffre est très proche du résultat du vote ; Filteris prévoit les résultats un mois à l’avance ; Filteris donne des chiffres justes à des moments où les sondages, eux, sont totalement largués.</p>
<h2>Filteris et ses pathétiques justifications en cas d’erreur</h2>
<p>Mais, alors, comment expliquer des erreurs de prévision cruelle comme par exemple, cas d’école, la primaire de gauche où l’outsider Benoît Hamon a été complètement raté par Filteris ?</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/166894/original/file-20170426-2841-x7wcao.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/166894/original/file-20170426-2841-x7wcao.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/166894/original/file-20170426-2841-x7wcao.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/166894/original/file-20170426-2841-x7wcao.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/166894/original/file-20170426-2841-x7wcao.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/166894/original/file-20170426-2841-x7wcao.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/166894/original/file-20170426-2841-x7wcao.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Filteris primaires de gauche.</span>
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<p>La réponse est simple, elle est apportée dans un message posté sur le Facebook de la société le 19 février. Au commentaire perfide d’un internaute qui leur écrit : « Tiens, les petits génies de Filteris au gros melon se plantent aussi », la société répond :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/166895/original/file-20170426-2848-1xxj2ue.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/166895/original/file-20170426-2848-1xxj2ue.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=70&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/166895/original/file-20170426-2848-1xxj2ue.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=70&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/166895/original/file-20170426-2848-1xxj2ue.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=70&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/166895/original/file-20170426-2848-1xxj2ue.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=89&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/166895/original/file-20170426-2848-1xxj2ue.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=89&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/166895/original/file-20170426-2848-1xxj2ue.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=89&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">reponse Facebook filteris.</span>
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<p>Ainsi quand leur fumeuse martingale correspond plus ou moins au résultat final un mois avant, ils en tirent gloire en en faisant un argument décisif de supériorité face aux sondages et quand leur résultat est démenti, ils se justifient en disant que des « variations importantes » peuvent intervenir « et ce très rapidement ». Bref, ils sont très bons car eux sont des visionnaires et voient des choses un mois avant tout le monde, et quand ils sont mauvais, c’est qu’il faut tenir compte du temps qui change le cours des choses jusqu’au dernier moment.</p>
<p>Filteris, ivre de ses soi-disant prodiges passés, a entretenu la flamme de ceux qui leur octroyaient en échange une publicité aussi imméritée qu’inespérée, en instrumentalisant un outil de métrique sociale fumeux et complètement dévoyé de ce à quoi il pourrait utilement servir, pour essayer de faire croire à une victoire électorale qui leur échappait. Durant cette fin de campagne chacun a grisé l’autre. Mais les masques sont tombés en même temps que les résultats : le « vote caché » et Filteris sont nus et François Fillon est resté scotché à la troisième place que lui octroyaient tous les sondages. Les vrais !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76676/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Mercier est le président de l'association The Conversation France. </span></em></p>Afin de sauver le candidat Fillon, les sondages d’intention de vote ont été dénigrés et de pseudo métriques ont été artificiellement valorisées pour faire advenir une réalité que le scrutin a démentie.Arnaud Mercier, Professeur en Information-Communication à l’Institut Français de presse, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/766172017-04-26T21:57:39Z2017-04-26T21:57:39ZPour une critique de la critique des sondages<p>Il est de bon ton de se défier des sondages et d’entonner à grands coups de trompe que ceux qui sont aux manettes de cette technologie de mesure de l’opinion « se trompent », « n’ont pas vu venir Trump », « n’ont rien vu pour le Brexit », « ont raté Fillon durant la primaire » et donc allaient forcément, fatalement se tromper pour la présidentielle 2017. Et bien les faits ont donné raison aux principaux instituts de sondage français.</p>
<p>Les photographies successives qu’ils ont livrées des intentions de vote des Français se sont avérées conformes au résultat final de ce premier tour du scrutin. On constatera que la médiatisation de la critique des sondages s’aligne parfaitement sur les lois habituelles des médias : on ne parle pas des trains qui arrivent à l’heure. Autant des tonnes de salive et d’encre sont déversées pour souligner les insuffisances des sondages quand elles surviennent ou pour dénoncer les manipulations dont les instituts seraient complices, autant quand surgit la froide réalité de l’aptitude des sondeurs à capter correctement l’humeur électorale des Français, il semble peu nécessaire de le souligner.</p>
<p>C’est donc ce que nous souhaitons faire ici, en revenant sur les logiques politiques qui expliquent le (mauvais) procès fait aux sondages et retournant la critique. La nécessité de conserver une posture critique n’est pas forcément là où on nous la désigne : les sondages. Elle est aussi (souvent ?) à exercer contre le discours critique des sondages.</p>
<p>Le procès fait aux sondages, comme nous allons le voir, est un mélange détonnant d’arguments fondés, de fantasmes, de mauvaise foi crasse et d’ignorance de la réalité du travail des sondeurs.</p>
<h2>Critiques fondées des sondages</h2>
<p>Du côté des arguments fondés, on trouve des remarques pertinentes sur la montée de l’indécision et de la volatilité électorales qui fragilise le calcul des intentions de vote, ou sur la complexification de la structuration sociale qui fragilise l’échantillonnage par quotas. Par exemple, et de plus en plus, être « ouvrier » ne signifie pas avoir un statut ou une position commune tant il existe plusieurs façons de se vivre ouvrier. La vraie difficulté de l’exercice des sondeurs relève de la prise en compte pertinente des mutations sociologiques et politologiques de la société pour conserver tout son sens à la notion de quotas représentatifs de la population française.</p>
<p>Mais là où l’ignorance du travail des sondeurs apparaît, c’est quand certains émetteurs de ces critiques laissent entendre que les sondeurs sont des imbéciles heureux qui ne seraient pas les premiers conscients des imperfections de leur outil et qu’ils ne seraient pas eux-mêmes en alerte pour essayer d’en corriger les travers. L’application d’un sommaire raisonnement mercantile ou marketing suffirait à comprendre qu’aucun institut de sondage sérieux n’a intérêt à voir son image durablement accolée à un terrible trou d’air dans l’art de deviner les intentions de vote des Français.</p>
<p>Si Emmanuel Macron n’avait pas été qualifié pour le second tour, cela aurait été un accident industriel pour une profession qui établissait unanimement, depuis plusieurs semaines, qu’il était bien installé dans le duo de tête.</p>
<h2>Attaques excessives des sondages</h2>
<p>Du côté des critiques contre les sondages – qui sont alors des attaques –, on trouve beaucoup de fantasmes et de mensonges. Il est faux de répéter sans cesse que les instituts américains n’ont pas vu la victoire de Trump en plaçant Hillary Clinton en tête des sondages nationaux, alors qu’elle a bel et bien gagné le <a href="https://theconversation.com/aux-etats-unis-limpossible-reforme-du-college-electoral-70240">vote populaire à l’échelle du pays</a>. En revanche, c’est vrai, ils ont échoué à percevoir l’ampleur de l’inversion du rapport de force entre démocrates et républicains dans certains États pouvant basculer (les fameux <em>swing states</em>).</p>
<p>Pour la primaire de la droite, certes les instituts français n’ont pas su capter parfaitement la montée de Fillon, qui fut telle qu’il finira en tête. Mais ils avaient tous repéré, à des degrés divers, <a href="https://theconversation.com/alain-juppe-victime-de-la-peur-du-chirac-bis-69181">sa dynamique ascendante</a>. Et il faut leur rendre grâce que l’exercice n’était pas aisé pour trois raisons :</p>
<ul>
<li><p>c’était la toute première primaire à droite, difficile donc pour les instituts de s’appuyer sur des acquis antérieurs solides ;</p></li>
<li><p>dans une telle primaire, la fongibilité des électorats est forte, et un électeur peut se décider jusque dans l’isoloir, voire y changer d’avis, sans avoir l’impression de se renier ou de trahir son camp. La volatilité électorale dans un tel contexte est donc maximale ;</p></li>
<li><p>de nombreux électeurs de gauche sont venus perturber le jeu puisque pour la modique somme de 2 euros on leur offrait la tête de Nicolas Sarkozy sur un plateau. On peut dire la même chose (quoiqu’à un moindre degré) de la primaire de gauche, où Benoît Hamon est sorti vainqueur avec l’appui d’électeurs très à gauche venus éliminer un Manuel Valls honni plus qu’offrir à Benoît Hamon un tremplin pour le premier tour de la présidentielle.</p></li>
</ul>
<h2>Rejet des sondages qui ne nous arrangent pas</h2>
<p>Évoquons maintenant le biais intellectuel et psychologique qui vient perturber gravement une critique sereine des instituts de sondage : la volonté de ne pas croire les sondages qui ne vont pas dans votre sens. La critique des sondages est, à cet égard, un reflet exacerbé d’un climat plus général de défiance vis-à-vis des faits et des positions de savoir, ce que certains nomment la <a href="https://theconversation.com/post-verite-la-raison-du-plus-fou-70712">« post-vérité »</a>.</p>
<p>Des sondages durablement défavorables ou subitement devenus moins favorables deviennent vite la preuve d’une compromission entre des instituts, des médias, des gouvernants, des forces politiques dominantes, des riches actionnaires tapis derrière, <a href="http://www.francetvinfo.fr/replay-radio/histoires-d-info/histoires-d-info-le-cabinet-noir-cote-obscur-de-l-elysee_2091067.html">des cabinets noirs</a> (il suffit de cocher les cases qui siéent le mieux à sa vision du monde). Dès lors, la technologie sondagière est vouée aux gémonies, elle est aussi trompeuse qu’elle ne se trompe ! Après, chacun trouvera des ressources argumentatives plus ou moins douteuses pour se convaincre que les sondages déraillent.</p>
<p>L’état-major Fillon et ses soutiens dans la presse écrite ou en ligne, ont ainsi inventé la théorie du « vote caché » pour Fillon, que – par essence – les sondages ne pourraient pas voir : véritable grenade dégoupillée que les zélateurs de cette théorie fumeuse s’apprêtaient avec gourmandise voir exploser au visage des sondeurs et des médias qui avaient eu la faiblesse de croire aux sondages.</p>
<p>Puisque les résultats du premier tour sont totalement compris dans les marges d’erreur statistiques des sondages parus, puisque les sondages ont désigné correctement le quinté de tête, dans des proportions respectives exactes, les zélés dénonciateurs et calomniateurs des sondeurs ont dû ravaler leur fiel. Incapables d’entonner l’air de l’« on vous l’avait bien dit ! », il leur faut trouver autre chose pour masquer que c’est bien l’image très dégradée du candidat qui est la plus explicative de son échec.</p>
<p>À la vérité, la posture critique vis-à-vis des sondages dans le champ politique, sous couvert de lucidité face aux risques de manipulations et d’influence qu’ils contiendraient – par essence ou dans l’exploitation que certains en font – cache bien souvent (et plutôt mal) une posture hypocrite. Le sondage d’intention de vote est un outil de mesure de l’opinion sans valeur et sans foi quand les résultats vous sont défavorables et, par transmutation, deviennent des indicateurs instructifs, dignes de considération, dès lors qu’ils vous sont favorables.</p>
<p>Remarquons, pour conclure, qu’aucun des candidats qui a éructé contre les sondages durant cette campagne n’ait eu l’élégance ou l’honnêteté de saluer au soir des résultats, le sérieux du travail des sondeurs et de reconnaître que leurs critiques furent aussi infondées qu’excessives.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76617/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Mercier est président de l'association The Conversation. </span></em></p>Le procès fait aux sondages est un mélange détonnant d’arguments fondés, de fantasmes, de mauvaise foi crasse et d’ignorance de la réalité du travail des sondeurs.Arnaud Mercier, Professeur en Information-Communication à l’Institut Français de presse, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/766392017-04-24T21:14:30Z2017-04-24T21:14:30ZPrésidentielle : d’un tour à l’autre, les risques du trompe-l’œil<blockquote>
<p>« Il y a peut-être une naïveté à l’origine de toute entreprise. »<br>Bernard Grasset</p>
</blockquote>
<p>Si être surpris, c’est rencontrer l’inattendu, effectivement le vote du 23 avril ne constitue pas une vraie surprise. Encore moins pour ceux qui, comme Les Républicains ou la France insoumise, en attendaient une autre, laquelle n’est jamais venue.</p>
<p>Voici des semaines que les sondages anticipaient le face à face complètement atypique, pour ne pas dire incongru, entre la candidate du FN et celui d’En Marche. Certes, dans la dernière ligne droite, une incertitude a plané sur le nom des deux éligibles, puisqu’ils étaient finalement quatre à pouvoir y prétendre, qui se tenaient dans un espace étroit de 19 à 24 %, trop faible amplitude au regard de la marge d’erreur. Compte tenu également de l’indécision affirmée de plus d’un quart des électeurs.</p>
<p>Avec une précision millimétrée, le scrutin a néanmoins confirmé collectivement l’hypothèse précocement avancée. Belle journée pour les sondeurs, si souvent décriés ces derniers temps, et dont les erreurs entretenaient bien des espérances ou illusions.</p>
<h2>Stupéfiante élection</h2>
<p>Mais le mot qui convient le mieux pour qui observe les choses avec un peu de recul est <em>stupéfaction</em>. Il l’a fait ! Au cœur d’une France déchirée par le doute, l’angoisse du lendemain, la peur de l’autre entretenue activement, désignant un bouc émissaire commode dans une Europe caricaturée, cherchant une main ferme pour assurer sa protection, qui place-t-on en tête du ballottage ? Le plus européen des candidats, le plus jeune jamais trouvé dans les finalistes de ce type d’élection, le moins impliqué dans l’appareil d’État, le plus inexpérimenté dans les luttes partisanes ! Comment ne pas être stupéfait de ce chemin étonnant parcouru par un jeune homme méconnu du grand public il y a peu, considéré au mieux comme une bulle médiatique, au pire comme une créature du CAC 40, sans bagage électif et donc sans onction démocratique ?</p>
<p>Il fallait une bonne dose de naïveté pour y croire, une charge considérable de volonté d’agir pour poursuivre. Et surtout une intuition claire des attentes profondes des Français. « L’action, disait Bernard Grasset, consiste à découvrir sous la question que l’on vous pose, la question qui se pose. » D’avoir su saisir le désir de rupture et de renouvellement noyé sous la colère et l’indignation amère, Emmanuel Macron a tiré plein profit. À marche forcée. Ce qui valait bien un petit détour pour un verre dans une brasserie avec quelques amis avant de reprendre le combat.</p>
<p>Si l’on veut ignorer un moment les thèses du complot médiatique associé à celui des grandes entreprises, comprendre la portée du vote du 23 avril suppose de mesurer les termes du débat. On dira, bien sûr, qu’Emmanuel Macron a eu de la chance et a su en profiter. Certes, ses adversaires ont commis des erreurs, parfois fatales. Encore y auront-ils été conduits par le système même que le fondateur d’En Marche ! dénonçait.</p>
<p>Au premier rang, il y a eu le piège des primaires que se sont tendus eux-mêmes les deux principaux partis de gouvernement. Il leur fallait trancher de la crise du leadership, et rassembler autour d’eux : dans les deux cas, l’heure fut à la rupture en forme de renouvellement. Hamon et Fillon remplissaient la première des conditions et constituaient des leaders. Mais, très vite, ils ont échoué sur la deuxième, se montrant incapables de rassembler leur camp tant sur leur gauche que sur leur droite.</p>
<p>Il y eut aussi, venant aggraver les choses à droite, l’empilement des affaires. Mais, là encore, il s’agissait de l’héritage des pratiques courantes dans le milieu : Fillon est sans aucun doute sincère quand il reconnaît ses erreurs, en disant qu’il n’avait pas compris que ces comportements n’étaient plus acceptés des Français. Mais, dans le contexte, l’aveu est mortifère.</p>
<h2>La France coupée en quatre</h2>
<p>Ces phénomènes et épiphénomènes n’ont fait toutefois qu’accélérer la désagrégation des deux camps. L’heure est au rejet des partis de gouvernement, disqualifiés aux yeux d’une majorité d’électeurs pour leur exercice alterné du pouvoir. C’est ailleurs que dans les lambeaux flottants des vieux partis que l’on va chercher désormais les planches de salut. Le succès foudroyant d’Emmanuel Macron trouve sa source dans cette décomposition des blocs qu’il avait provoquée, outre la grâce de sa jeunesse. De même l’impressionnante percée d’un Mélenchon puise sa force dans le désespoir d’une certaine gauche.</p>
<p>Au soir du 23 avril, le tableau est saisissant : la France apparaît coupée en quatre, sans que ces différents morceaux puissent former la base d’une quadripolarisation, tant les lignes de fractures se mêlent et s’entrecroisent, rendant difficile les réunifications pérennes. En refusant de se positionner en termes de droite et de gauche, Emmanuel Macron a disloqué le vieux monde des partis et ouvert la voie à une recomposition. Elle reste à faire. Mais la vraie nature de la V<sup>e</sup> République, qui est parlementaire malgré ses abus présidentialistes, pourra l’y aider. Avec, en perspective, un nécessaire retour au scrutin proportionnel.</p>
<p>Pour l’heure, il y a préalablement l’étape du deuxième tour à franchir. Et elle n’est peut-être pas aussi aisée que l’on semble l’anticiper. Non que la distance entre les deux candidats soit trop restreinte (24,01-21,3) : elle est à peine plus courte que celle qui séparait un Chirac en dessous de 20 % d’un Le Pen près des 17 %. Dans les deux cas, moins d’un million de voix les sépare. Mais on objectera que 2017 n’est pas 2002. Et il est vrai que de l’eau a coulé sous les ponts politiques.</p>
<p>D’abord, l’implantation du FN s’est considérablement amplifiée et consolidée, affaiblissant le réflexe républicain. Au fil des différents scrutins, du fait de la crise des partis traditionnels, la porosité des électorats s’est insidieusement affirmée. Et le scrutin présidentiel montre à quel point on se trouve dans un système de vases communicants : un regard rapide sur la carte du FN, qui recouvre la France de l’Est face à celle de l’Ouest, permet de le saisir : dans le Nord, dans les Bouches-du-Rhône, les scores élevés de la France Insoumise coexistent avec d’importantes baisses relatives du FN.</p>
<h2>Lignes de fuite</h2>
<p>Voilà qui nous amène à l’élément le plus complexe. Le monde politique est fracturé sur trois lignes. La première est celle qui fera le fond de la campagne du deuxième tour : elle oppose les partisans de l’ouverture européenne et mondiale aux défenseurs de l’État Nation et du souverainisme. La seconde est celle qui oppose la gauche à la droite. La troisième suit le clivage des partis traditionnels opposés à des formations politiques d’un nouveau genre.</p>
<p>Le problème est que ces fractures ne coïncident pas mais traversent les deux camps, provoquant des chiasmes ou des symétries paradoxales. De là naissent les interrogations qui pèsent sur le deuxième tour. Car au désarroi bien compréhensible qui peut saisir nombre d’électeurs au moment de désigner le futur Président, viennent se superposer des stratégies partisanes conçues pour faire du gagnant de demain le perdant d’après-demain.</p>
<p>Le scrutin du 23 avril a ouvert une porte historique vers une nouvelle distribution de la représentation politique, sur la base de nouveaux clivages en voie de cristallisation. Reste à éviter qu’elle ne se referme brutalement sous le souffle de la peur de l’inconnu.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76639/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Patriat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le scrutin a ouvert une porte historique vers une nouvelle distribution de la représentation politique. À condition qu’elle ne se referme pas brutalement sous le souffle de la peur de l’inconnu.Claude Patriat, Professeur émérite de Science politique, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/765852017-04-24T05:16:43Z2017-04-24T05:16:43ZUne France pliée en quatre mais qui ne fait pas rire<p>23 ; 22 ; 20 ; 19 : ces quatre chiffres ainsi alignés dessinent un portrait bien divisé de la France. Dans une phase de décomposition politique déjà bien entamée, le jeu partisan et électoral vient de subir un électrochoc sans comparaison. Les deux partis de gouvernement qui alternent au pouvoir sont éliminés du second tour, et ne représentent à eux deux (PS et LR) que 26 des suffrages exprimés.</p>
<p>Trois des quatre forces politiques qui se détachent dans cette compétition inédite n’ont jamais été au pouvoir, et pour le candidat en tête, son mouvement politique n’existait pas il y a seulement un an ! Ce scrutin est donc non seulement un accélérateur de décomposition mais aussi un ferment de recomposition. Cette recomposition dessine un spectre politique qui se joue à quatre forces quasi équilibrées.</p>
<p>Cet éparpillement nouveau, façon puzzle, ne laisse rien augurer de bon quant à la gouvernabilité future du pays, car chacun comprend immédiatement que l’émergence d’une majorité parlementaire est tout sauf une certitude. Dans une configuration où les rapports de force sont si proches, la majorité présidentielle du futur élu, le 7 mai prochain, ne trouvera pas forcément un nombre suffisant de circonscriptions où ses candidats sortiront en tête ou bien placés.</p>
<h2>Quatre clivages structurants</h2>
<p>Mais au-delà de ces projections électorales sur juin prochain, le résultat du premier tour de la présidentielle montre une fracturation de l’électorat, et donc des Français, autour de plusieurs enjeux qui sont progressivement devenus des clivages politiques et axiologiques structurants. Les travaux conduits notamment par les chercheurs de Sciences Po Paris ont permis de dégager dans le temps des indicateurs d’attitude et de valeurs qui permettent de comprendre la manière dont les Français ont recomposé leur identité politique, avec pour corollaire l’émergence de nouveaux mouvements politiques et le renouvellement de l’offre électorale.</p>
<p>On a beaucoup dit lors de ce scrutin que les affaires ont masqué le débat de fond. Qu’il nous soit permis de dire ici, de répéter, que nous ne faisons pas nôtre cette <em>doxa</em>. Bien sûr que les affaires judiciaires de deux candidats ont beaucoup occupé l’espace médiatique. Pour autant les électeurs ont bien perçu derrière cela les enjeux et les clivages sur lesquels ils souhaitaient s’aligner.</p>
<p>Résumons, schématiquement, les positions des quatre principaux candidats en fonctions des quatre lignes de clivage :</p>
<ul>
<li><p>Le libéralisme économique oppose les tenants du respect des lois du marché (avec ou sans intervention étatique régulatrice) à ceux préconisant un fort interventionnisme égalitariste de l’État ;</p></li>
<li><p>Le libéralisme culturel oppose ceux qui sont du côté de la défense de l’émancipation individuelle de chacun dans le respect des différences et d’une grande tolérance sur les mœurs à ceux qui se retrouvent plutôt dans des postures autoritaires d’ordre et de respects de règles et valeurs définies collectivement et s’imposant plutôt aux individus ;</p></li>
<li><p>L’euroscepticisme, qui peut aller jusqu’à l’europhobie, accueille tous ceux qui tiennent un discours souverainiste qui met l’Union européenne sur le reculoir au point d’envisager de la quitter.</p></li>
<li><p>Enfin, le clivage de l’ethnocentrisme oppose ceux qui mettent en exergue l’identité nationale, ses racines historiques – associée à des réflexes d’exclusion de tous ceux qui n’appartiennent pas ou pas bien à la nation –, le tout dans une dénonciation des méfaits de la mondialisation culturelle, à ceux qui acceptent une réalité plus bigarrée dans un univers mondialisé et une société ouverte.</p></li>
</ul>
<p>Les combinatoires de ces quatre critères reconfigurent l’offre électorale contemporaine en France. Et l’on peut schématiser les positions axiologiques des quatre candidats à travers le tableau suivant, où on essaye d’indiquer par un + que tel candidat incarne bien tel clivage et par un – qu’il en est très éloigné au contraire. Bien sûr, des cases sont parfois difficiles à remplir car certains candidats sont plus ambigus sur certains clivages ou sont tenus de composer avec un double électorat, comme c’est le cas du FN avec un Front national du Nord et de l’Est, ouvrier et populaire, aspirant à une meilleure protection et un Front national du Sud avec d’autres caractéristiques sociologiques différentes et un attachement à certaines valeurs conservatrices du christianisme.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/166413/original/file-20170424-24654-15ugzoi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/166413/original/file-20170424-24654-15ugzoi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/166413/original/file-20170424-24654-15ugzoi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/166413/original/file-20170424-24654-15ugzoi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/166413/original/file-20170424-24654-15ugzoi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/166413/original/file-20170424-24654-15ugzoi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/166413/original/file-20170424-24654-15ugzoi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tableau des clivages.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Positions des quatres principaux candidats sur ces clivages</h2>
<p>Si on reprend l’ordre du scrutin, Emmanuel Macron se situe clairement du côté de la défense d’un certain libéralisme économique. Ce qui ne l’empêche pas de considérer que l’État doit pouvoir interférer dans la vie économique et venir en aide aux plus fragiles, aux victimes de la compétition économique internationale. Il est aussi du côté du libéralisme culturel, du point de vue des mœurs, et il s’est montré en défenseur du droit des femmes que certains adversaires semblaient vouloir remettre en cause (avortement) ou du mariage gay. De plus, l’émancipation individuelle de chacun est un de ses leitmotivs, y compris par la libération des carcans qui freinent l’esprit entrepreneurial de chacun.</p>
<p>Il n’est pas un eurosceptique. Au contraire, sa défense de l’ancrage de la France dans l’Union européenne est devenue un des marqueurs de sa campagne. Il est un des rares candidats à mettre à disposition des sympathisants dans ses meetings des drapeaux européens à agiter. Alors même que Marine Le Pen a demandé à TF1 d’enlever la bannière bleue aux douze étoiles présente sur un plateau, avant d’y pénétrer. Emmanuel Macron n’est pas davantage un adepte d’une société fermée, sa rivale du second tour et Jean‑Luc Mélenchon en faisant même un suppôt du mondialisme.</p>
<p><strong>Marine Le Pen</strong> est très identifiée à un rejet de l’Union européenne telle qu’elle est conçue et fonctionne, puisqu’elle va jusqu’à préconiser une sortie de l’Europe et de l’euro. Position qui lui garantit un socle électoral solide mais lui construit, en miroir, un plafond de verre infranchissable, tant cette posture du grand large déplaît à une bonne partie de l’électorat de droite et âgé. La défense de l’ethnocentrisme constitue le fond de commerce du Front national depuis le début. Et la candidate a même fait retour sur ces fondamentaux dans ses derniers meetings pour ressouder un électorat qui s’effilochait dans les sondages. Les travaux de Nonna Mayer indiquent sans ambivalence que des positions hostiles aux immigrés et à l’islam sont le premier critère de soutien au FN chez nombre d’électeurs, qui considèrent que l’identité et la culture française sont en danger notamment du fait de l’islam.</p>
<p>Sur le plan du libéralisme culturel ou économique, la position du FN est ambivalente, car ses électorats et ses terres de conquête ne portent pas le même regard sur ces enjeux. Les ouvriers et employés du FN sont plutôt favorables à une forte protection sociale, alors que les agriculteurs, petits commerçants et artisans ou retraités qui votent FN seraient plutôt contre la croissance excessive de l’État, les syndicats, les réglementations, le « fiscalisme » pour reprendre l’expression habituelle de son père. Et pour les mœurs, deux conceptions traversent le parti, entre ceux qui s’enracinent dans les prescriptions du catholicisme et ceux qui sont déchristianisés et se disent laïques. Mais globalement les aspirations à plus d’ordre, à des valeurs d’autorité placent la candidate du FN du côté d’un refus du libéralisme culturel.</p>
<p><strong>François Fillon</strong> s’est posé comme le plus ardent défenseur d’un libéralisme économique chimiquement pur, avec l’annonce de mesures radicales pour « libérer l’économie » qui ont construit un plafond de verre obérant sa capacité à gagner le vote populaire de droite que Nicolas Sarkozy avait su capter en 2007. L’affichage de ses convictions personnelles chrétiennes et le soutien du mouvement Sens commun (issu des mobilisations de rue contre le mariage homosexuel) ont clairement déporté le candidat des Républicains vers un conservatisme culturel, marqueur ancien de la droite en France. Cette force dextrogyre a certes permis à un François Fillon dans la tourmente, au bord de l’éviction, de se maintenir coûte que coûte, mais le coût justement a été d’enfoncer un coin sur la ligne de rattachement avec une partie de la droite culturellement libérale.</p>
<p>Concernant le clivage européen, François Fillon qui fut naguère, aux côtés de Philippe Séguin, un zélé défenseur d’une position souverainiste affirmée a adopté une position entre-deux. Il fustigeait ses adversaires qui présentaient la sortie de l’Union ou de l’euro comme une solution crédible et bienfaisante mais, dans le même temps, il a adopté une position très critique sur certaines des contraintes liées à l’Union. On peut dire la même chose du clivage ethnocentrique. Il a repris progressivement à son compte le fond électoral de Nicolas Sarkozy sur l’identité nationale, la citoyenneté française, la lutte contre les intégrismes, surtout musulman, le tout dans une posture de défenseur de l’ordre et de la sécurité.</p>
<p>Enfin, <strong>Jean‑Luc Mélenchon</strong> dessine lui aussi une combinatoire spécifique de ces quatre clivages. Venant historiquement, comme Emmanuel Macron, du PS, il ne partage néanmoins avec lui que deux cases sur quatre. Il est du côté du libéralisme culturel et il rejette l’ethnocentrisme national identitaire et même valorise l’idéal multiculturel.</p>
<p>En revanche, il est un adversaire résolu du libéralisme économique, un interventionniste étatiste assumé, afin de faire bénéficier les moins bien lotis de meilleures conditions de vie, grâce aux taxes et impôts. Et, bien sûr, ses positions sur l’Europe le classent sans ambages du côté des eurosceptiques, voire des europhobes puisque le « plan B » de sa politique de « sortie des traités européens » prévoit une possible rupture avec nos partenaires.</p>
<h2>Clivages conciliables ?</h2>
<p>Quand on visualise ainsi cette quadripartition politique nouvelle de notre pays, on comprend mieux les propos entendus çà et là, à gauche comme à droite, par des militants, des élus ou des citoyens : « J’hésite entre un tel et un tel », « en fait, il y a du bien là-dessus, mais par contre je peux pas tolérer ça chez ce candidat », etc. Et c’est ainsi que Jean‑Luc Mélenchon et Benoît Hamon s’arrogent le droit de dénier à Emmanuel Macron le fait d’être de gauche, même si une bonne partie de son électorat vient du vote socialiste Hollande de 2012. Et ce, parce que leur positionnement par rapport au libéralisme économique (celui de Macron fut-il tempéré) est un marqueur de l’identité de gauche qu’ils ont construite pour leur conquête électorale.</p>
<p>Pour autant Benoît Hamon n’a pas trop de mal à appeler vite à voter pour Emmanuel Macron car si on l’ajoutait à notre tableau on verrait qu’il partage trois cases communes avec lui, alors que Jean‑Luc Mélenchon que deux. À ce jeu des cases comparées, François Fillon ne partage qu’une case pleinement, et deux autres seulement à moitié. Quant à Marine Le Pen, elle s’oppose à son rival du second tour dans trois cases et demie sur quatre. Elle se distingue aussi de Jean‑Luc Mélenchon sur 2 cases et demie.</p>
<p>Du coup, la question qui va se poser avec acuité dans les années politiques à venir, en commençant bien sûr par la campagne législative et les alliances de gouvernement qui en découleront, est celle des aptitudes des uns et des autres à reconnaître dans les rivaux de possibles partenaires, en voyant davantage ce qui est partagé que ce qui sépare.</p>
<p>Quels camps auront l’intention d’accepter de collaborer avec une force aux convictions opposées sur certaines de ces cases ? La France est-elle condamnée à une forme prononcée de paralysie parce que chaque force restera campée sur la pureté de ses positions sur chaque ligne de clivage ? Emmanuel Macron a adopté une posture de conciliateur entre les clivages. Mais ces clivages ne sont-ils pas vécus par beaucoup comme non négociables, dessinant alors une France difficilement réconciliable ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76585/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Mercier est président de l'association The Conversation France. </span></em></p>Notre système politique sort du premier tour éreinté et profondément divisé. Les positions combinées de chacun face à quatre clivages expliquent le vote mais ne favoriseront pas la gouvernance du pays.Arnaud Mercier, Professeur en Information-Communication à l’Institut Français de presse, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/765682017-04-24T05:16:32Z2017-04-24T05:16:32ZEt le vainqueur est… le populisme<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/166435/original/file-20170424-25594-yjylj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les candidats se réclamant d'une façon ou d'une autre du populisme totalisent près de 50 % des voix.</span> <span class="attribution"><span class="source">Joël Saget et Bertrand Guay / AFP</span></span></figcaption></figure><p>Le premier tour de l’élection présidentielle de 2017 a mis au jour la transformation de l’espace politique français. Cette transformation apparaît clairement dans le faible score cumulé par les candidats des deux principaux partis politiques qui ont dominé la scène électorale depuis 1981. Au total, François Fillon pour LR et Benoît Hamon pour le PS ne totalisent que 26 % des suffrages exprimés alors que 74 % de ces suffrages sont portés par des candidats qui n’ont ni joué le jeu des primaires ni dominé la vie parlementaire avec leurs députés depuis des décennies.</p>
<p>Mais la vague de fond de cette élection présidentielle est bien l’installation du populisme dans la vie politique française puisque les candidats s’en inspirant, d’une manière ou d’une autre, réunissent globalement la moitié de l’électorat.</p>
<p>Le populisme repose sur l’argument suivant : le peuple (notion qui a fait son grand retour dans le discours politique sans qu’on cherche à l’expliciter) sait ce qui est bon pour lui. En conséquence, il n’a pas besoin de représentants politiques, la fracture oligarchique entre lui et les élites est insupportable, la construction européenne est condamnable.</p>
<p>De la même façon, l’étude intellectuelle ou scientifique de la société ne sert à rien : les sondages sont imprécis et constituent des manipulations auxquelles se prêtent les médias, affirmation maintes fois répétée et démentie au soir du 23 avril. La campagne électorale a bien illustré tous ces thèmes. La grande victoire de l’élection présidentielle de 2017 est bien celle de l’argument populiste, qu’il soit porté par le souverainisme, par l’affirmation identitaire ou par quelques demi-savants.</p>
<h2>L’ancrage du populisme dans le paysage politique français</h2>
<p>Si on accumule les scores des candidats populistes du premier tour – soit la totalité moins François Fillon, Benoît Hamon et Emmanuel Macron – on s’aperçoit qu’ils totalisent au soir du 23 avril 2017 environ 50 % des suffrages exprimés. Ce résultat est corroboré par l’enquête électorale française du Cevipof qui montre à quel point les notions populistes se sont ancrées dans les représentations collectives (<a href="https://www.enef.fr">vague 13 réalisée entre le 16 et le 20 avril 2017</a>.</p>
<p>On dispose en effet de cinq questions permettant de mesurer le degré de populisme des enquêtés et qui constitue bien une échelle d’attitude (alpha de Cronbach = 0,685) :</p>
<ul>
<li><p>les députés à l’Assemblée nationale devraient suivre la volonté du peuple ;</p></li>
<li><p>les décisions politiques les plus importantes devraient être prises par le peuple et non par les hommes politiques ;</p></li>
<li><p>les différences politiques entre les citoyens ordinaires et les élites sont plus importantes que les différences entre citoyens ;</p></li>
<li><p>je préférerais être représenté par un citoyen ordinaire plutôt que par un politicien professionnel ;</p></li>
<li><p>les hommes politiques parlent trop et n’agissent pas assez.</p></li>
</ul>
<p>Chacun de ces items obtient des proportions variables de réponses positives (notes de 4 et 5 sur une échelle allant de 0 à 5). L’immense majorité est d’accord avec l’affirmation selon laquelle les députés doivent suivre la volonté du peuple ou que les hommes politiques parlent plus qu’ils n’agissent (80 % et 84 % de réponses positives).</p>
<p>En revanche, si 71 % des enquêtes sont d’accord avec le fait que les différences politiques entre les citoyens ordinaires et les élites sont plus importantes que les différences entre citoyens, ils ne sont plus que 57 % à soutenir l’idée que les décisions les plus importantes devraient être prises par le peuple plutôt que par les hommes politiques et 51 % « seulement » à préférer être représentés par un citoyen ordinaire plutôt que par un politicien professionnel.</p>
<p>Quels que soient les débats que ces questions peuvent poser, notamment dans l’utilisation de notions assez floues comme le « citoyen ordinaire », il reste que la critique de la représentation politique et de la professionnalisation des élus est forte.</p>
<p>Si l’on crée sur cette base un indice de populisme comptant le nombre de réponses positives et allant donc de 0 à 5, on voit que le niveau moyen d’adhésion à ces thèses est très haut puisque 69 % des enquêtés se situent au moins au niveau 4 de l’indice. On peut ensuite « dichotomiser » cet indice, ce qui permet de simplifier les calculs en distinguant les 55 % ayant un niveau élevé de populisme des 45 % ayant un niveau de populisme faible ou modéré.</p>
<p>Tableau 1 – Indice de populisme (%)</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/166379/original/file-20170423-25594-1xbde0f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/166379/original/file-20170423-25594-1xbde0f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/166379/original/file-20170423-25594-1xbde0f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/166379/original/file-20170423-25594-1xbde0f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/166379/original/file-20170423-25594-1xbde0f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/166379/original/file-20170423-25594-1xbde0f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/166379/original/file-20170423-25594-1xbde0f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Chaque niveau représente le nombre de fois où les enquêtés se situent sur les notes 4 ou 5 d’une échelle allant de 0 à 5 (indiquant leur niveau d’adhésion) qui leur a été présentée pour chaque question (effectif total = 8122).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Enquête électorale française, Cevipof, vague 13.</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Le populisme touche même les plus diplômés</h2>
<p>Le niveau moyen de populisme fort ne varie ni en fonction de la situation économique (actif, chômeur, retraité ou inactif) ni de l’appartenance au secteur indépendant, au salariat privé ou public ni en raison de la tranche d’âge. Il dépend, en revanche, du niveau de diplôme puisque l’on passe très régulièrement de 63 % de « populistes forts » chez les enquêtés de niveau BEPC ou CAP à 40 % de ceux qui sont diplômés d’une grande école.</p>
<p>Cette corrélation se retrouve évidemment dans le jeu des catégories socioprofessionnelles. Si 44 % des membres des professions libérales ou des entrepreneurs ou 45 % des cadres sont fortement populistes, cette proportion passe à 58 % chez les employés du privé comme du public et à 64 % des ouvriers qualifiés du privé.</p>
<p>Au total, cette proportion est de 59 % dans les catégories modestes, de 54 % dans les catégories moyennes et de 44 % dans les catégories supérieures, ce qui montre que le malaise démocratique dépasse de loin le seul horizon des milieux populaires. La différence joue ici sur le niveau de rejet de la politique professionnelle. Néanmoins on trouve encore 38 % des membres des professions libérales et des patrons (contre 56 % des ouvriers) qui préféraient être représentés par des citoyens ordinaires plutôt que par des élus professionnels.</p>
<h2>Les notables de la politique contre les populistes</h2>
<p>Comme le montre le tableau 2, le degré de populisme varie sensiblement selon les électorats et reste associé au niveau de soutien à la construction européenne de leur candidat.</p>
<p>Le niveau de populisme de l’électorat de Jean‑Luc Mélenchon est similaire à celui que l’on trouve dans l’électorat de Marine Le Pen. Seuls les électorats des candidats d’En Marche !, de LR et du PS, eux-mêmes assez représentatifs des élites notabiliaires françaises, souscrivent relativement moins à la remise en cause des élus et de la démocratie représentative.</p>
<p>Quant aux « petits candidats », leur électorat est encore plus populiste, qu’il soit de droite ou de gauche. C’est peut-être en ce sens qu’il faut comprendre le sens de l’argument selon lequel le clivage droite-gauche est dépassé alors même que ces électorats ne partagent nullement les mêmes valeurs économiques ou sociétales.</p>
<p>L’opposition entre les populistes et les « élitistes », qui prend tout son sens dans la confrontation de Marine Le Pen et d’Emmanuel Macron au second tour de l’élection présidentielle, réactive la confrontation historique entre les tenants de la démocratie directe et les partisans d’une démocratie libérale laissant une assez grande marge de manœuvre aux représentants dans l’exercice de leur mandat.</p>
<p>Elle génère aussi des perceptions assez différentes de la vie politique, les populistes inscrivant plus souvent leur choix politique sur le registre de la colère. C’est ainsi que 62 % des électeurs fortement populistes contre 41 % de ceux qui le sont moins disent éprouver de la colère face à la situation actuelle de la France.</p>
<p>Tableau 2 – Le niveau de populisme par électorat (%)</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/166380/original/file-20170423-24654-kpq9mf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/166380/original/file-20170423-24654-kpq9mf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=275&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/166380/original/file-20170423-24654-kpq9mf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=275&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/166380/original/file-20170423-24654-kpq9mf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=275&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/166380/original/file-20170423-24654-kpq9mf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/166380/original/file-20170423-24654-kpq9mf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/166380/original/file-20170423-24654-kpq9mf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les résultats pour N. Artaud, F. Asselineau et J. Lassalle doivent être pris avec précaution car les effectifs des sous-échantillons sont faibles. L’électorat de J. Cheminade n’apparaît pas pour les mêmes raisons.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Enquête électorale française, Cevipof, vague 13.</span></span>
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</figure>
<p>Ces premières explorations rapides montrent que la demande de renouveau politique passe aujourd’hui par une remise en cause générale de la démocratie représentative moderne née des révolutions américaine et française qui implique des mandats non impératifs, des élus compétents formés au métier politique mais aussi une séparation franche entre ce qui relève de l’espace public et ce qui relève de la sphère privée. Les résultats du premier tour de la présidentielle de 2017 signifient que la question va peser lourdement sur le prochain quinquennat.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76568/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Rouban ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La vague de fond de cette élection présidentielle est l’installation du populisme dans la vie politique : les candidats s’en inspirant réunissent globalement la moitié de l’électorat.Luc Rouban, Directeur de recherche CNRS, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/763752017-04-21T13:50:42Z2017-04-21T13:50:42ZL’OTAN dans la ligne de mire des candidats à la présidentielle<p>Le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, en 2009, avait réactivé le débat traditionnel français entre la tradition « gaullo-mitterandienne », attachée à la sortie de l’organisation depuis 1966 au nom de « l’indépendance nationale », et les atlantistes, convaincus que la France n’avait rien à gagner à s’isoler dans le camp occidental.</p>
<h2>Benoît Hamon dans les pas de François Hollande</h2>
<p>En 2012, le candidat François Hollande avait fait mine de s’interroger sur la pertinence de ce retour. Mais, après avoir confié à Hubert Védrine une <a href="https://otan.delegfrance.org/Le-rapport-Vedrine">commode mission d’évaluation</a>, il a choisi de confirmer la décision prise par son prédécesseur. Après 2014 et l’annexion de la Crimée par Moscou, il a engagé la France aux côtés des États d’Europe orientale, inquiets de la nouvelle posture russe.</p>
<p>De manière amusante pour un candidat qui n’a eu de cesse de critiquer l’actuel quinquennat, Benoît Hamon s’inscrit pleinement dans les pas du président Hollande. Il est le seul à ne pas critiquer l’Organisation atlantique et l’un des rares à vouloir demeurer dans le commandement intégré.</p>
<p><a href="http://www.lemonde.fr/programmes/securite/la-place-de-la-france-dans-l-otan">Sur onze candidats</a>, six ont en effet comme projet de plus ou moins retirer la France de ce qui est aujourd’hui la plus grande alliance militaire existante. Jean‑Luc Mélenchon, Jacques Cheminade et François Asselineau veulent sortir de l’OTAN, au nom de l’anti-impérialisme et de la lutte contre « l’argent-roi » (Cheminade). Indice probable de sa politique de « dédiabolisation », Marine Le Pen se borne à vouloir quitter le seul commandement intégré. Elle rejoint, sur ce créneau gaulliste, Nicolas Dupont-Aignant et Jean Lassalle.</p>
<h2>La circonspection d’Emmanuel Macron</h2>
<p>Même Emmanuel Macron, dont la candidature affiche pourtant une volonté de plus grand engagement international de la France, se montre circonspect. Il refuse que la France appuie de nouveaux élargissements de l’Alliance, sauf dans les Balkans et, le cas échant, pour la Finlande et la Suède – ce qui est bien le moins pour un candidat partisan du « modèle scandinave ».</p>
<p>Emmanuel Macron conditionne la participation de Paris à des interventions de l’OTAN en dehors de sa zone géographique (c’est-à-dire hors d’Europe) aux « seuls cas où les intérêts de la France sont directement concernés ». Pris à la lettre, cela pourrait introduire un léger doute sur l’application par notre pays de l’article 5 de solidarité entre Alliés.</p>
<p>Les positions de Nathalie Arthaud et de Philippe Poutou, s’agissant de l’OTAN, ne sont pas connues. Mais, ces deux candidats évoluant à l’extrême gauche du spectre politique français, il y a tout lieu de croire que, si elles étaient formulées, leurs propositions n’appelleraient pas la France à renforcer son ancrage dans une organisation fondée à Washington en 1949 et en <a href="http://www.atlantico.fr/decryptage/comment-donald-trump-et-questions-genantes-ont-reveille-otan-2990660.html">pleine évolution</a>.</p>
<h2>L’ambivalence de François Fillon</h2>
<p>Reste François Fillon, lui aussi assez discret sur le sujet atlantique. Cette discrétion s’explique par une certaine ambivalence. Gaulliste historique, il a axé sa campagne sur un rapprochement avec la Russie qui est loin d’être partagé par tous les États alliés. En même temps, premier ministre de Nicolas Sarkozy en 2009 et partisan d’une forme de réalisme, il ne peut brûler aujourd’hui ce qu’il a hier, sinon adoré, du moins soutenu.</p>
<p>Que restera-t-il de ces propos de campagne une fois l’élection terminée ? Si MM. Macron ou Fillon arrivent à l’Elysée, le <em>statu quo</em> est probable. En cas de victoire d’un Jean‑Luc Mélenchon où d’une Marine Le Pen, la sortie de l’OTAN ou de son commandement intégré n’est pas à exclure car il s’agirait d’une mesure très symbolique, budgétairement peu coûteuse et dont les conséquences négatives n’apparaîtraient qu’à terme ou à l’occasion d’une crise internationale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76375/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Lagane ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>S’il est difficile de savoir quel candidat sera sélectionné pour le second tour de la présidentielle, il est probable que les deux élus ne soient pas de chauds partisans de l’Alliance atlantique.Guillaume Lagane, Maître de conférences, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/763512017-04-20T18:17:01Z2017-04-20T18:17:01ZLa voix de la jeunesse aux urnes : perdue ou snobée ?<p>La montée du nationalisme dans l’ensemble de l’Union européenne et en Amérique du Nord a suscité de nombreux débats quant à son impact sur le commerce mondial, l’avenir des blocs commerciaux et le caractère fluctuant des politiques publiques. Mais au-delà, des deux côtés de l’Atlantique, on distingue un dénominateur commun : la voix de la jeunesse est largement ignorée.</p>
<p>Certes, la France se démarque par un fort soutien des jeunes aux <a href="http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2016/12/23/les-jeunes-du-fn-formes-a-l-antifillonisme_5053295_4854003.html">principaux candidats</a> à l’élection <a href="http://www.newstatesman.com/world/europe/2017/02/millennial-man-how-emmanuel-macron-charming-frances-globalised-youth">présidentielle</a>. Cependant, s’ils sont bien présents sur scène aux côtés des présidentiables durant cette campagne, cela signifie-t-il pour autant qu’ils seront écoutés demain ?</p>
<h2>Les anciens et leur regard neuf sur le passé</h2>
<p>Une des caractéristiques de la montée du populisme au sein de l’Union européenne et en Amérique du Nord est la romantisation du temps passé, quand le pays avait de la « grandeur » et que tout allait <a href="http://blogs.lse.ac.uk/Brexit/2016/07/13/they-did-things-differently-there-how-brexiteers-appealed-to-voters-nostalgia/">« mieux »</a>. Cette vision nostalgique est le plus souvent celle des votants les plus âgés, car les plus jeunes n’ont connu que les années de grande précarité. Ils sont arrivés sur le marché du travail au moment des crises financière et économique et il serait juste de dire qu’ils se sont trouvés au mauvais endroit, au mauvais moment.</p>
<p>Lors du référendum sur le Brexit, ce sont les votants les plus âgés qui ont aidé à faire pencher la balance en faveur de la sortie de l’Union européenne : 60 % des électeurs de plus de 65 ans ont opté pour un retrait, contre seulement <a href="http://www.bbc.com/news/magazine-36619342">27 %</a> des personnes de moins de 25 ans. Si l’on tient compte des faibles taux de <a href="https://www.theguardian.com/politics/2016/jul/09/young-people-referendum-turnout-Brexit-twice-as-high">participation</a> et d’inscription des jeunes, leur silence n’en devient que plus assourdissant.</p>
<h2>La jeunesse paie le prix du nationalisme</h2>
<p>Les jeunes ont beaucoup à perdre avec une vision étriquée de la nation et la volonté de revenir en arrière. L’ouverture des frontières et la promotion de l’esprit de coopération internationale ont engendré une génération de jeunes conscients des bienfaits de l’intégration européenne. S’il est vrai que les étudiants sont parmi les plus privilégiés dans chaque pays, leurs inquiétudes au sujet de la fin de la <a href="https://www.theguardian.com/education/2017/feb/07/a-students-plea-to-Brexit-negotiators-keep-the-erasmus-scheme">mobilité universitaire</a> et de la perte de l’<a href="http://www.lemonde.fr/campus/article/2017/03/02/la-generation-erasmus-a-la-rescousse-de-l-europe_5088465_4401467.html">identité européenne</a> n’en sont pas moins réelles. Les conséquences du Brexit pour la jeunesse britannique – en terme d’opportunités internationales, économiques et sur le plan de la mobilité – sont désormais claires, et à présent ces risques apparaissent dans le reste de l’Europe avec la montée du nationalisme.</p>
<p><a href="http://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/2158244015574962">Une étude récente</a> confirme à quel point la jeunesse s’est retrouvée en première ligne face aux dégâts causés par la crise économique, expérimentant une hausse rapide du chômage et une baisse simultanée des offres d’emploi. Les politiques mises en place en réaction à cette crise n’ont pas nécessairement – ou <a href="http://www.euractiv.com/section/economy-jobs/news/eu-watchdog-brands-youth-unemployment-programme-a-disappointment/">pas suffisamment</a> – été menées dans l’<a href="http://www.style-research.eu/wordpress/wp-content/uploads/2015/03/D_10_4_Flexicurity_Policies_to_integrate_youth_before_and_after_the_crisis_FINAL.pdf">intérêt des jeunes</a>. Ils se trouvent du mauvais côté d’une ligne de partage intergénérationnelle qui risque de renforcer les inégalités à travers les différentes tranches d’âge mais aussi les inégalités entre les <a href="http://www.style-research.eu/wordpress/wp-content/uploads/ftp/STYLE-Working-Paper-WP8_1.pdf">ménages et les familles</a>.</p>
<h2>Les jeunes sont-ils capables de s’engager politiquement ?</h2>
<p>Le taux de participation des jeunes aux élections est au plus bas depuis bien longtemps et <a href="https://www.youthup.eu/app/uploads/2015/11/YFJ_YoungPeopleAndDemocraticLifeInEurope_B1_web-9e4bd8be22.pdf">cette tendance</a> semble même s’accentuer. <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/elections-europeennes-2014/20140526.OBS8488/europeennes-qui-a-vote-fn.html">En 2014</a>, seuls 27 % des Français de moins de 35 ans avaient voté. Par ailleurs, les <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1475-6765.2011.01995.x/abstract">adhésions</a> aux partis politiques sont globalement en baisse au sein de l’UE.</p>
<p>Mais les élections ne sont pas l’unique moyen de s’engager politiquement. Les jeunes sont plus susceptibles de recourir à formes d’engagement alternatives. <a href="https://link.springer.com/article/10.1057/cep.2012.31">Des études</a> montrent ainsi que les mouvements de protestation sont particulièrement suivis par les personnes de moins de 34 ans, en France comme ailleurs en Europe. C’est le cas <a href="http://www.euronews.com/2016/06/17/nuit-debout-power-to-the-people-of-france">Nuit debout</a>, l’équivalent de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Occupy_movement">Occupy Movement</a> dans le reste du monde, qui a incarné un espace pour le débat public et la coopération débarrassé des hiérarchies traditionnelles.</p>
<p>L’observation de l’utilisation des médias sociaux par la jeunesse comme forme d’engagement politique met également en lumière les <a href="http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/1369118X.2013.871571">possibilités</a> de favoriser l’engagement critique, tout en augmentant sa capacité à partager et débattre des informations politiques importantes.</p>
<h2>L’engagement virtuel, une influence déconnectée ?</h2>
<p>Si ces formes alternatives d’engagement sont stimulantes, elles peuvent cependant être difficiles à transformer en influence et en pouvoir politique. Bien qu’il existe <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0363811112000276">des éléments probants</a> suggèrant que l’engagement politique sur Internet est corrélé à la participation hors connexion, le constat s’impose : plus la jeunesse est absente lors des élections, moins les politiciens sont motivés à servir ses intérêts, alimentant ainsi un cycle de désaffection.</p>
<p>La France est peut-être différente des autres pays à cet égard. <a href="http://foreignpolicy.com/2016/10/07/marine-le-pens-youth-brigade-national-front-young-voters-france/">La mise en avant</a> de ses jeunes militants et politiciens par le Front national attire un segment de population délaissé : de <a href="https://www.ft.com/content/5119f9ac-08cb-11e7-97d1-5e720a26771b">récents sondages</a> ont montré que 39 % des 18-24 ans envisageaient de voter Le Pen. D’autres partis s’efforcent également d’augmenter leur quota de jeunes. <a href="https://www.ft.com/content/5119f9ac-08cb-11e7-97d1-5e720a26771b">Une récente enquête</a> montre que Macron arrive en seconde position après Le Pen parmi les 18-24 ans et ex aequo dans le groupe des 25-34 ans.</p>
<p>Cela pourrait être lié en partie aux <a href="http://www.lepoint.fr/presidentielle/les-jeunes-avec-macron-antichambre-strategique-d-en-marche-09-03-2017-2110459_3121.php">stratégies de mobilisation en ligne</a> du groupe « Les Jeunes avec Macron ». Du côté des socialistes, les jeunes ont été attirés par la <a href="https://www.benoithamon2017.fr/rue/">proposition de Hamon</a> sur le revenu universel, tandis que les explications interactives de cette mesure sur le site Internet de sa campagne visaient à attirer les « natifs du numérique ».</p>
<p>On trouve également des tentatives de mobilisation de la jeunesse sans <a href="http://events.euractiv.com/event/info/lengagement-des-jeunes-en-europe-democratie-participative-et-economie-collaborative">intention partisane</a>. À l’approche de l’élection présidentielle : <a href="http://www.voxe.org/sinformer/">voxe.org</a> a ainsi tenté de développer et tirer profit du lien entre l’engagement sur Internet et celui non connecté avec l’initiative #Hello2017. Ce site propose des explications sur les partis, les candidats et les politiques, courtes et percutantes, agrémentées de nombreuses vidéos et de débats dans le « monde réel », filmés dans des bars et des cafés.</p>
<p>Nous saurons bientôt à quel point ces initiatives auront permis d’augmenter la participation des jeunes à l’élection présidentielle et si elles auront été les véritables porte-voix de leurs inquiétudes. Puis, à moyen terme, de la mesurer au fur et à mesure que le programme du nouveau Président sera mis en place.</p>
<p>Mais quel que soit le résultat de ce scrutin, la hausse continue de la précarité et de la désaffection vis-à-vis du politique montrent que s’adresser à la jeunesse n’a jamais été aussi important, tant en France que dans le reste du monde.</p>
<hr>
<p><em>Traduction par Gaëlle Gormley.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76351/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>François Hollande, qui en avait fait une priorité, a déçu les jeunes. Bien présents sur scène aux côtés des présidentiables, seront-ils pour autant écoutés au lendemain du scrutin ?Mark Smith, Dean of Faculty & Professor of Human Resource Management, Grenoble École de Management (GEM)Genevieve Shanahan, Research assistant, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/762972017-04-19T19:36:18Z2017-04-19T19:36:18ZLes audaces contrariées de Benoît Hamon<p>Lancée le 16 août 2016 à l’occasion du <a href="http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/2016/08/16/25001-20160816ARTFIG00160-2017-hamon-multiplie-les-signaux-en-vue-d-une-candidature.php">20 heures de France 2</a>, la campagne de Benoît Hamon pour les primaires l’avait vu imposer progressivement à ses challengers ses thèmes de campagne (revenu universel, transition écologique, légalisation du cannabis, reconnaissance du <em>burn-out</em>, lutte contre les perturbateurs endocriniens, « taxe-robot », visas humanitaires…)</p>
<p>Celui qui devait quitter le statut de troisième homme – derrière Manuel Valls et Arnaud Montebourg – pour celui de présidentiable générait alors enthousiasme et ferveur auprès d’un électorat plutôt jeune en recherche de solutions pérennes pour affronter les décennies à venir. Large, sa victoire lors des primaires lui permit de s’envoler dans les sondages d’opinion et de se retrouver à près de 17 % des intentions de vote à la mi-février.</p>
<p>Pourtant, à quelques jours du premier tour, cette belle dynamique semble grippée et Hamon pourrait sortir vaincu, mais aussi en partie discrédité, d’une campagne que certains jugent calamiteuse.</p>
<h2>Ralliements, raffinements et morcellements : une stratégie souvent contre‑productive</h2>
<p>Nombreux sont ainsi les observateurs qui ont noté les erreurs de stratégie d’Hamon et de son équipe. Les tentatives de ralliement des écologistes et de la France insoumise ont souvent été perçues comme une perte de temps précieux, à un moment où il était urgent de consolider l’ancrage des thèmes de campagne. Cette perception s’est trouvée renforcée par l’échec d’Hamon à rallier un Jean‑Luc Mélenchon qui résista à la pression <a href="http://www.regards.fr/web/article/une-alliance-entre-melenchon-et-hamon-ils-y-croient-encore">d’une partie de l’électorat de gauche en faveur d’une alliance</a>.</p>
<p>Ce dernier a par ailleurs su tirer profit de ce contexte délicat pour négocier un « pacte de non-agression », privant Hamon et ses proches de la possibilité d’attirer l’attention sur certains points clivants du programme de la France insoumise et du positionnement de son candidat : le rapport à l’Union européenne, la relative bienveillance à l’égard de Poutine et d’Assad, le rapport au protectionnisme et au souverainisme…</p>
<p>Autre erreur stratégique relevée par quelques observateurs : le remodelage de ses principales propositions à l’issue de la primaire. Tandis que certaines – sans doute jugées trop peu consensuelles – passaient à l’arrière-plan de la communication du candidat (légalisation du cannabis, visas humanitaires…), d’autres se voyaient modifiées, repensées, affinées…</p>
<p>Les efforts de <a href="http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/03/09/benoit-hamon-rabote-de-nouveau-sa-promesse-de-revenu-universel-pour-les-18-25-ans_5092265_4355770.html">raffinement du chiffrage de sa mesure phare qu’est le revenu universel</a> ont ainsi été perçus et présentés, au mieux comme des tergiversations, au pire comme des reniements. Ces perceptions ont contribué à ternir l’image d’une radicalité réaliste et assumée qu’Hamon avait su imposer lors de la primaire et qui aurait dû en faire le candidat de la rupture avec la gauche de gestion au pouvoir depuis cinq ans.</p>
<p>Les équipes du candidat ont sans doute aussi eu le tort de vouloir annoncer de manière fragmentée les mesures du programme hamoniste. Leur objectif d’occupation de l’espace médiatique s’est heurté à la forte concurrence événementielle des affaires Fillon et Le Pen. De plus, ce morcellement a masqué la cohérence du programme d’Hamon et sa capacité à penser intelligemment l’articulation entre transition démocratique, transition économique et transition écologique.</p>
<p>On peut estimer <em>a posteriori</em> que le candidat aurait eu intérêt à insister sur les vertus du revenu universel ou du 49.3 citoyen et à centrer ses discours sur quelques thématiques de campagne bien hiérarchisées – lutte contre les discriminations ; moralisation de la vie politique ; renforcement des services publics ; construction européenne. Quitte à ne pas chercher à s’adresser à l’ensemble de l’électorat et à provoquer des points de clivage avec ses concurrents.</p>
<h2>Le PS ou le retour de la « machine à perdre »</h2>
<p>Les inclinaisons de la communication du candidat à la suite de sa victoire à la primaire étaient sans doute inévitables. Hamon se trouvait en effet soumis à une <a href="http://www.leparisien.fr/elections/presidentielle/presidentielle-valls-reunit-ses-proches-a-l-assemblee-ce-mardi-soir-28-02-2017-6719046.php">très forte pression</a> du gouvernement et de l’appareil du PS pour raboter son programme et faire rentrer celui-ci dans les clous du logiciel réformiste au sens le plus classique du terme. L’ancien ministre de l’Éducation nationale devait ainsi donner des gages, faire allégeance, obtenir l’adoubement de ceux qui exerçaient alors le pouvoir dans le pays et au sein du Parti.</p>
<p>La marge de manœuvre d’Hamon s’avérait très étroite. S’il est parvenu à proposer assez subtilement son inventaire des cinq ans de pouvoir de François Hollande, il a manifestement laissé beaucoup d’énergie et d’élan dans ses efforts pour donner des gages aux poids lourds du gouvernement, à la direction du PS et à ses anciens adversaires vallsistes.</p>
<p>Encouragé du bout des lèvres par certains (rencontre tiède avec le premier ministre Bernard Cazeneuve ; déclaration ambiguë de Pierre Moscovici…), critiqué plus ou moins ouvertement par d’autres (Michel Sapin, Stéphane Le Foll, Claude Bartolone, Bertrand Delanoë…), à aucun moment les trois groupes suscités n’ont daigné le soutenir massivement et s’incliner devant la décision des électeurs de la primaire. Pire, ils ont tout fait pour parasiter, gêner, troubler la dynamique de sa campagne jusqu’à ces sommets que furent les <a href="http://www.huffingtonpost.fr/2017/03/23/le-ralliement-de-le-drian-a-macron-enieme-indice-du-coup-de-mou_a_22008364/">ralliements de Le Drian, Delanoë et Valls</a> à la candidature d’Emmanuel Macron.</p>
<p>De manière très paradoxale, Benoît Hamon fédérait alors une partie importante des partis de gauche – avec le soutien d’Europe Écologie les Verts et de Yannick Jadot mais aussi du Parti radical de Gauche ou du Mouvement Républicain et Citoyen –, obtenait l’appui de personnalités comme José Bové, Christiane Taubira, Éva Joly, Éric de Montgolfier ou Thomas Piketty mais voyait sa candidature dévaluée par certains des cadres de son propre parti.</p>
<p>Malgré les efforts de Martine Aubry, d’Anne Hidalgo, de Thierry Mandon ou de Najat Vallaud-Belkacem, une fois encore la « machine à perdre » qu’avait pu être le PS dans le passé se mettait en route. Si les rôles de François Hollande et de Jean-Christophe Cambadélis doivent être décryptés dans les années à venir, force est d’ores et déjà de constater l’aveuglement des cadres du parti devant l’opportunité de reconstruction véritable du Parti qu’offrait la candidature de Benoît Hamon.</p>
<h2>Des cadrages médiatiques globalement défavorables</h2>
<p>L’évocation d’un troisième type de facteurs, extérieurs au candidat et au Parti, s’avère cruciale pour qui veut comprendre cet échec annoncé.</p>
<p>Tout d’abord, Benoît Hamon n’est jamais parvenu à s’affranchir totalement de son image de <a href="http://www.liberation.fr/elections-presidentielle-legislatives-2017/2017/01/29/benoit-hamon-le-petit-frondeur-devenu-grand_1544933">« frondeur »</a>. Cette image avait le double inconvénient de le replacer au sein de la majorité actuelle tout en en faisant un éternel contestataire refusant de se confronter à la réalité du pouvoir. La position de celui qui critique de l’extérieur ceux qui exercent les responsabilités, l’enfermait d’emblée hors de la sphère du pouvoir.</p>
<p>S’ajoute à ce cadrage, le recours récurrent au champ sémantique du candidat sympathique mais un peu rêveur (le « petit Benoît », le « marchand d’illusion », le « candidat de l’utopie »…) tandis que certaines critiques de Vallsistes se perdaient dans la prose nauséabonde de la dénonciation de l’islamo-gauchisme aux côtés de <em>Valeurs Actuelles</em> et des réseaux d’extrême-droite (affublant par exemple le candidat du surnom « Bilal Hamon »). Parfois en résonance avec les discours d’une partie du gouvernement et de l’appareil du PS, ces stéréotypes ont largement desservi Hamon alors qu’il tentait de renforcer son image de présidentiable et sa stature de chef pour son camp et pour son pays.</p>
<h2>Jusqu’au bout, le pari de l’intelligence</h2>
<p>Plus importante encore semble être l’incapacité des observateurs à percevoir comment le vainqueur de la primaire citoyenne a cherché à rompre assez nettement avec certaines pratiques traditionnelles de la communication politique : usage de la langue de bois, formes de démagogie, recherche permanente du clivage et de la polémique… Jusqu’à ces derniers jours, Benoît Hamon a en effet tenu sa position : faire appel à l’intelligence de ses concitoyens et faire preuve de pédagogie, de clarté et d’honnêteté afin de les convaincre de voter pour un programme susceptible de préparer le pays aux décennies à venir. Aussi a-t-il refusé de travailler à la <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/chantal-mouffe-la-gauche-et-le-peuple">construction d’antagonismes profonds</a> entre son camp et celui de ses concurrents et de recourir massivement à l’émotion et aux affects.</p>
<p>Tandis que tous ses principaux adversaires mobilisaient ces stratégies, somme toute classiques, pour fédérer leur camp et passer la barre des 20 % au premier tour, il s’est employé à faire exactement l’inverse :</p>
<ul>
<li><p>produire un discours fédérateur abolissant les frontières entre les différents groupes qui constituent la société française ;</p></li>
<li><p>appeler à voter pour des propositions concrètes sans exagérer les difficultés actuelles de la France et sans se présenter comme l’ultime recours face à une situation de crise ;</p></li>
<li><p>parier sur un engagement qui ne reposerait plus sur les pulsions, sur la peur, le ressentiment ou la colère mais sur la prise en considération des défis collectifs qui attendent la société française et sur les choix les plus efficaces pour y répondre.</p></li>
</ul>
<p>Si utopie il y a chez Benoît Hamon, c’est sans doute là qu’elle réside, dans la confiance en la maturité suffisante de notre espace public pour qu’une telle démarche politique trouve un écho solidaire et favorable parmi les observateurs, les leaders d’opinion, les journalistes spécialisés.</p>
<p>Gageons que dans quelques années, ces audaces contrariées du candidat seront lues comme un effort profond et salutaire de renouvellement des pratiques politiques et du lien qui unit les dirigeants aux citoyens. Des audaces qui ouvrent très certainement une voie vers ce que devra être la politique dans un futur proche si notre démocratie souhaite ériger des digues solides contre les politiques de haine de l’autre, de repli sur soi et de manipulation des émotions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76297/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Robinet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le candidat de la « Belle alliance populaire », Benoît Hamon, n’est plus désormais crédité que de 7 à 8 % d’intentions de vote. Comment en est-il arrivé là ?François Robinet, Maître de conférences en histoire contemporaine, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/762312017-04-19T19:36:10Z2017-04-19T19:36:10ZMigrations et élections : le manque d’imagination au pouvoir ?<p>La politique migratoire est un thème important de l’élection présidentielle, cependant parfois occulté, et d’autres fois, au contraire, mis en exergue. Ni le silence, ni la polémique ne sont pourtant de mise sur un tel enjeu. L’analyse rigoureuse des projets des candidats permet de prendre du recul sur ce sujet sensible.</p>
<p>Ceux des 11 candidats ont été soigneusement examinés sur leurs sites de campagne. Les termes associés au phénomène migratoire et diasporique y ont été systématiquement relevés puis classés sur une grille d’analyse. Les résultats que livrent cette revue exhaustive ne sont pas sans surprise : les candidats qui parlent le plus de la question migratoire ne sont pas toujours ceux que l’on croit et ce qu’ils en disent est parfois inattendu (voir tableau 1).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/165902/original/file-20170419-2408-vkz7ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/165902/original/file-20170419-2408-vkz7ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/165902/original/file-20170419-2408-vkz7ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/165902/original/file-20170419-2408-vkz7ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/165902/original/file-20170419-2408-vkz7ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/165902/original/file-20170419-2408-vkz7ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/165902/original/file-20170419-2408-vkz7ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le thème migratoire dans les programmes électoraux des candidats aux élections présidentielles françaises, avril–mai 2017 ; occurrences dans leurs projets respectifs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">DR</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le tableau ci-dessus expose en six colonnes, pour chacun des onze candidats :</p>
<ul>
<li><p>le recensement des principaux termes référant au thème migratoire [Immigr* = immigrant(e)(s), immigré(e)(s), immigration ; Migr* = les termes précédents, plus les suivants : migrant(e)(s), émigré(e)(s), migration(s), émigration, migratoire(s)]</p></li>
<li><p>le nombre de pages consacrées à ce thème ;</p></li>
<li><p>la part relative de ce nombre dans l’ensemble du programme (en pourcentage) ;</p></li>
<li><p>enfin, si la question migratoire apparaît de façon prioritaire ou secondaire dans l’ordre de présentation thématique du programme.</p></li>
</ul>
<p>Ainsi peut-on constater de façon comparative comment chaque discours aborde (ou non) cette importante question politique.</p>
<h2>Dupond-Aignan et Macron aux opposés</h2>
<p>La majorité des candidats accordent une certaine importance au thème migratoire, qui représente entre 1 % et presque 4 % de l’ensemble de leur discours. Ce n’est guère anodin compte tenu du grand nombre de points soulevés par tous les programmes.</p>
<p>Il est évoqué de 0 à 50 fois selon les candidats. Trois d’entre eux n’y prêtent cependant aucune – ou seulement très peu – d’attention : <a href="https://www.upr.fr/wp-content/uploads/2011/01/Programme-Francois-Asselineau-2017.pdf">Jean Asselineau</a> la laisse comme question référendaire à l’extrême fin de son programme tandis qu’<a href="https://storage.googleapis.com/en-marche-fr/COMMUNICATION/Programme-Emmanuel-Macron.pdf">Emmanuel Macron</a> préfère l’aborder de façon incidente par celle de l’intégration.</p>
<p>C’est l’inverse pour <a href="http://www.nda-2017.fr/themes/nda/file/projet-nda-20170324.pdf">Nicolas Dupond-Aignan</a>, tant en nombre de mentions, que pour l’importance relative dans l’ensemble de son discours et la quantité élevée de pages consacrées à cette question ainsi que la priorité accordée dans le déroulé de son argument électoral. <a href="https://www.marine2017.fr/programme/">Marine Le Pen</a> le rejoint dans ces derniers aspects, mais elle mentionne beaucoup moins le fait et en développe très peu les mesures correspondantes, comparativement.</p>
<h2>Le retour du clivage gauche-droite</h2>
<p>Par ailleurs, la dénomination utilisée dans les projets n’est pas neutre. Pour certains <strong>(Le Pen, Dupond Aignan)</strong>, la question migratoire est essentiellement celle de l’<strong>immigration</strong>, c’est-à-dire de l’entrée sur le territoire national. Elle est, par conséquent, centrée sur la France comme pays récepteur.</p>
<p>Pour d’autres <strong>(Hamon, Mélenchon)</strong>, la migration est perçue comme un phénomène plus large et plus général, qui ne concerne pas que le pays. Une corrélation existe entre la priorité portée à la question migratoire dans le programme électoral, son importance relative dans le discours et sa qualification sous le terme d’<em>immigration</em>. Ainsi, plus la vision est centrée sur la France, plus le thème est mis en exergue.</p>
<p>Enfin, le clivage droite-gauche est globalement significatif sur l’utilisation de ce terme. La désignation de l’immigration par les candidats se réclamant de la gauche est minimale ou allusive (dénonciation de la répression, dans les discours de <a href="http://www.nathalie-arthaud.info/sites/default/files/documents/faire-entendre-le-camp-des-travailleurs-1702.pdf">Nathalie Arthaud</a> ou <a href="https://poutou2017.org/sites/default/files/2017-03/ProgrammePOUTOU-2017_WEB_0.pdf">Philippe Poutou</a>), tandis qu’elle est majorée et prise comme un fait objectif dont les manifestations doivent être contrôlées, par ceux de l’autre bord. Entre autres, le programme de <a href="https://www.fillon2017.fr/projet/">François Fillon</a> égrène précisément les mesures drastiques de contention du phénomène devant une situation française (chômage, logement, déficit) laissant une marge de manœuvre réduite.</p>
<h2>Veine humaniste chez Hamon et Mélenchon</h2>
<p>Certains associent la situation internationale et notamment la coopération – le terme de « co-développement » revenant dans plusieurs programmes – à celle des mobilités humaines. Lorsque l’immigration est minimisée, ce sont plus les migrants acteurs – heureux ou malheureux – du développement durable qui sont mis en avant. <a href="http://www.melenchon-2017.fr/pages/programme-melenchon-2017">Le programme de Jean‑Luc Mélenchon</a> souligne la difficile condition migrante et la solidarité qu’elle doit induire de notre part, rejoignant en cela les discours internationalistes de Nathalie Arthaud et Philippe Poutou. <a href="https://www.benoithamon2017.fr/wp-content/uploads/2017/03/projet-web1.pdf">Benoît Hamon</a> prolonge cette veine humaniste en réinscrivant les flux migratoires dans une dynamique mondiale, notamment Sud-Sud et non seulement polarisée vers le Nord, à traiter de façon notamment régionale.</p>
<p>Mais, d’une façon générale, la migration apparaît plus souvent comme un problème – humanitaire, sécuritaire ou autre – que comme une chance ou une opportunité. Fait révélateur : elle est souvent associée – inconsciemment ou non – avec les problèmes cruciaux que sont le terrorisme, le radicalisme islamique ou l’exclusion sociale avec ses conséquences. En effet, la proximité des thèmes dans les discours de la plupart des candidats – quel que soit leur bord – est notable.</p>
<p>Enfin, un seul candidat – <a href="http://www.cheminade2017.fr/-Projet-2017-">Jacques Cheminade</a> – adopte le terme de <strong>diaspora</strong>, pour évoquer le rôle positif collectif de ces migrants dans la mondialisation partagée et le potentiel qu’il revêt. Sans nier les risques liés à une migration incontrôlée, il souligne les aspects positifs de la mobilité des hommes et sa nécessité dans la situation démographique actuelle, pour répondre demain aux besoins du marché du travail.</p>
<h2>Limites conceptuelles</h2>
<p>En définitive, globalement, le lexique du discours électoral est ici classique et peu innovant. La rhétorique varie à l’évidence considérablement, entre les appels à l’internationalisme et à son opposé. Mais les concepts opératoires autour des notions de réseau, de communautés transnationales, de liens à distance, et de transferts de toutes sortes de valeurs, ne sont guère mobilisés.</p>
<p>Apparaissent là un décalage frappant entre le vécu des migrants ainsi que de leurs nombreux partenaires aujourd’hui et les référents identitaires mobilisés dans la sémantique politique traditionnelle, telle que reflétée dans la plupart des programmes.</p>
<p>En définitive, si l’analyse transversale de ces derniers fait bien apparaître des divergences fondamentales entre les candidats, elle les renvoie également dos à dos quant à leurs limites conceptuelles et faiblesses d’innovation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76231/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Baptiste Meyer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’analyse du programme et des discours des candidats révèle de vraies différences, à travers la persistance du clivage gauche-droite, mais aussi un manque criant d’innovation.Jean-Baptiste Meyer, Directeur de recherche (Laboratoire Population Environnement Développement), Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/760462017-04-13T19:43:38Z2017-04-13T19:43:38ZNe parlons pas de « vote utile », mais de « vote tactique »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/164751/original/image-20170410-31882-1atgzbx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans l'isoloir…</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/philou46/2320492677/in/photolist-dD7CNX-dDd1p3-4x48Cr-dDd1qm-7KGj4e-nJsvad-9rYrj5-6unPe4-tQpdX-kqMWTe-tQpdc-tQpdz-6unPei-bVPm9z-7KLkJL-6unPdX-aMaJme-5SA2zh-6unPex-6unPeD">phgaillard2001 / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Nouvelle petite formule dont sont friands les commentateurs relayés par les médias : <a href="http://bit.ly/2p2Nm82">« La tentation du vote utile »</a>. Formule <a href="http://bit.ly/2o4qQrs">désespérante</a> et <a href="http://bit.ly/2o1HdEz">méprisante</a>, s’il en fut, pour un électorat en mal de choix.</p>
<h2>Les trois catégories d’électeurs</h2>
<p>Mais ce n’est pas ainsi qu’il faut voir les choses. De ces trois catégories psychologiques d’électorat que sont les <strong>convaincus</strong>, les <strong>pas contents</strong> et les <strong>fluctuants</strong>, catégories qui traversent toutes les couches de la société, c’est la première, dans laquelle se trouve une partie de la seconde, qui est concernée.</p>
<p>Les pas contents se trouvent dans tous les camps, ils disent que « rien ne va », sont capables de changer de camp, de s’abstenir ou de s’extrémiser, et constituent la partie la plus imprévisible de l’électorat. Les fluctuants – qu’il ne faut pas confondre avec les indécis des sondages – ne votent pas selon des principes idéologiques : ils réagissent en fonction de leur situation personnelle, et tout en se disant sceptiques ils se montrent particulièrement sensibles aux promesses et charisme des leaders. Les pas contents et les fluctuants font souvent basculer les résultats de gauche à droite, ou inversement.</p>
<p>Les convaincus – et précisons qu’il s’agit d’électeurs et non point de militants – n’ont généralement pas de problème de choix : ils votent les yeux fermés, par tradition, pour le candidat qui représente « leur famille », de droite ou de gauche. Les choses se compliquent lorsque la famille est divisée, et que chaque partie tire dans les pattes de l’autre (ou des autres), et elles se compliquent encore plus lorsque le leader qui représente chacune de ces parties, dans une surenchère de différenciation, adopte une posture qui rend impossible tout espoir d’alliance avec les autres.</p>
<p>C’est le cas à droite, entre le leader promu par la primaire, François Fillon, et l’extrême droite représentée par Marine Le Pen ; c’est le cas à gauche entre le leader élu par la primaire, Benoît Hamon, et la gauche radicale de Jean‑Luc Mélenchon.</p>
<p>Mais les choses se compliquent encore davantage, lorsque le leader qui semble bien représenter sa famille est atteint par des « affaires », mettant en question sa légitimité (François Fillon), ou lorsqu’il semble jouer un rôle personnel (Jean‑Luc Mélenchon).</p>
<p>Alors, le convaincu, déçu, désemparé, pas content, plonge dans les eaux troubles de l’expectative, quand ce n’est pas dans la déprime, et sa première réaction le porte <a href="http://bit.ly/2oVGV7a">à voter contre</a>, contre celui qu’il considère comme le premier adversaire, dans un mouvement de « tout mais surtout pas lui ».</p>
<p>Cependant, voilà qu’apparaît, comme dans les comédies vaudevillesques, le troisième homme, l’ami qui cherche à tirer les marrons du feu en faisant les yeux doux au mari et à l’amant, à la droite et à la gauche : Emmanuel Macron. C’est alors que le convaincu pas content commence à réfléchir, cherchant, non point le meilleur candidat, mais celui qui pourrait, provisoirement, mettre un peu de baume sur sa déchirure, au nom d’une raison qui pourrait justifier sa trahison sans qu’il puisse se la représenter, c’est-à-dire en toute dénégation.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/164952/original/image-20170411-26720-sbkto4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/164952/original/image-20170411-26720-sbkto4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/164952/original/image-20170411-26720-sbkto4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/164952/original/image-20170411-26720-sbkto4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/164952/original/image-20170411-26720-sbkto4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/164952/original/image-20170411-26720-sbkto4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/164952/original/image-20170411-26720-sbkto4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/164952/original/image-20170411-26720-sbkto4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Voter contre ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/7476739@N05/4432615155/in/photolist-dDd1p3-4x48Cr-7KGj4e-nJsvad-9rYrj5-6unPei-bVPm9z-6unPe4-7KLkJL-tQpdX-6unPdX-tQpdz-dD7CNX-dDd1qm-kqMWTe-aMaJme-5SA2zh-tQpdc-6unPex-6unPeD">Clémentine Gallot/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Par élimination…</h2>
<p>Et cette raison c’est : l’adversaire honni dont il ne veut à aucun prix. C’est ainsi qu’en 2002, une grande partie des convaincus de gauche se précipita dans un plébiscite du candidat de droite au nom de l’élimination du candidat abhorré d’extrême droite, Jean-Marie Le Pen.</p>
<p>Dans cette campagne de 2017, se produit, par anticipation, un <a href="http://bit.ly/2owBquE">scénario similaire</a>. À droite, une bonne partie de l’électorat de droite votera pour François Fillon – et peut-être plus qu’on ne l’imagine car certains déçus, disciplinés, resteront fidèles à leur famille en oubliant les déboires de leur candidat, et des fluctuants les rejoindront.</p>
<p>Mais une autre partie des pas contents, estimant que leur leader a perdu toute légitimité, <a href="http://bit.ly/2pqJ7iY">votera Emmanuel Macron</a>, « par tactique », pour faire pièce à l’extrême droite et à la gauche. À gauche, la division est plus complexe, car elle porte sur les deux grands courants qui ont toujours constitué la gauche depuis la troisième République : réformiste et radical, jaurésien et guesdiste.</p>
<p>Et à cette division s’ajoute l’opposition entre un candidat élu du parti et un candidat autoproclamé hors parti, sans compter la différence de personnalité qui caractérise les deux leaders : un tribun au verbe haut, d’un côté, un modeste au verbe raisonnable, de l’autre. Il y a donc les pas contents de la gauche qui, ne pardonnant pas à Benoît Hamon de s’être opposé à la gauche de François Hollande, et ne supportant pas Jean‑Luc Mélenchon pour diverses raisons, voteront Emmanuel Macron, « par tactique ». Quant à l’électorat, autrefois de gauche, qui votera Front national, ce sera au nom du sempiternel : « ras-le-bol ».</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/164954/original/image-20170411-26751-1rswduo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/164954/original/image-20170411-26751-1rswduo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/164954/original/image-20170411-26751-1rswduo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/164954/original/image-20170411-26751-1rswduo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/164954/original/image-20170411-26751-1rswduo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/164954/original/image-20170411-26751-1rswduo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/164954/original/image-20170411-26751-1rswduo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/164954/original/image-20170411-26751-1rswduo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Où iront les indécis ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/vialbost/7172580009/in/photolist-dDd1p3-4x48Cr-7KGj4e-nJsvad-9rYrj5-6unPei-bVPm9z-6unPe4-7KLkJL-tQpdX-6unPdX-tQpdz-dD7CNX-dDd1qm-kqMWTe-aMaJme-5SA2zh-tQpdc-6unPex-6unPeD">Frédérique Voisin-Demery/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Voilà pourquoi les sondages signalent qu’une grande partie des électeurs sondés, hors Marine Le Pen (18 %) et François Fillon (25 %), se dit encore <a href="http://bit.ly/2p4Umys">indéterminée</a> (40 % en moyenne).</p>
<p>On n’ira pas jusqu’à dire, comme certains analystes, que ce genre de vote <a href="http://lemde.fr/2o1eoLW">« mine l’utilité même du vote »</a>, ni que « la démocratie de délégation s’est alors dévoyée en démocratie négative » (<em>Le Monde</em>, 4 avril) du fait qu’on ne vote plus pour, mais contre.</p>
<p>Ce serait croire que tous les électeurs font partie de la seule catégorie des convaincus, et qu’ils votent tous selon une préférence marquée par l’adhésion totale et absolue envers le candidat qui représente leurs idées. Ce serait confondre électorat et militants. Ce serait confondre le groupe des partisans avec la société citoyenne qui cherche à voter en conscience, et la société civile dont les raisons de voter sont instables.</p>
<p>On ne peut donc parler de « vote utile ». D’ailleurs utile pour qui ? Pour l’électeur ? Pour le candidat ? Pour la démocratie ? Et puis, que veut dire utile ? L’utilité se juge au résultat que l’on ne connaît pas, alors que la tactique témoigne du calcul de celui qui agit en connaissance de cause. En quoi la tactique serait-elle condamnable ? C’est le conflit bien connu entre éthique de conviction et éthique de responsabilité, conflit dont la démocratie a tout à gagner. La démocratie est plurielle et son fondement un jeu d’alliances.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76046/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Patrick Charaudeau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Vote utile ? Vote contre ? Vote par élimination ? Ou tout simplement vote tactique ?Patrick Charaudeau, Professeur Émérite en "Sciences du langage" Paris 13, chercheur au Laboratoire de Communication Politique, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/759912017-04-11T19:45:27Z2017-04-11T19:45:27ZLa présidentielle de 2017 est une élection par défaut<p>La question du renouvellement du personnel politique et du débat démocratique constitue l’un des points d’ancrage de la campagne de l’élection présidentielle de 2017. Mais au-delà des rengaines sur le « renouveau » venant souvent d’un personnel politique professionnalisé, il faut bien reconnaître que le marché électoral s’est déréglé. Tout se passe comme si l’offre politique ne correspondait plus à la demande des électeurs dont on ne sait plus trop comment prévoir le choix.</p>
<p>En effet, celui-ci peut soit résulter d’un compromis entre plusieurs <em>policy mix</em> plus ou moins insatisfaisants (le vote pour le « moins pire »), soit d’un calcul stratégique pour le second tour, soit enfin et plus simplement d’un moment aléatoire de prise de décision dans l’isoloir. On n’est donc pas à l’abri d’un « coup de cœur » de dernière minute voire d’un « pourquoi pas ? », ou plus simplement d’une résignation sceptique – ce qui pourrait finalement réduire la démocratie à peu de choses.</p>
<p>La vague 12 bis de l’<a href="https://www.enef.fr">enquête électorale française du Cevipof</a> (réalisée du 31 mars au 4 avril 2017) nous apprend que 43 % environ des électeurs sont encore indécis alors qu’ils sont également 80 % à s’intéresser à l’élection (qui a dit que les Français n’en ont « plus rien à faire » ?) Mais cette enquête montre également que le vote va souvent s’organiser par défaut et que la conviction ne joue que pour quelques candidats.</p>
<h2>Le vote par défaut touche surtout Emmanuel Macron</h2>
<p>La vague 12 bis de notre enquête pose la question de savoir si le choix du candidat mentionné par l’enquêté se fera par adhésion ou par défaut. Le résultat moyen est que 56 % des enquêtés vont voter par adhésion alors que 44 % vont le faire par défaut. La distribution de cette moyenne change cependant assez fortement d’un candidat à l’autre (tableau 1).</p>
<p><strong>Tableau 1 : le vote d’adhésion ou par défaut selon les candidats ( %)</strong></p>
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<span class="caption">Enquête électorale française, vague 12 bis, avril 2017. On n’indique pas dans le tableau les cas de François Asselineau et de Jacques Cheminade car les effectifs sont trop petits.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cevipof</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>En fait, seuls Jean‑Luc Mélenchon, Benoît Hamon, François Fillon et, dans une moindre mesure, Marine Le Pen attirent à eux une majorité d’électeurs qui votent par adhésion à leur programme. Tous les autres ont des électorats fragiles qui considèrent que leur candidat est un second choix par rapport à un idéal qu’ils n’ont pu trouver. Le cas le plus visible est celui d’Emmanuel Macron qui attire 57 % d’intentions de vote par défaut alors même qu’il se trouve en tête des intentions de vote.</p>
<p>Les électeurs par défaut s’intéressent à l’élection présidentielle (notes de 7 à 10 sur une échelle de 0 à 10) à hauteur de 76 % contre 89 % des électeurs par adhésion. Leur choix n’est pas stabilisé, ce qui explique que 61 % d’entre eux disent pouvoir encore changer d’avis alors que c’est seulement le cas de 24 % des électeurs par adhésion. Mais cela veut dire également que 39 % des électeurs par défaut estiment avoir fait un choix définitif et donc que 17 % des 14 000 enquêtés constituent un électorat frustré ayant finalement choisi un candidat qui ne lui convient pas vraiment.</p>
<h2>Les électorats potentiels les plus solides sont à droite</h2>
<p>En croisant les deux questions, on a donc quatre groupes de comportements électoraux : l’adhésion définitive, l’adhésion incertaine, le défaut définitif et le défaut incertain. L’adhésion définitive est évidemment la marque d’une solidité politique puisque les électeurs soutiennent vraiment leur candidat et n’ont pas d’états d’âme qui pourraient jouer lors des législatives. Cependant, la proportion de chacun de ces groupes n’est pas la même d’un candidat à l’autre et révèle un paysage politique caché.</p>
<p>C’est à droite et à l’extrême-droite que la proportion d’électeurs à la fois adhérents et certains de leur choix est la plus importante : 56 % des électeurs potentiels de François Fillon et 51 % des électeurs potentiels de Marine Le Pen. Vient ensuite, mais loin derrière, l’électorat potentiel de Jean‑Luc Mélenchon mais avec 43 % d’adhérents fermes dans leur choix. C’est ici que l’on trouve les trois noyaux durs de l’électorat.</p>
<p>Pour les autres candidats, les sables sont bien plus mouvants. Emmanuel Macron ne réunit que 33 % d’électeurs adhérents et dont le choix est définitif, alors que 36 % d’entre eux sont à la fois des électeurs par défaut et incertains de leur choix. C’est bien lui qui dispose de l’électorat le plus instable parmi les « grands candidats ».</p>
<p><strong>Tableau 2 : la solidité des électorats par candidat ( %)</strong></p>
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<span class="caption">Enquête électorale française, vague 12 bis, avril 2017. On n’indique pas dans le tableau les cas de François Asselineau et de Jacques Cheminade car les effectifs sont trop petits.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cevipof</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Quels seraient, alors, les autres choix de ceux qui affirment voter par défaut et ne pas être certains de leur choix ? Cette question permet de dresser la carte des rivaux immédiats de chaque candidat, en se limitant ici aux principaux d’entre eux.</p>
<p>L’électorat incertain de Jean‑Luc Mélenchon choisirait le vote blanc, nul ou l’abstention (BNA) à hauteur de 26 %, Benoît Hamon également à 26 % et Emmanuel Macron à 24 %. L’électorat incertain de Benoît Hamon irait en priorité vers Jean‑Luc Mélenchon à 38 %, vers Emmanuel Macron à 34 % et vers le BNA à 16 %. L’électorat incertain d’Emmanuel Macron irait vers Benoît Hamon à 24 %, vers le BNA à 22 %, vers Jean‑Luc Mélenchon à 20 % et vers François Fillon à 19 %.</p>
<p>L’électorat incertain de François Fillon irait vers Emmanuel Macron à 43 %, à 20 % vers Marine Le Pen, à 19 % vers le BNA et à 11 % vers Nicolas Dupont-Aignan. Quant à l’électorat incertain de Marine Le Pen, il irait à 24 % vers Emmanuel Macron, à 22 % vers le BNA, à 16 % vers François Fillon et à 16 % également pour Jean‑Luc Mélenchon, enfin à 12 % vers Nicolas Dupont-Aignan.</p>
<h2>La solidité des votes tient à l’âge, au genre et à la religion</h2>
<p>Les différences entre les électorats les plus solides et les moins solides de chaque candidat ne jouent pas ou peu sur le terrain socioprofessionnel ou le niveau de patrimoine. En revanche, et de manière très régulière, trois facteurs différencient les deux groupes : les jeunes, les femmes, les catholiques sont toujours les variables les plus discriminantes.</p>
<p>Chez Jean‑Luc Mélenchon, la proportion de moins de 35 ans est de 28 % chez ses électeurs adhérents et certains contre 37 % chez ses électeurs par défaut et incertains. La proportion de femmes est de 47 % dans le premier groupe contre 52 % dans le second et la proportion de catholiques passe de 34 % à 44 %.</p>
<p>Chez Benoît Hamon, les moins de 35 ans composent 27 % du premier groupe et 35 % du second, les femmes 58 % contre 63 %, les catholiques 37 % contre 42 %. Chez Emmanuel Macron, les électeurs du premier groupe ont moins de 35 ans à hauteur de 23 % contre 33 % dans le second, sont des femmes à 46 % contre 58 % et des catholiques à 53 % contre 58 %.</p>
<p>Chez François Fillon, les électeurs du premier groupe ont moins de 35 ans à concurrence de 11 % contre 24 %, sont des femmes à 54 % contre 60 % et des catholiques à 84 % contre 73 %. Chez Marine Le Pen, ces différences perdurent mais sont moins accentuées : pas d’influence de l’âge mais 46 % de femmes dans le premier groupe contre 48 % dans le second et 63 % de catholiques contre 67 %.</p>
<p>Au total, la <a href="http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/livre/?gcoi=27246100036280">fragilité des électorats</a> renvoie à la fragmentation d’une « démocratie de l’entre-soi », peu ouverte aux jeunes, aux femmes, voyant ressurgir les effets centrifuges des communautés religieuses.</p>
<p>Même si les électeurs deviennent stratèges, il demeure que la présidentielle 2017 aura bien confirmé la dislocation de l’espace politique français.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/75991/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Rouban ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La dernière enquête réalisée par le Cevipof montre que 43 % des électeurs sont encore indécis dans leur choix. Elle montre aussi que le vote se fera en grande partie par défaut.Luc Rouban, Directeur de recherche CNRS, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.