tag:theconversation.com,2011:/uk/topics/charles-darwin-60794/articlesCharles Darwin – The Conversation2022-09-25T15:38:22Ztag:theconversation.com,2011:article/1909812022-09-25T15:38:22Z2022-09-25T15:38:22ZMendel et Darwin, une relation énigmatique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/485521/original/file-20220920-3560-awunyy.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=244%2C45%2C1557%2C914&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Charles Darwin (à gauche) et Gregor Mendel (à droite).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Darwinmendel.jpg">Wikimedia Commons</a></span></figcaption></figure><p>Cette année marque le 200<sup>e</sup> anniversaire de la naissance de Gregor Johan Mendel à Heinzendorf (ancien empire autrichien, aujourd’hui République tchèque). Ce frère augustin est, paradoxalement, entré dans l’histoire comme le fondateur de la génétique et de l’hérédité grâce à la publication en 1866 de ses expériences sur le croisement des plants de pois (<em>Recherches sur des hybrides végétaux</em>).</p>
<p>Or, peu de temps auparavant, en 1859, <a href="https://theconversation.com/descendons-nous-du-chimpanze-la-biologie-evolutive-et-ses-idees-recues-83746">le naturaliste anglais Charles Darwin avait publié <em>L’origine des espèces</em></a>, dans lequel il proposait la théorie de la sélection naturelle pour expliquer l’évolution des êtres vivants. Les deux ouvrages fondateurs de la biologie moderne ont donc été publiés en l’espace de huit ans seulement.</p>
<p>Les trajectoires des deux œuvres et de leurs auteurs, loin de converger et de se compléter comme nous le savons aujourd’hui, étaient alors perçues comme très différentes. La théorie de l’évolution par la sélection naturelle a rapidement provoqué un séisme d’opinions et de controverses, ébranlant les fondements de la pensée sociale et religieuse dans le dernier tiers du XIX<sup>e</sup> siècle. Acclamé ou honni, Charles Darwin est devenu une figure éminente de son temps.</p>
<p>En revanche, les croisements de plants de pois ont été complètement oubliés jusqu’à leur redécouverte en 1900. Après sa publication, qui est passée pratiquement inaperçue à l’exception de quelques chercheurs, Mendel s’est concentré sur ses devoirs religieux et a dirigé le monastère augustin de Brno jusqu’à sa mort en 1884.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/474893/original/file-20220719-18-f0cxf6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/474893/original/file-20220719-18-f0cxf6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/474893/original/file-20220719-18-f0cxf6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/474893/original/file-20220719-18-f0cxf6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/474893/original/file-20220719-18-f0cxf6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=542&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/474893/original/file-20220719-18-f0cxf6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=542&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/474893/original/file-20220719-18-f0cxf6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=542&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Couverture des Annales de la Société d’histoire naturelle de Brno pour le numéro dans lequel les travaux de Mendel ont été publiés (à gauche) et la première page des travaux de Mendel (à droite).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Mendel et Darwin ont-ils échangé ?</h2>
<p>Le fait que Mendel et Darwin aient eu connaissance de leurs découvertes respectives fait l’objet d’un débat historique, centré sur l’hypothèse selon laquelle un échange d’idées entre les deux hommes aurait pu accélérer le développement de la biologie moderne.</p>
<p>Aucune donnée historique ne permet de conclure <a href="https://academic.oup.com/qjmed/article/102/8/587/1598792">si Darwin a lu ou non les travaux de Mendel</a>… mais nous pouvons affirmer avec certitude que Mendel connaissait parfaitement les travaux de Darwin. Il a obtenu un exemplaire de <em>L’origine des espèces</em> en 1863, l’année où il a terminé ses croisements de plants de pois. Et, plus important encore, l’analyse comparative de leurs écrits indique que Mendel a utilisé des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27729492/">mots et des expressions d’influence darwinienne évidente</a> dans la rédaction de ses travaux.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/474892/original/file-20220719-6817-ftpi7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/474892/original/file-20220719-6817-ftpi7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/474892/original/file-20220719-6817-ftpi7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=611&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/474892/original/file-20220719-6817-ftpi7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=611&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/474892/original/file-20220719-6817-ftpi7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=611&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/474892/original/file-20220719-6817-ftpi7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=767&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/474892/original/file-20220719-6817-ftpi7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=767&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/474892/original/file-20220719-6817-ftpi7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=767&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Pierre commémorative des croisements de pois dans le jardin du monastère où Mendel a mené ses expériences.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.jstor.org/stable/1293124">Boyes et al</a></span>
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<p>Mendel connaissait donc la théorie de l’évolution et les apports du naturaliste anglais. L’un de ses professeurs à l’université de Vienne, Franz Unger, défendait déjà en 1851 la théorie de l’ancêtre commun, selon laquelle toutes les espèces sont dérivées d’espèces antérieures. On croit généralement que Darwin est le premier à avoir parlé de la théorie de l’évolution, mais ce n’est pas vrai : elle avait déjà été formulée et étudiée avant lui. Son mérite a consisté à expliquer « comment » se produit l’évolution, à savoir par le biais de la sélection naturelle – selon laquelle les individus les mieux adaptés sont les gagnants dans la génération suivante.</p>
<p>Mieux : Mendel n’a pas seulement analysé en profondeur <em>L’origine des espèces</em>, il a également étudié d’autres ouvrages de Darwin. Il s’est ainsi particulièrement intéressé à <em>De la variation des animaux et des plantes sous l’action de la domestication</em>, en raison du lien avec ses propres travaux.</p>
<p>Deux facteurs sont frappants dans l’analyse qu’en fait Mendel :</p>
<ol>
<li><p>Il se détache de son statut religieux pour les évaluer. Les historiens s’accordent pour dire que Mendel acceptait la proposition de Darwin, malgré les graves conséquences qu’elle pouvait avoir pour la hiérarchie ecclésiastique.</p></li>
<li><p>Il a une critique perspicace et précise des raisons pour lesquelles les hypothèses ou les explications darwiniennes – et non les résultats – différaient des conclusions tirées de ses propres expériences. Là où Darwin a montré une approche plus théorique, Mendel s’est révélé réfléchir en pur scientifique expérimental.</p></li>
</ol>
<p>Nous savons que Mendel a envoyé jusqu’à 40 exemplaires de sa publication aux principaux scientifiques et sociétés scientifiques de l’époque… et pourtant, paradoxalement, pas à Darwin. En tous cas s’il faut en croire l’ancien directeur du musée Mendel, à Brno.</p>
<p>Darwin comprenait un peu d’allemand, ou aurait pu obtenir une traduction. A priori, les travaux de Mendel auraient dû être portés à sa connaissance, puisque Darwin lui-même a procédé à des hybridations entre de multiples espèces de plantes et chez les pigeons. Pourquoi, alors, n’en a-t-il jamais parlé, ou ne l’a-t-il même jamais mentionné ?</p>
<p>Darwin croyait en fait fermement que les caractères soumis à l’évolution par la sélection naturelle étaient ceux qui présentaient une variation graduelle entre les individus (par exemple les différences de taille au sein d’un groupe). Aujourd’hui, nous les appelons caractères « quantitatifs ». De plus, il défendait la théorie de la pangenèse (tout le corps contribue à la reproduction en envoyant des cellules dans les organes génitaux ; ovocyte et spermatozoïde sont pour lui des « polybourgeons » résultant de l’agrégation de toutes cellules) et de la nature mixte des hybrides : des concepts diamétralement opposés aux conclusions de Mendel.</p>
<p>En bonne logique darwinienne, ce que Mendel avait découvert n’avait tout simplement rien à voir avec ses propres travaux…</p>
<h2>La synthèse néodarwinienne</h2>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/474906/original/file-20220719-18-c0t7bz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/474906/original/file-20220719-18-c0t7bz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/474906/original/file-20220719-18-c0t7bz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/474906/original/file-20220719-18-c0t7bz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/474906/original/file-20220719-18-c0t7bz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/474906/original/file-20220719-18-c0t7bz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/474906/original/file-20220719-18-c0t7bz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/474906/original/file-20220719-18-c0t7bz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Theodosius Dobzhansky au Brésil en 1943.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Dobzhansky_no_Brasil_em_1943.jpg">Wikimedia</a></span>
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</figure>
<p>Bien que la pangenèse ait été rapidement écartée après la redécouverte des travaux de Mendel en 1900, la croyance selon laquelle la génétique mendélienne ne pouvait pas expliquer les changements évolutifs est restée vivace.</p>
<p>Ce n’est qu’en 1937, avec la publication de <em>La génétique et l’origine des espèces</em> par le généticien et évolutionniste russo-américain Theodosius Dobzhansky, que le fossé entre les deux disciplines commence à se combler. Ce rapprochement, avec également les résultats obtenus en génétique des populations et en biologie, donnera naissance à la théorie synthétique évolutionniste (ou néodarwinisme).</p>
<blockquote>
<p>« Rien n’a de sens en biologie, si ce n’est à la lumière de l’évolution » (Citation de T. Dobzhansky, d’après son essai paru en 1973)</p>
</blockquote>
<p>Les travaux de Dobzhansky ont montré que la microévolution (variation au sein d’une espèce) et la macroévolution (variation entre espèces) ont la même base : les « gènes » mendéliens.</p>
<p>Que n’auraient pas donné Gregor Mendel et Charles Darwin pour échanger avec Theodosius Dobzhansky dans le monastère de Brno, autour de quelques chopes de la bière qui y était brassée ! Il leur aurait expliqué comment les facteurs héréditaires découverts dans les jardins environnants sont à la base de l’origine et de la diversification de toutes les espèces, passées, présentes et futures, sur notre planète…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190981/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>José María Díaz Mínguez no recibe salario, ni ejerce labores de consultoría, ni posee acciones, ni recibe financiación de ninguna compañía u organización que pueda obtener beneficio de este artículo, y ha declarado carecer de vínculos relevantes más allá del cargo académico citado.</span></em></p>Leurs travaux sont contemporains et se complètent parfaitement… Mais si Mendel, père de l’hérédité, a lu Darwin, rien ne dit que le naturaliste anglais lui a rendu la politesse. Retour sur ce mystère.José María Díaz Mínguez, Catedrático de Genética, Universidad de SalamancaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1701572021-11-05T14:54:01Z2021-11-05T14:54:01ZLa découverte de fossiles pourrait ajouter des centaines de millions d’années à l’histoire de l’évolution des animaux<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/428562/original/file-20211026-25-myszhu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C24%2C4025%2C2993&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La découverte récente d’un fossile dans les monts Mackenzie, dans les Territoires du Nord-Ouest, pourrait changer notre façon de concevoir l’évolution des animaux.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Vous êtes-vous déjà demandé comment, quand, où et pourquoi les animaux sont apparus au cours de l’évolution ? Et à quoi ils ressemblaient au tout début ?</p>
<p>La vie a existé pendant la majeure partie des 4,5 milliards d’années de l’histoire terrestre, mais elle a longtemps été exclusivement constituée de bactéries.</p>
<p>Bien que les scientifiques étudient depuis plus d’un siècle les preuves de l’évolution biologique, certaines parties du registre fossile restent étonnamment mystérieuses, et trouver des traces des premiers animaux sur Terre s’est avéré particulièrement difficile.</p>
<h2>Évolution cachée</h2>
<p>Les informations sur les événements de l’évolution survenus il y a des centaines de millions d’années sont principalement tirées des fossiles. Les fossiles les plus connus sont les coquilles, les exosquelettes et les os que les organismes fabriquent de leur vivant. Les plus vieux fossiles de ce type ont été découverts dans des roches déposées lors de <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/definitions/paleontologie-explosion-cambrienne-5053/">« l’explosion cambrienne »</a>, il y a un peu moins de 540 millions d’années.</p>
<p>L’arrivée apparemment soudaine d’animaux divers et complexes, dont beaucoup sont dotés de parties dures, semble indiquer qu’il y a eu auparavant une époque au cours de laquelle les premiers animaux à corps mou et sans parties dures ont évolué à partir d’animaux plus simples. Malheureusement, nous n’avons trouvé jusqu’ici que très peu d’indices de la présence d’animaux fossiles dans l’intervalle d’évolution « cachée » et ceux-ci sont très <a href="https://theconversation.com/evolution-timeframes-get-a-rethink-after-scientists-take-a-closer-look-at-earths-first-animals-100834">difficiles à analyser</a>, ce qui rend le moment et la nature des événements évolutifs obscurs.</p>
<p>Cette énigme, connue sous le nom de <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rstb.2006.1846">« dilemme de Darwin »</a>, reste fascinante et non résolue 160 ans après la publication de <a href="https://www.pourlascience.fr/sd/histoire-sciences/lorigine-des-especes-5385.php">« L’origine des espèces »</a>.</p>
<h2>L’oxygène</h2>
<p>Il existe des preuves indirectes de la manière et du moment où les animaux ont pu apparaître. Par définition, les animaux ingèrent de la matière organique, et leurs métabolismes nécessitent un certain niveau d’oxygène ambiant. On suppose que les animaux n’ont pu apparaître, ou du moins se diversifier, qu’après une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0012825211001498?via%3Dihub">augmentation importante de l’oxygène au cours de l’ère néoprotérozoïque</a>, à une époque située entre il y a 815 et 540 millions d’années, résultant de l’accumulation de l’oxygène produit par les cyanobactéries photosynthétiques, également appelées algues bleues.</p>
<p>Il est largement admis que l’éponge est <a href="https://doi.org/10.1016/j.cub.2017.02.031">l’animal le plus élémentaire de l’arbre de l’évolution animale</a> et qu’elle est arrivée en premier. Car oui, les éponges sont des animaux : elles utilisent de l’oxygène et se nourrissent en faisant passer de l’eau contenant des matières organiques au travers de leur corps. Les premiers animaux étaient probablement apparentés aux éponges (<a href="https://theconversation.com/is-our-most-distant-animal-relative-a-sponge-or-a-comb-jelly-our-study-provides-an-answer-151889">hypothèse de « l’éponge d’abord »)</a> et pourraient être apparus des centaines de millions d’années avant le Cambrien, comme le suggère une méthode génétique appelée <a href="https://www.nature.com/articles/nrg3186">phylogénie moléculaire</a>, qui analyse les différences génétiques.</p>
<p>Sur la base de ces hypothèses plausibles, les éponges pourraient avoir existé il y a 900 millions d’années. Alors, pourquoi n’avons-nous pas trouvé de preuves fossiles d’éponges dans les roches de ces centaines de millions d’années intermédiaires ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/426209/original/file-20211013-23-6bmbyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Photod’une éponge" src="https://images.theconversation.com/files/426209/original/file-20211013-23-6bmbyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/426209/original/file-20211013-23-6bmbyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/426209/original/file-20211013-23-6bmbyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/426209/original/file-20211013-23-6bmbyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/426209/original/file-20211013-23-6bmbyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/426209/original/file-20211013-23-6bmbyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/426209/original/file-20211013-23-6bmbyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Dans les bonnes conditions, le tissu spongieux mou fait de fibres de spongine peut créer un fossile distinctif.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Elizabeth C. Turner)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Une des explications est que les éponges n’ont pas de parties dures classiques (coquilles, os). Bien que certaines éponges aient un squelette interne fait de tiges minéralisées microscopiques appelées spicules, aucun spicule n’a été trouvé dans des roches datant de <a href="https://doi.org/10.1016/j.palwor.2017.07.001">l’époque des débuts cachés de l’évolution animale</a>. Cependant, certains types d’éponges possèdent un squelette constitué de <a href="https://doi.org/10.1016/j.ympev.2012.02.024">fibres protéiques résistantes appelées spongine</a> qui forment un maillage tridimensionnel microscopique caractéristique, identique à celui d’une éponge de bain.</p>
<p>Les recherches sur les éponges modernes et fossiles ont montré que celles-ci peuvent être préservées dans la roche si leurs tissus mous se sont calcifiés pendant leur décomposition. Si la masse calcifiée durcit autour des fibres de spongine avant qu’elles ne se décomposent, un maillage microscopique distinctif de tubes aux structures complexes apparaît dans la roche. Cette configuration est différente de celle des algues, des bactéries ou des champignons, et on en a beaucoup trouvé dans des calcaires datant d’il y a moins de 540 millions d’années.</p>
<h2>Des fossiles surprenants</h2>
<p>Je suis géologue et paléobiologiste et je travaille sur des calcaires très anciens. Récemment, j’ai décrit <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-021-03773-z">cette microstructure présente dans des roches vieilles de 890 millions d’années</a> provenant du Nord canadien. J’ai suggéré qu’il pouvait s’agir de la preuve de l’existence d’éponges plusieurs centaines de millions d’années plus anciennes que le plus vieux fossile d’éponge reconnu jusqu’ici.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/426112/original/file-20211013-23-o3ijdh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une image d’un possible fossile d’éponge" src="https://images.theconversation.com/files/426112/original/file-20211013-23-o3ijdh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/426112/original/file-20211013-23-o3ijdh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/426112/original/file-20211013-23-o3ijdh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/426112/original/file-20211013-23-o3ijdh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/426112/original/file-20211013-23-o3ijdh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/426112/original/file-20211013-23-o3ijdh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/426112/original/file-20211013-23-o3ijdh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Il pourrait s’agir d’un fossile d’éponge vieux de 890 millions d’années.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Elizabeth C. Turner)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Bien que ma proposition puisse initialement paraître farfelue, elle est conforme aux prédictions et aux hypothèses qui sont courantes dans la communauté des paléontologues : le nouveau matériel semble valider une chronologie extrapolée et une identité des premiers animaux déjà largement acceptée.</p>
<p>S’il s’agit bien de fossiles d’éponges, l’évolution animale pourrait avoir commencé il y a plusieurs centaines de millions d’années plus tôt que ce qu’on croyait.</p>
<p>Les premières éponges hypothétiques que je décris vivaient avec des communautés de cyanobactéries localisées qui produisaient des oasis d’oxygène dans un monde autrement pauvre en oxygène, avant que se produise l’oxygénation néoprotérozoïque. Ces éponges ont pu continuer à vivre dans des environnements probablement inchangés et exempts de pression évolutive pendant plusieurs centaines de millions d’années avant que des animaux plus diversifiés n’apparaissent.</p>
<p>L’existence d’animaux vieux de 890 millions d’années indiquerait également que l’évolution biologique n’a pas été réellement affectée par les glaciations du Cryogénien – les fameuses <a href="https://theconversation.com/ca/topics/snowball-earth-16060">« Terre boule de neige »</a> – qui ont commencé il y a environ 720 millions d’années.</p>
<p>Mon matériel fossile inhabituel peut offrir une autre perspective sur le dilemme de Darwin. Les nouvelles idées radicales ne sont généralement pas acceptées par la communauté scientifique sans une vigoureuse discussion ; je m’attends donc à ce qu’une vive controverse s’ensuive. Un jour, probablement d’ici plusieurs années, un consensus pourra se dégager sur la base de travaux complémentaires. D’ici là, profitez du débat !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170157/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elizabeth C. Turner reçoit un financement du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (Canada).</span></em></p>La découverte récente d’un fossile d’éponge pourrait être le plus ancien d’animal connu, prolongeant la chronologie de l’évolution de centaines de millions d’années.Elizabeth C. Turner, Professor, Earth Sciences, Laurentian UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1599402021-05-18T17:33:25Z2021-05-18T17:33:25ZEmma : « Si l’homme descend du singe, le singe des premiers mammifères et les poissons des petites bêtes dans l’eau, qu’est-ce qui était là en premier ? »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/401228/original/file-20210518-21-xgvxyr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C0%2C5725%2C3240&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En étudiant l'ADN des animaux, il est possible de comprendre leur évolution.</span> <span class="attribution"><span class="source">Alionaprof / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Voilà une question bien compliquée et pour faire (très) court, tous les chercheurs ne sont pas d’accord sur la réponse !</p>
<p>Pour bien comprendre ce qui se cache derrière ta question, il faut d’abord parler de l’évolution. Tu l’as bien compris, avant d’être des êtres humains, nous étions autre chose, nous ne sommes pas apparus par magie sur la Terre.</p>
<p>Nous faisons partie d’une famille qui s’appelle les <em>Hominidae</em> et qui compte, en plus de nous, les orangs-outans, les gorilles et les chimpanzés (notre plus proche cousin). Cette famille fait elle-même partie d’une plus grande famille, les <em>simiiformes</em> (chez qui on retrouve les oustitis ou les babouins), qui elle-même appartient à une autre grande famille, etc.</p>
<p>Ce classement s’appelle un <em>arbre phylogénétique</em> : « arbre » parce que ça ressemble à un tronc qui a une racine que tout le monde partage, « phylogénétique » parce que ça vient du grec ancien phylon, qui veut dire famille, et de génétique, qui explique ce que nous sommes en regardant nos gènes, ces petites choses retrouvées dans toutes les cellules de ton corps et qui définissent la couleur de tes yeux, la taille de ton cœur, ta taille…</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/0N3ize9CDwY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Comment classe-t-on les animaux ? (L’Esprit Sorcier).</span></figcaption>
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<p>Ce qui nous différencie des autres branches de notre arbre, ce sont des mutations (de petits changements dans nos cellules qui font qu’elles vont devenir un peu différentes de celles d’avant). Elles ont lieu dans nos gènes et ont permis à l’être humain de s’adapter à son environnement et de devenir ce qu’il est aujourd’hui : par exemple, le fait de marcher sur deux jambes, d’avoir un plus gros cerveau, de pouvoir parler… C’est ce qu’on appelle la sélection naturelle, et Charles Darwin est le premier scientifique à l’avoir mis en évidence.</p>
<p>Mais alors, si nous sommes le résultat de toutes ces adaptations, d’où venons-nous au commencement ? Les premiers signes de vie remontent à très longtemps, il y a plus de 3,5 milliards d’années.</p>
<p>Au tout début, il n’y avait que de petites cellules, appelées bactéries, qui ont évolué pour se reproduire plus vite, mieux et dans tous les milieux (chaud, froid, dans l’eau, sur la terre). Les cellules sont devenues des groupes de cellules, puis des êtres de plus en plus compliqués, avec des organes, des fonctions particulières, des spécificités pour chaque rôle (des nageoires dans l’eau, des pattes sur terre, des ailes pour voler), jusqu’à nous ! Nous sommes finalement le résultat de plusieurs milliards d’années d’évolution, et nous évoluons encore.</p>
<p>Nous savons donc que nous descendons des bactéries, mais comment est apparue la vie sur la Terre ? Il faut d’abord comprendre que, pour exister, un être vivant doit se construire et pour cela, il utilise des petites briques, comme des Lego que tu empiles pour construire un château, qu’on appelle ADN et ARN.</p>
<p>C’est sur ces briques que sont situés les gènes dont on parlait plus haut : elles contiennent toutes les informations pour faire un être vivant et lui permettre de se reproduire. Pour que cet ADN et cet ARN existent, il faut des plus petits blocs qu’on appelle des acides nucléiques, qui eux-mêmes sont faites d’atomes, comme le carbone, l’oxygène ou l’azote.</p>
<p>Ces atomes, tu les connais, ils sont partout, dans l’air que tu respires (oxygène et azote), dans le bois des forêts (carbone, oxygène et d’autres choses) et donc, dans ton corps. C’est minuscule, tu ne peux pas les voir, mais ils sont là et ils forment tout ce qui existe.</p>
<p>À la naissance de la Terre, il y avait déjà des atomes. Ils se sont associés pour former les premiers acides nucléiques puis les premiers ARN, les premiers ADN et enfin les premières bactéries. Comment ces premières associations ont eu lieu, c’est là où les scientifiques ne sont pas tout à fait d’accord et n’ont pas toutes les réponses.</p>
<p>Après tout, c’était il y a vraiment longtemps et nous n’avons pas toutes les informations pour répondre à cette question. Aujourd’hui, les chercheurs pensent que c’est un mélange de hasard (oui, c’est un peu de la chance d’avoir tous ces atomes à notre disposition et de les assembler correctement !), de différents échecs et d’affinité entre les atomes présents sur la Terre qui ont fait naître la vie. D’autres pensent que les astéroïdes qui ont percuté la Terre au cours du temps, ont pu amener d’autres atomes et favoriser l’apparition de la vie. Toujours est-il que la vie est apparue grâce à l’association d’atomes, et même si nous ne sommes pas certains du comment, nous sommes bien contents que cela ait eu lieu et que la Terre ait pu former des êtres humains très complexes, comme toi !</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : tcjunior@theconversation.fr. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159940/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marion Tible ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour répondre à cette question, il faut parler de l’évolution et essayer de comprendre comment sont apparus les premiers êtres vivants sur notre planète.Marion Tible, Docteur en physiopathologie et biologie cellulaire, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1393212020-06-03T17:27:33Z2020-06-03T17:27:33ZTous masqués, tous muets ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/339251/original/file-20200602-133892-1sn8597.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=127%2C318%2C818%2C523&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un détournement du célèbre _Cri_ de Munch. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://gramho.com/media/2288702960409924744">@alon_art sur Instagram</a></span></figcaption></figure><p>La crise sanitaire que nous traversons l’exige : lorsque nous sortons de chez nous, dans de nombreuses situations, nous devons désormais être masqués. De quelles façons le port de ces quelques centimètres de tissu – devenus en quelques mois l’objet de toutes les attentions – va-t-il transformer nos interactions et nos modes de sociabilité ?</p>
<h2>Privés d’expressions faciales</h2>
<p>Masquer nos visages, quand bien même cela répond à une nécessité sanitaire qu’il ne s’agit nullement de remettre en question, aura un impact fort sur notre rapport à l’autre, car c’est bien notre apparence visuelle et ce qu’elle signifie qui vont être profondément transformés. Avec le masque, ce sont les trois quarts de nos visages, si ce n’est plus, qui sont dissimulés et avec eux nos expressions faciales qui nous permettent de communiquer les uns avec les autres.</p>
<p>La psychologie en fait un objet d’étude, à l’image de Paul Ekman, psychologue américain, qui dans les pas des anthropologues tel que Charles Darwin, a mené pendant plus de 50 ans des travaux <a href="https://babordplus.hosted.exlibrisgroup.com/primo-explore/fulldisplay?docid=33PUDB_Alma_Unimarc7162520620004671&context=L&vid=33PUDB_UBM_VU1&lang=fr_FR&search_scope=catalog_pci&adaptor=Local%20Search%20Engine&tab=default_tab&query=any,contains,paul%20ekman&offset=0">sur les expressions faciales, par lesquelles nos émotions s’extériorisent</a>. Paul Ekman a catalogué les expressions faciales de façon systématique, répertoriant plus de 10 000 mimiques, fruits des contractions des différents muscles du visage rassemblées dans the <em>facial action coding system</em> (FACS).</p>
<p>Ces théories psycho-évolutionnistes posent un postulat <a href="https://www.persee.fr/doc/enfan_0013-7545_1995_num_48_4_2144">sur lequel de nombreux travaux s’appuient</a> : « l’expressivité du visage est clairement mise à profit dans la communication émotionnelle et dans la régulation des interactions sociales. Les expressions du visage permettraient aux protagonistes impliqués dans une interaction de faire une appréciation de l’état émotionnel de l’autre et ce serait en partie sur cette appréciation que chaque protagoniste ajusterait son comportement. Ce système de régulation serait avantageux pour l’espèce parce qu’il favoriserait une réduction des conflits et une augmentation de la cohésion sociale. »</p>
<p>Nos expressions faciales jouent un rôle fondamental dans notre capacité d’appréciation de l’autre et de régulation de nos échanges. Or, avec le masque, le nez, les joues, la bouche, le menton sont en quelque sorte amputés et leurs significations dissimulées.</p>
<p>Alors que d’habitude, nous regardons vers ces parties du visage pour entrer en lien avec l’autre, aujourd’hui nous n’y voyons qu’un morceau de tissu s’agitant légèrement de manière inexpressive. Nous ne pouvons plus nous appuyer sur le mouvement des lèvres pour s’assurer de la compréhension du propos, observer un rictus, une torsion de la bouche et du nez, un teint qui pâlit, des joues qui rougissent… pour déceler l’émotion qui s’inscrit en creux de l’échange verbal – une situation d’autant plus problématique pour les personnes en situation de handicap tels que les malentendants.</p>
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<a href="https://theconversation.com/la-pandemie-a-transforme-le-cri-en-oeuvre-virale-a-nouveau-139284">La pandémie a transformé «Le Cri» en œuvre virale - à nouveau</a>
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<p>Seuls le haut du visage, les yeux, les sourcils et le front restent toujours visibles et cristallisent toute notre attention, s’appuyant également sur le langage corporel. La perception des expressions du regard doit alors s’affûter car nous n’avons plus que cet espace facial auquel se rattacher pour aborder et comprendre l’autre. Si selon le dicton populaire, « le regard est le reflet de l’âme », il n’en demeure pas moins <a href="https://www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_2004_num_75_1_2140">qu’il s’inscrit dans un ensemble bien plus large de mouvements, naturels ou intentionnels, signes ou symptômes complexes</a>, et qu’en être ainsi privé modifie en profondeur notre lien communicationnel.</p>
<h2>S’habituer aux visages masqués</h2>
<p>Nos regards d’abord dérangés, voire heurtés à la vue de ces scènes publiques, parce qu’elles ne sont pas culturellement admises, vont-ils peu à peu s’habituer dans ce qui pourrait devenir une nouvelle condition d’existence, à l’image des pays asiatiques comme le Japon où le port de masque est très répandu ? Si l’habitude se construit au travers de nos expériences physiques quotidiennes (dans la rue, les magasins…), elle se forge également au travers d’un espace médiatique qui diffuse des images en masse.</p>
<p>Depuis plusieurs semaines, les médias nous donnent à voir chaque jour nos visages masqués ; ceux des professionnels de santé qui voudraient légitimement être encore mieux équipés, mais aussi ceux des habitants, des usagers, des citoyens filmés et photographiés dans leurs activités. Peu à peu, comme le souligne Martine Joly, ces images en devenant ordinaires, <a href="https://www.armand-colin.com/limage-et-son-interpretation-9782200341787">imprègnent notre imaginaire collectif et participent d’une construction visuelle qui modifie notre regard sur l’autre</a>. « Mémorisées ou oubliées, les images font toutefois partie de notre expérience du monde que nous intégrons sans doute chacun à notre manière, en fonction de notre histoire et de son conditionnement. »</p>
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<a href="https://theconversation.com/maintenir-la-distance-tristesse-a-venir-dune-socialite-sans-contacts-135736">Maintenir la distance : tristesse à venir d’une socialité sans contacts ?</a>
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<p>Parmi ces images, il y a aussi celles que produisent les artistes et les créatifs : le détournement de l’œuvre célèbre d’Edvard Munch, nous incite par exemple à voir au-delà d’une représentation d’un visage masqué par nécessité, un cri que nous ne saurions plus entendre. Le port du masque peut nous réduire au silence dans une forme d’invisibilité des mots, des paroles et des sons exprimés. Le silence pourrait s’imposer comme dans les tableaux d’Edward Hopper qui, <a href="https://www.facebook.com/search/top/?q=france%20culture&epa=SEARCH_BOX">« à l’heure du Covid-19 […] se retrouvent nombreux à être exposés sur les réseaux sociaux. Pourquoi ? Parce qu’avec ces paysages urbains déserts et ses personnages isolés [… il figure] ce qui peut être l’une des conséquences sociales les plus lourdes du Covid-19, la perte du contact humain »</a>. Derrière le silence, la solitude et l’isolement guettent.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/339255/original/file-20200602-133924-608p5h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/339255/original/file-20200602-133924-608p5h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/339255/original/file-20200602-133924-608p5h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/339255/original/file-20200602-133924-608p5h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/339255/original/file-20200602-133924-608p5h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/339255/original/file-20200602-133924-608p5h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/339255/original/file-20200602-133924-608p5h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"><em>Morning sun</em>, Edward Hopper.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.edwardhopper.net/images/paintings/morning-sun.jpg">edwardhopper.net</a></span>
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<h2>Nos liens de sociabilité fortement impactés</h2>
<p>Loin d’être anecdotiques, les expériences visuelles et plus largement sensorielles impliquent une certaine construction de notre vie collective <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1983_num_24_1_3656">comme nous l’enseigne le philosophe et sociologue allemand Georg Simmel</a> : « Je me propose d’analyser les différents faits provenant de la constitution sensorielle de l’homme, les modes d’appréciation mutuelle et les influences réciproques qui en dérivent dans leur signification pour la vie collective des hommes et de leurs rapports les uns avec les autres, les uns pour les autres, les uns contre les autres. Si nous nous mélangeons dans des réciprocités d’action, cela vient avant tout de ce que nous réagissons par les sens les uns sur les autres. »</p>
<p>L’expérience visuelle générée par le port du masque en masse aura des impacts sur nos modes de sociabilité. La distanciation sociale ne se traduira pas uniquement par les mètres physiques qui nous séparent les uns des autres, mais aussi par cette dissimulation du visage.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quand-la-pandemie-inspire-le-street-art-139312">Quand la pandémie inspire le street art</a>
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<p>Il sera alors important d’analyser, avec les sciences humaines et sociales, les impacts d’une telle situation. On peut d’ores et déjà poser l’hypothèse qu’ainsi masqués, nous serons moins enclins à échanger, que nos interactions seront plus limitées et nous vivrons une forme d’incommunicabilité contrainte dans un anonymat renforcé. Ou bien peut-être que forts de nos capacités d’« invention du quotidien » pour citer Michel De Certeau[9], nous transformerons ce nouvel objet ordinaire en accessoire de mode, de séduction, en signe d’appartenance et d’expression… et jouerons sur de nouveaux codes esthétiques et pourquoi pas revendicatifs.</p>
<p>Le masque à lui seul devient un symbole de ce moment historique. En même temps qu’il rend invisible cette part du visage qui nous permet de faire liens les uns avec les autres, il met en visibilité la condition dans laquelle nous sommes collectivement engagés en nous rappelant que nous sommes potentiellement, malgré nous, un danger pour l’autre. L’enjeu sera alors de maintenir le lien au-delà des masques et d’être vigilants à ce que son imposition n’aille pas au-delà d’une nécessité collectivement définie.</p>
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<p><em>Un grand merci à Aurélie Chêne, Maître de Conférences en Sciences de l’Information et de la Communication de l’Université Lyon – Université Jean Monnet Saint-Étienne, pour sa relecture bienveillante et ses conseils avisés.</em>_</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139321/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laetitia Devel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le port du masque pour tous : quels impacts sur nos modes de communication et de sociabilités ?Laetitia Devel, Anthropologie visuelle : image, photographie et culture visuelle contemporaine, Université Bordeaux MontaigneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1306132020-02-20T18:03:51Z2020-02-20T18:03:51ZNous sommes tous des poissons préhistoriques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/316453/original/file-20200220-92507-eevh8m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C95%2C3976%2C2766&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une cigale de mer, _Parribacus antarcticus_, un « animal préhistorique » comme un autre.</span> <span class="attribution"><span class="source">Frédéric Ducarme</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>L’idée d’« animal préhistorique » a la dent dure dans certains médias sensationnalistes. Pourtant, absolument toutes les espèces, à commencer par la nôtre, sont « préhistoriques ». Mais alors, comment nommer les monstres ?</p>
<p>Parmi les marronniers des journalistes scientifiques, on trouve en bonne place l’« incroyable découverte d’un monstre préhistorique ». Ce sera un <a href="https://www.nationalgeographic.fr/animaux/decouverte-dun-requin-lezard-prehistorique">requin-lézard</a> au Portugal, un <a href="https://www.laprovence.com/actu/en-direct/5599825/video-limpressionnante-attaque-dune-espece-prehistorique-de-requin-en-floride.html">requin-griset</a> en Floride, une <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/un-etrange-poisson-digne-d-un-dinosaure-peche-au-large-de-la-norvege-20190917">chimère en Norvège</a>, ou même un <a href="http://www.leparisien.fr/archives/video-etats-unis-un-poisson-prehistorique-avale-un-requin-21-08-2014-4077135.php">simple mérou</a>, encore en Floride.</p>
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<p>À chaque fois la même recette : un titre spectaculaire, une courte vidéo décevante, une illustration pas toujours pertinente, et quelques lignes maladroitement effrayantes sur une pauvre bête remontée par un vacancier adepte de pêche au gros. Très souvent, l’auteur affirme que l’espèce, puisqu’elle lui était inconnue jusqu’alors, l’est sans doute aussi des scientifiques : pourtant, le requin-lézard a été décrit et nommé en 1884, le requin-griset dès 1788 (soit 30 ans avant le koala), la chimère dès 1758 (en même temps que le chat domestique), tout comme la lamproie, et le mérou Goliath en 1822. Toutes ces espèces sont donc bien connues des biologistes, plongeurs et pêcheurs professionnels depuis des générations, même si certaines ne sont que rarement observées du fait de leur habitat. Néanmoins, là où ces journalistes ont raison, c’est que toutes ont effectivement en commun le fait d’être des « espèces préhistoriques ».</p>
<h2>Mais que signifie « espèce préhistorique » ?</h2>
<p>Cette expression, sans doute popularisée par le <a href="http://www.nanarland.com/categorie-9-animalier.html">cinéma d’horreur à petit budget</a> enveloppe toutes les espèces apparues avant l’Histoire, c’est-à-dire l’apparition de l’écriture, vers – 3300. Or, 5 000 ans n’est qu’un éclair pour l’évolution, dont le cours s’étale sur des millions d’années : ainsi, absolument toutes les espèces animales et même végétales sont « préhistoriques », y compris vous et moi, mais aussi le moineau, le chat domestique, la mouche, les limaces ou le bacille de la peste, et absolument tous les requins et poissons de toutes formes.</p>
<p>Le processus de spéciation (l’émergence d’une nouvelle espèce) demandant au minimum plusieurs centaines de milliers de générations subissant une pression évolutive constante et donc soigneusement sélectionnées par le couperet de la sélection naturelle, aucun être n’a eu le temps de se distinguer suffisamment depuis les cinq ridicules milliers d’années que constituent l’histoire humaine. Rien de nouveau sous le soleil : aucune espèce actuelle n’était absente à l’apparition de l’écriture. En revanche, beaucoup ont disparu depuis, tandis que d’autres comme la vache, le chien ou la poule ont connu grâce à nous de spectaculaires explosions démographiques et géographiques, ainsi que des processus de sélection artificielle aboutissant à l’apparition de races, qui appartiennent cependant toujours à la même espèce, avec des différences essentiellement superficielles. </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/316454/original/file-20200220-92526-d4jzoz.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/316454/original/file-20200220-92526-d4jzoz.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/316454/original/file-20200220-92526-d4jzoz.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=821&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/316454/original/file-20200220-92526-d4jzoz.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=821&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/316454/original/file-20200220-92526-d4jzoz.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=821&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/316454/original/file-20200220-92526-d4jzoz.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1031&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/316454/original/file-20200220-92526-d4jzoz.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1031&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/316454/original/file-20200220-92526-d4jzoz.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1031&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Deux terrifiantes « espèces préhistoriques » : <em>Homo sapiens</em> et <em>Canis lupus</em>.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Kremlin.ru</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Les rares candidats au titre d’espèce « historique » apparues récemment seraient donc des êtres au cycle de vie très rapide et subissant de très près l’influence des humains : cela concerne donc essentiellement le <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1046/j.1365-2540.1999.00412.x">moustique du métro londonien</a>, qui à force de vivre isolé depuis deux siècles a suffisamment divergé de celui de la surface pour constituer une nouvelle espèce, « historique ».</p>
<p>Pourtant, on sent bien que quelque chose distingue la poule (qui, rappelons-le, est un dinosaure) de ces créatures à l’allure si étrange que compilent les sites sensationnalistes, dont la silhouette rappelle plus les documentaires de paléontologie (voire les films de série B) que ce qu’on a l’habitude de voir au détour d’une baignade. Il y a comme l’idée que certaines espèces appartiennent à un « autre temps », qui s’il n’est pas la préhistoire est en tout cas ancien, et que celles-ci ne sont donc plus vraiment « à leur place » au temps des chats et des colombes.</p>
<h2>Peut-on parler de « fossiles vivants » ?</h2>
<p>On connaît effectivement plusieurs animaux venus du fond des âges et parfois taxés de « fossiles vivants » (l’expression est de Darwin) : nautiles aux airs d’ammonites, limules ressemblant à des trilobites, ou bien sûr le <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2013/04/19/le-coelacanthe-eclaire-la-sortie-des-eaux-de-nos-ancetres_3162086_1650684.html">cœlacanthe</a>, cet étonnant poisson aux nageoires osseuses comme des bras. On avait cru son ordre disparu en même temps que les dinosaures il y a 65 millions d’années jusqu’à ce que Marjorie Courtenay-Latimer, correspondante du Muséum de Londres en Afrique du Sud, en découvre presque par hasard un spécimen fraîchement remonté par un pêcheur local en 1938, et provoque une incroyable vague d’effarement et d’incrédulité dans tout le monde scientifique – un peu comme pour le premier ornithorynque un siècle et demi plus tôt, qui demeura longtemps considéré comme un canular grossier. </p>
<p>Avec les cœlacanthes, nautiles et limules, l’ordre de grandeur temporel n’est plus celui de l’histoire humaine, mais des temps géologiques : ces trois groupes sont apparus au Paléozoïque, la plus ancienne ère de la vie pluricellulaire, qui s’étend d’il y a environ 500 à 250 millions d’années, bien avant les dinosaures, avant même que la vie ne sorte des eaux – on change donc complètement d’échelle.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/316436/original/file-20200220-92507-3ln92c.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/316436/original/file-20200220-92507-3ln92c.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/316436/original/file-20200220-92507-3ln92c.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/316436/original/file-20200220-92507-3ln92c.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/316436/original/file-20200220-92507-3ln92c.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/316436/original/file-20200220-92507-3ln92c.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/316436/original/file-20200220-92507-3ln92c.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/316436/original/file-20200220-92507-3ln92c.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une espèce-relique : un nautile (<em>Nautilus pompilius</em>), au Vanuatu.</span>
<span class="attribution"><span class="source">F. Ducarme</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Les paléontologues découpent l’histoire de la vie en trois « ères », composées respectivement de six, trois et deux « périodes » et séparées par des crises d’extinction massives. Ces trois ères sont relativement faciles à connaître même pour un non-spécialiste : pour schématiser, le Paléozoïque (500–250 Ma) va de l’apparition des invertébrés à celle des reptiles, c’est l’âge des bêtes cuirassées et de la conquête progressive de la terre ferme ; le Mésozoïque (250–65 Ma) va de l’apparition des dinosaures à leur extinction, c’est un âge dominé par des bêtes à écailles ; enfin le Cénozoïque (65 Ma–aujourd’hui) va de l’extinction des dinosaures à nos jours, dominé par des bêtes à poils et à plumes.</p>
<p>Tient-on donc là nos « espèces préhistoriques » – pardon, nos « fossiles vivants », espèces paléozoïques ? Pas si sûr : ce n’est pas parce qu’un groupe est ancien que les espèces qui le composent aujourd’hui le sont aussi. Si nos cœlacanthes actuels, les deux espèces du genre <em>Latimeria</em>, dans la famille des Latimeridés (apparue à la fin du Crétacé, dernière période du Mésozoïque), appartiennent bien à l’ordre des cœlacanthes dont l’origine remonte au Paléozoïque, ils ont cependant des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23382020">différences notables</a> avec les espèces anciennes, et d’ailleurs on n’en connaît aucun fossile : il s’agit manifestement d’espèces récentes, quoique issues de ce groupe ancien. </p>
<p>Les cœlacanthes actuels ne sont pas du tout les mêmes que ceux du temps des dinosaures : la plupart étaient d’ailleurs des espèces de faible profondeur, alors que les deux espèces actuelles vivent dans les abysses. Il en va exactement de même pour les nautiles et limules actuels, qui sont en fait génétiquement aussi proches de leurs ancêtres fossiles que nos pigeons des dinosaures volants comme l’<em>Archopteryx</em>. Il ne s’agit donc pas, comme on l’entend parfois, d’« espèces panchroniques » qui auraient miraculeusement traversé les âges sans changer, mais simplement d’espèces-reliques, descendantes des rares survivants de ces groupes anciennement très diversifiés et dont il ne demeure plus que ces ruines vivantes dans une poignée d’endroits reculés – et encore, pour que la métaphore soit exacte ces ruines devraient être celles de bâtiments grecs remaniés à l’époque romaine, puis réhabilités à la Renaissance et encore restaurés au XIX<sup>e</sup> siècle, conservant donc l’idée de l’original mais portant aussi les traces visibles des différents modes artistiques qui se sont succédé.</p>
<p>À côté de cette poignée d’espèces-reliques (ajoutons à la liste les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Brachiopoda">brachiopodes</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Sph%C3%A9nodon">sphénodons</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ceratodontimorpha">dipneustes</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Triopsidae">triops</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Glypheoidea">glyphéides</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Crinoidea">crinoïdes</a> et autres <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Monoplacophora">monoplacophores</a>…), remarquons tout de même qu’un certain nombre de groupes du Paléozoïque sont encore en pleine forme et nous sont tout à fait familiers, comme les étoiles de mer, les conifères ou encore les méduses : celles-ci sont probablement apparues dès le tout début de cette ère (voire avant, mais sans organes fossilisables, difficile d’être sûrs), et se portent aujourd’hui à merveille, grandes gagnantes des changements induits par les nuisances humaines ! Si de nouvelles espèces devaient apparaître pendant l’anthropocène, ce groupe constitue un candidat de choix – contrairement à leurs proches cousins les coraux, qui disparaissent à vue d’œil.</p>
<p>Ainsi, les modes dans l’évolution sont comme celles du prêt-à-porter : le vintage peut redevenir à la mode, et des branches entières du vivant ont su se faire discrètes pendant des millions d’années, attendant patiemment leur heure de gloire… C’est d’ailleurs le cas des mammifères pendant tout le Mésozoïque, à l’ombre des dinosaures. Parmi les ancêtres familiers, les éponges sont un groupe incroyablement ancien (remontant sans doute au précambrien, c’est-à-dire avant même le début du Paléozoïque), mais qui fait pourtant rarement la une des médias sensationnalistes – bien à tort, car un titre comme « ces créatures préhistoriques sans tête qui hantent votre salle de bain » générerait sans doute bon nombre de clics.</p>
<p>Toutes les espèces qui habitent actuellement notre planète sont donc des espèces d’apparition récente : aucune n’a fréquenté les dinosaures ni la faune des Mésozoïque et Paléozoïque, l’évolution n’épargnant personne. Si certains groupes ont peu changé morphologiquement, c’est généralement qu’ils sont bien adaptés à un environnement qui est lui aussi demeuré stable : tant qu’il y aura des rivières, il y aura des crocodiles. En outre, les grandes îles isolées comme celles du Pacifique, subissant moins l’invasion des nouvelles formes de vie, conservent plus facilement des groupes archaïques (marsupiaux, oiseaux géants, sphénodons…). Les abysses, milieu stable par excellence, constituent un refuge presque éternel pour les formes de vie qui parviennent à s’y adapter, et peuvent donc se payer le luxe de ne pas trop varier morphologiquement sur des millions d’années (même si la dérive génétique, donc l’évolution au sens biologique, poursuit son chemin, légèrement au ralenti).</p>
<h2>Et nous, dans tout ça ?</h2>
<p>L’espèce <em>Homo sapiens</em> est apparue il y a environ 300 000 ans, ce qui est extrêmement récent – quoique déjà très largement « préhistorique ». Notre genre, <em>Homo</em> (qui comportait à l’origine beaucoup d’autres espèces) est apparu en Afrique de l’est il y a environ 3 millions d’années, branche de la famille des hominidés (qui comporte aussi les autres « grands singes » comme le gorille et le chimpanzé), qui remonte à 17 millions d’années. Ceux-ci sont une famille de singes (simiiformes), groupe apparu en Asie cette fois-ci, il y a 47 millions d’années, issu de l’ordre des primates, qui émerge à la faveur de la disparition des dinosaures à la fin du Mésozoïque il y a 65 millions d’années. Ceux-ci sont une classe de mammifères, ces derniers étant apparus il y a 220 millions d’années, à partir du groupe encore reptilien des cynodontes, rival malheureux des dinosaures pendant le Mésozoïque. </p>
<p>Mais les reptiles eux-mêmes, apparaissant il y a 330 millions d’années à la fin du Paléozoïque, ne sont à l’origine qu’un groupe d’amphibiens s’affranchissant des eaux grâce à l’invention des œufs à poche amniotique. Amphibiens qui sont à la base un groupe de poissons à nageoires osseuses permettant d’évoluer hors de l’eau, ce qu’ils commencent à faire il y a 370 millions d’années. Ces poissons osseux, les « sarcoptérygiens » (dont les cœlacanthes), sont apparus vers le milieu du Paléozoïque, il y a 418 millions d’années, à partir des poissons à vertèbres, émergeant au tout début du Paléozoïque, il y a 540 millions d’années. Mais un poisson n’est en fait rien de plus qu’un ver pourvu d’une structure osseuse : les vers nous propulsent cette fois-ci à l’aube de la vie pluricellulaire, dès le précambrien, avant même le Paléozoïque, il y a plus de 600 millions d’années ! Vers, qui sont la forme élaborée des filozoaires, à l’origine unicellulaires, et dont l’apparition, du fait de l’absence de fossiles, se perd dans la brume des temps… </p>
<p>Chacun de nous est donc fondamentalement un singe, c’est-à-dire une sorte de gros rat arboricole, donc un reptile poilu à sang chaud, et par conséquent un amphibien à peau sèche, autrement dit un poisson à pattes, ce qu’on peut résumer à un ver pourvu d’appendices structurés, soit une grosse colonie de bactéries eucaryotes. De l’éponge à l’Homme, la différence est finalement assez superficielle, et c’est donc sans surprise que nous partageons <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20686567">70 % de notre ADN</a> avec ces animaux que nous traitons de « primitifs », mais qui vus au microscope exhibent une machinerie cellulaire remarquablement similaire à la nôtre. Nous sommes tous des créatures préhistoriques !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130613/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Ducarme ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des « animaux préhistoriques », comme des requins ou des poissons semblant arriver d’un autre âge, font parfois les gros titres. Pourtant, toutes les espèces connues sont « préhistoriques ».Frédéric Ducarme, Docteur en écologie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1275562019-12-01T19:30:44Z2019-12-01T19:30:44ZL’évolution : un principe universel<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/304098/original/file-20191127-112526-tjc7ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">chuttersnap eH ftJYhaTY unsplash</span> </figcaption></figure><p>De tout temps, des modifications ont été observées dans le milieu naturel. Pour <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Aristote">Aristote</a>, il s’agissait d’une caractéristique du monde sublunaire, c’est-à-dire du monde terrestre changeant et constamment soumis à la corruption et à l’altération. Mais cette particularité n’en était pas moins sérieusement limitée par l’idéologie du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fixisme">fixisme</a>, lequel, s’appuyant sur les textes sacrés, postulait en effet l’invariance absolue des espèces vivantes et du monde céleste, ou supralunaire – l’ensemble étant supposé immuable.</p>
<h2>Un dogme fixiste longtemps maintenu</h2>
<p>Il faudra attendre le tournant du XVIII<sup>e</sup> siècle, avec les essais de classification des invertébrés du naturaliste français <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean%E2%80%91Baptiste_de_Lamarck">Jean‑Baptiste de Lamarck</a> et sa théorie du transformisme, pour que surgissent les premiers doutes sur l’absolue invariabilité des espèces vivantes. Et le dogme fixiste du vivant ne sera finalement réfuté de manière irrémédiable qu’au siècle suivant, avec les travaux du naturaliste britannique <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Darwin">Charles Darwin</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304305/original/file-20191128-178062-ed1rmh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304305/original/file-20191128-178062-ed1rmh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=823&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304305/original/file-20191128-178062-ed1rmh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=823&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304305/original/file-20191128-178062-ed1rmh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=823&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304305/original/file-20191128-178062-ed1rmh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1034&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304305/original/file-20191128-178062-ed1rmh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1034&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304305/original/file-20191128-178062-ed1rmh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1034&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Charles Darwin en 1881.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Charles_Darwin_1880.jpg">Elliott et Fry</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Selon sa théorie, les espèces animales et végétales constituent une longue chaîne évolutive issue d’un ancêtre commun, aujourd’hui désigné sous l’acronyme <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dernier_anc%C3%AAtre_commun_universel">LUCA</a> (Last Universal Common Ancestor). Ces espèces se déduisent les unes des autres par des mécanismes de diversification évolutive. Des mécanismes de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Sp%C3%A9ciation">spéciation</a> dont Darwin et ses successeurs parvinrent à expliciter les termes, et qui ont mis un terme à l’idéologie fixiste pour le monde des espèces vivantes. Restait à se préoccuper du monde céleste. Et dans ce domaine, ce sont les résultats du physicien allemand/suisse/américain <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Albert_Einstein">Albert Einstein</a> qui ont été décisifs.</p>
<p>Par ses recherches, l’inventeur de la relativité générale a permis d’établir que l’univers est un objet physique qui, de ce fait, est régi par les lois des objets matériels, celles de la mécanique relativiste et de la physique quantique. Peu après, en observant le décalage de la lumière émise par des galaxies lointaines, et en prouvant qu’elles s’éloignaient les unes des autres, l’astronome américain <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Edwin_Hubble">Edwin Hubble</a> a confirmé en 1929 l’expansion de l’univers. L’univers semblait donc posséder une histoire et une origine. Ce que vint confirmer en 1965 la découverte du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fond_diffus_cosmologique">fond diffus cosmologique</a> par les physiciens américains Arno Penzias et Robert Woodrow Wilson. Découverte marquant la fin du fixisme du monde supralunaire et du dogme religieux de sa transcendance.</p>
<h2>Un vaste spectre temporel</h2>
<p><a href="https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=58852">Ensemble</a>, les travaux de Charles Darwin et d’Albert Einstein prouvent donc l’inexactitude du dogme fixiste aristotélicien. Les développements scientifiques ultérieurs, et les multiples techniques d’analyses, n’ont fait que confirmer le caractère évolutif des différents phénomènes naturels observables. La convergence de tous ces résultats conduit à supposer qu’il existerait un principe fondamental d’évolution de l’univers, inhérent au temps : le premier caractérise les transformations, le second les déplacements. Il s’agirait là d’une propriété générale de l’univers, s’appliquant à son ensemble comme à ses détails, et qui serait propre aux structures matérielles quelle qu’en soient les formes, inerte ou vivante.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304307/original/file-20191128-178135-1d7bjah.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304307/original/file-20191128-178135-1d7bjah.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1002&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304307/original/file-20191128-178135-1d7bjah.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1002&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304307/original/file-20191128-178135-1d7bjah.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1002&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304307/original/file-20191128-178135-1d7bjah.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1259&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304307/original/file-20191128-178135-1d7bjah.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1259&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304307/original/file-20191128-178135-1d7bjah.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1259&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Albert Einstein.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bundesarchiv_Bild_183-19000-1918,_Albert_Einstein.jpg">Bundesarchiv, Bild 183-19000-1918</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Les applications de ce principe étant multifactorielles, leurs mises en évidence concernent chacune des composantes des phénomènes étudiés, compte tenu de l’énormité du spectre temporel des effets possibles. Ainsi, des milliards d’années sont nécessaires pour des transformations galactiques ou géologiques. Et à l’opposé, certains phénomènes microscopiques sont quasi instantanés. Voilà pourquoi c’est d’abord le temps qui a retenu l’attention. Ce qui n’est pas sans conséquence.</p>
<h2>Une sélection devenue technologique</h2>
<p>Si l’homme ne peut pas agir directement sur les effets de ce principe fondamental d’évolution, il a néanmoins trouvé des moyens d’agir indirectement. À titre d’illustration, force est de constater que nous sommes parvenus à créer un monde que gouverne de plus en plus l’information à travers les ordinateurs, mais aussi la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cybern%C3%A9tique">cybernétique</a> et la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Robotique">robotique</a>, ou encore l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Intelligence_artificielle">intelligence artificielle</a> dont on annonce pour bientôt une puissance décuplée par la révolution de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Calculateur_quantique">ordinateur quantique</a>. Et dans un tout autre domaine, on notera que le considérable accroissement des performances et la diversification des moyens de transport vont de pair avec une contraction géographique de la planète, mais aussi avec l’acquisition d’une dimension spatiale aux potentialités imprévisibles.</p>
<p>Ces exemples, et d’autres, montrent qu’un nouveau type de sélection interfère avec le principe d’évolution. Devenue technologique, elle a changé de niveau, avec des conséquences multiples, tant économiques que sociologiques et politiques, c’est-à-dire culturelles. La somme de tous ces effets pourrait conduire à des transitions porteuses de mutations pour nos civilisations, aux impacts aussi incertains qu’imprévisibles – et pas nécessairement favorables aux développements futurs de sociétés devenues technologiquement hypertéliques. Car l’évolution, par essence, a nécessairement d’autres répercussions.</p>
<h2>Il ne peut y avoir d’évolution orientée</h2>
<p>Comme en attestent les travaux de Charles Darwin et de ses successeurs, l’évolution obéit à la fois au hasard et aux contingences. Ce fait est confirmé par la place qu’occupent les phénomènes quanto-relativistes tels que les nucléosynthèses stellaires ou les transformations corpusculaires et le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_du_chaos">chaos</a> non déterministe créateur de nouveauté (effet papillon) dans le fonctionnement de l’univers. Et il montre bien qu’il ne saurait y avoir d’évolution orientée. Or il en résulte qu’à long terme, le devenir de toute structure matérielle, qu’il s’agisse de l’univers matériel ou du monde vivant, ne peut pas être prédit : il nous faut renoncer à toute finalité, toute téléologie.</p>
<p>Notons encore que l’évolution, en tant que process us<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Thermodynamique">thermodynamique</a>, n’a aucun rapport avec la notion de progrès – lequel est un concept humain. Même si au XVIII<sup>e</sup> siècle, les philosophes des Lumières au premier chef desquels le philosophe, homme politique et éditeur français <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Nicolas_de_Condorcet">Nicolas de Condorcet</a>, ont malheureusement <a href="https://gallica.bnf.fr/essentiels/condorcet/esquisse-tableau-historique-progres-esprit-humain">confondu</a> les deux.</p>
<p>De fait, étant inhérent au temps, le principe d’évolution en définit le sens d’écoulement, et caractérise ainsi son irréversibilité – c’est-à-dire la création de désordre que mesure l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Entropie">entropie</a>, concept de base de la thermodynamique. Ainsi, il n’y aurait pas d’évolution sans irréversibilité. Or celle-ci modifie l’entropie, et des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Syst%C3%A8me_dissipatif">structures dissipatives</a>. D’où des déséquilibres thermodynamiques, qui sont à l’origine de processus d’auto-organisation : voilà pourquoi l’évolution de l’univers se traduit par une complexification croissante.</p>
<h2>Dans le désordre, un ordre s’accroissant</h2>
<p>La temporalisation effective de l’entropie étant liée à la dissipation d’énergie, il y a création d’information. Mais l’irréversibilité liée au principe d’évolution ne contraint pas le paradoxe de la vie : alors que, selon l’entropie, le désordre général ne fait que croître, le phénomène vivant, lui, accroît son ordre propre. Cet accroissement se fait cependant au prix d’une augmentation du désordre général, processus qui exige un échange de matière et d’énergie, mais aussi une hausse de la quantité d’information créée. In fine, comme l’ont montré au début du XX<sup>e</sup> siècle les mathématiciens <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Alfred_James_Lotka">Alfred James Lotka</a> et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Vito_Volterra">Vito Volterra</a>, le processus de sélection naturelle s’apparente à une conséquence des lois de la thermodynamique, et donc du principe d’évolution.</p>
<p>Au niveau terrestre, ce principe est consubstantiel à l’humanité, à travers son histoire. Mais ses effets dépendent de l’échelle temporelle considérée. Et il se trouve que sur le plan historique, ils ne sont pas indépendants des acquis et des savoirs d’une population concernée. On peut conclure que sans principe d’évolution, il n’y aurait pas d’irréversibilité, donc pas de vie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127556/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marceau Felden ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Mises bout à bout, les recherches de Charles Darwin et d’Albert Einstein ont mis un terme à un dogme vieux de deux mille ans : celui de l’invariance absolue des mondes vivant et céleste.Marceau Felden, Physicien, professeur honoraire de l’Université de Paris XI, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1254622019-10-20T19:40:34Z2019-10-20T19:40:34ZPourquoi les macaques japonais ont-ils le visage et les fesses rouges ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/297797/original/file-20191020-56198-g4tyz3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C5184%2C3437&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Femelle macaque japonais</span> <span class="attribution"><span class="source">Lucie Rigaill</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>La couleur rouge a de tout temps occupé une place particulière au sein des sociétés humaines. Associée à la puissance et à la richesse pendant l’Antiquité, elle revêt ensuite de multiples symboliques selon les époques, évoquant tour à tour le sang du Christ, l’amour, la beauté, mais aussi la violence ou l’immoralité…</p>
<p>De nos jours, dans l’inconscient collectif, la couleur rouge est souvent associée à la sexualité et à la « sexitude ». <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5444069/">Différentes études</a> ont en effet montré que le rouge augmentait l’attractivité sexuelle. Il semble que les hommes perçoivent les femmes vêtues ou ornementées de rouge comme sexuellement réceptives et attractives, la réceptivité sexuelle perçue étant potentiellement responsable du lien rouge-attraction. Mais qu’en est-il chez d’autres espèces, et notamment chez les primates non-humains ?</p>
<p>Les primates représentent le groupe de mammifères le plus coloré et les mâles et les femelles de nombreuses espèces développent une coloration rouge au niveau de différentes parties du corps telles que la face, la poitrine, l’aire ano-génitale ou les pattes arrière.</p>
<h2>Le rouge comme attracteur sexuel</h2>
<p>Il semblerait qu’une coloration rouge de la peau joue aussi un rôle dans l’attractivité sexuelle chez ces espèces. Jusqu’ici, la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4167843/pdf/nihms-627009.pdf">plupart des études</a> s’intéressant au lien entre couleur et attractivité se sont focalisées sur la couleur des mâles. Ces études montrent que les femelles sont plus attirées par les mâles les plus colorés, notamment chez le macaque rhésus.</p>
<p>La coloration de la peau chez les mâles a aussi été associée à d’autres caractéristiques individuelles telles que le <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/11300708">statut social</a> au sein du groupe, les mâles les plus dominants étant les plus colorés. Le développement et le maintien de ces ornements colorés s’expliquent par la théorie de la sélection sexuelle développée par Charles Darwin dès 1859 et qui prédit que la présence de certains caractères (parfois extravagants voire handicapants, avec l’exemple classique de la queue du paon) ou leur plus forte expression chez un seul des deux sexes s’explique par l’avantage que de tels caractères procurent dans l’accès aux partenaires sexuels.</p>
<p>Ainsi, la sélection sexuelle pourrait opérer à deux niveaux : entre les sexes, les mâles et les femelles choisissent le partenaire ayant les attributs les plus attirants (sélection intersexuelle) ; et au sein du même sexe, avec une compétition entre les individus de même sexe afin d’accéder au partenaire (sélection intrasexuelle).</p>
<p>La coloration des mâles primates peut avoir évolué par le biais de ces deux mécanismes de sélection, intra- et intersexuel. Mais qu’en est-il chez les femelles primates ? L’expression de ces ornements pourrait avoir été maintenue au cours de l’évolution car ceux-ci conféreraient un avantage reproductif aux femelles « porteuses » qui seraient plus attirantes pour les mâles. La plupart des études sur les traits colorés chez les femelles primates (p. ex. mandrills, babouins) s’est focalisée sur la couleur du gonflement des parties génitales et a cherché à comprendre si ce signal facilement visible pouvait indiquer de façon fiable si les femelles étaient fécondes.</p>
<h2>Un indicateur du moment d’ovulation</h2>
<p>Dans notre étude chez le macaque japonais, nous avons analysé le rôle d’un autre trait coloré, la couleur de la face et de l’arrière-train, afin de comprendre si les variations de couleur de ces ornements pouvaient indiquer de façon fiable le moment de l’ovulation et/ou les caractéristiques individuelles, telles que le rang social ou la parité (nombre de gestations).</p>
<p>Dans cette espèce qui ne présente pas de gonflement sexuel chez l’adulte (point commun avec l’espèce humaine – fort heureusement pour nous !), les deux sexes arborent une coloration rouge de la face et de l’arrière-train avec un pic de coloration au moment de la saison de reproduction.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/297798/original/file-20191020-56234-120anrq.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/297798/original/file-20191020-56234-120anrq.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/297798/original/file-20191020-56234-120anrq.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/297798/original/file-20191020-56234-120anrq.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/297798/original/file-20191020-56234-120anrq.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/297798/original/file-20191020-56234-120anrq.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/297798/original/file-20191020-56234-120anrq.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une femelle macaque japonais avec une magnifique face colorée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Lucie Rigaill</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>En combinant des observations comportementales, des analyses photographiques et des données hormonales, notre étude chez 12 femelles macaques japonais montre que cette coloration liée aux changements de concentration des hormones sexuelles ne fournit pas d’indication fiable du timing exact de l’ovulation : les femelles ne sont pas plus rouges ou plus foncées au niveau de la face et de l’arrière-train lorsqu’elles ovulent. De ce fait, les mâles macaques japonais ne peuvent pas savoir à coup sûr à quel moment les femelles sont potentiellement fécondes en utilisant ce trait (ou d’autres traits tels que le comportement des femelles ou leurs vocalisations qui ne sont pas non plus des indicateurs fiables du moment de l’ovulation, comme nous l’avons montré dans une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1002/ajp.20717">précédente étude</a>.</p>
<p>Ceci est différent de ce qui se passe dans d’autres espèces de primates, notamment le <a href="https://www.researchgate.net/publication/225660289_Sexual_Skin_Color_Contains_Information_About_the_Timing_of_the_Fertile_Phase_in_Free-ranging_Macaca_mulatta">macaque rhésus</a>, chez qui la couleur de la face (mais pas de l’arrière-train) semble fournir une indication fiable du bon moment pour copuler. Les femelles macaques japonais semblent donc « cacher » ou ne pas afficher clairement leur ovulation, au moins au travers de la coloration de leur face ou de leur arrière-train. Ainsi, les femelles en ovulation ne sont pas monopolisées par un mâle et peuvent choisir plus librement leur partenaire sexuel, voire copuler avec plusieurs partenaires différents. Si la couleur de la peau ne semble pas être un indicateur du moment de l’ovulation dans cette espèce, quels sont les indices que pourraient utiliser les mâles pour savoir s’ils ont une chance de se reproduire et quelle est la fonction de cet indice visuel ?</p>
<h2>Une indication de statut social</h2>
<p>Pour répondre à la première question, même si la coloration de la peau n’indique pas précisément le moment de l’ovulation, l’arrière-train des femelles devient plus clair après l’ovulation qu’avant l’ovulation. Ce trait visuel semble donc être un indicateur grossier de la fenêtre pendant laquelle il pourrait être bon d’investir du temps et de l’énergie à copuler avec une femelle qui pourrait potentiellement ovuler. Ces résultats sont cohérents avec ceux obtenus lors d’une <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0135127">précédente étude</a> montrant que la face des femelles devient plus foncée pendant le premier mois de gestation vs le mois avant la conception, suggérant que les femelles pourraient signaler leur gestation via ce changement de coloration que les mâles pourraient utiliser pour ne pas perdre d’énergie à copuler « inutilement » (sans aucune chance que cela aboutisse à une conception) avec des femelles gestantes. C’est d’ailleurs ce qu’ils semblent faire, puisque les mâles de la population sauvage (Koshima) que nous avons suivie ne copulent pas avec des femelles déjà gestantes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/297799/original/file-20191020-56211-1sgaf9v.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/297799/original/file-20191020-56211-1sgaf9v.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/297799/original/file-20191020-56211-1sgaf9v.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/297799/original/file-20191020-56211-1sgaf9v.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/297799/original/file-20191020-56211-1sgaf9v.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/297799/original/file-20191020-56211-1sgaf9v.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/297799/original/file-20191020-56211-1sgaf9v.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une petite sieste au soleil…</span>
<span class="attribution"><span class="source">Lucie Rigaill</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>En ce qui concerne la deuxième question – quelle est la fonction de la coloration rouge de la face et de l’arrière-train ? – notre étude montre qu’il existe une relation entre la couleur de la peau et le statut social : les femelles de haut statut social ont des arrières trains plus foncés et qui tendent aussi à être plus rouges.</p>
<p>C’est la première fois que cette relation est établie chez des femelles primates, car jusqu’ici celle-ci avait été uniquement mise en évidence chez les mâles. Cette relation couleur-rang social pourrait être particulièrement intéressante pour les mâles venant d’intégrer un nouveau groupe ou pour les mâles périphériques au groupe (les copulations extragroupe ne sont pas rares chez les primates non-humains, et notamment chez les macaques japonais). En effet, contrairement aux mâles résidents qui bénéficient d’un savoir concernant le rang social ou l’histoire reproductive (le nombre de naissances par femelle) des femelles de leur groupe et n’ont donc pas nécessairement besoin d’un signal visuel supplémentaire pour confirmer ce savoir, les mâles « naïfs » pourraient utiliser la coloration de la peau des femelles pour décider avec quelles femelles copuler : les femelles dominantes qui ont le plus de chances de concevoir.</p>
<p>À l’issue de ces recherches, certaines questions restent encore en suspens : les mâles préfèrent-ils les femelles plus rouges ou plus foncées dans cette espèce ? Est-ce plutôt la combinaison de plusieurs indices (comportements, odeurs, cris de copulation, couleur de la face et de l’arrière-train) qui permet aux mâles macaques japonais de décider à quel moment copuler avec telle ou telle femelle ? La communication sexuelle de cette espèce n’a pas encore livré tous ses secrets…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/125462/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cécile Garcia a reçu des financements du CNRS. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Lucie Rigaill ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La coloration chez les femelles primates jouerait un rôle dans l’attractivité sexuelle, cette nouvelle étude se focalise sur les femelles macaques japonais.Cécile Garcia, Chargée de Recherche - CNRS, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Lucie Rigaill, Professeure-assistante, Kyoto UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1124512019-03-21T23:05:23Z2019-03-21T23:05:23ZPourquoi les zèbres ont-ils des rayures ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/265149/original/file-20190321-93039-vd9uy9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C0%2C4498%2C2994&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Câlin rayé.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/ok132B5jh4k">Tobias Mrzyk / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les zèbres sont connus pour leur robe contrastée, rayée de blanc et de noir, mais jusqu’à très récemment personne ne savait vraiment à quoi servait cet inhabituel pelage. De grands biologistes de l’ère victorienne, comme Charles Darwin et Alfred Russel Wallace, ont participé à ce débat vieux de près de 150 ans.</p>
<p>Toutes sortes de théories ont été avancées, mais les scientifiques ne se penchent sérieusement sur la question que depuis quelques années. On peut regrouper les différentes hypothèses en quatre catégories : la robe à rayures des zèbres leur permettrait d’échapper aux prédateurs, elle jouerait un rôle dans leurs interactions sociales, elle favoriserait leur régulation thermique ou elle les protégerait des piqûres d’insectes.</p>
<p>Toutes ont été réfutées, sauf une. <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0210831">Nos récentes découvertes</a> permettent aujourd’hui d’en savoir un peu plus.</p>
<h2>Quelles étaient les hypothèses ?</h2>
<p>Leur permettraient-elles d’éviter de finir dans l’estomac d’un prédateur ? Cette hypothèse soulève un grand nombre de problèmes. Des observations sur le terrain ont démontré que l’œil humain repère sans peine les zèbres parmi les arbres ou au milieu d’une prairie, même sans beaucoup de lumière : <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/Z/bo24838630.html">ils sont loin d’être camouflés</a>. De plus, en cas de danger, la fuite des équidés ne semble pas tirer profit de l’effet perturbant de leurs rayures, <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/Z/bo24838630.html">ce qui invalide l’hypothèse</a> de la confusion créée chez le prédateur.</p>
<p>Rappelons aussi que les lions et les hyènes tachetées ont une vue bien plus mauvaise que la nôtre : les carnivores ne distinguent les zébrures de leurs proies que de près, lorsqu’ils ont sans aucun doute déjà entendu ou flairé leur proie. Il paraît donc peu probable que les rayures des zèbres leur procurent un <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0145679">quelconque avantage contre les prédateurs</a>.</p>
<p>D’autant que les <a href="https://doi.org/10.1017/S0952836905007508">zèbres sont les proies de prédilection des lions</a>. D’après une étude menée à l’échelle du continent africain, les félins en tuent plus que nécessaire par rapport aux besoins de leur population. On peut en conclure que les zébrures offrent une bien piètre protection contre ces grands carnivores.</p>
<p>Quid de l’idée selon laquelle la robe des zèbres favoriserait les interactions sociales au sein du troupeau ? Chaque individu arbore des motifs uniques. Les zébrures serviraient-elles d’identification ? Cela semble hautement improbable, compte tenu du fait que les chevaux domestiques à la robe unie identifient leurs congénères <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.0809127105">par la vue et l’ouïe</a>. De plus, la toilette mutuelle, une pratique permettant de créer du lien social au sein du groupe, n’est pas moins fréquente chez les spécimens zébrés que chez les autres espèces d’équidés. En outre, les rares individus à naître sans zébrures, <a href="https://doi.org/10.1111/aje.12463">loin d’être ostracisés</a>, vivent et se reproduisent normalement.</p>
<p>Serait-ce un moyen de se protéger du cuisant soleil africain ? Partant du principe que les rayures noires absorbent les radiations et que les blanches les renvoient, d’aucuns ont avancé que les zébrures généreraient des courants de convection le long de l’échine de l’animal, et participeraient ainsi à réduire sa température corporelle.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/259773/original/file-20190219-43255-pia2ut.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/259773/original/file-20190219-43255-pia2ut.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/259773/original/file-20190219-43255-pia2ut.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=325&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/259773/original/file-20190219-43255-pia2ut.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=325&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/259773/original/file-20190219-43255-pia2ut.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=325&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/259773/original/file-20190219-43255-pia2ut.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=409&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/259773/original/file-20190219-43255-pia2ut.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=409&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/259773/original/file-20190219-43255-pia2ut.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=409&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des expériences sur le terrain visent à déterminer si des motifs de couleurs variées influent sur la température de barils remplis d’eau.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://doi.org/10.1038/s41598-018-27637-1">Gábor Horváth/Scientific Reports</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Là encore, l’hypothèse paraît improbable : des expériences consistant à recouvrir de larges barils d’eau de fourrures rayées ou unies (naturelles ou peintes) n’ont montré <a href="https://doi.org/10.1038/s41598-018-27637-1">aucune variation de la température de l’eau</a>. De plus, d’après les mesures thermographiques à distance réalisées sur des zèbres, des impalas, des buffles et des girafes sauvages, les zèbres ne présentent pas une température corporelle moins élevée que celles des autres espèces vivant dans le même environnement.</p>
<p>La dernière hypothèse émise sur les zébrures semble sans doute ridicule au premier abord : les rayures empêcheraient les insectes piqueurs de prélever leur ration de sang. Pourtant, elle compte de nombreux partisans.</p>
<p>Des expériences remontant aux années 1980, <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/Z/bo24838630.html">récemment confirmées</a>, ont démontré que les mouches Tsé-tsé et les taons ne se posent pas sur les surfaces zébrées.</p>
<p>Des données récoltées à l’échelle du territoire géographique de sept espèces d’équidés viennent étayer cette théorie. Certaines de ces espèces ont une robe à rayures (zèbres), d’autres, une robe unie (onagres) ou partiellement zébrée (ânes sauvages d’Afrique). Après comparaison entre les espèces et sous-espèces, il apparaît que la densité des rayures est corrélée à l’intensité des nuisances causées par les insectes en Afrique et en Asie. Autrement dit, les équidés sauvages présents dans les zones à forte densité d’insectes piqueurs sur de longues périodes de l’année arborent généralement une robe rayée.</p>
<p>Selon cette théorie, les équidés africains auraient développé des rayures afin de se protéger des insectes piqueurs porteurs de maladies telles que la trypanosomiase, la peste et la fièvre équines, toutes potentiellement fatales. Avec leurs poils ras, les zèbres seraient d’ailleurs particulièrement vulnérables aux piqûres. En supposant que les motifs contrastés protègent des insectes et des maladies mortelles qu’ils transmettent, développer un pelage à zébrures représenterait un avantage considérable, transmis au fil des générations.</p>
<h2>Testons l’hypothèse de la zébrure anti-insectes</h2>
<p>Comment les zébrures influent-elles sur le comportement des insectes piqueurs ? <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0210831">Nous avons entrepris de vérifier cette hypothèse</a> sur les pensionnaires d’une écurie du Somerset (Royaume-Uni), où la population de taons augmente en été.</p>
<p>Nous avons eu la chance de travailler avec Terri Hill, la propriétaire de ces écuries, qui nous a permis d’approcher ses chevaux et ses zèbres des plaines domestiqués, et ainsi d’observer la façon dont les insectes évoluent autour des animaux. Nous avons filmé leur comportement à proximité des équidés, équipés de couvertures de différentes couleurs.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/259739/original/file-20190219-43284-pjvkgx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/259739/original/file-20190219-43284-pjvkgx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/259739/original/file-20190219-43284-pjvkgx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=216&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/259739/original/file-20190219-43284-pjvkgx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=216&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/259739/original/file-20190219-43284-pjvkgx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=216&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/259739/original/file-20190219-43284-pjvkgx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=271&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/259739/original/file-20190219-43284-pjvkgx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=271&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/259739/original/file-20190219-43284-pjvkgx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=271&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les insectes se posent et harcèlent beaucoup plus les chevaux à robe unie que les zèbres.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Martin How</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il est important de rappeler que les insectes voient vraiment moins bien que les humains. Nous avons remarqué que si les insectes, sans doute attirés par l’odeur, approchaient autant les zèbres que les chevaux, ils se posaient en revanche beaucoup moins sur les zèbres. Du côté des chevaux, mouches et taons restaient en vol stationnaire et leur tournaient autour avant de se poser à de multiples reprises. À proximité des zèbres, ils filaient par contre sans s’arrêter ou ne se posaient qu’une fois, puis reprenaient leur envol.</p>
<p>Des analyses image par image ont révélé que les insectes ralentissaient à l’approche du pelage noir ou baie des chevaux avant de contrôler leur atterrissage. En revanche, ils ne parviennent pas à maîtriser leur décélération à l’approche des zèbres. Ils poursuivent leur trajectoire ou heurtent de plein fouet l’animal sur lequel ils rebondissent.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/259746/original/file-20190219-43291-1u27ygw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/259746/original/file-20190219-43291-1u27ygw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/259746/original/file-20190219-43291-1u27ygw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/259746/original/file-20190219-43291-1u27ygw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/259746/original/file-20190219-43291-1u27ygw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/259746/original/file-20190219-43291-1u27ygw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/259746/original/file-20190219-43291-1u27ygw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/259746/original/file-20190219-43291-1u27ygw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Équiper les chevaux à robe unie de couvertures à rayures a permis de réduire les assauts des mouches au niveau des zones protégées.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Tim Caro</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Nous avons tour à tour équipé le même cheval de couvertures noire, blanche puis rayée afin d’observer les différences comportementales ou olfactives de l’animal. Là encore, les insectes évitaient de se poser sur les rayures. Mais nous n’avons constaté aucune variation dans les cadences d’atterrissage sur la tête dénudée du cheval, ce qui prouve que les zébrures exercent un effet de près, mais n’empêchent pas les insectes d’approcher.</p>
<p>Cela montre aussi l’efficacité des couvertures rayées pour chevaux, actuellement vendues par deux entreprises.</p>
<p><iframe id="BBgEP" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/BBgEP/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Par conséquent, puisque nous savons à présent que les zébrures influent sur le comportement des taons à proximité à l’animal, et non à distance, que pouvons-nous observer à quelques centimètres de l’hôte ? D’une part, les rayures créeraient une illusion d’optique qui perturberait la perception du mouvement de l’insecte à l’approche du zèbre, l’empêchant ainsi de se poser normalement. D’autre part, on peut aussi avancer que les insectes ne distinguent pas le zèbre comme une entité solide mais plutôt comme une série de fins objets noirs. Ce n’est qu’au tout dernier moment qu’ils visualisent la collision imminente et changent de trajectoire. Ces deux hypothèses sont actuellement à l’étude.</p>
<p>Ces recherches fondamentales sur le comportement des insectes n’expliquent pas seulement pourquoi les zèbres arborent ces magnifiques robes à rayures : elles soulignent également les applications concrètes dont pourrait bénéficier l’industrie équestre afin d’améliorer le bien-être du cheval comme du cavalier.</p>
<hr>
<p><em>Traduit de l’anglais par Mathilde Montier pour <a href="http://www.fastforword.fr">Fast for Word</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/112451/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Nous venons de prouver que les rayures agissent comme un répulsif naturel à insectes.Tim Caro, Professor of Wildlife, Fish & Conservation Ecology, University of California, DavisMartin How, Research Fellow in Biological Sciences, University of BristolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1100422019-01-17T20:29:25Z2019-01-17T20:29:25ZQu’est-ce qui fait qu’un arbre est un arbre ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/254321/original/file-20190117-32831-48qunm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les arbres sont capables de vivre des siècles. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/wsHwYxu-rkc">Kai Dorner/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p><em>Nous publions ici un extrait de l’ouvrage de Francis Martin, <a href="https://www.belin-editeur.com/sous-la-foret#anchor1">« Sous la forêt. Pour survivre il faut des alliés »</a> qui vient de paraître aux éditions Humensciences. À la tête du <a href="http://mycor.nancy.inra.fr/ARBRE/">laboratoire d’excellence « Arbre »</a> (INRA Nancy), Francis Martin a notamment découvert comment les arbres et les champignons communiquent entre eux. Il revient dans le texte ci-dessous sur la façon dont notre perception des arbres et des plantes a évolué au gré des découvertes scientifiques</em>.</p>
<hr>
<p>On me pose souvent la question : qu’est-ce qui fait qu’un arbre est un arbre ? La réponse n’est pas aussi simple qu’elle paraît.</p>
<p>L’étude de la quarantaine de génomes d’arbres séquencés n’a pas mis en évidence de caractéristiques génétiques uniques à ces organismes. Aucun des gènes constituant leur patrimoine génétique ne peut rendre compte de leurs propriétés biologiques
si particulières.</p>
<p>Je pourrais bien entendu argumenter et vous affirmer que les arbres sont capables de vivre des siècles, qu’ils fabriquent du bois et qu’ils peuvent atteindre de grandes tailles. Les arbres sont apparus dans de nombreuses lignées de plantes et ils se distinguent des autres plantes essentiellement par leur pérennité, leur incroyable capacité à traverser les siècles. Nous avons tous à l’esprit les magnifiques séquoias ou les peupliers trembles millénaires.</p>
<p>Un enfant vous dirait qu’un arbre est un arbre car il fabrique du bois. C’est juste. Les « vrais arbres » fabriquent l’écorce et le bois grâce à une couche de cellules particulières, le cambium. Année après année, les cellules souches qui constituent cette fine structure génèrent les cellules du bois dont les parois sont formées des microfibres entremêlées de cellulose et de lignine. Ces cellules meurent rapidement, se vident et leurs parois rigides forment les cernes du bois qui s’accumulent au cœur de l’arbre. Fabriquer du bois n’est cependant pas l’apanage des arbres ; des herbes comme les lavandes et les sauges accumulent du bois dans leur tige.</p>
<p>Quid des « faux arbres » ? Palmiers et bananiers ressemblent fort à des arbres ; en tout cas, ils en ont le port majestueux, mais ce sont des herbes géantes. Ils n’ont pas de tronc, mais une tige remplie de moelle ou de longues fibres (le stipe), et leurs palmes remplacent les branches.</p>
<p>Une certitude, être un arbre donne un avantage considérable sur les plantes herbacées cantonnées au ras du sol : dominer et être plus proche du soleil pour en capter la lumière.</p>
<h2>L’héritage de Darwin</h2>
<p>Depuis Aristote, les arbres, comme les autres plantes, sont perçus comme des organismes vivants, mais passifs, juste capables de croître, de respirer et de se nourrir. Le philosophe grec leur a attribué une « âme végétative », inférieure à l’« âme sensitive » des animaux et bien loin de l’« âme intellective » de l’homme.</p>
<p>Cette vision anthropocentrique du monde a été relayée au cours des siècles par les philosophes et les théologiens occidentaux. Il aura fallu attendre les travaux initiés par le naturaliste paléontologue anglais Charles Darwin (1809-1882) et son fils Francis (1848-1925) pour que cette vision du monde végétal évolue sensiblement.</p>
<p>Les savants anglais ont alors démontré que les plantes possédaient des capacités sensorielles leur permettant de percevoir le monde qui les entoure et d’interagir avec cet environnement. Elles réagissent aux perturbations extérieures afin de s’y adapter et de pallier ainsi leur immobilité forcée.</p>
<p>Au cours de l’année 1880, les Darwin publient <em>The Power of Movement in Plants</em> (<em>La Capacité de mouvement des plantes</em>). Leurs expériences montrent par exemple que le coléoptile (cet organe formant une gaine protectrice autour des pousses émergentes de graminées) est capable de se diriger vers une source de lumière.</p>
<p>Cette capacité à s’orienter en fonction de la source de la lumière, appelée phototropisme, n’est que l’un des nombreux mécanismes inventés par les plantes pour sentir et communiquer avec l’environnement, mais aussi avec les autres êtres vivants.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/254327/original/file-20190117-32831-16esjga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/254327/original/file-20190117-32831-16esjga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=290&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/254327/original/file-20190117-32831-16esjga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=290&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/254327/original/file-20190117-32831-16esjga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=290&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/254327/original/file-20190117-32831-16esjga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=365&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/254327/original/file-20190117-32831-16esjga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=365&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/254327/original/file-20190117-32831-16esjga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=365&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Jeunes pousses tendues vers la source lumineuse.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/young-sprout-turns-towards-light-31179769">Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Des recherches ultérieures ont confirmé que les plantes perçoivent leur environnement et s’y adaptent par leurs mouvements : elles redressent leur tige inclinée par le vent, s’éloignent de leurs voisines, se dirigent vers la lumière.</p>
<p>Comme les animaux, elles possèdent donc plusieurs sens (vision, odorat, toucher), qui ont la particularité d’être répartis sur toute la surface de leur corps, et non pas localisés dans des organes spécialisés comme chez les animaux. Au niveau moléculaire, les récepteurs et les cascades de signaux déclenchés par la perception de ces stimuli extérieurs sont fondamentalement identiques chez les animaux, les plantes et les mycètes.</p>
<p>Les plantes sont également capables d’émettre des signaux de stress ou de satiété, et de tisser des liens avec les champignons et bactéries symbiotiques du sol. Elles sont donc douées de sensibilité, c’est-à-dire capables de ressentir les modifications du milieu et d’y réagir. En biologie, cette propriété se définit
comme étant la capacité pour un « récepteur » (en fait un organisme, une cellule ou une molécule) à recevoir des stimulations d’origine physique ou biologique, et à y répondre en mobilisant l’énergie de leur métabolisme.</p>
<h2>Les plantes, êtres sensibles</h2>
<p>Au cours des dernières années, notre vision des plantes a considérablement évolué et de nombreuses recherches sont désormais consacrées à la sensibilité des plantes. Comment sont-elles capables de percevoir les multiples signaux extérieurs qui les bombardent ? Comment ces signaux sont-ils captés et interprétés (« transduits », dit-on) par les voies de signalisation moléculaire ? Comment cellules, tissus et plantes répondent-ils à ces signaux environnementaux ? Comment s’y adaptent-ils ?</p>
<p>Les plantes sont donc des êtres sensibles : elles communiquent, elles échangent des signaux chimiques. Pour autant, sont-elles douées d’intelligence ? Si l’on considère l’intelligence telle qu’elle est définie dans le Larousse, comme une « aptitude à s’adapter à une situation, à choisir des moyens d’action en fonction des circonstances », alors les plantes sont douées d’intelligence, comme tous les organismes vivants, bactéries ou vers de terre, qui eux aussi sont sensibles
et s’adaptent. Cette intelligence est toutefois bien éloignée de l’intelligence cognitive humaine. Pourtant, des auteurs n’hésitent plus à parler de « l’intelligence des plantes ». Le livre de l’ingénieur forestier allemand Peter Wohlleben, <em>La Vie secrète des arbres</em>, a d’ailleurs fait l’objet d’une vive polémique lors de sa sortie en Allemagne et en France.</p>
<p>Avec un discours excessivement anthropomorphique, ce forestier, amoureux des forêts, y développe l’idée que les arbres communiquent entre eux par le biais de signaux chimiques et à travers leurs racines et les réseaux de filaments mycéliens des champignons symbiotiques qui les connectent. Ces réseaux souterrains serviraient de lien solidaire pour nourrir les arbres voisins malades ou les « arbres enfants », poussant dans l’ombre de leurs parents. Les racines auraient même la capacité de transmettre des messages d’alerte en cas de danger, par exemple lors d’une attaque de chenilles.</p>
<p>Face à une agression, « les informations sont transmises (à la communauté) chimiquement, mais aussi, ce qui est plus surprenant, électriquement, à la vitesse d’un centimètre par seconde ». Ainsi alertés, les arbres pourraient organiser leur protection contre les parasites, les insectes ravageurs, ou même le gibier, en déclenchant la libération de composés volatiles d’alerte par les feuilles et leurs champignons mycorhiziens. Le lecteur est ainsi encouragé à revoir ses convictions.</p>
<p>Les arbres, ainsi que les autres plantes, seraient doués de sentiments humains : amour maternel, amitié, solidarité. Leur âme ne serait pas seulement « végétative » et désormais « sensitive », mais même « intellective ». Comme dans <em>Avatar</em>, le film de science-fiction de James Cameron, les plantes pourraient bien former un immense ensemble de réseaux intelligents irriguant notre biosphère.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/254325/original/file-20190117-32837-1cz7hgf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/254325/original/file-20190117-32837-1cz7hgf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=870&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/254325/original/file-20190117-32837-1cz7hgf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=870&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/254325/original/file-20190117-32837-1cz7hgf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=870&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/254325/original/file-20190117-32837-1cz7hgf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1094&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/254325/original/file-20190117-32837-1cz7hgf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1094&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/254325/original/file-20190117-32837-1cz7hgf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1094&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>Le succès du livre de Peter Wohlleben s’explique en partie par la capacité de l’auteur à partager sa passion pour les arbres, avec un vrai sens de la pédagogie. Je crois qu’il entre en résonance avec les préoccupations environnementales qui animent aujourd’hui le public. Ce livre soulève de multiples questions pertinentes sur la biologie des arbres et le fonctionnement des forêts, mais les résultats scientifiques sont parfois mal compris et, au final, la vision de la forêt et de la communauté des organismes qu’elle héberge relève plus du conte philosophique que de la réalité. Néanmoins, je considère que c’est une bonne nouvelle qu’un livre décrivant la forêt et les arbres se vende aussi bien qu’un lauréat du prix Goncourt.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, les plantes ont un comportement bien plus sophistiqué qu’on ne l’a imaginé pendant des siècles. Elles sont capables, d’une part, de percevoir leurs voisines et, d’autre part, de se percevoir elles-mêmes dans l’espace et d’adapter leurs mouvements en conséquence. Elles peuvent donc sentir et communiquer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110042/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Francis Martin est l’auteur du livre « Sous la forêt. Pour survivre, il faut des alliés ». </span></em></p>Notre vision des plantes a considérablement évolué ces dernières années et de nombreuses recherches se consacrent désormais à l’étude de leur sensibilité.Francis Martin, Biologiste, mycologue, directeur scientifique du Labex « Arbre », InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1057802018-10-28T20:20:55Z2018-10-28T20:20:55ZBonne feuilles : Le poisson qui savait marcher<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/242535/original/file-20181026-7047-1vvw92k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1310%2C2244%2C1622&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Poisson chauve-souris
_Ogcocephalus darwini_.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Julie Terrazzoni/Editions Arthaud</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p><em>Nous publions ici un extrait de l’ouvrage : « Atlas de zoologie poétique », paru en 2018 aux éditions Arthaud. Les illustrations sont de Julie Terrazzoni.</em></p>
<hr>
<p>Après le lézard qui court sur l’eau, voici le poisson qui marche sous l’eau ! J’ai nommé… le diable de mer. Mais d’où sort cette curiosité aquatique ? </p>
<p>Cette espèce vit dans les eaux des Galápagos. Ses nageoires pectorales ressemblent, vues du dessus, aux ailes des chauves-souris. D’où son nom… Ce poisson possède une tête circulaire ou en forme de boîte. </p>
<p><em>Ogcocephalus darwini</em> est un animal remarquablement étrange, même au sein de sa famille, les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ogcocephalidae">ogcocephalidés</a>. Entre son corps aplati triangulaire recouvert de bosses et d’épines, son « rouge à lèvres », ses « quatre pattes », son « grand nez » et sa « petite trompe rétractile », on finit par se demander s’il ne s’agit pas d’un canular.</p>
<h2>Rouge aux lèvres</h2>
<p>Connu pour ses lèvres rouges presque fluorescentes qui améliorent probablement la reconnaissance des espèces pendant les périodes de reproduction, ce poisson n’est pas un excellent nageur. Il est plus efficace en « marchant » sur les fonds marins. </p>
<p>Comment fait-il ? Il déambule du bout de ses nageoires pectorales et pelviennes. Fortement développées sur le plan musculaire, elles lui donnent l’apparence de grandes jambes ! Elles possèdent même une sorte de coussinet charnu sur le bout des rayons. Nul besoin d’être sur la terre ferme pour marcher, ni d’avoir des pieds !</p>
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<figcaption><span class="caption">Ogcocephalus Darwini dans son milieu naturel.</span></figcaption>
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<p>Outre cette capacité locomotrice inattendue, ce poisson chauve-souris se paye également le luxe, pour chasser, d’utiliser son <em>illicium</em> (du latin illicere, « amorcer »). Qu’est-ce donc ? </p>
<p>Au-dessus de la tête du poisson chauve-souris se trouve une nageoire dorsale qui, à l’âge adulte, vient se projeter en forme d’épine sortant du sommet de la tête, lui donnant l’aspect d’un « nez proéminent », ou rostre. Ce poisson s’en sert comme moyen pour attirer des proies tels des petits poissons, des crustacés ou des mollusques. </p>
<h2>Canne à pêche secrète</h2>
<p>Mais il y a plus encore. Entre la base de ce rostre et la bouche, le plus souvent dans une cavité, se trouve un organe surprenant : un leurre rétractile ! Ou devrais-je dire une canne à pêche qui sécrète même parfois un liquide agissant comme un appât chimique.</p>
<p>Le poisson chauve-souris peut ainsi déployer et faire osciller son leurre pour appâter ses proies. Il semblerait même que son leurre lui serve à les détecter. Autant dire que le piège est redoutable. D’autant que ce poisson utilise d’autres stratégies pour chasser. Certains spécimens couvrent partiellement leurs corps de sable ou s’enterrent pour se camoufler. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/242538/original/file-20181026-7041-rzi1ob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/242538/original/file-20181026-7041-rzi1ob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=835&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/242538/original/file-20181026-7041-rzi1ob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=835&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/242538/original/file-20181026-7041-rzi1ob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=835&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/242538/original/file-20181026-7041-rzi1ob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1050&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/242538/original/file-20181026-7041-rzi1ob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1050&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/242538/original/file-20181026-7041-rzi1ob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1050&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"><em>Atlas de zoologie poétique</em>.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Editions Arthaud</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Magnifiques adaptations qui permettent à ce poisson de chasser à l’affût, posté sous le sable ou sur une roche, en attirant ses proies. Comme si ses lèvres éclatantes ne suffisaient pas à fasciner les alentours !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/105780/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuelle Pouydebat est l'auteure de l'ouvrage cité.</span></em></p>La zoologie rime avec poésie : partez à la rencontre de Ogcocephalus darwini, le poisson chauve-souris des Galapagos.Emmanuelle Pouydebat, Directrice de Recherche au CNRS et au Muséum National d'Histoire Naturelle (MECADEV - mécanismes adaptatifs et évolution), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1041222018-10-10T16:27:44Z2018-10-10T16:27:44ZDe Darwin à Einstein, la loi de l’évolution de la nature<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/239756/original/file-20181008-72113-1g8ejgx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C669%2C4587%2C3180&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Statue de Darwin, Shrewsbury Library. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/ell-r-brown/25192103899">Elliott Brown</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Non, Darwin n’a pas démontre que Dieu n’existe pas ! Non, Darwin n’a pas démontré que l’homme descend du singe !</p>
<p>En effet, et contrairement à ce que croient nombre de nos contemporains, Darwin a scientifiquement démontré que les textes historiques dits « sacrés », dont la Genèse, fondant les religions du Livre, ne racontent pas l’histoire rationnellement établie de la création de l’homme. Ses travaux montrent que l’espèce humaine actuelle (<em>Homo sapiens sapiens</em>) est l’aboutissement d’une extrêmement longue chaîne évolutive de la vie. Elle a pour origine un ancêtre commun à l’ensemble du vivant qui, par évolutions par buissons et mécanismes de filtrage, a conduit aux multiples espèces peuplant, ou ayant peuplé la planète.</p>
<p>Parmi celles-ci, est apparue la famille des hominidés qui regroupe différents genres. La <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Phylog%C3%A9nie">phylogénétique</a> montre que l’un d’eux, le genre Homo ayant abouti à l’homme, est distinct du genre des grands singes (hominoïdes). <em>Homo sapiens</em> et ces derniers sont donc distincts, leurs relations étant celles de cousinage comme le montre l’analyse génétique.</p>
<p>Les travaux d’Einstein vont exactement dans le même sens concernant l’origine du Monde matériel. Ils démontrent que le récit de la Genèse relatif à sa création est en contradiction totale avec les observations scientifiques actuelles. Celles-ci permettent l’élaboration rationnelle d’une histoire physique de l’Univers et expliquent sa possible origine avec l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Big_Bang">hypothèse du Big Bang</a> laquelle est de mieux en mieux confirmée par les observations spatiales les plus récentes. Parmi d’autres, l’une des conséquences de ces travaux, l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Exobiologie">exobiologie</a>, confirme les possibilités d’existence de formes de vies extraterrestres d’origine biochimique.</p>
<h2>Se libérer de la pensée magique</h2>
<p>C’est Darwin et Einstein qui ont véritablement sécularisé la connaissance rationnelle, la libérant de la pensée magique. Le premier, en situant le Sapiens dans la lignée animale, réfutant ainsi toutes les croyances ancestrale sur sa création. Le second, en faisant de l’Univers un objet physique à part entière, obéissant à des lois connaissables, possédant une histoire, ce qui rend caduque toute spéculation cosmogonique mythologique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/239757/original/file-20181008-72124-1sb5znr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/239757/original/file-20181008-72124-1sb5znr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/239757/original/file-20181008-72124-1sb5znr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/239757/original/file-20181008-72124-1sb5znr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/239757/original/file-20181008-72124-1sb5znr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/239757/original/file-20181008-72124-1sb5znr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/239757/original/file-20181008-72124-1sb5znr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Darwin et Einstein.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mario Roberto Duran Ortiz Mariordo</span></span>
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<p>Mais il y a plus. Tant les résultats des travaux de Darwin que ceux d’Einstein démontrent l’existence d’une loi universelle : celle de l’évolution de la Nature, qu’il s’agisse aussi bien de la Vie que de l’Univers. Loi fondamentale et générale totalement ignorée aussi bien des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fixisme">fixistes</a> créationnistes que des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9canique_newtonienne">mécanicistes newtoniens</a>. Propriété fondée sur le rôle du hasard et de la contingence tant dans les mécanismes mutationnels darwiniens que dans les transformations quanto-relativistes des constituants cosmiques. Avec pour conséquence capitale que cette évolution n’est pas, et ne peut pas être dirigée. C’est la négation de tout <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/T%C3%A9l%C3%A9ologie">téléologisme</a>, la fin de toute idée finaliste.</p>
<p>Darwin et Einstein ont réalisé un remarquable travail de synthèse des connaissances acquises au cours du temps par quelques-uns de leurs éminents prédécesseurs tels des naturalistes comme Buffon, von Linné, Lamarck, etc. ou des physiciens comme Maxwell, Lorentz, Poincaré, etc. dont les travaux avaient marqué des étapes. Pourtant, différence capitale, tous ces prédécesseurs, aussi géniaux eurent-ils été, sont restés prisonniers de leur référentiel intellectuel ancestral.</p>
<h2>La matière, un concept universel</h2>
<p>Dans leurs considérables développements, le monde vivant de Darwin et le cosmos d’Einstein présentent de remarquables points de convergence dont l’existence d’une loi d’ordre (la sélection naturelle ; la gravité). Ils ont des caractéristiques conceptuelles, méthodologiques, fonctionnelles et de structure qui les rapprochent et les complètent. Par exemple ils ont donné un sens universel au concept de matière dont les propriétés sont unifiées, que celle-ci soit vivante ou minérale.</p>
<p>Par exemple l’exobiologie, la planétologie et le génie génétique sont associés aux progrès des technologies de l’exploration spatiale. Par exemple les recherches sur la vie extraterrestre, ou l’existence d’autres formes de vie, posent des questions essentielles sur celle-ci. Questions qui concernent aussi bien le devenir de l’humanité que celui de la planète.</p>
<p>C’est à partir de leurs travaux que la biologie et la cosmologie ont acquis le statut de sciences rationnelles ouvrant ainsi des horizons insoupçonnés à la connaissance. D’autant que l’association de ces deux sciences pose deux questions parmi les plus complexes de la Nature : celle des origines de la vie et celle du devenir du Sapiens dans un Univers ou, peut-être, il n’est pas seul ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104122/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marceau Felden ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À partir des travaux de deux géants des sciences, la biologie et la cosmologie ont acquis le statut de sciences rationnelles, ouvrant ainsi des horizons insoupçonnés à la connaissance.Marceau Felden, Physicien, professeur honoraire de l’Université de Paris XI, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/837462017-09-26T22:01:03Z2017-09-26T22:01:03ZDescendons-nous du chimpanzé ? : la biologie évolutive et ses idées reçues<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/186196/original/file-20170915-13360-13r80pz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pipo, chimpanzé du Bioparco di Roma (parc zoologique situé à Rome), dispose d'un patrimoine génétique identique à 98.4 % à celui de l'Homme.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/luvi/2152597755/">luvi/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la Science 2018 dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a></em></p>
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<p>« Rien en biologie n’a de sens, si ce n’est à la lumière de l’évolution » <a href="http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosevol/decouv/articles/chap1/leguyader.html">disait</a> le biologiste Theodosius Dobjansky. Malgré l’importance qu’occupe l’évolution en sciences, celle-ci demeure l’une des théories scientifiques les plus incomprises.</p>
<p>Je vous propose de faire un petit tour de certaines idées reçues de l’évolution biologique. Mais d’abord, quelques définitions s’imposent. Qu’est-ce que l’<a href="https://planet-vie.ens.fr/content/qu-appelle-t-on-evolution">évolution</a> ?</p>
<p>En biologie, c’est le processus de transformation des espèces, qui se manifeste par le changement de leurs caractères génétiques dans la population au cours des générations. L’accumulation de ces changements peuvent aboutir, dans certains cas, à la formation de nouvelles espèces, augmentant ainsi la <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/biodiversite-presentation-et-enjeux">biodiversité</a>.</p>
<p>Ces variations apparaissant spontanément au cours des générations, et sont soumises à un processus de sélection naturelle, formulé par <a href="http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Charles_Darwin/115722">Charles Darwin</a> en 1859, dans son fameux ouvrage <a href="https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Origine_des_esp%C3%A8ces"><em>De l’origine des espèces</em></a>.</p>
<p>La <a href="http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosevol/decouv/articles/chap7/olivieri.html">sélection naturelle</a> est un tri naturel au sein de la population. Des organismes qui ont les caractéristiques leur permettant de mieux survivre dans leur milieu sont alors avantagés par rapport à leurs congénères. Ceux-ci réussissent à proliférer, transmettant ainsi leurs caractères génétiques à leur descendance. Cette sélection naturelle, répétée sur un grand nombre de générations, conduit peu à peu à l’apparition de nouvelles formes, mieux adaptées à leur milieu.</p>
<h2>Théorie de l’évolution</h2>
<p>En sciences, la notion de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie#Sciences">« théorie »</a> désigne un modèle grâce auquel un ensemble de données et de faits indépendants entre eux peuvent être reliés et interprétés dans une explication unitive.</p>
<p>La théorie prouve sa validité dans la mesure où elle est susceptible d’être vérifiée. Ainsi, vérifiée de manière expérimentale, ce qui la différencie d’une hypothèse, qui est une simple supposition appartenant au domaine du possible ou du probable.</p>
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<h2>Le chimpanzé est-il l’ancêtre de l’humain ?</h2>
<p>En réalité, ils descendent tous les deux d’un ancêtre commun, qui n’était ni un singe, ni un humain, et à partir duquel ils ont divergé, il y a environ 5 à 7 millions d’années. Chacune des deux lignées aboutissant à l’humain et au chimpanzé a suivi un chemin évolutif qui lui est propre, jusqu’à aboutir aux espèces actuelles.</p>
<p>Les génomes de l’humain et du chimpanzé sont constitués d’une suite de plus de 3 milliards de <a href="http://www.futura-sciences.com/sante/definitions/genetique-nucleotide-213/">bases nucléotidiques</a> (lettres A, C, G, T), dont presque 99 % <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2005/09/01/l-adn-du-chimpanze-revele-une-part-de-l-humain_684641_3244.html">sont identiques entre les deux espèces</a>. Il existe actuellement des grandes <a href="http://www.rcmp-grc.gc.ca/nddb-bndg/index-accueil-fra.htm">banques de données génétiques</a>, obtenues grâce au séquençage des génomes, qui fournissent des informations précieuses sur l’évolution des espèces.</p>
<h2>Peut-on observer l’évolution ?</h2>
<p>Il faut savoir que les temps de génération des espèces sont très longs, ce qui réduit nos chances, à l’échelle humaine, d’observer de grands changements évolutifs. Cependant, ceci n’est pas le cas pour tous les organismes vivants, notamment les bactéries, les champignons et les mouches.</p>
<p>Les chercheurs ont déjà pu observer des cas de sélection naturelle au laboratoire, notamment grâce à l’<a href="http://journals.plos.org/plosbiology/article?id=10.1371/journal.pbio.1002185">expérience lancée par Richard Lenski</a> en 1988, sur des populations de la <a href="https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/escherichia-coli">bactérie <em>Escherichia coli</em></a>.</p>
<p>Douze colonies, placées dans douze flacons contenant des milieux nutritifs riches en glucose se sont multipliées jusqu’à épuisement du glucose dans le milieu. Le lendemain, 1 % de ces populations sont transférées dans un nouveau flacon contenant le même milieu initial.</p>
<p>Tous les 75 jours, une partie des bactéries sont congelées, permettant ainsi de disposer d’échantillons « fossiles » tout au long de l’expérimentation. L’expérience continue encore aujourd’hui, ce qui constitue environ 60 000 générations bactériennes, l’équivalent de 1,5 million d’années pour l’humain !</p>
<p>Et qu’a-t-on pu observer <a href="https://www.podcastscience.fm/dossiers/2012/05/10/podcast-science-85-lexperience-de-lenski/">dans cette expérience</a> ? Toutes les populations amélioraient leur taux de croissance sans atteindre de plateau, c’est-à-dire elles continuaient à se reproduire plus vite que les générations précédentes.</p>
<p>Cela indique l’émergence de variantes plus performantes dans l’exploitation du glucose du milieu. Mais plus étonnant encore, de nouvelles propriétés vont apparaître au cours du temps. En effet, un peu après la génération 33 000, une des douze lignées (nommée Ara-3) a vu sa densité de population maximale exploser.</p>
<p>Si le glucose est la ressource limitant l’expansion des populations dans les flacons, il n’est pas le seul nutriment présent : le milieu contenait aussi du citrate. Normalement, <em>E. coli</em> est incapable de l’utiliser en présence d’oxygène. Mais la colonie Ara-3 a acquis l’aptitude d’absorber le citrate aussi bien que le glucose comme source nutritive !</p>
<p>En analysant les échantillons congelés qui ont précédé cette nouvelle lignée, les chercheurs ont pu montrer que cette capacité à utiliser le citrate comme source de carbone est due à l’accumulation de plusieurs mutations (changements accidentels dans la séquence de l’ADN).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/186177/original/file-20170915-8093-1dnlwrj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/186177/original/file-20170915-8093-1dnlwrj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/186177/original/file-20170915-8093-1dnlwrj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/186177/original/file-20170915-8093-1dnlwrj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/186177/original/file-20170915-8093-1dnlwrj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/186177/original/file-20170915-8093-1dnlwrj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/186177/original/file-20170915-8093-1dnlwrj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/186177/original/file-20170915-8093-1dnlwrj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le biologiste Richard Lenski (à gauche) et une infographie présentant les chiffres-clefs de son expérience.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www3.beacon-center.org/blog/2013/11/20/the-man-who-bottled-evolution/">IFL Science</a></span>
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</figure>
<h2>Une évolution qui se complexifie ?</h2>
<p>Certains pensent que le cours de l’évolution est linéaire et directionnel, passant de structures ou organismes simples à des plus complexes. Mais le fait de réduire la complexité à un phénomène linéaire contribue à une réduction de la biodiversité. L’arbre de la vie est en fait buissonnant.</p>
<p>Néanmoins, dans certaines situations, des simplifications peuvent survenir, et se débarrasser d’un certain caractère, peut se révéler être plus avantageux. Les parasites du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mycoplasma">genre <em>Mycoplasma</em></a>, dont certaines espèces sont responsables des pneumonies, <a href="https://books.google.fr/books?id=mKy9iudQ3NcC&pg=PA400&lpg=PA400&dq=microsporidie+%C3%A9volution+par+simplification&source=bl&ots=IyOEptTXiX&sig=mW6x9vkBPW3zqVbd5hnJnCjdQVs&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwj5lZ3LoYbWAhUQLlAKHWOrBAIQ6AEIMTAB#v=onepage&q=microsporidie%20%C3%A9volution%20par%20simplification&f=false">ont évolué</a> à partir de bactéries plus complexes, en perdant secondairement leur paroi et la plupart de leurs capacités de synthèse métabolique, puisque ces éléments étaient devenus inutiles.</p>
<h2>A-t-on atteint la fin de l’évolution ?</h2>
<p>On entend souvent dire que les espèces n’évoluent plus, et que l’humain, avec son apparition, a signé la « fin » de l’évolution. Ceci est faux, et cela pour plusieurs raisons : de nouvelles espèces continuent d’apparaître, comme <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/les-souris-de-madere_4039">chez les souris de Madère</a>. Six espèces différentes seraient récemment apparues grâce au relief montagneux de l’île, favorisant un isolement des vallées.</p>
<p>Ces souris ne possèdent plus 40 chromosomes, comme leurs cousines européennes, mais entre 22 et 30. Ce phénomène de <a href="http://www.mnhn.fr/fr/explorez/dossiers/evolution-vivant/mecanismes-evolution/speciation">spéciation</a> (apparition d’une nouvelle espèce) est unique par sa rapidité. Il aurait eu lieu entre 500 et 1 000 ans, ce qui est très rapide ! Les spéciations se font habituellement sur plusieurs centaines de milliers d’années.</p>
<p>Un autre exemple est celui de l’<a href="https://www.inserm.fr/thematiques/immunologie-inflammation-infectiologie-et-microbiologie/dossiers-d-information/resistance-aux-antibiotiques">apparition des bactéries résistantes aux antibiotiques</a> : avec l’utilisation croissante de ces médicaments, de nouvelles espèces bactériennes résistantes sont apparues spontanément.</p>
<p>Enfin, dans le cas de l’espèce humaine, l’apparition de la <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/archeo-paleo/la-tolerance-au-lait_5965">tolérance au lactose</a> prouve que nous évoluons toujours. Le lactose est un sucre que l’on retrouve dans le lait. À l’origine, l’humain pouvait digérer le lactose à la naissance, mais devenait intolérant à ce sucre quelques mois après.</p>
<p>Mais une mutation survenue il y a environ 8 000 ans en Europe centrale a permis aux êtres humains originaires d’Europe de digérer le lactose tout au long de la vie. On suppose que cette mutation aurait été sélectionnée, car chez les premiers agriculteurs du néolithique, en période de faibles récoltes, les individus pouvant boire du lait avaient beaucoup mieux survécu que les autres.</p>
<p>Les intolérants, incapables de digérer le seul aliment à leur disposition, auraient alors péri. Il est donc important de comprendre que l’humain évolue encore, mais il est tout aussi important de dire que nous ne savons pas vers quoi.</p>
<hr>
<p><em>Pour en savoir plus, vous pouvez lire le dossier <a href="http://www.mnhn.fr/fr/explorez/dossiers/evolution-vivant">« L’évolution du vivant »</a>, sur le site du Muséum National d’Histoire Naturelle.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/83746/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Monique Aouad a reçu des financements de la Région Auvergne Rhône-Alpes ARC1 Santé pour financer sa thèse. </span></em></p>L’évolution, qu’est ce que c’est ? Peut-on l’observer ? A-t-elle une fin ? Le chimpanzé est-il notre ancêtre ? Voici quelques réponses aux principales idées reçues en biologie évolutive.Monique Aouad, Doctorante en biologie évolutive, Université Claude Bernard Lyon 1Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/818092017-08-28T19:10:35Z2017-08-28T19:10:35ZPourquoi les scientifiques collectent-ils des animaux sauvages ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/180611/original/file-20170801-4118-ulzdel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Grenouille dorée du Panama Atelopus zeteki, en danger d'extinction </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Panamanian_golden_frog#/media/File:Atelopus_zeteki1.jpg">Brian Gratwicke/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Le <a href="http://www.amnh.org/our-research/staff-directory/chris-filardi">Dr. Chris Filardi</a> ne se doutait pas de l’accueil que recevrait sa découverte, quand il publia sur Twitter la première photographie d’un martin-pêcheur à moustache en vie. L’oiseau, capturé en 2015 au cours d’une campagne d’évaluation de la biodiversité menée à <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Guadalcanal">Guadalcanal</a>, fut par la suite euthanasié afin de constituer le tout premier spécimen mâle déposé dans une collection de référence. Faisant très certainement écho au <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Braconnage_du_lion_Cecil">braconnage du lion Cecil</a> quelques mois auparavant, cet événement fut l’occasion de vives critiques d’internautes du monde entier, et d’acerbes amalgames entre la recherche scientifique et la chasse de loisir.</p>
<p>Pourquoi cet événement a-t-il suscité une telle émotion, alors que les destructions de la biodiversité en cours ne semblent pas être en mesure de mobiliser une réaction populaire proportionnelle à l’ampleur des dégâts qu’ils occasionnent ? Ainsi, à titre d’exemple, la déforestation planétaire détruit chaque année une surface équivalente à trois fois celle de la Belgique, et à court terme la quasi-totalité des animaux y vivant. En quoi un spécimen de collection scientifique diffère-t-il d’un trophée de chasse ? Enfin, pourquoi les chercheurs naturalistes du XXI<sup>e</sup> siècle collectent-ils encore des animaux sauvages ?</p>
<h2>Tués à des fins scientifiques</h2>
<p>Chaque zoologue travaillant sur les collections scientifiques d’histoire naturelle est susceptible d’avoir déjà été confronté à cette dernière question. Les grands muséums présentent des millions de spécimens – majoritairement des insectes – collectés aux quatre coins de la planète au cours des deux derniers siècles. Le plus souvent, ceux-ci ont en effet été tués à cette seule fin scientifique. Tuer, donc. Si l’on peut manier l’euphémisme et préférer d’autres termes (sacrifier, euthanasier, prélever ou collecter), la vie de l’individu ne s’en arrête pas moins prématurément dès lors qu’il devient spécimen de collection.</p>
<p>Or, aujourd’hui, la question animale alimente un débat de société croissant et soulève de multiples questions éthiques et philosophiques. Dans ce contexte, il est légitime de se demander si, en 2017, la collecte scientifique fait encore sens. Cette question mérite une réponse transparente de la part des chercheurs naturalistes qui la pratiquent. En contrepartie, elle implique de la part de ceux qui la posent une réflexion visant à soupeser l’ensemble des aspects « moraux » – il est ici question d’éthique – découlant d’une telle pratique.</p>
<h2>De la différence entre les individus et l’environnement</h2>
<p>En premier lieu, il convient de ne pas confondre considérations éthiques animalistes et environnementalistes. Les premières ont pour objet les animaux en tant qu’individus dotés de sensibilité. Les secondes se rapportent aux <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Esp%C3%A8ce">espèces</a> et à leurs interactions au sein des écosystèmes. Individus et espèces ne sont pas de même nature. Les individus, entités matérielles par essence éphémères, disposent de la faculté de se reproduire, et donc de compenser les impacts de prélèvements mesurés sur la population dont ils font partie (prédation, maladie ou collecte). En revanche, une espèce ne se reproduit pas : son patrimoine biologique, une fois éteint, l’est définitivement. Par ailleurs, les individus peuvent déployer des efforts pour rester en vie et avoir une prise directe sur nos affects – nous pouvons être en empathie – alors qu’une espèce n’est qu’un concept catégoriel. L’espèce ne vit pas, ne ressent ni n’exprime rien. La « valeur » d’un individu n’en est pourtant pas moins subordonnée à celle de son espèce, dans le sens où celle-ci correspond à la somme de tous les individus qui la constituent : quand une espèce s’éteint, c’est que l’intégralité de ses individus sont morts.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/166264/original/file-20170421-12629-1sef4fc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/166264/original/file-20170421-12629-1sef4fc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/166264/original/file-20170421-12629-1sef4fc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/166264/original/file-20170421-12629-1sef4fc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/166264/original/file-20170421-12629-1sef4fc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/166264/original/file-20170421-12629-1sef4fc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/166264/original/file-20170421-12629-1sef4fc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"><em>Herpestes javanicus</em> ou mangouste de Java.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span></span>
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<p>Considérations environnementalistes et animalistes sont donc foncièrement différentes, bien qu’elles puissent converger vers un même idéal. Elles peuvent néanmoins s’opposer dès lors que la primauté de la vie animale se heurte aux intérêts environnementaux. Prenons l’exemple des <a href="https://inpn.mnhn.fr/espece/listeEspeces/statut/metropole/J">espèces invasives</a>, telle la dévastatrice <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mangouste_de_Java">mangouste de Java</a> introduite aux Antilles : dans les faits, s’opposer à son élimination aux Antilles n’équivaut-il pas à la laisser éradiquer une part non négligeable de la faune autochtone ? Avancer que celle-ci n’aurait pas dû être introduite relève de l’évidence, mais ne contribue en rien à résoudre le problème qui se pose. Ne pas choisir, c’est encore choisir, et que l’on engage ou non une action contre cette espèce invasive, il nous revient d’en assumer les conséquences.</p>
<h2>Les deux éthiques de Max Weber</h2>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/180370/original/file-20170731-728-k393wb.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/180370/original/file-20170731-728-k393wb.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=986&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/180370/original/file-20170731-728-k393wb.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=986&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/180370/original/file-20170731-728-k393wb.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=986&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/180370/original/file-20170731-728-k393wb.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1239&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/180370/original/file-20170731-728-k393wb.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1239&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/180370/original/file-20170731-728-k393wb.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1239&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Max Weber.</span>
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</figure>
<p>Quand elles ont lieu, les confrontations entre considérations animalistes et environnementalistes semblent essentiellement relever de la dualité entre éthique de conviction et éthique de responsabilité, telle que formalisée par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Max_Weber">Max Weber</a>. Selon le philosophe, qui les considérait inconciliables, la première repose sur le principe du devoir (agir en fonction de principes supérieurs auxquels on croit) tandis que la seconde relève du conséquentialisme (répondre des conséquences prévisibles de nos actes). Ainsi, les considérations animalistes tendent à ériger le respect de la vie d’un individu animal en principe supérieur (il ne faut pas tuer un individu), tandis que les considérations environnementalistes privilégieront les approches dont on est en mesure de penser qu’elles seront les plus favorables à l’espèce dans son ensemble, quitte à devoir tuer un individu.</p>
<p>Le rejet catégorique de la collecte scientifique représente un paradoxe comparable à celui évoqué ci-dessus. Face à l’érosion croissante de la biodiversité mondiale, il est inconcevable pour les chercheurs d’espérer pouvoir préserver celle-ci efficacement sans connaître sa composition, sa répartition ou les réseaux d’interactions complexes qui la caractérisent. Comment faire face aux menaces (évaluer, alerter ou agir) qui pèsent sur une espèce, si l’on ne connaît rien ou trop peu de ses vulnérabilités spécifiques ? Ou si l’on ignore jusqu’à son existence même ?</p>
<p>Pour ce faire, nombre de chercheurs s’appuient sur les collections scientifiques. En parallèle, le recours à des méthodes non létales (prélèvement d’ADN, photographies HD, prises de mesures <em>in situ</em>…) se généralisent en fonction des développements technologiques le permettant. Dans un grand nombre d’études, elles simplifient le travail de terrain et offrent la possibilité de relâcher les individus sains et saufs. Néanmoins, affirmer que ces outils pourraient intégralement se substituer à la collecte de spécimens relève d’une foi en une technologie omnipotente et témoigne d’une méconnaissance profonde de la pluralité des disciplines naturalistes et des organismes qu’elles étudient.</p>
<h2>Décrire les espèces pour les faire exister</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/180371/original/file-20170731-728-1dectx9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/180371/original/file-20170731-728-1dectx9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1243&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/180371/original/file-20170731-728-1dectx9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1243&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/180371/original/file-20170731-728-1dectx9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1243&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/180371/original/file-20170731-728-1dectx9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1562&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/180371/original/file-20170731-728-1dectx9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1562&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/180371/original/file-20170731-728-1dectx9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1562&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’initiative internationale <em>Catalogue of Life</em>.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Catalogue of Life</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’<a href="http://edu.mnhn.fr/mod/page/view.php?id=2995&inpopup=1">inventaire des espèces</a> est très loin d’être achevé. Selon les <a href="https://theconversation.com/biodiversite-combien-de-millions-despeces-61875">estimations</a> les plus récentes, seul un dixième de la biodiversité serait déjà décrit. Cet inventaire d’espèces nommées (c’est-à-dire dont la description scientifique permet, entre autres, l’attribution d’un nom) établit le « vocabulaire » élémentaire de la biodiversité sur lequel s’appuient les différentes disciplines biologiques, mais également les acteurs de la conservation ou les diverses réglementations internationales. Une espèce biologique non encore décrite n’existe pas aux yeux de la société : l’impact de son exploitation ou de la destruction des milieux ne sera jamais évalué à sa juste mesure. Sa vulnérabilité spécifique sera ignorée ou confondue avec celle d’autres espèces plus communes et qui lui ressemblent.</p>
<p>Pour décrire une espèce, les chercheurs doivent impérativement disposer d’un spécimen préservé et mis à disposition de leur communauté. Ce spécimen type constitue le point d’ancrage liant le nom scientifique à l’espèce en tant qu’entité biologique. L’ensemble des chercheurs du monde entier pourra examiner cette référence universelle et intemporelle, notamment afin de savoir exactement à quoi ce nom d’espèce se rattache. Sans cette pierre de Rosette, il leur serait impossible de s’accorder. Et, à terme, notre capacité à communiquer sur les millions d’espèces de la planète s’en trouverait profondément altérée. De quoi parlerait-on et que protégerait-on, si même les spécialistes n’étaient plus en mesure de se retrouver dans un dédale de noms ambigus ?</p>
<p>Par ailleurs, ce spécimen constitue la preuve matérielle de sa propre existence, indispensable support à l’hypothèse d’espèce qu’il soutient. Sans elle, Big Foot ou Nessie pourraient figurer dans la liste des espèces en voie de disparition. Réciproquement, l’existence d’espèces très rares – mais bien réelles – pourrait être facilement niée par ceux ayant tout intérêt à ce qu’elles n’existassent pas.</p>
<h2>Savoir que nous ne savons (presque) rien</h2>
<p>Décrire une espèce ne signifie pas pour autant la connaître. À titre d’exemple, 15 % des 85 000 espèces traitées par la <a href="http://uicn.fr/liste-rouge-mondiale/">Liste rouge mondiale des espèces menacées</a> ne disposent pas d’un véritable statut de conservation (par exemple « éteinte », « vulnérable », « préoccupation mineure ») et sont provisoirement placées dans la catégorie « données déficientes ». Plus préoccupant, l’ensemble des espèces ayant fait l’objet de telles évaluations ne représentent que 5 % du 1,8 million d’espèces déjà décrites. </p>
<p>Notre ignorance concernant l’alimentation, la reproduction, ou encore la répartition de la majorité des espèces est vraisemblablement du même ordre. La seule et unique source de connaissances disponibles pour une espèce se limite fréquemment à l’existence d’une poignée de spécimens auxquels se rattache une étiquette portant un nom, une date et un lieu de récolte parfois approximatif. Chacun de ces spécimens pourra être étudié par des générations de chercheurs grâce aux technologies propres à leur époque, et contribuera à révéler au compte-gouttes des informations éparses mais fondamentales (par exemple, pour un individu, le contenu d’un estomac, la taille des portées, la longévité).</p>
<h2>Échelle temporelle</h2>
<p>Se priver du recours aux collections rendrait quasi-impossible l’étude des espèces de petites tailles, fragiles, très discrètes ou rares, localisées dans des régions isolées ou celles aussi extrêmes que les grands fonds océaniques… Un chercheur pourrait ainsi passer sa carrière à rechercher une rare espèce amazonienne ou abyssale, pour ne collecter au final que des données très peu informatives et centrées sur sa seule problématique de recherche. </p>
<p>Il pourrait tout aussi bien rentrer bredouille. Au contraire, les collections des grands muséums mondiaux s’inscrivent dans une échelle de temps qui dépasse celle de la vie humaine. Elles capitalisent et collectivisent les fruits des missions de terrain. Elles permettent, en laboratoire, l’étude approfondie d’un nombre significatif de spécimens, aboutissement de millions d’heures de prospection, réalisées par des naturalistes issus du monde entier et de toutes époques.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/180374/original/file-20170731-5515-1t2kngp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/180374/original/file-20170731-5515-1t2kngp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/180374/original/file-20170731-5515-1t2kngp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/180374/original/file-20170731-5515-1t2kngp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/180374/original/file-20170731-5515-1t2kngp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/180374/original/file-20170731-5515-1t2kngp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/180374/original/file-20170731-5515-1t2kngp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Galerie de paléontologie et d’anatomie comparée, Paris.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Galerie_de_pal%C3%A9ontologie_et_d%27anatomie_compar%C3%A9e_-431.jpg">Mossot/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>Ne privons pas la recherche de ses collections</h2>
<p>À l’instar de bien de mes collègues, ma vocation de chercheur plonge ses racines dans l’enfance. Elle repose tant sur une inextinguible soif de compréhension que sur un profond attachement à la beauté et à la richesse du monde vivant. Je n’ai encore jamais rencontré de chercheurs tirant plaisir à ôter la vie des animaux à l’étude desquels ils avaient fait le choix de consacrer leur vie. En évoquant l’empathie chez les animaux, le collecteur que fut Charles Darwin allait même jusqu’à suggérer que l’amour désintéressé envers toutes les créatures vivantes constituait le plus noble attribut de l’Homme.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/166265/original/file-20170421-12665-twcnzd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/166265/original/file-20170421-12665-twcnzd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=764&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/166265/original/file-20170421-12665-twcnzd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=764&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/166265/original/file-20170421-12665-twcnzd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=764&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/166265/original/file-20170421-12665-twcnzd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=960&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/166265/original/file-20170421-12665-twcnzd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=960&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/166265/original/file-20170421-12665-twcnzd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=960&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Carl Spitzweg/<em>Le Chasseur de papillons</em>, circa 1840.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span></span>
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<p>Le travail de recherche consiste à produire du savoir. Celui-ci n’a pas nécessairement pour finalité la préservation de la nature. Il ne fait cependant aucun doute que les connaissances qu’il génère y contribuent très significativement. L’ampleur de la crise d’extinction de la biodiversité que nous traversons actuellement pourrait être inégalée à l’échelle de l’histoire de la vie. Le constat est accablant. Alors que le temps joue contre nous, priver la recherche des collections ne ferait que nous ralentir davantage, en réduisant dramatiquement notre capacité à réagir et à alerter l’opinion publique et les décideurs sur l’état de notre planète.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/81809/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurélien MIRALLES a reçu des financements pour ses recherches du Labex BC-Div Diversités Biologiques et Culturelles, du CNRS et du MNHN. </span></em></p>Comment, de nos jours, justifier d’ôter la vie à un animal à des fins scientifiques ? Il convient de ne pas confondre considérations animalistes et environnementalistes.Aurélien Miralles, Enseignant-chercheur en Systématique animale, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/727552017-02-09T22:52:40Z2017-02-09T22:52:40ZL’épouse de l’homme de vocation : un fantôme discret<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/156171/original/image-20170209-8646-sjwgzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Cambridge Evening news (16 mars 2007) : des révélations sur le couple Darwin, et le rôle discret mais réel d'Emma Darwin au côté du grand homme.</span> </figcaption></figure><p>Léopold Delisle, historien et administrateur général de la Bibliothèque nationale de 1874 à 1905, a dit de son épouse Laure qu’elle « partageait tous ses goûts, s’associait à tous ses travaux », mais que « sa modestie était telle qu’elle n’a jamais voulu que l’on pût soupçonner ce qui lui revenait dans ses travaux ».</p>
<h2>L’union de la vie domestique et du travail</h2>
<p>Laure Delisle n’est qu’un exemple parmi d’autres des épouses de savants, dont le dévouement discret, souvent ignoré de tous, a rendu possible le travail quotidien et la réussite de leurs maris. La principale particularité du labeur des grands savants est qu’il implique une discipline rigoureuse qui efface entièrement la frontière entre le travail et la vie privée.</p>
<p>C’est également le cas de ceux parmi les hommes politiques ou les artistes qui se consacrent à leur vocation dans un engagement total de tous les instants. Mais à la différence des politiques ou des artistes, la fonction de l’épouse du grand savant a déjà été l’objet d’études approfondies et dépassionnées, dont il est opportun de rappeler les résultats au moment où cette question suscite en France un débat enflammé.</p>
<p>C’est dans la seconde moitié du XVIII<sup>e</sup> siècle qu’émerge un nouveau type de couples, où la vie domestique et la vie intellectuelle s’unissent dans un rapport harmonieux. L’épouse n’y est plus uniquement la gardienne du foyer, préposée aux travaux domestiques ; si elle en assume parfois la charge afin de délivrer l’esprit de son époux des soucis de la vie quotidienne, elle devient aussi la collaboratrice privilégiée de l’œuvre de l’esprit. Sans être nécessairement une femme de lettres, l’épouse devient l’assistante du savant : elle s’occupe de sa correspondance, organise son emploi du temps, écarte les importuns, apporte son aide dans la préparation des expériences. Il en était ainsi, par exemple, dans les couples de <a href="http://fhs.dukejournals.org/content/35/3/509.abstract">Lavoisier ou d’Helvétius</a>.</p>
<h2>Le soutien essentiel</h2>
<p>Mais l’épouse est beaucoup plus qu’une assistante du savant. Elle est le soutien essentiel de sa volonté et de son âme. Comme l’écrit le philosophe <a href="https://archive.org/details/lavieintellectue00sert">Antoine-Dalmace Sertillange</a>, « elle peut beaucoup produire en aidant son mari à produire » : elle fortifie sa détermination, encourage ses entreprises, le relève aux heures inévitables des épreuves.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/156214/original/image-20170209-28716-8u6zro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/156214/original/image-20170209-28716-8u6zro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/156214/original/image-20170209-28716-8u6zro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=946&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/156214/original/image-20170209-28716-8u6zro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=946&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/156214/original/image-20170209-28716-8u6zro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=946&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/156214/original/image-20170209-28716-8u6zro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1189&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/156214/original/image-20170209-28716-8u6zro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1189&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/156214/original/image-20170209-28716-8u6zro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1189&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Émile et Louise Durkheim.</span>
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<p>Le fils du célèbre psychologue William James a souligné combien était bénéfique pour le travail éreintant de son père le concours de sa femme Alice, dont les efforts constants ont assuré à son mari la tranquillité et la confiance dont il avait tant besoin.</p>
<p>Tout aussi importante est la contribution que l’épouse apporte à la rédaction des travaux de son mari. Louise, <a href="http://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1984_num_55_1_2238">épouse effacée</a> du grand sociologue Émile Durkheim, relisait attentivement tous ses manuscrits.</p>
<p>Emma, épouse du biologiste Charles Darwin, non seulement a corrigé les épreuves de <em>L’Origine des espèces,</em> mais elle discutait chaque soir avec son mari des passages particulièrement difficiles du livre, pour l’aider à en rendre la prose plus limpide. C’est d’ailleurs toute la famille qui était mobilisée chez les Darwin : Henrietta, fille aînée, révisait elle aussi les manuscrits et préparait la documentation pour plusieurs ouvrages ; même les plus jeunes de la fratrie se rendaient utiles en effaçant un premier jet de corrections faites au crayon, après que le père en avait confirmées certaines à l’encre. Darwin fut si satisfait de l’aide de <a href="http://press.princeton.edu/titles/7592.html">sa fille Henrietta</a> qu’en reconnaissance de sa contribution il lui a versé une partie des honoraires reçus pour sa monumentale <em>Descendance de l’homme</em>.</p>
<h2>Un rôle de l’ombre</h2>
<p>Chose bien étonnante, presque aucun de ces grands savants n’a jamais publiquement reconnu la fonction insigne que son épouse a remplie dans sa vie et dans son œuvre. Nous n’aurions jamais su que Louise a été la principale collaboratrice de Durkheim, si l’un de ses disciples ne l’avait révélé au détour d’une phrase, plusieurs années après la disparition du sociologue. Les savants ne manquaient certes pas d’apprécier à leur juste valeur les secours de leurs épouses et ils étaient toujours prêts à leur rendre hommage, mais seulement dans la correspondance intime, car ils estimaient qu’il s’agissait d’une affaire privée dont il serait indécent de faire un étalage public.</p>
<p>C’était d’ailleurs l’avis partagé par leurs épouses. Le fils d’Alice James déclare que sa mère n’aurait jamais accepté que la moindre allusion soit faite à son propre apport à l’œuvre du mari : lui seul devait en <a href="https://archive.org/details/letterswilliamj10jamegoog">tirer la reconnaissance</a>.</p>
<p>Par conséquent, les épouses devenaient, comme l’écrit Janet Browne, une biographe de Darwin, des « fantômes patients derrière la quête infinie de perfection » qui obnubilait <a href="http://press.princeton.edu/titles/7592.html">leurs maris</a>. Il n’y a que l’entourage le plus intime qui pouvait percevoir ces « fantômes » et mesurer toute la portée de leur présence.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/156215/original/image-20170209-8646-1rk2tps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/156215/original/image-20170209-8646-1rk2tps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/156215/original/image-20170209-8646-1rk2tps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/156215/original/image-20170209-8646-1rk2tps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/156215/original/image-20170209-8646-1rk2tps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/156215/original/image-20170209-8646-1rk2tps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/156215/original/image-20170209-8646-1rk2tps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/156215/original/image-20170209-8646-1rk2tps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Antoine-Laurent Lavoisier et son épouse Marie-Anne Pierrette, portrait peint par Jacques-Louis David (détail).</span>
<span class="attribution"><span class="source">MET New York</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une importance discrète et invisible</h2>
<p>Cependant, la modestie des femmes va parfois si loin que même les collaborateurs les plus proches d’un grand homme se montrent incapables de deviner l’importance de son épouse. Une anecdote le dira mieux qu’une longue démonstration, mais elle doit demeurer anonyme, car elle est récente.</p>
<p>Suite à la disparition d’un éminent savant et intellectuel, une série de célébrations officielles furent organisées. L’une d’elles fit se croiser la Disciple du grand homme, héritière de sa chaire, et sa Veuve, qui s’y rendit sans être invitée. Après les discours officiels, souvent approximatifs et parfois injustes, la Veuve demanda la parole pour défendre avec flamme et compétence l’œuvre de son époux disparu. À la fin, la Disciple s’approcha de la Veuve, qu’elle connaissait depuis quarante ans, pour lui demander avec étonnement : « Vous étiez donc au courant de son travail ? ». L’Épouse répondit : « Mais voyons, je relisais tout ! Tout. Rien ne sortait de la maison qui n’ait été relu par moi. Enfin, il me le demandait ! ».</p>
<p>Ces quelques exemples, choisis presque au hasard, montrent combien il est difficile d’apprécier le rôle, pourtant considérable, que les femmes peuvent jouer auprès des maris voués à une œuvre d’envergure. En les épousant, elles épousent également leur vocation et en assument patiemment les servitudes. Elles demeurent pourtant dans l’ombre, sans revendiquer une reconnaissance publique pour le travail qu’elles réalisent, avec une modestie telle que les plus proches collaborateurs de leurs maris peuvent parfois tout ignorer de l’importance de leur dévouement.</p>
<p>Il est temps de le comprendre : être l’épouse d’un homme de vocation n’est pas un emploi fictif.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/72755/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Wiktor Stoczkowski ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il est difficile d’apprécier le rôle, pourtant considérable, que les épouses peuvent jouer auprès des maris voués à une œuvre d’envergure. Quels exemples tirés de la vie des savants.Wiktor Stoczkowski, Anthropologue, directeur d'études à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS) - PSL, chercheur au Laboratoire d’anthropologie sociale (Collège de France), École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/709212017-01-09T20:30:40Z2017-01-09T20:30:40ZCréationnisme et évolutionnisme en Turquie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/152007/original/image-20170106-29222-11hq1x4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/turquie-turque-drapeau-nationale-1800413/#">bsulunhat/Pixabay</a></span></figcaption></figure><p>Même sans être spécialiste de la question de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89volution_(biologie)">évolutionnisme</a> et du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cr%C3%A9ationnisme">créationnisme</a> aux USA et en Turquie, il n’est pas possible de passer à côté de ce tournant que l’un et l’autre pays ont vécu ces dernières décennies.</p>
<p>Le créationnisme est une doctrine, d’abord religieuse, qui s’est ensuite introduite dans le champ scientifique : elle plaide pour une vision de la nature et de l’univers expliqués entièrement selon des critères religieux. Plus précisément, sur des récits mythologiques largement inspirés des récits bibliques de la Genèse. En assumant par la suite un caractère scientifique, cette narration théologique a pu échapper, surtout aux États-Unis, aux mailles d’une législation rigoureuse en matière d’enseignement religieux dans le cadre de l’école publique. Elle est ainsi devenue une matière brûlante.</p>
<p>Aux USA, les étapes de cette doctrine se sont déroulées de la façon suivante : de la « simple » doctrine du créationnisme à celle plus complexe de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dessein_intelligent">« intelligent design »</a>. Ce dernier a pu se <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-2009-4-page-485.htm">répandre</a> ultérieurement pour son caractère apparemment plus scientifique et plus acceptable pour un grand public.</p>
<p>La Turquie a suivi de près l’évolution du créationnisme qui se développait au-delà de l’Atlantique : les fondations religieuses musulmanes et coraniques turques ont trouvé dans les doctrines enseignées et diffusées aux États-Unis, un intéressant appui. Rappelons ce qu’est le créationnisme : il s’oppose à une vision de l’origine de l’univers par évolution de l’espèce, qui trouve ses racines dans la théorie de Charles Darwin. Les créationnistes postulent une intervention directe de Dieu qui aurait installé Adam et Ève dans le paradis terrestre, comme l’illustre le livre de la Genèse. D’après cette théorie, l’espèce humaine ne peut pas avoir subi d’évolution et ne pourrait donc pas être passée par des étapes différentes. Au point de vue théologique, cette théorie met en question les acquis de la théorie de l’évolution.</p>
<p>Si le créationnisme est apparu après la Deuxième Guerre mondiale jusqu’à devenir une théorie « scientifique », exclue par la suite de l’enseignement public, il s’est recyclé dans la théorie de l’intelligent design, arrivé en Turquie dans les années 1980.</p>
<h2>La Turquie et l’esprit créationniste</h2>
<p>Dans les années 1980, le créationnisme commence à apparaître dans les manuels scolaires turcs, notamment parce que les hommes politiques de l’époque étaient préoccupés parce qu’ils estimaient que l’on donnait trop d’importance à l’évolutionnisme et au darwinisme. <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9morandum_militaire_turc_de_1997">Le coup d’État de 1997 qui renversa Erbakan</a>, tenta de rétablir la prééminence laïque dans un certain nombre de domaines, y compris l’enseignement public. Il n’empêche que la doctrine du créationnisme se diffusa. En particulier, grâce à un « savant musulman », Adnan Oktar, né en 1956 à Ankara. Il construira autour de cette théorie et de sa personne un mouvement digne d’être remarqué.</p>
<p>Plus connu sous le nom de plume de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Adnan_Oktar">Harun Yahya</a>, c’est-à-dire Aronne Jean le Baptiste, Adnan Oktar fit ses études de philosophie et d’architecture d’intérieur à Istanbul. Suivant les doctrine de Bediuzaman Said Nürsi (1878-1960), le célèbre « réformateur » de l’Islam de Turquie, Adnan Oktar y ajouta une critique acharnée du darwinisme. En 1986, à cause d’une publication où il prônait une sorte de révolution civile fondée sur la théorie du complot, il fut détenu en prison pendant dix-neuf mois, ce qui ne fit qu’inaugurer une série de déboires avec la justice turque, qui se poursuivent encore à présent.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/152009/original/image-20170106-18650-1p6e7gn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/152009/original/image-20170106-18650-1p6e7gn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=833&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/152009/original/image-20170106-18650-1p6e7gn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=833&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/152009/original/image-20170106-18650-1p6e7gn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=833&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/152009/original/image-20170106-18650-1p6e7gn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1047&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/152009/original/image-20170106-18650-1p6e7gn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1047&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/152009/original/image-20170106-18650-1p6e7gn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1047&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">« Atlas of creation ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Atlas_of_creation_cover.jpg">Harun Yahya/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une fois sorti de prison, Adnan Oktar parvint à réunir autour de sa personne un groupe de jeunes turcs de la haute bourgeoisie d’Istanbul. D’un côté, Adnan Oktar tenta de s’identifier à la personnalité du Mehdi, du Sauveur, grâce à ses disciples ; de l’autre il dispensa un enseignement fondé à la fois sur la théorie du complot et sur un créationnisme extrême. En 1990, il fonda le centre de recherche scientiste (Bilim Araştırma Vakfı) et en 1995 le Centre pour le soutien et la défense des valeurs nationales (Millî Değerleri Koruma Vakfı). Interdit de sortie du pays depuis déjà plusieurs années, Harun Yahya continua à diffuser un créationnisme dont l’<em>Atlas de la Création</em> – un beau livre de format géant avec pléthore de photographies représentant la beauté de la nature – est l’élément le plus visible. Ses livres se vendent par milliers et sont traduits en plus de 60 langues ; en 2010 le Royal Islamic Strategic Studies Center en Jordanie l’a mentionné parmi les 500 <a href="https://philpapers.org/rec/BIGWAO">personnalités musulmanes</a> les plus marquantes d’aujourd’hui.</p>
<p>Mélange de théorie du complot et d’un créationnisme qui reprend quasiment tout du grand frère américain – tant dans le fond que sur les méthodes –, Harun Yayhya est d’une certaine manière le symbole de l’alliance entre religion et doctrine pseudoscientifique. Le nationalisme poussé sous-jacent à son enseignement pourrait expliquer l’antidarwinisme, en Turquie. D’autant que Darwin a bel et bien, dans un écrit, <a href="http://www.nytimes.com/books/first/g/greene-darwin.html">dénigré</a> le peuple turc.</p>
<p>Le créationnisme d’Harun Yayha et ses implications pour la société turque reste encore à décrypter. Si ses affirmations et son enseignement empruntent à certains clichés, voire se fondent sur les structures des anciennes confréries soufies, aujourd’hui existantes sous la forme d’organisations, fondations et mouvements religieux ou spirituels, il reste encore à évaluer le phénomène sous l’angle de la transformation du « religieux » en Turquie.</p>
<h2>Le pacte atlantique du créationnisme</h2>
<p>Au sein de l’Église catholique, un certain retour à une position plus nuancée vis-à-vis de l’évolutionnisme semble avoir fait surface depuis quelques années, grâce aux prises de position de hauts prélats. À la différence du Pape Jean-Paul II, ils estiment que cette doctrine peut être considérée comme la plus plausible du point de vue scientifique. Mais, si la théorie de l’évolution est ainsi acceptée, le créationnisme n’en tente pas moins de refaire surface tant d’un côté que de l’autre de l’Atlantique.</p>
<p>La Turquie montre une porosité bien plus importante dans la réception de cette théorie. Une des raisons, comme le fait remarquer le jésuite Balhan, est le fond créationniste de la religion du Prophète Muhammad. Autrement dit, le créationnisme trouve un terrain favorable dans l’humus de la pensée et de la dévotion musulmanes. Harun Yahya ne fait qu’utiliser un registre intimémement lié à la vision musulmane de l’univers pour trouver des adeptes. Son aspiration à une diffusion au-delà des frontières de la Turquie s’appuie sur un sentiment commun d’émerveillement devant le « mystère » de la création. Sur cette stupeur, il fonde son enseignement du créationnisme en pur style américain mais revu par le Turc Adnan Oktar. Diffuser, enseigner, propager ces idées, aujourd’hui, peut signifier affaiblir le sens d’une rationalité scientifique qui semble gouverner le monde ; d’où les théories du complot qui se reproduisent de part et d’autre.</p>
<p>Une fois la rationalité scientifique mise ainsi en question, l’entrée en matière religieuse est simple à promouvoir. Cependant, nous sommes loin d’avoir un <a href="http://jaar.oxfordjournals.org/content/early/2014/08/08/jaarel.lfu061">monde divisé</a> entre religion et laïcité, entre foi et sécularisation, d’un coté comme de l’autre de l’Atlantique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/70921/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alberto Ambrosio ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’enseignement de la théorie de l’évolution est soumis à de fortes pressions dans le monde musulman. Exemple en Turquie.Alberto Ambrosio, Professeur de théologie et histoire des religions à la Luxembourg School of Religion & Society (LSRS), co-directeur de recherche au Collège des Bernardins., Collège des BernardinsLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/659982016-10-03T20:00:12Z2016-10-03T20:00:12ZPourquoi les zèbres n’ont pas été domestiqués<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/139647/original/image-20160928-27037-fvhuhc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C16%2C668%2C429&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un cheval à rayures ? Pas vraiment...</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.shutterstock.com/pic-281622710/stock-photo-zebra.html?src=tWar6vP5ZHAoJNCfWRt9gA-1-0">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Les zèbres ressemblent à des chevaux à bien des égards (ou plutôt à des poneys, vu leur taille). Pourtant, les chevaux ont été domestiqués, tandis que les zèbres sont restés sauvages, car il existe des différences fondamentales entre ces deux animaux. Alors, comment les zèbres sont-ils parvenus à éviter le destin de bêtes de somme ou de bêtes de course ? Et qui s’en sort le mieux aujourd’hui, du cheval ou du zèbre ?</p>
<p>Évidemment, les humains ont tenté de monter et de faire galoper les zèbres, à la fois par attrait de la nouveauté et en raison de leurs apparentes similitudes avec les chevaux. Le film de 2005, <a href="http://www.film4.com/reviews/2005/racing-stripes"><em>Racing Stripes</em> (Courses de rayures)</a> raconte ainsi l’histoire d’un jeune zèbre qui veut participer à des courses de chevaux – sauf que les réalisateurs ont dû tourner certaines scènes avec un cheval pour doubler le zèbre (à l’image, c’est la queue qui trahit le cheval).</p>
<h2>Un ancêtre commun</h2>
<p>La crinière et la queue du zèbre ressemblent davantage à celles des ânes, ce qui reflète l’évolution <a href="http://chem.tufts.edu/science/evolution/HorseEvolution.htm">du gène <em>Equus</em></a>. Même si les chevaux, les ânes et les zèbres ont un ancêtre commun, l’<a href="https://www.britannica.com/animal/dawn-horse">Hyracotherium</a>, qui vivait en Europe et en Amérique du Nord il y a 55 millions d’années, les divergences dans leurs gènes montrent que le zèbre et l’âne sont plus proches entre eux que l’âne ou le zèbre ne le sont du cheval.</p>
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<p>Les équidés nord-américains (les équidés désignant la famille des chevaux) <a href="http://www.horsetalk.co.nz/2012/11/29/why-did-horses-die-out-in-north-america/#axzz4KE50zAfX">ont disparu</a> il y a 8 à 10 000 ans de cela. En Europe comme en Asie, l’homme du paléolithique a parcouru les plaines pour chasser sans relâche les troupeaux de chevaux sauvages. Le changement climatique, le boisement et la chasse ont progressivement repoussé les animaux vers les zones semi-désertiques d’Asie centrale.</p>
<p>L’ancêtre sauvage du cheval domestique (<em>Equus ferus</em>) a été apprivoisé pour la première fois à l’ouest de la <a href="http://www.cam.ac.uk/research/news/mystery-of-the-domestication-of-the-horse-solved">steppe eurasienne</a>, zone où l’on a retrouvé les premières traces archéologiques de <a href="http://www.cam.ac.uk/research/news/mystery-of-the-domestication-of-the-horse-solved">sa domestication</a>. Des études récentes montrent également que les chevaux sauvages venaient grossir les rangs des troupeaux de chevaux domestiqués, tandis qu’ils s’éparpillaient dans <a href="http://phys.org/news/2016-05-history-eurasian-wild-horses.html">toute l’Eurasie</a>.</p>
<h2>Chevaux à tout faire</h2>
<p>Les chevaux ont d’abord été domestiqués pour leur viande, mais leur immense potentiel pour le transport, la communication et la guerre en ont rapidement fait des alliés importants du <a href="http://www.equineheritageinstitute.org/shaping-civilizations-the-role-of-the-horse-in-human-societies/">développement de la civilisation</a>. En Mongolie, le <a href="http://www.amnh.org/explore/science-bulletins/bio/documentaries/the-last-wild-horse-the-return-of-takhi-to-mongolia/article-the-horse-in-mongolian-culture">pays du cheval</a>, c’est sur son fier destrier que le légendaire guerrier <a href="http://afe.easia.columbia.edu/mongols/conquests/khans_horses.pdf">Gengis Khan</a> a conquis des terres qui s’étendaient de la Hongrie à la Corée et de la Sibérie au Tibet, au XIII<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Alors, si le cheval a joué un rôle si important dans notre civilisation, pourquoi n’est-ce pas le cas du zèbre ? Les premiers humains sont apparus <a href="http://news.nationalgeographic.com/news/2007/07/070718-african-origin.html">sur le continent africain</a>, il paraît donc étonnant qu’ils n’aient pas cherché à exploiter le potentiel du zèbre, qui vivait dans les parages.</p>
<p>Contrairement aux équidés eurasiens, cependant, la population de zèbres africains était relativement protégée et particulièrement adaptée à son environnement. Tous les équidés sont des herbivores, et en tant que proies, ils ont tous développé une réaction puissante en cas de danger : <a href="http://www.cfsph.iastate.edu/Emergency-Response/Just-in-Time/08-Animal-Behavior-Restraint-Equine-HANDOUT.pdf">ils fuient, ou ils se battent</a>. Afin de survivre dans un environnement peuplé de grands prédateurs tels que le lion, le guépard et la hyène, le zèbre est devenu un animal très vif et très réactif capable de s’enfuir quand il est confronté au danger et qui sait aussi se défendre vigoureusement s’il est capturé.</p>
<h2>Des ruades et des morsures</h2>
<p>La <a href="http://www.bbc.co.uk/newsround/14407260">ruade d’un zèbre</a> peut casser la mâchoire d’un lion. Le zèbre peut aussi infliger des <a href="http://www.nbcwashington.com/news/local/Zebra-Bites-Zookeeper-at-National-Zoo-232342411.html">morsures terribles</a> et possède un <a href="http://mentalfloss.com/article/80999/14-zany-facts-about-zebras">réflexe d’esquive</a> qui empêche quiconque de l’attraper au lasso : autant de puissantes réactions d’évitement qui ont peut-être été favorisées par la familiarité des zèbres avec les chasseurs-cueilleurs.</p>
<p>En somme, le zèbre n’est pas très porté sur l’espèce humaine, et il ne répond pas aux critères requis pour la domestication d’une espèce animale. Selon l’explorateur et savant Francis Galton (un parent de Charles Darwin), ces <a href="http://www.galton.org/essays/1860-1869/galton-1865-domestication-animals.pdf">critères incluent</a> que l’animal ait un certain goût du confort, qu’il soit facile de s’en occuper, qu’il soit utile à l’homme et qu’il en apprécie la compagnie.</p>
<p>Pour Galton, le zèbre est l’exemple type de l’espèce impossible à domestiquer. Il indique que les Boers, en Afrique du Sud, ont essayé plusieurs fois de harnacher des zèbres. Même s’ils y sont parvenus quelquefois, la nature sauvage et têtue de l’animal déjouait la plupart de leurs tentatives.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/137567/original/image-20160913-4980-1502nie.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/137567/original/image-20160913-4980-1502nie.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/137567/original/image-20160913-4980-1502nie.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/137567/original/image-20160913-4980-1502nie.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/137567/original/image-20160913-4980-1502nie.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/137567/original/image-20160913-4980-1502nie.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/137567/original/image-20160913-4980-1502nie.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une mise en garde à prendre au sérieux.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.shutterstock.com/pic-21179662/stock-photo-a-zebra-stallion-shows-his-teeth.html?src=0tyMMW2BsOgISoCak7Dslw-3-29">Shutterstock</a></span>
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<h2>Libres mais menacés</h2>
<p>Bien qu’il semble possible de domestiquer un <a href="http://www.dailymail.co.uk/news/article-2763629/Your-eyes-not-deceiving-This-girl-really-riding-think-Prepare-amazed-magic-THE-ZEBRA-WHISPERER.html">zèbre isolé</a>, cette espèce n’est pas une bonne candidate à la domestication. Outre la nature intraitable du zèbre et son puissant instinct de survie, le fait qu’il soit un « aliment pour lion » l’a peut-être rendu moins attrayant aux yeux des premiers humains.</p>
<p>La domestication et l’élevage sélectif ont certainement <a href="http://www.academia.edu/1785218/From_wild_horses_to_domestic_horses_a_European_perspective">transformé</a> les caractéristiques physiques et comportementales du cheval, qui à l’origine était sans doute plus petit, plus sauvage et plus proche du zèbre que le cheval d’aujourd’hui.</p>
<p>Et même si les chevaux travaillent dur, vivent dans des environnements plus urbanisés que les zèbres et font ce que leur propriétaire leur demande, ils vivent en sécurité et jouissent d’un certain confort. En réalité, la domestication les a sauvés de l’extinction. En tant que stratégie de survie, la domestication a même très bien marché pour la population de chevaux, qui atteint désormais 60 millions d’individus.</p>
<p>De leur côté, les zèbres sont aujourd’hui moins de 800 000, les humains étant la plus grande menace pour leur survie. La liberté leur a coûté cher.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/65998/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Carol Hall ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ils ressemblent étrangement à des chevaux à rayures, alors pourquoi les zèbres ne se sont-ils pas laissé domestiquer ?Carol Hall, Reader in Equitation Science, Nottingham Trent UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/586802016-05-09T04:39:54Z2016-05-09T04:39:54ZQu’est-ce qui détermine notre intelligence ? Quand la génétique suscite la controverse<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/120739/original/image-20160429-28141-p7c2lz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">SandraViolla/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Depuis près de 150 ans, le concept d’intelligence et son étude fournissent des outils scientifiques permettant de classer les individus selon leurs « aptitudes ». En dépit d’une <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/hast.499/abstract;jsessionid=1C167A1612F22CDFE6340960AC893439.f04t03?userIsAuthenticated=false&deniedAccessCustomisedMessage=">histoire mouvementée</a>, l’ambition d’identifier et de quantifier les capacités mentales exceptionnelles continue d’animer certains chercheurs.</p>
<p>Francis Galton, cousin de Charles Darwin et père de l’eugénisme, a été l’un des premiers à étudier l’intelligence de façon formelle. Dans <a href="https://books.google.co.uk/books/about/Hereditary_Genius.html?id=1h0Ztc1q-RoC&source=kp_cover&redir_esc=y"><em>Hereditary Genius</em></a>, publié en 1869, il défend l’idée que les facultés mentales supérieures se transmettent par sélection naturelle. Son étude se limite toutefois aux hommes les plus éminents d’Europe, « une lignée de génies », et, à quelques rares exceptions, il attribue aux femmes, aux minorités ethniques et aux classes populaires des aptitudes intellectuelles inférieures.</p>
<p>Ses théories sur les liens entre race, conditions socio-économiques et intelligence, bien que controversées, ont eu énormément d’impact et influencé de nombreux scientifiques et théoriciens de par le monde.</p>
<p>Parmi les adeptes britanniques de l’approche galtonienne, on trouve le psychopédagogue <a href="https://www.timeshighereducation.com/books/a-true-pro-and-his-cons/161397.article">Cyril Burt</a>, l’un des créateurs du 11-Plus (examen général qui précède l’entrée au collège), et le <a href="http://www.britannica.com/biography/Charles-E-Spearman">psychologue Charles Spearman</a>, qui s’est fait connaître grâce au concept de « facteur g » (pour <em>général</em>), déterminant inné des capacités mentales humaines. Le bagage statistique de Spearman, lié à son passé d’ingénieur dans l’armée britannique, s’est avéré décisif dans le tournant pris par les recherches sur l’intelligence.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/120732/original/image-20160429-28145-11trhmn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/120732/original/image-20160429-28145-11trhmn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=934&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/120732/original/image-20160429-28145-11trhmn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=934&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/120732/original/image-20160429-28145-11trhmn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=934&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/120732/original/image-20160429-28145-11trhmn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1174&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/120732/original/image-20160429-28145-11trhmn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1174&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/120732/original/image-20160429-28145-11trhmn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1174&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Spearman, le statisticien qui s’est intéressé à l’intelligence humaine.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File%3AExposition_universelle_de_1900_-_portraits_des_commissaires_g%C3%A9n%C3%A9raux-Charles_Spearman.jpg">Eugène Pirou/Wikimédia</a></span>
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</figure>
<p>D’après Spearman, les facultés cognitives sont constituées du facteur <a href="http://www.jstor.org/stable/1412107?origin=crossref&seq=1">« g »</a> (« l’intelligence générale ») et de deux autres facteurs : l’aptitude et la fluidité verbales. Son travail approfondi sur l’utilisation du « g » dans le champ statistique a encouragé certains chercheurs à s’appuyer sur les sciences « dures » et les mathématiques pour affirmer l’existence de différences biologiques raciales et sociales. Aujourd’hui encore, le « g » <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/hast.494/abstract">intervient dans les recherches</a> sur la génétique comportementale comme représentation du fondement biologique de l’intelligence.</p>
<h2>Résonance politique</h2>
<p>La notion d’hérédité, notamment celle de l’intelligence, a envahi les sphères politique et pédagogique. Dominic Cummings, conseiller spécial de l’ex-secrétaire d’État à l’éducation américain, Michael Gove, affiche des opinions inspirées de Galton. Dans un <a href="http://s3.documentcloud.org/documents/804396/some-thoughts-on-education-and-political.pdf">document de 237 pages</a> intitulé <em>Réflexions sur les priorités éducatives et politiques</em>, il écrit :</p>
<blockquote>
<p>Améliorer les performances scolaires des enfants les plus pauvres […] n’affecterait pas nécessairement la corrélation entre parents et progéniture, ni les estimations d’héritabilité. Face au décalage que l’on constate dès le plus jeune âge (chez les enfants de 3 à 5 ans) entre riches et pauvres, les gens supposent presque systématiquement qu’elles sont dues à l’environnement – les « privilèges de la richesse » – et ignorent la génétique.</p>
</blockquote>
<h2>L’émergence des études sur les jumeaux</h2>
<p>À partir des années 1920, en s’intéressant <a href="http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/08856559.1932.10533098?journalCode=vzpg20">aux jumeaux et aux enfants adoptés</a>, des chercheurs ont entrepris de déterminer les causes génétiques et environnementales des différences intellectuelles. Les scientifiques qui travaillaient sur l’intelligence ont alors commencé à s’intéresser à la génétique comportementale naissante.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/120733/original/image-20160429-28129-fvl868.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/120733/original/image-20160429-28129-fvl868.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/120733/original/image-20160429-28129-fvl868.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/120733/original/image-20160429-28129-fvl868.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/120733/original/image-20160429-28129-fvl868.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/120733/original/image-20160429-28129-fvl868.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/120733/original/image-20160429-28129-fvl868.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Partant du principe que les jumeaux évoluent dans des conditions similaires, <a href="https://link.springer.com/article/10.1023%2FA%3A1001959306025">ces études permettent aux chercheurs</a> d’évaluer la variance d’un résultat donné, tel que l’aptitude cognitive, au sein d’un large groupe. Ils tentent ensuite d’estimer la part des gènes dans cette variance, le cadre commun dans lequel vivent les jumeaux, ou leur environnement distinct.</p>
<p>Dans les années 1980 et 1990, ce genre d’étude a connu un regain d’intérêt, et les avancées technologiques leur ont donné un aspect bien plus systématique. La plupart corroboraient d’anciens résultats et démontraient le caractère hautement héréditaire et polygénique des capacités mentales, qui sont donc influencées par de nombreux marqueurs génétiques.</p>
<p><a href="https://kclpure.kcl.ac.uk/portal/en/publications/multivariate-behavioral-genetics-and-development-twin-studies%28f51376fe-96e6-4288-811f-9b44cead12c9%29.html">Robert Plomin</a>, <a href="http://www.annualreviews.org/doi/abs/10.1146/annurev.ps.29.020178.002353">J.C. Defries</a> et <a href="https://link.springer.com/article/10.1023%2FA%3A1010257512183">Nele Jacobs</a> ont fait partie des pionniers de ces nouvelles pistes de recherche. Malgré tout, celle-ci n’a pas permis d’identifier, au sein du génome humain, les gènes spécifiques rattachés à l’intelligence.</p>
<h2>Le génome : nouveaux défis</h2>
<p>Avec les technologies de séquençage, la recherche des composantes génétiques de l’hérédité a fait un nouveau pas en avant. Mais en dépit des possibilités infinies <a href="https://www.genome.gov/12011239">qu’avait fait miroiter en 2001</a> le projet Génome humain, l’utilisation de techniques d’analyse de l’ADN pour déterminer ce qui contribue aux différences intellectuelles <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/hast.496/abstract">s’est avérée bien plus complexe que prévu</a>.</p>
<p>Les études d’association pangénomiques (en anglais : <em>genome-wide association studies</em> ou GWAS), qui évaluent la relation entre un trait donné et une multitude de séquences d’ADN, ont commencé à s’imposer comme un outil de poids pour explorer notre structure génétique. Il s’agit en général de rechercher des polymorphismes mononucléotidiques (en anglais : <em>single-nucleotide polymorphisms</em> ou SNP). Ces variations entre gènes à des emplacements spécifiques tout au long d’une séquence d’ADN peuvent déterminer la probabilité qu’un individu développe une maladie ou un trait particulier.</p>
<p>Conçues à l’origine pour identifier les facteurs de risque associés à la <a href="http://doi.org/10.1126/science.1109557">vulnérabilité aux maladies</a>, les GWAS sont devenues un moyen de mettre le doigt sur les facteurs génétiques responsables des <a href="http://doi.org/10.1038/mp.2012.184">facultés cognitives</a>. Mais les chercheurs ont <a href="http://science.sciencemag.org/content/340/6139/1467">démontré</a> que l’intelligence est influencée par de nombreux gènes, même s’ils ne sont pas encore en mesure de localiser suffisamment de SNP pour prédire le QI d’un individu.</p>
<h2>Questions d’éthique</h2>
<p>Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, mais ce domaine est <a href="http://www.telegraph.co.uk/education/educationnews/11680895/Children-should-be-genetically-screened-at-the-age-of-4-to-aid-their-education-expert-claims.html">très médiatisé</a>, ce qui soulève plusieurs problèmes moraux. Cette recherche peut-elle vraiment être socialement neutre, étant donné ses fondements historiques galtoniens et eugéniques ? La question mérite d’être posée.</p>
<p>Ce genre de travaux pourrait ainsi avoir un impact sur l’<a href="http://nautil.us/issue/18/genius/super_intelligent-humans-are-coming">ingénierie génétique humaine</a>, et sur les choix des futurs parents. Ceux qui en auront les moyens et l’envie auraient la possibilité de rendre leur progéniture plus intelligente. Pour l’instant, cette possibilité semble relever de la fiction, mais si les gènes associés à l’intelligence sont identifiés, elle pourrait devenir une réalité.</p>
<p>Des <a href="http://eu.wiley.com/WileyCDA/WileyTitle/productCd-1118482786.html">chercheurs</a> ont émis l’idée qu’une école possédant les informations génétiques d’un enfant pourrait adapter son programme et sa pédagogie et créer un système d’« apprentissage personnalisé ». Mais cela pourrait conduire les enseignants à attendre un certain niveau de réussite de la part de certains groupes d’élèves (de différentes origines ethniques ou socio-économiques, par exemple), et l’on peut se demander si les familles les plus riches n’en profiteraient pas le plus.</p>
<p>Qu’on parle d’intelligence, de facultés cognitives ou de QI, la génétique comportementale cherche encore à identifier les marqueurs d’un trait pouvant déterminer, en substance, si la personne va réussir dans la vie. Étant donné l’histoire de ce domaine d’étude, il est indispensable que ses acteurs aient conscience des potentielles conséquences morales sur l’ensemble de la société.</p>
<p><em>Traduit de l’anglais par Charlotte Marti pour <a href="http://www.fastforword.fr/">Fast for Word</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/58680/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Daphne Martschenko ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les chercheurs ont démontré que l’intelligence est influencée par de nombreux gènes. Mais leurs recherches soulèvent des problèmes moraux.Daphne Martschenko, PhD Candidate, University of CambridgeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.