tag:theconversation.com,2011:/uk/topics/ha-ti-30493/articlesHaïti – The Conversation2024-03-27T16:47:15Ztag:theconversation.com,2011:article/2263652024-03-27T16:47:15Z2024-03-27T16:47:15ZHaïti, la fin d’un État<p>Haïti, <a href="https://www.lemonde.fr/livres/article/2011/01/12/histoire-d-haiti-la-premiere-republique-noire-du-nouveau-monde-de-catherine-eve-roupert-et-ma-vie-a-saint-domingue-de-jean-jacques-salgon_1464575_3260.html">première république noire</a>, apparaît de nouveau dans l’actualité sous les traits d’un <a href="https://www.bbc.com/afrique/articles/cy7zdzz2z7eo">État aux abois</a>, d’une société en proie à une violence multiforme.</p>
<p>Depuis le 11 mars 2024, le pays est sans autorité légale. Ses ports et ses aéroports sont fermés. La région métropolitaine vit au ralenti. Le premier ministre <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2024/03/12/apres-la-demission-du-premier-ministre-la-fin-de-la-crise-a-haiti/">Ariel Henry a dû démissionner</a> sous la pression des bandits qui ont <a href="https://www.lemonde.fr/comprendre-en-3-minutes/article/2023/10/08/comment-les-gangs-ont-pris-le-controle-d-haiti-comprendre-en-trois-minutes_6193123_6176282.html">pris le contrôle de plus de 80 % de l’espace métropolitain</a>.</p>
<p>Le président Jovenel Moïse a été <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/07/07/haiti-le-premier-ministre-annonce-l-assassinat-du-president-jovenel-moise_6087360_3210.html">assassiné</a> le 7 juillet 2021 dans des conditions troublantes ; mis à part <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20230215-assassinat-du-pr%C3%A9sident-ha%C3%AFtien-jovenel-mo%C3%AFse-quatre-hommes-arr%C3%AAt%C3%A9s-aux-%C3%A9tats-unis">quelques complices de second rang</a>, les principaux commanditaires du crime courent encore. Depuis, les bandes armées <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/03/13/haiti-ce-ne-sont-pas-deux-franges-de-la-population-qui-s-affrontent-mais-des-bandes-armees-qui-utilisent-la-terreur-pour-asseoir-leur-pouvoir_6221711_3232.html">continuent de faire régner la terreur</a> et plus de 350 000 personnes ont dû fuir de chez elles en quête d’un abri plus sûr.</p>
<p>Comment en est-on arrivé là ? Pour le comprendre, il convient d’analyser la triple faillite de l’État haïtien.</p>
<h2>Faillite écologique</h2>
<p>Le pays est soumis au double aléa <a href="https://ayiti.unice.fr/sismo-ayiti/votre-communaute/le-risque-sismique-en-haiti.html">sismique</a> et <a href="https://www.unicef.org/haiti/recits/ha%C3%AFti-face-au-d%C3%A9fi-du-changement-climatique">hydroclimatique</a>. Les <a href="https://books.openedition.org/editionsmsh/8316">cyclones de plus en plus fréquents</a>, de plus en plus violents ; les séismes majeurs qui peuvent se produire à tout moment (comme ceux de <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre-2013-1-page-163.htm">janvier 2010</a> et <a href="https://theconversation.com/sismo-citoyens-et-chercheurs-du-monde-entier-sallient-pour-comprendre-le-recent-seisme-dha-ti-166787">août 2021</a>) renforcent au sein de la population un sentiment de vulnérabilité systémique.</p>
<p>Lorsque les Européens ont débarqué au XV<sup>e</sup> siècle, la forêt recouvrait 90 % du territoire ; aujourd’hui, <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/ameriques/haiti-a-perdu-98-de-ses-forets-en-moins-de-trois-si%C3%A8cles_3061201.html">elle n’en occupe plus que 3 %</a> selon les données les plus fiables.</p>
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<p>Le milieu naturel a donc été soumis à rude épreuve. La déforestation a mis à nu des versants pentus dont la terre arable a été entraînée vers la mer par les pluies diluviennes. Les sols sont, par conséquent, pauvres, dégradés et les <a href="https://agritrop.cirad.fr/580382/1/ID580382.pdf">rendements agricoles</a> en souffrent.</p>
<p>La situation du milieu marin est <a href="https://journals.openedition.org/etudescaribeennes/267">catastrophique</a>. Le réchauffement global et la montée des eaux <a href="https://journals.openedition.org/com/1018">menacent les milieux littoraux fragiles</a>. Les coraux blanchissent et la mangrove est exploitée pour faire du charbon. Les frayères des espèces marines benthiques sont menacées d’ensevelissement sous une chape d’alluvions récentes.</p>
<h2>Faillite économique</h2>
<p>La sécurité alimentaire de la population s’en trouve compromise. Avec le blocage des routes, <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/guadeloupe/haiti-la-directrice-de-l-unicef-decrit-une-situation-apocalyptique-1473192.html">l’UNICEF alerte sur le risque de famine</a>, qui concerne plus de 2 millions de personnes, en majorité des femmes et des enfants. Le chômage touche également plus de 60 % de la population active.</p>
<p>Après l’indépendance, les anciens esclaves voulaient sortir de l’aliénation économique. Leur premier souci était d’assurer leur autosubsistance sans rapport de dépendance à l’égard de l’État. Mais le <a href="https://www.persee.fr/doc/outre_1631-0438_2005_num_92_346_4149_t1_0348_0000_5">Code rural de Toussaint Louverture</a> n’a pas répondu à leurs espoirs, se contentant de remplacer « esclaves » par « cultivateurs » dans les grands domaines.</p>
<p>Les Blancs restés dans la colonie après la proclamation de l’indépendance en janvier 1804 furent en grande partie <a href="https://www.haiticulture.ch/Jean-Jacques_Dessalines.html">massacrés sur ordre de Dessalines</a>, le père de l’indépendance haïtienne, à l’exception des Polonais qui avaient pris parti pour l’armée des insurgés contre <a href="https://www.herodote.net/Retablissement_de_l_esclavage_et_independance_d_Haiti-synthese-2955.php">l’expédition coloniale chargée en 1802 de rétablir l’esclavage dans l’île</a>.</p>
<p>Les grandes plantations perdirent peu à peu leur capacité de production par manque de personnel et du fait de la fuite de la main-d’œuvre vers les mornes. L’agriculture de plantation, qui avait fait de Saint-Domingue « la Perle des Antilles », laissa peu à peu la place à une économie paysanne de petits cultivateurs indépendants pratiquant une polyactivité très adaptée à leur souci d’autonomie personnelle. Ainsi se mit en place le <a href="https://maison-monde.com/maisons-rurales-haiti-lakou/">lakou</a>, cellule de base de l’habitat rural haïtien prenant racine sur les ruines de la plantation. Il s’ensuit une fragmentation extrême du tissu foncier au fur et à mesure de la croissance de la population : 400 000 habitants en 1804, plus de 11 millions en 2024.</p>
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<p>Quelques chiffres rendent compte de la situation difficile de la population. Avec une moyenne de 441 hab/km<sup>2</sup> et une grande concentration humaine dans les plaines, peu étendues, la densité est très forte sur certaines portions du territoire. La capitale, Port-au-Prince, regroupe 3,3 millions des 11 millions d’habitants du pays. <a href="https://journals.openedition.org/com/9806">30 % des Haïtiens</a> vivent au-dessous du seuil de pauvreté (fixé à 1,80 €/jour), ce qui explique la faiblesse de l’espérance de vie (63 ans, alors qu’elle est de 83 ans à Cuba).</p>
<p>Aujourd’hui la société haïtienne est une des <a href="https://lescientifique.org/inegalites-et-pauvrete-en-haiti-a-mieux-comprendre-ses-enjeux-et-consequences">plus inégalitaires des Amériques</a>. 20 % de la population concentrent 64 % des richesses alors que 20 % des plus pauvres n’en possèdent que 1 %.</p>
<h2>Faillite politique</h2>
<p>Après avoir subi de 1957 à 1986 la <a href="https://www.martinique.franceantilles.fr/actualite/chez-nos-voisins/pour-comprendre-la-situation-en-haiti-retour-sur-la-dictature-des-duvalier-957449.php">dictature dynastique des Duvalier</a> (François et Jean-Claude), protégés par les <em>Tontons Macoutes</em>, milice à la sinistre réputation, le pays est entré dans une spirale de violence qui mêle la répression des mouvements sociaux par des régimes brutaux et les exactions commises par des bandits.</p>
<p><a href="https://pauillac.inria.fr/%7Emaranget/volcans/06.96/comment.html">L’abolition en 1995 de l’armée</a> par le président Jean-Bertrand Aristide, comme remède à la récurrence des <a href="https://www.lefigaro.fr/international/2011/05/13/01003-20110513ARTFIG00537-de-coups-d-etat-en-dictatures-l-histoire-convulsive-d-haiti.php">coups d’État militaires</a>, se révèle un mauvais calcul. La perte du monopole de la violence légitime laisse l’État central à la merci des groupes armés recrutés illégalement par les hommes d’affaires et les politiciens pour défendre leurs propres intérêts. Les gangs armés ont pris le contrôle d’une grande partie du territoire et des principaux axes de circulation, avec comme principal enjeu le contrôle du trafic de drogue entre les pays andins et la Floride. L’argent de la drogue a gangréné la société haïtienne et corrompu les cadres dirigeants de l’État.</p>
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<p>La transition vers la démocratie a été ratée du fait de la brutalisation de l’espace public et de son invasion par des groupes mafieux qui ont fait dérailler le train de la démocratie au début des années 2000. S’est ensuivie une intervention des <a href="https://peacekeeping.un.org/fr/mission/minustah">Casques bleus de l’ONU, de 2004 à 2017</a> avec pour mission la stabilisation de la situation. À la fin de la mission, les gangs ont repris de l’activité et défient aujourd’hui ouvertement l’État en s’appropriant des secteurs entiers de la capitale. Devenus des territoires perdus de la Loi, ces quartiers sont barrés par des portails en fer et des murs érigés par les gangsters.</p>
<p>Les gangs occupent 80 % du territoire de la capitale haïtienne. Ils rançonnent la population et terrorisent les faubourgs. <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/haiti/haiti-les-violences-des-gangs-ont-fait-doubler-le-nombre-dhomicides-en-2023-69b182b8-ba09-11ee-afe8-d81ceac7fa4c#">Plus de 5 000 morts ont été enregistrés depuis janvier 2023</a>, et plus de 25 000 personnes ont été enlevées contre rançon.</p>
<p>L’émigration apparaît comme <a href="https://www.migrationpolicy.org/article/haitians-flee-collapse">l’unique recours</a>. En 2023, selon l’Organisation internationale des migrations, les principaux pays de destination sont les États-Unis (700 000), la République dominicaine (500 000), le Chili (230 000), le Canada (100 000) et la France (90 000). Avec un effectif d’environ 3 millions de personnes installées aux États-Unis, au Canada, en République dominicaine et en France (en comptant la deuxième et la troisième générations), la diaspora transfère chaque année l’équivalent de 3 milliards de dollars dans le pays d’origine : les Haïtiens de l’extérieur font vivre ceux de l’intérieur. Le revers de la médaille, c’est un tarissement des ressources humaines : 85 % des personnes titulaires d’un diplôme supérieur ou égal à un master sont à l’étranger.</p>
<h2>Une seule loi, celle du plus fort</h2>
<p>Le 2 octobre, le Conseil de Sécurité de l’ONU a <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/10/02/le-kenya-prend-la-tete-de-la-future-force-en-haiti-a-la-demande-des-etats-unis_6192062_3212.html">mandaté le Kenya</a> pour une mission financée non pas par l’ONU mais par des contributeurs volontaires, essentiellement les États-Unis. Le Kenya s’est dit prêt à envoyer 1 000 policiers pour lutter contre les gangs, ce qui semble bien peu vu l’ampleur de la tâche. Mais depuis la démission du premier ministre et la menace grandissante des bandits, le Kenya multiplie les déclarations dilatoires et <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20240314-l-envoi-d-une-force-internationale-en-ha%C3%AFti-une-mission-impossible-pour-le-kenya">repousse sine die</a> la mise en exécution de son engagement d’intervention. C’est d’ailleurs au retour d’un voyage à Nairobi que le premier ministre a été destitué. Signe qu’il n’y a pas de véritable accord entre les protagonistes de la situation : plus de dix jours après l’annonce de cette destitution, la société civile et les partis politiques appelés à la table de négociation n’ont toujours pas réussi à se mettre d’accord sur un calendrier de sortie de crise.</p>
<p>Haïti reste un terrain miné où personne n’a envie de s’engager, parmi les partenaires occidentaux traditionnels. Un sentiment de solitude existentielle taraude les Haïtiens et leur enlève tout espoir de solution. C’est de ce qui arrive lorsqu’on a foulé aux pieds les principes de liberté, d’égalité et de solidarité pour ne laisser place qu’à la loi du plus fort. La fin d’un État ouvre la voie à la loi de la jungle, à la raison du plus fort. Et les plus forts pour le moment, ce sont les bandits et les groupes mafieux qui les approvisionnent en armes et en munitions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226365/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Marie Théodat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au-delà de la crise sécuritaire actuelle, Haïti est enfoncé depuis des années dans une triple crise – écologique, économique et politique – dont on peine à discerner la fin.Jean-Marie Théodat, Maître de conférences en géographie physique, humaine, économique et régionale, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2256272024-03-21T17:32:29Z2024-03-21T17:32:29ZHaïti s’est enfoncé dans la crise. Voici quatre solutions pour l’aider à s’en sortir – et cela prendra du temps<p>L’état de crise est complet en Haïti. <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2033413/haiti-onu-espere-arrivee-force-multinationale-1er-trimestre-2024">Une mission internationale conduite par le Kenya</a> devait arriver début 2024, avant d’être <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2056617/kenya-mission-haiti-suspension-police?depuisRecherche=true">suspendue</a> en raison de la situation désastreuse dans le pays. </p>
<p>Dernier coup d’éclat : la <a href="https://www.ledevoir.com/monde/ameriques/808900/peu-espoir-haiti-apres-demission-ariel-henry">démission du premier ministre nommé Ariel Henry</a>, le 11 mars 2024. Cela a amené une certaine accalmie, mais en l’absence de solutions politiques concertées, cette dernière pourrait n’être que de courte durée.</p>
<p>Nombre de pays soutiennent actuellement la création d’un <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2056691/haiti-ariel-henry-demission-reactions-violence-quatre-questions?depuisRecherche=true">conseil présidentiel de transition</a>. Les États-Unis ont <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2056268/haiti-crise-violence-caricom-aide-humanitaire?depuisRecherche=true">débloqué 133 millions de dollars</a>, et les Nations-Unies devraient initier <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2057355/haiti-port-au-prince-troubles-tirs-gang-violence?depuisRecherche=true">« un pont aérien »</a> entre Haïti et la République dominicaine afin de faciliter l’entrée de l’aide humanitaire.</p>
<p>Ces actions de la communauté internationale peuvent-elles mettre fin à l’instabilité politique et institutionnelle en Haïti ? </p>
<p>Ancien fonctionnaire de l’administration publique haïtienne, pour laquelle j’ai travaillé pendant huit ans, je suis aujourd’hui chercheur et chargé d’enseignement à l’École nationale d’administration publique. Mon co-auteur a enseigné la conception et la mise en œuvre des politiques publiques en Haïti. Les analyses et conclusions que nous présentons sont tirées de nos expériences professionnelles et de nos travaux de recherche. </p>
<h2>Haïti au milieu du chaos</h2>
<p>En juillet 2018, des vagues de violences ont secoué Haïti. La population protestait contre la montée des prix des carburants. Ces mouvements de contestations ont servi de précédents au développement d’un phénomène dénommé <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Haitian_crisis_(2018%E2%80%93present)">« peyi lock »</a>, ou blocage du pays, devenu récurrent depuis. Il entraîne une mise à l’arrêt de <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2054218/haiti-urgence-attaques-gangs?depuisRecherche=true">tous les secteurs prioritaires</a>, comme les écoles ou les banques. <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2053907/gangs-assaut-prison-port-prince-evasions">Les prisons</a> ont aussi été prises d’assaut. </p>
<p>La crise est multidimensionnelle : <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/country/haiti/overview">politique, économique</a>, sécuritaire, <a href="https://www.lapresse.ca/international/caraibes/2024-03-09/haiti/la-situation-humanitaire-toujours-plus-precaire-a-port-au-prince.php">humanitaire</a>. Selon l’UNICEF, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2057901/unicef-haiti-mad-max-gangs?depuisRecherche=true">80 %</a> de la capitale, Port-au-Prince, seraient contrôlés par les gangs criminels, avec à leur tête le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2054894/jimmy-barbecue-cherizier-haiti-g9">désormais célèbre Jimmy « Barbecue » Chérizier</a>. </p>
<p>Les 8 et 9 mars 2024, la crise a atteint son apogée lorsque des bandes rivales ont cherché à prendre le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2056027/crise-haiti-entrevue-ambassadeur-canada?depuisRecherche=true">contrôle d’infrastructures névralgiques</a>, <a href="https://fr.africanews.com/2024/03/05/haiti-des-gangs-prennent-dassaut-laeroport-6-policiers-tues/">dont le principal aéroport international et le port</a>. </p>
<h2>Une crise politique qui s’inscrit dans le temps</h2>
<p>L’ancien président Jovenel Moïse, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1015480/haiti-jovenel-moise-president-election-crise-politique">élu en 2017</a>, n’avait pas déclenché d’élections durant tout son quinquennat. Cela a fragilisé les institutions publiques, déjà chancelantes, et la stabilité <a href="https://www.lapresse.ca/international/caraibes/2021-05-06/pas-de-financement-ni-d-observateurs-europeens-pour-le-referendum-en-haiti.php">sécuritaire du pays</a>.</p>
<p>Son <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/1941">assassinat</a> le 7 juillet 2021, qui s’inscrit dans l’histoire politique mouvementée du pays, n’a fait qu’accélérer cette débâcle. La présidence est vacante depuis. </p>
<p>La crise actuelle ne date pas d’hier. Ses racines remontent à l’indépendance d’Haïti, en <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volution_ha%C3%AFtienne">1804</a>. Depuis cette date, le pays a connu de nombreuses crises politiques.</p>
<p>La <a href="https://peacekeeping.un.org/fr/mission/minustah">MINUSTAH</a>, mission des Nations-Unies arrivée en Haïti en juin 2004, après le <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/762">renversement du Président Jean-Bertrand Aristide</a> le 29 février de cette année-là, avait pour objectif notamment de contribuer au renforcement de la Police nationale d’Haïti (PNH) pour faire régner l’ordre public, alors que sévissait un climat de crise et d’instabilité.</p>
<p>Cinq ans après le départ définitif de la MINUSTAH en 2019, le climat sécuritaire est délétère, voire apocalyptique. </p>
<p>La <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mission_des_Nations_unies_pour_la_stabilisation_en_Ha%C3%AFti#:%7E:text=Bien%20que%20la%20Mission%20de,bloqu%C3%A9e%20par%20des%20v%C3%A9hicules%20arm%C3%A9s.">composition de l’effectif</a> de la MINUSTAH constitue un des facteurs expliquant l’échec de la mission. Elle mobilisait 8 756 militaires et 3 555 policiers provenant de plus de 63 pays ayant chacun leurs façons de faire et d’opérer. Dans de telles conditions, il était difficile, voire impossible, d’assurer une cohérence dans les actions de la mission internationale. Par ailleurs, l’effectif militaire et constabulaire de la MINUSTAH était composé majoritairement des membres de pays où le respect des droits humains est souvent bafoué. </p>
<p>Il ne faut donc pas se surprendre que des ONG aient dénoncé tout au long de la présence de la MINUSTAH des <a href="https://archipel.uqam.ca/13765/1/M16426.pdf">cas de non-respect des droits humains</a>. La MINUSTAH est une des missions les plus controversées de l’histoire de l’ONU. Elle a fait l’objet de plusieurs allégations d’exploitation et d’abus sexuels. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/apres-seisme-voici-comment-des-enfants-ha-tiens-ont-ete-abandonnes-par-leur-pere-casque-bleu-129118">Après-séisme : voici comment des enfants haïtiens ont été abandonnés par leur père Casque bleu</a>
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<h2>Repenser la mobilisation de communauté internationale à Haïti</h2>
<p>Une <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2057043/haiti-caricom-pression-transition-conseil-president?depuisRecherche=true">rencontre</a> initiée par la CARICOM (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Communaut%C3%A9_carib%C3%A9enne">Communauté caribéenne</a>) s’est tenue le 11 mars en Jamaïque. Elle a réuni plusieurs acteurs internationaux pour discuter de la crise actuelle en Haïti et favoriser la création d’un Conseil présidentiel de transition, mandaté entre autres pour organiser les prochaines élections. </p>
<p>La société civile haïtienne a déjà nommé <a href="https://lenouvelliste.com/article/247301/pierre-jean-raymond-andre-et-rene-jean-jumeau-les-deux-observateurs-au-conseil-presidentiel">ses observateurs</a> au sein de ce conseil présidentiel de transition. Mais le premier ministre démissionnaire, Ariel Henry, affirme toujours <a href="https://lenouvelliste.com/article/247304/ariel-henry-attend-de-recevoir-officiellement-les-noms-des-membres-du-conseil-presidentiel-pour-publication-dans-le-moniteur">attendre de la CARICOM les noms des membres de ce conseil</a> pour l’officialiser. Il semble donc que la crise soit, encore une fois, en voie de s’enliser.</p>
<p>Nous croyons que le désastre politique, sécuritaire et humanitaire que connaît Haïti requiert une mobilisation de la communauté internationale. Cette mobilisation doit cependant être repensée. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ha-ti-dix-ans-apres-le-seisme-voici-pourquoi-le-pays-a-tant-de-mal-a-se-relever-128972">Haïti, dix ans après le séisme : voici pourquoi le pays a tant de mal à se relever</a>
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<p>Le pays étant affaibli sur le plan institutionnel, un accompagnement doit être planifié sur le long terme et viser une autonomie des institutions de manière progressive. Au cours des dernières décennies, les appuis apportés à Haïti ont privilégié le <a href="https://occah.uqam.ca/publications/haiti-mieux-comprendre-le-bilan-mitige-de-laction-humanitaire-internationale/">canal des ONG</a>. Ce choix ne contribue malheureusement pas à renforcer les capacités institutionnelles des entités publiques. Ainsi, une fois que les ONG partent, il devient difficile pour les acteurs locaux de prendre le relais. </p>
<p>Notre connaissance du terrain nous invite plutôt à préconiser une démarche non imposée et respectueuse des intérêts et des besoins stratégiques d’Haïti. Nous pensons que le pays peut sortir de la crise à condition de compter sur une administration publique forte et sur une aide internationale coordonnée, menée par des pays dont les institutions respectent les droits humains. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/crise-en-ha-ti-le-salut-passe-par-une-administration-publique-forte-126570">Crise en Haïti : le salut passe par une administration publique forte</a>
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<p>Cette aide doit sortir des sentiers battus et prioriser une approche participative, en intégrant les objectifs des Haïtiens pour leur pays. À la suite du séisme du 12 janvier 2010, la communauté internationale avait conduit des interventions non ordonnées, <a href="https://espace.enap.ca/id/eprint/447/">sans tenir compte des spécificités du contexte local</a>. Le constat d’échec n’avait donc rien d’étonnant. </p>
<p>Le soutien à apporter à Haïti par la communauté internationale doit s’inscrire dans la durée. Le passage de la MINUSTAH confirme que des interventions ponctuelles de type humanitaire ou d’urgence ne peuvent être efficaces. Nous pensons que l’aide à apporter à Haïti doit être pensée non pas en années, mais en décennies.</p>
<p>On doit privilégier une approche multidimensionnelle pour solidifier, stabiliser et pérenniser les institutions publiques de l’État. Il ne suffit pas simplement d’appuyer la police nationale pour que l’ordre revienne. Ce sont toutes les institutions qui sont à rebâtir.</p>
<h2>Les responsabilités des Haïtiens</h2>
<p>En Haïti, les acteurs politiques et ceux de la société civile ont la responsabilité d’être proactifs dans la proposition de solutions viables. Nous croyons que le comportement attentiste souvent manifesté par l’élite intellectuelle haïtienne doit être révolu. Nous proposons ainsi qu’une concertation de toutes les forces vives de la nation, impliquant notamment la diaspora, est indispensable pour le renouveau du pays. C’est avec ces forces vives que doit composer l’aide internationale dans une démarche de soutien et d’autodétermination, plutôt que d’imposition comme le montre bien l’économiste américain, spécialiste de l’économie du développement, <a href="https://penguinshop.ca/products/9780143038825">William Easterly, dans cet essai</a>.</p>
<p>Il nous apparaît donc aujourd’hui qu’il faut adopter une démarche en quatre temps pour sortir Haïti de la crise qui la caractérise :</p>
<ol>
<li><p>Former une force internationale dont les pays membres sont respectueux des droits humains.</p></li>
<li><p>Déployer cette force pour soutenir la police nationale et ramener l’ordre, la paix et la sécurité dans le pays, ce qui inclut traduire en justice les criminels qui orchestrent actuellement le désordre dans le pays.</p></li>
<li><p>Organiser des États généraux pour concerter ces forces vives de la société civile et mettre sur pied un plan visant à rebâtir les institutions publiques du pays et à les pérenniser.</p></li>
<li><p>Contribuer à la formation des agents de l’État et au développement des structures et processus qui seront nécessaires pour pérenniser les institutions publiques.</p></li>
</ol>
<p>Ce plan est réalisable, à notre avis, à condition que les pays qui accepteront d’intervenir se résoudront à y demeurer quelques décennies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225627/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Haïti peut sortir de la crise à condition de compter sur une administration publique forte et sur une aide internationale coordonnée, menée par des pays qui respectent les droits humains.Emmanuel Sael, Docteur en administration publique et chargé d'enseignement, École nationale d'administration publique (ENAP)Jean-François Savard, Professeur agrégé, École nationale d'administration publique (ENAP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2220722024-02-11T14:44:46Z2024-02-11T14:44:46ZHaïti : un « séisme commémoratif » en hommage aux victimes de la catastrophe de 2010<p>Le quotidien des Haïtiens est sans cesse confronté à des <a href="https://news.un.org/fr/story/2024/01/1142817">crises politiques</a>, économiques et sécuritaires. Parmi tous ces risques, des séismes surviennent <a href="https://www.donneesmondiales.com/amerique/haiti/tremblements-terre.php">régulièrement</a>. Souvent meurtriers, ils provoquent l’effroi et laissent la population démunie.</p>
<p>Depuis 2021, un <a href="https://theconversation.com/sismo-citoyens-et-chercheurs-du-monde-entier-sallient-pour-comprendre-le-recent-seisme-dha-ti-166787">groupe de chercheurs haïtiens et français</a> travaille sur le risque sismique en Haïti dans le cadre du projet ANR Osmose. Sismologues, géologues, mais aussi géographes, anthropologues et philosophes : de façon multidisciplinaire, ils distribuent à travers tout le pays de <a href="https://raspberryshake.org/wp-content/uploads/etudescaribeennes-24534.pdf">petits sismomètres</a>, ces appareils qui enregistrent et mesurent les tremblements de terre, à des habitants qui, bénévolement, les accueillent chez eux. Cette démarche dite de <a href="https://hal.inrae.fr/hal-02801940">« science participative »</a> permet de faire des relevés précis des mouvements de la terre, immédiatement mis en ligne <a href="https://ayiti.unice.fr/sismo-ayiti/">sur un site Internet</a>, mais aussi d’impliquer les hébergeurs (baptisés « sismo-citoyens ») dans la démarche de recherche.</p>
<p>Alors qu’on ne peut encore <a href="https://theconversation.com/seismes-pourquoi-on-ne-peut-pas-les-prevoir-58754">prédire les séismes</a>, l’accueil des sismomètres pourrait paraître superfétatoire. Pourtant, pour les sismo-citoyens, participer à un projet dont les résultats peuvent paraître lointains (des articles académiques dans des revues scientifiques) prend tout son sens.</p>
<p>Leur motivation est grande, leur fierté réelle, et ils démontrent sans cesse un grand intérêt à participer au projet. Chaque vibration du sol ressentie est « vérifiée » en ligne par l’hébergeur, pour voir si le sismomètre a bien fait son travail et mesuré la taille de l’évènement. Quand cela dysfonctionne, les scientifiques sont appelés. Quand ces derniers viennent visiter les dispositifs, pour les réparer par exemple, ils sont toujours bien reçus. Un groupe de discussion sur la plate-forme <em>WhatsApp</em> voit les hébergeurs échanger, se questionner, ou interpeller directement les sismologues quand une interrogation se présente.</p>
<h2>Un signal symbolique pour commémorer le séisme de 2010</h2>
<p>C’est justement cette forte implication qui interpelle les chercheurs. Elle a été démontrée une fois de plus le 12 janvier dernier, date anniversaire du <a href="https://www.dec.org.uk/article/2010-haiti-earthquake-facts-and-figures">séisme de 2010</a> qui a frappé l’agglomération de la capitale Port-au-Prince et provoqué la mort de dizaines de milliers de personnes et le déplacement de plus de 2 millions d’autres dans des camps de fortune.</p>
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<p>L’équipe de chercheurs a demandé aux sismo-citoyens de créer un <a href="https://www.facebook.com/p/Les-Sismo-citoyens-en-Ha%C3%AFti-100092265603680/">« séisme commémoratif »</a>. À l’heure exacte du séisme de 2010, ils devaient sauter à côté de leurs sismomètres pour créer des signaux sismiques enregistrés sur la plate-forme en ligne. L’enjeu pour les chercheurs n’était pas tant de savoir si les vibrations causées par ces sauts allaient être enregistrées – les sismomètres, s’ils sont bien branchés et connectés à Internet, sont très sensibles. Il s’agissait surtout de voir si cette idée de signal symbolique allait être acceptée et relayée par les sismo-citoyens.</p>
<p>Et ça a fonctionné ! Le 12 janvier 2024, à 16h53 précise, les sismomètres ont enregistré les vibrations provoquées par les sauts des sismo-citoyens. Certains se sont filmés lors de l’exercice, d’autres ont réuni voisins ou amis pour sauter de manière synchrone vers « la petite boîte qui fait beaucoup », tel qu’est décrit le sismomètre par un hébergeur. Dans la bonne humeur, et avec précision, le séisme commémoratif a mobilisé et a été enregistré.</p>
<h2>Un besoin de mémoire</h2>
<p>Cependant, la mémoire du 12 janvier 2010 est difficilement entretenue dans le pays : les sites mémoriels ont été délaissés, et les actions commémoratives ont été peu suivies.</p>
<p>Un <a href="https://haiti.loopnews.com/content/la-decouverte-dun-memorial-consacre-aux-disparus-du-12-janvier">mémorial</a> a laborieusement été construit près des fosses communes du séisme, mais s’est rapidement délabré. Si les autorités se recueillent annuellement au sein de leurs ministères ou devant de petites stèles, la population est peu conviée à ces temps de souvenirs, car elle est plus occupée à organiser sa survie quotidienne.</p>
<p>Décrété initialement jour férié, ce temps de souvenir et de deuil a été oublié des calendriers dès 2013. De manière générale, les <a href="https://journals.openedition.org/espacepolitique/8275">activités commémoratives sont organisées par la population</a> et au sein des familles : le saut collectif des participants au projet Osmose traduit bien le désir, et peut-être la nécessité, de rappeler la catastrophe et de la visibiliser pour ne pas qu’elle tombe dans l’oubli.</p>
<p><a href="https://journals.openedition.org/cal/3093">Haïti est un pays failli</a>, sur lequel le regard porté est souvent pessimiste. On égraine ses malheurs en les associant à des chiffres de morts dans une litanie d’un pays malade, voir « maudit ». Certes, il y a les séismes et les cyclones, l’économie vacillante et les instances politiques dépassées par une insécurité de tous les instants.</p>
<h2>Un pays disloqué par l’insécurité</h2>
<p>Depuis l’assassinat du Président Moïse, en 2021, les <a href="https://www.lemonde.fr/comprendre-en-3-minutes/article/2023/10/08/comment-les-gangs-ont-pris-le-controle-d-haiti-comprendre-en-trois-minutes_6193123_6176282.html">gangs ne cessent de s’affronter</a> et le pays vibre au son des combats qui déplacent les populations, coupent les routes (et les échanges marchands), ferment les écoles, provoquent la terreur.</p>
<p>La population a donc peu de droits respectés, de la même façon qu’elle a du mal à exercer ses devoirs citoyens. <a href="https://news.un.org/fr/story/2023/10/1139942">Les élections ne sont toujours pas organisées</a> et les autorités sont absentes, seulement incarnées par une police mal équipée et parfois défaillante.</p>
<p>L’impact sécuritaire des tirs et des affrontements qui rythment le quotidien entrave toutes les possibilités de développement, d’expression et d’exercice de la citoyenneté. <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/news/feature/2023/11/15/school-attendance-and-a-keen-interest-in-learning-are-priorities-for-many-young-haitians">L’éducation et la santé sont difficiles d’accès</a> : seuls s’en sortent ceux qui peuvent payer. <a href="https://www.rfi.fr/fr/podcasts/journal-d-ha%C3%AFti-et-des-am%C3%A9riques/20230728-ha%C3%AFti-la-fuite-des-cerveaux-s-acc%C3%A9l%C3%A8re">Les personnes formées ont pour beaucoup fui le pays</a>, et les ONG ont des difficultés à travailler (par exemple, les hôpitaux de Médecins sans frontières <a href="https://www.msf.fr/communiques-presse/haiti-msf-condamne-fermement-la-violente-intrusion-armee-a-tabarre-et-suspend-ses-activites-a-l-hopital">ferment parfois leurs portes</a> après des attaques ou exactions de patients).</p>
<p>Une grande partie du pays est en <a href="https://fr.wfp.org/communiques-de-presse/la-faim-severe-persiste-en-haiti-alors-que-la-violence-dans-la-capitale">insécurité alimentaire</a>, non parce qu’il n’y a pas de production, mais parce que les routes sont coupées : la nourriture produite dans le pays n’accède pas aux centres urbains. Tout cela provoque <a href="https://www.iom.int/es/news/une-aide-essentielle-aux-haitiens-expulses">l’exode des Haïtiens</a> qui se retrouvent souvent en Amérique latine, d’où ils essaient de remonter vers les États-Unis.</p>
<p>Alors qu’une <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-enjeux-internationaux/le-deploiement-d-une-force-internationale-peut-il-sauver-haiti-3448257">force multinationale</a> pour rétablir la sécurité <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/01/26/au-kenya-la-justice-refuse-le-deploiement-de-policiers-a-haiti-le-president-n-abandonne-pas_6213196_3212.html">tarde à se mettre en place</a>, les Haïtiens sont toujours dans l’attente d’une solution pour pouvoir vivre dans un pays apaisé.</p>
<h2>Le désir d’agir des citoyens</h2>
<p><a href="https://www.cetri.be/Haiti-continuation-et-interruption">Les citoyens haïtiens sont pourtant là</a>. Ils luttent par le verbe notamment – la poésie, le chant, la prose, partagés lors de rencontres littéraires ou récités en ligne, <a href="https://www.haitiinter.com/">y compris par la diaspora</a>. Ils luttent aussi par leur participation sans faille à tout événement collectif, pour peu qu’on leur en donne les moyens. La voix des Haïtiens est clamée dans tous les réseaux d’entraide qu’ils organisent entre eux : on se serre les coudes pour faire des courses, circuler à travers le pays, se tenir au courant, via les réseaux sociaux, des zones qui s’enflamment pour pouvoir les éviter. On fait avancer la science également, pour le bénéfice du pays – à l’instar des « sismo-citoyens » – en s’investissant dans le projet Osmose.</p>
<p>Le séisme commémoratif est un de ces signes de « citoyenneté malgré tout ». Il démontre à quel point les citoyens haïtiens s’investissent, dès qu’on leur en donne les moyens, dans les activités collectives pour leurs pays. Il fait partie des nombreux actes de résistance – et d’existence – des habitants qui valorisent une citoyenneté qui leur est pourtant flouée au quotidien. Cette participation symbolique et scientifique est donc avant tout populaire et politique.</p>
<hr>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-21-CE03-0010">OSMOSE</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222072/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alice Corbet a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche (ANR) française dans le cadre du projet numéro ANR-21CE03-0010 intitulé OSMOSE. Les auteurs remercient toute l'équipe de OSMOSE sans qui tout ce travail ne pourrait être réalité. Site du projet : <a href="https://ayiti.unice.fr/osmose/fr/">https://ayiti.unice.fr/osmose/fr/</a> </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Éric Calais a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche (ANR) et du programme européen Interreg Caraïbes (projet PREST). </span></em></p>À l’heure exacte du séisme de janvier 2010, des Haïtiens ont sauté à côté de sismomètres pour créer des signaux « commémoratifs » enregistrés sur une plate-forme en ligne.Alice Corbet, Anthropologue, LAM, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Éric Calais, Professeur, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2210002024-01-18T19:26:58Z2024-01-18T19:26:58ZNapoléon le législateur : la gênante omission du film de Ridley Scott<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568962/original/file-20240105-27-wtm75j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=177%2C262%2C3633%2C2662&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Joaquin Phoenix dans le rôle de Napoléon, dans le film de Ridley Scott. Napoléon était un législateur prolifique qui a parrainé le « Code civil des Français » à l’influence planétaire.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Apple TV+)</span></span></figcaption></figure><p>Les conquêtes napoléoniennes sur le champ de bataille et sur l’oreiller forment la trame narrative du film biographique « Napoléon », de Ridley Scott.</p>
<p>Mais devant cette <a href="https://www.lefigaro.fr/vox/culture/joachim-murat-le-napoleon-de-ridley-scott-est-bourre-de-defauts-mais-allez-le-voir-20231122">caricature</a> des excès de la masculinité, qui sacrifie la <a href="https://www.geo.fr/histoire/que-vaut-le-napoleon-de-ridley-scott-histoire-incoherences-reconstitutions-217638">cohérence narrative</a> et <a href="https://variety.com/2023/film/news/napoleon-inaccuracies-french-historians-pyramids-1235823975/">l’exactitude historique</a> sur l’autel du sensationnalisme vendeur, ma principale réserve d’<a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9780367808471-31/fugitives-france-kelly-summers?context=ubx&refId=f0b06c28-a29a-49b5-a5ba-d37bee069054">historienne</a> de la <a href="https://ageofrevolutions.com/2021/01/25/a-cross-channel-marriage-in-limbo-alexandre-darblay-frances-burney-and-the-risks-of-revolutionary-migration/">Révolution française</a> tient moins aux inventions du cinéaste qu’à ses omissions.</p>
<p>Car à trop appuyer sur le génie tactique de Napoléon, ses erreurs de jugement et ses frasques sexuelles, on en oublie son principal héritage : celui d’un législateur visionnaire, mais paradoxalement égocentriste.</p>
<p>Après dix ans <a href="https://www.cairn.info/tous-republicains--9782200272821-page-9.htm">d’expérimentations postrévolutionnaires</a>, Napoléon Bonaparte a promulgué une série de réformes qui ont fini d’effacer les hiérarchies sociales, <a href="https://www.jewishvirtuallibrary.org/napoleon-bonaparte">religieuses</a> et féodales de l’époque.</p>
<p>Ce qui, par ailleurs, n’a jamais empêché ce personnage contradictoire de renier ses idéaux révolutionnaires chaque fois que ceux-ci entraient en conflit avec son insatiable ambition dans son empire continental ou ses colonies d’outre-mer.</p>
<h2>Achever la Révolution française en droit</h2>
<p>Reconnaissons l’habileté de Ridley Scott dans les quelques séquences humoristiques de son film qui décapent à la fois l’hagiographie et les contempteurs du mythe napoléonien. Joaquin Phoenix y incarne davantage la figure du <a href="https://journals.openedition.org/chrhc/5133">Petit Caporal</a> lourdaud que l’ogre corse.</p>
<p>Mais ce portrait d’un guerrier socialement inepte néglige les plus grandes réalisations et les plus grands échecs d’un législateur prolifique.</p>
<p>Dès sa prise de pouvoir en 1799, ce jeune général de 30 ans a entrepris une série de vastes réformes tout aussi marquantes que les exploits <a href="https://global.oup.com/academic/product/the-napoleonic-wars-9780199951062?cc=ca&lang=en&">militaires</a> et <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-030-27435-1_11">politiques</a> qui forment la geste napoléonienne.</p>
<p>L’homme d’État a laissé une marque indélébile en tant que promoteur énergique de nouvelles institutions et procédures, dont un <a href="https://www.revuepolitique.fr/la-politique-scolaire-de-napoleon-et-son-heritage/">système éducatif laïc pour former les cadres d’une bureaucratie en croissance</a>, un ambitieux programme de <a href="https://www.napoleon.org/en/history-of-the-two-empires/articles/bullet-point-30-did-napoleon-transform-paris/">travaux publics</a> et, par-dessus tout, un système de lois uniforme.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/OAZWXUkrjPc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La bande-annonce du « Napoléon » de Ridley Scott.</span></figcaption>
</figure>
<h2>La fin réelle de la féodalité</h2>
<p>Dès l’été de 1789, les députés avaient voulu abolir la féodalité et son système de gestion des terres issu du Moyen-Âge. Ils ont rapidement balayé les droits, les corvées et les dîmes qui, pendant des siècles, avaient lié la paysannerie aux seigneurs et au clergé.</p>
<p>Mais comme l’a montré l’historien Rafe Blaufarb, les gouvernements successifs n’ont pas su régler le problème le plus épineux : la <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1057/9780230236738_8">conversion des biens féodaux en propriété au sens moderne</a>.</p>
<p>Le code civil des Français de 1804 a facilité ce processus en instituant un système transparent de droit de la propriété et de la famille.</p>
<p>Mais Napoléon ne s’est pas arrêté là. Ses <a href="https://archive.org/details/napoleonhiscolla0000wolo">infatigables collaborateurs</a> ont élaboré divers codes complémentaires — commercial, pénal, rural et <a href="https://www.napoleon-series.org/military-info/organization/France/Miscellaneous/c_FrenchMilitaryCode.html">militaire</a>. Ensemble, ils ont assaini le marécage des privilèges féodaux, des ordonnances royales de l’Ancien Régime, ainsi que des lois romaines, coutumières et canoniques.</p>
<h2>Vocation didactique du nouveau droit</h2>
<p>Ce Code napoléonien était le projet des Lumières par excellence : à la fois nécessité pratique et outil de consolidations des réformes révolutionnaires.</p>
<p>Sa prose directe et son organisation rationnelle avaient également valeur didactique. Il informait le citoyen des <a href="https://www.senat.fr/connaitre-le-senat/lhistoire-du-senat/dossiers-dhistoire/bicentenaire-du-code-civil/code-civil-6.html">« principes de sa conduite »</a> et réconciliait une population divisée avec l’idée de son égalité devant la loi.</p>
<p>Dans le contexte d’un empire en croissance, le zèle de Napoléon pour la normalisation anticipait bon nombre des <a href="https://www.thenation.com/article/archive/enlightened-elitist-undemocratic/">objectifs politiques et économiques</a> de la future <a href="https://www.justice.gouv.fr/actualites/espace-presse/archives-code-civil-leurope-influences-modernite">Union européenne</a>. Il envisageait déjà « une Cour de cassation européenne, une même monnaie, les mêmes poids et mesures, les mêmes lois », relate <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k109845d/f279.image.r=216">Joseph Fouché dans ses mémoires</a>.</p>
<h2>Détournement et trahison</h2>
<p>Si Napoléon a exporté un cadre juridique égalitaire en Europe, il l’a trop souvent imposé par les armes.</p>
<p>L’homme qui a transformé la Première République française durement gagnée en un <a href="https://www.upress.virginia.edu/title/3424/">« État policier »</a> n’a pas livré « les Lumières à cheval », contrairement à ce que <a href="https://www.andrew-roberts.net/books/napoleon-a-life/">prétendent</a> ses <a href="https://www.napoleon.org/en/history-of-the-two-empires/articles/napoleon-hegelian-hero/">admirateurs</a>.</p>
<p>Tout en défendant la <a href="https://revolution.chnm.org/exhibits/show/liberty--equality--fraternity/item/277">liberté de conscience</a>, la souveraineté nationale et le gouvernement représentatif, Napoléon a emprisonné un pape, truqué des plébiscites, rétabli la monarchie héréditaire et plongé l’Europe dans un état de guerre permanente.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un homme portant un chapeau bicorne et un manteau bleu à simple boutonnage avec des détails dorés devant un paysage désertique" src="https://images.theconversation.com/files/568736/original/file-20240110-15-9uvact.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568736/original/file-20240110-15-9uvact.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568736/original/file-20240110-15-9uvact.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568736/original/file-20240110-15-9uvact.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568736/original/file-20240110-15-9uvact.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568736/original/file-20240110-15-9uvact.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568736/original/file-20240110-15-9uvact.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Napoléon — incarné par Joaquin Phoenix dans le film éponyme — et ses collaborateurs ont remplacé l’Ancien Régime par de nouveaux codes commerciaux, pénaux, ruraux et militaires.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Apple TV+)</span></span>
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</figure>
<p>Malgré ses mérites, le Code civil annulait plusieurs acquis révolutionnaires pour les travailleurs et les <a href="https://officedelaportedemars-reims.notaires.fr/article-le-statut-de-la-femme-dans-le-code-civil-de-1804-a-nos-jours-6.html">femmes</a>. Une femme adultère risquait la maison de correction, alors que son mari infidèle se voyait simplement interdit de recevoir sa concubine au domicile conjugal.</p>
<p>La <a href="https://francearchives.gouv.fr/fr/pages_histoire/40099">liberté d’expression</a> s’est trouvée compromise par la conviction de Napoléon qu’une presse libre contrôlée par le gouvernement peut devenir un allié solide. Ses agents réprimaient toute dissidence par la détention préventive, l’exil et la censure.</p>
<p>Ridley Scott se contente de faire défiler en silence des personnages de première importance. <a href="https://fr.linkedin.com/pulse/cambac%C3%A9r%C3%A8s-et-napol%C3%A9on-moins-quun-num%C3%A9ro-un-plus-deux-thierry-lentz">Comme son numéro deux</a>, l’archichancelier Jean-Jacques-Régis de Cambacérès, qui a rédigé le code civil. Ou son Ministre de la police, Joseph Fouché, qui supervisait les opérations de surveillance.</p>
<h2>Tentative de rétablissement de l’esclavage</h2>
<p>Le film passe également sous silence sa violation la plus flagrante des valeurs révolutionnaires : <a href="https://theconversation.com/the-napoleon-that-ridley-scott-and-hollywood-wont-let-you-see-218878">sa tentative de rétablir l’esclavage dans les Antilles en 1802</a>.</p>
<p>Cet épisode inclut la trahison de Toussaint Louverture, figure de proue de la Révolution haïtienne, et <a href="https://www.cairn.info/revue-africultures-2005-3-page-88.htm">personnage tout aussi digne d’une superproduction hollywoodienne par son importance et sa complexité</a>.</p>
<p>Cette violence <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00313220500106196">génocidaire</a> a eu son prix : la France y a perdu non seulement <a href="https://www.nytimes.com/2022/05/20/world/americas/haiti-aristide-reparations-france.html">plus de soldats qu’à Waterloo</a>, mais sa colonie la plus rentable et sa stature morale.</p>
<p>Et la <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1953/10/17/les-etats-unis-achetaient-il-y-a-cent-cinquante-ans-a-la-france-une-louisiane-vingt-fois-plus-etendue-que-la-louisiane-actuelle_1985193_1819218.html">vente de la Louisiane</a> viendra anéantir son rêve d’empire nord-américain.</p>
<h2>Un héritage mondial</h2>
<p>Ridley Scott saisit bien les angoisses d’un despote exilé sur <a href="https://www.geo.fr/histoire/pourquoi-napoleon-exile-sainte-helene-204106">l’île Sainte-Hélène</a>, privé d’autorité, mais toujours orgueilleux et incapable d’admettre ses erreurs et ses crimes.</p>
<p>Ce que le film ne montre pas, cependant, c’est la lucidité de Napoléon quant à son héritage le plus durable.</p>
<p>« <a href="https://www.geo.fr/histoire/code-civil-histoire-du-chef-doeuvre-de-napoleon-204373">Ma vraie gloire n’est pas d’avoir gagné quarante batailles ; Waterloo effacera le souvenir de tant de victoires. Ce que rien n’effacera, ce qui vivra éternellement, c’est mon code civil !</a> », souffle-t-il au général Charles-Tristan Montholon, son compagnon d’exil.</p>
<p>La chose est avérée, même au-delà des pays occupés ou colonisés par la France. Le Japon de l’ère Meiji et l’Iran prérévolutionnaire ont utilisé le modèle napoléonien pour codifier leurs lois. Des versions du code sont encore en vigueur dans de <a href="https://www.senat.fr/connaitre-le-senat/lhistoire-du-senat/dossiers-dhistoire/bicentenaire-du-code-civil/bicentenaire-du-code-civil-la-diffusion-a-letranger.html">nombreux pays aujourd’hui</a>.</p>
<p>Si les tactiques napoléoniennes ont échoué à Trafalgar, Vertières et Waterloo, le Code civil s’est révélé invincible.</p>
<p>Malheureusement, les subtilités juridiques ne font pas <a href="https://bigthink.com/high-culture/napoleon-ridley-scott/">« du bon cinéma »</a>, comme le déclarait <a href="https://www.bloomsbury.com/ca/europe-under-napoleon-9781350157675/">l’historien Michael Broers</a>, qui a conseillé Ridley Scott.</p>
<p>Pourtant cela s’est vu, dans la comédie musicale <a href="https://www.stlouisfed.org/on-the-economy/2020/november/unleasing-hamilton-financial-revolution">Hamilton</a> ou la minisérie <a href="https://www.imdb.com/title/tt0472027/">John Adams</a>, qui placent les subtilités légales au centre de l’intrigue. Peut-être Ridley Scott osera-t-il défier les attentes avec la <a href="https://www.ecranlarge.com/films/news/1496691-napoleon-ou-est-version-longue-ridley-scott-sortie-apple">« version longue »</a>, attendue ce printemps.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221000/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kelly Summers ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En mettant l’accent sur les triomphes tactiques, les erreurs de calcul et les frasques sexuelles de Napoléon, Ridley Scott néglige l’héritage paradoxal qu’il a laissé en tant que législateur.Kelly Summers, Assistant Professor of History, Department of Humanities, MacEwan UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2200682024-01-11T16:41:37Z2024-01-11T16:41:37ZJapon, Inde, Haïti et ailleurs : ce que les toilettes publiques disent des sociétés<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568829/original/file-20240111-17-fnevuh.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C7%2C2556%2C1216&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Scène issue de _Perfect Days_ de Wim Wenders, dont le personnage principal est un nettoyeur de toilettes publiques à Tokyo.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=kLYFBhcwYj4">Wim Wenders, « Perfect Days », Master Mind</a></span></figcaption></figure><p>Le 6 décembre dernier, sortait en salle le film de Wim Wenders <a href="https://www.perfectdays-movie.jp/en/"><em>Perfect Days</em></a>, qui met en scène le quotidien d’un employé municipal de Tokyo, Hirayama, chargé de nettoyer les toilettes publiques. Ce film met en évidence, s’il en était encore besoin, les différences sociales et culturelles dans les façons d’appréhender ce petit coin, sa visibilité dans l’espace public, mais également les questions d’<a href="https://theconversation.com/que-risque-t-on-en-sasseyant-sur-des-toilettes-publiques-105465">hygiène</a> et d’assainissement.</p>
<p>Il rend partiellement compte d’une expérience développée par le <a href="https://tokyotoilet.jp/en/">Tokyo Toilet Project</a> lancé par l’ONG <a href="https://www.nippon-foundation.or.jp/en/what/projects/thetokyotoilet">The Nippon Foundation</a>, qui vise à réhabiliter 17 toilettes publiques de l’agglomération de Shibuya en œuvres d’art, toutes gratuites et utilisables par tous et toutes indépendamment du sexe, de l’âge ou du handicap.</p>
<p>L’une d’entre elles, réalisée par <a href="https://tokyotoilet.jp/en/yoyogifukamachi_mini_park/">Shigeru Ban</a>, est d’ailleurs équipée de cabines colorées et transparentes qui deviennent opaques quand on ferme la porte. Un dispositif qui permet, selon l’architecte, de répondre à deux préoccupations que peuvent avoir les utilisateurs concernant les toilettes : vérifier leur état de propreté et s’assurer que personne ne se trouve déjà à l’intérieur.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/1GcyTKfj_wQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Toilettes transparentes, Shibuya.</span></figcaption>
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<p><a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/12/26/les-toilettes-publiques-au-japon-des-sanctuaires-de-paix-et-d-hygiene_6207661_3210.html">En esthétisant les toilettes</a> et en en faisant un élément ostensible du décor urbain, c’est-à-dire un outil de requalification de certains îlots de l’arrondissement de la capitale, ce projet donne à voir la place singulière que ces dernières occupent dans la culture nippone.</p>
<p>Néanmoins, s’il a vu le jour, c’est parce ce qu’un certain nombre de stéréotypes (les toilettes publiques étaient considérées comme sombres, malodorantes et effrayantes) en limitaient l’utilisation. Aujourd’hui encore, de nombreuses femmes hésitent à employer les commodités au Japon. Même au sein du pays leader des toilettes de haute technologie – où l’entreprise <a href="https://www.jstage.jst.go.jp/article/jmhr/1/1/1_118/_pdf/-char/ja">Toto</a> participe au rayonnement de cette expertise synonyme de soft power –, ces stratégies d’évitement expriment à des degrés divers des processus de différenciation et d’exclusion.</p>
<h2>Une préoccupation sociétale</h2>
<p>Cet exemple permet de soulever des questions essentielles qui dépassent la singularité japonaise. Quelles stratégies adopter en matière d’implantation des toilettes publiques ? Quels choix de localisation ? Quelles dialectiques du visible et de l’invisible – de ceux qui les utilisent, ceux qui les entretiennent et des flux qui y sont rassemblés puis dispersés – se jouent dans et à travers ces lieux ?</p>
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<p>Cette perspective incite à dire que toute action envers les toilettes ne peut se contenter de se baser sur une seule unité géographique (comme un îlot ou un village), mais doit prendre en compte tous les effets que les toilettes, de leur localisation à leur entretien, ont sur la société. D’autant plus lorsque des toilettes, sublimées par l’art, en viennent à renforcer la centralité de Tokyo.</p>
<p>Partout dans le monde, les toilettes publiques témoignent de la complexité des espaces publics partagés. En Europe, les toilettes publiques sont souvent synonymes de saleté et de désagréments, et évoquent des <a href="https://journals.openedition.org/brussels/7154">espaces utilisés à des fins pour lesquelles ils n’ont pas été conçus</a> : consommation de drogues, supports de graffitis et de tags, rencontres sexuelles ou <a href="https://actu.fr/bretagne/vannes_56260/a-63-ans-vit-dans-toilettes-publiques-depuis-deux-ans_31502471.html">abris</a> (pour les personnes qui en sont privées), par exemple.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567460/original/file-20231229-27-h271tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567460/original/file-20231229-27-h271tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567460/original/file-20231229-27-h271tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567460/original/file-20231229-27-h271tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567460/original/file-20231229-27-h271tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567460/original/file-20231229-27-h271tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567460/original/file-20231229-27-h271tj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Size matters », centre commercial Palladium, Prague.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/marcussen/2744676587/">Erik Marcussen/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Ce sont des espaces polyvalents qui matérialisent notamment des inégalités de genre. <a href="https://www.degruyter.com/document/doi/10.18574/nyu/9780814759646.003.0006/html">Les femmes ont davantage besoin de se rendre aux toilettes que les hommes</a> (spécialement en période de grossesse et de menstruations) et elles y passent plus de temps, mais les toilettes fermées sont moins nombreuses que les urinoirs.</p>
<p>Par ailleurs, la présence de certaines catégories de populations (migrants, toxicomanes sans domicile fixe) peut susciter des <a href="https://www.heidi.news/explorations/la-revolution-des-toilettes/dans-les-toilettes-de-la-riponne-flambant-neuves-et-autonettoyantes">réactions des pouvoirs publics</a> donnant à voir des mécanismes de domination. Plus généralement, dans nos sociétés qualifiées de développées, savoir qui nettoie les toilettes au sein de la sphère domestique, sur le lieu de travail et dans l’espace public en dit souvent beaucoup <a href="https://lafabrique.fr/un-feminisme-decolonial/">sur les rapports de domination et la reproduction des rôles genrés</a>.</p>
<h2>Un tabou mondial ?</h2>
<p>La question des excréments est souvent <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2010-01-20-Le-tabou-des-excrements">taboue</a>. Pourtant, la préoccupation est telle que l’ONU célèbre depuis 2013 une <a href="https://www.un.org/fr/observances/toilet-day">« Journée mondiale des toilettes »</a>, rappelant qu’un tiers de la population mondiale ne bénéficie pas de lieu approprié pour ses besoins, ce qui engendre de nombreux problèmes : violences, exclusion d’activités sociales (notamment pour les femmes et les enfants), conséquences sanitaires (y compris la diffusion d’épidémies telle que le <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/biologie-et-sante/cholera-haiti-2010-2018-histoire-d-un-desastre/">choléra)</a>. Une organisation spécialisée à but non lucratif promeut cette journée et de nombreux projets à travers le monde : la <a href="https://worldtoilet.org/">World Toilet Organization</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567461/original/file-20231229-17-b9o0q0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Campagne de sensibilisation contre la défécation en plein air (Kanadukathan, Tamil Nadu, Inde). En Inde, l’OMS a estimé qu’environ 520 millions de personnes déféquaient régulièrement à l’air libre en 2015. Le problème est particulièrement préoccupant dans les zones rurales, où 69 % des ménages ont déclaré ne pas posséder de latrines en 2011. Néanmoins, la situation s’est considérablement améliorée : le pourcentage de ménages pratiquant la défécation à l’air libre a diminué, passant de 39 % en 2015-2016 à 19 % en 2019-2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Anthony Goreau-Ponceaud</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Ainsi, les questions logistiques et techniques sont multiples : <a href="https://lepetitjournal.com/bombay/comprendre-inde/ramasser-les-excrements-est-hereditaire-base-sur-le-systeme-de-castes-293128">fosses septiques à évacuer</a>, façons dont on peut développer les toilettes sèches ou s’adapter au phénomène de défécation à l’air libre, systèmes de traitement et de recyclage des excreta, voire <a href="https://journals.openedition.org/rac/11042">réutilisation des excréments pour l’agriculture</a>…</p>
<h2>Le reflet de hiérarchies sociales</h2>
<p>Les attitudes envers les toilettes peuvent être le reflet de hiérarchies sociales (entre ceux qui les utilisent, ceux qui les nettoient, ceux qui évacuent les déchets). En Haïti, posséder des toilettes est devenu un signe de prestige, surtout après le séisme de 2010, quand de nombreuses ONG ont aidé à leur construction. Toutefois, leur entretien est dédié aux <a href="https://ayibopost.com/etre-bayakou-peut-rapporter-beaucoup-plus-que-vous-croyez/">bayakous</a>, des vidangeurs qui effectuent leur travail sans aucune mesure de sécurité ni d’hygiène, et qui sont particulièrement méprisés par la société – bien que ce métier indispensable leur permette de vivre, ainsi qu’à toute leur famille, a priori sans risquer le chômage.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567462/original/file-20231229-29-d5yz8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Cité Soleil, agglomération de Port-au-Prince, Haïti. Ces toilettes installées par des ONG suite au séisme de 2010 ont été rapidement démontées pour être revendues ou reconverties en abris.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alice Corbet, mai 2011</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Dans toute l’Inde rurale, l’évacuation manuelle des déchets reste la plus dégradante des pratiques. Alors même que l’interdiction de cette activité a été renforcée à travers une loi en 2013 (<a href="https://www.indiacode.nic.in/handle/123456789/2119?sam_handle=123456789/1362"><em>The prohibition of employment as manual scavengers and their rehabilitation Act</em></a>), cette profession, essentiellement réservée aux basses castes et Dalits (Scheduled Castes) et aux tribus répertoriées (Scheduled Tribes) perdure.</p>
<p>Depuis 1993, l’ <a href="https://www.indiacode.nic.in/bitstream/123456789/1581/1/199346.pdf">« Employment of Manual Scavengers and construction of Dry Latrines (prohibition) »</a> interdit la construction de toilettes sèches mais ces dernières existent toujours et sont même paradoxalement remises au goût du jour pour des raisons d’accessibilité dans les zones non connectées aux réseaux d’égouts, parfois par des ONG des Nords.</p>
<p>Les toilettes sèches permettent la séparation des flux, la valorisation de ressources perdues et des économies substantielles en eau. À ce titre, cet assainissement écologique et décentralisé incarne en Occident une certaine idée de la transition écologique. Pourtant, en Inde, le caractère problématique de leur gestion (évacuation des excreta) est loin d’être synonyme de transition pour les populations les plus marginalisées. Cet exemple soulève tout le paradoxe lié à la circulation des dispositifs d’assainissement.</p>
<p>En pratique, le nettoyage manuel des latrines (<a href="https://www.outlookindia.com/magazine/story/india-news-the-truth-about-manual-scavenging-in-india/305414">« manual scavenging »</a>) continue, avec l’aval des municipalités, dans les égouts bouchés des grandes villes. Les femmes, principalement, <a href="https://www.bbc.com/news/world-asia-india-67191131">continuent à utiliser leurs mains</a> pour nettoyer les matières fécales et les transporter loin des habitations. Le chemin de fer indien est l’autre grand employeur de femmes et hommes travaillant comme éboueurs manuels. En Inde, déféquer le long des rails est fréquent, notamment en ville.</p>
<p>Au sein des <a href="https://hal.science/hal-02477087">camps de réfugiés maliens</a>, au Niger, des toilettes collectives ont été installées par les <a href="https://reliefweb.int/report/niger/gestion-du-camp-de-r%C3%A9fugi%C3%A9s-d%E2%80%99abala-d%C3%A9partement-de-filingu%C3%A9-r%C3%A9gion-de-tillab%C3%A9ri-niger">ONG dès 2012</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567463/original/file-20231229-29-xh6giv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Latrine installée dans le camp de réfugiés d’Abala, au Niger. En raison des difficultés d’accès à l’eau, les latrines étaient rarement nettoyées mais bouchées une fois pleines puis déplacées, ce qui entraînait des problèmes d’hygiène et de contamination de la nappe phréatique. Lors de cette visite d’agents du UNHCR, les réfugiés demandaient d’adapter les latrines à leur culture, notamment en installant des patères pour que les habits ne traînent pas par terre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alice Corbet, août 2014</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Elles ont été rapidement privatisées par les Touaregs nobles (Imajaghan) grâce à un cadenas sur les portes pour en interdire l’accès aux groupes sociaux moins valorisés. Toutefois, ces toilettes sont entretenues par les Bella (ou Iklan), considérés dans cette <a href="https://ruor.uottawa.ca/handle/10393/34649?mode=full">société très hiérarchisée</a> comme des esclaves ou des serviteurs ayant peu de droits et de rémunérations et qui, eux, vivent aux marges des camps et n’ont pas le droit de les utiliser. Ils vont faire leurs besoins dans le désert. Censées être accessibles à tous, ces toilettes qui visent à préserver l’hygiène du camp en toute équité sont donc récupérées pour reproduire les mécanismes d’exclusion et de domination.</p>
<h2>Des processus de hiérarchisation spatiale</h2>
<p>Les toilettes peuvent également donner à voir des processus de hiérarchisation spatiale entre quartiers centraux des métropoles et les périphéries, entre espaces urbains et espaces ruraux.</p>
<p>Par exemple, si les grandes métropoles, en étroite filiation avec la révolution hygiéniste, ont largement développé des réseaux techniques d’égouts, le paradigme des toilettes reliées à un réseau centralisé semble désormais inadapté à la morphologie des villes des Suds.</p>
<p>Trop étalées, trop morcelées, trop polycentriques, elles ont également pour particularité d’accueillir une importante population flottante qui occupe des zones d’habitats informels et qui n’a pas le « droit » à être raccordée aux réseaux d’égouts.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-villes-africaines-vont-elles-exploser-130581">Les villes africaines vont-elles exploser ?</a>
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<p>Ces villes dépendent donc d’infrastructures décentralisées ou temporaires qui, finalement, se pérennisent via différents arrangements pour leur maintenance. Ou alors, à l’instar de la zone d’habitats spontanés (ou slum) de Kibera (Nairobi), ce sont d’autres pratiques qui se développent comme les <a href="https://www.aljazeera.com/features/2017/4/3/how-to-deal-with-kiberas-flying-toilets">« flying toilets »</a> qui consistent à se soulager dans des sacs en polyéthylène pour ensuite les jeter.</p>
<h2>Des lieux violents</h2>
<p>Les toilettes peuvent également être esquivées par crainte de violences ou d’insécurité, spécialement pour les <a href="https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2018/11/ESSITY_RAPPORT_Hygiene_des_toilettes_a_lecole.pdf">enfants</a> et les adolescents ou encore les femmes.</p>
<p>À travers le monde, l’absence de toilettes dans les écoles ou leur insalubrité excluent de nombreux enfants de l’éducation. C’est particulièrement vrai pour les filles qui, lors de leurs <a href="https://blogs.worldbank.org/fr/voices/les-menstruations-source-d-absenteisme-scolaire-dans-le-monde">menstruations</a>, ne peuvent se changer et restent chez elles, ce qui les exclut encore plus de la société. Le besoin d’uriner dans l’espace public pose également des enjeux autour du <a href="https://silogora.org/la-pratique-du-pipi-sauvage-dans-lespace-public-parisien-entre-representations-et-assignations-de-genre/?print-posts=pdf">corps des femmes</a>. Les femmes, ne peuvent pas aussi facilement que les hommes, uriner dans l’espace public. Lorsqu’elles le font, elles sont vulnérables, face au risque accru d’agressions sexuelles.</p>
<p>Entre l’espace privé ou public, quand elles sont partagées ou impensées comme dans le cadre des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7907573/">soins hospitaliers</a> – les effets sociaux et émotionnels de la défécation dans un contexte hospitalier sont tout aussi répugnants, tant pour les patients que pour les professionnels et autres prestataires de soins –, l’installation et la gestion des toilettes prennent une importance réelle et peuvent même également être des enjeux de richesse.</p>
<h2>Un enjeu hautement politique</h2>
<p>Au-delà des tabous, des non-dits ou encore des processus d’<a href="https://www.liberation.fr/livres/1998/07/02/alain-roger-tout-paysage-est-un-produit-de-l-art_242859/">artialisation</a>, les toilettes sont au cœur de nos pratiques quotidiennes mais aussi des politiques publiques. Elles constituent donc un objet d’étude qui, loin d’être anecdotique, se trouve au croisement des enjeux du corps et de l’intimité, des mécanismes de différenciation et de hiérarchisation sociale, d’économies importantes et de questionnements éthiques.</p>
<p>Qu’elles soient visibles ou non, de haute technologie ou rudimentaires, qu’on en parle au pluriel (« les toilettes »), de manière plus hygiéniste (« le sanitaire ») ou avec familiarité (le « petit coin »), la question des toilettes est à la fois universelle et encore peu envisagée par les sciences humaines, même s’il y a récemment eu une relative vivacité académique pour le sujet Nous pouvons citer par exemple un <a href="https://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?GCOI=27246100723760">essai</a> sur les toilettes publiques, le <a href="https://www.leesu.fr/ocapi/">programme de recherche et action</a> sur les systèmes alimentation/excrétion et la gestion des urines et matières fécales humaines, ou encore <a href="https://calenda.org/1094070">l’appel à textes</a> pour un numéro spécial de la revue <a href="https://journals.openedition.org/suds/"><em>Suds</em></a>. Un début pour voir le petit coin plein de non-dits comme un grand témoin des enjeux de notre époque.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220068/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Dans les différents pays du monde, l’implantation des toilettes publiques se fait selon des modalités qui reflètent les rapports sociaux et économiques existants.Anthony Goreau-Ponceaud, Géographe, enseignant-chercheur, UMR 5115 LAM, Université de BordeauxAlice Corbet, Anthropologue, LAM, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2164552023-10-29T18:09:24Z2023-10-29T18:09:24ZAccompagner les soignants en contexte de crise<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/556150/original/file-20231026-19-xp740a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Photo d'illustration, mai 2015. Des chirurgiens népalais opèrent un homme blessé lors du tremblement de terre à Katmandou.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://flickr.com/photos/dfid/16770648263/in/album-72157650067001014/">Russell Watkins/DFID/FlickR</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>L’actualité nationale et internationale nous rappelle sans cesse l’engagement et l’implication des soignants auprès de personnes traumatisées aux quatre coins du monde.</p>
<p>Qu’il s’agisse de catastrophes naturelles, de guerres, de pandémies ou d’attentats terroristes, les soignants sont toujours en première ligne pour secourir la population victime exposée aux divers traumatismes liés aux blessures, à la mort violente ou à l’exposition à des événements tragiques. Ils constituent de potentiels <a href="https://www.em-consulte.com/article/1094866/les-tuteurs-de-resilience-des-enfants-et-adolescen">tuteurs de résilience</a> dans la mesure où les personnes victimes peuvent s’appuyer sur ces professionnels (médecins, infirmiers, psychologues, travailleurs sociaux…) pour encaisser le choc, préalable à un travail d’élaboration du traumatisme et de deuil.</p>
<p>Mais si les victimes arrivent ainsi à atténuer leur souffrance, qu’en est-il de la santé mentale des soignants qui, tout en étant exposés à la détresse traumatique des patients, peuvent eux-mêmes être touchés directement par ces mêmes événements tragiques ?</p>
<p>La pandémie du Covid-19 nous a alertés sur la souffrance des soignants et sur la nécessité d’en prendre soin. En France, dans un climat de peur et en un élan de solidarité, on les applaudissait tous les soirs à la fenêtre pour les soutenir et leur témoigner notre reconnaissance.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-lourd-impact-de-lepidemie-de-covid-sur-la-sante-mentale-des-medecins-liberaux-en-france-184784">Le lourd impact de l’épidémie de Covid sur la santé mentale des médecins libéraux en France</a>
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<p>Passée la vague pandémique, les soignants sont comme oubliés à nouveau. Pourtant, ils continuent de faire face aux restes traumatiques de cette pandémie et de bien d’autres tragédies.</p>
<h2>Des catastrophes en série</h2>
<p>Les séismes en <a href="https://theconversation.com/pourquoi-il-y-a-des-seismes-en-cascade-en-turquie-et-en-syrie-199350">Turquie</a> et au <a href="https://theconversation.com/pour-une-analyse-geographique-des-catastrophes-le-cas-du-seisme-du-8-septembre-au-maroc-213668">Maroc</a> en février et en septembre 2023, les inondations en <a href="https://theconversation.com/la-tragedie-de-derna-en-libye-catastrophe-naturelle-responsabilites-humaines-215025">Libye</a> en septembre 2023, le séisme en <a href="https://theconversation.com/cascade-de-seismes-en-afghanistan-une-sequence-jamais-vue-215750">Afghanistan</a> en octobre 2023, pour ne citer que quelques exemples de catastrophes naturelles récentes, ainsi que les derniers bombardements du conflit israélo-palestinien ont mobilisé et mobilisent encore des soignants locaux et internationaux.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-il-y-a-des-seismes-en-cascade-en-turquie-et-en-syrie-199350">Pourquoi il y a des séismes en cascade en Turquie et en Syrie</a>
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<p>Plus près de nous, en France, la série d’assassinats au couteau d’enseignants (Agnès Lassalle en février 2023, Dominique Bernard en octobre 2023, Samuel Paty trois ans plus tôt) dans l’espace scolaire appelle l’intervention des soignants à court, moyen et long terme, directement et indirectement, dans divers lieux de soin (hôpitaux, centres médico-psychologiques, écoles, cabinets libéraux…).</p>
<p>Les soignants interviennent dans le temps court de l’événement et assurent des suivis au long cours, qui leur rappellent à chaque fois les drames à l’origine des prises en charge. En Haïti, par exemple, des psychologues qui sont intervenus lors du séisme de janvier 2010 continuent encore d’accueillir, sur place et à l’étranger, des <a href="https://www.theses.fr/s257536">récits traumatiques, liés à l’actualité sociopolitique difficile dans ce pays, qui réactivent ceux de l’événement sismique</a>.</p>
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<h2>Distinguer traumatismes intentionnels et non intentionnels</h2>
<p>Certains soignants ont directement vécu les événements sur place. D’autres sont arrivés en renfort. Certains sont confrontés à des traumatismes non intentionnels (séismes, inondations…) et/ou intentionnels (guerres, attentats…). La littérature scientifique montre qu’on se relève plus facilement d’un trauma non intentionnel que d’un <a href="https://www.cairn.info/psychopathologie-des-violences-collectives--9782738118882.htm">trauma intentionnel</a>. En effet, quand le trauma est d’origine humaine et intentionnelle, la victime est touchée plus profondément dans son identité et son humanité. L’intentionnalité attaque l’identification à l’autre, la confiance interhumaine et le lien social.</p>
<p>Parfois, ces deux formes de traumatismes sont concentrées chez une même population confrontée, en plus, aux dérives de l’aide humanitaire. Par exemple, lors du séisme en Haïti, certaines victimes du séisme ont subi des <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/psychological-medicine/article/abs/sexual-victimization-ptsd-depression-and-social-support-among-women-survivors-of-the-2010-earthquake-in-haiti-a-moderated-moderation-model/461FDAB73E3A424DB7FD20D82476BFD2">agressions sexuelles dans les camps ou dans des lieux d’accueil</a>. Le travail des soignants est alors d’autant plus compliqué qu’ils doivent intervenir en urgence, se concentrer sur des gestes très techniques (traitement) tout en étant dans une certaine présence à l’autre (soin).</p>
<p>Les <a href="https://www.ssph-journal.org/articles/10.3389/ijph.2023.1605986/full">leçons apprises lors du séisme de janvier 2010 en Haïti</a> nous ont montré la nécessité de tenir compte de la complexité traumatique et de soutenir en même temps les patients, les soignants/patients et les soignants locaux et internationaux mais aussi de tenir compte de la culture locale lors des séances de <em>debriefing</em>.</p>
<h2>Traumatismes des soignants, culpabilité et fatigue de compassion</h2>
<p>Les traumatismes des soignants peuvent avoir plusieurs sources. Il y a d’abord le <a href="https://sfap.org/system/files/fatigue_de_compassion_et_trauma_vicariant.pdf">trauma vicariant</a>, c’est-à-dire le traumatisme des professionnels en contact avec des patients traumatisés. Les soignants peuvent parfois présenter les mêmes symptômes que les patients, dans une sorte de partage du traumatisme.</p>
<p>Certains doivent faire face au <a href="https://theconversation.com/syndrome-de-la-seconde-victime-quand-les-erreurs-de-soins-impactent-les-soignants-189607">syndrome de la seconde victime</a>. En effet, en temps normal, les erreurs diagnostiques ou d’appréciation restent possibles, avec parfois des conséquences irréversibles pour les patients. Elles mettent alors les professionnels dans des états de stress post-traumatique. Dans les interventions d’urgence, elles peuvent être particulièrement culpabilisantes car le souci de faire vite peut entraîner des décisions aux conséquences malheureuses (amputations, décès, etc.).</p>
<p>Un autre type de trauma s’observe chez des soignants qui ne peuvent pas porter secours à cause des contraintes géopolitiques, du fait des protocoles d’intervention ou par manque de moyens. Cela affecte leur conscience professionnelle rongée par ce qui relève d’une <a href="https://esprit.presse.fr/article/daniel-derivois/haiti-angle-mort-44369">« non-assistance à peuple en danger »</a>.</p>
<p>C’est le cas <a href="https://esprit.presse.fr/article/daniel-derivois-jude-mary-cenat-amira-karray/le-syndrome-de-l-aquarius-41874">d’humanitaires qui n’ont pas pu porter secours aux migrants</a> en détresse en Méditerranée en juin 2018 ; c’est le cas aussi d’un spécialiste de la chirurgie de la main qui a été obligé d’amputer un patient parce qu’il fallait pratiquer la chirurgie de guerre en Haïti (séisme de 2010) ou de médecins obligés d’opérer sans anesthésie comme cela est <a href="https://www.courrierinternational.com/article/drame-a-gaza-les-ruines-de-l-hopital-al-ahli-debordent-de-cadavres-et-de-restes-humains">relaté actuellement dans des hôpitaux à Gaza</a>. On peut aussi souligner le cas des soignants des urgences dans les hôpitaux en France par exemple qui, par manque de moyens, sont obligés de refuser ou de laisser attendre des personnes en situation critique.</p>
<p>Ces situations peuvent entraîner de la culpabilité et amener à l’épuisement professionnel et à la dépression. Face au sentiment d’impuissance et aux affects forts que mobilisent ces situations extrêmes, les soignants peuvent aussi vivre la <a href="https://sfap.org/system/files/fatigue_de_compassion_et_trauma_vicariant.pdf">fatigue de compassion</a> Quand, <a href="https://www.erudit.org/en/journals/rqpsy/2017-v38-n3-rqpsy03258/1041839ar.pdf">dans certains cas</a>, ils sont touchés, au même titre que la population qu’ils soignent, par les contextes traumatiques (Covid, guerres, crises sociales, politiques, etc.), la fatigue est décuplée, ce qui nécessite un étayage adéquat.</p>
<h2>Prendre soin des soignants sur place, sinon à distance</h2>
<p>Certes, certains soignants (psychologues, psychiatres, médecins urgentistes, pompiers…) sont formés pour intervenir en situation traumatique, prendre du recul et gérer leurs émotions. Ils ont quand même besoin de soutien et d’espace pour exprimer et comprendre ce qu’ils éprouvent dans les situations de crise.</p>
<p>Les autres professionnels (humanitaires non soignants comme les logisticiens, par exemple, enseignants, éducateurs…), mais aussi des bénévoles, sont frappés de plein fouet par ces traumatismes cumulatifs qui les mettent dans un état de sidération pouvant altérer leurs interventions. Ils ont donc besoin d’être accompagnés, étayés, soutenus et reconnus dans leur démarche. Les dispositifs d’analyse de la pratique, de supervision, qui consistent à les aider à comprendre leurs émotions et à ajuster leurs postures professionnelles, s’avèrent alors indispensables, avant, pendant, après leurs interventions.</p>
<p>L’accompagnement peut s’opérer sur place ou à distance. Dans le cas de la crise syrienne, par exemple, une expérience auprès de soignants/réfugiés intervenant en zone frontalière a montré le quotidien traumatique des soignants qui partagent dans un même espace-temps le traumatisme de la population dans un climat d’insécurité et de violence extrême. En raison de l’accès difficile à cette région, la <a href="https://www.erudit.org/en/journals/rqpsy/2017-v38-n3-rqpsy03258/1041839ar.pdf">prise en charge psychologique de ces soignants/réfugiés, assurée par une psychologue d’une ONG</a>, s’est déroulée par visioconférence.</p>
<p>En contexte traumatique, quel que soit le domaine d’intervention, les professionnels prodiguent d’abord des soins primaires au sens où en parle le célèbre psychanalyste <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/sans-oser-le-demander/qui-a-invente-l-objet-transitionnel-4429459">Donald Winnicott</a>, c’est-à-dire de la contenance et de la considération de, et pour, l’autre, perçu comme semblable, comme sujet humain.</p>
<p>Dans un <a href="http://www.haiti-perspectives.com/pdf/8.1-derivois.pdf">article</a> sur les soignants qui interviennent en Haïti, j’avais proposé d’inclure dans les soignants à la fois les personnels de la santé mentale, de la santé physique et de l’éducation nationale, dans la mesure où l’ensemble de ces professionnels est censé, par-delà leurs missions premières, prodiguer des soins primaires aux patients et aux élèves.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sismo-citoyens-et-chercheurs-du-monde-entier-sallient-pour-comprendre-le-recent-seisme-dha-ti-166787">« Sismo-citoyens » et chercheurs du monde entier s’allient pour comprendre le récent séisme d’Haïti</a>
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<p>J’avais aussi proposé d’ajouter les professionnels des lieux de culte dans la mesure où, par-delà les croyances respectives qui peuvent fonctionner comme de véritables <a href="https://www.em-consulte.com/article/1094866/les-tuteurs-de-resilience-des-enfants-et-adolescen">tuteurs de résilience</a>, les victimes peuvent trouver dans ces lieux un espace de réconfort. La fonction soignante de ces professionnels qui interviennent en contexte traumatique est à mettre en évidence. Elle relève du <a href="https://www.cairn.info/revue-recherche-en-soins-infirmiers-2015-3-page-77.htm"><em>care</em></a>, du « prendre soin ».</p>
<p>Dans un contexte géopolitique et climatique traumatique, les soignants se mobilisent partout sur la planète pour porter assistance aux personnes ou aux peuples en danger. De même qu’une solidarité inter-soignants est nécessaire pour notamment s’inspirer mutuellement des modèles de résilience, il est important que la population témoigne d’une certaine forme de compassion pour les soignants.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quelle-resilience-pour-quels-modeles-de-societe-137666">Quelle résilience pour quels modèles de société ?</a>
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<p>Il est surtout urgent que les États et les organisations internationales prennent la mesure de l’ampleur des besoins financiers et humains, signe de leur considération et de leur reconnaissance pour ces femmes et ces hommes qui, tout en étant affectés par les mêmes tragédies, participent de l’équilibre psychique de nos sociétés traumatisées, en pleine crise existentielle. Car si nous ne prenons pas soin d’eux, qui prendra soin de nous ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216455/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Daniel Derivois ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Séismes, conflits armés… les soignants qui interviennent en contexte de crise peuvent, comme les victimes, souffrir de traumatismes. Une prise en charge adaptée est nécessaire pour les accompagner.Daniel Derivois, Professeur de psychologie clinique et psychopathologie. Laboratoire Psy-DREPI (EA 7458), Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1999052023-02-21T17:45:30Z2023-02-21T17:45:30ZPour lutter contre le racisme, mieux comprendre le mot « nègre »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/511383/original/file-20230221-28-d6ho1t.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C8%2C787%2C584&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Toussaint Louverture. </span> <span class="attribution"><span class="source">Bibliothèque publique de New York via Wikimedia</span></span></figcaption></figure><p>La France vient de lancer son nouveau plan national de lutte contre le racisme, <a href="https://www.gouvernement.fr/actualite/un-nouveau-plan-national-contre-la-haine-et-les-discriminations">l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine</a>.</p>
<p>Ce plan intervient un an après la <a href="https://www.france.tv/documentaires/societe/3013303-noirs-en-france.html">diffusion du documentaire <em>Noirs en France</em></a> et environ un mois après la sortie du film <a href="https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=289236.html"><em>Tirailleurs</em></a> et d’un ouvrage sur <a href="http://www.philippe-rey.fr/livre-Histoire_globale_de_la_France_coloniale-559-1-1-0-1.html"><em>L’histoire globale de la France coloniale</em></a> mettant le pays des Lumières face à des moments sombres de son passé et de son identité de peuple.</p>
<p>Alors qu’une récente étude montre que 91 % des personnes noires en France métropolitaine <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/02/15/racisme-91-des-personnes-noires-en-metropole-se-disent-victimes-de-discrimination_6161879_3224.html">se disent victimes de discriminations</a>, l’attention est ici portée sur la manière de se nommer, de désigner l’autre et sur un point aveugle de cette lutte qui nécessite, pour être efficace dans la durée, <a href="https://www.cairn.info/seismes-identitaires-trajectoires-de-resilience--9782367177007.htm">d’interroger différents héritages identitaires des siècles passés</a> et de s’inspirer de <a href="https://www.cairn.info/seismes-identitaires-trajectoires-de-resilience--9782367177007.htm">ce qui se passe en dehors de l’Hexagone</a>.</p>
<h2>De l’autre côté de l’Atlantique</h2>
<p>Au moment où l’Amérique du Nord réédite, comme chaque février, le <a href="https://www.moishistoiredesnoirs.com/">Mois de l’histoire des Noirs</a> en mettant notamment en avant la contribution des Noirs à l’histoire de l’humanité dans l’idée de lutter contre le racisme et les préjugés, le risque est grand, dans le même temps, de renforcer [l’ethnocentrisme, de maintenir l’idéologie raciale et] l’essentialisation des Noirs en fantasmant qu’ils forment un bloc homogène face aux Blancs mis dans le même panier de colons agresseurs et racistes. Comme l’écrit Amin Maalouf dans <a href="https://www.grasset.fr/livres/les-identites-meurtrieres-9782246548812"><em>Les identités meurtrières</em></a> :</p>
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<p>« Naître noir à New York, à Lagos, à Pretoria ou à Luanda n’a pas la même signification, on pourrait presque dire qu’il ne s’agit pas de la même couleur, du point de vue identitaire ».</p>
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<p>Cependant, si <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-journal-des-idees/des-mots-et-des-choses-3314130">« mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde »</a>, ne pas les nommer n’améliore guère la situation. Ainsi en est-il du mot « nègre » qui, dans la lutte contre le racisme, résonne différemment dans les consciences selon les contextes et les références historiques.</p>
<p>En Amérique du Nord, le terme – « nigger » ou « negro » en anglais – est frappé d’interdit dans la société <a href="https://luxediteur.com/catalogue/panique-a-luniversite/">comme à l’université</a>. Dans le milieu francophone européen et antillais, le poète et homme politique martiniquais Aimé Césaire le revendique. <a href="https://www.albin-michel.fr/negre-je-suis-negre-je-resterai-9782226158789">« Nègre je suis, nègre je resterai »</a>. Quant à l’écrivain afro-américain <a href="https://laffont.ca/livre/i-am-not-your-negro-edition-francaise-9782221215043/">James Baldwin</a> qui a vécu entre les continents américain et européen, il crie haut et fort au « Blanc » : « Je ne suis pas un/votre nègre. Je suis un homme ».</p>
<p>À quelle conception du « nègre » font-ils respectivement référence ? La projection du regard (du) « Blanc » ou la Négritude revendiquée avec de nouveaux signifiés imprévisibles ? De quoi ce vocable est-il le nom dans l’histoire de l’Humanité ?</p>
<h2>Étant donné un nègre, qu’y a-t-il derrière ?</h2>
<p>Dans le langage courant, le mot <em>nègre</em> renvoie à un esclave, à la peau dite noire à qui tout un système esclavagiste, colonialiste, impérialiste et capitaliste <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/un-monde-en-negre-et-blanc-aurelia-michel/9782757880050">a enlevé son humanité</a>. Être traité de « nègre », de « sale nègre », de « nigger » ou de « negro » sonne alors comme une insulte raciste adressée non seulement à la personne mais à tous les descendants d’esclaves. Les représentations du réel changent de sens selon les univers linguistiques, culturels ou religieux.</p>
<p>Selon la <a href="https://www.scienceshumaines.com/ferdinand-de-saussure-reinvente-la-linguistique_fr_12153.html">linguistique saussurienne</a>, signifiant et signifié peuvent entretenir un dialogue de sourds pendant longtemps. Ainsi le mot <em>noir</em> peut-il, dans l’imaginaire, renvoyer à la saleté, au péché et le mot <em>blanc</em> tantôt à la neige, au coton, à la pureté, au vide, tantôt à une catégorie d’humains ou à une métaphore du pouvoir.</p>
<p>En espagnol, le mot <em>negro</em> signifie « noir » et non pas nègre. En France, le terme peut être utilisé dans un contexte familier à l’instar de frérot ou cousin, comme on le voit dans la série télévisée <em>En place</em> mettant en scène la candidature à la présidence française d’un citoyen noir.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/pfnDDf3Aeqk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande annonce de la série En place, de Jean-Pascal Zadi.</span></figcaption>
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<p>Dans ses ouvrages <a href="https://maisonhenrideschamps.ht/product/marrons-du-syllabaire"><em>Les marrons du Syllabaire</em></a> et <a href="https://books.google.fr/books/about/Les_marrons_de_la_libert%C3%A9.html?id=iywJAQAAIAAJ&redir_esc=y"><em>Les marrons de la liberté</em></a> l’historien haïtien Jean Fouchard a montré comment les esclaves de Saint-Domingue ont pu travestir les signifiants culturels, religieux, idéologiques des colons (langue, religion, style de vie, race…) <a href="https://www.decitre.fr/ebooks/bonjour-et-adieu-a-la-negritude-9782402618359_9782402618359_1.html">non seulement pour s’affranchir du « déguisement ontologique »</a> en noir et blanc de l’entreprise coloniale mais aussi pour retrouver leur liberté en tant qu’êtres humains.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/une-enquete-devoile-les-ressentis-des-personnes-victimes-de-racisme-199114">Une enquête dévoile les ressentis des personnes victimes de racisme</a>
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<p>Si le <a href="https://gallica.bnf.fr/essentiels/anthologie/code-noir">Code Noir</a> de Colbert a pu faire du « nègre » un « bien meuble » (art. I, 1685) déshumanisé, une lecture étymologique africaine en fait de « l’eau qui coule dans le sable » ou encore un « symbole de fécondité » qui amène le médecin et poète haïtien Joël Desrosiers à déduire <a href="https://www.decitre.fr/livres/theories-caraibes-9782890316492.html">« que tous les hommes de la terre sont nègres »</a>.</p>
<p>Ce dernier sens permet de comprendre que face à un « nègre » qui se fait insulter se tient toujours un autre « nègre » qui s’ignore, qui méconnaît ou qui a oublié qu’il était « nègre » parce que probablement frappé par une amnésie collective, une ignorance, un traumatisme identitaire de longue durée, voire une cécité ontologique qui sont à la fois <a href="https://www.cairn.info/seismes-identitaires-trajectoires-de-resilience--9782367177007.htm">producteurs et produits de la colonisation et de l’esclavage</a>.</p>
<h2>Quand nègre signifie « être humain »</h2>
<p>Si les recherches en paléontologie ont définitivement prouvé au XX<sup>e</sup> siècle que les ancêtres de toute l’humanité <a href="https://www.tallandier.com/livre/breve-histoire-des-origines-de-lhumanite/">avaient la peau foncée</a>, l’histoire d’Haïti, première République noire et <a href="https://boutique.arte.tv/detail/les_routes_de_l_esclavage">« premier État moderne »</a>, avait déjà dépoussiéré le mot <em>nègre</em> de ses scories esclavagistes, coloniales et idéologiques.</p>
<p>Haïti a montré au monde entier que derrière le nègre comme insulte et astuce de domination se cache aussi et d’abord un homme libre, un être humain à part entière.</p>
<p>Au lendemain de la proclamation de l’Indépendance d’Haïti le 1<sup>er</sup> janvier 1804, la « race noire » devient un « terme générique synonyme d’"être humain" si bien qu’un Blanc – par exemple Billaud-Varenne, transfuge de la Révolution française – une fois arrivé en Haïti <a href="https://boutique.arte.tv/detail/les_routes_de_l_esclavage">peut être appelé « nègre’ »</a> dans le sens d’être humain comme on l’entend en Haïti. Car en créole haïtien, le mot <em>nèg</em> (masculin) ou <em>nègès</em> (féminin) désigne un homme ou une femme sans distinction de couleur.</p>
<p>L’historien et homme politique Leslie Manigat <a href="https://books.google.fr/books/about/Les_deux_cents_ans_d_histoire_du_peuple.html?id=LHDPAAAACAAJ&redir_esc=y">faisait d’ailleurs remarquer</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Pour l’haïtien, De Gaulle est un grand “nègre” tout comme Mao Tse Toung est un grand “nègre”. »</p>
</blockquote>
<p>Le qualificatif « grand » accentue une certaine hauteur de vue pour un peuple, une certaine vision pour la condition humaine en général.</p>
<h2>« De Gaulle est un grand nègre »</h2>
<p>Dire « De Gaulle est un grand nègre » incarne alors la réconciliation du blanc et du noir, la rencontre des temps anciens et contemporains, d’Haïti et de la France mais surtout le projet de retissage de la diversité de l’humanité qui devrait être central dans la lutte contre le racisme.</p>
<p>Lieu de traitement de la violence historique et du traumatisme identitaire, <a href="https://revue.alarmer.org/tenebres-de-lesclavage-lumieres-de-la-revolte-une-lettre-de-victor-hugo-a-exilien-heurtelou-1860/">qualifié de « lumière » pour l’humanité par Victor Hugo</a> et de <a href="http://classiques.uqac.ca/classiques/Mercier_Louis/Contribution_Haiti_histoire/Contribution_Haiti_histoire.docx">« mère de l’Amérique » par Louis Mercier</a>, Haïti incarne ce symbole de fécondité dans sa capacité à faire émerger le désir de liberté chez tous les êtres humains sans distinction.</p>
<p>Il a insufflé cet élan chez nombre de peuples du monde, de l’Amérique latine aux pays africains, de l’Allemagne à la France mais aussi des États-Unis, à qui Haïti a prêté main forte dans des luttes pour la <a href="https://books.google.fr/books/about/Les_deux_cents_ans_d_histoire_du_peuple.html?id=LHDPAAAACAAJ&redir_esc=y">reconnaissance de sa pleine humanité à chaque être humain</a>.</p>
<p>La négritude qui a fait son apparition dans les années 50 à Paris, s’est mise debout <a href="https://www.decitre.fr/ebooks/bonjour-et-adieu-a-la-negritude-9782402618359_9782402618359_1.html">pour la première fois en Haïti</a>. En effet, à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, les premières réponses scientifiques et argumentées aux thèses racistes et antisémites du Comte de Gobineau envers les Noirs et les Juifs (entre 1853 et 1855) sont apportées par trois voix haïtiennes : Louis Joseph Janvier (<em>L’Egalité des races humaines</em>, 1884), Anténor Firmin (<a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k84229v.r=de+l%E2%80%99%C3%A9galit%C3%A9+des+races+humaines,+anthropologie+positive.langFR"><em>De_l’égalité des races humaines</em></a>, 1889) et Hannibal Price (<a href="http://classiques.uqac.ca/classiques/price_hannibal/rehabilitation_race_noire_haiti/rehabilitation_race_noire_haiti.html"><em>De_la réhabilitation de la race noire par la république d’Haïti</em></a>, 1898).</p>
<h2>Traiter le trauma racial</h2>
<p>La lutte contre le racisme nécessite ainsi de revisiter certaines références historiques et de traiter le <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/17456916221120428">trauma racial</a> qui a affecté des générations entières de Blancs et de Noirs. Parler de <a href="https://theconversation.com/quest-ce-quune-personne-racisee-trois-definitions-pour-eclairer-le-debat-189996">« personnes racisées »</a> aujourd’hui en ne pointant que les Noirs ou les « minorités », c’est occulter tout un pan du problème à traiter.</p>
<p>Si on continue au XXI<sup>e</sup> siècle à associer « nègre » à une couleur de peau dévalorisée, ou à une quelconque infériorité au point de le frapper d’interdit, peut-être faut-il rappeler, avec les paléoanthropologues, l’origine génomique de l’humanité. En visite officielle à Kinshasa en 1975, le président Valéry Giscard d’Estaing <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1975/08/09/les-discours-m-giscard-d-estaing-solidariser-nos-developpements-mutuels_3100089_1819218.html">avait prononcé ces mots</a> :</p>
<blockquote>
<p>« L’Afrique a jadis donné naissance à l’humanité. Elle lui apporte aujourd’hui, elle lui réserve encore pour demain, des trésors de fraternité, de beauté et de vie. Je rends témoignage à l’africanité de la famille humaine. »</p>
</blockquote>
<p>Rendre témoignage à l’africanité de la famille humaine est un préalable dans la lutte contre le racisme, <a href="https://bourgoisediteur.fr/catalogue/l-origine-des-autres/">afin de rassembler les « différentes versions de nous-mêmes »</a>. La lutte doit passer par l’élaboration du trauma racial de la maternelle à l’université, dans la société comme dans les lieux de soin. En France, elle ne peut pas faire l’impasse sur les relations franco-haïtiennes ni sur cette « certaine idée de la France » qu’avait le Général de Gaulle.</p>
<p>Quelle que soit la région du monde, les États devraient s’inspirer à la fois de la paléontologie mais aussi de l’histoire globale d’Haïti ou de l’expérience de « grands nègres ou négresses » comme le général Jean-Jacques Dessalines, Toussaint Louverture, Nelson Mandela ou Simone Veil. Revisitant leurs histoires respectives, ils pourraient par la même occasion participer à éclairer certains points aveugles de/dans l’identité de l’Homme car quand on parle des Noirs, <a href="https://drive.google.com/file/d/1ActWJfKEYJyNN00_QnBbzzD90MV7haOU/view">on parle en même temps des Blancs et de toute l’humanité</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199905/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Daniel Derivois ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le mot « nègre », dans la lutte contre le racisme, résonne différemment selon les contextes et les références historiques.Daniel Derivois, Professeur de psychologie clinique et psychopathologie. Laboratoire Psy-DREPI (EA 7458), Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1943642022-11-24T22:28:25Z2022-11-24T22:28:25ZHaïti : État en faillite ou État en retrait ?<p>Le 25 septembre 2022, un cadre du ministère haïtien de l’Éducation <a href="https://rezonodwes.com/?p=291184">a été enlevé</a> du côté de Delmas (département de l’Ouest). Un mois plus tard, ce fut le tour d’un <a href="https://rezonodwes.com/?p=294866">ancien ministre de la Planification</a>. Ces deux événements ne sont pas isolés, loin de là.</p>
<p>Le kidnapping est devenu un <a href="https://www.connectas.org/especiales/violencia-secuestro-en-haiti/fr/">phénomène fréquent dans le pays</a>. Partout, les gangs gagnent du terrain, notamment dans le département de l’Ouest, où la <a href="https://www.theguardian.com/world/2022/sep/18/haiti-violence-gang-rule-port-au-prince">grande criminalité</a> ainsi que la violence sous toutes ses formes sont à leur paroxysme et font quotidiennement des victimes, au premier rang desquelles les <a href="https://www.cetri.be/Haiti-%C3%89tat-des-gangs-dans-un-pays">femmes et les enfants</a>. La société est en miettes et <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/country/haiti/overview">l’extrême pauvreté</a> ne cesse de progresser.</p>
<p>Haïti est en proie à une <a href="https://onu.delegfrance.org/haiti-traverse-aujourd-hui-une-crise-tres-grave">crise totale et multiforme</a> (sociale, politique, humanitaire mais aussi symbolique), à tel point que le socio-géographe Jean-Marie Théodat qualifie le pays de <a href="https://www.jstor.org/stable/48631257">véritable « trou noir » dans la Caraïbe</a>.</p>
<p>Comment expliquer une telle descente aux enfers ? Serait-ce la résultante de l’effondrement d’un État en faillite, devenu incapable d’assumer ses fonctions régaliennes ? Ne faudrait-il pas plutôt y voir la conséquence de l’attitude d’indifférence et de retrait adoptée par un État uniquement désireux de garder par-devers soi les maigres ressources disponibles et de capter la rente issue de l’aide internationale ainsi que des transferts effectués par les <a href="https://docplayer.fr/113647923-La-raison-rentiere-monde-et-societe-alain-gilles.html">communautés diasporiques</a> ?</p>
<h2>Comment qualifier l’État haïtien ?</h2>
<p><a href="https://journals.openedition.org/cal/3093?lang=pt">« État failli »</a>, <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/letat-haitien-situation-de-faillite-economique-politique-env/00100219">« État en faillite »</a>, <a href="https://transparans.net/actualites/martisant-miroir-dun-etat-en-defaillance-totale/">« État en défaillance »</a>, telles sont – entre autres – les expressions utilisées dans les domaines du développement et de la géopolitique internationale pour qualifier l’État haïtien.</p>
<p>Les auteurs mobilisant ces cadres conceptuels s’accordent au moins sur un ensemble de caractéristiques pour définir ce type d’État : absence quasi totale de services publics, perte de contrôle du territoire, corruption généralisée. À la vérité, il ne vendrait à personne l’idée de remettre en cause le constat selon lequel l’État haïtien ne parvient pas à exercer le monopole de la violence légitime, pas plus qu’il ne réussit à s’imposer comme seul principe d’organisation du corps social sur tout le territoire national.</p>
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<p>Force est de constater toutefois que ces concepts ne sont opératoires que dans le cadre d’une approche normative de l’État, laquelle consiste à définir l’État à partir de ce qu’il devrait être, à lui attribuer des fonctions a priori, telles assurer des prérogatives internes, des fonctions de base comme la sécurité intérieure et extérieure. Une telle approche – bien que permettant de construire des indices et des classements internationaux – s’interdit de saisir les <a href="https://doi.org/10.4000/cal.3131">transformations de l’État haïtien</a> et d’avoir une compréhension nuancée de la fragilité de celui-ci.</p>
<h2>Un gouvernement humanitaire parallèle</h2>
<p>Trois facteurs expliquent, selon nous, l’attitude de retrait de l’État haïtien et, corrélativement, son manque de volonté politique.</p>
<p>D’abord, l’application, à la fin des années 1980, des plans néolibéraux qui ont contribué au démantèlement des principaux services publics stratégiques. Ce processus de privatisation s’est fait au <a href="http://www.cadtm.org/Construire-ou-reconstruire-Haiti,6647">« détriment de l’État et de l’intérêt général »</a> et c’est suite à cela que l’État, en train de s’atomiser et de se désinstitutionnaliser, commence à adopter une attitude de retrait pour mieux tirer profit de sa collusion – au détriment des masses pauperisées – avec les sociétés transnationales, telles, entre autres la société United Parcel Service (UPS), la société transnationale Monsanto, la société financière internationale (branche du groupe Banque mondiale). Le détricotage progressif des secteurs stratégiques du service public par les Plans de réajustement structurels induit en même temps des transformations et de nouveaux rapports à l’État, celui-ci fonctionnant selon la raison rentière, pour reprendre la notion du sociologue Alain Gilles.</p>
<p>Ensuite, la montée en puissance, à partir des années 1990, d’un <a href="https://doi.org/10.4000/cal.3090">« gouvernement humanitaire parallèle »</a> pousse l’État à se tenir de plus en plus en retrait par rapport à moult décisions qui devraient pourtant relever de la souveraineté nationale. Ainsi, malgré les efforts qui ont été déployés, au cours des années 1980, pour contrôler leur installation, les ONG ont fini par s’implanter comme de véritables <a href="http://classiques.uqac.ca/contemporains/PIERREETIENNE_Sauveur/Haiti_invasion_ONG/Haiti_invasion_ONG.html">« États dans l’État »</a>. </p>
<p>En témoigne la pléthore d’ONG qui se sont implantées suite au séisme de janvier 2010, souvent à l’insu de l’État et dont certaines(par exemple l’ONG confessionnelle américaine Samarithan’s Purse), étant donné les moyens dont elles disposent, sont <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2011/01/WARGNY/20059">plus puissantes que l’État lui-même</a>. Ce « système d’action publique transnationalisé » a eu de nombreuses conséquences parmi lesquelles la recomposition de l’institution étatique et, par conséquent, une nouvelle forme de gouvernementalité.</p>
<p>Enfin, les liaisons de l’État avec les gangs depuis la fin des années 1990 – liaisons qui sont devenues de plus en plus intenses et visibles. L’exemple le plus emblématique à ce jour reste l’alliance (bien documentée) passée entre la Police nationale et la <a href="https://insightcrime.org/caribbean-organized-crime-news/g9-family-profile/">fédération de gangs « G9 en famille et alliés »</a> dans l’objectif de combattre un autre gang appelé <a href="https://www.ofpra.gouv.fr/sites/default/files/atoms/files/2109_hti_gang_400_mawozo_154025_web.pdf">« 400 Mawozo »</a> (en créole « mauvais garçons ne s’intéressant pas aux femmes »).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1591131664499245057"}"></div></p>
<p>Loin d’être une preuve de sa faiblesse ou de son absence, ces liaisons traduisent les transformations profondes d’un État patrimonial qui, après avoir atteint <a href="https://journals.openedition.org/plc/569">son paroxysme</a>, en vient à se mettre en repli sous l’effet d’une multitude d’individualités égocentriques (nantis, parlementaires, politiciens, acteurs transnationaux).</p>
<p>Celles-ci se livrent à des luttes de factions politico-économiques et constituent le plus souvent de véritables micro-États dans l’État. Plus qu’un déficit d’État, il faut y voir une forme de <a href="https://www.cairn.info/milieux-criminels-et-pouvoirs-politiques--9782811100179-page-127.htm">Shadow State</a> (au sens de William Reno), qui se résume à des jeux d’acteurs, des rivalités économiques inter-individuelles (politiciens, entrepreneurs, intermédiaires de tout poil) sur fond de violence et de grande criminalité, comme le montre l’analyse du dessous du <a href="https://lenouvelliste.com/article/238148/laboule-12-les-dessous-dun-conflit-sanglant">conflit sanglant</a> survenu du côté de Laboule 12 (Commune de Petion-Ville).</p>
<p>Dans une telle configuration, par le truchement d’une hybridation du formel et de l’informel, du licite et de l’illicite, l’État recourt de plus en plus à la <a href="https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-1998-4-page-151.htm">décharge</a> c’est-à-dire qu’il intervient par procuration, notamment dans les quartiers populaires, en déléguant aux bandits les basses besognes afin de ne pas avoir à répondre de ses actes. Le <a href="https://haitiantimes.com/2020/12/11/us-cherizier-two-ex-government-officials-sanctioned-for-plotting-la-saline-massacre/">massacre perpétré en novembre 2018 à La Saline</a> (commune de Port-au-Prince) est une illustration criante de cette stratégie d’intervention par proxy.</p>
<h2>Retrait de l’État ou État en retrait ?</h2>
<p>Examiner l’État du point de vue de son attitude permet de mieux comprendre le laisser-aller qui est le sien vis-à-vis de la société et de produire une lecture plus nuancée de sa « défaillance ».</p>
<p>Son attitude de retrait et d’indifférence, qui trouve son principe d’explication dans la mise en place d’un gouvernement transnational parallèle <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1846080/haiti-ambassades-core-group-democratie-gouvernement">(Banque mondiale, FMI, ONG, Core Group)</a> et la <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-1-2012-1-page-3.htm">redéfinition de la place de l’État dans l’action publique</a> n’est, du moins dans de nombreux cas, qu’une posture adoptée pour faire croire, selon les enjeux du moment, à sa faiblesse structurelle.</p>
<p>Car l’État sait faire preuve d’une grande capacité de négociation lorsque ses intérêts, notamment économiques, sont en jeu comme on a pu le constater dans le cas du projet du <a href="https://journals.openedition.org/cal/3131#ftn1">Parc industriel de Caracol</a> dans le département du Nord-Est, ce fameux projet financé par la Banque interaméricaine de développement (BID) à hauteur de 224 millions de dollars américains et qui devait faire d’Haïti le Taïwan de la Caraïbe.</p>
<p>Si l’État reste en retrait, c’est que l’intérêt général n’est plus sa priorité et qu’il n’a plus intérêt à se penser comme principe organisateur du monde social, même s’il lui arrive, par moments, de mobiliser des stratégies rhétoriques pour faire croire à sa neutralité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194364/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lukinson Jean ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’État haïtien, souvent présenté comme étant failli, voire inexistant, dispose en réalité de certaines capacités… qu’il n’emploie guère pour promouvoir l’intérêt général.Lukinson Jean, PhD in Social Sciences, GReSCo, Université de Limoges, LADIREP, Professor at the State University of Haiti, Université de LimogesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1815512022-04-19T16:34:48Z2022-04-19T16:34:48ZJames : « Est-ce que les zombies existent pour de vrai ? »<p>Il y a beaucoup de séries et de films sur les zombies. La plupart d’entre eux sont destinées aux adultes et sont plutôt effrayants. <a href="http://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/136346158502200304?journalCode=tpsd">Certaines personnes</a> croient que les zombies sont bien réels, mais ils ne ressembleraient pas vraiment aux zombies que l’on voit dans les films ou à la télévision.</p>
<p>Le mot <em>zombie</em> est lié aux contes populaires d’Haïti. Haïti est un pays situé sur une île appelée Hispaniola, dans les Caraïbes.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/173949/original/file-20170615-25000-m6duvi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/173949/original/file-20170615-25000-m6duvi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/173949/original/file-20170615-25000-m6duvi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/173949/original/file-20170615-25000-m6duvi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/173949/original/file-20170615-25000-m6duvi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/173949/original/file-20170615-25000-m6duvi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/173949/original/file-20170615-25000-m6duvi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/173949/original/file-20170615-25000-m6duvi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Haïti est indiqué par un point rouge sur cette carte.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.google.com.au/maps/place/Haiti/@26.9619976,-88.9735058,5z/data=!4m5!3m4!1s0x8eb6c6f37fcbbb11:0xb51438b24c54f6d3!8m2!3d18.971187!4d-72.285215!10m1!1e2">Google Maps</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les contes populaires sont racontés dans le monde entier depuis des milliers d’années. Ce sont généralement des histoires inventées, qui ressemblent à des contes de fées. Mais certaines personnes pensent qu’il y a du vrai dans ces histoires.</p>
<p>Il y a des centaines d’années, des esclaves d’Afrique étaient emmenés en Haïti et forcés de travailler très dur dans des fermes. Ils étaient très mal traités, n’étaient pas payés et n’avaient pas le droit de rentrer chez eux. Ces esclaves se racontaient un conte sur ce qui leur arriverait après leur mort. Dans ce conte, ils disaient qu’un dieu vaudou les sortiraient de leur tombe et les ramèneraient en Afrique. Mais s’ils avaient fait de mauvaises choses dans leur vie, ils croyaient qu’ils seraient transformés en zombies à la place.</p>
<p>Le vaudou est une religion pratiquée dans certaines régions du monde, notamment en Haïti. On pense que les esclaves emmenés en Haïti ont apporté avec eux leurs croyances dans cette religion. Les personnes qui croient au vaudou pensent qu’il y a beaucoup d’esprits dans le monde, de nombreux dieux, et un dieu principal.</p>
<p>Un de ces esprits vaudou s’appelle le Baron Samedi. Si les gens le contrariaient de leur vivant, ils risquaient d’être transformés en zombies. Le Baron Samedi a une allure assez effrayante, il porte un chapeau haut de forme, un grand manteau noir et a parfois un crâne à la place du visage.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/173931/original/file-20170615-24988-nmzpyl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/173931/original/file-20170615-24988-nmzpyl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/173931/original/file-20170615-24988-nmzpyl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/173931/original/file-20170615-24988-nmzpyl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/173931/original/file-20170615-24988-nmzpyl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/173931/original/file-20170615-24988-nmzpyl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/173931/original/file-20170615-24988-nmzpyl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/173931/original/file-20170615-24988-nmzpyl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">On dit que le Baron Samedi porte un chapeau haut de forme, tout comme ce petit zombie en Lego.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/clement127/11671449945/in/photolist-iMnerB-9ScHuK-5s4cmH-5s4erX-bksA8A-5s4eMe-5s8zxf-jQXqgh-8GzcdA-rAg2pz-5ieHRH-oqasq-74WFmA-8aTX5G-dKv5dB-h3aBfA-GRcTB7-ynRap4-GesPJh-q1bNxy-74Djdm-eMiv4R-bEQyfx-9C83au-5s46Hp-74WF6Q-5HMTxE-qxEiX3-n5znuk-qyzSGP-hf5kqB-5HMTyU-5b4gdL-73CcmW-8Pvkhx-qys5vN-d2FfKf-rpchRK-hf5kYF-73BEtY-8QgYuU-8akZTE-dGeMxo-puGAj-bPuQqz-bPnrce-9DB6jL-bAtmY5-JLGLC3-5rEXsU">Clement127/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans d’autres légendes haïtiennes, les zombies sont créés par des sorciers. Ils étaient censés pouvoir créer des zombies en fabriquant des poisons. Une fois bu, ils donneraient à la personne l’apparence et le comportement d’un mort. Le sorcier utilise alors le zombie comme esclave.</p>
<p>Il y a un peu plus de 100 ans, ces contes haïtiens ont commencé à atteindre les États-Unis. On racontait des histoires de zombies aux gens et elles étaient également imprimées dans des recueils d’histoires sur Haïti. Il y avait également des rapports sur les zombies vivant en Haïti, et il n’a pas fallu longtemps pour que les universitaires et les journalistes américains commencent à visiter Haïti à la recherche de vrais zombies.</p>
<p>Ces contes et reportages sur les zombies ont été transformés en bandes dessinées et en histoires d’horreur. Certaines personnes aiment être effrayées par ces monstres.</p>
<p>Voici donc l’histoire des zombies. Qu’il s’agisse de croyances religieuses, de contes populaires, de rapports sur des zombies réels, de bandes dessinées, de films d’horreur ou de télévision, les zombies sont désormais partout sur nos écrans.</p>
<p>Dans les émissions télévisées d’aujourd’hui, il y a beaucoup de raisons différentes qui expliquent comment les zombies sont créés. Parfois, on explique que les gens sont transformés en zombies en respirant des produits chimiques dangereux ou en attrapant des maladies mystérieuses. Pour rendre ces zombies télévisés encore plus effrayants, ils sont souvent violents et mangent même de la chair humaine.</p>
<p>Mais n’oublie pas que dans ces contes modernes, conçus pour nous effrayer, il y a aussi un héros ou une héroïne pour sauver le monde.</p>
<hr>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : <a href="mailto:tcjunior@theconversation.fr">tcjunior@theconversation.fr</a>. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181551/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marguerite Johnson ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le terme de « zombie » vient de la culture haïtienne et plus particulièrement de la religion vaudou.Marguerite Johnson, Professor of Classics, University of NewcastleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1667872021-08-26T18:48:01Z2021-08-26T18:48:01Z« Sismo-citoyens » et chercheurs du monde entier s’allient pour comprendre le récent séisme d’Haïti<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/418038/original/file-20210826-25-tq43me.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1268%2C952&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur le terrain, les chercheurs déploient rapidement des équipements de mesure pour mieux identifier les zones affectées. Ici, une antenne GPS.</span> <span class="attribution"><span class="source">Steeve Symithe et Sadrac St Fleur</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Samedi 14 août 2021, 8h29 du matin, la terre <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/08/14/haiti-un-seisme-de-magnitude-7-2-fait-plusieurs-morts_6091441_3210.html">tremble en Haïti</a>. Déjà durement frappé il y a 11 ans par un séisme qui a ébranlé la capitale Port-au-Prince et fait entre 100 000 et 250 000 victimes, Haïti est de nouveau touché par un séisme de forte magnitude (Mw 7,2 magnitude de moment), cette fois-ci le long de la péninsule sud, environ 100 km à l’ouest de Port-au-Prince.</p>
<p>Les dégâts sont considérables et le bilan est déjà lourd. Alors que les secours tentent de sauver des vies, de nombreuses répliques sismiques frappent la zone épicentrale, comme attendu après tout séisme d’une telle ampleur.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/418039/original/file-20210826-6126-dwtshf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/418039/original/file-20210826-6126-dwtshf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/418039/original/file-20210826-6126-dwtshf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/418039/original/file-20210826-6126-dwtshf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/418039/original/file-20210826-6126-dwtshf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/418039/original/file-20210826-6126-dwtshf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=296&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/418039/original/file-20210826-6126-dwtshf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=296&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/418039/original/file-20210826-6126-dwtshf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=296&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les failles tectoniques dans la zone nord-caraïbe et les directions de la déformation.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Éric Calais</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Des scientifiques haïtiens, français, japonais, américains, eux, travaillent pour tenter de comprendre ce qui s’est passé, afin de produire de l’information utilisable au plus tôt par les secours et de mieux pouvoir anticiper ce genre d’événements à l’avenir. Ce travail est plus simple qu’en 2010 grâce à une combinaison d’efforts locaux et internationaux ayant abouti à la mise en place d’un réseau de stations sismologiques dites « citoyennes » en Haïti.</p>
<h2>Hispaniola, une île aux frontières de deux plaques tectoniques</h2>
<p>L’île d’Hispaniola, deuxième plus grande île des Caraïbes partagée entre la République dominicaine et Haïti, est parcourue par de grandes failles sismiques résultant de la subduction (l’enfoncement) de la plaque nord-américaine sous la plaque caraïbe. À cet endroit, ce mouvement se fait de façon tellement oblique sous Hispaniola et Porto Rico que le mouvement active à la fois des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Faille_inverse">failles inverses</a> (aussi appelées chevauchements) et des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9crochement">failles décrochantes</a> (aussi appelés décrochements).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/418001/original/file-20210826-25-q4kkj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/418001/original/file-20210826-25-q4kkj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/418001/original/file-20210826-25-q4kkj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/418001/original/file-20210826-25-q4kkj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/418001/original/file-20210826-25-q4kkj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/418001/original/file-20210826-25-q4kkj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/418001/original/file-20210826-25-q4kkj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/418001/original/file-20210826-25-q4kkj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Deux types de failles ont été activés par les mouvements sismiques en Haïti : des décrochements et des chevauchements.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Ces séismes peuvent se répéter sous la forme de séquence d’évènements : ce fut le cas au XVIII<sup>e</sup> siècle où quatre séismes destructeurs frappèrent le sud de l’île en 1701, à deux reprises à trois mois d’intervalle en 1751, et en 1770.</p>
<p>Le 14 août dernier, les grandes agences sismologiques mondiales ont produit une première analyse du séisme en quelques minutes. Grâce aux données ouvertes des stations sismologiques du monde entier, situées à des milliers de kilomètres d’Haïti, on sait que le mouvement a été à moitié décrochant et à moitié chevauchant, avec un épicentre, point où commence la rupture, situé dans la péninsule du sud d’Haïti. Le glissement total est d’environ 1 à 2 mètres et la rupture a duré environ 25 secondes.</p>
<h2>Pourquoi travailler si vite est-il important ?</h2>
<p>Cependant, établir un tel modèle du séisme revient à tenter de déchiffrer une conversation ayant lieu dans la pièce d’à côté. On sait que quelqu’un parle, mais on n’arrive pas à savoir qui parle et ce qui se dit exactement.</p>
<p>Ici, les données sismologiques globales ne permettent pas d’identifier quelle faille a rompu, si la rupture a atteint la surface ni où se distribue le glissement. Or, ces informations sont cruciales pour les secours afin d’identifier les régions où les dégâts ont été les plus importants, car l’accès à la zone de faille est ardu et nécessite une organisation complexe, que nous mettons en œuvre, mais qui doit composer avec l’urgence de la situation.</p>
<p>C’est alors qu’entrent en jeu les données sismologiques locales et les images satellites.</p>
<h2>Depuis 2010, une mise en capacité réussie en Haïti</h2>
<p>En 2010, l’intervention scientifique fut très complexe à mettre en œuvre et il fallut de longues semaines avant que les premières données utilisables ne soient disponibles. En effet, il n’y avait à l’époque ni sismologue haïtien ni réseau sismologique national, et les scientifiques restèrent longtemps « aveugles » face à l’événement qui venait de se produire.</p>
<p>Ce séisme marqua le réveil de la sismologie en Haïti, grâce à l’engagement de jeunes haïtiens qui allèrent se former à l’étranger, à la mise en place d’un master en géoscience à l’<a href="https://ueh.edu.ht/">université d’État</a>, et au développement d’un réseau sismologique national maintenu par le Bureau des Mines et de l’Énergie. Les soutiens internationaux furent nombreux pour accompagner Haïti dans cette évolution scientifique (France, États-Unis, Belgique, Canada notamment). Nous en recueillons tous les fruits aujourd’hui : trois jours après le séisme, trois jeunes sismologues haïtiens sont partis pour installer des sismomètres et stations GPS sur le terrain. Cette rapidité de réponse, essentielle pour ne rien rater des chuchotements sismiques de la zone du séisme – la « conversation » mentionnée plus haut – était impensable en 2010.</p>
<h2>Citizen seismology, des sismomètres « chez l’habitant »</h2>
<p>Par ailleurs, l’idée de compléter le réseau sismologique national par un effort impliquant les citoyens <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-021-02279-y">a vu le jour en 2019</a>. L’organisme haïtien en charge du réseau sismologique officiel peinait à trouver des fonds pour maintenir les sismomètres opérationnels. De plus, les <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/feart.2020.542654/full">études</a> montraient un réel besoin – une demande même – des citoyens pour plus d’information sur les séismes et les risques environnementaux en général.</p>
<p>L’arrivée sur le marché en 2019 de <a href="https://raspberryshake.org/">sismomètres simples et compacts</a> a changé la donne : des petites boîtes de la taille d’un téléphone portable, placées dans son salon ou un bureau, connectées à l’internet et à l’électricité, leurs données sont mises à disposition des sismologues en temps réel. À ce jour, 15 stations citoyennes sont <a href="https://www.sciencenews.org/article/haiti-earthquake-citizen-science-seismology-risk">opérationnelles en Haïti</a>, hébergées par des « sismo-citoyens ».</p>
<p>Les données, mises <a href="https://ayiti.unice.fr/ayiti-seismes/">à la disposition de tous sur Internet</a>, ont d’ores et déjà permis de mieux localiser l’épicentre du 14 août dernier et de localiser en temps réel les nombreuses répliques toujours en cours.</p>
<p>En effet, suite à un séisme, les contraintes tectoniques sont localement chamboulées. Ce nouvel état des forces telluriques est accommodé par de nombreuses répliques, des séismes de magnitudes plus faibles que le choc principal, dont le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_d%27Omori">nombre et la magnitude décroissent avec le temps</a>. La distribution spatiale des répliques indique une rupture d’environ 80 kilomètres de long, orientée Est-Ouest, avec l’épicentre situé à l’extrême est de la rupture.</p>
<h2>Des images satellites pour voir la rupture</h2>
<p>L’<em>imagerie optique</em> – de « simples » photographies du sol depuis l’espace – a permis de cartographier dans la journée suivant le séisme de nombreux glissements de terrain. Malheureusement, Haïti est une zone très nuageuse, et nous n’avons pas pu détecter les déplacements de surface qui auraient permis de voir si la rupture avait effectivement rompu la surface (déplacements qui font souvent quelques dizaines de centimètres).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1426842807394881542"}"></div></p>
<p>Grâce à l’<em>imagerie radar</em>, une première cartographie des dommages était réalisée dès le lendemain du séisme (on regarde si chaque pixel change beaucoup d’aspect entre les passages successifs du satellite), permettant elle aussi de guider les secours vers les zones durement touchées. C’est aussi cette technique qui a permis mesurer les déplacements du sol entre chaque passage du satellite (avant et après le séisme).</p>
<h2>Un séisme pas exactement comme on l’attendait</h2>
<p>Malgré les limitations inhérentes à la technique d’imagerie radar que nous utilisons, nous avons immédiatement réalisé que ce séisme ne correspondait pas complètement à ce qui était attendu : au lieu de s’éloigner du satellite comme ce que notre compréhension du système de faille traversant la péninsule du sud suggérait, le sol a bougé, sur une grande partie, vers le satellite, c’est-à-dire vers le haut.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/417839/original/file-20210825-27-la6lrx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/417839/original/file-20210825-27-la6lrx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/417839/original/file-20210825-27-la6lrx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/417839/original/file-20210825-27-la6lrx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/417839/original/file-20210825-27-la6lrx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/417839/original/file-20210825-27-la6lrx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/417839/original/file-20210825-27-la6lrx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/417839/original/file-20210825-27-la6lrx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte des déplacements dues au séisme du 14 août dans la direction de la ligne de visée du satellite. Les déplacements positifs (rouges) indiquent un déplacement vers le satellite (c.-à-d., ici, essentiellement vers le haut). Les déplacements négatifs (bleus) indiquent un déplacement ici plutôt horizontal. Les données ont été acquises pas la constellation Sentinel 1 (ESA) et traitées par Bryan Raimbault au Département de Géosciences de l’École normale supérieure (PSL).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bryan Raimbault/ENS-PSL</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Avec les acquisitions satellites suivantes, notre compréhension a progressé : la rupture est distribuée sur au moins deux failles, avec un mouvement chevauchant à l’est et un mouvement décrochant à l’ouest – un modèle conceptuel cohérent avec la distribution des répliques, les premiers modèles sismologiques et les <a href="https://www.nature.com/articles/ngeo992">informations géologiques et géodésiques acquises dans la région depuis 2010</a>.</p>
<p>Ces nouvelles connaissances vont permettre d’affiner notre compréhension de l’activité tectonique de la région, de mieux comprendre l’histoire géologique d’Haïti, mais surtout d’améliorer les modèles d’aléa sismique sur cette île malheureusement frappée de façon régulière par ce genre de catastrophe.</p>
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<p><em>Cet article et les études en cours bénéficient du concours de nombreux chercheurs et experts, en particulier de l’équipe de sismologie du laboratoire <a href="https://geoazur.oca.eu/fr/acc-geoazur/3164-seisme-m-7-de-haiti-du-14-aout-2021-bilan-a-24h">GEOAZUR</a> (CNRS, OCA, UCA, IRD), menée par Françoise Courboulex et Tony Monfret. Les travaux en cours se réalisent dans le cadre du laboratoire mixte international <a href="https://www.ird.fr/premiers-enseignements-sur-le-seisme-du-14-aout-2021-en-haiti">CARIBACT</a>, financé par l’Institut de Recherche pour le Développement.</em></p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article fait partie de la série « Les belles histoires de la science en libre accès », publiée avec le soutien du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Pour en savoir plus, veuillez consulter la page <a href="https://www.ouvrirlascience.fr/">Ouvrirlascience.fr</a>.</em></p>
<hr><img src="https://counter.theconversation.com/content/166787/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Romain Jolivet est membre de l'Institut Universitaire de France. Il a reçu des financements du CNRS, de l'ERC (European Research Council), de la NASA, de l'ENS-PSL et de l'IUF.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Bryan Raimbault a reçu des financements de l'ENS-PSL et du Ministère français de lʼEnseignement supérieur, de la Recherche et de lʼInnovation (MESRI) pour la réalisation de son contrat doctoral. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Éric Calais est membre de l'Académie des Sciences et de l'Institut Universitaire de France. Il est actuellement en détachement auprès de l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD). Pour cette étude, il a reçu des financements de l'IRD, du CNRS, du projet européen PREST (Interreg Caraibes) et un soutien logistique de l'UNAVCO.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sadrac St Fleur travaille aussi pour le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) et a eu une bourse de thèse IRD (2012-2016).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Steeve Symithe a reçu des financements de l’USGS, de la coopération de Belgique, du Fond Appui à la Recherche (UEH).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Dominique Boisson ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les moyens colossaux des agences spatiales européenne et japonaise combinés à la sismologie participative permettent aux chercheurs haïtiens et du monde entier de comprendre le séisme du 14 août 2021.Romain Jolivet, Maitre de Conférences, École normale supérieure (ENS) – PSLBryan Raimbault, Doctorant en géosciences, École normale supérieure (ENS) – PSLDominique Boisson, Professeur en géologie structurale, géotechnique, exploration minière, Université d'Etat d'HaitiÉric Calais, Professeur, École normale supérieure (ENS) – PSLSadrac St Fleur, Professeur en géosciences, Faculté des Sciences, Université d'Etat d'HaitiSteeve Symithe, Chercheur en géosciences, Faculté Des Sciences, Université d'Etat d'HaitiLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1663862021-08-20T12:58:29Z2021-08-20T12:58:29ZAprès les catastrophes en Haïti, une solidarité internationale nécessaire, mais illusoire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/417097/original/file-20210819-21-100tk6x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=53%2C0%2C6000%2C3979&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un homme est accroupi sur les décombres de l'hôpital détruit par le tremblement de terre à Fleurant, en Haïti, le 17 août 2021, trois jours après le séisme de magnitude 7,2 qui a frappé la nation des Caraïbes. </span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Fernando Llano) </span></span></figcaption></figure><p>Un tremblement de terre de 7,2 sur l’échelle de Richter <a href="https://www.tvanouvelles.ca/2021/08/16/apres-le-seisme-en-haiti-les-secours-saffairent">a frappé à nouveau Haïti le 14 août</a>. Le séisme a particulièrement frappé les départements du Sud, des Nippes et de la Grande-Anse. En même temps, la <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1817156/haiti-tempete-grace-apres-seisme-risque-inondations">tempête tropicale Grace</a> s’est abattue sur le sud-est et le sud du pays, charriant tristesse et désolation.</p>
<p>En attendant de connaître le bilan définitif de ces événements — il serait de près de 2 200 morts à l’heure actuelle —, ces tragédies naturelles font revivre de douloureux souvenirs. Le 12 janvier 2010, un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9isme_de_2010_en_Ha%C3%AFti">tremblement de terre d’une magnitude similaire (7,0 sur l’échelle de Richter) a dévasté la grande région métropolitaine de Port-au-Prince</a>, la capitale du pays, laissant derrière lui de multiples désastres matériels, plus d’une centaine de milliers de morts et un nombre incalculable de personnes blessées.</p>
<p>Tout comme en 2010, plusieurs pays, partenaires des Nations unies et organisations non gouvernementales, se préparent à conduire une évaluation des dommages et des besoins en <a href="https://www.carefrance.org/actualite/communique-presse-news/2021-08-14,haiti-seisme-tremblement.htm">vue d’activer les mécanismes de réponse rapide</a>.</p>
<p>Au-delà de la situation spécifique haïtienne, de tels drames naturels et humains signalent la place de l’inattendu et de l’incontrôlable dans le rapport de l’humain avec la nature. Elles nous rappellent notre vulnérabilité collective et, par le fait même, nous font prendre conscience des valeurs et objectifs communs que nous partageons.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/417100/original/file-20210819-15-y7lc4k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/417100/original/file-20210819-15-y7lc4k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/417100/original/file-20210819-15-y7lc4k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/417100/original/file-20210819-15-y7lc4k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/417100/original/file-20210819-15-y7lc4k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/417100/original/file-20210819-15-y7lc4k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/417100/original/file-20210819-15-y7lc4k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des personnes blessées lors du tremblement de terre survenu samedi et leurs proches se pressent dans une salle d’urgence de l’hôpital Saint-Antoine, à Jérémie, le 18 août. Le plus récent bilan fait état de près de 2 200 morts.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Matias Delacroix)</span></span>
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<p>Toutefois, il est fort probable que, les mêmes causes produisant les mêmes effets, l’élan de solidarité internationale envers Haïti ne débouche pas sur des résultats tangibles sur le moyen et long terme. Quatre facteurs, entre autres, expliquent une telle situation : les leçons de l’expérience du tremblement de terre de 2010 ; la faiblesse de l’État haïtien et l’instabilité interne chronique ; l’absence de coordination et de gouvernance de l’action humanitaire internationale et locale ; la nature de la politique mondiale.</p>
<p>Je suis haïtien d’origine, spécialiste en relations internationales et globales, chercheur au CEIM, co-directeur de l’Observatoire des Amériques et chargé de cours à l’UQAM.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-crise-en-ha-ti-reflete-lechec-de-la-communaute-internationale-pour-stabiliser-le-pays-164471">La crise en Haïti reflète l’échec de la communauté internationale pour stabiliser le pays</a>
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<h2>Les leçons du séisme de 2010</h2>
<p>En 2010, plusieurs pays et grandes organisations internationales avaient fait part de leur intention de contribuer financièrement aux opérations d’urgence et de reconstruction. Des milliers de citoyens de partout dans le monde avaient aussi participé aux nombreuses collectes de fonds.</p>
<p>Pour leur part, les pays et les grandes organisations comme la Banque mondiale, le FMI et les grandes agences de l’ONU <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1464873/seisme-haiti-argent-international-reconstruction-chartrand">s’étaient engagés à verser globalement 13 milliards de dollars canadiens</a>.</p>
<p>Il faut ajouter à cette somme plusieurs milliards amassés par dons privés versés directement à des ONG comme la Croix-Rouge, Médecins du Monde et des centaines d’autres. On se souvient aussi que des ONG de partout dans le monde avaient déferlé sur Haïti avec tentes, nourriture, vêtements, services médicaux d’urgence, etc.</p>
<p>Toutefois le bilan de l’assistance internationale post-tremblement de terre à Haïti demeure mitigé, voire catastrophique. La présence de l’ONU, via ses Casques bleus, a conduit à plusieurs scandales, sanitaires (avec le choléra) et <a href="https://theconversation.com/apres-seisme-voici-comment-des-enfants-ha-tiens-ont-ete-abandonnes-par-leur-pere-casque-bleu-129118">sexuels</a>. Plutôt que de satisfaire les besoins réels du pays et de sa population, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Corruption_in_Haiti">l’argent récolté a souvent été détourné</a> ou bien a servi à la prolifération des ONG dans le pays et à édifier ce qu’on appelle communément « une république des ONG ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/417098/original/file-20210819-13-lrwrtb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/417098/original/file-20210819-13-lrwrtb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/417098/original/file-20210819-13-lrwrtb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/417098/original/file-20210819-13-lrwrtb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/417098/original/file-20210819-13-lrwrtb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/417098/original/file-20210819-13-lrwrtb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/417098/original/file-20210819-13-lrwrtb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des membres d’une ONG déchargent de l’aide destinée à un hôpital où sont soignés les nombreux blessés du tremblement de terre survenu le 19 août. Les ONG ne sont pas parvenues à relever les défis de la reconstruction après le séisme de 2010. Il est peu probable qu’elles y parviennent cette fois.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Fernando Llano)</span></span>
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<p>Le réalisateur haïtien Raoul Peck, <a href="http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/38155_1">dans son documentaire coup de poing de 2013</a>, compare l’assistance internationale à Haïti comme de l’« assistance mortelle » des ONG. En d’autres mots, le constat est implacable : les <a href="https://books.openedition.org/editionsmsh/8343?lang=en">ONG ne sont pas parvenues à relever le défi de la reconstruction post-séisme</a>.</p>
<h2>L’invisibilité de l’État</h2>
<p>François Audet et Diane Alalouf-Hall, de <a href="https://occah.uqam.ca">l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitaires (OCCAH)</a>, imputent le choix fait en faveur des organisations internationales (OI et ONG) comme acteurs principaux de la reconstruction <a href="https://alternatives-humanitaires.org/fr/2020/03/12/haiti%E2%80%89-mieux-comprendre-le-bilan-mitige-de-laction-humanitaire-internationale/">à la faiblesse de l’État haïtien</a>.</p>
<p>En même temps, ils attirent l’attention sur le fait que ce flux massif d’aide internationale souligne « le caractère de spectateur forcé du peuple haïtien ».</p>
<p>Dépourvu de ressources autonomes et de capacités propres, l’État haïtien est invisible, affaibli par des convulsions internes successives et historiquement incapable de livrer des services à ses citoyens.</p>
<p>De plus, aujourd’hui, le climat politique général se dégrade de manière considérable. Rappelons que le président <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Assassinat_de_Jovenel_Mo%C3%AFse">Moïse Jovenel a été assassiné</a> en juillet. Une grande partie du territoire métropolitain est contrôlée par des gangs armés à la solde de forces obscures. <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/desautels-le-dimanche/segments/entrevue/351747/haiti-face-a-une-vague-d-enlevements-etienne-cote-palluck">Les enlèvements sont devenus monnaie courante</a>. Pour un pays vulnérable aux catastrophes naturelles répétitives et saisonnières, il s’agit là d’une recette pour l’implosion.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/apres-lassassinat-de-son-president-ha-ti-a-besoin-plus-que-jamais-de-laide-internationale-164147">Après l’assassinat de son président, Haïti a besoin plus que jamais de l’aide internationale</a>
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<p>On observe aussi que les trois catastrophes naturelles les plus récentes sont survenues dans le pays à des moments de grande incertitude politique et de déliquescence accélérée de l’État. Le tremblement de terre du 12 janvier 2010 est survenu en pleine période électorale, à un moment de grande inquiétude politique. Les élections, qui devaient se tenir le 28 février, avaient été repoussées au 28 novembre.</p>
<p>En octobre 2016, quelques semaines avant les élections du 20 novembre, le sud du pays a été dévasté par l’ouragan Matthew. Les événements entourant le tremblement de terre d’août 2021 sont arrivés un mois et quelques jours après l’assassinat du président Jovenel Moise lequel a généré un climat politique tendu et délétère. S’il n’existe aucun lien causal entre ces événements, ces catastrophes naturelles exacerbent des situations déjà tendues.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/417101/original/file-20210819-17-6ho334.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/417101/original/file-20210819-17-6ho334.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/417101/original/file-20210819-17-6ho334.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/417101/original/file-20210819-17-6ho334.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/417101/original/file-20210819-17-6ho334.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/417101/original/file-20210819-17-6ho334.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/417101/original/file-20210819-17-6ho334.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un homme se tient près des décombres d’un bâtiment effondré à Jérémie, en Haïti, le 18 août, quatre jours après que la ville ait été frappée par un séisme de magnitude 7,2.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Matias Delacroix)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une coordination nécessaire</h2>
<p>À l’expérience traumatisante de 2010 et l’invisibilité chronique et historique de l’État, s’ajoutent le <a href="https://www.courrierinternational.com/article/2012/01/12/mais-ou-diable-est-passe-l-argent-de-la-reconstruction">problème de l’absence de coordination de l’action humanitaire, tant à l’échelle internationale que locale</a>. Cette situation fait d’Haïti le grand bazar à ciel ouvert de l’humanitaire.</p>
<p>Pourtant, plusieurs résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies envisagent d’encadrer les actions des acteurs (gouvernements, ONG et institutions spécialisées, etc.) à la suite d’un appel à l’aide de la communauté internationale. Mais en dépit de l’adoption de ces instruments, et des lignes directrices proposées, l’intervention d’urgence reste plus que jamais tributaire des caprices des intervenants. Dans la plupart des cas, ces derniers opèrent dans une anarchie relative, comme des ghettos protégés, des cartels intéressés, des îlots désincarnés. Cette situation conduit <a href="https://www.bbc.com/afrique/region-43108034">à des dérives de toutes sortes, corruption, népotisme, voire exploitation sexuelle</a>.</p>
<p>En même temps, on observe également un déficit criant de coordination de l’action des ONG sur le terrain. Pour ce faire, il faut davantage d’État. Or ce à quoi on assiste depuis toujours, c’est à l’affaiblissement systématique de celui-ci.</p>
<h2>La nature de la politique mondiale</h2>
<p>L’idée d’une gouvernance de l’action des États et des ONG dans le champ humanitaire reste un défi de taille. Les sources de ces difficultés sont à rechercher dans la dynamique compétitive de la politique internationale et les rivalités permanentes entre les acteurs pour l’atteinte d’objectifs géostratégiques.</p>
<p>Les motivations et contraintes principales guidant les interactions entre les États sur la scène internationale sont davantage politiques qu’éthico-morales. Dans l’état actuel des choses, l’État haïtien est incapable d’intervenir efficacement dans les situations d’urgence. En même temps, les risques d’implosion politique interne fragilisent la coordination de la réponse humanitaire sur le terrain. Il faudrait éviter à tout prix que l’élan de solidarité observé en ce moment, plus que nécessaire, ne se convertisse en un nouveau désenchantement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/166386/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chalmers Larose ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Secoué par un puissant tremblement de terre et frappé par une tempête tropicale, Haïti a de nouveau besoin d’aide internationale. Mais elle reste désorganisée, détournée et confirme l’échec de l’État.Chalmers Larose, Docteur en science politique, Spécialiste en relations internationales, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1644712021-07-15T14:57:46Z2021-07-15T14:57:46ZLa crise en Haïti reflète l’échec de la communauté internationale pour stabiliser le pays<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/411512/original/file-20210715-13-okin2f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C5%2C3822%2C2546&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des pneus brûlent après avoir été incendiés par des manifestants mécontents de la violence croissante, tandis que la police patrouille et tente d'éteindre les flammes et de libérer la route pour les véhicules dans le quartier de Lalue à Port-au-Prince, en Haïti, le 14 juillet 2021. </span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Matias Delacroix)</span></span></figcaption></figure><iframe style="width: 100%; height: 175px; border: none; position: relative; z-index: 1;" allowtransparency="" src="https://narrations.ad-auris.com/widget/la-conversation/la-crise-en-ha-ti-refl-te-l--chec-de-la-communaut--internationale-pour-stabiliser-le-pays" width="100%" height="400"></iframe>
<p>L’assassinat du président de la République d’Haïti, Jovenel Moise, le 7 juillet dernier, a créé une <a href="https://www.lapresse.ca/international/caraibes/2021-07-13/haiti-plus-destabilisee-que-jamais.php">onde de choc</a> dans la politique régionale. Les circonstances entourant cet assassinat demeurent obscures quoique tout laisse présager qu’il s’agirait <a href="https://www.lapresse.ca/international/caraibes/2021-07-11/assassinat-du-president-haitien-jovenel-moise/un-suspect-avait-des-objectifs-politiques-indique-la-police.php">d’un complot ourdi</a> de l’intérieur, appuyé par des acteurs floridiens et des mercenaires colombiens dans un réseau complexe de banditisme politique organisé et sophistiqué.</p>
<p>La plupart des dirigeants de la région ayant réagi à cet événement ont fait part de leur émotion et consternation devant ce crime dont a été victime ce chef d’État contesté de cette île des Caraïbes.</p>
<p>Haïtien d’origine, je suis docteur en science politique, détenteur d’une maîtrise en relations internationales et d’un diplôme d’études spécialisées en droit international de l’International Institute of Social Studies, de La Haye. J’enseigne les relations internationales et suis directeur adjoint de l’Observatoire des Amériques rattaché au Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation. Par le passé, j’ai travaillé au sein de la direction des affaires politiques du ministère des Affaires étrangères d’Haïti.</p>
<h2>Des appels à l’aide internationale</h2>
<p>Au plan interne, depuis de nombreuses années, <a href="https://ici.radio-canada.ca/dossier/1002268/crise-haiti-2019">Haïti se trouve fragilisé</a> par une profonde déliquescence sociale et politique, une dégradation de la situation économique et humanitaire et une violence généralisée qui attaque tout le tissu social et environnemental. Si l’on ajoute les risques liés à la dégradation sanitaire – risques exacerbés par la <a href="https://ici.radio-canada.ca/info/videos/media-8282014/situation-pandemie-en-haiti">pandémie de Covid-19</a> – le morcellement du territoire, favorisé par le renforcement des capacités de violence armée des gangs organisés et la déroute totale des forces régulières, cela produit un cocktail explosif qui n’attend qu’une bougie d’allumage.</p>
<p><a href="https://www.washingtonpost.com/opinions/2021/07/07/assassination-its-president-puts-haiti-risk-anarchy-un-must-intervene/">Plusieurs voix s’élèvent</a> pour demander une réponse internationale « robuste » et « définitive » à la situation en Haïti.</p>
<p>Elles redoutent que la situation provoquée par l’assassinat du président vienne s’ajouter à ce portrait hautement « toxique » du pays et contribuer ainsi à déstabiliser davantage un environnement régional précaire miné par une triple crise économique, politique et sanitaire.</p>
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<img alt="Un homme dépose des fleurs alors qu’une foule s’est réunie autour d’un autel rendant hommage au président assassiné" src="https://images.theconversation.com/files/411513/original/file-20210715-17-14e0a91.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/411513/original/file-20210715-17-14e0a91.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/411513/original/file-20210715-17-14e0a91.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/411513/original/file-20210715-17-14e0a91.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/411513/original/file-20210715-17-14e0a91.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/411513/original/file-20210715-17-14e0a91.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/411513/original/file-20210715-17-14e0a91.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un homme dépose des fleurs sur un autel créé à l’extérieur du palais présidentiel en mémoire du président Jovenel Moise, à Port-au-Prince, Haïti, le mercredi 14 juillet 2021. Le président a été assassiné le 7 juillet.</span>
<span class="attribution"><span class="source">AP Photo/Fernando Llano</span></span>
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<p>Dans le <a href="https://www.miamiherald.com/news/local/news-columns-blogs/andres-oppenheimer/article252675998.html">Miami Herald du 9 juillet 2021</a>, l’éditorialiste Andres Hoppenheimer, curieusement sensible à la situation critique du pays caribéen, implore le président américain Joseph Biden de prendre le leadership d’une nouvelle force onusienne en Haïti. Dans l’optique d’Hoppenheimer, cette force serait dotée « de pouvoirs et capacités étendus en vue de prévenir une fois pour toutes ce cycle de violence et une nouvelle crise migratoire qui affecterait la région ».</p>
<p>Le ministre des affaires étrangères dominicain Roberto Alvarez, pays voisin et frontalier de la République d’Haïti <a href="https://hechosnews.com/canciller-de-republica-dominicana-roberto-alvarez-advierte-que-haiti-se-encuentra-en-peligro-somalizacion-por-la-crisis-que-atraviesa-ese-pais/">a évoqué</a>, quant à lui, le danger réel d’une « somalisation d’Haïti qui pourrait affecter la paix et la sécurité de la région dans son ensemble. » Le chancelier faisait écho à la situation catastrophique qu’a vécue le peuple somalien lors de la guerre civile qui a opposé différentes factions armées de la société et dont le pays n’est pas parvenu à s’en remettre jusqu’à aujourd’hui.</p>
<p>Même le mystérieux premier ministre provisoire haïtien, Claude Joseph, se mêle de la partie. Dépassé par les événements, <a href="https://www.npr.org/2021/07/10/1014936971/haiti-asks-for-us-troops-after-president-assassination">ce dernier a sollicité</a> sans ambages l’envoi de soldats américains et de Casques bleus des Nations unies sur le territoire haïtien.</p>
<h2>Un vide non comblé après le départ de l’ONU</h2>
<p>Ce qui motive ces nouvelles prises de position interventionnistes dont j’ai fait état précédemment, c’est l’ampleur du désordre interne haïtien. En effet, le départ des forces militaires onusiennes, en 2017, coïncidant avec l’arrivée au pouvoir de Jovenel Moise en Haïti et de Donald J. Trump aux États-Unis, avait laissé un vide sécuritaire qui n’a pas été comblé. <a href="https://www.latimes.com/world-nation/story/2021-07-12/haiti-gangs-complicate-recovery-effort-assassination">La gangstérisation</a> de la vie quotidienne est devenue une source de préoccupation.</p>
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<img alt="Le premier ministre intérimaire Claude Joseph donne une conférence de presse à Port-au-Prince, le 13 juillet 2021. Une photo de feu le président haïtien Jovenel Moise, qui a été assassiné à son domicile le 7 juillet, est accrochée au mur derrière" src="https://images.theconversation.com/files/411514/original/file-20210715-13-6y516n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/411514/original/file-20210715-13-6y516n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/411514/original/file-20210715-13-6y516n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/411514/original/file-20210715-13-6y516n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/411514/original/file-20210715-13-6y516n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/411514/original/file-20210715-13-6y516n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/411514/original/file-20210715-13-6y516n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le premier ministre intérimaire Claude Joseph donne une conférence de presse à Port-au-Prince, le 13 juillet 2021. Il a sollicité l’intervention et de Casques bleus des Nations unies sur le territoire haïtien.</span>
<span class="attribution"><span class="source">AP Photo/Joseph Odelyn</span></span>
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<p>Étant donné l’acuité de la situation et le manque de ressources de l’État haïtien pour y faire face, on postule que la solution immédiate et continue de la crise haïtienne passerait par un réengagement, étendu ou limité, des forces onusiennes chapeautées politiquement par les États-Unis.</p>
<p>Porteurs du dossier haïtien au Conseil de sécurité et puissance tutrice par excellence du pays depuis son invasion, suivie de l’occupation de 1915, les États-Unis demeurent à la fois l’arbitre et le décideur ultime des différends entre les protagonistes haïtiens. Le président Biden a <a href="https://globalnews.ca/news/8017337/us-colombia-agents-investigate-haiti-president/">affirmé</a> qu’« il n’a pas de plans pour fournir l’assistance militaire à l’heure actuelle. » Quant à l’ONU, des menaces de définancement des opérations de paix continuent de planer sur l’organisation en raison de la situation pandémique mondiale.</p>
<h2>Une solution externe à un problème interne</h2>
<p>À moins d’une hypothétique collaboration sinoaméricaine au Conseil de sécurité sur le dossier haïtien, il serait difficile d’imaginer l’organisation mondiale se lancer dans une autre aventure militaire en Haïti.</p>
<p>De telles suggestions relèvent d’un diagnostic erroné de la longue crise haïtienne. Bien qu’elles paraissent très attrayantes pour les observateurs non avisés, elles s’appuient néanmoins sur les émotions vives, entretiennent le mythe de la solution externe à une problématique interne et séculaire et marginalisent les acteurs internes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/apres-lassassinat-de-son-president-ha-ti-a-besoin-plus-que-jamais-de-laide-internationale-164147">Après l’assassinat de son président, Haïti a besoin plus que jamais de l’aide internationale</a>
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<p>En même temps, la dynamique actuelle conforte les États-Unis dans leur rôle de puissance tutrice d’Haïti. Elle offre le prétexte nécessaire et l’occasion choisie pour dicter la voie à suivre sur le terrain et replacer Haïti au centre du projet démocratique libéral entretenu par Washington et les Nations unies en parfaite synergie.</p>
<h2>L’échec du projet de stabilisation démocratique</h2>
<p>Depuis l’invasion suivie de l’occupation de 1915-1934, la mainmise des États-Unis sur l’espace politique haïtien est totale. Cette situation s’est renforcée avec le contrôle politique et économique exercé par Washington sur les organisations internationales et la vague des missions de paix onusiennes qui a déferlé dans le pays depuis 1991.</p>
<p>La nomination de l’Américaine <a href="https://www.un.org/sg/fr/content/profiles/helen-meagher-la-lime">Helen Lalime</a> à la tête du <a href="https://binuh.unmissions.org/fr">Bureau intégré des Nations unies en Haïti</a> illustre cet état de fait et atteste en même temps de l’accord parfait sur le terrain entre les politiques interventionnistes des États-Unis en Haïti et le dispositif institutionnel offert par l’ONU à Washington à cette fin.</p>
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<img alt="Leon Charles, à gauche, directeur général de la police haïtienne, quitte une salle après une conférence de presse au siège de la police à Port-au-Prince" src="https://images.theconversation.com/files/411519/original/file-20210715-23-9zz006.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/411519/original/file-20210715-23-9zz006.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/411519/original/file-20210715-23-9zz006.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/411519/original/file-20210715-23-9zz006.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/411519/original/file-20210715-23-9zz006.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/411519/original/file-20210715-23-9zz006.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/411519/original/file-20210715-23-9zz006.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Leon Charles, à gauche, directeur général de la police haïtienne, quitte une salle après une conférence de presse au siège de la police à Port-au-Prince, le 14 juillet 2021. M. Charles a fait le point sur l’enquête concernant l’assassinat du président Jovenel Moise le 7 juillet.</span>
<span class="attribution"><span class="source">AP Photo/Fernando Llano</span></span>
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<p>La situation de catastrophe généralisée que vit Haïti en ce moment est en partie le reflet de l’échec du projet libéral de stabilisation démocratique dans le pays. L’assassinat du président en exercice, suivi de l’incertitude générale qui entoure la trajectoire future du pays, témoigne de l’épuisement du modèle conventionnel et des stratégies mises en place jusque-là.</p>
<h2>Aider Haïti à trouver son propre modèle</h2>
<p>La mobilisation des mêmes vieilles politiques ne ferait qu’amplifier le chaos, décrédibiliser davantage les acteurs externes et amplifier les rivalités internes. Trop souvent les réponses et solutions à la longue crise haïtienne ont été pensées de l’extérieur. Cette situation est humiliante et dégradante pour ce peuple pionnier de la liberté des esclaves noirs dans le monde.</p>
<p>Il est donc nécessaire et urgent de procéder à un changement de paradigme et mettre un terme à cette thérapie de choc externe qui n’a pas réussi à générer un nouveau contrat social en Haïti et lui apporter la prospérité promise.</p>
<p>Certes il n’y a aucune assurance non plus que des solutions proprement haïtiennes amèneraient la paix longtemps espérée. Mais il y a ici une mince fenêtre d’opportunité à saisir. Trop longtemps le peuple haïtien a été traité en acteur passif des solutions venues d’ailleurs. Il est temps de sortir de ce modèle interventionniste, qui n’a fait qu’accompagner la destruction du tissu social national, pour aider les Haïtiens à inventer leur propre modernité et instituer leur propre modèle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/164471/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chalmers Larose ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il est nécessaire et urgent de mettre un terme à cette thérapie de choc externe qui n’a pas réussi à générer un nouveau contrat social en Haïti et lui apporter la prospérité promise.Chalmers Larose, Docteur en science politique, Spécialiste en relations internationales, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1641472021-07-09T16:48:10Z2021-07-09T16:48:10ZAprès l’assassinat de son président, Haïti a besoin plus que jamais de l’aide internationale<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/410585/original/file-20210709-13-zrcdht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=51%2C0%2C5760%2C3819&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des jeunes hommes protestent contre l'assassinat du président haïtien Jovenel Moïse près du commissariat de Pétion Ville à Port-au-Prince, le 8 juillet. </span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Joseph Odelyn)</span></span></figcaption></figure><p>Depuis plus d’un siècle, Haïti n’avait pas connu l’assassinat d’un président de la République. Le dernier est celui de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Vilbrun_Guillaume_Sam">Vilbrun Guillaume Sam</a> le 27 juillet 1915.</p>
<p>L’exécution de Jovenel Moïse dans sa résidence privée, le 7 juillet, renoue malheureusement avec un douloureux passé. Depuis la chute du dictateur <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean%E2%80%91Claude_Duvalier">Jean‑Claude Duvalier</a>, le 7 février 1986, Haïti avait fait le choix de s’inscrire dans un processus démocratique, même <a href="https://lenouvelliste.com/article/209961/haiti-est-elle-un-pays-democratique">si celui-ci n’a pas toujours été facile</a>.</p>
<p>La constitution de 1987, qui est l’un des principaux symboles de ce nouveau départ, a instauré un cycle quinquennal de renouvellement du mandat présidentiel. Jovenel Moïse est arrivé au pouvoir le 7 février 2017 comme sixième président de la République, élu avec un mandat constitutionnel de cinq ans.</p>
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<img alt="Des armes sont apposées sur une table, dont des machettes et des fusils d’assaut. Derrière, une rangée d’hommes assis" src="https://images.theconversation.com/files/410587/original/file-20210709-25-1sdayis.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/410587/original/file-20210709-25-1sdayis.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/410587/original/file-20210709-25-1sdayis.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/410587/original/file-20210709-25-1sdayis.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/410587/original/file-20210709-25-1sdayis.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/410587/original/file-20210709-25-1sdayis.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/410587/original/file-20210709-25-1sdayis.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les suspects de l’assassinat du président haïtien Jovenel Moise sont présentés aux médias, avec les armes et l’équipement qu’ils auraient utilisés lors de l’attaque du 8 juillet.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Joseph Odelyn)</span></span>
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<p>J’ai travaillé comme fonctionnaire dans l’administration publique haïtienne pendant huit ans et je suis aujourd’hui doctorant à l’ENAP. Jean‑François Savard, mon co-auteur, a enseigné la conception et la mise en œuvre des politiques publiques en Haïti dans le cadre d’un projet du gouvernement fédéral canadien visant à renforcer les capacités de la fonction publique haïtienne. Les analyses et conclusions que nous présentons sont tirées de nos expériences professionnelles et de nos travaux de recherche.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/crise-en-ha-ti-le-salut-passe-par-une-administration-publique-forte-126570">Crise en Haïti : le salut passe par une administration publique forte</a>
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<h2>Les raisons qui expliquent le chaos actuel en Haïti</h2>
<p>Les principales raisons du chaos que l’on observe présentement en Haïti se retrouvent sur les plans politique, institutionnel, économique et sécuritaire.</p>
<p>Jovenel Moïse, bien qu’ayant été élu au premier tour des élections présidentielles de novembre 2016, n’a pu récolter que <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMElection ?codePays=HTI&dateElection=HTI20161120&codeInstitution=3">590 927</a> votes, ce qui ne représente qu’environ 10 % de l’électorat. Cela a fait de lui le chef d’État le moins populaire depuis 1986.</p>
<p>La légitimité de Moïse s’est davantage affaiblie à partir du 7 février dernier. Son mandat devait prendre fin, mais il s’est accroché au pouvoir, au grand dam de la classe politique et du peuple, qui réclamait son départ du palais national. De <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1770845/plusieurs-milliers-manifestants-contre-retour-dictature-haiti">nombreuses manifestations ont eu lieu</a>.</p>
<p>Moïse gouvernait par décrets depuis le 13 janvier 2020, lorsque le <a href="https://lenouvelliste.com/article/211051/le-president-jovenel-moise-constate-la-caducite-du-parlement">mandat des députés de la 50ᵉ législature et des deux tiers du Sénat a pris fin</a>. L’Assemblée nationale a ainsi été dissoute et Jovenel Moïse n’a pas pris les dispositions nécessaires pour combler ce vide législatif. Il voulait <a href="https://www.journaldemontreal.com/2021/07/08/assassinat-du-president-haiti-senfonce">faire approuver par référendum le 26 septembre prochain</a> une nouvelle constitution qui aurait aboli le sénat et renforcé ses pouvoirs.</p>
<p>Avec la caducité du parlement, Moïse s’est ainsi donné les coudées franches pour nommer sans aucune limite des premiers ministres, des ministres et des directeurs généraux de façon intérimaire. L’appareil gouvernemental et administratif de l’État s’est donc davantage affaibli.</p>
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<img alt="Le président d’Haïti, Jovenel Moïse et son épouse, Martine, marchent lors d’une cérémonie" src="https://images.theconversation.com/files/410590/original/file-20210709-15-1b2369m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/410590/original/file-20210709-15-1b2369m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/410590/original/file-20210709-15-1b2369m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/410590/original/file-20210709-15-1b2369m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/410590/original/file-20210709-15-1b2369m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/410590/original/file-20210709-15-1b2369m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/410590/original/file-20210709-15-1b2369m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sur cette photo d’archive du 18 mai 2021, le président haïtien Jovenel Moise marche avec la première dame Martine Moise et le premier ministre par intérim Claude Joseph, lors d’une cérémonie marquant le 218ᵉ anniversaire de la création du drapeau haïtien à Port-au-Prince, Haïti.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Joseph Odelyn, File)</span></span>
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<h2>Crise économique et sécuritaire</h2>
<p>En arrivant au pouvoir en février 2017, Jovenel Moïse ne disposait pas — ou peu — de certains leviers économiques dont bénéficiaient deux de ses prédécesseurs, soit Joseph Michel Martelly et René Garcia Préval. Ces derniers ont pu bénéficier de plus de 4 milliards de dollars du fonds PetroCaribe et d’une certaine largesse de la communauté internationale à travers la coopération. De son côté, Moïse disposait de faibles moyens de financement des projets de développement pour le pays.</p>
<p>D’un point de vue sécuritaire, le Conseil de sécurité des Nations unies a mis un terme au mandat de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mission_des_Nations_unies_pour_la_stabilisation_en_Ha%C3%AFti">Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH)</a> le 15 octobre 2017, soit huit mois après l’arrivée de Jovenel Moïse. Il faut rappeler que la mission était présente en Haïti depuis 2004 à la suite de l’exil contraint du président <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean%E2%80%91Bertrand_Aristide">Jean‑Bertrand Aristide</a>.</p>
<p>Avec le départ de la MINUSTAH et une Police nationale divisée et anémiée, Moïse s’est retrouvé avec un handicap majeur au niveau sécuritaire. En témoigne d’ailleurs les vagues d’enlèvement qui touchent toutes les franges de la société et qui ont contrait plusieurs institutions à limiter leurs activités ou à fermer leurs portes. Ces enlèvements ont d’ailleurs soulevé <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1753492/greves-criminalite-police-hopitaux-rancons">l’ire de la population</a>, attisant encore plus les tensions sociales dans le pays.</p>
<p>Par ailleurs, avec des querelles internes au sein de son propre parti, le Parti haïtien Tèt Kale (PHTK) et des conflits avec des oligarques du secteur privé et la majeure partie de la classe politique, le président s’isolait de plus en plus.</p>
<h2>Un vide politique abyssal</h2>
<p>Quel est l’avenir de Haïti à la suite de l’assassinat de son président ?</p>
<p>Dans l’histoire récente du pays, jamais n’a-t-on connu un tel vide institutionnel. L’actuel premier ministre, Claude Joseph, et tous les membres de son gouvernement ont tous été nommés de façon intérimaire. Par ailleurs, pour complexifier encore davantage la situation, Jovenel Moïse a nommé un autre premier ministre un jour avant son assassinat. Ce nouveau premier ministre aurait eu, entre autres, la mission de former un gouvernement.</p>
<p>On se retrouve ainsi avec deux premiers ministres qui se disputent actuellement la présidence.</p>
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<img alt="Le premier ministre par interim d’Haïti, Claude Joseph" src="https://images.theconversation.com/files/410588/original/file-20210709-13-lkvx6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/410588/original/file-20210709-13-lkvx6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/410588/original/file-20210709-13-lkvx6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/410588/original/file-20210709-13-lkvx6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/410588/original/file-20210709-13-lkvx6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/410588/original/file-20210709-13-lkvx6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/410588/original/file-20210709-13-lkvx6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le président par interim Claude Joseph s’exprime lors d’une conférence de presse à sa résidence à Port-au-Prince, le 8 juillet. Joseph, qui a pris la tête d’Haïti avec l’appui de la police et de l’armée après l’assassinat du président Jovenel Moise, a demandé à la population de rouvrir les commerces et de retourner au travail et a ordonné la réouverture de l’aéroport international.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Joseph Odelyn)</span></span>
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<p>Dans la version amendée de la constitution de 1987, il est indiqué que le premier ministre assure la présidence du pays en cas de vacance, en attendant l’organisation des élections. Il y a fort à parier que l’actuel premier ministre ne pourra remplir une telle fonction avec un tel déficit de légitimité.</p>
<p>Par ailleurs, l’actuel Conseil électoral provisoire (CEP) est peu crédible pour organiser des élections. Ses actuels membres n’ont jamais prêté serment selon les prescrits constitutionnels. La Cour de cassation au niveau du Pouvoir judiciaire est l’autre organe qui aurait permis de combler cette vacance présidentielle. Cependant, avec le décès du président de cette Cour récemment et le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1769613/haiti-trois-juges-proches-opposition-retraite-prison">renvoi de trois juges par Jovenel Moïse en raison de leur présumée proximité avec l’opposition</a>, le problème demeure donc entier.</p>
<h2>Haïti a besoin d’une aide internationale crédible</h2>
<p>La communauté internationale pourrait-elle jouer un rôle ? Elle ne dispose pas d’interlocuteurs formels, et ce, en raison de l’absence de dirigeants légitimes à la tête de l’État. Par ailleurs, cette communauté manque de crédibilité. Ses interventions en Haïti, à travers l’aide internationale notamment, se sont toujours soldées par des échecs. L’incapacité de la Police nationale d’Haïti (PNH) à remplir sa mission en est le plus récent exemple. La communauté internationale s’est désengagée prématurément.</p>
<p>En effet, alors que le pays commençait à peine à se relever à la suite du séisme de 2010, plusieurs acteurs internationaux, dont le Canada, ont diminué leurs interventions en Haïti. À cet égard, la déclaration du premier ministre canadien, Justin Trudeau, à la suite de l’assassinat de Moïse, et selon laquelle « le <a href="https://pm.gc.ca/fr/nouvelles/declarations/2021/07/07/declaration-du-premier-ministre-du-canada-concernant-lassassinat">Canada fait preuve d’un engagement profond et de longue date envers Haïti, et nous sommes prêts à lui offrir toute l’aide qui pourrait être nécessaire</a> », paraît incongrue.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ha-ti-dix-ans-apres-le-seisme-voici-pourquoi-le-pays-a-tant-de-mal-a-se-relever-128972">Haïti, dix ans après le séisme : voici pourquoi le pays a tant de mal à se relever</a>
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<p>Ce désengagement de la communauté internationale n’a fait qu’enliser le pays dans un marasme sur le plan politique, économique et social. Haïti semble donc revenir à une situation similaire à celle qui prévalait en 2003 et 2004. On a alors assisté à des affrontements entre les autorités gouvernementales et des factions civiles qui ont plongé le pays dans un chaos similaire.</p>
<p>Comment se relever intelligemment dans un tel contexte ?</p>
<p>D’abord, par un engagement citoyen, responsable et désintéressé des acteurs de la société civile et de la classe politique. Cela passe aussi nécessairement par un dialogue franc impliquant les principaux acteurs de la vie nationale et surtout ceux du secteur économique, afin de définir une nouvelle vision. Par exemple, un mécanisme populaire qui a été maintes fois proposé en Haïti et qui pourrait être éventuellement utilisé est l’organisation d’une Conférence nationale souveraine. Elle est en fait un grand forum qui réunit les acteurs sociaux et économiques pour discuter des solutions que l’État peut adopter aux problèmes endémiques que vit le pays.</p>
<p>Cette vision devra intégrer les intérêts et les besoins de chaque Haïtien. L’approche partisane et exclusive qui a toujours prédominé depuis l’assassinat de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean%E2%80%91Jacques_Dessalines">Jean‑Jacques Dessalines</a>, en 1806 (premier chef d’État après la révolution haïtienne de 1791 à 1804) doit définitivement cesser. Ensuite, la communauté internationale devra adopter un nouveau type de soutien au pays. Il ne s’agira plus d’imposer des directives, mais d’être à l’écoute et de conseiller au besoin sur les meilleures interventions.</p>
<p>Face à la situation économique chaotique, un retour de l’aide internationale est incontournable, mais elle devra être plus cohérente, coordonnée et acheminée à travers un seul canal afin d’assurer un plus grand effet de levier. L’appui de la communauté internationale devra également s’inscrire dans une perspective de plusieurs décennies en espérant ainsi que la démocratie s’installe pour de bon en Haïti.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/164147/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’assassinat du président Jovenel Moïse exacerbe des problèmes existants en Haïti sur les plans politique, institutionnel, économique et sécuritaire.Emmanuel Sael, Doctorant en administration publique, École nationale d'administration publique (ENAP)Jean-François Savard, Professeur agrégé, École nationale d'administration publique (ENAP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1641752021-07-08T17:49:48Z2021-07-08T17:49:48ZHaïti : quelles perspectives après l’assassinat du président impopulaire d’un pays exsangue ?<p>Le président d’Haïti Jovenel Moïse a été <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/07/08/l-assassinat-de-jovenel-moise-plonge-haiti-dans-le-chaos_6087504_3210.html">assassiné aux premières heures du matin du 7 juillet 2021</a>, lors d’une attaque à son domicile personnel, près de la capitale Port-au-Prince. Son épouse, Martine Moïse, a été grièvement blessée.</p>
<p>Les assaillants n’ont pas été immédiatement identifiés, même si la police a annoncé quelques heures plus tard avoir <a href="https://www.lepoint.fr/monde/le-president-haitien-assassine-chez-lui-par-un-commando-arme-07-07-2021-2434605_24.php">tué quatre « mercenaires »</a> et arrêté deux autres. Le premier ministre Claude Joseph a <a href="https://haiti24.net/jovenel-moise-assassine-claude-joseph-declare-letat-de-siege-sur-tout-le-pays/">décrété l’état de siège</a> et annoncé qu’il assumait provisoirement le pouvoir. Un retour sur les dernières années de la vie politique haïtienne permet de mieux comprendre comment le pays en est arrivé là.</p>
<h2>Jovenel Moïse, un businessman en politique</h2>
<p>Jovenel Moïse est né en 1968, ce qui signifie qu’il a grandi sous la <a href="https://www.la-croix.com/Actualite/Monde/Les-Duvalier-un-regne-de-30-ans-sur-Haiti-2014-10-05-1216590">dictature des Duvalier</a>. Comme la plupart des Haïtiens d’aujourd’hui, il a vécu une époque turbulente – les dernières décennies ont été marquées non seulement par la dictature mais aussi par des <a href="https://www.aljazeera.com/news/2021/7/7/haitis-turbulent-political-history-a-timeline">coups d’État et une violence généralisée, y compris des assassinats politiques</a>.</p>
<p>Moïse, businessman devenu président, a fait carrière en politique en utilisant les connexions politiques qu’il avait tissées dans le monde des affaires. Il a d’abord investi dans des entreprises liées à l’automobile, principalement dans le nord d’Haïti, où il est né, avant de se consacrer au secteur agricole – un <a href="https://www.economy.com/haiti/indicators">élément majeur de l’économie en Haïti, qui emploie une partie importante de la population</a>.</p>
<p>En 2014, la société de financement agricole de Moïse, Agritrans, <a href="https://www.france24.com/en/20190214-haitis-banana-man-president-under-siege-frozen-crisis">a lancé une bananeraie biologique</a>, en partie grâce à des prêts de l’État. Sa création <a href="https://nacla.org/news/2016/01/22/haiti%E2%80%99s-fraudulent-presidential-frontrunner-seizes-land-his-own-banana-republic">a déplacé des centaines de paysans, qui n’ont reçu que des compensations minimales</a>.</p>
<p>Mais l’entreprise a permis à Moïse de se faire connaître. C’est en tant que célèbre exportateur de bananes que Moïse a rencontré le président haïtien de l’époque, Michel Martelly, en 2014. Bien qu’il n’ait aucune expérience politique, Moïse a été choisi pour <a href="https://www.globalsecurity.org/military/world/haiti/politics-moise.htm">succéder à Martelly lors de l’élection prochaine suivante</a>.</p>
<p>Martelly était <a href="https://www.wlrn.org/show/latin-america-report/2016-01-11/haitis-cursed-presidential-election-is-voting-there-set-up-for-failure">profondément impopulaire à la fin de son mandat</a>, et les dirigeants de son parti, le Parti haïtien Tèt Kale, ont supposé que Moïse serait mieux accueilli en raison de son expérience dans l’agriculture.</p>
<h2>Une présidence divisée et instable</h2>
<p>Moïse a été élu de justesse en novembre 2016 dans une élection à laquelle marquée par un <a href="https://haitiliberte.com/the-record-low-voter-participation-in-haitis-2016-election/">taux de participation inférieur à 12 % des inscrits</a>. Cette maigre victoire est intervenue après deux ans de reports de votes et de <a href="http://worldpolicy.org/2016/03/22/haitis-unending-electoral-transition/">fraudes électorales du gouvernement de Martelly</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/AmKR6p08M_4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>En 2017, première année de mandat de Moïse, le <a href="https://haitiliberte.com/le-rapport-petrocaribe-de-la-commission-senatoriale-speciale-denquete-du-senateur-evalliere-beauplan/">Sénat haïtien a publié un rapport l’accusant</a> d’avoir détourné au moins 700 000 dollars d’argent public appartenant à un fonds de développement des infrastructures appelé PetroCaribe <a href="https://time.com/5609054/haiti-protests-petrocaribe/">vers son entreprise de bananes</a>.</p>
<p>Des manifestants sont descendus en nombre dans les rues en criant « <a href="https://theweek.com/articles/840427/fight-transparency-haiti">Kot Kòb Petwo Karibe a ?</a> » (« Où est l’argent du PetroCaribe ? »).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1039275345491312640"}"></div></p>
<p>Ne bénéficiant pas de la confiance du peuple, Moïse s’est appuyé sur la force pour rester au pouvoir.</p>
<p>Il a créé en Haïti une sorte d’État policier, <a href="https://www.reuters.com/article/us-haiti-military/haitian-army-set-to-make-controversial-return-after-two-decades-idUSKBN1DJ01M">reformant l’armée nationale</a> deux décennies après sa dissolution et <a href="https://cepr.net/whats-in-haitis-new-national-security-decrees-an-intelligence-agency-and-an-expanded-definition-of-terrorism/">établissant un service de renseignement intérieur</a> chargé de surveiller la population.</p>
<p>Depuis le début de l’année dernière, Moïse gouvernait par décret. Il a de facto fermé le Parlement en refusant <a href="https://www.economist.com/the-americas/2020/01/18/jovenel-moise-tries-to-govern-haiti-without-a-parliament">d’organiser les élections législatives qui étaient prévues pour janvier 2020</a> et a sommairement <a href="https://www.miamiherald.com/news/nation-world/world/americas/haiti/article249251975.html">démis tous les maires élus du pays en juillet 2020</a>, à l’expiration de leur mandat.</p>
<p>Le mandat de Moïse a été marqué par des <a href="https://theconversation.com/haiti-protests-summon-spirit-of-the-haitian-revolution-to-condemn-a-president-tainted-by-scandal-126315">protestations récurrentes</a> dénonçant les pénuries de gaz, les pannes d’électricité et l’austérité budgétaire qui a provoqué une <a href="https://www.economist.com/the-americas/2021/02/25/can-haiti-rid-itself-of-jovenel-moise">inflation rapide et une détérioration des conditions de vie</a>, ainsi que par des <a href="http://hrp.law.harvard.edu/wp-content/uploads/2021/04/Killing_With_Impunity-1.pdf">attaques de gangs qui ont fait plusieurs centaines de morts</a>.</p>
<p>Les manifestations de rue se sont multipliées au début de l’année 2021 après que Moïse a refusé d’organiser une élection présidentielle et de <a href="http://www.haiti.org/wp-content/uploads/2020/11/CCI-CONSTITUTION-Note.pdf">se retirer à la fin de son mandat de quatre ans en février</a>. Au lieu de cela, il a affirmé que son mandat prendrait fin un an plus tard, en février 2022, parce que l’élection de 2016 avait été reportée.</p>
<p>Avant sa mort, Moïse prévoyait de <a href="https://www.liberationnews.org/fierce-struggle-resists-u-s-backed-haitian-presidents-power-grab/">modifier la Constitution haïtienne</a> pour renforcer les prérogatives de la présidence et <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2021-02-03/proposed-changes-to-haiti-s-constitution-may-keep-moise-in-power">prolonger sa présence au pouvoir</a>.</p>
<h2>Moïse, successeur des Duvalier ?</h2>
<p>Pendant les mois précédant l’assassinat de Moïse, des manifestants haïtiens avaient exigé à de multiples reprises sa démission.</p>
<p>Pour bon nombre de ses concitoyens, les décisions non démocratiques prises par Moïse pour renforcer et prolonger son pouvoir rappellent les dictatures de François Duvalier, surnommé « Papa Doc », et de son fils, Jean‑Claude « Baby Doc » Duvalier, qui ont duré trente ans et ont été soutenues par les États-Unis.</p>
<p>Papa Doc et Baby Doc n’ont pas hésité à faire <a href="https://www.sjsu.edu/faculty/watkins/haiti.htm">assassiner</a> et <a href="https://www.latimes.com/archives/la-xpm-1986-02-03-mn-3859-story.html">violeter</a> des Haïtiens pour rester au pouvoir, avec <a href="https://origins.osu.edu/article/pact-devil-united-states-and-fate-modern-haiti/page/0/1">l’approbation tacite des Occidentaux</a>. En travaillant avec les Duvalier, les industriels américains présents en Haïti ont assuré la rentabilité de leurs investissements, obtenant que les salaires locaux <a href="https://theconversation.com/gas-shortages-paralyze-haiti-triggering-protests-against-failing-economy-and-dysfunctional-politics-116337">restent bas et que les conditions de travail restent mauvaises</a>.</p>
<p>Lorsque les protestations des Haïtiens ont mis fin au régime en 1986, Baby Doc a fui le pays. Les Duvalier s’étaient enrichis, laissant leur pays Haïti dans une <a href="https://scholarworks.uvm.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1835&context=graddis">profonde crise économique et sociale</a>.</p>
<p>La Constitution haïtienne de 1987 que Moïse souhaitait modifier a été rédigée peu après leur départ, pour garantir qu’Haïti ne retomberait jamais dans la dictature.</p>
<p>En mars, le département d’État américain a annoncé qu’il soutenait la <a href="https://responsiblestatecraft.org/2021/03/09/the-biden-administration-is-greenlighting-haitis-descent-towards-dictatorship/">décision de Moïse de rester en fonction jusqu’en 2022</a>, afin de donner au pays frappé par la crise le temps d’« élire ses dirigeants et de restaurer les institutions démocratiques d’Haïti ».</p>
<p>Cette position – qui fait écho à celle des organisations internationales dominées par l’Occident qui exercent une influence considérable en Haïti, <a href="https://dyalog.org/refleksyon/2019/2/11/the-core-group-as-a-parasite-on-haitian-sovereignty">comme l’Organisation des États américains</a> – avait quelque peu renforcé la légitimité chancelante de Moïse.</p>
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<p>Les Haïtiens mécontents du soutien continu des Américains à leur président aux abois ont organisé de <a href="https://abcnews.go.com/International/wireStory/hundreds-haiti-protest-demand-leaders-resignation-75387503">nombreuses manifestations devant l’ambassade des États-Unis</a> à <a href="https://www.garda.com/crisis24/news-alerts/445921/haiti-activists-to-protest-outside-the-us-embassy-in-port-au-prince-feb-22-24">Port-au-Prince</a>, tandis que des Américains d’origine haïtienne résidant aux États-Unis <a href="https://www.peoplesworld.org/article/solidarity-rallies-call-for-end-to-u-s-backed-dictatorship-in-haiti/">ont manifesté devant l’ambassade d’Haïti à Washington, D.C.</a>.</p>
<p>De l’invasion et l’occupation militaire d’Haïti de 1915 à 1934 jusqu’au soutien fourni au régime Duvalier, les États-Unis ont joué un <a href="https://library.brown.edu/create/modernlatinamerica/chapters/chapter-14-the-united-states-and-latin-america/moments-in-u-s-latin-american-relations/a-history-of-united-states-policy-towards-haiti/">rôle majeur dans la déstabilisation du pays</a>.</p>
<p>Depuis le tremblement de terre dévastateur de 2010, des organisations internationales comme les Nations unies et des organisations à but non lucratif comme la Croix-Rouge américaine sont également <a href="https://theconversation.com/a-decade-after-the-earthquake-haiti-still-struggles-to-recover-129670">très présentes dans le pays</a>.</p>
<p>Aujourd’hui, le président impopulaire que les puissances étrangères ont soutenu dans l’espoir d’obtenir une certaine stabilité politique en Haïti a été tué.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est une version substantiellement mise à jour d’un <a href="https://theconversation.com/haitians-protest-their-president-in-english-as-well-as-creole-indicting-us-for-its-role-in-countrys-political-crisis-160154">article</a> publié à l’origine le 10 mai 2021</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/164175/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tamanisha J. John ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le président Jovenel Moïse, qui vient d’être assassiné, était très contesté depuis le début de son mandat, en 2016.Tamanisha J. John, Ph.D. Candidate of International Relations, Florida International UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1586602021-06-04T14:59:37Z2021-06-04T14:59:37ZL’avenir d’Haïti passe par la parité entre les sexes, mais le chemin pour y arriver est ardu<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/402983/original/file-20210526-21-1odhk94.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4288%2C2848&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une jeune haïtienne tout sourire, dans on école communale de Cité Soleil, un des quartiers les plus pauvres des Amériques. Haïti est au dernier rang au monde pour la représentation des femmes en politique et ses dernières tentatives pour remédier à la situation risque d'empirer les choses.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Haïti organise un <a href="https://vantbefinfo.com/haiti-politique-report-du-referendum-constitutionnel-au-27-juin-par-le-gouvernement/">référendum constitutionnel le 27 juin</a>. Si la <a href="https://constitutionnet.org/news/text-and-context-haitis-2021-draft-constitution">nouvelle Constitution</a> est approuvée, cela compliquera une situation déjà difficile pour la mise en œuvre de politiques visant à corriger le <a href="https://corpus.ulaval.ca/jspui/bitstream/20.500.11794/66713/1/36405.pdf">manque flagrant de femmes au parlement</a>.</p>
<p>En effet, la nouvelle Constitution éliminerait toute mention d’un quota et déplacerait la responsabilité de mise en œuvre sur les partis politiques. Ces derniers n’ont montré que <a href="https://www.alterpresse.org/spip.php?article16488">peu de volonté politique</a> à ce jour. De plus, cela impliquerait un changement d’approche, passant de sièges réservés à des quotas de candidats, ce qui affaiblirait la capacité d’atteindre l’objectif de parité.</p>
<p>Déjà, malgré le vote d’un quota de genre de 30 % dans la <a href="https://mjp.univ-perp.fr/constit/ht2011.htm">Constitution de 2011</a>, Haïti ne l’a jamais mis en œuvre au niveau national. Aujourd’hui, le <a href="https://data.ipu.org/women-ranking?month=4&year=2021">pays est au dernier rang au monde</a> pour la représentation des femmes. Lors de la dernière législature, il y en avait seulement trois sur 118 députés et une seule sur 30 sénateurs.</p>
<p>Haïti compte <a href="https://archipel.uqam.ca/4156/1/M12189.pdf">peu de femmes en politique</a> en raison du statut inférieur des femmes dans la société. Celles-ci sont <a href="https://www.worldbank.org/en/data/datatopics/gender/country/Haiti">moins éduquées</a>, ont des niveaux élevés de <a href="https://data.unwomen.org/data-portal/sdg?tab=map&annex=No%20Poverty&finic%5B%5D=SI_POV_EMP1&fiac%5BSI_POV_EMP1%5D%5B%5D=15%2B&fiac%5BSUP_1_1_IPL_P%5D%5B%5D=ALLAGE&fiac%5BSUP_1_1_IPL_M%5D%5B%5D=ALLAGE&fiac%5BSUP_1_1_FEM_R%5D%5B%5D=ALLAGE&filc%5BSI_POV_NAHC%5D%5B%5D=ALLAREA&fiac%5BSD_MDP_MUHC%5D%5B%5D=ALLAGE&fyr%5B%5D=Latest%20available&fsr=countries&fgendr=Both%20Sexes">pauvreté</a> et de <a href="https://www.who.int/data/gho/data/indicators/indicator-details/GHO/maternal-mortality-ratio-(per-100-000-live-births)">mortalité maternelle</a>, et moins d’<a href="http://hdr.undp.org/en/indicators/169706">accès à l’emploi</a>. En outre, les femmes qui se lancent en politique sont confrontées <a href="https://www.ifes.org/sites/default/files/violence_against_women_in_elections_in_haiti_may_2018.pdf">à des niveaux élevés de violence</a>, notamment parce qu’elles rompent avec leurs rôles traditionnels à la maison. En conséquence, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.2753/JEI0021-3624450301">l’inégalité entre les sexes contribue à l’échec du développement économique</a> et à un faible niveau de <a href="http://hdr.undp.org/en/countries/profiles/HTI">développement humain</a>.</p>
<p>La <a href="https://www.unwomen.org/en/what-we-do/leadership-and-political-participation/facts-and-figures">participation politique des femmes est un droit</a> fondamental et une clé du développement. <a href="https://www.idea.int/data-tools/data/gender-quotas">Les quotas aident souvent</a> à atteindre cet objectif. <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/21565503.2015.1080615">Ma recherche</a> examine comment concevoir des quotas adaptés à différents systèmes électoraux. L’histoire d’Haïti à ce sujet – et son avenir potentiel dans le cadre du projet de Constitution – est problématique, mais des solutions sont possibles.</p>
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<img alt="Des femmes transportant des bananes sur leur tête, sur un chemin de terre montagneux, en Haïti" src="https://images.theconversation.com/files/402988/original/file-20210526-21-1fpff7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/402988/original/file-20210526-21-1fpff7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/402988/original/file-20210526-21-1fpff7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/402988/original/file-20210526-21-1fpff7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/402988/original/file-20210526-21-1fpff7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/402988/original/file-20210526-21-1fpff7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/402988/original/file-20210526-21-1fpff7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Quatre femmes, portant de grosses charges de bananes sur la tête, montent la colline en rentrant chez elles après le marché, à Fond Baptiste. Plus pauvres et moins éduquées, les Haïtiennes ont le fardeau des tâches domestiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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</figure>
<h2>Un décalage entre le système électoral et l’approche de quotas</h2>
<p>La question du quota en Haïti est confrontée à deux défis majeurs.</p>
<p>Le premier, qui persiste depuis une décennie, concerne la <a href="http://www.alterpresse.org/spip.php?article22798#.YIGDfJNKjOQ">mise en œuvre d’un quota</a> dans un système électoral majoritaire à circonscription uninominale. Dans ce type de système, un seul représentant est élu par circonscription après avoir recueilli le plus de voix.</p>
<p>Le deuxième apparaît dans l’avant-projet de Constitution qui augmente la cible, mais affaiblit les moyens de l’atteindre.</p>
<p>Depuis sa création, la mise en œuvre du quota a été entravée par des malentendus de la relation entre les quotas et les systèmes électoraux. Les leaders haïtiens <a href="https://www.thestkittsnevisobserver.com/haiti-election-chief-wants-parliamentary-seats-guaranteed-for-women/">se réfèrent souvent à l’exemple du Rwanda</a>, où une règle de quota a réussi à propulser le pays au premier rang mondial des femmes au Parlement presque du jour au lendemain. Les décideurs ont même été jusqu’à proposer des projets de loi pour la mise en œuvre du quota haïtien suivant des modèles utilisés dans des systèmes de représentation proportionnelle (appelés <a href="https://aceproject.org/ace-en/topics/ge/ge2/ge22/gender-quotas-in-elections/ranking-order-rules-and-placement-mandates-in">« quotas de candidats avec règles d’alternance »</a>).</p>
<p>Il y a un gros problème à cela : les systèmes proportionnels ne fonctionnent pas comme les systèmes majoritaires en ce qui concerne les quotas. Utiliser un modèle de quota conçu pour un système proportionnel dans un système majoritaire serait comme mettre du diesel dans un moteur à essence.</p>
<p>En outre, le libellé de la Constitution de 2011 et <a href="https://constitutionnet.org/news/text-and-context-haitis-2021-draft-constitution">l’avant-projet de 2021</a> implique que le niveau cible de la représentation des femmes <em>doit</em> être atteint. Par conséquent, des règles de mise en œuvre qui ne font qu’améliorer les chances des femmes (comme la plupart des quotas de candidates), sont, en principe, non constitutionnelles. C’est uniquement des formules de sièges réservés qui répondraient à cette exigence.</p>
<p>Au lieu de se tourner vers des pays qui utilisent des systèmes proportionnels, Haïti devrait se tourner vers ceux qui utilisent des sièges réservés <a href="https://cadmus.eui.eu/handle/1814/33772">dans les systèmes électoraux majoritaires</a> pour garantir l’élection d’une proportion minimale de représentantes.</p>
<h2>S’inspirer des meilleurs exemples</h2>
<p>Par exemple, <a href="https://www.cmi.no/publications/file/6076-quotas-and-womens-substantive-representation.pdf">l’Ouganda</a> utilise une approche de « super-district » pour intégrer les sièges réservés dans son système électoral majoritaire. Dans ce cas, un nombre de sièges équivalent aux cibles du quota est ajouté aux sièges existants. Ceux réservés aux femmes sont distribués au prorata à travers les zones géographiques du pays. Chaque électeur reçoit deux bulletins : un pour un siège ouvert (candidat masculin ou féminin) et un autre pour un siège réservé aux femmes (le Rwanda utilise un variant de cette approche dans leur système proportionnel).</p>
<p>D’autres exemples existent en <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/politics-and-gender/article/abs/are-quotas-a-good-idea-the-indian-experience-with-reserved-seats-for-women/DCBF51AD9FFEA29C91FB9745F5EF0444">Inde</a>, qui utilise une formule de rotation de sièges pour ses élections locales. Ou encore un système appelé les <a href="https://www.academia.edu/11482744/The_Best_Loser_System_in_Mauritius_An_Essential_Electoral_Tool_for_Representing_Political_Minorities?auto=download">« seuils alternatifs » ou systèmes « meilleur perdant »</a> qui est utilisé en Jordanie, en Maurice, en Afghanistan et aux Samoa.</p>
<p>Au-delà de ces exemples, de nombreux pays surmontent ce défi en utilisant des <a href="https://www.idea.int/publications/catalogue/designing-equality-best-fit-medium-fit-and-non-favourable-combinations">systèmes qui combinent des systèmes majoritaires et proportionnels</a> pour atteindre les objectifs de quotas.</p>
<h2>L’avant-projet affaiblit les moyens d’atteindre la cible</h2>
<p>Chacun de ces modèles serait viable dans le cadre de l’avant-projet de Constitution haïtienne ainsi que celui de la Constitution actuelle. Cependant, un nouveau langage dans l’avant-projet pourrait rendre les choses plus difficiles que jamais.</p>
<p>L’article 16 rehausse la barre en ciblant la parité. À première vue, cela semble être une amélioration par rapport à la Constitution de 2011 qui appelait à un quota d’au moins 30 %. Cependant, il existe deux différences majeures.</p>
<p>Premièrement, l’avant-projet de Constitution ne mentionne plus du tout de quota.</p>
<p>Au lieu de cela, il renvoie la responsabilité de la mise en œuvre du principe de parité vers la loi électorale et les partis politiques.</p>
<p>En second lieu, le nouvel article renvoie la responsabilité aux partis politiques de désigner des femmes aux postes électifs. Mais le texte élimine un ancien article qui réservait le tiers des sièges aux femmes et n’inclut pas de sanction pour le non-respect du mesure. Ce transfert de la responsabilité aux partis politiques est voué à l’échec, <a href="https://www.idea.int/news-media/news/towards-genuine-application-gender-quota-haiti-importance-strengthening-capacity">étant donné la mauvaise foi dont ils ont fait preuve à ce jour</a>. Remplacer « devoir de réserver 30 % » par ce langage mou est preuve que cette mauvaise foi persiste aujourd’hui. La responsabilité de rejeter les listes de candidats non paritaires devrait être le devoir de la Commission électorale.</p>
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<img alt="Le président haïtien Moise et son épouse marchent en compagnie d’un homme, tous vêtus de blanc" src="https://images.theconversation.com/files/402984/original/file-20210526-15-1fldk4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/402984/original/file-20210526-15-1fldk4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/402984/original/file-20210526-15-1fldk4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/402984/original/file-20210526-15-1fldk4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/402984/original/file-20210526-15-1fldk4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/402984/original/file-20210526-15-1fldk4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/402984/original/file-20210526-15-1fldk4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le Président Jovenel Moise, au centre, marche avec la première dame Martine Moise et le Premier ministre par intérim Claude Joseph, lors d’une cérémonie marquant le 218ᵉ anniversaire de la création du drapeau haïtien, à Port-au-Prince, Haïti, le 18 mai 2021. Le président a déjà exprimé son soutien pour les sièges réservés aux femmes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Joseph Odelyn)</span></span>
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<h2>Un échec annoncé</h2>
<p>Ainsi, Haïti abandonnera son <a href="https://www.haitilibre.com/article-24445-haiti-elections-recommandations-pour-l-application-du-quota-de-30-minimum-de-femmes.html">ancrage implicite à des sièges réservés</a>. Il y a désormais une contradiction flagrante : l’avant-projet de Constitution énonce le même engagement à atteindre les objectifs de genre qu’avant, mais prévoit utiliser un modèle qui ne pourra jamais les garantir.</p>
<p>C’est comme avoir l’intention de visiter Port-au-Prince depuis Miami en voiture.</p>
<p>En effet, la manière dont les deux derniers projets de loi électorale ont été rédigés pour imiter à tort des approches conçues pour des systèmes proportionnels rend tout à fait possible qu’aucune femme ne soit élue !</p>
<p>Que la nouvelle Constitution soit adoptée ou non, Haïti a toujours la possibilité de concevoir des mesures pour ses objectifs de genre qui s’harmonisent avec son système électoral. Pour ce faire, les législateurs doivent adopter des mesures contraignantes, comme l’une des options de sièges réservés. Des mesures supplémentaires pour inciter davantage les partis peuvent renforcer la volonté politique, mais ne devraient pas être le mécanisme principal.</p>
<h2>Des solutions sont possibles</h2>
<p>La mise en œuvre d’un quota de genre de 30 % ou de 50 % est un objectif réalisable pour Haïti. Le principe du quota a déjà été acquis il y a dix ans, et n’est pas une nouveauté dans l’avant-projet de Constitution. <a href="https://www.hpnhaiti.com/site/index.php/politique/15753-haiti-elections-le-quota-de-30-de-femme-legalement-imposable-aux-cartels-municipaux-et-locaux">Des quotas au niveau local</a> ont été introduits par décret présidentiel en 2015. Bien qu’imparfaits, <a href="http://www.ra-un.org/uploads/4/7/5/4/47544571/8_undp_ensuring_increased_womens_participation_and_representation.pdf">ils ont néanmoins été un succès</a> et ont prouvé aux sceptiques que les <a href="https://www.cadtm.org/Haiti-comment-les-femmes-secouent-le-monde-politique">femmes haïtiennes possèdent un talent, une ambition et des compétences politiques exceptionnelles</a>.</p>
<p>Il y a un terrain partagé entre la société civile féministe et le gouvernement, malgré leurs différends profonds : les sièges réservés. Le président <a href="https://www.facebook.com/ICIHAITI1/posts/2935331463189676/">Moïse a déjà exprimé son soutien pour les sièges réservés</a> en 2020, tout comme les organisations de la société civile l’ont fait en <a href="https://www.haitilibre.com/article-24445-haiti-elections-recommandations-pour-l-application-du-quota-de-30-minimum-de-femmes.html">2018</a>. Pour y arriver, la représentation des organisations féminines dans tout comité constitutionnel est essentielle.</p>
<p>Des solutions à la réalisation des objectifs d’Haïti pour les femmes au Parlement sont à portée de main. Les décideurs ne doivent pas utiliser les défis techniques liés à la mise en œuvre des quotas comme excuse pour continuer à ne rien faire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/158660/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gabrielle Bardall has previously consulted on Haitian elections issues for the International Foundation for Electoral Systems (IFES), UN Women, UNDP, DPKO and International IDEA.</span></em></p>Haïti est au dernier rang au monde pour la représentation des femmes en politique. Or, l’inégalité entre les sexes contribue à l’échec du développement économique et humain.Gabrielle Bardall, Research Fellow, Centre for International Policy Studies, L’Université d’Ottawa/University of OttawaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1409192020-08-05T14:31:15Z2020-08-05T14:31:15ZContrer le racisme par la réussite scolaire : l’exemple des jeunes haïtiens<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/345128/original/file-20200701-13398-h6fsnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=40%2C176%2C4543%2C2645&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour certains jeunes haïtiens, il est hors de question de laisser le racisme définir leur vie, même s'ils admettent qu'il existe.
</span> <span class="attribution"><span class="source">shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le racisme existe. Qu’il comporte ou non une valeur subjective, les populations du monde entier se sont insurgées pour dénoncer la mort de Georges Floyd. Et, surtout, les communautés noires ont fait entendre la douleur interne qui se greffe aux sentiments d’injustice et d’indignation que révèle une situation de discrimination.</p>
<p>Cette douleur est en encore plus vive chez les jeunes de la <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/rse/2009-v35-n2-rse3570/038751ar/">seconde génération</a>, c’est-à-dire ceux qui sont nés dans le pays d’accueil de leurs parents, et qui ont au moins un des deux parents qui est né à l’étranger.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-jeunes-quebecois-dorigine-ha-tienne-reussissent-a-lecole-envers-et-contre-tout-110875">Comment les jeunes Québécois d’origine haïtienne réussissent à l'école... envers et contre tout !</a>
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<p>Au cœur de leur expérience sociale, et malgré leurs efforts pour s’intégrer, ils rapportent vivre un racisme implicite et insidieux. La douleur de ces jeunes réside dans le rejet qu’ils lisent dans le regard de leurs pairs du pays d’accueil, malgré la proximité culturelle qu’ils partagent « en termes de scolarité, d’aspirations et de participation à une culture de masse et de consommation », comme le précise dans <a href="https://books.openedition.org/pum/14835?lang=fr">cet article</a> Maryse Potvin, professeure titulaire en sociologie de l’éducation à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).</p>
<h2>Culturellement intégrés, socialement exclus</h2>
<p>En résumé, pour citer les mots de François Dubet, sociologue français et professeur à l’Université Bordeaux, les jeunes de la deuxième génération sont <a href="http://www.athenaeditions.net/pages/sociologie/la-2e-generation-issue-de-l-immigration-une-comparaison-france-quebec.html">« culturellement assimilés, mais socialement exclus »</a>, car ils se sentent comme les autres, tandis que les autres les perçoivent différemment, comme des étrangers appartenant à un groupe minoritaire.</p>
<p>Ce constat de Dubet rejoint la réalité de la majorité des participants de <a href="https://archipel.uqam.ca/view/creators/Tahiri_Hassani=3AMyriam=3A=3A.default.html">notre étude</a> dont le but était de mieux comprendre la surprenante réussite scolaire des jeunes d’origine haïtienne au Québec en contexte d’adversité.</p>
<p>Les formes d’irrespect, de dévalorisation, d’hostilité et de condescendance de la part de leurs pairs ou de toute personne en position d’autorité, les délits de faciès, que l’on assimile au profilage racial, et les remarques sournoises, apparaissent aux yeux de ces jeunes comme étant un déni de légitimité.</p>
<p>Cette réalité sociale a généré chez ces jeunes une véritable détresse psychologique qui a menacé et nuit à leur fonctionnement et aux apprentissages scolaires.</p>
<h2>Une cause de décrochage scolaire</h2>
<p>La souffrance psychologique qui y est induite (sentiment d’incompétence, remise en question aux plans personnel et physique, détresse émotionnelle) représente un défi de taille pour ces jeunes : ils doivent à la fois surmonter ces obstacles affectifs et développer les apprentissages exigés par leur milieu scolaire pour réussir. Y parvenir tout en composant avec des enjeux d’inégalités sociales tout au long de leur parcours scolaire, met à rude épreuve leurs capacités d’adaptation.</p>
<p>Certains finiront par abandonner, d’autres rivaliseront de stratagèmes plus ou moins malins pour défier la facette déstabilisante du racisme. Pour ces derniers, sous les conseils de leurs parents, il est hors de question de laisser le racisme définir leur vie, même s’ils admettent qu’il existe.</p>
<p>Nous avons constaté que ces jeunes ont adopté quatre attitudes pour développer leur résistance face au phénomène du racisme. Ces attitudes à haut potentiel leur ont permis de <a href="https://theconversation.com/comment-les-jeunes-quebecois-dorigine-ha-tienne-reussissent-a-lecole-envers-et-contre-tout-110875">conserver leur équilibre dans l’adversité et d’orienter leur parcours scolaire vers la réussite</a>.</p>
<p>1) Affiliation à la communauté noire</p>
<p>L’affiliation des jeunes d’origine haïtienne <a href="http://irpp.org/wp-content/uploads/assets/Uploads/potvin.pdf">à la communauté noire et leur attachement à l’identité « black »</a> sont associés au fait que celle-ci symbolise la réussite de certains Noirs qui sont pris pour exemple et connus à l’échelle internationale en tant que héros et modèles à suivre.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/345310/original/file-20200702-111359-113hpk7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/345310/original/file-20200702-111359-113hpk7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/345310/original/file-20200702-111359-113hpk7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/345310/original/file-20200702-111359-113hpk7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/345310/original/file-20200702-111359-113hpk7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/345310/original/file-20200702-111359-113hpk7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/345310/original/file-20200702-111359-113hpk7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le boxeur d’origine haïtienne Jean Pascal assiste à une manifestation réclamant justice pour la mort de George Floyd et de toutes les victimes de la brutalité policière, à Montréal, le dimanche 7 juin 2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Graham Hughes</span></span>
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<p>Ils puisent dans cette affiliation les sens de la détermination, de la persévérance et de la résistance qu’ils investissent au service de leur réussite scolaire, mettant ainsi en valeur la communauté noire. Pour reprendre les termes de Maryse Potvin, l’identité « black » devient alors « une réponse culturelle » à l’exclusion et au racisme dont les jeunes rapportent être victimes de la part de leurs pairs d’origine non immigrée.</p>
<p>2) Investir les enseignements de leurs parents</p>
<p>Les parents préviennent leurs enfants de ne pas tomber dans le piège des préjugés en nourrissant ceux-ci par l’adoption de comportements jugés inadéquats par le groupe majoritaire. Ainsi, ils favorisent chez leurs enfants le développement de compétences socialement désirables leur permettant de s’imposer en tant que modèles ou références dans les sphères scolaire, sociale, ou même professionnelle. Ils leur inculquent le principe selon laquelle, l’une des façons les plus stratégiques de défier les préjugés et les stéréotypes est de viser la réussite dans un domaine de leur prédilection.</p>
<p>3) Prendre une distance émotionnelle</p>
<p>Pour faciliter ce processus, ces jeunes intègrent grâce aux échanges qu’ils auront avec leurs parents, l’axiome selon lequel le racisme est un pur produit de l’ignorance et qu’il faille prendre une distance à l’égard de ce phénomène pour éviter l’escalade de conflits. Ils démontrent une ouverture et un intérêt au groupe majoritaire, par exemple, en s’intéressant à leur musique et en tissant des relations amicales chaleureuses et cordiales avec certains d’entre eux. Ils acceptent également de changer de perspective durant les situations potentiellement litigieuses, afin de percevoir le conflit comme l’expression d’une opinion plutôt que comme l’expression d’une attaque personnelle.</p>
<p>4) Reconnaître les valeurs de la majorité</p>
<p>Les jeunes haïtiens de notre étude n’avaient pas peur de reconnaître et d’approuver le bien-fondé de certaines valeurs du groupe majoritaire et de les investir au profit des objectifs visés, même lorsqu’elles ne sont pas véhiculées par leur culture d’origine.</p>
<p>Par exemple, les jeunes qui n’ont pas abandonné l’école malgré les embûches ont saisi toutes les occasions de faire preuve d’autonomie, en faisant des choix libres et éclairés qui rejoignent leur personnalité. Ils ont corrélé positivement leur implication scolaire à leurs champs d’intérêts et de compétences. Par exemple, quand il leur était possible de choisir des matières qui les intéressaient au Cégep, ils le faisaient en fonction de leur facilité à les comprendre ou à bien les réussir, ou encore en fonction de leurs valeurs, champs d’intérêts et compétences et de leurs ambitions, figures d’identifications, standards et rôles sociaux.</p>
<p>Cette capacité de prendre le contrôle de leur vie en exprimant leur identité sans ingérence de l’autorité parentale, contribue à <a href="https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2007-5-page-169.htm">leur adhésion à certaines valeurs éducatives québécoises</a> qui encouragent le développement de l’autonomie, la liberté, la communication.</p>
<p>Adopter de telles attitudes requiert un certain niveau de <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/smq/1992-v17-n2-smq2299/502074ar.pdf">maturité et de détachement</a> vis-à-vis des sources de tensions. C’est ce qui a d’ailleurs permis aux jeunes de notre étude, d’outrepasser les schèmes de pensées automatiques nourris à l’endroit du racisme, et de considérer ce phénomène comme un pur produit émanant de l’ignorance. Un tel rapport rationnel aux « Blancs » n’a pu être établi par ces adolescents qu’à condition de recevoir un support réel de la part de leurs parents, qui les aident à résoudre les tensions auxquelles ils font face et qui sont sincèrement ouverts à la culture québécoise.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140919/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Myriam Tahiri Hassani a reçu des financements du Fond de recherche du Québec-Société et culture (FRQSC) et de la Bourse de Fondation de L'UQAM</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sophie Gilbert ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Par leur attitude, certains jeunes haïtiens ont développé une grande résistance face au racisme, tout en favorisant leur réussite scolaire. Voici leurs secrets.Myriam Tahiri Hassani, Docteure en psychologie de l'éducation; psychologue clinicienne; chargée de cours, Université du Québec à Montréal (UQAM)Sophie Gilbert, professeure agrégée, département de psychologie; psychologue clinicienne, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1303992020-01-30T17:36:56Z2020-01-30T17:36:56ZRepenser l’aide aux États faillis<p>Les <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2011-1-page-31.htm">États faillis</a> (Somalie, Afghanistan, Haïti, Guinée-Bissau, République démocratique du Congo, etc.) sont devenus une réalité bien ancrée dans le paysage international et leur liste ne cesse de s’étendre avec de nouveaux effondrements contemporains (Libye, Centrafrique, Yémen et, demain, certains pays du Sahel). Non seulement l’effondrement des premiers pays cités remonte au siècle dernier, mais il dure depuis plusieurs décennies. De ce fait, la faillite de ces États ressemble plus à une période qu’à un événement de leur histoire. Compte tenu des sommes importantes investies dans leur reconstruction avec des <a href="https://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/le-controle-des-dons-pour-l-afghanistan-insuffisant-rapport-americain_2003665.html">contrôles insuffisants</a>, il convient de s’interroger sur le « succès de leur faillite ».</p>
<h2>Qu’est-ce qu’un État failli ?</h2>
<p>À cette question posée naïvement lors de mon arrivée au Congo au début de ce siècle, un collègue expérimenté m’avait répondu : « Marche dans la rue, et tu comprendras vite ce que c’est. » En effet, il suffit de marcher dans la rue (quand il y en a encore !) pour comprendre qu’un État failli est un État incapable de garantir la sécurité de ses citoyens, dont les institutions sont structurellement dysfonctionnelles, les infrastructures publiques sont en ruines, le budget national est ridicule et l’économie est presque complètement informalisée.</p>
<p>Pauvreté massive, insécurité et impunité totale sont les marqueurs de l’État failli. Depuis les années 1990, les acteurs internationaux ont formalisé une thérapie à base de perfusion budgétaire, d’aide humanitaire, de Casques bleus et d’élections. Mais ce kit de la reconstruction est <a href="https://www.lepoint.fr/phebe/phebe-de-l-impossibilite-de-reconstruire-les-etats-faillis-23-11-2019-2349140_3590.php">loin de remédier</a> à la faillite de l’État. Les raisons de cet échec sont multiples et l’une d’elles est l’ignorance de deux réalités fondamentales.</p>
<h2>L’État est dans le coma, il n’est pas mort</h2>
<p>Le fait que l’État n’assume plus ses responsabilités de base n’est pas synonyme de disparition. Un squelette d’administration survit à l’effondrement. Des fonctionnaires continuent d’aller au bureau, des jeunes continuent de vouloir devenir les agents d’un État déliquescent et des recrutements continuent – le plus souvent illégalement.</p>
<p>Ce paradoxe s’explique par la stratégie de survie des fonctionnaires. Peu ou pas payés, ils privatisent leur fonction et taxent lourdement et arbitrairement la population et les quelques acteurs du secteur formel (ONG internationales et entreprises). Ils utilisent encore leur position dans l’ancien système étatique sans être en mesure de procurer les services publics qu’il fournissait, comme l’eau potable et l’électricité. Dans l’environnement de l’État failli, les relations entre le gouvernement, les fonctionnaires et la population sont l’inverse de ce qu’elles étaient. Alors qu’elle était avant centralisée au niveau gouvernemental, la corruption est généralisée et institutionnalisée dans l’administration ; une importante parafiscalité illégale pèse sur une population appauvrie ; et les fonctionnaires s’autonomisent par rapport à un gouvernement qui les paie mal, irrégulièrement ou pas du tout et n’a plus guère d’autorité sur eux.</p>
<p>Plusieurs conséquences découlent de cette situation. La notion de service public est vidée de son sens : aucun service fourni par l’administration n’est gratuit, celle-ci se comportant comme un prestataire privé. Les fonctionnaires, qui faisaient autrefois partie de l’élite du pays, sont à la fois déconsidérés et enviés. De plus, les administrations les plus résilientes dans les États faillis sont les administrations financières, et plus particulièrement les douanes. Comme cette administration génère souvent l’essentiel de la fiscalité de l’État failli, elle reste fonctionnelle, opaque et résistante à toutes les tentatives de réforme.</p>
<h2>L’invention d’un secteur social de substitution</h2>
<p>L’État failli qui n’assume plus ses responsabilités régaliennes, sociales et économiques donne inévitablement naissance à des substituts. Bien qu’elles s’en défendent au nom de la souveraineté et l’appropriation nationales, les institutions internationales prennent en mains de facto certaines fonctions étatiques : l’ONU confie la sécurité publique aux Casques bleus avec leur habituel mandat de protection de la population, la santé est co-gérée par l’OMS et les bailleurs, etc. Mais ce sont surtout les acteurs de la société (les églises, le secteur privé, les associations, etc.) qui répondent en premier à la disparition des services publics de base (sécurité, eau, santé, éducation, électricité).</p>
<p>En <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/03056240902863587">République démocratique du Congo</a>, où la faillite de l’État dure depuis trois décennies, un important secteur social de substitution s’est construit de manière ad hoc. Autrefois assurée par l’État, l’éducation est maintenant essentiellement l’affaire d’acteurs non étatiques, au premier rang desquelles des organisations religieuses. La privatisation a été introduite par le bas – avec les maîtres-parents dans les écoles publiques – et par le haut – avec la délégation d’écoles publiques aux congrégations religieuses qui sont appelées des écoles publiques confessionnelles (c’est-à-dire dirigées par des églises et reconnues par l’État). L’enseignement universitaire a également fait l’objet d’une double privatisation : faute de dotations d’État, les universités publiques se sont tournées vers des financements privés et les universités privées, souvent d’inspiration religieuse, se multiplient pour absorber la forte croissance de la population étudiante.</p>
<p>Les acteurs de l’économie informelle inventent aussi leurs propres mécanismes de financement avec les célèbres tontines. Elles permettent à leurs membres de faire face financièrement aux coups durs (maladie) et de financer un petit commerce de survie. Elles sont en même temps la sécurité sociale et la banque des pauvres. Le succès des églises de réveil tient en grande partie à ce qu’elles ont intégré ce système de solidarité financière dans un cadre confessionnel.</p>
<p>Loin du cliché culturaliste sur le « dynamisme de la société civile », la multiplication des réseaux de solidarité communautaire, des structures confessionnelles et des associations en tous genres est la réponse pragmatique à la faillite de l’État. La population n’a d’autre choix que d’inventer de nouvelles formes de solidarité, d’échange et d’interdépendance pour tenter de se procurer les services publics de base dont elle est privée. Ce faisant, elle construit progressivement un secteur social de substitution qui n’est pas exempt de problèmes (manque de compétences et de financement, fragmentation, désorganisation, etc.) mais qui a l’avantage de répondre à des besoins locaux et immédiats. Avec le temps, les acteurs non étatiques de ce secteur acquièrent une légitimité et un prestige auprès de la population qui apprécie les services qu’ils rendent en lieu et place de l’État.</p>
<h2>L’échec du « state building » international</h2>
<p>Face à un État failli, les donateurs internationaux répondent par le <a href="https://muse.jhu.edu/article/54670/summary">« state building »</a>. L’essentiel de l’aide internationale est orienté vers l’administration (construction et équipement de bureaux, aide budgétaire pour payer les salaires des fonctionnaires, etc.) et seule une maigre portion est attribuée à la société civile. Ainsi, au lieu de s’interroger d’abord sur la façon dont la population se soigne, s’éduque, s’approvisionne en eau potable, etc., et d’identifier les acteurs non étatiques qui contribuent à ces services de base, les donateurs font des diagnostics des administrations qui ne fournissent plus ces services dans le but de les rendre de nouveau opérationnelles.</p>
<p>Cette approche est un échec 9 fois sur 10. D’une part, elle ignore que le corps social n’est pas resté passif face à l’effondrement de l’État et a inventé ses propres solutions à la crise. Pour imparfaites qu’elles soient, ces solutions fonctionnent. Elles génèrent aussi des effets de légitimité et des intérêts qui peuvent parfois aller à l’encontre de la politique de reconstruction des administrations, la population ayant plus confiance dans des églises ou des associations que dans l’État. D’autre part, l’État failli étant moribond mais pas mort, il résiste encore aux initiatives de transformation. Il survit parce qu’il est toujours le réceptacle des intérêts de l’élite politico-administrative même si celle-ci a failli et conduit le pays à la ruine. Si elle acquiesce aux réformes de gouvernance publique promues par les bailleurs, elle s’efforce de les saborder en silence car elles remettent en cause sa stratégie de survie.</p>
<p>Après la période des déclarations d’intention bienveillantes, l’agenda des réformes est bloqué à tous les niveaux – aussi bien par le haut (le gouvernement) que par le bas (les fonctionnaires). Ils font cause commune pour que les bailleurs se préoccupent plus de leurs salaires et de la reconstruction de leurs bureaux que de leurs performances et de la réforme de leurs pratiques. La transformation de l’État failli en État fournisseur de services se heurte à des logiques de prédation que les bailleurs tolèrent tout en sachant qu’elles réduisent leurs investissements et efforts à néant.</p>
<p>S’ils veulent vraiment reconstruire quelque chose dans les États faillis, les donateurs doivent réexaminer le paradigme stérile du « state building » (qui ne saurait se limiter à un simple mécano institutionnel) et confronter leurs idées préconçues à la réalité sociologique. Pour ce faire, voici quelques questions simples qui définissent un agenda de recherches utiles à leur stratégie de reconstruction :</p>
<ul>
<li><p>Quelle est la légitimité de l’administration et de ses incarnations multiples aux yeux de la population ? A-t-elle des ressources pour se réinventer, à quel horizon temporel et à quel coût ?</p></li>
<li><p>Quels sont les intérêts qui assurent sa survie et quelles sont ces structures de pouvoir ?</p></li>
<li><p>Quels sont les services de base qui existent encore ? Qui sont leurs pourvoyeurs ? Quels sont leurs intérêts ?</p></li>
<li><p>Quelles sont les structures de pouvoir du secteur social de substitution, comment fonctionne-t-il et quelles sont ses interactions avec l’État résiduel ?</p></li>
</ul>
<p>On ne peut que regretter qu’à part quelques exceptions notables (les travaux de <a href="https://www.cairn.info/publications-de-Th%C3%A9odore-Trefon--34167.htm">Theodore Trefon</a> sur la RDC et ceux d’Avocats sans Frontières sur la <a href="https://www.asf.be/wp-content/uploads/2018/03/ASF_RCA_Itin%C3%A9raires2016-2018_1_OmbreEtat_FR.pdf">justice informelle en Centrafrique</a>) le secteur social de substitution n’ait pas suscité autant de recherches que l’économie informelle. Il s’agit pourtant là d’un domaine qui joue un rôle clé dans la survie des populations des États faillis et permet de comprendre comment les sociétés s’adaptent à la déliquescence de l’État.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130399/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thierry Vircoulon is affiliated with IFRI (French Institute for International Affairs) and Global Initiative against Transnational Organised Crime. </span></em></p>Dans de nombreux États considérés comme « faillis », les donateurs internationaux se sont livrés à des tentatives de « state building » aussi coûteuses qu’inutiles.Thierry Vircoulon, Coordinateur de l'Observatoire pour l'Afrique centrale et australe de l'Institut Français des Relations Internationales, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1291182020-01-09T15:45:53Z2020-01-09T15:45:53ZAprès-séisme : voici comment des enfants haïtiens ont été abandonnés par leur père Casque bleu<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/309166/original/file-20200108-107204-1k9dbgc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De nombreux enfants haïtiens sont nés de Casque Bleus, qui n'ont pas assumé leurs responsabilités. Une vaste enquête donne la parole à leurs mères, pour la première fois.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock </span></span></figcaption></figure><p>Marie* avait 14 ans et fréquentait une école chrétienne quand elle a rencontré Miguel, un soldat brésilien membre d’une mission de maintien de la paix de l’ONU. Lorsqu’elle lui a annoncé qu’elle était enceinte de lui, Miguel lui a promis de l’aider avec l’enfant. Puis il est retourné au Brésil. Marie lui a écrit par Facebook, mais il n’a jamais répondu.</p>
<p>Forcée de quitter la maison familiale après que son père eut appris qu’elle était enceinte, Marie est allée vivre avec sa sœur. La jeune fille, dont l’enfant a aujourd’hui quatre ans, n’a reçu aucun soutien de l’armée brésilienne, d’une ONG, de l’ONU ou de l’État haïtien. Marie subvient comme elle peut aux besoins de son fils, mais elle n’a pas les moyens de l’envoyer à l’école. Elle travaille pour un salaire horaire de 25 gourdes (environ 33 cents canadiens) pour qu’elle et son enfant puissent manger. Mais cela ne suffit pas à les loger ni à payer l’école.</p>
<p>Malheureusement, l’expérience de Marie est loin d’être unique. À l’été 2017, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/13533312.2019.1698297">notre équipe de recherche a interviewé environ 2 500 Haïtiens</a> sur ce qu’ont vécu des femmes et des filles de collectivités où se déroulent des opérations de maintien de la paix. De ce nombre, 265 ont rapporté des cas où des soldats de la paix ont engendré des enfants. Le fait que 10 pour cent des personnes interrogées aient fait ce genre de témoignage montre à quel point cela est courant.</p>
<p>Les récits révèlent que des filles, dont certaines d’à peine 11 ans, ont été abusées sexuellement par des Casques bleus. Nombre d’entre elles sont tombées enceintes, puis ont été « laissées dans la misère » pour élever leurs enfants, souvent <a href="https://blogs.lse.ac.uk/wps/2017/10/05/wps-crsv-and-sexual-exploitation-and-abuse-in-peace-operations-making-sense-of-the-missing-links-jasmine-kim-westendorf-92017/">parce que les pères ont été rapatriés une fois la grossesse connue</a>. Des mères comme Marie s’occupent de leurs enfants dans des conditions d’extrême pauvreté, la plupart ne recevant aucune aide.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/292655/original/file-20190916-19068-flnhy1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/292655/original/file-20190916-19068-flnhy1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/292655/original/file-20190916-19068-flnhy1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/292655/original/file-20190916-19068-flnhy1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/292655/original/file-20190916-19068-flnhy1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/292655/original/file-20190916-19068-flnhy1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/292655/original/file-20190916-19068-flnhy1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Port-au-Prince, Haïti.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/housing-stacked-portauprince-haiti-768250675?src=POwnrn7CqIzrkUb7i3s1hg-1-6">Sylvie Corriveau/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Enlisés dans la controverse</h2>
<p>La Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) – la plus longue mission de l’ONU mise en place dans le pays (2004-2017) – devait initialement aider les institutions haïtiennes locales dans un contexte d’instabilité politique et de criminalité organisée. Son mandat a été prolongé à la suite de catastrophes naturelles, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9isme_de_2010_en_Ha%C3%AFti">comme le séisme en 2010</a> et l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ouragan_Matthew">ouragan Matthew</a> en 2016, qui ont accentué la volatilité de la situation politique en Haïti.</p>
<p>En octobre 2017, après 13 ans de fonctionnement, on a mis fin à MINUSTAH et on l’a remplacée par la Mission des Nations unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH), de moins grande envergure.</p>
<p>La MINUSTAH est une des missions les plus controversées de l’histoire de l’ONU. Elle a fait l’objet de plusieurs allégations d’exploitation et d’abus sexuels. Un nombre choquant de militaires et de civils faisant partie du personnel de maintien de la paix <a href="http://www.ijdh.org/2007/06/archive/the-cite-soleil-massacre-declassification-project/">ont commis des violations des droits de la personne, avec notamment des cas d’exploitation sexuelle, de viols et même d’exécutions</a>. (Aux fins du présent article, nous utilisons indifféremment les termes « personnel », « agents », « soldats de la paix » et « Casques bleus » de la MINUSTAH pour désigner le personnel étranger en uniforme et en civil associé à la mission).</p>
<p>Pour ce qui est de la santé publique, on sait désormais que les soldats de la paix ont introduit par inadvertance le choléra en Haïti (le fait est officiellement reconnu par l’ONU). Plus de 800 000 Haïtiens ont été soignés pour le choléra <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89pid%C3%A9mie_de_chol%C3%A9ra_en_Ha%C3%AFti">et au moins 10 000 en sont morts</a>.</p>
<p><a href="http://news.bbc.co.uk/1/hi/world/americas/6195830.stm">Diverses entreprises de presse ont rapporté</a> que des mineur·e·s se sont vu offrir de la nourriture et de petites sommes d’argent pour avoir des relations sexuelles avec le personnel des Nations unies, et que la MINUSTAH était liée à un réseau de prostitution qui opérait en Haïti en toute impunité : <a href="https://apnews.com/e6ebc331460345c5abd4f57d77f535c1">au moins 134 Casques bleus sri-lankais auraient exploité neuf enfants entre 2004 et 2007</a>.</p>
<p>À la suite de cette histoire racontée par l’Associated Press en 2017, la MINUSTAH est devenue un exemple de manque de réaction appropriée à des allégations de sévices sexuels. Après la publication de ce rapport, <a href="http://cepr.net/blogs/haiti-relief-and-reconstruction-watch/new-report-sexual-exploitation-and-abuse-at-the-hands-of-the-un-in-haiti">114 soldats de la paix ont été renvoyés au Sri Lanka</a>, mais aucun n’a été poursuivi ou inculpé après son rapatriement.</p>
<p><a href="https://www.manchesteruniversitypress.co.uk/9781526104588/">Une recherche approfondie</a> montre que les enfants nés de la guerre sont souvent élevés dans des familles monoparentales qui vivent dans une situation économique précaire après le conflit. Le lien avec le père étranger, qui est absent, ainsi que le fait que l’enfant soit né hors mariage sont une cause de stigmatisation et de discrimination.</p>
<p>On en sait pourtant très peu sur ce que vivent les jeunes dont le père est soldat de la paix. On en connaît encore moins sur les expériences de ceux qu’on appelle les « petits MINUSTAH », les enfants nés en Haïti de Casques bleus de l’ONU. C’est une des raisons pour lesquelles <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/13533312.2019.1698297">nous avons décidé de présenter leurs récits</a>.</p>
<h2>Notre étude</h2>
<p>Nous avons demandé aux gens ce que c’est que d’être une femme ou une fille dans une collectivité qui accueille une mission de maintien de la paix. Nous avons enregistré les récits, puis les participants ont interprété leurs expériences en répondant à une série de questions prédéfinies. Cela nous a permis de mieux comprendre les circonstances et les conséquences des interactions avec les soldats de la paix.</p>
<p>Les personnes interviewées pouvaient raconter n’importe quelle expérience, sur n’importe qui, et on ne les incitait pas à parler de violence ou d’exploitation sexuelle. Les histoires ont été recueillies à l’été 2017 par des assistants de recherche haïtiens formés et issus des collectivités situées près de dix bases de l’ONU en Haïti. On a interrogé environ 2 500 Haïtiens sur ce qu’avaient vécu les femmes et les filles des collectivités qui accueillent des missions de maintien de la paix. On a obtenu une variété d’expériences positives et négatives, mais 265 d’entre elles, soit 10 pour cent, concernaient des grossesses engendrées par un Casque bleu. Cela est révélateur étant donné que l’enquête ne comportait pas de questions sur les relations sexuelles avec les soldats de la paix ni sur les enfants qui en sont nés.</p>
<p>Cela laisse entendre non seulement que l’exploitation et les abus sexuels par le personnel de maintien de la paix de l’ONU ne sont pas rares, mais aussi que, comme l’a dit une participante de Port-Salut : « Il y a beaucoup de jeunes femmes qui ont eu des enfants avec la MINUSTAH. » Un homme de Saint-Marc a raconté que : « La MINUSTAH nous a donné beaucoup d’enfants sans père. »</p>
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<span class="caption">Carte des récits.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sabine Lee/Susan Bartels</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Certaines histoires étaient relatées à la première personne par celles qui étaient tombées enceintes d’hommes qui participaient à la mission de la paix de l’ONU, tandis que d’autres ont été rapportées par des membres de leur famille, des amis ou des voisins. À notre connaissance, ces récits constituent la première recherche empirique à faire entendre la voix des familles touchées par l’exploitation et les abus sexuels commis par les soldats de la paix de l’ONU.</p>
<h2>Coucher pour manger</h2>
<p>Certains rapports sexuels entre des femmes et des filles haïtiennes et le personnel de maintien de la paix de l’ONU ont été décrits comme de la violence sexuelle. Voici ce qu’a raconté un homme de Cité Soleil :</p>
<blockquote>
<p>Toute la journée, j’ai entendu des femmes se plaindre de la violence sexuelle causée par les hommes de la MINUSTAH. Par ces abus, ils leur ont donné le sida. Et certaines filles sont tombées enceintes. </p>
</blockquote>
<p>En plus des récits de femmes et de filles victimes d’agressions sexuelles, il y a aussi ceux d’hommes et de garçons qui ont subi des actes similaires. Dans notre recherche, toutefois, les agressions sexuelles constituent une minorité des cas signalés. En réalité, nos données ont mis en évidence un problème beaucoup plus répandu, bien que moins médiatisé : les rapports sexuels monnayés avec le personnel de l’ONU.</p>
<p>Un homme marié de Cité Soleil a décrit un scénario courant dans lequel les femmes recevaient de petites sommes d’argent en échange de rapports sexuels :</p>
<blockquote>
<p>Ils arrivent, ils couchent avec les femmes, ils prennent leur pied avec elles, ils leur laissent un enfant et leur offrent 500 gourdes. </p>
</blockquote>
<p>Dans d’autres cas, des femmes et des filles ont reçu de la nourriture en échange de rapports sexuels avec des soldats de la MINUSTAH, ce qui met en évidence l’extrême pauvreté qui contribue à ces échanges sexuels. Un homme de Port Salut a rapporté :</p>
<blockquote>
<p>Ils ont couché avec les filles, même pas pour de l’argent, mais juste contre de la nourriture, contre un repas. </p>
</blockquote>
<h2>Des relations qui évoluent</h2>
<p>Dans les rapports précédents, on s’est moins attardé à l’évolution des relations sexuelles consensuelles entre le personnel de la MINUSTAH et les femmes haïtiennes. Dans certains cas, il s’agissait de rencontres occasionnelles qui ont abouti à une grossesse, comme dans ce récit, raconté par un homme de Port Salut :</p>
<blockquote>
<p>J’avais une sœur qui fréquentait un soldat de la MINUSTAH. Toute ma famille était au courant, ma mère et d’autres personnes. Ma sœur est tombée enceinte… Depuis, sa vie est un désastre. </p>
</blockquote>
<p>D’autres relations ont été décrites comme ayant une part d’engagement et d’amour, comme dans cette histoire racontée par une femme de Cité Soleil : « Je vivais à Cité Soleil et j’avais une relation amoureuse avec un MINUSTAH. Je suis tombée enceinte de lui. »</p>
<p>Nous avons constaté que le fait d’avoir des relations intimes avec des soldats de la paix à la peau claire et des enfants à la peau claire était parfois perçu comme souhaitable. Une femme de Léogâne a parlé de « rumeurs » selon lesquelles des filles avaient des rapports avec des hommes de la MINUSTAH et désiraient tomber enceintes parce qu’elles « voulaient de beaux enfants ».</p>
<p>Que les relations soient consensuelles ou monnayées, des tendances particulières ont été notées quant à la façon dont elles se déroulaient et à l’endroit où elles avaient lieu. Ainsi, les rencontres à l’hôtel ou sur la plage étaient courantes, comme nous raconte une femme de Cité Soleil au sujet d’une de ses amies : « Il allait à la plage avec elle, l’homme blanc payait pour une chambre d’hôtel pour elle, l’homme blanc allait à l’hôtel avec elle, il venait faire l’amour avec elle. »</p>
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<span class="caption">La plage Calico, connue comme un lieu de transactions sexuelles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Chantel Cole</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Il est également très préoccupant de constater que beaucoup de mères d’enfants d’un père Casque bleu étaient des adolescentes et n’avaient pas l’âge du consentement sexuel. Une femme de Cité Soleil nous a rapporté :</p>
<blockquote>
<p>Je vois plusieurs filles de 12 et 13 ans. Les MINUSTAH les ont mises enceintes et les ont laissées dans la misère avec des bébés dans les mains. La personne doit déjà gérer une vie stressante et misérable. </p>
</blockquote>
<h2>Abandon</h2>
<p>Dans la plupart des témoignages, après avoir appris l’existence d’une grossesse engendrée par un Casque bleu, l’ONU rapatriait celui-ci. Une femme de Port-Salut nous a raconté :</p>
<blockquote>
<p>Une de mes sœurs a donné naissance à un enfant de la MINUSTAH. Elle a eu un bébé avec lui parce qu’elle l’a rencontré, qu’elle est tombée amoureuse de lui, qu’il s’est occupé d’elle, mais tous ces gars ont été déplacés. C’est pour ça qu’il a cessé de lui envoyer des choses.</p>
</blockquote>
<p>Un homme de Hinche a décrit une expérience similaire vécue par une fille qu’il connaissait : « Elle était enceinte d’un soldat de la MINUSTAH… Il a été déplacé et a quitté sa base, et on ne l’a jamais revu. »</p>
<p>Après le départ des pères de la MINUSTAH, la plupart des jeunes femmes se sont retrouvées seules pour élever leur enfant dans l’extrême pauvreté. Quelques-unes ont dit avoir eu la chance de recevoir le soutien de leur famille, mais certainement pas toutes.</p>
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<span class="caption">Très peu de mères peuvent se permettre d’envoyer leurs « bébés de la paix » dans des écoles telles que celle-ci, à Kolminy, en Haïti.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/kolminy-haiti-february-12-2014-haitian-186419876?src=R2RxRGEP3MbD5XHBXpZxKA-1-5">Michelle D. Milliman/Shutterstock</a></span>
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</figure>
<p>Dans presque tous les cas, la mère ou sa famille n’ont pas les moyens d’envoyer l’enfant à l’école, comme le raconte une femme de Port Salut :</p>
<blockquote>
<p>J’ai commencé à lui parler, puis il m’a dit qu’il m’aimait et j’ai accepté de sortir avec lui. Trois mois plus tard, j’étais enceinte, et en septembre, il a été rapatrié dans son pays… L’enfant grandit, et c’est moi et ma famille qui luttons pour le faire vivre. Il doit maintenant aller à l’école. Le petit a été renvoyé parce que je ne peux pas payer.</p>
</blockquote>
<p>Voici le récit d’un homme de Cap-Haïtien :</p>
<blockquote>
<p>Les soldats ont détruit l’avenir de ces jeunes filles en les mettant enceintes et en les abandonnant ensuite. En fait, les actions des soldats peuvent avoir un impact négatif sur la société et sur le pays en général parce que ces jeunes filles auraient pu être avocates, médecins ou tout ce qui aurait pu être utile à Haïti… Maintenant, certaines d’entre elles marchent dans la rue, au marché aux puces ou ailleurs avec un panier sur la tête pour vendre des oranges, des poivrons et d’autres marchandises afin d’élever les enfants qu’elles ont eus avec les soldats de la MINUSTAH.</p>
</blockquote>
<p>Dans certains cas extrêmes, les gens ont rapporté des récits de femmes et de filles qui n’avaient guère d’autre choix que d’avoir encore des relations sexuelles avec des Casques bleus afin de subvenir aux besoins des enfants qu’elles avaient eus. Un homme de Port-au-Prince nous a raconté :</p>
<blockquote>
<p>Il l’a laissée dans la misère parce qu’il avait l’habitude de faire l’amour avec elle pour très peu d’argent, et quand sa mission s’est terminée, il est reparti et l’a laissée dans la misère, et elle a dû refaire la même chose pour pouvoir nourrir son enfant, pouvez-vous comprendre ça…</p>
</blockquote>
<p>Dans les récits que nous avons recueillis, il y a de nombreux appels pour que la MINUSTAH et les autorités haïtiennes participent au soutien de ces enfants. Un homme de Port-Salut a formulé sa requête très clairement : « Je voudrais demander à la direction de la MINUSTAH d’assumer la responsabilité des enfants du personnel de la MINUSTAH… On fait ce qu’on peut, mais on ne peut pas élever des enfants comme ça… »</p>
<h2>Pouvoir et exploitation</h2>
<p><a href="https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/03050629.2013.805128?needAccess=true">Notre recherche met en évidence</a> ce qui est sous-entendu dans <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/0967010604049529">beaucoup de publications universitaires</a> sur les <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/0022343315615506">économies de maintien de la paix</a>, à savoir que la pauvreté est un important facteur sous-jacent qui contribue aux abus sexuels et à l’exploitation par les forces de maintien de la paix.</p>
<p>Dans de nombreux cas, le déséquilibre de pouvoir entre les soldats de la paix et les populations locales permet aux étrangers, sciemment ou non, d’exploiter les femmes et les filles du pays. La prévalence des rapports sexuels monnayés dans nos données met en lumière l’importance des déséquilibres structurels. Ainsi, les soldats de la paix ont accès à certaines des ressources nécessaires ou désirées par la population locale et sont donc en position de force pour les échanger contre des rapports sexuels.</p>
<p>Bien que bon nombre des témoignages rapportés ici aient été recueillis à Port-Salut et à Cité Soleil, des récits semblables ont été enregistrés dans tous les sites d’entrevue en Haïti, et les phénomènes décrits ne sont pas uniques au contexte haïtien. Notre travail préliminaire en République démocratique du Congo suggère que la situation y est comparable.</p>
<p><a href="https://digitallibrary.un.org/record/1476262">Dans sa politique de tolérance zéro</a>, l’ONU reconnaît l’existence de déséquilibres socioéconomiques et d’autres déséquilibres de pouvoir et leur potentiel à rendre exploitables les rapports intimes entre les soldats de la paix et les femmes du pays. En substance, la politique interdit presque tout type de relations sexuelles entre les Casques bleus et les populations locales. En plus de suggérer que cette interdiction absolue est inefficace, nos données indiquent qu’une approche plus nuancée avec une formation du personnel de l’ONU est nécessaire, et qu’il est impératif de s’attaquer à l’impunité qui entoure encore les actes répréhensibles du personnel de maintien de la paix.</p>
<p>Une autre conclusion importante est qu’il est nécessaire de mettre en place des mécanismes plus efficaces permettant aux victimes d’abus sexuels et d’exploitation et à leurs enfants (ainsi qu’aux enfants issus de relations consensuelles et sans exploitation) d’obtenir de l’aide. Cela pourrait briser la spirale socioéconomique qui piège les victimes – et en particulier les enfants – dans une situation de difficulté économique extrême qui perpétue le cycle de la pauvreté.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/292831/original/file-20190917-19030-19zcxej.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/292831/original/file-20190917-19030-19zcxej.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=455&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/292831/original/file-20190917-19030-19zcxej.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=455&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/292831/original/file-20190917-19030-19zcxej.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=455&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/292831/original/file-20190917-19030-19zcxej.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=572&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/292831/original/file-20190917-19030-19zcxej.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=572&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/292831/original/file-20190917-19030-19zcxej.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=572&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La base de l’ONU à Cité Soleil, 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Chantel Cole</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Soutien aux enfants</h2>
<p>En janvier 2018, le <a href="https://www.ijdh.org/tag/bureau-des-avocats-internationaux-bai/">Bureau des avocats internationaux (BAI)</a>, situé en Haïti, a intenté des poursuites en paternité devant les tribunaux haïtiens au nom de dix enfants dont les pères sont des Casques bleus dans le but de faire pression sur l’ONU pour qu’elle garantisse le paiement d’une pension alimentaire. Un an plus tard, une <a href="http://www.ijdh.org/2019/01/resources/ijdh-press/press-release-open-letter-to-un-victims-rights-advocate/">lettre ouverte du Bureau</a> à Jane Connors, défenseure des droits des victimes à l’ONU, laisse voir une frustration face au manque de réactivité et de coopération de l’ONU dans les procès en paternité, qui « a rendu l’obtention de justice presque impossible pour nos clients ».</p>
<p>La lettre conclut que l’ONU « envoie un message alarmant de manque de respect pour le système judiciaire haïtien et l’État de droit », démontrant que l’ONU avait refusé de fournir les résultats des tests d’ADN qui sont vitaux pour les mères, malgré une ordonnance d’un tribunal haïtien l’obligeant à le faire.</p>
<p>La lettre soulève des questions sur les déclarations de l’ONU concernant le soutien de la dignité et des droits des victimes d’exploitation et d’abus sexuels commis par les Casques bleus. Elle remet également en question l’efficacité des interventions du Bureau de la défenseure des droits des victimes de l’ONU, qui existe pour défendre les droits des victimes et pour mettre leurs besoins au premier plan de la lutte de l’ONU contre l’exploitation et les abus sexuels.</p>
<h2>Recommandations</h2>
<p><a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/13533312.2019.1698297">Les résultats de nos recherches</a> nous ont conduits à formuler trois recommandations principales.</p>
<p>1) La formation du personnel des Nations unies doit inclure un aspect de sensibilisation culturelle qui permette de comprendre l’impact des différences de pouvoir dans les économies fragiles où se déroulent les missions de maintien de la paix, la perception qu’il est bon d’avoir un enfant dont le père est un Casque bleu et les conséquences socioéconomiques pour une femme vulnérable qui se retrouve avec un enfant engendré par un soldat de la paix.</p>
<p>2) La pratique des Nations unies consistant à rapatrier les membres de leur personnel impliqués dans des actes d’exploitation ou d’abus sexuels doit cesser, car elle a une double conséquence négative. Premièrement, elle empêche toute véritable poursuite envers l’auteur présumé de l’infraction et, deuxièmement, elle le soustrait à toute juridiction dans laquelle la victime, l’enfant ou la mère, pourrait obtenir un soutien financier approprié.</p>
<p>3) La récente nomination d’une défenseure des droits des victimes d’exploitation et d’abus sexuels doit être suivie d’une politique qui lui permettra de s’attaquer à certaines injustices créées à un niveau structurel. Elle doit aussi devenir une voix puissante qui se porte à la défense des victimes, parler et travailler en leur nom au sein des Nations unies et en collaboration avec les pays hôtes et les pays fournisseurs de troupes.</p>
<p>Beaucoup de personnes interrogées ont exprimé des sentiments similaires sur la nécessité de reconnaître et de soutenir les enfants engendrés par les Casques bleus en Haïti. Un homme a raconté :</p>
<blockquote>
<p>Je connais beaucoup de jeunes femmes, de jeunes filles, des enfants, qui s’occupent d’enfants de la MINUSTAH… Je voudrais que l’ONU assume ses responsabilités, qu’elle prenne l’initiative de retrouver ces jeunes filles pour les aider avec leurs enfants. </p>
</blockquote>
<ul>
<li>Les noms ont été changés pour protéger l’anonymat des participants.</li>
</ul>
<p>[<em>Vous aimez ce que vous avez lu ? Vous en voulez plus ?</em> <a href="https://theconversation.com/ca-fr/newsletters">Abonnez-vous à notre infolettre hebdomadaire</a>. ]</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129118/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sabine Lee reçoit des fonds de PAC, de l'UE et du CRSH.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Susan Bartels reçoit du financement du CRSH, d'Elrha, d'Universités Canada, du Groupe de la Banque mondiale et de l'Initiative de recherche sur la violence sexuelle.</span></em></p>De nombreuses filles et femmes haïtiennes ont donné naissance à des enfants de Casque bleu, qui n’ont pas assumé leurs responsabilités. Une vaste enquête leur donne la parole pour la première fois.Sabine Lee, Professor in Modern History, University of BirminghamSusan Bartels, Clinician-Scientist, Queen's University, OntarioLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1289722020-01-08T15:51:13Z2020-01-08T15:51:13ZHaïti, dix ans après le séisme : voici pourquoi le pays a tant de mal à se relever<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/308841/original/file-20200107-123364-xdpz6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une femme marche dans le centre-ville dévasté de Port-au-Prince, quelques semaines après le séisme du 12 janvier 2010. Dix ans et des milliards de dollars dépensés plus tard, Haïti ne s'est pas relevé de cette tragédie.</span> <span class="attribution"><span class="source">AP Photo/Rodrigo Abd, File</span></span></figcaption></figure><p>Le 12 janvier 2010, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9isme_de_2010_en_Ha%C3%AFti">Haïti a été frappé par un tremblement de terre d’une magnitude de 7,3 sur l’échelle de Richter</a>. Plus de 300 000 personnes ont été tuées, plusieurs centaines de milliers blessées et près de 1,5 million privées de logement.</p>
<p>Ce jour-là, l’espace de travail qu’occupait habituellement au ministère de l’Éducation nationale mon collègue Joseph Jr Clorméus, qui cosigne cet article, s’est complètement effondré. Ce denier a assisté à un spectacle apocalyptique : des collègues avaient perdu la vie tandis que d’autres se faisaient amputer pour pouvoir échapper à une mort certaine sous les décombres. À l’extérieur, des cadavres jonchaient les rues de la capitale tandis que le spectacle sinistre et effroyable de sang mêlé au béton et à la poussière s’offrait au regard désolé d’une population traumatisée.</p>
<p>Dix ans et des milliards de dollars dépensés dans le pays plus tard, Haïti ne s’est jamais relevé de cette catastrophe.</p>
<p>Deux facteurs principaux expliquent, selon nous, l’ampleur de ce drame : la faiblesse des institutions publiques haïtiennes, dont mes collègues et moi <a href="https://theconversation.com/crise-en-ha-ti-le-salut-passe-par-une-administration-publique-forte-126570">avons analysé le manque d’imputabilité dans cet article</a>, et la désorganisation de l’aide internationale, particulièrement des ONG.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308856/original/file-20200107-123395-16wc0p9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308856/original/file-20200107-123395-16wc0p9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308856/original/file-20200107-123395-16wc0p9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308856/original/file-20200107-123395-16wc0p9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308856/original/file-20200107-123395-16wc0p9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308856/original/file-20200107-123395-16wc0p9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308856/original/file-20200107-123395-16wc0p9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Quelques mois après le tremblement de terre, une fillette marche sur des débris alors qu’elle utilise la structure d’un bâtiment endommagé, à Port-au-Prince, pour sécher à l’air libre des vêtements.</span>
<span class="attribution"><span class="source">AP Photo/Ariana Cubillos</span></span>
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<h2>La faiblesse de l’État haïtien</h2>
<p>Haïti est vulnérable aux tremblements de terre. Historiquement, ils ont été gérés par l’armée qui jouait un rôle important à la fois dans le développement national et dans la gestion des catastrophes naturelles. Les rapports de force défavorables à cette institution <a href="http://pauillac.inria.fr/%7Emaranget/volcans/06.96/comment.html">ont conduit à son anéantissement au terme d’une approche brutale et chaotique</a> et la rapidité de ce démantèlement n’a jamais permis de transférer les compétences que possédait l’armée pour gérer les catastrophes naturelles à d’autres institutions publiques civiles.</p>
<p>En effet, tout un savoir-faire a disparu avec le démantèlement de l’armée nationale sous la présidence d’Aristide. Conséquemment, malgré la présence de plusieurs organes gouvernementaux qui avaient tenté de développer des compétences transversales par rapport aux séismes, aucune instance opérationnelle fiable n’a été en mesure de gérer le vide institutionnel laissé par l’armée. Aujourd’hui, Haïti demeure très vulnérable face aux phénomènes naturels qui sévissent sur son territoire.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/crise-en-ha-ti-le-salut-passe-par-une-administration-publique-forte-126570">Crise en Haïti : le salut passe par une administration publique forte</a>
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<p><a href="https://ecosociete.org/livres/la-nouvelle-dictature-d-haiti">La succession des gouvernements instables au cours des quatre dernières décennies</a> n’a pas non plus aidé. Ceux-ci ont affaibli considérablement l’administration centrale, qui ne disposait alors que d’une faible capacité à gérer et contrôler le territoire du pays. Par exemple, une ville pensée à l’origine pour trois mille personnes (Port-au-Prince) en comptait déjà plusieurs millions ! Dix ans plus tard, on ne peut que constater que rien n’a encore vraiment changé sur ce plan. <a href="https://www.alterpresse.org/spip.php?article23151#.XhOu5hdKhTY">Ainsi, l’État haïtien s’est montré incapable de se décentraliser et de développer le milieu rural, qui connaît un exode, année après année</a>.</p>
<p>La capitale et ses environs sont surpeuplés, il n’y a pas de véritables politiques d’urbanisme pour imposer des normes et contrer les constructions anarchiques qui prolifèrent. Dans ce contexte, n’importe quel tremblement de terre majeur ne pouvait qu’entraîner les conséquences désastreuses que le pays a connues.</p>
<p>Autre problème : en 2010, l’administration publique haïtienne, loin d’avoir été réformée, se préoccupait essentiellement de recueillir les taxes sur les propriétés en dehors d’un véritable contrôle du territoire !</p>
<p>Ainsi, dans un contexte de surpeuplement, de développement urbain anarchique, sans politique de développement des régions, conjugué à une absence flagrante de ressources pour intervenir sur son territoire et des compétences de son personnel, l’administration publique haïtienne n’a jamais su anticiper les impacts d’un tremblement de terre.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308860/original/file-20200107-123368-1w2n4q7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308860/original/file-20200107-123368-1w2n4q7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308860/original/file-20200107-123368-1w2n4q7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308860/original/file-20200107-123368-1w2n4q7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308860/original/file-20200107-123368-1w2n4q7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308860/original/file-20200107-123368-1w2n4q7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308860/original/file-20200107-123368-1w2n4q7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des personnes se tiennent dans les décombres d’un bâtiment effondré à la suite du séisme, à Port-au-Prince.</span>
<span class="attribution"><span class="source">AP Photo/Rodrigo And, File</span></span>
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<h2>Une aide internationale désorganisée</h2>
<p>À la faiblesse de l’administration publique haïtienne, s’ajoute la désorganisation de l’aide internationale. À la suite d’un <a href="https://www.ifrc.org/docs/IDRL/Haiti/Decret_modifiant%20_la_loi_ONGs.pdf">décret adopté en 1989</a> (qui modifiait l’article 13 de la loi de 1982 régissant les ONG) la responsabilité de la coordination et de la supervision des activités des ONG sur le territoire de la République d’Haïti a été confiée au ministère de la Planification et de la Coopération externe (MPCE).</p>
<p>Au lendemain du tremblement de terre, plusieurs études faisaient état de la <a href="http://www.enap.ca/ENAP/docs/GERFI/Publications/GERFI_CriseHaiti_LCGT.pdf">présence de milliers d’ONG dans le pays</a>. Or, sur sa liste officielle, le MPCE reconnaissait à peine 300 d’entre elles. On peut ainsi conclure que la majorité de ces ONG intervenaient dans la quasi-clandestinité.</p>
<p>Par ailleurs, <a href="https://www.paho.org/disasters/index.php?option=com_docman&view=download&category_slug=books&alias=2008-la-reponse-sanitaire-a-la-suite-du-tremblement-de-terre-en-haiti-janvier-2010&Itemid=1179&lang=en">comme plusieurs études l’ont démontré</a>, et comme nous avons pu le constater sur le terrain, l’aide de la communauté internationale qui s’est déployée immédiatement après le séisme dans les lieux affectés n’était pas préparée pour relever un défi humanitaire d’une telle amplitude. Il n’y a eu aucune coordination dans les interventions des pays amis de manière à optimiser les efforts en faveur des sinistrés. On a assisté à une grande désorganisation humanitaire, voire à un échec de la communauté internationale qui a dû improviser de manière inefficace la cogestion d’une catastrophe.</p>
<p>Présents sur le terrain dès 2012, nous avons pu observer que la majorité des ONG débarquaient en Haïti non pas pour répondre à un besoin exprimé par le gouvernement haïtien, mais bien pour servir leurs propres intérêts, <a href="https://www.lapresse.ca/international/caraibes/202001/03/01-5255613-haiti-10-ans-apres-le-seisme-la-population-merite-mieux.php">comme le relate d’ailleurs la Dre Joanne Liu</a>, ex-présidente de Médecins sans frontières. Il n’y avait aucune coordination entre elles, ni de coordination avec le gouvernement. Par ailleurs, bien que les forces de l’ONU déployées avec la <a href="https://minustah.unmissions.org/">MINUSTAH</a> aient été présentes en Haïti, les effectifs étaient fragmentés et opéraient selon des modèles et des valeurs souvent incompatibles. L’organisation de l’aide a été plutôt inefficace. Voire nuisible : le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89pid%C3%A9mie_de_chol%C3%A9ra_en_Ha%C3%AFti">scandale de la réintroduction du choléra en Haïti</a> est assez éloquent à cet égard.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308859/original/file-20200107-123411-1r5ugyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308859/original/file-20200107-123411-1r5ugyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308859/original/file-20200107-123411-1r5ugyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308859/original/file-20200107-123411-1r5ugyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308859/original/file-20200107-123411-1r5ugyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=541&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308859/original/file-20200107-123411-1r5ugyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=541&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308859/original/file-20200107-123411-1r5ugyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=541&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un peacekeeper péruvien tente de contrôler une foule pendant la distribution de nourriture pour les survivants du tremblement de terre dans un entrepôt à Port-au-Prince, le 19 janvier 2010. L’aide de l’ONU a été globalement inefficace.</span>
<span class="attribution"><span class="source">AP Photo/Ariana Cubillos, File</span></span>
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<h2>L’après-tremblement de terre</h2>
<p>Malgré le fait que des milliards de dollars aient été dépensés dans le pays, selon des rapports internationaux, cinq ans après la catastrophe, des débris gisaient encore dans les rues, des milliers de personnes vivaient encore dans des camps de réfugiés et la majorité des édifices publics n’étaient pas reconstruits.</p>
<p>Tout ceci témoigne des sérieuses difficultés de coordination sur le terrain.</p>
<p>Dix ans plus tard, les défis sont encore immenses pour l’État haïtien, <a href="https://laloidemabouche.ht/2018/04/13/lurbanisation-anarchique-un-probleme-majeur-du-developpement-en-haiti/">puisqu’il lui faut développer des politiques de construction qui s’intègrent dans une certaine vision de l’urbanisme</a>. Il doit aussi reconstruire les archives des institutions publiques qui ont été endommagées ou qui ont disparu, mettre en place une politique de la mémoire pour que les générations post-séismes apprennent du passé, élaborer et mettre en œuvre un plan d’urgence pour les catastrophes naturelles, concevoir et implanter des politiques ainsi que des espaces adaptés pour les personnes handicapées.</p>
<p>On voit aujourd’hui que les pratiques de développement international s’inspirent d’une perspective d’accumulation de richesse <a href="https://www.rcinet.ca/fr/2014/01/08/le-canada-est-il-encore-capable-daide-humanitaire-gratuite-et-desinteressee/">donnant priorité aux intérêts du secteur privé</a>. Les initiatives prises par le Canada d’orienter son aide vers le développement du secteur minier et de zones franches en Haïti en témoignent.</p>
<p>De plus, la décision du Canada de geler le <a href="https://www.haitilibre.com/article-7564-haiti-reconstruction-gele-des-fonds-du-canada-pour-haiti-confusion-et-reactions.html">financement de nouveaux projets en Haïti</a> pose plusieurs questions : pourquoi choisir de lâcher Haïti dans un contexte aussi difficile ? Est-ce qu’une telle décision vise à mettre l’État haïtien face à ses responsabilités ou à déresponsabiliser tout simplement le gouvernement canadien par rapport à l’échec de l’aide internationale dans ce pays ? Est-ce un aveu d’impuissance face aux faiblesses institutionnelles profondes de l’État haïtien ?</p>
<p>En fait, une décennie plus tard, notre regard sur le 12 janvier 2010 pose une question aussi troublante que fondamentale : l’administration publique haïtienne et la communauté internationale ont-elles réellement tiré des leçons des conséquences du tremblement de terre ?</p>
<p>[<em>Ne manquez aucun de nos articles écrits par nos experts universitaires</em>. <a href="https://theconversation.com/ca-fr/newsletters">Abonnez-vous à notre infolettre hebdomadaire</a>. ]</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128972/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-François Savard a reçu des financements du CRSH. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Sael et Joseph Jr Clormeus ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>10 ans et des milliards de dollars dépensés plus tard, Haïti ne s'est pas relevé du séisme de 2010, en raison de la faiblesse des institutions publiques et de l'inefficacité de l'aide internationale.Jean-François Savard, Professeur agrégé, École nationale d'administration publique (ENAP)Emmanuel Sael, Doctorant en administration publique, École nationale d'administration publique (ENAP)Joseph Jr Clormeus, Doctorate candidate in public administration, École nationale d'administration publique (ENAP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1265702019-11-20T16:08:41Z2019-11-20T16:08:41ZCrise en Haïti : le salut passe par une administration publique forte<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/302229/original/file-20191118-66921-1xbysn4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des manifestants dans les rues de Port-au-Prince, le 22 octobre. Ils dénoncent la corruption qui gangrène le mandat du président Jovenel Moïse, dont ils réclament la démission.</span> <span class="attribution"><span class="source">AP Photo/Rebecca Blackwell</span></span></figcaption></figure><p>Depuis plusieurs semaines, <a href="https://www.france24.com/fr/20191106-focus-haiti-crise-demission-jovenel-moise-corruption-pauvrete-sante-education-violences">Haïti est plongé dans une nouvelle crise politique</a>.</p>
<p>L’élément déclencheur a été la montée du prix du carburant. Mais les manifestants, dans la rue depuis un mois, <a href="https://ici.radio-canada.ca/info/videos/media-8046038/corruption-a-origine-colere-haitiens">dénoncent principalement la corruption</a> qui gangrène le mandat du président Jovenel Moïse, dont ils réclament la démission.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/302230/original/file-20191118-66945-y8kicv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/302230/original/file-20191118-66945-y8kicv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/302230/original/file-20191118-66945-y8kicv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/302230/original/file-20191118-66945-y8kicv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/302230/original/file-20191118-66945-y8kicv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/302230/original/file-20191118-66945-y8kicv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/302230/original/file-20191118-66945-y8kicv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">FILE – Le président Jovenel Moïse marche en compagnie de sa femme Martine, le 17 octobre, après avoir déposé des fleurs pour marquer l’anniversaire de la mort du leader révolutionnaire Jean‑Jacques Dessalines, à Port-au-Prince. Des manifestants exigent sa démission.</span>
<span class="attribution"><span class="source">AP Photo/Rebecca Blackwell, File</span></span>
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<p>La corruption n’a rien de nouveau en Haïti. Et bien que la situation politique ait été beaucoup plus stable <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Martelly">à l’époque de Michel Martelly</a>, soit entre 2011 et 2016 – en raison notamment de l’afflux de l’aide internationale et d’un appui des puissances occidentales qui ne sont plus là aujourd’hui – la corruption était tout de même présente.</p>
<p>Qu’est-ce qui explique que le régime politique haïtien ne parvienne pas à se défaire de cette corruption ?</p>
<p>De 2010 à 2015, l’École nationale d’administration publique (ENAP) a offert son programme de maîtrise pour gestionnaire en Haïti, dans le cadre d’un projet du gouvernement fédéral canadien visant à renforcer les capacités de la fonction publique haïtienne. C’est dans ce cadre que j’ai pu me rendre à trois reprises en Haïti afin d’y donner une formation. En travaillant ainsi de près avec les fonctionnaires haïtiens, j’ai pu observer les difficultés liées à la mise en œuvre des politiques. Les deux doctorants qui cosignent cet article, Emmanuel Saël et Joseph Jr Clorméus, ont tous les deux travaillé comme fonctionnaires dans l’administration publique haïtienne, respectivement pendant huit et sept ans. Les analyses et conclusions que nous présentons sont tirées de nos expériences professionnelles et de nos travaux de recherche.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lamerique-du-sud-en-ebullition-les-raisons-de-la-colere-126825">L’Amérique du Sud en ébullition : les raisons de la colère</a>
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<h2>L’héritage empoisonné des Duvalier</h2>
<p>Donc, pour revenir à la question de départ, comment expliquer cette corruption endémique en Haïti, <a href="https://www.nouvelobs.com/monde/seisme-en-haiti/20100113.OBS3467/haiti-le-pays-le-plus-pauvre-des-ameriques.html">pays le plus pauvre des Amériques</a> (et parmi les plus pauvres de la planète), avec 80 pour cent de sa population qui vit sous le seuil de pauvreté de deux dollars par jour ?</p>
<p>La réponse est à la fois simple et complexe. Commençons par la réponse simple. Dans leur ouvrage <a href="http://whynationsfail.com"><em>Why Nations Fail</em></a>, publié en 2012, les auteurs Daron Acemoglu et James A. Robinson expliquent que les États échouent lorsque leurs institutions formelles sont trop faibles, ouvrant ainsi la porte aux institutions informelles.</p>
<p>Dans le cas d’Haïti, cette idée est facile à comprendre. Depuis Duvalier père (François), jusqu’à Duvalier fils (Jean‑Claude), le régime politique d’alors reposait essentiellement sur des institutions informelles créées de toute pièce par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Duvalier">François Duvalier</a>. Ces institutions sont régies par des règles non officielles et généralement non dites, qui entraînent une forme de sanction pour ceux qui ne les respectent pas. Les individus cherchent à se conformer à ces règles, afin de faire « comme les autres » et éviter les sanctions qu’entraîne le non-respect de règles informelles.</p>
<p>Après son accession au pouvoir en 1957, François Duvalier a tranquillement fragilisé les institutions formelles du pays et renforcé d’un autre côté des institutions informelles dont l’objectif était spécifiquement de le maintenir au pouvoir. Il s’est servi d’une stratégie en trois temps : maintenir son peuple sous-éduqué, renforcer son pouvoir à travers les croyances vaudou, faire disparaître les opposants.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/302235/original/file-20191118-66925-bw5oxd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/302235/original/file-20191118-66925-bw5oxd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/302235/original/file-20191118-66925-bw5oxd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/302235/original/file-20191118-66925-bw5oxd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/302235/original/file-20191118-66925-bw5oxd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/302235/original/file-20191118-66925-bw5oxd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/302235/original/file-20191118-66925-bw5oxd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un prêtre vaudou qui est censé être possédé d’un esprit Gede effectue un « nettoyage » sur une femme, pendant le festival annuel de vaudou de la fête Gede à Port-au-Prince, Haïti, le 1ᵉʳ novembre. L’une des stratégies de Duvalier père pour rester au pouvoir a été de promouvoir les croyances vaudou.</span>
<span class="attribution"><span class="source">AP Photo/Dieu Nalio Chery</span></span>
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<p>En plus de la fortune accumulée par François Duvalier grâce au détournement des fonds publics, Jean‑Claude Duvalier a hérité en 1971 des institutions informelles et des pratiques mises en place par son père. Lorsque le <a href="http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve?codeEve=151">fils a été forcé à s’exiler en 1986</a>, il a laissé derrière lui un pays sans réelles institutions publiques et avec très peu de moyens financiers (les fonds avaient soit été dilapidés, soit détournés). Qui plus est, pour se maintenir aussi longtemps au pouvoir, les Duvalier avaient mis en œuvre un système de récompense aux « amis » du système, que nous appelons aujourd’hui de la corruption.</p>
<p>En l’absence d’institutions formelles fortes, ce sont des institutions informelles qui ont su s’imposer dans le régime étatique haïtien, élevant la corruption au premier rang des pratiques faisant fonctionner le pays. En effet, aucun président n’a su affaiblir la corruption jusqu’à présent, souvent parce qu’elle permet à ces mêmes présidents de se hisser au pouvoir.</p>
<h2>Créer une administration publique imputable</h2>
<p>Poursuivons maintenant avec la réponse complexe. Si on admet que la faiblesse des institutions formelles dans le régime politique haïtien explique la force de la corruption, alors comment affaiblir ces institutions informelles au profit d’institutions formelles bénéfiques pour le peuple ?</p>
<p>Il serait illusoire de penser qu’une seule solution peut mettre un terme à la corruption en Haïti. Mais nous soutenons tout de même que la lutte doit commencer par la création d’un nouveau système de management public. Sa mise en place suppose la modernisation de l’appareil politico-administratif : une nouvelle façon de faire qui repose sur la méritocratie au lieu du parrainage et sur la transparence plutôt que sur l’opacité qui caractérisent le fonctionnement global de l’administration publique haïtienne.</p>
<p>Mais plusieurs éléments font obstacle à un tel changement.</p>
<p>Tout d’abord, l’imputabilité, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1754-7121.1983.tb01030.x">essentielle dans les administrations publiques</a> (et dans la lutte contre la corruption), est absente.</p>
<p>La législation fait des ministres, secrétaires d’État et directeurs généraux (au Québec et au Canada, ces derniers sont appelés des sous-ministres) les seuls ordonnateurs des décisions publiques. Elle fait ainsi des fonctionnaires de simples exécutants, comme on peut le constater dans le <a href="http://www.oas.org/juridico/PDFs/mesicic4_hti_dec_org.pdf">Décret sur l’administration centrale de l’État, adoptée en 2005</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/302234/original/file-20191118-66979-yejk8a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/302234/original/file-20191118-66979-yejk8a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/302234/original/file-20191118-66979-yejk8a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/302234/original/file-20191118-66979-yejk8a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/302234/original/file-20191118-66979-yejk8a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/302234/original/file-20191118-66979-yejk8a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/302234/original/file-20191118-66979-yejk8a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des manifestants dressent une barricade lors d’une marche des employés de la santé pour exiger de meilleures conditions de travail et la démission du président Jovenel Moise, à Port-au-Prince, le 30 octobre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">AP Photo/Dieu Nalio Chery</span></span>
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</figure>
<p>Autrement dit, les directeurs, les gestionnaires et les autres fonctionnaires de l’État haïtien ne sont soumis à aucune règle d’imputabilité, ce qui favorise le patronage et, éventuellement, la corruption. De plus, le cadre légal et règlementaire ne prévoit aucune autre forme d’imputabilité des responsables de l’administration publique notamment envers la société civile.</p>
<h2>« Réaménager » la réalité</h2>
<p>La transparence et la diffusion d’information <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2011-1-page-155.htm#">constituent un autre mécanisme qui permet de lutter contre la corruption</a>. Malheureusement en Haïti, la diffusion de l’information, particulièrement financière, en dehors des procédures d’audit ou de contrôle tracées par la loi, n’est pas une obligation pour les entités publiques.</p>
<p>Par exemple, le document de budget officiel, qui est en général publié sur le site du ministère de l’Économie et des Finances, présente une prévision qui diffère grandement de la réalité, puisqu’il fait souvent l’objet de réaménagements dans son exécution. Cela signifie que dans la pratique, les opérations effectuées ne correspondent pas à l’information que diffuse le gouvernement !</p>
<p>Cela dit, des efforts en vue d’un renforcement du système de reddition de compte ont quand même été réalisés dans le cadre des récentes réformes administratives en Haïti.</p>
<p>Dans ce contexte, au cours des quinze dernières années, les gouvernements qui se sont succédé ont procédé à la création de plusieurs instances de contrôle, de surveillance, d’enquête et d’audit. Cela est important pour faciliter la culture de reddition de comptes.</p>
<p>Néanmoins, il sera important aussi de renforcer le cadre redditionnel par une responsabilisation des fonctionnaires en leur conférant plus de liberté d’action, mais également en les rendant directement et publiquement imputables de leur gestion.</p>
<p>C’est de cette façon que l’on pourra renforcer les institutions formelles en Haïti et affaiblir les institutions informelles. Et la corruption.</p>
<p>[<em>Ne manquez aucun de nos articles écrits par nos experts universitaires</em>. <a href="https://theconversation.com/ca-fr/newsletters">Abonnez-vous à notre infolettre hebdomadaire</a>. ]</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/126570/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-François Savard a reçu des financements du CRSH. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Sael et Joseph Jr Clormeus ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>La fonction publique haïtienne n’est soumise à aucune règle d’imputabilité, ce qui favorise le patronage et, éventuellement, la corruption.Jean-François Savard, Professeur agrégé, École nationale d'administration publique (ENAP)Emmanuel Sael, Doctorant en administration publique, École nationale d'administration publique (ENAP)Joseph Jr Clormeus, Doctorate candidate in public administration, École nationale d'administration publique (ENAP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1166742019-06-17T20:58:54Z2019-06-17T20:58:54ZEn Haïti, la chasse aux homosexuels et victimes du VIH continue<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/278891/original/file-20190611-32335-cu77k5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=66%2C3%2C1005%2C661&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'homosexualité est un sujet tabou à Haïti, une partie de la population y voit une menace morale et démographique. Un obstacle à une lutte efficace contre le VIH.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/Kzmd7HSelJw">Zach Vessels/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Ce mardi 26 novembre, le chef de l’Etat haïtien Jovenel Moïse <a href="https://kapzynews.com/haiti-jovenel-moise-deplore-la-mort-dun-militant-homsexuel-charlot-jeudy/">a annoncé déplorer</a> le meurtre du <a href="https://www.liberation.fr/direct/element/haiti-mort-de-charlot-jeudy-fondateur-dune-des-rares-associations-lgbt-du-pays_105726/">militant LGBT+ Charlot Jeudy</a>. Sa mort rappelle qu'à Haïti, actuellement en pleine <a href="https://www.liberation.fr/planete/2019/11/13/haiti-port-au-prince-livre-a-la-guerre-des-gangs_1763231">crise politique, sociale et économique</a>, les homosexuels ne sont toujours pas les bienvenus. Ni les quelques 150,000 personnes qui vivent avec le virus du VIH, sur une population de 11 millions d’habitants. Or, parmi elles, seules <a href="https://www.unaids.org/sites/default/files/media_asset/UNAIDS_FactSheet_fr.pdf">55 %</a> ont accès aux médicaments.</p>
<p>Comment expliquer ce manque d’accès aux soins ?</p>
<p>Malgré de nombreuses interventions de santé publique dans la région, Haïti reste vulnérable à la stigmatisation des personnes infectées, particulièrement les minorités sexuelles. Ces dernières subissent un ostracisme considérable, ce qui empêche l’accès aux soins.</p>
<p>Cette <a href="https://www.journal.psy.ulaval.ca/ojs/index.php/ARIRI/article/view/Lebouch%E9_Alterstice1%282%29">marginalisation parfois extrême</a> se répand sur tous les aspects de la vie sociale, affective et relationnelle.</p>
<h2>Un engagement difficile dans la lutte contre le VIH</h2>
<p><a href="https://www.banquemondiale.org/fr/country/haiti/overview">Le plus pauvre de l’hémisphère occidental</a>, Haïti est aussi le plus pays où vit le plus grand nombre de personnes vivant avec le VIH dans les Caraïbes, deuxième région la plus touchée au monde en dehors de l’Afrique en <a href="https://www.unaids.org/sites/default/files/media_asset/20170720_Data_book_2017_en.pdf">terme de prévalence</a> (UNAIDS, 2017).</p>
<p>Malgré des troubles politiques, des difficultés socio-économiques et des calamités naturelles continues, Haïti reste engagée dans la lutte contre l’épidémie du VIH. Les stratégies de prévention et de traitement mises en place par le gouvernement en collaboration avec des organisations non gouvernementales et des bailleurs de fonds internationaux ont contribué à réduire la prévalence nationale du VIH de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25310257">6,2 % en 1993 à 2,2 % en 2012</a> puis à <a href="https://data.worldbank.org/indicator/sh.dyn.aids.zs">1,9 % en 2017</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/278923/original/file-20190611-32317-1aar34.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/278923/original/file-20190611-32317-1aar34.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/278923/original/file-20190611-32317-1aar34.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/278923/original/file-20190611-32317-1aar34.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/278923/original/file-20190611-32317-1aar34.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/278923/original/file-20190611-32317-1aar34.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/278923/original/file-20190611-32317-1aar34.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/278923/original/file-20190611-32317-1aar34.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Haïti : Nombre de personnes vivants avec le VIH (1990-2017).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://ourworldindata.org/hiv-aids#correlates-determinants-consequences">US Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME), 2018.</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Alors que la réponse nationale à l’épidémie du VIH ne cesse de progresser, les personnes infectées et affectées continuent d’être <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/12685922">discriminées et stigmatisées</a> tant <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25059939">dans la communauté que dans les structures de soins</a>. Les personnes infectées sont souvent perçues comme ayant des comportements méprisés par la société, tels que les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17711383">Hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH)</a>.</p>
<h2>Maladie et exclusion sociale : le double fardeau des HSH</h2>
<p>Le sociologue Erving Goffman a distingué <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-Stigmate-2092-1-1-0-1.html">trois types de stigmatisation</a> : la déformation physique, les imperfections de caractère et les préjugés. Le premier type est attribué aux déformités corporelles innées ou acquises. C’est donc une différence par rapport aux normes de condition physique idéalisées par la société. Le second est plutôt attribuable aux comportements ayant des conséquences perçues comme négatives. C’est le cas, par exemple, des personnes infectées au VIH, des homosexuels et des alcooliques. Et, le troisième résulte de la perception qu’une race, une religion ou une nationalité soit supérieure par rapport à une autre.</p>
<p>La seconde peut survenir chez des personnes atteintes du VIH. Elles font face à une stigmatisation considérable car beaucoup pensent qu’elles auraient pu contrôler les attitudes à l’origine de l’infection.</p>
<p>Ethnographiquement, Haïti se rapproche de plusieurs pays du continent africain où des études ont été menées sur cette problématique. <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27299976">L’homosexualité y est perçue comme une menace à combattre </a> car dangereuse, pour l’ordre social religieux, moral et démographique, et par conséquent entrave les étapes de soins comprenant la prévention, le dépistage, l’enrôlement aux soins et l’adhésion thérapeutique.</p>
<p>Suivant une enquête réalisée en Haïti et publiée par le Programme des Nations unies pour le VIH, la prévalence de cette infection chez les HSH s’élève à <a href="https://www.unaids.org/sites/default/files/media_asset/UNAIDS_FactSheet_fr.pdf">18,2 %</a>.</p>
<p>Les comportements sexuels sont influencés par des tabous sociaux stricts contre l’homosexualité ce qui porte les <a href="https://pdfs.semanticscholar.org/7f18/3841d2751565d92bcb50c867cfb89f76f853.pdf">HSH à dissimuler leurs activités sexuelles</a>.</p>
<p>Nombreux <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4000540/">HSH développent donc des relations hétérosexuelles</a>, un comportement qui sert aussi de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19583117">pont pour la transmission du VIH</a> de la communauté HSH vers la population générale.</p>
<p>La population homosexuelle est exposée à un plus grand risque d’infection au VIH <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28669320">à cause de certains facteurs personnels et sociaux</a> : partenaires multiples et relations à court terme, faible utilisation de préservatifs, conception erronée du sexe anal… Bien que les HSH expriment un besoin de soutien, ils craignent d’être rejetés en dévoilant leur orientation sexuelle.</p>
<h2>Ce que disent les lois haïtiennes</h2>
<p>Selon plusieurs organisations des droits de l’Homme, il n’y a <a href="http://www.refugeelegalaidinformation.org/haiti-lgbti-resources">pas de loi contre l’homosexualité dans le Code pénal haïtien</a>. À titre minimal, les HSH sont protégés en vertu de la constitution de 1987 : art. 35-2 qui interdit la discrimination sur le lieu de travail en fonction du « sexe, des opinions et de l’état matrimonial ».</p>
<p>En août 2017, le <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2017/08/02/97001-20170802FILWWW00335-haiti-le-senat-interdit-le-mariage-gay.php">sénat haïtien a voté une loi</a> interdisant le mariage de même entre individus de même sexe. En soi cette mesure n’a rien de nouveau, car le code civil national ne reconnaît que les unions entre un homme et une femme. Mais ce vote traduit une intolérance grandissante à l’égard de la communauté HSH, car il vise à interdire toute affirmation de l’homosexualité dans l’espace public.</p>
<p>De plus, il n’y a pas de loi sur la criminalité anti-haine qui traite spécifiquement de la discrimination et du harcèlement subits par les HSH en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. L’homosexualité est considérée comme tabou par les Haïtiens largement influencés par la religion chrétienne.</p>
<p>Sur le plan juridico-légal, il faut signaler aussi une faiblesse des structures de gouvernance du système judicaire car la stigmatisation et la discrimination contre les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) sont présentes et restent impunies malgré la soumission au parlement haïtien, d’une proposition de loi pour la <a href="https://www.aides.org/sites/default/files/Aides/bloc_telechargement/AIDES%20Projet%20DH%20HAITI.pdf">protection</a> des PVVIH depuis le 1<sup>er</sup> décembre 2011.</p>
<h2>Comment l’homophobie paralyse l’avancée médicale</h2>
<p>La stigmatisation est aussi perçue et vécue dans les établissements de soins et vis-à-vis des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29132291">membres de la famille, des communautés religieuses</a> et de la société en général.</p>
<p>L’inquiétude à découvrir leur statut VIH et les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28974257">conséquences sociales</a> qui en découlent sont citées comme des éléments dissuasifs majeurs au dépistage. La confidentialité est également un sujet de préoccupation car certaines structures de soins <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28974257">séparent les patients</a> se présentant pour un test de dépistage du VIH de ceux recherchant d’autres services de santé.</p>
<p><a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26808653">Les perceptions négatives de la communauté médicale</a> liées à un manque de compétences et de connaissances des prestataires de soins entrave une bonne gestion des soins – qui nécessitent bien souvent de besoins spécifiques – et alimentent la peur d’être exposé en tant qu’homosexuel.</p>
<p>Les opinions homophobes exprimées par la culture se traduisent par la stigmatisation et la discrimination de la société à l’égard des HSH affectant <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28438027">négativement leur participation</a> aux stratégies de riposte nationale réussie contre l’épidémie. Ils sont aussi <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4951529/">victimes de multiples formes de sévices</a> perpétrés par les forces de l’ordre.</p>
<p>Même en présence de bailleurs de fonds et d’une communauté politique favorables, la stigmatisation et la discrimination publiques créent un <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25723984">environnement propice aux hostilités</a>. Parfois même, l’homophobie est à la fois une construction sociale et un outil concret utilisé pour mobiliser les pouvoirs et le sens de la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3010280/">solidarité dans des paysages politique et économique</a>.</p>
<p>Toutes les études indiquent que la stigmatisation répond à tous les critères pour être considérée comme une barrière fondamentale à la prévention et au traitement du VIH chez les HSH.</p>
<h2>Inclusion, respect et tolérance : les indispensables pour une future génération sans VIH</h2>
<p>Quoique de nombreux efforts sont en train d’être réalisés pour améliorer la prise en charge des HSH infectés au VIH en Haïti, des situations sociétales persistent à différents niveaux empêchant l’identification et la mise en œuvre complète de stratégies efficaces de réduction de la stigmatisation sur une large échelle.</p>
<p>Bien que les interventions cliniques restent les plus courantes, certaines <a href="https://www.unaids.org/en/resources/presscentre/featurestories/2012/july/20120725serovie">initiatives communautaires ont aussi été testées</a> par petits groupes et quelques interventions au niveau organisationnel, telles que des sessions de formation et de sensibilisation du personnel médical, l’accompagnement par des pairs éducateurs tout au long du continuum de soins et la mise en place de cliniques spécialisées, ont été planifiées, réalisées et étudiées.</p>
<p>Mais sans une volonté politique et des ressources pour soutenir et intensifier les activités dans les établissements de soins de santé et dans les communautés, l’inclusion, le respect et la tolérance, indispensables à l’éradication du VIH, deumereront une vue de l’esprit.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116674/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Willy Dunbar receives funding from Fonds Lewin - De Castro "Esprit Libre" de l'Université Libre de Bruxelles. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Yves Coppieters ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À Haïti les personnes infectées par le VIH, et particulièrement les minorités sexuelles, sont victimes d’un ostracisme considérable qui empêche l’accès aux soins.Willy Dunbar, Doctorant en Politiques et Systèmes de Santé à l'Université Libre de Bruxelles, Université Libre de Bruxelles (ULB)Yves Coppieters, Professeur à l'Ecole de santé publique de l'Université Libre de Bruxelles, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1114522019-02-18T15:35:43Z2019-02-18T15:35:43ZHaïti brûle: au-delà du manque de carburant, les pannes de courant alimentent le mécontentement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/259135/original/file-20190214-1736-42yv94.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des protestataires fuient les forces policières qui leur tirent dessus, lors d'une manif à Port-au-Prince demandant la démission du président Jovenel Moise. Parmi les mécontentements,
les pannes de courant qui se répètent de plus en plus en Haïti et symbolisent la perte de pouvoir du peuple.</span> <span class="attribution"><span class="source">AP Photo/Dieu Nalio Chery</span></span></figcaption></figure><p>Haïti s'est enflammée ces dernières semaines. Une crise politique a déclenché des protestations anti-gouvernementales et contre la corruption qui sévit. <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1153222/touristes-ecoliers-canadiens-haiti-renvoi-suspension">Le gouvernement canadien a été forcé d'évacuer ses ressortissants coincés là-bas</a>. </p>
<p>La hausse du prix du carburant est souvent pointée du doigt comme la cause principale de ces émeutes. Cette hausse, accompagnée d'une pénurie de carburant de plusieurs semaines, a mené au rationnement et à la fermeture des stations d’essence dont les réserves se sont épuisées. Mais elle a aussi une autre conséquence: des pannes de courant à répétition. </p>
<p>La société de service électrique d’Haïti a en effet annoncé qu’elle réduit encore la production. La mesure survient après <a href="https://www.miamiherald.com/news/nation-world/world/americas/haiti/article224706115.html">une série de pannes de courant</a> à travers le pays, certaines ayant duré des semaines. </p>
<p>Haïti dépend des importations de carburant, et le réseau électrique national est peu développé et inefficace. Les infrastructures déjà fragiles en Haïti ont été endommagées par <a href="https://www.theguardian.com/world/2016/oct/04/why-is-haiti-vulnerable-to-natural-hazards-and-disasters">une série de catastrophes naturelles</a>. Mais, pour plusieurs Haïtiens, les pannes de courant ne sont pas juste le résultat de la <a href="https://theconversation.com/in-haiti-climate-aid-comes-with-strings-attached-108652">vulnérabilité du pays</a>; elles sont aussi un symbole de crise politique.</p>
<h2>Pannes continuelles à Haïti</h2>
<p>Les pannes de courant sont des phénomènes attendus en Haïti. Quand elles surviennent inévitablement, on évoque rapidement l’incapacité du gouvernement d’offrir les services essentiels.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/257591/original/file-20190206-174873-kcjvu8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/257591/original/file-20190206-174873-kcjvu8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/257591/original/file-20190206-174873-kcjvu8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/257591/original/file-20190206-174873-kcjvu8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/257591/original/file-20190206-174873-kcjvu8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/257591/original/file-20190206-174873-kcjvu8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/257591/original/file-20190206-174873-kcjvu8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le président haïtien Jovenel Moïse. Les manifestants réclament sa démission.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Dieu Nalio Chery)</span></span>
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<p>La majeure partie de l’électricité provient du fournisseur public, Électricité d’Haïti (EDH), <a href="https://www.bu.edu/ise/files/2018/03/FINAL-Haiti-Electricity-Report-March-2018.pdf">qu’on considère comme mal géré et corrompu</a>. Quand les lumières s’éteignent, comme elles le font invariablement, le problème du manque de services devient très visible.</p>
<p>L’électricité est une question politique tendue en Haïti. Seulement quelque <a href="http://www.worldbank.org/en/news/press-release/2012/09/27/haiti-strategy-focuses-reconstruction-capacity-building-stronger-institutions">25 pour cent de la population a accès</a> à l’électricité, et ceux qui l’ont en profitent rarement toute la journée, tous les jours. Les entreprises privées et les familles aisées ont recours à des génératrices au diésel pour leur atelier ou leur maison. Les Haïtiens pauvres utilisent du bois, du charbon de bois ou du kérosène.</p>
<p>La plupart des gouvernements ont cherché à élargir l’accès aux sources d’énergie et à en subventionner les coûts. Plus récemment, le président Jovenel Moïse <a href="https://www.miamiherald.com/news/nation-world/world/americas/haiti/article156759119.html">a promis un service électrique « 24 heures par jour »</a> pour Haïti d’ici deux ans. Au lieu de cela, il préside un pays miné par les pénuries chroniques d’énergie.</p>
<h2>Argent perdu ou volé</h2>
<p>Les tarifs des services publics aux Caraïbes sont parmi les plus élevés au monde. En 2005, le Venezuela a lancé Petrocaribe, une alliance pétrolière visant à réduire les coûts des carburants et à promouvoir la coopération économique.</p>
<p><a href="http://www.haiti-liberte.com/archives/volume4-46/How%20Washington%20and%20Big%20Oil%20Fought%20PetroCaribe%20in%20Haiti.asp">En vertu du programme</a>, les États membres n’ont payé que de 40 à 70 pour cent du prix des importations pétrolières. Le restant a été reporté, pour être remboursé sur 25 ans à un taux d’intérêt annuel d’un pour cent. Les fonds des ventes pétrolières devaient être engagés dans des programmes de développement social.</p>
<p>La pénurie actuelle de carburant en Haïti n’est qu’une partie d’une histoire plus vaste concernant les retombées de la <a href="https://nacla.org/news/2019/01/24/venezuela-another-crossroads">crise au Venezuela</a>. En 2017, <a href="https://www.newyorker.com/news/news-desk/haitians-want-to-know-what-the-government-has-done-with-missing-oil-money">le Sénat haïtien a publié un rapport</a> alléguant que 1,7 milliard de dollars du fonds Petrocaribe avait été perdu ou volé et que le programme avait cumulé des dettes allant jusqu’à 2 milliards de dollars US.</p>
<p>Un <a href="https://static1.squarespace.com/static/5b9f2b7c3917ee4972f3f2d0/t/5c53bdabeef1a194097d4a44/1548991930156/PETROCARIBE++31+JANV.+19.pdf">audit publié récemment</a> mené par la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif d’Haïti a confirmé ces allégations et a ajouté que plusieurs des projets de développement commandités par le fonds de Petrocaribe n’avaient jamais été terminés ou n’avaient jamais existé.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/257547/original/file-20190206-174851-w8xr4x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/257547/original/file-20190206-174851-w8xr4x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=377&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/257547/original/file-20190206-174851-w8xr4x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=377&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/257547/original/file-20190206-174851-w8xr4x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=377&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/257547/original/file-20190206-174851-w8xr4x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=474&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/257547/original/file-20190206-174851-w8xr4x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=474&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/257547/original/file-20190206-174851-w8xr4x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=474&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des résidants marchent à travers les barrages dressés par des opposants au gouvernent à Port-au-Prince en novembre 2018. Les manifestants réclamaient la démission du président pour n’avoir pas enquêté sur le scandale de Petrocaribe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Dieu Nalio Chery)</span></span>
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<p>Le scandale de Petrocaribe et la crise de l’énergie ont suscité de nouveaux appels à la privatisation du secteur énergétique haïtien. Haïti a été forcé de mettre un terme à sa participation à Petrocaribe; le pays achète maintenant son pétrole de fournisseurs américains, en dollars US, poursuivant un programme de longue date de <a href="https://nacla.org/news/2018/02/16/new-energy-empires-podcast">l’impérialisme énergétique américain</a> dans la région.</p>
<p>Si on se fie aux <a href="https://www.miamiherald.com/news/nation-world/world/americas/haiti/article214594110.html">nouveaux prix du carburant imposés par le Fonds monétaire international</a> l’an dernier, la privatisation et la libéralisation du secteur énergétique à Haïti rendront la vie encore plus chère pour la plupart des gens et le pays plus dépendant et plus endetté vis-à-vis les puissances étrangères.</p>
<p>C’est <a href="https://www.publicbooks.org/why-the-lights-went-out-in-puerto-rico/">une situation qui n’est pas sans rappeler Porto Rico</a>, où l’endettement et les catastrophes ont contribué à instaurer une série de programmes néolibéraux d’ajustement structurel après le passage de l’ouragan Maria.</p>
<h2>Perte de pouvoir</h2>
<p>En créole haïtien, le mot pour panne de courant est <em>blakawout</em>. Il réfère à la coupure du courant électrique, mais comme son équivalent anglais, il peut être aussi utilisé pour parler d’un état physique.</p>
<p>À Port-au-Prince, il est fréquent d’entendre les gens parler de pannes de courant de différentes façons.</p>
<p>Lorsqu’on dit en anglais qu’une personne peut souffrir d’un « blackout », soit une perte de conscience, les Haïtiens pourraient dire qu’ils « vivent dans un blackout », une phrase qui exprime une perte plus généralisée d’énergie physique et sociale.</p>
<p>Parfois, ils font allusion aux pannes de courant pour se plaindre du gouvernement et du manque de services essentiels. D’autres fois, les pannes de courant éveillent le souvenir de la répression des forces militaires et paramilitaires haïtiennes, qui souvent coupaient le courant des quartiers avant d’y effectuer des incursions violentes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/257551/original/file-20190206-174864-1741i0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/257551/original/file-20190206-174864-1741i0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/257551/original/file-20190206-174864-1741i0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/257551/original/file-20190206-174864-1741i0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/257551/original/file-20190206-174864-1741i0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/257551/original/file-20190206-174864-1741i0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/257551/original/file-20190206-174864-1741i0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des vendeuses de rue portent des épices et des marchandises en équilibre sur leur tête en se rendant au marché de Kenscoff, en Haïti. Les Haïtiens se plaignent du manque de services essentiels dans leur pays.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Dieu Nalio Chery)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Parfois, les gens disent que quand il y a une panne de courant, ils ne peuvent simplement « rien faire » du tout, comme si le manque de lumière et de courant électrique n’était que le symptôme visible d’un état plus général — la perte de pouvoir.</p>
<p>Pour plusieurs Haïtiens, les pannes de courant ne témoignent pas seulement d’une crise politique, elles symbolisent aussi leur sentiment d’avoir perdu leur pouvoir politique. En ce sens, les pannes de courant ne sont pas uniquement dues à un gouvernement faible. Elles sont le symptôme d’une crise de souveraineté plus profonde, alors que le peuple haïtien continue de lutter, encore, pour la démocratie, l’autonomie et l’autodétermination.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/111452/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Greg Beckett a reçu des fonds du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. </span></em></p>L’électricité est une question politique tendue en Haïti. Seulement le quart de la population y a accès, et ceux qui l’ont en profitent rarement toute la journée, tous les jours.Greg Beckett, Assistant Professor of Anthropology, Western UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1095802019-01-12T08:07:39Z2019-01-12T08:07:39ZHaïti, entre aspirations et réalités des jeunes<p><em>Rafael Novella, de la Banque InterAméricaine de Développement, a co-écrit cet article.</em></p>
<hr>
<p>En Haïti, <a href="https://www.cairn.info/revue-autrepart-2014-3-page-135.htm">l'intégration des jeunes dans la société et sur le marché du travail</a> est un enjeu critique pour le maintien de l’ordre social. Dans ce pays qui reste <a href="https://www.populationdata.net/palmares/idh/">le plus pauvre du continent américain</a> et l’un des plus inégalitaires au monde, les activités sont paralysées depuis bientôt une semaine dans la capitale et les principales villes de province. Les manifestants réclament notamment le jugement des éventuels corrompus, un réel accès aux services sociaux, mais aussi du travail pour les jeunes : </p>
<blockquote>
<p><a href="http://www.rfi.fr/ameriques/20190211-haiti-on-va-rester-rue-tous-jeunes-ont-pas-travail">«On va rester dans la rue pour tous les jeunes qui n’ont pas de travail»</a>.</p>
</blockquote>
<p>Dans ce pays fragile caractérisé par une instabilité politique chronique, les moins de 21 ans représentent plus de la moitié de la population. Cette jeunesse est l’un des groupes les plus vulnérables et celui dont la situation s’est la plus dégradée suite au séisme. Dans ce contexte, la compréhension <a href="https://www.afd.fr/fr/aspirations-attentes-et-realites-de-la-jeunesse-dans-un-etat-fragile-le-cas-haitien">des aspirations, des attentes et des enjeux auxquels sont confrontés la jeunesse haïtienne</a> n’a jamais été aussi cruciale.</p>
<p>Alors que la <a href="https://www.fafo.no/index.php/zoo-publikasjoner/fafo-rapporter/item/enquete-sur-la-jeunesse-d-haiti-2009">dernière enquête spécifiquement dédiée à la jeunesse</a> datait d’avant le séisme de 2009, l’<a href="https://www.iadb.org/en/Millennials/home">enquête Millennials</a>, menée depuis plus de quatre ans sur 15 000 jeunes répartis dans huit pays d’Amérique latine (Brésil, Chili, Colombie, Salvador, Mexique, Paraguay, Pérou et Uruguay), a permis d’interroger en 2018 des habitants de la capitale Port-au-Prince âgés de 15 à 24 ans. Cette source précieuse d’informations aide à mieux comprendre qui sont les jeunes de la génération Y dans ce pays, et témoigne de réalités et d’aspirations qui vont à l’encontre de certaines idées reçues.</p>
<p>« Les jeunes aujourd’hui sont des tyrans. Ils contredisent leurs parents, dévorent leur nourriture et manquent de respect à leurs enseignants. » Cette phrase, <a href="https://www.bartleby.com/73/195.html">attribuée à tort à Socrate</a>, reflète une réalité pour le moins contemporaine : les membres d’une génération jugent souvent incompréhensible la manière d’agir de la génération suivante. Dans un monde hyperconnecté, dominé par les réseaux sociaux, toute cette incompréhension se manifeste dans la vitrine Internet. Il suffit de regarder les suggestions d’une recherche rapide sur Google pour en prendre conscience.</p>
<p>Que suggère le moteur de recherche Google lorsqu’on lui parle de Millennials dans le monde hispanophone ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253399/original/file-20190111-43525-mwqljg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253399/original/file-20190111-43525-mwqljg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253399/original/file-20190111-43525-mwqljg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253399/original/file-20190111-43525-mwqljg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253399/original/file-20190111-43525-mwqljg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253399/original/file-20190111-43525-mwqljg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253399/original/file-20190111-43525-mwqljg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p>Ou de génération Y dans le monde francophone ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253400/original/file-20190111-43538-w9ykt3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253400/original/file-20190111-43538-w9ykt3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253400/original/file-20190111-43538-w9ykt3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253400/original/file-20190111-43538-w9ykt3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253400/original/file-20190111-43538-w9ykt3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253400/original/file-20190111-43538-w9ykt3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253400/original/file-20190111-43538-w9ykt3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<h2>Idée reçue numéro 1 : Les Millennials sont paresseux</h2>
<p>En Haïti, les données collectées entre avril et mai 2018 auprès de 860 jeunes de 15 à 24 ans de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince montrent qu’en moyenne deux tiers étudient seulement, ou sont en formation ; 5 % se consacrent uniquement au travail ; 8 % mènent de front études et travail.</p>
<p>Les « NEETs » – acronyme anglais qui désignent ceux qui ne travaillent pas – n’étudient pas et ne sont pas en formation, représentent un cinquième d’entre eux. Pour autant, ces NEETs en Amérique latine comme en Haïti ne sont pas oisifs. Dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince, 64 % prennent soin des membres de leur famille (surtout les jeunes femmes), 38 % cherchent du travail et presque tous effectuent des travaux ménagers ou aident dans les entreprises familiales sans rémunération. <a href="https://www.iadb.org/en/Millennials/home">Seulement 2 % ne déclarent aucune activité !</a></p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253403/original/file-20190111-43517-iegjgh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253403/original/file-20190111-43517-iegjgh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253403/original/file-20190111-43517-iegjgh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253403/original/file-20190111-43517-iegjgh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253403/original/file-20190111-43517-iegjgh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253403/original/file-20190111-43517-iegjgh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253403/original/file-20190111-43517-iegjgh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><a href="https://www.afd.fr/fr/aspirations-attentes-et-realites-de-la-jeunesse-dans-un-etat-fragile-le-cas-haitien">L’étude révèle, par ailleurs, d’importantes disparités suivant le genre</a> : à 22 ans, la proportion de NEETS parmi les jeunes Haïtiennes est quatre fois plus élevée que celle des NEETS parmi les jeunes hommes (respectivement 44 % et 11 %). À l’inverse, la proportion de jeunes de l’échantillon se consacrant uniquement à leurs études est deux fois supérieure parmi les jeunes Haïtiens que parmi les jeunes Haïtiennes (respectivement 63 % et 34 %).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253404/original/file-20190111-43517-17yluy2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253404/original/file-20190111-43517-17yluy2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253404/original/file-20190111-43517-17yluy2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253404/original/file-20190111-43517-17yluy2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253404/original/file-20190111-43517-17yluy2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253404/original/file-20190111-43517-17yluy2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253404/original/file-20190111-43517-17yluy2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<h2>Idée reçue numéro 2 : cette nouvelle génération n’est pas prête pour le marché du travail</h2>
<p>Les compétences cognitives des jeunes de la région Amérique latine et Caraïbes (ALC) sont hétérogènes : environ 40 % des jeunes Haïtiens ne sont pas en mesure d’effectuer correctement des calculs mathématiques très simples, tels que diviser une quantité d’argent pour la distribuer équitablement à leurs amis.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253288/original/file-20190110-43514-qz17fi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253288/original/file-20190110-43514-qz17fi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253288/original/file-20190110-43514-qz17fi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253288/original/file-20190110-43514-qz17fi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253288/original/file-20190110-43514-qz17fi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253288/original/file-20190110-43514-qz17fi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253288/original/file-20190110-43514-qz17fi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Moins d’un jeune Haïtien (20-24 ans) sur dix fréquente le supérieur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Claire Zanuso/AFD</span></span>
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<p><a href="https://www.afd.fr/fr/aspirations-attentes-et-realites-de-la-jeunesse-dans-un-etat-fragile-le-cas-haitien">Autre aspect inquiétant</a>, les jeunes Haïtiens accusent un retard encore plus marqué en anglais et dans leur capacité à utiliser les nouvelles technologies – deux compétences très précieuses dans un monde et un marché du travail toujours plus numériques et mondialisés. Il est donc prioritaire pour les interventions de développement d’investir dans la réduction de cette fracture numérique – ce qui permettra, ensuite, de développer des formations plus techniques en e-learning pour un plus grand nombre de jeunes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253406/original/file-20190111-43517-f72k4w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253406/original/file-20190111-43517-f72k4w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253406/original/file-20190111-43517-f72k4w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253406/original/file-20190111-43517-f72k4w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253406/original/file-20190111-43517-f72k4w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253406/original/file-20190111-43517-f72k4w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253406/original/file-20190111-43517-f72k4w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p>Point positif, néanmoins, les Haïtiens présentent des compétences socio-émotionnelles importantes et comparables aux autres pays de la région :ils ont une bonne estime de soi, une grande auto-efficacité (ils savent s’organiser pour effectuer des tâches et atteindre leurs objectifs), ils sont persévérants et déterminés. Dans un marché du travail en mutation, où l’automatisation menace de faire disparaître des tâches et des métiers, les compétences socio-émotionnelles sont plus importantes que jamais.</p>
<h2>Idée reçue numéro 3 : Les jeunes d’aujourd’hui n’ont aucune ambition dans la vie</h2>
<p><a href="https://www.afd.fr/fr/aspirations-attentes-et-realites-de-la-jeunesse-dans-un-etat-fragile-le-cas-haitien">Sur la base des données Millennials</a>, les jeunes de la région ALC apparaissent au contraire optimistes, avec des ambitions élevées : alors que la couverture moyenne de l’éducation supérieure dans la région est aujourd’hui de 40 %, 85 % des jeunes enquêtés souhaitent atteindre ce niveau d’éducation.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253407/original/file-20190111-43525-ge9lo1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253407/original/file-20190111-43525-ge9lo1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=333&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253407/original/file-20190111-43525-ge9lo1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=333&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253407/original/file-20190111-43525-ge9lo1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=333&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253407/original/file-20190111-43525-ge9lo1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253407/original/file-20190111-43525-ge9lo1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253407/original/file-20190111-43525-ge9lo1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p>Les aspirations des Port-au-princiens sont encore plus élevées puisque 92 % des jeunes interrogés souhaitent atteindre les études supérieures, alors même que dans la réalité nationale moins d’un jeune Haïtien (20-24 ans) sur dix fréquente le supérieur.</p>
<p>L’étude qualitative qui a accompagné cette enquête souligne bien l’attachement de ces jeunes à l’éducation, synonyme pour eux d’un avenir meilleur.</p>
<blockquote>
<p>« En Haïti, plus votre niveau d’étude est bas, plus vous souffrez. »</p>
<p>« L’éducation est notre seul patrimoine, même après la mort de nos parents, même après notre mort, notre esprit restera meublé. »</p>
</blockquote>
<p>Voilà ce que déclaraient deux jeunes interrogés dans le cadre de cette enquête.</p>
<p>Néanmoins, les Haïtiens sont en moyenne beaucoup moins optimistes que leurs voisins d’Amérique latine quant à leurs chances de concrétiser leurs aspirations, qu’elles soient scolaires ou professionnelles.</p>
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<h2>En guise de conclusion :</h2>
<p>La nouveauté de cette étude réside dans le fait qu’elle va au-delà des variables traditionnellement recueillies dans les enquêtes auprès des ménages, en intégrant d’autres dimensions moins conventionnelles : l’information dont disposent les jeunes concernant le fonctionnement du marché du travail, leurs aspirations, leurs attentes et leurs capacités cognitives et socio-émotionnelles.</p>
<p>Le sort inique qui est réservé aujourd’hui à la jeunesse haïtienne doit être corrigé de manière urgente. Au-delà d’une question de justice sociale, c’est l’avenir du pays qui est en jeu. En effet, le sacrifice d’une génération montante risque d’entretenir un cercle vicieux intergénérationnel, gageant la croissance économique à long terme. </p>
<p>Dans le contexte actuel d’un marché du travail en profonde mutation, en Haïti comme ailleurs, mieux comprendre ces jeunes permet la promotion d’interventions plus adaptées aux défis auxquels ils sont confrontés pour développer leur potentiel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/109580/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claire Zanuso travaille à la division évaluation de l'Agence Française de Développement. L'activité de la division évaluation est supervisée par un Comité des Evaluations, présidé par une personnalité indépendante et rassemblant des représentants de l'Etat, des chercheurs et un représentant d'organisations de la société civile.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Maud Hazan travaille à la division évaluation de l'Agence Française de Développement, et a participé en tant qu'assistante de recherche externe à la rédaction du chapitre de l'étude Millennials consacré à Haïti.</span></em></p>Neuf ans après le séisme, la compréhension des aspirations, des attentes et des enjeux auxquels est confrontée la jeunesse haïtienne n’a jamais été aussi cruciale.Claire Zanuso, PhD, économiste du développement, chargée de recherche et d'évaluation / Development economist, research and evaluation officer, Agence française de développement (AFD)Maud Hazan, Économiste, spécialiste de l'évaluation de projets et de politiques publiques., Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1064592018-11-14T20:46:11Z2018-11-14T20:46:11ZAfrique francophone : à quoi servent tous ces hôpitaux ?<p>En 1978, la <a href="http://www.who.int/topics/primary_health_care/alma_ata_declaration/fr/">conférence d’Alma-Ata</a> rappelait les grandes priorités du siècle à venir pour les soins de santé primaires. Elle annonçait même :</p>
<blockquote>
<p>« L’humanité tout entière pourra accéder à un niveau acceptable de santé en l’an 2000 si l’on utilise de façon plus complète et plus efficace les ressources mondiales dont une part considérable est actuellement dépensée en armements et en conflits armés. »</p>
</blockquote>
<p>40 ans plus tard, ces objectifs ne sont toujours pas atteints. Or, parmi les éléments clés nécessitant d’être repensés pour que l’humanité « entière » accède à une santé « acceptable » il est important de porter aussi notre réflexion sur les soins de santé primaires et leur articulation avec l’ensemble du système de santé. Par exemple, il est urgent de s’interroger sur la place et le rôle des hôpitaux dans les pays à faibles et moyens revenus de l’espace francophone.</p>
<p>En effet, les hôpitaux rencontrent des contraintes extrêmes liées aux coûts élevés des soins pour les patients, à des services surchargés, à la faible rémunération et <a href="http://www.enqueteplus.com/content/mots-choisis-abdul-kane-la-vie-sur-un-fil-nouvelles-ed-lharmattan-2013">motivation des soignants</a> et aux infrastructures défaillantes qui engendrent le plus souvent des soins de faible qualité voire <a href="https://afro.who.int/health-topics/patient-safety">dangereux</a>.</p>
<p>Les citoyens dénoncent l’état de leurs hôpitaux publics qui ne remplissent pas leurs missions et qu’ils surnomment des <a href="http://observers.france24.com/fr/20160314-mort-atroce-femme-enceinte-provoque-scandale-douala">« mouroirs »</a>. Pourtant, les difficultés accrues que connaissent les hôpitaux demeurent peu visibles et rarement discutées dans les arènes internationales. Or, on assiste dans le même temps à la construction de nouveaux hôpitaux, financés et équipés par les partenaires internationaux, qui renforcent une tendance à l’hospitalo-centrisme des systèmes de santé qui mériterait d’être mieux connue et surtout, mieux débattue.</p>
<h2>Les hôpitaux, point aveugle des systèmes de santé ?</h2>
<p>Depuis leur construction pendant la <a href="http://www.biusante.parisdescartes.fr/sfhm/hsm/HSMx2006x040x004/HSMx2006x040x004x0381.pdf">période coloniale</a> jusqu’au moment où ils ont été repris par les États indépendants, les hôpitaux ont été considérés comme des postes avancés du développement de la nation grâce à la médecine moderne.</p>
<p>Ils ont commencé à absorber une grande part des budgets du secteur de la santé jusqu’à aujourd’hui tout en étant un secteur d’emplois important. Par exemple, en 2011, les frais de fonctionnement du Centre hospitalo-universitaire de Brazzaville étaient équivalents à l’ensemble des <a href="https://www.cairn.info/revue-afrique-contemporaine-2012-3-page-95.htm">dépenses du Congo</a> dans le domaine des soins de santé primaires.</p>
<p>Dans le sillon des mouvements de décolonisation, un vent de critique a <a href="https://academic.oup.com/shm/article/22/2/341/1657541">dénoncé la concentration des ressources</a> à leur égard ainsi qu’une vision élitiste et urbaine de l’organisation des soins. C’est la position défendue par les États à la conférence de Alma Ata en 1978 envisageant la santé comme un produit du développement économique et social devant être prise en charge au plus proche des personnes, dans les villages et les communautés, soutenus par un système de référence efficace vers l’hôpital de district le plus proche pour les soins spécialisés.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/245548/original/file-20181114-194500-1wes28w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/245548/original/file-20181114-194500-1wes28w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/245548/original/file-20181114-194500-1wes28w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/245548/original/file-20181114-194500-1wes28w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/245548/original/file-20181114-194500-1wes28w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/245548/original/file-20181114-194500-1wes28w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/245548/original/file-20181114-194500-1wes28w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Vue de l’hôpital Laquintinie de Douala, devant lequel une femme enceinte à trouvé la mort en 2016, faute de prise en charge.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Vue_de_L%27hopital_Laquintinie_de_Douala.JPG">Theodorento1/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Malgré quelques tentatives pour limiter la construction des hôpitaux et appliquer une <a href="https://deepblue.lib.umich.edu/bitstream/handle/2027.42/23446/0000396.pdf?sequence=1">politique robuste de soins de santé primaires</a> – comme en Tanzanie pendant la période socialiste du président Nyerere – très peu de pays à faibles et moyens revenus du monde francophone sont parvenus à consolider les niveaux primaires et à désengorger les hôpitaux des grands centres urbains. L’efficacité des hôpitaux a été, dès lors, compromise en raison de l’échec du système de référence et des politiques successives comme celle du <a href="https://siteresourcesqa.worldbank.org/HEALTHNUTRITIONANDPOPULATION/Resources/281627-1095698140167/BamakoInitiativeReview.pdf">recouvrement des coûts</a> (paiement direct des soins conseillé par l’OMS et l’UNICEF à partir de 1987) qui ont engendré encore plus de dysfonctionnements et d’inaccessibilité.</p>
<p>L’OMS a tenté de défendre l’importance de consolider les <a href="https://www.health4africa.net/2014/05/defis-perspectives-hopital-district-afrique-sub-saharienne-eric-roodenbeke/">hôpitaux de districts</a>, en appui aux soins de santé primaires. Dans le même temps, sous l’influence de la Banque mondiale dans les années 1990, certains pays comme le <a href="https://www.cairn.info/revue-sante-publique-2009-1-page-77.htm">Sénégal</a> et le Mali ont octroyé un statut d’<a href="http://www.pathexo.fr/documents/articles-bull/T92-5-2048.pdf">autonomie aux hôpitaux</a>. D’autres pays ont été attirés par les sirènes de la privatisation ou bien se sont lancés dans des partenariats publics-privés qui ont, comme le montre le cas du <a href="https://www.theguardian.com/world/2014/apr/07/lesotho-health-budget-private-consortium-hospital">Lesotho</a>, grevé encore plus les budgets nationaux de santé.</p>
<p>Aujourd’hui, les hôpitaux publics continuent d’absorber une grande part des ressources nationales allouées à la santé. Au <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/11238434">Burkina Faso</a> par exemple, les hôpitaux comptaient pour 31 % du budget du ministère de la Santé en 1998 et <a href="http://www.cns.bf/IMG/pdf/rapport_cns_2010.pdf">46 % en 2010</a>.</p>
<h2>Toujours plus d’hôpitaux…</h2>
<p>Sur le continent africain – et cette tendance est transférable à d’autres continents – les hôpitaux ne cessent d’augmenter en nombre et en taille. Certes, les hôpitaux sont un échelon incontournable du système de santé. Il en faudrait d’ailleurs plus car ils demeurent trop éloignés et les soins d’urgence sont toujours aussi <a href="https://www.thelancet.com/journals/langlo/article/PIIS2214-109X(17)30488-6/fulltext">peu accessibles</a>.</p>
<p>Pour autant, il n’est pas avéré que la construction d’un nouvel hôpital entraîne automatiquement une meilleure accessibilité des soins et des <a href="https://journal.cpha.ca/index.php/cjph/article/viewFile/757/757">indicateurs de santé plus performants</a>. La construction d’un hôpital n’est pas toujours le résultat d’une évaluation précise des besoins, ni associée à une stratégie de financement durable. C’est encore trop souvent une action politique visible, un projet attractif tant pour les responsables politiques locaux que pour les partenaires internationaux. La construction d’un hôpital est fréquemment formulée comme une promesse électorale et réitérée dans les différentes stratégies ou plans d’<a href="https://theconversation.com/ce-qui-emerge-dans-lemergence-de-lafrique-99165">émergence</a>, par exemple au Sénégal ou en Côte d’Ivoire.</p>
<p>C’est également une forme de coopération privilégiée pour les bailleurs internationaux et les partenaires bilatéraux en particulier les puissances comme la Chine. En 2006 le président Hu Jingtao avait annoncé la <a href="http://www1.rfi.fr/actufr/articles/083/article_47272.asp">volonté de la Chine de construire 30 hôpitaux en Afrique</a>. Durant le sommet Afrique-Chine (FOCAC) en 2015, le président Xi Jingping <a href="http://tg.chineseembassy.org/fra/sbgx/t1322868.htm">a confirmé cette promesse</a> en la portant à <a href="https://www.agenceecofin.com/aide-au-developpement/1410-33094-la-chine-promet-de-construire-100-hopitaux-et-cliniques-en-afrique">plus de 100 hôpitaux</a>.</p>
<p>Présenté comme un scénario « gagnant-gagnant » de la coopération, la construction de ces nouveaux hôpitaux soulève une série de questions sur leur insertion et leur efficience au sein des systèmes de santé existants et leur financement sur le long terme. À Niamey, l’<a href="https://www.temoignages.re/international/monde/niger-le-plus-grand-hopital-finance-par-la-chine-a-l-etranger,87132">hôpital général de référence</a> entièrement financé et construit par la Chine (coût de 68 millions d’euros) a été inauguré en août 2016. Cette immense infrastructure suscite des espoirs pour la prise en charge de soins très spécialisés et pour éviter à l’État de payer les factures de coûteuses <a href="http://www.finances.gouv.ne/index.php/une/474-nouvelle-reglementation-sur-les-evacuations-sanitaires-au-niger">évacuations sanitaires à l’étranger</a>. Pour autant son insertion efficiente dans le système de santé et son implantation dans la ville, à sa périphérie, interpellent les citoyens et les responsables politiques.</p>
<h2>Quelle pérennité au plan environnemental ?</h2>
<p>L’un des aspects encore très peu envisagés est celui de la pérennité et de l’impact environnemental de ces hôpitaux. Tout hôpital fonctionne grâce aux ressources humaines et aux matériels médicaux. Mais c’est aussi une infrastructure qui doit être maintenue et équipée sur le long terme, approvisionnée en eau, en électricité et disposant d’un système de gestion des déchets médicaux pour assurer l’hygiène hospitalière et des conditions d’accueil dignes pour les soignants, les patients et leurs familles. En Haïti, un pays où la santé communautaire a été soutenue depuis longtemps par exemple par les ONG Zamni Lasante et Partners in Health, deux hôpitaux ultra-modernes ont récemment été construits après le tremblement de terre de 2010 : si l’hôpital universitaire Mirebalais innove en pariant sur l’<a href="http://politiquedesante.fr/mirebalais-hopital-a-energie-solaire/">énergie solaire</a>, il reste totalement dépendant des financements extérieurs, tout comme l’hôpital des Gonaïves financé à grands frais par la coopération canadienne et décrié comme un <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1044063/hopital-la-providence-elephant-blanc-canada-haiti-gonaives">« éléphant blanc »</a> dans un rapport publié en 2017, en raison de son coût, son inaccessibilité et les pratiques de corruption qui ont vite terni son image.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/245537/original/file-20181114-194494-1s72chi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/245537/original/file-20181114-194494-1s72chi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/245537/original/file-20181114-194494-1s72chi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/245537/original/file-20181114-194494-1s72chi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/245537/original/file-20181114-194494-1s72chi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/245537/original/file-20181114-194494-1s72chi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/245537/original/file-20181114-194494-1s72chi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’hôpital universitaire de Mirebalais (Haiti) fonctionne à l’énergie solaire… mais reste complètement dépendant des financements extérieurs.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/hispaniolaeu/13605399665/in/set-72157643364494513">Hispaniola News/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Les hôpitaux demeurent fondamentaux pour les systèmes de santé, pour assurer aussi bien les soins d’urgence que les soins (sur)spécialisés et pour garantir la formation des médecins. Toutefois, la multiplication des structures hospitalières sans réel plan de financement, concentrées dans les grands centres urbains, court le risque de bénéficier avant tout aux élites économiques et politiques. Cette option peut s’avérer au détriment d’un solide maillage en faveur des soins de santé primaires – la vision défendue à Alma Ata en 1978 – au sein duquel les hôpitaux, notamment en milieu rural (de districts), devaient venir en appui aux niveaux primaires.</p>
<p>Un effort s’impose donc pour mieux comprendre les dysfonctionnements et pour trouver des solutions pertinentes et pérennes permettant de mieux intégrer les hôpitaux dans les systèmes de santé des pays à faibles et moyens revenus de l’espace francophone afin absolument d’éviter le risque qu’ils se transforment encore en « éléphants blancs ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106459/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fanny Chabrol receives funding from Agence Nationale de la Recherche</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Lucien Albert a effectué des consultation pour l’OMS, des agences bilatérales ainsi que la Banque mondiale sur ce sujet.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Valery Ridde a reçu des financements de recherche de divers organismes de recherche et de développement pour réaliser des études sur les politiques d'exemption du paiement des soins et des interventions de financements basés sur les résultats en Afrique. Il a été consultant pour des ONG et des organisations internationales sur ces mêmes sujets.</span></em></p>Les difficultés accrues que connaissent les hôpitaux demeurent peu visibles et rarement discutées dans les arènes internationales. Ne devrait-on pas revoir le rôle et la place de ces infrastructures ?Fanny Chabrol, Chargée de recherche, sociologue, Institut de recherche pour le développement (IRD)Lucien Albert, Chargé de cours, École de santé publique, Université de MontréalValery Ridde, Directeur de recherche, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1038592018-09-30T18:41:47Z2018-09-30T18:41:47ZLes indicateurs de richesse, insuffisants pour comprendre les inégalités<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/238173/original/file-20180926-48634-d8hjlj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C10%2C988%2C652&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) met à disposition des indicateurs qui permettent de mieux saisir les différentes situations entre les pays. </span> <span class="attribution"><span class="source">Prazis Images/ Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>En matière d’inégalités entre les pays, on présente généralement des moyennes de revenu par habitant. Mais cette méthode a ses limites. Par exemple, ces comparaisons « horizontales » peuvent cacher de grands écarts internes. Dans un pays très riche comme le Qatar, il y a quand même des gens pauvres. Dans un pays très pauvre comme le Mali, il y a quand même des familles qui prospèrent.</p>
<p>Certes, ces moyennes révèlent des écarts externes très significatifs entre les pays. Un Norvégien touche ainsi un revenu annuel moyen quarante fois supérieur à celui d’un Haïtien. Mais il nous semble important, pour obtenir une photographie plus complète, de mobiliser d’autres indicateurs.</p>
<h2>Quatre indicateurs pour mieux comprendre les inégalités</h2>
<p>Le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) nous permet justement de disposer de plusieurs indicateurs complémentaires :</p>
<ul>
<li><p>RNB/h : Le revenu annuel par habitant pour l’économie ;</p></li>
<li><p>IDH : l’indicateur de développement humain pour l’enseignement et la santé ;</p></li>
<li><p>Satisfaction : un indice global de satisfaction pour le bonheur perçu ;</p></li>
<li><p>Démocratie : un indicateur de démocratie pour la politique.</p></li>
</ul>
<p>Avec ces quatre indicateurs, on sait ainsi qu’il y a des pays où l’on est pauvre mais heureux. Ou encore que, dans d’autres, on est bien soigné mais on vit sous une dictature ; etc.</p>
<p>Pour montrer tout l’éventail des situations, le <a href="http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=60029">sociologue Gabriel Langouët et le professeur Dominique Groux, spécialiste des questions d’éducation</a>, viennent d’extraire un échantillon de 20 pays, aux situations particulièrement contrastées, pour les classer des cas où tout va mal vers ceux où tout semble aller pour le mieux.</p>
<p>Nous proposons ici de réduire encore leur liste à cinq pays à la population comparable, plus la France pour nous situer. Déjà, des contrastes saisissants apparaissent.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/238133/original/file-20180926-48653-16foloc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/238133/original/file-20180926-48653-16foloc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/238133/original/file-20180926-48653-16foloc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/238133/original/file-20180926-48653-16foloc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/238133/original/file-20180926-48653-16foloc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/238133/original/file-20180926-48653-16foloc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/238133/original/file-20180926-48653-16foloc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<ul>
<li><p>On lit en direct l’écart des revenus par habitant en dollars : Un Haïtien est en moyenne dix fois plus pauvre qu’un Mauricien, qui est lui-même un peu au-dessus de la moyenne mondiale, mais qui reste deux fois plus pauvre qu’un Français.</p></li>
<li><p>On lit tout aussi directement l’écart des indices de développement humain : en matière de soins et d’éducation, un Haïtien est loin derrière un Mauricien qui, lui, dépasse la moyenne mondiale. On retrouve en fait la même hiérarchie que pour le revenu par habitant.</p></li>
<li><p>L’indice de satisfaction global semble cohérent avec les deux indicateurs précédents : on est peu satisfait d’être pauvre et mal soigné ou éduqué. On est plus heureux dans un pays riche à fort développement humain. Bref, la qualité de vie apparaît comme meilleure en Norvège qu’en Haïti. On remarquera au passage que La Havane ne publie pas de données sur le « bonheur » d’être cubain.</p></li>
<li><p>Mais l’indicateur de démocratie révèle, lui, qu’un pays riche n’est pas nécessairement une démocratie, ou inversement, comme l’illustre le cas de l’île Maurice. Il indique aussi que, s’il y a effectivement une spirale de la misère, du manque d’éducation et de l’instabilité politique en Haïti, un pays non démocratique comme Cuba peut assurer des soins corrects et une éducation convenable.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/238169/original/file-20180926-48653-1c2xkgg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/238169/original/file-20180926-48653-1c2xkgg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/238169/original/file-20180926-48653-1c2xkgg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/238169/original/file-20180926-48653-1c2xkgg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/238169/original/file-20180926-48653-1c2xkgg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/238169/original/file-20180926-48653-1c2xkgg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/238169/original/file-20180926-48653-1c2xkgg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le revenu annuel moyen par habitant en Norvège est 40 fois supérieur à celui enregistré en Haïti.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fivepointsix/Shutterstock</span></span>
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</figure>
<h2>Des écarts importants entre pays similaires</h2>
<p>Bien sûr, le « petit » pays qu’est la Norvège bénéficie d’une manne pétrolière qui l’aide à prospérer. Encore lui faut-il s’organiser pour atteindre des scores aussi exemplaires que ceux mesurés sur les quatre critères. Pour ce qui est des autres pays, il est troublant de constater de tels les écarts alors qu’ils comptent des atouts et des handicaps similaires, ainsi que des histoires ayant parfois des traits analogues :</p>
<ul>
<li><p>Maurice fait figure ici du bon élève qui se développe dans tous les domaines : économiques, sociaux, psychologiques et politiques. Bref, sur les quatre indices retenus.</p></li>
<li><p>Cuba y parvient dans le domaine socio-économique mais par une voie autoritaire qui ne laisse même pas à une éventuelle satisfaction le droit de s’exprimer.</p></li>
<li><p>Enfin, le cas d’Haïti reste dramatiquement celui du cumul de tous les échecs. Les obstacles au développement de l’esprit d’entreprise en Haïti restent aujourd’hui très nombreux : politiques, éducatifs, voire religieux. Je vous invite à ce sujet à lire la <a href="https://journals.openedition.org/edso/4805">préface du livre</a> de Langouët et Groux, judicieusement rédigée par Obrillant Damus, brillant jeune professeur d’université de Port-au-Prince.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/238167/original/file-20180926-48653-hfk4mo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/238167/original/file-20180926-48653-hfk4mo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/238167/original/file-20180926-48653-hfk4mo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/238167/original/file-20180926-48653-hfk4mo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/238167/original/file-20180926-48653-hfk4mo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/238167/original/file-20180926-48653-hfk4mo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/238167/original/file-20180926-48653-hfk4mo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Haïti semble pris dans une spirale de la misère et de l’instabilité politique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Michelle D. Milliman/Shutterstock</span></span>
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</figure>
<h2>Trois réflexions pour ouvrir le débat</h2>
<p>D’abord, nous vivons dans un monde où les 20 % les plus riches (1,4 milliard de personnes) possèdent 95 % des richesses. Nous venons de mesurer que les contrastes entre pays sont impressionnants, avec un revenu annuel moyen qui va de 1 à 40 entre un Haïtien et un Norvégien. Il y a plus encore entre un Malien et un Qatari. Il va de soi que cette répartition paraît injuste. Langouët et Groux ont eu raison de titrer : « Réveillons-nous ». À condition de ne pas présenter Cuba comme une voie désirable de développement…</p>
<p>Pour autant, on ne peut pas dire que « c’était mieux avant ». Sur des moyennes mondiales, l’humanité a progressé depuis un siècle : espérance de vie, prospérité, éducation, santé, démocratie, qualité de vie… tout cela s’est amélioré pour le plus grand nombre de personnes, dans le plus grand nombre de pays. Il faut regarder la démonstration du conférencier suédois Johan Norberg <a href="https://www.contrepoints.org/2017/08/01/295781-non-netait-mieux-de-johan-norberg">« Non, ce n’était pas mieux avant »</a>, pour s’en convaincre.</p>
<p>Enfin, il ne suffit plus de comparer des pays pour mesurer des inégalités de richesse. Peut-être faut-il se tourner aussi vers de grandes entreprises, prospères et influentes, qui deviennent des lieux de pouvoir et de stratégie plus lourds que certains pays. On pense bien sûr aux GAFA : Google, Apple, Facebook, Amazon. Dans son livre <a href="http://www.thefourbook.com">« The Four »</a>, Scott Galloway, professeur à l’Université de New York, montre bien qu’avec un nombre de salariés équivalent à la taille d’une métropole française, les GAFA cumulent à eux quatre une capitalisation qui dépasse le PIB de la France (2 700 milliards de dollars en 2017). Finalement, il y a des entités plus riches que des pays et qui ont du poids pour faire valoir leurs stratégies de développement. Un élément à ajouter aux comparaisons entre pays.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103859/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Michel Morin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au-delà du revenu, les indicateurs relatifs au niveau d’éducation ou encore au bien-être permettent des comparaisons plus précises entre les pays.Jean-Michel Morin, Maître de conférences en sociologie, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.