tag:theconversation.com,2011:/uk/topics/qanon-94195/articlesQAnon – The Conversation2023-11-21T16:23:48Ztag:theconversation.com,2011:article/2182132023-11-21T16:23:48Z2023-11-21T16:23:48ZL’assassinat de John Kennedy : 60 ans de théories du complot<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/560509/original/file-20231120-27-f6ckm.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1022%2C768&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dallas, le 22 novembre 1963. </span> <span class="attribution"><span class="source">Walt Cisco, Dallas Morning News/Wikipedia</span></span></figcaption></figure><p><em>Ce fut l’une des dates les plus marquantes du XX<sup>e</sup> siècle : le 22 novembre 1963, il y a exactement soixante ans aujourd’hui, John Fitzgerald Kennedy était assassiné à Dallas. Deux jours plus tard, son assassin supposé Lee Harvey Oswald, 24 ans, était abattu à son tour par un patron de boîte de nuit, Jack Ruby, dont les motivations restent à ce jour peu claires.</em></p>
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<p><em>Aujourd’hui encore, cet épisode historique donne lieu à d’innombrables interrogations que les enquêtes successives diligentées par les autorités américaines, en <a href="https://www.archives.gov/research/jfk/warren-commission-report">1963-1964</a> puis en <a href="https://www.intelligence.senate.gov/sites/default/files/94755_V.pdf">1976-1979</a> n’ont pas totalement levées. David Colon, professeur agrégé d’histoire et enseignant à Sciences Po, spécialiste des théories du complot, auteur notamment en 2021 de <a href="https://www.tallandier.com/livre/les-maitres-de-la-manipulation/">« Les Maîtres de la manipulation. Un siècle de persuasion de masse »</a>, répond ici à nos questions sur la diffusion et l’impact des théories complotistes liées à l’assassinat de JFK – des théories, souligne-t-il, largement propagées par les services secrets soviétiques</em>. </p>
<p><strong>Quand les premières théories complotistes sur l’assassinat de JFK apparaissent-elles ?</strong></p>
<p>Pratiquement dès le 22 novembre 1963. Le KGB lance le 26 novembre 1963 <a href="https://www.encounterbooks.com/books/operation-dragon/">l’opération Dragon</a>, qui vise d’abord à détourner de l’URSS les soupçons américains – des soupçons d’autant plus forts qu’Oswald <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1963/11/25/lee-harvey-oswald-avait-vecu-trois-ans-en-u-r-s-s_2220401_1819218.html">avait vécu en URSS</a> et était un sympathisant communiste.</p>
<p>L’opération, qui implique des investissements importants de la part du KGB, vise ensuite à éroder la confiance des citoyens américains dans leurs institutions en attribuant la mort de leur président à la CIA.</p>
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<p>En 1964, cette thèse est <a href="https://www.washingtonpost.com/archive/opinions/2003/11/22/how-moscow-undermined-the-warren-commission/4e30c89b-40c4-4f31-8a0d-32d3a76c8af9/">diffusée par le rédacteur stalinien d’un journal britannique contrôlé par le KGB, <em>Labour Monthly</em></a>, puis par un éditeur new-yorkais secrètement financé par le KGB, <a href="https://spartacus-educational.com/JFKmarzani.htm">Carl Aldo Marzani</a>, qui publie le premier livre popularisant la thèse du complot de la CIA : <a href="https://www.cia.gov/readingroom/docs/CIA-RDP80B01676R000600120027-6.pdf"><em>Oswald : Assassin or Fall Guy?</em></a>.</p>
<p>Le journaliste américain Victor Perlo, également rétribué par le KGB, rédige une <a href="https://kenrahn.com/JFK/History/WC_Period/New_Times/1964-38_Assassin_or_fall_guy.html">critique élogieuse de cet ouvrage</a>, qui paraît en septembre 1964 dans le <em>New Times</em>, une façade du KGB imprimée secrètement en Roumanie.</p>
<p>Aujourd’hui, il est beaucoup question de <a href="https://www.reuters.com/world/europe/french-foreign-minister-prevented-attack-website-likely-carried-out-by-russian-2023-06-13/">« typosquatting »</a>, avec <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2023/06/14/doppelganger-autopsie-d-une-operation-de-desinformation_6177621_4408996.html">Doppelgänger</a>, une opération du renseignement russe qui consiste à imiter des médias occidentaux et à installer ces faux sites sur des adresses URL qui ressemblent aux vraies. C’est une pratique très ancienne, puisque le KGB faisait déjà la même chose, avec les moyens de l’époque, il y a 60 ans.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/operation-doppelganger-quand-la-desinformation-russe-vise-la-france-et-dautres-pays-europeens-208071">Opération Doppelgänger : quand la désinformation russe vise la France et d’autres pays européens</a>
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<p><strong>La désinformation soviétique à destination des pays étrangers liée à l’assassinat de Kennedy s’inscrivait-elle dans une tradition établie ?</strong></p>
<p>Oui. Avant le KGB, il y a eu le NKVD, avant lui la Guépéou, avant encore la Tchéka, et du temps du tsarisme l’Okhrana ; tous ces services avaient eu recours à des méthodes de ce type. Les services du tsar avaient notamment forgé, on s’en souvient, l’un des faux les plus célèbres de l’histoire, <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2021/08/15/les-protocoles-des-sages-de-sion-fake-news-antisemite-a-succes-des-annees-1920_6091475_4355770.html"><em>Les Protocoles des Sages de Sion</em></a>, afin d’offrir une justification aux pogroms anti-juifs. Ce texte a d’ailleurs été, quelques décennies plus tard, <a href="https://www.tabletmag.com/sections/news/articles/timmerman-disinformation">traduit en arabe par le KGB</a> et diffusé dans les pays arabes dans le cadre de la politique soviétique de la guerre froide. Ce qui est nouveau, avec l’opération Dragon, c’est sa durée et son efficacité.</p>
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<p>Sa durée parce que, à ma connaissance, cette opération est toujours active : ceux qui dirigent aujourd’hui la Russie relancent très régulièrement les supputations. Vladimir Poutine en personne, intervenant en 2017 à la télévision américaine, sur NBC, a <a href="https://tass.com/politics/949795">explicitement mentionné</a> la théorie selon laquelle ce seraient les Américains eux-mêmes qui auraient assassiné leur président. On lui demandait s’il avait interféré dans l’élection présidentielle américaine de 2016, qui s’était soldée par l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche : il a réagi en ressortant cette théorie sur Kennedy, affirmant que puisque les Américains ont pu tuer leur président en 1963, ils auraient aussi bien pu, plus de cinquante ans plus tard, monter de toutes pièces des accusations infondées visant la Russie. </p>
<p>Quant à son efficacité, elle se mesure à la proportion d’Américains qui adhèrent à cette théorie. En 1963, 52 % des Américains croyaient qu’il avait été victime d’un complot. En 1976, ce chiffre était passé à 81 %. C’est justement en 1976 que le KGB a relancé son opération visant à diffuser l’idée qu’il y aurait aux États-Unis un « deep state » – une sorte de structure parallèle prenant les vraies décisions.</p>
<p>Cette idée de « deep state » avait commencé à être diffusée dès 1957, par les services est-allemands, qui avaient publié dans le <em>Neues Deutschland</em>, le journal officiel de la RDA, une <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1957/02/16/le-journal-communiste-neues-deutschland-publie-une-lettre-que-m-rockefeller-aurait-envoyee-a-m-eisenhower-sur-l-aide-economique_2327430_1819218.html">lettre secrète</a> qui aurait prétendument été adressée au président des États-Unis, Dwight Eisenhower, par le président de la Standard Oil Nelson Rockefeller. Il ressortait de cette fausse lettre que la Maison Blanche était l’instrument de puissants instruments capitalistes, et qu’elle leur donnait la priorité au détriment des intérêts du pays.</p>
<p><strong>À la fin des années 1970, une enquête parlementaire américaine a conclu que la commission Warren, qui en 1963 avait décrété qu’Oswald avait été l’unique tireur et avait agi de son propre chef, était allée trop vite en besogne, et que la possibilité d’un complot n’était pas à exclure… sans aller jusqu’à incriminer la CIA.</strong></p>
<p>Effectivement. Mais le narratif soviétique, d’après lequel la CIA a assassiné Kennedy, n’en a pas moins largement imprégné les esprits. Qu’on en juge par le <a href="https://www.bfmtv.com/people/cinema/on-connait-deja-la-verite-c-etait-un-complot-oliver-stone-revient-sur-l-assassinat-de-jfk_AN-202107220200.html">film « JFK », d’Oliver Stone</a>, sorti en 1991. Il reprend totalement les théories diffusées par le KGB dans le cadre de l’opération Dragon, d’après lesquelles le président aurait été la victime d’un vaste complot impliquant le complexe militaro-industriel commandité par nul autre que son vice-président Lyndon Johnson, qui lui a succédé à la Maison Blanche.</p>
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<p>Pour autant, cela ne signifie évidemment pas que Stone et les journalistes et autres écrivains colportant ces thèses aient été stipendiés par le KGB ! La bonne désinformation, comme le disait Andropov lui-même, est celle qui trouve dans les sociétés ciblées des relais de bonne foi qui vont l’amplifier. </p>
<p>Le KGB n’a pas créé la théorie du complot, mais il l’a largement amplifiée, si bien qu’elle s’est auto-propagée au point de devenir une sorte de lieu commun aux États-Unis. Et une fois que vous avez convaincu une large partie des Américains que leur président a été tué par leurs propres services de sécurité, vous avez affaibli leur confiance dans leur système, dans leurs institutions, dans la démocratie elle-même. C’est cela, l’objectif. Ce travail de sape, qui avait commencé bien avant 1963, a été démultiplié avec l’assassinat de Kennedy, et s’est poursuivi par la suite, y compris avec la chute de l’URSS, comme on l’a vu avec toutes ces théories sur le 11 Septembre, les Illuminati, le groupe de Bilderberg, le Covid depuis peu, et ainsi de suite.</p>
<p><strong>Des théories dont le mouvement Qanon est un relais actif…</strong></p>
<p>Tout à fait. Ce mouvement est d’ailleurs en partie opéré depuis la Russie. Le fameux <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2022/03/18/comment-nous-avons-trouve-qui-etait-derriere-qanon/">« Q »</a> publie sur le forum 8Kun, qui est <a href="https://www.forbes.fr/technologie/qanon-le-forum-8kun-est-de-nouveau-en-ligne-avec-laide-de-hackers-russes/">hébergé sur un serveur à Vladivostok</a>. Et ses théories sont <a href="https://edition.cnn.com/2022/03/09/media/biolab-ukraine-russia-qanon-false-conspiracy-theory/index.html">volontiers répétées par les propagandistes russes</a>, et inversement. Ce mouvement reprend tous les thèmes complotistes qui étaient jusqu’ici diffusés par la Russie.</p>
<p>Le <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/rassemblement-de-complotistes-qanon-a-dallas-ne-pas-regarder-ce-genre-d-evenement-avec-serieux-serait-prendre-un-risque_4832939.html">rassemblement Qanon à Dallas en 2021 pour accueillir John Kennedy Jr</a>,. supposé réapparaître ce jour-là 22 ans après sa mort et apporter son soutien à Donald Trump, est lié aux théories relatives à l’assassinat de JFK lui-même : son fils, sachant que son père avait été assassiné par « le système » et qu’il était lui-même ciblé, aurait fait croire à son propre décès puis se serait caché pendant plus de deux décennies… </p>
<p>Encore une fois, il y a à la base de cette histoire la croyance profondément ancrée chez de nombreux Américains que Kennedy a été tué suite à un complot ; à partir de là, toutes sortes de théories nouvelles, aussi insensées soient-elles, peuvent naître.</p>
<p>Aujourd’hui, un <a href="https://www.ipsos.com/en-us/news-polls/npr-misinformation-123020">Américain sur trois</a> dit croire que son gouvernement est contrôlé en secret par un « deep state ». La propagation de ce type de croyances s’explique bien sûr en bonne partie par <a href="https://theconversation.com/regarde-jai-vu-ca-sur-facebook-quand-nos-bavardages-nourrissent-les-fake-news-123426">l’essor des réseaux sociaux</a> ; mais à l’origine, il y a cette défiance envers tout ce qui est « mainstream » qui a été démultipliée depuis 1963.</p>
<p><strong>On constate en effet sur les réseaux sociaux que les croyances complotistes sont souvent associées : les personnes qui épousent le discours russe sur la question de l’Ukraine ont également plus tendance que les autres à se montrer sceptiques sur l’origine humaine du changement climatique ou sur la vaccination, par exemple…</strong> </p>
<p>Évidemment. En la matière, il convient de distinguer la propagande authentique de la propagande inauthentique. Cette dernière est celle qui est mise en œuvre par des <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/visite-guidee-dune-ferme-a-trolls-russe-142088">fermes de trolls et de bots</a> contrôlées <a href="https://openfacto.fr/2022/01/18/rapport-la-galaxie-des-sites-russophones-du-gru/">par le GRU</a>. La propagande authentique, elle, est diffusée par des gens de chair et de sang assis devant leur ordinateur qui adhèrent à ces théories complotistes. Et celles-ci, effectivement, s’alimentent mutuellement.</p>
<p>Une fois que vous avez réussi à convaincre quelqu’un que Kennedy a été assassiné à l’issue d’un complot impliquant la CIA, le FBI et ainsi de suite, que Ben Laden n’est pas à l’origine du 11 Septembre ou, plus encore, que la Terre est plate, alors vous pouvez lui faire croire n’importe quoi. L’objectif essentiel des services de renseignement russes, mais aussi chinois, est de saper le cadre même sur lequel se construit la vérité, ce que Michel Foucault appelait « le régime de vérité ». Si vous parvenez à détruire cela, à rendre suspects les gens dont le métier est de distinguer le vrai du faux, alors vous encouragez un scepticisme généralisé, et vous instaurez ce que l’on appelle depuis maintenant un certain nombre d’années <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-journal-de-la-philo/l-ere-de-la-post-verite-3741908">« l’ère post-vérité »</a>.</p>
<p>Cette ère post-vérité n’est pas, en soi, le produit des ingérences informationnelles russes ou aujourd’hui chinoises. Il n’en reste pas moins qu’elle est le principal véhicule par lequel les États autoritaires fragilisent l’espace du débat dans les régimes démocratiques. À rebours de la formule de l’ancien ambassadeur américain à l’ONU <a href="https://www.vanityfair.com/news/2010/11/moynihan-letters-201011">Daniel Patrick Moynihan</a>, on pourrait dire aujourd’hui que chacun a droit non seulement à ses propres opinions, mais aussi à ses propres faits. </p>
<p><strong>Tout cela pourrait contribuer au retour de Donald Trump à la Maison Blanche en 2024…</strong></p>
<p>Oui, mais il n’est pas le seul à bénéficier de cette tendance – il suffit de regarder le <a href="https://www.la-croix.com/debat/Argentine-Javier-Milei-droite-radicale-populiste-autoritaire-2023-11-20-1201291540">résultat de la présidentielle qui vient de se tenir en Argentine</a>. En ce moment, j’aime citer ce passage de <a href="http://classiques.uqac.ca/classiques/bloch_marc/etrange_defaite/etrange_defaite.html"><em>L’Étrange défaite</em></a> de Marc Bloch consacré à la désinformation déployée dans la presse française de l’entre-deux-guerres à la fois par les fascistes et par les communistes :</p>
<blockquote>
<p>« Ce peuple français auquel on remettait ainsi ses propres destinées et qui n’était pas, je crois, incapable, en lui-même, de choisir les voies droites, qu’avons-nous fait pour lui fournir ce minimum de renseignements nets et sûrs, sans lesquels aucune conduite rationnelle n’est possible ? Rien en vérité. »</p>
</blockquote>
<p>La question aujourd’hui est de savoir comment donner à nos concitoyens les informations sûres qui leur permettront de faire des choix rationnels pour ne pas être l’objet d’opérations de désinformation de la part d’États hostiles. Nous avons besoin de rétablir un espace public intègre, tant numérique que médiatique, et de préserver le régime de vérité sur lequel reposent nos démocraties.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218213/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Colon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Soixante ans après les faits, l’assassinat de « JFK » continue de susciter les théories les plus diverses.David Colon, Professeur agrégé d'histoire à l'IEP de Paris, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2108382023-09-04T18:30:45Z2023-09-04T18:30:45ZThéories du complot : comment les réseaux sociaux les propagent et permettent une escalade vers la violence <figure><img src="https://images.theconversation.com/files/544011/original/file-20230822-29-amc3hz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C9%2C3254%2C2433&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les fausses déclarations répétées de l'ancien président américain Donald Trump selon lesquelles l'élection de 2020 lui aurait été "volée" ont finalement conduit ses partisans à attaquer le Capitole américain le 6 janvier 2021.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:DC_Capitol_Storming_IMG_7961.jpg">TapTheForwardAssist / Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>Bien que les <a href="https://theconversation.com/podcast-resister-aux-theories-du-complot-et-aux-faits-alternatifs-77214">théories du complot</a>, et plus largement la désinformation, reposent sur des bases infondées, elles ne sont pas dénuées d’effets nuisibles concrets. Elles déclenchent un éventail de conséquences préjudiciables dans la réalité : propagation de fausses informations, ébranlement de la confiance dans les médias et les institutions gouvernementales, incitation à des comportements violents, voire extrémistes.</p>
<p>Par exemple, certaines théories du complot prétendent que la pandémie de Covid-19 <a href="https://theconversation.com/conspiracy-theorists-are-falsely-claiming-that-the-coronavirus-pandemic-is-an-elaborate-hoax-135985">est un canular</a> ou un complot ourdi par un groupe secret visant à <a href="https://www.forbes.com/sites/saradorn/2023/07/18/rfk-jrs-family-denounces-claim-that-jews-chinese-are-immune-to-Covid-here-are-all-the-other-conspiracies-he-promotes/">contrôler la population mondiale</a>. De telles croyances peuvent conduire au rejet de mesures de santé publique essentielles, telles que le port de masques ou la vaccination, et mettre ainsi la population en danger. Ces théories peuvent même éroder la crédibilité et l’autorité des institutions scientifiques et politiques, telles que l’Organisation mondiale de la santé ou les Nations unies, et favoriser la méfiance et la polarisation des opinions.</p>
<p>Poussées à l’extrême, les théories du complot peuvent également inciter certains individus ou groupes à recourir à la violence. Des récits mensongers selon lesquels l’élection présidentielle américaine de 2020 aurait été « volée » ont été à l’origine de l’<a href="https://www.nytimes.com/2020/11/10/us/politics/voting-fraud.html">attaque du Capitole</a> des États-Unis le 6 janvier 2021. Un autre exemple est l’incident du <a href="https://www.washingtonpost.com/local/pizzagate-from-rumor-to-hashtag-to-gunfire-in-dc/2016/12/06/4c7def50-bbd4-11e6-94ac-3d324840106c_story.html">« Pizzagate »</a> en 2016 : en croyant à tort qu’une pizzeria de Washington était une couverture pour un réseau pédophile impliquant des démocrates de haut rang, un homme de Caroline du Sud s’est rendu en voiture dans la capitale, est entré dans le restaurant avec un fusil d’assaut et a terrifié les employés et les clients en cherchant des preuves inexistantes d’un crime qui n’a jamais eu lieu.</p>
<p>Ces deux exemples montrent que les <a href="https://theconversation.com/theories-du-complot-de-quoi-ne-parle-t-on-pas-162485">théories du complot</a> et la désinformation en ligne ne sont pas des conversations anodines. Au contraire, elles peuvent constituer une menace sérieuse pour la sécurité individuelle et collective, la cohésion sociale et même la stabilité démocratique.</p>
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<figcaption><span class="caption">En dépit des faits, des conspirationnistes ont prétendu que Comet Ping Pong, une pizzeria de Washington, servait de couverture à un réseau pédophile.</span></figcaption>
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<p>Les communautés qui adhèrent à ces théories se développent et se propagent en ligne. Les réseaux sociaux, y compris les forums, permettent à ces groupes de se former, d’avoir un accès continu et répété à des <a href="https://theconversation.com/les-theories-du-complot-a-la-lumiere-de-leur-rhetorique-77811">informations qui renforcent leurs croyances</a> et se forger un sentiment d’identité commune. Face aux preuves qui contredisent leurs croyances, ces groupes ne s’affaiblissent pas : ils choisissent souvent de renforcer leur engagement, ce qui entraîne parfois une radicalisation. Pour beaucoup, l’idée d’abandonner ces illusions est tout simplement impensable – ils sont trop profondément investis.</p>
<p>Cette identification est la raison pour laquelle les stratégies courantes pour lutter contre la désinformation ou les théories du complot (vérification des faits, réfutation détaillée, présentation de points de vue alternatifs…) échouent et peuvent même contribuer à pousser ces communautés à se montrer encore plus déterminées.</p>
<h2>Pourquoi et comment les théories du complot se développent-elles ?</h2>
<p>Dans notre <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/isj.12427">récente étude</a>, nous avons cherché à comprendre <em>pourquoi</em> et <em>comment</em> les théories du complot persistent et persévèrent dans le temps sur les réseaux sociaux.</p>
<p>Nous avons constaté que les médias sociaux peuvent contribuer à forger une identité commune propice à la radicalisation par les théories du complot. En effet, ils agissent comme une chambre d’écho pour de telles croyances – les caractéristiques principales des médias sociaux jouent un rôle crucial dans la construction et le renforcement de chambres d’écho identitaires.</p>
<p>Par exemple, ils facilitent le processus d’adhésion croissante en de telles théories en offrant un accès facile et persistant à du contenu qui alimente les croyances déformées des individus. Ces personnes se voient comme des « enquêteurs de la vie réelle », tout en cherchant sur Internet uniquement des informations qui <a href="https://www.britannica.com/science/confirmation-bias">confirment leurs croyances préexistantes</a>.</p>
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<p>Les réseaux en ligne permettent également aux individus de dupliquer facilement les théories du complot en partageant du contenu ou en le copiant/collant. Ces informations sont donc rapidement visibles pour les abonnés ou les membres d’un forum, puis par le biais de hashtags et d’algorithmes utilisés par certaines plates-formes. Notre étude identifie quatre étapes clés dans l’escalade de ces croyances complotistes.</p>
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<li><p><strong>Confirmation de l’identité</strong> : Les utilisateurs consultent et visionnent différents types de contenus (via les forums, les médias grand public et les médias sociaux) pour vérifier et confirmer activement leurs propres opinions.</p></li>
<li><p><strong>Affirmation de l’identité</strong> : Les informations provenant des sources susmentionnées sont sélectionnées en fonction des préférences et dissociées de leur contexte par les individus. Dans le cas du « Pizzagate », des personnes enclines aux théories du complot ont pris des photos du travail de la Fondation Clinton en Haïti, ont créé des documents visuels étayant des liens supposés avec un réseau de trafic sexuel, puis les ont publiés sur Reddit et 4chan. Bien que manifestement modifiées et sorties de leur contexte, les images ont été largement partagées pour promouvoir la théorie du complot.</p></li>
<li><p><strong>Protection de l’identité</strong> : Les individus protègent leur « environnement informationnel » en cherchant activement à discréditer les personnes ou les organisations qui présentent des preuves contradictoires, par exemple par des publications ou des commentaires antagonistes ou négatifs.</p></li>
<li><p><strong>Réalisation de l’identité</strong> : Les individus cherchent à obtenir l’approbation sociale d’un public plus large. Cela peut conduire à des efforts pour recruter davantage de personnes et appeler à des actions violentes, en s’appuyant sur la base d’utilisateurs de la communauté.</p></li>
</ol>
<p>Ces étapes constituent une spirale, sorte de cercle vicieux renforçant une identité sociale complotiste partagée et permettant une escalade potentielle vers la radicalisation.</p>
<h2>De la prévention, et non des faits</h2>
<p><a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/isj.12427">Nos résultats</a> soulignent la nécessité de repenser certaines approches actuelles dont la stratégie est de contrer la désinformation par les faits. Non seulement celles-ci se révèlent inefficaces, mais elles alimentent même les croyances conspirationnistes. Nous encourageons donc les organes politiques à se concentrer sur la prévention et à soutenir l’éducation.</p>
<p>Développer la culture médiatique et le discernement critique des citoyens est devenu un impératif majeur pour les aider à évaluer la crédibilité et la validité des sources d’information en ligne. Parmi les compétences à renforcer figurent l’analyse, la synthèse, la confrontation d’éléments de preuves et d’options pour déceler les faiblesses et les incohérences.</p>
<p>Il est également important de s’attaquer aux problèmes sociaux sous-jacents qui peuvent contribuer à la propagation des théories du complot. Les communautés adeptes des théories du complot sont souvent constituées de personnes marginalisées dans notre société – l’existence de ces communautés est rendue possible par l’exclusion sociale. S’attaquer à l’exclusion sociale et promouvoir des valeurs collectives peuvent également contribuer à combattre la propagation des théories du complot.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210838/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christine Abdalla Mikhaeil est membre de l'Association for Information Systems (AIS)</span></em></p>Propagation de fausses informations, ébranlement de la confiance en les médias et les institutions, incitation à des comportements violents : les théories du complot ont des conséquences bien réelles.Christine Abdalla Mikhaeil, Assistant professor in information systems, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1684562021-12-07T16:58:08Z2021-12-07T16:58:08ZPourquoi devient-on conspirationniste ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/433251/original/file-20211122-17-bu5is0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=63%2C23%2C5190%2C3680&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un militant anti-vaccin manifeste devant un hôpital à Montréal, le 13 septembre 2021. </span> <span class="attribution"><span class="source">THE CANADIAN PRESS/Paul Chiasson</span></span></figcaption></figure><p>Un Américain sur trois croit qu’un « Deep State » (un État profond) travaille pour nuire à Donald Trump, tandis que 17 % répondent, <a href="https://www.ipsos.com/sites/default/files/ct/news/documents/2020-12/topline_npr_misinformation_poll_123020.pdf">dans un sondage récent</a>, qu’il est vrai qu’un groupe satanique dirigeant un réseau de pédophiles tente de contrôler le monde politique et médiatique.</p>
<p>Une partie d’entre eux, formant le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/QAnon">mouvement conspirationniste QAnon</a>, ont la ferme conviction que l’ex-président Trump a été recruté par des généraux militaires en 2016, lors de son élection, pour défaire cette cabale composée principalement de démocrates.</p>
<p>Les croyances conspirationnistes comme celle-ci ne datent pas d’hier, et sont plus répandues qu’on ne pourrait le croire. Le Québec n’en est pas à l’abri, surtout depuis l’avènement de la pandémie de la Covid-19. Selon un <a href="https://www.inspq.qc.ca/covid-19/sondages-attitudes-comportements-quebecois/croyances202008">sondage mené par l’Institut national de santé publique du Québec</a>, plus du tiers des répondants (35 %) estiment que le gouvernement cache des informations importantes à propos de la pandémie.</p>
<p>Selon le psychologue social britannique <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/pops.12404">Daniel Jolley</a>, de l’Université Northumbria, à Newcastle, une sommité dans le domaine des théories conspirationnistes, ces dernières offrent des explications aux évènements significatifs en blâmant les actions secrètes d’acteurs malveillants, puissants et injustes.</p>
<p>Leur point en commun ? La subversion, c’est-à-dire le fait qu’elles contestent les explications officielles des évènements en pointant du doigt l’autorité et en offrant des explications alternatives.</p>
<p>Au départ un phénomène non significatif que l’on pouvait facilement ignorer, QAnon a cumulé, depuis 2017, des <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1756825/qanon-theories-complot-pandemie-canada">millions d’adeptes aux États-Unis et dans le monde, dont au Canada</a>. La particularité de ce mouvement est le fait que ses membres commencent à sortir du monde virtuel en posant des actions concrètes, <a href="https://theconversation.com/qanon-et-lassaut-du-capitole-leffet-reel-des-theories-du-complot-en-ligne-152853">comme assaillir le Capitole en janvier 2021</a>.</p>
<p>Comment se fait-il qu’autant de personnes adhèrent aux théories conspirationnistes, comme QAnon ?</p>
<p>Étudiante au doctorat en psychologie, je tente de comprendre ce qui pousse des individus à croire aux théories conspirationnistes et à adopter certains comportements extrémistes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-precheurs-au-temps-de-la-covid-19-complots-combat-spirituel-et-remedes-miracles-135482">Les prêcheurs au temps de la Covid-19 : Complots, combat spirituel et remèdes miracles</a>
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<h2>La (con)quête des conspirationnistes</h2>
<p>Selon des chercheurs en psychologie sociale, les théories conspirationnistes combleraient plusieurs de nos besoins psychologiques. Une sommité des théories conspirationnistes, la Britannique Karen M. Douglas, de l’Université de Kent, a recensé avec ses collaborateurs en 2019, dans la revue savante <em>Political Psychology</em>, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/pops.12568">plusieurs études sur le sujet</a>.</p>
<p><strong>1) Une quête de sens</strong></p>
<p>Les théories conspirationnistes peuvent offrir des explications larges et cohérentes permettant aux individus de préserver certaines croyances face aux incertitudes et aux contradictions en accusant les preuves contraires, notamment la science, de faire partie de la conspiration.</p>
<p>La recherche de la psychologue sociale Karen M. Douglas suggère que l’adhésion aux conspirations est plus forte lorsque le cadre sociopolitique est incertain et lorsque les personnes perçoivent des similitudes ou des tendances dans les évènements n’ayant pas de liens apparents entre eux.</p>
<p>Par ailleurs, les individus ayant une propension à croire aux phénomènes surnaturels ou paranormaux, et à surestimer leur capacité à comprendre des phénomènes complexes, sont davantage susceptibles d’adhérer fortement aux conspirations.</p>
<p>De surcroît, la croyance aux théories conspirationnistes permet d’apporter des explications aux évènements lorsque celles-ci s’avèrent incomplètes. Elles sont attrayantes pour les individus qui cherchent un sens et à qui il manquerait certains outils cognitifs leur permettant de le trouver à travers des explications plus rationnelles. Elles comblent donc ce qu’on appelle des besoins épistémiques.</p>
<p><strong>2) Une quête de contrôle</strong></p>
<p>Les êtres humains, en tant qu’individus autonomes et membres de la collectivité, ont besoin de se sentir en sécurité dans leur environnement et d’exercer un certain contrôle sur celui-ci.</p>
<p>Certaines personnes peuvent se tourner vers les théories conspirationnistes lorsque ces besoins sont menacés. Les individus ayant le sentiment de perdre le contrôle peuvent tenter de le reprendre en rejetant les récits officiels. En effet, la croyance aux théories conspirationnistes est associée aux sentiments d’impuissance et d’anxiété existentielle.</p>
<p>Dans le même ordre d’idées, des <a href="https://doi.org/10.3389/fpsyg.2013.00225">chercheurs</a> ont trouvé un lien entre les croyances conspirationnistes, l’aliénation politique et l’anomie. Ce dernier concept réfère à l’absence de sentiment d’appartenance ainsi qu’à une certaine déconnexion de la société.</p>
<p>Ainsi, les théories conspirationnistes pourraient permettre aux individus d’accepter des problèmes sociétaux particuliers en les amenant à retrouver un certain confort psychologique qui était perdu. Elles comblent ainsi ce qu’on nomme des besoins existentiels.</p>
<p><strong>3) Une quête d’une image de soi positive</strong></p>
<p>Tous les individus entretiennent le désir d’appartenir à un groupe social et d’y maintenir une image de soi positive. Les théories conspirationnistes peuvent ainsi servir à valoriser le soi et le groupe social d’appartenance en <a href="https://oxford.universitypressscholarship.com/view/10.1093/acprof:oso/9780199351800.001.0001/acprof-9780199351800">mettant le blâme des évènements négatifs sur les autres</a>.</p>
<p>Par ailleurs, les théories conspirationnistes peuvent être attirantes chez ceux et celles qui ont une moins bonne image d’eux-mêmes. <a href="https://oxford.universitypressscholarship.com/view/10.1093/acprof:oso/9780199351800.001.0001/acprof-9780199351800">Une étude</a> a démontré que les membres de groupes qui se sentent dévalorisés, en raison de leur origine ethnique ou de leur revenu, par exemple, sont plus susceptibles d’endosser des théories conspirationnistes.</p>
<p>Il est également possible que ces dernières donnent l’impression aux individus d’être en possession d’informations rares et importantes que les autres n’ont pas, augmentant ainsi leur estime de soi. Les théories conspirationnistes peuvent donc combler des besoins sociaux.</p>
<h2>Des théories négatives</h2>
<p>Les besoins épistémiques, existentiels et sociaux sont-ils réellement comblés à travers les théories conspirationnistes ? Pas nécessairement.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/433253/original/file-20211122-15-gvxck3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/433253/original/file-20211122-15-gvxck3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/433253/original/file-20211122-15-gvxck3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/433253/original/file-20211122-15-gvxck3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/433253/original/file-20211122-15-gvxck3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/433253/original/file-20211122-15-gvxck3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/433253/original/file-20211122-15-gvxck3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des militants anti-vaccin participent à une manifestation contre le vaccin obligatoire à Londres, le 19 septembre 2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">AP Photo/Matt Dunham</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0963721417718261">Des études préliminaires</a> suggèrent que les théories conspirationnistes engendrent davantage de frustration en ce qui concerne ces besoins psychologiques, puisqu’elles présentent des caractéristiques allant à l’encontre de ces derniers.</p>
<p>Par exemple, elles suscitent généralement des émotions négatives, par leur nature contrariante et spéculative. Elles représentent également le public comme étant ignorant et à la merci de pouvoirs inexplicables, et lui attribuent des traits antisociaux.</p>
<p>En bref, elles sont négatives et incitent à la méfiance. <a href="https://bpspsychub.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/bjop.12018">Une étude</a> a démontré qu’être exposé à des théories conspirationnistes mine la confiance envers le gouvernement et engendre par ailleurs un sentiment d’impuissance.</p>
<h2>Le rôle des convictions politiques</h2>
<p>L’idéologie politique à laquelle nous adhérons semble jouer un rôle dans notre façon de percevoir le monde et d’interpréter les évènements. En effet, des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/13608746.2017.1359894">chercheurs</a> ont observé que certaines convictions politiques sont plus fortement associées aux croyances conspirationnistes que d’autres.</p>
<p>Ces croyances sembleraient <a href="https://doi.org/10.1177/1948550614567356">plus fortes dans les extrêmes politiques (droite et gauche)</a>, bien que plus dominantes dans la droite. Ceci peut être expliqué par le fait que les individus de droite semblent prédisposés à entretenir une pensée « noir ou blanc », encourageant une vision conspirationniste. Ainsi, ces personnes semblent vivre un sentiment d’insécurité ainsi qu’un besoin de gérer l’incertitude à travers des croyances simples.</p>
<p>Lors de sa création, le mouvement QAnon regroupait principalement des républicains d’extrême droite et de fervents partisans de Donald Trump, perçu comme leur sauveur. Les convictions politiques sembleraient donc jouer un rôle clé dans l’adhésion à ce mouvement.</p>
<p>Il arrive également que les opposants politiques aient tendance à <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/2053168017746554">s’accuser entre eux d’être impliqués dans des conspirations</a> et de poser des actions malveillantes.</p>
<p>Tant dans l’attaque du Capitole que dans la gestion de la pandémie de la Covid-19, les conspirationnistes ont prouvé leur dangerosité. Afin de contrer ce phénomène qui prend de l’ampleur, la société doit répondre aux besoins psychologiques de ces individus en quête de contrôle, de sens et d’une image d’eux-mêmes positive.</p>
<p>Tenter de les persuader de l’irrationalité derrière leur pensée ne sera pas chose aisée. Cependant, l’élection de Joe Biden, en novembre 2020, a ravivé un brin d’espoir pour plusieurs ; après tout, le monde n’appartient pas (encore) aux conspirationnistes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168456/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Teodora Drob ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Bien que les théories conspirationnistes puissent paraître anodines de prime abord, elles ont le potentiel de prendre une ampleur sans précédent et de susciter des réactions violentes.Teodora Drob, Étudiante au doctorat en psychologie, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1529502021-01-10T19:11:32Z2021-01-10T19:11:32ZDonald Trump banni des grands réseaux sociaux : et maintenant ?<p>Alors que 2021 démarrait à peine, les médias du monde entier ont assisté, sidérés, au <a href="https://www.nouvelobs.com/l-amerique-selon-trump/20210106.OBS38481/fortes-tensions-autour-du-capitole-des-supporters-de-trump-ont-fait-irruption-dans-le-batiment.htmlons-autour-du-capitole-des-supporters-de-trump-ont-fait-irruption-dans-le-batiment.html">saccage du Congrès</a> américain par des partisans d’un Donald Trump arc-bouté sur son refus du résultat de l’élection présidentielle qui venait de donner la victoire à Joe Biden.</p>
<p>Dès le 3 novembre, Donald Trump évoque une fraude généralisée et concertée qui aurait été mise en œuvre afin de faire élire Biden et de spolier le peuple américain de son véritable vote. Bien que ces allégations n’aient pas résisté à leur examen par le pouvoir judiciaire et aux enquêtes diligentées dans plusieurs États, le président sortant s’obstine et <a href="https://www.reuters.com/article/us-usa-election-protests/trump-summoned-supporters-to-wild-protest-and-told-them-to-fight-they-did-idUSKBN29B24S">appelle ses partisans</a> à s’élever contre la certification du résultat de l’élection présidentielle prévue le 6 janvier.</p>
<p>Suite à la mise à sac du Capitole, les réactions ne se sont pas fait attendre : des membres de l’administration Trump ont <a href="https://www.lefigaro.fr/international/demissions-en-chaine-dans-l-entourage-de-trump-apres-l-assaut-du-capitole-20210108">démissionné de leurs fonctions</a> et certains de soutiens se sont désolidarisés de lui. </p>
<p>Et à peine 24 heures après le saccage, alors même que Donald Trump venait de condamner les violences survenues au Capitole et de s’engager à assurer une transition sereine du pouvoir, plusieurs réseaux sociaux ont <a href="https://www.socialmediatoday.com/news/president-trump-banned-from-various-social-networks-after-us-capitol-riots/593007/,http://french.xinhuanet.com/2021-01/08/c_139651391.htm">annoncé le bannissement de ses comptes</a>.</p>
<h2>Un ban unanime des réseaux</h2>
<p>Il n’aura fallu que 24 heures pour que les entreprises américaines gestionnaires de médias sociaux interdisent l’accès à leurs plates-formes au président Trump.</p>
<p>La raison invoquée était que les propos qu’il avait proférés en ligne avaient incité la foule à recourir à la violence dont le monde a été témoin. Afin de prévenir de nouvelles violences, et estimant que certains tweets du président avaient participé au déclenchement des événements, Twitter a annoncé un <a href="https://www.blog.twitter.com/en_us/topics/company/2020/suspension.html">ban à durée indéterminée</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/P3MhOcoOLTs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Facebook, pourtant souvent non aligné avec Twitter en ce qui concerne les politiques de restriction et de contrôle de la parole des personnalités politiques, a <a href="https://www.theverge.com/2021/1/7/22218725/facebook-trump-ban-extended-capitol-riot-insurrection-block">suivi la même ligne</a>, expliquant que, au vu de l’importance des risques induits par la diffusion des propos de Donald Trump, ses comptes Facebook et Instagram étaient suspendus pour une durée indéterminée et, <em>a minima</em>, <a href="https://www.twitter.com/fbnewsroom/status/1347211647245578241">pour les deux prochaines semaines</a>.</p>
<p>Outre ces mastodontes, YouTube mais aussi Twitch et Snaptchat, qui regroupent <a href="https://www.businessofapps.com/data/twitch-statistics/">d’autres profils d’abonnés</a>, ont eux aussi annoncé des restrictions. YouTube a supprimé plusieurs vidéos publiées par Donald Trump et averti les utilisateurs que toute chaîne qui publierait de fausses allégations sur les élections américaines trois fois en 90 jours serait <a href="https://www.arstechnica.com/tech-policy/2020/12/youtube-bans-videos-claiming-trump-won/">définitivement exclue de la plate-forme</a>. Pour sa part, Twiitch a bloqué le compte du président <a href="https://www.theverge.com/2021/1/7/22219144/twitch-trump-ban-indefinitely-capitol-attack">jusqu’à la fin de son mandat</a> et Snapchat <a href="https://techcrunch.com/2021/01/06/snapchat-locks-president-donald-trumps-account/">a fait de même</a> à partir du mercredi fatidique, ajoutant que la société suivrait de près la situation avant de réévaluer sa décision.</p>
<h2>Les restrictions après la catastrophe</h2>
<p>Si les restrictions apportées aux comptes de Donald Trump ont été assez rapides, certains regrettent néanmoins un manque de réactivité ou, plutôt, d’anticipation et de prévention.</p>
<p>Un ancien investisseur de Twitter, John Sacca, a violemment apostrophé les dirigeants de Twitter et de Facebook, les accusant d’avoir du sang sur les mains pour avoir trop attendu avant de prendre des mesures à l’encontre du président américain.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1346921144859783169"}"></div></p>
<p>Si les mots employés sont durs, ils n’en reflètent pas moins la pensée de plusieurs analystes qui craignaient que la récurrence des messages paroxystiques diffusés par Trump pendant ces quatre dernières années ne finisse par susciter de telles flambées de violence.</p>
<p>Car on peut bien ici parler de répétitions. En effet, les tweets de Donald Trump ont plus d’une fois défrayé la chronique, qu’il s’agisse de <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2017/nov/29/trumps-anti-muslim-retweets-prompt-backlash-in-washington-the-president-is-racist">retweets de propos anti-musulmans</a>, de <a href="https://www.bbc.com/news/technology-54440662">fake news</a> sur <a href="https://www.nytimes.com/interactive/2017/business/media/trump-fake-news.html">divers sujets</a>, ou même d’<a href="https://www.nytimes.com/2020/06/28/us/politics/trump-white-power-video-racism.html,https://www.vox.com/identities/2020/5/29/21274754/racist-history-trump-when-the-looting-starts-the-shooting-starts">incitation à la haine</a>.</p>
<p>Dans la même ligne, de nombreuses voix ont alerté sur l’incapacité des grandes plates-formes à <a href="https://www.thehill.com/opinion/technology/524999-qanon-proves-internet-companies-arent-up-to-the-task-of-defending">freiner la prolifération de mouvements complotistes, parmi lesquels QAnon</a>, susceptibles de servir de caisse de résonance à certaines personnalités politiques. Ce groupe, devenu trop célèbre, a des racines dans 4chan, plus particulièrement la partie ayant migré vers 8chan, devenu 8kun.</p>
<p>Pour mémoire, 4chan est un imageboard, c’est-à-dire une plate-forme sur laquelle une image est quasi systématiquement associée à un commentaire. 4chan est un imageboard connu pour l’anonymat qui y règne et pour ses règles de modération pour le moins laxistes. C’est pourquoi de nombreux mouvements y sont nés, si on parle des <a href="https://www.linternaute.com/hightech/internet/1014062-anonymous-leurs-actions-les-plus-marquantes/1014065-qui-sont-ils">Anonymous</a>, mais ceux-ci sont loin d’être les seuls et d’autres sont particulièrement radicaux. Avec le temps, 4chan a donné naissance à d’autre « chan », dont 8chan – « eight chan » à la prononciation proche de « <em>hate chan »</em> traduisible par « canal de la haine » –, créé en 2013 par Fredrick Brennan. Connu pour être particulièrement antisémite et anti-féministe, 8chan a été impliqué dans la <a href="https://www.liberation.fr/planete/2019/03/15/autour-de-l-attentat-de-christchurch-un-dispositif-numerique-renvoyant-a-l-extreme-droite_1715280">diffusion des images du massacre anti-musulman de Christchurch (Nouvelle-Zélande) en 2019</a>.</p>
<p>Quant à QAnon, ce mouvement affirme qu’une cabale secrète contrôle le gouvernement et organise un trafic pédophile au niveau mondial, trafic et cabale que seul le président Trump tenterait d’arrêter. L’effet d’entraînement et les liens entre QAnon et la rhétorique trumpienne ressortent clairement de l’analyse des nombreuses discussions qui, sur cette plate-forme et d’autres qui lui sont sont liées, ont cherché à planifier l’invasion du Capitole depuis plusieurs semaines, ainsi que du nombre de T-shirts et chapeaux aux couleurs de QAnon <a href="https://www.qz.com/1954265/the-attack-on-the-us-capitol-shows-the-real-danger-of-qanon/">arborés par des manifestants</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1347215549231726592"}"></div></p>
<p>Les théories de ce groupe, qui n’est pas un cas isolé, ont fait florès sur Facebook comme sur YouTube. Lorsque, en octobre dernier, la compagnie de Mark Zuckerberg a décidé de <a href="https://www.theguardian.com/technology/2020/oct/06/qanon-facebook-ban-conspiracy-theory-groups">bannir les pages liées à ce mouvement</a>, celles-ci représentaient quelque 3 millions d’abonnés et de membres. À cette même période, Facebook et YouTube ont procédé à une mise à jour de leur politique afin de cibler davantage de vidéos de théories du complot promouvant la violence dans le monde réel. Néanmoins, il n’y a pas eu d’interdiction systémique des contenus de QAnon, notamment au nom de la liberté d’expression.</p>
<p>S’agissant des interdictions et de la liberté d’expression, il est intéressant de constater que si les <a href="https://www.newsweek.com/trump-says-american-patriots-wont-disrespected-first-tweet-after-concession-1560040">deux tweets de Trump</a> à l’origine de son bannissement des plates-formes ne sont <a href="https://news.sky.com/story/us-election-donald-trumps-45-most-controversial-tweets-12098204">pas plus violents que d’autres précédemment mis en ligne</a>, ils sont ceux dont les effets ont été le plus dramatiques au vu des conséquences du saccage du Capitole.</p>
<p>Ainsi, un virage s’est opéré avec les derniers évènements : si auparavant le discours de Trump était suspecté de pouvoir susciter la violence, il est cette fois apparu qu’il y avait effectivement contribué.</p>
<p>Par ailleurs, les explications de Twitter soutiennent que c’est l’interprétation que les supporters de Trump ont fait de ses derniers propos qui ont conduit au saccage du Capitole. Ainsi, la connotation positive de la formule « American patriots », utilisée par le président pour désigner ses électeurs au lendemain de l’attaque du Capitole, aurait été comprise comme un encouragement à l’action menée ; et l’affirmation que ces « American patriots » ne doivent pas être « traités injustement » aurait laissé supposer que, malgré ses déclarations, Trump n’envisage pas de faciliter la transition. Cela présuppose que ceux à qui ces posts sont destinés tendent à y voir des messages codés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1347705927139545089"}"></div></p>
<p>Si les incitations à la haine ne peuvent évidemment pas être permises, leur traitement préventif intégrant l’interprétation pouvant être faite par l’auditoire permettant leur interdiction se heurte à un écueil : ramené à un contexte moins troublé, le risque existe que des auteurs puissent être bannis non pas pour leurs propos eux-mêmes, mais pour l’interprétation que des tiers pourraient en faire. </p>
<p>Dans un régime autoritaire, une telle approche ouvrirait la porte à de nombreuses dérives. Néanmoins, la journée de mercredi a permis à des figures comme Jim Steyer, soutien très actif de la campagne Stop Hate for Profit qui a notamment appelé les annonceurs à boycotter Facebook pour des propos haineux et a déjà <a href="https://theguardian.com/technology/2020/jun/30/third-of-advertisers-may-boycott-facebook-in-hate-speech-revolt">coûté des millions à la firme de Mark Zuckerberg</a>, de déclarer que les plates-formes doivent être tenues pour responsables de leur complicité dans la destruction des démocraties, appelant le Congrès à adopter une législation efficace pour lutter contre les discours de haine sur les réseaux sociaux.</p>
<p>Conscientes de l’émergence de cette tendance déjà sous-jacente et soucieuses de pérenniser leurs activités qui ont besoin de l’adhésion de l’opinion publique, les plates-formes, confrontées au désastre survenu dans le monde réel le 6 janvier, auraient alors voulu prendre les devants.</p>
<h2>La possibilité de l’émergence de nouveaux canaux</h2>
<p>Au lendemain du gel de ses comptes, Donald Trump a indiqué qu’il pourrait <a href="https://i.pcmag.com/imagery/articles/01vIOeICHmlNVlIcTLSxyCZ-2.fit_lim.size_1536x.png">créer son propre réseau social</a>. Si les esprits taquins noteront que Trump a voulu faire cette annonce sur Twitter qui a bloqué très rapidement la publication, il reste une réalité : la migration des contenus que l’on souhaite bloquer. En effet, ceux qui voudront diffuser des contenus radicaux de manière proactive le feront toujours. Aussi, même s’il est nécessaire que les plates-formes dont l’audience est forte ou très forte opèrent une filtration sévère des messages en ligne, il est illusoire de croire que ce filtrage suffira pour éradiquer ces courants. </p>
<p>De même que 4chan a produit 8chan, d’autres canaux seront utilisés, gangrenés ou créés. Déjà, DLive, un site de diffusion en direct de jeux, a été utilisé par des radicaux de droite pour <a href="https://wired.com/story/dlive-livestreaming-site-extremist-haven/">relayer le saccage du Capitole à des milliers de personnes</a>. Dans le cas de Dlive, beaucoup de nationalistes blancs et de partisans de l’extrême droite s’y sont retrouvés après avoir été ciblés par des interdictions sur YouTube, Twitch et Facebook. Cette migration a d’ailleurs largement contribué à la croissance de la plate-forme. Ce cas, loin d’être isolé, doit être gardé à l’esprit.</p>
<p>Les plates-formes sont conscientes de ces migrations et tentent de limiter la contagion avec les réseaux regroupant les internautes plus radicaux, particulièrement quand l’incitation à la haine et à la violence y est monnaie courante. Ce fut notamment le cas avec <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/etats-unis/donald-trump/google-apple-et-amazon-coupent-les-ponts-avec-parler-reseau-social-prise-des-partisans-de-trump-7112932">Parler</a>, un réseau social où, parmi de nombreux internautes prônant la haine et la violence, se sont retrouvés des partisans de Donald Trump venus ici (ainsi que sur <a href="https://www.ladn.eu/media-mutants/reseaux-sociaux/mewe-parler-rumble-reseaux-sociaux-extreme-droite/">MeWe</a>) après avoir été touchés par les restrictions visant, sur les grands réseaux sociaux, les théories promouvant la théorie de la fraude électorale lors de la présidentielle américaine. À la suite de cette restriction, <a href="https://www.ladepeche.fr/2020/11/18/lapplication-parler-va-t-elle-concurrencer-twitter-et-facebook-9207932.php">Parler est devenue l’application la plus téléchargée</a>, et sa base d’utilisateurs a doublé pour atteindre plus de <a href="https://onezero.medium.com/parler-users-are-gathering-on-facebook-to-complain-about-parler-36f799bb75ef">10 millions de membres</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1348179837710700544"}"></div></p>
<p>Enfin, le cas des publications Donald Trump mais aussi de son bannissement et le séisme causé par le saccage du Capitole posent de nombreuses problématiques qui dépassent le seul cadre juridique et couvrent aussi bien la communication des gouvernants sur ce type de plate-forme que les lignes rouges qui doivent être tracées. </p>
<p>De fait, il est nécessaire de préserver la liberté d’expression contre les conséquences qui pourraient résulter de l’interprétation d’un propos tout en assurant la protection des structures démocratiques comme des internautes qui, par fragilité ou « naïveté », pourraient basculer, par porosité plus que par véritable adhésion idéologique, vers des courants délétères et violents. </p>
<p>Si l’actualité braque aujourd’hui les projecteurs sur les États-Unis, cette même problématique concerne bien d’autres pays démocratiques qui, bien que devant traiter avec les acteurs non étatiques que sont les grandes plates-formes, tentent de concilier la protection de leurs principes fondamentaux et de leurs valeurs avec la préservation des droits des individus.</p>
<p>Or, l’augmentation constante de la consommation de données accentue la prégnance de ce sujet, aujourd’hui devenu majeur. Cette progression a été particulièrement marquée en 2020, les confinements successifs ayant participé à accroître la fréquentation des réseaux sociaux. On le voit, le débat est bien loin d’être clos et les enjeux vont s’amplifier.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152950/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christine Dugoin-Clément ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le bannissement de Donald Trump des principaux réseaux sociaux pose de nombreuses questions, à commencer par celle de la responsabilité qu’ont les plates-formes dans les contenus qu’elles hébergent.Christine Dugoin-Clément, Analyste en géopolitique, membre associé au Laboratoire de Recherche IAE Paris - Sorbonne Business School, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chaire « normes et risques », IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1528532021-01-07T16:02:52Z2021-01-07T16:02:52ZQAnon et l’assaut du Capitole : l’effet réel des théories du complot en ligne<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/377598/original/file-20210107-21-1phtqec.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un partisan de Donald Trump, vu portant une chemise QAnon, se confronte à des officiers de la police du Capitole devant la salle du Sénat. </span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Manuel Balce Ceneta)</span></span></figcaption></figure><p>Quel est le coût de la propagande, de la désinformation et des théories du complot ? La démocratie et la sécurité publique, pour ne citer que deux éléments.</p>
<p>Les États-Unis ont reçu une dure leçon sur l’impact de la propagande et de la désinformation en ligne dans le monde réel.</p>
<p>Pendant des semaines, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1747389/president-sortant-donald-trump-maison-blanche-election">Donald Trump a prétendu à tort que l’élection présidentielle de novembre avait été truquée</a> et que c’était la raison pour laquelle il n’avait pas été réélu. Les paroles du président ont reflété et alimenté les théories du complot des partisans du <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1727900/mouvement-qanon-conspirationniste-complot-web-approche">mouvement QAnon</a>.</p>
<p>Alors que les théoriciens de la conspiration sont souvent considérés comme des « fous » sur les médias sociaux, les partisans du mouvement QAnon étaient en première ligne lors de la prise d’assaut du Capitole.</p>
<p>QAnon est un mouvement extrémiste décentralisé, idéologiquement motivé et violent, enraciné dans une théorie du complot sans fondement selon laquelle une cabale mondiale, induite par un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tat_profond">« État profond »</a> constitué d’élites pédophiles sataniques, est responsable de tout le mal dans le monde. Les adeptes de QAnon croient également que cette même cabale cherche à renverser Donald Trump, qu’ils considèrent comme le seul espoir du monde pour la vaincre.</p>
<h2>L’évolution de QAnon</h2>
<p>Bien qu’il ait commencé comme une série de théories du complot et de fausses prédictions, QAnon a évolué, au cours des trois dernières années, vers une idéologie politico-religieuse extrémiste.</p>
<p>J’étudie le mouvement depuis plus de deux ans. QAnon est ce que j’appelle une <a href="https://religiondispatches.org/in-the-name-of-the-father-son-and-q-why-its-important-to-see-qanon-as-a-hyper-real-religion/">hyper-réelle religion</a>. Le mouvement utilise des artefacts culturels populaires et les intègre dans un cadre idéologique.</p>
<p>Depuis trois ans, QAnon est une <a href="https://ctc.usma.edu/the-qanon-conspiracy-theory-a-security-threat-in-the-making/">menace pour la sécurité</a>.</p>
<p>La pandémie de Covid-19 a joué un rôle important dans la popularisation du mouvement QAnon. Les données de Facebook depuis le début de 2020 montrent que le nombre de ses membres a augmenté de 581 % — la plupart de ces augmentations ont eu lieu après que les États-Unis ont fermé leurs frontières, en mars dernier, dans le cadre de leur stratégie de confinement du coronavirus.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/377495/original/file-20210107-23-5tkg9r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/377495/original/file-20210107-23-5tkg9r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=630&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/377495/original/file-20210107-23-5tkg9r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=630&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/377495/original/file-20210107-23-5tkg9r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=630&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/377495/original/file-20210107-23-5tkg9r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=792&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/377495/original/file-20210107-23-5tkg9r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=792&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/377495/original/file-20210107-23-5tkg9r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=792&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Croissance globale du nombre de membres de QAnon dans les groupes et pages Facebook entre janvier et septembre 2020. Données collectées et visualisées le 4 septembre 2020, par CrowdTangle.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Comme l’a noté le chercheur en médias sociaux Alex Kaplan, 2020 a été l’année où <a href="https://www.mediamatters.org/qanon-conspiracy-theory/2020-qanon-became-all-our-problem">« QAnon est devenu notre problème à tous »</a>. Le mouvement a d’abord pris de l’ampleur en répandant les <a href="https://theconversation.com/qanon-conspiracy-theories-about-the-coronavirus-pandemic-are-a-public-health-threat-135515">théories du complot et la désinformation liées à la Covid</a> et a ensuite été repris par <a href="https://theconversation.com/qanon-conspiracy-theory-followers-step-out-of-the-shadows-and-may-be-headed-to-congress-141581">97 candidats au Congrès américain qui ont publiquement montré leur soutien à QAnon</a>.</p>
<h2>Un réconfort dans une période incertaine</h2>
<p>L’essence de QAnon réside dans ses tentatives de délimiter et d’expliquer le mal. Il s’agit de <a href="https://www3.dbu.edu/mitchell/theodicy_brief_overview.htm">théodicée</a>, et non de preuves scientifiques. QAnon offre à ses adhérents un réconfort dans une époque incertaine — et sans précédent.</p>
<p>QAnon devient le maître du récit, capable d’expliquer de manière simpliste divers événements complexes. Il en résulte une vision du monde caractérisée par une distinction nette entre le bien et le mal.</p>
<p>Peu importe la quantité de preuves que les journalistes, les universitaires et la société civile offrent pour contrer les revendications promues par le mouvement, la croyance en QAnon comme source de vérité est une question de foi — plus précisément dans leur foi en Trump et en « Q », la personne anonyme qui a lancé le mouvement en 2017 en publiant une série de théories folles sur « l’État profond ».</p>
<h2>Des théories validées par Trump</h2>
<p>L’année 2020 a aussi été celle où Donald Trump a enfin donné à QAnon ce qu’il a toujours voulu : le respect. Comme l’a récemment écrit Travis View, chercheur en théorie du complot et animateur <a href="https://nymag.com/intelligencer/amp/2020/12/trump-gave-qanon-what-it-always-wanted-respect.html">du podcast <em>QAnon Anonymous</em></a> : « Au cours des derniers mois, Trump a reconnu la communauté des QAnon d’une manière dont ses adeptes n’auraient pu que rêver lorsque j’ai commencé à suivre la croissance du mouvement il y a plus de deux ans. »</p>
<p>Trump, ainsi que les avocats <a href="https://www.nytimes.com/2020/12/19/us/politics/trump-sidney-powell-voter-fraud.html">Sidney Powell</a> et <a href="https://www.huffingtonpost.ca/entry/who-is-lin-wood-trump-tweets_n_5ff335d7c5b6e7974fd514c1?ri18n=true">Lin Wood</a>, et <a href="https://www.insider.com/trump-shares-voter-fraud-conspiracy-theories-of-qanon-star-ron-watkins-2020-12">Ron Watkins, « étoile montante » de QAnon</a> ont tous activement enflammé les désirs apocalyptiques et anti-establishment des adeptes de QAnon en promouvant des théories de fraude électorale.</p>
<p>Des doutes sur la validité de l’élection ont circulé dans les milieux d’extrême droite ainsi que dans les cercles QAnon. En octobre dernier, j’ai écrit que si le <a href="https://icct.nl/publication/q-pilled-conspiracy-theories-trump-and-election-violence/">résultat final de l’élection présidentielle était retardé ou compliqué</a>, cela alimenterait probablement une croyance préexistante en la non-validité de l’élection et favoriserait un environnement chaotique qui pourrait conduire à la violence.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/377510/original/file-20210107-17-1td8eki.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/377510/original/file-20210107-17-1td8eki.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/377510/original/file-20210107-17-1td8eki.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/377510/original/file-20210107-17-1td8eki.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/377510/original/file-20210107-17-1td8eki.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/377510/original/file-20210107-17-1td8eki.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/377510/original/file-20210107-17-1td8eki.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un homme torse nu connu sous le nom de « chaman QAnon » était l’un des membres les plus en vue des partisans de Trump qui ont envahi le Capitole américain.</span>
<span class="attribution"><span class="source">AP Photo/Manuel Balce Ceneta</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Espoir de miracles</h2>
<p>La prise d’assaut du Capitole américain a vu l’aboutissement de ce qui se tramait depuis des semaines : l’espoir dans les cercles QAnon <a href="https://abcnews.go.com/Politics/trump-pressure-pence-reject-bidens-win-congress-wednesday/story?id=75057551">qu’un miracle arriverait par le vice-président Mike Pence</a> et d’autres sortilèges constitutionnels qui renverseraient les résultats des élections.</p>
<p>Au lieu de cela, les partisans de la théorie QAnon sont maintenant confrontés à la fin de la présidence de Donald Trump — où ils avaient le champ libre — et à la crainte de ce que la présidence de Joe Biden pourrait apporter.</p>
<p>Il y a longtemps que nous avons dépassé le stade de la simple question : comment les gens peuvent-ils croire en QAnon alors que tant de ses affirmations vont à l’encontre des faits ? L’attaque du Capitole a montré les dangers réels des adeptes de QAnon.</p>
<p>Leur idéologie militante et anti-establishment — enracinée dans un désir quasi apocalyptique de détruire le monde existant et corrompu et d’inaugurer un âge d’or promis — a été exposée au monde entier. Qui pourra désormais ignorer l’homme torse nu portant un chapeau de fourrure, <a href="https://www.wric.com/news/u-s-world/horned-shirtless-man-at-the-capitol-demonstration-identified/">connu sous le nom de chaman QAnon</a>, menant la charge dans la rotonde du Capitole ?</p>
<p>Que va-t-il se passer maintenant ? Les partisans de QAnon, ainsi que d’autres acteurs d’extrême droite, poursuivront probablement leurs objectifs d’insurrection. D’autres événements violents pourraient avoir lieu, alors que l’idéologie du mouvement QAnon continue à se développer dans la culture américaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152853/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc-André Argentino reçoit un financement de l'Université Concordia. Il est affilié au Réseau mondial sur l'extrémisme et la technologie, à l'Institut pour le dialogue stratégique et au Centre d'expertise et de formation sur les intégrismes religieux, les idéologies politiques et la radicalisation</span></em></p>Les théories du complot diffusées en ligne sont à la base des mensonges de Donald Trump sur sa défaite aux élections américaines. Leurs conséquences dans le monde réel ont éclaté au grand jour.Marc-André Argentino, PhD candidate Individualized Program, 2020-2021 Public Scholar, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1495782020-11-07T05:31:18Z2020-11-07T05:31:18ZDes élections américaines prises au piège de la désinformation<p>Dans la nuit du 5 au 6 novembre, alors que le décompte des voix est en cours dans 5 états, Donald Trump déclarait que seuls les scrutins déposés le jour du vote étaient légaux, les autres étant une tentative de lui confisquer la victoire, jetant ainsi le doute sur la légitimité du vote en ligne. Fait inédit, les grandes chaînes nationales américaines, hormis CNN et Fox, ont coupé court à la retransmission, pour ne pas se faire prendre au piège de la désinformation.</p>
<p>Les campagnes électorales américaines sont des périodes d’autant plus vulnérables à la désinformation que les enjeux et les ressources engagées sont énormes. Les élections de 2020 ont été sous haute surveillance du fait des révélations de manipulation interne et d’ingérence externe.</p>
<p>Dans le cas des élections de 2020 comme dans celle de 2016, un certain nombre de stratégies de manipulation du vote ont été utilisées, <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/donald-trump/vrai-ou-fake-election-americaine-on-a-examine-cinq-rumeurs-de-fraudes-colportees-par-le-camp-trump_4169811.html">avec une forte croissance depuis une semaine du côté de la campagne de Trump</a>. Elles se sont appuyées sur des éléments structurels du vote et sur des éléments conjoncturels <a href="https://livre.fnac.com/a11855537/La-Documentation-Francaise-Faut-il-avoir-peur-des-fake-news">qui font partie de l’arsenal de la désinformation</a>.</p>
<h2>Distiller le faux au compte-gouttes</h2>
<p>Les étapes de la manipulation des élections peuvent se découper en plusieurs phases, orchestrées en amont de l’événement :</p>
<ul>
<li><p>La création de campagnes numériques souterraines et préparatoires, avec dissémination de fausses informations au compte-gouttes, visant à installer une tendance virale, sur un sujet clivant. Par exemple : si Biden meurt en plein mandat, il sera remplacé par Kamala Harris, taxée de « gauchiste » – ce qui est faux : elle appartient plutôt à l’aile droite du parti démocrate. Ou encore : une fois à la Maison Blanche, Biden mettra en place tout le programme de Bernie Sanders et s’alignera pleinement sur le mouvement Antifa. Dans tous les cas, Biden est <a href="https://www.liveabout.com/funny-joe-biden-memes-and-pictures-4091083">décrit comme un pantin sénile</a>, une étiquette qui se propage dans les banques de mèmes et qui peut être déclinée et amplifiée à volonté sur les réseaux sociaux.</p></li>
<li><p>L’achat ou le piratage de données stratégiquement révélés pour causer la surprise ou la panique à des moments-clés. Par exemple, les diverses tentatives pour relier Hunter Biden (le fils de Joe Biden) à des cercles pédophiles démocrates, diffusée par la nébuleuse conspirationniste QAnon notamment, par le biais du mot-dièse #SavetheChildren.</p></li>
<li><p>Le camouflage et le blanchiment (« whitewashing ») de fake news par le biais des médias sociaux, pour en faciliter la reprise par les journaux et médias de masse. Comme pour le blanchiment de l’argent du marché noir injecté dans l’économie réelle (achat de biens, investissements en liquide, etc.), les infox sont blanchies en les faisant passer des sites extrémistes marginaux aux médias mainstream, les transformant en actualités « réelles » sinon avérées. Ainsi, la fake news selon laquelle le vote par correspondance est <a href="https://www.vox.com/2020/4/8/21213416/trump-mail-in-voting-wisconsin-coronavirus">frauduleux</a> accompagnée d’un appel à la dénonciation si le résultat du vote est en défaveur de Trump a été plantée par les médias sociaux et reprise par les médias de masse. Même s’ils la dénoncent, ces derniers lui donnent une crédibilité qui semble se confirmer comme une prophétie auto-réalisante à mesure que les états pivots basculent de Trump à Biden, causant les supporters de Trump à manifester devant les centres de tri comme en Arizona.</p></li>
<li><p>La collusion secrète ou de fait entre les intérêts de certains acteurs en interne et les acteurs externes (groupes extrémistes, organisations semi – ou paraofficielles). Par exemple, il s’agit de faire croire que si le vote par correspondance gagne, c’est bien qu’il est truqué et les milices locales doivent se tenir prêtes à combattre pour faire gagner le camp de Trump. C’est tout l’enjeu du mouvement « Proud Boys » que Trump a appelé à « Stand back and stand by » (« Retenez-vous mais tenez-vous prêts »). Les intérêts des « Proud Boys » rejoignent ainsi objectivement ceux de Trump et peuvent les amener à réagir pour lui sans qu’il ait à faire un appel clair et net à leur aide. Plus Trump paralyse le système et plus la possibilité que ces acteurs extrémistes paramilitarisés se manifestent est réelle.</p></li>
</ul>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Ti7INnArv08?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<ul>
<li>Enfin l’influence étrangère reste encore à démontrer pour cette campagne, et ne peut être éliminée sans pour autant lui attribuer le même rôle déterminant que lors des élections de 2016. Toutefois, les tentatives pour prouver la « corruption » des Biden en attirant l’attention sur son fils, Hunter Biden, dans le cas de l’Ukraine, semblent bien venir de l’étranger et notamment de la Russie. Et les médias sociaux russes relaient les dénonciations de fraude car une contestation chaotique interne ferait les affaires du Kremlin, <a href="https://www.msn.com/fr-fr/actualite/monde/trump-ou-biden-l-assourdissant-silence-de-moscou/ar-BB1aJh3U?MSCC=1604495995">lui laissant les coudées plus franches sur la scène internationale</a>.</li>
</ul>
<h2>Paralyser le vote en accusant l’autre camp de fraude</h2>
<p>Les stratégies de désinformation reposent sur un certain nombre de mécanismes qui s’empilent les uns les autres et se renforcent réciproquement :</p>
<ul>
<li><p>Supprimer des votes et donc des voix par la diffusion d’informations erronées sur les dates d’élections, les lieux de vote ou les modes de scrutin, pour induire les électeurs en erreur ou les dissuader de se rendre aux urnes. Par exemple, au Texas, la [localisation des boîtes aux lettres où les bulletins peuvent être déposés] s’avère <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2020/oct/29/us-election-drop-boxes-partisan-legal-battles">très stratégique</a>, obligeant certains électeurs à se déplacer sur de longues distances.</p></li>
<li><p>Diffuser des rumeurs de truquage – comme le piratage des machines de vote électronique ou le trafic des registres électoraux – pour démotiver les minorités noires ou latino-américaines, qui se sentent déjà marginalisées ou, a contrario, irriter les Républicains qui peuvent se sentir exclus, avec la circulation de photos en ligne montrant des bulletins dans des poubelles papier, <a href="https://www.poynter.org/fact-checking/2020/u-s-fact-checkers-debunked-at-least-10-hoaxes-involving-pennsylvania-and-florida-on-election-day/">semant le doute</a> sur l’intégrité du processus.</p></li>
<li><p>Polariser les communautés en ligne, avec des retombées hors ligne, par des campagnes de désinformation orchestrées autour de sujets clivants comme la race ou la police. Par exemple, <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/10/14/qanon-aux-racines-de-la-theorie-conspirationniste-qui-contamine-l-amerique_6055921_4408996.html">QAnon</a> a créé ses propres chambres d’écho pour populariser ses théories du complot qui donnent à Trump un statut de héros, seul en lutte contre les forces obscures qui parasitent le parti démocrate.</p></li>
<li><p>Boursoufler des comptes et pages hyper-partisans avec l’achat de comptes « bidon », pour diffuser plus facilement de la désinformation sensationnelle et/ou émotionnelle et contribuer au sentiment de flou généralisé tout en donnant le sentiment d’une fausse militance en ligne en s’appuyant <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/expliquez-nous/expliquez-nous-l-astroturfing_3119383.html">sur l’astroturfing</a> et les fermes de trolls pour intimider l’adversaire et faire croire à un large consensus, comme exemplifié par l’impressionnant nombre de comptes fermés par Facebook depuis le début des élections.</p></li>
<li><p>Créer des campagnes publicitaires au compte-gouttes pour faire chambre d’écho avec des partenariats locaux ou nationaux liés à divers extrémistes. Par exemple, le financement de 1 300 sites apparaissant comme des médias locaux alors qu’ils appartenaient à une seule et même entité cherchant à masquer une opération de relations publiques pour <a href="https://www.nytimes.com/2020/10/18/technology/timpone-local-news-metric-media.html">relayer les vues des conservateurs républicains</a>.</p></li>
</ul>
<h2>Fact-checking et intégrité de l’information</h2>
<p>Les organismes de fact-checking comme FactCheck.org, Politifact et le Washington Post Factchecker, se concentrent sur un certain nombre de mécanismes de désinformation avérés, notamment en ce qui concerne les élections. Ils ont pu faire un repérage des signaux faibles et signaux forts en amont et pendant des élections. Parmi de nombreux autres thèmes, depuis mars, un des plus récurrents est la théorie du complot montée par le Président selon laquelle l’élection lui serait « volée » du fait de la fraude au vote en ligne. Cela correspond aussi aux stratégies du blanchiment et des campagnes préparatoires. Il encourage ainsi de facto mais sans le dire le sentiment d’outrage de ses supporters et, implicitement, l’appel aux armes.</p>
<p>Parmi les réfutations et démystifications les plus courantes sont celles qui concernent le décompte des voix, qui joue sur la complexité et l’hétérogénéité des situations selon les États et peut nourrir la paranoïa des supporters. Comme de nombreuses fake news aux États-Unis, ces fausses informations s’appuient sur une vulnérabilité réelle du système, qui tient à la diversité des règles et leur plus ou moins grande opacité, ce dont tous les Américains ne sont pas nécessairement conscients. Par exemple, au Nevada le décompte des voix est suspendu pendant la nuit, alors qu’au Wisconsin il est autorisé à continuer, ce qui alimente les rumeurs de fraude. Donc quelque soit le niveau de transparence montré par les commissions électorales locales, la <a href="https://www.buzzfeednews.com/article/craigsilverman/trump-false-claims-voting,https://www.politifact.com/factchecks/2020/nov/04/facebook-posts/no-nevada-did-not-stop-counting-ballots/">porte est ouverte à toutes sortes de récits de manipulation du processus</a>.</p>
<p>Les États pivots ont été particulièrement visés dans cette économie de la désinformation. Par exemple, la Pennsylvanie a fait l’objet de fake news liées au fait que certains centres de vote ne laisseraient pas entrer des observateurs. Autre exemple de désinformation : sur Facebook, des rumeurs propagées par les Républicains circulent selon lesquelles le <a href="https://www.factcheck.org/2020/11/viral-posts-misreport-data-on-registered-voters-in-wisconsin/">Wisconsin aurait plus de bulletins de vote que d’électeurs</a>, confirmant les doutes sur le bourrage des urnes. Cela donne de la légitimité aux partisans demandant un nouveau décompte, différant ainsi l’annonce des résultats.</p>
<p><a href="https://www.factcheck.org/2020/11/sharpie-ballots-count-in-arizona/">Autre règle qui prête le flanc au fake news</a> : dans certains États, seulement des stylos à encre noire ou bleue sont acceptés et tout autre moyen mène au rejet du bulletin alors que dans d’autres États, le surlignage au marqueur est accepté.</p>
<h2>Le rôle des médias mainstream et meanstream</h2>
<p>Comme les fact-checkers, les médias mainstream et les médias sociaux ont appris de 2016 et ont fait de nombreux efforts pour ne pas amplifier la désinformation, avec plus ou moins de bonheur. Une des difficultés vient de ce que Trump est lui-même le « super-spreader » de ces fausses informations (avec plus de 32 millions d’abonnés sur Twitter par exemple). Il est en outre délicat d’ignorer ou d’occulter la parole d’une personnalité publique aussi importante, dont les propos font l’actualité quand ils sont repris par d’autres. Cet argument a été invoqué tant par Facebook que par Twitter pour ne pas bloquer le compte de Trump mais dans les quelques semaines précédant les élections, ils ont essayé de limiter les dégâts en faisant le ménage, notamment en supprimant des comptes liés à la mouvance complotiste pro-Trump QAnon, ou en <a href="https://www.cjr.org/analysis/trump-twitter-disinformation-voter-fraud-election.php">épinglant certains des propos de Trump comme étant de la désinformation</a>.</p>
<p>Par ailleurs, la focalisation sur Trump empêche de repérer ses partisans très impliqués qui servent de relais d’opinion dans les <a href="https://savoir.media/anatomie-des-fausses-nouvelles/clip/bulles-de-filtres-et-chambres-decho">chambres d’écho</a> et sur les sites républicains. En Utah, des Républicains, qui considèrent que les États-Unis ne sont pas une démocratie mais une république, remettent en cause la légitimité du vote par correspondance… En outre, certains républicains de la mouvance QAnon sont désormais membres du Congrès où ils peuvent poursuivre leur croisade. Et Trump se fait leur écho plus qu’il ne crée leur doctrine, s’appuyant sur des problématiques ancrées chez certains Républicains bien avant son accession au pouvoir, <a href="https://www.ft.com/content/8e9dd5ba-9bf4-46a9-b764-eddaaf653fa2?sharetype=blocked">ce qui tend à être sous-estimé par les observateurs</a>.</p>
<p>Un autre écueil tient à ce que médias mainstream et médias « meanstream » – s’il est possible de définir ainsi ces médias sociaux qui se font le relais de propos haineux et malveillants (« mean » en anglais) –, se renforcent réciproquement, par une co-dépendance qui les oblige à s’entre-citer les uns les autres. C’est le rôle de Fox en particulier qui est au sein d’un réseau de propagande qui inscrit dans l’actualité légitime des faits alternatifs et des opinions marginales. Fox est en co-dépendance avec le compte de Trump qui joue le rôle de <a href="https://dictionary.cambridge.org/fr/dictionnaire/anglais/bully-pulpit">« tribune à harangues intimidatrices »</a> (« bully pulpit »), <a href="https://www.cjr.org/analysis/trump-twitter-disinformation-voter-fraud-election.php">prêtes à viralisation</a>. Du coup, la campagne dénonçant la fraude au vote a été véhiculée par le président, le parti et ses médias mainstream et meanstream, avec succès puisque la moitié des électeurs républicains considère que ce type de vote est très problématique.</p>
<h2>Des résultats mitigés, au bénéfice des médias mainstream</h2>
<p>Les efforts des fact-checkers comme des médias de référence ne suffisent pas à crever les bulles de filtres, les chambres d’écho et l’effet « bully pulpit ». De fait, dans les chambres d’écho pro-trumpistes de la mouvance QAnon et autres, ces efforts renforcent le biais cognitif selon lequel si l’adversaire emploie tant d’efforts à démentir, c’est qu’il y a là un fond de vérité et que les partisans ont raison de persister dans leurs croyances. En outre, le dark social prend de plus en plus de place, dans des espaces réservés qui se retirent des espaces publics commerciaux que sont devenus Facebook et Twitter, pour aller sur WhatsAapp et autres espaces semi-privés <a href="https://www.ladn.eu/tech-a-suivre/dark-social-whatsapp-election-interview-olivier-ertzcheid/">où les mobilisations locales peuvent se fomenter</a>.</p>
<p>Ceci se double des tergiversations des médias sociaux, <a href="https://www.cjr.org/analysis/five-days-of-facebook-fact-checking.php">notamment Facebook</a>, qui a été accusé de n’être pas très cohérent et constant dans sa façon de signaler les posts vérifiés par ses partenaires fact-checkers, de même que de trop se reposer sur les analyses pas toujours fiables de ses algorithmes. Twitter a aussi mis du temps à réagir et n’a pas recours à des fact-checkers, mais cette semaine, il a épinglé comme douteux la plupart des tweets de désinformation produits par Trump.</p>
<p>Ce sont finalement les médias mainstream qui tirent le mieux leur épingle du jeu : ils ont préparé cette élection avec soin, y compris la chaîne Fox (qui n’a pas hésité à concéder l’Arizona à Biden alors que CNN ne s’était pas encore prononcée, au grand dam de Trump). La stratégie médiatique qu’ils ont adoptée pendant les trois jours de compte des résultats a été exemplaire : transparence des situations locales, visualisations pédagogiques, prudence dans l’évaluation des décomptes, appels au calme, mises à jour au fil de l’eau… Face aux tenants conservateurs du #StoptheSteals, ils ont alimenté les sources des tenants progressistes du #KeepCounting. Ils ont fini par couper le discours de M. Trump le soir du 5 novembre et ont réfuté ses affirmations alternatives. C’est une relative victoire pour le journalisme de référence, un peu tardive et profitant de l’affaiblissement de Trump.</p>
<p>L’intégrité des élections et l’intégrité de l’information vont bien main dans la main. Elles renvoient à des enjeux de transparence, de confiance et de fiabilité, pour tous les états démocratiques et non démocratiques qui suivent de près ces élections mondialisées, dont l’impact dépasse largement les frontières des États-Unis.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149578/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Divina Frau-Meigs est membre de l'AIERI, l'ONG internationale des chercheurs en sciences de l'information et de la communication, et membre du groupe de recherche CREW de l'Université Sorbonne Nouvelle. Elle est aussi co-fondatrice de l'ONG Savoir Devenir qui s'intéresse aux questions d'éducation aux médias et à l 'information et à la citoyenneté numérique. Elle fait partie du groupe d'experts de haut niveau de l'UE sur la désinformation en ligne.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Joseph Beaudreau est doctorant de CREW de l'Université Sorbonne Nouvelle. Ses recherches sur le sujet de la désinformation et de la vérification des faits aux États-Unis. </span></em></p>Pour contrer les nombreuses stratégies de manipulation de l'information orchestrées par le camp Trump, fact-checkers et médias mainstream se sont fortement mobilisés, avec des succès mitigés.Divina Frau-Meigs, Professeur des sciences de l'information et de la communication, Auteurs historiques The Conversation FranceJoseph Beaudreau, Doctorant, Civilisation des pays anglophones, Université Sorbonne Nouvelle, Paris 3 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1495062020-11-04T21:07:16Z2020-11-04T21:07:16ZLe trumpisme, un courant qui est là pour durer dans le paysage politique américain<p><em>Le scrutin américain a démontré la capacité de Donald Trump à mobiliser ses troupes autour du « trumpisme », un style, une notion et un contenu que détaille le professeur de civilisation américaine François Vergniolle de Chantal.</em></p>
<p><strong>The Conversation : Personne ne s’attendait à des résultats si serrés, encore moins à ce que le président sortant Donald Trump augmente sa cote de popularité auprès de certaines portions de l’électorat. Comment l’expliquer ? Est-on là face à un objet politique, le trumpisme, qui défie les pronostics ?</strong></p>
<p>C’est en effet une nouvelle qui met un terme à une ligne d’analyse qui était dans l’air depuis quatre ans, à savoir que l’élection de Donald Trump en 2016 était un <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/11/09/comment-la-victoire-de-donald-trump-a-t-elle-pu-echapper-aux-sondeurs-et-aux-medias_5028104_4355770.html">accident</a>, qu’il avait été élu de justesse dans quelques États du Midwest et en Pennsylvanie, qu’il avait perdu de trois millions de voix le vote national et ne devait sa victoire qu’à l’archaïsme que représente le Collège électoral. Sa performance en 2020 montre que le « trumpisme » correspond à des tendances de fond de la société américaine et notamment de la communauté blanche. Les sondages de sortie des urnes indiquent que 57 % des Blancs ont voté pour Donald Trump le 3 novembre, ce qui ne dit rien du vote par correspondance.</p>
<p>Donald Trump joue sur les craintes de la majorité blanche pour tenter de la rallier à sa cause, cela fonctionne. C’est vrai dans les <a href="https://theconversation.com/fact-check-us-les-democrates-vont-ils-ruiner-les-banlieues-comme-laffirme-donald-trump-147148">banlieues</a> (les « suburbs ») et chez les personnes de plus de 65 ans qui, jusqu’à présent, étaient présentées par les observateurs comme des électorats qui allaient s’éloigner du président à cause de son extrémisme (les électeurs des banlieues étant généralement présentés comme des modérés) et de sa gestion de la crise de la Covid. </p>
<p>Les sondages ont encore du mal à identifier les électeurs de Donald Trump qui, notamment dans les sondages faits par téléphone, ne disent pas pour qui ils vont voter en réalité. Les sondeurs ont pourtant appris du cycle de 2016, mais visiblement pas assez. Quant aux Latinos, c’est un électorat très divers ; a priori, <a href="https://www.nbcnews.com/news/latino/trump-cultivated-latino-vote-florida-it-paid-n1246226">seuls les Latinos de Floride</a> (à savoir des Cubains d’origine, généralement conservateurs) ont suivi le candidat républicain. Il faut néanmoins se garder d’essentialiser les catégories, surtout avec un candidat très polarisant comme Trump, <a href="https://www.courrierinternational.com/article/edito-donald-trump-le-president-de-loutrance">qui personnalise le pouvoir à outrance</a>.</p>
<p><strong>The Conversation : Le trumpisme est analysé depuis plus de quatre ans maintenant. Comment le définit-on concrètement ? Est-ce un ensemble de politiques, un style, une idéologie ? Le tout pouvant se poursuivre et s’amplifier avec ou sans Donald Trump ?</strong></p>
<p>Le trumpisme est d’abord un style : un refus des intermédiaires et des compromis, une rhétorique très simple et directe, un refus des idéologies et de leurs sophistications, un enthousiasme pour le leader. Mais le trumpisme n’est pas simplement un style, c’est aussi un contenu. Après quatre ans de présidence, le <a href="https://edition.cnn.com/2017/04/29/politics/trump-100-days-ideology/index.html">trumpisme a pris corps</a>. Il s’appuie sur ce qu’on appelait le « paléoconservatisme » dans les années 1990, une sorte de refoulé du conservatisme, fait de nationalisme, de fierté blanche et de recherche de boucs émissaires. Trump a rendu ce discours, jusqu’à présent caché, mainstream. Il a utilisé la <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2020/09/21/trump-has-never-shied-away-identity-politics-despite-his-allies-loathing-it/">« politique identitaire »</a> (identity politics) à son profit pour mobiliser la communauté blanche, et notamment les plus modestes mais pas seulement. Il a donc, comme le dit l’historienne <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-pauvre-petit-blanc-147710">Sylvie Laurent</a>, « politisé une subjectivité », celle de la crainte des blancs les plus pauvres, dans le contexte plus général d’une société diverse et multiculturelle. Cet héritage est là pour rester. Même si Trump perd au final l’élection de 2020, son résultat, qui n’a rien d’une déroute, montre que ce mouvement est là pour rester.</p>
<p><strong>The Conversation : Voyez-vous des angles morts, des réalités de terrain qui échappent aux analyses des grands médias voire de cercles académiques, qui nous permettraient de mieux appréhender ce succès de Trump et de ses idées ?</strong></p>
<p>En plus des approximations des sondages, on a généralement tendance à sous-estimer deux choses. D’abord, l’enthousiasme des électeurs de Donald Trump pour le <a href="https://theconversation.com/donald-trumps-heroic-fantasy-145575">héros</a>, en dépit de tous les scandales qui l’entourent. On parle souvent d’un fan-club et c’est vrai. Il y a un lien symbiotique ici qui échappe aux sondeurs. Par ailleurs, Trump bénéficie, notamment auprès d’électeurs minoritaires (Latinos), d’une aura de succès. Il incarne « le rêve américain », une <a href="https://historynewsnetwork.org/article/177828">forme de virilité conquérante</a> aussi, et cela plaît à certains électeurs et électrices.</p>
<p><strong>The Conversation : Qui incarne le trumpisme désormais, au-delà du président sortant ? Voit-on une relève émerger, de la même manière qu’il existe une relève dite de gauche ?</strong></p>
<p>Il va y avoir problème de leadership au sein du Parti républicain. Donald Trump semble avoir écrasé toute concurrence en interne et transformé le GOP (Grand Old Party) en un parti de l'irrationalité où une candidate avec des sympathies pour la théorie complotiste QAnon peut être élue. Ce que nous venons de voir en Géorgie avec <a href="https://www.franceculture.fr/geopolitique/etats-unis-pro-trump-adepte-des-complots-de-qanon-la-nouvelle-elue-de-georgie">Marjorie Taylor Greene</a>, élue à la Chambre des représentants. Il y a plusieurs élus au Congrès qui ont adopté une ligne et un style « trumpiens » : <a href="https://www.newyorker.com/magazine/2017/11/13/is-tom-cotton-the-future-of-trumpism">Tom Cotton (sénateur d’Arkansas)</a> ou Josh Hawley (sénateur du Missouri). Mais aucun d’entre eux n’a la visibilité nécessaire pour l’instant. De plus, Trump représente un <a href="https://www.lemonde.fr/elections-americaines/article/2016/11/09/donald-trump-l-outsider-inattendu-tonitruent-futur-president-des-etats-unis_5028175_829254.html">outsider</a> : c’est comme ça qu’il a construit sa personnalité politique, notamment en brisant systématiquement toutes les normes du débat public. </p>
<p>C’est pourquoi la relève devra être assurée par quelqu’un qui s’inscrit dans une ligne similaire et qui n’a pas de long parcours dans la vie publique. A priori pas Mike Pence mais plutôt des figures médiatiques ou des personnalités issues de la société civile.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149506/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Vergniolle de Chantal ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Même avec la victoire de Biden, le trumpisme s’est invité pour longtemps dans le paysage politique américain.François Vergniolle de Chantal, Professeur de civilisation américaine à l'Université de Paris (LARCA - CNRS/UMR 8225)., Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1491062020-11-01T16:57:11Z2020-11-01T16:57:11ZTrump : le chaos jusqu’au bout<p>Les quatre années de présidence Trump s’achèvent dans le chaos le plus total. Le complotisme ainsi que les violences verbales et symboliques systémiques ont abouti à une tentative de <a href="https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/violences-au-capitole-les-dirigeants-mondiaux-condamnent-et-appellent-au-respect-de-la-democratie-1278839">destruction de la démocratie</a>, point d’orgue du trumpisme institutionnel.</p>
<p>Opportunisme, surenchère communicationnelle, distorsion permanente de la réalité, <a href="https://theconversation.com/donald-trump-ou-la-strategie-du-plebiscite-145291">culte du moi, hyper-présidence</a>, stratégie de disqualification permanente des adversaires politiques, des partenaires internationaux, des médias et des corps intermédiaires… par-delà les outrances diffusées sur tous les supports médiatiques, le projet de société trumpiste est bien réel. </p>
<p>Le projet personnel l’est tout autant. </p>
<p>Et l’ensemble nous en dit beaucoup de la crise démocratique. Notamment après l'assaut contre le Capitole. </p>
<h2>La rupture à tout prix</h2>
<p>Depuis 2016, on relève, chez Trump, une double obsession vis-à-vis de ses prédécesseurs. La première consiste à vouloir effacer l’héritage politique et l’aura d’Obama, soit en revenant sur ses mesures et lois emblématiques (<a href="https://theconversation.com/fact-check-us-lobamacare-est-il-dysfonctionnel-et-trop-cher-comme-laffirme-trump-148375">Affordable Care Act</a>, décrets sur l’<a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/trump-va-abroger-la-grande-loi-d-obama-sur-l-environnement_1950823.html">environnement</a> et la <a href="https://www.sciencemag.org/news/2018/06/trump-s-new-oceans-policy-washes-away-obama-s-emphasis-conservation-and-climate">biodiversité</a>, textes <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/abus-sexuels-a-l-universite-le-gouvernement-trump-renforce-les-droits-des-accuses-20200507">luttant contre les viols sur les campus</a>, accords internationaux sur le <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/donald-trump-sort-les-etats-unis-de-l-accord-de-paris-sur-le-climat_1914113.html">climat</a> et sur <a href="https://www.liberation.fr/planete/2018/05/08/accord-nucleaire-iranien-trump-se-retire-avec-fracas-et-force-sanctions_1648752">l’Iran</a>, etc.), soit en prétendant faire aussi bien, voire mieux que lui (obtenir le <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/nobel-de-la-paix-donald-trump-laisse-entendre-quil-a-deja-gagne_fr_5f677dccc5b6de79b676c1d7">prix Nobel de la Paix</a>, notamment).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"847863026124500993"}"></div></p>
<p>Question d’ego ? Oui, mais pas seulement. Il s’agit, pour le président actuel, de rappeler à la partie de l’électorat blanc qui flirte avec les passions identitaires qu’il a été élu pour faire oublier le « mauvais moment » Obama et restaurer la grandeur mythifiée d’une Amérique blanche, patriarcale et fermée sur elle-même.</p>
<p>Le but est aussi de se distinguer des anciens présidents républicains, associés à un <em>establishment</em> honni, le « marigot » que Trump avait promis d’<a href="https://eu.usatoday.com/story/news/politics/elections/2016/2016/10/18/donald-trump-rally-colorado-springs-ethics-lobbying-limitations/92377656/">« assécher »</a>. L’actuel président souhaite toujours apparaître comme l’outsider, celui qui est « hors système », qui ne dépend de personne car il est unique, seul, radicalement nouveau, tel un <a href="https://theconversation.com/trump-et-le-fantasme-du-heros-143106">homme providentiel</a> capable de sauver l’Amérique. Il affirme ainsi régulièrement être « le président <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/sur-fox-news-trump-estime-etre-le-meilleur-president-pour-les-noirs_fr_5ee4921fc5b675e452856486">qui en a le plus fait pour les Noirs</a>, excepté, peut-être, Abraham Lincoln ».</p>
<h2>De l’« America first » à l’« America alone »</h2>
<p>En politique étrangère, la rupture avec les cadres traditionnels de coopération internationale, la stratégie d’intimidation, de menaces et d’intransigeance, et la fascination de Trump pour les dictateurs ont conduit à un isolement relatif des États-Unis sur la scène internationale et à des effets contreproductifs.</p>
<p>Si la politique commerciale agressive à l’égard de la Chine a montré quelque cohérence (reste encore à voir ses résultats en matière de réindustrialisation et de lutte contre le dumping), la confiance réciproque avec les alliés traditionnels de l’Amérique – Europe, Canada – a été sapée et les choix diplomatiques de Washington au Moyen-Orient n’ont pas apaisé le tensions, au contraire (retrait unilatéral des troupes militaires de Syrie, soutien inconditionnel à Nétanyahou, y compris dans le processus de colonisation, désintérêt total pour les Palestiniens).</p>
<p>Malgré trois rencontres, dont une en Corée du Nord en juin 2019, une première pour un président américain, Kim Jong‑un n’a nullement mis en place un processus de dénucléarisation mais a, en revanche, grâce à Trump, acquis le statut international qu’il espérait. Enfin, le retrait de l’Unesco, de l’OMS, de l’Accord de Paris et l’accord sur le nucléaire iranien ont considérablement fragilisé un multilatéralisme indispensable pour gérer les grandes crises planétaires, et renforcé le soft power international de Pékin sur l’environnement, l’éducation et la santé.</p>
<h2>Promouvoir la marque Trump</h2>
<p>Le cœur de l’ambition de Donald Trump est la promotion, à la Maison Blanche, de sa propre marque, construite dès les années 1980 dans les secteurs de l’immobilier puis de la téléréalité et du divertissement. Le récit qui accompagne le <em>branding</em> Trump, c’est celui de l’argent facile, mais aussi et peut-être surtout celui du combat, du « winner », de la « gagne », de la conquête.</p>
<p>Quant à la méthode pour la faire fructifier, elle consiste à compter sur un clan, un cercle restreint de proches qui vouent au président une loyauté sans faille, qui défendent ses intérêts personnels coûte que coûte, en dépit de la loi, des règles et des normes, en échange d’une promesse de protection. Il s’agit d’être « avec » Trump ou « contre » Trump, les compétences passent après.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1287316855938482176"}"></div></p>
<p>Autant ce principe de népotisme a pu fonctionner dans le monde des affaires des années 1980-1990, <a href="https://www.france.tv/france-5/le-monde-en-face/2016783-trump-face-au-fbi.html">gangréné par la mafia et les avocats douteux</a>, autant cela s’avère très difficile à Washington. Nombreux sont ceux qui ont été écartés. Parmi de nombreux exemples, le directeur du FBI, James Comey, a été <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/james-comey-le-chef-du-fbi-limoge-par-donald-trump_1906855.html">limogé</a> quelque temps après avoir refusé de prêter allégeance au président et de mettre fin aux investigations sur une éventuelle collusion de son équipe de campagne avec la Russie. En ligne de mire, notamment : une enquête sur Michael Flynn, conseiller à la sécurité nationale de Trump – qui sera finalement lui aussi <a href="https://www.liberation.fr/planete/2017/02/14/etats-unis-le-conseiller-a-la-securite-michael-flynn-pousse-a-la-demission_1548323">renvoyé</a>.</p>
<p>La volonté de servir un pouvoir personnel en dépit des lois et de la Constitution a conduit Trump à subir une procédure d’<a href="https://www.lefigaro.fr/politique/procedure-d-impeachment-trump-dit-avoir-endure-une-terrible-epreuve-20200206">impeachment</a>, après qu’il eut, dans le cadre de la campagne pour sa réélection, <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/trump-l-ukraine-et-joe-biden-tout-comprendre-a-l-affaire-du-lanceur-d-alerte_2099423.html">demandé au président de l’Ukraine</a> d’enquêter sur les activités dans ce pays du fils de Joe Biden, Hunter. Le Sénat, à majorité républicaine, a <a href="https://www.lefigaro.fr/international/proces-en-destitution-donald-trump-acquitte-par-le-senat-americain-20200205">acquitté</a> le président mais cette procédure restera comme une tache indélébile sur son mandat. Et que dire de la seconde, surtout si le Sénat la vote cette fois, et l’empêche de se représenter en 2024 ?</p>
<p>On retrouve ici le fantasme de l’homme seul contre tous, toujours capable de se sortir des situations les plus difficiles, par sa combativité, sa force, voire son « génie » (il se qualifie parfois lui-même sur Twitter de <a href="https://edition.cnn.com/2018/01/06/politics/donald-trump-white-house-fitness-very-stable-genius/index.html">« very stable genious »</a>). S’il échoue dans ses politiques, il accuse la partialité des juges, la frilosité des parlementaires démocrates et républicains, ou encore l’idéologie des défenseurs du « politiquement correct ».</p>
<p>Comme le notait le <em>New York Times</em> en septembre 2019 : « Tout ce que fait Trump doit être replacé dans le contexte suivant : “Est-ce que cela contribue au récit ?” » Que ce soit en mots – à propos de l’accord avec les talibans, « It may or may not happen », des négociations avec le dictateur nord-coréen, « We will see what we will see » ou de l’attaque contre al-Baghdadi, « Something very big has just happened ! » – ou en images – mini-vidéos de l’érection d’une barrière (ce n’est pas le mur tant promis) le long de la frontière mexicaine sur son compte Twitter –, Trump choisit de créer son propre feuilleton politique, sur le modèle d’une série télévisée, pour en maîtriser la progression, le tempo, le rythme, tout en jouant sur les émotions par la mise en place d’une dramaturgie, d’un faux suspense. Il peut aussi, ce faisant, faire diversion sur les sujets qui le dérangent et continuer, ainsi, d’imposer l’agenda médiatique.</p>
<p>Le recours aux « fake news » et autres <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/alternative-facts-ou-la-version-des-faits-selon-l-administration-trump-632502.html">« alternative facts »</a> permet par ailleurs à Trump de justifier une interprétation très personnelle, subjective, souvent fausse de la réalité. Il a presque fait de la désinformation une nouvelle norme, tant ses émules sont nombreux, de Bolsonaro à l’extrême droite européenne en passant par les complotistes nationalistes et masculinistes du projet <a href="https://www.parismatch.com/Actu/International/La-mouvance-QAnon-a-eu-une-veritable-acceleration-du-fait-de-Donald-Trump-1709451">QAnon</a> qui répandent, depuis plusieurs mois, des rumeurs criminelles sur les démocrates.</p>
<h2>Et puis vint la Covid-19…</h2>
<p>La gestion de la pandémie par Trump a été jugée, jusqu’au scrutin du 3 novembre, comme <a href="https://projects.fivethirtyeight.com/coronavirus-polls/">désastreuse</a> par une majorité d’Américains, y compris, donc, chez les républicains. Sa base galvanisée, hostile au port du masque, considère que les médias et politiciens de gauche ont surestimé la gravité de la pandémie et qu’il n’est pas question que l’État fédéral, au prétexte de protéger la population, lui impose des mesures restreignant sa liberté.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1263732295845900295"}"></div></p>
<p>Jusqu’au bout, Trump aura minimisé l’ampleur et le sérieux de la Covid-19 et dénigré, comme pour les politiques environnementales, la parole scientifique : l’absence de politiques nationales de confinement et le maintien des coupes dans Medicaid sont deux des effets d’une politique et d’une rhétorique étrangères aux enjeux de <em>care</em> et de solidarité, qui auraient contrarié le récit de la force et de la virilité.</p>
<h2>Un pays profondément divisé</h2>
<p>Le trumpisme, qui par ailleurs laissera des traces, un héritage, est à prendre au sérieux. Sur le plan intérieur, les attaques contre les droits des femmes et des LGBTI sont une constante. La limitation de l’accès à l’avortement et à la contraception, qui est un phénomène antérieur à Trump, s’est renforcée ces dernières années dans plusieurs États fédérés et se fait plus directe envers les termes mêmes de <a href="https://www.france24.com/fr/20191017-billet-retour-roe-vs-wade-etats-unis-avortement-recul-droit-femmes-cour-supreme-alabama">l’arrêt de la Cour suprême <em>Roe v. Wade</em> de 1973</a>. En outre, Trump, qui a coupé les <a href="https://www.nbcnews.com/think/opinion/trump-s-title-x-rule-defunding-planned-parenthood-yet-another-ncna1045471">fonds fédéraux du Planned Parenthood</a>, le planning familial, et élargi les exemptions accordées aux entreprises dans la prise en charge, par l’Obamacare, des coûts de santé gynécologique de leurs employées, a été, en 2020, le premier président américain à <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/01/25/donald-trump-se-pose-en-defenseur-des-militants-anti-ivg_6027170_3210.html">se rendre à la marche annuelle des militants anti-avortement</a> qui a lieu chaque mois de janvier à Washington. La nomination précipitée d’<a href="https://www.liberation.fr/planete/2020/10/27/qui-est-amy-coney-barrett-la-nouvelle-juge-de-la-cour-supreme-americaine_1803525">Amy Coney Barrett</a> à la Cour suprême en octobre, par une procédure accélérée rompant avec les codes éthiques habituels, en est le point culminant.</p>
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<p>Trump attise les divisions de la société américaine, creuse les clivages sociaux, économiques, genrés et raciaux, et tient les démocrates, les manifestants anti-racistes, les défenseurs du climat ou encore les féministes pour responsables de cette situation (<a href="https://www.nbcnews.com/politics/2020-election/trump-launching-re-election-bid-says-democrats-want-destroy-our-n1019176">« They want to destroy our country »</a> est un de ses slogans). Il en fait les ennemis de l’Amérique. La crispation identitaire est bel et bien du côté des nationaux-populistes comme Trump qui imaginent leur nation assiégée par les défenseurs et défenseuses de l’égalité en matière d’accès aux droits et aux ressources et d’un partage plus équitable des responsabilités politiques, administratives et économiques. Du <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/muslim-ban-le-decret-valide-par-la-cour-supreme_2020600.html">« Muslim ban »</a> à la séparation des <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/10/22/545-enfants-de-migrants-toujours-separes-de-leurs-parents-le-symbole-des-annees-trump_6056919_3210.html">enfants de leurs parents migrants à la frontière mexicaine</a>, du <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/trump-et-les-supremacistes-une-complicite-a-l-epreuve-de-charlottesville_1935030.html">soutien à peine voilé aux suprémacistes blancs violents</a> (Ku Klux Klan compris), à <a href="https://edition.cnn.com/2020/06/01/politics/trump-george-floyd-protests-political-gain/index.html">l’instrumentalisation de la mort de George Floyd</a> pour promouvoir un agenda clivant, identitaire et ultra-sécuritaire, le legs trumpiste est déjà très lourd. Last but not least : le récit de l’élection volée, truquée, alimentera encore longtemps la marque Trump – certes aujourd’hui fragilisée – dans le champ politique comme en dehors, aux États-Unis et à l’international.</p>
<p>Avec Trump, la démocratie a mis un genou à terre. Le 6 janvier dernier, l’épisode insurrectionnel de violence politique, <a href="https://www.franceculture.fr/politique/sur-internet-et-en-dehors-lextreme-droite-americaine-se-prepare-patiemment">préparée sur les sites d’extrême droite</a> voire encouragée par Trump lui-même, et dont le monde entier a été témoin, aura été le paroxysme de ces attaques. </p>
<p>Une fois défait, il s’est agi, pour Trump, de tout saccager avant de partir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149106/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Cécile Naves est membre de l'RIS. </span></em></p>En quatre ans à la Maison Blanche, Trump a multiplié coups d’éclat, déclarations tapageuses, mesures populistes…Jusqu'à l'attaque du Capitole par ses partisans. Retour sur un mandat sans précédent.Marie-Cécile Naves, Docteure en science politique, chercheuse associée au CRI Paris, Learning Planet Institute (LPI)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1472312020-10-22T13:14:31Z2020-10-22T13:14:31ZComment l’école peut aider à contrer les idées complotistes chez les jeunes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/364599/original/file-20201020-21-ufyh9v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les jeunes sont très perméables aux idées conspirationnistes. La stratégie recommandée n'est pas de confronter, mais plutôt d’introduire un doute dans l’esprit des jeunes.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les théories du complot gagnent du terrain depuis le début de la pandémie. Les jeunes, plus méfiants envers les autorités, sont <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1696346/covid-conspirations-sondage-jeunes-stress-quebec-canada-complot">particulièrement à risque</a> de sombrer dans ce type de croyances. Quel rôle l’école peut-elle jouer ?</p>
<p>Professeures à l’Université du Québec à Trois-Rivières au département des sciences de l’éducation, nous nous intéressons notamment aux défis rencontrés par le personnel enseignant lorsqu’il doit aborder des thèmes sensibles et des sujets controversés en classe.</p>
<h2>La mission de l’école</h2>
<p>L’école a trois missions principales : l’instruction, la qualification et la socialisation. Ensemble, ces trois missions contribuent à son rôle social, en faisant la promotion des « <a href="http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/education/jeunes/pfeq/PFEQ_presentation-deuxieme-cycle-secondaire.pdf">valeurs à la base de la démocratie et en [veillant] à ce que les jeunes agissent, à leur niveau, en citoyens responsables</a> ».</p>
<p>Il n’est donc pas surprenant que les débats sur ce que l’école doit enseigner reviennent régulièrement dans la sphère publique. Rappelons, à titre d’exemple, le débat autour de l’implantation des nouveaux programmes d’éducation financière et d’éducation à la sexualité, ou encore celui qui persiste sur le programme d’Éthique et culture religieuse depuis 2008.</p>
<h2>Développer son esprit critique</h2>
<p>Que peut faire l’école pour éviter la prolifération d’idées complotistes ? Soulignant que l’un des rôles de l’école est de développer la pensée critique, <a href="https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/585436/contrepoisons-scolaires">Normand Baillargeon</a> suggère de faire une plus grande place à la culture scientifique et à l’enseignement des principaux sophismes et de notions d’épistémologie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/qanon-est-banni-de-facebook-mais-la-bataille-contre-les-theories-du-complot-nest-pas-gagnee-148211">QAnon est banni de Facebook, mais la bataille contre les théories du complot n'est pas gagnée</a>
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<p>C’est aussi ce que propose <a href="https://www.ledevoir.com/opinion/idees/584265/le-complotisme-et-la-crise-de-la-connaissance">Dominic Morin, doctorant en philosophie</a>. « Il est urgent que la société québécoise enseigne à ses jeunes à mieux connaître. Le rôle de l’école dans ce contexte de crise est d’autant plus stratégique dans la mesure où les autorités scolaires ont la responsabilité vitale de fournir aux élèves les moyens de ne pas être emportés dans les dérives de la post-vérité. »</p>
<p>Pour ce faire, il considère que les élèves devraient être initiés à la philosophie à l’école. Une chercheuse de l’INSPQ, Ève Dubé, insiste aussi sur la nécessité de faire « des <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1724346/sondage-theorie-complot-virus-laboratoire-education">interventions en éducation sur la manière de consommer l’information</a>.</p>
<h2>Des idées déjà en place</h2>
<p>Ces idées sont pertinentes. Or elles trouvent déjà leur place dans le cadre du Programme de formation de l’école québécoise (PFEQ) et, par conséquent, dans la formation initiale des futurs enseignants et enseignantes du primaire comme du secondaire.</p>
<p>Par exemple, la démarche de construction d’opinion et d’élaboration d’un argumentaire fait déjà partie du programme de <a href="http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/education/jeunes/pfeq/PFEQ_science-technologie-deuxieme-cycle-secondaire.pdf">Science et technologie</a>, et du cours d’<a href="http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/dpse/formation_jeunes/EthiqueCultRel_Secondaire.pdf">Éthique et culture religieuse</a>.</p>
<p>Les élèves sont invités à identifier les enjeux sociaux, économiques, historiques et scientifiques relatifs à différentes problématiques, à les contextualiser et à développer leur capacité d’identifier des dilemmes éthiques (valeurs qui s’opposent). Ils s’approprient des connaissances historiques, sociologiques, scientifiques et philosophiques leur permettant d’examiner les choix possibles dans une perspective du vivre-ensemble.</p>
<h2>La question du masque</h2>
<p>Prenons pour exemple la question du port obligatoire du couvre-visage, qui provoque de fortes réactions chez certains citoyens qui considèrent que cette obligation porte atteinte à leurs libertés. Plusieurs éléments pourraient être abordés lors d’une discussion en classe. Considérant d’abord le fait que le couvre-visage sert surtout à protéger les autres des gouttelettes de la personne qui le porte, les élèves seraient invités à observer les valeurs qui sont en conflit, soit la liberté des uns à ne pas porter le masque et celle des autres à mener leurs activités sans risque d’attraper la Covid-19, dans une optique de mieux vivre ensemble en société.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/364780/original/file-20201021-17-w15koe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/364780/original/file-20201021-17-w15koe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/364780/original/file-20201021-17-w15koe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/364780/original/file-20201021-17-w15koe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/364780/original/file-20201021-17-w15koe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/364780/original/file-20201021-17-w15koe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/364780/original/file-20201021-17-w15koe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des étudiants de l’école secondaire Lasalle Community Comprehensive High School sortent de leur classe pour protester contre les problèmes de sécurité liés à la Covid-19, le jeudi 1ᵉʳ octobre 2020, à Montréal.</span>
<span class="attribution"><span class="source">THE CANADIAN PRESS/Ryan Remiorz</span></span>
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<p>D’autres aspects sont abordés dans le cadre du programme de mathématiques comme l’étude critique des données, tableaux et graphiques, qui permet aux élèves de poser un regard plus <a href="https://www.acelf.ca/c/revue/pdf/EF-XXVIIIno2-Facons-de-voir-les-programmes-d-etudes-de-mathematiques.pdf">critique</a> sur les statistiques, qui présentent seulement une partie de la réalité.</p>
<p>L’éducation à la citoyenneté dans le programme d’histoire vise, elle aussi, à développer chez les élèves la capacité de réfléchir à la vie en société en fonction des apprentissages de l’histoire, et les amener à agir selon les principes de la <a href="https://www.academia.edu/14260653/Democratie_individualisme_et_citoyennete_minimale?email_work_card=view-paper">démocratie et de l’autonomie critique</a>.</p>
<h2>Des idées difficiles à aborder</h2>
<p>Les idées complotistes, comme d’autres <a href="https://www.cipcd.ca/wp-content/uploads/2014/04/CSMB_-Guide_sujets-sensibles_final..pdf">thèmes sensibles</a>, touchent les valeurs et les représentations sociales des enseignants comme de leurs élèves. Discutées régulièrement dans les médias, elles font souvent débat entre experts. Enfin, les savoirs qui les entourent sont complexes et associés à diverses disciplines.</p>
<p>Pour ces raisons, il est très difficile, voire impossible, de proposer une réponse claire et définitive aux idées complotistes en classe. Plus encore, la confrontation risque de confirmer le complot aux yeux des jeunes qui adhèrent à ces idées. La stratégie pédagogique recommandée est plutôt d’introduire un doute dans leur esprit. Pour ce faire, il faut discuter en classe en proposant des réponses nuancées qui reconnaissent la complexité de la question et le niveau d’incertitude qu’elle implique. La tâche n’est pas aisée. Et si de nombreux enseignants et enseignantes parviennent à le faire de manière fort pertinente, d’autres admettent volontiers leur hésitation à aborder cette question directement.</p>
<h2>L’importance des petites matières</h2>
<p>La difficulté d’enseigner les idées complotistes et d’autres thèmes sensibles est liée à des problèmes structuraux importants. La formation initiale pour le personnel scolaire au primaire accorde peu d’heures à l’enseignement des sciences et de la technologie, de l’univers social et de l’éthique et de la culture religieuse. Or ce sont tous des programmes qui pourraient aborder les idées complotistes. La formation continue, qui offre pourtant des possibilités fort intéressantes, suscite peu d’intérêt dans un contexte de contraintes budgétaires et lorsque les conditions de travail déjà difficiles n’encouragent pas les enseignants à s’y inscrire.</p>
<p>L’organisation scolaire — et plus particulièrement le nombre d’heures attribuées à l’enseignement des « petites matières » comme l’éthique et la culture religieuse, dont les heures d’enseignement se voient souvent amputer au profit d’autres matières —, limite les possibilités de travailler les concepts en profondeur.</p>
<p>Enfin, les examens ministériels (par exemple celui du cours Science et technologie en 4<sup>e</sup> secondaire) tendent à fortement orienter l’enseignement vers ce qui sera évalué, c’est-à-dire les concepts principaux et certaines démarches technoscientifiques. La démarche de construction d’opinion ou l’étude de la production des savoirs technoscientifiques y sont rarement, voire jamais, abordées.</p>
<p>Il importe donc de rappeler encore et toujours le rôle que l’école doit — et peut — jouer dans le développement de ces compétences citoyennes. Mais il convient aussi de donner aux enseignants et enseignantes les moyens d’atteindre les visées de leurs programmes et de reconnaître le travail qu’ils et elles accomplissent déjà.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147231/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sivane Hirsch receives funding from CRSH et FRQSC. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Audrey Groleau a reçu des financements du CRSH et du Réseau québécois sur l'énergie intelligente.</span></em></p>Il est très difficile d’aborder les idées complotistes en classe et la confrontation n’est pas la solution. La stratégie recommandée est plutôt d’introduire un doute dans l’esprit des jeunes.Sivane Hirsch, Professeure titulaire, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)Audrey Groleau, Professeure de didactique des sciences et de la technologie, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1484052020-10-21T20:07:34Z2020-10-21T20:07:34ZLa Covid-19 : pourquoi existe-t-il des anti-masques ?<p>Né <a href="https://www.franceculture.fr/societe/covid-19-les-anti-masques-au-grand-jour-des-etats-unis-a-la-france">aux États-Unis</a> chez les <a href="https://www.lepoint.fr/editos-du-point/pierre-antoine-delhommais/faut-il-prendre-les-libertariens-au-serieux-26-06-2014-1840809_493.php#">libertariens</a> en réponse à l’obligation du port du masque dans les lieux publics, le mouvement des anti-masques s’est étendu, au fil des mois, à un grand nombre de pays dans le monde, dont la <a href="https://www.lejdd.fr/Societe/les-anti-masques-organisent-leur-acte-1-demain-en-france-3988198">France</a>. </p>
<p>Alors que la grande majorité des citoyens voit le port du masque comme un moyen efficace de limiter la propagation du virus, pourquoi la mouvance anti-masque rejette-t-elle cette mesure ?</p>
<h2>Complotisme</h2>
<p>Un grand nombre de médias ont mis en avant le lien entre <a href="https://www.dailymotion.com/embed/video/x7w196j?autoplay=1&fbclid=IwAR3mN78UHJ45WM6saGlTyMTKt9H4rktMdNyDLuV0_1yXuygwvpTWGE381S4">conspirationnisme</a> et rejet du port du masque. <a href="https://jean-jaures.org/nos-productions/bas-les-masques-sociologie-des-militants-anti-masques">Une récente étude française</a> a montré que les individus qui rejettent le masque adhèrent plus fortement aux thèses conspirationnistes que l’ensemble de la population française. 90 % des anti-masques (contre 43 % sur l’ensemble de la population française) pensent par exemple que le ministère de la Santé s’est allié aux compagnies pharmaceutiques pour cacher la nocivité des vaccins.</p>
<p>Les anti-masques sont très actifs sur les réseaux sociaux où un grand nombre de fake news sur le port du masque ont été activement relayées. D’après eux, le masque serait inutile, voire même carrément <a href="https://factuel.afp.com/usine-virus-dangereux-pour-la-sante-les-fausses-affirmations-dune-publication-virale-sur-le-masque">dangereux pour la santé</a>. Inutile car le maillage ne serait pas adapté et laisserait passer le virus. Dangereux car il diminuerait l’apport d’oxygène dans le sang, augmenterait l’inhalation de toxines, détériorerait le système immunitaire ou activerait des rétrovirus dormants déjà présents dans l’organisme. C’est évidemment faux comme l’explique en détail cet <a href="https://factuel.afp.com/ces-affirmations-sur-les-dangers-du-port-du-masque-sont-fausses">article de l’AFP</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">COVID-19 : Doctor wears six face masks to debunk oxygen deprivation myth.</span></figcaption>
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<p>D’autres vont encore plus loin. Le port du masque serait <a href="https://www.dailymotion.com/embed/video/x7w196j?autoplay=1&fbclid=IwAR3mN78UHJ45WM6saGlTyMTKt9H4rktMdNyDLuV0_1yXuygwvpTWGE381S4">« un rituel des pédo-satanistes »</a> comme le prétend par exemple <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/eve-engerer-la-medecin-complotiste-qui-prescrivait-des-certificats-anti-masques_2132928.html">Eve Engerer</a>, récemment radiée de l’Ordre des médecins, ou le groupe <a href="https://www.franceculture.fr/sciences/qanon-est-il-un-vrai-mouvement-populaire">QAnon</a>. Mais comment expliquer qu’un nombre non négligeable de personnes (indépendamment de leur niveau d’éducation) soient à ce point sensibles aux fake news sur le port du masque ?</p>
<h2>La tête dans le sable</h2>
<p>La situation incertaine dans laquelle nous nous trouvons depuis plusieurs mois nous a amenés à développer différents mécanismes de défense qui nous permettent de continuer à évoluer dans notre environnement, malgré la crise sanitaire. Un de ces mécanismes de défense est <a href="https://www.jstor.org/stable/10.1086/505250?casa_token=VGGJvAlwO6AAAAAA%3AGCs6fF3j0rl6h5gbYKUc6HdU_gKkk4IzLXK9wAWLNMDq-BtMeOUdVh_29D90FGPU2-4Y8D3NVW9VB4z16jtyBlPwoWpDO0KWuJZTLPPIJwPkohfa6wY&seq=1#metadata_info_tab_contents">l’effet autruche</a>, qui désigne la tendance à mettre la <a href="https://theconversation.com/comment-le-coronavirus-nous-a-tous-biaises-134415">« tête dans le sable »</a> dans le but d’ignorer des informations décrivant une situation incertaine ou dangereuse.</p>
<p>À plusieurs reprises, on a pu entendre des anti-masques expliquer qu’ils rejetaient cette mesure sanitaire car ils trouvaient que voir toutes les personnes autour d’eux porter un masque était « anxiogène ». À la différence de la majorité des citoyens que le <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/pays-de-la-loire/deconfinement-port-du-masque-peut-il-etre-angoissant-psychologues-nantes-angers-repondent-1827782.html">port du masque rassure</a>, il est pour les personnes qui ont tendance à faire l’autruche, un rappel permanent de la <a href="https://www.ouest-france.fr/sante/masques-de-protection/port-obligatoire-du-masque-pourquoi-cela-suscite-t-il-des-tensions-voire-des-violences-6930919">potentielle dangerosité</a> de la situation actuelle. Il devient alors impossible d’ignorer la crise sanitaire et d’échapper au stress qu’elle engendre.</p>
<p>Pour ne rien arranger, on ne fait pas seulement l’autruche de manière consciente. La forme inconsciente de l’effet autruche se manifeste souvent quand un évènement remet en question l’image positive qu’un individu se fait de lui-même. Ce dernier aura alors tendance à ignorer ou même rejeter les informations qui risquent de blesser son égo, afin de maintenir une image flatteuse de lui-même. L’adhérence aux fake news et autres théories du complot apparaît comme un moyen efficace pour un « individu-autruche » de justifier son rejet du masque, tout en préservant son égo. Il ne rejette pas le masque parce qu’il est terrifié par la pandémie, mais parce qu’en tant qu’individu supérieur il sait, mieux que la plupart des gens, que les masques ne sont pas efficaces, sont dangereux pour la santé, ou encore que le SARS-CoV-2 n’existe tout simplement pas.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1302247078685540352"}"></div></p>
<h2>La réactance psychologique</h2>
<p>Un autre phénomène pourrait expliquer le rejet du masque. Un grand nombre d’études ont montré que lorsqu’un individu a l’impression que l’on menace ou que l’on restreint ses libertés individuelles, il aura tendance à s’opposer à cette perte de liberté et à tenter d’asseoir son autorité en adoptant le « comportement défendu ». Ce comportement étudié depuis presque une cinquantaine d’années porte le nom de <a href="https://nospensees.fr/la-theorie-de-la-reactance-psychologique-la-rebellion-sans-cause-et-sans-canal/">réactance psychologique</a>.</p>
<p>Chez les anti-masques, l’obligation du port du masque est vue comme une atteinte intolérable à leurs libertés individuelles de la part du gouvernement qui tenterait de les <a href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/c-est-notre-dernier-combat-avant-le-vaccin-obligatoire-en-france-les-anti-masque-refusent-la-museliere-20200805">« museler »</a>.</p>
<p><a href="https://www.leparisien.fr/economie/contestations-sociales-le-calendrier-tres-charge-de-la-fin-d-annee-11-11-2019-8191068.php">La contestation sociale</a> était déjà très forte avant le début du confinement (gilets jaunes, personnels soignants, écologistes entre autres) et la crise sanitaire n’a fait qu’exacerber ce mécontentement qui <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/03/13/la-marche-pour-le-climat-annulee-a-paris_6032856_3244.html">ne peut plus</a> du tout, ou plus difficilement, s’exprimer du fait de la pandémie. Le refus du port du masque apparaît comme un moyen détourné d’exprimer sa colère et de contester le gouvernement. </p>
<p><a href="https://jean-jaures.org/nos-productions/bas-les-masques-sociologie-des-militants-anti-masques">L’étude française sur les anti-masques</a>, déjà citée précédemment, a d’ailleurs montré que seul 2 % des anti-masques font confiance à Emmanuel Macron. Ils sont par contre 87 % à soutenir le Pr. Raoult, <a href="https://theconversation.com/pourquoi-sommes-nous-aussi-divises-sur-la-question-de-lhydroxychloroquine-135149">grande figure contestataire</a> qui n’a eu de cesse de <a href="https://www.leparisien.fr/politique/didier-raoult-tacle-le-gouvernement-la-decrue-continue-25-09-2020-8391381.php">remettre en question</a> les mesures prises par le gouvernement depuis le début de la crise, y compris celles concernant <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/pour-les-masques-raoult-aurait-prefere-une-recommandation-pas-une-obligation_fr_5f3cf015c5b61551404f611c">l’obligation du port du masque</a>. Il a été montré que plus un individu est en colère, plus <a href="https://www.sciencenews.org/article/coronavirus-covid-19-how-fear-anger-change-risk-perception">sa perception du risque diminue</a>. Les personnes qui rejettent le masque par réactance psychologique sont donc probablement moins conscience du risque que cet acte représente car ils sont partiellement aveuglés par la colère.</p>
<h2>Que faire ?</h2>
<p>Rappelons-le, <a href="https://www.thelancet.com/action/showPdf?pii=S0140-6736%2820%2931142-9">plusieurs études récentes</a> ont montré que le port du masque permettait de limiter significativement la transmission du virus. De même, l’obligation du port du masque dans la plupart des grandes villes aurait largement contribué à faire <a href="https://www.ouest-france.fr/sante/masques-de-protection/le-masque-permet-il-de-developper-des-formes-moins-severes-du-coronavirus-6992469">diminuer le nombre de cas graves</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les Masques, Ça Marche Vraiment ? (Capture Schlieren en Slow Motion !).</span></figcaption>
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<p>Aux vues de ces résultats, il parait donc nécessaire de développer des stratégies visant à contrer ces phénomènes d’effet autruche et de réactance psychologique afin d’augmenter l’acceptation du port du masque.</p>
<p>Il est possible de limiter l’occurrence de la réactance psychologique en adoptant un discours fort, clair et pédagogique. Or la communication du gouvernement sur le port du masque a été on ne peut plus <a href="https://www.france24.com/fr/20200807-covid-19-variation-du-discours-politique-sur-le-port-du-masque-en-france">chaotique</a> et a eu de graves répercussions tant sur la <a href="https://elabe.fr/barometre-politique-octobre-2020/">confiance des Français</a> envers les dirigeants politiques, que sur la propension de ces premiers à respecter des normes sanitaires émanant du pouvoir exécutif. Il faudrait que le gouvernement fasse preuve d’un trésor de pédagogie pour restaurer la confiance des citoyens. La seule option restante est probablement (malheureusement) de fortement pénaliser le refus du port du masque.</p>
<p>En tant que citoyens, nous pouvons nous aussi à notre échelle tenter de lutter contre ces deux phénomènes, qui risquent de se renforcer lorsqu’un <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/le-vaccin-contre-le-coronavirus-1-francais-sur-3-le-refuserait-voila-pourquoi-sondage-exclusif-yougov_fr_5f1ae94dc5b6f2f6c9f56ae4">vaccin</a> contre la Covid-19 sera mis à disposition. Une stratégie pour limiter la réactance psychologique pourrait être de chercher à dissocier l’obligation du port du masque du gouvernement, en présentant par exemple les preuves scientifiques de son efficacité de manière claire et accessible, ou en proposant des comportements « alternatifs » et moins risqués de réactance psychologique. </p>
<p>Il est probable qu’il soit plus ardu de lutter contre l’effet autruche, tout particulièrement lorsqu’il s’exprime de manière inconsciente. Les individus-autruche étant à la fois très stressés et extrêmement motivés à protéger leur égo, il est nécessaire de faire preuve de beaucoup patience et de bienveillance à leur égard et de se garder de remettre en question leur intelligence, leur rationalité ou leur niveau de connaissances. Commencer la discussion en faisant part de notre propre peur de la crise sanitaire pourrait permettre de mettre la personne en confiance, ce qui facilitera la discussion par la suite.</p>
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<figcaption><span class="caption">How to have better political conversations | Robb Willer.</span></figcaption>
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<p>Enfin, essayez d’adopter des arguments susceptibles de convaincre la personne que vous avez en face qui a son propre système de valeurs (probablement différent du vôtre) et non pas des arguments qui vous convainquent vous-même comme le conseille Robb Willer dans son TED talk.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Créé en 2007 pour contribuer au développement et au partage des connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, l’Axa Research Fund a parrainé près de 650 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs de 55 pays. Pour en savoir davantage, consultez son <a href="https://www.axa-research.org">site</a> ou abonnez-vous au compte Twitter dédié <a href="https://twitter.com/axaresearchfund ?lang=fr">@AXAResearchFund</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/148405/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eve Fabre a reçu des financements de AXA Research Fund et de la Commission Européenne (Bourse de doctorat Marie Skłodowska-Curie). </span></em></p>Alors que le nombre de cas positifs à la Covid-19 augmente dangereusement en France, comment expliquer qu’une partie de la population rejette encore le port du masque ?Eve Fabre, Chercheure en Facteur Humain & Neurosciences Sociales, ISAE-SUPAEROLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1482112020-10-20T17:19:05Z2020-10-20T17:19:05ZQAnon est banni de Facebook, mais la bataille contre les théories du complot n'est pas gagnée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/364582/original/file-20201020-21-13bon9s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des partisans du mouvement QAnon manifestent contre les mesures prises par le gouvernement roumain pour empêcher la propagation de la Covid-19, lors d'un rassemblement à Bucarest en août.</span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Vadim Ghirda)</span></span></figcaption></figure><p>La décision de Facebook de <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1739841/qanon-facebook-banni-conspiration-radio-quebec">retirer toutes les pages et tous les groupes associés à la mouvance de théories du complot de l’extrême droite QAnon</a> compromettra la capacité des communautés virtuelles dangereuses à répandre leurs messages radicaux, mais cela ne les enrayera pas complètement.</p>
<p><a href="https://about.fb.com/news/2020/08/addressing-movements-and-organizations-tied-to-violence/">L’annonce faite par Facebook</a> le 6 octobre du retrait par l’entreprise de tous les « comptes représentant QAnon, même s’ils ne contiennent aucun contenu violent » suit une précédente décision du média social de déclasser le contenu de QAnon dans les résultats de recherche sur Facebook. <a href="https://www.journaldemontreal.com/2020/10/06/facebook-et-instagram-retirent-tous-les-comptes-lies-aux-conspirationnistes-de-qanon">Elle a été suivie par Instagram</a>. Le 15 octobre, <a href="https://www.cnbc.com/2020/10/15/youtube-tightens-rules-on-conspiracy-videos-but-no-qanon-ban.html">YouTube a dicté de nouvelles règles concernant la diffusion de vidéos conspirationnistes</a>, mais le réseau n’a pas ordonné une interdiction complète.</p>
<p>Ce mois-ci marque le troisième anniversaire de la mouvance qui a commencé lorsqu’une personne connue sous le nom de Q a publié une série de théories du complot en ligne sur le forum 4chan. Q mettait les gens en garde contre un réseau d’élites mondiales de l’État profond satanique s’adonnant à la pédophilie et au trafic sexuel et affirmait que le président américain Donald Trump travaillait à un plan secret pour démanteler le réseau.</p>
<h2>QAnon est désormais un phénomène mondial</h2>
<p>Avant cette année, la majorité des gens n’avaient jamais entendu parler de QAnon. Mais au cours de 2020, la mouvance marginale a rallié de nombreux adeptes <a href="https://www.mediamatters.org/qanon-conspiracy-theory/here-are-qanon-supporters-running-congress-2020">aux États-Unis</a> et <a href="https://www.voanews.com/usa/how-qanon-conspiracy-theory-went-global">ailleurs dans le monde</a>, <a href="https://www.cnn.com/2020/08/12/politics/qanon-congressional-candidates/index.html">y compris nombre de politiciens républicains qui ont fait ouvertement campagne en tant qu’adeptes de Q</a>.</p>
<p>Cela fait plus de deux ans que mes recherches portent sur QAnon et je dois admettre que j’ai moi-même été choqué par l’évolution récente du mouvement.</p>
<p>Ce que la majorité des gens ne réalisent pas est que QAnon en juillet et en août était un mouvement différent de ce qu’est maintenant QAnon en octobre. Je n’ai jamais vu un mouvement évoluer ou se radicaliser aussi rapidement que QAnon. Et tout cela se passe à un moment où l’environnement sociopolitique mondial est bien différent de ce qu’il était cet été.</p>
<p>Tous ces facteurs ont pesé dans la balance lorsque Facebook a décidé d’agir contre les « mouvements sociaux militarisés et QAnon ».</p>
<p>Dans les semaines qui ont précédé le retrait des pages, j’ai remarqué une tendance de contenu plus violent sur Facebook, en particulier avec la circulation de mèmes et de vidéos faisant la promotion des « attaques à la voiture bélier » et du slogan « all lives splatter » (toutes les vies éclaboussent) et d’autres messages racistes envers les Noirs.</p>
<p>Pour expliquer le retrait de ces pages, Facebook note que bien qu’elle ait « retiré le contenu de QAnon qui célébrait et approuvait la violence, nous avons vu apparaître du contenu de QAnon sur d’autres sujets qui pouvaient réellement causer du tort, comme les affirmations récentes selon lesquelles certains groupes de personnes sont à l’origine des incendies de forêt sur la côte ouest (des États-Unis), ce qui a détourné l’attention des autorités locales occupées à lutter contre ces incendies et à protéger la population ».</p>
<h2>Les actions précédentes ont été inefficaces</h2>
<p>Avant de retirer complètement les pages, les tentatives précédentes de Facebook d’empêcher les groupes de la mouvance QAnon de s’organiser sur Facebook et Instagram n’ont pas été suffisantes pour empêcher son message trompeur de se répandre.</p>
<p>Les adeptes de Q se sont adaptés par l’entremise de formes plus subtiles de propagande, un <a href="https://www.sbs.com.au/news/the-feed/pastel-qanon-the-female-lifestyle-bloggers-and-influencers-spreading-conspiracy-theories-through-instagram">phénomène que j’appelle QAnon pastel</a>. Pour contourner les sanctions initiales de Facebook, les femmes qui croyaient aux conspirations de QAnon ont utilisé des images chaleureuses et colorées pour répandre les théories de QAnon au sein de <a href="https://www.brisbanetimes.com.au/lifestyle/health-and-wellness/playing-with-fire-the-curious-marriage-of-qanon-and-wellness-20200924-p55yu7.html">communautés axées sur la santé et le bien-être</a> et en <a href="https://www.nytimes.com/2020/09/28/technology/save-the-children-qanon.html">infiltrant des campagnes légitimes menées par des organismes à but non lucratif pour lutter contre la traite des enfants</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/363504/original/file-20201014-21-3s19yp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/363504/original/file-20201014-21-3s19yp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/363504/original/file-20201014-21-3s19yp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/363504/original/file-20201014-21-3s19yp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/363504/original/file-20201014-21-3s19yp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/363504/original/file-20201014-21-3s19yp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/363504/original/file-20201014-21-3s19yp.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les adeptes de QAnon ont utilisé des messages plus subtils et de l’imagerie centrée sur les femmes pour infiltrer les communautés axées sur le style de vie sur les médias sociaux, une tactique que le chercheur Marc-André Argentino appelle QAnon pastel.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Twitter</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>La dernière initiative de Facebook permettra à QAnon pastel de continuer d’exister dans les communautés axées sur le style de vie, la santé et la mise en forme, un adoucissement des messages traditionnellement crus de QAnon, mais une façon efficace de répandre les théories du complot à de nouveaux auditoires.</p>
<h2>Certaines pages de QAnon ont survécu au retrait</h2>
<p>Facebook surveillera sans doute toute tentative de la communauté QAnon de contourner l’interdiction. Bien que l’initiative de Facebook ait réduit le nombre de comptes associés à QAnon, elle ne les a pas éliminés complètement et, d’un point de vue réaliste, la société n’y arrivera pas. Selon mes recherches :</p>
<ul>
<li><p>Nombre de groupes publics de QAnon avant leur interdiction : 186 ; après leur interdiction : 18.</p></li>
<li><p>Nombre de pages publiques de QAnon avant leur interdiction : 253 ; après leur interdiction : 66.</p></li>
<li><p>Nombre de comptes Instagram avant leur interdiction : 269 ; après leur interdiction : 111.</p></li>
</ul>
<p>L’initiative de Facebook causera des dommages permanents à la présence de QAnon sur la plate-forme à long terme. À court et à moyen terme, nous verrons que les pages et les groupes se reformeront en essayant de déjouer l’algorithme de Facebook pour voir s’ils peuvent éviter d’être repérés.</p>
<p>Cependant, avec une présence réduite sur Facebook pour amplifier les nouveaux groupes et les nouvelles pages et les changements à l’algorithme de recherche, leurs efforts ne seront pas aussi efficaces qu’auparavant.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/363522/original/file-20201014-13-6ampjc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/363522/original/file-20201014-13-6ampjc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/363522/original/file-20201014-13-6ampjc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/363522/original/file-20201014-13-6ampjc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/363522/original/file-20201014-13-6ampjc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/363522/original/file-20201014-13-6ampjc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/363522/original/file-20201014-13-6ampjc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tandis que Facebook a interdit les groupes et les pages affiliés à QAnon, les adeptes des théories du complot invraisemblables se sont tournés vers d’autres médias sociaux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">AP Photo/Ben Margot</span></span>
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<p>Vers quoi les adeptes de QAnon se tourneront-ils si Facebook n’est plus la plate-forme la plus efficace pour répandre ses théories ? Déjà, la mouvance QAnon s’est fragmentée en communautés sur Telegram, Parler, MeWe et Gab. Ces médias sociaux de rechange ne sont pas aussi efficaces pour promouvoir du contenu ou des marchandises, ce qui aura des répercussions sur les arnaqueurs qui profitaient de QAnon et limitera les efforts de prosélytisme.</p>
<p>Mais l’interdiction a poussé ceux qui étaient déjà convaincus par QAnon à migrer sur des plates-formes où ils interagiront avec du contenu extrême qu’ils n’auraient peut-être pas trouvé sur Facebook. Cela aura pour effet de radicaliser certaines personnes encore plus qu’elles ne le sont déjà ou d’accélérer le processus pour d’autres déjà engagées dans cette voie.</p>
<h2>Comme un mouvement religieux</h2>
<p>Éventuellement, nous sommes susceptibles d’assister à la fragmentation de l’idéologie QAnon. Il sera important de commencer à considérer que la mouvance QAnon est plus qu’une théorie du complot et qu’elle se rapproche davantage d’un <a href="https://religiondispatches.org/in-the-name-of-the-father-son-and-q-why-its-important-to-see-qanon-as-a-hyper-real-religion/">nouveau mouvement religieux</a>. Il faudra aussi examiner les façons dont QAnon a été capable d’absorber et d’assimiler les autres idéologies ou de s’y adapter.</p>
<p>Bien que Facebook ait pris cette importante initiative, il y aura toujours beaucoup de travail à accomplir pour s’assurer que QAnon ne réapparaît pas sur la plate-forme.</p>
<p>YouTube a déclaré que ses nouvelles règles pour « gérer les théories de conspiration nuisibles » sont destinées à « freiner la haine et le harcèlement en supprimant plus de contenu de la théorie de conspiration utilisée pour justifier la violence du monde réel ».</p>
<p>Dans la vague initiale de démantèlement, YouTube a fermé les canaux de certains influenceurs et prosélytes des QAnon, en particulier l’influenceur canadien Amazing Polly, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1741301/youtube-chaines-complotistes-menage-qanon-alexis-cossette-trudel">et l’influenceur québécois Alexis Cossette-Trudel</a>. Même si cela va couper l’accès à certains grands influenceurs, il y a du contenu QAnon sur YouTube qui ne respecte pas les nouvelles règles de la plate-forme.</p>
<p>Ces nouvelles règles ne mettront pas fin au rôle que YouTube joue dans la radicalisation des individus en faveur des QAnon, ni ne freineront ceux qui se radicaliseront vers la violence.</p>
<p>La vidéo est le véhicule le plus utilisé pour diffuser le contenu de QAnon dans tous les écosystèmes numériques. Tant que la mouvance QAnon sera hébergée sur YouTube, nous continuerons à voir son contenu sur toutes les plates-formes sociales – il n’y a pas grand-chose que Facebook puisse faire seule pour l’en empêcher. Pour lutter contre QAnon, il faudra en fin de compte un effort concerté multiplateforme.</p>
<p>La technologie et les plates-formes fournissent un vecteur aux mouvances extrémistes comme QAnon. Cependant, à la base, il s’agit d’un problème humain. L’environnement sociopolitique mondial est un terreau fertile et favorable à la pérennité et à la croissance de QAnon.</p>
<p>L’initiative de Facebook est un pas dans la bonne direction, mais la partie n’est pas terminée. Il y a encore du travail à accomplir pour les personnes qui œuvrent dans cet espace.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/148211/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc-André Argentino reçoit un financement de l'Université Concordia. Il est affilié au Réseau mondial sur l'extrémisme et la technologie, à l'Institut pour le dialogue stratégique et au Centre d'expertise et de formation sur les intégrismes religieux, les idéologies politiques et la radicalisation.</span></em></p>Facebook et YouTube tentent d’arrêter la propagation des conspirations QAnon, mais les membres de la communauté ont trouvé de nouvelles façons de promouvoir de fausses théories sur les médias sociaux.Marc-André Argentino, PhD candidate Individualized Program, 2020-2021 Public Scholar, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1464622020-10-12T18:37:11Z2020-10-12T18:37:11ZLe complotisme dans tous ses états<p>Les théories du complot et fantasmes en tout genre ne datent pas d’hier. « Tout conspire », disait déjà Leibniz. Mais on assiste aujourd’hui à une recrudescence de ces phénomènes, spécialement depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump. Son élection aura été un puissant vecteur de l’expansion des thèses complotistes qui pénètrent non seulement les environnements culturels, mais aussi et peut-être surtout les systèmes politiques démocratiques.</p>
<h2>Le système mental complotiste</h2>
<p>Ces dernières années, le paysage politique américain a connu des changements spectaculaires. Les forces politiques agissant en sous-main des mouvements sociaux émergents (on pense par exemple à la manière dont plusieurs personnalités républicaines ont assumé dans leur agenda les combats idéologiques des chrétiens fondamentalistes) et la montée en puissance de l’<a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/08/16/etats-unis-qu-est-ce-que-l-alt-right-et-le-supremacisme-blanc_5173096_4355770.html">alt-right</a> n’ont été que les formes les plus visibles, et les plus spectaculaires, des changements structurels à l’œuvre derrière les bouleversements de la société américaine.</p>
<p><a href="https://works.bepress.com/wrb/31/">Charles Tilly</a> (1929-2008), grand spécialiste des mouvements sociaux, avait prévu une telle évolution de la vie politique en mettant l’accent sur les facteurs de changement au niveau des relations entre le peuple et les élites, et plus précisément l’affirmation d’un nationalisme partant de la base pour aller vers le haut (bottom-up).</p>
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<p>Le complotisme prend une place de plus en plus importante dans le débat public : on constate notamment que des représentants de mouvements ouvertement complotistes n’hésitent pas à s’afficher comme tels en se présentant aux élections, <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/08/05/etats-unis-des-partisans-de-la-theorie-complotiste-qanon-candidats-au-congres_6048207_4408996.html">dans les rangs des républicains américains</a>, par exemple. Les porteurs de la stratégie du complot apparaissent dans le débat public en prétendant briser certains tabous que des autorités en place et leurs relais médiatiques refuseraient de divulguer. La motivation profonde de la plupart des théories complotistes est de livrer un combat de purification.</p>
<p>Le conspirationnisme peut faire système. Certains chercheurs (<a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2013.00279/full">Brotherton, French, & Pickering</a> ; <a href="https://www.jstor.org/stable/3791630?seq=1">Goertzel</a> ; ou encore <a href="https://www.researchgate.net/publication/235974304_Speaking_Un-Truth_to_Power_Conspiracy_Mentality_as_a_Generalised_Political_Attitude">Imhoff et Bruder</a>), n’hésitent pas d’ailleurs à parler de « mentalité conspirationniste ». Complotisme et conspirationnisme se structurent en <a href="https://iris.unito.it/retrieve/handle/2318/1733960/596833/1.3_Leone%2c%20Madison%2c%20Ventsel.pdf">sémiologie</a> : bon nombre d’auteurs de tweets conspirationnistes s’attachent à la signification des termes employés en mettant en exergue des attitudes ou des mots censés révéler un sous-sens caché, atteignable uniquement par une communauté de gens informés.</p>
<h2>L’adaptabilité du complotisme</h2>
<p>Les phénomènes complotistes se sont rapidement propagés en dehors des États-Unis et se sont singularisés par une plasticité remarquable. Que l’on prenne le patronage de l’AfD sur les <a href="https://www.france24.com/fr/20200831-en-allemagne-les-anti-masques-attirent-de-plus-en-plus-l-extr%C3%AAme-droite">mouvements anti-masques</a> en Allemagne ou les formes de dénonciations plus classiques du rôle de George Soros en Hongrie, souvent reprises et diffusées par des partis (ou des organisations liées à des partis), on est frappé par la capacité de ces mouvements à absorber l’actualité du monde contemporain, sans se figer dans une forme d’expression politique trop rigide.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1302559891438084097"}"></div></p>
<p>Pendant longtemps, ils ont avant tout <a href="http://eprints.lse.ac.uk/75873/1/blogs.lse.ac.uk-How%20exposure%20to%20conspiracy%20theories%20can%20reduce%20trust%20in%20government.pdf">pris pour cible</a> les détenteurs d’une autorité publique, les agences de santé, les organes de sécurité publique, les services de renseignement. Ce n’est plus systématiquement le cas.</p>
<p>Il est intéressant d’observer la porosité de certains phénomènes au complotisme. Les problématiques de vaccination, ou plus récemment, la nature même des controverses scientifiques, jusqu’à la production des faits scientifiques eux-mêmes, deviennent sujettes à interrogation.</p>
<p>Lorsque les phénomènes complotistes de grande ampleur ont commencé à apparaître au XXI<sup>e</sup> siècle, on aurait imaginé que des systèmes de franchises essaimeraient un peu partout. Les tentatives de <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/donald-trump/l-ascension-et-la-chute-de-steve-bannon-l-ancien-bras-droit-de-donald-trump-resumee-en-six-actes_2554419.html">Steve Bannon</a> allaient probablement dans ce sens, lorsqu’il tentait de développer son mouvement en Europe, avec Breitbart comme cheval de Troie. Cette époque, bien qu’encore très récente, est probablement révolue.</p>
<p>Les mouvements comme Qanon ont leur dynamique propre. Ils s’intègrent avec une déconcertante facilité dans le terreau nationaliste local sans répliquer identiquement la structure américaine. Et partout ailleurs, les théories complotistes cherchent à se greffer sur la gronde sociale dominante. Leur particularité est de faire émerger des figures héroïques, parfois improbables, qui engagent une lutte contre un supposé État profond dominant (on l’a constaté en Allemagne(https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/linquietante-ascension-de-qanon-en-allemagne-1249186.</p>
<h2>Qanon, un cas d’espèce</h2>
<p>Qanon est une organisation qui <a href="https://fusion.inquirer.com/opinion/editorials/qanon-conspiracy-theory-save-children-pennsylvania-congress-resolution-condemning-20201006.html">présente un risque terroriste selon le FBI</a>. Elle a cette particularité d’investir plusieurs champs médiatiques et politiques : soutien à la campagne de Donald Trump, dénonciations de complots à l’œuvre derrière l’épidémie de Covid-19, etc.</p>
<p>Nommément, l’hypothèse conspirationniste à la base du mouvement est apparue en octobre 2017 avec un post sur le forum de discussion <em>4chan</em> intitulé « Calm Before the Storm » et signé d’une personne dissimulée derrière l’alias « Q Clearance Patriot ».</p>
<p>Une multitude d’échanges de messages cryptés s’est ensuivie, faisant référence à une conspiration globale et maléfique. Le mouvement est rapidement sorti de son état embryonnaire et underground pour coloniser une part croissance de l’espace médiatique, jusqu’à, on l’a mentionné, présenter des <a href="https://www.nytimes.com/2020/07/14/us/politics/qanon-politicians-candidates.html">candidats</a> aux prochaines élections. On ne connaît pas l’origine exacte du Q de Qanon, mais l’<a href="https://www.thedailybeast.com/what-is-qanon-the-craziest-theory-of-the-trump-era-explained">hypothèse</a> la plus plausible serait que ce « Q » fasse en fait référence à des dossiers classifiés du <em>Department of Energy</em> américain.</p>
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<p>Les cibles initiales de ce mouvement étaient clairement orientées, puisqu’il s’agissait d’Hillary Clinton et de Robert Mueller, le procureur désigné pour enquêter sur les interférences de la Russie dans l’élection présidentielle de 2016. Le <a href="https://www.lemonde.fr/big-browser/article/2016/12/06/de-la-theorie-du-complot-aux-coups-de-feu-dans-une-pizzeria-les-consequences-reelles-des-fake-news_5044047_4832693.html"><em>pizzagate</em></a> aura été l’événement déclencheur de la campagne de Qanon : une pizzeria de Washington abriterait un trafic d’enfants patronné par des leaders du parti démocrate américain et des entrepreneurs richissimes et amis.</p>
<p>Toute l’armature complotiste des mouvements conspirationnistes et millénaristes se retrouve dans Qanon ; la grande différence est sa volonté de pénétrer l’ordre politique existant et de le changer de l’intérieur. En attendant, le mouvement soutient le combat politique de Trump, présenté sous la forme d’un agenda secret visant à éradiquer les pratiques criminelles des démocrates et des libéraux. D’où une forme de sanctification politique de l’actuel président américain.</p>
<h2>Le cœur des ténèbres</h2>
<p>Le complot est le cœur du modèle conspirationniste. Ce modèle d’explication intervient autant à l’échelle macrosociale (le monde) que sur des événements d’actualité spécifiques.</p>
<p>Selon Goerzel, l’idée de la conspiration serait inscrite dans l’ordre social, et ne témoignerait pas spécifiquement d’un climat sociopolitique dégradé. Historiquement, la croyance dans les complots et aux fausses informations existe dans le but de satisfaire les intérêts de sous-groupes politiques ou sociaux.</p>
<p>La défiance généralisée envers l’État, le gouvernement, et plus globalement, la mise à distance du contrat social, pousse à un renchérissement permanent et insatiable de la critique absolument négative de l’existant. L’épisode de l’épidémie de Covid-19 a illustré l’enracinement d’une inclination conspirationniste chez au moins la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7264452/">moitié de la population interrogée sur le sujet au Royaume-Uni</a>.</p>
<p>Ces mouvements apparaissent dans le sillage de groupes politiques qui voient rapidement l’usage qu’ils sont susceptibles d’en tirer.</p>
<p>En 1965, le philosophe américain Michael Walzer publie <a href="https://www.hup.harvard.edu/catalog.php?isbn=9780674767867"><em>The Revolution of the Saints</em></a>. Dans ce livre, il examine la réponse politique que les puritains ont apportée aux désordres sociaux au XVII<sup>e</sup> siècle et interprète notamment l’évolution doctrinale du calvinisme comme l’expression d’une volonté de transformer la base idéologique de l’ordre politique et moral dominant les règles sociales de l’époque.</p>
<p>Walzer montre qu’il s’agit d’un projet politique de grande ampleur, incluant notamment une nouvelle forme de gouvernementalité sociale. Selon Walzer, la véritable révolution politique n’a pas été enclenchée par le républicanisme, mais par une matrice puritaine et conservatrice.</p>
<p>Des mouvements millénaristes ont pullulé dans l’expansion de ces formes religieuses calvinistes, instrumentalisant souvent les figures des saints, et en les inscrivant dans une temporalité politique dominante. Walzer montre en effet que les valeurs anglicanes défendues entraient directement dans une logique de projet social pour le monde d’ici-bas. Ces mouvements usaient ainsi de procédés qui ne semblent pas si exotiques pour notre époque : la suspicion généralisée et la dénonciation d’une Église dominante et manipulatrice étaient en effet une partie de leur fonds de commerce.</p>
<p>Dans ce débat, Walzer peut nous permettre de comprendre qu’au-delà du mouvement de rejet que peut susciter l’expansion de ces phénomènes, il est peut-être utile d’interpréter le mouvement historique des révolutions comme l’aboutissement d’un radicalisme religieux (<em>religious radicalism</em>). Peut-être est-il temps de reconsidérer des mouvements comme Qanon…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146462/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Rozin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le complotisme n’est évidemment pas né avec les réseaux sociaux et de Donald Trump. Relire certains penseurs comme Michael Walzer permet d’éclairer utilement ce phénomène.Philippe Rozin, Maître de conférences, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1472862020-10-01T18:51:57Z2020-10-01T18:51:57ZLe jour d’après : l’Europe face à l’Amérique post-électorale<p>Ceux qui ont assisté en France au débat télévisé Macron–Le Pen de 2017 seront moins catégoriques que la plupart des commentateurs américains sur la violence « effroyable » du premier échange Trump-Biden. Certes, le <a href="https://thehill.com/homenews/media/518878-cnns-dana-bash-on-first-debate-that-was-a-s-show">« shit show »</a>, selon la journaliste de CNN Dana Bash, qui aurait eu <a href="https://edition.cnn.com/2020/09/30/asia/trump-biden-debate-china-intl-hnk/index.html">pour seul vainqueur la Chine</a>, toujours selon la chaîne d’information, n’a pas offert un luxe de rhétorique structurée, constructive ni visionnaire. Mais il est tout de même permis d’en tirer plusieurs enseignements.</p>
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<p>Laissons de côté, pour cette fois, le point de vue américain, qui ne peut être le nôtre en Europe, et surtout qui appartient aux seuls électeurs américains – du moins peut-on l’espérer. Prenons le point de vue des alliés des États-Unis, que nous sommes en tant que membres de l’OTAN, et de partenaires économiques de premier ordre, que nous sommes en tant que membres de l’Union européenne. Et interrogeons-nous sur la situation qui sera la nôtre au matin d’une nuit électorale forcément agitée.</p>
<p>La France et l’Europe auront face à elles une nouvelle donne, quoi qu’il arrive, et il y a peu de chances que cette nouvelle donne soit positive : tel est le premier enseignement de ce premier débat. Il faudra ensuite, quel que soit le vainqueur, éviter l’erreur habituelle qui consiste à réagir en fonction de ce que nous croyons définitivement bon ou mauvais pour nous. Enfin, en fonction du vainqueur cette fois, il nous faudra nous souvenir de ce qu’aura été cette campagne américaine, de ses promesses, de ses menaces aussi : nous avions eu tendance à les minimiser en 2016.</p>
<h2>Les enseignements du débat</h2>
<p>Joe Biden a peut-être voulu, lors de cette première joute, montrer qu’il était moins « sleepy » que son adversaire le prétend. Qu’au-delà de l’« empathie », ce mot qui revient sans cesse lorsqu’on parle de lui, il savait aussi donner des coups. Peut-être changera-t-il d’attitude lors d’une prochaine séquence – puisque les débats présidentiels américains se jouent en plusieurs manches, ce qui change tout par rapport au duel unique et d’entre-deux-tours que nous connaissons en France.</p>
<p>Peut-être voudra-t-il prendre davantage de hauteur pour montrer que son adversaire, lui, selon les mots de Barack Obama, <a href="https://www.cnbc.com/2020/08/19/dnc-2020-barack-obama-rips-donald-trump-in-speech.html">« n’en est pas capable »</a>. En attendant, nous avons pu constater que le président sortant joue la politique du pire dans une Amérique divisée. Que ce chaos l’arrange. Que de ce point de vue, il ne changera pas.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1275293883191250944"}"></div></p>
<p>S’il est réélu, les tendances déjà à l’œuvre se poursuivront : distanciation vis-à-vis des alliés à l’extérieur ; polarisation et clivages à l’intérieur ; désorganisation du processus décisionnel. L’expérience Trump sera alors davantage qu’une parenthèse, et pourra transformer durablement, profondément, la démocratie américaine et sa machinerie internationale. Ce sera, pour reprendre les mots de l’ambassadeur de France à Washington en 2016, <a href="https://www.nouvelobs.com/monde/elections-americaines/20161109.OBS0975/trump-elu-le-tweet-polemique-de-l-ambassadeur-de-france-a-washington.html">« un monde qui s’effondre »</a>. Les populismes en seront renforcés, ainsi que le style politique violent, fait d’invectives mais sans programme, que Donald Trump a encore réussi à imposer en direct dans ce débat. Les Européens devront vivre avec, et ceux qui parmi eux n’ont pas encore succombé à l’<a href="https://spire.sciencespo.fr/notice/2441/3lhgppnhve85vbme0oq40b8i6h">« illibéralisme »</a> se sentiront bien seuls.</p>
<p>Si Trump est battu, tout ne reviendra pas à la normale pour autant. D’abord parce que sa défaite pourrait advenir – <a href="https://www.liberation.fr/planete/2020/07/04/si-trump-refuse-sa-defaite-il-pourrait-mettre-en-peril-notre-democratie_1793246">c’est la crainte de beaucoup</a> – à l’issue d’un long cauchemar procédurier, d’une longue confusion dans les décomptes entre votes physiques et par courrier, tout au long de laquelle « le Donald » s’évertuera à discréditer le processus électoral, pour le plus grand bonheur des puissances extérieures qu’il a déjà l’habitude de choyer. Et l’Amérique sera à reconstruire. Elle voudra rassurer ses alliés traditionnels sur la forme, avec un nouveau président qui s’y entend en politique étrangère, mais aura des priorités intérieures beaucoup plus pressantes que lors des précédentes transitions.</p>
<h2>Aucun président américain n’est européen</h2>
<p>Si Trump est réélu, il n’aura plus la frénésie de défaire tout ce qu’a fait son prédécesseur comme en 2016, mais pourrait chercher à faire payer ceux qui espéraient le voir partir, et à récompenser ses supporters. Le second mandat de George W. Bush, en 2004, intervenait après la désastreuse guerre irakienne, sous une administration brutale mais dotée de professionnels de l’international. Il fut donc possible de prendre un nouveau départ. La même Condoleezza Rice qui voulait « punir la France » en 2003 <a href="https://www.universalis.fr/evenement/8-9-fevrier-2005-visite-de-la-secretaire-d-etat-condoleezza-rice-en-europe/">se rendit à Paris pour une offensive de charme quelques mois plus tard</a>. Car elle savait que sur la durée, un divorce avec les Européens n’était bon pour personne. Rien de tel à attendre cette fois. Pour autant, il ne s’agira pas de diaboliser toute l’Amérique, mais de maintenir un lien fort avec le pays raisonnable, ses diplomates, ses entrepreneurs, ses intellectuels et tous les autres, à commencer par sa jeunesse.</p>
<p>Si Joe Biden s’installe à la Maison Blanche, il ne faudra pas non plus voir en lui un président « européen » ou nécessairement « Europe friendly ». L’erreur nous avait valu bien des <a href="http://www.slate.fr/story/28921/obama-et-leurope-les-espoirs-decus">déceptions</a> avec Barack Obama, qui nous heurta vite par sa froideur toute cérébrale, se montra plus intéressé par les nouveaux horizons internationaux du <a href="https://gipri.ch/wp-content/uploads/pdf/RI106Courmont.pdf">Pacifique</a> ou des Suds, et fit sans prévenir une <a href="https://www.lci.fr/international/le-jour-ou-contrairement-a-trump-barack-obama-a-fait-volte-face-apres-avoir-ete-au-bord-de-frapper-la-syrie-2044261.html">volte-face sur la Syrie</a> en 2013 qui traumatisa longtemps la diplomatie française. Les priorités américaines seront une fois de plus chinoises ou asiatiques, moyen-orientales ou mexicaines, et bien sûr internes.</p>
<h2>Promesses et rapports de force internes</h2>
<p>Enfin, il faudra se souvenir des rodomontades de Trump, comme des équilibres de Biden. Le premier a montré après 2016 qu’il ne bluffait pas avec ses promesses en apparence destructrices. Le <a href="https://www.20minutes.fr/monde/2699339-20200120-mexique-mur-trump-tres-probablement-mur-plus-cher-monde">mur mexicain</a> l’obsède encore, le <a href="https://www.lepoint.fr/monde/il-y-a-un-an-le-transfert-de-l-ambassade-americaine-a-jerusalem-et-maintenant-12-05-2019-2312049_24.php">déménagement de l’ambassade américaine en Israël à Jérusalem</a> a eu lieu, la <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/chine-etats-unis-la-guerre-commerciale-s-intensifie-apres-les-mesures-de-trump-contre-tiktok-et-wechat-854489.html">guerre commerciale avec la Chine</a> est en cours ; dans le même temps, le <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/donald-trump-retire-officiellement-les-etats-unis-du-tpp-632638.html">partenariat trans-Pacifique</a>, comme le <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2018/05/08/donald-trump-annonce-le-retrait-des-etats-unis-de-l-accord-sur-le-nucleaire-iranien_5296297_3222.html">deal iranien</a>, l’engagement américain dans la lutte contre le <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/donald-trump-sort-les-etats-unis-de-l-accord-de-paris-sur-le-climat_1914113.html">réchauffement climatique</a> et le <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/donald-trump-accentue-la-pression-sur-cuba-en-crise-20200428">dégel avec Cuba</a> ont été anéantis. Ceux de son équipe qui ont essayé de le ramener à la raison sont partis, comme le général <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/21/etats-unis-le-ministre-de-la-defense-jim-mattis-demissionne_5400631_3210.html">Mattis</a> (on en est au cinquième secrétaire à la Défense en moins de quatre ans, dont deux fois Mark Esper, actuel titulaire du poste). S’il gagne cette fois encore, ce sera pour avoir mis le pays à feu et à sang, avec le soutien des plus durs, dans une atmosphère de complot (que souligne encore le succès du mouvement conspirationniste pro-Trump <a href="https://www.lalibre.be/international/amerique/qanon-comment-un-culte-conspirationniste-pro-trump-est-ne-sur-internet-5f246a1dd8ad586219badd43">QAnon</a>), et donc grâce à un électorat peu euro-compatible – un électorat dont on sait qu’il reste sa seule boussole post-électorale.</p>
<p>Avec Biden, il faudra se souvenir des difficiles équilibres du parti démocrate, et de la montée en puissance de Kamala Harris, qui prendra une place importante. C’est l’autre Amérique, et elle n’est pas européo-centrée non plus. La gauche du parti, qui saura se rappeler au bon souvenir de Joe Biden, sera plus proche des choix français et européens sur la santé ou l’environnement, mais pas nécessairement sur les questions de sécurité, ni sur certaines orientations de société. La jeune, charismatique et talentueuse Alexandria Ocasio-Cortez a un <a href="https://www.lesinrocks.com/2020/0">discours clivant</a> et n’a sans doute que peu d’affinités avec une certaine Europe, qui demeure davantage le partenaire naturel des baby-boomers que des millennials, tournés vers d’autres horizons.</p>
<p>L’Amérique a changé, il nous faudra vivre avec et apprendre à mieux la connaître, plutôt que de vivre sur des schémas préacquis. Des opportunités se présenteront, potentiellement bénéfiques pour les Européens, comme une réflexion transatlantique nouvelle sur la sécurité européenne, le début d’une stratégie commune sur les questions asiatiques, ou un nouveau départ sur les politiques environnementales. Il s’agira de savoir les saisir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147286/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Charillon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Que Donald Trump soit réélu ou non, les Européens doivent prendre conscience du fait qu’ils ne se trouveront pas au cœur des préoccupations de Washington pendant les quatre prochaines années.Frédéric Charillon, professeur de science politique, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1448822020-08-24T19:10:20Z2020-08-24T19:10:20ZLe mensonge politique au cœur de la campagne présidentielle de Donald Trump<p>Le mensonge est aussi ancien que la politique. Jonathan Swift, dans son essai <a href="https://www.millon.fr/livres/331-hors-collection-swift-jonathan-l-art-du-mensonge-politique.html"><em>L’Art du mensonge politique</em></a>, explique que « si un mensonge est cru pendant une heure, il a accompli son office ».</p>
<p>S’il n’a pas inventé le concept de <a href="http://www.toupie.org/Dictionnaire/Post-verite.htm">post-vérité</a> qui est souvent associé à son nom, l’actuel président américain aura, tout au long de son mandat, appliqué l’adage swiftien dans des proportions sans précédent.</p>
<h2>Les mensonges de Trump</h2>
<p>Jamais, probablement, un homme ou une femme politique n’a menti autant que Donald Trump : selon le <em>Washington Post</em>, il en était en <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2020/07/13/president-trump-has-made-more-than-20000-false-or-misleading-claims/">août 2020 à 20 000 mensonges</a> répertoriés depuis son élection, un phénomène en accélération constante : de 5 par jour en début de mandat il est passé à 23 par jour depuis 14 mois, un bond constaté après son <a href="https://www.lefigaro.fr/international/proces-en-destitution-donald-trump-acquitte-par-le-senat-americain-20200205">acquittement par le Sénat lors de la procédure de destitution</a>, avec une pointe à 62 dans la seule journée du 9 juillet, dont la moitié en <a href="https://edition.cnn.com/2020/07/10/politics/trump-hannity-coronavirus/index.html">une seule interview accordée à Sean Hannity</a>, de Fox News. Il affectionne tout particulièrement certaines affirmations, spécialement : <a href="https://markets.businessinsider.com/news/stocks/9-charts-comparing-trump-economy-to-obama-bush-administrations-2019-9-1028833119#">« la situation économique est la meilleure de l’Histoire »</a> (une phrase qu’il continue de marteler malgré les conséquences du virus) et <a href="https://www.washingtonpost.com/graphics/politics/fact-checker-most-repeated-disinformation/#Border-wall">« le mur va être construit »</a> (répété 261 fois alors qu’en fait seuls 3 miles sont des nouvelles constructions).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1280323915848519686"}"></div></p>
<p>À ce critère quantitatif s’ajoutent plusieurs spécificités : Donald Trump ne s’excuse jamais, même lorsqu’il est pris en flagrant délit de mensonge avéré (ce qui se produit pratiquement chaque jour) et il ne paye aucun prix politique pour ses mensonges. Comme la poêle Tefal, il semble protégé par un revêtement protecteur.</p>
<p>Un autre élément caractéristique est la chambre d’écho qui existe entre, d’une part, le président, la chaîne Fox News et son journaliste vedette Sean Hannity et des conspirationnistes comme Alex Jones ou le mouvement <a href="https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/quatre-choses-a-savoir-sur-qanon-les-conspirationnistes-pro-trump-1233978">QAnon</a>. Le président – ou l’un de ses partisans – lance une affirmation fausse ou grossièrement exagérée (« Trump est en butte aux attaques constantes d’un <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/05/24/donald-trump-s-attaque-aux-enqueteurs-de-l-enquete-russe_5466297_3210.html">État profond</a> », « Obama a <a href="https://www.independent.co.uk/news/world/americas/us-election/trump-obama-twitter-dnc-speech-false-spying-2020-election-a9679451.html">fait espionner</a> la campagne Trump en 2016 », « il y a des <a href="https://www.bfmtv.com/international/emeutes-aux-etats-unis-trump-denonce-des-actes-de-terrorisme-interieur-et-mobilise-l-armee_AN-202006010249.html">émeutes terroristes à Seattle</a> »…) ou outrancière (« les deux camps sont <a href="https://www.france24.com/fr/20170813-charlottesville-polemique-propos-donald-trump-extreme-droite-supremaciste-racisme">également responsables des événements de Charlottesville</a> »,) et celle-ci est reprise en boucle par les membres de cette coalition partisane et sur les réseaux sociaux, tant et si bien qu’elle acquiert un statut de vérité incontestable au sein des groupes favorables à Trump.</p>
<p>Barack Obama avait en son temps fait les frais de ces méthodes : les <em>birthers</em>, avec à leur tête Donald Trump, ont <a href="https://www.nytimes.com/2016/07/03/us/politics/donald-trump-birther-obama.html">martelé dès 2011 qu’il ne devrait pas être président car il n’était pas né aux États-Unis</a>. Aujourd’hui encore, 40 % des Républicains restent convaincus qu’il est né au Kenya. Et cela, alors qu’il a rendu public et mis en ligne son acte de naissance précisant qu’il est né à Hawaï, qui est jusqu’à nouvel ordre l’un des 50 États américains…</p>
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<p>Donald Trump emploie aujourd’hui des <a href="https://www.nytimes.com/2020/08/15/opinion/letters/trump-kamala-harris-birther.html">méthodes similaires pour s’en prendre à Kamala Harris</a>, née en Californie mais de parents étrangers. Ces accusations infondées, doublées d’attaques que bon nombre d’observateurs jugent <a href="https://www.npr.org/2020/08/15/902756963/trumps-attacks-on-harris-are-a-return-to-familiar-territory?t=1598267702338">racistes</a> et <a href="https://www.nytimes.com/2020/08/12/us/politics/trump-women-kamala-harris.html">sexistes</a>, vont-elles discréditer la colistière de Joe Biden ?</p>
<h2>Le règne des infox et deepfakes</h2>
<p>Aujourd’hui ne règne plus simplement le mensonge mais les infox, ou « fake news » (c’est-à-dire des « informations fausses souvent sensationnelles diffusées sous le couvert de reportage »). Toute l’ironie est que Donald Trump et ses soutiens n’hésitent pas à qualifier toute information qui ne leur convient pas de « fake news »… d’où la création de la notion de « <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/alternative-facts-ou-la-version-des-faits-selon-l-administration-trump-632502.html">faits alternatifs</a> », selon la fameuse formule de sa conseillère Kellyanne Conway.</p>
<p>Il y a aussi les <a href="https://theconversation.com/les-deepfakes-ces-fausses-videos-creees-pour-nous-influencer-131783">deepfakes</a>, ces vidéos trafiquées généralement dans un but hostile et qui sont difficiles à détecter pour l’utilisateur lambda. L’un des canaux privilégiés de ces mensonges et infox est le fil Twitter de Donald Trump, suivi par près de 80 millions de fidèles qui, à leur tour, répercutent les attaques et « craintes » du président, par exemple sur les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/08/15/donald-trump-bloque-le-financement-de-la-poste-pour-affaiblir-le-vote-par-correspondance_6049010_3210.html">risques de fraude inhérents au vote par correspondance</a>, alors que ceux-ci sont en réalité <a href="https://www.brennancenter.org/issues/ensure-every-american-can-vote/vote-suppression/myth-voter-fraud">quasi inexistants</a>.</p>
<p>Or une <a href="https://science.sciencemag.org/content/359/6380/1146">étude menée par le MIT</a> fait apparaître que les fausses nouvelles sont diffusées plus vite, davantage et plus largement que les vraies et qu’elles ont 70 % de chances de plus d’être retweetées. L’étude montre aussi que l’amplification est autant le fait des bots que de la nature humaine et des individus enfermés dans leurs biais cognitifs et les bulles qui renforcent leurs préjugés existants. En d’autres termes, information et pédagogie doivent faire partie des remèdes à mettre en place.</p>
<p>La multiplication des mensonges et infox sur Twitter, Facebook et les autres réseaux sociaux pose deux questions : ceux-ci doivent-ils bannir les mensonges (y compris ceux du président des États-Unis) et certains types de discours comme les appels à la haine raciale, l’antisémitisme, l’homophobie ou le sexisme ? Le contrôle doit-il être volontaire ou imposé par la loi ? Dans le premier cas, ceci impliquerait une acceptation de ce rôle par les réseaux sociaux et la mise en place de cellules de vérification des faits, similaires à celle du <em>Washington Post</em> (<a href="https://www.washingtonpost.com/news/fact-checker/">Fact checker</a>) qui emploie quatre personnes à plein temps. Bien que Twitter ait exclu certains utilisateurs et fermé leurs comptes, les réseaux sociaux sont réticents à intervenir, toujours prompts à invoquer le Premier amendement. Dans les deux cas, se pose la question de la liberté d’expression garantie par le Premier amendement, question réelle mais instrumentalisée.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1265548756692467712"}"></div></p>
<p>Il faut en effet admettre que le débat est dominé par la <a href="https://www.cairn.info/revue-multitudes-2009-1-page-71.htm">vision libertarienne et idéalisée du cyberespace</a> présenté comme une civilisation de l’esprit plus humaine et plus juste que le monde construit par les gouvernements. C’est la philosophie véhiculée par <a href="https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2018/02/12/john-perry-barlow-pionnier-de-la-liberte-d-internet-est-mort_5255754_3382.html">John Barlow</a>, créateur de la <a href="https://www.eff.org/">Fondation de la frontière électronique</a> (EFF) en 1990, qui n’hésite pas à invoquer Jefferson pour affirmer :</p>
<blockquote>
<p>« Nous créons un monde dans lequel tout individu peut exprimer ses croyances et ses convictions, si singulières soient-elles, sans craindre d’être réduit au silence ou à la conformité. »</p>
</blockquote>
<p>Malgré ces belles paroles, Internet n’est pas ce paradis sur terre, lieu de libre expression et d’égalité ; il a toujours été régi par des interdictions, des règles et des limites. C’est ce que soulignent Danielle Citron dans <a href="https://clcjbooks.rutgers.edu/books/free-speech-in-the-digital-age/"><em>Freedom of Speech in the Digital Age</em></a> (OUP, 2019) et Mary Ann Franks dans <a href="https://www.sup.org/books/title/?id=29075"><em>The Cult of the Constitution</em></a> (Stanford University Press, 2019). Certaines règles sont fixées par le gouvernement et d’autres par les acteurs puissants que sont les réseaux sociaux, qui décident de leurs algorithmes et de leurs conditions d’utilisation. Pour les deux auteurs, ceux qui s’opposent aux règles le font en invoquant l’alibi commode du Premier amendement mais, en réalité, ils craignent simplement que les nouvelles règles leur soient moins favorables. Pourtant, les risques liés à une absence de régulation sont sérieux.</p>
<h2>Les infox néfastes pour la démocratie.. et la santé</h2>
<p>La multiplication des mensonges et des infox rend impossible le libre marché des idées – socle du système pluraliste des États-Unis – et, plus globalement, met en danger la démocratie, l’unité de la société et l’intégrité des élections car ces mensonges portent atteinte à la confiance dans les institutions et exacerbent les divisions sociales. En 2020, ils ont joué un rôle majeur dans la mort de <a href="https://www.worldometers.info/coronavirus/country/us/">plus de 180 000 individus</a> à qui « on » a <a href="https://www.theguardian.com/world/2020/jul/21/us-coronavirus-death-toll-public-opinion-poll-accuracy">expliqué</a> que le virus était un canular, une invention des Démocrates, avant de moquer les consignes de précaution et d’inciter au refus de port du masque. Parce que le modèle économique des réseaux sociaux repose sur la publicité, ceux-ci collectent le maximum d’informations sur chacun d’entre nous afin de déterminer ce qui va nous faire réagir et utilisent les algorithmes permettant d’amplifier les messages les plus outranciers, comme ceux des suprémacistes blancs ou les théories du complot. Et l’amplification fonctionne mieux si la nouvelle est fausse.</p>
<p>Il importe donc de réguler les mensonges sur les réseaux sociaux… mais cela pose question. Sur le plan juridique, le Premier amendement interdit au gouvernement d’entraver ou de limiter la libre expression, mais les entreprises privées pourraient être régulées ou s’autoréguler. Certains ont recruté des « modérateurs » sous-payés et en nombre insuffisant, d’autres mis en place un début de fact checking, trois d’entre eux (Facebook, Twitter et YouTube) ont banni <a href="https://www.vox.com/2018/8/6/17655658/alex-jones-facebook-youtube-conspiracy-theories">Alex Jones</a> et <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/07/22/twitter-bannit-7-000-comptes-lies-a-la-theorie-complotiste-qanon_6046987_4408996.html">plusieurs dizaines de milliers de personnes d’un groupe QAnon</a> mais dans l’ensemble, les actes ont été rares, d’autant qu’il est toujours tentant, répétons-le, de s’abriter derrière le Premier amendement. De quel droit une personne privée pourrait-elle décider de priver de sa libre expression une autre personne privée ou le président des États-Unis ? C’est la porte ouverte à l’arbitraire.</p>
<p>C’est le sens des <a href="https://siecledigital.fr/2020/05/31/la-bataille-de-donald-trump-contre-twitter/">attaques de Donald Trump</a> après que Twitter a osé vérifier un de ses tweets (mensonger) : il accuse les plates-formes d’être hostiles aux conservateurs et de discriminer. En l’occurrence, on pourrait considérer que c’est l’inverse car malgré les quelques mesures évoquées ci-dessus, elles ont tendance à ne pas censurer les théories du complot, dont le <a href="https://www.americanprogressaction.org/issues/democracy/news/2020/05/19/177746/20-conspiracy-theories-trump-pushed-presidency/">président s’est fait l’un des principaux propagateurs</a>, et qui <a href="https://www.msn.com/en-us/news/politics/stelter-america-is-experiencing-asymmetric-lying/vi-BB18hFL3">bénéficient davantage</a> à son camp qu'à ses adversaires…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/144882/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne E. Deysine ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Donald Trump, on le sait, a un rapport particulier à la vérité, son administration ayant notamment forgé le concept éloquent de « faits alternatifs ». On le constate encore dans la campagne actuelle.Anne E. Deysine, Professeur émérite juriste et américaniste, spécialiste Etats-Unis, questions politiques, sociales et juridiques (Cour suprême), Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1354822020-04-10T13:29:54Z2020-04-10T13:29:54ZLes prêcheurs au temps de la Covid-19 : Complots, combat spirituel et remèdes miracles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/326585/original/file-20200408-118674-jyyzgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une prière pendant le service religieux à la Center Arena, le 5 avril 2020, à Orlando, en Floride. L'église continue de rassembler des foules malgré la pandémie de coronavirus. </span> <span class="attribution"><span class="source">Stephen M. Dowell/Orlando Sentinel via AP</span></span></figcaption></figure><p>Certaines croyances et pratiques religieuses peuvent être une arme à double tranchant pour les croyants en temps de crise.</p>
<p>Dans le contexte de la pandémie de la Covid-19, certaines idées religieuses peuvent réconforter ceux qui cherchent à donner un sens à cette nouvelle réalité complexe et angoissante. Cependant, des dirigeants religieux se servent aussi de cette pandémie comme moyen de profiter de leurs communautés ou faire avancer leurs agendas politiques. Depuis l’éclosion du virus, des dirigeants chrétiens influents aux États-Unis ont fait la promotion de théories du complot et de remèdes miracles, ce qui pose un risque sérieux à la santé publique.</p>
<p>Par ailleurs, <a href="https://www.theguardian.com/world/2020/apr/05/coronavirus-churches-florida-social-distancing">plusieurs de ces prêcheurs refusent de se soumettre aux ordonnances de confinement</a> et continuent leur rassemblement religieux. À la veille de la fête de Pâques, certains estiment qu’ils n’ont rien à craindre, car ils sont <a href="https://www.rawstory.com/2020/04/im-covered-in-jesus-blood-defiant-churchgoer-tells-cnn-she-cant-get-sick-because-shes-christian/">« couverts par le sang de Jésus »</a>, qu’ils voient comme une protection contre l’épidémie, à l’instar du <a href="https://www.biblegateway.com/passage/?search=Exode+12%3A23&version=NEG1979">récit de la Pâque juive</a> où Dieu a protégé de la plaie ceux qui avaient mis le sang d’un agneau sacrifié sur les linteaux de leur porte. Se croyant aussi immunisés, certains donnent libre cours à l’idée de célébrer la Pâques en communauté, risquant davantage la propagation du virus.</p>
<p>Je suis spécialiste des rapports qu’entretiennent les groupes extrémistes avec les théories du complot et notamment comment ils utilisent la technologie à des fins de propagande et de recrutement. Mon co-auteur, André Gagné, qui a signé plusieurs articles sur <em>La Conversation</em>, travaille à la publication d’un livre sur les néo-charismatiques derrière Trump, leur impact sociopolitique, leur démonologie, et leur vision de la fin du monde.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/covid-19-aux-e-u-comment-certains-predicateurs-ont-ils-reagi-face-a-la-menace-de-pandemie-134759">Covid-19 aux É-U : comment certains prédicateurs ont-ils réagi face à la menace de pandémie ?</a>
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<h2>Une attaque contre le président Trump</h2>
<p>Plusieurs de ces théories du complot visent des objectifs politiques et sont souvent liées à la réélection de Donald Trump en novembre 2020.</p>
<p>Jerry Falwell Jr. le président de la Liberty University en Virginie a suggéré à l’émission <a href="https://twitter.com/JerryFalwellJr/status/1238463541671313409">Fox and Friends</a> que la Covid-19 aurait été orchestré par la Corée du Nord et la Chine pour nuire à réélection du président Trump. Falwell a également soutenu qu’il y avait un complot médiatique contre le président par le biais de fausses nouvelles, à la suite de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_du_Russiagate">l’enquête Mueller qui n’a pas mené à la destitution de Trump</a>.</p>
<p>Le conspirationnisme de Falwell peut conduire à des décisions néfastes. Par exemple, le <a href="https://www.thedailybeast.com/jerry-falwell-misled-me-on-reopening-liberty-university-city-manager-says?ref=topic">23 mars, il annonce</a> que le campus de la Liberty University demeurera ouvert au retour de la relâche scolaire, ignorant ainsi les directives de l’état de Virginie. En incitant les étudiants à retourner à leurs résidences universitaires, Falwell adopte une attitude frivole face au virus, permettant ainsi sa propagation. Plus d’une <a href="https://www.thedailybeast.com/nearly-a-dozen-liberty-university-students-sick-with-coronavirus-symptoms-after-falwell-reopened-campus">douzaine d’étudiants ont été par la suite confirmés positifs à la Covid-19</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/326587/original/file-20200408-86219-a1k6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/326587/original/file-20200408-86219-a1k6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/326587/original/file-20200408-86219-a1k6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/326587/original/file-20200408-86219-a1k6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/326587/original/file-20200408-86219-a1k6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/326587/original/file-20200408-86219-a1k6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/326587/original/file-20200408-86219-a1k6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le président de la Liberty University, Jerry Falwell Jr., parle à Donald Trump Jr. de son nouveau livre lors de la convocation à la Liberty University de Lynchburg, en Virginie, le 13 novembre 2019. Le campus est demeuré ouvert aux étudiants de retour de la relâche scolaire, ignorant ainsi les directives de l’état de Virginie..</span>
<span class="attribution"><span class="source">Emily Elconin/The News & Advance via AP</span></span>
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<h2>Un virus inventé</h2>
<p>Le prêcheur pentecôtiste <a href="https://www.washingtonpost.com/news/acts-of-faith/wp/2017/07/12/photo-surfaces-of-evangelical-pastors-laying-hands-on-trump-in-the-oval-office/">Rodney Howard-Browne</a> a aussi récemment <a href="https://www.youtube.com/watch?v=wSNYGCJZbSU">qualifié</a> la Covid-19 de « fléau fantôme », créé par le gouvernement chinois pour faire effondrer l’économie américaine, faisant ainsi écho à Falwell. Il a renchéri en disant que l’éclosion aurait été orchestrée l’année dernière par la Fondation Bill and Melinda Gates et que la décision de propager le virus aurait été prise lors du Forum économique mondiale à Davos.</p>
<p>Selon Howard-Browne, le tout ferait partie d’une manigance de la part du <a href="https://www.pewresearch.org/fact-tank/2020/03/30/qanons-conspiracy-theories-have-seeped-into-u-s-politics-but-most-dont-know-what-it-is/">« Deep State »</a>. Il s’agirait d’une conspiration antiaméricaine imbriquée dans le gouvernement, l’industrie, les médias et autres institutions voulant causer la chute du président Trump. La théorie est relayée par le mouvement <a href="https://www.thedailybeast.com/what-is-qanon-the-craziest-theory-of-the-trump-era-explained">QAnon</a>. Il a débuté en 2017 sous l’influence d’une personne utilisant un compte anonyme connu sous le nom de « Q », et publiant des histoires de complot au sujet du président Trump sur le forum Internet 4chan.</p>
<p>De son côté, Howard-Browne a été <a href="https://www.tampabay.com/news/health/2020/03/30/tampa-church-holds-packed-service-draws-warning-from-sheriffs-office/">arrêté et accusé</a> le 30 mars de rassemblement illégal en violation de l’ordre de confinement, après avoir tenu des services religieux à son église en Floride.</p>
<p>Tony Perkins, président du <a href="https://www.frc.org/">Family Research Council</a>, a allégué sur ses émissions de radio <a href="https://www.tonyperkins.com/get.cfm?i=LR20C06">du 9 mars</a> et du <a href="https://www.tonyperkins.com/get.cfm?i=LR20C07">10 mars</a>, que la réaction à la Covid-19 était « irrationnelle » et que la peur entourant le virus était alimentée par les médias pour attaquer le président Trump. Perkins <a href="https://www.tonyperkins.com/get.cfm?i=LR20C16">a atténué ses propos récemment</a>, suite à la décision de sa fille de devenir bénévole dans l’unité respiratoire d’une salle d’urgence.</p>
<h2>Un « combat spirituel »</h2>
<p>Le « combat spirituel » est un concept de guerre dualiste entre le bien et le mal : c’est l’idée que des forces démoniaques <a href="https://www.biblegateway.com/passage/?search=Ephesians+6%3A12&version=NRSV">se livrent à une bataille contre les chrétiens</a>. Certains dirigeants néo-charismatiques perçoivent le virus comme étant un démon pouvant être exorcisé du corps comme un « esprit » maléfique. Par conséquent, les croyants n’auraient pas à s’inquiéter d’être infectés, car Dieu leur promet la guérison et la protection. Ultimement, la Covid-19 serait donc beaucoup plus dangereux pour les non-croyants que pour eux.</p>
<p>Dans un <a href="https://www.charismapodcastnetwork.com/show/strangreport/4336b3f1-bce1-412a-8d09-7059a3bb3498">récent épisode de ballado de la chaine Charisma</a>, Cal Pierce, directeur de <a href="https://healingrooms.com/">« Healing Room Ministries »</a> a parlé de la Covid-19 en termes de « combat spirituel ». Pierce avait prédit le 13 mars que dix jours suffiraient pour que le coronavirus ne disparaisse miraculeusement. Dieu allait ainsi vaincre les mauvais esprits responsables de l’épidémie.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/326588/original/file-20200408-16182-hh421b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/326588/original/file-20200408-16182-hh421b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/326588/original/file-20200408-16182-hh421b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/326588/original/file-20200408-16182-hh421b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/326588/original/file-20200408-16182-hh421b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/326588/original/file-20200408-16182-hh421b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/326588/original/file-20200408-16182-hh421b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le pasteur Rich Vera prêche durant un service au Center Arena, le 5 avril 2020, à Orlando, en Floride. L’église continue à organiser des services pendant la pandémie de coronavirus.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stephen M. Dowell/Orlando Sentinel via AP</span></span>
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<p>L’idée que la lutte contre la Covid-19 est un « combat spirituel » a également été disséminée par David Hayes, mieux connu sous le nom Praying Medic, un personnage influent de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/QAnon">communauté QAnon</a> avec 290 000 adeptes sur Twitter. Dans une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=dHT-uJOJIHI">diffusion en direct</a>, Hayes a expliqué qu’il n’y avait aucune raison de s’inquiéter au sujet de la Covid-19, rassurant son auditoire qu’ils ne seraient probablement pas touchés, car il s’agit d’un « combat spirituel ». Seuls ceux qui n’ont pas été choisis par Dieu seraient affectés par la maladie. Selon Hayes, il est possible d’exercer un pouvoir sur ce virus de la même manière que <a href="https://www.biblegateway.com/passage/?search=Luke+4%3A38-39&version=NRSV">Jésus a guéri la belle-mère de l’apôtre Pierre de sa maladie</a>.</p>
<h2>Remèdes miracles pour le Covid-19</h2>
<p>Le télévangéliste Kenneth Copeland a aussi fait la promotion de faux remèdes. <a href="https://youtu.be/ZcYZnT0isic?t=1445">À son émission</a>, Copeland a prétendu que la Covid-19 était une « souche très faible de la grippe », que les personnes en santé ne devraient pas craindre ce virus et qu’ils peuvent s’inoculer avec la parole de Dieu.</p>
<p>Lors d’une émission le <a href="https://youtu.be/LJ9BO_G0aGs?t=5333">13 mars</a>, Copeland aurait « guéri » les auditeurs à travers leur téléviseur. Mais il y a cependant un coût à la guérison ! Lors de sa diffusion une semaine plus tard, Copeland rappelle aux téléspectateurs que même s’ils perdent leur emploi à cause de l’épidémie de coronavirus, ils doivent continuer à contribuer à l’église. « Peu importe ce que vous faites en ce moment, n’arrêtez pas de donner la dîme ! »</p>
<p>Dans le même ordre d’idées, Jim Bakker, télévangéliste américain et anciennement condamné pour fraude, a aussi vu la Covid-19 comme une opportunité d’escroquer ses auditeurs en les convaincant d’acheter des bouteilles de colloïdale à 80 dollars, pour la prévention et la guérison du coronavirus. Le 6 mars, la <a href="https://www.fda.gov/inspections-compliance-enforcement-and-criminal-investigations/warning-letters/jim-bakker-show-604820-03062020">FDA mis un frein</a> à cette fraude.</p>
<p>La vente de remèdes miracles et la promotion de théories du complot et de « combat spirituel » sont pour le moins inquiétantes, particulièrement face à la peur et la confusion issues de cette pandémie. C’est précisément dans ces moments de vulnérabilité que certaines personnes se tournent vers des figures d’autorité pour trouver du réconfort et des conseils. Ces dirigeants religieux exercent parfois une influence démesurée sur leurs adeptes, ce qui peut engendrer de mauvaises décisions aux conséquences mortelles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135482/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc-André Argentino receives funding from Concordia University. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>André Gagné receives funding from the Social Sciences and Humanities Research Council of Canada. </span></em></p>Des idées religieuses peuvent réconforter ceux qui cherchent à donner un sens à cette pandémie. Cependant, certains dirigeants religieux se servent de la crise et posent un risque à la santé publique.Marc-André Argentino, PhD candidate Individualized Program, 2020-2021 Public Scholar, Concordia UniversityAndré Gagné, Full Professor, Department of Theological Studies, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.