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Un coup de pouce numérique pour booster le « plan vélo »

Le vélo, un mode de déplacement particulièrement prisé en ville. Shutterstock

Lancé en septembre 2018 pour étendre l’usage quotidien du vélo en France, le « plan vélo » propose plusieurs pistes : développement des aménagements cyclables, lutte contre le vol, mise en place d’un cadre incitatif (notamment pour les trajets domicile-travail).

On pourra toutefois regretter dans ce dispositif l’absence d’un volet « virtuel ». Ce ne sont pourtant pas les services numériques destinés aux cyclistes qui manquent ! Voyons, à partir d’une analyse des données 2017-2018 disponibles pour l’Île-de-France, comment de tels services pourraient renforcer l’efficacité de ce « plan vélo ».

Le vélo, un champion des zones denses…

Le vélo domine la voiture en milieu urbain sur de nombreux aspects. Il est tout d’abord plus rapide : 14 km/h de vitesse moyenne pour la voiture, 15 km/h pour le vélo et 18 km/h pour le vélo à assistance électrique (VAE). Sans oublier que garer un vélo est bien moins chronophage que la même manœuvre avec une voiture. Il est aussi plus économique. Selon l’Argus, le coût de revient total d’une voiture est de 4 300 euros par an en France, celui d’un VAE inférieur à 600 euros et encore bien plus bas pour un simple vélo urbain.

Il est également bénéfique pour la santé – en particulier pour le cœur et les muscles de l’usager. Si les efforts augmentent la ventilation pulmonaire du cycliste, une situation peu souhaitable dans un contexte de pollution de l’air, l’usager reste toutefois moins longtemps dans les embouteillages et peut aussi éviter en partie les axes pollués, voire réduire ses efforts en utilisant un VAE.

Le vélo est enfin, et surtout, écologique : il n’émet ni polluant, ni gaz à effet de serre, ni bruit. Une rare étude menée en simulation pour la ville de Stockholm, chiffre un gain cumulé de 449 ans de vie par le remplacement de 111 000 voitures par des vélos.

… encore peu utilisé en France

Malgré ses multiples atouts, des verrous importants freinent encore le déploiement de cette mobilité. Les deux principaux concernent la dangerosité et le vol (ou la dégradation).

Rapporté au nombre d’heures d’utilisation, le vélo dénombre en effet huit fois plus d’accidents que la voiture. Le sentiment d’insécurité est d’autre part renforcé par la proximité des véhicules sur les axes non protégés. En 2017, le nombre de vols de vélos a été estimé à 500 000.

Les mauvaises conditions météorologiques, la pénibilité de certains trajets et la crainte d’arriver en sueur à destination constituent d’autres barrières. Si le VAE répond à ces problématiques, son coût d’acquisition élevé limite son adoption (un vélo urbain électrique affiche un prix moyen de 2400 euros, dans une fourchette de prix de 800 à 7500 euros).

Site velo-cyclisme.com

Une communauté de cyclistes qui croît

Même si la part globale du vélo dans nos déplacements reste faible, environ 3 %, cette mobilité représente une part croissante en ville. En 2015, 500 000 personnes, soit 1,9 % des actifs, sont ainsi allées travailler en pédalant.

La disparité entre villes est très forte, allant de moins de 1 % pour Saint-Étienne à 7,5 % pour Strasbourg, par exemple. Ces écarts montrent l’importance des politiques locales en faveur de cette mobilité.

Mais il est aujourd’hui encore difficile de mesurer l’impact des initiatives en faveur du vélo et de suivre le taux de conversion associé. Un moyen efficace consiste toutefois à exploiter des données de mobilité collectées lors de déplacements quotidiens.

L’application gratuite Geovelo – qui fournit à l’usager un guidage et une orientation vers les axes les plus cyclables (sécurité, difficulté, qualité de la route…) – permet par exemple de collecter des informations essentielles sur l’état de l’aménagement cyclable urbain (qualité de la route, zone de danger, fréquentation des rues, pics de trafic, temps d’attente aux intersections, zones de départ et de destination, etc.). Autant de données précieuses pour soutenir l’action des services de voirie.

Ce que nous enseigne l’utilisation du vélo en Île-de-France

La base de données de Geovelo se constitue depuis juillet 2016 grâce à plus de 12 000 cyclistes, pour un total de plus de 100 000 trajets, dont la majorité en région parisienne (53 % des trajets suivis par Geovelo sont franciliens, dont 26 % pour Paris intra-muros).

Les données récoltées par l’application indiquent que 70 % de la distance totale de la voirie de Paris est empruntée. La répartition par arrondissement est homogène et permet d’obtenir des statistiques localisées, avec une bonne représentativité à l’échelle de la ville. La cartographie de fréquentation des rues montre que les pistes cyclables sont majoritairement empruntées.

Cartographie de la fréquentation des rues sur Paris de la communauté Geovelo. Geovelo, CC BY-NC-ND

La communauté Geovelo des cyclistes franciliens se compose de deux familles : un quart d’utilisateurs fréquents ont effectué plus de 3 trajets par semaine ; trois quarts d’utilisateurs moins réguliers ont effectué moins de 1 trajet par semaine.

Pour ces deux familles, les comportements sont proches, tant sur la vitesse moyenne – respectivement 13,9 et 12,8 km/h – que sur la distance moyenne – avec 5,2 et 4,6 km. La vitesse moyenne est cohérente avec les études précédentes. La distance moyenne est, elle, plus faible dans les données déjà publiées (entre 2 km et 4 km, selon l’Insee). Cet écart peut s’expliquer par le type d’utilisateurs de l’application, touchant encore principalement un public « averti ». Dans Paris, le trajet moyen descend à 3,5 km pour une vitesse moyenne de 12,3 km/h.

Les durées moyennes des trajets sont quasi identiques pour les deux familles (respectivement 23 et 22 minutes), avec une réduction à 17 minutes dans Paris. L’analyse des plages horaires des départs et arrivées met en évidence deux pics dans la journée (déplacements pendulaires domicile/travail) et un second pic à la mi-journée.

À partir d’un échantillon représentatif (20 % des trajets totaux) d’utilisateurs réguliers, l’analyse montre que la majeure partie des déplacements concerne ceux entre le domicile et le travail. La distance moyenne est de 5 km et décroît à mesure que l’on se rapproche du centre de Paris.

Des données constamment enrichies

Les chercheurs de IFPEN ont enrichi les données recueillies via Geovelo grâce à un modèle de la dynamique {vélo + cycliste}, qui reconstruit des « mesures virtuelles » de valeurs physiques.

Sont ainsi estimés l’accélération du vélo, ses pertes d’adhérence lors de freinages brusques ou de virages, les efforts à appliquer pour accélérer et franchir une pente, la qualité de la route. Ces indicateurs servent le cycliste et, en agrégeant tous les trajets, permettent de qualifier l’aménagement routier sous divers angles : fatigue induite, événements inopinés, etc.

Sur le volet sécurité, des cartes de zones « incidentogènes » sont facilement générées. Elles matérialisent par exemple la localisation des décélérations importantes des cyclistes, associées à une perte de contrôle. Autre point crucial : la qualité de la route. Un webservice en fournit une quantification utile au cycliste pour identifier les axes à éviter et à l’aménageur pour déclencher des interventions curatives.

Cartographie de la qualité de la route remontée par la communauté Geovelo. Geovelo, CC BY-NC-ND
Cartographie des événements de freinages importants des cyclistes de la communauté Geovelo. Geovelo, CC BY-NC-ND

Le numérique pour changer de braquet

On le voit, le numérique a un vrai rôle à jouer pour développer la pratique du vélo. Mais si de nombreux services émergent, cette multiplication conduit souvent à une dispersion d’applications « mono-services ». C’est la raison pour laquelle il nous a paru important, dans notre collaboration avec les équipes de Geovelo, de transformer toutes ces offres en un bouquet de services pour accompagner le cycliste et encourager cette mobilité.

Service météo pour pédaler au sec. IFPEN, CC BY-NC-ND

Nous présentons ici les différents services – dont la plupart sont regroupés au sein de l’application Geovelo – qui semblent indispensables pour pédaler en toute tranquillité.

Sécuriser ses trajets : Geovelo propose des itinéraires sécurisés pour éviter les grands axes routiers et privilégier les pistes cyclables, sans rallonger significativement le temps de trajet. Le cycliste aide à collecter de l’information sur l’infrastructure routière, en déclarant manuellement les endroits à éviter (nid de poule, route dangereuse…) ou en utilisant le module mis au point par IFPEN évoqué plus haut, qui estime automatiquement l’état de la route. Le cycliste pourra également s’équiper d’un sac à dos connecté (Galanck, MoonRide, Cosmo connected, par exemple) qui fait office à la fois de visible gilet jaune et de clignotants grâce à des LEDS situées à l’arrière du sac.

Gérer l’imprévu : Si en vélo la durée du parcours n’est pas un imprévu comme en voiture, la pluie en est un ! Pouvoir passer entre les gouttes en décalant son départ devient ainsi précieux. Un service alliant prédiction météorologique et prédiction de l’heure de passage a été développé par IFPEN et Météo France pour être intégré à Geovelo.

Faire face au vol : Lutter contre le vol passe évidemment par des infrastructures de parking sécurisées et des mesures ciblées, comme le gravage systématisé. Le numérique peut toutefois apporter des compléments de sécurité intéressants : une géolocalisation par un composant placé dans le vélo ou encore l’antivol avec ouverture via smartphone.

Déjouer la pollution : Avoir un parcours plus agréable en évitant les routes les plus polluées est possible avec l’application Airparif Itiner’AIR. Elle indique en temps réel et rue par rue le niveau de pollution.

Bien gérer sa batterie : Pour les vélos électriques qui ont connu un essor marqué en 2017 et 2018, le numérique peut aider le cycliste à gérer efficacement la batterie. Des service de prédiction de la décharge indiquent par exemple quand il faut recharger la batterie pour éviter aux cyclistes la double peine : ne plus avoir d’assistance et transformer son vélo en enclume !

Tous ces services numériques aident au quotidien les cyclistes, tout en permettant le partage d’informations précieuses aux responsables territoriaux pour mieux piloter leur politique vélo. Cette meilleure compréhension des usages (routes les plus empruntées, pistes cyclables utilisées…) alliée à un monitoring de l’état des routes et pistes cyclables constitue un élément essentiel pour le développement de cette mobilité.


Gaël Sauvanet, co-fondateur de l’application Geovelo, est co-auteur de cet article.

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