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Le laboratoire créatif

Un monde de possibilités… la passion, le cadre et le nous

Jimmy Musto/Unsplash

Cette chronique est dans la droite ligne et se nourrit des recherches et rencontres publiées sur mon site Les cahiers de l’imaginaire.


Voici la dernière chronique de ma série sur l’Art des possibles, tirée de l’ouvrage de Rosamund Stone Zander (spécialiste en thérapie familiale) et Benjamin Zander (chef d’orchestre du Philarmonique de Boston), The Art of Possibility, douze pratiques écrites comme douze variations d’une longue phrase musicale. Les auteurs utilisent la musique comme principale métaphore.

Dans la première chronique, nous avons vu les trois premières pratiques :

  1. Tout est inventé.

  2. Marcher dans l’univers des possibles

  3. Attribuer des A

Dans la deuxième, les quatre suivantes :

  1. Être une contribution

  2. Diriger de toutes les places

  3. La règle no. 6

  4. Prendre les choses telles qu’elles sont non comme elles devraient l’être

Avant de poursuivre, j’aimerais partager le commentaire de l’artiste Iro Pittaco. J’aime bien recevoir des témoignages qui confirment que ces pratiques fonctionnent au quotidien.

« Ce message en complément de votre dernier billet, pour lequel je peux, par expérience, confirmer que tout est vrai !

Dans mon parcours (artiste), j’ai constaté qu’à chaque évènement conflictuel, plutôt qu’obtenir ce que je demande, le meilleur positionnement est de saisir cette occasion, d’en faire une création globale dont l’avantage indéniable est que si je n’obtiens pas gain de cause à l’issue du conflit initial, je reste, au final, grâce à ce matériau (le conflit), l’auteur d’une œuvre et maîtresse du jeu. Lequel exercice requiert un sens particulier, réunissant par : perte, retrait, recul, calcul, spontanéité et réflexion, effacement de soi, un sens particulier du challenge.

Merci pour vos articles, bien cordialement, Iro Pittaco. »

Voici maintenant, les cinq dernières variations de l’univers étincelant du monde des possibles.

Ian Schneider/Unsplash.

Huitième pratique : ouvrir la voie à la passion

« Le plaisir est décevant, les possibilités jamais. Il n’y a rien de plus parfumé, de plus pétillant, de plus enivrant que l’infini des possibles. » (Søren Kierkegaard)

Que demande la nature ?

Que nous soyons eau, pierre, vent, soleil. Que nous exprimions pleinement notre nature véritable. Lorsqu’une énergie créatrice passe par nous, a dit un jour, la célèbre danseuse et chorégraphe Martha Graham, et que nous la traduisons en action, c’est un geste important que nous seuls pouvons accomplir. Chacun de nous est unique. Si on bloque le passage de cette énergie, elle est perdue à jamais. Nous sommes le seul médium pouvant lui permettre de s’exprimer. Ce n’est pas à nous de juger si c’est bon ou non. Notre responsabilité est de garder le canal ouvert.

Notre rôle est d’exercer cette présence au monde et de permettre aux personnes qui nous entourent de faire de même.

C’est un socle d’énergie et de vitalité. Il n’en tient qu’à nous de lever les barrières qui nous retiennent. Pour y arriver les auteurs conseillent une pratique en deux étapes.

No. 8 : ouvrir la voie de la passion

  1. Observez à quels moments vous vous retenez et à quels moments vous vous laissez aller. Retirer les barrières qui empêchent le passage de l’énergie vitale et de la passion créatrice. Connectez-vous à ce courant d’énergie qui vous entoure.

  2. Donnez-vous la permission d’être un canal, laissez émerger le flux de la passion pour que s’exprime une nouvelle expression pour le monde.

Warren Wong/Unsplash.

Neuvième pratique : allumer l’étincelle

Lorsqu’une personne s’engage dans la pratique de l’art d’allumer des étincelles, cela rejaillit sur tous. Lorsque nous prenons conscience que nous avons un monde de possibilité au bout des doigts… c’est la passion qui nous emporte plutôt que la peur. Et le monde d’abondance se substitue au monde de la rareté.

No. 9 : allumer l’étincelle

  1. Voyez les personnes comme des invitations pour vous engager.

  2. Soyez prêt.e à participer, à être ému.e et inspiré·e.

  3. Offrez aux autres ce qui vous inspire.

  4. N’ayez aucun doute que d’autres personnes désirent capter vos étincelles.

sk Unsplash.

Dixième pratique : soyez l’échiquier

Ou si vous préférez, le plateau du jeu plutôt que le pion est la pratique la plus étonnante.

Les auteurs nous demandent d’imaginer la situation suivante :

Nous sommes en voiture, arrêtés à un feu rouge. Un conducteur ivre ne freine pas assez tôt. L’accident se produit, on se retrouve à l’hôpital. Ils nous proposent de prendre la responsabilité sur nous. Cela ne veut pas dire que les fautifs ne doivent pas être punis, mais plutôt que nous sommes tous responsables de ce qui arrive dans nos vies. Si nous sommes en voiture, nous savons que nous nous exposons à un risque d’accidents, cela fait partie des règles du jeu.

La première étape de cette pratique consiste à se dire : « Je suis le cadre de tout ce qui arrive dans ma vie ».

Choisir d’être l’échiquier est une façon de maintenir la possibilité d’un voyage gracieux malgré les circonstances. Accepter de prendre la responsabilité de tout ce qui nous arrive permet de rester sur les rails. Et nous laisse libres d’entreprendre un nouveau voyage.

Benjamin Zander partage plusieurs histoires où, en tant que chef d’orchestre, il est devenu responsable de tout ce qui arrive dans son orchestre. Les exemples permettent de mieux comprendre tous les effets bénéfiques d’une telle pratique.

Si vous êtes le pion, vous n’avez que le pouvoir de vos actions. Si vous êtes l’échiquier, vous avez le pouvoir de transformer l’expérience qui se produit sur votre plateau. Et lorsque vous transformez l’expérience, vous découvrez d’autres changements possibles. En tant qu’échiquier vous pouvez faire de la place pour tous. Pourquoi ? Parce que c’est ainsi que les choses sont.

Cette pratique permet de faire une différence plutôt que de gagner plus de contrôle. C’est une pratique qui donne des ailes, de l’élégance et de la liberté pour évoluer dans le monde des possibles. Voici les trois étapes qu’ils proposent pour réussir cette transformation.

No. 10 : être l’échiquier

  1. Je suis responsable de tout ce qui arrive dans ma vie.

  2. Comment cela est-il arrivé sur mon échiquier ?

  3. Comment se fait-il que je sois devenu le contexte pour que cela se produise ?

jessica ruscello Unsplash.

Onzième pratique : soyez le cadre des possibles

Faire place à l’importance du rêve pour faire une différence. Martin Luther King est, bien sûr, l’exemple de cette force mobilisatrice. C’est ici qu’on peut vraiment aider notre espèce à sortir d’un monde de mesure et de survie pour entrer dans un monde de contribution.

Permettre à chacun d’exercer son leadership et sa créativité, peu importe l’endroit où il se trouve, peu importe la place qu’il occupe, transforme le monde. Nous vivons, de toute façon, dans le monde de nos rêves. Rappelons-nous que tout est inventé. Bien sûr, la loi de la gravité continue de nous tirer vers le bas, mais plus nous pratiquons, comme de bons musiciens, plus nous nous élevons et créons des choses merveilleuses.

En ayant cette pratique en tête, les auteurs conseillent la meilleure façon d’écrire une vision.

Une vision doit exprimer une possibilité.

Une vision doit combler un désir fondamental pour l’humanité, un désir avec lequel tout être humain peut entrer en résonance. Chacun s’y retrouve.

Une vision ne doit pas mentionner une moralité ou une éthique. Ce n’est pas par rapport à une façon correcte de faire les choses. Elle ne doit pas laisser entendre qu’une personne est dans l’erreur.

Une vision doit présenter une image pour tous les temps, n’utilisant pas de nombres, de mesures ou de comparaison. Il ne doit pas être mentionné de temps, de place, d’audiences ou de produit.

Une vision doit être autonome. Elle ne montre pas un futur meilleur ou un passé qui a besoin d’être amélioré. Elle offre l’abondance du présent.

Une vision est une longue phrase de possibles qui rayonne vers l’extérieur. Dans son cadre défini, elle invite à des expressions infinies et prolifiques.

Parler d’une vision transforme celui qui en parle. À ce moment-là, le monde réel devient un univers des possibles et les barrières empêchant sa réalisation disparaissent.

Une vision est une invitation ouverte et une inspiration pour les individus à créer des idées et des événements en corrélation avec le cadre défini.

Une vision peut aussi être comme une tonalité, la clé à partir de laquelle la longue phrase musicale s’écrit.

Les auteurs insistent sur l’importance de la clarté afin de rester confiants de l’abondance que procure un monde de possibilités en créant un environnement favorable à un certain genre de conversations.

Nous arrivons confiants que dans ces places dédiées où personne n’est accusé d’être dans l’erreur, on ne parle pas contre personne dans son dos. Tous y ont leur place. Une vision apporte la clarté pour que nous restions sur les rails afin de participer pleinement au monde des possibles.

No. 11 : être un cadre des possibles

  1. Faire une nouvelle distinction entre le monde de la mesure et le monde des possibles. Le cadre des possibles est un puissant substitut au cadre actuel qui nous tire vers le bas (la loi de la gravité).

  2. Pénétrer sur le territoire. Intégrer la nouvelle distinction de sorte que cela devienne le nouveau cadre de vie qui vous entoure.

  3. Continuer de distinguer entre ce qui est sur les rails et ce qui ne l’est pas dans votre cadre des possibles. Maintenir la clarté de ce qu’est votre cadre des possibles.

slava bowman Unsplash.

En tant qu’enseignant, écrit Benjamin Zander :

« J’ai une énorme opportunité de créer des possibilités dans chaque conversation avec mes élèves pour les inviter à faire un bond dans le monde des possibles. »

Et voici, la douzième pratique, dernière variation sur le même thème : Raconter l’histoire du Nous.

Le Nous apparaît lorsque nous mettons de côté l’histoire de la peur, de la compétition, et des luttes. L’histoire du Nous définit l’être humain d’une manière spécifique. Le Nous dit : Nous sommes notre Moi véritable, cherchant à contribuer, naturellement engagé, dans une danse les uns avec les autres.

Le Nous met en évidence les relations plutôt que les individus ; les modèles, les gestes et les mouvements de communication plutôt que les objets et les identités. Il atteste les entre-deux comme les particules, les vagues, la lumière.

Le Nous comme une phrase musicale

Le Nous est une entité vivante, c’est une longue phrase musicale qui se déroule.

Le Nous apparaît, lorsque nous le cherchons, c’est l’énergie vitale de toute organisation, communauté ou groupe de deux personnes.

Aucun être humain ne peut être notre ennemi. Aucun être humain ne peut se conquérir, disent les auteurs. Et aucun d’entre nous n’a besoin de faire des compromis et de se contraindre. Avec une force créatrice, nous pouvons être passionnément des inspirations et des appuis les uns pour les autres dans (et pour) un monde de contribution.

Les praticiens du Nous génèrent pour eux-mêmes et les autres une place de convivialité où les individus peuvent exprimer leur moi véritable, cherchant ensemble à évoluer vers ce nouveau monde. Ils ne cherchent pas à conquérir un autre être humain ou un territoire, ils encouragent l’expression de chacun, pour que les choses qui doivent être dites le soient sans jugement en continuant de se poser la question : Qu’est-ce qui est le mieux pour Nous ?

No. 12 : raconter l’histoire du nous

  1. Raconter l’histoire des conversations invisibles qui nous relient les uns aux autres, l’histoire des possibles.

  2. Écouter et regarder pour découvrir les entités émergentes.

  3. Se demander : Que souhaitons-nous faire arriver ici ? Qu’est-ce qui est le mieux pour nous ? – chacun de nous. Quelle est notre prochaine étape ?

Les 12 pratiques de l’Art du possible nous invitent à un véritable changement de posture, de perception, de croyance et de pensée pour se transformer soi et le monde qui nous entoure.

Les grands mouvements tels qu’une nouvelle religion ou Internet n’émergent pas grâce à des discours, mais par les pratiques de ceux qui les font advenir.

Souvenez-vous, nous disent les auteurs, comme nous rêvions enfants en pensant à tout ce que nous pourrions accomplir lorsque nous serions grands ?

Maintenant que l’on sait que tout est inventé, on peut réviser l’histoire. Disons seulement que nous avons été distraits, nous avons porté trop de choses pendant nos voyages, entendus trop de voix dans nos têtes, glissés trop souvent, nous sommes sortis des rails et nous nous sommes perdus. Comme c’est fascinant !

On peut maintenant être attentifs à la nouvelle histoire dans notre nouveau cadre de vie, entendre les premiers sons des symphonies, voir naître les premiers enfants des familles, écrire les premiers mots des récits et regarder émerger ce monde de tous les possibles.

Et cela, chers lecteurs, c’est vraiment l’esprit que j’essaie de développer que ce soit avec mes doctorants à Polytechnique Montréal ou les étudiants de La Nouvelle École de créativité qui constitue une merveilleuse tribu. Je vous invite à en être et à essayer, vous aussi, ces douze pratiques transformatrices.

Voilà qui termine cette trilogie de la rentrée.

Que 2019 soit une année de possibilités pour nous tous !

L’exercice associé à cette série est ici.

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