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illustration d'une coupe transversale d'un bébé dinosaure ressemblant à un oiseau, recroquevillé dans un œuf bleu
Reconstitution artistique d’un bébé oviraptoridé dans son œuf. (Julius Csotonyi), Fourni par l'auteur

Un œuf remarquablement bien conservé révèle ce que les oiseaux ont hérité des dinosaures

Les oviraptorosaures forment un groupe de dinosaures qui ressemblaient à des oiseaux et faisaient partie de la lignée ancestrale de dinosaures dont sont issus les oiseaux. Les oviraptorosaures marchaient sur deux pattes, avaient un puissant bec édenté et étaient recouverts de plumes.

L’une des premières espèces connues, Oviraptor philoceratops, a été découverte dans les années 1920 à la suite de la mise au jour d’un squelette à côté d’un nid qui contenait des œufs dans des roches du Crétacé du désert de Gobi, en Mongolie. Les paléontologues de l’époque ont supposé que l’animal était mort en tentant de dévaliser le nid d’un autre dinosaure. Son nom signifie « voleur d’œufs ».

Ce n’est qu’au milieu des années 1990, grâce à un autre fossile, qu’on a compris qu’Oviraptor était en fait mort alors qu’il prenait soin de ses propres œufs. Depuis, plusieurs découvertes importantes d’œufs et de nids d’oviraptorosaures ont aidé les paléontologues à reconstituer les habitudes de reproduction et de nidification de ces dinosaures si particuliers qui ressemblent à des oiseaux.

En 2021, la dernière découverte de ce type a révélé le squelette incroyablement bien préservé d’un oviraptorosaure recroquevillé dans son œuf. Notre groupe de scientifiques du Canada, de Chine et du Royaume-Uni a dirigé l’étude de ce fossile chinois vieux de 70 millions d’années et connu sous le nom de « Baby Yingliang ».

Baby Yingliang

Baby Yingliang est le premier squelette d’un bébé dinosaure qui permet de voir précisément la position de l’embryon dans son œuf. Bien que les restes d’autres embryons aient déjà été trouvés à l’intérieur de leur œuf, leur position n’était pas claire, car ils étaient désarticulés ou avaient de nombreux os manquants.

Dans le cadre de notre étude du fossile d’oviraptorosaure, nous avons remarqué une caractéristique longtemps considérée comme unique aux oiseaux et qui concerne la façon dont l’embryon est placé dans l’œuf avant l’éclosion. Chez Baby Yingliang, son dos est recourbé dans l’extrémité arrondie de l’œuf et sa tête est contre l’abdomen, la queue étant enroulée contre l’extrémité pointue. Les pattes sont tellement repliées qu’elles se trouvent de part et d’autre de la tête et du haut du corps. L’embryon ressemble à un poussin quelques jours avant l’éclosion.

Les embryons d’oiseaux se replient toutefois davantage que ce que nous avons constaté chez Baby Yingliang. Juste avant l’éclosion, la tête se glisse sous l’aile et se place sur l’épaule, une position qui aide au bêchage et à la sortie de l’œuf. Peut-être que Baby Yingliang aurait été complètement replié tel un oiseau s’il avait vécu un peu plus longtemps – sa position suggère néanmoins que de telles postures embryonnaires sont d’abord apparues chez les dinosaures avant d’être transmises aux oiseaux.

illustration en couleur d’un embryon de dinosaure recroquevillé dans son œuf
Reconstruction artistique de Baby Yingliang. (Lida Xing/Shoulin Animation), Fourni par l'auteur

Comportements d’incubation

Il existe d’autres caractéristiques relatives aux œufs que les oiseaux ont héritées des oviraptorosaures. Il s’agit notamment de la structure des couches de la coquille, de la forme de l’œuf (une extrémité est plus pointue), des pigments qui donnent leur couleur aux œufs et du style de nid ouvert. Même le comportement d’incubation appelé couvaison, où le parent s’assoit sur ses œufs, longtemps considéré comme réservé aux oiseaux, existait chez ces dinosaures.

La découverte il y a environ 25 ans d’un fossile étonnant, et quelques autres du même type faites depuis, a permis d’observer le squelette d’un parent oviraptorosaure accroupi sur ses œufs à la manière d’un oiseau.

Ce qui est intéressant, c’est que les oviraptorosaures agençaient leurs œufs dans le nid d’une manière particulière, différente de celle des oiseaux. Les œufs, qui se trouvaient souvent à plus de 30 dans un nid, étaient placés en deux ou trois anneaux superposés, et orientés comme les rayons d’une roue de vélo. Si ces dinosaures utilisaient la chaleur de leur corps pour couver leurs œufs comme les oiseaux d’aujourd’hui, cette disposition était peut-être cruciale pour exposer tous les œufs au corps du parent dans l’espace central de l’anneau.

Les quelques fossiles d’oviraptorosaures en train de couver qui ont été découverts jusqu’à présent proviennent tous d’espèces de 100 kilos ou moins, qui ne devaient pas dépasser la taille d’une autruche. L’espèce à laquelle appartenait Baby Yingliang devait également être de cette taille : l’œuf de 17 centimètres devait peser un demi-kilogramme et faisait partie d’un agencement d’œufs formant un peu plus d’un demi-mètre de diamètre. Les oviraptorosaures géants, qui sont assez rares, étaient beaucoup plus gros, tout comme l’étaient leurs œufs et leurs nids.

photographie d’un cercle d’œufs fossilisés
Un nid d’oviraptorosaure géant fossilisé en Chine. (Kohei Tanaka), Fourni par l'auteur

Œufs géants, nids immenses

En 2017, j’ai fait partie d’une équipe qui a étudié un autre squelette d’embryon, connu sous le nom de « Baby Louie ». Le squelette a été découvert avec un groupe d’œufs appartenant à une nouvelle espèce d’oviraptorosaure géant, que nous avons nommé « Beibeilong ». Ces œufs de dinosaures, les plus gros jamais trouvés, mesuraient plus de 45 centimètres de long et pesaient plus de cinq kilogrammes chacun. D’après leur taille, la femelle devait peser plus de 1 100 kilogrammes, et le diamètre du nid était d’environ deux mètres.

Si l’on présume que Beibeilong se comportait comme les autres espèces d’oviraptorosaures, une question évidente se pose : comment ce mastodonte pouvait-il s’asseoir sur le nid sans écraser ses œufs ?

En 2018, avec une autre équipe de recherche, nous avons examiné les œufs et les nids d’espèces d’oviraptorosaures dont le poids allait de 50 kilos à celui du Beibeilong. Nous avons constaté que la coquille des œufs de Beibeilong n’était sans doute pas assez solide, avec ses deux millimètres d’épaisseur, pour supporter tout le poids de l’animal.

Nous avons remarqué que si les œufs de presque toutes les espèces d’oviraptorosaures étaient disposés en anneau avec un espace central libre, la taille de cet espace était relativement plus grande chez les espèces géantes comme Beibeilong. Cela conduit à penser que ces espèces géantes construisaient leur anneau d’œufs différemment des plus petites, de sorte qu’il y avait beaucoup d’espace au centre pour supporter le poids du corps tout en réduisant probablement le contact avec les œufs.

Des oiseaux et des dinosaures

Les oiseaux ont hérité un grand nombre de leurs caractéristiques apparemment uniques des dinosaures. Des œufs et des nids fossilisés ont révélé chez les oviraptorosaures des caractéristiques associées à la reproduction semblables à celles des oiseaux.

On sait maintenant que plusieurs caractéristiques liées à la ponte, notamment les comportements d’incubation, ont été transmises de dinosaures, comme les oviraptorosaures, aux oiseaux. La récente découverte de Baby Yingliang permet de voir de manière unique la position embryonnaire à l’intérieur de l’œuf, laquelle ressemble remarquablement à celle d’un embryon d’oiseau qui s’apprête à éclore.

This article was originally published in English

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