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Une nouvelle piste pour guérir les fractures

Comment soigner ce petit bras ? Shutterstock, CC BY-SA

Suite à un accident de Quidditch, Harry Potter boit une boisson magique pour régénérer les os de son bras en une seule nuit ! Dans notre monde réel, l’utilisation d’hydrogels ouvre la voie vers des thérapies efficaces pour favoriser la régénération osseuse. Ce sont des biomatériaux composés de plus de 90 % d’eau.

Espérons que les hydrogels seront plus efficaces que la magie ratée.

La régénération osseuse nous concerne tous et à tout instant car nos os se renouvellent en permanence. Cette propriété remarquable de notre squelette nous est bien utile pour guérir de simples fractures. Enfants, quelques semaines d’immobilisation suffisent à une guérison complète. Cependant, nos capacités de régénération sont limitées et les fractures de taille trop importante (quelques centimètres) ne guérissent pas spontanément. On parle alors de défauts osseux « critiques ». Ceux-ci peuvent apparaître à différents instants de notre vie : lors d’un violent traumatisme (accident de la route) ou après une opération chirurgicale (ablation d’une tumeur osseuse, infections, malformations…).

Des solutions imparfaites pour réparer nos défauts osseux critiques ?

Aujourd’hui, le traitement thérapeutique de référence proposé par les médecins consiste à remplir le défaut critique à l’aide de copeaux osseux prélevés directement sur une zone saine du patient. Malheureusement, de nombreux patients sont trop affaiblis pour tolérer cette double opération chirurgicale ou possèdent un stock osseux insuffisant. Des substituts osseux sont alors nécessaires.

Les substituts osseux les plus utilisés proviennent d’os, soit d’un donneur humain soit de bovins. Mais l’emploi de ces substituts naturels n’empêche pas des risques d’inflammation et de douleurs chroniques chez le patient. Parfois, la procédure échoue suite à un emballement de la réponse immunitaire du patient : le matériau implanté est rejeté.

Améliorer les traitements et réduire les douleurs

Pour créer des matériaux synthétiques qui sont tolérés par le corps humain et favorisent la réparation osseuse, il faut associer l’ingénierie des matériaux et la compréhension des mécanismes de la régénération osseuse. Les coûts de fabrication du produit doivent également être minimisés : en plus de combler efficacement le défaut osseux, il faut penser à ne pas creuser davantage le trou de la sécurité sociale ! En effet, le choix d’un traitement peu onéreux, efficacement remboursé par l’assurance maladie, aura plus de chances de profiter au plus grand nombre.

C’est en considérant toutes ces contraintes que des chercheurs se sont intéressés aux hydrogels. Les hydrogels sont composés de plus de 90 % d’eau. Comment faire de l’os avec de l’eau ? En dehors de l’eau, les hydrogels sont constitués d’un polymère dont la nature peut être choisie pour favoriser l’acceptation par le corps humain, on parle de biocompatibilité. Il peut s’agir par exemple d’un mélange de pullulane et de dextrane, deux polymères de sucre biocompatibles et biodégradables. De plus, le pullulane et le dextrane sont déjà utilisés dans l’industrie pharmaceutique (enrobage de médicaments et remplacement du plasma sanguin) ce qui en font des ingrédients bon marché et déjà validés pour leurs utilisations cliniques.

Une fois le choix de l’hydrogel effectué, la difficulté réside dans l’évaluation et l’amélioration de ses propriétés thérapeutiques. Obtenir un os solide à partir d’un matériau mou ne se fait pas en un jour !

Fabrication d’un hydrogel poreux par lyophilisation

La mise en forme préalable de l’hydrogel est une étape clé. Une structure poreuse comportant des niches peut être obtenue par un procédé de lyophilisation, qui est une déshydratation contrôlée. La maîtrise de ce procédé détermine la structure du matériau et a nécessité de nombreuses recherches. Les niches offertes par l’hydrogel déshydraté sont conservées après implantation chez le patient lorsque l’hydrogel se remplit à nouveau de liquide. Ces niches sont colonisées par les cellules du patient. L’interaction entre les cellules du patient et la structure de l’hydrogel va définir l’acceptation du matériau ainsi que la vitesse de reconstruction de l’os. Le patient est donc lui-même acteur de sa guérison ! Cette approche se fonde sur la médecine régénérative où le matériau n’a pas pour objectif le remplacement du tissu osseux mais la régénération de celui-ci.

Implantation du substitut osseux (hydrogel) dans un défaut osseux de taille critique. Jérôme Grenier, Author provided

Implantation du substitut osseux dans un défaut osseux

Afin d’optimiser la structure poreuse de l’hydrogel des tests d’efficacité doivent être effectués. Pour cela, l’expérimentation animale est un passage obligatoire avant la mise en place de tests cliniques chez l’homme. Cependant, ces expérimentations animales soulèvent des questions éthiques et une infinité de structures poreuses sont potentiellement à tester ! Dans le but de réduire le nombre d’essais effectués sur les animaux, des tests en laboratoire peuvent être conduits en amont. Ces tests doivent s’appuyer sur un système artificiel qui est capable de reproduire au mieux les conditions naturelles de réparation chez l’animal. Pour cela, la géométrie du dispositif, la biochimie, la mécanique et l’état biologique des cellules doivent être parfaitement maîtrisés. Des chercheurs ont proposé un réacteur expérimental qui miment les conditions physiologiques d’un défaut osseux grâce à des sollicitations mécaniques contrôlées. L’utilisation de ce réacteur permet alors de multiplier les tests en amont de sorte à limiter le recours à l’expérimentation animale.

Ce réacteur est l’objet d’étude de ma thèse. Des cellules osseuses de culture provenant de la souris servent de modèle pour étudier l’organisation des cellules au sein de l’hydrogel. Les cellules contenues dans l’hydrogel sont sensibles aux cisaillements induits par l’écoulement du milieu nutritif dans le réacteur. C’est le même principe que le massage par jet d’eau dans une station thermale ! Dans le réacteur, la vitesse du fluide est bien sûr beaucoup plus faible ! Mais elle est suffisante pour induire des cisaillements locaux autour des cellules. L’intensité de ces cisaillements peut être déterminée par simulation numérique. L’objectif est de proposer la vitesse de fluide qui offrira les conditions mécaniques propices au développement biologique des cellules dans le réacteur. Ainsi, le but est d’opérer le réacteur dans des conditions physiologiques afin d’étudier en laboratoire les propriétés fondamentales de l’hydrogel qui sont nécessaires à la réparation osseuse. La finalité est de proposer une formulation optimisée de l’hydrogel.

En conjuguant des méthodes douces d’expérimentation au choix d’un biomatériau économique, le développement d’une solution thérapeutique à base d’hydrogels pour la régénération osseuse a toutes les chances de pouvoir répondre aux enjeux d’efficacité, de rentabilité et d’acceptabilité qu’exige la société.

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