tag:theconversation.com,2011:/us/topics/addiction-26117/articlesaddiction – The Conversation2024-03-06T16:13:38Ztag:theconversation.com,2011:article/2244562024-03-06T16:13:38Z2024-03-06T16:13:38ZFaut-il avoir peur des écrans ? Retour sur une annonce présidentielle<p>Lors de sa conférence de presse du 16 janvier 2024, le président de la République Emmanuel Macron dénonçait les dangers de la surexposition des jeunes enfants aux <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2024/01/16/conference-de-presse-du-president-emmanuel-macron">« écrans qui, trop souvent, enferment là où ils devraient libérer »</a>.</p>
<p>Il annonçait la création d’un groupe d’experts dont les analyses et les propositions sont attendues fin mars. Objectif : prendre des mesures pour réguler les pratiques numériques juvéniles « à la maison comme en classe, parce qu’il en va de l’avenir de nos sociétés et de nos démocraties ».</p>
<p>Si ces préoccupations sont partagées depuis longtemps par tous les acteurs de l’éducation, le vocabulaire employé par le chef de l’État, son constat de situation, le comité qu’il a mis en place et les pistes d’action qu’il a évoquées méritent un décryptage.</p>
<h2>Dépasser la polarisation des opinions</h2>
<p>Il est évident depuis plusieurs dizaines d’années que les techniques numériques transforment la plupart des activités humaines. Pourtant, beaucoup semblent découvrir que ce mouvement affecte tout autant nos comportements, croyances, valeurs, coutumes et imaginaires.</p>
<p>Fortement empreints d’une idéologie qui subordonne le progrès social à une croissance économique dépendante de l’innovation technique, les discours en faveur du numérique ont longtemps balayé analyses critiques, réserves et craintes. Il en va autrement aujourd’hui, alors que <a href="https://e-enfance.org/etude-association-e-enfance-3018-caisse-depargne-sur-le-cyberharcelement-des-8-18-ans/">67 % des enfants de 8 à 10 ans disposent déjà de comptes sur un ou plusieurs réseaux sociaux</a>, que 20 % d’entre eux déclarent avoir été confrontés à une situation de cyberharcèlement et que 83 % des parents reconnaissent ne pas savoir ce que leurs enfants font sur Internet.</p>
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<figcaption><span class="caption">Réseaux sociaux, tous accros ? (Décod’actu, Lumini, 2018).</span></figcaption>
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<p>Toute une jeunesse se transforme sous nos yeux. On peut affirmer sans exagérer qu’une véritable panique morale s’empare du discours des élites et sature l’espace public. Elle invisibilise nombre de pratiques, d’analyses, d’arguments, de points de vue et confisque la parole de certains acteurs. Celle des plus jeunes en particulier. Certaines de leurs pratiques numériques nourrissent légitimement les craintes des adultes alors que d’autres présentent un intérêt culturel, éducatif ou social indéniable.</p>
<p>Cette radicalisation des postures laisse malheureusement peu de place au débat et à la controverse. Pourtant, la recherche scientifique, dans sa diversité et sa pluridisciplinarité, attire l’attention sur la complexité d’un tableau tout en nuances où l’usage du numérique se révèle autant émancipateur qu’aliénant. Dans ce contexte, l’enjeu n’est pas seulement d’échapper aux risques du numérique mais aussi de pouvoir en réaliser les promesses.</p>
<h2>« Danger des écrans » : une formulation inadaptée</h2>
<p>À la fin des années 90, évoquant la télévision et les jeux vidéo, Monique Brachet-Lehur interpellait déjà les parents dans un ouvrage au titre provocateur : <a href="https://www.eyrolles.com/Loisirs/Livre/les-ecrans-devorent-ils-vos-enfants--9782307589099/"><em>Les écrans dévorent-ils vos enfants ?</em></a>. Les risques d’addiction, de désocialisation, de sédentarisation, d’exposition à la violence et à la pornographie étaient alors opposés aux arguments enthousiastes de ceux pour qui la télévision était potentiellement l’instrument d’une démocratisation du savoir et d’un nouveau rapport au monde. Une « école parallèle » comme le théorisaient <a href="https://www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_1967_num_10_1_1147">Georges Friedmann</a> et <a href="https://www.persee.fr/doc/memor_1626-1429_2006_num_18_1_1189_t17_0091_0000_2">Louis Porcher</a>.</p>
<p>À l’époque déjà, la référence insistante aux « écrans » divisait car cette essentialisation masque les autres dimensions des pratiques télévisuelles d’hier et numériques d’aujourd’hui. Pierre Chambat et Alain Ehrenberg déconstruisaient d’ailleurs en 1988 la <a href="https://www.cairn.info/revue-le-debat-1988-5-page-107.htm?contenu=resume">« supposée fascination des écrans »</a>. Ils montraient combien ce stéréotype se nourrit d’une confusion entre l’écran (le support), l’image (le contenu) et le spectacle (la pratique). Si fascination il y a, et si l’écran y joue un rôle, c’est bien l’activité qu’il contribue à instrumenter qui doit être interrogée.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les enfants accrocs à la télé… dès les années 70 (Franceinfo INA).</span></figcaption>
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<p>Incriminer les écrans équivaut en quelque sorte à redouter la nocivité du papier ou celle de la langue quand c’est le texte et l’usage qui en est fait qui méritent d’être questionnés. On peut bien sûr attribuer aux écrans certains risques sanitaires, indépendamment des contenus qu’ils médiatisent, mais convenons que l’essentiel est ailleurs !</p>
<h2>Temporalité des activités numériques : durées, instants et fréquences</h2>
<p>Différentes études considèrent le temps d’utilisation des équipements comme principal indicateur des pratiques numériques. Nous sommes d’ailleurs tous invités à prendre connaissance de cette métrique de nos activités numériques lorsque nos smartphones notifient nos « temps d’écran ».</p>
<p>En dépit des limites déjà énoncées de cette synecdoque qui confond l’écran (la partie) avec la pratique numérique (le tout), la temporalité des usages constitue l’un des éléments descriptifs des pratiques numériques et des risques potentiellement associés. Pour lui donner du sens, il convient de ne pas se limiter à des valeurs moyennes de durées.</p>
<p>Ainsi <a href="https://www.elfe-france.fr/">l’étude pluridisciplinaire ELFE</a> (Étude longitudinale française depuis l’enfance) qui porte sur une cohorte d’environ 18000 enfants français nés en 2011 montre que le « temps d’écran » quotidien moyen des enfants de 5 ans et demi, tous types d’écrans confondus, était d’environ 1h30 en 2017 et qu’il dépassait 4h pour près de 5 % d’entre eux. Une autre enquête, <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/les-plus-petits-passent-6-heures-par-semaine-sur-internet-autant-que-sur-la-television-1394549">réalisée par Ipsos en 2022</a> indique un temps moyen d’écran quotidien de 3h30 pour les enfants de 7 ans à 12 ans à douze ans et de plus de 5 heures pour les 13-19 ans.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ces-ecrans-qui-retardent-le-coucher-des-enfants-et-adolescents-196415">Ces écrans qui retardent le coucher des enfants et adolescents</a>
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<p>Ces valeurs nous impressionnent. Pour autant, la durée quotidienne d’utilisation d’un smartphone dit intrinsèquement peu des dangers encourus. La temporalité des activités numériques se caractérise aussi par un positionnement temporel précis (horodatage) et une fréquence (nombre d’utilisations par unité de temps). Ainsi, durées, instants et fréquences ont-ils des implications spécifiques et des effets combinés.</p>
<p>Si l’allongement des durées moyennes d’utilisation, les horaires inappropriés (durant la nuit, les repas, le temps scolaire…) et les fréquences élevées inquiètent, c’est en raison des activités dont elles témoignent mais aussi de celles qu’elles sont susceptibles de remplacer : se distraire au lieu d’étudier, veiller au lieu de dormir, s’engager dans des activités individuelles au lieu de s’investir dans des pratiques sociales… La question du temps est donc tout autant qualitative que quantitative.</p>
<h2>Usages et mésusages</h2>
<p>Les <a href="https://theconversation.com/pour-mieux-gerer-le-temps-decran-distinguer-bonnes-et-mauvaises-pratiques-169565">mésusages numériques</a> sont assez bien connus, décrits et analysés. Il est possible de dresser un inventaire, sans doute incomplet et discutable, mais éloquent des dangers qu’ils induisent : manipulation, harcèlement, radicalisation, dépendance, déréalisation, exposition de la vie privée, troubles de l’identité, troubles du sommeil, déficits attentionnels, <a href="https://theconversation.com/dans-la-vraie-vie-aussi-jaimerais-bien-porter-un-filtre-les-reseaux-sociaux-vus-par-les-8-12-ans-151790">dégradation de l’estime de soi</a>, réduction de <a href="https://theconversation.com/enseigner-lempathie-aux-enfants-204155">l’empathie</a>, altération de la perception de la violence, troubles du comportement, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/stress-20136">stress</a>, altération de la perception du corps, difficultés de construction des relations amoureuses ou sexuelles…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sur-les-ecrans-aider-les-enfants-a-devenir-des-consommateurs-avertis-174004">Sur les écrans, aider les enfants à devenir des consommateurs avertis</a>
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<p>Longue liste, très hétérogène, dont l’étendue et la profondeur croissent à l’aune de la prégnance du numérique dans notre société. Comme le souligne justement le président de la République, il est urgent de s’en occuper sérieusement. Pour autant, il est tout aussi essentiel de prendre connaissance des pratiques numériques effectives des jeunes et d’en reconnaître la valeur et les vertus. Favoriser les pratiques vertueuses (qui ne sont pas celles des adultes ou celles dont ils rêvent pour leurs enfants) est tout aussi important.</p>
<p>De nombreux travaux de recherche documentent et analysent les pratiques des jeunes. Notons <a href="https://cfeditions.com/grandir-informes/">ceux d’Anne Cordier</a> ou de <a href="https://emi.enssib.fr/interview-carine-aillerie">Carine Aillerie</a> sur les pratiques informationnelles ; ceux de <a href="https://www.cairn.info/revue-reseaux-2020-4-page-9.htm">Dominique Pasquier</a>, <a href="https://www.cairn.info/revue-projet-2015-2-page-23.htm">Pascal Plantard</a>, ou de <a href="http://www.inatheque.fr/publications-evenements/publications-2022/l-adolescence-au-c-ur-de-l-conomie-num-rique-sophie-jehel.html">Sophie Jehel</a> sur la sociabilité des adolescents et l’apport des réseaux sociaux à leur construction identitaire ; ceux aussi de <a href="https://journals.openedition.org/lectures/16914">Sylvie Octobre</a> sur le renouvellement des pratiques culturelles. Entre bien d’autres !</p>
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<figcaption><span class="caption">Les « jeunes » ont ils arrêté de s’informer ? Non, répond Anne Cordier, enseignante-chercheuse (<em>Ouest-France</em>, 2023)</span></figcaption>
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<p>Notons que la plupart de ces recherches partagent une approche compréhensive et qu’elles ne projettent pas systématiquement les normes et les valeurs des adultes sur les pratiques des jeunes.</p>
<h2>Régulation, autorégulation, ce que (ne) peut (pas) l’État</h2>
<p>Comment contribuer à diminuer les risques et maximiser les opportunités ? Les « leviers » disponibles sont bien connus mais pas toujours aisés à actionner. Il y a d’abord tout le volet légal avec des dispositions nationales qui s’inscrivent souvent dans des démarches européennes.</p>
<p>Même si l’espace européen est bien plus protecteur que la plupart des autres régions du monde, on observe combien le lobbying joue efficacement contre la régulation. Rappelons ici l’exemple du cheminement décevant de la <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/283359-loi-studer-2-mars-2022-controle-parental-sur-internet-par-defaut">loi Studer</a>, votée le 2 mars 2022, sur l’installation obligatoire et l’activation automatique d’un système de contrôle parental sur les équipements numériques des mineurs. Loi dont les décrets d’application sont venus amoindrir la portée du projet initial, pourtant salué de toutes parts.</p>
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<p>Ainsi, comme le soulignent plusieurs avis de la CNIL, l’inscription de <a href="https://www.cnil.fr/fr/la-cnil-rend-son-avis-sur-les-decrets-relatifs-au-controle-parental">ce contrôle parental</a> au Code des postes et communications électroniques est imprécise et peu exigeante : le contrôle du temps d’utilisation et de la vérification d’âge n’est pas obligatoire, les obligations concernant le filtrage de la navigation Internet sont minimales et conditionnées par leur faisabilité technique.</p>
<p>L’autre levier est constitué de tout ce qui peut favoriser l’autorégulation des usages, autrement dit <a href="https://www.cnil.fr/fr/la-cnil-et-le-collectif-educnum-appellent-les-pouvoirs-publics-developper-leducation-au-numerique">l’éducation au numérique</a>, aux médias et à l’information, en lien avec une éducation au comportement éthique et responsable. Cela suppose de penser plus largement les places et rôles respectifs des parents et de l’école.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ce-que-les-enfants-comprennent-du-monde-numerique-214295">Ce que les enfants comprennent du monde numérique</a>
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<p>Cela suppose des dispositifs et ressources d’accompagnement à l’e-parentalité. Cela suppose également une institutionnalisation plus importante et plus exigeante de <a href="https://theconversation.com/education-aux-medias-et-a-linformation-la-generalisation-et-apres-177372">l’éducation au numérique et à l’information</a>, donnant encore plus d’ampleur au travail engagé depuis longtemps par des services de l’État comme le <a href="https://www.clemi.fr/">CLEMI</a>. Tout ceci suppose enfin une démarche collégiale et un débat citoyen pour construire un véritable projet éducatif équilibré.</p>
<p>Pour ce faire, le principe de la constitution du groupe d’experts annoncée le 16 janvier est positif. Cependant, il est regrettable que la présence de la recherche soit aussi faible et que les jeunes, les familles et les associations dont l’expérience de terrain est si précieuse n’y participent pas.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224456/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pour les travaux de recherche qui ont permis la rédaction de cet article, l'unité de recherche Techné où travaille Jean-François Cerisier, a reçu des financements de collectivités territoriales (Région Nouvelle-Aquitaine, Grand-Poitiers), de l'État (MENJ, SGPI), de la Fondation MAIF et de la Banque des territoires .</span></em></p>En janvier dernier, le président de la République s’est élevé contre les dangers des écrans et a mis en place un comité d’experts pour réfléchir à la régulation des usages numériques. Qu’en attendre ?Jean-François Cerisier, Professeur de sciences de l'information et de la communication, Université de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2231112024-02-11T14:44:56Z2024-02-11T14:44:56ZQu’arrive-t-il à votre foie quand vous arrêtez de boire de l’alcool ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/574337/original/file-20240111-25-sxzwan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4021%2C2678&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Arrêter de boire réduit le risque de contracter une maladie grave comme un cancer ou une pathologie cardiovasculaire.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/stop-alcohol-concept-person-refuse-drink-1518344570">Pormezz/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Dans la mythologie grecque, Zeus punit Prométhée pour avoir donné le feu aux humains. Il l'enchaîna et demanda à un aigle de se régaler de son foie. Chaque nuit, le foie repoussait et, chaque jour, l’aigle revenait pour son festin. En réalité, un foie peut-il vraiment repousser ?</p>
<p>Le foie est le plus grand organe interne du corps humain. Il est nécessaire à des centaines de processus corporels, notamment pour décomposer les toxines comme l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/alcool-26411">alcool</a>. Comme il s’agit du premier organe à « voir » l’alcool qui vient d’être consommé, il n’est pas surprenant qu’il soit le plus sensible aux effets de l’alcool. Toutefois, d’autres organes, notamment le cerveau et le cœur, peuvent également être endommagés par une consommation excessive d’alcool sur le long terme.</p>
<p>En tant que spécialiste du foie, je rencontre tous les jours des personnes atteintes d’une maladie hépatique liée à l’alcool. Le <a href="https://www.centre-hepato-biliaire.org/maladies-foie/alcool-et-foie.html">spectre de ces maladies</a> s’étend de la formation de graisse dans le foie (stéatose hépatique) à la formation de lésions (cirrhose). Ces maladies ne provoquent généralement aucun symptôme tant que les dommages n’ont pas atteint un stade très avancé.</p>
<p>Au début, l’alcool rend le foie gras. Cette graisse provoque une inflammation du foie. En réaction, celui-ci tente de se soigner en produisant du tissu cicatriciel. Si ce phénomène se poursuit sans contrôle, l’ensemble du foie peut devenir un maillage de cicatrices entre lesquelles se trouvent de petits îlots de « bon » foie : c’est la <a href="https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/cirrhose-foie/cirrhose-foie-definition-causes">cirrhose</a>.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Aux derniers stades de la cirrhose, lorsque le foie est défaillant, les malades peuvent devenir jaunes (jaunisse), se gonfler de liquide et devenir somnolents et confus. Cette situation est grave et peut être fatale.</p>
<p>La plupart des personnes qui boivent régulièrement plus que la limite recommandée de 14 unités d’alcool par semaine (environ six pintes de bière de force normale (4 % d’alcool) ou environ six verres moyens (175 ml) de vin (14 % d’alcool) auront une stéatose hépatique. Une consommation importante et à long terme d’alcool augmente le risque de développer une cicatrisation et une cirrhose.</p>
<p>(<em>Le site <a href="https://jeunes.alcool-info-service.fr/alcool/boissons-alcoolisees">Alcool Info Service </a>explique que l’indication en degré (°) ou en pourcentage (%) pour une boisson alcoolisée correspond à la quantité d’alcool pur contenue dans 100 ml de boisson. Si une boisson fait 35° (ou est concentrée à 35 %), cela signifie que 100 ml de cette boisson contiennent 35 ml d’alcool pur. Plus le degré ou le pourcentage est élevé, plus la boisson est concentrée en alcool pur, ndlr.</em>)</p>
<p>(<em>Les repères de consommation d'alcool préconisés en France par <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/alcool/documents/article/de-nouveaux-reperes-de-consommation-d-alcool-pour-limiter-les-risques-sur-sa-sante#:%7E:text=Les%20nouveaux%20rep%C3%A8res%20de%20consommation,sans%20consommation%20dans%20une%20semaine.">Santé publique France</a> sont les suivants : ne pas consommer plus de dix verres standard par semaine ; ne pas consommer plus de deux verres par jour ; avoir des jours sans consommation dans une semaine, ndlr.</em>)</p>
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<img alt="Un homme atteint de jaunisse baisse une paupière." src="https://images.theconversation.com/files/568934/original/file-20240111-17-txmq0o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568934/original/file-20240111-17-txmq0o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568934/original/file-20240111-17-txmq0o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568934/original/file-20240111-17-txmq0o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568934/original/file-20240111-17-txmq0o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568934/original/file-20240111-17-txmq0o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568934/original/file-20240111-17-txmq0o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le jaunissement de la peau et des yeux est le signe d’un foie endommagé.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/liver-disease-young-man-face-yellowish-1898063578">Creative Cat Studio/Shutterstock</a></span>
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<h2>Bonnes nouvelles</h2>
<p>Heureusement, il y a de bonnes nouvelles. Chez les personnes souffrant de stéatose hépatique, après seulement deux à trois semaines d’arrêt de consommation d’alcool, le foie peut guérir et semble fonctionner <a href="https://arcr.niaaa.nih.gov/volume/41/1/natural-recovery-liver-and-other-organs-after-chronic-alcohol-use">aussi bien que s'il était tout neuf</a>.</p>
<p>Chez les personnes souffrant d’une inflammation du foie ou de légères lésions, même sept jours après l’arrêt de la consommation d’alcool, on observe une réduction notable de la <a href="https://www.mdpi.com/2072-6643/13/5/1659">graisse, de l’inflammation et du tissu cicatriciel</a> au niveau du foie. L’arrêt de la consommation d’alcool pendant plusieurs mois permet au foie de guérir et de revenir à la normale.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/alcoolisme-quelles-sont-les-regions-du-cerveau-qui-recuperent-apres-une-periode-dabstinence-99414">Alcoolisme : quelles sont les régions du cerveau qui récupèrent après une période d’abstinence ?</a>
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<p>Chez les gros buveurs qui présentent des lésions plus graves ou qui souffrent d’une insuffisance hépatique, l’arrêt de la consommation d’alcool pendant plusieurs années réduit le risque <a href="https://www.cghjournal.org/article/S1542-3565(22)01113-2/fulltext">d’aggravation de l’insuffisance hépatique et de décès</a>. Cependant, les personnes qui boivent beaucoup peuvent être physiquement dépendantes de l’alcool et arrêter brusquement peut conduire à un <a href="https://www.alcool-info-service.fr/alcool/traitement-alcoolisme/sevrage-alcoolique">sevrage alcoolique</a>.</p>
<p>Dans sa forme légère, le <a href="https://www.addictaide.fr/sevrage-alcoolique-comment-y-parvenir/">sevrage alcoolique</a> provoque des tremblements et des sueurs. Mais s’il est sévère, il peut provoquer des hallucinations, des crises et même la mort. Le sevrage brutal n’est jamais recommandé aux grands buveurs qui doivent consulter un médecin pour savoir comment arrêter l’alcool en toute sécurité.</p>
<h2>D’autres bénéfices</h2>
<p>L’arrêt de la consommation d’alcool a également des effets positifs sur le <a href="https://dryjanuary.fr/lapplication-try-dry/">sommeil, les fonctions cérébrales et la tension artérielle</a>.</p>
<p>Éviter l’alcool pendant de longues périodes réduit également le risque de plusieurs types de <a href="https://www.e-cancer.fr/Comprendre-prevenir-depister/Reduire-les-risques-de-cancer/Alcool">cancer</a> (notamment du foie, du pancréas et du côlon) et le risque de <a href="https://www.alcool-info-service.fr/Alcool/Home-Professionnels/Alcool-Sante/les-risques/cardiovasculaires">maladies cardiaques et d’accidents vasculaires cérébraux</a>.</p>
<p>Cependant, l’alcool n’est pas le seul facteur en cause quand on est en mauvaise santé. L’abandon de l’alcool présente de nombreux bénéfices pour la santé, mais ce n’est pas la panacée. Il doit être intégré dans un mode de vie sain, qui inclut une alimentation équilibrée et la pratique régulière d’activité physique.</p>
<p>Ainsi, pour répondre à la question posée par le mythe de Prométhée, le foie a le pouvoir étonnant de se réparer après avoir été endommagé. Mais il ne peut pas repousser à l’identique s’il a déjà été gravement endommagé.</p>
<p>Si vous arrêtez de boire et que vous n’avez qu’un foie gras, il peut rapidement redevenir normal. Si vous avez un foie cicatriciel (cirrhose) au départ, l’arrêt de l’alcool permettra une certaine guérison et une amélioration de la fonction, mais tous les dommages déjà causés ne pourront pas être réparés.</p>
<p>Si vous voulez prendre soin de votre foie, ne buvez pas d’alcool. Mais si vous êtes amenés à boire, consommez avec modération et passez deux ou trois jours sans boire d’alcool par semaine. Ainsi, vous n’aurez pas à compter sur le pouvoir magique d’autoguérison du foie pour rester en bonne santé.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/alcool-et-si-vous-faisiez-le-point-221664">Alcool : et si vous faisiez le point ?</a>
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<img src="https://counter.theconversation.com/content/223111/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ashwin Dhanda ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le foie possède un remarquable pouvoir d’autoguérison. Mais quand on consomme trop d’alcool, cette guérison atteint ses limites. Un foie trop endommagé ne retrouvera pas son aspect initial.Ashwin Dhanda, Associate Professor of Hepatology, University of PlymouthLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2216642024-01-30T16:12:02Z2024-01-30T16:12:02ZAlcool : et si vous faisiez le point ?<p>Que l’on ait, ou pas, relevé le <a href="https://theconversation.com/alcool-et-dry-january-relever-le-defi-de-janvier-est-toujours-benefique-meme-en-cas-dechec-220556">#DefiDeJanvier</a> (adaptation en français du terme anglo-saxon « Dry January ») également appelé « Mois sans alcool », cet évènement aura été l’occasion de faire le point sur sa consommation d’alcool.</p>
<p>En pratique, tout au long de l’année, on peut continuer à télécharger l’application <a href="https://dryjanuary.fr/lapplication-try-dry/">Try Dry</a> de #DryJanuaryFrance soutenue, entre autres, par la Fédération Addiction, un réseau d’associations et de professionnels de l’addictologie.</p>
<p>Cette application permet d’évaluer sa consommation d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/alcool-26411">alcool</a> de manière simple, en répondant au questionnaire AUDIT pour <strong>A</strong>lcohol <strong>U</strong>se <strong>D</strong>isorder <strong>I</strong>nventory <strong>T</strong> (en français, « test pour faire l’inventaire des troubles liés à l’usage d’alcool »). Le questionnaire est également mis à disposition en ligne par le <a href="https://www.addictaide.fr/parcours/audit/">Fonds Addict’AIDE</a>.</p>
<p>En fonction des résultats, il conviendra de se tourner vers son médecin traitant ou un autre professionnel de santé.</p>
<h2>Évaluer sa consommation d’alcool en 10 questions</h2>
<p>Simple et court – puisqu’il ne comprend que dix questions –, le questionnaire AUDIT est <a href="https://ijadr.org/index.php/ijadr/article/view/222">validé internationalement</a>. Comme son nom l’indique, ce test évalue votre consommation d’alcool mais aussi votre de risque de présenter un trouble associé à cette consommation, via un score qui vous est attribué une fois que vous avez répondu à toutes les questions.</p>
<p>Les trois premières questions traitent de la <em>consommation</em> du patient : sa fréquence, le nombre de verres d’alcool par occasion de boire, etc.</p>
<p>Les questions de 4 à 6 s’intéressent à la <em>dépendance à l’alcool</em> : la perte de contrôle, l’impossibilité de remplir ses obligations et le besoin d’alcool dès le matin ;</p>
<p>Enfin, les questions de 7 à 10 ciblent les <em>problèmes liés à l’alcool</em> : le sentiment de culpabilité, les regrets après avoir bu, les trous noirs ou <a href="https://theconversation.com/black-out-quand-les-souvenirs-se-dissolvent-dans-lalcool-129045">« black-out »</a> (quand on ne se souvient pas des évènements de la veille), le fait de s’être blessé ou avoir blessé quelqu’un (du fait de sa consommation) et d’avoir reçu des conseils pour réduire sa consommation.</p>
<p>Si le score est supérieur ou égal à 7 chez l’homme, et supérieur ou égal à 6 chez la femme, cela signifie qu’il y a un risque que la personne soit concernée par ce que l’on appelle « un trouble lié à l’usage de l’alcool ». Ce risque sera d’autant plus important que le score sera élevé.</p>
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<img alt="Capture d’écran de la page destinée à l’alcool du site Addict’AIDE, le village des addictions." src="https://images.theconversation.com/files/571953/original/file-20240129-15-aq22bi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571953/original/file-20240129-15-aq22bi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571953/original/file-20240129-15-aq22bi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571953/original/file-20240129-15-aq22bi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571953/original/file-20240129-15-aq22bi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571953/original/file-20240129-15-aq22bi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571953/original/file-20240129-15-aq22bi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Addictaide.fr est un portail qui permet aux personnes dépendantes, notamment à l’alcool, et à leurs proches de trouver des outils et des ressources pour ne plus être seuls face à l’addiction.</span>
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<h2>Trop de personnes dépendantes à l’alcool dans le déni</h2>
<p>Quand on aborde la question de l’alcool, l’image de l’ivrogne, de l’alcoolique décrit par l’écrivain Émile Zola reste bien ancrée en France. Et du fait de l’évolution des modes de consommation d’alcool – moins d’alcool régulier au cours des repas, plus d’alcoolisations ponctuelles importantes un à deux jours par semaine – de nombreux patients sont dépendants de l’alcool sans en avoir conscience et rejettent cette idée.</p>
<p>Ceci est particulièrement vrai pour les jeunes adultes qui présentent plusieurs critères de dépendance à l’alcool et sont dans le déni. Cette façon de consommer de l’alcool semble également en <a href="https://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2024/2/2024_2_1.html">augmentation chez les femmes de plus de 35 ans</a>.</p>
<p>Le phénomène n’épargne pas non plus les adolescents et ce, dès le collège. Selon une <a href="https://www.ofdt.fr/publications/collections/resultats/les-usages-de-substances-psychoactives-chez-les-collegiens-et-lyceens-resultats-enclass-2022/">enquête qui vient d’être publiée en 2024</a>, les épisodes d’alcoolisation ponctuelle importante concerneraient une part non négligeable des adolescents, dès les classes de 4<sup>e</sup> et de 3<sup>e</sup> au collège et un nombre important de lycéens.</p>
<p>Dans tous les cas, considérer les alcoolisations ponctuelles massives (terme préféré à l’anglicisme « binge drinking »), répétées deux à trois fois par semaine, comme une forme de dépendance à l’alcool pourra inciter certaines personnes concernées à modifier leur comportement et à réduire leur consommation.</p>
<p>La maladie alcoolique englobe la dépendance à l’alcool et les conséquences sur le plan physique et psychiatrique à moyen et à long terme. Considérer un alcoolique – le terme est, et reste, péjoratif – comme un malade à part entière est indispensable.</p>
<h2>Le trouble lié à l’usage de l’alcool (TUA)</h2>
<p>Dans la V<sup>e</sup> version du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (<a href="https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2023-10/fiche_3.detecter_un_trouble_de_lusage_dalcool_tua__le_dsm-5.pdf">DSM V-TR</a>), la notion d’abus et dépendance a été supprimée. Aujourd’hui, on considère qu’ il existe un continuum avec un trouble <em>léger</em>, <em>modéré</em>, puis <em>sévère</em> lié à l’usage de l’alcool ou TUA, selon le nombre de critères de dépendance présents (au cours des 12 derniers mois).</p>
<p>En pratique, certains signes doivent alerter : une consommation quotidienne importante d’alcool, un comportement violent, des retentissements sur la vie familiale, sociale, professionnelle… Sur le plan physique, des sueurs ou tremblements le matin, des troubles du sommeil ou encore une <a href="https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/hypertension-arterielle-hta/definition-facteurs-favorisants">hypertension artérielle</a> peuvent être évocateurs d’un troublé lié à l’usage de l’alcool.</p>
<p>Malheureusement, la consommation d’alcool est rarement abordée lors des consultations de médecine générale, alors que cela devrait être systématique, comme pour le tabac. On rappellera que le tabac et l’alcool représentent deux facteurs de risque responsables, respectivement, de <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2021/tabac-en-france-premieres-estimations-regionales-de-mortalite-attribuable-au-tabagisme-en-2015">75 000</a> et <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2020/consommation-d-alcool-en-france-ou-en-sont-les-francais">41 000 morts évitables chaque année en France</a>.</p>
<p>Il est essentiel de procéder à un <a href="https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2021-02/reco403_fiche_outil_2021_alcool_cannabis_tabac_cd_2021_02_11_v0.pdf">repérage précoce suivi d’une intervention brève</a> (notamment une évaluation des risques). Il est également primordial d’assurer un accompagnement durable afin de favoriser la réduction ou l’arrêt de la consommation d’alcool !</p>
<h2>Un TUA associé à des complications médicales et psychosociales</h2>
<p>La consommation chronique d’alcool est à l’origine de <a href="https://www.alcoologie-et-addictologie.fr/index.php/aa/article/download/556/241/">nombreuses pathologies</a> associées <a href="https://hal-lara.archives-ouvertes.fr/hal-01570661/document">au TUA</a> : <a href="https://www.cancer-environnement.fr/fiches/nutrition-activite-physique/alcool-et-cancer/">cancers</a>, maladies de l’<a href="https://www.stop-alcool.ch/fr/l-appareil-digestif">appareil digestif</a>, <a href="https://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/168/?sequence=15">du cœur et des vaisseaux</a>, <a href="https://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/168/?sequence=11">du système nerveux</a>, des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0761842518301293">poumons</a>, etc.</p>
<p>Les conséquences sanitaires, sociales et économiques liées à la consommation d’alcool sont également majeures. Elle est à l’origine de <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-de-psychologie-sociale-2014-1-page-5.htm">violences</a> et d’accidents, sachant qu’un <a href="https://www.ofdt.fr/statistiques-et-infographie/series-statistiques/alcool-evolution-des-accidents-mortels-de-la-route/">accident mortel sur quatre sur la route</a> est attribué à l’alcool. Quant au coût économique, il est estimé à <a href="https://addictions-france.org/articles/cout-social-des-drogues-et-priorites-de-laction-publique/">102 milliards d’euros</a>.</p>
<h2>Un accompagnement anonyme, gratuit et dans la durée en centres de soins</h2>
<p>Il est important de faire le point avec un professionnel du champ sanitaire et social, afin d’assurer une prise en charge médico-psycho-sociale adaptée à chacun.</p>
<p>L’accompagnement par un médecin (généraliste, spécialiste), une structure de soins spécialisée en alcoologie ou une association d’entraide va permettre de prendre conscience de cette pathologie et de mettre en place un objectif d’abstinence ou de réduction de la consommation d’alcool.</p>
<p>Les Centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) présentent plusieurs spécificités : pluridisciplinarité des équipes (médecins, infirmiers, psychologues, professionnels socio-éducatifs, patients experts), accompagnement dans la durée, gratuité et possibilité d’anonymat. Ils sont financés par l’Assurance maladie et gérés soit par des associations, soit par des établissements publics de santé. </p>
<p>Ces centres s’adressent aux personnes ayant un TUA, ainsi qu’à leur entourage, qui peuvent les contacter directement. Mais la personne concernée peut aussi être orientée par son médecin. En charge de l’accueil, de l’information et de la prévention, les équipes pluridisciplinaires assurent aussi la prise en charge médicale, psychologique, sociale et éducative ainsi qu’un rôle d’orientation.</p>
<p>On peut trouver une liste de centres de soins proches de chez soi via <a href="https://drogues-info-service.fr/Les-drogues-et-vous/L-arret/Je-souhaite-me-faire-aider">Drogues-Info-Service</a> en indiquant son adresse, sa ville ou son département. Également par l’intermédiaire de l’<a href="https://www.addictaide.fr/alcool/annuaire/">annuaire</a> du portail Addict’AIDE.</p>
<h2>Des consultations d’addictologie et séjours à l’hôpital</h2>
<p>En fonction de l’intensité du TUA et de l’existence de complications sur le plan physique, psychologique ou psychiatrique, une hospitalisation pourra être nécessaire dans des structures hospitalières spécialisées.</p>
<p>Selon les territoires, les compétences d’addictologie sont présentes dans différents types d’établissements et le patient peut y recourir spontanément ou dans le cadre de son <a href="https://www.ameli.fr/assure/remboursements/etre-bien-rembourse/medecin-traitant-parcours-soins-coordonnes">parcours de soins</a>,en passant par son médecin traitant.</p>
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<img alt="Capture d’écran de la page d’accueil du site Alcool-Info-Service.fr. Est inscrit son numéro 0980 980 930" src="https://images.theconversation.com/files/571946/original/file-20240129-19-uo2hen.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571946/original/file-20240129-19-uo2hen.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571946/original/file-20240129-19-uo2hen.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571946/original/file-20240129-19-uo2hen.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571946/original/file-20240129-19-uo2hen.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571946/original/file-20240129-19-uo2hen.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571946/original/file-20240129-19-uo2hen.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les personnes concernées par un problème avec l’alcool, ou leurs proches, peuvent solliciter Alcool Info Service, le service national d’aide à distance en matière d’alcool et de dépendances, par tchat ou téléphone 7j/7 au 0980 980 930 (appel anonyme et non surtaxé).</span>
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<p>Il est également possible de se rendre à des consultations d’addictologie. On peut aussi se rapprocher de ce que l’on appelle les équipes de liaison et de soin en addictologie (<a href="https://sante.gouv.fr/prevention-en-sante/addictions/article/les-equipes-de-liaison-et-de-soins-en-addictologie-elsa">ELSA</a>). Elles interviennent auprès des patients, aux urgences et pendant une hospitalisation, en soutien aux équipes soignantes, quand un problème avec l’alcool est mis en évidence.</p>
<p>Une hospitalisation de jour – la personne vient le jour à l’hôpital et rentre chez elle le soir – dans un service hospitaliser d’addictologie peut être envisagée. Cela permet de mener une évaluation pluridisciplinaire de la situation des patients, d’élaborer des projets thérapeutiques individualisés et de proposer des prises en charge adaptées.</p>
<p>L’hospitalisation de jour peut survenir de prime intention ou au décours d’une hospitalisation, également en situation de crise pour des patients connus. L’accompagnement proposé favorise le lien environnemental et familial.</p>
<p>Quant à l’hospitalisation complète en addictologie, elle peut être mise en place, en urgence ou de manière programmée, pour un sevrage, une évaluation ou pour des complications et/ou d’autres pathologies associées sur le plan physique ou psychiatrique.</p>
<p>Enfin, il existe des services de soins de suite et de réadaptation en addictologie. Ils accueillent les personnes, en relais d’une hospitalisation ou en accès direct, afin de réduire ou de prévenir les conséquences fonctionnelles, physiques, cognitives, psychologiques et sociales, et faciliter la réadaptation pour les patients.</p>
<h2>Le traitement du trouble lié à l’usage de l’alcool</h2>
<p>L’objectif du traitement du trouble lié à l’usage de l’alcool est soit l’abstinence (arrêt total de la consommation d’alcool), le sevrage alcoolique (sachant qu’un sevrage complet conduit à l’abstinence), soit la réduction de la consommation (fréquence et quantité d’alcool consommé). Il dépendra de la sévérité du trouble et de l’existence de complications qui peuvent nécessiter l’arrêt de toute consommation d’alcool.</p>
<p>Des <a href="https://www.ameli.fr/assure/sante/medicaments/utiliser-recycler-medicaments/medicaments-contre-la-dependance-l-alcool-0">médicaments peuvent aussi aider</a> au maintien de l’abstinence, à la prévention de la rechute ou à la réduction de la consommation, en complément d’un accompagnement psychothérapeutique.</p>
<p>En 2023, la Société française d’alcoologie a mis à jour ses <a href="https://sfalcoologie.fr/wp-content/uploads/RECOS-SFA-Version-2023-2-2.pdf">recommandations concernant le mésusage d’alcool</a>. Elle y détaille l’accompagnement psychothérapeutique, qui va des interventions brèves à l’entretien motivationnel, en passant par les thérapies cognitives et comportementales (TCC) et les <a href="https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2023-10/guide_agir_en_premier_recours_pour_diminuer_le_risque_alcool.pdf">psychothérapies</a> d’inspiration analytique, familiale ou basées sur les compétences psychosociales.</p>
<p>Nous ne sommes pas tous égaux face à la maladie alcoolique, qui est complexe et multifactorielle : les facteurs de vulnérabilité sont nombreux, et la prise en charge sera adaptée à chacun.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221664/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Arvers est administrateur de la SFT, de l'IRAAT et de l'IREPS ARA.</span></em></p>Une consommation élevée d’alcool peut conduire à un trouble de l’usage de l’alcool qui peut être associé à de graves complications. D’où l’importance de faire le point et de se faire suivre si besoin.Philippe Arvers, Médecin addictologue et tabacologue, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2101382024-01-28T16:06:44Z2024-01-28T16:06:44ZPublicité en ligne : des effets aux nuances surprenantes selon l’âge<p>Qu’on les adore ou les évite, qu’elles nous agacent ou nous conditionnent, les <a href="https://theconversation.com/topics/publicite-24275">publicités</a> sur <a href="https://theconversation.com/topics/internet-20905">Internet</a> font partie de notre quotidien. Elles sont si nombreuses, récurrentes et omniprésentes dans notre sphère privée et publique, qu’il nous arrive même d’oublier qu’elles sont là. N’ont-elles pourtant aucun impact sur l’individu ? Rien n’en est moins sûr, même si nombre d’internautes, en particulier les jeunes, déclarent de manière assurée au sujet des publicités en ligne qu’« elles ne [les] dérangent pas », qu’elles « ne sont pas trop invasives », « ne sont pas gênantes car bien ciblées ». Certains se disent même « <em>amusés</em> ».</p>
<p>Ces propos ont été recueillis dans le cadre du <a href="https://etic.hypotheses.org/">programme ETIC</a>, pour EffeTs négatifs des Images digitales sur les Consommateurs. Ce projet, financé par l’<a href="https://theconversation.com/topics/agence-nationale-de-la-recherche-anr-145586">Agence Nationale de la Recherche (ANR)</a>, vise à porter une attention particulière aux conséquences que les images digitales peuvent avoir sur les individus.</p>
<p>En janvier 2022, <a href="https://www.influenth.com/digital-report-2022-les-chiffres-cles-dinternet-et-des-reseaux-sociaux/">plus de 60 %</a> des habitants de la planète étaient reliés à Internet, ce qui représente presque 5 milliards de personnes. Selon l’<a href="https://www.sri-france.org/observatoire-epub/30e-edition/">Observatoire de l’e-pub</a>, le volume des publicités digitales a <a href="https://www.sri-france.org/observatoire-epub/29e-observatoire-de-le-pub/">augmenté de 42 %</a> entre 2019 et 2022, avec une croissance néanmoins ralentie au premier semestre de l’année passée (+5 %). Il est, sur la même période, resté stable pour les autres médias. Notre ère est ainsi de plus en plus connectée, avec une explosion de la diffusion d’images publicitaires en ligne.</p>
<h2>Stimulation sensorielle</h2>
<p>La publicité reste un outil privilégié du point de vue des marques, même si certaines fondent leur succès sur <a href="https://theconversation.com/produits-monastiques-une-communication-qui-repose-sur-la-discretion-195782">leur silence et leur sobriété</a>. Adultes et seniors semblent nombreux à prendre un certain recul et à adopter un sens critique vis-à-vis de la pression publicitaire en ligne. Les plus jeunes, eux, habitués de plus en plus tôt à passer un nombre d’heures conséquent sur les écrans tendent à être <a href="https://www.numerama.com/politique/22295-les-jeunes-sont-passifs-face-aux-contenus-choquants-sur-internet.html">plus tolérants et passifs</a> vis-à-vis des annonces en ligne. Les <a href="https://www.cnil.fr/fr/droits-numeriques-des-mineurs-la-cnil-publie-les-resultats-du-sondage-et-de-la-consultation-publique">chiffres</a> collectés par la <a href="https://www.cnil.fr/">Commission nationale de l’informatique et des libertés</a> (la Cnil) révèlent que 82 % des enfants de 10 à 14 ans indiquent aller régulièrement sur Internet sans leurs parents.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1724543800847081702"}"></div></p>
<p>Cependant, la <a href="https://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_00498163/document">littérature scientifique</a> a montré que, même quand elles sont considérées comme dénuées d’intérêt par l’internaute, les publicités sont capables de laisser des traces mnésiques, non seulement quelques minutes après l’exposition, mais aussi dans certains cas, plusieurs mois après. L’internaute aura beau être convaincu de ne pas y avoir prêté attention, il n’est pas rare que l’image publicitaire apparue de manière impromptue sur l’écran conduise à la modification de connexions neuronales déjà établies chez lui ou à la création de connexions supplémentaires.</p>
<p>Le tout a pour effet de renforcer la familiarité à l’égard de l’image publicitaire et, par voie de conséquence, l’intensité du traitement cognitif dans un environnement déjà particulièrement excitant. Comparativement à une page imprimée, une page numérique d’ordinateur, de tablette ou de smartphone, contient <a href="https://psycnet.apa.org/record/2014-56129-008">davantage d’éléments de stimulation sensorielle</a> du fait d’une vivacité et luminosité plus importantes, d’images mobiles, de liens hypertextes ou encore d’éventuels éléments sonores. L’hyper stimulation peut alors déclencher, à court terme et à plus long terme, une surcharge cognitive et des réactions émotionnelles négatives comme l’agacement, la tristesse, la colère ou le stress.</p>
<h2>Les jeunes, pas si insensibles</h2>
<p>L’intensité de ces réactions dépend de <a href="https://hal.science/hal-01649746/">plusieurs facteurs</a> : l’état psychologique de l’internaute au moment de sa navigation, son état de fatigue ou de stress, ses traits de personnalité, l’endroit dans lequel il se trouve avec par exemple des nuisances sonores, mais aussi la façon dont les publicités réussissent à atteindre leurs cibles et finalités.</p>
<p>À l’aide de mesures appareillées avec <em>eye-tracking</em> (équipement permettant l’analyse des mouvements oculaires), la littérature montre que <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00913367.2020.1867263">l’attention portée à la publicité vite diminuer dans le cas d’une activité multitâche</a>, ce qui est fréquent lors d’une navigation sur Internet, <a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Using-eye-tracking-to-understand-the-impact-of-on-Guitart-Hervet/880d4cd3cb4d91edd4268f6c47623e0a2efd7fe6">surtout chez les jeunes</a>. La multi-activité des jeunes sur le web, qu’ils soient mineurs ou majeurs, relaierait au second plan l’impact de la publicité digitale. Pourtant, les résultats d’une étude quantitative réalisée en ligne en novembre 2022 (420 répondants) dans le cadre du programme ETIC montrent que les jeunes (16-26 ans) ne sont pas aussi insensibles que cela aux publicités puisqu’ils indiquent significativement être dérangés et ennuyés par l’apparition intrusive d’une publicité pop-up, ce qui ne serait pas sans conséquences sur leur bien-être étant donné le nombre d’heures qu’ils passent quotidiennement sur les écrans.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Cette même étude montre que les personnes les plus âgées (65-74 ans) sont quant à elle plus inquiètes par cette intrusion lors de la navigation dans l’univers numérique. A contrario, elle montre que les adultes (27-64 ans) les acceptent plus facilement et développent une curiosité envers le produit, ce qui, encore une fois, se démarque de la littérature académique, cette dernière indiquant généralement que comparativement aux enfants ou très jeunes adultes, les adultes plus <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00913367.2016.1269303?journalCode=ujoa20">âgés ont un regard critique et distancié vis-à-vis des publicités en ligne</a>.</p>
<h2>Aller également à la source</h2>
<p>Peu de travaux ont mis l’accent sur l’internaute lorsqu’il se trouve en position de consommateur. Chez ce dernier, même pour des images en apparence inoffensives, des effets négatifs insidieux peuvent être identifiés pouvant aller jusqu’à l’adoption de comportements problématiques comme des achats impulsifs regrettés et des <a href="https://hal.science/hal-02616325/">cas de dépendance</a>.</p>
<p>C’est à partir de pareilles observations que nous mettons en cause, au sein du programme ETIC, la performance de la digitalisation publicitaire, quand les caractéristiques du numérique et la stimulation sensorielle engendrée rencontrent les stratégies de ciblage (cliquer sur un site et avoir des publicités en lien avec ce clic par la suite) et les modèles de gestion.</p>
<p>Le programme de recherche ETIC vise désormais à expliquer en quoi ces effets négatifs dépendent, en plus de facteurs propres à l’internaute comme son âge, des émetteurs des images (une agence de communication ? Une marque ? Un particulier ? Un influenceur ?) et de leur niveau d’expertise en matière de communication digitale. La finalité est d’aboutir à des préconisations encourageant des comportements éthiquement et socialement responsables par ces émetteurs, dans un contexte où les législateurs se montrent particulièrement préoccupés et actifs sur le sujet.</p>
<p>Une première phase d’études menée par les chercheurs investis dans le programme est en cours. Elle repose sur plusieurs centaines d’entretiens et observations auprès de professionnels de la communication et de diffuseurs amateurs d’images publicitaires et promotionnelles digitales. Elle sera suivie d’une phase quantitative avec des protocoles expérimentaux visant à valider l’efficacité d’actions et dispositifs permettant d’atténuer, voire de supprimer, les effets négatifs identifiés.</p>
<p>La <a href="https://digital-strategy.ec.europa.eu/fr/library/declaration-future-internet">« Déclaration pour l’avenir de l’Internet »</a>, adoptée fin avril 2022 par plus de 60 pays a été accompagnée, dans l’Union européenne, par un paquet législatif visant à <a href="https://twitter.com/vonderleyen/status/1517659833540878337">« rendre illégal en ligne ce qui l’est dans la sphère réelle »</a>, pour reprendre les mots d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. Le <a href="https://www.economie.gouv.fr/legislation-services-numeriques-dsa-adoption-definitive-texte">Digital Services Act</a> (DSA) avait ainsi été adopté par Bruxelles avec l’objectif de mieux protéger les internautes et leurs droits fondamentaux, d’aider les petites entreprises de l’Union européenne à se développer, mais aussi de renforcer le contrôle démocratique des très grandes plates-formes numériques, afin de diminuer les risques de désinformation ou de manipulation de l’information. Le texte sera applicable en février 2024, et l’est déjà pour les très grandes plates-formes en ligne. Le marché de la publicité digitale, dominé par le trio <a href="https://www.lefigaro.fr/medias/publicite-digitale-google-meta-et-amazon-representent-les-deux-tiers-du-marche-20220203">Google-Meta-Amazon (GMA)</a>, a encore de beaux jours devant lui mais ne doit pas pour autant faire oublier de prendre en considération le bien-être du consommateur s’il ne veut pas s’attirer les foudres des législateurs.</p>
<hr>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-21-CE26-0020">Etic</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210138/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sandra Camus a reçu des financements de l'ANR dans le cadre du projet ETIC qu'elle coordonne</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Aurély Lao a reçu des financements de l'ANR dans le cadre du projet ETIC</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laurie Balbo a reçu des financements de l'ANR dans le cadre du projet ETIC.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Thomas Flores a reçu des financements de l'ANR dans le cadre du projet ETIC.</span></em></p>Un projet de recherche vise à comprendre comment le niveau d’expertise des annonceurs influe sur les internautes jusqu’à provoquer achats impulsifs et autres dépendances.Sandra Camus, Professeure en sciences de gestion - Directrice du laboratoire de recherche d'économie et management GRANEM, Université d'AngersAurély Lao, Maître de Conférences en Marketing - Directrice LP DistriSup Lille et Responsable Axe 1 du projet ANR ETIC - IAE Lille, IAE FranceLaurie Balbo, Professeure Associée en Marketing _ Directrice des Programmes MSc Marketing et MSc Digital Marketing & Data Analytics, Grenoble École de Management (GEM)Thomas Flores, Doctorant en psychologie, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2205562024-01-12T16:18:02Z2024-01-12T16:18:02ZAlcool et Dry January : Relever le « Défi de Janvier » est toujours bénéfique, même en cas d’échec<p>La nouvelle édition du Dry January, rebaptisée en français « Défi de Janvier », suit son cours dans notre pays, porté par les associations et les addictologues, en dépit du manque de soutien des pouvoirs publics.</p>
<p>Et la peur d’échouer ne constitue pas non plus une excuse valable, car même les personnes qui ne parviennent pas à respecter le contrat d’abstinence pendant un mois entier tirent des bénéfices de cette expérience. Explications.</p>
<h2>Comment est né le Dry January ?</h2>
<p>Lancé en 2012 au Royaume-Uni par l’association caritative <a href="https://alcoholchange.org.uk/get-involved/campaigns/dry-january">Alcohol Concern</a>, la campagne <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4684010/">Dry January</a> avait un triple objectif : initier un nouveau rapport à l’alcool, encourager ceux qui s’interrogent sur leur consommation d’alcool et enfin, donner l’envie d’un changement de comportement après un mois sans alcool positif et ludique.</p>
<p>Elle a remporté outre-Manche un succès grandissant, comptant plus de deux millions de participants trois ans après sa création, en 2015.</p>
<p>Soyons clair : ce challenge n’est pas une cure de « désintoxification », pas plus qu’il ne s’adresse aux alcoolodépendants. Au contraire, il se destine plutôt à ceux qui, sans réaliser les effets que cela peut avoir sur leur santé, boivent « un peu trop », « un peu trop souvent ». Autrement dit, qui se situent au-dessus des seuils recommandés par <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/alcool/documents/article/de-nouveaux-reperes-de-consommation-d-alcool-pour-limiter-les-risques-sur-sa-sante">Santé publique France</a>.</p>
<p>Le Dry january permet aux médecins d’évoquer avec leurs patients la question de l’alcool, parfois difficile à aborder de façon non invasive. C’est notamment l’occasion d’évaluer avec eux leur niveau de consommation, et de le réduire. Un objectif d’autant plus important que l’alcool est lié à plus de 60 pathologies médicales, incluant des cancers, le diabète, la dépression, et l’hypertension artérielle.</p>
<p>On sait depuis longtemps que s’abstenir temporairement d’ingérer de l’alcool peut avoir des effets bénéfiques sur la physiologie, et contribuer à améliorer le bien-être. Mais les facteurs influençant la réussite ou l’échec de l’observance d’une telle période d’abstinence demeuraient mal compris, tout comme la façon dont un éventuel succès pouvait affecter la consommation d’alcool ultérieure.</p>
<p>Pour mieux les cerner, le psychologue de la santé Richard de Visser et ses collaborateurs de l’université du Sussex ont mis sur pieds deux études, en 2015 et en 2019.</p>
<h2>Qu’apporte le Dry January ?</h2>
<p>En 2015, Richard de Visser et ses collègues ont sélectionné 1687 personnes inscrites sur le site <a href="https://alcoholchange.org.uk/get-involved/campaigns/dry-january">DryJanuary.org.uk</a> et les ont incluses <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26690637/">dans une étude prévue pour durer 6 mois</a>. Ils leur ont demandé de remplir un questionnaire (<a href="https://www.addictaide.fr/parcours/audit/">AUDIT</a>) afin de déterminer quels participants envisageaient de faire le Dry January (s’abstenir de boire de l’alcool pendant un mois), s’ils avaient prévu de le faire seul ou avec d’autres personnes, etc.</p>
<p>Ils devaient également évaluer, grâce à une échelle (l’échelle de Likert), leur efficacité à refuser de boire de l’alcool en tenant compte de trois paramètres : la pression sociale (« quand mes amis boivent »), le soulagement émotionnel (« quand je me sens inquiet »), la prise en compte d’une occasion précise (« quand je suis devant la TV »).</p>
<p>Au bout d’un mois, cette échelle d’autoefficacité à refuser de boire était complétée à nouveau, ainsi qu’au bout de 6 mois. À ce moment, il était également à nouveau demandé aux participants de compléter le questionnaire AUDIT.</p>
<p>Au total, sur l’ensemble des 1 684 personnes (479 hommes et 1 205 femmes) incluses dans l’étude, 857 (249 hommes et 608 femmes) ont répondu à l’ensemble des questions posées, soit 64,1 % des sujets retenus. Forts de ces résultats, les chercheurs ont pu déterminer qui avait suivi le DryJanuary, et durant combien de temps (exprimé en jours/semaines/mois).</p>
<p>Les résultats indiquent que 549 personnes ont relevé, et tenu, le défi du DryJanuary_ (pas d’alcool pendant un mois), ce qui représente 64 % de l’échantillon. Chez ces participants, les chercheurs ont constaté plusieurs choses :</p>
<ul>
<li><p>une augmentation de l’autoefficacité du refus de boire (dans les 3 domaines),</p></li>
<li><p>une diminution de la fréquence de consommation hebdomadaire d’alcool (1 jour de moins « sans alcool » par semaine),</p></li>
<li><p>une diminution de la fréquence des ivresses au cours du mois précédent (divisée par 2),</p></li>
<li><p>une diminution du nombre moyen d’unités d’alcool consommées par jour (passant de 3,8 à 3,1).</p></li>
</ul>
<p>Mais que s’est-il passé pour les personnes qui ne sont pas parvenues à remplir le contrat du <em>Dry January</em> ? Autrement dit, pour celles qui se sont inscrites, mais ne se sont pas abstenues de boire de l’alcool un mois durant ?</p>
<p>Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’exercice semble malgré tout avoir présenté des bénéfices. En effet, pour ces 308 participants qui n’ont pas réussi à relever le défi (36 % de l’échantillon), on constate néanmoins :</p>
<ul>
<li><p>une augmentation de l’autoefficacité du refus de boire (dans 2 domaines, « pression sociale » et « soulagement émotionnel »),</p></li>
<li><p>une diminution de la fréquence de consommation hebdomadaire d’alcool (moins de 1 jour de moins « sans alcool » par semaine),</p></li>
<li><p>une diminution de la fréquence des ivresses au cours du mois précédent (passant de 3,8 à 2,1),</p></li>
<li><p>une diminution du nombre moyen d’unités d’alcool consommées par jour (passant de 4,2 à 3,7).</p></li>
</ul>
<p>De plus, en <a href="https://www.sussex.ac.uk/broadcast/read/47131">questionnant l’ensemble des personnes qui ont suivi le DryJanuary</a>, on apprend que 88 % ont économisé de l’argent, 82 % réfléchissent davantage à leur consommation d’alcool, 80 % pensent qu’ils contrôlent mieux leur consommation, 76 % ont mieux compris quand et pourquoi ils boivent, 71 % ont réalisé qu’elles n’ont pas besoin d’un verre pour s’amuser, 71 % dorment mieux, 70 % ont amélioré leur état de santé général, 67 % ont plus d’énergie, 58 % ont perdu du poids, 57 % ont amélioré leur concentration, et 54 % ont constaté avoir une meilleure peau.</p>
<p>Soulignons cependant que ces travaux présentaient une limite : l’étude de 2015 était dépourvue de groupe contrôle, puisqu’elle ne portait que sur des personnes inscrites sur le site Internet DryJanuary. Pour y remédier, les auteurs ont mis en place une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32216557/">nouvelle étude prospective en ligne</a>, à l’aide de questionnaires, en janvier, février et août 2019.</p>
<h2>Des résultats confirmés</h2>
<p>Lors de cette nouvelle étude, les chercheurs ont comparé la situation de 1 192 participants au Dry January avec celle de 1549 adultes consommateurs d’alcool, mais ne participant pas au DryJanuary. Ces derniers ont été recrutés selon la méthode des quotas (appariement sur le sexe, l’âge et la région géographique).</p>
<p>Leur bien-être physique a été évalué, tout comme leur bien-être psychologique. Les chercheurs ont à nouveau évalué l’autoefficacité du refus de boire, et ont demandé aux participants de remplir un questionnaire destiné à évaluer leur consommation d’alcool.</p>
<p>Les personnes inscrites au Dry January, ainsi que celles qui ont essayé de s’abstenir de boire sans y être inscrites, ont été regroupées au sein d’un groupe portant l’étiquette « ont essayé le Dry January ». Le second groupe était constitué par celles qui n’étaient pas inscrit au Dry January et n’ont pas essayé de s’abstenir de boire.</p>
<p>Premier constat : les 1667 personnes du groupe « ont essayé le Dry January » (soit 60,8 % des participants) avaient des profils différents des 1074 personnes appartenant au groupe « n’ont pas essayé le Dry January ». Elles étaient en effet plus jeunes (45,4 ans vs 49,8 ans), possédaient un niveau socio-économique plus élevé, et étaient plus souvent de sexe féminin (75,3 % de femmes vs 50,9 %). Par ailleurs, au moment de leur inclusion dans l’étude, ces participants avaient un meilleur bien-être physique, se sentaient plus concernées par l’effet de l’alcool sur leur santé et par le contrôle de leur consommation.</p>
<p>En revanche, leur bien-être psychologique était plus faible que celui des membres du second groupe, et un plus grand nombre d’entre eux était considéré comme des buveurs « à risque » (score AUDIT-C plus élevé, de 8,5 vs 5,5). Parmi ces participants, 62,4 % ont réussi à ne pas boire pendant 1 mois. Leur bien-être physique et psychologique a augmenté, tout comme leur autoefficacité du refus de boire.</p>
<p>Six mois plus tard, ces 3 paramètres étaient restés stables et élevés. Conséquence : leur consommation d’alcool a diminué. De plus, ces personnes ont été plus nombreuses à s’engager dans une activité physique (48,7 % vs 23,8 %) et à manger de manière plus saine (52,3 % vs 28,2 %).</p>
<h2>Des enseignements à tirer pour la France</h2>
<p>Notre pays reste parmi les pays les plus consommateurs d’alcool au monde, se situant <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2020/consommation-d-alcool-en-france-ou-en-sont-les-francais">au 6<sup>e</sup> rang des 34 pays de l’OCDE</a>.</p>
<p>La consommation annuelle d’alcool pur, par habitant de 15 ans et plus, est de 11,7 litres, et près du quart des 18-75 ans (23,6 %) dépassaient les <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/alcool/documents/article/de-nouveaux-reperes-de-consommation-d-alcool-pour-limiter-les-risques-sur-sa-sante">repères de consommation</a> en 2017. Si les chiffres de 2021 s’avéraient un peu meilleurs, la proportion des 18-75 ans concernée était alors encore de <a href="https://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2023/11/2023_11_2.html">22 %</a>.</p>
<p>Ce n’est pas anodin, puisqu’on estime qu’en France, chaque année, ce sont pas moins de 41 000 décès (30 000 hommes et 11 000 femmes) qui peuvent être directement attribuables à l’alcool.</p>
<p>Dans des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7081577">travaux publiés en 2020</a>, des chercheurs ont identifié que les troubles de l’usage de l’alcool étaient associés à divers facteurs tels que la normalisation de l’alcool (le vin surtout) comme mode de socialisation, la fonction sociale de l’alcool, la difficulté de l’accès aux soins, l’absence du médecin généraliste dans la démarche d’accès aux soins, les co-addictions, et des questions liées au soutien familial.</p>
<p>On comprend bien en quoi le Dry January, qui s’inscrit dans une démarche de « dénormalisation » de la consommation d’alcool (du vin, en particulier), peut jouer un rôle pour améliorer la situation. Par ailleurs, le fait de suivre cet évènement à plusieurs, avec son conjoint, ses amis, constitue aussi un atout potentiel.</p>
<p>En 2019, les autorités sanitaires françaises ont donc décidé de mettre en place à leur tour le Dry January, via la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) et Santé publique France. Malheureusement, la tentative initiale des autorités sanitaires semble avoir fait long feu, pour plusieurs raisons.</p>
<h2>La crise du Covid-19 a laissé des traces</h2>
<p>À l’occasion du Dry January 2022, la <a href="https://www.ligue-cancer.net/sites/default/files/cp_sondage_dryjanuary_vf.pdf">ligue contre le cancer</a> a commandé une enquête à l’institut de sondage BVA, effectuée auprès d’un échantillon représentatif de 1 000 français sélectionnés selon la méthode des quotas.</p>
<p>Les résultats ont révélé 31 % des Français des personnes interrogées dépassaient les seuils limites de consommation d’alcool recommandés par Santé publique France (rappelons qu’ils étaient 23,6 % en 2017 et 22 % en 2021). Les jeunes (18-24 ans) semblent particulièrement exposés : 78 % d’entre eux déclaraient boire de l’alcool, et 45 % en consommaient au-delà des recommandations.</p>
<p>L’impact de la crise sanitaire sur les comportements est flagrant : 17 % des participants à l’étude estimaient boire davantage depuis le début de la pandémie, un taux qui grimpe à 30 % parmi les personnes ayant une consommation à risque et à 28 % parmi les jeunes de 18 à 24 ans.</p>
<p>L’expression « Défi de janvier », traduction française du Dry January, semble bien trouvée, car il semble difficile de ne pas consommer d’alcool pendant 30 jours pour 29 % des Français et pour 59 % des gros buveurs. Mais paradoxalement, une large majorité des personnes interrogées reconnaissent les bénéfices d’une pause dans leur consommation d’alcool pendant 1 mois, que ce soit sur leur poids (89 %), leur énergie (88 %), leur concentration (85 %), leurs finances (84 %) ou leur sommeil (82 %).</p>
<p>Malheureusement, les pouvoirs publics ne semblent pas encore décidés à tirer parti de ces constats pour faire décoller le Dry January à la française.</p>
<h2>Une absence de soutien des pouvoirs publics</h2>
<p>Le 14 décembre 2023, le quotidien Le Parisien publiait une lettre adressée à Aurélien Rousseau, ministre de la Santé à cette époque, par 48 addictologues. Ces spécialistes demandaient formellement au gouvernement <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/drogue-addictions/defi-de-janvier-48-addictologues-appellent-le-gouvernement-a-soutenir-le-mois-sans-alcool_6238209.html">d’apporter son soutien au Dry January</a>. Selon eux, les bénéfices de cet événement « sont attestés dans les pays qui pratiquent des campagnes similaires depuis de nombreuses années ».</p>
<p>Ce courrier, écrit par le collège universitaire national des enseignants d’addictologie (CUNEA), soulignait aussi que « la confiance envers le gouvernement pour mener une politique cohérente et résolue » contre l’alcoolisme « est sérieusement altérée ».</p>
<p>La réponse du ministre avait été sans appel. Interrogé sur BFM-TV à propos du Dry January, il avait déclaré : <a href="https://www.bfmtv.com/politique/gouvernement/dry-january-le-ministre-de-la-sante-restera-sobre-mais-n-encourage-pas-les-francais-a-faire-de-meme_AD-202312140746.html">« je vais essayer de profiter de ce mouvement collectif pour ne pas consommer d’alcool […] mais à titre personnel je suis toujours très méfiant ou prudent quand on dit « Le gouvernement lance une campagne pour savoir comment vivre pendant un mois »</a>.</p>
<p>Si de toute évidence l’édition 2024 du Dry January ne bénéficiera pas d’un soutien plus important de la part du gouvernement <a href="https://www.ouest-france.fr/sante/addictions/alcool/enquete-comment-le-lobby-de-l-alcool-et-du-vin-fait-tout-pour-limiter-l-ampleur-du-dry-january-f5eed272-8c14-11ed-9fb2-0b86ee40425f">que les précédentes</a>, cette opération a été saluée par un collectif de membres de la Société française de santé publique. Cette organisation a elle aussi, dans une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/03/nous-demandons-un-soutien-affirme-des-pouvoirs-publics-au-dry-january_6208831_3232.html">tribune publiée dans le quotidien Le Monde</a>, appelé l’État à mettre en place une politique cohérente et déterminée afin de changer l’image que les Français se font de l’alcool.</p>
<h2>Attention aux contrefaçons</h2>
<p>Selon un <a href="https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2023/01/IFOP-DRY-JANUARY-Dec-2022.pdf">sondage IFOP effectué fin 2022</a>, un Français sur trois serait prêt à relever le défi du Dry January. En faites-vous partie ? Si tel est le cas, méfiez-vous des contrefaçons telles que le <a href="https://www.huffingtonpost.fr/life/article/dry-january-ces-addictologues-ne-recommandent-pas-la-version-alternative-du-damp-january_227828.html">#DampJanuary</a> (« janvier humide »).</p>
<p>Proposée par le lobby vino-viticole, il s’agit d’une version « allégée » du Dry january proposant de simplement « réduire » sa consommation d’alcool, dévoyant les objectifs initiaux de l’opération Dry January. En 2020 déjà, le #JanvierSobre appuyait une campagne centrée sur la modération, et non pas sur l’abstinence, avait introduit de la confusion dans les messages. Là encore, elle avait reçu le <a href="https://addictions-france.org/datafolder/uploads/2023/01/Decryptages-N-40-Un-Defi-releve-et-reussi-en-janvier-RV-2023.pdf#page=9">soutien du lobby alcoolier</a>, qui y voyait un moyen de promouvoir son propre discours, décorrélé des réalités scientifiques. En effet, rappelons-le pour conclure : les effets néfastes de l’alcool existent dès le premier verre !</p>
<p>Les recommandations de Santé publique France sont donc à suivre toute l’année, et pas seulement durant un mois…</p>
<hr>
<h2><em>Pour aller plus loin :</em></h2>
<p><em>La nouvelle édition du #DéfiDeJanvier est lancée, et 2 applications permettent à celles et ceux qui désirent faire une pause avec l’alcool d’être accompagnés :</em></p>
<p><em>- l’application <a href="https://dryjanuary.fr/lapplication-try-dry/">Try Dry</a> de <a href="https://dryjanuary.fr/a-propos-de-nous/">#DryJanuaryFrance</a> ;</em></p>
<p><em>- l’application <a href="https://defi-de-janvier.fr/application-mydefi/">MyDéfiDeJanvier</a>, qui propose un rendez-vous quotidien pour renforcer sa motivation et augmenter ses chances d’atteindre les objectifs que l’on s’est fixé.</em></p>
<p><em>Enfin, un <a href="https://dryjanuary.fr/janover-une-enquete-scientifique-sur-le-dry-january/">projet de recherche intitulé « Janover »</a> est mené par le Centre Hospitalier du Vinatier (Lyon), avec le soutien de l’<a href="https://www.e-cancer.fr/Institut-national-du-cancer/Appels-a-projets/Appels-a-projets-resultats/TABAC-JC22">Institut national du cancer (INCA_16467)</a>. Cette étude va permettre de connaître le profil des participants au Dry January, d’identifier les facteurs de « réussite » du défi, et d’évaluer son impact sur la consommation d’alcool et le bien-être.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220556/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Arvers est administrateur de la SFT, de l'IRAAT et de l'IREPS ARA.</span></em></p>Comme chaque année, l’opération « Dry January » propose de réfléchir à sa consommation d’alcool, et de la mettre entre parenthèses durant le mois de janvier. Les bénéfices à en tirer sont nombreux.Philippe Arvers, Médecin addictologue et tabacologue, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2102002023-07-30T15:12:38Z2023-07-30T15:12:38ZDrogues au travail : un phénomène aggravé par 40 ans de prévention mal ajustée<p>En France, l’action publique sur les usages de substances psychoactives (SPA) au travail, <a href="https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1980_num_32_1_2081">n’est pas nouvelle</a>. L’<a href="https://www.iiac.cnrs.fr/article229.html">histoire de la lutte contre l’alcool au travail</a> en témoigne. Cependant, les produits ont changé, se sont diversifiés ; leur mode de consommation et la lutte contre leurs effets au travail aussi. Désormais, une politique de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/prevention-sante-51166">prévention</a> et de gestion des conduites addictives, impliquant des produits (légaux ou illégaux) ou des comportements excessifs (écrans, travail, etc.), oriente l’action publique.</p>
<p>La trajectoire de cette politique reste marquée par des tensions et bifurcations expliquant les difficultés de sa mise en œuvre. Trois grandes phases scandent son histoire. Tout d’abord, le problème des drogues au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/travail-20134">travail</a> émerge dans la seconde moitié des années 1980. Dans un contexte international de relance de la « guerre à la drogue », les premières mesures françaises répondent à une demande de l’entreprise pharmaceutique Syva-bioMérieux, alors leader mondial sur le marché du dépistage des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/drogues-27914">drogues</a>.</p>
<p>Par le biais d’une charte destinée aux entreprises françaises, l’objectif est de généraliser le dépistage des toxicomanies sur le modèle étatsunien. Saisie, la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les toxicomanies (Mildt) charge alors le ministère du Travail et le Conseil consultatif national d’éthique d’évaluer la conformité de cette charte avec les règles juridiques et éthiques du travail. Les avis rendus réfutent la spécificité des toxicomanies pour les traiter comme des enjeux de santé au travail tout en cantonnant le dépistage aux seuls postes à risques.</p>
<p>Or, ces premières régulations révèlent une tension entre deux approches du problème : la première envisage les drogues comme un problème de sécurité au travail, la seconde insiste sur la prévention et la prise en charge de travailleurs consommant des SPA.</p>
<h2>Les employeurs deviennent chargés de la prévention</h2>
<p>Jusqu’aux années 2000, l’action publique reste relativement discrète, laissant aux entreprises la possibilité d’adopter les mesures qu’elles jugent nécessaires. Puis débute une deuxième phase. Objet d’attention accrue des pouvoirs publics, la prévention des usages de substances psychoactives au travail fait l’objet d’actions spécifiques dans les différents Plans de lutte contre les drogues et la toxicomanie et, dans une moindre mesure, dans les Plans santé travail (PST).</p>
<p>De nouveaux acteurs participent à l’action publique. Celle-ci est désormais pensée en termes de risques sanitaires et d’épidémiologie. Ainsi, on ne parle plus de consommation de toxiques ou de toxicomanies mais de conduites ou de pratiques addictives envisagées comme risques pour les travailleurs, les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/entreprises-20563">entreprises</a> et les tiers.</p>
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<img alt="Ouvrier buvant une bière et fumant une cigarette" src="https://images.theconversation.com/files/538705/original/file-20230721-25-ricvh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538705/original/file-20230721-25-ricvh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538705/original/file-20230721-25-ricvh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538705/original/file-20230721-25-ricvh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538705/original/file-20230721-25-ricvh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538705/original/file-20230721-25-ricvh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538705/original/file-20230721-25-ricvh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les premières politiques de lutte contre les conduites addictives au travaul se cantonnaient au dépistage des travailleurs occupant des postes à risques.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pxfuel.com/en/free-photo-xztod">Pxfuel</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>La <a href="https://www.cairn.info/revue-geneses-2010-1-page-5.htm">notion d’addiction reste alors centrale</a> dans l’élaboration par la Mildt d’une politique sanitaire englobant les SPA légales (alcool, tabac) comme illégales (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/cannabis-30937">cannabis</a>, amphétamines, cocaïne, etc.). Cette sanitarisation de l’action publique s’inscrit dans un rapprochement entre santé publique et santé au travail, entérinée par la réforme de la médecine du travail de 2011. La <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000024389212/">loi du 20 juillet 2011</a> change ainsi la prévention des usages de SPA au travail : elle en fixe le cadre légal et redistribue les responsabilités. Désormais, les services de santé au travail conseillent les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les mesures de prévention de la consommation d’alcool et de drogue en milieu professionnel. Indirectement, les employeurs sont ainsi dans l’obligation de prévenir ces consommations.</p>
<p>Au cours des années suivantes, une troisième phase s’engage. Pilotée par la <em>Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives</em> (Mildeca, ancienne Mildt) l’action publique privilégie une logique incitative pour que les entreprises peu familiarisées, voire réticentes à aborder les questions de conduites addictives, adoptent des programmes de prévention.</p>
<p>Le récent dispositif <a href="https://www.drogues.gouv.fr/lancement-du-dispositif-esper-pour-la-prevention-des-conduites-addictives-et-la-promotion-de-la">ESPER</a> « (Les entreprises et les services publics s’engagent résolument) dont l’objectif est de « briser les tabous » illustre cette dynamique. Via des partenaires locaux, dont le réseau de l’Agence nationale des conditions de travail (<a href="https://www.anact.fr/services/prevcamp">Anact</a>), les entreprises sont invitées à adopter une nouvelle charte. Il s’agit de valoriser leur action et leur donner accès à un ensemble d’outils pour développer « une démarche cohérente de prévention collective et individuelle des conduites addictives ».</p>
<h2>L’analyse du travail devient secondaire</h2>
<p>La prévention est notamment justifiée par l’ampleur du problème des drogues au travail qu’attesteraient des études chiffrées sur les consommations de SPA chez les travailleurs. Or, les données disponibles sont rarement élaborées dans cette optique. Comme toute quantification, leurs méthodologies et objectifs sont limités. À l’instar d’autres activités illicites ou socialement réprouvées, la consommation de drogues au travail est une pratique souvent cachée par les travailleurs comme par les employeurs.</p>
<p>De plus, les estimations de consommations de SPA s’inscrivent souvent dans des dispositifs rapprochant l’expertise en santé publique de celle en santé au travail. Cela favorise un raisonnement analogique : puisque les consommations de substances psychoactives sont répandues dans la population générale, elles seraient forcément présentes dans les espaces professionnels, notamment parce que les jeunes ayant expérimenté divers produits importeraient ces pratiques dans le monde du travail.</p>
<p>L’analyse du travail devient ainsi secondaire. De même, si des études montrent des consommations de SPA présentes dans tous les secteurs professionnels, elles n’indiquent pas si les travailleurs interrogés consomment sur leur lieu de travail (sauf pour l’alcool et le tabac). En outre, des statistiques issues de cohortes épidémiologiques établissent que certaines situations professionnelles stressantes favorisent des consommations de SPA mais sans préciser si ces dernières ont lieu au travail.</p>
<p>Elles peuvent resituer des consommations dans des parcours de vies sociales et professionnelles pour orienter les mesures de prévention mais sans conclure quant à la gravité du problème. Dès lors, comment élaborer une démarche de prévention globale si les études et statistiques disponibles sont éloignées du travail réel ?</p>
<h2>Les produits sont-ils le problème ?</h2>
<p>Les approches préventives les plus courantes restent centrées sur les produits consommés. Or, l’entrée par les produits réactive une approche individualisante de la prévention des usages de SPA au travail. De plus, les approches préventives dominantes envisagent ces usages uniquement comme une faute ou un risque pour le travail. Faute, parce que certains de ces usages sont juridiquement ou moralement condamnés. Risque, parce que certains usages sont associés à l’absentéisme, aux accidents du travail, aux désordres et conflits dans les entreprises. Pour autant, cette association est rarement étayée par des études menées dans le cadre de situations de travail.</p>
<p>Les approches préventives dominantes envisagent ces usages uniquement comme une faute ou un risque pour le travail.</p>
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<p>Plus encore, l’affinité persistance pour la faute et du risque contribue à occulter les dynamiques professionnelles et organisationnelles pouvant expliquer le recours à des produits par les travailleurs. Cette occultation est renforcée par la généralisation de la notion de conduites addictives. Pour nombre d’acteurs du monde professionnel, cette notion reste ambiguë car elle peut amalgamer et pathologiser des usages ne relevant pas forcément de la maladie ou de la dépendance, sauf à considérer que toutes les consommations, quelles que soient leur fréquence, leur intensité et leurs situations professionnelles, relèvent de l’action sanitaire.</p>
<h2>Les usages peuvent aussi avoir des fonctions professionnelles</h2>
<p>En ce contexte, il est nécessaire de réintroduire l’enjeu des conditions et des formes d’organisation de travail comme moteur ou vecteur aggravant des usages professionnels de SPA. À cet égard, nous avons mené des enquêtes dans le cadre de plusieurs recherches financées par la Mildeca, l’Agence nationale de sécurité sanitaire et l’Anact.</p>
<p>Ces <a href="https://www.editions-eres.com/ouvrage/4032/se-doper-pour-travailler">travaux</a> ont déjà permis de caractériser différentes fonctions des usages professionnels de produits : ils montrent que le recours à des SPA légales ou illégales sert dans la grande majorité des cas « à tenir et se tenir au travail » et donc à continuer à « faire son travail » malgré les difficultés organisationnelles, les horaires variables ou décalés, l’intensification et la répétition des tâches, l’imbrication de la vie personnelle et professionnelle, la pression des objectifs à atteindre voire l’ennui, etc.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/OsQuPF8KlBI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Renaud Crespin : « Se doper pour travailler » (Xerfi Canal, 2018).</span></figcaption>
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<p>Ces fonctions professionnelles sont des outils analytiques pour sortir les usages de SPA au travail de la seule catégorie de « risques ». Elles permettent de comprendre comment ces usages peuvent s’avérer des ressources pour les travailleurs et les collectifs de travail.</p>
<p>Quatre fonctions professionnelles des usages de SPA peuvent être distinguées :</p>
<ul>
<li><p><strong>Anesthésier pour tenir physiquement et psychiquement</strong> : le recours à des SPA sert à calmer la fatigue, la peur, l’ennui, la douleur ou l’angoisse associés à des métiers éprouvants, relevant, par exemple, de la sécurité ou de la sûreté publique ou privée. On retrouve également cette fonction d’usage chez les travailleurs atteints de troubles musculo-squelettiques ou de maladies chroniques.</p></li>
<li><p><strong>Stimuler, euphoriser, désinhiber</strong> : cette fonction est proche du « dopage » mais elle s’en différencie. Il s’agit moins de « tricher » pour « gagner » que de parvenir à « bien faire » son travail. Les SPA servent à rester éveillé, à pouvoir enchaîner pour « assurer » le travail en optimisant ses capacités mentales et physiques. Cette fonction est souvent présente dans les métiers soumis à des « deadlines » ou des « charrettes » pour l’atteinte d’objectifs de production.</p></li>
<li><p><strong>Récupérer</strong> : dormir, lâcher prise, se détendre, « redescendre » après des activités intenses relève de cette fonction. Que l’on songe aux pauses cigarette ou café ou à des consommations d’alcool ou de cannabis après le travail, ces usages de SPA s’inscrivent dans une logique de récupération ou de « sas » entre le travail et le hors-travail. C’est aussi souvent le cas des usages de somnifères. Parvenir à (s’en)dormir rend la journée de travail qui suit moins difficile.</p></li>
<li><p><strong>Intégrer, entretenir les liens socioprofessionnels</strong>. Cette fonction recouvre des usages s’inscrivant dans des stratégies de présentation de soi visant la reconnaissance et l’insertion dans un groupe socioprofessionnel. Ainsi, des usages collectifs d’alcool (pots pour diverses occasions) considérés comme vecteurs de convivialité, et de solidarité sont des pratiques prégnantes dans les métiers où la cohésion, entre et dans les équipes, sont essentielles.</p></li>
</ul>
<h2>Au-delà des tabous, les défis de la prévention</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/538703/original/file-20230721-29-v0seqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/538703/original/file-20230721-29-v0seqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538703/original/file-20230721-29-v0seqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=927&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538703/original/file-20230721-29-v0seqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=927&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538703/original/file-20230721-29-v0seqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=927&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538703/original/file-20230721-29-v0seqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1165&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538703/original/file-20230721-29-v0seqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1165&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538703/original/file-20230721-29-v0seqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1165&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« Se doper pour travailler », Renaud Crespin, Dominique Lhuilier, Gladys Lutz. Prix du livre RH 2018.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.editions-eres.com/ouvrage/4032/se-doper-pour-travailler">Édition Eres (2017)</a></span>
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<p>Les approches dominantes de la prévention comme certaines logiques organisationnelles participent à invisibiliser les usages professionnels de SPA. Or, ces usages s’inscrivent pleinement dans le travail et remplissent des fonctions professionnelles. Les usages <em>problématiques</em> de SPA sont des symptômes d’organisations et de conditions de travail dégradées nuisant à la santé des travailleurs. Cette approche existe pour la prévention et gestion d’autres problèmes de santé au travail comme les troubles musculo-squelettiques (TMS) et les troubles psychosociaux.</p>
<p>Pour les SPA, les entreprises ont-elles la volonté et les moyens d’adopter une telle approche ? Comment faire en sorte que les organisations de travail s’inscrivent dans une démarche collective interne de prévention ? Nombre de salariés craignent que révéler des consommations de SPA nuisent à leur carrière.</p>
<p>En outre, les encadrants s’inquiètent des conséquences des remontées des signalements de consommation – dégradation des relations avec leurs équipes, leurs supérieurs hiérarchiques voire de l’image de l’entreprise. Les acteurs de la prévention soucieux de comprendre les dimensions professionnelles des usages de SPA ont donc raison : le chantier est énorme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210200/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Renaud Crespin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La lutte contre les conduites addictives n’a jamais pris en compte la question des conditions de travail qui peuvent amener à la consommation de substances psychoactives.Renaud Crespin, Sociologie, Chargé de recherche CNRS, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2071562023-07-26T18:17:51Z2023-07-26T18:17:51ZDu chemsex aux fêtes… La 3-MMC, cette drogue de synthèse qui gagne du terrain chez les jeunes<p>La <a href="https://www.ofdt.fr/ofdt/fr/trend/syntheseTREND2018_Paris_SSD.pdf">3-MMC</a> est une drogue de synthèse (ou <em>research chemical</em>) appartenant à la famille des cathinones, molécules ayant des propriétés stimulantes et empathogènes. Elle se présente sous la forme de poudre ou de cristaux, et est principalement consommée en sniff ou en injection.</p>
<p>La consommation de 3-MMC, associée à celle de GHB/GBL, est initialement <a href="https://www.cairn.info/revue-l-information-psychiatrique-2017-2-page-151.htm?contenu=resume">rattachée au milieu du <em>chemsex</em></a>, pratique de consommation de drogues en contexte sexuel, qui est essentiellement le fait d’hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), dans des contextes de sexe à plusieurs. Les <a href="https://www.ofdt.fr/publications/collections/thema/chemsex-slam">chemsexeurs</a> attribuent souvent à la 3-MMC des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1158136019300556">propriétés aphrodisiaques</a> facilitant les rapports sexuels (augmentation du désir, facilité à avoir une érection, retardement de l’éjaculation…).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/chemsex-les-dessous-de-lalliance-dangereuse-du-sexe-et-des-amphetamines-157804">« Chemsex » : les dessous de l’alliance dangereuse du sexe et des amphétamines</a>
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<p>Ces dernières années, une diffusion des usages de 3-MMC au-delà des contextes de chemsex est constatée par différents acteurs travaillant dans le champ de la réduction des risques. Cette substance est désormais consommée par des hommes et des femmes qui ne s’identifient pas toujours comme LGBTQI+, et en dehors de tout contexte sexuel.</p>
<p>Cette tendance est notamment rapportée en Nouvelle-Aquitaine par des usagers et usagères et par des professionnels de réduction des risques, interrogés dans le cadre de cette enquête. Cet article met en lumière, de manière sociologique, les motivations à la consommation de 3-MMC d’usagers qui ne sont pas chemsexeurs, les réseaux de vente de cette substance et les conséquences sanitaires rapportées.</p>
<h2>Des motivations liées au coût et aux effets de la 3-MMC</h2>
<p>Les usagers et usagères de 3-MMC semblent être le plus souvent des personnes jeunes, plutôt insérées socialement et polyconsommatrices, qui ont expérimenté d’autres drogues illicites (cannabis, cocaïne, MDMA/ecstasy…) avant d’essayer la 3-MMC. Certaines ont été initiées par des amis pratiquant le chemsex ou proches de ce milieu, d’autres par des personnes hétérosexuelles éloignées du chemsex. Les consommations ont presque systématiquement lieu en contexte festif, dans des clubs techno et des <em>raves</em> urbaines, parfois lors de soirées privées. D’après des intervenants en espace festif alternatif en Nouvelle-Aquitaine, les usages de 3-MMC semblent plus rares dans les <em>free parties</em> en espace rural, les usages étant davantage visibles en ville.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/nouvelles-drogues-les-cathinones-de-synthese-circulent-de-plus-en-plus-en-france-187684">Nouvelles drogues : les cathinones de synthèse circulent de plus en plus en France</a>
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<p>Les usagers rapportent apprécier les effets de ce produit, qui se situent entre ceux de la MDMA/ecstasy (amplification des ressentis sensoriels, effets entactogène et empathogène) et de la cocaïne (diminution de la sensation de fatigue, facilité à aller vers autrui et à échanger). Ils consomment principalement en sniff. Arthur a 22 ans, travaille dans le secteur de la restauration et consomme des substances diversifiées, notamment de la 3-MMC en contexte festif (essentiellement en club techno et dans des <em>afters</em> privées). Il apprécie les effets stimulants de la 3-MMC, qui lui donne « envie de faire des trucs » : « Tu prends une trace et tu cours un marathon ! » Contrairement à de nombreux chemsexeurs, Arthur ne lie pas ce produit à un effet aphrodisiaque, affirmant que cette consommation ne lui donne « pas envie de baiser ».</p>
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<figcaption><span class="caption">Trois minutes sur : 3-MMC, la nouvelle cocaïne ? (OFDT, 2023).</span></figcaption>
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<p>Autre élément central rapporté par les consommateurs, le coût : le prix au gramme de la 3-MMC en Nouvelle-Aquitaine est d’environ 40 euros (avec un prix bas de 30 euros et un prix haut de 50 euros), contre un prix courant de 60 euros le gramme pour la cocaïne.</p>
<p>Dans son mémoire de sociologie intitulé <em>Les nouveaux produits de synthèse : entre politiques prohibitives et a priori. Étude des particularités des carrières de consommateurs de 3-MMC</em>, réalisé à l’Université de Bordeaux, <a href="https://www.linkedin.com/in/m%C3%A9lina-lapeyronie-soula-367473280/">Mélina Lapeyronie-Soula</a> a interrogé neufs consommateurs de 3-MMC, dont huit ne pratiquent pas le chemsex. La plupart des usagers interrogés présente le faible coût de ce produit, comparé à celui de la cocaïne, comme une motivation importante à l’usage. Selon Mélina Lapeyronie-Soula, le fait que la 3-MMC ait des effets proches de deux drogues bien connues et appréciées des usagers (la MDMA/ecstasy et la cocaïne) et que son prix soit assez faible contribue à sa diffusion en espaces festifs.</p>
<h2>Vente en ligne de drogues, livraison et achat en espaces festifs</h2>
<p>La 3-MMC a toujours été commandée <em>via</em> Internet par les chemsexeurs, qui se procurent la substance sur le <em>dark web</em> et sur des sites illégaux sur le <em>surface web</em>. Du fait des changements législatifs autour des drogues de synthèse, notamment concernant les <a href="https://nltimes.nl/2021/05/27/netherlands-restricts-designer-drug-3-mmc">plateformes de vente aux Pays-Bas</a>, les molécules vendues comme de la 3-MMC peuvent régulièrement s’avérer être des dérivés (notamment de la 3-CMC, aux propriétés similaires). Pour les chemsexeurs qui ne souhaitent pas acheter en ligne, il est possible de se fournir <em>in real life</em> (IRL) essentiellement via des réseaux d’usagers-revendeurs eux-mêmes chemsexeurs. On a donc depuis plusieurs années à faire à des réseaux de vente IRL très communautaires, assez fermés aux personnes ne pratiquant pas le chemsex.</p>
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<p>Ce modèle a évolué, et il est désormais possible pour des personnes éloignées du milieu du chemsex d’acheter de la 3-MMC IRL. La substance est vendue en espaces festifs par des <em>dealers</em> et usagers-revendeurs, au même titre que la cocaïne ou la MDMA/ecstasy. Il est également possible de se faire livrer de la 3-MMC à son domicile par des réseaux de livraison opérant dans la ville de l’usager, la substance n’échappant pas à <a href="https://www.ofdt.fr/ofdt/fr/trend/lyon19.pdf"><em>l’ubérisation du deal</em></a> en cours depuis maintenant plusieurs années. Plusieurs usagers rapportent ainsi que la disponibilité de la 3-MMC s’est accrue en 2022 et 2023, et que la substance est désormais assez facile à trouver. Si Arthur estime que la 3-MMC reste moins disponible en espaces festifs que la cocaïne ou l’ecstasy, il rapporte que « <em>la 3</em> » est bien plus facile à acheter aujourd’hui :_ « C’est répandu maintenant, tu peux trouver facilement _ ».</p>
<h2>Les conséquences sanitaires de la consommation de 3-MMC</h2>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0955395915000729">Les conséquences sanitaires ont bien été identifiées au sein du public chemsexeur</a>, qui peut cumuler trouble de l’usage de drogues et addiction au sexe, et qui est régulièrement confronté à des problématiques liées au consentement, aux pratiques sexuelles à risque et à des problématiques générées par l’injection. Concernant les conséquences spécifiquement rattachées à la 3-MMC, elles sont similaires à celles liées à la cocaïne (<em>craving</em>, insomnies, perte d’appétit…) et à la MDMA/ecstasy (redescentes difficiles avec idées noires, regret d’avoir accepté certaines pratiques sexuelles ou de s’être rapproché de personnes vers lesquelles l’usager n’aurait pas été s’il avait été sobre…).</p>
<p>Les usagers de 3-MMC en espaces festifs échappent aux problématiques associées au chemsex, mais pas aux conséquences directes de l’usage de cette substance qui, lorsqu’elle est consommée en sniff, semble particulièrement nocive pour les cloisons nasales. Les usagers se plaignent en effet de douleurs intenses lors de la prise en trace : Antoine, un usager polyconsommateur de 25 ans, a ainsi testé la 3-MMC et n’a pas apprécié, « parce que ça arrache le nez ».</p>
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<figcaption><span class="caption">La 3-MMC : une drogue d’initié devenue populaire (Libération, 2022).</span></figcaption>
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<p>Les professionnels de réduction des risques commencent à voir arriver dans leurs structures des usagers de 3-MMC qui ne sont pas chemsexeurs, et qui se plaignent d’une perte de contrôle de l’usage et des conséquences sanitaires rapportées. Une association de réduction des risques intervenant en <em>free</em> et <em>rave parties</em> explique ainsi que des usagers de 3-MMC se plaignent par exemple d’insomnie, de nausées, de <em>bad trip</em> et de <em>craving</em>. Ces usagers étant souvent polyconsommateurs, le motif de prise en charge initial en addictologie n’est pas toujours la 3-MMC ; d’après les professionnels rencontrés, la plupart des usagers semblent consulter pour des problèmes de consommation de cocaïne ou d’alcool.</p>
<p>Une éducatrice spécialisée en CSAPA bordelais a ainsi rencontré un usager consommant « de la 3-MMC en dehors de tout contexte sexuel, pour expérimenter, pour faire la fête », qui venait demander de l’aide pour ses « usages de cocaïne ». Notons cependant que, comme pour les autres drogues, la plupart des usages de 3-MMC sont récréatifs et n’entraînent pas de conséquences sanitaires majeures.</p>
<p>Si la 3-MMC est, pour le moment, moins visible en espaces festifs que d’autres psychostimulants, il y a fort à parier que sa diffusion ne fait que commencer, et que les expérimentations se multiplieront dans les années à venir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207156/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sarah Perrin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Initialement rattachée au milieu du chemsex, la 3-MMC se diffuse de plus en plus en milieu festif. Regard sur les motivations des consommateurs grâce à une enquête menée en Nouvelle-Aquitaine.Sarah Perrin, Docteure en sociologie, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2048292023-07-24T13:40:36Z2023-07-24T13:40:36ZSérie : Drogues en France, loin des clichés<p><em>Comment mieux appréhender la drogue en France ? Son économie, ses trafics, ses usages, son impact sur la société. Dans le cadre de cette série intitulée « Drogues en France, loin des clichés », nos journalistes ont sollicité les meilleurs chercheurs et chercheuses afin d'apporter des réponses parfois surprenantes à nos questions. Avec la même volonté de vous donner les meilleurs éléments de compréhension.</em></p>
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<h2><a href="https://theconversation.com/lhero-ne-en-milieu-rural-en-france-une-realite-ignoree-207844">L’héroïne en milieu rural en France : une réalité ignorée</a></h2>
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<img alt="Deux seringues sont posées sur une table. On distingue une poudre blanche à côté." src="https://images.theconversation.com/files/539035/original/file-20230724-25-hy2ck7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539035/original/file-20230724-25-hy2ck7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539035/original/file-20230724-25-hy2ck7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539035/original/file-20230724-25-hy2ck7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539035/original/file-20230724-25-hy2ck7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539035/original/file-20230724-25-hy2ck7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539035/original/file-20230724-25-hy2ck7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>L’ampleur, ces dernières années, des saisies d’héroïne dans les villes moyennes et les zones rurales témoigne de la persistance de la consommation d’héroïne.</p>
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<h2><a href="https://theconversation.com/trafic-de-stupefiants-comment-leconomie-legale-se-rend-co-responsable-208311">Trafic de stupéfiants : comment l’économie légale se rend co-responsable</a></h2>
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<img alt="Téléphone à claper posé sur une table avec indiqué sur l'écran OM Encrochat" src="https://images.theconversation.com/files/539034/original/file-20230724-27-awfyx9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539034/original/file-20230724-27-awfyx9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539034/original/file-20230724-27-awfyx9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539034/original/file-20230724-27-awfyx9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539034/original/file-20230724-27-awfyx9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539034/original/file-20230724-27-awfyx9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539034/original/file-20230724-27-awfyx9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Services d’immatriculation de sociétés-écrans, messageries cryptées et modes de régulation des infrastructures portuaires sont autant d’exemples de supports fournis par l’économie légale aux trafics.</p>
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<h2><a href="https://theconversation.com/cannabis-mais-aussi-alcool-et-tabac-chez-les-jeunes-une-consommation-de-drogues-en-baisse-206796">Cannabis, mais aussi alcool et tabac : chez les jeunes, une consommation de drogues en baisse ?</a></h2>
<p>La consommation de tabac, d’alcool et de cannabis serait globalement en recul chez les plus jeunes. Est-ce le résultat des politiques de prévention ? Ou est-ce lié au succès de nouvelles drogues ?</p>
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<h2><a href="https://theconversation.com/a-marseille-lespace-public-vu-par-ceux-et-celles-qui-sinjectent-des-drogues-209646">À Marseille, l’espace public vu par ceux et celles qui s’injectent des drogues</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/539029/original/file-20230724-29-os6tz6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539029/original/file-20230724-29-os6tz6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539029/original/file-20230724-29-os6tz6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539029/original/file-20230724-29-os6tz6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539029/original/file-20230724-29-os6tz6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539029/original/file-20230724-29-os6tz6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539029/original/file-20230724-29-os6tz6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Durant un à trois mois, des usagers de drogue ont participé à une recherche en documentant leur quotidien et leur environnement afin de mieux comprendre les pratiques liées à l'injection.</p>
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<h2><a href="https://theconversation.com/crack-et-coca-ne-pourquoi-deux-drogues-si-proches-sont-elles-traitees-si-differemment-dans-la-sphere-publique-207555">Crack et cocaïne : pourquoi deux drogues si proches sont-elles traitées si différemment dans la sphère publique ?</a></h2>
<p>Cocaïne et crack sont des drogues apparentées : le second est un produit dérivé de la première. Pourtant, leurs images et leurs traitements médiatique ou politique sont radicalement différents. Pourquoi ?</p>
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<h2><a href="https://theconversation.com/coca-ne-ecstasy-hallucinogenes-quels-sont-les-comportements-des-jeunes-face-aux-drogues-illicites-209431">Cocaïne, ecstasy, hallucinogènes… Quels sont les comportements des jeunes face aux drogues illicites ?</a></h2>
<p>D’après une étude réalisée sur plus de 23 000 adolescents de 17 ans, la consommation de drogues illicites autres que le cannabis est en baisse et à de faibles niveaux..</p>
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<h2><a href="https://theconversation.com/les-dealers-des-professionnels-de-la-distribution-comme-les-autres-209429">Les dealers, des professionnels de la distribution comme les autres ?</a></h2>
<p>Outre le caractère illicite des produits en cause, la revente de drogues est un commerce comme un autre mais transférer ses compétences dans le secteur légal demeure difficile.</p>
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<h2><a href="https://theconversation.com/du-chemsex-aux-fetes-la-3-mmc-cette-drogue-de-synthese-qui-gagne-du-terrain-chez-les-jeunes-207156">Du chemsex aux fêtes… La 3-MMC, cette drogue de synthèse qui gagne du terrain chez les jeunes</a></h2>
<p>Initialement rattachée au milieu du chemsex, la 3-MMC se diffuse de plus en plus en milieu festif. Regard sur les motivations des consommateurs grâce à une enquête menée en Nouvelle-Aquitaine.</p>
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<h2><a href="https://theconversation.com/legalisation-du-cannabis-recreatif-les-defis-francais-200026">Légalisation du cannabis récréatif : les défis français</a></h2>
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<img alt="Dans un rapport publié début 2023, le Conseil économique et social recommande une légalisation encadrée du cannabis en France." src="https://images.theconversation.com/files/511638/original/file-20230222-330-61sitj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/511638/original/file-20230222-330-61sitj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/511638/original/file-20230222-330-61sitj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/511638/original/file-20230222-330-61sitj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/511638/original/file-20230222-330-61sitj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/511638/original/file-20230222-330-61sitj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/511638/original/file-20230222-330-61sitj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/NxRx7_mPdEk">Wesley Gibbs / Unsplash</a></span>
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<p>La légalisation de la consommation de cannabis a le vent en poupe. Adoptée par de plus en plus de pays, cette réponse publique est plus complexe à mettre en place qu’une politique de prohibition.</p>
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<h2><a href="https://theconversation.com/la-france-au-coeur-des-trafics-de-drogue-un-regard-geopolitique-210146">La France au cœur des trafics de drogue : un regard géopolitique</a></h2>
<p>S’il est exagéré de qualifier la France de « narco-État », le pays ne s’en trouve pas moins au cœur de nombreux trafics de drogue, celle-ci provenant aussi bien des Amériques que d’Afrique et d’Asie.</p>
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<h2><a href="https://theconversation.com/drogues-au-travail-un-phenomene-aggrave-par-40-ans-de-prevention-mal-ajustee-210200">Drogues au travail : un phénomène aggravé par 40 ans de prévention mal ajustée</a></h2>
<p>La lutte contre les conduites addictives n’a jamais pris en compte la question des conditions de travail qui peuvent amener à la consommation de substances psychoactives.</p>
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<h2><a href="https://theconversation.com/meres-des-quartiers-populaires-des-intermediaires-sur-le-fil-210141">Mères des quartiers populaires : des intermédiaires sur le fil</a></h2>
<p>La conception des mères comme relais sécuritaires s’inscrit dans une histoire longue du rapport entre l’État et les quartiers populaires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204829/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Comment mieux appréhender la drogue en France ? Son économie, ses trafics, ses usages, son impact sur la société. Une série inédite de The Conversation France.Fabrice Rousselot, Directeur de la rédaction, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2094312023-07-23T15:17:00Z2023-07-23T15:17:00ZCocaïne, ecstasy, hallucinogènes… Quels sont les comportements des jeunes face aux drogues illicites ?<p>Beaucoup de clichés circulent autour de la consommation de drogues chez les jeunes, ils consommeraient de plus en plus tôt et en plus grande quantité que leurs aînés, mais qu’en est-il vraiment ? Pour le savoir, nous menons <a href="https://www.ofdt.fr/publications/collections/tendances/les-drogues-17-ans-analyse-de-lenquete-escapad-2022-tendances-155-mars-2022/">l’enquête sur la santé et les consommations</a> lors de la Journée d’appel et de préparation à la défense (ESCAPAD). Cette dernière est conduite depuis l’an 2000 par l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) en collaboration avec la Direction du service national et de la jeunesse (DSNJ). Menée pour la première fois en 2000, elle a été réalisée neuf fois et nos derniers résultats datent de 2022.</p>
<p>Elle porte principalement sur les consommations de substances, mais d’autres thématiques de santé, selon les années, sont abordées dans le questionnaire comme les conduites addictives sans substance (jeux d’argent et de hasard, par exemple), la santé mentale, le handicap ou les comportements alimentaires. </p>
<p>ESCAPAD interroge tous les adolescents convoqués à la journée défense et citoyenneté (JDC) durant une période de 15 jours. En 2022, 23 701 adolescents présents, âgés de 17,4 ans en moyenne, ont ainsi reçu un questionnaire autoadministré anonyme entre le 21 et 25 mars 2022. L’échantillonnage aléatoire, un taux de participation de 84 % (présents vs convoqués) ou encore un taux de réponse supérieur à 95 % (présents vs questionnaires valides) garantissent la bonne représentativité de l’échantillon de répondants. L’enquête permet ainsi d’estimer, entre autres données épidémiologiques, les niveaux de consommation de drogues licites ou illicites parmi les jeunes Français âgés de17 ans et d’en suivre les évolutions sur deux décennies. </p>
<h2>Niveaux d'expérimentation</h2>
<p>La première substance illicite expérimentée durant l’adolescence est le cannabis, en 2022, 29,9 % des adolescents de 17 ans en avaient déjà consommé au moins une fois dans leur vie. En comparaison, les niveaux d’expérimentation des autres produits illicites comme la cocaïne, l’ecstasy (ou MDMA), l’héroïne… sont bien moindres et inférieurs à 2 %, niveau d’expérimentation le plus élevé observé en 2022 pour l’ecstasy. </p>
<iframe title="Evolution de l'expérimentation des drogues illicites" aria-label="Interactive line chart" id="datawrapper-chart-rF216" src="https://datawrapper.dwcdn.net/rF216/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="421" data-external="1" width="100%"></iframe>
<p>Ces niveaux marquent tous une baisse importante par rapport à 2017. Derrière l’ecstasy, la cocaïne (hors freebase/crack) est la deuxième substance expérimentée avec 1,4 % des adolescents de 17 ans, viennent ensuite les drogues hallucinogènes (LSD, champignons, kétamine) autour de 1 %, l’expérimentation de l’héroïne et du crack demeurant résiduelle avec des niveaux inférieurs à 1 %. Au final, avoir déjà consommé au moins une des huit substances questionnées concerne, en 2022, 3,9 % des jeunes Français de 17 ans.</p>
<p>Il convient de préciser que l’expérimentation de ces produits survient plus tardivement que celles de l’alcool, du tabac et du cannabis, soit au-delà de 16 ans en moyenne.</p>
<p>L’expérimentation de ces substances s’est accrue de manière continue jusqu’en 2014, avant d’amorcer une baisse qui s’est poursuivie jusqu’à aujourd’hui. Derrière cette évolution généralisée de baisse se cachent des dynamiques propres à chaque substance. Par exemple, si les niveaux pour la cocaïne ont progressé régulièrement avant de baisser, ceux de l’usage d’ecstasy (ou MDMA) ont connu des variations erratiques au cours des deux dernières décennies. Ces variations sont difficiles à expliquer, mais peuvent être liées à des phénomènes de mode qui peuvent à l’adolescence être parfois éphémères.</p>
<h2>Statut scolaire</h2>
<p>À l’instar de la consommation d’alcool ou de cannabis, ces expérimentations de produits illicites (autres que le cannabis) restent un peu plus le fait des garçons même si, compte tenu des niveaux, il est difficile de conclure que les comportements entre filles et garçons puissent diverger ou converger. Les usages de LSD et de champignons hallucinogènes s’avèrent cependant légèrement plus marqués par le genre. </p>
<iframe title="Expérimentation des drogues illicites chez les filles et les garçons " aria-label="Split Bars" id="datawrapper-chart-ZB8Bh" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ZB8Bh/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="569" data-external="1" width="100%"></iframe>
<p>Elles sont, par ailleurs, très fortement associées au statut scolaire, les jeunes sortis du système scolaire (adolescents déscolarisés, en service civique ou, plus rarement, en emploi) sont les plus nombreux à consommer au moins un autre illicite (11,3 % d’expérimentation), devant les apprentis (6,9 %) et les lycéens (3,5 %). Ces différences peuvent, pour partie, s’expliquer à la fois par une autonomie financière (même si elle reste limitée) ou un moindre contrôle parental. Il convient de noter que la relation entre usages de substances et sortie précoce du système scolaire ne relève pas d’une causalité à sens unique : si l’effet de ces substances sur les performances scolaires à l’adolescence <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/josh.12723">est bien établi</a>, les problèmes conduisant à une <a href="https://www.jstor.org/stable/2657556">sortie précoce du système scolaire</a> apparaissent généralement bien avant les premiers usages de substances psychoactives illicites (après 16 ans), et en constituent même un déterminant.</p>
<iframe title="Expérimentation des drogues illicites selon la situation scolaire" aria-label="Split Bars" id="datawrapper-chart-IgVK1" src="https://datawrapper.dwcdn.net/IgVK1/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="324" data-external="1" width="100%"></iframe>
<p>Cette photographie en 2022 des usages de substances psychoactives illicites parmi les adolescents de 17 ans traduit une évolution favorable en termes de santé publique. Si les tendances observées sont le fruit des dynamiques à l’œuvre depuis une dizaine d’années, il convient de ne pas oublier qu’elles interviennent après deux années singulières, marquées par la crise sanitaire liée au Covid-19 et plusieurs confinements de la population qui ont perturbé fortement les sociabilités juvéniles. Cela pourrait avoir contribué au recul observé entre 2017 et 2022 des expérimentations, qui se déroulent majoritairement dans des contextes de sociabilité et festifs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209431/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stanislas Spilka ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>D’après une étude réalisée sur plus de 23 000 adolescents de 17 ans, la consommation de drogues illicites autres que le cannabis est en baisse et à de faibles niveaux..Stanislas Spilka, Responsable unité DATA, Observatoire français des drogues et tendances addictivesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2096462023-07-20T15:55:32Z2023-07-20T15:55:32ZÀ Marseille, l’espace public vu par ceux et celles qui s’injectent des drogues<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/538505/original/file-20230720-27-21ff1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C31%2C3019%2C1969&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">#Mise en abîme : « C’est la fenêtre extérieure du Tipi, où du coup y a un graff dessous, j’ai posé sur le mur la boite de l’appareil photo, avec le plastique, et en fait c’est dans l’entrebâillement du volet, et on voit au fond le jardin, et en fait on vous voyait, vous. »</span> <span class="attribution"><span class="source">Projet Eposim</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>À Marseille, l'attente et les résistances liées à l'ouverture <a href="https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/drogues-une-salle-de-consommation-a-moindre-risque-doit-ouvrir-a-marseille-20230608_D25DJ5IGNJF2PHVH2FJPDKNB3E">d'une salle de consommation à moindre risque</a> révèlent une grande méconnaissance des réalités vécues au quotidien par les personnes qui s'injectent des drogues.</p>
<p>Les réactions hostiles à ce type de dispositif indiquent aussi une forme de frilosité quant à une <a href="https://www.ajpmonline.org/article/S0749.3797(21)00275-0/fulltext">réelle politique de réduction des risques</a>, qui se caractérise par une approche pragmatique de santé publique, qui favorise l'aller-vers et une meilleure compréhension du monde social qui les entoure.</p>
<p>Afin de pallier cette ignorance et de mieux comprendre comment vivent les personnes qui injectent des drogues à Marseille, une <a href="https://doi.org/10.1177/10497323231169607">enquête</a> mobilisant une méthodologie «photovoix» a été mise en place début 2020.</p>
<h2>Donner une voix par l'image</h2>
<p><a href="https://doi.org/10.1177/109019819702400309">Cette méthode photovoix</a> est aujourd'hui fréquemment utilisée dans les recherches communautaires et participatives afin d'approcher des terrains sensibles et de collecter des données dans le souci de mieux inclure les participants, en leur donnant une <a href="https://doi.org/10.1016/j.healthplace.2019.05.001">voix dans la recherche par la photographie</a>.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/538510/original/file-20230720-25-n80ysy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/538510/original/file-20230720-25-n80ysy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538510/original/file-20230720-25-n80ysy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=905&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538510/original/file-20230720-25-n80ysy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=905&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538510/original/file-20230720-25-n80ysy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=905&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538510/original/file-20230720-25-n80ysy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1137&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538510/original/file-20230720-25-n80ysy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1137&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538510/original/file-20230720-25-n80ysy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1137&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">#Poubelle à seringues «Les seringues ! Je les mets dans des bouteilles. Après je les rapporte ici. Il doit y en avoir quarante ou cinquante, enfin ça dépend des bouteilles, souvent j'prends des grosses bouteilles, voilà, ça recycle la bouteille… J'fais super attention, je jette jamais mon matos, sauf dans la rue, quand j'ai pas le choix….</span>
<span class="attribution"><span class="source">Eposim</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Durant un à trois mois, nous avons donné aux participant·e·s (n=10) un appareil photographique, ici un jetable Fujifilm, 27 poses, 400 ISO, couleurs, pour qu'elles et ils prennent des clichés de leur environnement, de leurs pratiques, des outils utilisés pour l'injection ainsi que des lieux fréquentés, tout en veillant à l'anonymat et au fait de ne pas prendre de photographies identifiantes.</p>
<p>L'intérêt de cette approche réside dans son caractère participatif : il s'agit d'inclure les participant·e·s comme co-chercheurs et co-chercheuses à chacune des étapes de la recherche : élaboration de la question de recherche, réflexion autour des enjeux éthiques propre à la recherche, collecte des données par la photographie, analyse des photographie lors d'un entretien individuel travail de codage des photographies lors d'atelier en groupe, et enfin valorisation de la recherche lors d'expositions ou d'élaboration de dossier dans une <a href="https://drive.google.com/file/d/1h9JUcZkiArqpmm_l-fJF4QSJKgYvzo06/edit">revue d'auto-support</a> (Sang d'Encre n°7) ou encore sur un <a href="https://vif-fragiles.org/photovoix/">site web</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/537728/original/file-20230717-96368-40gorh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537728/original/file-20230717-96368-40gorh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537728/original/file-20230717-96368-40gorh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537728/original/file-20230717-96368-40gorh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537728/original/file-20230717-96368-40gorh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537728/original/file-20230717-96368-40gorh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537728/original/file-20230717-96368-40gorh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">«Expert de l'expérience»: La préparation c'est une grosse pompe de dix millilitres, tout est stérile, on se lave les mains, moi avec les collègues et tout, on met tout sur une table, des fois on essaye de prendre un truc assez propre pour le poser, voilà. On prend de l'eau, on remplit notre pompe sans mettre l'aiguille, on la remplit jusqu'à cinq, même des fois dix, on met l'eau dedans, on prend une gélule, de deux cents milligrammes, on la met dedans, on le chauffe un peu, une fois que c'est chaud, faut bien savoir, faut bien connaître le système parce que après, faut pas que ce soit trop chaud, ni trop froid, sinon après les grains ils vont mal s'écraser ou bien savoir il faut bien connaître le procédé du truc, écraser tous les grains, après prendre un filtre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Recherche Eposim</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Une immersion</h2>
<p>Cette méthode permet une certaine immersion, médiée par la photographie, dans les vies des personnes et donne accès à leur intimité, au plus près de leurs pratiques.</p>
<p>Les entretiens réalisés à partir des photographies permettent au photographe-participant de revenir sur l'intentionnalité du cliché, d'expliquer ce que l'on regarde et d'aider à décoder les indices des consommations, des pratiques et de ces gestes du quotidien devenus banals pour elles et eux mais qui pourtant relèvent de stratégies et de débrouille qui pourraient être mises en commun ou accompagnées.</p>
<p>Ces savoirs de l'expérience mobilisés par les personnes utilisatrices de drogues sont indispensables à la fois dans une approche de réduction des risques et dans toute clinique des addictions. Les personnes prennent des habitudes et échangent des savoirs entre pairs. La pratique de l'injection est un geste technique qui nécessitent des outils tels que les seringues, les filtres ou encore les «cups» (récipient stérile).</p>
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<p>Testés en laboratoire ces outils ne sont pas toujours adaptés aux modes de consommations et aux conditions de vie précaire des personnes, notamment lorsqu'elles doivent s'injecter rapidement entre deux voitures, afin d'éviter le regard des passants.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/537730/original/file-20230717-200541-1nr3qo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537730/original/file-20230717-200541-1nr3qo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537730/original/file-20230717-200541-1nr3qo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537730/original/file-20230717-200541-1nr3qo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537730/original/file-20230717-200541-1nr3qo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537730/original/file-20230717-200541-1nr3qo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537730/original/file-20230717-200541-1nr3qo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">«Entre deux voitures»: C'est la rue Thiers, en fait en bas c'est Curiol et là c'est la rue Thiers et en fait c'est des marches, je trouvais ça sympa, la prise elle est trop cool, j'aime trop. Ouais, c'est parce que là en fait tu as tous les déchets de la société. T'y as le plus vieux travail du monde qui est représenté dans c'te rue, t'y as les tox, parce que les marches elles sont prises et tout et puis en plus c'est des petites rues, t'as plein de voitures, la nuit il n'y a pas beaucoup de personnes qui passent, t'as des putes, t'as tout, genre t'as jamais les flics qui passent, ils s'en battent les couilles tu peux faire ce que tu veux ici, puis tu retrouves des seringues, tout ça, c'est sympa c'te rue, enfin pas vraiment, et puis, la voilà pour dire, tu t'caches derrière la voiture, entre les voitures, parce que on te voit pas, et puis c'est tout, voilà.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Recherche Eposim</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les photographies collectées permettent de documenter les lieux de consommation et les stratégies mobilisées pour faire face aux différents risques, notamment ceux liés aux contrôles de police. Les témoignages associés montrent également combien la stigmatisation est intériorisée par les personnes. La violence des termes que ce participant utilise « déchets » ; « tox » ; « putes » renvoie à la violence subie au quotidien, notamment dans le <a href="https://www.psychoactif.org/forum/t29074-p1-Toxicophobie-mon-amour.html">langage toxicophobe</a> qui peut être entendu dans les familles, dans les discours politiques et parfois même jusque dans les cabinets de consultations.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/537732/original/file-20230717-98971-5tvzpx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537732/original/file-20230717-98971-5tvzpx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537732/original/file-20230717-98971-5tvzpx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537732/original/file-20230717-98971-5tvzpx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537732/original/file-20230717-98971-5tvzpx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537732/original/file-20230717-98971-5tvzpx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537732/original/file-20230717-98971-5tvzpx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">«Savoir plus»: Et c'est comme il disait, tu as toute la documentation, tu as tout pour prendre ton matos et au final, tu te retrouves à t'injecter dans un endroit crasseux. Tu peux lire et t'informer sur tout, si tu te retrouves dans un endroit crasseux, tu ne peux rien y faire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Recherche Eposim</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Le paradoxe entre le fait de pouvoir récupérer du matériel d'injection stérile et de ne pas avoir ensuite de lieu pour consommer a fait l'objet de nombreuses discussions. Les participant·e·s soulignent les conditions très précaires dans lesquelles ils se trouvent et ils expriment ici tous les freins qu'ils rencontrent pour un accès à leurs droits et à la santé. Sans logement ou vivant dans des squats, leur pratique de l'injection dans des lieux insalubres leur fait courir autant de risques sanitaires (infectieux, santé mentale, etc.) que sociaux (intégration sociale, estime de soi).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/537733/original/file-20230717-29-5ep5bx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537733/original/file-20230717-29-5ep5bx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537733/original/file-20230717-29-5ep5bx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537733/original/file-20230717-29-5ep5bx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537733/original/file-20230717-29-5ep5bx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537733/original/file-20230717-29-5ep5bx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537733/original/file-20230717-29-5ep5bx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">«Invisible»: Ce qui est intéressant, aussi, c'est qu'il y a des gens, c'est la vie quotidienne, le tramway, des voitures, plein de gens qui ne se doutent pas de ce qui peut se passer à 20 mètres d'eux, dans ce lieu-là.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Recherche Eposim</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Enfin, parmi les motivations des participants, beaucoup ont souhaité éveiller les consciences, montrer leur misère et rendre visible les conditions dans lesquelles ils se trouvent. <a href="https://harmreductionjournal.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12954-019-0334-2">Cette photographie des mouvements urbains</a> vient souligner le sentiment d'invisibilité, voire d'abandon, que ressentent les personnes. L'omniprésence de la misère, à chaque coin de rue, façonne le regard des passant·e·s qui apprennent à l'ignorer, détourner le regard.</p>
<p>Ce projet photographique aura permis, le temps de quelques ateliers, d'interroger avec les personnes le poids du regard social, les effets du stigmate mais surtout les capacités d'expressivité des personnes lorsqu'un cadre leur est ouvert pour affirmer leurs opinions et contribuer à produire des savoirs dans le champ de la réduction des risques. Enfin, ce projet vient souligner la nécessaire ouverture d'une salle de consommation afin de répondre aux besoins de ces personnes qui font avec ce qu'elles ont.</p>
<hr>
<p><em><a href="https://iresp.net/wp-content/uploads/2021/08/Projet-EPOSIM-IReSP-10-juin-2021.pdf">Le projet Eposim</a> est issu d'une étroite collaboration entre des associations communautaires marseillaises (ASUD Mars Say Yeah, Le Tipi et Nouvelle Aube et une équipe de recherche SanteRcom qui travaille sur des questions de santé communautaire au sein du laboratoire SESSTIM.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209646/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Durant un à trois mois, des usagers de drogue ont participé à une recherche en documentant leur quotidien et leur environnement afin de mieux comprendre les pratiques liées à l'injection.Marie Dos Santos, docteure en sociologie, InsermPerrine Roux, Directrice de Recherche INSERM, Santé Publique, Recherche communautaire, VIH et réduction des risques , InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2075552023-07-19T19:12:59Z2023-07-19T19:12:59ZCrack et cocaïne : pourquoi deux drogues si proches sont-elles traitées si différemment ?<p>« Affaire Pierre Palmade », scènes ouvertes de crack dans le nord-est de Paris… Ces dernières années, la cocaïne et le crack ont défrayé la chronique.</p>
<p>Malgré leur proximité pharmacologique, ces deux drogues font l’objet de traitements très différents, du point de vue médiatique, mais aussi politique et symbolique. Alors que la cocaïne, bien que prohibée, est considérée comme une drogue « festive », le crack est associé <a href="https://www.arretsurimages.net/emissions/arret-sur-images/crack-la-guerre-contre-la-drogue-na-plus-de-sens">aux imaginaires de la violence et à la précarité</a>. </p>
<p>Ce qui a notamment des conséquences sur les politiques publiques destinées à encadrer la situation vis-à-vis du crack, lesquelles se résument souvent à « éloigner et enfermer ». Pourquoi de telles différences ? Vers quelles politiques publiques se tourner pour dépasser cette vision binaire, dans l’intérêt de tous ?</p>
<h2>Cocaïne et crack, deux drogues intimement liées</h2>
<p>La cocaïne est extraite de la feuille de coca, une plante d’Amérique du Sud utilisée pour ses propriétés stimulantes. </p>
<p>C’est en 1860 que la cocaïne est isolée pour la première fois (par le chimiste Albert Niemann). C’est aussi au XIXe siècle que la cocaïne <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2004-1-page-66.htm">commence à se diffuser sur le marché européen</a>. Consommée comme drogue dès le <a href="https://theconversation.com/aux-origines-de-la-cocaine-connection-en-france-125787">début du siècle dernier</a>, la cocaïne est généralement associée à des imaginaires liés à la sociabilité, la fête, et la vie nocturne. </p>
<p>Certes, les discours médiatiques diffusent l’idée que la consommation de cette substance progresse dans la population, et que « tous les Français pourraient être concernés ». Cependant, des <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/04/27/pierre-palmade-je-veux-m-eloigner-de-mes-demons_5455759_3246.html">témoignages personnels d’artistes</a> renforcent l’image d’une drogue festive, et lui apportent une dimension d’<a href="https://www.elle.fr/People/La-vie-des-people/News/Rose-la-chanteuse-parle-de-ses-addictions-a-l-alcool-et-a-la-cocaine-3826465">humanité</a>. </p>
<p>Le crack, en revanche, ne bénéficie pas d’une telle image, il est associé aux marges de la société. Lorsque des témoignages de consommateurs parviennent dans les médias, ils sont le plus souvent <a href="https://www.konbini.com/videos/jai-ete-addict-au-crack-le-speech-doscar/">anonymes et déshumanisés</a>. Pourtant, du point de vue pharmacologique, il n’est pas si éloigné de la cocaïne, dont il dérive (il est obtenu à partir de cette dernière par adjonction d’ammoniaque ou de bicarbonate). </p>
<p>Généralement fumé, ses effets sont certes plus rapides et plus puissants que ceux de la substance dont il provient. Mais la différence, dans les imaginaires sociaux, entre cette « cocaïne du pauvre » (l’un des surnoms du crack) et la cocaïne ne tient pas tant aux effets des substances en elles-mêmes qu’aux caractéristiques sociales et ethnoraciales des publics qui les incarnent. </p>
<p>Pour le comprendre, il faut se pencher sur l’histoire du crack.</p>
<h2>Le crack, drogue de l’animalité et de la folie ?</h2>
<p>Le crack est arrivé en France à la fin des années 1980, dans le sillage des États-Unis, avec des <a href="https://harmreductionjournal.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12954-022-00625-5">imaginaires sociaux liés à la précarité sociale, à la communauté afro-américaine et à la guerre des gangs</a>.</p>
<p>Cette nouvelle drogue a rapidement donné lieu <a href="https://www.liberation.fr/vous/1995/06/02/la-france-se-retrouve-au-bord-du-crack-diabolisee-aux-usa-cette-drogue-beneficie-ici-du-mystere-qui-_135742/">à des discours relevant de la « panique morale », dans lesquels le crack était « diabolisé »</a>. Au fur et à mesure que le crack se diffusait en France, son traitement médiatique et politique a produit des imaginaires dévalorisants, renvoyant à <a href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/l-inquietante-errance-des-crackeux-a-paris-20221128">l’animalité et la folie</a>. </p>
<p>Les articles dépeignaient une drogue rendant « accro » dès la première prise, relataient des actes de violence commis « sous l’emprise du crack », présentaient les <a href="https://www.nytimes.com/2009/01/27/health/27coca.html">« crack babies »</a>, des bébés dépendants au crack dès leur naissance.</p>
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<p>Aujourd’hui encore, on constate dans les médias que les usagers de crack sont le plus souvent traités comme un groupe anonyme, contrairement aux descriptions des consommateurs de cocaïne, qui dépeignent des publics issus des classes sociales favorisées blanches. Dénommés les <a href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/ces-crackeux-qui-errent-a-paris-20230419">« crackeux »</a>, ils vivent à « zombie land », et font objet de discours renvoyant la figure de l’« autre » : le « pauvre », l’« étranger », le « fou ». </p>
<p>Au-delà de ce discours médiatique « sensationnaliste » et déshumanisant, d’autres enjeux, politiques ceux-là, peuvent aussi expliquer dans une certaine mesure la mauvaise image d’une substance.</p>
<h2>Un motif de contrôle social</h2>
<p>La lutte contre les drogues peut être un moyen détourné visant à servir de prétexte pour atteindre d’autres fins politiques, comme le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=eJtF9fWYIIM">contrôle social de groupes perçus comme dangereux</a>. </p>
<p>Ainsi, le caractère répressif de la loi sur 31 décembre 1970 régissant l’usage de drogues en France peut être interprété comme une volonté de <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-drogues_consommation_interdite_la_genese_de_la_loi_de_1970_sur_les_stupefiants_jacqueline_bernat_de_celis-9782738444806-5779.html">contrôler les jeunes contestataires de mai 68</a>. De l’autre côté de l’Atlantique, la guerre contre la drogue menée aux États-Unis a été analysée comme une volonté de réprimer les communautés afro-américaines par leur incarcération massive, selon l’analyse de Michelle Alexander, activiste et spécialiste des droits civiques, dans son ouvrage <a href="https://newjimcrow.com/"><em>the New Jim Crow</em></a>. </p>
<p>Cette dimension de contrôle social s’incarne ainsi dans le différentiel des sanctions proposées aux États-Unis : jusqu’en décembre 2022, les peines étaient beaucoup plus lourdes pour les usagers de crack. </p>
<h2>Deux drogues, deux discours publics</h2>
<p>En France, les discours publics sur la problématique du crack sont construits en miroir des représentations dévalorisantes dont fait l’objet cette drogue. Le traitement médiatique et politique du crack se traduit par un discours dominé par l’exclusion, la répression et la stigmatisation. </p>
<p>Le contraste par rapport au traitement de la cocaïne est saisissant : celle-ci est présentée le plus souvent comme un problème relevant de la sphère privée, et nécessitant une prise en charge de la personne dépendante. </p>
<p>Certes, <a href="https://www.liberation.fr/economie/medias/affaire-palmade-dans-les-medias-loverdose-20230304_IPSI2UZVGZE6LKMHDK3W53TL7A/">« l’hystérie médiatique » autour de Pierre Palmade</a> a mis en évidence la “dangerosité” de la conduite automobile sous cocaïne. Mais cette affaire a surtout donné lieu à un discours public axé sur l’obligation de soins et le renforcement des sanctions, en favorisant le cadrage sanitaire. </p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/537593/original/file-20230715-123600-ttindx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Des « cailloux » de crack." src="https://images.theconversation.com/files/537593/original/file-20230715-123600-ttindx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537593/original/file-20230715-123600-ttindx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=665&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537593/original/file-20230715-123600-ttindx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=665&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537593/original/file-20230715-123600-ttindx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=665&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537593/original/file-20230715-123600-ttindx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=836&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537593/original/file-20230715-123600-ttindx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=836&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537593/original/file-20230715-123600-ttindx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=836&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des « cailloux » de crack.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Crack_(stup%C3%A9fiant)#/media/Fichier:Rocks_of_crack_cocaine.jpg">Drug Enforcement Administration / Gouvernement fédéral des États-Unis / Wikimedia Commons</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le crack, au contraire, fait l’objet le plus souvent d’un <a href="https://theconversation.com/drogues-dans-lespace-public-quelle-ethique-de-la-ville-pour-les-candidats-aux-presidentielles-169141">cadrage sécuritaire</a> relevant de la <a href="https://laviedesidees.fr/Faut-il-enfermer-les-fumeurs-de-crack">gestion de « publics considérés comme indésirables » qu’il faudrait « enfermer »</a> et mettre à l’écart.</p>
<p>Cette mise à l’écart est à la fois sécuritaire et sanitaire. Ainsi, de septembre 2021 à 2022, plusieurs centaines d’usagers de crack ont vécu dehors, <a href="https://www.liberation.fr/societe/police-justice/crack-a-paris-une-nouvelle-evacuation-des-toxicomanes-ordonnee-par-darmanin-et-lallement-20210924_XWWA3W56XVHUFFG5BHNB3VL25I/">dans un campement insalubre dénommé Forceval</a>, porte de la Villette, entre Aubervilliers et Pantin, des communes limitrophes de Paris. </p>
<p>Ces personnes ont été déplacées de force à plusieurs reprises par les forces de l’ordre dans ce quartier de banlieue populaire, après avoir vécu plusieurs mois dans Paris, dans un jardin public. Ces déplacements ont créé une scène ouverte de drogues (la scène de Forceval), un lieu où se mêlent trafic et usage, de jour comme de nuit, au même endroit. </p>
<p>Désordre public, violence, insalubrité… Ces scènes ouvertes génèrent des problèmes dont souffrent non seulement les riverains, mais aussi les usagers. </p>
<p>Malgré ce constat, la réponse apportée par les autorités n’a pas eu les effets escomptés. À ce titre, le cas d’Aubervilliers est emblématique.</p>
<h2>Éloigner et enfermer</h2>
<p>À Aubervilliers, chaque semaine durant une année, des habitants du quartier désespérés ont manifesté avec le slogan « Soignez-les, protégez-nous ! » afin que des solutions soient mises en œuvre par les pouvoirs publics. </p>
<p>Certains politiques ont à nouveau interprété ce slogan comme une demande de déplacement et d’enfermement. S’il s’agissait cette fois de forcer les usagers à se sevrer loin de Paris, à la campagne, les logiques de déplacement et d’enfermement demeuraient similaires à la logique sécuritaire. Et c’est bien le problème.</p>
<p>Si les troubles sont bien réels, cette approche ne tient pas compte de l’expérience des usagers, qui peuvent eux-mêmes être des individus en situation de vulnérabilité. Elle accorde peu d’intérêt ou de valeur à leurs conditions d’existence. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/537594/original/file-20230715-99683-m2ur33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537594/original/file-20230715-99683-m2ur33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537594/original/file-20230715-99683-m2ur33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537594/original/file-20230715-99683-m2ur33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=381&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537594/original/file-20230715-99683-m2ur33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=478&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537594/original/file-20230715-99683-m2ur33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=478&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537594/original/file-20230715-99683-m2ur33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=478&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des riverains manifestent pour demander le démantèlement d’un campement à Aubervilliers, dans le nord de Paris.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stéphane de Sakutin / AFP</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans les discours publics portés par le gouvernement, c’est la dimension ordre public qui domine. Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, très présent dans ce débat, a annoncé régulièrement « vouloir « frapper beaucoup plus fort » pour <a href="https://www.dailymotion.com/video/x8cliqa">« éradiquer le crack »</a>. </p>
<p>Dans ce contexte, la réponse politique a été de laisser ce camp subsister durant une année et de construire un mur à Forceval, sous la supervision de l’ancien préfet de police Didier Lallement. Qualifiée de <a href="https://www.bondyblog.fr/societe/crack-ce-mur-est-le-symbole-de-lechec-de-la-politique-francaise/">« mur de la honte »</a>, cette construction a non seulement symbolisé la mise à l’écart des usagers de crack, mais aussi l’échec de l’État français dans sa politique des drogues. </p>
<h2>Miser sur la réduction des risques plutôt que sur la répression</h2>
<p>La stratégie politique mise en œuvre jusqu’à présent, qui laisse des usagers de crack et des habitants des quartiers populaires vivre dans des espaces de non-droit constitue une violence d’État vis-à-vis de publics en situation de fragilité. </p>
<p>Déplacées, les scènes ouvertes se reforment. Cette politique répressive accentue les dommages, les désordres et les souffrances tant pour les usagers que pour les riverains et aboutit à une impasse, symbolisée par le mur de Forceval. Preuve de son inefficacité, les scènes ouvertes se disséminent aujourd’hui dans différentes villes de France, comme à <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/gironde/bordeaux/drogue-avec-l-augmentation-du-crack-a-bordeaux-tout-un-quartier-est-en-detresse-2551576.html">Bordeaux</a> par exemple.</p>
<p>Pourtant, d’autres solutions existent, qui permettraient de pallier cet échec. Elles nécessitent de <a href="https://esprit.presse.fr/article/jean-maxence-granier-et-marie-jauffret-roustide/repenser-la-politique-des-drogues-introduction-39223">repenser les politiques des drogues</a> à partir d’une approche de réduction des risques qui promeut la santé, le soin, l’inclusion sociale et la capacité d’agir des usagers et la pacification de l’espace public pour les riverains. </p>
<p><a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-question-du-jour/consommateurs-de-crack-quelles-solutions-adopter-7525933">Mal connues en France</a>, ces politiques ne s’opposent pas au sevrage. S’inscrivant dans une démarche de soin, elles sont complémentaires de la lutte contre les trafics. Elles ont fait la preuve de leur efficacité pour mettre fin aux scènes ouvertes de consommation <a href="https://theconversation.com/les-villes-face-a-lusage-de-drogues-dans-lespace-public-quels-modeles-hors-de-nos-frontieres-133083">chez nos voisins européens</a> </p>
<h2>Les cas de la Suisse et du Danemark</h2>
<p>Dès 1986, <a href="https://www.rts.ch/info/economie/11073175-le-letten-scene-ouverte-de-la-drogue-a-zurich-fermait-il-y-a-25-ans.html">la Suisse a mis fin aux scènes ouvertes qui rassemblaient des milliers d’usagers consommant à ciel ouvert</a> dans des parcs de Zürich ou de Berne grâce à une politique de réduction des risques volontariste et à l’ouverture de salles de consommation à moindre risque. Implantées aujourd’hui sur tout le territoire suisse, elles ont permis d’améliorer considérablement le quotidien des usagers de drogues et des habitants. </p>
<p>Le <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/drogue/salles-de-shoot/crack-a-paris-3-exemples-europeens-de-prise-en-charge-des-consommateurs-de-drogues-dures-dont-pourrait-s-inspirer-la-france_4786227.html">Danemark</a> a également implanté des salles de consommation à moindre risque à Copenhague. Ce pays scandinave a fait le choix de l’inclusion sociale des usagers en favorisant leur accès à l’hébergement et en implantant ces dispositifs à côté d’espaces de sociabilité tels que des bars, restaurants, salles de spectacle, où différentes populations se côtoient. </p>
<p>Pour être efficaces, ces deux pays ont mis en œuvre des projets de collaborations entre la police et les travailleurs médico-sociaux qui œuvrent ensemble afin de produire une ville plus inclusive. Ils ont fait le choix de considérer qu’améliorer la santé et la situation sociale des usagers de drogues fait partie de la responsabilité de l’État et de la ville. Le pari étant que cela contribue également à pacifier la vie quotidienne des habitants. </p>
<p>La réduction des risques est une politique pragmatique, qui produit des bénéfices pour les deux parties prenantes impactées par les scènes ouvertes de drogues : les usagers qui vivent sur ces scènes et les riverains en proximité. </p>
<h2>Une demande de mise à l’abri</h2>
<p>Dans mes terrains d’<a href="https://www.ofdt.fr/publications/collections/resultats/synthese-des-principaux-resultats-de-letude-crack-en-ile-de-france/">enquête sociologique</a>, les entretiens menés avec les usagers de crack rendent compte de la dureté extrême de leurs conditions de vie à la rue et de l’opprobre social qu’ils subissent. Bon nombre d’usagers utilisent le crack pour supporter les difficultés auxquelles ils sont confrontés, et en particulier la <a href="https://www.rfi.fr/en/france/20211016-no-quick-fix-for-paris-s-growing-crack-cocaine-problem-drugs">violence de la vie à la rue</a>.</p>
<p>Le crack permet de soulager les souffrances liées à des trajectoires de vie difficiles, les violences subies, d’oublier sa vie et le regard des autres le temps d’une consommation. Ainsi, Katia (les prénoms ont été modifiés), 50 ans, expose ce qui l’amène à consommer : « Tout d’un coup, tout d’un coup plus de problèmes, tu te rends pas compte que t’es dans la rue, tu te rends pas compte que t’as plus de vie, que les gens te regardent comme un chien et tout… t’oublie tout »</p>
<p>Surtout, les discours des usagers révèlent leur souhait d’être à l’abri, tel Ousmane, 40 ans : « Cela va faire 20 ans que je suis à la rue… Je n’en peux plus, je suis fatigué de la rue, de tout ça… J’ai besoin d’un hébergement ». Une condition sine qua none pour parvenir à mettre à distance le produit qui envahit leur quotidien. Comme l’exprime David, 24 ans : « Quand on est dans la rue, c’est la vadrouille parce qu’on n’a pas d’endroit vraiment pour se poser. Donc, on va occuper nos journées en fumant du crack parce qu’on voit pas nos journées défiler en fumant du crack. »</p>
<p>Ils mentionnent également se sentir enfin respectés dans les lieux de réduction des risques qui les accueillent, tel que le dit Ali, 43 ans : « Ils nous offrent à manger, à boire, ce qui est très important. On peut s’asseoir, on peut se regarder, il y a de la musique. En plus, on peut prendre une douche […] C’est très important qu’on puisse avoir le respect de la dignité. »</p>
<p>Quand les usagers de drogues bénéficient d’une prise en charge adaptée, en phase avec leurs besoins, les bénéfices sont individuels et collectifs. Les scènes ouvertes disparaissent et la prise en charge des usagers est respectueuse des droits humains.</p>
<h2>Une approche qui peine à s’imposer en France</h2>
<p>La France a, elle aussi, mis en place des <a href="https://www.federationaddiction.fr/unions-regionales/ile-de-france/crack-a-paris-les-propositions-des-professionnels-pour-mettre-fin-aux-scenes-ouvertes-de-consommation/">initiatives de réduction des risques</a>. Des <a href="https://drogueshs.hypotheses.org/942">espaces de dialogue entre habitants et usagers de crack</a> ont également été ouverts, comme celui instauré par le <a href="https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/230622/scene-ouverte-du-crack-eradiquer-ou-integrer">dispositif Agora</a>. Dans ces espaces de citoyenneté, on considère que la <a href="https://congres.federationaddiction.fr/fr/programme/live/6441479bbcd5de00894d611c">parole des usagers de drogues</a> et la diversité de la parole des riverains, souvent invisibilisées, doivent être replacées au centre du débat public.</p>
<p>Ces initiatives sont cependant constamment freinées par la dimension répressive de l’approche des drogues dans notre pays. Celle-ci empêche le développement de dispositifs de prise en charge pluridisciplinaires tels que les <a href="https://www.federationaddiction.fr/unions-regionales/ile-de-france/resoudre-la-crise-du-crack-cest-possible-haltes-soins-addictions-et-soin-residentiel-sont-des-solutions-complementaires/">haltes « soins addiction »</a> inscrites dans la loi de santé publique de 2022. </p>
<p>Soulignons cependant que l’arrivée du nouveau préfet de Paris, Laurent Nunez, en juillet 2022, s’est accompagnée d’un discours sensiblement différent sur le crack. À la veille de l’évacuation du camp de Forceval le 15 septembre 2022, il <a href="https://www.bfmtv.com/paris/paris-le-prefet-de-police-laurent-nunez-veut-eradiquer-le-trafic-de-crack-d-ici-un-an_AN-202209150307.html">déclarait</a> que « l’action ne peut pas être que policière et répressive, elle doit aussi être sanitaire et sociale ». Son discours est donc plus en phase avec celui de l’agence régionale de santé et celui de la ville de Paris porté par <a href="https://www.liberation.fr/portraits/anne-souyris-sante-pour-tous-20230428_CKTIWB2DRZDEHLMZ42KD55HKVU/">l’adjointe à la santé Anne Souyris qui promeut une approche de réduction des risques</a>.</p>
<p>Espérons qu’il s’agit là d’une amorce de changement, car pour l’heure, le traitement politique des usagers de crack et des riverains des scènes ouvertes met en évidence l’existence de <a href="https://laviedesidees.fr/Didier-Fassin-La-vie-Mode-emploi-critique">« hiérarchies morales » qui accordent des valeurs différentes à la vie des personnes qui constituent notre société</a>, pour reprendre l’expression de l’anthropologue Didier Fassin. Cette situation éclaire d’une lumière crue les failles de notre démocratie, qui est encore loin de parvenir à déployer équitablement les principes d’égalité, de liberté et de fraternité qui la fondent…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207555/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie Jauffret-Roustide a mené plusieurs études sur la prise en charge des usagers de crack dont une recherche intitulée Crack en Ile de France menée en collaboration entre l'Inserm et l'OFDT.
<a href="https://www.ofdt.fr/publications/collections/resultats/synthese-des-principaux-resultats-de-letude-crack-en-ile-de-france/">https://www.ofdt.fr/publications/collections/resultats/synthese-des-principaux-resultats-de-letude-crack-en-ile-de-france/</a>
Cette recherche a bénéficié d'un financement de la ville de Paris, de la Mildeca et de l'Agence Régionale de Santé d'Ile de France. Ce budget a servi à financer le salaire d'assistants de recherche. Le salaire de Marie Jauffret-Roustide est pris en charge par l'Inserm, aucune rémunération n'a été reçue de la part de ces financeurs.
</span></em></p>Cocaïne et crack sont des drogues apparentées : le second est un produit dérivé de la première. Pourtant, leurs images et leurs traitements médiatique ou politique sont radicalement différents. Pourquoi ?Marie Jauffret-Roustide, Chargée de recherche, sociologue et politiste, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2089772023-07-19T09:26:45Z2023-07-19T09:26:45ZObjets cultes : la cigarette électronique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/535920/original/file-20230705-16248-duworb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=88%2C1%2C1189%2C848&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vapoter, est-ce crapoter ?</span> <span class="attribution"><span class="source">Pexels</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p><em>Voir du sens là où beaucoup ne voient que des choses : tel était le credo de Roland Barthes. Dans ses « Mythologies », recueil de 53 textes paru au milieu des années 1950, le sémiologue observe à la loupe le rapport des Français au steak frites, au catch ou aux jouets en plastique. Pour lui, les objets et les grands rendez-vous populaires révèlent à merveille l’esprit et les affects d’une époque.</em></p>
<p><em>La cigarette électronique a le vent en poupe. Venue de Chine, elle s’est installée dans le paysage français en 2005. Aujourd’hui, on s’interroge sur les codes liés à ce nouvel usage social et sur l’imaginaire qui émerge de sa fumée parfumée.</em></p>
<hr>
<h2>Aux antipodes de la cigarette classique</h2>
<p>Du côté de la cigarette classique, on joue littéralement avec le feu. Tandis que la vapoteuse, elle, suppose l’utilisation d’un liquide : on convoque l’élément opposé.</p>
<p>Et puis, la « clope » se partage. On la « taxe », on donne du feu, on prête son briquet ou ses allumettes. On « tire une taffe » sur la cigarette de l’autre. La cigarette – dont il ne s’agit pas ici de faire l’éloge – crée de la connivence et offre des prétextes aux interactions. Mais une e-cigarette, en revanche, pas question de la prêter, et pas besoin de solliciter les autres pour l’allumer. Par définition, elle est individualiste.</p>
<p>L’industrie cinématographique – à commencer par Hollywood – a beaucoup œuvré à produire un imaginaire à la fois glamour, viril et sensuel de la cigarette. Un imaginaire transgressif, tout en ostentation, savamment entretenu par le marketing. On pense à Marlene Dietrich, à John Wayne, ou aux protagonistes d’<em>In the mood for love</em> de Wong Kar-Wai.</p>
<p>Difficile d’imaginer obtenir le même effet avec une vapoteuse !</p>
<p>Car vapoter, c’est souvent se cacher dans son écharpe, ou se tourner à l’opposé de son interlocuteur pour aspirer une bouffée, un peu piteux, pas certain d’avoir le droit de le faire. Quand on a fini, on range vite son gadget dans une poche. L’objet, avec son look de clé USB géante, n’a rien de sensuel, et n’est pas associé à une idée de virilité ou de glamour comme pouvait l’être la cigarette.</p>
<h2>Un objet « neutre »</h2>
<p>La vapoteuse, objet technologique, est non genrée – ou alors, si elle a un genre, c’est celui du « geek », donc plutôt masculin.</p>
<p>Sa temporalité diffère également de celle de la cigarette : pas de début ni de fin, puisqu’avec le bouton on/off, on arrête quand on veut – en théorie.</p>
<p>Cette cigarette électronique renvoie tout de même à un monde imaginaire, celui de la science-fiction. C’est l’homme augmenté, le cyborg qui charge son e-cigarette et semble aspirer des molécules électroniques à travers un tube métallique et glacial. Ici, pas de braises, pas de volutes.</p>
<p>Pour remédier à cette froideur, et tenter aussi d’en faire un objet moins impersonnel, on customise les parfums du liquide et là, on passe du cyborg à l’enfant : quoi de plus régressif que ces parfums de fruits ou de bonbons ? La vapoteuse revêt alors des allures de jouet, comme si on « fumait pour de faux ».</p>
<h2>Une pharmacopée</h2>
<p>Évidemment, la cigarette électronique revêt symboliquement une dimension thérapeutique, puisqu’elle est censée permettre d’arrêter la nicotine et l’addiction à la cigarette. Un univers pharmaceutique qui nous éloigne encore un peu plus de la dimension glamour et transgressive associée à la cigarette, dont elle devient l’antidote !</p>
<p>Le vocabulaire autour de l’e-cigarette, dicté par le marketing, est encore en construction. Au sens propre et au sens figuré, les termes <em>e-cigarette</em> ou <em>e-liquide</em> insistent sur l’aspect branché de l’objet, sa dimension technologique. Mais si j’emploie le terme de <em>vapoteuse</em> ou de <em>vaporette</em>, l’objet devient mignon, inoffensif.</p>
<p>La cigarette électronique a une autre spécificité : elle est dotée d’une petite fenêtre qui permet de contrôler le niveau du liquide, un peu comme ces montres qui dévoilent leur mécanisme. Une autre façon de s’opposer à l’opacité de la cigarette classique – la transparence, ici, se veut vertueuse. Mais comme il n’y a plus de transgression, quel intérêt à se montrer en train de fumer ?</p>
<h2>Un objet transitionnel ?</h2>
<p>La cigarette a été pour des générations un rite de passage à l’adolescence, voire à l’âge adulte. Aujourd’hui, l’addiction à la cigarette a régressé, mais nous sommes très dépendants de nos objets technologiques, à commencer par nos smartphones.</p>
<p>La cigarette électronique s’inscrit dans cette mouvance de « solutionnisme technologique » du XXI<sup>e</sup> siècle, avec la vocation, peut-être, de disparaître dans un nuage de fumée, précisément parce qu’elle aura produit une dernière génération de fumeurs qui ont appris à se sevrer grâce à elle.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/podcast-objets-cultes-la-cigarette-electronique-202205">Podcast « Objets cultes » : La cigarette électronique</a>
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<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Aujourd'hui, on s'interroge sur les codes liés à ce nouvel usage social et sur l'imaginaire qui émerge de sa fumée parfumée.Pascal Lardellier, Professeur à l'Université de Bourgogne Franche-Comté, Chercheur au laboratoire CIMEOS, Université de Bourgogne – UBFCSonia Zannad, Cheffe de rubrique Culture, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2067962023-07-18T18:30:46Z2023-07-18T18:30:46ZCannabis, mais aussi alcool et tabac : chez les jeunes, une consommation de drogues en baisse ?<p>Si les politiques des drogues restent très clivées, un point fait aujourd’hui consensus : la protection des mineurs. C’est notamment dû à leur vulnérabilité et aux dommages que ces substances peuvent causer à leur corps, plus particulièrement à leur cerveau, encore en maturation. C’est aussi lié au fait qu’à cet âge, on prend des habitudes qui peuvent se révéler problématiques, voire dangereuses, pour la santé toute la vie. On s’accorde donc à vouloir préserver les populations les plus jeunes des dégâts parfois irréversibles que peuvent causer ces produits.</p>
<p>Soulignons cependant qu’il n’en a pas toujours été ainsi. Pendant longtemps, la consommation de tabac et d’alcool <a href="https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2023-01-04/pourquoi-servait-on-du-vin-aux-enfants-dans-les-cantines-scolaires-francaises-jusqu-en-1956-b6580c58-f21d-4fdf-aeba-2eb7cd06932e">n’était pas interdite aux mineurs</a>, voire, dans certains milieux, familiaux et professionnels, encouragée. Ainsi, le vin Mariani, qui contenait de la cocaïne, conseillait sur son étiquette une dose d’un verre à Bordeaux pour les adultes, précisant que, <a href="https://angelomariani.files.wordpress.com/2016/09/img_0e.jpg">pour les enfants, un verre à Madère est suffisant</a> !</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-sensibiliser-les-jeunes-aux-dangers-de-lalcool-sur-les-reseaux-sociaux-191875">Comment sensibiliser les jeunes aux dangers de l’alcool sur les réseaux sociaux ?</a>
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<p>De nos jours, la <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/288604-drogues-une-consommation-en-baisse-chez-les-jeunes-de-17-ans">consommation de substances psychoactives</a> semble globalement en recul chez les plus jeunes.</p>
<p>À quoi cela est-il dû ? Les campagnes de prévention sont-elles efficaces ? Qu’est-ce qui influence les comportements des adolescents ? Ce questionnement est complexe car le lien de causalité peut difficilement être prouvé. Les différentes études réalisées montrent une pluralité de facteurs, en plus de considérations psychologiques (mal-être, dépassement des limites, recherche de sensations inédites, de plaisir, de performances, goût de l’interdit, etc.) qui varient selon les individus.</p>
<h2>Un marketing des drogues qui cible les jeunes</h2>
<p>Si l’environnement social et familial joue assurément un grand rôle, le marketing des drogues doit être pris en compte, et, depuis Mariani, il a beaucoup évolué. Il s’est non seulement appuyé sur une forme classique de publicité, mais a aussi utilisé les créations audiovisuelles. <a href="https://www.slate.fr/story/154304/histoire-cigarette-tabac-cinema">Hollywood</a> et ses producteurs ont ainsi pu compter sur le soutien financier de l’industrie du tabac, parfois dans des dessins animés pour enfants comme les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Pierrafeu">Flintstones</a> (les Pierrafeu en français).</p>
<p>Comme la cigarette au bec des héros de westerns ou de films policiers, le verre d’alcool ou la bière prisés par les protagonistes de fictions ont probablement contribué à banaliser ces types de consommations auprès des jeunes publics ; il en fut de même pour les <a href="https://journals.openedition.org/contextes/4453">scènes « amusantes » d’ivresse dans les comédies</a>, qui contournèrent les codes moraux alors en vigueur outre-Atlantique. Mais le marketing ne s’arrête pas là pour les producteurs d’alcool, les directives actuelles concernant le packaging des paquets de cigarettes présentant désormais des messages préventifs explicites ne s’appliquant pas aux bouteilles ou canettes, qui peuvent, par leur forme ou leurs couleurs, encore largement séduire.</p>
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<p>Pour les drogues dites illégales, et en particulier le cannabis, une forme de marketing artistique en direction des jeunes existe également. En plus d’un ensemble de <a href="https://hal-cnam.archives-ouvertes.fr/LIRSA-CNAM/hal-03346361v1">films et séries qui ont banalisé l’usage de joints</a>, la scène musicale a extrêmement popularisé la « fumette », de nombreuses célébrités, depuis les années 1960-1970, exposant leur consommation. Un genre musical, le <a href="https://www.castorastral.com/livre/le-reggae/">reggae</a>, a même contribué à donner une sorte de dimension culturelle à toute une génération de fumeurs de ganja.</p>
<p>Plus récemment, sur un tout autre registre, on observe dans nos cités, où les dealers, c’est à noter, sont parfois mineurs, de véritables campagnes de publicité pour certains points de vente et des emballages coloriés, représentant parfois des personnages/visuels de la pop culture (dessins animés, jeux vidéos, <a href="https://www.bfmtv.com/societe/le-choix-de-marie-nutellhash-haribeuh-chitapic-les-nouvelles-techniques-marketing-des-vendeurs-de-cannabis-qui-inquietent_VN-202304070070.html">marques de bonbons détournées</a>).</p>
<h2>Des campagnes de prévention efficaces ?</h2>
<p>Pourtant, en dépit des efforts de tous ces marketeurs, l’usage de drogues semble reculer chez les jeunes. <a href="https://www.ofdt.fr/files/2916/8543/2322/OFDT_Tendances_ESCAPAD_VF.pdf">Dans sa dernière enquête Escapad</a>, l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) indique une baisse continue et générale des trois principales substances consommées par les adolescents – le tabac, l’alcool et le cannabis – même si certains groupes sociaux paraissent plus fragiles, comme les élèves en filière professionnelle ou les jeunes déscolarisés.</p>
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<figcaption><span class="caption">1983 : Les jeunes et l’alcool (Archive INA).</span></figcaption>
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<p>Comme le notait Nicolas Prisse, président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et les conduites addictives (Mildeca), dans le deuxième numéro de la revue en ligne <a href="https://esd.cnam.fr/actualite/revue-politiques-des-drogues/revue-politiques-des-drogues-1275624.kjsp?RH=1479718129770"><em>Politiques des drogues</em></a>, cette nette tendance à la baisse est perceptible depuis une dizaine d’années. D’après lui, un ensemble de programmes et de campagnes de prévention, parfois dès le plus jeune âge, ont notamment contribué à donner aux jeunes les compétences psychosociales susceptibles de renforcer la prévention de conduites à risques. D’autres initiatives ont permis à des élèves d’échanger en classe avec des <a href="https://hal-cnam.archives-ouvertes.fr/hal-03615883v1/document">policiers formateurs anti-drogue</a>, tandis que des méthodes plus pointues sont conçues, comme la <a href="https://www.revue-interrogations.org/La-fiche-Ageven-entre-outil-de,436">fiche Ageven</a>, qui questionne les parcours de consommation à l’adolescence.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/vers-des-generations-de-non-fumeurs-oui-mais-comment-192225">Vers des générations de non-fumeurs : oui, mais comment ?</a>
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<p>Face à toutes ces actions, il convient cependant de rester prudent. Il faut tout d’abord mentionner que les chiffres qui montrent ces diminutions des usages, par définition, ne sont pas totalement fiables.</p>
<p>Quand on parle d’une population représentative de quelques milliers de jeunes (sollicités lors de la journée défense et citoyenneté pour l’enquête Escapad), on peut légitimement s’interroger sur les critères qui ont permis de constituer l’échantillon et d’affirmer cette représentativité, mais aussi sur la véracité des déclarations des adolescents, gênés ou au contraire parfois fiers de parler de leur consommation. Surtout, il serait extrêmement difficile de démontrer un lien de causalité entre ces politiques publiques de prévention et les baisses constatées, quand bien même on peut penser à une contribution – mais dans quelle proportion ?</p>
<h2>Une consommation de nouveaux produits</h2>
<p>En considérant cependant comme établi cette baisse pour les trois produits phares, le fait est que le secteur des drogues étant particulièrement dynamique, des produits originaux voient régulièrement le jour, parvenant à capter de nouveaux clients.</p>
<p>Ainsi, alors qu’aujourd’hui la consommation classique du tabac a nettement diminué chez les jeunes, les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cigarettes-electroniques-76129">cigarettes électroniques</a> connaissent au contraire une nette progression. Certains fabricants, jamais à court d’inventivité quand il s’agit de rechercher un profit à la fois rapide et pérenne grâce aux addictions induites, ont mis au point les « puffs », e-cigarettes avec ou sans nicotine, avec un prix compétitif, un emballage attractif, des saveurs sucrées et fruitées qu’apprécient les adolescents, et que <a href="https://www.academie-medecine.fr/la-puff-nouvelle-cigarette-electronique-jetable-un-piege-pour-les-enfants-et-les-adolescents/">l’Académie de médecine</a> considère comme un piège pour les enfants. Le gouvernement français songe d’ailleurs à <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/interdiction-souhaitee-des-cigarettes-electroniques-puffs-il-faut-agir-rapidement-pour-arreter-cette-epidemie-avertit-le-comite-national-contre-le-tabagisme_5804993.html">interdire</a> les puffs.</p>
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<figcaption><span class="caption">Puff : quels sont les risques des cigarettes électroniques jetables pour la santé des jeunes ? (Le blob, avril 2023).</span></figcaption>
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<p>Le recours à des produits complètement légaux, mais détournés de leur utilisation habituelle, menace aussi les jeunes publics. Colles, éther, eau écarlate, solvants, etc., qui peuvent détruire les cellules du cerveau, sévissent tout particulièrement auprès des enfants des rues, comme ce fut le cas en Roumanie ou encore en <a href="http://www.medinapart.com/2012/03/13/colle-et-diluant-les-enfants-aussi-ont-leur-drogue/">Tunisie</a>. Récemment, c’est le <a href="https://www.chu-lyon.fr/alerte-sur-lusage-detourne-du-protoxyde-dazote-gaz-hilarant">protoxyde d’azote (gaz hilarant)</a> qui a beaucoup fait parler de lui en France, avec une propagation de ses usages.</p>
<p>Illégale, mais également facilement accessible et peu onéreuse, une autre drogue paraît actuellement connaître un fort succès auprès des jeunes, le « buddha blue », cannabinoïde de synthèse qui s’avère bien plus dangereux que le cannabis naturel et <a href="https://www.20minutes.fr/sante/4024101-20230220-buddha-blue-drogue-marketee-jeunes-beaucoup-plus-dangereuse-cannabis">marketé spécialement pour les adolescents</a>, qui peuvent s’en procurer facilement sur Internet. Le cannabis naturel, qui est toujours consommé en masse en France, s’est ainsi un peu « ringardisé », <a href="https://actu.fr/societe/des-consommateurs-de-cannabis-de-plus-en-plus-vieux-ca-met-de-cote-les-soucis_56302598.html">ses utilisateurs étant de plus en plus vieux</a>.</p>
<p>Finalement, si la drogue n’est donc plus nécessairement, comme ce fut le cas dans les années 1960-80, <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-drogues_la_longue_marche_bertrand_leibovici-9782140301117-75012.html">l’apanage d’une jeunesse contestataire</a>, les nouveaux usages et produits semblent conserver quand même quelques invariants, en particulier leur faible coût et leur accessibilité. Or ce sont deux paramètres contre lesquels les politiques publiques ciblant les jeunes ont justement montré une certaine efficacité, en tout cas pour l’alcool et le tabac, c’est-à-dire les drogues dites légales…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206796/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sonny Perseil ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La consommation de tabac, d’alcool et de cannabis serait globalement en recul chez les plus jeunes. Est-ce le résultat des politiques de prévention ? Ou est-ce lié au succès de nouvelles drogues ?Sonny Perseil, HDR en science politique et sc. de gestion, Lirsa EA4603, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2081602023-06-21T18:40:10Z2023-06-21T18:40:10ZPodcast : Jeunes et cannabis, au-delà des caricatures<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/533021/original/file-20230620-23-bbais9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C62%2C7000%2C4285&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Que sait-on des habitudes de consommation des jeunes en matière de cannabis ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/7d7P6b2xz5Y">Unsplash / Elsa Olofsson</a></span></figcaption></figure><figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Découvrez le nouveau podcast de The Conversation France : « L’échappée Sciences ». Deux fois par mois, un sujet original traité par une interview de scientifique et une chronique de l’un·e de nos journalistes.</em></p>
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<p><iframe id="tc-infographic-819" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/819/ead8432336c6ce4f706df8b24a22c635bc3dd209/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Alors que l’expérimentation du cannabis thérapeutique suit son cours en France, encadrée par l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), cette plante demeure au centre de débats parfois houleux dans notre pays. La consommation de cannabis par les jeunes, en particulier, fait encore l’objet de nombreux fantasmes.</p>
<p>Quels risques, à court et long terme, font courir les usages problématiques ? Sont-ils en progression ? Pourquoi la prévention envers les plus jeunes est-elle particulièrement importante ? Que sait-on des liens entre cannabis et schizophrénie ? La consommation de cannabis mène-t-elle à des drogues plus dures ? Alors que la prohibition montrait ses limites, certains pays ont choisi la voie de la légalisation : avec quelles conséquences ?</p>
<p>Sociologue et spécialiste des pratiques sociales des usagers de drogues à l’Inserm, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, Marie Jauffret-Roustide revient sur les idées reçues, et nous présente l’état des connaissances sur ce sujet sensible.</p>
<p>Loin de l’image d’Épinal d’adolescents des quartiers populaires fumant des « joints » de plus en plus tôt, de plus en plus nombreux, déscolarisés et repliés sur eux-mêmes, la recherche scientifique dépeint un tableau tout en nuance des habitudes de consommation des jeunes. Et ouvre des pistes pour mettre en place des politiques de santé publique mieux adaptées, à même d’aider ceux qui en ont réellement besoin.</p>
<p>Dans sa chronique, Émilie Rauscher explore le goût de notre espèce pour les substances psychotropes. Opium et cannabis dans l’Antiquité, tabac et coca au XVI<sup>e</sup> et XVIII<sup>e</sup> siècles, éther au XIX<sup>e</sup>… Les contextes et les modes de consommation ont beaucoup varié au fil des époques, tout comme les substances expérimentées, sans grande préoccupation pour les conséquences sanitaires. Puis est venu le temps des premières alertes lancées par les médecins. Qui ont abouti à des interdictions… Parfois tardives, lorsque les recommandations de santé publique allaient à l’encontre de certains intérêts économiques. Une époque révolue… Vraiment ?</p>
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<p><em>Animation et conception, Lionel Cavicchioli et Emilie Rauscher. Réalisation, Romain Pollet. Musique du générique : « Chill Trap » de Aries Beats. Extrait, « Je fume pu d’shit », Stupeflip. Écrit et composé par Julien Barthélémy, 2003 Etic System.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208160/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie Jauffret-Roustide a été désignée par l'Inserm pour évaluer la salle de consommation à moindre risque à Paris. Elle mène également actuellement une recherche sur les trajectoires des usagers de crack en Ile-de-France. Ces deux recherches ont reçu un soutien financier de la Mildeca, de l'Agence régionale de santé Ile-de-France et de la Ville de Paris. Son salaire de chercheure n'est subventionné par aucune des institutions citées ci-dessus dans la mesure où elle a un poste statutaire de chercheure à l'Inserm et est à ce titre fonctionnaire de l'État. L'Inserm est un organisme indépendant qui a la liberté de produire des connaissances scientifiques et peut donc à ce titre mener une évaluation critique des politiques publiques menées dans le champ de la santé.</span></em></p>S’agissant du cannabis, que dit la recherche scientifique des habitudes de consommation des plus jeunes ? Des risques encourus ? De l’efficacité des réglementations actuelles ? Les réponses en podcast.Marie Jauffret-Roustide, Chargée de recherche, sociologue et politiste, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2078452023-06-19T10:04:55Z2023-06-19T10:04:55ZAccros au travail, les « workaholiques » ne seraient-ils que des perfectionnistes passionnés ou névrosés ?<p>Recherche de sens, grande démission, <em>quiet quitting</em>, valeur travail, absentéisme… Depuis l’épidémie de Covid et les conflits sur les retraites, le chômage ou les aides sociales, la question du rapport au <a href="https://theconversation.com/topics/travail-20134">travail</a> s’impose dans le débat public. Le gouvernement, notamment, a invité les partenaires sociaux à dessiner « d’ici la fin de l’année » un <a href="https://www.tf1info.fr/politique/video-reforme-des-retraites-pacte-de-la-vie-au-travail-conditions-de-travail-salaires-les-propositions-de-emmanuel-macron-2254395.html">« pacte de la vie au travail »</a>, qui lui-même pourra se nourrir des <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/actualites/presse/dossiers-de-presse/article/conseil-national-de-la-refondation-assises-du-travail">conclusions des Assises du travail</a> rendues le 25 avril dans le cadre de du Conseil national de la refondation.</p>
<p>Pour les uns, les Français et notamment les <a href="https://www.observatoire-ocm.com/management/flemme-rapport-au-travail/">plus jeunes, seraient démotivés</a>, ne voudraient plus travailler, auraient perdu le sens du sacrifice ; pour d’autres, ce sont l’organisation, les <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/sites/default/files/fdd4af8f321cb905555cf1e9115a7591/TetE-168-NL-11-Coutrot-Perez-BAT.pdf">modes de management</a> des entreprises et la précarisation de l’emploi qui empêcheraient de trouver du sens aux efforts consentis.</p>
<p>Dans ce contexte, s’intéresser aux phénomènes d’<a href="https://theconversation.com/topics/addiction-26117">addiction</a> au travail, ou <em>workaholisme</em> en anglais (contraction des mots « travail » et « alcoolisme »), comme nous le faisons dans un <a href="https://lemanuscrit.fr/livres/laddiction-au-travail/">ouvrage</a> récent, peut paraître paradoxal mais n’en est pas moins instructif. Cette notion s’est développée en Amérique du Nord et l’intérêt qu’elle a suscité reflète les évolutions du marché de l’emploi et de la société outre-Atlantique. Début 2023, on comptait encore sur le site <em>google scholar</em> 35 fois plus d’articles scientifiques traitant de l’addition au travail en anglais qu’en français.</p>
<h2>L’addiction au travail, une affaire individuelle ?</h2>
<p>Selon l’historien étasunien Peter Stearn, l’addiction au travail en tant que concept, mais aussi en tant que pratique, trouverait sa <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=5CoeCwAAQBAJ">source dans l’idéologie du travail comme valeur en soi</a>. Celle-ci s’est développée au sein des classes moyennes traditionnelles, artisans, commerçants et autre profession libérale au XIX<sup>e</sup> siècle, c’est-à-dire dans des groupes qui devaient effectivement leur position sociale à leur travail.</p>
<p>Progressivement, au XX<sup>e</sup> siècle, sous l’effet de la standardisation du travail, puis, à partir de la fin des années 1970, de la remontée des inégalités, elle aurait perdu de sa vigueur en Europe, tandis qu’elle serait restée forte en Amérique du Nord. L’idée, pourtant de <a href="http://www.ncsociology.org/sociationtoday/v21/merit.htm">plus en plus en plus fausse</a>, que chacun peut réussir s’il s’en donne les moyens y est restée prégnante.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/532164/original/file-20230615-17-4cido6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/532164/original/file-20230615-17-4cido6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532164/original/file-20230615-17-4cido6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=929&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532164/original/file-20230615-17-4cido6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=929&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532164/original/file-20230615-17-4cido6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=929&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532164/original/file-20230615-17-4cido6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1167&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532164/original/file-20230615-17-4cido6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1167&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532164/original/file-20230615-17-4cido6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1167&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le pasteur Wayne Oates a défini le workaholisme à partir de lui-même.</span>
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<p>C’est Wayne Oates, un pasteur, théologien et psychologue américain né en 1917 dans une famille modeste, qui a <a href="https://drive.google.com/file/d/1_HzC8MestDR3IyesBVLYsKGkOrULbjQU/view?usp=sharing">popularisé l’idée</a> de <em>workaholisme</em>. Pour lui, rapprocher sa propre addiction au travail à l’alcoolisme de certaines de ses ouailles était un moyen de développer plus d’empathie, de compréhension, et donc de mieux aider à la fois ceux qui détruisent leur vie dans l’alcool, et ceux qui se réfugient dans le travail. D’après son expérience pastorale, les professions libérales et les femmes au foyer seraient particulièrement à risque de <em>workaholisme</em>.</p>
<p>La plupart des articles scientifiques sur l’addiction au travail ont, par la suite, cité son <a href="https://drive.google.com/file/d/1_HzC8MestDR3IyesBVLYsKGkOrULbjQU/view?usp=sharing">texte fondateur</a>, sans en retenir toutes les leçons. Le <em>workaholisme</em> est souvent défini comme le <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3835604/">fait de travailler de façon excessive et compulsive</a> par les chercheurs et sa cause serait à chercher dans les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4117275/">traits de personnalité</a> des individus (narcissisme, perfectionnisme) ou dans un entourage familial qui ne saurait donner de marques d’affection qu’en fonction des résultats obtenus. Le <em>workaholique</em> aurait besoin de travailler de plus en plus dur, quelle que soit l’activité, pour se réassurer, de la même façon que le toxicomane serait à la recherche d’effets plus puissants.</p>
<p>La plupart des études empiriques adoptent ainsi une focale individuelle et portent sur les managers et professions libérales. Très peu ont été réalisées en population générale. Même si ces métiers suscitent par eux-mêmes un fort engagement, pour les addictologues, ils attireraient des <a href="https://www.researchgate.net/publication/258139612_Workaholism_Its_Definition_and_Nature">personnalités prédisposées</a>.</p>
<h2>Travailler beaucoup, le plus souvent par contrainte</h2>
<p>Une hypothèse alternative serait que de plus en plus de personnes deviennent addictes au travail du fait des évolutions de l’emploi et des modes de management. Ce ne serait pas tant une dérive individuelle qu’un fait social. Le site <em>Ngram Viewer</em> qui permet de suivre la fréquence d’usage du mot « workaholism » en anglais de 1950 à 2020 le suggère bien.</p>
<iframe name="ngram_chart" src="https://books.google.com/ngrams/interactive_chart?content=workaholism&year_start=1950&year_end=2019&corpus=en-2019&smoothing=3" width="100%" height="500" marginwidth="0" marginheight="0" hspace="0" vspace="0" frameborder="0" scrolling="no"></iframe>
<p>L’usage du terme explose dans une période de remontée des inégalités et de <a href="https://books.google.fr/books/about/The_Overworked_American.html?id=3iTgihqUSCwC&redir_esc=y">valorisation des entrepreneurs et du mérite individuel</a>, notamment aux États-Unis. Une part importante des « classes moyennes » américaines voit sa position relative se dégrader. Beaucoup sont obligés d’augmenter leur temps de travail, voire d’avoir plusieurs emplois, pour préserver leur niveau de vie, financer leur protection sociale et les études de leurs enfants. Il faut travailler plus, juste pour espérer se maintenir. Tout cela suggère que ce ne serait pas tant le fruit d’une pathologie individuelle que la conséquence d’un nouveau mode de gouvernance économique.</p>
<p>Lors de mes recherches, j’ai interrogé ou observé des centaines de travailleurs dont certains très engagés dans leur activité, sans rencontrer de personnes addictes au travail du fait d’une personnalité narcissique ou perfectionniste. Contrairement à ce que pensaient les addictologues, ceux qui travaillent beaucoup, par contrainte ou du fait d’une motivation socialement entretenue, en paient tout autant le prix sur leur santé et leur vie familiale que ceux qui le font en raison d’une personnalité compulsive.</p>
<p>Un jeune programmateur d’une salle dédiée aux « musiques actuelles » s’investissait par exemple à fond car passionné, mais aussi parce qu’il avait à cœur de présenter les meilleurs groupes, même dans les styles musicaux qu’il connaît moins, et de remplir sa salle. Au bout de quelques mois, sa copine le quitte, une partie de ses amis s’est éloignée. À la suite d’un différend avec la direction sur un choix musical, il fait une dépression.</p>
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<p>Autre exemple, un artisan ébéniste en fin de carrière trouvait de plus en plus difficilement de nouveaux clients. Pour maintenir son entreprise à flot et garder ses deux salariés, deux choses qui importent beaucoup à ses yeux, il a augmenté sa charge de travail ce qui l’a rendu plus irritable avec ses proches et moins vigilant avec la sécurité. Lors d’un accident, il a perdu deux doigts. Finalement obligé de licencier, il a réduit son activité et en ressent de l’amertume.</p>
<p>L’approche exclusivement psychologique de l’addiction au travail réduit abusivement la question de l’engagement dans le travail comme celle de sa régulation sociale. Elle renvoie la responsabilité d’un rapport troublé et excessif au travail aux seuls individus. Or, l’addiction au travail semble également suscitée par un <a href="https://journals.openedition.org/lectures/1064">contexte d’étouffement des motivations intrinsèques</a> : gagner son indépendance financière mais aussi se sentir utile ; apporter, dans un <a href="https://www.puf.com/content/Essai_sur_le_don">don-contre don qui fonde le lien social</a>, aide et support aux collègues, usagers ou clients ; construire une identité individuelle et collective ; être fier de réalisations dans lesquelles on peut se reconnaître, qui font sens et sont appréciées de ceux qui connaissent le métier.</p>
<h2>Des <em>workaholiques</em> français sous contrainte</h2>
<p>Qui seraient les plus <em>workaholiques</em> en France ? D’après les <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4797600?sommaire=4928952">données du ministère du Travail</a>, les catégories socioprofessionnelles qui ont le plus long temps de travail hebdomadaire moyen en 2019 sont respectivement les agriculteurs exploitants (58,4 heures), les artisans, commerçants et chefs d’entreprise (50 heures) et les cadres et professions intellectuelles supérieures (43,5 heures).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/532162/original/file-20230615-19-4cido6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/532162/original/file-20230615-19-4cido6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532162/original/file-20230615-19-4cido6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=934&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532162/original/file-20230615-19-4cido6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=934&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532162/original/file-20230615-19-4cido6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=934&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532162/original/file-20230615-19-4cido6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1174&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532162/original/file-20230615-19-4cido6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1174&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532162/original/file-20230615-19-4cido6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1174&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Les deux premières catégories travaillent beaucoup du fait de contraintes économiques fortes et de l’attachement à leur entreprise. Pour faire des économies d’échelle et rendre leur exploitation rentable, les agriculteurs doivent investir dans des produits phytosanitaires, des machines, s’agrandir. Cela les conduit à s’endetter et à devoir travailler plus pour rembourser. En droit romain, l’<em>addictus</em> était celui qui, parce qu’il ne peut payer ses dettes, est <a href="https://www.grea.ch/sites/default/files/art7_dep51.pdf">obligé de travailler gratuitement pour son créancier</a>. Les artisans sont également souvent poussés à travailler dur, notamment au début de leur installation, pour se constituer une clientèle stable leur permettant de vivre et de choisir les commandes les plus intéressantes.</p>
<p>Les raisons pour lesquels les cadres et professions intellectuelles supérieures travaillent plus que la moyenne sont variées et mêlent, elles, de façon complexe choix et contraintes. Les objectifs à atteindre, les <a href="https://www.lemonde.fr/emploi/article/2021/01/20/le-nouvel-horizon-de-la-productivite-chasser-le-surtravail_6066878_1698637.html">dysfonctionnements organisationnels</a> (injonctions contradictoires, réunions interminables), mais aussi l’intérêt de l’activité, l’importance des responsabilités, la reconnaissance et les gratifications, incitent ces salariés à beaucoup s’investir. Tout cela s’entremêle ; les entreprises peuvent alors être tentées de <a href="https://www.editions-eres.com/ouvrage/3674/le-travail-passionne">mobiliser les passions pour obtenir davantage de travail</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207845/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Loriol ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>On considère souvent que devenir addict au travail est le fait d’une dérive individuelle ; ce pourrait bien plutôt être la conséquence des évolutions de l’emploi et des modes de gestion.Marc Loriol, Directeur de recherche CNRS, sociologue, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2050422023-05-11T18:15:26Z2023-05-11T18:15:26ZCigarette et vapotage : santé et dangers, la part des mythes…<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/525425/original/file-20230510-29-45oq79.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=34%2C2%2C1856%2C954&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les choix marketing de la vape sont les mêmes que pour le tabac il y a 40 ans.</span> <span class="attribution"><span class="source">DR</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p><em>Certaines substances et produits sont aujourd'hui reconnus comme dangereux… Mais on leur a parfois prêté, par le passé, des vertus curatives ou de beauté. Erreur tragique. Le temps de notre série «Les fausses bonnes idées en santé», nous revenons sur la <a href="https://theconversation.com/quand-les-boissons-energisantes-etaient-chargees-en-radioactivite-209535">radioactivité</a>, mais aussi l’<a href="https://theconversation.com/le-french-paradox-demonte-non-une-consommation-moderee-dalcool-na-pas-deffet-protecteur-114853">alcool</a>, l'héroïne, <a href="https://theconversation.com/du-petrole-sur-vos-cheveux-quelle-bonne-idee-81458">le pétrole</a> et la <a href="https://theconversation.com/cigarette-et-vapotage-sante-et-dangers-la-part-des-mythes-205042">cigarette</a>.</em></p>
<hr>
<p>Lorsque la cigarette est devenue populaire, au début du XX<sup>e</sup> siècle, on nous a dit qu’elle était bonne pour la santé et partout, dans toutes les publicités (y compris auprès des jeunes), fumer paraissait si cool… Il nous a fallu du temps pour comprendre ce qu’il en était réellement, et cette information est arrivée trop tard pour beaucoup de fumeurs.</p>
<p>Avant l’invention des machines à fabriquer les cigarettes, celles-ci étaient roulées à la main ; un rouleur expérimenté produisait environ 240 cigarettes par heure. Lorsque la mécanisation est arrivée, à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, les premières machines ont changé la donne. Elles pouvaient produire 12 000 cigarettes par heure dans un premier temps, elles ont fini par atteindre une cadence de <a href="https://www.pmi.com/investor-relations/overview/how-cigarettes-are-made">1,2 million d’unités par heure</a>.</p>
<p>Cela a rendu la pratique extrêmement abordable, accessible même aux plus modestes. Ces machines deviendront peut-être le pire développement de l’histoire en matière de santé publique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/513320/original/file-20230303-14-mtvyn3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Publicité indiquant que « les médecins fument plus les Camel que n’importe quelle autre cigarette »" src="https://images.theconversation.com/files/513320/original/file-20230303-14-mtvyn3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/513320/original/file-20230303-14-mtvyn3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=755&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/513320/original/file-20230303-14-mtvyn3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=755&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/513320/original/file-20230303-14-mtvyn3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=755&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/513320/original/file-20230303-14-mtvyn3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=949&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/513320/original/file-20230303-14-mtvyn3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=949&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/513320/original/file-20230303-14-mtvyn3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=949&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Publicité pour <em>Camel</em>, mettant en avant la préférence des médecins pour ses cigarettes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://tobacco.stanford.edu/cigarettes/doctors-smoking/more-doctors-smoke-camels/">Stanford Research into the Impact of Tobacco Advertising</a></span>
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<p>Associées à la <a href="https://tobaccotactics.org/wiki/advertising-strategy/">communication de masse plébiscitant le tabac</a>, dont la célèbre publicité des années 1940 <a href="https://tobacco.stanford.edu/cigarettes/doctors-smoking/more-doctors-smoke-camels/">« Les médecins fument des Camels plus que n’importe quelle autre cigarette »</a> qui a réussi à détourner l’attention de la population des premières préoccupations sur leurs effets nocifs (toux dite du fumeur, etc.), les cigarettes bon marché ont ainsi fait grimper en flèche la prévalence du tabagisme à l’échelle mondiale.</p>
<p>Les cigarettiers se sont, il est vrai, <a href="https://theconversation.com/the-failed-history-of-tobacco-harm-reduction-64561">donné beaucoup de mal pour essayer de minimiser les effets de leur produit phare</a>. Déjà dans les années 1920, Lucky Strike se présente comme « moins irritante », quand d'autres mettent en avant leur filtre « préconisé par les docteurs » – Kent’s innovera tragiquement dans ce domaine en mettant de l’<a href="https://theconversation.com/the-failed-history-of-tobacco-harm-reduction-64561">amiante dans ses propres filtres</a>.</p>
<p>Une large étude menée en Australie, et publiée en 2015, est arrivée à la conclusion que jusqu’à <a href="https://bmcmedicine.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12916-015-0281-z">deux fumeurs de longue durée sur trois étaient morts de leur dépendance</a>. Les fumeurs mourant, de surcroît, en moyenne dix ans plus tôt que les non-fumeurs.</p>
<p>Depuis lors, les gouvernements s’efforcent de mettre en place des mesures de contrôle efficaces à l’encontre de <a href="https://www.who.int/fr/news-room/questions-and-answers/item/tobacco-related-industry-tactics-to-attract-generations">« Big Tobacco »</a> – surnom des cinq principales entreprises de l’industrie du tabac (Philip Morris International, Altria, British American Tobacco, Imperial Brands et Japan Tobacco International). La <a href="https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/42812/9242591017.pdf">Convention-cadre pour la lutte antitabac</a> de 2003 de l’Organisation mondiale de la santé consacre une section entière au moyen de <a href="https://escholarship.org/uc/item/98w687x5">minimiser l’ingérence de l’industrie qui cherche toujours à se développer et attirer de nouveaux consommateurs</a>.</p>
<h2>Quand le cancer des poumons était rare…</h2>
<p>Au début du XIX<sup>e</sup> s., le cancer du poumon était rare malgré la <a href="https://ehne.fr/en/encyclopedia/themes/ecology-and-environment-in-europe/environmental-risks/industrial-pollution-in-europe">forte pollution de l’air dans les villes, due aux industries</a>. En 1919 encore, le <a href="https://journal.chestnet.org/article/S0012-3692(15)34009-5/fulltext">chirurgien américain Alton Ochsner</a>, se souvient avoir entendu dire, alors qu’il participait à sa première autopsie d’un cancer du poumon, que lui et ses collègues « ne reverraient peut-être plus jamais un tel cas »…</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Radiographie de poumons avec taches blanches" src="https://images.theconversation.com/files/525390/original/file-20230510-19-a0x73r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/525390/original/file-20230510-19-a0x73r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=555&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/525390/original/file-20230510-19-a0x73r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=555&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/525390/original/file-20230510-19-a0x73r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=555&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/525390/original/file-20230510-19-a0x73r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=698&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/525390/original/file-20230510-19-a0x73r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=698&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/525390/original/file-20230510-19-a0x73r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=698&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Avant l’explosion de la consommation de tabac, les cas de cancer du poumon (ici, taches claires) étaient rares.</span>
<span class="attribution"><span class="source">X-ray(Chest) Cancer</span></span>
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<p>Et de fait, le médecin n’en a pas vu d’autres jusqu’en 1936… Puis ce seront neuf cas en six mois. Étant donné l’explosion du tabagisme qui s’est produite aux États-Unis avec la Première Guerre mondiale, Ochsner a rapidement supposé que les cigarettes étaient à blâmer.</p>
<p>Aujourd’hui, et depuis les années 1960, le cancer du poumon est (de loin) la <a href="https://acsjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.3322/caac.21660">première cause de décès par cancer</a> dans le monde. Le cancer du poumon (dont <a href="https://www.cdc.gov/cancer/lung/basic_info/risk_factors.htm">presque toutes les formes peuvent être attribuées au tabagisme</a>) est responsable de 18 % de tous les décès par cancer en 2020 ; le cancer du foie étant la deuxième cause de décès la plus fréquente, avec 8,3 %.</p>
<p>Un <a href="https://tobaccocontrol.bmj.com/content/tobaccocontrol/3/3/242.full.pdf">graphique datant de 1994</a>, et désormais célèbre, circule chez les responsables en santé publique. Il illustre, tragiquement, la dynamique de l’épidémie des maladies causées par le tabac au fil des décennies.</p>
<p>La courbe montre quatre grandes étapes dans l’évolution de l’épidémie de tabagisme et des maladies associées.</p>
<ul>
<li><p>Première phase (une vingtaine d’années) : le tabagisme se répand, mais les maladies qu’il entraîne sont encore négligeables.</p></li>
<li><p>Seconde phase (trentaine d’années) : la consommation de cigarettes atteint son pic chez les hommes et augmente chez les femmes, mais les maladies associées commencent à augmenter chez les premiers.</p></li>
<li><p>Troisième phase (trentaine d’années) : la consommation de cigarettes se stabilise chez les hommes avant de décroître, mais atteint seulement son pic chez les femmes. Les maladies associées augmentent toujours chez les premiers et commencent leur croissance chez les secondes.</p></li>
<li><p>Quatrième stade (depuis les années 1980) : le tabagisme diminue chez les deux sexes, mais les maladies se développent toujours. Ces écarts sont connus sous le nom de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=bhTJaESyFOA">périodes de latence</a> en épidémiologie.</p></li>
</ul>
<p>Le mésothéliome (cancer de la plèvre, qui entoure les poumons) causé par l’inhalation de fibres d’amiante suit également ce schéma. La période de latence entre l’exposition initiale et l’apparition des symptômes peut atteindre <a href="https://www.mesothelioma.com/mesothelioma/latency-period/">jusqu’à 50 ans</a>.</p>
<h2>Risque, publicité, arôme… Ce qui pose problème</h2>
<p>Le vapotage ne se développe que depuis une dizaine d’années. Par conséquent, s’il provoque des affections graves sur le long terme telles que le cancer du poumon, des maladies cardiovasculaires ou respiratoires, on s’attend à ce qu’il y ait encore très peu de cas à l’heure actuelle. Cela n’a pas empêché certaines <a href="https://ajph.aphapublications.org/doi/10.2105/AJPH.2019.305424">déclarations cavalières</a> selon lesquelles le vapotage est « 95 % moins dangereux que le tabagisme ».</p>
<p>Cette statistique est encore souvent utilisée, bien que l’article originel admette que plusieurs <a href="https://www.karger.com/Article/FullText/360220">critères utilisés pour évaluer les effets néfastes du vapotage ne sont pas suffisamment étayés</a>.</p>
<p>De nombreuses données préliminaires indiquent aujourd’hui que le vapotage n’est pas inoffensif. Par exemple, des études ont révélé que les cigarettes électroniques <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33429159/">contiennent des substances cancérigènes (pour le poumon)</a>, peuvent <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/02770903.2021.1971703?journalCode=ijas20">être liées à l’asthme</a> et <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fphys.2020.00492/full">altérer notre système vasculaire</a>.</p>
<p>Les connaissances sur la toxicologie mortelle de la fumée de tabac ont été acquises au fil des décennies… Pour la vape, on manque encore énormément de données. Les milliers de substances chimiques aromatisantes aspirées posent ainsi des problèmes aux autorités de réglementation.</p>
<p>En 2021, l’<a href="https://www.femaflavor.org/">association américaine des fabricants d’arômes et d’extraits</a> a déclaré que « les fabricants d’e-cigarettes ne doivent pas affirmer ou suggérer que les ingrédients aromatiques utilisés dans leurs produits sont sans danger […] car de telles <a href="https://web.archive.org/web/20211015203320/https://www.femaflavor.org/node/24344">déclarations sont fausses et trompeuses</a> ». Les régulateurs n’ont par ailleurs jamais autorisé les inhalateurs médicaux contre l’asthme à contenir des arômes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/513300/original/file-20230302-20-4w08bk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Capture d’écran de publicités pour le vapotage" src="https://images.theconversation.com/files/513300/original/file-20230302-20-4w08bk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/513300/original/file-20230302-20-4w08bk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=548&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/513300/original/file-20230302-20-4w08bk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=548&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/513300/original/file-20230302-20-4w08bk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=548&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/513300/original/file-20230302-20-4w08bk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=688&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/513300/original/file-20230302-20-4w08bk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=688&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/513300/original/file-20230302-20-4w08bk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=688&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Publicité pour des « fruits » sur Facebook… en réalité des liquides pour cigarettes électroniques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Author Screenshot</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Autre point qui pose question : la publicité. Toutes les formes de publicité et de promotion du tabac sont depuis longtemps <a href="https://tobaccocontrol.bmj.com/content/tobaccocontrol/31/2/216.full.pdf">interdites ou sérieusement restreintes dans de nombreux pays</a>. Mais le vapotage est apparu à l’ère de l’Internet, où la réglementation est beaucoup plus complexe. Les médias sociaux sont aujourd’hui inondés de promotions pour les cigarettes électroniques, avec par exemple des mélanges illégaux vendus comme des « fruits » sur Facebook Marketplace.</p>
<p>Des recherches ont montré que les espaces intérieurs où étaient réunis de nombreux vapoteurs contenaient des <a href="https://tobaccocontrol.bmj.com/content/tobaccocontrol/26/1/109.full.pdf">concentrations en particules en suspension dans l’air</a> plus élevées que les bars bondés à l’époque où le tabac était autorisé. <a href="https://www.misteliquid.co.uk/blog/travelling-with-an-ecig/">Aucune compagnie aérienne au monde</a> ne permet le vapotage en vol.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/apres-le-tabagisme-passif-ne-sous-estimez-pas-le-vapotage-passif-201274">Après le tabagisme passif, ne sous-estimez pas le vapotage passif</a>
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<h2>Répéter, encore, les mêmes erreurs</h2>
<p>Alors que le vapotage chez les jeunes accélère considérablement en <a href="https://insightplus.mja.com.au/2023/1/vaping-and-e-cigarette-use-on-the-rise-among-young-people/">Australie</a>, au <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/220720/dq220720d-eng.htm">Canada</a>, aux <a href="https://newsinhealth.nih.gov/2019/02/vaping-rises-among-teens">États-Unis</a>, au <a href="https://www.theguardian.com/society/2022/jul/23/child-vaping-epidemic-risks-becoming-public-health-catastrophe-in-uk-experts-warn">Royaume-Uni</a> et en <a href="https://theconversation.com/young-non-smokers-in-nz-are-taking-up-vaping-more-than-ever-before-here-are-5-reasons-why-185400">Nouvelle-Zélande</a>, les gouvernements s’efforcent de trouver des solutions au problème qu’ils ont créé par des politiques irréfléchies et précipitées. (<em><a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/drogue-addictions/cigarette-electronique/hausse-de-la-consommation-de-cigarettes-electroniques-on-peut-etre-dependant-d-une-vapoteuse-souligne-la-federation-francaise-d-addictologie_5702192.html">En France</a>, l’usage de la cigarette électronique a triplé en cinq ans chez les jeunes de 17 ans, ndlr</em>)</p>
<p>Tout comme l’industrie du tabac a nié pendant des décennies avoir ciblé les jeunes, nous constatons aujourd’hui que <a href="https://www.nbcnews.com/health/kids-health/e-cigarette-ads-target-millions-kids-cdc-says-n490601">elle utilise des allégations et des stratégies presque identiques</a>.</p>
<p>En Australie, les défenseurs du vapotage soutiennent que les lois et réglementations applicables aux vapes ne devraient pas être plus sévères que celles qui s’appliquent aux cigarettes. Ainsi, alors qu’il n’y a aucune restriction sur les lieux de vente des cigarettes, nous voyons aujourd’hui les <a href="https://www.theguardian.com/australia-news/2023/feb/26/facebook-ads-opposing-a-ban-on-vaping-in-australia-failed-to-disclose-tobacco-company-backing">efforts de l’industrie du tabac</a> pour tenter de faire autoriser la vente de produits de vapotage dans les mêmes conditions.</p>
<p>Les premiers pas de la lutte antitabac en Australie ont été les <a href="https://tobaccocontrol.bmj.com/content/tobaccocontrol/12/suppl_3/iii13.full.pdf">minuscules avertissements sanitaires</a> apparus en 1973. Il a ensuite fallu 40 ans de lutte et de financement de campagnes d’abandon du tabac pour amener le tabagisme à son <a href="https://www.abs.gov.au/statistics/health/health-conditions-and-risks/smoking/latest-release">niveau le plus bas jamais atteint</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/513305/original/file-20230302-16-elpdil.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Paquets de cigarettes montrant un globe oculaire et l’avertissement « fumer rend aveugle »" src="https://images.theconversation.com/files/513305/original/file-20230302-16-elpdil.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/513305/original/file-20230302-16-elpdil.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=367&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/513305/original/file-20230302-16-elpdil.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=367&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/513305/original/file-20230302-16-elpdil.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=367&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/513305/original/file-20230302-16-elpdil.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/513305/original/file-20230302-16-elpdil.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/513305/original/file-20230302-16-elpdil.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les avertissements sanitaires couvrent désormais les paquets de cigarettes, en remplacement des marques.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.accc.gov.au/system/files/Tobacco%20graphic%20health%20warnings%20-%20fact%20card_0.pdf">ACCC Product Safety Supplier Guide</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces 40 ans perdus le sont à la fois du fait de l’ignorance initiale de l’ampleur latente des maladies liées au tabagisme… et de la pression soutenue exercée par l’industrie du tabac pour faire échouer, retarder et diluer toute politique menaçant de la limiter.</p>
<p>Et il est important de noter que tous les grands fabricants de tabac fabriquent également des produits de vapotage : il ne s’agit donc pas seulement du même jeu, mais aussi des mêmes acteurs.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-vape-un-marche-en-pleine-mutation-164126">La « vape », un marché en pleine mutation</a>
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<p>On dit souvent que si les cigarettes étaient inventées demain et que nous sachions alors ce que nous ne savions pas à l’époque, aucun gouvernement au monde n’en autoriserait la vente (et encore moins la vente dans les magasins de proximité)…</p>
<p>C’est pourtant ce qui se passe aujourd’hui avec la vape.</p>
<p>Tous les ministères de la santé australiens, la plupart des grands partis politiques, la quasi-totalité des agences sanitaires et médicales australiennes et de <a href="https://simonchapman6.com/2019/05/20/global-regional-and-national-agencies-concerned-about-e-cigarettes-statements-you-are-unlikely-to-hear-from-vaping-advocates/">nombreuses agences internationales, dont l’OMS</a>, affirment que le vapotage devrait être fortement réglementé. (<em>En France, il est <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F35111">interdit</a> dans les établissements scolaires et destinés à l’accueil, à la formation et à l’hébergement des mineurs, dans les moyens de transport collectif fermés et les lieux de travail collectif fermés et couverts, ndlr</em>)</p>
<p>Les partisans du vapotage soutiennent que la cigarette électronique est incontournable pour aider les fumeurs à arrêter de fumer, mais les <a href="https://simonchapman6.com/vaping-research-alerts/#smoking-cessation">preuves de cette efficacité sont limitées</a>.</p>
<p>Actuellement, les dispositifs de vapotage sont largement disponibles, mais ceux qui comprennent des liquides contenant de la nicotine ne sont légalement disponibles que sur ordonnance en Australie (<em>la France a mis en place une <a href="https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Publications/Vie-pratique/Fiches-pratiques/cigarette-electronique">réglementation spécifique</a>, ndlr</em>). Cela n’empêche malheureusement pas d’en acheter aussi illégalement que facilement en ligne ou dans certains magasins de proximité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205042/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Simon Chapman ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Fumer, cool et sans danger ? On dit souvent que si la cigarette était inventée aujourd’hui, elle serait immédiatement interdite… Retour sur une histoire tragique, qui pourrait se répéter avec la vape.Simon Chapman, Emeritus Professor in Public Health, University of SydneyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2044662023-05-03T14:24:54Z2023-05-03T14:24:54ZPodcast « Objets cultes » : Le scrolling<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/522739/original/file-20230425-14-tugvba.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=27%2C0%2C4609%2C3086&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Scroller sur un écran de téléphone, un geste devenu banal.</span> <span class="attribution"><span class="source">Pexels</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><iframe src="https://embed.acast.com/63ff129deef4080011120a9d/644fdcf20095f9001108a8f9" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
<p><br> </p>
<p><iframe id="tc-infographic-818" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/818/2cb911d7f5dde27b26b0d660b5a8acba1b0830e6/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? demandait le poète.</p>
<p>S’ils ont une âme, il s’agit bien de la nôtre. C’est ce que démontrait le sémiologue Roland Barthes dans ses <em>Mythologies</em>, publiées en 1957. L’intellectuel y étudiait en effet les objets et les rites populaires qui révèlent l’esprit d’une époque et les affects collectifs du pays, inventant ainsi une nouvelle manière de faire de la sociologie, accessible, impertinente et ludique. La DS, le steak-frites, les jouets en plastique… rien n’échappait à sa sagacité.</p>
<p>Aujourd’hui, ces objets ne sont plus les mêmes et la globalisation a grandement changé la donne. Mais l’exercice, lui, n’a pas pris une ride et c’est Pascal Lardellier, professeur de sociologie à l’université de Bourgogne, auteur entre autres de <a href="https://www.editions-ems.fr/livres-2/collections/societing/ouvrage/236-nos-modes-nos-mythes-nos-rites.html"><em>Nos modes, nos mythes, nos rites</em></a> qui se penche sur nos objets cultes.</p>
<p>Je scrolle donc je suis : telle pourrait être la devise des humains du XXI<sup>e</sup> siècle, les yeux si souvent rivés sur les écrans de leur téléphone ou de leur ordinateur.</p>
<p>Nous sommes en effet devenus experts en scrolling (de l’anglais « scroll », parchemin), cet art de faire défiler des images et du texte sur un écran.</p>
<p>Mais que dit ce geste de nos besoins et de nos travers contemporains ? Aujourd’hui, on découvre qu’un geste peut aussi s’étudier comme un objet sociologique.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/460246/original/file-20220428-15-gtbh03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/460246/original/file-20220428-15-gtbh03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/460246/original/file-20220428-15-gtbh03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/460246/original/file-20220428-15-gtbh03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/460246/original/file-20220428-15-gtbh03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/460246/original/file-20220428-15-gtbh03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/460246/original/file-20220428-15-gtbh03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/460246/original/file-20220428-15-gtbh03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"><em>Nos modes, nos mythes, nos rites</em>, éditions EMS (2013).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><strong>Extraits</strong></p>
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<li>« Scaffold of Repeated Addition », One Man Book, 2022.</li>
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<p><em>Crédits : Conception et animation, Sonia Zannad. Réalisation, Romain Pollet</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204466/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Je scrolle donc je suis : telle pourrait être la devise des humains d’aujourd’hui. Que dit ce geste de nos besoins et de nos travers contemporains ?Sonia Zannad, Cheffe de rubrique Culture, The Conversation FrancePascal Lardellier, Professeur à l'Université de Bourgogne Franche-Comté, Chercheur au laboratoire CIMEOS, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2022052023-03-22T23:53:53Z2023-03-22T23:53:53ZPodcast « Objets cultes » : La cigarette électronique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/516405/original/file-20230320-2333-dp7ipq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=49%2C15%2C1995%2C1345&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un bouton on/off qui donne le sentiment de contrôler sa consommation. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/vaping360/16161321808">Flickr / vaping360</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><iframe src="https://embed.acast.com/63ff129deef4080011120a9d/6418cbea202f500011bda7c7" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-ecouter-les-podcasts-de-the-conversation-157070">Comment écouter les podcasts de The Conversation ?</a>
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<p><iframe id="tc-infographic-818" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/818/2cb911d7f5dde27b26b0d660b5a8acba1b0830e6/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? demandait le poète.</p>
<p>S’ils ont une âme, il s’agit bien de la nôtre. C’est ce que démontrait le sémiologue Roland Barthes dans ses <em>Mythologies</em>, publiées en 1957. L’intellectuel y étudiait en effet les objets et les rites populaires qui révèlent l’esprit d’une époque et les affects collectifs du pays, inventant ainsi une nouvelle manière de faire de la sociologie, accessible, impertinente et ludique. La DS, le steak-frites, les jouets en plastique… rien n’échappait à sa sagacité.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/460246/original/file-20220428-15-gtbh03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/460246/original/file-20220428-15-gtbh03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/460246/original/file-20220428-15-gtbh03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/460246/original/file-20220428-15-gtbh03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/460246/original/file-20220428-15-gtbh03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/460246/original/file-20220428-15-gtbh03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/460246/original/file-20220428-15-gtbh03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/460246/original/file-20220428-15-gtbh03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"><em>Nos modes, nos mythes, nos rites</em>, éditions EMS (2013).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Aujourd’hui, ces objets ne sont plus les mêmes et la globalisation a grandement changé la donne. Mais l’exercice, lui, n’a pas pris une ride et c’est Pascal Lardellier, professeur de sociologie à l’université de Bourgogne, auteur entre autres de <a href="https://www.editions-ems.fr/livres-2/collections/societing/ouvrage/236-nos-modes-nos-mythes-nos-rites.html"><em>Nos modes, nos mythes, nos rites</em></a> qui se penche sur nos objets cultes.</p>
<p>La cigarette électronique, dite aussi vapoteuse ou e-cigarette, a le vent en poupe. Venue de Chine, elles s'est installée dans le paysage français en 2005. Dans cet épisode, il sera question des codes liés à ce nouvel usage social et de l'imaginaire qui émerge de sa fumée parfumée. </p>
<p><strong>Extraits</strong><br> ● « Scaffold of Repeated Addition », One Man Book, 2022.</p>
<p><em>Crédits : Conception et animation, Sonia Zannad. Réalisation, Romain Pollet</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202205/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Dans cet épisode, il sera question des codes liés à ce nouvel usage social et de l'imaginaire qui émerge de sa fumée parfumée.Sonia Zannad, Cheffe de rubrique Culture, The Conversation FrancePascal Lardellier, Professeur à l'Université de Bourgogne Franche-Comté, Chercheur au laboratoire CIMEOS, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1996962023-02-27T18:11:56Z2023-02-27T18:11:56ZComment les écrans invitent les parents à repenser leur rôle<p>Lorsqu’on additionne les heures passées à regarder la télévision, à jouer à des jeux vidéos ou à surfer sur Internet, il apparaît que les enfants passent plus de <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/malgre-un-temps-croissant-passe-sur-les-ecrans-les-jeunes-lisent-toujours-autant">temps sur les écrans</a> que sur les bancs de l’école. Pour la tranche d’âge comprise entre 1 an à 6 ans, la <a href="https://www.dunod.com/connectes-et-heureux-du-stress-digital-au-bien-etre-numerique-du-stress-digital-au-bien-etre">consommation numérique</a> a triplé depuis 2011, passant de 2h à plus de 6h par semaine.</p>
<p>Face à cette situation, la plupart des parents s’inquiètent des effets de ces usages. La présence envahissante des écrans au sein du foyer est d’ailleurs devenue une des sources majeures de tensions dans les relations entre parents et enfants. Avides de conseils pour <a href="https://www.open-asso.org/actualite/2020/02/parentalite-face-au-numerique-enquete-open-unaf-mediametrie/">limiter un temps d’écran</a> qu’ils considèrent comme trop important, les parents sont pourtant confrontés à des contradictions difficiles à contourner : ils passent eux-mêmes en moyenne 4h30 par jour, à lire leurs mails, parcourir le fil d’actualité de leurs réseaux sociaux et regarder des séries en streaming.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ces-ecrans-qui-retardent-le-coucher-des-enfants-et-adolescents-196415">Ces écrans qui retardent le coucher des enfants et adolescents</a>
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<p>Cette gestion du temps d’écran se double de doutes et de profondes inquiétudes alimentés par la nature des contenus numériques consultés par leurs enfants. Plus globalement, les parents sont exposés à un profond sentiment de perte d’autorité dans la mesure où les modèles de transmission des savoirs sont revisités à l’aune du numérique ; les adolescents se révélant souvent plus compétents que leurs parents pour appréhender les nouveaux usages des biens virtuels.</p>
<p>Or, les effets délétères des écrans sur les enfants sont largement documentés dans la littérature académique : <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-fabrique-du-cretin-digital-michel-desmurget/9782021423310">impacts sur la santé physique et mentale</a> (perte de sommeil, excès de poids, difficulté de concentration…), sur les performances scolaires et sur les relations interpersonnelles. En revanche, leurs conséquences sur les parents sont plutôt occultées, alors qu’ils sont générateurs de stress, de mauvaise estime de soi et de perte de confiance dans leur efficacité personnelle en tant qu’éducateurs, responsables du bien-être et du devenir de leurs enfants.</p>
<h2>Les enjeux du bien-être parental</h2>
<p>Centrée prioritairement sur le domaine médical, la <a href="https://www.cairn.info/revue-decisions-marketing-2018-4-page-77.htm">notion de bien-être</a> s’est élargie à des pans entiers de l’existence humaine, investissant des activités telles que le sport, les loisirs ou encore l’alimentation. Pourtant, définir ce qu’est le bien-être s’avère relativement complexe.</p>
<p>Concrètement, les travaux académiques en économie et en psychologie positive distinguent deux approches du bien-être. Le bien-être objectif est centré sur la qualité de vie. Il est mesuré à l’aide d’indicateurs comme le taux de pauvreté, le niveau d’éducation ou les risques sanitaires. Le bien-être subjectif fait référence à l’évaluation de sa propre existence par chaque individu et se traduit par le fait de « se sentir heureux ». Le bien-être subjectif articule un <a href="https://internationaljournalofwellbeing.org/index.php/ijow/article/view/429">bien-être hédonique</a> et eudémonique :</p>
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<li><p>Le premier fluctue en fonction d’expériences ponctuelles, génératrices de plaisir et comporte trois dimensions : la satisfaction éprouvée par l’individu par rapport à sa vie, des ressentis émotionnels positifs, comme le plaisir, et l’absence de ressentis négatifs ;</p></li>
<li><p>Le bien-être eudémonique est plus profond et durable, il repose sur un engagement dans des activités porteuses de sens pour l’individu, propices à l’acquisition de compétences, à une bonne estime de soi et à l’existence de liens sociaux.</p></li>
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<p>Au sein de la sphère domestique, le bien-être est peu investigué, alors même que la famille est perçue par les jeunes comme une <a href="https://arenes.fr/livre/la-fracture/">source d’épanouissement</a> et de réassurance. Dans le même temps, les médias relaient cette difficulté à être « un bon parent » et pointent la complexification des conditions d’exercice de la parentalité au sein du foyer avec l’arrivée du numérique, légitimant sans doute de repenser cette parentalité au travers du bien-être.</p>
<h2>Favoriser la communication</h2>
<p>Afin d’assurer leur bien-être, les parents ont recours à des outils technologiques : logiciels de contrôle parental, stockage automatique des activités en ligne de l’enfant, protection des données personnelles. Ces dispositifs ont vocation à protéger leurs enfants de façon automatisée sans avoir le sentiment de devoir se transformer en espions ou gardes du corps.</p>
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<a href="https://theconversation.com/geolocalisation-des-enfants-une-nouvelle-forme-de-surveillance-parentale-193281">Géolocalisation des enfants : une nouvelle forme de surveillance parentale</a>
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<p>Ces solutions sont pertinentes pour préserver le bien-être des parents car elles tendent à effacer les ressentis négatifs des adultes mais elles se traduisent souvent par des ultimatums, génèrent des négociations voire des conflits. Se sentant surveillés dans leur espace privé, les adolescents adoptent des stratégies de contournement qui instaurent des relations de défiance et, au final, affectent les relations entre parents et enfants.</p>
<p>Dès lors, il semble essentiel de communiquer en adoptant un processus en deux temps. En premier lieu, il s’agit d’inciter les enfants à partager leurs savoirs et leurs savoir-faire pour <a href="https://theconversation.com/les-ecrans-atouts-ou-freins-du-dialogue-familial-132722">créer du lien autour des écrans</a>. Pour favoriser une cohabitation harmonieuse avec les écrans dans les foyers, les parents n’ont pas d’autre choix que de revoir les modèles conventionnels de transmission. Accepter tout d’abord que le transfert de compétences puisse être ascendant avec des enfants capables de leur expliquer les fonctionnalités des outils numériques.</p>
<p>Une fois la barrière technologique franchie, il s’agit, pour les parents, de reprendre la responsabilité d’éduquer son enfant aux règles du numérique et à l’usage qu’il fait des différents écrans en contrôlant notamment les contenus visionnés. Ces échanges d’informations et ces partages de connaissances autour du numérique doivent contribuer à leur bien-être hédonique.</p>
<p>Dans un second temps, il s’agit de communiquer pour réguler les pratiques applicables par tous les membres de la famille. L’instauration de règles précises (comme l’interdiction d’utiliser des écrans à table ou dans la chambre) et la limitation des temps de connexion peuvent être discutées en famille afin de parvenir à un usage équilibré et adapté à chaque âge.</p>
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<p>Les parents – souvent surconnectés – sont dès lors invités à réfléchir à leurs propres pratiques et aux modèles qu’ils représentent aux yeux de leurs enfants. Mettre en place ces mesures éducatives acceptées à la fois par les parents et les enfants est sans doute un moyen de favoriser le bien-être.</p>
<h2>Des activités hors écran</h2>
<p>L’omniprésence des écrans dans les foyers se traduit par un excès d’activités numériques plutôt individuelles, peu propices à l’échange et au partage. Il s’agit alors de renforcer le bien-être eudémonique des parents en favorisant des activités communes autour des écrans pour réduire les crispations et réinstaurer le numérique dans son rôle de médiateur de liens sociaux.</p>
<p>Autre possibilité, <a href="https://www.ted.com/talks/molly_wright_how_every_child_can_thrive_by_five">passer du temps hors écran</a> en menant des activités qui assurent le bien-être. La crise sanitaire a été riche d’enseignements sur les capacités des familles à réinventer les relations dans le foyer et construire une bulle harmonieuse entre parents et enfants. Les périodes de confinement qui en ont découlé ont incité la plupart des familles à revisiter les activités au sein du foyer.</p>
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<a href="https://theconversation.com/se-separer-des-parents-pour-grandir-quelle-marge-pour-les-ados-dans-un-monde-connecte-169578">Se séparer des parents pour grandir : quelle marge pour les ados dans un monde connecté ?</a>
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<p>Repliés dans la sphère domestique devenue temporairement le seul espace de sociabilité, parents et enfants ont (ré)appris à passer du temps de qualité ensemble. Jeux de société, <a href="https://theconversation.com/alimentation-le-retour-en-grace-du-gouter-158986">confection de gâteaux</a>, activités sportives ou manuelles, autant de moments propices au partage, à la transmission de compétences et sources d’émotions positives et de sentiment d’efficacité personnelle.</p>
<p>Parvenir à concilier bien-être et parentalité relève aujourd’hui d’un véritable défi tant les pressions sociétales et les contradictions sont nombreuses. Mais de nombreuses solutions existent et le bien-être semble passer par la reprise en main de l’autorité parentale mais aussi par la recherche d’un équilibre entre activités numériques et non numériques afin de ne pas multiplier des plaisirs très fugaces qui, sur un temps long, ne rendent pas forcément heureux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199696/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les enjeux autour de la gestion des écrans génèrent une pression qui peut conduire les parents à perdre confiance dans leur efficacité d’éducateurs. Quelques clés pour éviter l’impasse.Caroline Rouen-Mallet, Enseignant-chercheur en marketing, IAE Rouen Normandie - Université de Rouen NormandiePascale Ezan, professeur des universités - comportements de consommation - alimentation - réseaux sociaux, Université Le Havre NormandieStéphane Mallet, Enseignant-chercheur en marketing, IAE Rouen Normandie - Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1925832023-01-11T17:42:02Z2023-01-11T17:42:02ZQui consomme du CBD en France, et pourquoi ?<p>Si vous n’avez pas suivi les rebonds <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/11/19/cbd-l-interdiction-en-france-jugee-illegale-par-la-justice-europeenne_6060333_3224.html">judiciaires</a> liés à l’autorisation du cannabidiol (CBD) en France, vous ignorez peut-être que <a href="https://theconversation.com/cbd-lessentiel-a-savoir-avant-den-prendre-171970">cette substance dérivée du cannabis</a> est désormais légale dans notre pays.</p>
<p>La justice française avait dans un premier temps interdit ce dérivé du cannabis, avant de faire machine arrière suite à la décision de la Cour de justice de l’Union européenne, qui a jugé cette position illégale au motif que cette substance « n’apparaît pas avoir d’effet psychotrope ni d’effet nocif sur la santé humaine ».</p>
<p>Le CBD est donc légalement en vente libre en France, et les boutiques qui en proposent sont nombreuses. Mais qui sont leurs clients, pourquoi consomment-ils ce produit ?</p>
<h2>Des effets thérapeutiques qui restent à établir</h2>
<p>Avant tout, il faut savoir que les effets thérapeutiques du CBD ne sont pas encore <a href="https://theconversation.com/cbd-lessentiel-a-savoir-avant-den-prendre-171970">solidement établis</a>, à l’exception de son intérêt dans le cadre de la prise en charge de certaines formes d’épilepsies pharmacorésistantes (actuellement, un seul médicament au CBD, l’Epidyolex, est autorisé en France).</p>
<p>Ses effets indésirables à <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7052834/">forte dose</a>, en revanche, sont bien documentés, tout comme les risques d’<a href="https://www.karger.com/Article/FullText/507998">interactions médicamenteuses</a>.</p>
<p>Par ailleurs, les produits étiquetés « CBD » ne sont pas strictement contrôlés du point de vue de leurs constituants. De ce fait, les risques liés à la présence de contaminants de diverse nature sont à prendre en compte, qu’il s’agisse de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35987236/">métaux lourds</a>, de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34997693/">cannabinoïdes de synthèse</a> ou de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35690015/">THC</a> (le THC, ou Δ9-tetrahydrocannabinol, est la principale molécule responsable des effets psychotropes du cannabis).</p>
<p>Soulignons que les produits qui contiennent du CBD ne doivent pas contenir <a href="https://www.conseil-etat.fr/actualites/l-interdiction-de-vendre-a-l-etat-brut-des-fleurs-et-feuilles-provenant-de-varietes-de-cannabis-sans-proprietes-stupefiantes-est-suspendue">plus de 0,3 % de THC associé</a>.</p>
<p>Enfin, rappelons que la voie fumée comporte des risques, notamment en raison des particules produites lors de la combustion (des travaux ont montré que la fumée d’un joint de cannabis produit <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-020-63120-6">trois fois plus</a> de matière particulaire qu’une cigarette de tabac à filtre, dont la nocivité est bien établie).</p>
<h2>Qui sont les consommateurs de CBD en France ?</h2>
<p>Des enquêtes menées au <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34350641/">Royaume-Uni</a>, aux <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32093530/">États-Unis</a> ou au <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33998872/">Canada</a> ont établi que les usagers de CBD l’utilisent souvent dans un objectif de réduction du stress ou de l’anxiété. Nos propres travaux ont également mis en évidence ce type d’usage en <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34615556/">France</a>.</p>
<p>Nous avons également estimé que fin 2021, 69 % des adultes français avaient déjà entendu parler du CBD et que <a href="https://bmcpublichealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12889-022-14057-0">10 % en avaient déjà utilisé</a> (pour 3,3 %, cette utilisation avait eu lieu au moins plusieurs fois par semaine). Ces chiffres font écho à ceux de l’Institut de sondage Ifop : entre <a href="https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2021/06/Rapport_Ifop_Grams_Cannabis_2021.05.31.pdf">8 %</a> (mai 2021) et <a href="https://www.zeweed.com/sondage-ifop-zeweed-58-des-moins-de-35-ans-estiment-que-le-cbd-est-une-alternative-au-cannabis/?c=13ac35fba0ac">26 %</a> (janvier 2022) des adultes français en ont déjà consommé.</p>
<p>Les utilisateurs de CBD se retrouvent préférentiellement parmi les personnes les plus jeunes, les fumeurs de tabac ou de cannabis, les personnes qui s’estiment en moins bonne santé, et celles qui accordent du crédit aux médecines alternatives.</p>
<p>Une fois ces facteurs identifiés, nous avons cherché à voir si des sous-groupes pouvaient être distingués, par une méthode statistique de partitionnement des données (« clusterisation »). En résumé, nous avons identifié <a href="https://bmcpublichealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12889-022-14057-0">quatre sous-groupes d’usagers du CBD</a> correspondant à différents critères sociodémographiques (197 personnes concernées) :</p>
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<li><p>Des personnes âgées rurales et en mauvaise santé (33 usagers) ;</p></li>
<li><p>Des hommes en difficulté financière, en mauvaise santé, usagers d’alcool (25 usagers) ;</p></li>
<li><p>Des mères éduquées en bonne santé (71 usagers) ;</p></li>
<li><p>De jeunes fumeurs (68 usagers).</p></li>
</ol>
<p>Ces résultats révèlent l’existence d’une grande diversité d’usagers, probablement liée à une diversité des raisons motivant la prise de CBD. Parmi eux figure une importante proportion d’usagers de cannabis (34,2 % sont usagers de cannabis, dont 57 dans le groupe 4).</p>
<p><a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34839070/">Cette situation n’est pas propre à la France</a>. Une explication pourrait être que le CBD permettrait de contrecarrer certaines conséquences découlant de l’usage du cannabis, notamment l’anxiété ou la paranoïa. Il est intéressant de souligner que les premières preuves cliniques de la réduction du stress par le CBD ont été apportées par une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/4609777/">étude portant sur le stress induit par le THC</a>.</p>
<p>Si l’interaction entre THC et CBD a depuis été plus largement étudiée, aucune conclusion tranchée n’a pour l’instant pu être apportée quant aux <a href="https://www.nature.com/articles/s41386-022-01478-z/">effets du CBD dans un tel contexte</a>. Cependant, les grandes lignes dessinées par ces travaux semblent aller dans le sens d’une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31580839/">modération des effets aigus du THC par le CBD</a>.</p>
<h2>Quelle relation entre usage de cannabis et usage de CBD ?</h2>
<p>Les effets potentiels du CBD concernant la modération des conséquences de l’usage de cannabis sont particulièrement intéressants dans le contexte français. En effet, dans notre pays, l’usage de cannabis « normal », c’est-à-dire contenant du THC, est interdit et criminalisé. De ce fait, les usagers de cannabis n’ont donc accès qu’au marché noir pour se fournir.</p>
<p>Or, les <a href="https://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/epfxmgz7.pdf">produits qu’on y trouve</a> contiennent des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30671616/">concentrations en THC de plus en plus élevées</a>. Autrement dit, ils sont de plus en plus dangereux, car le risque d’effets indésirables augmente, notamment le risque de psychose ou <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanpsy/article/PIIS2215-0366(22)00161-4/fulltext">d’usage problématique du cannabis</a> (« addiction »), sans même considérer les effets des possibles contaminations ou frelatages. L’incorporation de CBD (y compris sous forme de fleur) dans les pratiques des usagers de cannabis, notamment français, peut donc être considérée comme une stratégie de réduction des risques et des dommages.</p>
<p>À ce sujet, une étude menée aux États-Unis auprès d’usagers de cannabis a comparé les effets et la satisfaction liés à l’utilisation de fleurs « équilibrées » en THC et CBD comparés à l’utilisation de fleurs à dominante THC. L’usage des premières a été associé à des effets subjectifs positifs similaires à ceux des secondes. Cependant, l’emploi des fleurs « équilibrées » s’est avéré associé à <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34467598/">moins de paranoïa et d’anxiété</a>. Soulignons toutefois qu’une <a href="https://www.nature.com/articles/s41386-022-01478-z">récente étude rigoureuse</a> n’a cependant pas confirmé ces résultats. D’autres travaux ont en revanche mis en évidence que le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33676073/">recours à du cannabis à dominante CBD (par rapport à la dominante THC) est associé à un usage plus « thérapeutique » et à des doses ou des fréquences moindres</a>.</p>
<p>Par une large enquête auprès d’usagers de CBD en France, nous avons mis en évidence que le recours au CBD, notamment sous forme fumée, pour réduire l’usage de cannabis existe dans notre pays et que <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyt.2022.829944/full">les utilisateurs concernés le jugent efficace</a>.</p>
<p>La question de l’efficacité du CBD dans le cadre du trouble de l’usage de cannabis <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanpsy/article/PIIS2215-0366(20)30290-X/fulltext">a également été étudiée</a>. Dans ce contexte, des effets préliminaires ont été mis en évidence pour des doses quotidiennes supérieures ou égales à 400 mg. Une étude française a également montré un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35686188/">intérêt potentiel du CBD vapé</a> pour la réduction de l’usage de cannabis chez des personnes présentant une telle addiction.</p>
<h2>Le temps du pragmatisme</h2>
<p>Compte tenu notamment de ces résultats, il semble qu’il est temps de mettre en place un cadre législatif garantissant un accès à du CBD de qualité contrôlée en France. La diffusion d’informations fiables sur le CBD est également cruciale pour accompagner au mieux ce qui ressemble fort à un engouement populaire. Cette sensibilisation doit non seulement être mise en place dans les points de vente de CBD, mais aussi auprès des soignants.</p>
<p>Parallèlement, une <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpubh.2022.904291/full">politique pragmatique</a> d’accès aux produits à base de cannabis, dans un cadre thérapeutique, doit selon nous également être mise en place.</p>
<p>Associé à une collecte de données en vie réelle, un tel dispositif pourrait profiter à la fois aux patients, aux professionnels de santé, aux scientifiques et aux décideurs politiques. Dans ces conditions, il deviendrait possible de maximiser les bienfaits de ces substances et usages, tout en minimisant leurs risques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cbd-lessentiel-a-savoir-avant-den-prendre-171970">CBD : l’essentiel à savoir avant d’en prendre</a>
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<p class="fine-print"><em><span>Tangui Barré reçoit des financements de l'ANRS|MIE (agence publique).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Clémence Casanova et Davide Fortin ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Le cannabidiol ou CBD est désormais légal en France. Une enquête permet de mieux cerner les divers profils de ses consommateurs, et leurs motivations.Tangui Barré, Post-doctorant en épidémiologie et santé publique, InsermClémence Casanova, Post-doctorante en santé publique, Aix-Marseille Université (AMU)Davide Fortin, Économiste spécialisé sur le marché du cannabis - Aix-Marseille Université, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1964152022-12-22T19:07:26Z2022-12-22T19:07:26ZCes écrans qui retardent le coucher des enfants et adolescents<p>« Je me connecte à YouTube et, même si je ne les regarde pas, je laisse les vidéos défiler en fond, et je reste comme ça, et j’attends. Je peux pas me coucher sans avoir écouté un youtubeur ou une série, ou quelque chose comme ça », nous dit un adolescent de 16 ans, pour qui les écrans agissent comme un bruit de fond pour accompagner l’endormissement. Selon une étude de 2018, il serait loin d’être le seul à agir ainsi : <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0013700617301148">l’utilisation des écrans en soirée</a>, au coucher – et parfois même pendant la nuit – est fréquente chez les jeunes, ce qui a des effets sur leur sommeil.</p>
<p>Lors du passage entre l’enfance et l’adolescence, il existe des <a href="https://www.theses.fr/s253293">modifications du sommeil</a> qui peuvent s’expliquer par des raisons biologiques mais aussi par des raisons environnementales. En effet, les habitudes en soirée évoluent : devenant plus indépendants de leurs parents, les adolescents adoptent de nouvelles routines, entre devoirs et écrans, qui peuvent retarder l’heure du coucher.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/manque-de-sommeil-a-ladolescence-comment-remettre-les-pendules-a-lheure-149008">Manque de sommeil : à l’adolescence, comment remettre les pendules à l’heure ?</a>
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<p>En 2001, des auteurs observaient déjà des couchers d’1h à 3 h plus tardifs à l’adolescence qu’à la pré-adolescence, associés à une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/11285056/">difficulté à se lever tôt le matin</a>. D’après une étude de 2012, de nombreux adolescents se couchent tard en semaine puis se lèvent tôt pour l’école, de fait, ils accumulent une dette de sommeil qu’ils vont essayer de rattraper le week-end avec des <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/docs/la-chute-du-temps-de-sommeil-au-cours-de-l-adolescence-resultats-de-l-enquete-hbsc-2010-menee-aupres-des-collegiens2">temps de sommeil plus longs</a>.</p>
<h2>Veillées familiales</h2>
<p>Dans une étude menée auprès de 31 familles et leurs enfants de 8 à 19 ans, financée par la fondation VINCI Autoroutes, nous avons constaté une moyenne de <a href="https://fondation.vinci-autoroutes.com/fr/la-fondation-vinci-autoroutes-partenaire-de-la-22e-journee-du-sommeil/">7h49 de sommeil chez les enfants</a> de 8 à 11 ans, alors que <a href="https://aasm.org/">l’American Academy of Sleep Medicine</a> recommande 9h à 12h pour cette tranche d’âge.</p>
<p>Et nous avons constaté une moyenne de 7h08 de sommeil pour les plus grands, (14-19 ans), bien que l’AASM recommande 8h à 10 h de sommeil pour ce public. 43 % des adolescents de 12 à 18 ans dorment moins de 7h en semaine.</p>
<p>Les habitudes en soirée évoluent également : parmi les plus jeunes, il y a davantage de moments partagés en famille, notamment autour de la télévision, ou bien des temps de jeux ou de lecture. Avec le temps, les activités ont tendance à devenir de plus en plus individuelles et se centrent davantage autour des écrans. Une mère décrit bien ce changement qu’elle constate chez son adolescente :</p>
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<p>« On est un garde-manger, c’est-à-dire qu’elle vit au self, elle mange, elle part se coucher, faire sa toilette, etc., mais elle ne s’endort pas beaucoup plus tôt que les autres, elle est dans son lit et regarde ses réseaux sociaux, des séries, YouTube […] Les programmes que nous regardons nous ne l’intéressent pas. »</p>
</blockquote>
<p>Au fil des années, les jeunes vont davantage investir leur chambre et leur téléphone et les moments partagés en famille en soirée, s’il en reste, seront présents principalement le week-end et généralement autour d’un film.</p>
<p>Certains sont toutefois demandeurs de ces temps en semaine afin de pouvoir veiller davantage : « en fait, si on ne regarde pas de film ou qu’on ne fait pas de jeux de société en famille, ils vont nous dire d’aller nous coucher », reconnaît un des participants. La télévision serait alors un médiateur permettant le partage d’un moment en famille et en parallèle, un coucher plus tardif.</p>
<h2>La télévision en bruit de fond</h2>
<p>Peu importe l’âge, les écrans sont présents en soirée chez la plupart des participants, mais pour les plus jeunes c’est presque exclusivement en famille, autour de la télévision et plutôt le week-end. Parmi les plus âgés, l’usage est plus individuel, principalement centré autour de la console ou du téléphone, et tant la semaine que le week-end. De nouvelles activités telles que l’usage du téléphone, les devoirs, les révisions, ou un travail se substituent alors aux moments en famille, à la lecture ou aux jeux que peuvent adopter les plus jeunes.</p>
<p>Ainsi, la télévision semble être encore investie au fil des années, mais davantage pour l’usage de jeux vidéos ou le visionnage d’un film. Certains parents rappellent que la programmation à la télévision est plus tardive qu’à leur époque, et, de fait, ne constitue plus un repère pour l’heure du coucher en semaine.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/laddiction-aux-ecrans-un-diagnostic-valide-qui-est-touche-194398">L’addiction aux écrans, un diagnostic valide ? Qui est touché ?</a>
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<p>Hormis les écrans, la majorité des jeunes pratique un <a href="https://shs.hal.science/halshs-03879533">loisir, sport ou activité culturelle</a>, au moins un soir par semaine, ce qui peut d’ailleurs modifier les habitudes en soirée (repas, temps d’écrans, temps en famille, heure de coucher). Contrairement à ce que l’on peut penser, certains utilisent les écrans par ennui ou solitude, et il semblerait alors que la télévision peut servir dans ces moments de « bruit de fond » pour pallier au vide, comme le raconte Imane, 11 ans :</p>
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<p>« Ça arrive que je sois toute seule les mercredis et lundi matin parce que maman et mon frère commencent tôt […]. J’allume la télé pour avoir du son. Je joue un peu à mon téléphone ou soit j’ai eu un autre jeu pour mon anniversaire ou je fais des bracelets. »</p>
</blockquote>
<p>Ainsi, la télévision semble souvent être utilisée soit comme un objet transitionnel (vers le sommeil par exemple), soit pour combler un vide, ou bien pour permettre de veiller plus tardivement en famille, plutôt que par un réel intérêt pour les programmes proposés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196415/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ella Louis a reçu des financements de la Fondation Vinci Autoroutes dans le cadre d'un projet de recherche autour des adolescents, du sommeil et des prises de risques.</span></em></p>Quel que soit l’âge, les écrans sont omniprésents dans les soirées des enfants et adolescents. Mais à mesure qu’ils grandissent, les smartphones l’emportent sur la télévision.Ella Louis, Doctorante au Laboratoire Inter-universitaire de Psychologie, Université Savoie Mont BlancLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1943982022-11-16T14:41:21Z2022-11-16T14:41:21ZL’addiction aux écrans, un diagnostic valide ? Qui est touché ?<p>Smartphones, tablettes, ordinateurs, téléviseurs, consoles… Les écrans et Internet font partie de notre quotidien pour une vaste étendue de services, parmi lesquels faciliter notre accès à l’information, traiter des données ou nous divertir. En moyenne, les Français passeraient <a href="https://nordvpn.com/fr/blog/temps-passe-en-ligne/">20 heures par semaine en compagnie d’écrans dans le cadre de leur activité professionnelle, et 36 heures pendant leur temps libre</a>.</p>
<p>Tout en s’avérant profitable dans beaucoup de domaines, cette « cohabitation » avec les écrans a aussi vu émerger des difficultés et certaines inquiétudes, notamment lorsque l’usage est considéré comme excessif – et se trouve alors associé à des problèmes de sommeil, de performances scolaires, etc. L’expression « addiction aux écrans » s’est ainsi installée dans le débat public.</p>
<p>Ce sujet a été particulièrement repris pendant et après les périodes de confinements liées au Covid-19. Mais que peut vraiment dire la recherche sur « l’addiction aux écrans » ? Comment les critères médicaux de l’addiction se comportent-ils lorsqu’on les applique aux écrans ? Et quelle proportion d’usagers d’écrans serait alors concernée ? On se confronte alors à un manque d’études fiables, fondées sur des critères médicaux de l’addiction. Notre recherche récemment publiée apporte des <a href="https://www.jmir.org/2022/7/e31803">éléments de réponse</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<h2>Addiction, de quoi parle-t-on ?</h2>
<p>Quel que soit son objet, l’<a href="https://www.researchgate.net/publication/349110744_Approche_centree_sur_l%E2%80%99addiction_une_revolution">addiction</a> se définit comme la perte de contrôle d’un objet qui était à l’origine une source de gratification pour l’usager.</p>
<p>Il s’agit d’une maladie chronique invalidante, source de détresse, caractérisée par une accumulation de dommages pour la personne atteinte, et sa rechute lors des tentatives de réduction ou d’arrêt. Le principal facteur prédicteur de la rechute est le <a href="https://www.santementale.fr/2021/06/le-craving-predicteur-de-la-rechute/"><em>craving</em>, c’est-à-dire une envie persistante et involontaire de faire usage</a>. Le <em>craving</em> est déclenché par des stimuli (les « <em>cues</em> », propres à la personne et/ou standards), et s’avère un ressenti particulièrement intrusif et déstabilisant qui pousse à l’usage.</p>
<p>Ces points d’addictologie fondamentaux nous permettent de faire une distinction essentielle entre trois modalités d’usage : l’usage sans problème, l’usage problématique (c’est-à-dire avec des dommages de différentes natures, mais sans perte de contrôle durable) et, enfin, l’usage avec addiction (maladie avec perte de contrôle, <em>craving</em> et rechute).</p>
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<p>Dans la <a href="https://www.elsevier-masson.fr/dsm-5-manuel-diagnostique-et-statistique-des-troubles-mentaux-9782294739293.html">nomenclature médicale DSM-5</a>, l’<a href="https://www.researchgate.net/publication/321019980_Diagnosis_of_addictions_Chapter_11_The_Routledge_Handbook_of_the_Philosophy_and_Science_of_Addiction">addiction est diagnostiquée</a> quel que soit son objet en appliquant un tronc commun de critères, avec certains <a href="https://www.edimark.fr/Front/frontpost/getfiles/21185.pdf">ajustements pour les addictions comportementales</a> (jeux d’argent, jeux vidéo). Ces nomenclatures diagnostiques sont régulièrement révisées avec les progrès de la recherche et tendent à s’uniformiser.</p>
<p>Un enjeu scientifique dans le débat sociétal sur les écrans, parfois polémiste, est de rappeler que <strong>l’addiction aux écrans n’est pas à ce jour un diagnostic reconnu</strong>. Cependant, cet état de fait ne signifie pas son inexistence, pas plus que son existence : seulement que c’est une question de recherche importante de notre époque et que davantage d’études scientifiques de qualité sont nécessaires pour passer du débat d’opinion au débat scientifique rationnel.</p>
<h2>Obtenir des données fiables</h2>
<p>Depuis 1994, notre laboratoire étudie les addictions, en particulier via la cohorte de recherche Addiction Aquitaine (ADDICTAQUI) portée en collaboration avec l’hôpital Charles-Perrens. Initialement ouverte aux personnes entamant des soins spécialisés pour les addictions aux substances, cette cohorte a été étendue au cours des années 2000 aux addictions comportementales, « sans substance », dont les écrans (mais aussi les jeux d’argent, les jeux vidéo, le sport, le sexe, l’alimentation…).</p>
<p>Regroupées, les addictions comportementales concerneraient environ 20 à 25 % des 5000 personnes incluses dans la cohorte ADDICTAQUI, avec pour moitié des problématiques liées aux écrans (notamment de jeux vidéo). Il est important de retenir qu’il s’agit ici d’entretiens de recherche réalisés au laboratoire, chez des personnes venant spécifiquement demander de l’aide dans un service spécialisé en addictologie, et non pas de données épidémiologiques en population générale.</p>
<p>Néanmoins, il est aussi possible de mener des recherches de terrain. En témoignent les politiques de « l’aller vers » et « hors les murs », actions de proximités financées par l’ARS (Agence Régionale de Santé) Nouvelle-Aquitaine pour sensibiliser les professionnels non spécialisés et aller au-devant des populations vulnérables sur leur lieu de vie.</p>
<p>Dès 2015, un partenariat transversal s’est ainsi noué entre la recherche scientifique et médicale (Université de Bordeaux et CNRS), l’<a href="https://www.ch-perrens.fr/">hôpital Charles Perrens</a> (pôle addictologie et CSAPA, le Centre de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie), et les habitants et les élus de Martignas-sur-Jalle – à l’initiative de ces derniers. L’objectif de cette coopération était d’étudier les usages d’écrans, qu’ils soient problématiques ou non, à l’échelle de la ville.</p>
<p>Répondant à cette demande, notre laboratoire a saisi l’opportunité d’<a href="https://www.santementale.fr/ddl/pdf/9806fd43c9642e4a9fe5a815c14902bf/">étudier les critères</a> de l’<a href="https://doi.org/10.1016/j.amp.2019.03.013">addiction du DSM-5</a> lorsqu’ils sont appliqués aux écrans, dans la population générale. Les Martignassaises et Martignassais de toutes tranches d’âge ont ainsi pu participer volontairement à cette étude via un questionnaire anonyme sur leurs pratiques d’écran dans les 12 derniers mois (401 participants sur 1200 questionnaires distribués, dont 300 adolescents et adultes de 11 à 84 ans retenus pour les analyses). Ce travail fait aujourd’hui l’objet d’une <a href="https://www.jmir.org/2022/7/e31803">publication dans le Journal of Medical Internet Research</a>.</p>
<p>L’<strong>addiction aux écrans</strong> y a été définie d’après une adaptation des critères du DSM-5 pour l’<a href="https://doi.org/10.1111/add.12457">addiction aux jeux vidéo sur Internet (<em>Internet Gaming Disorder</em></a>). Elle a été établie comme une utilisation persistante et répétée des écrans (téléviseur, ordinateur, smartphone, tablette, console de jeux vidéo) conduisant à une altération du fonctionnement ou une détresse cliniquement significative, comme en témoignent <strong>au moins cinq des manifestations suivantes</strong> sur douze mois minimum :</p>
<ul>
<li><p><strong>Préoccupation</strong> (Passez-vous beaucoup de temps à penser aux écrans, y compris quand vous n’en utilisez pas, ou à prévoir quand vous pourrez en utiliser à nouveau ?)</p></li>
<li><p><strong>Sevrage</strong> (Lorsque vous tentez d’utiliser moins d’écrans ou de ne plus en utiliser, ou lorsque vous n’êtes pas en mesure d’utiliser d’écran, vous sentez-vous agité, irritable, d’humeur changeante, anxieux ou triste ?)</p></li>
<li><p><strong>Tolérance</strong> (Ressentez-vous le besoin d’utiliser des écrans plus longtemps, d’utiliser des écrans plus excitants, ou d’utiliser du matériel informatique plus puissant, pour atteindre le même état d’excitation qu’auparavant ?)</p></li>
<li><p><strong>Perte de contrôle</strong> (Avez-vous l’impression que vous devriez utiliser moins d’écrans, mais que vous n’arrivez pas à réduire votre temps d’écran ?)</p></li>
<li><p><strong>Perte d’intérêt</strong> (Avez-vous perdu l’intérêt ou réduit votre participation à d’autres activités (temps pour vos loisirs, vos amis) à cause des écrans ?)</p></li>
<li><p><strong>Poursuite malgré des problèmes</strong> (Avez-vous continué à utiliser des écrans, tout en sachant que cela entraînait chez vous des problèmes tels que ne pas dormir assez, être en retard à l’école/au travail, dépenser trop d’argent, se disputer, négliger des choses importantes à faire…) ?</p></li>
<li><p><strong>Mentir, dissimuler</strong> (Vous arrive-t-il de cacher aux autres, votre famille, vos amis, à quel point vous utilisez des écrans, ou de leur mentir à propos de vos habitudes d’écrans ?)</p></li>
<li><p><strong>Soulager une humeur négative</strong> (Avez-vous utilisé des écrans pour échapper à des problèmes personnels, ou pour soulager une humeur indésirable (sentiments d’impuissance, de culpabilité, d’anxiété, de dépression)</p></li>
<li><p><strong>Risquer ou perdre des relations ou des opportunités</strong> (Avez-vous mis en danger ou perdu une relation affective importante, un travail ou des possibilités d’étude à cause des écrans ?)</p></li>
</ul>
<p>Les premières données récoltées ont commencé à être partagées en 2017 avec la communauté scientifique aux congrès internationaux d’addictologie <a href="https://cpdd.org/">CPDD (College on Problems of Drug Dependence, États-Unis)</a>), <a href="https://aths-biarritz.com">ATHS (congrès Addiction, Toxicomanie, Hépatites et sida, Biarritz, France)</a> et <a href="https://congresalbatros.org/">ALBATROS (Paris, France)</a>.</p>
<h2>Des premiers résultats importants</h2>
<p>Pour qu’un trouble puisse être médicalement qualifié « d’addiction aux écrans », la personne concernée doit répondre à au moins cinq des neuf critères énoncés précédemment. En l’occurrence, premier résultat important à souligner, il est ressorti qu’<strong>une telle addiction est relativement rare</strong> parmi les adolescents et les adultes de l’échantillon : <strong>1,7 % des 300 participants</strong>. Abaisser le seuil à quatre critères n’apporte pas de changement notable.</p>
<p>Ceci dément une croyance souvent entendue que la majorité des utilisateurs des écrans auraient une « addiction ». Cette valeur était aussi cohérente avec la prévalence de l’addiction aux jeux d’argent, seule addiction comportementale reconnue à ce jour dans le DSM-5. D’autres études pilotes de SANPSY sur l’addiction aux écrans suggèrent des prévalences du même ordre de grandeur chez les adultes, et potentiellement plus élevées chez les plus jeunes (4 à 5 %), tendance qui demande à être confirmée.</p>
<p>Autre résultat important, notre étude révèle que <strong>44,7 % des personnes</strong> ont au moins l’un des neuf critères recherchés. Autrement dit, <strong>la proportion de personnes rencontrant différents problèmes liés à leur usage d’écrans est nettement plus importante</strong> que celle des personnes dont la pratique pourrait être qualifiée « d’addiction » au sens médical. En prenant en compte l’âge et le genre, les participants concernés étaient significativement plus susceptibles de citer l’ordinateur comme écran principal, et comme activités principales les jeux vidéo, les réseaux sociaux et communiquer, suivre les actualités et rechercher des informations.</p>
<p>Cet écart de prévalence important pourrait rendre le groupe « addiction » difficile à distinguer spécifiquement des « usagers avec problèmes, mais sans addiction » pour le public, entretenant ainsi le malentendu « tous addicts aux écrans ».</p>
<h2>Des critères qui sont pertinents</h2>
<p>Mais est-on sûr que les critères « classiques » de l’addiction (historiquement adaptés aux substances, alcool, etc.) sont bien applicables aux écrans ? Pour le vérifier, SANPSY a mené une seconde vague d’analyses en collaboration avec les équipes des Drs Deborah Hasin et Dvora Shmulewitz de l’Université de Columbia (New York, États-Unis).</p>
<p>Ensemble, nous avons appliqué la méthode <em>Item Response Theory</em>, qui est la méthode de référence pour valider les critères diagnostics dans le DSM-5. Les critères utilisés ont bien montré une unidimensionnalité, c’est-à-dire qu’ils mesuraient bien un seul et même diagnostic (l’addiction aux écrans) sur un continuum de sévérité. De plus, ils étaient bien indépendants les uns des autres et ne se « superposaient » pas.</p>
<p>Ces paramètres sont fondamentaux pour la validité de critères diagnostics, et nous avons établi que ces derniers présentaient de bonnes propriétés pour la mesure de l’addiction aux écrans.</p>
<p>Il est à préciser que les critères les plus discriminants pour le diagnostic sont :</p>
<ul>
<li><p>la perte d’intérêt à d’autres activités que les écrans,</p></li>
<li><p>la préoccupation (être souvent absorbé par les écrans, même lorsqu’on n’en utilise pas),</p></li>
<li><p>mentir à propos de sa pratique des écrans ou la dissimuler,</p></li>
<li><p>risquer/perdre des relations ou des opportunités importantes à cause de l’usage d’écrans.</p></li>
</ul>
<h2>Une recherche qui ouvre la voie</h2>
<p>Cette étude de SANPSY, qui mêlait des partenaires scientifiques, médicaux et la population, a pour perspective une meilleure intégration des addictions comportementales dans les nomenclatures médicales et une amélioration de l’offre de soins. Elle a notamment mis en valeur trois résultats importants :</p>
<ul>
<li><p><strong>L’addiction aux écrans serait moins répandue qu’il ne l’est souvent dit (1,7 % des participants</strong> ici). Elle est donc difficile à détecter et nécessite un diagnostic et une offre de soins spécifiques. Il existait cependant bien dans notre étude une catégorie restreinte d’usagers en difficulté pour lesquels les critères médicaux de l’addiction s’appliquent de manière valide.</p></li>
<li><p><strong>Hors addiction, une part très importante de la population (près de 45 %) est confrontée à des problèmes avec des écrans</strong>. Il est donc important d’établir un cadre de recommandations à destination de la population sur l’usage des écrans pour en réduire les risques et les dommages. Pour être utiles, ces recommandations doivent être fondée sur un argumentaire scientifique qui différencie bien usage problématique sans addiction, et usage avec addiction, avec des conduites à tenir spécifiques (car des conseils pour un usage maîtrisé sans une assistance spécifique seront insuffisants lorsqu’il y a addiction).</p></li>
<li><p>Enfin, les critères diagnostics testés ont montré de bonnes propriétés pour la mesure de l’addiction aux écrans. En particulier, ils permettraient de bien identifier les deux catégories précédemment citées pour intervenir le plus tôt possible de manière adéquate, dans une logique de repérage précoce et intervention brève. À ce titre, <strong>la perte de contrôle, l’accumulation de dommages, le <em>craving</em> et la rechute, lorsqu’ils se font chroniques, devraient être interprétés comme des signaux d’alerte</strong>, et inciter de prendre l’avis de son professionnel de santé et/ou de consulter un addictologue.</p></li>
</ul>
<p>La mise à jour des nomenclatures diagnostiques est un processus long et rigoureux, critique et itératif, qui nécessite la confrontation d’études objectives et valides. Dans le débat sur l’addiction aux écrans, où peu d’études solides sont disponibles, notre article ne tranche pas à lui seul la question. Cependant, parce qu’il se fonde sur les critères médicaux de l’addiction étudiés avec des méthodes de référence, mais aussi parce qu’il s’agit d’une enquête de terrain, il constitue un jalon important.</p>
<p>À terme, il est donc possible et plausible que l’évolution des connaissances amène un nouveau diagnostic d’addiction pour les écrans, comme il en a été pour les jeux d’argent en 2013.</p>
<hr>
<p><em>Avant publication, les premiers résultats de l’étude ont été présentés à Martignas-sur-Jalle, le 22 novembre 2016, lors d’une réunion de la commission « Addiction aux écrans » du CLSPD (Conseil Local de Sécurité et de Prévention de la Délinquance), puis lors d’une réunion d’information publique pour tous les habitants le 8 décembre 2016. Une autre présentation a été faite en novembre 2018 lors de la soirée débat « L’enfant face aux écrans, si on en parlait ? » organisée par la ville de Martignas-sur-Jalle avec les professionnels et usagers (parents et enfants) des structures de la petite enfance.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194398/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Auriacombe par l'intermédiaire de l'Université de Bordeaux ou sa Fondation, outre des financements d'organismes publiques ou gouvernementaux français et européen a reçu des financements d'industriels du médicaments. Par l'intermédiaire du CH Charles Perrens et du CHU de Bordeaux, Marc Auriacombe a reçu des financements d'agence de santé gouvernementale.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-Marc Alexandre et Mathieu Boudard ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>« Addiction aux écrans… » L'expression est passée dans le langage courant, mais le phénomène est-il bien établi scientifiquement ? Voici comment il est mesuré et son emprise réelle dans la population.Jean-Marc Alexandre, Attaché de recherche, Pôle InterEtablissement d'addictologie CH Charles Perrens - CHU de Bordeaux et Laboratoire SANPSY UMR 6033 CNRS, Université de BordeauxMarc Auriacombe, Professeur d'addictologie et psychiatrie, Université de BordeauxMathieu Boudard, Psychiatre/Addictologue, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1876842022-10-23T15:28:44Z2022-10-23T15:28:44ZNouvelles drogues : les cathinones de synthèse circulent de plus en plus en France<p>Méphédrone, 4-MEC, 3-MMC, 3-CMC, MDPV, α-PVP… Depuis la fin des années 1990 et le milieu des années 2000, le marché des drogues « récréatives » a vu déferler des dizaines de nouvelles substances aux noms barbares, les cathinones de synthèse.</p>
<p>Faisant partie des « nouveaux produits de synthèse », commercialisés notamment sur Internet sous les appellations « sels de bain », « engrais », « produits chimiques destinés à la recherche non consommable par l’être humain » et autres « designer drugs », tous ces composés ont en commun d’avoir été produits à partir d’une même molécule, la cathinone, par modification chimique.</p>
<p>Cette dernière n’est pas une nouvelle venue, puisqu’il s’agit d’un des principes psychoactifs du khat (<em><a href="https://www.mnhn.fr/fr/khat">Catha edulis</a></em> Forsk), une plante consommée dans les régions de la mer Rouge pour ses propriétés psychoactives depuis le X<sup>e</sup> siècle au moins, et probablement depuis l’Antiquité.</p>
<p>Substances stimulantes et empathogènes, disponibles sur Internet, les cathinones de synthèse sont source de nombreuses complications et d’addiction. Elles étaient consommées initialement dans les milieux de connaisseurs des substances psychotropes, notamment dans le cadre du chemsex pratiqué principalement par des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. Cependant, depuis quelque temps ces nouveaux produits de synthèse <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26074740/">semblent avoir dépassé ce cadre</a>.</p>
<h2>Une consommation ancienne</h2>
<p>Consommer du khat est une coutume ancestrale dans les régions qui bordent la mer Rouge. <a href="https://uses.plantnet-project.org/fr/Catha_edulis_(PROTA)">Cet arbuste au feuillage persistant</a>, qui se couvre après la saison des pluies de grappes de minuscules fleurs blanches, est probablement originaire des hauts plateaux du sud-ouest de l’Éthiopie. Présent de l’Érythrée jusqu’à l’Afrique du Sud, le khat est cultivé dans la région de la corne de l’Afrique, autour du golfe d’Aden (est de l’Éthiopie, région du Somaliland, Yémen).</p>
<p>Ses propriétés stimulantes auraient été mises à profit dès l’Antiquité par les Égyptiens, qui l’auraient utilisé lors de cérémonies mystiques visant à faire atteindre à l’homme un rang divin. Les premières traces scientifiques de consommation du khat sont mentionnées au début du X<sup>e</sup> siècle par l’érudit persan Al Biruni. À partir du XIII<sup>e</sup> siècle, le <a href="https://www.ohioswallow.com/book/Leaf+of+Allah">khat était consommé au sud de la péninsule arabique</a> par les guerriers pour combattre la fatigue et avoir du courage, ainsi que par les marchands pour supporter l’ennui.</p>
<p>En France, le khat est interdit depuis l’arrêté du 20 février 1957 et figure sur la liste des stupéfiants fixée par l’arrêté du 19 juillet 1995.</p>
<h2>Du khat aux cathinones de synthèse</h2>
<p>Le khat a été décrit scientifiquement pour la première fois par le botaniste suédois, Peter Forskäl, durant son expédition en Égypte et au Yémen entre 1761 et 1763. Il recevra son nom officiel en 1775.</p>
<p>Dès 1887, le pharmacien, chimiste et botaniste suisse Friedrich August Flückiger et le pharmacien français Jules-Ernest Gérock isolent la substance psychoactive contenue dans les feuilles de khat et la nomment « katin ». En 1930, Wolfes identifie la nor-pseudoéphédrine, encore appelée « cathine », une substance que l’on trouve également dans une autre plante « l’éphédra ». En 1975, des recherches ont mené à la découverte d’une autre substance psychoactive, l’α-aminopropiophénone, aussi appelée cathinone.</p>
<p>La cathine et la cathinone sont responsables des principaux effets recherchés par les consommateurs de khat. Toutes deux figurent respectivement dans les tableaux I et III de la convention des Nations unies sur les substances psychotropes de 1971. La cathinone est la molécule la plus psychoactive, mais elle est labile et instable. Elle se transforme rapidement en cathine, dix fois moins active, et en nor-éphédrine.</p>
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<p>Les <a href="https://www.cairn.info/revue-psn-2018-1-page-33.htm">cathinones de synthèse commercialisées sont apparentées à la cathinone</a>, mais elles n’existent pas à l’état naturel : elles sont élaborées à partir de nombreuses réactions chimiques. Elles se présentent sous forme de poudre amorphe ou cristalline blanche ou brune, plus rarement sous forme de gélules, d’e-liquide, de comprimés.</p>
<p>Vendues principalement sur Internet sous l’appellation de sels de bain, de substances fertilisantes, de produits chimiques destinés à la recherche, elles portent également différents noms de rue et de soirée, comme miaou miaou, top cat, etc.</p>
<h2>Que recherche l’usager ?</h2>
<p><a href="https://www.edimark.fr/lettre-psychiatre/cathinones-synthese-chemsex-slam-phenomene-inquietant">Les cathinones de synthèses sont consommées de différentes façons</a> : par voie orale, parfois enroulées dans du papier à cigarettes (« bombing » ou « parachutes » comme avec la MDMA), intranasale (« sniff »), intraveineuse (« slam », une pratique répandue lors de <a href="https://theconversation.com/chemsex-les-dessous-de-lalliance-dangereuse-du-sexe-et-des-amphetamines-157804">fêtes chemsex</a>), intrarectale (« plug »). Les voies inhalée (fumée ou vapotage) ou intraoculaire (eyeballing) sont également rapportées.</p>
<p>Parmi les effets recherchés, citons une sensation d’euphorie, de bien être, une vigilance accrue, une accélération des pensées, une excitation motrice, de l’empathie, une augmentation du contact social, un accroissement de l’appréciation de la musique, de la stimulation et de la performance sexuelle, une conduite dopante (travail très augmenté).</p>
<p>Les cathinones de synthèse ont un réel potentiel addictif, avec un phénomène de tolérance pharmacologique qui pousse l’usager à augmenter les doses et un syndrome de manque. Celui-ci est caractérisé par une asthénie (fatigue), une anergie (dysfonctionnement du système immunitaire), une humeur triste, une perte de motivation et de plaisir ressenti (anhédonie), une anxiété, des troubles du sommeil, des troubles de la concentration, des palpitations et des maux de tête. Le craving (besoin irrépressible de consommer ces produits), l’anhédonie et l’anergie peuvent persister plusieurs semaines.</p>
<p>En plus de ces problèmes d’addiction, la consommation des cathinones de synthèse s’accompagne de nombreuses complications.</p>
<h2>Un cortège de complications</h2>
<p>Les complications qui peuvent survenir à la suite de la consommation de cathinones de synthèses sont nombreuses, et varient selon les usagers. Elles peuvent être à la fois physiques, psychiatriques, addictologiques et sociales.</p>
<p>Sur le plan physique, on constate chez certains consommateurs une asthénie, de la fièvre, des bouffées de chaleur, des sueurs, une sécheresse de la bouche, et parfois des cauchemars. Sur le plan neurologique, des maux de tête, des vertiges, des tremblements ou des crises convulsives sont possibles.</p>
<p>Les cathinones de synthèse sont par ailleurs toxiques sur le plan cardiovasculaire, pouvant provoquer tachycardie, hypertension artérielle, douleur thoracique, palpitations, dyspnée, ou myocardite. Il en est de même sur le plan ORL, avec des saignements de nez, des douleurs nasales ou oropharyngées, des lésions de la cloison nasale, des acouphènes, du bruxisme, ainsi que sur le plan digestif (douleurs abdominales, perte d’appétit, nausées, vomissements, atteinte du foie).</p>
<p>En outre, le partage du matériel de consommation (seringues, pailles) et les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33328844/">comportements sexuels à risque</a> qui peuvent survenir lors de la prise de ces substances accroissent les risques d’infections (VIH, infections sexuellement transmissibles, virus de l’hépatite B ou C) ou de survenue d’abcès aux points d’injection, de dommages veineux, d’anomalies de la coagulation, etc.</p>
<p>Sur le plan psychiatrique, en pratique clinique il a été fréquemment rapporté de l’anxiété, des crises d’angoisse prolongées, des hallucinations, de la paranoïa, une insomnie, des idées suicidaires, et des troubles cognitifs : problèmes de mémoire, d’attention, de concentration, de prise de décision. Un trouble délirant aigu, un épisode dépressif sont possibles. La consommation de ces substances peut aussi être à l’origine d’une décompensation de troubles psychiatriques préexistants.</p>
<p>Comme souligné dans le <a href="https://www.drogues.gouv.fr/nouveaux-produits-de-synthese-un-guide-actualise-et-une-appli-pour-une-meilleure-prise-en-charge">guide sur les nouvelles substances psychoactives</a>, de nombreux cas de décès ont été rapportés entre 2009 et 2019. 35 décès impliquant une ou plusieurs cathinones de synthèse sont rapportés par le réseau d’addictovigilance.</p>
<h2>Une consommation en augmentation chez les jeunes</h2>
<p>Chez les jeunes adultes âgés de 15 à 34 ans, l’usage de nouvelles substances psychoactives varie de 0,1 % en Lettonie à 5,1 % en Roumanie. Parmi les élèves, l’<a href="https://www.ofdt.fr/enquetes-et-dispositifs/projets-termines/espad/">enquête ESPAD 2019</a> a estimé que la consommation de nouvelles substances psychoactives au cours de la vie variait de 0,9 % à 6,6 %, avec une consommation de cathinones de synthèse au cours de la vie comprise entre 0,2 % et 2,5 %.</p>
<p>Les nouvelles drogues de synthèse sont passées <a href="https://www.leparisien.fr/societe/sante/cest-la-nouvelle-cocaine-alerte-sur-la-3-mmc-la-drogue-de-synthese-de-plus-en-plus-prisee-02-06-2022-UYGNKJ6VGJABJG7GZCKCK3KEOM.php">d’un milieu confidentiel à un milieu plus large</a>, <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/07/26/les-drogues-de-synthese-sont-passees-de-milieux-confidentiels-a-une-utilisation-plus-large_6136180_3224.html">comme en atteste la diffusion de la 3-MMC</a></p>
<p>En 2020, 38 passages aux urgences pour toxicité médicamenteuse aiguë dans 5 hôpitaux du réseau Euro-DEN Plus étaient liées à la 3-MMC. Des cathinones de synthèse étaient retrouvées dans plus de 50 % des 1166 seringues usagées analysées par le réseau ESCAPE de 7 villes européennes en 2020, notamment à Budapest et à Paris.</p>
<h2>Un trafic en forte hausse</h2>
<p>Fin 2021, l’Observatoire Européen des Drogues et Toxicomanie <a href="https://www.ofdt.fr/publications/collections/periodiques/drogues-chiffres-cles/drogues-et-addictions-chiffres-cles-9e-edition-2022/">surveillait 162 cathinones de synthèse</a>, ce qui en faisait la seconde catégorie la plus importante de nouvelles substances psychoactives suivies par le système d’alerte précoce de l’Union européenne, après les cannabinoïdes de synthèse.</p>
<p>Estimées à 0,75 tonne en 2019, les saisies de ces substances ont augmenté pour atteindre 3,3 tonnes en 2020. D’importantes saisies ont continué à être signalées en 2021 et 2022. Ces augmentations sont essentiellement dues aux saisies à grande échelle de N-éthylhexdrone, de 3-MMC et de 3-CMC (la disponibilité de ces dernières a d’ailleurs augmenté depuis 2020).</p>
<p>La plupart des quantités importantes de cathinones de synthèse saisie en 2020 provenaient d’Inde et, avant cela, de Chine. D’autres pays semblent avoir des capacités de production de nouvelles substances psychoactives et de précurseurs à destination de l’Europe. En 2020, 15 sites de production de cathinone de synthèse ont été démantelés aux Pays-Bas et en Pologne. Les saisies de précurseurs qui permettent de les fabriquer ont aussi augmenté, passant de 438 kg en 2019 à 860 kg en 2020, en Allemagne et aux Pays-Bas.</p>
<p>Le chef de file des dérivés synthétiques est la méphédrone (4-MMC), détectée en 2008. En juin 2010, la France était le neuvième pays européen à interdire la méphédrone, après l’Angleterre où 25 décès ont été imputés à cette substance. Les autres substances les plus populaires sont la 3-MMC, la 3 ou 4-MEC, la méthylone, la MDPV. Comme autres cathinones, sont retrouvés, entre autres, la 3-FMC, la 4-FMC, la buphedrone, la butylone, la méthédrone, l’α-PVP, la naphyrone, la PPP. Il existe également des mélanges de cathinones de synthèse sous la dénomination commerciale NRG avec des chiffres 1, 2 ou 3…</p>
<p>Rappelons pour terminer qu’en France, toute molécule dérivée de la cathinone et répondant à <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000026246525/">l’arrêté « stupéfiants » publié au Journal Officiel le 2 août 2012</a> est interdite. <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000033421413">L’alpha-PVP est considérée comme un stupéfiant</a>, ainsi que les substances comme la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000035780122">4-MEC, la pentédrone ou l’éthylone</a>.</p>
<hr>
<p><strong><em>Pour aller plus loin :</em></strong></p>
<p><em>- <a href="https://podcasts.audiomeans.fr/addiktion-98e77f1dfa06">Podcast Addiktion</a>, saison 1 ; Saison 2 à partir du 18 octobre</em></p>
<p><em>- Karila L. <a href="https://www.fayard.fr/documents-temoignages/na-quune-vie-9782213716664">« On n’a qu’une vie »</a>, Fayard.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187684/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Karila est membre de SOS ADDICTIONS, de la Fédération Française d'Addictologie
a reçu des honoraires des laboratoires ethypharm, zentiva pour de la formation médicale continue </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Amine Benyamina ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le khat est consommé traditionnellement sur les bords de la mer Rouge pour ses propriétés stimulantes. Depuis une vingtaine d’années, des drogues dérivées de son principe actif circulent en France.Laurent Karila, Professeur d’Addictologie et de Psychiatrie, Membre de l’Unité de Recherche PSYCOMADD, Université Paris-SaclayAmine Benyamina, Amine Benyamina, professeur de psychiatrie et addictologie, président de la Fédération Française d'Addictologie, AP-HPLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1897362022-09-27T13:25:48Z2022-09-27T13:25:48ZDes médicaments numériques qui bousculent les codes du monde pharmaceutique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/486336/original/file-20220923-17085-u3iw96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C994%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Parmi toutes les thérapies numériques proposées sur le marché, seulement une infime partie reçoit une homologation de la part d'une autorité de régulation, permettant ainsi en plus de sa commercialisation, son remboursement.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>C’est en 2017, dans le contexte de la crise des opioïdes, que la FDA (<a href="https://www.fda.gov/">Food and Drug Administration</a>) a pour la première fois homologué un « médicament numérique » ou DTx. Il s’agit du produit <a href="https://peartherapeutics.com/products/reset-reset-o/#:%7E:text=reSET%20is%20indicated%20as%20a,their%20primary%20substance%20of%20abuse.">« reSET »</a> de <a href="https://peartherapeutics.com/">Pear Therapeutics</a>. reSET est un dispositif qui consiste en un programme de douze semaines pour traiter les troubles liés à la consommation de substances causant une dépendance (cannabis, cocaïne ou alcool), par le recours à des techniques comportementales et cognitives.</p>
<p>C’est un peu comme si on se basait sur l’idée que les technologies numériques, dès lors considérées comme médicaments, pouvaient « réinitialiser » (<em>reset</em>) les erreurs du passé. Et on se souviendra que les effets délétères de certains médicaments addictifs sont en partie la responsabilité de cette même agence de régulation.</p>
<p>Au delà de cette coïncidence porteuse de sens, comment comprendre l’émergence de cette nouvelle classe de dispositifs thérapeutiques numériques ? Et surtout, quels sont les processus par lesquels des technologies numériques deviennent non seulement des produits de santé, mais aussi des médicaments validés, prescrits et éventuellement remboursés par les assurances collectives privées ou publiques ?</p>
<p>Nous proposons d’apporter un éclairage sur les manières dont les DTx invitent à repenser la pharmaceuticalisation, qui peut être définie comme le processus par lequel les médicaments pharmaceutiques deviennent des solutions à des problèmes de santé plus globaux. La nuance avec les DTx, c’est que le processus d’évaluation et d’approbation réglementaire, qui permet de garantir sécurité, efficacité et rentabilité économique, vise leur forme numérique (et non leur chimie ou leur biologie). Il s’agirait en fait d’<strong>un mode d’encapsulation du numérique</strong>. Voyons comment.</p>
<h2>Les différents types de DTx</h2>
<p>D’abord, il est indispensable de distinguer les DTx des « applications de bien-être ». Toutes les thérapies numériques proposées sur le marché ne sont pas des médicaments numériques. Les DTx se distinguent en ceci qu’ils reçoivent une homologation de la part d’une autorité de régulation, permettant ainsi, en plus de sa commercialisation, son remboursement. C’est ce que la FDA nomme les <a href="https://www.canada.ca/en/health-canada/services/drugs-health-products/medical-devices/application-information/guidance-documents/software-medical-device-guidance-document.html">« Software as a Medical Device (SaMD) »</a>.</p>
<p>Il faut donc bien distinguer la santé numérique (regroupant des applications et autres <em>techs</em> qui ne nécessitent pas de preuves cliniques), la médecine numérique (qui s’appuie sur des preuves cliniques, mais sans nécessairement requérir une approbation réglementaire) et les thérapies numériques (qui nécessitent une approbation réglementaire).</p>
<p>Les thérapies numériques fonctionnement toute ou presque via une application et traitent essentiellement des maladies chroniques. On distingue trois branches distinctes de médicaments numériques. Premièrement, on retrouve les médicaments numériques basés sur la <em>gamification</em>, sous la forme de jeux vidéos. On parle par exemple du jeu vidéo <a href="https://www.somryst.com/">« Somryst »</a>, approuvé par la FDA, qui traite l’insomnie chronique chez des patients adultes.</p>
<p>Deuxièmement, on répertorie les médicaments numériques basés sur la mobilisation des sens, ou thérapies numériques sensitives. <a href="https://lucine.fr/">« Lucine »</a>, une thérapie numérique personnalisée pour soulager la douleur chronique, en est un bon exemple. Avec Lucine, le traitement se fait à partir de la diffusion de sons, d’images ou encore de lumières.</p>
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<figcaption><span class="caption">Lucine, une thérapie numérique pour soulager la douleur chronique.</span></figcaption>
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<p>Enfin, on retrouve les médicaments numériques en tant qu’applications de suivi. Par exemple, <a href="https://www.diabeloop.fr/">« Diabeloop »</a> est une application d’autonomisation des suivis à partir d’un algorithme autoapprenant, dévelopée pour les personnes diabétiques. Cette thérapie est approuvée par les autorités françaises et peut être remboursée par certains types d’assurances.</p>
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<figcaption><span class="caption">Diabeloop, jeune entreprise qui favorise l’intelligence collective.</span></figcaption>
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<h2>Avec ou sans médicament</h2>
<p>Les DTx ne sont pas seulement des dispositifs virtuels ; elles peuvent aussi être déployées en complémentarité avec des dispositifs physiques existants. En effet, on relève deux stratégies différentes déployées par les géants de l’industrie pharmaceutique : « standalone » ou « around the pill ». Dans la première configuration <a href="https://www.smartpatient.eu/blog/digital-therapeutics-and-pharma-how-novartis-sanofi-et-al-embrace-dtx">« standalone »</a> (DTx indépendante), la compagnie crée une thérapie numérique entièrement nouvelle pour traiter une maladie. Dans la configuration <a href="https://www.smartpatient.eu/blog/digital-therapeutics-and-pharma-how-novartis-sanofi-et-al-embrace-dtx">« around-the-pill »</a> (DTx en soutien à un médicament existant), la compagnie va plutôt chercher à développer un traitement numérique complémentaire à l’usage d’un médicament existant.</p>
<p>Par exemple, <a href="https://support.diabeloop.com/hc/fr/articles/360012884760-Qu-est-ce-que-le-DBLG1-">l’algorithme « DBLG1 »</a> développé par Diabeloop, est associé à un capteur de glucose en continu (CGM) et une pompe à insuline. Toutes les cinq minutes, un résultat de glycémie est envoyé à un terminal via la technologie Bluetooth. L’intelligence artificielle DBLG1 analyse les données en temps réel et calcule la juste dose d’insuline à administrer selon les paramètres biologiques personnalisés du patient (âge, poids, vitesse d’élimination) ainsi que les informations renseignées (repas, activité physique). Le corps est ainsi calculé, numérisé. Et les données générées lui reviennent sous forme d’injection d’insuline.</p>
<p>Cette approche « around the pill » est un exemple d’un DTx qui ne remplace pas un médicament ordinaire, mais fonctionne en parallèle pour traiter un aspect de la maladie qu’un médicament ne peut résoudre seul.</p>
<p>A noter que le <a href="https://www.juniperresearch.com/researchstore/key-vertical-markets/digital-therapeutics-market-research-report">développement</a> d’une DTx est estimé à trois à quatre ans en moyenne contre plus de vingt ans pour le développement d’une molécule. Une rapidité qui favorise un rapprochement entre industries du numérique et pharmaceutique, pour certains types de traitements.</p>
<h2>De nouvelles alliances numériques et pharmaceutiques</h2>
<p>Basée aux États-Unis, la <a href="https://dtxalliance.org/">« Digital Therapeutics Alliance (DTA) »</a> est l’association des parties prenantes de ce nouveau secteur. Elle a pour mission d’étendre l’adoption, la couverture et l’accès aux DTx validées cliniquement. En s’engageant directement auprès des fonctionnaires fédéraux et en soumettant des commentaires sur les règles et réglementations proposées, la DTA « veille » à ce que les intérêts de ses membres soient pris en compte dans les décisions politiques qui auront un impact économique. Membres parmi lesquels on retrouve Pear therapeutics, Roche, Bayer et Novartis.</p>
<p>Aux États-Unis, la mise sur le marché du médicament numérique « reSET » a été menée en étroite collaboration avec <a href="https://www.sandoz.ca/fr">Sandoz</a>, une filiale du groupe pharmaceutique <a href="https://www.novartis.ca/fr">Novartis</a>. Bien que le partenariat entre Pear Therapeutics et Sandoz ait été résilié (apparente divergence sur la vision long terme autour des objectifs stratégiques), il n’en demeure pas moins que la compagnie Pear Therapeutics a acquis une forte expertise pour transformer ses thérapies numériques en médicaments reconnus.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1542145990366576641"}"></div></p>
<p>L’entreprise compte aujourd’hui trois DTx homologués : <a href="https://peartherapeutics.com/products/reset-reset-o/#:%7E:text=reSET%20is%20indicated%20as%20a,their%20primary%20substance%20of%20abuse.">« reSET »</a> (traitement contre les dépendances), <a href="https://peartherapeutics.com/products/reset-reset-o/#:%7E:text=reSET%20is%20indicated%20as%20a,their%20primary%20substance%20of%20abuse.">« reSET-O »</a> (traitement contre la dépendance aux opioïdes), et <a href="https://www.somryst.com/">« Somryst »</a> (traitement contre les insomnies). Mais surtout, l’entreprise, fondée à Boston, présente sur son site Internet une liste impressionnante de produits en cours de développement comme en témoigne <a href="https://peartherapeutics.com/science/product-pipeline/">« son pipeline »</a>.</p>
<p>Dans son dernier <a href="https://peartherapeutics.com/pear-therapeutics-announces-operational-performance-metrics-for-full-year-2021-and-reaffirms-financial-and-operational-performance-metrics-for-full-year-2022/">rapport d’activité</a>, Pear Therapeutics faisait état d’une multiplication par 4 des prescriptions pour l’ensemble des trois produits labellisés par la FDA entre 2021 et 2022 et un accès élargi aux patients avec les assurances des états du Michigan et de l’Oklahoma, représentant une croissance de l’ordre de 20 %. Des indicateurs qui plaisent aux marchés financiers.</p>
<h2>Les enjeux de la pharmaceuticalisation du numérique</h2>
<p>Au final, ces nouvelles alliances entre compagnies numériques et pharmaceutiques laissent entrevoir des pratiques de capture économique et de marchandisation de la santé, déjà bien connues. Mais ce phénomène est également « innovant », comme on aime à dire dans le secteur, puisqu’il s’appuie sur une mise en forme pharmaceutique du numérique.</p>
<p>Plusieurs questions demeurent en suspens. Comment les médecins vont-ils prescrire ces médicaments numériques ? Comme le montrent les <a href="https://smarthealth.live/fr/2021/11/30/retour-sur-the-state-of-digital-therapeutics-2021/">chiffres en Allemagne</a>, il semblerait que les médecins généralistes ne soient pas encore prêts. Voudront-ils entrer dans une relation clinique numérique avec leurs patients ?</p>
<p>Des effets thérapeutiques de ces médicaments découleront des effets secondaires non négligeables, notamment une dépendance aux écrans ou aux environnements numériques. De quel type de pharmacovigilance devons-nous nous doter pour assurer un usage sécuritaire de ces médicaments ?</p>
<p>De plus, les enjeux des médicaments numériques ne graviteront pas seulement autour de la santé du patient, mais concerneront aussi la protection et la valorisation de ces données, dans un contexte de fortes attentes économiques.</p>
<p>Voilà l’ampleur de la tâche qui attend les régulateurs et une nécessaire « santé publique numérique », notamment au Canada, qui n’a encore que peu d’expérience en la matière.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189736/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cécile Petitgand est fondatrice et directrice de l'entreprise Data Lama, spécialisée en gestion des données. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-Christophe Bélisle-Pipon, Léo Cadillac et Pierre-Marie DAVID ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les thérapies numériques se distinguent en ceci qu’ils reçoivent une homologation de la part d’une autorité de régulation, permettant ainsi en plus de sa commercialisation, son remboursement.Pierre-Marie DAVID, Professeur adjoint, Université de MontréalCécile Petitgand, Coordonnatrice de l’initiative d’accès aux données de la Table nationale des directeurs de la recherche du Ministère de la santé et des services sociaux (MSSS), Université de MontréalJean-Christophe Bélisle-Pipon, Assistant Professor in Health Ethics, Simon Fraser UniversityLéo Cadillac, Etudiant en maîtrise de sociologie, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1874452022-09-05T22:54:48Z2022-09-05T22:54:48ZInterdire les téléphones à l’école : est-ce vraiment une bonne solution ?<p>Au Royaume-Uni, <a href="https://www.ofcom.org.uk/__data/assets/pdf_file/0024/234609/childrens-media-use-and-attitudes-report-2022.pdf">dès l’âge de 11 ans</a>, la plupart des enfants possèdent un téléphone. En Chine, c’est à un âge encore plus précoce qu’ils en obtiennent un, puisque <a href="https://www.chinadaily.com.cn/a/202104/13/WS6074ec6ea31024ad0bab50c1.html">88 % des élèves</a> du premier au troisième degré scolaire (c’est-à-dire âgé de 6 ans à 8 ans) auraient leur propre portable.</p>
<p>Ces téléphones, ils sont donc susceptibles de les emmener avec eux à l’école – encouragés en ce sens <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1099-0860.2008.00166.x">par leurs parents</a>, qui y voient un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1099-0860.2008.00166.x">intérêt pour leur sécurité</a>. Cependant, les établissements scolaires peuvent les considérer comme des sources de distraction. En France, leur utilisation est <a href="https://www.forbes.com/sites/alexledsom/2019/08/30/the-mobile-phone-ban-in-french-schools-one-year-on-would-it-work-elsewhere/">interdite pendant les heures de classe</a>. Ceci dit, une telle mesure est difficile à faire respecter, comme l’ont montré des <a href="https://doi.org/10.1016/j.chb.2014.05.011">recherches auprès d’enseignants chinois</a>.</p>
<p>L’alternative serait de prendre acte dans les règlements scolaires de la présence désormais incontournable des smartphones dans nos vies quotidiennes. <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/chso.12583">Nos travaux</a> suggèrent que les élèves, même en primaire, ont la maturité nécessaire pour contribuer à la mise en place de telles politiques.</p>
<h2>Réguler les usages</h2>
<p>Si <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/AEA-05-2021-0112/full/html">certaines recherches</a> ont mis en avant que l’interdiction du téléphone portable pouvait améliorer les résultats scolaires des élèves, en particulier ceux <a href="https://cep.lse.ac.uk/pubs/download/dp1350.pdf">issus de milieux défavorisés</a>, ce constat ne se retrouve pas de manière systématique dans <a href="https://doi.org/10.1016/j.econedurev.2020.102009">d’autres études</a>.</p>
<p>Ces incohérences d’une étude à l’autre peuvent s’expliquer par le fait qu’elles se sont focalisées sur des groupes d’âge différents, sans beaucoup tenir compte de la maturité des enfants et de leur motivation scolaire. Ce n’est pas anodin dans la mesure où, avec l’âge, les enfants peuvent avoir recours à leur portable de manière plus appropriée.</p>
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<p>On a par exemple observé que des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/00313831.2020.173913">élèves de 18 ans</a> n’utilisaient leurs téléphones que dans les interclasses, avant le début ou à la fin d’un cours, en attendant l’arrivée d’un prof. De plus, il s’agissait souvent d’une activité individuelle, ne perturbant pas l’apprentissage. Mais il semble peu probable que des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/10438599.2018.1559786?journalCode=gein20">adolescents plus jeunes</a>, ou des enfants, se comportent de la même façon.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ZpylIPTRG7I?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">reportage dans un collège en 2018 (France-3 Provence-Alpes-côte d’Azur).</span></figcaption>
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<p>D’autre part, plutôt que de considérer les téléphones mobiles comme des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1002/hbe2.229">sources de distraction</a>, on pourrait s’en servir pour encourager les élèves à <a href="https://doi.org/10.1080/0161956X.2019.1702426">s’engager dans leurs apprentissages</a>. Une initiative comme <a href="https://files.eric.ed.gov/fulltext/EJ1099110.pdf">« Bring your own device »</a>, testée dans des établissements du secondaire en Nouvelle-Zélande, a permis de constater que les compétences numériques des élèves s’amélioraient lorsqu’ils étaient incités à apporter leurs propres smartphones et tablettes en cours, et dans ce cadre, on voit aussi augmenter les échanges au sein de la classe, tout comme entre les élèves et leurs profs.</p>
<p>Au lieu d’interdire purement et simplement les téléphones, les écoles pourraient envisager des politiques intégrant un certain nombre de <a href="https://www.childnet.com/resources/digital-resilience/">savoir-faire numériques</a> et sensibilisant les jeunes aux risques des écrans et des réseaux. Outre la réduction des distractions possibles dans les activités d’apprentissage, cela permettrait de favoriser de meilleurs usages au quotidien des smartphones, ce qui serait particulièrement précieux pour les enfants qui, par définition, ont plus de mal à <a href="https://doi.org/10.1080/10438599.2018.1559786">réguler leur recours au numérique</a>.</p>
<h2>Discuter avec les familles</h2>
<p>Il est important de prendre en considération les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0360131516302305">points de vue</a> de toutes les personnes impliquées sur le sujet : les enseignants, chargés de mettre en œuvre la politique d’établissement, les élèves, auxquels ils s’adressent, et les parents, susceptibles d’influencer le respect des règles par leurs enfants.</p>
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<p>Dans <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/chso.12583">nos recherches</a>, nous avons mené des entretiens en binôme avec des parents et leurs enfants de 10 ou 11 ans. D’abord, nous leur avons posé quelques questions sur la manière dont ils appréhendent les bénéfices et les risques des téléphones à l’école. Puis, nous leur avons présenté un panel de règlements scolaires pour qu’ils nous disent ce qu’ils en pensent.</p>
<p>Selon les résultats, parents comme enfants jugent que les téléphones sont importants pour rester en contact, tout en étant conscients de leurs risques dans le cadre scolaire, du harcèlement jusqu’aux accès à Internet. Ni les uns ni les autres ne soutiennent une politique d’interdiction totale des portables.</p>
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<p>Les enfants ont participé aux discussions avec beaucoup de maturité, surprenant parfois leurs parents par leur considération des risques. Ils savent bien faire la part des choses entre ce qui relève d’une utilisation appropriée et de ce qui ne l’est pas. De plus, en collaboration avec leurs parents, ils ont été capables de proposer des idées de règlements intérieurs et des solutions pour faire respecter ceux-ci. Un duo parent/enfant a suggéré un rôle de « préfet du téléphone » qui disposerait d’un téléphone mobile de classe que les enfants et les parents pourraient utiliser pour se contacter pendant la journée, si nécessaire.</p>
<p>L’implication des jeunes et de leurs parents dans l’élaboration des politiques d’établissement permet d’augmenter leur efficacité, et même <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/15213269.2018.1433544">réduire</a>, de manière plus générale, les usages qui posent problème. La consultation des familles est par exemple déjà recommandée en <a href="https://www.webwise.ie/teachers/considerations-for-smartphone-use-in-schools/">Irlande</a> en ce qui concerne les règlements en matière de téléphonie mobile.</p>
<p>Interdire totalement les téléphones à l’école pourrait alors revenir à manquer une occasion d’engager et de former les nouvelles générations à un usage responsable des mobiles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187445/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Interdire totalement les téléphones à l’école ne revient-ils pas à manquer une occasion de former les nouvelles générations à un usage responsable des mobiles ?Sarah Rose, Senior Lecturer in Psychology and Child Development, Staffordshire UniversityJennifer Taylor, Senior Lecturer in Qualitative Psychological Research Methods, Staffordshire UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.