tag:theconversation.com,2011:/us/topics/air-france-klm-120089/articlesAir France-KLM – The Conversation2022-09-08T19:20:53Ztag:theconversation.com,2011:article/1898232022-09-08T19:20:53Z2022-09-08T19:20:53ZLa grande pagaille de l’été dans l’aérien s’explique (aussi) par la domination du modèle low cost<p>Le secteur du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/transport-aerien-29163">transport aérien</a> est révélateur des chocs subis par les entreprises depuis plus de deux ans. Elles ont dû s’ajuster en permanence, dans un environnement particulièrement incertain, et les cycles d’activité ont été particulièrement marqués pour les compagnies. Souvenons-nous, par exemple, des images de l’aéroport parisien d’Orly, désert durant les premiers mois de pandémie.</p>
<p>L’été 2022 a, lui, été caractérisé par une <a href="https://www.iata.org/en/pressroom/2022-releases/2022-08-04-01/">reprise très forte du trafic</a>, notamment en Europe, sur le court et le moyen-courrier. Une reprise jusqu’à présent synonyme de <a href="http://www.slate.fr/story/231626/transport-aerien-chaos-aeroports-voyage-chaos-bagages-trafic-avions-retards-annulations">chaos</a> avec des passagers qui ont souvent découvert que leur vol était annulé au moment d’embarquer. Le fossé entre demande de transport et capacité des transporteurs était bien visible. Les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/compagnies-aeriennes-56376">compagnies aériennes</a> n’ont pu cacher leur absence d’une ressource matérielle clé : le <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/la-penurie-de-main-doeuvre-menace-le-trafic-aerien-1437654">personnel navigant</a>.</p>
<p>Entre embauches gelées et départs en retraite non compensés, celui-ci a progressivement disparu ces deux dernières années. Les directions de nombreuses compagnies aériennes ont fait pression sur leurs pilotes, hôtesses, stewards et agents au sol en leur demandant plus d’effort dans les moments difficiles qu’elles ont traversés. Amener de nouvelles recrues à être opérationnelles demande par ailleurs un temps certain. La tension actuelle peut être ainsi perçue comme momentanée.</p>
<p>Rien ne dit cependant que le déficit de ressources va être comblé. Cette pagaille, nous pouvons l’interpréter à partir de nos <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2013-7-page-33.htm?contenu=resume">travaux</a> sur les bouleversements provoqués ces dernières années par le développement des compagnies <a href="https://theconversation.com/fr/topics/low-cost-46331">low cost</a>. Nous en avons montré deux caractéristiques qui ont été particulièrement pénalisantes dans l’environnement incertain de la pandémie : l’absence de ressources excédentaires et la spécialisation des activités.</p>
<h2>Plus de réserves</h2>
<p>L’Association du transport aérien international, qui unit la plupart des grosses compagnies, alertait dès 2007 sur un <a href="https://www.iata.org/en/pressroom/2007-releases/2007-29-11-01/">vieillissement de la profession</a> de pilote et sur des départs non remplacés, faute de candidats. Du côté des stewards et hôtesses ou du personnel au sol des compagnies, les métiers ne font pas rêver. Les réductions d’effectifs parfois massives opérées par les compagnies sur 2020 et 2021 ne seront peut-être jamais compensées.</p>
<p>En gestion, on parle dans ce cas d’un problème de « slack ». Le « slack », c’est la réserve de ressources, du matériel, du personnel ou même du temps qu’une entreprise a de côté. C’est ce qui lui permet de répondre à l’imprévu.</p>
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<p>Les compagnies aériennes font partie de ces entreprises qui, traditionnellement, ont une exigence de fiabilité et qui se doivent de créer du <em>slack</em> pour parer à toute modification, même forte, de l’environnement. Comment alors expliquer que les transporteurs n’y aient pas davantage pris garde ?</p>
<p>Les causes peuvent aussi bien être conjoncturelles, s’adapter à la pandémie, que plus profondes. Le paradigme historique est en effet remis en cause par l’émergence des modèles à bas coût. L’organisation de Ryanair et EasyJet, les deux leaders de l’aérien en Europe, repose sur une approche éliminant toute ressource excédentaire. On utilise l’adjectif anglais <em>lean</em> en gestion pour la désigner.</p>
<h2>Copier-coller</h2>
<p>Une autre caractéristique de ces modèles est l’externalisation des activités qui ne sont pas le cœur de métier, ou bien qui ne sont pas vues essentielles. La spécialisation dont on parle ici concerne bien les activités, pas le personnel qui est souvent très polyvalent (il suffit de regarder travailler un steward ou une hôtesse à bord pour s’en convaincre).</p>
<p>Celle-ci a, certes, amené une performance remarquable pour ces entreprises, avec des économies d’échelle très importantes. Cette logique ne fonctionne cependant que dans un environnement stable.</p>
<p>Ce n’est pas une découverte : on connaît l’importance de ce principe depuis, au moins, les années 1980. En environnement instable, l’entreprise généraliste est <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/256460">mieux armée</a> par rapport à l’entreprise ultra spécialisée. Elle est plus à même d’explorer de nouveaux terrains, d’innover et de trouver les réponses appropriées aux défis de l’incertitude.</p>
<p>Or, comme nous l’avons montré, les compagnies traditionnelles ont assez vite copié ce modèle à l’exception peut-être d’Air France. Beaucoup ont créé leur propre filiale à bas coût et même intégré directement dans la compagnie d’origine une bonne partie des composantes de ce type de fonctionnement.</p>
<h2>Suppression et entêtement</h2>
<p>Quelles sont alors les pistes de solution pour ces entreprises dépourvues de réserves pour répondre à l’augmentation rapide de la demande côté client ? Cela se joue à plusieurs niveaux. Anticiper les évolutions de l’environnement est clé mais ne suffit pas : ce qui est aussi nécessaire ici, c’est la qualité de décision une fois que les informations sont traitées.</p>
<p>Sur ce point, on a d’ailleurs vu des situations très différentes : British Airways repérait dès mars 2022 une remontée très forte de la demande pour l’été et a rapidement décidé de réduire sa capacité de vol. La compagnie annonçait d’ailleurs récemment <a href="https://www.lefigaro.fr/societes/british-airways-supprime-10-000-vols-dans-la-foulee-des-limites-instaurees-a-heathrow-20220822">supprimer de nouveaux vols</a> depuis Londres. De son côté, <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/manque-de-personnel-navigant-easyjet-pourrait-annuler-massivement-ses-vols-cet-ete-921692.html">EasyJet</a> s’est entêté pour finalement annuler 10 000 vols quelques mois plus tard.</p>
<p>Une autre piste, assurément plus délicate pour les entreprises, serait d’oser parler aux investisseurs et actionnaires d’une révision de l’objectif global puisque le modèle à bas coût semble en cause. Il s’agirait de revoir les ambitions et d’investir durablement en ressources humaines, quantitativement mais aussi sur les conditions de travail, pour retrouver un point d’équilibre.</p>
<p>Le low cost était d’abord une niche : il est devenu dominant aujourd’hui. La conjoncture actuelle semble ouvrir une fenêtre d’opportunité pour amender son modèle originel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189823/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-François Gagne ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’élimination des ressources excédentaires et la recherche de spécialisation, deux pratiques qui se sont imposées dans le secteur aérien, pénalisent les compagnies face aux crises.Jean-François Gagne, Responsable Programme MBA, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1900942022-09-08T19:20:50Z2022-09-08T19:20:50ZPourquoi la reprise d’ITA par un fonds américain serait un fait d’armes majeur pour Air France-KLM<p>On pouvait imaginer que le géant italo-suisse MSC et son alliée allemande Lufthansa resteraient favoris dans la course à la reprise d’ITA Airways, créée fin 2020 pour sauver Alitalia de la faillite. Son propriétaire à 100 %, l’État italien, a pourtant choisi à la fin du mois d’août d’entamer des négociations exclusives avec un consortium pour une entrée au capital du fonds d’investissement américain Certarès. On parle d’une cession de <a href="https://information.tv5monde.com/info/rachat-d-ita-airways-rome-choisit-l-offre-de-certares-et-air-france-klm-469779">56 % des parts</a> pour environ 600 millions d’euros.</p>
<p>Certarès s’est présenté avec pour partenaires Delta Airlines et <a href="https://theconversation.com/fr/topics/air-france-klm-120089">Air-France-KLM</a>. Le groupe franco-néerlandais possédait, en 2013, 25 % du capital d’Alitalia avant de s’en dégager progressivement. Désormais, il n’exclut pas de reprendre à terme une « participation minoritaire » dans ITA. Une telle entrée au capital ne pourrait d’ailleurs pas dépasser 10 %, car elle reste contrainte par la Commission européenne en contrepartie de l’aide publique reçue pour surmonter la crise du Covid-19.</p>
<p>En attendant, même comme simples « partenaires commerciaux et opérationnels », la présence de ces <a href="https://theconversation.com/fr/topics/air-france-klm-120089">compagnies aériennes</a> dans le dossier reste hautement stratégique et dépasse le simple jeu des acquisitions dans le secteur du <a href="https://theconversation.com/drafts/190015/edit">transport aérien</a>. Comme nous l’expliquions lors du colloque des 4èmes Rencontres Francophones Transport Mobilité, ce qui se cache derrière cette reprise, c’est une bataille à laquelle se livrent les trois méga-alliances internationales. Bataille dans laquelle ITA s’avère un pion important.</p>
<h2>Peu importe la couleur du métal</h2>
<p>Aujourd’hui, parmi les nombreux transporteurs qui existent dans le monde, 57 font partie de l’une des trois méga-alliances internationales. Skyteam en regroupe 18, Oneworld 13 et StarAlliance 26. Elles représentent plus de 60 % du trafic international mondial, transportant en 2019 plus de deux milliards de passagers.</p>
<p>En recrutant des compagnies majeures aux États-Unis, en Europe, en Asie et en Amérique du Sud ainsi que plusieurs compagnies « secondaires » partout dans le monde, une alliance globale peut offrir au passager la possibilité de se déplacer jusqu’à n’importe quel point du globe. En optimisant les correspondances, elle est à même d’offrir un vol « sans discontinuité » mais aussi d’harmoniser les programmes de fidélisation. Skyteam, c’est ainsi <a href="https://applications.skyteam.com/routemapper/#/flightInput">15 500 vols par jour</a> à travers 170 pays.</p>
<p>Reste que, depuis quelques années, la forte concurrence à laquelle se livrent les trois rivales s’exerce moins par le biais de nouvelles adhésions, qui renforceraient la puissance de leurs réseaux, que par la création de partenariats d’un nouveau type.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/483475/original/file-20220908-9281-sbhkf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/483475/original/file-20220908-9281-sbhkf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/483475/original/file-20220908-9281-sbhkf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/483475/original/file-20220908-9281-sbhkf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/483475/original/file-20220908-9281-sbhkf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/483475/original/file-20220908-9281-sbhkf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/483475/original/file-20220908-9281-sbhkf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/483475/original/file-20220908-9281-sbhkf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Trois Metal Neutral Joint-Ventures se partagent les deux côtés de l'Atlantique.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Au sein d’une même méga-alliance, certaines compagnies ont en effet décidé d’aller encore plus loin dans leur coopération et de créer ce que l’on appelle dans le jargon de l’aérien des « Metal Neutral Joint-Venture » (MNJV) ou « quasi-fusion ».</p>
<p>Dans un périmètre donné de destinations (un « <em>bundle</em> ») sur lesquelles ils étaient rivaux, les partenaires vont désormais se comporter comme s’ils ne formaient qu’une seule et même compagnie. Selon des règles très clairement établies dans le contrat, ils vont partager leurs revenus, leurs profits et/ou leurs coûts, de sorte que l’identité du métal, c’est-à-dire de l’avion qui va effectuer le vol, importe peu.</p>
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<p>Au sein des trois méga-alliances, il existe désormais plus d’une vingtaine de MNJV à la puissance colossale, en particulier sur le juteux marché aérien transatlantique, entre l’Europe et l’Amérique du Nord. Il s’agit alors d’être stratèges et ne pas laisser un des siens passer dans l’équipe adverse.</p>
<h2>La stratégie qu’il fallait jouer</h2>
<p>Avant de faire faillite en 2021, Alitalia était une partenaire privilégiée du tandem Air France-KLM-Delta : non seulement elle était, elle aussi, membre de Skyteam depuis 2001, mais elle avait rejoint en 2010 sa joint-venture transatlantique. Dès la création de sa remplaçante ITA, Skyteam se devait de la récupérer. ITA avait, à ce moment, hésité (pas longtemps certes) à aller voir du côté de StarAlliance. Lufthansa, une des compagnies leaders de cette dernière, la voulait absolument et avait pesé de tout son poids pour la convaincre de les rejoindre. ITA était finalement allée renforcer les rangs de sa rivale Skyteam.</p>
<p>Aussi, lorsque l’État italien a annoncé la privatisation d’ITA, StarAlliance a rapidement vu l’opportunité de prendre sa revanche. Une compagnie aérienne ne peut faire partie que d’une seule alliance et une fois qu’elle en est un membre, il lui est difficile d’en changer. Les rares fois où cela est arrivé, c’était plutôt à la suite d’une fusion, d’acquisition ou de rachat entre compagnies d’alliances rivales.</p>
<p>ITA entre les mains de Lufthansa n’aurait plus eu d’autre choix que de plier bagage et de rejoindre l’équipe de StarAlliance. Cela aurait représenté une énorme perte pour Skyteam et surtout pour sa MNJV transatlantique. En 2020, celle-ci s’était renforcée en « fusionnant » les deux MNJV transatlantiques qu’elle avait (Air France-KLM-Delta et Delta-Virgin, Virgin ne fait pas partie de Skyteam mais est détenue par Delta à 49 %) et reste aujourd’hui très ouverte à y intégrer de nouveaux partenaires. ITA pourrait très bien prendre la place vacante de l’ex-Alitalia.</p>
<p>Voici pourquoi prendre le pas sur Lufthansa dans la reprise d’ITA est un brillant fait d’armes pour le tandem formé par Air France-KLM et Delta. Bien sûr, les négociations ne sont pas terminées et la situation financière d’ITA est loin d’être bonne. Mais à ce stade, c’était, semble-t-il, à coup sûr la stratégie qu’il fallait jouer pour empêcher leurs concurrentes de les amputer d’un atout important. C’était mettre toutes les chances de leur côté pour maintenir leur force sur le marché transatlantique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190094/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gézia Damergy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le rachat de la compagnie détenue par l’État italien constitue un enjeu hautement stratégique dans la lutte à laquelle se livrent trois méga-alliances sur le marché mondial du transport aérien.Gézia Damergy, Maître de Conférences, Réseaux /Transport aérien, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1587972021-04-12T20:35:32Z2021-04-12T20:35:32ZSauvetage d’Air France : les contreparties vont-elles compromettre le redécollage de la compagnie ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/394460/original/file-20210412-13-np27ez.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4072%2C2712&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La crise a coûté une perte d’exploitation de 4,5&nbsp;milliards d’euros à la compagnie aérienne en 2020.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/paris-france-march-2018-air-airplanes-1055606795">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Avec un trafic de passagers <a href="https://www.leparisien.fr/economie/transport-aerien-le-trafic-passagers-a-chute-de-66-en-2020-03-02-2021-8422921.php">réduit de deux tiers</a> pour la seule année 2020, les compagnies aériennes paient un <a href="https://www.franceculture.fr/economie/covid19-et-aerien-une-crise-sans-precedent-qui-laissera-des-traces">lourd tribut</a> à la crise de Covid-19.</p>
<p>Lestées de coûts fixes importants, ces dernières subissent de plein fouet un effet de ciseau qui les pousse à se tourner vers la puissance publique pour éviter des <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/covid-19-le-secteur-aerien-americain-pourrait-perdre-90000-emplois-1264615">plans sociaux massifs</a>, voire des faillites en cascade touchant l’ensemble de l’écosystème du transport aérien.</p>
<p>Or, de telles aides d’État n’ont rien d’automatique : au plan national, elles engagent la participation des pouvoirs publics au système productif, engagement qui est réglementé.</p>
<p>En outre, accordées unilatéralement et sans la moindre contrepartie, elles seraient de nature à fausser le jeu de la concurrence dont la Commission européenne est la gardienne. Elles font donc l’objet d’un <a href="https://www.europe-en-france.gouv.fr/fr/aides-d-etat">encadrement strict</a> au titre de <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A12008E107">l’article 107</a> du Traité de fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).</p>
<h2>La mécanique du plan de soutien</h2>
<p>C’est dans le contexte d’une version assouplie (en raison de la crise) de ce cadre, que la Commission européenne <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/accord-trouve-avec-la-commission-europeenne-sur-un-nouveau-soutien-financier-a-air-france-le-maire-881620.html">a accepté</a>, le 6 avril 2021, le projet de recapitalisation d’Air France par le gouvernement de Jean Castex. Dans le détail, ce projet vise la transformation d’une partie du prêt accordé l’an dernier à la compagnie aérienne pour faire face à la première vague de Covid-19, en <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/blog/le-parachute-du-renflouement-public-au-secours-dun-secteur-aerien-en-chute-libre/">quasi-fonds propres</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/394456/original/file-20210412-23-11r9p2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/394456/original/file-20210412-23-11r9p2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/394456/original/file-20210412-23-11r9p2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/394456/original/file-20210412-23-11r9p2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/394456/original/file-20210412-23-11r9p2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/394456/original/file-20210412-23-11r9p2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/394456/original/file-20210412-23-11r9p2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le projet de recapitalisation d’Air France du gouvernement de Jean Castex a été accepté par la Commission européenne début avril.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://u.afp.com/UQmR">Ludovic Marin/AFP</a></span>
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<p>Les <a href="https://www.challenges.fr/entreprise/le-sauvetage-d-air-france-attention-a-la-concurrence-deloyale_707278">7 milliards d’euros alors obtenus</a> par la compagnie se divisaient en 4 milliards au titre des prêts garantis par l’État (PGE) et en 3 milliards d’un prêt d’actionnaire. Le projet du gouvernement était de transformer ce second prêt, dont le remboursement devait se faire sous trois ans, en obligations hybrides.</p>
<p>Ce montage a deux avantages pour la compagnie. Le premier est que ces obligations pourront être remboursées à plus long terme ; le second est qu’elles sont considérées non plus comme de la dette mais comme des <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/la-recapitalisation-dair-france-paree-a-decoller-1304243">quasi-fonds propres</a>. Le remboursement est conditionné aux résultats, ce qui rapproche en effet ces fonds des fonds propres stricto sensu.</p>
<p>Cette transformation déplace la dette (qui n’en est plus, au sens strict) en haut du bilan, ce qui en diminue l’exigibilité. L’amélioration des ratios financiers qui en découle permettra à Air France de se financer plus facilement (et moins coûteusement) sur les marchés.</p>
<p>Outre les 3 milliards d’euros de prêts transformés en quasi-fonds propres, le plan de soutien prévoit une augmentation de capital de 1 milliard d’euros dont la souscription sera ouverte aux actionnaires et au public. L’État ne devra pas augmenter sa part au-delà de 25 % et s’engage à se retirer d’ici 6 ans. Y sont associées des règles de gouvernance strictes en matière de rémunération des actionnaires.</p>
<h2>Une recapitalisation vitale</h2>
<p>Or, l’accès à de nouveaux financements reste vital pour la compagnie nationale. La crise lui a coûté une <a href="https://www.airfranceklm.com/fr/finance/publications/resultats">perte d’exploitation de 4,5 milliards d’euros</a> en <a href="https://www.airfranceklm.com/sites/default/files/q4_2020_press_release_fr_final.pdf">2020</a> et elle anticipe une perte de 2 milliards en 2021. Le groupe Air France-KLM est endetté à hauteur de 11 milliards d’euros en 2020, son résultat est de – 7 milliards d’euros alors que sa capitalisation ne dépasse pas le milliard d’euros.</p>
<p>Cependant, il faut se rappeler que la compagnie a joué un rôle clé durant la pandémie, que ce soit en matière de fret pour les matériels sanitaires ou de rapatriements de nos concitoyens français et européens dans des conditions qui ont été <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/279083-cour-des-comptes-2021-le-covid-19-au-coeur-du-rapport-public-annuel">saluées par la Cour des Comptes</a>.</p>
<p>Hors ces conditions exceptionnelles, il s’agit d’abord de préserver l’un des acteurs clés de l’aménagement et la connectivité des territoires, <a href="https://www.senat.fr/questions/base/2020/qSEQ200515925.html">comme il l’a encore été récemment rappelé au Sénat</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1369745867914240010"}"></div></p>
<p>D’autant qu’Air France, par ses commandes et son activité, est aussi un relais privilégié de la filière aéronautique, de la construction et la maintenance aéronautique à l’exploitation des infrastructures aéroportuaires, notamment à l’heure où l’effondrement du trafic aérien met à mal l’équilibre des contrats de concession.</p>
<p>Sans omettre l’impulsion qu’Air France peut jouer en matière de verdissement des flottes. Dans ce schéma, la compagnie aérienne est un acteur moteur qu’il s’agit donc de préserver « quoi qu’il en coûte ».</p>
<p>Au-delà, le soutien apporté à Air France doit lui permettre de financer son <a href="https://www.fondapol.org/etude/apres-le-covid-19-le-transport-aerien-en-europe-le-temps-de-la-decision-2/">adaptation à son nouvel environnement concurrentiel</a>. Il s’agit en effet de faire face à la montée en puissance de compagnies à bas coûts, lesquelles sont de moins en moins cantonnées à une clientèle loisir mais sont des concurrentes de plus en plus sérieuses sur les lignes province – Paris.</p>
<p>Sur ces lignes, les compagnies à bas coût doivent récupérer des <em>slots</em>, ces si convoités droits d’usage (créneaux) à quantité limitée autorisant les compagnies à atterrir et décoller à partir des aéroports visés. Air France, tout comme l’ensemble des compagnies historiques européennes, semble condamnée à accélérer le développement de leurs offres complémentaires à bas coûts pour faire face à ces concurrents de plus en plus dangereux.</p>
<h2>La guerre des slots</h2>
<p>Aussi vital soit-il pour Air France (<a href="https://theconversation.com/podcast-air-france-sur-la-mauvaise-pente-115005">et l’écosystème auquel la compagnie appartient</a>), un tel projet de recapitalisation pourrait fausser le jeu de la concurrence. C’est pourquoi la Commission européenne, au terme d’un examen, s’assure que les aides d’État soient nécessaires et proportionnées et que les distorsions concurrentielles qui pourraient en résulter soient compensées par des mesures permettant de renforcer la concurrence.</p>
<p>Ainsi, tout comme la Lufthansa avait dû, en juin 2020, <a href="https://www.aviation24.be/airlines/lufthansa-group/lufthansa/european-commission-agrees-on-lufthansa-rescue-package-the-airline-surrenders-8-aircraft-and-24-slots-in-frankfurt-munich/">abandonner à ses concurrents 24 slots quotidiens</a> pour ses hubs de Francfort et de Munich (aéroports stratégiques situés au cœur du <a href="https://theconversation.com/air-france-en-crise-un-handicap-pour-skyteam-49066">réseau en étoile</a> des opérateurs aériens, jouant le rôle de carrefour de dessertes), Air France est enjointe par la Commission européenne à céder au moins <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_21_1581">18 slots de décollage à l’aéroport de Paris-Orly</a>.</p>
<p>Si la Commission est prompte à exiger des opérateurs historiques qu’ils cèdent des slots en contrepartie des aides reçues, c’est qu’elle n’ignore rien de leur caractère stratégique. En effet, les compagnies aériennes peuvent <a href="https://theconversation.com/des-avions-qui-volent-a-vide-pour-conserver-les-creneaux-aeroportuaires-retour-sur-la-polemique-133943">reporter d’une année à l’autre leurs slots</a> dans un aéroport donné dès lors qu’elles en ont utilisé plus de 80 % l’année précédente.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1241845835673067520"}"></div></p>
<p>Cette pratique, appelée la « règle du grand-père » (aménagée encore du fait de la crise de la Covid-19 pour éviter de faire voler des appareils avec de très faibles taux de remplissage), avantage indubitablement les opérateurs historiques vis-à-vis des nouveaux entrants puisque, naturellement, elles en disposent en plus grande quantité, dans des aéroports de premier plan, et sur des créneaux horaires plus stratégiques. Ces slots sont donc vus par la Commission européenne comme une barrière à l’expansion des concurrents, notamment des opérateurs à bas coûts.</p>
<h2>Nouvelles concurrences (dé)loyales</h2>
<p>Les néo-compagnies, nous l’avons souligné, sont désormais de <a href="https://www.fondapol.org/etude/combe-les-vertus-cachees-du-low-cost-aerien/">redoutables concurrents</a> aux compagnies historiques aux structures de coûts nettement plus lourdes et moins flexibles. Elles peuvent être vues comme une réelle réussite de la libéralisation sectorielle initiée par la Commission.</p>
<p>Mais leur capacité à concurrencer encore plus les opérateurs historiques est freinée par le contrôle que ces derniers exercent sur les slots des aéroports stratégiques. Ces précieux slots pourraient leur permettre de prendre encore des parts de marché aux acteurs historiques, via le développement de nouveaux services de correspondance et du <em>self-connecting</em>.</p>
<p>Car l’idée selon laquelle les compagnies à bas coûts se limiteraient à des liaisons point à point pour une clientèle loisir est peu à peu démentie par les faits. Il n’y a pas une segmentation du marché mais, au contraire, un mouvement de montée en gamme de certaines compagnies à bas coûts et une nécessaire réinvention du modèle économique des opérateurs historiques pour défendre leur présence sur le court et moyen-courrier.</p>
<p>Or, la défense de ce modèle économique repose sur ces fameux slots qui leur permettent d’alimenter leurs vols long-courriers (souvent rentables) depuis des hubs alimentés par des lignes radiales (parfois déficitaires).</p>
<p>Se dessine alors un schéma concurrentiel particulièrement défavorable aux compagnies historiques. Sur le segment du long courrier, elles s’opposent à des <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/aeronautique/golfe-des-compagnies-trop-subventionnees_2655328.html">compagnies</a> bénéficiant de soutiens étatiques parfois massifs. Sur le segment des courts et moyens courriers, le caractère loyal de la concurrence que leur opposent les compagnies à bas coûts peut également être questionné.</p>
<p>D’un côté, l’émergence de ces compagnies a profité aux consommateurs européens. Leur croissance vient en grande partie de leur performance économique : un modèle de minimisation des coûts, une gestion des flux passagers optimisée et une flotte homogène exploitée de la façon la plus efficace possible. Le succès des nouveaux entrants comme Ryanair et EasyJet est indubitable. Leur émergence apparaît comme l’un des effets de la politique de concurrence.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/394452/original/file-20210412-19-109vosi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/394452/original/file-20210412-19-109vosi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/394452/original/file-20210412-19-109vosi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/394452/original/file-20210412-19-109vosi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/394452/original/file-20210412-19-109vosi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/394452/original/file-20210412-19-109vosi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/394452/original/file-20210412-19-109vosi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’émergence des compagnies à bas coûts comme Ryanair et EasyJet a profité aux consommateurs européens.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/tenerife-spain-august-2019-ryanair-easyjet-1511145887">Shutterstock</a></span>
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</figure>
<p>De l’autre, la croissance de ces compagnies peut aussi s’expliquer par des <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-aeroports-francais-face-aux-mutations-du-transport-aerien">aides versées par des gestionnaires d’aéroports dits périphériques</a>, mais aussi par des mesures de dumping fiscal et <a href="https://journals.openedition.org/nrt/3527">social</a>… au sein même de l’Union européenne ! Difficile, dans ces conditions, de prétendre que l’expansion des compagnies à bas coûts n’est que le fruit de leurs mérites et que la concurrence intra et extra européenne se soit toujours jouée « à égalité des armes ».</p>
<h2>Contreparties paradoxales</h2>
<p>C’est pourtant au titre de la préservation d’une concurrence libre et non faussée que la Commission européenne exige des opérateurs historiques qu’ils cèdent des slots en contrepartie des aides d’État qu’ils reçoivent.</p>
<p>Pointe alors un curieux paradoxe, souligné dans un récent <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/pbrief/2021/OFCEpbrief87.pdf">Policy brief</a> de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) : les contreparties exigées par la Commission européenne ne sont-elles pas de nature à affaiblir les perspectives de reprise de l’activité d’Air France (et donc sa capacité même à redéfinir son modèle économique), qui pourtant est la finalité même de la mesure de soutien public ?</p>
<p>Le compromis obtenu sur les contreparties n’est donc pas une concession par rapport à l’application des règles de concurrence mais un équilibre entre l’ouverture du marché, le maintien des chances de restructuration de l’opérateur historique et la prise en compte d’avantages symétriques dont bénéficient les nouveaux entrants.</p>
<p>Autrement dit, pour la Commission européenne, il s’agit donc d’arbitrer entre le renforcement de la concurrence, au bénéfice des consommateurs, et la préservation des opérateurs historiques qui jouent, nous l’avons vu, un rôle d’entraînement économique majeur.</p>
<p>Le nombre présumément inférieur de slots qu’Air France devra céder par rapport à ce que l’Allemagne a dû accepter (18 contre 24) témoigne d’ailleurs de la recherche d’une voie d’équilibre entre contreparties concurrentielles et préservation des chances de succès de la restructuration d’Air France, dans un contexte où la crise de la Covid-19 a exacerbé ses <a href="https://theconversation.com/air-france-ou-comment-se-couper-les-ailes-95758">difficultés structurelles préexistantes</a>.</p>
<p>Une restructuration qui se ferait au prix de l’affaiblissement concurrentiel inexorable de la compagnie induirait le risque de devoir la soutenir dans le futur de façon récurrente ou de l’abandonner et avec elle les milliards injectés. Et personne n’a intérêt à ce qu’Air France s’enlise dans une spirale d’attrition <a href="https://ajot.com/news/alitalia-is-running-out-of-cash-and-italy-canat-help-this-time">comparable à celle d’Alitalia</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1260291791548567553"}"></div></p>
<p>La disparition d’Air France, dont la situation est aujourd’hui extrêmement fragile, ferait partir avec elle non seulement des emplois mais une entreprise de services expérimentée et un levier de la politique territoriale et environnementale du gouvernement. En outre, la concurrence en serait grandement affectée.</p>
<p>La décision de la Commission fera sans doute l’objet de <a href="https://www.france24.com/en/europe/20210406-air-france-gets-european-union-approval-for-%E2%82%AC4-billion-in-aid">recours</a> de la part d’opérateurs à bas coûts à l’instar de ceux qui avaient été vainement <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/02/17/la-justice-europeenne-rejette-les-recours-de-ryanair-contre-les-aides-publiques-a-air-france_6070278_3234.html">engagés</a> contre les programmes de soutien autorisés par la Commission au printemps 2020. La balance d’intérêts antagonistes pèse sur les instances européennes qui doivent réaliser un difficile arbitrage entre intérêts de court terme et intérêts de long terme, entre principes et réalisme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/158797/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les conditions exigées par la Commission européenne, qui prévoient notamment une réduction des slots dans les aéroports, pourraient affaiblir l'entreprise face à la concurrence.Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie et Stratégie (Inseec U.) / Pr. et Chercheur associé (U. Paris Saclay), INSEEC Grande ÉcoleFrédéric Marty, Chargé de recherche CNRS, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Sarah Guillou, Directrice, département Innovation et concurrence à l'OFCE, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1566642021-03-10T18:19:24Z2021-03-10T18:19:24ZLe transport aérien engagé dans une course de survie financière<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/388259/original/file-20210308-21-1evcbrr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=25%2C4%2C958%2C661&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les pertes des 290&nbsp;compagnies aériennes membres de l’IATA s’élèvent à 120&nbsp;milliards de dollars pour l’année 2020.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Mikhail Berkut / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Selon l’IATA (Association internationale du transport aérien), le trafic mondial de passagers transportés par les compagnies aériennes <a href="https://www.iata.org/en/pressroom/pr/2021-02-03-02/">s’est effondré</a> (-66 %) en 2020 par rapport à 2019 en raison de la crise sanitaire. Logiquement, on constate une meilleure résistance du trafic domestique (-48,8 %) qu’international (-75,6 %) et toutes les régions du monde ont été touchées de façon similaire.</p>
<p>Une quarantaine de compagnies ont ainsi déjà fait faillite, sans compter les procédures de redressement judiciaire en cours… En outre, de nombreuses compagnies ne doivent leur survie <a href="https://www.marianne.net/economie/economie-internationale/compagnies-aeriennes-les-gagnants-et-les-perdants-de-la-crise-du-covid">qu’au soutien financier des États</a>.</p>
<p>L’IATA estime par ailleurs que le rythme de la consommation de trésorerie (l’argent immédiatement disponible) des compagnies aériennes ne devrait pas faiblir, avec une prévision située entre <a href="https://www.iata.org/en/pressroom/pr/2021-24-02-01/">75 et 95 milliards de dollars en 2021</a>, sachant que leurs <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/les-compagnies-aeriennes-voient-lhorizon-de-la-reprise-seloigner-1293148">pertes 2020 sont déjà estimées à 120 milliards</a> pour les 290 compagnies aériennes membres de l’association internationale.</p>
<p>Dans ces conditions inédites, quelle est la situation des compagnies aériennes à la fin 2020 ? Nous avons sélectionné sept groupes internationaux : All Nippon Airways (Japon), Air France-KLM (France, Pays-Bas), American Airlines (États-Unis), EasyJet (Royaume-Uni), IAG (Royaume-Uni, qui comprend notamment British Airways et Iberia), Lufthansa (Allemagne, qui intègre également Swiss et Austrian Airlines) et Singapore Airlines (Singapour).</p>
<h2>Une activité extrêmement dégradée</h2>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/388223/original/file-20210308-18-hkn5v6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/388223/original/file-20210308-18-hkn5v6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/388223/original/file-20210308-18-hkn5v6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/388223/original/file-20210308-18-hkn5v6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/388223/original/file-20210308-18-hkn5v6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/388223/original/file-20210308-18-hkn5v6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/388223/original/file-20210308-18-hkn5v6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Figure 1 : Évolution de l’activité des sept compagnies aériennes entre 2019 et 2020 (source : rapports annuels 2020 des entreprises).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur (D.R)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le graphique ci-contre montre que les entreprises sont impactées très négativement par la crise de la Covid-19 avec des baisses de chiffre d’affaires de l’ordre de 50 à 80 % en 2020 par rapport à 2019. C’est l’effondrement du trafic passager qui explique principalement cette chute : jusqu’à – 98,8 % pour Singapore Airlines qui ne peut compter sur une activité domestique tandis que EasyJet qui n’a pas d’activité long-courrier est la compagnie qui souffre le moins.</p>
<p>En revanche, le trafic cargo résiste mieux en raison notamment du transport de produits pharmaceutiques et du développement du e-commerce avec des tarifs et des taux de remplissage en augmentation permettant de compenser la baisse globale des volumes du fret aérien.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/388224/original/file-20210308-24-1tdwl62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/388224/original/file-20210308-24-1tdwl62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/388224/original/file-20210308-24-1tdwl62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/388224/original/file-20210308-24-1tdwl62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/388224/original/file-20210308-24-1tdwl62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/388224/original/file-20210308-24-1tdwl62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/388224/original/file-20210308-24-1tdwl62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/388224/original/file-20210308-24-1tdwl62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 2 : Marge opérationnelle des sept compagnies aériennes (source : rapports annuels 2020 des entreprises).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur (D.R)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette très importante dégradation de l’activité s’est naturellement traduite par des marges opérationnelles (résultat d’exploitation/chiffre d’affaires) très négatives pour l’ensemble des compagnies aériennes (jusqu’à – 95,13 % pour le britannique IAG), des pertes globales extrêmement conséquentes et encore alourdies par des provisions pour restructuration (822 millions d’euros en 2020 chez Air France-KLM), ainsi que des dépréciations de valeur d’avions (837 millions d’euros chez IAG du fait du retrait définitif et anticipé de 32 Boeing 747 de British Airways et de 15 Airbus A340-600 d’Iberia).</p>
<p>Dans ces conditions, on peut légitimement s’interroger sur la capacité financière de ces entreprises à supporter un tel choc.</p>
<h2>Une liquidité améliorée…</h2>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/388225/original/file-20210308-18-nxwixk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/388225/original/file-20210308-18-nxwixk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/388225/original/file-20210308-18-nxwixk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=363&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/388225/original/file-20210308-18-nxwixk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=363&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/388225/original/file-20210308-18-nxwixk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=363&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/388225/original/file-20210308-18-nxwixk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=456&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/388225/original/file-20210308-18-nxwixk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=456&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/388225/original/file-20210308-18-nxwixk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=456&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 3 : Évolution de la liquidité des sept compagnies aériennes entre 2019 et 2020 (source : rapports annuels 2020 des entreprises).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur (D.R)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Contrairement à ce que l’on pouvait anticiper, la plupart des compagnies ont vu la situation de leur trésorerie s’améliorer notablement sur la période (à l’exception de IAG). Sachant, en outre, que ces données ne prennent pas en compte les lignes de crédits non utilisées dont elles disposaient auparavant ou qu’elles ont négociées depuis la survenue de la crise.</p>
<p>Par exemple, American Airlines disposait à la fin décembre 2020 de 7,4 milliards de dollars de prêts non tirés. Compte tenu du montant de ses liquidités (6,9 milliards), cela représente une trésorerie potentielle de plus de 14,3 milliards de dollars.</p>
<p>Certaines compagnies aériennes ont en outre bénéficié de prêts garantis de leurs États respectifs. Ainsi, Air France-KLM avait tiré fin décembre 2020 l’intégralité des 7 milliards d’euros de prêt de l’État français et 0,9 milliard des 3,4 milliards de l’État néerlandais. Ces supports d’État ont fait d’ailleurs l’objet de recours systématiques de la part de concurrents (Ryanair) qui n’en bénéficient pas pour distorsion de concurrence, mais <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/02/17/la-justice-europeenne-rejette-les-recours-de-ryanair-contre-les-aides-publiques-a-air-france_6070278_3234.html">sans succès jusqu’ici</a>.</p>
<p>Enfin, les compagnies ont toutes cessé (au moins à partir du deuxième trimestre 2020) de verser des dividendes et stoppé les programmes de rachat d’actions. Cette amélioration des liquidités est aussi le fait d’un appel massif à l’emprunt non étatique.</p>
<h2>… au prix d’une forte croissance de l’endettement…</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/388227/original/file-20210308-13-6ydnrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/388227/original/file-20210308-13-6ydnrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/388227/original/file-20210308-13-6ydnrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/388227/original/file-20210308-13-6ydnrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/388227/original/file-20210308-13-6ydnrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/388227/original/file-20210308-13-6ydnrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=457&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/388227/original/file-20210308-13-6ydnrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=457&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/388227/original/file-20210308-13-6ydnrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=457&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Figure 4 : Évolution du taux d’endettement net des sept compagnies aériennes entre 2019 et 2020 (source : rapports annuels 2020 des entreprises).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur (D.R)</span></span>
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<p>Lorsque l’on observe le taux d’endettement net (endettement financier – trésorerie/total de l’actif) des compagnies aériennes, on constate qu’il a fortement augmenté au cours de l’année 2020, à l’exception de Singapore Airlines.</p>
<p>Seules EasyJet (13 %) et Singapore Airlines (14 %) conservent des niveaux d’endettement raisonnables, mais les raisons diffèrent : EasyJet était très peu endettée avant la crise et l’augmentation comparable aux autres a eu moins d’effets délétères alors que Singapore Airlines a bénéficié d’un renforcement conséquent de ses fonds propres (8,8 milliards de dollars singapouriens) qui lui a évité de recourir dans les mêmes proportions que ses concurrents à l’endettement.</p>
<p>Ceux-ci ont émis de nombreux emprunts, parfois garantis par les États (comme pour Air France-KLM ou dans une moindre mesure pour Lufthansa qui a également bénéficié d’une recapitalisation de la part de l’État allemand) ou directement sur le marché.</p>
<h2>… et de mesures d’économies massives</h2>
<p>Les compagnies aériennes ont déployé des plans de restructuration d’ampleur inégalée pour assurer leur pérennité. En raison de la baisse d’activité, les dépenses ont été automatiquement réduites (notamment les dépenses de carburant), mais des mesures structurelles de réduction des coûts ont été également été mises en œuvre.</p>
<p>Des plans de licenciements ont été lancés : IAG a réduit ses effectifs de 10 000 personnes chez British Airways (environ un quart des effectifs) et de 500 chez Aer Lingus. La compagnie Air-France-KLM s’est quant à elle séparée de 8 700 salariés et a réduit ses coûts de personnel de 35 % en 2020 par rapport à 2019.</p>
<p>Des mesures de gel et de réduction des salaires, de réduction des dépenses de formation, des prises de congés anticipés, etc. ont également contribué à réduire les frais de personnel. La réduction des investissements (moins 7 milliards d’euros chez IAG pour la période 2020-2022, Lufthansa a diminué ses investissements de 3,5 milliards d’euros en 2019 à 1,3 milliard en 2020) avec des reports de commandes et de livraisons d’avions, et une gestion plus stricte du besoin en fonds de roulement ont également contribué à préserver la liquidité de ces entreprises.</p>
<p>Si la position de liquidité des grandes compagnies aériennes reste solide à ce jour, elles continueront à brûler du cash chaque jour tant que la crise sanitaire ne sera pas derrière nous. Elles appellent donc de leurs vœux toutes les mesures qui pourraient permettre un redémarrage rapide <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/covid-les-compagnies-aeriennes-testent-des-certificats-sanitaires-numeriques-1292195">comme les certificats sanitaires numériques</a> à défaut d’un passeport sanitaire.</p>
<p>D’un point de vue financier, l’endettement ne pourra pas pourvoir durablement au maintien de leur solvabilité et un appel aux actionnaires ou aux États sera vraisemblablement nécessaire pour renforcer leurs fonds propres comme cela a déjà été le cas pour certaines d’entre elles, ce qui pourrait se traduire par des <a href="https://theconversation.com/faut-il-nationaliser-les-compagnies-aeriennes-134222">nationalisations rampantes</a>.</p>
<p>D’un point de vue stratégique, cette crise remet même en question <a href="https://theconversation.com/le-transport-aerien-ne-sera-plus-jamais-le-meme-151150">leurs modèles d’affaires</a>. Leur survie passera non seulement par des mesures financières, mais surtout par une recomposition du secteur qui fera forcément des gagnants comme des perdants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/156664/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Caby est Délégué Général de La FNEGE (Fondation Nationale pour l'Enseignement de la Gestion des Entreprises)</span></em></p>Depuis l’éclatement de la crise, les compagnies se sont massivement endettées pour assurer leurs dépenses. La reprise du trafic devient désormais urgente pour qu’elles restent solvables.Jérôme Caby, Professeur des Universités, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1511502020-12-02T19:22:46Z2020-12-02T19:22:46ZLe transport aérien ne sera plus jamais le même…<p>« En 65 jours, le trafic a perdu ce qu’il avait gagné en 65 ans ». Tel était l’accablant <a href="https://www.air-journal.fr/2020-05-06-lufthansa-trafic-remboursements-et-a380-cargo-5219999.html">constat</a> que formulait le PDG de Lufthansa, Carsten Spohr, en s’adressant aux actionnaires de la compagnie allemande le 5 mai dernier.</p>
<p>Au printemps dernier, le nombre de passagers de Lufthansa n’était que de 1 % par rapport à celui de l’année précédente. Un chiffre qui illustre l’ampleur de la crise, à l’instar des sombres perspectives mondiales pour le secteur. L’International Air Transport Association (IATA) prévoit ainsi une <a href="https://www.iata.org/en/pressroom/pr/2020-07-28-02/">baisse de 55 %</a> du nombre de passagers dans le monde par rapport à 2019, incluant les mois où le trafic était encore à un niveau normal.</p>
<p>Malgré cette crise inédite dans son <a href="https://www.icao.int/sustainability/Documents/Covid-19/ICAO_coronavirus_Econ_Impact.pdf">intensité</a>, un avenir sans transport aérien reste impensable. Mais à quoi pourrait-il ressembler après la crise ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/371999/original/file-20201130-17-iu8ndm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/371999/original/file-20201130-17-iu8ndm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/371999/original/file-20201130-17-iu8ndm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=280&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/371999/original/file-20201130-17-iu8ndm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=280&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/371999/original/file-20201130-17-iu8ndm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=280&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/371999/original/file-20201130-17-iu8ndm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=351&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/371999/original/file-20201130-17-iu8ndm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=351&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/371999/original/file-20201130-17-iu8ndm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=351&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.icao.int/sustainability/Documents/COVID-19/ICAO_Coronavirus_Econ_Impact.pdf">Organisation de l’aviation civile internationale (novembre 2020)</a></span>
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<p>Pour répondre à cette question, l’EDHEC Business School a lancé un projet en septembre 2020 sur l’avenir de l’industrie du transport aérien. Dans le cadre de ce projet, 13 partenaires de l’écosystème du transport aérien utilisent différentes méthodes de prévision pour étudier des scénarios concernant l’avenir de cette industrie. Les partenaires comprennent deux grands aéroports, deux compagnies aériennes internationales, deux fabricants d’avions et d’équipements, une association industrielle, ainsi que des agences de voyages et fournisseurs technologiques.</p>
<p>À titre d’étape intermédiaire, le projet a identifié quatre facteurs qui seront déterminants pour l’avenir du secteur du transport aérien : le voyage d’affaires, la régionalisation des trajets, les réseaux « en étoile » et le <em>flight shaming</em> (la « honte de prendre l’avion » pour des raisons environnementales).</p>
<h2>Voyages d’affaires, retour à la normale ?</h2>
<p>Perçus par beaucoup comme un moteur essentiel de la croissance économique, les voyages d’affaires bénéficient depuis de nombreuses années de l’aura magique permettant de transformer des réunions physiques dans le monde entier en une opportunité commerciale et économique. Il a également été un moteur de croissance important pour l’industrie aérienne.</p>
<p>Pourtant, il est possible que les voyages d’affaires ne retrouvent plus jamais leur niveau d’avant la crise. Les interdictions de voyage, imposées par les États et les entreprises, peuvent servir de point de départ à un cycle auto-renforçant, que les stratèges recherchent pour identifier les changements exponentiels.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/372002/original/file-20201130-15-1dm1taz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/372002/original/file-20201130-15-1dm1taz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/372002/original/file-20201130-15-1dm1taz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/372002/original/file-20201130-15-1dm1taz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/372002/original/file-20201130-15-1dm1taz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/372002/original/file-20201130-15-1dm1taz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=436&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/372002/original/file-20201130-15-1dm1taz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=436&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/372002/original/file-20201130-15-1dm1taz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=436&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">Auteur.</span></span>
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<p>Comme le suggère le diagramme en boucle de rétroaction ci-contre, les interdictions de voyager impliquent moins (ou pas) de vols, ce qui entraîne une diminution des budgets, un durcissement des réglementations en matière de voyage dont beaucoup peuvent prévaloir même après la levée des interdictions de voyager.</p>
<p>Si un tel cycle est arrêté dans les 4 semaines, les nouveaux comportements n’auront pas le temps de s’adapter et le système reviendra généralement à son état initial.</p>
<p>Cependant, plus la situation de crise durera longtemps, plus il sera probable que les changements systémiques deviennent permanents. L’absence de voyages d’affaires et de réunions en face à face a maintenant donné lieu à l’adoption d’alternatives en masse, comme la vidéoconférence, la collaboration virtuelle, les tableaux blancs en ligne, etc. Si ces alternatives sont capables de montrer qu’elles peuvent accroître la productivité, les voyages d’affaires deviendraient une exception pour les réunions, comme c’était le cas il y a 65 ans.</p>
<h2>De la mondialisation à la régionalisation ?</h2>
<p>Depuis 2005, la mondialisation montre des <a href="http://pubdocs.worldbank.org/en/207011562781675834/2019-07-10-Global-Value-Chains.pdf">signes de ralentissement</a>. Les stratégies d’internationalisation des entreprises sont de plus en plus axées sur la réactivité locale et de moins en moins sur le contrôle et la dépendance à l’égard des sièges sociaux internationaux.</p>
<p>Les tensions commerciales mondiales, telles que le conflit entre les États-Unis et la Chine, pourraient contribuer à ralentir les déplacements intercontinentaux. La crise de la Covid-19 pourrait accélérer cette tendance et favoriser le commerce et l’approvisionnement régionaux.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/372003/original/file-20201130-23-nxfrkd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/372003/original/file-20201130-23-nxfrkd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/372003/original/file-20201130-23-nxfrkd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/372003/original/file-20201130-23-nxfrkd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/372003/original/file-20201130-23-nxfrkd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/372003/original/file-20201130-23-nxfrkd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=383&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/372003/original/file-20201130-23-nxfrkd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=383&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/372003/original/file-20201130-23-nxfrkd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=383&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.icao.int/sustainability/Documents/COVID-19/ICAO_Coronavirus_Econ_Impact.pdf">Organisation de l’aviation civile internationale (novembre 2020)</a></span>
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<p>Une étude récente a montré qu’une réponse importante à la crise Covid-19 était la relocalisation des chaînes d’approvisionnement et notamment l’accent mis sur l’utilisation des <a href="https://doi.org/10.1016/j.techfore.2020.120447">écosystèmes régionaux</a>. Cette réponse pourrait devenir permanente, renforcée par le faible niveau des voyages internationaux.</p>
<p>Des chiffres récents de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) montrent que si les voyages interrégionaux ont repris, passant d’une moyenne de 250 millions de passagers avant la crise à 100 millions aujourd’hui, le nombre de passagers internationaux quant à lui s’élève <a href="https://www.icao.int/sustainability/Documents/Covid-19/ICAO_coronavirus_Econ_Impact.pdf">à 20 millions</a>, soit bien en dessous des 160 millions d’avant la crise.</p>
<h2>La fin du réseau en étoile ?</h2>
<p>Il est intéressant de noter que l’impact de la pandémie du Covid-19 a été ressenti différemment par les compagnies aériennes à bas prix (low-cost), comme Ryan Air ou EasyJet, et les compagnies aériennes traditionnelles de réseau (CATR), comme Air France, Lufthansa ou Singapore Airlines.</p>
<p>Les CATR s’appuient sur des plates-formes centrales où les vols court-courriers sont reliés aux vols long-courriers qui, avec leurs avions de plus grande capacité, sont économiquement plus intéressants. Ce modèle, dit « en étoile » (<em>hub-and-spoke</em>), crée également de puissants effets de réseau, permettant aux grandes compagnies aériennes d’atteindre des économies d’échelle et de créer de puissantes barrières à l’entrée pour les nouveaux arrivants.</p>
<p>Ces avantages pour les CATR se font toutefois au prix de l’acceptation des passagers. En effet, ces itinéraires impliquent des correspondances. En temps normal, cela peut être remis en question pour des raisons environnementales et peut être ressenti comme un inconvénient par les passagers. Mais en temps de crise sanitaire, les hubs sont des zones à risque clés dans le voyage du passager, puisqu’il reste difficile de garantir des normes de distanciation sociale dans les aéroports.</p>
<p>L’interdépendance entre les vols court-courriers et les vols long-courriers est également un immense obstacle à la reprise. Pour les CATR, l’absence de vols long-courriers signifie que les vols court-courriers doivent être réduits. L’absence de vols court-courriers rendra alors impossible le remplissage des grands vols long-courriers.</p>
<p>Les compagnies aériennes à bas coûts et à service complet qui exploitent un modèle point à point peuvent être beaucoup plus réactives en ouvrant et en fermant des routes pour répondre à la fluctuation de la demande. La plupart des CART ont pour stratégie de tenir bon et de redémarrer à terme leur modèle hub-and-spoke. Mais pour éviter une panne de leur système de vols long-courriers de ravitaillement, elles doivent maintenir ouvertes les routes qui ne sont pas rentables. Cela les rend, dans la plupart des cas, dépendantes aux aides de l’État. La question est de savoir combien de temps cette stratégie peut être maintenue et combien de temps les contribuables seront prêts à couvrir les pertes.</p>
<p>Il n’est pas étonnant que certaines CATR redécouvrent les voyages de vacances avec leurs offres point à point. « Jamais auparavant nous n’avions inclus autant de nouvelles destinations de vacances dans notre programme. C’est notre réponse aux souhaits de nos clients », explique par exemple Harry Hohmeister, membre du conseil d’administration de la Deutsche Lufthansa AG.</p>
<h2>Et qu’en est-il du « flight-shaming » ?</h2>
<p>La prise de conscience croissante de l’impact environnemental a conduit à faire naître en Suède un mouvement de <em>flygskam</em> (en anglais <em><a href="https://theconversation.com/flight-shaming-how-to-spread-the-campaign-that-made-swedes-give-up-flying-for-good-133842">flight shaming</a></em>) visant à éviter les voyages en avion qui a désormais largement dépassé les frontières du royaume.</p>
<p>Or, certains signes indiquent également que les mesures liées au confinement, en réponse au Covid-19, ont augmenté l’envie des citoyens d’adopter un mode de vie plus calme. Cela soulève des questions sur le mode de vie cosmopolite que les classes moyennes ont si facilement adopté. Ce point reste aujourd’hui au cœur des préoccupations des acteurs de l’aérien même si son influence réelle sur le comportement des consommateurs reste difficile à mesurer.</p>
<p>En résumé, il ressort de nos travaux que ces quatre facteurs de changement annoncent une transition plus radicale dans le transport aérien que dans d’autres secteurs. S’il faut rester prudent dans les anticipations tant les incertitudes restent importantes, il semble que les scénarios de l’après-Covid se dessineront autour de ces 4 éléments. L’étude de ces différents scénarios possibles fera justement l’objet de la poursuite de notre projet de recherche.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/151150/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>René Rohrbeck ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Selon les acteurs du secteur aéronautique, l’après-Covid sera notamment marquée par une forte diminution des voyages d’affaires ou encore par une régionalisation des lignes.René Rohrbeck, Professeur de Stratégie, EDHEC Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1378932020-05-12T19:18:57Z2020-05-12T19:18:57ZQuels défis pour Air France après la crise du Covid-19 ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/333456/original/file-20200507-49550-1xqy95r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C64%2C7200%2C4796&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Air France se prépare à faire redécoller progressivement ses avions.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-illustration/paris-france-circa-2017-flight-view-604234745">NextNewMedia / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Depuis le début du confinement et la fermeture des frontières en France et en Europe, Air France a réduit ses vols de 95 %. Les pertes d’exploitation colossales pourraient se poursuivre pendant des mois, si ce n’est des années. Ces pertes sont en <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/covid-19-air-france-klm-quasiment-a-l-arret-pendant-deux-mois-842245.html">parties compensées</a> par la diminution importante des coûts variables, la réduction des investissements, l’exonération de cotisations, le report et l’étalement de charges, ainsi que le recours à l’activité partielle qui permet de maintenir l’emploi en octroyant aux salariés une indemnité qui correspond à 84 % de leur rémunération.</p>
<p>Alors que l’État s’engage sur un <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/04/23/coronavirus-paris-et-la-haye-se-portent-au-secours-d-air-france-klm_6037520_3234.html">plan de soutien</a> à Air France de 7 milliards d’euros, autorisé ce lundi 4 mai par l’Union européenne, le ministère de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire exige des contreparties en termes de rentabilité, mais aussi de performance écologique.</p>
<h2>Des cabines plus sûres qu’un appartement ?</h2>
<p>Pour pouvoir reprendre progressivement ses vols, Air France doit rassurer ses clients et fournir des garanties aux autorités concernant les mesures sanitaires mises en œuvre. Le groupe communique sur le dispositif destiné à <a href="https://corporate.airfrance.com/fr/actualite/le-port-du-masque-sera-obligatoire-sur-lensemble-des-vols-operes-par-air-france-compter-du">garantir la sécurité</a> des passagers et du personnel : le port du masque pour tous, l’aménagement du parcours client au sol, le <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-air-france-controlera-des-lundi-la-temperature-de-ses-passagers_3956193.html">contrôle de la température</a> des passagers à l’embarquement, la distanciation physique et la désinfection des avions avec un produit virucide efficace 10 jours.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/8yXGxh6XRb4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Air France pulvérise du virucide dans ses avions avant la reprise des vols.</span></figcaption>
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<p>Les systèmes de recyclage qui renouvellent l’air des cabines toutes les trois minutes sont équipés de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/B9780081019382000088">filtres HEPA</a> (<em>high efficiency particulate air</em>) qui sont les mêmes que ceux qui sont utilisés dans les centrales nucléaires ou les blocs opératoires. « L’air qui circule dans un avion équipé de ce filtre est donc plus sain que celui de votre bureau ou de votre appartement », assure la compagnie. « Ces filtres arrivent à capturer près de 99,999 % des virus, y compris les plus petits jusqu’à 0,01 µm. Pour comparaison, le coronavirus fait entre 0,8 et 0,16 µm ».</p>
<p>L’engagement de respecter au maximum les gestes barrière est de nature à rassurer les voyageurs. Mais la distanciation physique risque de conduire à une <a href="https://www.20minutes.fr/monde/2773823-20200506-coronavirus-compagnies-aeriennes-previennent-distanciation-bord-ferait-grimper-prix-billets">augmentation des tarifs de 50 %</a> avec un siège vide entre deux passagers et un taux de remplissage de 62 %, en dessous des 77 % de rentabilité.</p>
<h2>30 % des vols prévus en juillet ?</h2>
<p>Air France a tenu à maintenir une activité minimale pendant le confinement avec environ 5 % seulement de ses capacités habituelles. Beaucoup d’aéroports ont cependant été fermés dont celui de Paris-Orly, qui pourrait <a href="https://www.rtl.fr/actu/politique/vacances-nous-devrions-etre-en-mesure-de-rouvrir-orly-le-26-juin-dit-djebbari-sur-rtl-7800498609">rouvrir le 26 juin</a>.</p>
<p>Alors que le groupe Air France-KLM perd <a href="https://www.businesstraveller.com/business-travel/2020/04/11/air-france-klm-losing-e25-million-per-day/">25 millions d’euros par jour</a>, la question de la reprise des vols se pose de manière urgente. Cela ne pourra se faire que très progressivement compte tenu du processus de déconfinement en France, de la situation critique dans de nombreux pays du monde, de la fermeture des frontières, des contraintes opérationnelles et de la chute de la demande. <a href="https://www.youtube.com/watch?v=eZfNtDp9ePE">Entre deux et huit ans</a> seraient nécessaires avant un retour du secteur à la situation de 2019.</p>
<p>Après un premier trimestre qui avait commencé avec des taux de remplissage très bons mais qui s’achève avec 1,8 milliard d’euros de perte nette, le deuxième trimestre devrait être catastrophique, l’activité étant quasiment nulle. Dans ces conditions, <a href="https://www.linternaute.com/voyage/pratique/1373763-air-france-reprise-partielle-des-vols-le-11-mai-suppression-de-lignes-interieures-les-dernieres-infos/">l’annonce d’un objectif de 30 % des vols</a> assurés d’ici le mois de juillet, et de 60 % en août, peut paraître un peu trop ambitieux. Remonter la pente face à la plus grande crise de l’histoire de l’aéronautique risque de s’avérer à la fois très complexe et très lent.</p>
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<figcaption><span class="caption">Un scénario de reprise très progressive, mais ambitieux, des activités d’Air France.</span></figcaption>
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<p>La reprise va d’abord se concentrer sur les <a href="https://www.easyvoyage.com/actualite/air-france-reprend-ses-vols-domestiques-a-partir-du-11-mai-91610">lignes intérieures</a> entre Roissy-CDG et les aéroports de Bordeaux, Brest, Marseille, Montpellier, Nice et Toulouse. Cependant, dès le 2 juin, des vols vers les grandes villes européennes pourraient déjà être planifiés, sachant que des pays comme l’Allemagne, la Belgique ou le Danemark auront rouvert leurs frontières.</p>
<p>Mi-juin, l’activité devrait reprendre vers plusieurs destinations africaines comme Abidjan, Alger ou Brazzaville, avant que des long-courriers recommencent à circuler début juillet. <a href="https://theconversation.com/a380-de-la-prouesse-technologique-au-fiasco-commercial-111917">Les neuf super jumbo jets Airbus A380</a>, qui devaient être vendus d’ici 2022, pourraient bien ne jamais reprendre les airs si le marché du transport aérien reste sinistré trop longtemps.</p>
<h2>Quel avenir pour Hop ! et Transavia ?</h2>
<p>Depuis l’arrivée de Ben Smith, le PDG canadien d’Air France-KLM, le 18 septembre 2018, une stratégie de simplification et de clarification du portefeuille de marques a été lancée. Après avoir réduit sa propre rémunération de 25 %, il a affirmé que la crise du Covid-19 pourrait être une opportunité d’accélérer cette <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/air-france-hop-transavia-ben-smith-prepare-un-plan-choc-de-reconstruction-845846.html">reconfiguration</a> d’Air France, et de l’accomplir en 2 ans au lieu de 5. La première étape avait été la fermeture de Joon le 27 juin 2019 et la réintégration des avions et des 600 PNC (personnel navigant commercial) à la marque Air France.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/333371/original/file-20200507-49556-1apnskz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/333371/original/file-20200507-49556-1apnskz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/333371/original/file-20200507-49556-1apnskz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/333371/original/file-20200507-49556-1apnskz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/333371/original/file-20200507-49556-1apnskz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/333371/original/file-20200507-49556-1apnskz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/333371/original/file-20200507-49556-1apnskz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les marques du groupe Air France-KLM.</span>
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<p>La deuxième étape pourrait concerner la marque Hop ! qui joue un rôle stratégique en acheminant les voyageurs internationaux vers les hubs parisiens. Les difficultés financières de la compagnie régionale pourraient la conduire au même destin que Joon. Certaines liaisons sont déficitaires, principalement à cause du <a href="https://www.lepoint.fr/economie/les-pilotes-d-air-france-peuvent-ils-mener-hop-au-crash-14-11-2018-2271428_28.php">plafond de 100 sièges</a> imposé à Hop ! par les accords professionnels. Si après la crise du Covid-19, les <a href="https://www.lepoint.fr/economie/les-pilotes-d-air-france-peuvent-ils-mener-hop-au-crash-14-11-2018-2271428_28.php">contraintes anciennes</a> et nouvelles limitent les flux et le développement de la filiale, il semble inéluctable qu’elle disparaisse.</p>
<p>Transavia, la compagnie <em>low cost</em> d’Air France, ne devrait pas reprendre ses vols avant le 3 juin. Son succès commercial et sa rentabilité pourraient en faire une pièce maîtresse dans la nouvelle configuration d’Air France-KLM. La volonté de développer cette marque devrait aboutir à l’ouverture de nouvelles lignes et de nouvelles bases comme celle de <a href="https://www.air-journal.fr/2020-05-06-montpellier-la-base-de-transavia-pas-menacee-5220009.html">Montpellier</a> qui a été confirmée par Ben Smith et qui devrait permettre de relier une vingtaine de destinations. Transavia pourrait même être amenée à absorber les <a href="https://www.francebleu.fr/infos/transports/coronavirus-transavia-compagnie-low-cost-d-air-france-prete-a-decoller-pour-assurer-les-vols-1588165372">activités de Hop !</a> en cas de disparition de celle-ci.</p>
<h2>La compagnie la plus écologique du monde ?</h2>
<p>Afin de bénéficier des aides de l’État, en plus des exigences de performance économique de rentabilité et de compétitivité, Air France va devoir intégrer des contreparties écologiques ambitieuses dans son plan de redressement et de restructuration. En effet, Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie et des Finances, a déclaré <a href="https://twitter.com/BrunoLeMaire/status/1255506914273828867">conditionner sa signature du plan de soutien</a> à des exigences drastiques destinées à faire d’Air France la compagnie aérienne la plus respectueuse de l’environnement au monde.</p>
<p>Parmi ces contreparties, on trouve :</p>
<ul>
<li><p>la réduction du nombre de vols entre les destinations où une alternative ferroviaire de moins de deux heures trente existe ;</p></li>
<li><p>la réduction de 50 % des émissions de CO<sub>2</sub> d’ici fin 2024 ;</p></li>
<li><p>l’intégration de 2 % de carburants alternatif durable d’ici 2025 ;</p></li>
<li><p>le renouvellement de la flotte pour des avions qui consomment <a href="https://www.airfranceklm.com/fr/actualites/air-france-klm-accelere-le-renouvellement-de-sa-flotte-et-commande-10-airbus-a350-900">moins de carburant</a>.</p></li>
</ul>
<p>Seulement <a href="https://www.deplacementspros.com/transport/air-france-lavenir-en-pointille-de-la-ligne-bordeaux-orly">trois lignes principales</a> seraient pour l’instant concernées : Orly-Bordeaux, Orly-Nantes et Orly-Lyon. Cependant, l’aéroport d’Orly est aussi un hub vers les Antilles, la Guyane et La Réunion, ce qui impose à la compagnie nationale de maintenir un service. La réduction – ou la suppression – des vols entre Paris-Orly et les métropoles les plus proches pourrait répondre à la double exigence économique et écologique, la compagnie étant déficitaire sur plusieurs lignes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1255506914273828867"}"></div></p>
<p>La question de la concurrence se pose avec Easyjet et Ryanair, <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-le-transport-aerien-en-europe-apres-le-covid-19-lheure-des-choix-1192683">puissantes financièrement</a>, qui dénoncent les aides reçues par Air France, et qui pourraient en profiter pour développer leurs offres sur ces mêmes lignes car il paraît difficile de les en empêcher pour le moment. Le résultat à craindre pourrait être le suivant : toujours autant de vols, mais gérés par des compagnies différentes, avec une empreinte carbone identique ou même plus importante, des tarifs plus élevés et une qualité de service nettement inférieure.</p>
<p>Cette démarche d’aides financières conditionnées à des objectifs climatiques n’est pas spécifique à la France. D’autres pays européens procèdent de la même façon, comme l’Allemagne qui devrait accorder un soutien financier de <a href="https://www.dailymail.co.uk/news/article-8289839/Lufthansa-losing-1million-HOUR-negotiating-10billion-handout.html">9 milliards d’euros à Lufthansa</a>, et en profiter pour acquérir plus de 25 % du capital, entrer au conseil d’administration, et imposer un certain nombre d’objectifs.</p>
<h2>La nationalisation n’est plus au programme ?</h2>
<p>Air France est une entreprise particulièrement stratégique pour la France compte tenu de son rôle en termes d’image, de connectivité et des emplois associés : 350 000 directs et indirects. L’État possède d’ailleurs 14,3 % du capital du groupe Air France-KLM. Le 27 février 2019, les Pays-Bas ont eux aussi investi dans le groupe pour en détenir <a href="https://theconversation.com/air-france-klm-when-cooperation-becomes-confrontation-113310">14 % du capital</a>, ce qui démontre un attachement similaire pour la marque KLM.</p>
<p>C’est afin d’éviter un « préjudice grave pour l’économie française » que l’Union européenne a accepté le plan de sauvetage proposé. <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_20_796">L’aide de la France</a> se décompose en un prêt direct de 3 milliards par l’État qui garantit également à 90 % 4 milliards de prêts bancaires. <a href="https://news.klm.com/klm-grateful-for-2-4-billion-in-state-aid-pledged-by-dutch-government/">L’aide des Pays-Bas</a> pour KLM devrait être comprise entre 2 et 4 milliards d’euros, afin de soutenir la compagnie qui emploie 30 000 personnes et qui réalise des performances commerciales remarquables.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ifr7tn-NyTI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’État français est autorisé à venir en aide à Air France à hauteur de sept milliards d’euros.</span></figcaption>
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<p>Par son soutien financier, l’objectif de la France est aussi de préserver l’emploi et de soutenir les 45 000 salariés, avec les mesures de chômage partiel qui ont permis d’économiser 1,1 milliard d’euros en <a href="https://www.businesstraveller.com/business-travel/2020/04/11/air-france-klm-losing-e25-million-per-day/">salaires</a>. Cela contraste avec de nombreuses compagnies telle British Airways qui a annoncé le licenciement de <a href="https://www.bbc.com/news/business-52462660">12 000 employés</a>, <a href="https://chicago.suntimes.com/business/2020/5/4/21247540/united-airlines-plans-to-cut-3400-managers">United Airlines de 3 400</a> ou <a href="https://edition.cnn.com/2020/05/01/business/ryanair-job-cuts/index.html">Ryanair de 3 000</a>. Air France va par ailleurs engager un <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/air-france-va-engager-un-plan-de-depart-volontaire-20200425">plan de départ volontaire</a>, l’objectif étant de réduire au maximum l’impact social de la crise du Covid-19, avec des mobilités et des départs en retraite anticipés.</p>
<p>Alors que le gouvernement italien a confirmé qu’il prendra en juin le <a href="https://www.lefigaro.fr/societes/l-italie-va-nationaliser-la-compagnie-aerienne-alitalia-en-juin-20200423">contrôle de la compagnie Alitalia</a>, la nationalisation d’Air France, même temporaire, semble pour le moment avoir été écartée. Cette hypothèse très sérieusement <a href="https://www.bfmtv.com/economie/coronavirus-air-france-klm-peut-tirer-profit-de-la-crise-selon-djebbari-1892376.html">évoquée par le ministre des Transports</a> Jean‑Baptiste Djebbari lors de son audition devant le Sénat, serait trop délicate compte tenu de la présence au capital de Delta Airlines et de China Eastern Airlines à hauteur de 8,8 % chacun.</p>
<p>Ben Smith veut aller vite et profiter du chaos actuel pour positionner Air France-KLM comme une référence et un leader mondial. Le groupe pourrait rapidement adopter une stratégie offensive et entrer au capital d’une <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/04/23/coronavirus-paris-et-la-haye-se-portent-au-secours-d-air-france-klm_6037520_3234.html">compagnie <em>low cost</em></a> comme Easyjet ou Norwegian.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137893/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Oihab Allal-Chérif ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La plus grande crise de l’histoire de l’aéronautique est aussi une opportunité pour Air France qui doit accélérer sa reconfiguration et devenir la compagnie aérienne la plus écologique du monde.Oihab Allal-Chérif, Business Professor, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1368732020-05-03T17:44:40Z2020-05-03T17:44:40ZEncombrement d’avions et aides d’État : que reste-t-il des interdits européens ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/331560/original/file-20200429-51474-1i82oq3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C3%2C2488%2C1657&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des avions de la compagnie KLM à l'aéroport d'Amsterdam, 23 avril 2020.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/amsterdam-schiphol-airport-netherlands-may-23-400682443">ingehogenbijl/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le coronavirus est décidément bien mystérieux. Il a rempli les hôpitaux et rendu le ciel européen vierge de toute trace blanche d’avions à l’heure du grand confinement. Les industries aéronautiques rivalisent d’inventivité pour mettre à l’agenda politique européen et national le besoin de capitaux frais pour survivre. </p>
<p>L’Association internationale du transport aérien (IATA) estime que ce secteur soutient près de 25 millions d’emplois dans le monde et 5,6 millions en Europe, et que la perte de revenus de la crise sanitaire pourrait s’élever jusqu’à 113 milliards de dollars, ce qui exige en conséquence un soutien financier massif des États. Le <a href="https://www.iata.org/contentassets/87811256106542a7bfc3a3895d3ec249/2020-03-24-02-fr.pdf">sombre constat des professionnels</a> est que les compagnies aériennes luttent « pour leur survie dans toutes les parties du monde. […] Pour les compagnies aériennes, c’est l’apocalypse ». Le coronavirus induit une valse des milliards en dollars et en euros ; pour autant, à quoi vont-ils servir ?</p>
<p>En Europe, le secteur aérien exige paradoxalement l’intervention de l’État et de l’UE alors qu’il est ouvert à la concurrence depuis le milieu des années 1990, en application du fameux impératif libéral de l’Union européenne. L’action normative de l’UE s’en trouve profondément modifiée pour sauver ce secteur stratégique en emplois et en utilité économique.</p>
<p>L’observation des principales tendances actuelles démontre que le droit s’adapte à la crise, laquelle ne le dissout pas dans l’urgence. Celle-ci peut néanmoins interroger les présupposés des politiques de l’Union et n’évite pas la question des arbitrages entre des impératifs contradictoires.</p>
<h2>La règle s’adapte aux impératifs de l’urgence</h2>
<p>Les compagnies aériennes ont rapidement obtenu un consensus des institutions sur le maintien de leurs créneaux aéroportuaires lors de la prochaine saison d’été ; mais trouver un accord sur l’application du <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32004R0261">Règlement européen sur le droit des passagers aériens n° 261/2004</a> semble plus complexe. Ce texte prévoit en effet que toute annulation suppose un remboursement. La crise rend parfois difficile d’arbitrer entre droits des passagers et survie à court terme des compagnies aériennes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1241845835673067520"}"></div></p>
<p>Logiquement, la Commission européenne a rappelé, dès le 18 mars, qu’en vertu de l’alinéa 3 de l’article 5 du Règlement, les passagers dont le vol est annulé n’ont certes pas droit à une compensation financière mais, circonstance extraordinaire ou pas, gardent le droit de se faire rembourser leur vol ou d’opter pour un réacheminement.</p>
<p>Et c’est là que le bât blesse. Ce rappel à la loi – même tempéré par les Commissaires Valèan (Transport) et Reynders (Justice) qui ont évoqué la <a href="https://www.contexte.com/article/transports/adina-valean-commissaire-aux-transports-maintenant-la-priorite-cest-la-crise-du-coronavirus_113450.html">santé financière des compagnies</a> incapables d’assumer le remboursement des billets et les frais annexes – n’évite pas le débat ouvert par les compagnies soutenues par les États autour de la possibilité d’octroyer aux voyageurs un avoir plutôt qu’un remboursement. Mais qui choisira entre les deux types d’indemnisation ?</p>
<p>Le rapport de force est engagé et la <a href="https://www.air-journal.fr/2020-04-24-lufc-que-choisir-met-en-demeure-des-compagnies-aeriennes-qui-ne-remboursent-pas-les-vols-annules-5219751.html">menace d’actions en justice toujours plus présente</a>. Ainsi, alors que les gouvernements néerlandais et allemand autorisent les transporteurs à ne proposer que des avoirs, remboursables après une certaine période, plutôt que des remboursements directs, l’Irlande, appuyée par le secrétaire d’État français aux Transports Jean‑Baptiste Djebbari, souhaite une adaptation pérenne du droit européen à travers une modification du Règlement. Il est à noter, sans ironie, que ce texte fait déjà l’objet d’une <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A52013PC0130">proposition de réforme</a> qui n’a toujours pas abouti pour les mêmes raisons ici évoquées : quel équilibre entre droit des compagnies aériennes et droit des passagers ?</p>
<p>La crise sanitaire peut aussi saper les fondements des politiques libérales de l’Union, au premier rang desquelles les aides d’État. Elle pose la question de l’action commune et de la réactivité de l’Europe face à des comportements nationaux quasi protectionnistes sinon individualistes.</p>
<h2>Le risque de saper les fondements de la politique des aides d’État</h2>
<p>Le régime des aides d’État est actuellement régi par <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A12008E107">l’article 107 du TFUE</a> qui interdit ces aides pour éviter de fausser la concurrence entre les territoires de l’Union. La validation d’une aide reste possible si et seulement si elle répond à des objectifs européens (protection de l’environnement, développement régional ou encore sauvetage et restructuration d’entreprises en difficulté). Les États sont aujourd’hui sollicités pour renflouer les finances des compagnies aériennes, tant parce qu’elles sont des fleurons nationaux que parce qu’elles sont pourvoyeuses d’emplois et, il ne faut pas le négliger, nécessaires au redémarrage économique.</p>
<p>La réaction des institutions est d’autant plus urgente qu’outre les actions en ordre dispersé des États et donc de leurs compagnies aériennes, les <a href="https://www.air-journal.fr/2020-04-10-ryanair-sans-remboursement-contre-laide-a-austrian-airlines-5219399.html">tensions sont vives</a> entre elles et sources de futurs contentieux quant aux aides nationales accordées. Le <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/la-france-soutient-air-france-a-hauteur-de-7-milliards-d-euros-ce-n-est-pas-un-cheque-en-blanc-dit-le-maire-846122.html">sauvetage massif</a> du Groupe Air France-KLM, à hauteur de 9 milliards d’euros, annoncé le 24 avril par les États français et néerlandais, ne fera qu’attiser le débat.</p>
<p>Dès lors, l’assouplissement du cadre réglementaire des aides d’État décidé par la Commission européenne dans la nuit du 16 au 17 mars dernier a été largement salué. La vice-présidente Margrethe Vestager a proposé aux 27 États membres d’activer l’article 107 (3) (b) du Traité sur le Fonctionnement de l’UE, rendant temporairement légale toute aide « destinée à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires » et permettant notamment aux gouvernements de créer des avantages fiscaux, de garantir des prêts bancaires ou de subventionner les taux d’intérêt de ces emprunts. Déjà sollicitée en 2008 pour éteindre le feu de la crise bancaire, cette disposition permet aux États de fournir des financements pour permettre au secteur aérien d’accéder à des liquidités, le temps (incertain) de la crise sanitaire. Le projet d’aide à Air France/KLM devra entrer dans ce cadre, ce qui paraît possible vu la récession sans précédent du nombre de vols et de passagers.</p>
<h2>Mais la règle demeure intacte ?</h2>
<p>Ce qui est plus notable est la mise à l’écart par la Commission européenne de la règle du « one time last time », selon laquelle une compagnie ne peut recevoir qu’une seule fois une aide à la restructuration et/ou au sauvetage.</p>
<p>Si cette décision a été largement saluée par les États membres qui étaient déjà en pointe sur les différentes mesures à prendre (notamment le report du paiement des taxes aéroportuaires ou des prêts bancaires garantis par l’État), les réactions des compagnies elles-mêmes ont été bien plus mitigées. Dans un <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/air-caraibes-et-french-bee-deplorent-l-aide-prevue-par-l-etat-a-air-france-843312.html">entretien</a> à <em>La Tribune</em> Jean‑Paul Dubreuil, président du groupe qui détient Air Caraïbes et French Bee, questionne ce choix en soulignant qu’« il n’est pas question non plus que ces aides d’État servent à prolonger des compagnies qui n’étaient pas suffisamment performantes », faisant certainement allusion à la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/03/18/l-etat-italien-va-reprendre-les-commandes-de-la-compagnie-aerienne-alitalia_6033504_3234.html">nationalisation</a> d’Alitalia prévue par le gouvernement italien en réponse à la crise sanitaire, alors que cette compagnie avait pourtant déjà <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32006D0176">bénéficié en 2005 d’une aide</a> pour sa restructuration.</p>
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<p>Le cumul des aides semble dans cette hypothèse bien peu efficace. C’est pourquoi les <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/04/10/le-transport-aerien-mettra-au-moins-trois-ans-pour-sortir-de-la-crise-liee-au-coronavirus_6036202_3234.html">souhaits initiaux du directeur général d’Air France-KLM, Ben Smith</a>, à savoir d’obtenir une recapitalisation d’un montant de 12 milliards d’euros pour « surmonter la crise sans encombre » et « participer activement à la phase de consolidation qui suivra », notamment prendre des participations au capital de compagnies <em>low cost</em> telles Norwegian ou Easyjet semblaient difficiles à valider. Les annonces du ministre français de l’Économie Bruno Le Maire vont en conséquence clairement dans le sens du sauvetage conditionnel de l’entreprise pour que l’aide soit rentable, ce qui suppose des réformes internes plus qu’une croissance externe du groupe. Tout ne serait donc pas soluble dans le coronavirus.</p>
<h2>Un nouveau monde suppose de nouvelles priorités ?</h2>
<p>Si l’on peut éteindre le feu de la crise à coups d’aides d’État exceptionnelles, la question qui demeure est celle des priorités politiques de ces coups de pouce. Les écologistes ont tôt fait de critiquer ces aides au secteur aérien qui ne vont pas dans le sens du Green Deal européen, dont l’un des objectifs est de mettre un terme aux subventions accordées aux combustibles fossiles. C’est sous cette pression que Bruno Le Maire a <a href="https://www.air-journal.fr/2020-04-19-compagnies-aeriennes-les-aides-detat-conditionnees-a-des-objectifs-climatiques-5219636.html">conditionné les aides futures aux engagements environnementaux</a>. Cette obligation fait aussi écho aux revendications de l’association Allrail qui, le 23 mars, <a href="https://www.railjournal.com/news/allrail-forecasts-e540m-hit-for-private-passenger-rail-operators/">réclamait</a> que soient « hiérarchis[ées] les demandes en fonction des niveaux de pollution ». S’il faut aider les entreprises les plus stratégiques pour la technologie et l’emploi, il faut donc aussi concentrer les aides pour réinventer le modèle des <a href="https://www.lepoint.fr/politique/pascal-canfin-nos-societes-sont-des-colosses-aux-pieds-d-argile-18-04-2020-2371894_20.php">futurs champions européens</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1250702451243614209"}"></div></p>
<p>Pour Air France, le ministre français a exigé que l’aide soit rentable et que l’entreprise devienne la plus protectrice de l’environnement au monde. Se profilent pour ce faire nombre de réformes : réduction du nombre de lignes, départ de personnel, modernisation de la flotte, réduction du court-courrier… Le diable se niche dans les détails du plan d’aide : quels critères vont servir à mesurer l’effectivité de ce changement de modèle de services aériens durables ? Nul doute que la Commission se montrera attentive à ces détails de la mécanique d’allocation d’une aide aussi massive pour l’autoriser. </p>
<p>Le respect du Green Deal pour la reconstruction des compagnies aériennes devrait alors s’imposer comme une évidence et pas comme une alternative pour stimuler une <a href="https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/tribune-quel-monde-voulons-nous-rebatir-apres-le-covid-19-6809513">Europe des transports complémentaires et multimodaux</a>. Le contrôle des aides d’État doit donc demeurer un outil essentiel pour orienter l’après-Covid-19 vers des modèles résilients, prêts à affronter la prochaine crise, quelle qu’elle soit.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136873/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La crise actuelle cloue les avions au sol. Les États et les institutions de l’UE se portent donc au secours des compagnies aériennes européennes, mais ces aides s’accompagnent de nombreuses questions.Frédérique Berrod, Professeure de droit public, Sciences Po Strasbourg – Université de StrasbourgPascal Simon-Doutreluingne, Professeur agrégé d'économie-gestion, Doctorant en Droit public (droit de la concurrence), Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1361262020-04-19T18:04:03Z2020-04-19T18:04:03ZAéronautique : le Covid-19 signe-t-il la fin des privilèges ?<p>Jusqu’au 12 mars 2020, à l’échelle du globe, FlightRadar24 comptabilisait plus de 100 000 vols commerciaux quotidiens. Puis le trafic <a href="https://www.flightradar24.com/data/statistics">s’est effondré</a> avec un creux de 26 774 vols le 7 avril. La violence de ce choc est <a href="https://www.aci-europe.org/european-airports-passenger-traffic-in-march-2020">sans égal</a> dans l’histoire des compagnies aériennes.</p>
<p>Fin 2019, Alexandre de Juniac, le directeur général de l’Association internationale du transport aérien (IATA), qui représente les intérêts des compagnies aériennes, avait prévu des bénéfices de plus de 29 milliards de dollars pour 2020. C’était un autre monde, et anéanti quelques mois plus tard avec des menaces sur 25 millions d’emplois et un plongeon attendu de 252 milliards de dollars, soit une <a href="https://www.iata.org/en/pressroom/pr/2020-04-07-02/">baisse de 44 %</a> par rapport au chiffre d’affaires de 2019 !</p>
<h2>L’aérien, facteur aggravant de la pandémie</h2>
<p>Au-delà de ces chiffres, les compagnies aériennes se sont en effet retrouvées en première ligne en raison de leur capacité involontaire et foudroyante à diffuser le virus. Le boom du transport aérien, en Asie notamment, est venu aggraver la situation. Rappelons qu’en 1992, la Chine n’avait connu que 500 000 mouvements d’avions, mais 10 249 millions en 2017, dont 869 000 à l’international.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/327135/original/file-20200410-51889-1yde9yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/327135/original/file-20200410-51889-1yde9yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=304&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/327135/original/file-20200410-51889-1yde9yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=304&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/327135/original/file-20200410-51889-1yde9yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=304&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/327135/original/file-20200410-51889-1yde9yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=382&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/327135/original/file-20200410-51889-1yde9yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=382&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/327135/original/file-20200410-51889-1yde9yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=382&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Baisse du trafic aérien en Europe corrélée à la propagation du coronavirus (en nombre de cas confirmés).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.aci-europe.org/european-airports-passenger-traffic-in-march-2020">Airports Council International Europe</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans les années qui viennent, reviendra-t-on à la « normale », c’est-à-dire à une croissance du marché aérien selon les critères du seul libéralisme économique ? Si c’est le cas, ce retour au rythme de croisière d’avant-crise porterait le risque de nouvelles crises pandémiques mondiales. De nombreuses souches de coronavirus ne demandent en effet qu’à s’activer. De manière structurelle, la pression anthropique sur les milieux naturels et ruraux rapproche les hommes et les animaux, et favorise ainsi le franchissement de la barrière des espèces par les virus.</p>
<p>En prendre conscience pourrait donc amener à une rupture, exactement comme les attentats du 11-Septembre l’ont été dans la <a href="http://www.rfi.fr/fr/ameriques/20110909-securite-aerienne-change-depuis-le-11-septembre-attentats-lutte-anti-terroriste">réorganisation</a> de la sécurité aérienne. Au minimum, un confinement radical et brutal du ciel mondial devrait être envisageable en cas de crise sanitaire. Au mieux, cela pourrait passer par la fin du statut particulier de l’aviation commerciale dans le droit international.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1247554584375148544"}"></div></p>
<p>La remise en cause de ce statut permettrait d’endiguer le risque de nouvelles pandémies, mais aussi d’engager la lutte contre la <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/09/20/ce-qu-il-faut-savoir-sur-la-pollution-generee-par-le-trafic-aerien_6012443_3244.html">pollution grandissante</a> générée par le transport aérien, qu’il s’agisse du dérèglement climatique comme des aéroports destructeurs des milieux « naturels » et problématiques en matière de santé publique.</p>
<h2>Une liberté subventionnée</h2>
<p>Ce statut particulier a été mis en place au sortir de la Deuxième Guerre mondiale. En 1948-49, le <a href="http://www.alliiertenmuseum.de/fr/themes/le-pont-aerien-de-berlin.html">pont aérien</a> de Berlin avait en outre frappé les esprits par la capacité du fret avionné à défendre la liberté.</p>
<p>Les États-Unis avaient alors déjà mis en avant la liberté de voler avec un ciel régulé par l’Organisation des Nations unies (ONU). Dès 1944, les conventions de Chicago et de Montréal avaient posé les bases juridiques de ce principe. Ainsi, l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) garantit le fonctionnement concret d’une circulation <a href="https://www.icao.int/about-icao/Pages/FR/default_FR.aspx">aussi libre</a> que possible. Sur le terrain, l’IATA veille à l’application concrète des deux conventions.</p>
<p>C’est ainsi que l’aviation civile a réussi, plusieurs décennies plus tard, à s’affranchir de la lutte contre la pollution. En 1997 à <a href="https://www.ina.fr/video/2092055001012">Kyoto</a>, le lobbying de l’IATA avait été efficace puisque les « soutes internationales » avaient été exclues des calculs des émissions de gaz à effet de serre.</p>
<p>L’argument avait été de dire qu’on ne saurait attribuer des quotas nationaux d’émission aux compagnies puisque celles-ci ont des activités principalement internationales : faudrait-il taxer le pays siège de la compagnie, celui de l’aéroport de départ ou d’arrivée, ou encore l’espace aérien du pays survolé ?</p>
<p>Depuis 1997, au gré des COP successives, les « soutes internationales » ont ainsi continué à se défendre <a href="http://circo70.ac-besancon.fr/wp-content/uploads/2015/10/circo70.ac-besancon.fr_fiche-historique-cop.pdf">avec succès</a>. Mais cette exception apparaît de moins en moins tenable alors que la prise de conscience du risque climatique s’accroît.</p>
<p>L’analyse des comptes des compagnies aériennes nous permet de dire que le prix du carburant représente entre le cinquième et le tiers des charges, en fonction de l’évolution du cours du baril de pétrole. Elles sont par conséquent opposées à la taxation du kérosène – un peu comme si les automobilistes payaient le litre entre 30 et 50 centimes.</p>
<p>En outre, les <a href="https://www.transportenvironment.org/sites/te/files/publications/2019_07_Report_analysis_state_aid_Ryanair_airports.pdf">aides publiques</a> sont une pratique courante. Les compagnies low-cost demandent des subventions et des aides diverses au prétexte qu’elles peuvent sauver de petits aéroports déficitaires, ce qui est vrai, et que la puissance publique récupérera la mise grâce aux activités ainsi induites (ce qui n’a jamais été prouvé).</p>
<p>En France, les élus locaux poussent eux aussi dans ce sens, au nom de l’<a href="http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/redaction_multimedia/2019/2019_Infographies/20191003_Rapport-TAAT.pdf">aménagement du territoire</a> et de la défense de la ruralité. Dans certains pays émergents, l’argent public ruisselle sur la compagnie nationale et sur les chantiers aéroportuaires.</p>
<p>Ailleurs, la collusion entre les milieux d’affaires et les élus conduit à <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2011/11/19/des-folies-en-espagne_1606380_3214.html">surdimensionner les infrastructures</a>, voire à en construire inutilement.</p>
<p>C’est ainsi que la concurrence est faussée et que le prix d’un billet ne correspond pas nécessairement à ce qu’il coûte réellement. Supprimer les subventions, produire un prix du carburant « loyal », égaliser la fiscalité, voilà encore une utopie pour un monde post-libéral.</p>
<h2>Taxer, compenser ou plafonner ?</h2>
<p>Ce n’est que très récemment, pendant l’été 2019, que la pression a commencé à monter avec par exemple la <a href="https://www.air-journal.fr/2019-07-10-ecotaxe-sur-les-billets-davions-colere-generale-5213671.html">taxe Borne</a>, de 1,5 à 18 euros par billet d’avion, dont la mise en place est prévue l’année prochaine sur les vols au départ de la France. En parallèle, le gouvernement néerlandais a appelé la Commission européenne à imposer une <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/air-defense/les-pays-bas-veulent-amener-leurope-a-taxer-le-transport-aerien-1031574">taxe sur l’aviation</a> dans toute l’Union européenne.</p>
<p>Certes, l’avion propre et silencieux existera un jour, probablement dans <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/air-defense/airbus-travaille-sur-un-premier-avion-decarbone-pour-les-annees-2030-1157570">quelques décennies</a>, et d’abord pour les liaisons court-courrier. D’ici là, si l’aviation civile veut porter sa part du fardeau de la lutte contre le dérèglement climatique, seul un plafonnement de l’activité apparaît comme une solution crédible, tout en poursuivant les progrès techniques permettant de limiter la consommation par passager transporté/kilomètre parcouru ; ainsi l’étau pourrait-il être progressivement desserré.</p>
<p>Dès à présent, les <a href="https://calculcarbone.org/">compensations carbone</a> sont revendiquées par certaines compagnies aériennes. Mais ces compensations ne peuvent constituer qu’un pis-aller, car l’ampleur qu’il faut leur donner et les effets que l’on en attend sont difficiles à mesurer en toute objectivité puisqu’on ne connaît pas encore la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=AUgmJnGgv1Q">quantité de biomasse</a> globalement existante.</p>
<p>Ainsi le choc entre le libéralisme défiscalisé mais subventionné et le monde de la jeune militante écologiste suédoise Greta Thunberg ne peut aboutir à ce jour à un consensus entre les deux parties. En 2020, lors du 40<sup>e</sup> Forum économique mondial de Davos, le président des États-Unis Donald Trump avait déclaré que « nous devons <a href="https://www.lepoint.fr/monde/entre-trump-et-greta-thunberg-davos-a-l-epreuve-du-defi-climatique-21-01-2020-2358756_24.php">rejeter les éternels prophètes de malheur</a> et leurs prédictions d’apocalypse ». Il avait souligné qu’il ne laisserait pas « des socialistes radicaux » s’attaquer aux énergies fossiles. En réponse, Greta Thunberg avait affirmé qu’il fallait « paniquer » et « cesser immédiatement tous les investissements dans l’exploration et l’extraction d’énergies fossiles » et cela « pas en 2050, pas en 2030 ou même en 2021, mais maintenant ». Bloc contre bloc.</p>
<hr>
<p><em>Raymond Woessner est l’auteur de lu livre <a href="https://www.furet.com/livres/geographie-du-transport-aerien-raymond-woessner-9782350306582.html">« Géographie du transport aérien. Quelle croissance pour quelle planète ? »</a> à paraître aux éditions Atlande.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136126/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raymond Woessner ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le rôle du trafic aérien dans l’essor de la pandémie actuelle pourrait remettre en cause son statut particulier dans un contexte plus large de lutte contre le dérèglement climatique.Raymond Woessner, Professeur honoraire de géographie, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1342222020-03-22T20:13:44Z2020-03-22T20:13:44ZFaut-il nationaliser les compagnies aériennes ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/321780/original/file-20200319-22627-1vgn59x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C79%2C923%2C582&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le gouvernement français réfléchit à une éventuelle nationalisation d’Air France-KLM.</span> <span class="attribution"><span class="source">Roibu / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le transport aérien est gravement impacté par le coronavirus et les compagnies aériennes ont annoncé successivement des réductions drastiques des programmes de vols allant jusqu’à <a href="https://www.air-journal.fr/2020-03-17-covid-19-reductions-de-programmes-de-vols-en-bref-5218900.html">90 % d’annulations</a>.</p>
<p>De telle sorte que le gouvernement français pourrait même envisager de <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/le-maire-la-france-est-prete-a-nationaliser-des-entreprises-si-necessaires-20200318">nationaliser Air France-KLM</a> pour l’aider à surmonter la crise, avec vraisemblablement le concours du gouvernement néerlandais.</p>
<p>En Italie, la nationalisation de la compagnie nationale, Alitalia, déjà mal en point, semble d’ailleurs <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/au-bord-de-la-faillite-la-compagnie-aerienne-alitalia-sera-nationalisee-1364967">acquise</a>.</p>
<p>Dès avant cette crise, le secteur aérien était en mauvaise santé en raison du prix élevé des carburants et d’un contexte économique incertain (Brexit, guerre commerciale États-Unis-Chine, etc.). Pas moins de <a href="https://www.air-journal.fr/2020-01-01-transport-aerien-21-compagnies-aeriennes-ont-fait-faillite-en-2019-5217302.html">23 compagnies ont fait faillite</a> en 2019 dont, pour la France, Aigle Azur et XL Airways.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1240185296844730368"}"></div></p>
<p>Plus récemment, la compagnie britannique <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/la-compagnie-aerienne-flybe-cesse-ses-activites-1182065">Flybe a fermé ses portes</a> début mars à la suite des difficultés engendrées par le coronavirus. Ces faillites sont devenues inéluctables dès lors que ces entreprises se sont trouvées à court de liquidités.</p>
<p>Compte tenu de ce contexte extrêmement perturbé, nous avons tenté d’évaluer la capacité des grandes compagnies aériennes à résister au choc dans les semaines et les mois qui viennent.</p>
<p>Nous avons retenu les trois principales compagnies européennes Air France-KLM, IAG (qui comprend notamment British Airways et Iberia), Lufthansa (qui intègre entre autres Swiss et Austrian Airlines), une des plus grandes compagnies américaines, American Airlines, une des plus grandes compagnies chinoises, Air China et une des plus importantes compagnies low-cost, EasyJet.</p>
<h2>Trésorerie insuffisante</h2>
<p>La principale cause de faillite des entreprises réside dans leur incapacité à payer leurs factures au jour le jour, c’est-à-dire leur illiquidité, en raison d’une trésorerie insuffisante.</p>
<p>Pour apprécier la liquidité avant la crise, nous avons retenu plusieurs indicateurs. Le ratio de liquidité générale (actifs courants/passifs courants) doit « normalement » être supérieur à 1, car les entreprises sont censées être capables de payer toutes leurs échéances à court terme avec leurs avoirs à court terme.</p>
<p>Le ratio de liquidité immédiate (trésorerie/passifs courants) mesure la capacité immédiate de l’entreprise à faire face à ses créanciers à court terme. Le nombre de jours de chiffre d’affaires représenté par la trésorerie est une estimation grossière du nombre de jours où l’entreprise peut tenir sans rentrées de liquidités.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/321781/original/file-20200319-22594-1vyudqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/321781/original/file-20200319-22594-1vyudqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/321781/original/file-20200319-22594-1vyudqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/321781/original/file-20200319-22594-1vyudqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/321781/original/file-20200319-22594-1vyudqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/321781/original/file-20200319-22594-1vyudqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/321781/original/file-20200319-22594-1vyudqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/321781/original/file-20200319-22594-1vyudqe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Rapports annuels au 31 décembre 2019 des sociétés sauf pour Air China, 31 décembre 2018 et EasyJet, 30 septembre 2019</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’observation des ratios de liquidité pour l’ensemble des entreprises est relativement inquiétante, car elles sont bien en dessous des normes en la matière, avec deux situations particulièrement mauvaises, American Airlines et Air China.</p>
<p>Ce constat est renforcé lorsque l’on constate que la trésorerie des entreprises représente peu de jours d’activité en particulier chez Air France (37 jours) et EasyJet (39 jours).</p>
<p>Au total, l’ensemble des compagnies aériennes présente une situation de liquidité fragile dès avant la crise. Même si la chute de l’activité va se traduire par une baisse drastique des dépenses notamment en carburant (avec en outre une baisse du prix) et avec la possibilité de mettre en chômage partiel une bonne partie du personnel, il n’en reste pas moins que la trésorerie de ces entreprises reste très réduite.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/321782/original/file-20200319-22606-16cbfxk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/321782/original/file-20200319-22606-16cbfxk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/321782/original/file-20200319-22606-16cbfxk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/321782/original/file-20200319-22606-16cbfxk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/321782/original/file-20200319-22606-16cbfxk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/321782/original/file-20200319-22606-16cbfxk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/321782/original/file-20200319-22606-16cbfxk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/321782/original/file-20200319-22606-16cbfxk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Rapports annuels au 31 décembre 2019 des sociétés sauf pour Air China, 31 décembre 2018 et Easy Jet, 30 septembre 2019</span></span>
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<p>Par ailleurs, si l’activité au premier trimestre est en général plus faible, les second et troisième trimestres qui sont juste devant nous sont également les plus importants pour les compagnies aériennes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/321784/original/file-20200319-22636-ijg2n3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/321784/original/file-20200319-22636-ijg2n3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/321784/original/file-20200319-22636-ijg2n3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/321784/original/file-20200319-22636-ijg2n3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/321784/original/file-20200319-22636-ijg2n3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/321784/original/file-20200319-22636-ijg2n3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/321784/original/file-20200319-22636-ijg2n3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/321784/original/file-20200319-22636-ijg2n3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">Rapports trimestriels des sociétés</span></span>
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<h2>Des capacités d’endettement déjà très limitées</h2>
<p>Face à ce risque d’illiquidité, les compagnies aériennes pourraient envisager de recourir à l’emprunt. Mais les banques et les marchés risquent de manifester une réelle et bien compréhensible frilosité vis-à-vis de demandes de concours financiers nouveaux, alors que la capacité d’endettement des compagnies aériennes était déjà bien entamée avant la crise et que leurs perspectives sont mauvaises.</p>
<p>Le taux d’endettement (dettes financières/total actif) dépasse la norme généralement admise de 33 % pour quatre d’entre elles (Air France-KLM, IAG, American Airlines et Air China) et si le taux d’endettement net (la trésorerie est déduite de l’endettement) est plus raisonnable, cet exercice est théorique dans la mesure où la trésorerie est en cours de consommation accélérée par les compagnies pour faire à leurs échéances courantes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/321785/original/file-20200319-22622-seavkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/321785/original/file-20200319-22622-seavkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/321785/original/file-20200319-22622-seavkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/321785/original/file-20200319-22622-seavkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/321785/original/file-20200319-22622-seavkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/321785/original/file-20200319-22622-seavkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=430&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/321785/original/file-20200319-22622-seavkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=430&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/321785/original/file-20200319-22622-seavkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=430&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Rapports annuels au 31 décembre 2019 des sociétés sauf pour Air China, 31 décembre 2018 et Easy Jet, 30 septembre 2019</span></span>
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<h2>Une simple nationalisation ne suffit pas</h2>
<p>Pour permettre aux compagnies aériennes de survivre, l’idée de leur nationalisation fait son chemin dans les différents pays compte tenu de la vraisemblable situation d’illiquidité à laquelle elles vont devoir faire face plus ou moins rapidement.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/321786/original/file-20200319-22636-1deyhnh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/321786/original/file-20200319-22636-1deyhnh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/321786/original/file-20200319-22636-1deyhnh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/321786/original/file-20200319-22636-1deyhnh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/321786/original/file-20200319-22636-1deyhnh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/321786/original/file-20200319-22636-1deyhnh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/321786/original/file-20200319-22636-1deyhnh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/321786/original/file-20200319-22636-1deyhnh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">Rapports annuels au 31 décembre 2019 des sociétés sauf pour Air China, 31 décembre 2018 et Easy Jet, 30 septembre 2019. Zone Bourse pour les capitalisations boursières</span></span>
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<p>En observant les ratios de capitalisation, on constate la valorisation très faible de ces entreprises. Ainsi, Air France ne « vaut » que 6 % de ses actifs et que 7 % de son chiffre d’affaires. Cette situation, qui touche toutes les compagnies (dans une moindre mesure pour EasyJet et Air China), pourrait rendre les nationalisations peu coûteuses pour les États et sans réels risques, l’opération de privatisation subséquente devant permettre d’enregistrer de solides plus-values.</p>
<p>Pour autant, une simple nationalisation ne suffit pas, car racheter les actions des actuels actionnaires n’apporte aucune liquidité aux entreprises. Ce sont plutôt des augmentations de capital souscrites par les États qui seront nécessaires pour offrir une bouffée d’air frais à ces entreprises. En outre, on pourrait aussi envisager que les États prêtent de l’argent aux entreprises, mais cette piste conduirait à renoncer au retour à meilleure fortune.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/134222/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Caby ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour les États, une telle opération pourrait être payante à court terme, mais resterait insuffisante face à des problèmes financiers persistants.Jérôme Caby, Professeur des Universités, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1338522020-03-17T20:20:10Z2020-03-17T20:20:10ZCoronavirus (et autres maux) : 2020, année noire pour le tourisme mondial<p>La crise sanitaire du <a href="https://gisanddata.maps.arcgis.com/apps/opsdashboard/index.html#/bda7594740fd40299423467b48e9ecf6">coronavirus</a>, décrite statistiquement en temps réel par la John Hopskin University, attaque fortement l’économie mondiale et en premier lieu <a href="https://www.veilleinfotourisme.fr/international/dossier-d-actualite-l-impact-du-coronavirus-sur-le-tourisme-dans-le-monde">l’industrie du tourisme</a>.</p>
<p>L’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) anticipe une baisse de 300 à 500 milliards de dollars des recettes touristiques en 2020, soit près d’un tiers des 1 500 milliards générés en 2019. La France pourrait abandonner jusqu’à 40 milliards d’euros par trimestre. Partout dans le monde, des millions d’emplois sont menacés dans le secteur.</p>
<p>Les compagnies aériennes subissent une <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/03/06/coronavirus-le-secteur-du-transport-aerien-redoute-des-pertes-colossales_6032039_3234.html">chute drastique</a> de leur activité, volent à vide, mettent en place des plans d’urgence et <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2020-03-16/virus-to-bankrupt-most-airlines-by-end-of-may-consultant-says">risquent la faillite</a>. Le commissaire européen, Thierry Breton, a annoncé début mars que l’Europe avait déjà perdu au moins deux millions de nuitées dans l’hôtellerie depuis janvier.</p>
<p>Lors de son allocution télévisée du 16 mars, le président de la République Emmanuel Macron a assombri les perspectives pour le secteur en annonçant la <a href="https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/coronavirus-les-frontieres-a-l-entree-de-l-ue-et-de-schengen-fermees-des-mardi-midi-7800265497">fermeture des frontières</a> à l’entrée de l’Union européenne et de l’espace Schengen pendant 30 jours.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1239633404385202176"}"></div></p>
<p>La baisse du nombre de touristes fragilise fortement les secteurs <a href="https://www.telerama.fr/monde/coronavirus-en-france,-la-culture-mise-a-larret,n6617305.php">culturel</a> et sportif, la restauration, le commerce de détail. L’annulation des grands événements de tout type, de Shanghai à Las Vegas, en passant par Genève, prive les territoires d’externalités positives.</p>
<p>Plusieurs facteurs structurels du tourisme mondial amplifient la crise.</p>
<h2>Les zones clés impactées</h2>
<p>Au départ, la crise affecte les touristes chinois qui sont les <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/OXAN-GA250602/full/html">plus dépensiers au monde</a>, loin devant les Américains, avec <a href="https://www.statista.com/statistics/273127/countries-with-the-highest-expenditure-in-international-tourism/">277,6 milliards de dollars en 2018</a> dont 4,4 milliards en France.</p>
<p>Alors que le président Xi Jinping a <a href="https://www.lefigaro.fr/societes/coronavirus-paris-et-sa-region-prives-de-leur-principale-manne-touristique-20200221">interdit les voyages de groupe en Chine</a> et à l’étranger fin janvier, les conséquences se font sentir au Cambodge et en Thaïlande où le tourisme représente plus de 10 % du PIB, mais aussi en Corée du Sud, au Vietnam, au Japon, en Australie, dont presque la moitié des touristes internationaux viennent de Chine, Taiwan ou Hongkong.</p>
<p>Elle s’attaque ensuite à la première destination mondiale : l’Europe. En 2018, le continent a accueilli 672 millions de touristes, la moitié des arrivées internationales dans le monde. Le tiers des touristes voyagent en Italie, France et Espagne, trois pays dans le top six des pays les plus affectés par le coronavirus, avec des destinations phare comme Venise, Florence, Paris, Milan.</p>
<p>Le troisième facteur d’amplification, plus lente à venir mais probablement plus fort, concerne le processus de décision d’achat des vacances. Cette décision reste en effet toujours <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/coronavirus-est-ce-le-bon-moment-de-reserver-vos-vacances_fr_5e6cacd7c5b6747ef11da4d6">risquée</a> en raison de la nature de service du tourisme : il n’est pas possible de l’essayer avant de l’acheter et c’est un investissement important qui nécessite recherche d’informations, comparaison des prix, des destinations.</p>
<p>Dans la crise actuelle, il y a une forte incertitude à se projeter dans une mobilité future et à dépenser et à choisir la bonne destination, l’image renvoyée par les médias des zones affectées n’incite pas au voyage. Les réservations pour l’Asie sont en chute de 50 à 65 % et celles qui concernent la France perdent 40 %. L’ensemble du secteur est entré dans une <a href="http://www.rfi.fr/fr/%C3%A9conomie/20200310-coronavirus-tourisme-mondial-quarantaine">phase de décroissance</a> avec des prévisions s’échelonnant entre moins 3 % et moins 12 % de touristes suivant les zones, d’après l’Organisation mondiale du tourisme (OMT).</p>
<h2>Un secteur déjà fragilisé</h2>
<p>Bien que la crise du coronavirus ait des effets destructeurs à court terme sur l’industrie du tourisme, cet épisode pandémique, comme souvent les crises, peut aussi être considéré comme le <a href="http://www.telescope.enap.ca/Telescope/docs/Index/Vol_16_no_2/Telv16n2_roux-dufort.pdf">point d’arrivée d’un état de vulnérabilité</a> plutôt que le point de départ d’une période de déstabilisation.</p>
<p>Elle s’inscrit ainsi plus largement dans une remise en cause stratégique des pratiques du tourisme qui pourraient être amenées à enfin <a href="https://www.rtbf.be/info/societe/detail_coronavirus-ce-mal-qui-pourrait-bien-sauver-des-vies-et-changer-l-economie?id=10452445">changer</a>. La recherche se montre active sur le sujet et dresse le constat d’une succession de problématiques liées aux mouvements de population dans le cadre des activités de loisirs.</p>
<p>Première problématique, l’étonnante faiblesse de la <a href="http://communications.uniza.sk/index.php/communications/article/view/1540">gestion des risques</a> pour une industrie qui devrait être hautement fiable.</p>
<p>Deuxième problématique liée, la <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)30185-9/fulltext">globalisation virale</a>. Tout comme les touristes, les maladies passent au-dessus des frontières, parcourent des milliers de kilomètres et mettent en danger les populations les plus vulnérables. L’ironie de la crise actuelle retiendra que ce ne sont pas nécessairement les voyageurs les plus touchés, mais les hôtes les plus modestes qui en font les frais. <a href="https://www.erudit.org/en/journals/teoros/1900-v1-n1-teoros01370/1024761ar/abstract/">Le tourisme médical</a>, qui consiste à se faire soigner à l’étranger pour des raisons financières, légales, et l’immigration thérapeutique, soulèvent aussi des questions plus larges quant aux pratiques médicales des États et l’harmonisation d’un système de santé mondial.</p>
<p>Troisième problématique mise en cause, <a href="https://haroldgoodwin.info/pubs/RTP%E2%80%99WP4Overtourism01%E2%80%992017.pdf">l’<em>overtourism</em></a> (« surtourisme »), présenté par la recherche comme l’un des plus grands maux du tourisme de masse. Il se caractérise par un nombre trop important de vacanciers qui dégradent les écosystèmes, les sites, les conditions de vie des résidents, et l’expérience des visiteurs.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1218089913431875584"}"></div></p>
<p>Il s’explique par un haut niveau d’offre de tourisme, l’augmentation des vols à bas prix (<em>low cost</em>), la désintermédiation, l’avènement de l’économie collaborative, la saisonnalité, l’augmentation du niveau de vie et donc de l’accès aux vacances, la multiplication des transports et la valorisation des destinations par le marketing, un tourisme <em>must-see sight</em> (lieux incontournables) glorifié par Instagram. La pandémie, qui l’a temporairement stoppé, est l’occasion de réfléchir à comment le réguler.</p>
<p>Enfin, une autre problématique liée du tourisme concerne la pollution liée à l’activité. L’usage unique des biens de consommation des passagers en transit ou les transports routiers sont en cause, mais <a href="https://www.tandfonline.com/doi/citedby/10.1080/09669582.2020.1730388">ce sont les émissions carbone de l’aviation civile</a> qui attire le plus l’attention. Les critiques dénonçant une élite mondiale sont véhémentes et rivalisent de termes destinés à culpabiliser les usagers.</p>
<h2>Une opportunité pour un nouveau tourisme</h2>
<p>La crise du Covid-19 pose donc en creux la <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1467-6486.2010.00908.x">question du sens</a> d’un tourisme globalisé et invite à repenser l’industrie du tourisme <a href="https://www.criticaltourismstudies.com/">dans une approche critique</a>.</p>
<p>Plusieurs pistes de transformation sont à étudier. L’idée générale serait d’aller vers un tourisme responsable, durable et innovant socialement, qui se structure sur l’identité des territoires (non délocalisable) et qui les dynamisent tout en respectant la qualité de vie des habitants et la valeur expérientielle et mémorable du voyage. La conservation du patrimoine naturel et culturel est un des piliers d’un tourisme responsable et il permet d’améliorer sensiblement la perception des habitants du tourisme.</p>
<p>Pour éviter l’<em>overtourism</em>, la clé est la planification, de préférence en amont. <a href="https://tonywheeler.com.au/upcoming-events/">Comme l’explique Tony Wheeler</a>, le fondateur du Lonely Planet, les hauts lieux du tourisme, les musts, doivent prendre des mesures de régulation des flux comme le font déjà de nombreuses destinations, qui ont fait le choix de la <a href="https://www.lefigaro.fr/voyages/quotas-taxes-interdictions-les-mesures-de-12-destinations-contre-le-surtourisme-20190809">limitation de l’accès</a> : <a href="https://responsibletourismpartnership.org/solutions/">Barcelone</a>, Cinque Terre, Venise, Dubrovnik, Islande, etc.</p>
<p>Le développement d’un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/21568316.2019.1599604">tourisme créatif</a> et <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/21568316.2019.1599604">plus inclusif</a> est à développer pour éviter une concentration des activités sur les hotspots et impliquer les habitants dans l’activité. La participation des visiteurs dans des expériences culturelles et créatives qui reflètent l’identité du territoire et impliquent une co-création des habitants et des touristes.</p>
<p>Par exemple, Nantes se positionne comme « la ville renversée par l’art » avec un <a href="https://www.levoyageanantes.fr/">voyage à Nantes</a> impliquant tous les acteurs pour valoriser un territoire créatif. En France, vous avez la possibilité de fabriquer du fromage en <a href="https://ohlavache.org/">Normandie</a>, ramasser des huîtres du <a href="https://www.gujanmestras.com/decouvrir/pescatourisme/">Bassin d’Arcachon</a>, créer votre propre parfum à <a href="https://www.connessens.com/">Grasse</a>, etc.</p>
<p>Le monde est vaste et en réalité, la plupart des lieux ne sont pas concernés par l’overtourism. Il faut donc investir et valoriser de <a href="https://www.globe-trotting.com/le-top-des-voyages-sans-touristes">nouveaux lieux</a>. Et parfois, ils ne sont pas loin. La tendance du <a href="https://theconversation.com/la-microaventure-le-voyage-en-bas-de-chez-soi-125327"><em>staycation</em></a> et du <em>slow tourism</em> s’intensifient. Les voyageurs voient le tourisme de proximité comme un bon moyen pour maximiser le temps de vacances, en évitant un transport long, impactant sur l’environnement et coûteux.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1184922139012554753"}"></div></p>
<p>Les destinations sont de plus en plus nombreuses à valoriser des activités à faire près de chez soi : <a href="https://exploreparis.com/fr/">#ExploreParis</a>, <a href="https://www.loireavelo.fr/">La Loire à Vélo</a>, <a href="https://www.unairdebordeaux.fr/">Un air de Bordeaux</a>… Un bel exemple a ouvert à Paris, des nuitées en hôtels haut de gamme à moindre prix sont proposées uniquement aux locaux. <a href="https://www.staycation.co/fr/">Staycation</a> propose de renouveler l’expérience en valorisant les services et les activités proposés par l’hôtel.</p>
<p>On pourrait enfin évoquer le <a href="https://www.buhalis.com/etourism/">e-tourisme</a> en développement depuis les années 2000 explose depuis le début de la crise en Chine : accélération du <a href="https://www.researchgate.net/publication/301901740_ICT_adoption_in_heritage_organizations_Crossing_the_chasm"><em>digital heritage</em></a> comme dans les <a href="https://www.theartnewspaper.com/analysis/behind-closed-doors-how-museums-in-china-are-coping-with-coronavirus">musées en Chine</a> et les monuments, diffusion en ligne de spectacles live comme au <a href="https://www.playbill.com/article/metropolitan-opera-after-shutting-its-doors-will-offer-free-streams-from-live-in-hd-catalog">Metropolitan Opera</a>, ou même d’événements comme les <a href="https://fashionunited.fr/actualite/mode/coronavirus-la-fashion-week-milanaise-prend-soin-de-ses-clients-chinois/2020020623070">fashion weeks</a> de Milan et de Londres diffusées sur Internet en direct aux clients chinois. Les opérateurs développent des contenus digitaux de qualité pour éviter le déplacement des foules.</p>
<iframe src="https://players.brightcove.net/3281700261001/default_default/index.html?videoId=6142013355001" »="" allowfullscreen="" frameborder="0" width="100%" height="400"> </iframe>
<p>En chinois, le mot crise <em>Wei Ji</em> est composé de deux caractères qui signifient « danger » et « opportunité ». Il rappelle avec ironie l’essence de cette crise, à la fois très douloureuse et favorable à l’apprentissage. En faisant fonctionner le tourisme <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/le-monde-a-l-envers/le-monde-a-l-envers-25-fevrier-2020">à l’envers</a>, la crise du coronavirus peut avoir un effet de « change maker » en bouleversant les pratiques et permettre d’accélérer la transformation d’une industrie encore très conservatrice.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133852/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Au-delà des conséquences drastiques pour le secteur à court terme, la crise sanitaire constitue une opportunité d’apprentissage pour transformer les pratiques actuelles de manière plus durable.Anne Gombault, Professeure de management stratégique, directrice des programmes du MSc Arts & Creative Industries Management à Paris et de la partie française de l'Institut Franco-Chinois de Management des Arts et du Design à Shanghai, Kedge Business SchoolClaire Grellier Fouillet, International Program Coordinator - Creative Industries Research Center, Kedge Business SchoolJérémy Lemarié, Docteur en sociologie, enseignant en anglais management et éducation, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1324562020-03-05T19:01:41Z2020-03-05T19:01:41ZAéroport, la fin du monopole au bout de la piste<p>Aéroports de Paris (ADP) devrait bientôt être privatisé. Rien de plus logique. L’accueil des passagers et des avions est devenu une affaire économique ordinaire, un business comme un autre soumis à la concurrence. Aujourd’hui, les aéroports investissent en marketing et en communication comme n’importe quelle société commerciale et Roissy-Charles de Gaulle rivalise avec Bruxelles et Beauvais mais aussi Francfort et Abou Dhabi. Embarquement immédiat porte E, comme économie.</p>
<p>Les aéroports sont nés dans le giron de l’État, non du marché. Le modèle historique est celui d’une branche du ministère des Transports ou d’un établissement public qui sert une compagnie elle-même publique, porte-drapeau de la nation, de son rayonnement et de son développement économique. Ce modèle étatique est d’ailleurs aujourd’hui le plus courant hors de l’OCDE, en Chine sans surprise, mais aussi au Brésil ou encore au Maroc.</p>
<h2>D’un modèle à l’autre</h2>
<p>Il est très pratique pour l’enseignement de l’économie car autrement plus simple que le modèle du grand aéroport commercial d’aujourd’hui, qui est à la fois un grand magasin et un terrain pour les avions (ce qui fera l’objet d’un prochain article sur l’aéroport comme plate-forme).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/317072/original/file-20200225-24659-1xk8p98.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/317072/original/file-20200225-24659-1xk8p98.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/317072/original/file-20200225-24659-1xk8p98.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/317072/original/file-20200225-24659-1xk8p98.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/317072/original/file-20200225-24659-1xk8p98.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/317072/original/file-20200225-24659-1xk8p98.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/317072/original/file-20200225-24659-1xk8p98.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue aérienne des terminaux 2A et 2B de l’aéroport CDG.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:CDG-aerialview.jpg">Fyodor Borisov/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Le modèle étatique permet d’illustrer quelques principes de base de la théorie économique. Citons-en trois. Un, éviter la concurrence si le monopole est naturel du fait d’économies d’échelle quasi illimitées. Par exemple, ne pas construire des aéroports rivaux l’un à côté de l’autre ! Deux, fixer administrativement les services au coût marginal (le coût d’usage des pistes et aérogares) et subventionner les investissements par l’impôt (la construction d’un nouveau terminal, par exemple) pour atteindre l’optimum économique. Trois, assurer une bonne coordination entre deux monopoles complémentaires, ici la plate-forme aéroportuaire et la compagnie nationale. À défaut, tout le monde y perd.</p>
<p>Vous connaissez peut-être déjà tout cela. Sinon pas de souci, le modèle de l’aéroport commercial est tellement éloigné de ce cas d’école que vous pouvez l’ignorer. Les grands aéroports ne peuvent plus en effet servir d’exemple type de monopole.</p>
<p>Vous avez pourtant l’impression, comme moi, de ne pas vraiment avoir le choix de votre aéroport. Personnellement, je préfère Orly, plus près de mon domicile, à Roissy et ses halls aussi interminables que l’attente pour recevoir ses bagages de soute. Néanmoins, je n’ai pas d’autres options si je veux me rendre directement à Lagos ou à Helsinki. Si vous habitez Limoges, c’est pareil : son aéroport est le seul à moins de 200 km à la ronde.</p>
<h2>Chevauchement</h2>
<p>Cependant, si l’on regarde l’Europe entière, près des deux tiers des habitants sont à moins de deux heures de route d’au moins <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0969699717301266">deux aéroports</a>. Surtout, ces aéroports proches servent de nombreuses destinations identiques. Prenons Roissy-Charles de Gaulle, 48 % des lignes point à point qu’il dessert sont également proposées par les autres plates-formes situées à moins de deux heures. Ce taux de chevauchement est de <a href="https://www.aeroport.fr/uploads/documents/Publication/Oxera%20Study%20The%20Continuing%20Development%20of%20Airport%20Competition%20in%20Europe.pdfv">82 % pour l’aéroport de Bruxelles</a> et de 64 % pour celui de Milan. Si l’on restreint la concurrence à un rayon de 100 km et si l’on compte en sièges à destination commune et non plus en lignes, c’est environ un quart de chevauchement avec au moins une plate-forme rivale.</p>
<p>Il reste trois quarts, me direz-vous. Oui, mais pour qu’il y ait une concurrence effective entre deux aéroports, il n’est pas nécessaire que tous les passagers puissent la faire jouer. Une minorité suffit. Pour la conquérir ou ne pas la perdre face à un rival, l’aéroport doit réduire le prix de ses services ou en améliorer la qualité et cela profite alors à tous les passagers.</p>
<p>Les aéroports sont aussi concurrents pour attirer et retenir les compagnies aériennes. Le réseau de lignes n’est en effet pas figé. En Europe, environ 2 500 nouvelles routes sont ouvertes et quelques centaines en moins sont fermées <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0969699717301266">chaque année</a>. Ce mouvement est principalement tiré par les compagnies à faible coût, les Virgin Atlantic, Easyjet et autres Vueling. Plus agiles que les compagnies traditionnelles, elles n’hésitent pas à déplacer leurs bases, avions et équipages d’une ville et d’un pays à l’autre au gré de l’évolution de la demande et des opportunités économiques.</p>
<p>Les conditions que les aéroports leur offrent entrent bien évidemment en ligne de compte dans leurs décisions. Les villes de province et leurs sociétés d’aéroports, prises dans une bataille de subventions, en savent quelque chose. Pour sa ligne entre Angoulême-Cognac et Londres-Stansted, Ryanair a par exemple réussi à arracher un versement de 11 euros par passager transporté. Ouverte en 2007, la ligne a été <a href="https://www.air-journal.fr/2016-10-28-aeroport-dangouleme-ryanair-devra-tout-rembourser-5171699.html">fermée trois ans plus tard</a> devant le refus des autorités publiques qui gèrent l’aéroport d’augmenter encore la subvention. Via les compagnies à bas coût, deux aéroports, même très éloignés l’un de l’autre, peuvent donc être en concurrence.</p>
<p>Cette rivalité à distance s’observe également entre les grands aéroports qui servent de plaque tournante, les fameux <em>hubs</em> (moyeux) et leurs <em>spokes</em> (rayons). Ils reçoivent des millions de passagers en transit. Ces derniers représentent 61 % du nombre total de passagers qu’accueille Francfort, par exemple. Plaque tournante est un terme bien choisi car ces aéroports relient des centaines de villes entre elles.</p>
<h2>Une place dans les meilleurs manuels d’économie</h2>
<p>Si vous êtes en zone de transit à Charles de Gaulle, c’est que vous empruntez un des <a href="https://www.aeroport.fr/uploads/documents/Publication/Oxera%20Study%20The%20Continuing%20Development%20of%20Airport%20Competition%20in%20Europe.pdf">15 000 trajets</a> qu’il rend possible entre un point de départ et un point d’arrivée, tous deux situés quelque part sur la planète. Même chose pour Francfort. D’ailleurs pour le tiers de ces trajets avec escale, les deux aéroports sont substituables, c’est-à-dire que les passagers peuvent choisir de passer par <a href="https://www.aeroport.fr/uploads/documents/Publication/Oxera%20Study%20The%20Continuing%20Development%20of%20Airport%20Competition%20in%20Europe.pdf">l’un ou par l’autre</a>. La proportion passe à deux tiers si on recense tous les trajets pour lesquels au moins un autre aéroport de transit aurait pu être utilisé.</p>
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<div><a class="‘flourish-credit’" target="‘_top’"><img alt=""> </a></div>
<p><em>Augmentation du trafic aérien mondial par pays depuis 1970. Source : Paul Chiambaretto</em></p>
<p>Ces fortes proportions tiennent à l’importance du trafic aérien intra-européen mais pas seulement. Les plaques tournantes européennes sont aussi en <a href="https://www.aeroport.fr/uploads/documents/Publication/Oxera%20Study%20The%20Continuing%20Development%20of%20Airport%20Competition%20in%20Europe.pdf">concurrence</a> avec Doha, Dubaï, Abu Dhabi et Istanbul. C’est particulièrement vrai pour le trafic Asie-Pacifique. Dans un cas sur deux les passagers peuvent aussi bien s’arrêter à Charles de Gaulle qu’à l’un de ces quatre aéroports. Idem pour Francfort. L’ouverture récente du nouvel aéroport d’Istanbul exacerbe encore cette concurrence entre les <em>hubs</em>. Avec une capacité de près de 100 millions de passagers par an, il se hisse au rang d’Atlanta et de Beijing. Après son extension prévue pour 2030, il est appelé à devenir le plus grand aéroport du monde.</p>
<p>À cause de la concurrence, les aéroports ont été poussés, comme jamais auparavant, à maîtriser les coûts de leurs services et à en améliorer la qualité. Pressurisés ainsi sur leur métier traditionnel d’accueillir des avions, ils se sont transformés en tiroir-caisse de grand magasin pour se procurer d’autres recettes. C’est ce que nous verrons dans un second volet. D’illustration du monopole public monoproduit, ils sont alors devenus un exemple type de plates-formes privées servant deux marchés. Il leur restera ainsi toujours une place dans les meilleurs manuels d’économie… C’est ce que nous verrons dans notre article de la semaine prochaine.</p>
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<p><em>François Lévêque a publié <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/management-entreprise/habits-neufs-de-la-concurrence_9782738139177.php">« Les habits neufs de la concurrence »</a> chez Odile Jabob.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132456/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Lévêque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les grands hubs mondiaux, historiquement bâtis sur un modèle étatique, sont aujourd’hui soumis à une pression concurrentielle intense pour attirer les passagers et les compagnies aériennes.François Lévêque, Professeur d’économie, Mines ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1234712019-09-27T02:20:05Z2019-09-27T02:20:05ZAcademic All-Star Game, épisode VII : la géopolitique, nouvelle frontière des sciences de gestion<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/294077/original/file-20190925-51414-lnrpyg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=24%2C15%2C1253%2C703&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Laurent Livolsi et Stéphanie Dameron.</span> </figcaption></figure><p><em>Ce texte de Marine Stampfli et Louis Choisnet (élèves normaliens de l’ENS Paris-Saclay et étudiants en <a href="https://www.universite-paris-saclay.fr/fr/formation/master/management-strategique#mention">Master Management stratégique de l’Université Paris-Saclay</a>) est publié dans le cadre d’un partenariat entre The Conversation France et l’Academic All-Star Game, cycle de conférences débats organisés par les étudiants de licence économie-gestion de l’<a href="http://ens-paris-saclay.fr">ENS Paris-Saclay</a> et de la <a href="http://www.jm.u-psud.fr/fr/index.html">faculté Jean‑Monnet</a> (droit, économie, gestion) de l’<a href="http://www.u-psud.fr/fr/index.html">Université Paris-Sud</a>. Ce cycle est soutenu par la <a href="http://msh-paris-saclay.fr">MSH Paris-Saclay</a>.</em></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/260852/original/file-20190225-26168-15hq8mh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Programme complet de l’Academic All-Star Game.</span>
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<p>Jeudi 28 mars, Faculté Jean‑Monnet de l’Université Paris-Sud : c’est toujours dans la même salle Georges Vedel, aux fauteuils noirs, que prend place la septième conférence de l’Academic All-Star Game. L’enjeu, faut-il le rappeler, est de s’interroger sur l’avenir des sciences de gestion… Vaste sujet !</p>
<p>Le thème de cette septième conférence : La place des sciences gestion, non plus de manière générale et un peu abstraite, mais dans le cas concret de la géopolitique. Quels apports en termes d’analyse, d’anticipation pour les organisations, en particulier pour les États ? Ainsi, au-delà des modifications de l’économie mondiale, des différences de conception de l’intelligence économique entre les nations ou du rôle des États, deux chercheurs ont tenté de montrer que les sciences de gestion ont un avenir sur le terrain de la géopolitique. Finalement, en filigrane, ils parlent de leurs attentes, de leurs espoirs pour les sciences de gestion et bien évidemment des chercheurs de demain.</p>
<h2>Présentation des intervenants</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/294079/original/file-20190925-51457-1smvuyv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/294079/original/file-20190925-51457-1smvuyv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/294079/original/file-20190925-51457-1smvuyv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=851&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/294079/original/file-20190925-51457-1smvuyv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=851&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/294079/original/file-20190925-51457-1smvuyv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=851&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/294079/original/file-20190925-51457-1smvuyv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1069&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/294079/original/file-20190925-51457-1smvuyv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1069&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/294079/original/file-20190925-51457-1smvuyv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1069&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<p>Professeure à l’Université Paris-Dauphine, docteure en sciences de gestion, membre du conseil scientifique permanent de l’<a href="http://www.euram-online.org">European Academy of Management</a>, ancienne présidente de la <a href="https://sfmwebsite.jimdo.com">Société Française du Management</a> et auditrice du Cycle des Hautes études pour le développement économique (CHEDE), Stéphanie Dameron travaille notamment sur les problématiques de coopération, inter et intra-organisationnelles, leurs impacts sur les <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2012-4-page-27.htm">processus de décision stratégique</a>, ainsi que sur les systèmes d’enseignement supérieur en management. Elle a été nommée <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/somme/amiens/nouvelle-rectrice-academie-amiens-1705942.html">rectrice de l’Académie d’Amiens</a> en Conseil des Ministres, le 24 juillet 2019.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/294070/original/file-20190925-51410-10pjn08.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/294070/original/file-20190925-51410-10pjn08.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=905&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/294070/original/file-20190925-51410-10pjn08.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=905&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/294070/original/file-20190925-51410-10pjn08.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=905&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/294070/original/file-20190925-51410-10pjn08.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1137&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/294070/original/file-20190925-51410-10pjn08.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1137&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/294070/original/file-20190925-51410-10pjn08.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1137&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>Laurent Livolsi est directeur-adjoint du Centre de recherche sur le transport et la logistique (CRET-LOG). Ses travaux se focalisent sur les enjeux de la logistique et la supply chain (châine logistique) pour les organisations mais aussi sur le rôle qui en découle pour les institutions en termes de politiques publiques. Il a publié récemment avec Christelle Camman l’ouvrage : « La logistique, une affaire d’État ? ». Il a coordonné avec Nathalie Fabbe-Costes (Aix-Marseille Université) et Sabine Sépari (ENS Paris-Saclay) le numéro spécial de fin d’année 2018 de la Revue française de gestion sur le thème du <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2018-8.htm">Supply Chain Management</a>.</p>
<h2>Géopolitique : allô Maman, bobo…</h2>
<p>Quelle place de l’entreprise dans la société ? Quelle articulation avec les enjeux de puissance nationale ? Si beaucoup de travaux se sont penchés sur ces questions, Stéphanie Dameron relève qu’ils s’inscrivent dans ce contexte économique si particulier et plus vraiment d’actualité qu’est celui de la guerre froide. Nouvelle bipolarisation États-Unis/Chine, ruptures technologiques, coopétition, hyper-concurrence… Tous ces changements, opérés pour beaucoup depuis plusieurs décennies, appellent à repenser les modèles d’analyse stratégique. Car dans un monde ou la domination n’est pas tant militaire qu’économique, les affrontements entre les nations sur l’échiquier mondial passent par leurs entreprises. Charge donc aux États de soutenir leurs entreprises et leurs tissus économiques, via l’intelligence économique notamment.</p>
<p>Or, force est de constater qu’en la matière les nations ont des positions et des capacités bien différentes. Là où les États-Unis maintiennent leur compétitivité par une incitation et un soutien constant à l’innovation, là où l’Allemagne met au profit de ses entreprises des informations économiques collectées via son réseau diplomatique, la France, elle, adopte une posture centrée sur la protection des actifs stratégiques de son territoire. La question, ici, n’est pas de se demander laquelle d’une conception offensive ou défensive est la meilleure, mais bien de ne pas oublier qu’il n’y pas une seule et unique forme d’intelligence économique et surtout de constater, comme l’a rappelé Laurent Livolsi, que l’État a un rôle majeur dans la création, le développement et le maintien d’écosystèmes favorables aux entreprises, et ce en particulier en matière de logistique.</p>
<p>Cependant, différents exemples d’échecs d’entreprises françaises face aux enjeux géopolitiques, poussent les deux chercheurs à s’interroger sur la capacité actuelle de l’État français à avoir une compréhension pleine des stratégies d’influence des nations. Récemment, l’entrée surprise de l’État néerlandais au <a href="https://theconversation.com/podcast-air-france-sur-la-mauvaise-pente-115005">capital d’Air-France KLM</a>, semble avoir mis la France en défaut. De même, les ambitions géopolitiques de la Chine, que cela soit en Afrique ou son grand projet de nouvelle route de la soie, relèvent d’enjeux extrêmement important pour les nations : faut-il, à l’image de l’Italie, soutenir ce projet ? À quelles conditions, et pour quels gains ? Il y a un besoin crucial d’outils d’analyse pour guider les décideurs politiques, outils que les sciences économiques ou politiques ne sont pas pleinement capables de fournir. Ainsi, pour paraphraser Machiavel : qui pour conseiller le prince ?</p>
<h2>Le gestionnaire, indispensable conseiller</h2>
<p>S’il apparaît que la géopolitique dans sa dimension économique semble être difficilement appréciée par les États, et ici plus particulièrement par l’État français, mais aussi par les entreprises, une solution existe pour pallier cette situation : la gestion. Et en effet, Stéphanie Dameron rappelle que les sciences de gestion sont nécessaires pour acquérir une pleine compréhension des stratégies d’influence des nations et des États. Il est alors possible de présenter plusieurs remèdes à ce mal.</p>
<p>Tout d’abord, Laurent Livolsi rappelle qu’il faut intégrer davantage d’agilité dans les entreprises françaises pour intégrer la question géopolitique et faire face, voire anticiper des situations inattendues (cf. cas Air France-KLM). L’agilité, pourtant nécessaire, n’en demeure pas moins difficile à mettre en place. Pour la faciliter, Laurent Livolsi rappelle qu’il est nécessaire d’avoir en tête qu’une organisation est une construction, fruit notamment d’une culture. Cet historique ne doit donc pas être occulté, mais il ne doit pas non plus constituer un obstacle. L’agilité doit intégrer les spécificités de l’organisation sans chercher à les figer.</p>
<p>Par la suite, Stéphanie Dameron a rappelé que la gestion disposait d’outils permettant d’intégrer cette dimension géopolitique. Mais comme nous l’avons déjà vu dans une conférence précédente (voir la chronique sur l’épisode n°5 de l’Academic All-Star game), les chercheurs souffrent parfois d’amnésie…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/academic-all-star-game-episode-v-la-renaissance-des-sciences-de-gestion-122387">Academic All-Star Game, épisode V : la renaissance des sciences de gestion</a>
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<p>Il convient alors de redécouvrir et de se réapproprier ces outils en les adaptant au contexte actuel. À titre d’exemple, Stéphanie Dameron cite Igor Ansoff, professeur russo-américain en stratégie réputé du XX<sup>e</sup> siècle, et sa <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/igor-ansoff-de-planification-management-strategique/00036788">théorisation de la planification</a> intégrant pleinement la « surprise ». La pensée systémique d’Ansoff inclut la notion des <em>issues</em> (problématiques) et la capacité de l’entreprise ou de l’État à rebondir, nécessitant, entre autres, une réflexion sur les vulnérabilités de son plan stratégique. Pour faire face à ces surprises il faut également porter son attention sur ce que la chercheuse nomme l’<em>antestratégie</em>. L’<em>antestratégie</em>, c’est penser la stratégie au-delà de sa simple dimension économique. Il s’agit de repérer les pratiques sociales, politiques qui vont influencer une décision. En avoir pleinement conscience permet alors de s’adapter à des ruptures, des bifurcations de marché.</p>
<p>Ainsi, il existerait des solutions pour faire face à la problématique géopolitique, la gestion détenant les outils nécessaires à l’appréhension et à la compréhension des phénomènes.</p>
<h2>À l’assaut !</h2>
<p>Cette septième conférence a donc adopté un ton irrémédiablement positif. Mais au-delà du fait que la gestion produirait des solutions aux écueils géopolitiques, les chercheurs ont présenté l’avenir de la gestion sous un profil favorable. En fondant notamment sa force sur la transdisciplinarité, en (re)prenant connaissance des théories déjà existantes mais également en ne sous-estimant pas la valeur de la gestion dans la sphère politique (les gestionnaires sont de plus en plus sollicités dans les think tanks), tout laisse à penser que le futur de la gestion est éminemment radieux, à condition de repenser et d’élargir les points d’impact de la recherche en gestion. Les chercheurs actuels sont en train de reconstruire la base des sciences de gestion et il appartiendra à la jeune génération de tirer profit de cette réflexion.</p>
<p>De plus, lors de cette septième conférence nous avons ressenti une réelle cohérence émanant de l’ensemble des interventions de l’Academic All-Star Game. En effet, les chercheurs ont parlé ce jeudi de la redécouverte de certaines théories gestionnaires, d’impact de la gestion dans la sphère politique, ou encore de performativité. Ces idées avaient déjà été présentées lors de conférences précédentes. Il convient donc visiblement de conclure que l’union fera la force de la gestion dans un futur (très) proche…</p>
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<p><strong>À visionner, l’intégralité de l’épisode 7 de l’Academic All-Star Game avec Stéphanie Dameron et Laurent Livolsi.</strong></p>
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<p><strong>À voir également, l’interview de Stéphanie Dameron et Laurent Livolsi.</strong></p>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/123471/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Le cycle de conférences Academic-All Star Game est soutenu par la MSH Paris-Saclay.</span></em></p>La recherche en management peut éclairer les stratégies d’influence des nations et des États. Un nouveau champ d’action s’ouvre ainsi pour les chercheurs de demain.Jean-Philippe Denis, Professeur de gestion, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1150052019-04-14T19:43:58Z2019-04-14T19:43:58ZPodcast : Air France sur la mauvaise pente ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/267793/original/file-20190405-180023-p2fbbj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=128%2C40%2C3105%2C1512&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Malgré les difficultés, la compagnie aérienne conserve des atouts colossaux, dont son rattachement à la France, l’une des principales places fortes du tourisme mondial.</span> <span class="attribution"><span class="source">Sahachatz/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’annonce-surprise de la montée de l’État hollandais au capital du groupe Air France–KLM <a href="https://theconversation.com/air-france-klm-et-le-mythe-des-alliances-transfrontalieres-112784">à hauteur de 14 %</a> (soit au même niveau que l’État français), fin février, a jeté un trouble : et si cette décision avait été prise pour reprendre la main après plusieurs épisodes délicats pour la compagnie aérienne française, dont celui, tristement et mondialement célèbre, de la chemise du DRH arrachée ? Quoi qu’il en soit, cette nouvelle donne laisse penser que des ajustements stratégiques se préparent, notamment pour faire face aux problèmes concurrentiels liés au positionnement d’Air France, aujourd’hui pris entre des offres plus haut de gamme et des offres agressives sur le plan tarifaire…</p>
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<h2>Pour aller plus loin</h2>
<p><strong>La nouvelle structure capitalistique du groupe Air France–KLM</strong></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/267787/original/file-20190405-180029-1h310ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/267787/original/file-20190405-180029-1h310ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/267787/original/file-20190405-180029-1h310ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/267787/original/file-20190405-180029-1h310ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/267787/original/file-20190405-180029-1h310ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/267787/original/file-20190405-180029-1h310ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/267787/original/file-20190405-180029-1h310ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/267787/original/file-20190405-180029-1h310ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><strong>Évolution du cours d’Air France–KLM depuis la fusion</strong></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/267867/original/file-20190405-180033-3f0ba8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/267867/original/file-20190405-180033-3f0ba8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/267867/original/file-20190405-180033-3f0ba8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=308&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/267867/original/file-20190405-180033-3f0ba8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=308&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/267867/original/file-20190405-180033-3f0ba8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=308&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/267867/original/file-20190405-180033-3f0ba8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=387&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/267867/original/file-20190405-180033-3f0ba8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=387&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/267867/original/file-20190405-180033-3f0ba8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=387&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution du cours du groupe Air France KLM 2014-2019.</span>
</figcaption>
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<p><strong>Évolution des résultats d’Air France</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/267872/original/file-20190405-180029-dvkhin.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/267872/original/file-20190405-180029-dvkhin.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/267872/original/file-20190405-180029-dvkhin.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/267872/original/file-20190405-180029-dvkhin.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/267872/original/file-20190405-180029-dvkhin.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/267872/original/file-20190405-180029-dvkhin.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/267872/original/file-20190405-180029-dvkhin.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/267872/original/file-20190405-180029-dvkhin.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Résultats opérationnel et net d’Air France–KLM (échelle de gauche), et CA consolidé du groupe (échelle de droite).</span>
</figcaption>
</figure>
<p><strong>Des images qui ont fait le tour du monde…</strong></p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/CCySCG5EDqw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Reportage de la chaîne Euronews, octobre 2015.</span></figcaption>
</figure>
<p><strong>L’analyse de l’équilibre au sein de l’alliance, par Michel Albouy (Grenoble École de Management)</strong></p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1101488746502017024"}"></div></p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
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</figure>
<p><em>« C’est dans la boîte ! », le Podcast de la stratégie d’entreprise signé The Conversation France, vous propose l’étude de cas d’une multinationale bien connue des consommateurs et des citoyens. Julien Pillot, enseignant-chercheur à l'INSEEC School of Business and Economics, et Thibault Lieurade, chef de rubrique Économie + Entreprise, vous donnent rendez-vous deux fois par mois pour décrypter les aspects stratégiques les moins visibles… qui sont aussi les plus essentiels !</em></p>
<p><em>Retrouvez tous les épisodes précédents sur <a href="https://theconversation.com/fr/podcasts/strategie-entreprise-etude-cas-numerique-podcast">The Conversation France</a>, <a href="https://www.deezer.com/fr/show/345262">Deezer</a> et <a href="https://open.spotify.com/show/6IBNs4HbMEmLbrQuzgDFpx">Spotify</a>.</em></p>
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<p><em>Un grand merci à toute l’équipe du <a href="https://www.scandleparis.com">Scandle</a>, 68 rue Blanche dans le 9<sup>e</sup> arrondissement de Paris, pour l’accueil dans son studio !</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115005/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot est coordinateur du think tank trans-partisan "Le Jour d'Après" qui entend participer aux débats sur les réformes structurelles nécessaires à la modernisation et l'efficacité de notre modèle social, économique et institutionnel, en dépassant les clivages partisans.</span></em></p>Entre négociations syndicales tendues, abandon de sa filiale low cost Joon et crises de gouvernance, le blason du fleuron de l’aviation française semble bien terni…Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie et Stratégie (Inseec U.) / Pr. et Chercheur associé (U. Paris Saclay), INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1127842019-03-01T14:09:59Z2019-03-01T14:09:59ZAir France–KLM et le mythe des alliances transfrontalières<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/261647/original/file-20190301-110119-1i9ngze.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C1%2C953%2C666&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’État néerlandais a porté sa participation dans le capital du groupe Air France-KLM a 14 % le 27 février.</span> <span class="attribution"><span class="source">Pieter Beens / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le dernier épisode de l’actualité capitalistique du groupe Air France–KLM révèle toutes les ambiguïtés de ce qu’on appelle les « alliances » entre grandes entreprises à l’heure de la montée des nationalismes. Que ce soit pour l’alliance Renault-Nissan – aujourd’hui malmenée après l’arrestation de son ex-patron Carlos Ghosn – que pour celle d’Air France–KLM, on assiste à une reprise en main par les États, voire les acteurs nationaux, de leurs entreprises emblématiques. Ainsi, la vague du nationalisme atteindrait également la sphère économique. Drôle de retournement de situation pour ceux qui avaient prédit la fin des États nation à l’heure de la mondialisation.</p>
<p>Wopke Hoekstra, le ministre des Finances néerlandais, a justifié le 26 février 2019 l’initiative de montée au capital d’Air France–KLM par la volonté « d’exercer une influence directe sur les évolutions futures de la société holding Air France–KLM, pour s’assurer que les intérêts publics néerlandais sont garantis de manière optimale ».</p>
<p>On ne peut pas être plus clair. Ainsi, un des pays européens considéré comme le plus libéral, n’hésite pas à faire un raid boursier pour défendre ses intérêts économiques. L’annonce de l’acquisition de 12,68 % du capital de la compagnie aérienne pour un montant de 680 millions d’euros le 26 février a surpris tout le monde, <a href="https://www.msn.com/fr-fr/actualite/monde/air-france-klm-paris-ignorait-tout-du-raid-surprise-des-pays-bas/ar-BBU8xPA">y compris le gouvernement français</a> qui ne fut informé que quelques heures avant le raid. Un jour plus tard, le 27 février, on apprenait que l’État néerlandais avait porté sa participation dans le capital du groupe Air France–KLM a 14 %, soit un niveau équivalent à celui de l’État français qui détient 14,3 % du capital mais encore 22 % des droits de vote du fait des droits de vote double pour les actions détenues depuis plus de deux ans.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/261639/original/file-20190301-110150-1bwg3wd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/261639/original/file-20190301-110150-1bwg3wd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/261639/original/file-20190301-110150-1bwg3wd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/261639/original/file-20190301-110150-1bwg3wd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/261639/original/file-20190301-110150-1bwg3wd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/261639/original/file-20190301-110150-1bwg3wd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/261639/original/file-20190301-110150-1bwg3wd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/261639/original/file-20190301-110150-1bwg3wd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Graphique 1 : structure capitalistique du groupe Air France–KLM.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Jeu politique</h2>
<p>À l’annonce de l’opération menée par le gouvernement néerlandais, le ministre français de l’économie Bruno Le Maire <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/af-klm-doit-etre-gere-sans-interference-etatique-selon-le-maire-1329334">a déclaré</a> : « Il est essentiel qu’Air France KLM soit géré sans interférence étatique nationale ». Une source de Bercy aurait même qualifié cette opération de <a href="https://fr.reuters.com/article/topNews/idFRKCN1QG2D1-OFRTP">« technique de raiders »</a> plutôt que celle d’un État actionnaire).</p>
<p>Ces déclarations venant de hauts responsables de l’État français prêtent à sourire quand on connait la doctrine du patriotisme économiques en vigueur dans notre administration si prompte à défendre nos fleurons industriels… À noter que la montée au capital d’Air France–KLM par les américains Delta Airlines et les chinois China Eastern Airlines en <a href="https://www.tourmag.com/Delta-Airlines-et-China-Eastern-entrent-au-capital-d-Air-France_a88761.html">2017</a> n’avait pas produit le même effet. Pourtant à eux deux, ces actionnaires étrangers et non européens, possèdent aujourd’hui 17,6 % de la compagnie aérienne, soit plus que l’État français (14,3 %). Il est vrai que leur arrivée avait été souhaitée par le management de l’époque pour recapitaliser la compagnie nationale qui en avait bien besoin. Des augmentations de capital réservées à China Eastern Airlines et Delta Airlines avaient alors été réalisées pour un montant de <a href="https://theconversation.com/air-france-ou-comment-se-couper-les-ailes-95758">751 millions d’euros</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"992449841379897344"}"></div></p>
<p>Pour le ministre français de l’Économie, qui estime néanmoins que l’alliance Air France–KLM est solide, « Il n’est pas raisonnable de rester dans cette situation qui ne bénéficie à personne, ni à Air France, ni à KLM, ni au groupe dans son ensemble ». Sans vouloir polémiquer inutilement, on ne voit pas en quoi le fait que l’État néerlandais, un actionnaire stable et de confiance, prennent une participation significative au capital du groupe Air France–KLM ne bénéficierait pas à la compagnie globalement. Pourquoi ce qui n’est pas acceptable par un État européen l’est davantage pour des actionnaires étrangers ? Les réponses à ces questions se trouvent dans le jeu politique qui se déroule entre Français et Néerlandais depuis l’acquisition par Air France de la compagnie KLM.</p>
<p>Si Air France et KLM ont fusionné en 2004, les deux compagnies continuent à opérer de façon largement indépendante et tiennent à leur pavillon national. Ceci était acté par le fait que jamais, depuis le rachat de KLM, les patrons d’Air France n’ont jamais siégé au conseil de surveillance de la filiale KLM. Mais la nomination en 2018 du nouveau PDG du groupe, Benjamin Smith, a changé la donne. Ce dernier a en effet exigé et obtenu, afin de mieux contrôler son groupe, de siéger au conseil de la filiale. En échange, Pieter Elbers, le directeur-général de KLM, a obtenu l’assurance du <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/air-france-klm-comment-pieter-elbers-le-patron-de-klm-a-sauve-sa-tete-808421.html">renouvellement de son mandat</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/261649/original/file-20190301-110110-1v3q3gs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/261649/original/file-20190301-110110-1v3q3gs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/261649/original/file-20190301-110110-1v3q3gs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/261649/original/file-20190301-110110-1v3q3gs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/261649/original/file-20190301-110110-1v3q3gs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/261649/original/file-20190301-110110-1v3q3gs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/261649/original/file-20190301-110110-1v3q3gs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le Canadien Benjamin Smith, nouveau PDG du groupe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cagatiocommons</span></span>
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<p>À cela s’ajoute le fait que la compagnie française a été secouée par de graves mouvements sociaux ces dernières années et qu’elle est beaucoup moins rentable que sa consœur néerlandaise. Cela est attesté par les <a href="https://www.airfranceklm.com/fr/communiques/resultats-annuels-2018">résultats annuels du groupe</a> (publiés le 20 février 2019) qui révèlent que 80 % des 1,33 milliards d’euros de bénéfices d’exploitation ont été réalisés par KLM. De quoi alimenter une certaine rancœur chez les salariés de KLM qui ne veulent pas devenir « la vache à lait » d’un groupe dont le pouvoir se trouve de facto dans les mains des français, même si le nouveau patron, Benjamin Smith, est canadien.</p>
<p>Il est aussi possible que les projets de ce nouveau patron aient réveillé des inquiétudes auprès des salariés de KLM et du gouvernement néerlandais. L’idée de faire monter en gamme Air France au détriment de KLM et de piloter l’ensemble d’une seule main n’a pas dû <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/0600678516950-air-france-klm-ben-smith-confronte-a-un-vent-de-fronde-chez-klm-et-chez-hop-2243871.php">être du goût des salariés</a> de KLM et du gouvernement néerlandais.</p>
<h2>Le précédent de l’alliance Renault-Nissan</h2>
<p>Interrogé le 25 novembre 2015, à l’Assemblée nationale, au sujet de la participation de l’État dans le capital de Renault, le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, <a href="https://theconversation.com/quelle-gouvernance-pour-renault-avec-letat-actionnaire-53777">déclarait</a> :</p>
<blockquote>
<p>« L’objectif de l’État en tant qu’actionnaire de long terme, c’est de pouvoir peser sur les décisions stratégiques de l’entreprise ».</p>
</blockquote>
<p>C’est ainsi que l’État français avait porté de 15 à près de 20 % la part de l’État chez Renault-Nissan, afin de peser sur la gouvernance du constructeur. Aujourd’hui, c’est le même État français qui s’émeut de la montée au capital de l’État néerlandais. À croire que ce qui serait vrai en France ne le serait pas aux Pays-Bas. À noter que l’action de l’État français sur le capital de Renault a durablement altéré la relation de confiance entre les clans français et japonais. Comment croire qu’il n’en sera pas de même avec l’épisode néerlandais sur les relations entre Air France et KLM ?</p>
<p>Depuis l’arrestation au Japon de Carlos Ghosn, le célèbre patron de l’alliance Renault-Nissan, Nissan demande un rééquilibrage de l’Alliance. D’autant plus que Nissan est le premier contributeur, que ce soit en chiffre d’affaires comme de résultats. Une situation un peu analogue à celle d’Air France–KLM…</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/261654/original/file-20190301-110137-1fcplsd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/261654/original/file-20190301-110137-1fcplsd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/261654/original/file-20190301-110137-1fcplsd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/261654/original/file-20190301-110137-1fcplsd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/261654/original/file-20190301-110137-1fcplsd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/261654/original/file-20190301-110137-1fcplsd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/261654/original/file-20190301-110137-1fcplsd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’arrestation de Carlos Ghosn a fragilisé Renault-Nissan, autre alliance transfrontalière.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Frederic Legrand -- COMEO/Shutterstock</span></span>
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<p>Contrairement à ce que d’aucuns ont écrit l’Alliance Renault-Nissan n’a jamais fait un seul constructeur par exemple Volkswagen. De ce point de vue, les comparaisons qui ont souvent été faites pour montrer que l’Alliance Renault-Nissan était le premier constructeur mondial ne tenait pas. Dans le cas du groupe Air France–KLM, et contrairement à l’Alliance Renault-Nisssan, il y a bien eu une acquisition et la constitution d’une holding. Mais vu le degré d’indépendance dont jouissait chaque filiale on peut s’interroger sur la réalité de leur fusion. En clair, l’absence de vraie fusion-intégration fragilise ces alliances et ce d’autant plus que s’y mêlent le patriotisme économique. L’idée que l’on va travailler entre égaux relève de fait plus de la rhétorique que de la réalité du monde des affaires. À cela s’ajoute la difficulté d’un pilotage partagé et les évolutions différenciées des entités dans le temps. On le voit avec l’Alliance Renault-Nissan comme dans le groupe Air France–KLM.</p>
<h2>Quelques enseignements</h2>
<p>L’actualité des alliances transfrontalières montrent la fragilité de ces constructions face à la montée des nationalismes économiques. Pour ceux qui ont le pouvoir, il est toujours facile de justifier leur position en montrant les avantages de ces alliances. L’expérience montre aussi que les mêmes arguments – la nécessité pour un État de peser sur les décisions stratégiques de son champion national – sont utilisés selon la position que l’on occupe.</p>
<p>Pour le marché financier, il est clair – vu sa réaction à l’annonce de l’acquisition réalisée par l’État néerlandais – que cette opération ne va pas dans le bon sens. <a href="https://www.businessinsider.fr/air-france-klm-chute-en-bourse-apres-la-montee-de-letat-neerlandais-au-capital-de-la-compagnie/">Le titre a décroché</a> de près de 12 % à l’annonce de l’opération. Cette réaction peut s’interpréter comme une défiance à l’égard de la politique d’intégration plus poussée que souhaite mettre en œuvre le nouveau patron du groupe Air France–KLM. De fait, avec un poids équivalent à l’État français, le gouvernement néerlandais sera en mesure de défendre les intérêts de « sa compagnie » et de son hub.</p>
<p>Le cas Air France–KLM montre également que l’interventionnisme d’État, marqueur du capitalisme français, a tendance à se propager y compris dans des pays de plus forte tradition libérale comme les Pays-Bas. Autant, la participation au capital d’actionnaires privés étrangers semble ne pas poser problème, comme le montre le cas du groupe Air France, il n’en va pas de même lorsqu’il s’agit de la montée d’États souverains, quand bien même ils seraient européens. Visiblement, la création de véritables champions européens demeure un chemin difficile, comme la fusion ratée d’Alstom-Siemens l’a encore montré récemment.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1093636941931864064"}"></div></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/112784/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Albouy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’annonce surprise de la montée au capital de l’État néerlandais souligne une nouvelle fois toute la fragilité de ces alliances entre grandes entreprises de nationalités différentes.Michel Albouy, Professeur senior de finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1119172019-02-18T23:01:21Z2019-02-18T23:01:21ZA380 : de la prouesse technologique au fiasco commercial<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/259485/original/file-20190218-56215-1epqqp5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C14%2C932%2C651&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La dernière livraison est prévue pour 2021.</span> <span class="attribution"><span class="source">Mike Fuchslocher / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Cette fois c’est décidé : le 14 février 2019, Tom Enders, le PDG d’Airbus, a annoncé la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=6T4nijoSdyk">fin de l’A380</a>, le plus gros avion commercial jamais construit. Ce <a href="https://www.airbus.com/aircraft/passenger-aircraft/a380.html">programme iconique</a> de 12 milliards d’euros, au lieu des 8 prévus initialement, n’a pas rencontré le succès escompté. Avec seulement 234 unités livrées sur <a href="https://www.airbus.com/aircraft/market/orders-deliveries.html">313 commandées en 13 ans</a>, on est très loin du seuil de rentabilité estimé à 1 200 avions sur 20 ans. Comme les commandes se réduisent d’une année sur l’autre alors que la production est déjà au minimum, il était temps d’arrêter les dégâts.</p>
<h2>Un concentré d’innovation qui bat tous les records</h2>
<p>Avec ses <a href="https://www.youtube.com/watch?v=RlOq5MJr2LM">proportions extraordinaires</a>, l’A380 est l’avion qui peut transporter le plus grand nombre de passagers : de 550 à plus de 800 selon les versions, sur deux ponts complets de sièges. Adulé par les fans d’aéronautique, il fait 73 mètres de long, 80 mètres d’envergure, la hauteur d’un immeuble de 7 étages et est plus lourd, plus long, plus large et plus haut qu’un Boeing 747. Avec plus de 3 millions de pièces, il est composé de matériaux composites révolutionnaires, à la fois très légers, résistants et souples, de quatre réacteurs Rolls-Royce <a href="https://www.rolls-royce.com/products-and-services/civil-aerospace/airlines/trent-900.aspx#/">30 % plus puissants que ceux du Boeing 747</a>, et du système de navigation informatisé le <a href="http://www.annales.org/site/ri/2005/novembre/froment.pdf">plus moderne de l’aviation commerciale</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/RlOq5MJr2LM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La chaîne National Geographic a consacré un épisode de sa série « Megastructures » à l’A380.</span></figcaption>
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<p>Au moment de son lancement, il représente le futur de l’entreprise Airbus qui mise sur un doublement du trafic aérien <a href="https://www.cnbc.com/id/16882170">dans les 20 années suivantes</a> et la nécessité de transporter plus de voyageurs en même temps. L’A380 propose les options les plus luxueuses du monde, avec des salles de bains ou des fontaines, des chambres privatives avec lits doubles et salle de cinéma, des salons aménagés, des bars restaurants et <a href="https://www.dailymail.co.uk/travel/travel_news/article-6700789/The-amazing-story-A380-told-incredible-pictures.html">même un casino volant</a>.</p>
<p>Les designers qui ont dessiné l’A380 ont très vite été confrontés à un obstacle : l’avion était beaucoup trop lourd. Un challenge a donc été organisé pour <a href="https://www.ingenia.org.uk/Ingenia/Articles/b48c6ee4-965a-4a55-a3fc-b8c2619fa6ec">réduire le poids de l’avion</a> afin qu’il soit inférieur à 277 tonnes. D’autres contraintes étaient de maintenir un tarif accessible pour les voyageurs et de fournir l’avion le plus silencieux et le moins polluant du monde. Ses quatre réacteurs d’une valeur de 12 millions d’euros pièce, soit l’équivalent d’une tonne d’or, consomment 1 litre de kérosène par seconde et sont capables de fonctionner plus de 13 heures. 260 000 litres de carburants sont donc nécessaires à l’A380 pour pouvoir traverser la moitié de la planète, soit 20 % de plus qu’un Boeing 747. <a href="https://www.emeraldinsight.com/doi/abs/10.1108/10878570810840689">Plusieurs défis techniques</a> ont été relevés conjointement par les équipes d’Airbus et de ses fournisseurs stratégiques pour parvenir à des performances encore jamais atteintes et pour réaliser des prouesses technologiques qui paraissaient impossibles.</p>
<p>Les fournisseurs de rang 1 sont pilotés à l’échelle européenne : les ailes sont fabriquées au Pays de Galles, les moteurs en Angleterre, le fuselage et la partie verticale de la queue en Allemagne, la partie horizontale de la queue en Espagne, l’assemblage final étant réalisé en France, à Toulouse. Une coordination mondiale est aussi à l’œuvre dans les maillons inférieurs de la chaîne logistique où certains fournisseurs appliquent également les principes de l’<a href="http://eujournal.org/index.php/esj/article/view/6684">open innovation avec leurs propres fournisseurs</a>. Les ailes pèsent chacune 6,5 tonnes et sont composées de 32 000 composants, livrés depuis tous les continents. Elles sont un des sous-ensembles les <a href="https://captaindave.aero/2017/09/02/the-a380-wing-a-complex-work-of-art/">plus critiques de l’avion</a> car elles doivent à la fois permettre de transporter le carburant, supporter le poids du fuselage, résister à la puissance des réacteurs et favoriser les manœuvres délicates et précises d’un avion aux dimensions extraordinaires.</p>
<h2>Un marché de niche et une cannibalisation interne</h2>
<p>Si l’A380 est incontestablement l’un des plus beaux et <a href="https://www.dailymail.co.uk/travel/travel_news/article-6700789/The-amazing-story-A380-told-incredible-pictures.html">impressionnants avions de tous les temps</a>, les controverses se sont succédé <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=KcaYjPhRnWUC&oi=fnd&pg=PA6&dq=A380+program+cost&ots=rmv403X072&sig=Yst8-nwpx2dv8bZs2hSjEj6S9wM#v=onepage&q=A380%20program%20cost&f=false">tout au long de son histoire</a>. Dès le lancement commercial, de nombreux problèmes techniques et de coordination entre les différents sites de production ont conduit à un retard de 18 mois. Après son premier vol inaugural le 7 avril 2005, la possibilité de personnaliser l’avion s’est avérée être une cause supplémentaire de délais.</p>
<p>Les compagnies aériennes, qui avaient d’abord privilégié les hubs <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0969699708000963">comme Singapour et Dubaï</a> qui concentrent une grande partie du trafic, ont changé de stratégie pour mieux répartir les flux et proposer une offre plus attractive de vols directs depuis un nombre important d’aéroports de taille moyenne. L’essor des compagnies low cost va également bouleverser le transport aérien en faisant apparaître de nouveaux acteurs influents et en affaiblissant les leaders.</p>
<p>Le doublement en 20 ans du trafic aérien pressenti n’aura pas lieu en raison de la crise de 2008 qui aura ralenti considérablement sa croissance. Ce marché est aujourd’hui entre deux et trois fois moins important que prévu, ce qui rend plus difficile de remplir des gros porteurs. Ce n’est simplement pas rentable pour une compagnie aérienne d’avoir des vols <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/a380-les-passagers-l-adorent-pas-les-compagnies-aeriennes-1143887">avec un taux de remplissage moyen en dessous de 80 %</a>. Emirates, qui détient à elle seule la moitié des A380 en circulation, dispose des ressources financières nécessaires à cette prise de risque, mais <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0969699711000160">son business model et sa rentabilité sont uniques</a>.</p>
<p>C’est principalement le phénomène de mimétisme d’Airbus envers Boeing, le concurrent historique, qui a conduit à ce décalage entre l’offre et une demande qui a considérablement évolué. Si certains experts affirmaient que l’A380 avait 10 à 20 ans d’avance sur le marché compte tenu des flux de passagers trop limités pour le rendre compétitif, les dirigeants d’Airbus reconnaissent maintenant que l’avion avait 10 ans de retard.</p>
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<figcaption><span class="caption">« L’ère des gros-porteurs à quatre réacteurs est finie ». Tom Enders, le PDG d’Airbus, annonce la fin de la production de l’A380 (Vidéo AeronewsTV.com).</span></figcaption>
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<p>Le lancement de l’A350, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=UGkFmWgImGE">nouveau fleuron d’Airbus</a>, rend de nouvelles destinations accessibles avec seulement deux réacteurs et ne nécessite pas deux autres avions long-courriers pour le remplacer s’il tombe en panne. Il est donc préféré à l’A380 car nettement plus facile à rentabiliser sans les mêmes contraintes.</p>
<p>Depuis 2015, les commandes fermes ont chuté et des rumeurs persistantes annonçaient la fin de l’A380. Aucune commande aux États-Unis, très peu en Asie. Même Air France a préféré d’autres modèles pour ses long-courriers et a réduit de moitié sa flotte. Le 15 janvier 2018, John Leahy, le directeur commercial d’Airbus, connu pour être l’homme qui a vendu 16 000 avions, déclare que si Emirates ne commande pas rapidement au moins une trentaine d’A380, <a href="https://www.forbes.com/sites/michaelgoldstein/2018/01/17/does-anyone-really-need-the-airbus-a380/#7c7237f27eb1">il ne sera plus possible de maintenir le programme</a>. La commande sera annoncée dans les jours suivants, mais ne sera visiblement pas suffisante.</p>
<h2>Un désastre inévitable</h2>
<p>Aujourd’hui, la conception même de l’avion est remise en cause. On parle de folie des grandeurs et du complexe d’infériorité d’Airbus qui a voulu à tout prix <a href="https://www.youtube.com/watch?v=cDIzyEBE8t4">dépasser les performances du Boeing 747</a>. La consommation excessive des quatre réacteurs de l’A380 en kérosène est un facteur de coût beaucoup trop important et dissuasif pour la plupart des compagnies aériennes. Le fait de transporter plus de passagers en une seule fois est loin de compenser la différence avec des avions plus petits mais moins gourmands et moins chers. D’autres long-courriers comme le B787 n’ont que deux réacteurs et sont plus faciles à remplir, avec des capacités situées entre 210 et 330 passagers.</p>
<p>Les dimensions hors normes de l’A380 nécessitent également des investissements <a href="https://www.ingentaconnect.com/content/lse/jtep/2005/00000039/00000003/art00006">d’aménagements spécifiques dans les aéroports</a> qui ne sont pas nécessaires pour d’autres modèles. Les moyens de production n’étant exploités que très en deçà de leur capacité, avec seulement un avion assemblé chaque mois, il devenait intenable de maintenir le programme, pour Airbus mais aussi pour ses fournisseurs. Sans le soutien d’Emirates, qui en a fait le vaisseau amiral de sa flotte et qui est probablement la seule compagnie qui regrettera la disparition de l’A380, il y a longtemps que la décision aurait été prise. <a href="https://www.airbus.com/newsroom/press-releases/en/2019/02/airbus-and-emirates-reach-agreement-on-a380-fleet--sign-new-widebody-orders.html">Un accord a toutefois été trouvé</a> après l’annonce : Emirates a converti partiellement sa dernière commande en A330neo et A350, restant fidèle au groupe européen.</p>
<p>Le rêve de ce super « jumbo jet » imaginé dans les années 1980 et plébiscité pour son confort par les voyageurs a donc tourné au cauchemar. Malgré le prestige associé à ce bijou technologique et la <a href="https://www.airbus.com/newsroom/press-releases/en/2017/06/airbus-presents-the-a380plus.html">possibilité de le faire encore évoluer</a> avec de nouveaux réacteurs, des <em>winglets</em> (ailettes situées au bout des ailes) et un fuselage plus long, le groupe a préféré tourner la page avant la nomination de son nouveau PDG dans deux mois. La dernière livraison est prévue pour 2021 et les nouvelles versions ne verront jamais le jour.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/111917/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Oihab Allal-Chérif ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’évolution de la demande a contraint l’avionneur européen Airbus à renoncer à la production de ce qui reste l’un des plus impressionnants appareils de tous les temps.Oihab Allal-Chérif, Full Professor, Information Systems and Purchasing Management, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1101992019-01-23T20:33:43Z2019-01-23T20:33:43ZTransports : où chercher la vérité des prix ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/254722/original/file-20190121-100292-k2s56n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C8%2C971%2C657&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’exemple du diesel montre que les bons choix d’hier peuvent demain s’avérer mauvais, et grever le budget des ménages.</span> <span class="attribution"><span class="source">Oatz stocker / Shutterstock </span></span></figcaption></figure><p>Comment améliorer nos politiques de mobilité, qui sont plus de jamais au cœur des préoccupations nationales ? On avait beaucoup parlé des <a href="http://www.senat.fr/rap/r15-858/r15-858.html">infrastructures</a>, comme le Grand Paris Express ou Notre-Dame-des-Landes. On discute à présent les prix facturés aux usagers. Pour cela, on a dézoné le pass Navigo (l’ex-carte orange) en Ile-de-France en 2015. Certains avaient observé que cela profiterait d’abord aux cadres abonnés, qui ont bien colonisé les couronnes lointaines ; les <a href="http://transports.blog.lemonde.fr/2015/08/31/les-effets-inattendus-du-dezonage-du-pass-navigo/">non-abonnés paient le prix fort</a>, et parmi eux un grand nombre de ménages pauvres. Questions <a href="https://www.challenges.fr/economie/ile-de-france-la-verite-sur-le-cout-du-passe-navigo-unique_430678">d’équité et de financement</a>.</p>
<p>En mars 2018, la maire de Paris demande une étude sur la gratuité des transports en commun. En juillet, on parle de reprendre certaines fonctions de l’infortuné projet écotaxe. En octobre, on prépare un projet de loi d’orientation des mobilités (LOM), et on envisage l’introduction de <a href="https://theconversation.com/peages-urbains-quand-la-theorie-economique-se-heurte-au-principe-de-realite-105879">péages urbains</a> (<a href="http://controverses.mines-paristech.fr/public/promo14/promo14_G18/www.controverses-minesparistech-4.fr/_groupe18/index-2.html">peu critiqués là où ils fonctionnent</a>). En novembre, on reparle du prix des carburants. Et surtout, on découvre, un peu tard, que sans techniques fines de redistribution, un souci général d’équité risque d’avoir peu de résultats.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1057458286579118080"}"></div></p>
<p>Trois contraintes politiques sont incontournables : d’abord, un environnement malmené devient menaçant. Ensuite, l’équité, souvent oubliée durant l’histoire des transports en commun, soit depuis Blaise Pascal en <a href="https://www.hexag-on.fr/2016/05/26/paris-1662-et-blaise-pascal-inventa-les-transports-publics/">1662</a>. Enfin, les pouvoirs publics ont besoin de financer les dépenses. Sous ces contraintes, de nombreux prix varient et se négocient. Et pour prendre l’exemple du diesel, nous pouvons parfois apprendre à nos dépens que les bons choix d’hier peuvent demain s’avérer mauvais, et grever le budget des ménages.</p>
<h2>Externalités négatives</h2>
<p>Les gouvernés attendent de la puissance publique une cohérence difficile, qu’ils récusent à l’occasion sans trop argumenter. Les prix dépendent largement d’elle. Les variations des prix à la pompe amortissent souvent sur le court terme celles du marché. Qui plus est, en euros constants, elles cachent une tendance à la baisse sur le long terme. De fait, les moteurs consomment moins et les véhicules, plus nombreux, circulent plus.</p>
<p>D’autres considérations suggèrent que les hausses gouvernementales sont de fait assez modestes dans leurs effets pour limiter l’impact environnemental. <a href="https://trid.trb.org/view/1014963">Les transports pèsent lourd dans les émissions</a>. Les véhicules urbains, les camions au long cours et les vols aériens sont aujourd’hui trop bon marché pour détourner les clients vers des mobilités plus vertes. Il faudra donc moduler leur impact sur la <a href="https://www.eea.europa.eu/fr/signaux/signaux-2016/articles/le-transport-et-la-sante-publique">santé</a>, les <a href="https://www.eea.europa.eu/fr/signaux/signaux-2016/articles/le-transport-et-les-ecosystemes">écosystèmes</a> et le <a href="https://ec.europa.eu/clima/policies/strategies/2050_fr">climat</a>. L’évaluation de chacune de ces « externalités négatives » est délicate, d’autant que chacune est modulée par une autre, que les usagers subissent directement tous les jours : la congestion.</p>
<p>Mais pourquoi demander aux particuliers de financer directement la transition énergétique ? On peut leur montrer comment d’autres ressources sont exploitées dans ce grand programme d’intérêt collectif. Par exemple, on sait que l’État pilote plus ou moins directement l’évolution de grandes flottes de véhicules à haute intensité de circulation (transport de personnes et de fret, courrier, tourisme, ambulances, police et gendarmerie, voirie, poubelles, espaces verts, etc.), avec des <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/operations-standardisees-deconomies-denergie#e8">objectifs bien définis</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/254719/original/file-20190121-100285-6i5knq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/254719/original/file-20190121-100285-6i5knq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=308&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/254719/original/file-20190121-100285-6i5knq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=308&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/254719/original/file-20190121-100285-6i5knq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=308&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/254719/original/file-20190121-100285-6i5knq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=387&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/254719/original/file-20190121-100285-6i5knq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=387&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/254719/original/file-20190121-100285-6i5knq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=387&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’État cherche à réaliser des économies d’énergie dans la gestion de ses grandes flottes de véhicules.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ken Felepchuk/Shutterstock</span></span>
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<p>Constructeurs et grands usagers investissent déjà selon leurs intérêts et leurs projets, sous le contrôle éclairé de l’État. Telles sont les perspectives dégagées par les <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/developpement-des-vehicules-propres">administrations nationales</a>, les grands <a href="https://books.google.be/books?id=aYxZDwAAQBAJ&pg=PA255&lpg=PA255&dq=p%C3%A9age+urbain+%22Forum+international+des+transports%22+2018&source=bl&ots=sX7cSnxbGY&sig=ZDlkbieag-MeotaxyY0r61WVA_0&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjLzsb3s77fAhUIb1AKHR9aD8UQ6AEwDHoECAEQAQ#v=onepage&q=p%C3%A9age%20urbain%20%22Forum%20international%20des%20transports%22%202018&f=false">forums de réflexion</a> et les <a href="http://www.routiers.com/M_pagetype.asp?revue=routiers&pagetype=breves">industriels</a>. Une concertation doit s’engager pour associer à ces investissements nouveaux les usagers de la route, qui dans ces conditions pourraient cesser de se prendre pour des vaches à lait.</p>
<h2>Traduire la vérité économique</h2>
<p>Pour calculer les prix facturés aux usagers, l’économiste a appris à prendre en compte la solvabilité de la demande, l’ensemble des bénéfices et des coûts, sans négliger les coûts des transactions qu’ils occasionnent. Chaque groupe d’usagers est un cas particulier ; ce qui est bon pour certains sera mauvais pour d’autres. Les prix ne traduiront pas le seul coût des infrastructures ou des carburants, mais le produit des évaluations, des décisions et des investissements des acteurs : on parlera donc de transactions, parce qu’elles seront souvent flexibles, nombreuses et locales.</p>
<p>La politique prendra en compte non pas les seules causes lointaines, mais les effets de ces décisions sur les usagers et les citoyens. Par exemple, un prix faible à l’usager des transports en commun peut aboutir à des résultats inattendus. En effet, l’accessibilité accrue des zones périphériques va y stimuler les choix de résidence. Or, les bénéfices qu’on voulait procurer aux usagers de la région, surtout ceux des zones périphériques, risquent d’être ristournés aux propriétaires fonciers. Certains usagers se retrouveront alors punis d’avoir accepté des parcours allongés. Ces problèmes méritent des études approfondies qui ne se résument pas en de simples slogans.</p>
<p>Les pouvoirs publics doivent traduire la vérité économique. Mais celle-ci est un résultat, et non pas une donnée : elle prendra en compte les effets des divers modes de transport sur l’environnement, la santé, le tissu social, et les coûts des transactions multiples qui suivront.</p>
<h2>Tournant politique</h2>
<p>Durant deux siècles, certains auront froidement extrapolé du passé sur le futur, alors que d’autres auront chaudement mobilisé le présent au service des futurs voulus. Les durées d’adaptation étaient souvent taillées sur mesure. Aujourd’hui, le monde change vraiment, et vite : il est temps d’apprendre à adapter le changement au présent, trop souvent négligé, ce qui demandera une sensibilité plus grande aux signes critiques, une constance dans les objectifs, et des négociations entre les grands corps qui font la politique. Les économistes savent que leur rôle n’est pas de prescrire le respect des contraintes, mais de calculer les conséquences des décisions prises ou discutées.</p>
<p>Qu’on ait naguère parlé d’investissements, puis récemment de tarification aux usagers n’est donc pas une coïncidence fortuite, mais annonce un tournant de la politique. Sans doute l’extension du réseau des infrastructures routières est moins urgente aujourd’hui – même si de <a href="http://www.oecd.org/environment/cc/climate-futures/">nouvelles infrastructures</a> sont recommandées par la Banque mondiale et l’OCDE pour répondre au défi climatique. Voici autour de nous les capteurs et les calculatrices adaptées aux données massives. D’autres changements s’annoncent : nouveaux services, nouveaux débouchés, nouvelles techniques…</p>
<p>Une bonne gestion de l’information peut stimuler l’emploi, et pas seulement le détruire. La France affiche des inégalités fortes, mais moindres que dans beaucoup d’autres pays, selon qu’on habite les grands centres ou la « diagonale du vide », qui court de la Meuse aux Landes. Ici aussi, la redistribution doit être mieux calculée. Sans doute, la mondialisation, les nouvelles technologies et l’éducation induisent de nouvelles inégalités ; mais avec d’autres collègues courageux, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0169721811024105">Daron Acemoglu</a> (MIT) montre que la machine remplace des hommes, mais crée aussi des emplois.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/254721/original/file-20190121-100273-ebid9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/254721/original/file-20190121-100273-ebid9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/254721/original/file-20190121-100273-ebid9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/254721/original/file-20190121-100273-ebid9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/254721/original/file-20190121-100273-ebid9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/254721/original/file-20190121-100273-ebid9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/254721/original/file-20190121-100273-ebid9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La formule des cars interurbains ouvre des perspectives intéressantes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fortgens Photography/Shutterstock</span></span>
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<p>Mais sommes-nous préparés à <a href="https://www.hexag-on.fr/analyses/">innover dans les périphéries</a> ? Donnons donc un second exemple : on peut étendre la formule des cars interurbains (définis comme des services librement organisés), et structurer progressivement un véritable marché de la voiture partagée (qui pourra libéraliser les transports entre domicile et nœuds locaux). Disons-le : il est temps de renoncer à exhorter les citoyens au partage vertueux. Avant que la machine remplace l’homme, un autre homme peut anticiper sur la machine.</p>
<p>La condition décisive sera politique, car il faudra oser construire des contextes de coûts et de fiscalité convenables. Pour cela, sachons joindre à nos calculs des considérations de stratégie d’économie politique. Celles-ci seront singulièrement complexes, comme le suggèrent les exemples cités plus haut.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110199/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Andre de Palma a reçu des financements pour le projet ANR Elitisme sur l’économie de la famille qui se termine, et pour le Projet ANR MATT (France, Belgique et Chine) sur le développement urbain, qui commence le 1er mars pour trois ans. Il est par ailleurs président de APEKOFA-KSV (économie de la famille et aide aux enfants d’une école (KSV) en Inde).
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emile Quinet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En matière de mobilité, chaque mesure a ses gagnants et ses perdants. La prise en compte de ces externalités complique la recherche de politiques perçues comme justes.Emile Quinet, Professeur émérite Ecole des Ponts-ParisTech et membre associé de Paris School of Economics, École des Ponts ParisTech (ENPC)André de Palma, Transport, risque, finance comportementale, organisation industrielle, modèle de décision., École Normale Supérieure Paris-Saclay – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/963602018-05-09T19:42:03Z2018-05-09T19:42:03ZNotre-Dame-des-Landes, un non-événement environnemental<p><em>Le 29 avril 2018, Dominique Bourg faisait paraître sur le site de la revue « La Pensée écologique » qu’il dirige un long entretien avec Michel Badré, l’un des trois médiateurs nommés par le gouvernement en mai 2017 sur l’épineux dossier de Notre-Dame-des-Landes. Nous publions ici des extraits de cette interview qui éclaire de l’intérieur les nombreuses controverses entourant ce projet d’aéroport aujourd’hui abandonné. <a href="https://lapenseeecologique.com/un-entretien-avec-michel-badre/">Retrouvez l’intégralité de l’entretien</a> sur le site de <a href="https://lapenseeecologique.com/">La Pensée écologique</a></em>.</p>
<hr>
<p><strong>Dominique Bourg : Vous avez été un des trois membres de la commission désignée par le gouvernement français pour lui remettre un rapport destiné à éclairer sa décision quant au sort à réserver au projet d’un nouvel aéroport au nord de Nantes, à Notre-Dame-des-Landes (NDDL). Les deux autres membres étaient Anne Boquet, membre du corps préfectoral, et Gérard Feldzer, ancien pilote de ligne et ancien directeur du Musée de l’air, spécialiste de sécurité aérienne et réputé pour être proche de Nicolas Hulot. Pourriez-vous nous rappeler les grandes lignes de votre parcours.</strong></p>
<p><strong>Michel Badré</strong> : À l’issue de ma formation d’ingénieur, j’ai d’emblée choisi de travailler dans le domaine de l’environnement. Après, j’y suis toujours resté et par goût et par conviction parce qu’il y avait des enjeux. Quand je dis que je suis toujours resté, j’ai d’abord passé 25 ans à l’Office national des forêts, et ensuite les 15 dernières années de ma vie administrative au ministère de l’Environnement.</p>
<p>À la fin de cette période, j’ai été amené à mettre en place et à présider l’<a href="http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr/l-autorite-environnementale-r145.html">Autorité environnementale</a>, une instance d’évaluation de la prise en compte des enjeux environnementaux au sein des grands projets et grands programmes. C’était une expérience passionnante. Elle m’a donné l’occasion, en cinq ans, de voir les 400 plus gros projets arrivés au stade de la déclaration d’utilité publique (DUP) en France, entre 2009 et 2014. Je précise que le projet de Notre-Dame-des-Landes, qui était arrivé au stade de la déclaration d’utilité publique en 2008, n’est pas passé devant l’Autorité environnementale, laquelle n’a été instituée qu’en 2009. Depuis 2014 je suis fonctionnaire retraité, mais je continue à m’intéresser à l’environnement au sein d’une association, Humanité et biodiversité, qui m’a désigné comme son représentant au Conseil économique social et environnemental.</p>
<p><strong>Dominique Bourg : Pouvez-vous nous indiquer la façon dont vous avez été nommé et la manière dont les rapporteurs ont commencé leur travail ?</strong></p>
<p><strong>Michel Badré</strong> : Je ne connaissais pas particulièrement le dossier. En 2017, durant la campagne présidentielle, le candidat Emmanuel Macron avait évoqué l’opportunité de désigner un médiateur pour sortir de la situation délicate de NDDL. Le nouveau gouvernement d’Édouard Philippe, en mai 2017, a décidé la mise en place d’une commission de trois médiateurs. […]</p>
<p>Lorsque notre triple nomination a été annoncée, dans les derniers jours du mois de mai 2017, la réaction immédiate de Bruno Retailleau, président du Conseil régional des Pays de Loire et président du syndicat mixte aéroportuaire, structure support chargée de piloter les études sur le projet, a été de mettre en cause la légitimité de notre commission. Deux de ses membres, déclarait-il, sont de parti pris ; et non la troisième, Anne Boquet, ce qui n’était guère sympathique pour elle. Pourquoi ? Parce que le premier, Gérard Feldzer, est ami de Nicolas Hulot, et le second, moi-même, membre d’une <a href="http://www.humanite-biodiversite.fr/">association</a> dont le président d’honneur est Hubert Reeves, qui s’était autrefois déclaré contre le projet de NDDL. Une réaction reprise par d’autres élus et par la presse. […]</p>
<p><strong>Dominique Bourg : Comment avez-vous pris connaissance du dossier ?</strong></p>
<p><strong>Michel Badré</strong> : Avant d’aborder ce point, je souhaite rappeler, qu’en plus des trois membres, la commission comptait une quatrième personne, Emmanuel Constantin, jeune ingénieur des Mines qui nous a beaucoup aidés et a réalisé un immense et excellent travail.</p>
<p>La première chose que nous avons faite, c’est de rassembler toute la littérature sur le sujet via Internet, le ministère, comme la direction de l’aviation civile, etc. Il était intéressant d’être également attentif à ce qui ne figurait pas dans les documents communiqués.</p>
<p>On a parlé de NDDL dès 1965 via le préfet d’alors. La zone d’aménagement différé date de 1973. Le département a acquis depuis cette époque de 200 à 300 hectares par droit de préemption. Ensuite, le projet est tombé en léthargie et était quasi oublié à la fin des années 1990. Il refait surface au début des années 2000 à l’initiative de Jean‑Marc Ayrault. Lors de son intéressante audition, acceptée sans réserve par lui dès le début de notre mission alors que Bruno Retailleau avait refusé de nous voir, il nous a indiqué qu’à ses yeux NDDL était un projet d’urbanisme de la ville de Nantes, plus qu’un projet aéroportuaire.</p>
<p>Compte tenu du dynamisme de la ville et de son taux de croissance plus élevé que celui de la plupart des autres grandes villes, il envisageait de grosses opérations immobilières de densification dans la partie sud de la ville, et notamment un grand projet de réaménagement au lieu-dit « l’Ile de Nantes », au milieu de la Loire. L’actuelle maire de la ville, Johanna Rolland, nous a tenu un discours similaire. Le projet de réaménagement de cette zone apparaissait contradictoire avec le développement du trafic de l’actuel aéroport de Nantes-Atlantique, pour une raison d’exposition au bruit consécutive au trafic aérien et à son augmentation. Le plan d’exposition au bruit leur paraissait devoir immanquablement empiéter sur la zone à densifier, au point de rendre cette opération d’urbanisme impossible.</p>
<p>L’ouverture d’un nouvel aéroport en zone rurale très au nord de l’agglomération apparaissait ainsi comme la condition sine qua non au développement de cette aire urbaine, rendu lui-même nécessaire par l’essor de la ville.</p>
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<figcaption><span class="caption">50 ans de conflit résumés en 3 minutes. (<em>Le Monde</em>/YouTube, janvier 2018).</span></figcaption>
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<p><strong>Dominique Bourg : Information effectivement capitale.</strong></p>
<p><strong>Michel Badré</strong> : Il y a ensuite eu un débat public, en 2002 et 2003, qui a été le premier débat public conforme à la révision par Dominique Voynet (loi Voynet 2002) de la loi Barnier de 1995 instaurant les débats publics. On a revisité ce débat qui ne parle que d’un projet aéroportuaire et donc nullement d’urbanisme. Le débat public a conclu que beaucoup de choses s’étaient dites, qu’il fallait en approfondir d’autres, et qu’il fallait donc continuer les études. […]</p>
<p>La phase suivante concerne la déclaration d’utilité publique, datée de 2008. Le dossier de déclaration a été préparé en 2006 et 2007. Nous avons épluché les documents de l’enquête publique préalable à la DUP et avons eu accès à un autre rapport, non public, celui du rapporteur de la section des travaux publics du Conseil d’État. Dans son projet d’avis sur la déclaration d’utilité publique, il remarque que le dossier ne comporte pas d’aspect environnemental, et notamment rien en matière d’application de la loi sur l’eau, et donc rien sur les impacts d’un projet destiné à être implanté dans une zone humide, celle de NDDL. Ce qui me conduit à estimer qu’un tel dossier n’aurait pas été accepté par l’Autorité environnementale, qui a plusieurs fois recommandé dans ses avis, tous rendus publics, que de grands projets ayant des lacunes très semblables soient repris avant d’être mis à l’enquête publique, ce qui a été fait notamment pour l’un des projets du réseau de transport du Grand Paris.</p>
<p>Le rapporteur lui-même affirme d’ailleurs que si ces aspects avaient été joints, cela pourrait conduire à une autre appréciation du dossier. Néanmoins, il donne un avis favorable à la déclaration d’utilité publique. La raison en est simple à ses yeux : le trafic aéroportuaire se situe déjà à l’époque à plus de 2,5 millions de passagers et, selon les affirmations du dossier, l’aéroport actuel serait saturé à 3,5. Il convient donc de résoudre ce problème, ce qui justifie la construction d’un nouvel aéroport.</p>
<p>Or, je signale qu’en 2017 ce sont 5,5 millions de passagers qui ont transité par Nantes-Atlantique. Et c’est le même aéroport qu’au moment de la DUP. Le dossier avançait l’hypothèse selon laquelle il aurait fallu 40 millions d’investissements pour passer à 4 millions de passagers. Le dossier en question était donc passablement fragile, sur la justification principale de la DUP.</p>
<p>La DUP a été prononcée. En 2008, la même année, c’est l’arrivée à NDDL des premiers occupants sans titres, des « zadistes » comme ils seront appelés plus tard.</p>
<p>La phase suivante est la signature, en décembre 2010, du dossier de concession qui a été passé entre l’État, avec un décret signé par le premier ministre d’alors, François Fillion, mais aussi quatre ministres, et Vinci. Un contrat établi pour 55 ans stipulant que Vinci est chargé de construire le nouvel aéroport de NDDL, de gérer celui de Nantes-Atlantique jusqu’à sa fermeture prévue en 2017 et, en prime, est aussi chargé de gérer l’aéroport de Saint-Nazaire, dédié principalement au fret.</p>
<p>Ce même dossier comporte une clause de résiliation tout à fait curieuse, qui prévoit que si la résiliation intervient moins de deux ans après la mise en service du nouvel aéroport, le concessionnaire a droit à une indemnité calculée sur sa perte de recettes jusqu’à la fin de la concession, en 2065, avec un taux d’actualisation des recettes futures nettement plus bas que ce qui se pratique dans des cas semblables, ce qui conduit à majorer fortement le calcul de la perte de recettes cumulée.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"992392159600037888"}"></div></p>
<p><strong>Dominique Bourg : C’est énorme ? Comment un tel contrat a-t-il pu être signé ? Bravo pour le souci de l’argent public !</strong></p>
<p><strong>Michel Badré</strong> : Il faut en effet souligner ici que l’on se trouve dans un cas complètement différent de celui d’Ecomouv, constructeur des portiques destinés à la perception de l’écotaxe, souvent cité comme comparable. Pour Ecomouv, les investissements étaient déjà faits par le concessionnaire au moment de la résiliation, et il était normal de l’indemniser pour cela. Pour NDDL, en dehors de frais d’études d’un montant faible, aucun investissement n’avait été réalisé : on ne parle que d’une perte de recettes futures, sachant que l’aéroport de Nantes-Atlantique, compris dans la même concession, a eu une rentabilité très élevée depuis 2010. C’est d’autant plus vrai qu’aucun investissement important n’y a été fait par le concessionnaire puisqu’il était destiné à être fermé.</p>
<p>Personne n’a rien dit, n’a émis quelque critique. Par ailleurs, le contrat a été signé sans que rien n’ait été entrepris contre l’occupation par les zadistes, qui empêchait pourtant tout début de réalisation.</p>
<p>Effectivement, je ne peux que trouver cette affaire très surprenante.</p>
<p>Et force est de reconnaître que depuis la DUP de 2008, et jusqu’en 2017, tous les gouvernements successifs, de bords politiques opposés mais avec des premiers ministres tous partisans résolus du projet NDDL, ont poussé à sa réalisation sans réexamen au fond du dossier, malgré les nombreux signaux d’alarme. En 2017, Emmanuel Macron et Édouard Philippe étaient en revanche les seuls à ne pas avoir de passé dans ce dossier, ce qui leur a donné les mains libres pour une approche plus ouverte.</p>
<p><strong>Dominique Bourg : Permettez-moi de rappeler qu’Éric Woerth, qui s’est récemment permis en commission parlementaire de critiquer la décision du gouvernement, notamment sur un plan pécuniaire, avait été ministre du Budget du gouvernement de François Fillon de mai 2007 à mars 2010, date à laquelle il est devenu ministre du Travail du même gouvernement, et que le décret approuvant la concession a été signé en décembre 2010 par son successeur au ministère du Budget, François Baroin. Remarque toute personnelle, je trouve scandaleux que ce genre de personnage n’ait jamais de comptes à rendre…</strong></p>
<p><strong>Michel Badré</strong> : Je poursuis les étapes de la prise de connaissance du dossier. 2012, changement de gouvernement : Jean‑Marc Ayrault devient premier ministre ; il est encore plus favorable au projet que son prédécesseur, François Fillon, pour la raison indiquée plus haut. Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, décide de débarrasser le site des zadistes pour rendre possible la réalisation du projet et ordonne l’opération César. Elle est déclenchée en octobre 2012 et a duré un mois.</p>
<p>Personne n’a pu nous dire si l’opération a été arrêtée parce qu’elle ne marchait pas, ou en raison d’un ordre de Matignon ou de l’Élysée. Il faut admettre que c’est très compliqué, compte tenu de la configuration du lieu. Une des auditions les plus intéressantes que nous ayons organisées était celle avec le directeur général de la gendarmerie, qui nous a montré, arguments solides à l’appui, à quel point une telle opération était compliquée : 1 500 hectares de bocage avec des routes dans tous les sens, et une forte dissymétrie dans l’opinion publique entre l’usage de la force par des opposants violents, ou par des gendarmes chargés de les maîtriser : leur intervention est de toute façon très délicate.</p>
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<figcaption><span class="caption">Images de l’intervention des forces de l’ordre en novembre 2012 à NDDL. (AFP/YouTube).</span></figcaption>
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<p>Dans le même temps, en 2012, il se passe autre chose. L’État, la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (<a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/services-deconcentres-du-ministere">DREAL</a>) et l’entreprise Vinci préparent la procédure suivante, à savoir l’autorisation au titre de la loi sur l’eau. Je rappelle qu’à NDDL, tout se situe en zone humide. Les deux maîtres d’ouvrage, Vinci pour l’aéroport, et l’État, représenté par la DREAL, pour le morceau de route nationale prévue pour la desserte de l’aéroport, préparent leur dossier pour l’approbation au titre de la loi sur l’eau, qui nécessite un arrêté préfectoral, après enquête publique, pour chaque maître d’ouvrage. Il y a donc eu fin 2012 une enquête publique sur les deux projets d’arrêté comme il se doit.</p>
<p>La commission d’enquête pour cette enquête publique a bien fait son travail. Son rapport évoque la nécessité de mesures de compensation pour l’impact sur les milieux aquatiques, mais reconnaît ne pas comprendre le dossier soumis en matière de compensation. Les auteurs du rapport rappellent judicieusement qu’une enquête publique a pour rôle a contrario d’informer le public, lequel public a fort peu de chances de mieux comprendre le dossier que les rapporteurs eux-mêmes. Ils soulignent encore qu’un des deux maîtres d’ouvrage est le principal conseiller du préfet pour prendre son arrêté final, et qu’il serait opportun en conséquence de faire expertiser tout ce dossier par une expertise indépendante. Soulignons le bon sens de cette commission d’enquête publique !</p>
<p>Que se passe-t-il ensuite ? À la suite de l’échec de l’opération César, le gouvernement décide fin 2012 de créer une « commission du dialogue » avec deux sous-commissions : un collège d’experts chargé d’expertiser le dossier loi sur l’eau au vu des objections de la commission d’enquête, et un collège agricole chargé d’examiner les autres questions posées sur l’usage des terres. Le collège d’experts « loi sur l’eau » a très bien fait son travail. Le président de ce comité d’experts n’est pas contestable, il s’agit de Ghislain de Marcilly, membre de l’Académie des sciences et spécialiste reconnu en matière d’eau. Ce comité comportait aussi d’autres experts de renom. Son rapport est très solidement construit. Il affirme ne pouvoir valider le dossier mis à l’enquête publique, pour douze raisons, explicitement argumentées ; par exemple pour compenser, il convient de comparer l’état initial à la solution proposée, or l’état initial ne peut pas être validé. Ils rendent leur expertise au printemps 2013.</p>
<p>Que se passe-t-il alors ? Le préfet envoie l’avis des experts à la DREAL pour avis. Les services de la DREAL, dans une note dont nous avons eu connaissance, conseillent au préfet de signer l’arrêté moyennant de légers aménagements apportés au dossier initial. Le préfet signe en décembre 2013 les deux arrêtés de la loi sur l’eau, pour l’aéroport et la route, avec seulement ces ajustements à la marge.</p>
<p>De 2013 à 2016, il ne se passe plus rien en matière de procédure. C’est la période où le président Hollande déclare attendre que les contentieux soient purgés. Ce sera le cas pour tous, sauf un, majeur, qui restait non tranché fin 2017 : il s’agissait d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État, portant sur un jugement de la Cour administrative d’appel validant les arrêtés « loi sur l’eau » de 2013. La justification du pourvoi était de savoir s’il y avait des solutions alternatives à la construction de NDDL, ce qui pouvait remettre en cause la validité des arrêtés. Ce pourvoi, accepté par le Conseil d’État, devait être jugé courant 2018 si le projet avait été maintenu, et son issue au vu de notre rapport pouvait être considérée comme incertaine…</p>
<p>Il y a eu de nombreux recours durant cette période, mais tous perdus. Ces 180 décisions de justice se sont déterminées, comme c’était normal, non sur l’opportunité du projet, mais sur le respect des procédures suivies : le constat, par une décision de justice, du bon respect d’une procédure ne démontre pas que le projet concerné est bon.</p>
<p>Je reviens un moment sur la commission de dialogue. Leur lettre de mission n’avait rien à voir avec la nôtre. Il leur était demandé d’éclairer les pouvoirs publics sur ce qu’il fallait faire pour faire passer le projet, et non d’examiner les différentes options possibles.</p>
<p><strong>Dominique Bourg : Cela relève du gag !</strong></p>
<p><strong>Michel Badré</strong> : C’était le choix du gouvernement de l’époque. Alors que notre lettre de mission portait sur toutes les solutions envisageables, les arguments à l’appui des unes et des autres.</p>
<p>Toutefois, la Commission du dialogue n’a pas mal travaillé puisqu’elle a conseillé au gouvernement d’étudier aussi la solution alternative du réaménagement de Nantes-Atlantique.</p>
<p>Le gouvernement adresse alors, en 2013, une commande à la Direction générale de l’aviation civile (<a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/direction-generale-laviation-civile-dgac">DGAC</a>) : Nantes-Atlantique peut-il être réaménagé ou non ? Réponse de la DGAC fin 2013, dans un rapport rendu public : oui on peut réaménager Nantes-Atlantique, mais cela va coûter plus cher que de construire un nouvel aéroport à NDDL. Il faut refaire toute la piste qui sinon ne supportera pas l’augmentation du trafic pressentie à l’horizon 2040-2050, et ce pour un coût de plus de 300 millions d’euros ; il faut aussi refaire l’aérogare. Mais, attention, si l’aéroport est réaménagé pour recevoir les trafics beaucoup plus importants prévus à cet horizon, les cartes de bruit restreignant l’urbanisme au sud de l’agglomération nantaise seront deux fois plus étendues qu’actuellement. On retrouve ici le sujet envisagé plus haut avec Jean‑Marc Ayrault sur la densification d’une zone importante au sud de Nantes.</p>
<p>Une manière d’affirmer que c’était infaisable, ce que le gouvernement en déduit alors. Nous sommes fin 2013.</p>
<p>En 2014 et 2015, il y a par ailleurs un conflit entre Ségolène Royal, ministre chargée de l’environnement, et Manuel Valls, devenu premier ministre. Ségolène Royal confie début 2016 une mission à l’instance d’inspection de son ministère dont la commande est de rechercher s’il y a des solutions alternatives. Les trois membres de la mission avaient six semaines en tout, et ils avaient pour ordre de n’auditionner personne, ce qu’ils ont fait. Quand nous les avons interrogés, ils nous ont dit avoir eu beaucoup de difficultés à mener à bien leur mission dans ces conditions. La principale conclusion de leur rapport retenue par la presse était que le projet de NDDL était « surdimensionné ».</p>
<p>2016 toujours, décision de François Hollande, annoncée à l’occasion de la Conférence environnementale : la situation étant inextricable, nous allons demander son avis au peuple, dont nous exécuterons la décision. Certains de nos interlocuteurs nous ont dit que François Hollande était persuadé que le peuple
dirait non au transfert à NDDL. Or, le peuple a dit oui.</p>
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<p>Il a peut-être dit oui parce que le dossier d’information préparé par la Commission nationale du débat public (<a href="https://www.debatpublic.fr/">CNDP</a>) en six semaines était très léger. La CNDP a repris comme telles les conclusions du rapport de la DGAC de 2013, sans aucun recul critique. Elles affirmaient, rappelons-le, que les conséquences sur le bruit seraient calamiteuses, et que le coût d’aménagement de Nantes-Atlantique serait très élevé. Le dossier était présenté d’une façon en apparence neutre, alors qu’il en ressortait une conclusion claire quant aux graves inconvénients de la réfection de Nord-Atlantique.</p>
<p>Mais, en réalité, je ne suis pas certain que ce document ait été décisif. Le vote étant limité au département de la Loire-Atlantique, le taux de participation s’est élevé à plus de 50 %, avec 55 % de votes favorables au transfert de l’aéroport à NDDL. Toutes les personnes auditionnées ayant abordé ce sujet nous ont affirmé que le point déterminant avait été la présence des zadistes. Une majorité de la population voulait faire partir les zadistes. Cela a dû suffire à déplacer quelques pourcentages de voix. Il y a eu des débats sur le périmètre départemental, sur la question posée, mais cela ne me paraît pas essentiel : c’est l’existence d’une « zone de non-droit », insupportable pour une majorité d’électeurs, qui semble avoir été l’argument déterminant, qui a fait basculer le résultat du vote en faveur du projet NDDL.</p>
<p>Voilà où nous en étions de la compréhension du dossier au 15 juin 2017, après avoir épluché tous les documents qui nous avaient été remis. Je me suis dit à l’époque que nous étions mal partis, et je ne voyais aucune solution se dégager. Nous étions avec l’aéroport NDDL dans un projet Trente Glorieuses, mais en même temps le bruit et les travaux de réfection de piste probablement nécessaires semblaient interdire l’alternative Nantes-Atlantique. À quoi s’ajoutaient le référendum et sa légitimité démocratique. Nous étions mal.</p>
<p><strong>Dominique Bourg : À cette étape, on ne voit guère effectivement le ciel se dégager.</strong></p>
<p><strong>Michel Badré</strong> : C’est là qu’intervient le travail réalisé avec le jeune ingénieur qui nous épaulait. Nous avons décidé avec lui de parcourir à nouveau tous les dossiers, en cherchant les points de controverse importants.</p>
<p>Seule une dizaine de sujets se sont imposés. Par exemple, les cartes de bruit de la DGAC étaient radicalement différentes de celles de l’« atelier citoyen », collectif d’opposants au projet qui avait fait réaliser de nouvelles cartes de bruit par un bureau hollandais, et qui aboutissait à une empreinte sonore au sol à peu près deux fois plus petite. Ce qui, en cas de confirmation, changeait intégralement la donne. Un autre point concernait la prévision de trafic. Un troisième sur les mesures de compensation des impacts sur l’eau de NDDL…</p>
<p>Nous avons alors recherché quels étaient les producteurs d’information et d’argumentation sur ces dix points de controverses. L’idée était de les auditionner, de confronter leurs analyses et de pouvoir éventuellement rapprocher leurs points de vue. Si nous n’y parvenions pas, le projet était d’identifier un tiers expert nous permettant de construire alors notre argumentation propre. La méthode a très bien marché sur certains points et pas sur d’autres.</p>
<p>Le premier point sur lequel cela a très bien marché concernait les prévisions de trafic. On est arrivé très vite à déterminer par consensus entre les experts, à très peu de choses près, le trafic à prendre en compte à l’horizon 2040-2050. Le chiffre de 9-10 millions de passagers s’est vite imposé. Il restait à savoir avec quels avions : gros ou moins gros, vieux ou neufs, autant de critères qui changent du tout au tout l’empreinte sonore au sol. Il y a, en effet, une amélioration spectaculaire de la signature sonore des appareils, entre les anciens et les nouveaux. On est arrivé, entre juin et juillet, à une prévision de trafic et à une répartition par types d’avion validées par la DGAC et l’atelier citoyen évoqué plus haut. La DGAC a validé par mail notre tableau au mois d’août.</p>
<p>Ce sont en effet ces estimations dont nous avions besoin pour refaire les cartes de bruit et réévaluer le coût de la réfection de la piste de Nantes-Atlantique ; cette validation précoce était essentielle à la suite de nos travaux.</p>
<p>Nous avons pourtant reçu vers le 15 novembre un mail du directeur de la DGAC disant que nos prévisions de trafic étaient nettement trop basses. Quinze jours avant la fin de nos travaux, ce mail ne pouvait que vider de son sens tout le reste de nos évaluations sur le bruit et la piste. Je lui ai alors demandé si nous devions écrire dans notre rapport final que la DGAC nous avait communiqué deux types de prévision différentes, à trois mois d’intervalles. Les choses se sont arrêtées là.</p>
<p>Le travail de confrontation des expertises a été beaucoup plus difficile concernant l’application de la réglementation sur l’eau et les espèces protégées. Les représentants des deux maîtres d’ouvrage (dont la DREAL) et des associations naturalistes ont failli en venir aux mains, lors de la réunion de confrontation de leurs expertises. Nous avons arrêté la confrontation et décidé de nous débrouiller seuls. Et nous pouvions nous débrouiller seuls, à partir de toute la documentation disponible.</p>
<p>Le point le plus intéressant était celui des cartes de bruit. Là, nous avons cherché où était l’expertise. L’expertise était à la DGAC et leurs cartes de bruit remontaient à 2013. L’atelier citoyen, composé de nombre de bénévoles, dont certains très pointus, avait publié de nombreux cahiers dont un cahier « bruit » et un cahier « urbanisme » d’un niveau d’expertise très solide. Pour le bruit, il existe un logiciel universel pour produire les cartes de bruit. On y introduit différents paramètres d’entrée, comme les prévisions de trafic, les signatures sonores des avions, les atterrissages par le nord ou le sud, les vols nocturnes, etc., et le logiciel édite les cartes correspondant à ces paramètres. Le débat contradictoire entre experts portait donc sur la valeur des paramètres à retenir pour nos cartes, et nous avons tenu plusieurs réunions de travail avec la DGAC et les auteurs du cahier « bruit » de l’atelier citoyen sur ces choix de paramètres.</p>
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<p>Nous avons alors reçu une lettre extrêmement critique d’une association pro-aéroport-NDDL remettant en cause notre neutralité pour ne pas les avoirs invités aux réunions débattant de ces paramètres. On leur a écrit pour leur demander de nous faire connaître les expertises argumentées qu’ils avaient produites sur la question. Nous n’avons jamais reçu de réponse à ce courrier, et avons donc poursuivi nos travaux avec les experts identifiés.</p>
<p>Je remarque au passage que les meilleurs experts que nous avons rencontrés, concernant les cartes sonores, se trouvaient à l’atelier citoyen et la DGAC. Concernant l’urbanisme, ils étaient dans les collectivités et l’atelier citoyen : pour chaque thème, l’identification des experts les plus solides était à refaire.</p>
<p>Nous avons donc établi, en réunion contradictoire d’experts, les paramètres tenant compte du progrès en matière de bruit, des avions volant aujourd’hui et du taux de renouvellement réel des flottes aériennes, ce que n’avait pas fait la DGAC dans son rapport de 2013. Ces nouvelles cartes, établies pour nous par le service spécialisé de la DGAC, divisaient à peu près par deux la zone d’exposition au bruit par rapport aux cartes de 2013, et maintenait donc à peu près, sans augmentation, les contraintes d’urbanisme issues du plan d’exposition au bruit actuel datant de 2003 : l’augmentation de trafic était à peu près exactement compensée par le progrès sonore des avions. Ce qui changeait fondamentalement la donne. Ce qu’encore une fois la DGAC n’a pas contesté.</p>
<p>Dernier point sur lequel notre travail d’expertise a bien marché, c’est le problème du coût de réfection de la piste. Le cahier de l’atelier citoyen donnait un chiffre bas mais peu argumenté, qui ne suffisait pas à remettre en cause l’estimation de la DGAC. On a procédé à une confrontation, civile, de nos experts, sans résultat. On leur a donc demandé s’ils connaissaient des experts acceptés par les deux parties pour évaluer le coût de réfection. L’atelier citoyen nous a renvoyés à un expert belge, Albert Bolle, pourvu d’un CV très solide. En France, la DGAC nous renvoyait logiquement vers les deux organismes techniques qui travaillent toujours pour le ministère en matière de grands travaux, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (<a href="https://www.cerema.fr/fr">CEREMA</a>) et l’Institut français des sciences et technologies, des transports, de l’aménagement et des réseaux (<a href="http://www.ifsttar.fr/accueil/">IFSTTAR</a>). Je connaissais les deux directeurs de ces organismes. Conscients d’y jouer leur réputation, ils nous ont envoyé deux équipes d’ingénieurs très solides. Nous avons donc organisé selon les règles une <a href="https://mediation-aeroport-du-grand-ouest.fr/documents/Ifsttar-Cerema-Bolle%20-%20Synth%C3%A8se.pdf">expertise collective entre l’expert belge, l’IFSTAR et le CEREMA</a>, en fixant très précisément le cahier des charges. Celui-ci comportait en premier lieu une série de sondages pour connaître l’état de la piste et celui du sol, ce qui n’avait pas été fait en 2013.</p>
<p>C’est lors des discussions préalables qu’un des experts du CEREMA m’a demandé si le rapport allait être public, avec mention du nom des experts. Quand je réponds oui, il rétorque qu’il refuse de faire le travail. Il me dit qu’il ne veut pas que ses enfants aient des problèmes à l’école, que sa femme perde son travail. Vous avez deviné qu’il habitait Nantes. Les deux directeurs ont alors décidé de signer en tant que tels le rapport sur l’évaluation du coût de réfection de la piste. Cette expertise collective a, au bout du compte, rendu un rapport très solide. Résultat, le coût était évalué à environ 100 millions d’euros, sur la base d’une description précise et validée par la DGAC des travaux à refaire, et non au triple.</p>
<p>Vous comprendrez qu’avec les nouvelles cartes sonores et la réévaluation du coût de réfection mon moral soit remonté quant à l’existence de solutions possibles autres que le seul projet de NDDL.</p>
<p>Un troisième argument revenait constamment, c’était celui du Lac de Grand Lieu, une importante réserve ornithologique très proche de l’aéroport actuel de Nantes-Atlantique. L’argument de sa protection était mis en avant par les partisans du transfert à NDDL, expliquant que l’aménagement de Nantes-Atlantique se heurterait à des difficultés environnementales majeures. Mais tout le monde se doutait que c’était un leurre. <a href="https://mediation-aeroport-du-grand-ouest.fr/documents/MNHN%20-%20rapport%20d%E2%80%99expertise.pdf">L’expertise</a> que nous avons demandée au Muséum national d’histoire naturelle, organisme scientifique le plus qualifié et reconnu y compris au niveau européen pour la préservation du réseau Natura 2000, a confirmé qu’il n’y avait à cet égard aucun problème réel.</p>
<p><strong>Dominique Bourg : C’est clair, les deux arguments forts qui interdisaient toute forme d’alternative tombent. Il y a bien une autre solution que la construction d’un nouvel aéroport à NDDL.</strong></p>
<p><strong>Michel Badré</strong> : J’en viens directement maintenant à la phase de rédaction de <a href="https://mediation-aeroport-du-grand-ouest.fr/documents/Rapport%20de%20la%20Mission%20de%20M%C3%A9diation%20A%C3%A9roport%20du%20Grand%20Ouest.pdf">notre rapport</a>. Dans ce document, nous avons en conséquence écrit qu’il y avait deux options « raisonnablement envisageables ». C’était un coup de griffe implicite aux auteurs du rapport de présentation lié à la DUP de 2008. L’expression « options raisonnablement envisageables » renvoie justement à la tâche des maîtres d’ouvrage devant justifier le choix d’une option plutôt qu’une autre, dans les directives communautaires sur l’évaluation environnementale.</p>
<p>Aucune solution n’est parfaite : l’option Nantes-Atlantique présente le défaut de maintenir le bruit à son niveau actuel, ce qui n’est pas le cas de NDDL qui le reporte dans une zone peu habitée. En revanche, l’impact sur l’étalement urbain de l’aménagement de Nantes-Atlantique est quasi-nul, contrairement à celui de NDDL. En outre, le coût général est nettement plus avantageux que celui de la construction d’un nouvel aéroport. Du point de vue de l’environnement, il n’y a pas de nuisances supplémentaires. En conséquence, c’est au gouvernement d’apprécier et de trancher, en intégrant aussi les aspects politiques et non techniques : suites de la consultation de 2016, devenir de la ZAD.</p>
<p>Nous avons été reçus à l’Élysée, à peu près à mi-chemin de notre mission, par Anne de Bayser, la secrétaire générale adjointe de l’Élysée, et le conseiller technique environnement. Ils nous ont écouté deux heures durant avec beaucoup d’attention, en posant beaucoup de questions. J’ajoute, de façon générale, que nous n’avons jamais eu de pression d’aucune sorte. Édouard Philippe, tout au début, avait marqué son intérêt pour l’option NDDL, tout en affirmant qu’il ne prendrait sa décision qu’au vu de notre rapport. C’est d’ailleurs ce qu’il a redit, le 17 janvier 2018, lors de son discours de présentation de la décision du gouvernement. Ce n’est qu’en se plongeant dans le dossier qu’il est revenu, selon ses propos, sur son sentiment initial. Lors d’une réunion intermédiaire, puis juste avant la présentation finale, nous avons rencontré Édouard Philippe et la ministre des Transports, Élisabeth Borne, et quelques autres personnalités.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le 17 janvier 2018, Édouard Philippe annonce l’abandon du projet d’aéroport à NDDL. (ReplayTV/YouTube).</span></figcaption>
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<p>Je dois dire que lors de ces deux entrevues, assez longues, j’ai été frappé par leur écoute et la précision de leurs questions. Je pense que l’un et l’autre ont formé leur opinion pour des raisons de comparaison techniques et de conditions de réalisation des deux options, et nullement pour des raisons environnementales de long terme. Est-ce que les questions environnementales et climatiques ont joué pour Emmanuel Macron, est-ce que Nicolas Hulot a fait valoir ces questions dans la décision ? Je n’en sais rien.</p>
<p><strong>Dominique Bourg : Le discours de présentation de la décision du gouvernement Philippe du 17 janvier 2018 a été, à cet égard, on ne peut plus clair. Ce que vous nous apprenez permet de comprendre qu’il ne s’agit en rien de quelque posture pour écarter je ne sais quelles critiques provenant des Républicains, mais d’une simple reconnaissance de la démarche même du gouvernement, en tous cas de deux des trois ministres en charge du dossier.</strong></p>
<p><strong>Michel Badré</strong> : Risquer une quasi-guerre civile locale, beaucoup plus sévère et durable dans l’hypothèse NDDL, avec peut-être des morts, pour un projet construit sur des arguments contredits par l’expertise précise conduite, aurait été absurde. Alors la déclaration d’Éric Woerth, le 28 mars 2018 devant la Commission des finances de l’Assemblée nationale, selon laquelle le gouvernement en renonçant à NDDL avait refusé à une très bonne affaire et en avait privé les collectivités me paraît complètement incompréhensible. Sans même parler des impacts sur la biodiversité, auxquels certains élus restent malheureusement encore peu sensibles, le projet NDDL nécessitait un financement public d’environ 300 millions d’euros, contrairement à celui de l’aménagement de Nantes-Atlantique, pour traiter les mêmes trafics à l’échéance de 2040-2050. Quant aux clauses de rupture prévues par le contrat de concession entre l’État et Vinci, évoquées plus haut, elles justifient évidemment une négociation et non une application en l’État, au vu de leur caractère pour le moins atypique.</p>
<p><strong>Dominique Bourg : On peut reprocher au gouvernement d’être technocratique, ce qui n’a guère de sens quand on renonce à un projet technocratique pour des raisons techniques, mais lui opposer une forme de gouvernement par le mensonge n’est guère reluisant.</strong></p>
<p><strong>Michel Badré</strong> : Prenons du recul. La première question qui se pose est celle de la place des enjeux environnementaux, climat et biodiversité pour faire simple, dans toute cette affaire. Le fait est qu’ils ont été très peu présents dans les débats interroge.</p>
<p>L’autre question importante, pour l’ancien fonctionnaire légaliste que je suis, est celle de savoir jusqu’où la fin justifie les moyens, et jusqu’où l’État peut, et doit, exercer le « monopole de l’exercice de la violence légitime » qui lui revient dans ses propres actions de porteur de projet confronté à des opposants.</p>
<p>Depuis la décision gouvernementale de janvier, l’actualité confirme que cette question de la violence et de la légitimité des positions prises par les uns et les autres, se pose sans arrêt dans cette affaire. Force est en effet de constater que, sans les zadistes, sans des gens plus ou moins violents et en tous cas revendiquant des actions en marge de la loi, le projet de NDDL aurait été réalisé depuis longtemps. Pourtant, les décisions de justice n’ont fait que confirmer la régularité des procédures, mais non l’opportunité du projet. Nous ne sommes pas dans une « république des juges », qui décideraient à la place des politiques. Et les mêmes qui ont déclaré que ces décisions suffisaient à trancher le débat se seraient sans doute élevé avec force, non sans raison, si un jugement avait dit qu’il ne fallait pas faire NDDL pour des raisons d’opportunité.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"985930186670657536"}"></div></p>
<p>En revanche, les conditions d’examen de la DUP de 2008 et des arrêtés loi sur l’eau de 2013, et l’argumentation de l’étude DGAC de 2013 sur l’aménagement de Nantes-Atlantique, comme les biais (notamment sur les coûts) du document d’information préalable à la consultation de 2016, ont sévèrement porté atteinte à la légitimité des actions de l’État face aux opposants au projet NDDL. Max Weber parle bien de « légitimité », pas de « légalité », à propos du monopole de la violence donné à la puissance publique. Cela dit, et quels que soient les critiques justifiées par ses modalités d’organisation et d’information, la consultation de 2016 était par son résultat très net l’un des rares, sinon le seul, élément de légitimité du projet NDDL, à mes yeux.</p>
<p>Même si notre mission de médiation est maintenant terminée, je continue à me poser, en tant que citoyen, la même question de l’usage de la violence, alors que la décision gouvernementale a complètement changé le contexte. Il me semble que les discours qu’on entend, souvent de la part de commentateurs très éloignés de la réalité du sujet, font un peu facilement abstraction de l’existence de quelques « ultra-violents », certes peu nombreux, mais s’opposant à tout retour à une situation de fonctionnement social apaisé.</p>
<p>Ainsi, les prises de position publiques très claires, et à mon avis très courageuses, des deux principaux leaders historiques des opposants au projet NDDL – respectivement Dominique Fresneau, le co-président de l’ACIPA (agriculteurs), et Françoise Verchère, la co-présidente du CedPA (élus) –, appelant sans aucune ambiguïté à se désolidariser de ces actions violentes et à rentrer dans le cadre proposé par la préfète de Loire-Atlantique, Nicole Klein, méritent notre attention. […]</p>
<hr>
<p><em><a href="https://lapenseeecologique.com/un-entretien-avec-michel-badre/">Retrouvez l’intégralité de cet entretien</a> entre Dominique Bourg et Michel Badré sur le site de <a href="https://lapenseeecologique.com/">La Pensée écologique</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/96360/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dominique Bourg ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Acteur privilégié dans le dossier Notre-Dame-des-Landes, Michel Badré revient sur le processus de médiation qui a conduit à l’abandon du projet de construction de l’aéroport dans la région nantaise.Dominique Bourg, Philosophe, professeur à la Faculté des géosciences et de l’environnement, Université de LausanneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/957622018-04-29T19:28:04Z2018-04-29T19:28:04ZAéroports de Paris : « Au secours Yvonne, ils vendent les bijoux de famille ! »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/216745/original/file-20180429-135848-1ru7wse.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C1500%2C1019&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quelle est la bonne façon de privatiser les actifs stratégiques ? (Photo de l'aéroport Roissy - Charles de Gaulle).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Paris_-_Charles_de_Gaulle_(Roissy)_(CDG_-_LFPG)_AN0844044.jpg">Dmitry Avdeev / Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Yvonne. Selon des sources concordantes, c’est le prénom qu’aurait choisi l’Agence des Participations de l’État (qui gère les aéroports parisiens) pour servir de <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/le-projet-de-privatisation-d-adp-a-pour-nom-de-code-yvonne-774263.html">nom de code au projet de privatisation d’Aéroports de Paris (ADP)</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Un clin d’œil à l’épouse du général de Gaulle, lequel, est-il nécessaire de le rappeler, a donné son nom à l’aéroport Charles de Gaulle (CDG), le vaisseau amiral d’ADP ».</p>
</blockquote>
<p>Cette privatisation annoncée et reconnue par le gouvernement pose de nombreuses questions, notamment en raison de la nature supposée stratégique des infrastructures aéroportuaires. Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire a notamment indiqué qu’il n’était « pas question de refaire les erreurs du passé », en référence à la privatisation des autoroutes.</p>
<p>La privatisation d’Aéroports de Paris (ADP) s’inscrit également dans la perspective des Assises du transport aérien, organisées par le gouvernement français pour s’assurer de l’avenir des compagnies aériennes françaises, au premier rang desquelles <a href="https://theconversation.com/air-france-klm-une-productivite-a-ameliorer-93255">Air France – KLM</a>.</p>
<p>Notre contribution à ce débat porte sur la comparaison des performances financières d’ADP avec celles des principaux gestionnaires de plateformes aéroportuaires européens : <em>Royal Schiphol Group</em> (qui gère principalement l’aéroport d’Amsterdam mais aussi des aéroports néerlandais régionaux et a une participation croisée de 8 % avec ADP), FRAPORT (qui gère principalement l’aéroport de Francfort, mais aussi des aéroports en Slovénie, au Brésil, en Grèce, au Pérou…) et <em>Heathrow Airport Holdings</em> (qui gère principalement l’aéroport de Londres – Heathrow). Notre objectif est également d’en tirer des enseignements pour apprécier le projet de privatisation.</p>
<h2>Des actionnariats diversifiés : publics, mixtes ou privés</h2>
<p>Autrefois tous publics, toutes ces organisations ont été progressivement privatisées, à l’exception d’un seul acteur : Schiphol, détenue respectivement par l’État Néerlandais à 69,77 %, la municipalité d’Amsterdam à 20,03 %, la municipalité de Rotterdam à 2,2 % et ADP à 8 %.</p>
<p>Deux entreprises ont un actionnariat mixte. D’un côté FRAPORT, cotée en Bourse, contrôlée par le Land de Hesse (31,31 %) et la Ville de Francfort (20,03 %), le reste étant réparti entre Lufthansa (8,44 %) et le marché (avec deux participations notables, les investisseurs institutionnels Lazard AM, 5,05 % et Blackrock, 3,12 %). De l’autre, ADP, cotée en bourse également, <a href="https://theconversation.com/a-quoi-sert-letat-actionnaire-70159">dont l’État français détient 50,6 %</a>, Schiphol et Vinci Airports 8 % chacune, le reste étant la propriété d’investisseurs institutionnels et d’actionnaires individuels.</p>
<p>Enfin, <em>Heathrow Airport Holding</em> est purement privée et contrôlée par un consortium emmené par le spécialiste espagnol des infrastructures Ferrovial S.A. (25 %) aux cotés de la Qatar Investment Authority (20 %), de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) (12,62 %), de GIC (11,20 %), d’Alinda Capital Partners of the United States (11,18 %), de la China Investment Corporation (10.00 %) et d’Universities Superannuation Scheme (10,00 %).</p>
<h2>Des exploitations très profitables qui illustrent l’existence d’une rente de monopole</h2>
<p>L’ensemble des acteurs dégage des marges très excédentaires et très inhabituelles, qui peuvent faire pâlir de jalousie la plupart des entreprises. Ceci constitue une illustration très frappante de la <a href="http://theses.univ-lyon2.fr/documents/getpart.php?id=lyon2.1999.ybenabdallah&part=9360">rente de monopole décrite par les économistes</a> qui caractérise l’existence d’un surprofit. La demande (ici la possibilité d’atterrir dans des villes – monde), ne peut être satisfaite que par un seul fournisseur qui peut alors appliquer les prix qu’il souhaite sans crainte de la concurrence. ADP se situe plutôt dans la norme haute du secteur si l’on exclut le cas particulier de Heathrow.</p>
<iframe src="https://datawrapper.dwcdn.net/q7nFE/1/" scrolling="no" frameborder="0" allowtransparency="true" width="100%" height="254"></iframe>
<p><br></p>
<p>D’ailleurs, si l’on compare les performances des gestionnaires de plateformes aéroportuaires à celles des « géants du web » (GAFA), reconnus sinon dénoncés pour leurs performances « hors normes », on s’aperçoit qu’ils font mieux que rivaliser avec des niveaux de performance similaires voire supérieurs.</p>
<iframe src="https://datawrapper.dwcdn.net/uMmCM/1/" scrolling="no" frameborder="0" allowtransparency="true" width="100%" height="172"></iframe>
<p><br></p>
<h2>Des politiques de dividendes très généreuses</h2>
<p>Les marges très élevées de ces entreprises leur permettent de verser de très généreux dividendes (de l’ordre de 50 % du résultat net) sans pour autant nuire à leur capacité d’investissement. Dans le cas des trois sociétés ci-dessous, la totalité ou une partie de la rente de monopole retourne ainsi aux Etats respectifs compte tenu de leurs actionnariats.</p>
<iframe src="https://datawrapper.dwcdn.net/df7Wm/1/" scrolling="no" frameborder="0" allowtransparency="true" width="100%" height="117"></iframe>
<p><br></p>
<h2>Une qualité de service d’ADP plus faible que celle de ses concurrents</h2>
<p>L’exploitation particulièrement performante d’ADP ne se ressent pas réellement au niveau de la qualité de son service ni de la ponctualité. ADP est moins performant que les autres sur les deux critères pour un niveau d’activité semblable.</p>
<iframe src="https://datawrapper.dwcdn.net/bcxGl/2/" scrolling="no" frameborder="0" allowtransparency="true" width="100%" height="269"></iframe>
<p><br></p>
<h2>Heathrow, un exemple de privatisation à ne pas suivre</h2>
<p>BAA (<em>British Airports Authority</em>, aujourd’hui <em>Heathrow Airport Holding</em>), a été privatisée très tôt, en 1987, par introduction en bourse. Elle a été retirée de la cote et reprise par un consortium à la suite d’une prise de contrôle hostile. Une partie des actifs a été revendue en cours de route (d’autres aéroports britanniques volontairement ou pour des questions de position dominante) pour se concentrer sur Heathrow. Elle est devenue l’entreprise aéroportuaire la plus rentable, mais Heathrow est aussi l’aéroport ou les <a href="https://www.journaldunet.com/economie/transport/les-aeroports-les-plus-chers-du-monde/londres.shtml">taxes sont les plus chères au monde</a> (En 2011, 117,66 euros de taxes par passager contre 79,81 euros pour Francfort et 50,19 euros pour Roissy – CDG).</p>
<p>Cette situation est liée aux conséquences du rachat et se traduit par des prélèvements considérables sur l’entreprise. Les dividendes versés en 2017 au titre de 2016 se sont élevées à 980 millions d’euros alors que le résultat net était négatif (en raison des frais financiers de la dette qui absorbent une bonne partie du résultat d’exploitation pourtant très confortable) et représentent plus de 39 % du chiffre d’affaires 2016.</p>
<p>À force de prélèvements, les capitaux propres sont devenus négatifs et la dette financière nette est exorbitante (près de 11 Milliards d’euros). Autrement dit, la rente de monopole sert à assurer le remboursement et le service de la dette du rachat avec peu d’impôts pour le trésor britannique. L’intérêt général est bien loin !</p>
<h2>Les risques économiques avérés de la privatisation d’ADP</h2>
<p>Entamée en 2006 puis approfondie en 2013, la question de la privatisation d’ADP renvoie à la <a href="http://www.lepoint.fr/invites-du-point/laurent-neumann/neumann-privatiser-adp-une-bonne-idee-vraiment-10-03-2018-2201297_2449.php">nature stratégique ou non de ses actifs</a>. Aux États-Unis, pays du libéralisme par excellence, la réponse est oui, et la plupart des aéroports sont publics même si des privatisations sont envisagées. Nous ne trancherons pas cette question ici, elle relève d’une autre perspective que la nôtre. Pour autant, en termes économiques, confier une rente de monopole à des acteurs privés n’apparaît pas constituer une bonne solution et, comme on pouvait s’y attendre, l’IATA (Association Internationale du Transport Aérien) qui représente les compagnies aériennes, c’est-à-dire les principaux clients des gestionnaires d’aéroport, est opposé aux privatisations craignant que celles-ci s’exercent <a href="http://www.iata.org/pressroom/facts_figures/fact_sheets/Documents/fact-sheet-airport-privatization.pdf">à leurs dépens et à ceux de leurs propres clients</a>. L’exemple d’Heathrow n’est pas plus rassurant…</p>
<p>Les tenants de la privatisation arguent à la fois d’une gestion privée qui serait plus efficace et d’une diversification des activités qui n’ont plus, pour une grande partie, à voir avec l’activité aéroportuaire traditionnelle (commerces, parkings, immobilier…). Il est aussi parfois invoqué la nécessité de trouver les ressources nécessaires pour les lourds investissements à venir pour faire face à la croissance du trafic. Ce point est peu crédible vu l’autofinancement et la capacité d’endettement dont disposent ces entreprises. Il suffit juste de réduire les dividendes si nécessaire.</p>
<p>Un point à ne pas oublier lorsque la question de la privatisation est abordée : les généreux dividendes que touche aujourd’hui l’État. Sans compter l’impôt sur les sociétés…</p>
<h2>Comment limiter les dégâts ?</h2>
<p>Si le projet du gouvernement est maintenu, et pour éviter que la rente de monopole ne soit illégitimement accaparée, il est nécessaire d’éviter une simple baisse de la participation de l’État (comme cela a été le cas jusqu’ici) par vente des actions de façon ouverte en bourse ou au profit d’un acquéreur identifié (on sait que Vinci est aux aguets…).</p>
<p>Deux solutions viables, et déjà utilisées ailleurs dans le monde, paraissent envisageables quoique complexes à mettre en œuvre compte tenu de la privatisation partielle des années passées :</p>
<ul>
<li><p><strong>La concession</strong> : l’État échange sa participation (ou une partie) contre une propriété des infrastructures qu’il pourrait mettre en concession pour une longue période (20 à 30 ans), avec une redevance annuelle adossée à des indicateurs de qualité de service, d’investissements et de limitation tarifaire. Cette solution n’évite pas tous les problèmes, comme les concessions d’eau le rappellent régulièrement (sous-investissement, prix excessifs…). Cela ne résout pas non plus les problèmes de liquidités de l’État (mais est-ce bien cela le problème ?). Toutefois, cela lui garantit des revenus substantiels et réguliers.</p></li>
<li><p><strong>Une délégation contractuelle de gestion</strong> : il s’agit d’une forme allégée de privatisation dans laquelle l’État garde le contrôle, prend les décisions stratégiques, fixe les prix des charges aéronautiques… Un opérateur gère les opérations au quotidien pour une période de 5 à 10 ans et reçoit à ce titre une rémunération (un pourcentage du chiffre d’affaires, qui peut être indexé partiellement sur des indicateurs de qualité de service, de développement durable etc.). Néanmoins, cette solution ne résout pas non plus les problèmes de liquidités de l’État…</p></li>
</ul>
<p>Il est regrettable que la question de la privatisation n’ait pas été mieux analysée au cours des années passées… Quoi qu’il en soit, il serait aujourd’hui dommage que des raisons justifiées à court terme (le besoin d’argent frais de l’État français) se traduisent par une mauvaise décision à long terme : la privatisation pure et simple d’ADP, au détriment de l’intérêt général.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/95762/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Caby ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans sa recherche d’argent, l’État envisage toutes les pistes. Y compris céder Aéroports de Paris au secteur privé. Mais attention, la privatisation d’actifs stratégiques ne se fait pas à la légère.Jérôme Caby, Professeur des Universités, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/957582018-04-29T19:27:49Z2018-04-29T19:27:49ZAir France ou comment se couper les ailes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/216726/original/file-20180428-135803-1u6giwy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=34%2C14%2C3224%2C2164&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Cloué au sol ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/2198993343/beb5170b31/">Thomas@BOD on Visual hunt </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p><em>Le patron d’Air France Jean-Marc Janaillac avait lié son sort à ce référendum : les salariés ont rejeté l’accord salarial à 55,44 % ce vendredi 4 mai, à la fin d'une treizième journée de grève. Le résultat d’une consultation en ligne du personnel sur un accord salarial proposé par la direction. Son PDG a annoncé qu’il démissionnerait lors d’une conférence de presse, quelques minutes après la découverte des résultats.</em></p>
<hr>
<p>Pour essayer de mettre un terme à la grève, la direction d’Air France avait décidé de <a href="https://bit.ly/2r6lmA2">lancer une consultation</a> auprès de ses quelques 46 700 salariés en passant outre l’intersyndicale pour résoudre ce conflit qui a déjà coûté près de 300 millions d’euros à l’entreprise.</p>
<p>Sans attendre les résultats de cette consultation qui devrait s’achever le 4 mai 2018, les trois syndicats de pilotes (SNPL, SPAF et Alter) avaient appellé à quatre jours supplémentaires de grève les 3, 4, 7 et 8 mai ; des dates bien choisie naturellement. Même en cas de résultat positif pour la direction de ce référendum, les syndicats <a href="https://lemde.fr/2FmLL0Y">avient déclaré que « cela ne nous empêchera pas de continuer la grève »</a> (Karine Monségu, Co secrétaire générale de la CGT Air France).</p>
<p>Les pilotes ont mandaté leur syndicats pour obtenir une augmentation de 6 % de leurs salaires comme le rappelle le président du SNPL (qui rassemble 7 pilotes sur dix) et « 71 % d’entre eux se sont déclarés pour une grève longue ».</p>
<p>Le patron d’Air France, <a href="https://bit.ly/2r6q4Ns">Jean‑Marc Janaillac avait mis son mandat en jeu</a>, en déclarant « si le résultat est négatif, je ne vois pas comment je pourrais rester à la tête d’Air France ».</p>
<p>Dont acte. Alors, une <a href="https://bit.ly/2r0zFWM">consultation pour rien</a> puisque de toute façon les pilotes arc bouté sur leurs revendications salariales ne veulent rien entendre ?</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/hdDUTtuJYRk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Air France : une compagnie encore fragile</h2>
<p>Selon les pilotes, la compagnie s’est redressée, notamment grâce à leurs efforts et au gel de leurs rémunérations. Il serait donc temps de toucher les dividendes de ce redressement via une augmentation généralisée des salaires de 6 %, hors avancements. Cependant, les chiffres ne valident pas ce diagnostic.</p>
<p>Air France-KLM reste une <a href="https://bit.ly/2r6oUli">compagnie encore fragile</a>. Avec une augmentation du chiffre d’affaires consolidé du groupe Air France-KLM de 3,8 % de 2016 à 2017, on pourrait penser que la compagnie aérienne s’est bien redressée. En effet, le chiffre d’affaire du groupe est passé de 24 844 en 2016 à 25 781 millions d’euros en 2017. Mais cette augmentation de l’activité ne s’est pas traduite par une amélioration du résultat net consolidé puisque, selon le dernier rapport d’activité de la compagnie, il est négatif sur l’exercice 2017. La perte s’élève à 275 millions d’euros en 2017, alors qu’en 2016 le groupe affichait un bénéfice net de 792 millions d’euros.</p>
<p>Rapportée au chiffre d’affaires, la perte représente donc 1,1 %, alors qu’en 2016 le bénéfice net rapporté au chiffre d’affaires était de 3,2 %. Seul point positif : l’amélioration de l’EBITDA (excédent brut d’exploitation) qui passe de 2 714 millions d’euros en 2016 à 3 264 millions en 2017, soit une hausse de 20 %.</p>
<p>Le tableau 1 récapitule les principaux chiffres clés du groupe Air France-KLM.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/216722/original/file-20180428-135806-hfbrmn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/216722/original/file-20180428-135806-hfbrmn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/216722/original/file-20180428-135806-hfbrmn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=308&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/216722/original/file-20180428-135806-hfbrmn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=308&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/216722/original/file-20180428-135806-hfbrmn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=308&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/216722/original/file-20180428-135806-hfbrmn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=387&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/216722/original/file-20180428-135806-hfbrmn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=387&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/216722/original/file-20180428-135806-hfbrmn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=387&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Par ailleurs, la dette du groupe, même si elle a bien baissé de 2016 à 2017, reste encore très importante par rapport aux capitaux du groupe. En 2016, les dettes financières à long terme et à court terme s’élevaient à 8 452 millions d’euros pour seulement 1 296 millions d’euros de fonds propres, soit un ratio de 6,5 euros de dettes pour 1 euro de fonds propres ; un ratio digne d’une société reprise en LBO (Leverage Buy Out).</p>
<p>Fin 2017, les mêmes dettes financières s’élèvent à 7 442 millions d’euros (soit une baisse de 1 010 M€) contre 3 015 millions d’euros de fonds propres, ce qui représente un ratio de dettes/capitaux propres de 2,5 ; un chiffre encore très élevé.</p>
<p>Ces chiffres témoignent de la situation financière encore très fragile de la compagnie aérienne : un résultat négatif en 2017 et des dettes encore très importantes par rapport aux fonds propres. Pas question normalement de relâcher les efforts de redressement entrepris par la direction. D’où la position de Jean‑Marc Janaillac en matière d’augmentations salariales. Ce diagnostic est du reste partagé par la Bourse puisque le cours de l’action est passé de 14,5 euros fin 2017 à 8 euros (au 26/04/2018), soit une chute de 45 % sur les quatre derniers mois. Certes, le marché sur réagit peut-être à la situation de grève actuelle, mais il n’en demeure pas moins révélateur de la perte de confiance des investisseurs.</p>
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<h2>Air France : une entreprise ingouvernable ?</h2>
<p>En juillet 2016, Air France changeait une fois de plus de PDG avec l’arrivée aux commandes de Jean‑Marc Janaillac, un énarque de la promotion de François Hollande et anciennement directeur général d’AOM (en 1997) ; une compagnie aérienne qu’il n’arrivera pas à sauver de la faillite. Dès son arrivée, le nouveau patron lance son plan « Trust Together ». Il a aussi réalisé en 2017 des augmentations de capital réservées à China Eastern Airlines et Delta Airlines.</p>
<p>C’est ainsi que Delta Air Lines, Inc. et China Eastern Airlines ont chacune une participation de 10 % dans le capital d’Air France – KLM dans le cadre d’augmentations de capital réservées pour un montant total de 751 millions d’euros. L’Etat français possède de son côté 22,7 % du capital et les salariés 6,6 %. Mais réaliser de belles opérations financières semble plus facile pour un dirigeant que d’obtenir l’adhésion des pilotes et de changer la culture de salariés habituée au confort des entreprises publiques portant le pavillon français. De tout temps, les directions successives d’Air France se sont heurtées au pouvoir des pilotes qui estiment avoir la légitimité de leur côté face à des technocrates.</p>
<p>Comme nous l’écrivions (<a href="https://bit.ly/2KkQW5i">« Air France : les compagnies aériennes ne sont pas immortelles »</a>, The Conversation, 12 mai 2017), on peut dire qu’Air France est une entreprise autogérée dans la mesure où son principal actionnaire, l’État ne joue pas vraiment son rôle et que sa principale préoccupation est surtout d’éviter à tout prix les conflits sociaux (jusqu’à présent).</p>
<p>Certes, il semble que la donne change avec le président Macron et son gouvernement, mais pour le moment il semble bien que les pilotes n’ont pas actualisé leur logiciel, habitués qu’ils sont à ce que l’Etat cède à leurs exigences. Ainsi, face à des dirigeants faibles, parfois désavoués par l’Etat, et un actionnaire peu exigeant en matière de performances économiques, la rente de la compagnie est captée par son personnel et notamment son personnel navigant à travers des contrats de travail très favorables. A noter que la grève ne touche qu’Air France et non KLM. Question de culture d’entreprise ?</p>
<p>De l’avis de nombreux observateurs, les exigences d’augmentation de salaires des pilotes sont exorbitantes par rapport à la situation de leur entreprise et au contexte national. Combien de salariés, fonctionnaires compris, exigent aujourd’hui des augmentations généralisées de 6 % ? Sur une masse salariale de 7 624 millions d’euros, une augmentation de 6 % représente 457 millions d’euros, un chiffre équivalent à la somme des résultats cumulés de 2016 et de 2017 (517 M€), et cela sans compter les augmentations individuelles.</p>
<p>Pourtant, le PDG d’Air France-KLM avait mis sur la table une augmentation générale de 7 % étalée sur quatre ans, mais les syndicats ont refusé et c’est donc maintenant le bras de fer. Il est peu probable que la consultation qui va être lancée change les positions des uns et des autres.</p>
<p>On peut craindre dans cette affaire malheureuse le piège bien connu des professeurs de sciences de gestion : celui de l’engagement. Ce piège consiste pour les dirigeants (d’entreprises ou syndicaux) à ne pas vouloir remettre en cause leur analyse initiale et à maintenir coûte que coûte leurs positions, même si elles ne sont pas tenables. Il faut respecter coûte que coûte ses engagements.</p>
<p>On observe ce biais psychologique dans de très nombreuses situations de management, notamment celles qui mettent en jeu l’égo des participants. Ce biais apparaît même dans les opérations financières comme les fusions-acquisitions et fait l’objet d’études en finance comportementale. Espérons, néanmoins que la raison l’emportera, que les pilotes sortiront de ce piège de l’engagement qui les renforce dans leur jusqu’au-boutisme et qui risque de couper les ailes de notre compagnie aérienne nationale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/95758/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Albouy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans leur bras de fer avec la direction, les syndicats estiment qu'Air France s'est redressée et qu'il faut toucher leur part des bénéfices. Analyse financière critique de l'état de la compagnie.Michel Albouy, Professeur senior de finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/932552018-03-29T20:01:37Z2018-03-29T20:01:37ZAir France–KLM : une productivité à améliorer<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/212691/original/file-20180329-189804-65s03u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C520%2C5982%2C3116&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour faire face à la concurrence, Air France devra certainement améliorer sa productivité.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/download/confirm/631612808?size=huge_jpg">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Alerté par le déficit de productivité dont souffriraient les entreprises françaises du secteur aérien, au premier rang desquelles <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/le-transport-aerien-francais-peut-il-retrouver-ses-ailes-770205.html#xtor=EPR-2-%5Bmorning-briefing%5D-20180302">Air France–KLM</a>, le ministère des transports français a lancé le 20 mars dernier les <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2018/03/02/97002-20180302FILWWW00148-les-assises-du-transport-aerien-a-partir-du-20-mars-borne.php">Assises du transport aérien</a>.</p>
<p>Après le transport ferroviaire, et alors même que le personnel d’Air France est, pour la troisième fois en un mois, à nouveau appelé faire grève vendredi 30 mars, un vent de réforme semble donc prêt à souffler sur le transport aérien. La relative bonne santé actuelle du secteur, imputable notamment à des circonstances conjoncturelles (coût du carburant faible, croissance économique), permettrait de s’attaquer plus sereinement aux problèmes structurels. La préparation de l’avenir de l’entreprise Air France–KLM serait d’autant plus nécessaire que la concurrence est déjà intense et que les compagnies <em>low cost</em>, après avoir largement pénétré les marchés des vols court et moyen-courriers, s’intéressent maintenant aux longs courriers, territoire jusqu’ici réservé aux compagnies traditionnelles.</p>
<p>Notre objectif est de contribuer à ce débat en évaluant la situation financière d’Air France–KLM tout en la comparant à celle d’autres compagnies aériennes. Pour ce faire, nous avons sélectionné un échantillon d’entreprises d’envergure similaires à Air France. Celui-ci comprend ses principaux concurrents européens : Lufthansa (qui intègre entre autres <em>Swiss</em> et <em>Austrian Airlines</em>), IAG (qui inclut notamment <em>British Airways</em> et <em>Iberia</em>), ainsi que la principale compagnie du Golfe, <em>Emirates</em>, et enfin l’une des plus grandes compagnies américaines, <em>American Airlines</em>.</p>
<h2>Une exploitation moins performante que ses concurrents</h2>
<p>Ces compagnies ont toutes une activité très amplement dominée par le transport de passagers, même si le poids de cette activité est un peu plus faible chez Lufthansa. Air France–KLM s’inscrit dans la norme de son secteur, dégageant une marge opérationnelle tout à fait correcte, mais sensiblement inférieure à celles de ses concurrents (à l’exception de Emirates).</p>
<iframe src="https://datawrapper.dwcdn.net/4cOLP/2/" scrolling="no" frameborder="0" allowtransparency="true" width="100%" height="353"></iframe>
<p>Il apparaît pourtant qu’Air France–KLM a un meilleur coefficient d’occupation que l’ensemble de ses concurrents au prix, semble-t-il, d’une recette unitaire au SKO – siège-km-offert : nombre de sièges disponibles à la vente multiplié par la distance parcourue en km, un indicateur de performance de l’industrie aérienne – plus faible que l’ensemble de ses concurrents.</p>
<iframe src="https://datawrapper.dwcdn.net/2flUu/2/" scrolling="no" frameborder="0" allowtransparency="true" width="100%" height="249"></iframe>
<p>On notera que l’examen des comptes d’Emirates ne laisse pas apparaître d’avantages indus, <a href="http://www.lefigaro.fr/societes/2015/02/26/20005-20150226ARTFIG00004-les-compagnies-americaines-accusent-leurs-rivales-du-golfe-de-concurrence-deloyale.php">ce dont l’accusent souvent ses concurrents</a>.</p>
<h2>Des charges de personnel trop élevées</h2>
<p>L’examen des principaux postes de charges montre que, si les frais de maintenance de Air France–KLM sont proportionnellement plus élevés que chez les concurrents, ce sont surtout les frais de personnel qui semblent déroger à la norme sectorielle. Les frais de carburant sont quant à eux dans la norme (et très inférieurs à Emirates qui, de façon contre-intuitive, présente la plus mauvaise performance en la matière).</p>
<iframe src="https://datawrapper.dwcdn.net/zHBlD/1/" scrolling="no" frameborder="0" allowtransparency="true" width="100%" height="229"></iframe>
<p>En revanche, les données, même si elles ne sont pas directement comparables ne permettent de constater une distorsion de concurrence qui serait due à des redevances aéroportuaires plus fortes pour Air France–KLM. Des redevances qui seraient d’ailleurs <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/le-transport-aerien-francais-peut-il-retrouver-ses-ailes-770205.html">encore plus élevées à Francfort et Londres</a>. Celles-ci sont en revanche moins chères à Dubaï, pour Emirates.</p>
<h2>Une comparaison Air France–KLM au détriment d’Air France</h2>
<p>Pour tenter de comprendre cette moindre performance par rapport à ses concurrents, on peut comparer les données respectives de Air France et KLM au sein du groupe. Il apparaît que c’est Air France qui en détériore la performance globale.</p>
<iframe src="https://datawrapper.dwcdn.net/5TwoS/1/" scrolling="no" frameborder="0" allowtransparency="true" width="100%" height="206"></iframe>
<p>Une des raisons des charges de personnel plus élevées du groupe semble être un personnel au sol proportionnellement beaucoup plus nombreux chez Air France que chez KLM. Les efforts pour réduire les frais de personnel semblent prioritairement devoir être orientés dans cette direction. D’ailleurs en 2017, le groupe dans son ensemble a réduit ses effectifs de 1050 personnels au sol en ETP (équivalent temps plein) alors que le personnel navigant augmentait de 650 ETP.</p>
<iframe src="https://datawrapper.dwcdn.net/QvECj/1/" scrolling="no" frameborder="0" allowtransparency="true" width="100%" height="220"></iframe>
<p>Dans cette situation, on peut comprendre que le PDG d’Air France–KLM, <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/greve-le-pdg-d-air-france-ne-veut-pas-aller-plus-loin-772210.html">Jean‑Marc Jarnaillac réponde</a>, face à la revendication d’une augmentation générale des salaires de 6 %</p>
<blockquote>
<p>« Nous ne pouvons pas aller plus loin. Je ne veux pas sacrifier l’avenir d’Air France en mettant en péril nos atouts. Nous avons accumulé trop de retard par rapport à nos concurrents. »</p>
</blockquote>
<p>La seconde raison souvent invoquée par la compagnie est le différentiel de charges sociales. Comme l’<a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/le-transport-aerien-francais-peut-il-retrouver-ses-ailes-770205.html">indique le PDG d’Air France</a></p>
<blockquote>
<p>« Lufthansa paie des charges patronales à hauteur de 25 % plafonnées à 100 000 euros de salaires, quand Air France paie 46 % de manière non plafonnée. Au final, l’écart de coûts est de 400 millions d’euros. C’est difficile à rattraper. »</p>
</blockquote>
<h2>Priorité à la productivité</h2>
<p>Même si d’autres secteurs, comme le transport maritime, ont pu bénéficier de mesures d’exonération ou de plafonnement, s’engager dans cette direction pourrait enclencher un engrenage difficile pour le gouvernement. En effet, tous les secteurs engagés dans une concurrence mondialisée auraient alors de bons arguments à faire valoir dans le même sens.</p>
<p>C’est bien prioritairement par une amélioration de la productivité que le groupe Air France–KLM (et en particulier, au sein du groupe, la compagnie Air France) trouvera son salut pour l’avenir, tant du point de vue commercial (recette unitaire au SKO) que de celui d’une meilleure gestion des frais de personnel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/93255/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Caby ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que les Assises du transport aérien ont débuté et que les négociations avec la direction sont au point mort à Air France, analyse financière du groupe par rapport à ses concurrents.Jérôme Caby, Professeur des Universités, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/929062018-03-14T23:38:31Z2018-03-14T23:38:31ZRéforme de l’entreprise : des administrateurs salariés pour quoi faire ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/210383/original/file-20180314-113469-1g5dtxu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C418%2C5823%2C3268&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Comment réconcilier l’entreprise et la société ? Comment faire valoir l’engagement de certaines entreprises dans des « missions » sociétales ? C’est à ces questions que s’attache le dernier rapport de la Fondation Jean Jaurès, intitulé <a href="https://jean-jaures.org/nos-productions/entreprises-engagees-comment-concilier-l-entreprise-et-les-citoyens">« Entreprises engagées. Comment concilier l’entreprise et les citoyens ? »</a>.</p>
<h2>Rééquilibrer les rapports entre le capital et le travail</h2>
<p>Selon ses auteurs, ce rapport entend</p>
<blockquote>
<p>« dépoussiérer le concept de responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise, pour valoriser l’implication des salariés dans la gouvernance de ce qui est, au-delà d’une entité économique qui crée de la valeur, un « projet collectif » où tout le monde a sa part ».</p>
</blockquote>
<p>Pour cela, la Fondation Jean Jaurès fait dix propositions dont certaines sont déjà connues et empruntent à la réflexion sur l’objet social des entreprises, à la théorie des parties prenantes voire à la notion de bien commun. La philosophie générale du document est de vouloir rééquilibrer les rapports entre le capital et le travail, comme le souhaite Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, <a href="http://www.lemonde.fr/politique/article/2018/02/03/ne-nous-laissons-pas-confisquer-le-debat-sur-l-entreprise-par-le-patronat_5251287_823448.html">qui a déclaré</a> « Ne nous laissons pas confisquer le débat sur l’entreprise par le patronat ».</p>
<p>Ce chantier n’est pas neuf, surtout en France où les <a href="https://theconversation.com/faut-il-vraiment-changer-le-statut-de-lentreprise-90665">propositions de réformes de l’entreprise ont toujours été nombreuses</a> : de <a href="https://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2012-2-page-183.htm#pa14">François Bloch-Lainé</a> (1967) au <a href="https://www.latribune.fr/actualites/economie/france/20140828trib0df591d0c/les-grands-inconnus-de-l-histoire-4-4-pierre-sudreau-l-homme-qui-a-voulu-reinventer-le-dialogue-social.html">rapport de Pierre Sudreau</a> (1975)en passant par les nationalisations de 1981 qui étaient censées créer les <a href="http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k33289273">« meilleures conditions pour que puisse s’épanouir l’esprit d’entreprise »</a>.</p>
<p>Parmi les dix propositions de la Fondation Jean Jaurès, trois nous paraissent particulièrement importantes même si, de notre point de vue, elles ne sont pas susceptibles de modifier véritablement les équilibres du pouvoir dans l’entreprise et surtout les décisions stratégiques.</p>
<h2>Réécriture de l’article 1833 du code civil et rédaction d’un article 1833 bis</h2>
<p>Il s’agirait d’affirmer juridiquement que l’entreprise n’est pas au seul service de ses associés ou actionnaires : « Toute société doit avoir un objet licite, être constituée dans l’intérêt des parties constituantes de l’entreprise et prendre en compte l’intérêt des parties prenantes. » De son côté, l’article bis permettrait d’introduire dans le code civil « la société commerciale à mission élargie ».</p>
<p>La question que pose la réécriture de l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006444056&cidTexte=LEGITEXT000006070721">article 1833 du code civil</a> est qu’en cas de conflit au sein de l’entreprise, il sera encore plus difficile qu’aujourd’hui d’arbitrer entre les intérêts opposés des différentes parties prenantes. La marge discrétionnaire des juges risque fort d’augmenter considérablement. Par ailleurs, si l’inscription de la responsabilité sociale dans l’objet social des entreprises est une clause bienveillante, rien ne permet de s’assurer que les dirigeants et les administrateurs la respecteront.</p>
<p>De même, et si on en croit les expériences tirées des provinces canadiennes de Colombie-Britannique et de Nouvelle-Écosse, il semble que l’existence d’une réglementation propre aux sociétés par actions à vocation sociale ne garantit pas une plus grande prise en compte des considérations sociales et solidaires de la part des entreprises, <a href="http://www.contact.ulaval.ca/article_blogue/des-lois-pour-des-entreprises-plus-responsables-1re-partie/">comme le souligne Ivan Tchotourian</a>. Ainsi, au Canada, les règles juridiques qui prévalent en matière de responsabilité des administrateurs conduisent à une certaine impunité en cas de non-respect de l’inscription statutaire. Qu’en sera-t-il en France ?</p>
<h2>L’augmentation du nombre des administrateurs salariés</h2>
<p>Selon la Fondation Jean Jaurès, il faudrait >« augmenter significativement le nombre d’administrateurs salariés au sein des entreprises, afin qu’ils soient au nombre de deux pour les sociétés entre 500 et 5 000 salariés et à proportion d’un tiers au-delà de 5 000 et respecter strictement la parité entre les femmes et les hommes chez les administrateurs salariés. »</p>
<p>Rappelons qu’actuellement et suite à la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000027546648">loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013</a>, la présence de représentants des salariés dans les conseils d’administration ou de surveillance s’impose dans les entreprises qui ont leur siège social en France et qui emploient au moins 5 000 salariés permanents, en France également. Elle est aussi obligatoire dans les entreprises qui ont leur siège social en France et à l’étranger, et qui emploient au moins 10 000 salariés permanents à l’échelle mondiale. Deux administrateurs salariés peuvent être désignés dans les conseils d’administration de plus de 12 membres, et un seul en dessous. De plus, les entreprises organisées avec une holding de tête n’employant que très peu de salariés ne peuvent plus échapper à cette obligation.</p>
<p>La <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000031046061&categorieLien=id">loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi</a> (loi Rebsamen) a élargi le dispositif en abaissant le seuil à 1 000 salariés en France ou 5 000 en France et à l’étranger.</p>
<p><a href="https://www.cfdt.fr/portail/actualites/la-loi-sur-la-securisation-de-l-emploi/representants-des-salaries-dans-les-conseils-d-administration-un-mandat-strategique-a-investir-srv2_405756">Selon la CFDT</a>, la présence d’administrateurs salariés « permet que soit entendue une voix différente, qui porte les intérêts du long terme […]. Leur voix permet de sortir de la logique financière qui prévaut dans nombre de conseils ».</p>
<h2>La création d’un Comité des parties prenantes</h2>
<p>Il s’agirait de créer un comité des parties prenantes au sein de la gouvernance de l’entreprise. Un rapport annuel de ses préconisations serait délivré au conseil d’administration. Le président du comité des parties prenantes deviendrait membre du conseil d’administration. Rappelons que les parties prenantes comprennent, selon la Fondation Jean Jaurès, les fournisseurs, les clients, les acteurs de la société civile, des territoires et les générations futures.</p>
<p>On ignore comment seraient désignés ces représentants des parties prenantes et quel serait l’impact de leurs travaux sur les décisions de l’entreprise, notamment quand il s’agira de prendre des décisions difficiles de réorganisation. Quel sera l’avis de ce comité en cas de dépôt d’une offre publique d’achat (OPA) visant le capital de la société ?</p>
<h2>Les limites de la représentation des salariés</h2>
<p>Comme on l’a vu, si la présence des administrateurs salariés au sein des conseils d’administration ou de surveillance n’est pas une nouveauté, la question qui se pose à leur sujet est la suivante : des administrateurs salariés, très bien, mais… pour quoi faire concrètement ? Selon la CFDT et la Fondation Jean Jaurès, leur rôle serait de porter la voix des salariés au cœur même du conseil. Mais, à moins de donner une majorité aux représentants du personnel, on ne voit pas très bien ce que leur avis pourra changer si des décisions difficiles doivent être prises.</p>
<p>Pierre Allanche, qui a été représentant des salariés au sein du CA de Renault de 1997 à 2004, <a href="http://www.larevuecadres.fr/renault-c%C3%B4t%C3%A9-cour-un-salari%C3%A9-au-conseil-d%E2%80%99administration">montre bien les limites de la représentation des salariés et, surtout, le pouvoir très important des dirigeants face à leurs administrateurs</a>, y compris indépendants. Le grand patron y apparaît comme un dirigeant de droit divin. En 2009, Xavier Fontanet, PDG d’Essilor, se réjouissait de l’actionnariat salarié dans la mesure où cela permettait aux salariés <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2009-8-page-413.htm#pa38">« de devenir plus responsables puisqu’ils risquent leur argent »</a> comme les autres investisseurs. Une vision pragmatique un peu éloignée quand même de la Fondation Jean Jaurès.</p>
<p>Pierre Allanche déclarait également « ne pas vouloir tous les pouvoirs pour les salariés », mais rechercher <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2009-8-page-413.htm#pa36">« une meilleure répartition des droits et des devoirs des différentes parties prenantes, notamment le personnel »</a>. Effectivement, tout ce qui peut permettre d’améliorer la connaissance du conseil d’administration en faisant partager la vision et les difficultés du personnel ne peut qu’être positif.</p>
<p>Ceci étant, il convient de rester modeste sur le véritable impact que peuvent avoir les représentants salariés lorsque des décisions difficiles de réorganisation, voire de fermeture d’un site industriel, doivent être prises. Le risque est grand que les administrateurs fassent un pré-conseil de façon à s’entendre à l’abri des représentants des salariés.</p>
<h2>Administrateurs salariés, administrateurs impuissants ?</h2>
<p>Les exemples de l’actualité ne manquent pas pour illustrer le peu d’impact qu’ont les administrateurs salariés sur la marche de l’entreprise. Ainsi, récemment, le plan de transformation visant à redresser Carrrefour (115 000 employés en France) prévoit selon les syndicats que <a href="https://www.huffingtonpost.fr/2018/02/05/carrefour-pourquoi-le-plan-social-sera-plus-saignant-que-ne-le-dit-son-pdg-alexandre-bompard_a_23352908/">plus de 5 000 employés seront touchés</a>. Dès 2020, la direction prévoit deux milliards d’euros de réduction de coûts et un plan de départs volontaires. Quel est l’impact des administrateurs salariés, à part d’assister impuissants à ces déclarations ?</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/F-clBxw7lUU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>On pourrait également citer Danone, qui se veut pourtant exemplaire en matière de responsabilité sociale, mais qui a annoncé un plan d’économies d’un milliard d’euros pour <a href="http://www.leparisien.fr/flash-actualite-economie/danone-annonce-un-plan-d-economies-pour-reveiller-sa-croissance-15-02-2017-6683199.php">« réveiller sa croissance »</a> et améliorer sa marge opérationnelle courante afin de la porter à 16 % contre 13,6 % en 2016. Contrairement à Carrefour, cette augmentation de la rentabilité devrait se trouver dans la capacité du groupe à se réinventer dans ses métiers, ainsi qu’aux synergies liées à l’acquisition de Whitewave. Il s’agit d’une stratégie classique d’entreprise privée multinationale. Tant mieux si elle permet de sauver des emplois.</p>
<p>Autre entreprise où le dialogue social n’est pas amélioré malgré la présence d’administrateurs salariés : Air France. Alors que pour la troisième année consécutive Air France-KLM a enregistré en 2017 un résultat d’exploitation positif, les syndicats ont appelé à la grève pour la seconde fois cette année (le 23 mars, après celle du 22 février) afin d’ obtenir une augmentation de salaire de 6 %. <a href="http://www.liberation.fr/direct/element/les-pilotes-dair-france-prets-a-une-greve-dure_78995/">Cette demande n’est pas raisonnable</a> selon le PDG du groupe, Jean‑Marie Janaillac, qui pointe l’écart de rentabilité entre les compagnies françaises et néerlandaise : 4 % pour Air France et 9 % pour KLM. On pourrait également citer la SNCF qui est incapable de s’autoréformer avec son conseil pourtant composé de nombreux administrateurs salariés.
C’est <em>in fine</em> à l’État, l’actionnaire de référence, qu’il revient de proposer les réformes qui sont supposées sauver l’entreprise. </p>
<p>Bref, et sans vouloir allonger la liste, il apparaît que la présence d’administrateurs salariés ne permet pas vraiment d’accompagner les réformes pourtant nécessaires à la survie et la croissance de l’entreprise surtout quand celles-ci sont douloureuses. Ce point est d’autant plus intéressant à relever que l’argument généralement mis en avant par les tenants d’une réforme visant à accroître la représentation des salariés est que les salariés ont une « vision à long terme » contrairement à celle supposée à court terme des investisseurs. À noter que cette hypothèse, toujours répétée en boucle, n’est pas validée empiriquement.</p>
<h2>Des propositions peu en phase avec la réalité de l'entreprise</h2>
<p>Le problème avec les propositions de réforme de la gouvernance des entreprises telles que proposées par la Fondation Jean Jaurès et d’autres spécialistes est que ces réformes partent de l’hypothèse que l’entreprise est une institution pérenne, quasi insubmersible, comme peuvent l’être des communes ou des collectivités locales. Or, la finalité ultime de l’entreprise privée est de fournir des biens et des services à ses clients et de répondre à leur demande, dans un univers fortement concurrentiel. C’est dans la mesure où elle répond à cette demande qu’elle peut créer des emplois et se développer tout en respectant les contraintes légales et environnementales. Dire cela ne justifie pas que les dirigeants ne prennent pas en compte les attentes de leurs salariés, mais souligne que seule une entreprise rentable peut se développer et créer des emplois. </p>
<p>Malheureusement, la vie économique d'une entreprise n’est pas un long fleuve tranquille. C’est tous les jours qu’elle doit s’adapter et relever les défis qui se présentent à elle. Quand tout va bien et qu'elle est en croissance, il est plus facile d’associer les administrateurs salariés aux décisions que dans le cas contraire. D’une certaine façon, la gouvernance des entreprises ressemble à la tenue de route d’une voiture : ce n’est pas sur une route droite et sèche qu’on peut l’évaluer, mais bien sur une route sinueuse et verglacée…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/92906/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Albouy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le dernier rapport de la Fondation Jean Jaurès propose des pistes pour réconcilier les entreprises et la société. Retour sur le potentiel et les limites de ces propositions.Michel Albouy, Professeur senior de finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/774462017-05-11T22:42:19Z2017-05-11T22:42:19ZAir France : les compagnies aériennes ne sont pas immortelles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/168896/original/file-20170511-32602-12f86y2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C247%2C1897%2C1359&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Avion d'Air France avec un de ses nombreux concurrents. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/avion-plan-vol-de-transport-1867712/">Pixabay</a></span></figcaption></figure><p>Quand on est un pilote d’Air France, une compagnie prestigieuse qui porte les couleurs de la République française et qui a fait voler le Concorde, on peut se croire insubmersible et penser que tout continuera comme avant et qu’in fine l’Etat sera toujours là pour faire face aux petits problèmes comptables d’équilibre d’un compte d’exploitation. </p>
<p><a href="http://bit.ly/2pC4e2x">Fondée en 1933</a>, née de la fusion de quatre compagnies aériennes : Air Orient, Air Union, CIDNA, et des lignes Farman) et du rachat de la célèbre Aéropostale (en dépôt de bilan à l’époque), Air France devient propriété de l’État français. En 1954 Air Inter est fondée avec comme principaux actionnaires Air France, la SNCF, et la Caisse des dépôts et consignations. </p>
<p>Dans les années 1990, du fait de la conjoncture et de la guerre du Golfe, les résultats d’Air France se dégradent et en octobre 1993 un conflit social extrêmement dur paralyse la compagnie, ce ne sera pas le dernier. Face à une situation de quasi faillite, l’État réinjecte en mai 1994 20 milliards de francs (3 milliards d’euros) ; une aide approuvée sous condition par la Commission Européenne. </p>
<p>Les attentats du 11 septembre 2001 à New York bouleversent à nouveau le secteur aérien et dégradent la situation financière des compagnies. Air France n’échappe pas à ce choc, perd un tiers de sa capitalisation boursière et doit réduire son offre. En 2004, Air France prend le contrôle de KLM et devient Air France-KLM. Cependant, la rentabilité financière du groupe reste chancelante. Malgré un retour aux bénéfices, la compagnie annonce en 2016 un plan de départ de 1600 personnes, un chiffre qui va défrayer la chronique. </p>
<p>Fin 2016, Jean-Marc Janaillac, président du groupe Air France KLM présente son plan « <a href="http://bit.ly/2febYpr">Trust Together</a> » (qui fait suite au plan d’économies « Transform ») et dont la raison d’être est de sauver la compagnie. Mais comment faire accepter un tel plan lorsque les salariés ne sont pas convaincus de sa nécessité pour survivre ?</p>
<h2>Le cimetière des compagnies aériennes</h2>
<p>Les compagnies aériennes, même les plus prestigieuses et notamment celles qui portent les couleurs de leur pays, ne sont pas immortelles contrairement à ce que le commun des mortels peut croire, y compris leurs pilotes d’avion. La liste des compagnies disparues est éloquente. En 1991, <a href="http://bit.ly/2r4WyH1">la célèbre Pam Am</a> (Pan American Airways) fondée en 1926 et pionnière des vols transatlantiques avec le Constellation, victime de la libéralisation de l’espace aérien américain et en autres de la guerre du Golfe, déposait son bilan. </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/168900/original/file-20170511-32585-1cju0b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/168900/original/file-20170511-32585-1cju0b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/168900/original/file-20170511-32585-1cju0b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/168900/original/file-20170511-32585-1cju0b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/168900/original/file-20170511-32585-1cju0b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/168900/original/file-20170511-32585-1cju0b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=585&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/168900/original/file-20170511-32585-1cju0b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=585&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/168900/original/file-20170511-32585-1cju0b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=585&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Bye bye Pan Am…</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f/photo/12069763/5ceaf8877f/">cheelah via Visualhunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>En 2001, c’était le tour de sa principale concurrente, la TWA (Trans World Airlines) créée en 1925, de disparaître suite à son rachat par American United Airlines. La Swissair, fondée en 1931, est devenue en 1947 la compagnie nationale suisse ; les pouvoirs publics acquérant 30 % du capital. Cela ne l’empêchera pas de disparaître définitivement en 2002, malgré sa réputation de qualité, suite à une trop mauvaise gestion : sureffectifs par rapport à ses concurrents, endettement trop élevé suite à des acquisitions trop onéreuses et non rentables, etc. </p>
<p>La Sabena (acronyme pour Société anonyme belge d’exploitation de la navigation aérienne), la compagnie aérienne nationale belge fondée en 1923, était également déclarée en faillite en 2001. À cette date elle était pourtant l’une des plus anciennes compagnies aériennes, juste derrière KLM qui sera rachetée par Air France via une OPE (offre publique d’échange) en 2004. </p>
<p>Iberia, la compagnie aérienne espagnole fondée en 1927 disparaitra finalement et sera finalement rachetée en 2009 par British Airways. En 2008, Northwest Airlines était rachetée par Delta Airlines faisant de cette dernière l’une des plus grandes compagnies aérienne mondiale. En 2012, c’était le tour de Continental Airlines de fusionner avec United Airlines, alors qu’elle était la sixième plus grande compagnie aérienne mondiale. Ces exemples montrent à l’évidence que les compagnies, même les plus prestigieuses, ne sont pas éternelles, surtout si elles ne s’adaptent pas à la concurrence. Alitalia, la compagnie nationale italienne, est aujourd’hui dans une situation critique et risque la liquidation pure et simple dans un avenir proche.</p>
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<span class="caption">Alitalia.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f/photo/5940864397/88b3f7d108/">kitchener.lord via Visualhunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<h2>L’exemple d’Alitalia</h2>
<p>Le 25 avril 2017, le conseil d’administration d’<a href="http://lemde.fr/2quHOV5">Alitalia</a> a jugé caduc le projet de recapitalisation de la compagnie aérienne, et a décidé de placer l’entreprise sous « administration extraordinaire » ce qui signifie au mieux une reprise et au pire la liquidation pure et simple. </p>
<p>Lâchée par ses actionnaires suite au comportement jugé irresponsable du personnel naviguant, la compagnie a peu de chances de trouver des financements externes. Le plan de la direction prévoyait la suppression de 1700 emplois sur un total de 12500 et une baisse de rémunération des salariés de 8 %. C’était le prix à payer pour pouvoir recapitaliser à hauteur de 2 milliards d’euros la compagnie aérienne. Ce plan ayant été rejeté par les pilotes et les hôtesses à une large majorité (67 % des votants), les administrateurs ont jeté l’éponge. </p>
<p>Mais qui voudra reprendre une telle entreprise qui n’accepte pas de se réformer et de s’adapter à la concurrence des nouveaux opérateurs à bas coûts ? Selon de nombreux observateurs, la compagnie paye aussi son manque de réactivité stratégique, notamment sur l’offre moyen-courrier. Elle paye également son refus de fusionner avec Air France KLM via une OPE fin 2007. Cette offre approuvée en mars 2008 était soumise à plusieurs conditions dont l’accord complet des syndicats. </p>
<p>Emblème national, Alitalia devint un des thèmes économique principal des élections italiennes de mars 2008 et l’offre française fut finalement repoussée par le gouvernement italien conduit par Romano Prodi au nom du patriotisme économique. En soutien, Alitalia reçoit un prêt de 300 millions d’euros, une somme bien insuffisante pour faire face aux difficultés de la compagnie. </p>
<p>En novembre 2014, la commission européenne autorise la compagnie d’Abu Dhabi, Etihad Airways, de monter au capital d’Alitalia à hauteur de 49 %. Cette opération permet de refinancer l’entreprise après plusieurs années de pertes. Malgré toutes ces opérations de restructurations financières, la situation de la compagnie italienne demeure toujours dans le rouge et continue à perdre des passagers. Aujourd’hui Etihad cherche à revendre ses parts au plus offrant. À noter qu’Etihad n’a jamais réussi à redresser les finances des huit compagnies dans lesquelles elle a des participations importantes mais minoritaires. De fait, Alitalia est davantage gouvernée par ses pilotes que par ses actionnaires. Un schéma que l’on retrouve en France.</p>
<h2>Quel avenir pour Air France ?</h2>
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<figcaption><span class="caption">Octobre 2015.</span></figcaption>
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<p>Bien que dans un état plus solide qu’Alitalia, l’avenir d’Air France-KLM n’est pas assuré et fait l’objet de conflits internes violents depuis plusieurs années. Tout le monde se rappelle cette image du directeur des ressources humaines de la compagnie escaladant un grillage chemise déchirée et hué par la foule qui l’insulte. C’était en octobre 2015 suite à l’annonce du nouveau plan de restructuration d’Air France. Pourtant, la situation financière d’Air France nécessite de prendre des mesures pour améliorer sa rentabilité défaillante depuis de nombreuses années si la compagnie ne veut pas suivre l’exemple d’Alitalia.</p>
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<span class="caption">Air France, ciel sombre.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f/photo/15494136465/551cd67f8e/">BO31555 via Visual hunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Le tableau ci-dessous montre l’évolution du chiffre d’affaires de la compagnie et du résultat net consolidé sur la période 2011-2015. Sur cette période, le total des pertes cumulées s’élève à 3.872 millions d’euros, presque 4 milliards d’euros. Certes en 2016, le résultat net redevient positif à 792 millions d’euros grâce à une « stratégie de discipline des capacités afin de restaurer la compétitivité, tout en démontrant une agilité sur le réseau en ouvrant de nombreuses nouvelles liaisons et une accélération de la modernisation de la flotte », selon les propos de la direction. Cependant, bien qu’en amélioration ces résultats sont insuffisants.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/168898/original/file-20170511-32585-otpy55.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/168898/original/file-20170511-32585-otpy55.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/168898/original/file-20170511-32585-otpy55.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=149&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/168898/original/file-20170511-32585-otpy55.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=149&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/168898/original/file-20170511-32585-otpy55.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=149&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/168898/original/file-20170511-32585-otpy55.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=187&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/168898/original/file-20170511-32585-otpy55.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=187&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/168898/original/file-20170511-32585-otpy55.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=187&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<p>C’est dans cet environnement que Le 3 novembre 2016, Jean-Marc Janaillac a présenté le nouveau projet stratégique «Trust Together». </p>
<blockquote>
<p>« Avec « Trust Together », Air France - KLM reprend l’offensive. Notre projet est à la fois ambitieux et réaliste. Il nous permettra de capter notre part de la croissance du transport aérien en améliorant la compétitivité de nos activités. Avec nos neuf axes stratégiques, nous nous battrons sur tous les fronts. Nous sommes challengers, c’est notre force. Le statu quo n’est pas une option. Nous devons engager une nouvelle dynamique pour redevenir leader sur nos marchés. » (Source : Air France, rapport annuel 2016).</p>
</blockquote>
<p>Mais au 1e trimestre 2017, et malgré un environnement jugé favorable, la perte d'exploitation s'est encore creusée de 44 millions, à 143 millions, même si à changes constants l'agrégat s'améliore de 28 millions d'euros. La perte nette part du groupe s'enfonce aussi dans le rouge : 216 millions d'euros de déficit, soit 61 millions de plus qu'un an plus tôt. </p>
<p>Faute d’être arrivé à un accord avec le syndicat SNPL-AF sur le plan stratégique « Trust Together » et le projet Boost de création d’une nouvelle compagnie à bas coûts, la direction s’en remet au vote des pilotes qui devrait avoir lieu prochainement. Afin de faire passer son plan, la direction a renoncé à appliquer les dernières mesures du plan Transform et à revoir la structure juridique de la future filiale à bas coûts qui emploiera des pilotes d’Air France mais aura également ses propres personnels navigants. </p>
<p>Même si la direction de la compagnie se montre confiante, il est difficile de dire si les pilotes valideront le plan stratégique même amendé. Au-delà de cet accord, l’incertitude demeure également sur la capacité du projet Boost (qui arrive un peu tard ?) à relancer la croissance de l’entreprise et contrer la concurrence des compagnies du Golfe. Bref, le risque d’une évolution à l’italienne n’est malheureusement pas à exclure.</p>
<p>Chez Air France, les dirigeants passent, mais les pilotes restent. La liste des démissions des directeurs d’Air France est longue. En octobre 2011, Pierre-Henri Gourgeon présentait sa démission au conseil d’administration du groupe franco-néerlandais. Il était remplacé par Jean-Cyril Spinetta. En juillet 2013 Alexandre de Juniac prenait le poste de PDG d’Air France. En avril 2016, ce dernier claquait la porte en démissionnant. Parmi les raisons invoquées se trouvaient le peu de progrès dans les négociations avec le SNPL-AF sur le nouveau plan stratégique et la stratégie syndicale du « bouc émissaire » consistant à rejeter sur d’autres la responsabilité des difficultés de la compagnie. </p>
<p>Depuis, c’est Jean-Marc Janaillac qui a repris le flambeau avec son plan « Trust Together ». La difficulté de diriger Air France dans la durée montre bien la faiblesse des dirigeants face à un syndicat de pilotes tout puissant. D’une certaine façon, on peut dire qu’Air France est une entreprise autogérée dans la mesure où son principal actionnaire, l’État (17,6 % du capital) ne joue pas vraiment son rôle et que sa principale préoccupation est surtout d’éviter à tout prix les conflits sociaux. </p>
<p>Ainsi, face à des dirigeants faibles et un actionnaire peu exigeant en matière de performances économiques, la rente de la compagnie est captée par son personnel et notamment son personnel navigant à travers des contrats de travail très favorables. Comme de plus, l’offre de la compagnie ne répond que très partiellement aux besoins de ses clients du fait de sa faible capacité d’adaptation à la concurrence, on peut craindre un éloignement de la clientèle. </p>
<p>Combien de temps cela pourra tenir ? Toute la question est là. Espérons néanmoins que la raison revienne et que les personnels navigants prendront conscience de la vulnérabilité de leur compagnie qui n’est pas immortelle. Sur un plan plus académique le cas Air France rejoint la problématique de la gouvernance des entreprises dont l’État est actionnaire et les difficultés qui en résultent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77446/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Albouy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La société Air France qui se bat sur un marché impitoyable, est-elle réformable ? Analyse de sa situation à la lumière des difficultés d’autres compagnies nationales.Michel Albouy, Professeur senior de finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/622692016-07-11T04:41:29Z2016-07-11T04:41:29ZLa construction de nouveaux aéroports, entre déni et défi environnemental<p>À Notre-Dame-des-Landes, ce sont deux conceptions qui s’affrontent : d’un côté, une vision métropolitaine conduit Nantes à vouloir un aéroport de classe internationale avec le soutien de l’État français, lui-même poussé par les grands groupes du BTP. De l’autre, les <a href="http://zad.nadir.org/">Zadistes</a> (pour « zone à défendre »), alternatifs hostiles à la mondialisation, défendent un vestige du bocage armoricain.</p>
<p>Le projet NDDL remonte à 1963, lorsqu’on craignait que le Concorde ne soit un peu court en carburant pour un vol transatlantique… Le débat avait été relancé en 2003 par Jean-Marc Ayrault, alors maire de Nantes. En 2011, la société Aéroports du Grand Ouest (Vinci, Entreprise de travaux publics du Grand Ouest, CCI de Nantes-Saint-Nazaire) a été désignée concessionnaire pour 55 ans.</p>
<p><audio preload="metadata" controls="controls" data-duration="2362" data-image="" data-title="NDDL, tout reste à faire (« Du grain à moudre », France Culture, 28 juin 2016)." data-size="37988480" data-source="" data-source-url="http://www.franceculture.fr/emissions/du-grain-moudre/notre-dame-des-landes-tout-reste-faire" data-license="" data-license-url="">
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<div class="audio-player-caption">
NDDL, tout reste à faire (« Du grain à moudre », France Culture, 28 juin 2016).
</div></p>
<p>Mais les travaux ont été reportés sans cesse du fait des recours. En 2012, la situation s’est tendue avec des manifestations, des squats, des interventions des forces de l’ordre… L’Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport de NDDL <a href="https://www.acipa-ndl.fr/">(ACIPA)</a> fédère les Zadistes depuis sa création en 2000 : décroissants, écologistes, agriculteurs, élus…</p>
<p>En 2013, à sa demande, la Commission des pétitions de l’Union européenne a estimé insatisfaisantes les mesures de compensation arrêtées pour la restauration des zones humides et s’est étonnée de l’absence d’études d’impact ferroviaire (Nantes-Rennes ; tram-train vers Nantes).</p>
<p>En outre, de nombreuses questions restent en suspens : si on fermait Nantes-Atlantique, qu’adviendrait-il de l’usine Airbus qui s’y trouve et qui a besoin d’un aéroport adjacent à son implantation ? Quelle est la position des compagnies aériennes, étonnamment mutiques dans le débat ? Pourquoi les tenants du projet NDDL affirment-ils que la seule piste de Nantes-Atlantique serait insuffisante à l’avenir, car on passerait de 4,4 millions de passagers en 2015 à 6 millions en 2025, alors qu’avec une seule piste, Genève-Cointrin a connu un trafic de 15,8 millions de passagers en 2015 ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/129915/original/image-20160709-24101-5n03az.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/129915/original/image-20160709-24101-5n03az.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/129915/original/image-20160709-24101-5n03az.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/129915/original/image-20160709-24101-5n03az.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/129915/original/image-20160709-24101-5n03az.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/129915/original/image-20160709-24101-5n03az.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/129915/original/image-20160709-24101-5n03az.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue aérienne des terminaux 2A et 2B de l’aéroport CDG.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:CDG-aerialview.jpg">Fyodor Borisov/Wikimédia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des perturbations multiples</h2>
<p>Rappelons que le transport aérien produit <a href="http://www.atlande.eu/references/383-cop-21-deprogrammer-l-apocalypse-9782350303475.html">2 % à 3 % des gaz à effet de serre (GES)</a> de la planète. Alors même que les « soutes aériennes » (c’est-à-dire le carburant des avions, donc leurs rejets) sont multipliées par 2,5 entre 1990 et 2020, elles sont exclues des accords de Kyoto (1997) comme de la <a href="http://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/021529754252-pourquoi-le-transport-aerien-est-loublie-de-la-cop-21-1181237.php">COP21</a> (2015).</p>
<p>Au quotidien, les cartes d’<a href="http://www.airparif.asso.fr/">Airparif</a> montrent que la plate-forme de Roissy-Charles de Gaulle est le principal pôle émetteur de GES en Île-de-France. Aux <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/A%C3%A9roport_de_Paris-Charles-de-Gaulle">500 000 mouvements annuels</a> d’avions du second aéroport européen (pour le transport de fret et de passagers), il faut ajouter la congestion qui les fait patienter au sol ou dans les airs, mais aussi la zone d’activité avec plus de 80 000 salariés…</p>
<p>La pollution phonique est une autre source de nuisance. Les riverains se battent pour obtenir l’<a href="http://www.lexpress.fr/actualite/societe/nuisances-le-gendarme-des-aeroports-part-en-guerre-contre-les-vols-de-nuit_1796865.html">interdiction des vols de nuit</a>, parfois avec succès. Ou bien, il arrive qu’ils obtiennent une compensation financière pour l’isolation des logements, aux frais des autorités aéroportuaires.</p>
<p>L’édification ou l’agrandissement d’un aéroport suppose la destruction du milieu « naturel » ou de terres agricoles. Partout dans le monde est avancée la notion de mesures compensatoires : si une zone d’intérêt naturel est détruite, alors il faut prévoir une reconstitution d’espaces « naturels ». La législation de l’UE a été pionnière en ce domaine, avec notamment les <a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=URISERV%3Aev0024">directives « oiseaux »</a> (1979, puis 2009) et <a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=URISERV%3Al28076">« habitats »</a> (1992). Pour les opposants aux aéroports, le « jeu » consiste à trouver une bestiole ou une plante protégée mais passée inaperçue, qui permet d’aller en justice et de bloquer le projet, parfois pour très longtemps.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/129916/original/image-20160709-24084-1luypdj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/129916/original/image-20160709-24084-1luypdj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/129916/original/image-20160709-24084-1luypdj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/129916/original/image-20160709-24084-1luypdj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/129916/original/image-20160709-24084-1luypdj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/129916/original/image-20160709-24084-1luypdj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/129916/original/image-20160709-24084-1luypdj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La cité du futur ? Songdo (Corée du Sud), une ville sortie de terre au plus près de l’aéroport international d’Incheon.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Songdo_International_Business_District#/media/File:20141231_153220_HDR.jpg">Fleetham/Wikimédia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<h2>L’aéroport du futur, deux visions contradictoires</h2>
<blockquote>
<p>« Les aéroports vont façonner les zones économiques et le développement urbain du XXI<sup>e</sup> siècle, tout comme les autoroutes l’ont fait au XX<sup>e</sup> siècle, les chemins de fer au XIX<sup>e</sup> et les ports maritimes au XVII<sup>e</sup>. »</p>
</blockquote>
<p>C’est ce qu’affirme John Kasarda, universitaire américain spécialiste du transport aérien, à qui l’on doit la notion d’<a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/aerotropolis">« aérotropolis »</a> (contraction d’<em>aéroport</em> et de <em>metropolis</em>). Pour lui, plutôt que d’éloigner l’aéroport de la ville, il n’y a pas d’autre choix que de construire la ville autour de l’aéroport. Dès lors, la problématique environnementale est reléguée au second plan, et contrecarrée par une communication de type <em>green washing</em> : un avion pollue de moins en moins, son bruit diminue lui aussi, une ville nouvelle peut aisément intégrer des stratégies écologiques…</p>
<p>Le cas de Berlin-Schönefeld représente-t-il une alternative ? L’aéroport Willy Brandt doit en effet devenir une plateforme digne de la capitale allemande. Les travaux ont commencé en 2006, mais de forums en procès, par exemple à cause du retraitement des eaux usées, son ouverture <a href="http://www.lepoint.fr/monde/le-nouvel-aeroport-de-berlin-aurait-du-ouvrir-il-y-a-1-000-jours-28-02-2015-1908667_24.php">a été repoussée</a> en 2017.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/129940/original/image-20160710-24074-1x3exn5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/129940/original/image-20160710-24074-1x3exn5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/129940/original/image-20160710-24074-1x3exn5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/129940/original/image-20160710-24074-1x3exn5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/129940/original/image-20160710-24074-1x3exn5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/129940/original/image-20160710-24074-1x3exn5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/129940/original/image-20160710-24074-1x3exn5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/129940/original/image-20160710-24074-1x3exn5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Vue aérienne du site de l’aéroport de Berlin-Schönefeld.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.dorsch.de/projects/project/dproject/berlin-brandenburg-international-airport-airside-services-for-the-new-airport/show/Project/">www.dorsch.de</a></span>
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</figure>
<p>Le schéma directeur d’urbanisme est anti-kasardien puisqu’il installe la plate-forme dans un paysage destiné à rester agricole ou récréatif. La desserte se fait par une autoroute, le rail, et même par une véloroute longue de 25 km. Quant aux activités induites, elles seront distribuées dans l’ensemble de l’agglomération, ou exportées ailleurs, comme à Halle-Leipzig qui est déjà un grand centre de fret aérien. L’idée est donc de diluer la pollution en de multiples foyers de moindre importance.</p>
<h2>Faire au mieux</h2>
<p>Les carnets de commandes des constructeurs d’avion débordent avec plus de <a href="http://www.usinenouvelle.com/article/avant-farnborough-le-bilan-de-sante-complet-de-l-aero.N401572">13 000 commandes</a>, de nouveaux aéroports apparaissent par dizaines en Asie et déjà l’<a href="http://www.jeuneafrique.com/337110/economie/mauritanie-inauguration-nouvel-aeroport-international-de-nouakchott/">Afrique</a> entre dans la danse… Dans les décennies qui viennent, l’empreinte écologique des aéroports ne pourra qu’augmenter, malgré les efforts faits par les responsables du monde aérien en général.</p>
<p>Le débat se cristallise autour de la notion de développement durable : il faut trouver un compromis entre la croissance économique, la question sociale et le respect de l’environnement. Ceci passe par la création d’un modèle réglementaire, appliqué via un processus d’apprentissage collectif. Les cas de NDDL et de Schönefeld démontrent que les solutions efficaces peinent à émerger, tant la question est sensible et complexe. Mais des approches réalistes peuvent finir par payer, à condition de ne pas sombrer dans la démagogie et de savoir vers quelles sortes de valeurs doit aller l’intérêt général.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/62269/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raymond Woessner ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La croissance soutenue de l’activité aérienne pose des problèmes de santé publique et représente une menace pour l’environnement. Peut-on imaginer l’aéroport du futur sans ces perturbations ?Raymond Woessner, Professeur de géographie, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/490662015-10-20T04:38:00Z2015-10-20T04:38:00ZAir France en crise, un handicap pour SkyTeam<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/98880/original/image-20151019-23235-1920tiu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un Boeing 747 d'AIr France.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/905bosun/14909110659/in/photolist-oHt6b4-mQE8TL-68rC82-8ADjvb-cKKz1N-c65h8S-53F7Gr-7CVJPH-8wKDDH-8wNUwh-rzGgJe-6PPFkS-zE6bWE-HptHB-8HgigA-7Pqrvq-7Rc1mG-5hR9ad-8wKN9t-qXdW3B-yixJ8o-pYpM8z-rBsgRN-2qxE67-7UutgA-kq5D1x-w6g3H-rTTUN9-j4YGfj-5zg7Hs-58AAUX-xRrUXC-zCTc23-qxSj37-9pjh3-zoFoPH-zCTbHC-c65gV1-eTJUjD-8WtupM-dhDzJH-qwfSwa-4A86G9-6KZKg7-8b5baK-zyNHHE-fQxcMH-cozEbG-o8nuJT-89NNhZ">Bob Kelly/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les difficultés d’Air France sont une mauvaise nouvelle pour l’alliance aérienne SkyTeam. Sa perte de compétitivité handicape l’ensemble de ses partenaires américains et asiatiques. La concurrence dans le transport aérien s’exerce en effet individuellement entre les compagnies mais aussi entre les trois écosystèmes qui les réunissent, les alliances globales SkyTeam, oneWorld et Star Alliance.</p>
<p>Ces alliances ont vu le jour au début des années 1990 à la suite de la libéralisation du transport aérien aux États-Unis, puis dans d’autres pays. Elles ont toutes été fondées en réunissant initialement au moins un transporteur majeur américain, un grand transporteur européen et un transporteur asiatique national. L’ouverture à la concurrence a conduit les compagnies nationales à changer de modèle de trafic. Elles ont progressivement abandonné le modèle de desserte point à point pour adopter celui du réseau en étoile.</p>
<h2>Des alliances pour faire baisser les coûts</h2>
<p>Les voyageurs transportés par la compagnie partent, arrivent et repartent d’un aéroport-pivot qui sert de plaque tournante. Cette organisation a permis de réduire les coûts. En effet, avec un réseau en étoile le nombre de routes pour rejoindre les destinations est drastiquement limité. Par exemple pour 10 points de destination (ou d’origine), il faut 45 routes pour tous les relier deux-à-deux alors qu’il en suffit de 9 pour assurer une connexion en passant par l’aéroport-pivot. Les avions ont alors plus de chances d’être pleins car ils transportent aussi des passagers qui n’effectuent sur le vol qu’une partie de leur trajet. Les avions vont pouvoir assurer plusieurs vols dans la journée ; ils passeront ainsi moins de temps immobilisés sur le tarmac sans rien rapporter. Enfin, le trafic se densifiant sur certains vols, chaque passager sera moins coûteux à transporter. En effet, à taille de réseau constante, le coût décroît lorsque le trafic croît car de plus gros avions peuvent être utilisés et puisque le coût moyen par passager et par kilomètre diminue avec la taille des aéronefs.</p>
<h2>Réunir des réseaux en étoile</h2>
<p>Les alliances sont un moyen de réunir les réseaux étoilés des compagnies qui les forment. Elles peuvent alors offrir à leurs clients un ensemble de destinations encore plus grand et recevoir des passagers d’un plus grand nombre d’aéroports d’origine. Tout se passe presque comme si les compagnies avaient fusionné et donné naissance à un gigantesque réseau. Au départ, le passager semble n’avoir affaire qu’à une seule compagnie : il lui paye son billet, s’enregistre à son comptoir, lui confie ses bagages et engrange les miles sur sa carte de fidélité. Ce n’est que lorsqu’il change d’avion pour poursuivre son trajet qu’il s’aperçoit qu’un autre logo est dessiné sur le fuselage et que les membres de l’équipage ne portent plus la même tenue.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/98885/original/image-20151019-23267-kf8iem.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/98885/original/image-20151019-23267-kf8iem.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/98885/original/image-20151019-23267-kf8iem.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/98885/original/image-20151019-23267-kf8iem.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/98885/original/image-20151019-23267-kf8iem.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/98885/original/image-20151019-23267-kf8iem.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/98885/original/image-20151019-23267-kf8iem.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/98885/original/image-20151019-23267-kf8iem.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Boeing 767-322/ER, United Airlines.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/chrisjunker/21627714121/in/photolist-yXaFUM-8ZyV5r-awCo8d-ftCViC-racZVF-fBpVMu-a6AA8E-opxdmc-gMexAK-9gSpCm-aZLSG-aear9A-cb8nxu-hAY4nm-dpTRS8-oiZUBy-pd3jGF-ndB3Qq-gNJxd6-nd9iQ6-f1ACPa-k789Ru-f3dLaL-hwVcGQ-eSXmEj-bZtdAq-q9oFSH-obAkb2-phMB7Z-dU4f5j-pq5PrV-6eapGi-fjZzvH-fq3QyX-iGLp4q-ihZVbP-nrkXP9-nEd7Rt-q4Qws1-o4zw9y-hEAUzP-h1rqMG-fEtfkZ-nasEvt-iBFFwf-f7jxpQ-pCTWmm-a4ScdA-o5MtQd-f5iqFd">Christian Junker/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dès lors que leurs réseaux sont complémentaires, la coopération des compagnies permet d’offrir aux passagers une qualité de services plus grande et un prix plus bas. Les trois alliances globales transportent aujourd’hui plus de la moitié des passagers dans le monde et détiennent plus de la moitié de la capacité en siège. Rien d’étonnant à ces chiffres car la plupart des plus grandes compagnies aériennes du monde en sont membres. La plus grande alliance, Star Alliance comprend aujourd’hui 27 membres, couvre 193 pays et dessert 1321 aéroports. Les deux autres sont grosso modo deux fois plus petites. Les trois réunies transportent près de 9 passagers sur 10 entre l’Europe et l’Amérique du Nord.</p>
<h2>Solidarité et interdépendance en réseau</h2>
<p>Réunissant des entreprises qui coopèrent dans l’offre de services complémentaires, la compétitivité de l’alliance dépend de la compétitivité de chacun de ses membres. Si Air France a des coûts, et donc des prix, trop élevés ; les vols qu’elle assure dans SkyTeam seront plus chers ; le prix des billets qui comprennent un de ses vols s’en renchérira d’autant ; ce qui diminuera la demande pour les vols d’interligne desservis par les partenaires de SkyTeam. L’alliance perd en attractivité.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/98882/original/image-20151019-23249-1q0d0o8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/98882/original/image-20151019-23249-1q0d0o8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/98882/original/image-20151019-23249-1q0d0o8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/98882/original/image-20151019-23249-1q0d0o8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/98882/original/image-20151019-23249-1q0d0o8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/98882/original/image-20151019-23249-1q0d0o8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/98882/original/image-20151019-23249-1q0d0o8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/98882/original/image-20151019-23249-1q0d0o8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Airbus A320, Air France.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/oliviercabaret/5908429209/in/photolist-a17fa8-o9gpcd-7TsSEC-76QjnX-vCeJjZ-5mhyEN-d2wiWW-8a1Ytp-8a5cPS-8a1YRR-6vdkyf-itY4Qk-iu1dPr-8a5dp7-8a5aMj-8a5apU-8a5crU-8a1Wbk-8a1Z3i-8a5daW-78xaEo-7RtBEp-gD1Atc-nDqA1N-7bRMNC-7zKMvb-crEL1y-9EKC2N-7nsM1L-9Z7hbw-9qzHAY-7LXbiS-qeQF2V-oqD31C-7YZppy-8a1VTv-8a1Ut8-8a5bXU-bGmhxa-fPBGzv-cdo3RC-bBuEwW-gx7rLN-4Vuow9-5sVR2y-8a586h-5rj96N-9Kxgpq-aHHtKc-nwixbk">Olivier Cabaret/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Or les alliances ne sont pas éternelles. Certaines alliances ont disparu, leurs membres rejoignant des alliances rivales. Une compagnie ne peut en effet être membre de plusieurs alliances. Elles sont exclusives. Parmi les disparues, citons celles que Swissair a cherché à fédérer à plusieurs reprises. Singapore Airlines, SAS, Austrian Airlines ont quitté leur partenaire helvétique pour Star Alliance, Delta pour SkyTeam et Finnair pour oneWorld.</p>
<h2>Une concurrence féroce</h2>
<p>De plus, les alliances des compagnies historiques sont soumises à la concurrence d’autres modèles d’organisation : les compagnies aériennes à bas coûts et les compagnies du Golfe persique. Les premières se sont spécialisées dans des routes point-à-point nationales ou intracontinentales. Elles relient le plus souvent des aéroports secondaires. Disposant d’une flotte homogène et proposant une qualité de service moindre, elles sont en mesure d’offrir des tarifs plus bas. La concurrence exercée par les compagnies du Golfe est plus rude pour les alliances car Emirates, Qatar Airways ou Etihad Airways sont également organisées en réseau étoilé et opèrent des liaisons intercontinentales.</p>
<p>Leurs aéroports-pivot bénéficient d’une excellente position géographique, desservent un très grand nombre de destinations et sont d’une taille et d’une qualité de premier rang mondial. Elles peuvent alors proposer des vols en deux tronçons et sur leurs seuls avions, d’un point d’origine au Golfe puis du Golfe au point de destination alors que les alliances doivent souvent en proposer 3 : du point d’origine à un premier hub, du premier hub à un second hub, et du second hub au point de destination. Les compagnies du Golfe peuvent ainsi proposer aux passagers des tarifs plus bas et une qualité plus haute. Comme les compagnies à bas coûts, elles ne sont pas membres des alliances globales et se posent en rivales.</p>
<p>L’affaiblissement d’Air France bénéficie directement et indirectement à ses deux grands rivaux, British Airways et Lufthansa. Les trois compagnies s’affrontant dans le ciel européen, la perte de compétitivité de l’une profite aux autres. De plus, si Air France est le pilier européen de SkyTeam, Lufthansa l’est de StarAlliance, et British Airways de oneWorld. Un affaiblissement de Skyteam induit par celui d’Air France profite alors indirectement aussi à ses deux principaux. Leurs alliances respectives gagneront en attractivité ce que Skyteam aura perdu.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/49066/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Le laboratoire de François Lévêque reçoit des aides à la recherches de nombreuses entreprises, notamment au cours des 5 années passées d’EDF, Microsoft et Philips. Par ailleurs François Lévêque est Associé-Fondateur de Microeconomix, cabinet d’expertise et de conseil en analyse économique.</span></em></p>La situation difficile d'Air France alourdit les coûts de son alliance -Skyteam- et bénéficie directement ou indirectement à ses deux grands rivaux européens.François Lévêque, Professeur d'économie, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.