tag:theconversation.com,2011:/us/topics/amenagement-du-territoire-21730/articlesaménagement du territoire – The Conversation2024-03-07T16:18:48Ztag:theconversation.com,2011:article/2251092024-03-07T16:18:48Z2024-03-07T16:18:48Z8 mars 1974 : inauguration de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, au carrefour de deux époques<blockquote>
<p>« La plus rigoureuse austérité aura présidé à l’inauguration officielle de l’aéroport Charles de Gaulle. Quel contraste avec la grande fête d’Orly il y a treize ans. »</p>
</blockquote>
<p>Tel est ce que l’on pouvait lire dans <em>Le Figaro</em> au lendemain de l’inauguration du <a href="https://theconversation.com/topics/aeroports-de-paris-adp-83584">troisième aéroport de la région parisienne</a>, le 8 mars 1974, il y a tout juste 50 ans. Annoncé à l’origine, le président <a href="https://theconversation.com/topics/georges-pompidou-73653">Georges Pompidou</a> envoie son premier ministre Pierre Messmer pour célébrer sobrement l’achèvement du chantier. Le président ne s’est pas déplacé en signe de deuil. Quelques jours auparavant, un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Vol_Turkish_Airlines_981">DC-10 de la Turkish Airlines</a> s’est écrasé en forêt d’Ermenonville, provoquant la mort des 346 occupants de l’appareil. Surtout, il souffre d’une maladie grave qui l’emportera un mois plus tard.</p>
<p>À cette date, la France a bénéficié de la croissance fulgurante des <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/une_autre_histoire_des__trente_glorieuses_-9782707175472">« trente glorieuses »</a>, avec des succès industriels dont la création franco-britannique du Concorde et la mise en place des premiers réacteurs nucléaires. Pourtant, au moment où s’inaugure Roissy, l’optimisme se voile du doute. Le premier choc pétrolier a redoublé l’instabilité géopolitique mondiale, exacerbant la critique de la société de consommation alors qu’a déjà sonné l’alerte sur les <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/05775132.1973.11469961">limites planétaires</a>.</p>
<p>Le « moment » Roissy, qui a fait l’objet de nos <a href="https://hal.science/hal-02151540">travaux</a>, marque un tournant, un changement radical. Il se matérialise par le surgissement de l’aéroport dans le paysage agricole de la « Vieille France » qui, selon le quotidien <em>France Soir</em> du 12 février 1974, « provoque un choc ». Commémorer aujourd’hui Roissy permet de revenir sur le chemin parcouru par l’aéroport, témoin de la dérégulation d’une <a href="https://theconversation.com/transport-aerien-et-environnement-comment-poser-le-probleme-193672">économie aérienne</a> qui, en un demi-siècle, a connu un essor fulgurant dans le contexte des dérèglements globaux.</p>
<h2>Du silence au coup de tonnerre</h2>
<p>Le nouvel aéroport était dénommé à l’origine « Paris III » puis « Paris Nord », avant de prendre le nom d’un des villages qu’il colonise, Roissy-en-France, accolé à celui du président Charles de Gaulle à la mort de ce dernier. L’infrastructure est envisagée dès 1957, date à laquelle un site est repéré en Plaine de France à 25 kilomètres de Notre-Dame de Paris. Composés de terres agricoles libres de constructions, plus de 3 000 hectares sont préemptés, traduction de l’« appétit dévorant » de l’Aéroport de Paris, selon la formule de 1963 de <a href="http://www.patronsdefrance.fr/?q=sippaf-actor-record/21916">Pierre-Donatien Cot</a>, alors son directeur général.</p>
<p>Décidée par arrêté du 16 juin 1964, trois ans après la modernisation d’Orly dont la saturation est déjà certaine, la <a href="https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=xGqszqcJbDQ&embeds_referring_euri=https%3A%2F%2Fwww.grand-roissy-tourisme.com%2F&source_ve_path=MTM5MTE3LDIzODUx">réalisation</a> de l’aéroport débute en 1966, portée par un État puissant engagé dans un grand mouvement d’aménagement du territoire. Elle participe de <a href="https://books.openedition.org/psorbonne/2426?lang=fr">l’extension régionale</a> du « nouveau Géant Paris-Banlieues », formule que l’on peut lire dans <em>Paris Match</em> en 1971, auquel concourent les réseaux autoroutiers et ferrés, les villes nouvelles, les grandes opérations de modernisation comme La Défense, Montparnasse ou les Halles.</p>
<p>Conçu par les équipes pluridisciplinaires d’Aéroport de Paris dont <a href="https://www.citedelarchitecture.fr/fr/publication/andreu">Paul Andreu</a> est l’architecte en chef, le « super-aéroport » est prévu pour accueillir 30 millions de passagers par an. Il est le premier au monde à être spécialement conçu pour les avions gros porteurs et les supersoniques. Aérogare, château d’eau, tour de contrôle, centrale d’énergie, hôtel, bureaux, voies d’accès : le chantier XXL se réalise en un temps record (huit ans), respectant l’enveloppe fixée des coûts (1,6 milliard de francs) que l’autorité aéroportuaire assume quasi intégralement.</p>
<p>Le silence avec lequel se construit l’aéroport contraste avec le coup de tonnerre que produit son ouverture. Plus d’une centaine d’articles sont publiés, relayés par la presse internationale qui célèbre, non sans ambivalences, le futurisme de l’aéroport. « La fantascienza è realtà » (<em>Il Sole</em>), « Der Koloss aus dem Jahr 2000 » (<em>Abendpost</em>), « Frightening look towards 2001 » (<em>The Sydney Morning Herald</em>). <em>2001 L’Odyssée de l’espace</em>, le film de Stanley Kubrick sorti en 1968, est présent dans les esprits.</p>
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<p>L’inauguration est un événement, largement couvert par la télévision et la radio. Le cortège officiel des DS noires salue le Concorde parqué sur le tarmac. Accompagné d’Olivier Guichard, ministre de l’Équipement et de l’Aménagement du territoire, et André Decelle, président d’Aéroport de Paris, Pierre Messmer parcourt en une heure le dédale de l’aérogare avant de prononcer <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/caf97025131/inauguration-de-l-aeroport-roissy-charles-de-gaulle">son discours</a> en présence de nombreux invités, chefs d’État étrangers et personnalités. Quelques jours plus tard, le 13 mars, atterrit à Roissy le premier avion, un vol transatlantique de la compagnie TWA parti de l’aéroport de John Fitzgerald Kennedy à New York.</p>
<h2>Télescopage des futurs</h2>
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<p>« À peine terminé, on sait déjà qu’il est dépassé »</p>
</blockquote>
<p>Dès son ouverture, <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1974/03/08/une-machine-a-voyages_2513743_1819218.html">Le Monde</a> salue « une machine à prendre l’avion » qui doit absorber, écouler, contrôler des flux dont la croissance est anticipée comme massive (15 % par an).</p>
<p>Cette conscience d’un temps qui s’accélère fascine. Nombreux seront les premiers utilisateurs de Roissy qui chronomètrent leur « voyage » dans l’aéroport, célébrant les quelques minutes seulement qui les séparent de l’avion. <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1974/03/08/quand-le-train-court-apres-l-avion_2515167_1819218.html">« Quand le train court après l’avion »</a> : les louanges du nouvel aéroport contrastent d’ailleurs avec la critique de ses liaisons terrestres, dont l’insuffisance est déplorée, alors qu’un <a href="https://muse.jhu.edu/article/230906">projet d’aérotrain</a>, envisagé par ADP et porté par l’ingénieur Jean Bertin pour prolonger au sol la grande vitesse aérienne, a été abandonné. De fait, la question de la <a href="https://theconversation.com/hyperloop-les-reves-de-vitesse-a-lepreuve-189336">démocratisation de la vitesse</a> est posée. Est-elle accessible à tous ?</p>
<p>Comment projeter le futur sans modèle ? Cette autre question travaille l’imagination des concepteurs. L’an 2000 est l’horizon du plan d’aménagement de l’aéroport qui déploie en 1967, sur le modèle de Roissy 1, cinq autres terminaux de forme identique dite en « roue de bicyclette ». Mais alors que le chantier s’est engagé, le plan doit se transformer, pour s’adapter aux aléas des trafics.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/579886/original/file-20240305-20-szpfl6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/579886/original/file-20240305-20-szpfl6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/579886/original/file-20240305-20-szpfl6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/579886/original/file-20240305-20-szpfl6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/579886/original/file-20240305-20-szpfl6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/579886/original/file-20240305-20-szpfl6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=408&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/579886/original/file-20240305-20-szpfl6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=408&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/579886/original/file-20240305-20-szpfl6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=408&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Plan initial de l’aéroport.</span>
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<p>Paul Andreu le dira en 1978 :</p>
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<p>« En 1970, tout est fixé du Roissy actuel mais le Roissy futur s’estompe. Un autre présent s’installe dans le futur. »</p>
</blockquote>
<p>Roissy 2 s’étudie dès 1969, dont l’expansion est ouverte et flexible. La nouvelle aérogare ouvrira son premier terminal (B) en 1982, et ne cessera de s’agrandir jusqu’à la mise en service, 40 ans plus tard, du dernier satellite d’embarquement. C’est tout l’enjeu des grands projets d’infrastructure. Du fait de <a href="https://enpc.hal.science/hal-03563645v1/file/2022_LeFuturDesM%C3%A9tropoles.pdf">leur destinée moderne</a>, ils semblent perpétuellement courir après le futur : le futur du passé qu’ils réalisent comme le futur du présent qu’ils anticipent. Ces deux futurs se télescopent.</p>
<p>Cette croissance ne se fait pas sans mal. L’activité de Roissy fait l’objet de nombreuses contestations qui, s’agissant des aéroports, ont une histoire longue. Ainsi, au moment où se réalise Roissy, New York se heurte à des oppositions vives, conduisant à l’abandon en 1971, de son <a href="https://www.nytimes.com/1971/01/09/archives/an-offshore-4th-jetport-is-suggested-by-lindsay.html">projet de 4ᵉ aéroport</a>. À Tokyo, la lutte contre la réalisation de l’aéroport de Narita donne lieu à l’un des <a href="https://jeudepaume.org/evenement/shinsuke-ogawa-ogawa-pro/">mouvements de résistance</a> les plus importants de cette période (1968-1978) dont la répression, violente, fera 10 morts.</p>
<p>En France, dès l’ouverture d’Orly-Sud, les riverains s’étaient mobilisés contre les nuisances de l’aéroport, obtenant un couvre-feu nocturne en 1968. Et, à l’approche de l’ouverture de Roissy, le quotidien <em>France Soir</em> souligne la présence encore invisible mais déjà imposante de l’aéroport.</p>
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<p>« 250 000 personnes autour de Roissy vivent leurs derniers jours de silence. »</p>
</blockquote>
<p>Il ajoute :</p>
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<p>« Les techniciens [du district de la région parisienne] considèrent ces communes comme “sacrifiées”. La leçon d’Orly visiblement n’aura servi à rien. »</p>
</blockquote>
<h2>Conflictualité des intérêts</h2>
<p>Depuis, l’activité de l’aéroport a essaimé au-delà de son périmètre stricto sensu. Les sites et leurs dépendances, les clôtures et leurs rives, les voies terrestres et les routes aériennes ont conduit à la formation d’un <a href="https://blogs.mediapart.fr/j-lorthiois/blog/010722/le-fiasco-du-grand-roissy-en-dix-ans-2012-2022-deux-projets-realises-sur-25">« Grand Roissy »</a> cohabitant non sans mal avec les villes qui lui préexistent. L’écrivain François Maspero et la photographe Anaïk Frantz les avaient arpentées il y a plus de 30 ans, dans leur récit initiatique <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/les-passagers-du-roissy-express-francois-maspero/9782020124676"><em>Les Passagers du Roissy Express</em></a>.</p>
<p>L’intensification aéroportuaire est-elle compatible avec le droit commun de la ville ? Roissy est devenu une centralité métropolitaine alors même que son habitabilité reste à penser et que sa représentation démocratique est posée, comme l’a montré la controverse sur le projet gouvernemental de <a href="https://metropolitiques.eu/Aeroports-de-Paris-un-levier-strategique-pour-l-%C3%89tat.html">privatisation des Aéroports de Paris</a>.</p>
<p>Depuis le choc pétrolier inaugural, les événements de l’histoire n’ont cessé de marquer l’aéroport de ses stigmates (conflits armés, terrorismes, migrations, crises sanitaires), renforçant la dimension géopolitique de ce lieu banal et exceptionnel à la fois. Le demi-siècle écoulé doit enfin nous faire réfléchir à la place qu’occupent ces <a href="https://www.calameo.com/read/004309853100e9df78af2?authid=gMmtBLCKAwWd">infrastructures</a> dans nos devenirs écologiques.</p>
<p>Roissy est un <a href="https://shs.hal.science/halshs-00113275">paysage politique</a>, au sens où il porte une dimension fortement anthropique qui reformule des sols entiers, en même temps qu’il doit se défaire d’une emprise sur la terre dont nous ne sommes que les usufruitiers. <a href="https://www.babelio.com/livres/Merle-Madrapour/6256"><em>Madrapour</em></a>, <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-nuits-de-france-culture/les-iles-de-france-un-auteur-didier-daeninckx-un-roman-lumiere-noire-un-aeroport-roissy-en-france-1ere-diffusion-15-02-1988-1035023"><em>Lumière noire</em></a>, <a href="https://diaphana.fr/film/bird-people/"><em>Bird People</em></a>, <a href="https://www.ateliersmedicis.fr/le-reseau/projet/aeropolis-7570"><em>Aeropolis</em></a> : les multiples contre-regards produits par la littérature, le cinéma, la photographie n’ont cessé de repolitiser ces espaces et leurs usages, aujourd’hui plus que nécessaires pour mieux expliciter les aspirations d’un monde habitable.</p>
<p>La <a href="https://www.citedelarchitecture.fr/fr/agenda/exposition/paul-andreu-larchitecture-est-un-art">Cité de l’architecture et du patrimoine</a> consacre actuellement une rétrospective à l’œuvre architecturale de Paul Andreu, décédé en 2018. L’architecte de Roissy, pour qui l’aéroport devait incarner une expérience unique de l’espace du voyage, regrettait que la valeur du temps de transport soit trop souvent considérée comme faible, réduite à un « tunnel » que le « process » aéroportuaire a exacerbé. Si cette valeur (re) devenait positive, disait-il, alors nous pourrions décélérer et réconcilier les transports avec le paysage, la vie urbaine, l’écologie. Le demi-siècle de Roissy doit nous interroger sur la valeur de la <a href="https://books.openedition.org/pur/50876?lang=fr">vitesse</a>, celle des mobilités et des croissances, dont le coût environnemental est en question.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225109/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Roseau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si l’aéroport de Roissy a été construit dans une relative discrétion, son inauguration, il y a cinquante ans, a fait grand bruit et soulève des questions qui alimentent encore les débats aujourd’hui.Nathalie Roseau, Professeure d’urbanisme, École des Ponts ParisTech (ENPC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2099322023-10-11T17:22:54Z2023-10-11T17:22:54ZJumeaux numériques : comment ces avatars modifient la gestion des territoires<p>Les villes et les régions utilisent de plus en plus de données numériques pour améliorer la gestion de leur territoire. Par exemple, la <a href="https://dtcc.chalmers.se/virtual-gothenburg-the-citys-digital-twin/">ville de Gothenburg, en Suède, a créé son jumeau numérique</a> pour gérer les transports, l’eau et l’énergie. Le jumeau numérique est utilisé pour simuler différents scénarios et améliorer les infrastructures urbaines.</p>
<p>Les jumeaux numériques sont des représentations numériques de territoires donnés, créées à partir de données collectées en temps réel et traitées par des algorithmes. Ils participent à la transformation des modes de gestion des territoires en participant à accélérer la compréhension d’une situation et la prise de décision. Il s’agit de <a href="https://ecoter.org/wp-content/uploads/2020/02/Acte-Visio-Jumeau-nume%CC%81rique-octobre-2021.pdf">« copies » virtuelles et interactives d’espaces géographiques réels</a> qui intègrent des informations sur l’urbanisme, l’environnement, la gestion des services publics notamment – d’où le terme de « jumeaux ».</p>
<p>Cette pratique numérique s’étend aujourd’hui à des territoires plus petits qui se distinguent des villes par des approches plus participatives dès la conception. Le village de Cozzano en Corse, entouré de montagnes et de forêts, accueille 300 habitants et vise à devenir une zone à énergie positive grâce à l’utilisation de sources d’énergie renouvelables telles que la biomasse, l’hydroélectricité et le solaire. Un projet qui repose sur la création du <a href="https://smartvillage.universita.corsica"><em>smart village</em> de Cozzano</a>, « jumeau numérique » collectant les données sur l’environnement et les activités du village (agriculture, élevage, risques, etc.), permettant de les stocker, les analyser et surtout de prédire l’état des ressources (énergie, eau, déchets) afin d’en assurer une gestion efficace. Cet outil, lancé en 2017 et développé grâce à l’implication des habitants, qui agissent et visualisent des informations du village au travers d’interfaces sur un navigateur web et des réseaux sociaux, est devenu essentiel pour la transition énergétique du village et les interactions sociales.</p>
<h2>Mieux gérer les territoires sur le long terme</h2>
<p>Les jumeaux numériques sont très souvent mis à profit pour expérimenter divers scénarios et anticiper des situations.</p>
<p>En particulier, la gestion de la logistique urbaine est touchée par l’apport du numérique, à l’instar de la métropole de Rennes qui a conçu en collaboration avec Dassault Systèmes son jumeau numérique <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/a-rennes-dassault-systemes-experimente-sa-solution-virtuelle-d-urbanisme-numerique.N1823567">dans le but de mieux comprendre les flux de circulation urbaine, d’optimiser les infrastructures de transport et d’anticiper les répercussions des projets de construction</a>.</p>
<p>Dans le domaine du ramassage des déchets par tournée, un jumeau numérique permet de visualiser de manière détaillée les différentes zones de ramassage, leurs horaires, ainsi que les types de déchets collectés afin d’optimiser les itinéraires des camions de collecte, comme <a href="https://www.chatou.fr/Grands-Projets/Coeur-d-Europe/Ville-intelligente-Chatou-commune-pionniere">à Chatou par exemple</a>.</p>
<p>Enfin, le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/1573062X.2020.1771382?journalCode=nurw20">réseau de distribution d’eau de la métropole de Valence, en Espagne,</a> est désormais géré grâce à un des <a href="https://www.waterworld.com/water-utility-management/article/14178027/maximizing-efficiencies-with-digital-twins">rares jumeaux numériques de cette envergure au monde</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/realite-virtuelle-comment-lindustrie-nucleaire-se-modernise-172882">Réalité virtuelle : comment l’industrie nucléaire se modernise</a>
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<h2>Anticiper la gestion de crises</h2>
<p>Le jumeau numérique du territoire offre également la possibilité de réaliser des simulations en matière de gestion de crise et d’alerte, afin de préparer et planifier des réponses appropriées. Ainsi, les acteurs humains d’un territoire (citoyens, décideurs, élus, milieux associatifs, professionnels et pouvoirs publics) peuvent obtenir des informations rapidement pour prendre leurs décisions.</p>
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<p>Ainsi, des capteurs de la <a href="https://papers.phmsociety.org/index.php/phme/article/view/3300">qualité de l’air</a> peuvent nourrir de données un jumeau numérique, ce qui permet de prendre des mesures préventives, comme dans la Vallée des Gaves dans les Pyrénées.</p>
<p>La ville de Grenoble utilise un jumeau numérique pour <a href="https://theconversation.com/comment-les-villes-peuvent-faire-face-au-risque-dinondations-lexemple-de-grenoble-197815">gérer les risques d’inondation dans la plaine du Drac et de l’Isère</a>. Celui-ci peut simuler différents scénarios quant à l’étendue et la gravité de l’événement en fonction des conditions météorologiques, du relief, de la répartition du bâti, ce qui permet aux autorités locales de préparer des plans d’évacuation, de mettre en place des mesures de protection et d’informer les citoyens en temps réel des consignes de sécurité à suivre.</p>
<h2>Des jumeaux numériques à différentes échelles</h2>
<p>Les jumeaux numériques adoptent de plus en plus une approche intégrative à plusieurs échelles pour agréger les données territoriales, englobant ainsi tout le spectre, des foyers aux départements, en passant par les quartiers, les régions et jusqu’à l’échelon national.</p>
<p>Ainsi, le <a href="https://www.hinaura.fr/">jumeau numérique de la région Auvergne-Rhône-Alpes</a> est développé pour optimiser la gestion des secteurs agricole, touristique et énergétique tout en fournissant un outil d’évaluation politique. Il permet d’effectuer des simulations de divers scénarios, tels que le changement climatique ou les catastrophes naturelles, afin de renforcer la résilience des régions concernées en identifiant des actions prioritaires en termes de politiques publiques.</p>
<p>Cependant, un défi subsiste quant à l’<a href="https://www.mdpi.com/2673-3951/1/2/7">intégration et à l’interopérabilité des données</a>. Celles-ci nécessitent une approche à la fois globale et modulaire. En effet, certaines ressources sont propres aux communes (entretien des routes et des bâtiments publics, gestion des déchets, approvisionnement en eau potable), tandis que d’autres ressources sont partagées au niveau intercommunal (équipements culturels et sportifs, services de transport en commun), voire plus agrégées encore.</p>
<p>Imaginez que chaque ville ou village ait une version numérique d’elle-même, comme un avatar dans un jeu vidéo. Maintenant, imaginez que tous ces avatars puissent partager des informations. Au lieu d’avoir juste un avatar pour une ville, nous pourrions avoir un grand avatar pour une région entière ou même un pays. C’est comme assembler un puzzle où chaque pièce est un village, une ville ou une région.</p>
<h2>Partager les données tout en assurant le bon niveau de confidentialité</h2>
<p>Les données provenant du réel ou dérivées des simulations ont la capacité d’être partagées parmi les divers intervenants, incluant les citoyens, les municipalités et les entités intercommunales. Le jumeau numérique joue également un rôle crucial dans la coordination d’un <a href="https://ts2.space/fr/jumeaux-numeriques-et-interoperabilite-permettre-une-integration-transparente-des-systemes-urbains/">partage transparent et efficace des données</a>.</p>
<p>Cependant, <a href="https://www.village-justice.com/articles/jumeau-numerique-face-aux-enjeux-protection-des-donnees-personnelles,41441.html">certaines données utilisées par les jumeaux numériques sont potentiellement confidentielles (secret industriel, données sensibles en termes de sécurité d’approvisionnement en eau ou électricité)</a> et doivent faire l’objet de protections particulières des hébergeurs.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/hopital-les-jumeaux-numeriques-un-nouvel-outil-de-simulation-155344">Hôpital : les « jumeaux numériques », un nouvel outil de simulation</a>
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<p>Imaginez les jumeaux numériques comme des poupées russes, où chaque poupée, ou niveau, représente une dimension différente : un individu, une maison, un quartier, une ville, et ainsi de suite. Chaque poupée a ses propres informations, et lorsqu’elle s’intègre dans une poupée plus grande, elle ne partage que ce qui est nécessaire pour cette dimension plus large. Chaque élément est à la fois un tout et une partie d’un tout plus grand. Cette structure garantit que les informations sont partagées au bon niveau, protégeant ainsi la vie privée. Cependant, il est essentiel de maîtriser les échanges d’informations entre les différents niveaux.</p>
<h2>Une approche globale de transformation des services</h2>
<p>Le jumeau numérique d’un territoire, au-delà d’être un simple outil, propose en synthèse une approche globale de transformation des services à la population, qui nécessite l’engagement des parties prenantes et une gouvernance renouvelée. En effet, le succès du jumeau numérique dépend donc en premier lieu de la profondeur de la réflexion initiale sur les usages attendus.</p>
<p>Son efficacité repose de plus sur une collecte et une intégration minutieuses des données, et sur la garantie de leur confidentialité et de leur sécurité. Il est également crucial d’intégrer, lors du développement informatique du jumeau numérique, une capacité d’adaptation pour faire face à l’évolution et à la complexité croissante des systèmes simulés.</p>
<p>Si ces contraintes deviennent bien maîtrisées, il devient envisageable d’établir des jumeaux numériques interconnectés à l’échelle nationale, agrégeant les informations depuis les niveaux les plus détaillés, et répondant ainsi à l’ensemble des besoins en informations des diverses collectivités, qu’elles soient urbaines ou rurales. Un projet à l’échelle nationale est déjà en cours au <a href="https://www.tradeandinvest.lu/news/a-nation-wide-digital-twin/">Luxembourg, qui considère l’intégralité de son territoire comme un banc d’essai numérique</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209932/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>De l’échelle locale à l’échelle nationale, les jumeaux numériques visent à transformer la gestion des territoires, de plus en plus basée sur des données réelles et des modèles précis.Gregory Zacharewicz, Professeur de l'Institut Mines Telecom, IMT Mines Alès – Institut Mines-TélécomCedrick Beler, Maître de Conférences en Systèmes d'Information, École Nationale d'Ingénieurs de Tarbes (ENIT)Souad Rabah, enseignante chercheuse, IMT Mines Alès – Institut Mines-TélécomLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2144382023-10-01T15:44:58Z2023-10-01T15:44:58ZLes autoroutes françaises, du discours égalitaire aux réalités financières<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/550353/original/file-20230926-17-mv1ovh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=22%2C7%2C2560%2C1686&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le prix des péages a augmenté de plus de 20&nbsp;% depuis 2010.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Lionel Allorge / Wikimedia Commons</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Lors de son <a href="https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/dans-son-interview-emmanuel-macron-a-leve-le-voile-sur-sa-planification-ecologique-a-horizon-2030_223519.html">passage à la télévision</a> du 24 septembre 2023, le président de la République a pris soin de préciser que les Français étaient « attachés à la bagnole » et même qu’il l’« adore ». Il rejoint ainsi le président <a href="https://www.techno-science.net/definition/10057.html">Georges Pompidou</a> lorsqu’il évoquait l’autoroute en 1970 :</p>
<blockquote>
<p>« Elle a donné à l’homme la possibilité d’échapper aux transports en commun, de partir quand il le veut, et où il le veut. Elle lui a permis de retrouver la géographie de son pays et son histoire. »</p>
</blockquote>
<p>La cause semble entendue : la voiture libère le Français et l’<a href="https://theconversation.com/topics/autoroutes-57374">autoroute</a> lui permet de circuler à son aise. Pour que chacun puisse accéder aux grands axes, la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000531809">Loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire</a> de 1995 avait même affirmé un droit à l’autoroute (ou au TGV) : tout point du territoire doit se situer au maximum à 50 km ou à 45 minutes d’un échangeur autoroutier ou d’une gare TGV.</p>
<p>Le monde a changé depuis. L’État a abandonné des prérogatives régaliennes à des entreprises privées. Alors qu’il fabriquait de l’égalité territoriale et sociale, objet de nos <a href="https://www.cairn.info/revue-analyses-de-population-et-avenir-2022-5-page-1.htm">récents travaux</a>, et utilisait l’autoroute comme un outil de l’<a href="https://theconversation.com/topics/amenagement-du-territoire-21730">aménagement du territoire</a>, celle-ci est désormais aux mains des financiers. </p>
<p>L’État semble néanmoins aujourd’hui vouloir reprendre la main, même indirectement car ne pouvant pas modifier les contrats signés. En parallèle de la <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/09/25/l-a69-toulouse-castres-est-elle-justifiee-comprendre-le-debat-sur-ce-projet-d-autoroute_6178231_4355771.html">polémique sur l’A69</a> qui doit (ou non) relier Toulouse à Castres, une <a href="https://www.bfmtv.com/auto/autoroutes-le-ton-se-durcit-entre-les-concessionnaires-et-le-gouvernement_AV-202308250124.html">nouvelle taxe</a> en direction des concessionnaires est ainsi évoquée pour le budget 2024 afin de financer des investissements verts.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1693514740897566753"}"></div></p>
<h2>Qui faire payer ?</h2>
<p>Dans les années 1950-1960, le réseau autoroutier commence par reproduire l’étoile ferroviaire du XIX<sup>e</sup> siècle avec des voies rayonnantes depuis Paris. Ouvert en 1970, le boulevard périphérique parisien devient une sorte de rond-point à l’échelle de la France. On coupe volontiers à travers les villes, quitte à mêler le transit international et la circulation locale ; à Lyon, le maire Louis Pradel pense ainsi attirer les touristes grâce au tunnel de Fourvière.</p>
<p>Vers la fin des Trente Glorieuses, on entame un travail de couture entre les radiales, avec par exemple l’A36 entre Dijon et Mulhouse, et on maille les réseaux dans les grandes régions urbaines. Le schéma directeur de 1990 prévoit de nombreux désenclavements à travers les montagnes, les régions rurales et l’ouest atlantique en particulier, mais ce schéma sera bloqué. En 2008-2010, le Grenelle de l’Environnement estime que l’œuvre autoroutière est accomplie à l’exception des futures pénétrantes-contournantes (comme à Toulouse, Rouen, Dijon, Bordeaux, ou encore Strasbourg).</p>
<p>Pour la construction et l’entretien de ces autoroutes, faut-il néanmoins faire payer le contribuable ou l’usager ? Si c’est le contribuable, il y a une injustice puisque <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4277714?sommaire=4318291">15 % des ménages</a> ne possèdent pas de voiture, une donnée sensible pour les <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Th%C3%A9ma%20-%20Les%20voitures%20des%20m%C3%A9nages%20modeste%20-%20%20moins%20nombreuses%20mais%20plus%20anciennes_0.pdf">ménages les plus modestes</a> en particulier. Si c’est l’usager de l’autoroute qui paye (en moyenne, un peu plus de 10 centimes au km), le coût de son voyage s’alourdit, ce qui déporte les ménages modestes vers les autres routes, plus lentes et plus accidentogènes.</p>
<p>En 1950, la France ne compte que 2,3 millions de voitures ; en 1960, 6,4 millions. La congestion menace. La construction d’un réseau autoroutier s’impose. En 1952, le décret Pinay rend possible la construction d’autoroutes avec éventuellement des péages – prenant le contrepied du décret du 25 août 1792 assurant la gratuité des routes.</p>
<h2>De la logique publique à la privatisation</h2>
<p>La loi Chaban-Delmas de 1955 passe à l’acte : les concessionnaires doivent être majoritairement publics ; le montant des péages est fixé par l’État. Apparaissent les Semca, Sociétés d’économie mixte pour la construction des autoroutes. Usuellement, la Caisse des dépôts et des consignations (CDC) y est majoritaire ; elle s’associe avec des Conseils généraux et des Chambres de commerce et d’industrie (CCI).</p>
<p>C’est en 1969 que l’État autorise les sociétés privées. Les tarifs des péages sont libres les dix premières années puis encadrés (plus ou moins indexés sur l’inflation). En 1983, le ministre des Transports <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/profession-de-foi-pour-l-honneur-de-la-politique-charles-fiterman/9782020614894">Charles Fiterman</a> nationalise les autoroutes avec la société publique Autoroutes de France, effaré par le mode de fonctionnement du système :</p>
<blockquote>
<p>« Si la société concessionnaire était bénéficiaire, elle gardait son argent pour le distribuer à ses actionnaires. Si elle était déficitaire, c’est l’État qui comblait le déficit ».</p>
</blockquote>
<p>En 2002, le gouvernement Jospin réalise la première privatisation lorsque l’État vend ASF (Autoroutes du Sud de la France). Lorsque le gouvernement Raffarin lui succède, le débat atteint un point critique : pourquoi l’État se priverait-il de rentrées alors que la construction des autoroutes est pratiquement amortie ? Tout est finalement <a href="https://www.decitre.fr/livres/les-autoroutes-concedees-en-france-1955-2010-9782850093456.html">vendu</a> en 2005 par le gouvernement Villepin.</p>
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<p>En 2008, le rapport de la Cour des comptes dénonce une politique tarifaire « complexe », « opaque », « incohérente ». Il condamne la technique du « foisonnement » lorsqu’une hausse forte du tarif sur les tronçons les plus rentables, moindre ailleurs, peut faire croire que l’on respecte la hausse permise par l’État ; la Cour demande alors en vain une publicité des tarifs au kilomètre.</p>
<p>Ainsi, le pouvoir a changé de mains. Historiquement, il appartenait aux ingénieurs qui avaient tracé un réseau destiné à développer des « effets structurants » dans les différentes régions françaises. Depuis 2005, les gestionnaires semblent tourner vers la rentabilité. Un symbole ? Les panneaux du Grand Contournement ouest de Strasbourg <a href="https://www.tf1info.fr/regions/video-strasbourg-gco-ces-panneaux-accuses-de-tromper-les-automobilistes-2208722.html">accusés de désinformer les usagers</a> pour les pousser vers la section à péage.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/7hworprPc4Q?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Rentabilité ou égalité ?</h2>
<p>Parmi les points de crispations nés de ce système figurent les maillons transversaux car ils peinent à être rentables. Or, ceux-ci semblent essentiels à plusieurs titres : ils permettent d’arrimer la France aux grands flux européens qui ont leur propre géographie ; en tant qu’itinéraires de substitution, ils dédoublent souvent les grands axes et permettent de faire face à leur engorgement effectif ou annoncé ; ils apportent l’équité territoriale aux régions marginales en leur donnant une chance réelle de développement économique et social.</p>
<p>Prenons le cas de l’autoroute A65 Langon-Pau, ouverte en 2010 et concédée à A’liénor, une filiale d’Eiffage et de SANEF. À la demande des élus locaux, les études préliminaires commencent en 1993. Mais en 2003, l’Inspection des finances estime qu’il n’y a pas urgence à réaliser ce projet en raison du faible trafic attendu. A’liénor remporte néanmoins le marché pour 1,2 milliard d’euros et l’État accepte de reprendre la concession d’une durée de 60 ans en cas de faillite du concessionnaire.</p>
<p>Vient le Grenelle de l’Environnement, et il faut encore dépenser 120 millions pour les mesures de compensation des impacts, dont 187 ha d’aires de repos pour le vison et la loutre, 525 ha pour la chauve-souris, 216 ha pour le fadet des laîches (un papillon). Mais le trafic attendu n’est pas au rendez-vous ; A’liénor est déficitaire de 34 millions en 2011.</p>
<p>En 2019, le <a href="https://www.nouvelle-aquitaine.developpement-durable.gouv.fr/l-atlas-2019-des-donnees-de-trafics-routiers-a12342.html">trafic</a> n’y est que de 7145 voitures et 785 poids lourds par jour, des chiffres comparables à la RN 524 parallèle (où les poids lourds en transit sont interdits). Il est vrai que l’idée de départ était de construire une autoroute à travers les Pyrénées pour délester la région de Bayonne, une idée devenue absurde dès lors que la préservation de l’environnement est devenue la priorité.</p>
<p>Inscrite au fronton des bâtiments publics, l’égalité ne résiste pas aux logiques financières. Les péages ont <a href="https://www.quechoisir.org/actualite-peages-d-autoroute-hausse-spectaculaire-des-tarifs-en-2023-n104499/">augmenté de plus de 20 %</a> entre 2011 et 2023, dont 4,75 % pour la seule année 2023. En 2021, le profit par kilomètre d’autoroute concédé a été de <a href="https://www.largus.fr/actualite-automobile/societes-d-autoroutes-des-mega-profits-en-2021-430-000-e-par-km-30024926.html">430 000 euros</a>. Une remise à plat de l’action publique sera toutefois possible entre 2031 et 2036, lorsque la plupart des concessions arriveront à terme…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214438/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raymond Woessner ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La construction d’autoroutes, autrefois motivée par un souci d’inclusion territoriale, se trouve depuis deux décennies animée par des réflexions sur leur rentabilité.Raymond Woessner, Professeur honoraire de géographie, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2143342023-09-26T19:10:53Z2023-09-26T19:10:53ZEn finir avec la « France moche » : peut-on changer notre perception des zones commerciales ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/550201/original/file-20230926-25-1l1pk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5176%2C3872&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Héritage des trente glorieuses, les zones commerciales en périphérie des villes souffrent d'une mauvaise image. </span> <span class="attribution"><span class="source">Elodie Bitsindou</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Le 11 septembre 2023, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, et la ministre déléguée chargée des Petites et moyennes entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, Olivia Grégoire, ont annoncé un <a href="https://www.gouvernement.fr/upload/media/content/0001/07/2dc90efc2c1a0e97572bf027240fac63e4dc9d75.pdf">programme national de transformation des zones commerciales</a>.</p>
<p>Souvent situées en entrée de ville, ces zones demeurent des pôles de consommation majeurs. 72 % des dépenses des Français sont effectuées dans ces zones, a annoncé Bercy, un chiffre, semble-t-il, tiré d’une <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1283665">étude de l’Insee publiée en 2014</a>.</p>
<p>Face à la crise écologique, l’arrêt de la construction de nouvelles zones et l’adaptation de l’existant (<a href="https://www.gouvernement.fr/actualite/lancement-du-programme-de-transformation-des-zones-commerciales">1 500 zones commerciales couvrant cinq fois la taille de Paris</a> sont nécessaires. Mais si ces zones sont associées à un mode de vie jugé obsolète par les professionnels de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire, celui du règne de l’automobile et de la surconsommation, elles sont un héritage des Trente Glorieuses et abritent à ce titre une mémoire collective.</p>
<p>Un questionnement sur l’identité de ces lieux permettrait d’avancer sur certaines des difficultés auxquelles les projets devront faire face : création de valeur hors du secteur commercial, et nécessité de faire évoluer l’image de ces zones pour convaincre de se loger sur ce foncier hautement rentable, mais souffrant d’un mépris culturel.</p>
<h2>« La France moche » : un point de vue subjectif</h2>
<p>Depuis l’annonce du gouvernement, l’expression « France moche » a <a href="https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/a-quoi-bon-embellir-la-france-moche-20230920_RUJYQZAV6JANXNY7ZPXOIFXNWA/">refait son apparition dans le débat public</a>. Vue pour la première fois <a href="https://www.telerama.fr/monde/comment-la-france-est-devenue-moche,52457.php">dans les pages de Télérama en 2010</a>, la formule pointe les formes de l’étalement urbain : infrastructures routières, zones commerciales, lotissements.</p>
<p>Ses détracteurs y perçoivent laideur, banalité, ennui et mal-être. Leurs habitants sont perçus comme des exilés. Or, un tiers de la population réside aujourd’hui dans ces territoires, selon une mosaïque socio-économique et des mobilités résidentielles diverses. En outre, la <a href="https://www.eyrolles.com/BTP/Livre/la-ville-franchisee-9782903539757/">« ville franchisée » décrite par le sociologue David Mangin</a> en 2003 est une réalité qui concerne aujourd’hui aussi bien les périphéries que les villes historiques. <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/histoires-economiques/histoires-economiques-du-lundi-24-janvier-2022-8956659">L’abondance de la publicité</a> sous toutes ses formes dans les quartiers centraux de la capitale en constitue un parfait exemple.</p>
<p>À rebours de ce rejet, nombre d’auteurs nous invitent à considérer ces espaces sous un angle nouveau. En 2011, Éric Chauvier s’opposait à ces critiques en publiant l’essai <a href="https://www.editions-allia.com/fr/livre/489/contre-telerama"><em>Contre Télérama</em></a>. L’écrivaine Annie Ernaux, de son côté, a rendu compte de son expérience sensible des hypermarchés dans l’opus <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/regarde-les-lumieres-mon-amour-annie-ernaux/9782370210371"><em>Regarde les lumières mon amour</em></a>. Elle a depuis obtenu le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=zGdHgAvc-OA">prix Nobel de littérature</a>.</p>
<p>C’est par la médiation de l’art, nous apprend le <a href="https://editions.flammarion.com/nus-et-paysages/9782700734133">philosophe Alain Roger</a>, que nous pouvons apprécier un paysage. Les artistes, en particulier les photographes, nous ont offert quantité de matière pour apprendre à percevoir cette dimension des zones commerciales. Comme <a href="https://archive.org/details/RobertVenturiStevenIzenourDeniseScottBrownLearningFromLasVegasTheForgottenSymbol">Robert Venturi et Denise Scott Brown</a> prirent conscience des qualités visuelles et culturelles des boulevards commerciaux de Las Vegas, pouvons-nous aussi changer de regard sur les zones commerciales en périphérie des villes françaises ?</p>
<h2>Quand la production artistique rencontre l’aménagement du territoire</h2>
<p>L’intérêt des photographes français pour les espaces périurbains se manifeste pour la première fois à l’occasion de la <a href="https://missionphotodatar.anct.gouv.fr/accueil">Mission photographique de la DATAR</a> (Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale). Créée en 1963, la DATAR avait pour objectif de superviser la politique nationale d’aménagement du territoire. En 1984, Bernard Latarjet et François Hers lancent la Mission avec l’objectif de « représenter le paysage français des années 80 » et de recréer « une culture du paysage ».</p>
<p>Parmi les participants, des tendances se dégagent. Ils capturent la transformation des bords de mer, des zones rurales et provinciales ; témoignent des effets de l’urbanisation diffuse ; saisissent une ruralité perdue, ou du moins, irrémédiablement transformée ; explorent les infrastructures et les paysages en mouvement ; et montrent les hommes et les femmes qui investissent ces espaces.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550207/original/file-20230926-23-py161m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550207/original/file-20230926-23-py161m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550207/original/file-20230926-23-py161m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550207/original/file-20230926-23-py161m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550207/original/file-20230926-23-py161m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550207/original/file-20230926-23-py161m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550207/original/file-20230926-23-py161m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Série Espaces commerciaux, Midi.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Albert Giordan, Mission photographique de la Datar</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dévoilées au public pour la première fois à la fin de l’année 1985, les photographies de la DATAR furent <a href="https://www.ina.fr/recherche?q=Territoires+photographiques&espace=1&sort=pertinence&order=desc">largement diffusées dans les médias</a>. Cependant, l’opinion du philosophe Michel Guerrin selon laquelle <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1986/01/13/miracle-on-a-retrouve-des-paysages-en-france_2938819_1819218.html">« Miracle ! On a retrouvé des paysages en France ! »</a>, reste une exception. Le public de l’époque ne perçut pas tant une volonté de renouvellement des paysages que le témoignage de leur altération.</p>
<p>Ces images forment le récit d’une France subissant de profondes transformations : celui d’un territoire conquis par les flux de circulation et d’énergies ; où nature (jamais sauvage) habitat et industrie se superposent et s’entremêlent ; où le fonctionnalisme de l’État aménageur des Trente Glorieuses coexiste avec la prolifération de l’habitat individuel ; où l’espace public est peuplé d’images et de signes.</p>
<h2>Nouveaux récits</h2>
<p>Sur le modèle de la DATAR, des commandes photographiques et missions indépendantes – <a href="https://www.archive-arn.fr/">tels l’ARN, Atlas des régions naturelles</a> – montrent des portraits de paysages où la dimension sensible n’occulte jamais les réalités urbaines.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550208/original/file-20230926-19-w4cu54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550208/original/file-20230926-19-w4cu54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550208/original/file-20230926-19-w4cu54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550208/original/file-20230926-19-w4cu54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550208/original/file-20230926-19-w4cu54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550208/original/file-20230926-19-w4cu54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550208/original/file-20230926-19-w4cu54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Montchanin. Atlas des Région Naturelles (ARN).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nelly Monnier et Éric Tabuchi</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Initiée par le Forum vies mobiles (un institut de recherche sur la mobilité), <a href="https://www.citedesartsparis.net/fr/exposition-les-vies-quon-mene-cite-x-tendance-floue-x-forum-vies-mobiles">« Les vies qu’on mène »</a> cherche à capturer la diversité des modes de vie contemporains en France. Les séries photographiques sont des récits, suivant des individus de tous horizons, dans des territoires variés. Elles examinent notamment le rôle essentiel de l’automobile dans la vie quotidienne, principal moyen de déplacement, outil de travail ou objet de fierté, et exposent <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782367441627-les-vies-qu-on-mene-tendance-floue-nicolas-mathieu/">« notre dépendance aux énergies carbonées »</a>. Exposées à la Cité internationale des arts en 2022, ces images dialoguent avec les statistiques, soulignant qu’actuellement, 70 % des déplacements en France se font en voiture, et que 85 % des foyers étaient motorisés en 2018.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550209/original/file-20230926-29-w4cu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550209/original/file-20230926-29-w4cu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=748&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550209/original/file-20230926-29-w4cu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=748&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550209/original/file-20230926-29-w4cu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=748&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550209/original/file-20230926-29-w4cu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=940&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550209/original/file-20230926-29-w4cu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=940&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550209/original/file-20230926-29-w4cu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=940&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Série « Sur la piste des derniers hommes sauvages « , 2015.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Antoine Séguin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Une autre initiative indépendante, lancée en 2020, <a href="http://www.francesterritoireliquide.fr/">« France(s) territoire liquide »</a> se distingue par son ambition de reprendre le flambeau de la DATAR, tout en se libérant des contraintes de commande. Il s’agit d’explorer un territoire en mutation, dans ses différentes dimensions, matérielles comme émotionnelles. Loin d’être documentaire, cette mission privilégie la narration, en mettant en scène les habitants des zones périurbaines avec une puissance évocatrice saisissante.</p>
<h2>Une esthétique du contraste</h2>
<p>Il est difficile d’établir une liste exhaustive des photographes qui ont pris les périurbains comme sujets.</p>
<p>À l’image de Raymond Depardon, qui participa à la Mission DATAR en <a href="https://www.imageandnarrative.be/index.php/imagenarrative/article/view/203">capturant les effets de l’étalement urbain sur le monde rural</a>, puis publia son recueil <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-france-de-raymond-depardon-raymond-depardon/9782021009941"><em>La France de Raymond Depardon</em></a> près de vingt ans plus tard, les photographes se sont engagés dans une réflexion sur la <a href="https://editions.flammarion.com/la-france-peripherique/9782081312579">« France périphérique »</a>.</p>
<p>Leurs choix de sujets et de cadrage influencent notre perception de ces espaces. Leur regard n’est jamais neutre : ils sont animés par la nostalgie, le second degré, ou influencés par les représentations cinématographiques. Les zones commerciales y sont mises en narration et leurs qualités visuelles, riches de contrastes, sont sublimées par leur travail.</p>
<p><a href="https://www.galignani.fr/livre/9782916774008-hexagone-t-1-le-paysage-fabrique-jurgen-nefzger/">« Hexagone : le paysage fabriqué »</a> de Jurgen Nefzger montre des paysages périurbains dotés de points de repères et de monumentalité. Les chefs-d’œuvre de l’architecture post-moderne, structurent l’espace au même titre que les fameux pastiches d’architecture vernaculaire délivrés partout à l’identique par les chaînes de restauration.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550210/original/file-20230926-23-r93gm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550210/original/file-20230926-23-r93gm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550210/original/file-20230926-23-r93gm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550210/original/file-20230926-23-r93gm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550210/original/file-20230926-23-r93gm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550210/original/file-20230926-23-r93gm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550210/original/file-20230926-23-r93gm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Série Autoroute du soleil.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphaël Bourelly</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p><a href="http://www.julienrochephotography.com/gallery/paradise-lost/">« Paradise Lost »</a> de Julien Roche joue sur la répétition, tandis qu’avec <a href="https://antoineseguin.com/Sur-la-piste-des-derniers-hommes-sauvages">« Sur la piste des derniers hommes sauvages »</a>, Antoine Séguin s’appuie sur les différences d’échelles entre <em>l’Homo périurbanus</em> et son environnement.</p>
<p><a href="https://xavierlours.bigcartel.com/product/rodeo">« Rodéo 3 »</a> de Xavier Lours s’attarde sur la vie nocturne de <a href="https://www.revue-urbanites.fr/vu-rodeo/">Plan-de-Campagne</a>, créée en 1960 dans la périphérie de Marseille, la plus grande zone commerciale de France, dans le viseur des photographes depuis la mission DATAR.</p>
<p>Quant à la série <a href="http://www.raphaelbourelly.com/autoroute.html">« Autoroute du soleil »</a> de Raphaël Bourelly, elle met à l’honneur néons et jeux de lumière.</p>
<p>Signe de l’intérêt institutionnel pour les zones commerciales en tant que paysages, ces quatre projets photographiques ont été récompensés dans le cadre du concours <a href="https://www.urbanisme-puca.gouv.fr/IMG/pdf/puca-27042021allegecorrige.pdf">« Regards sur les zones d’activité économique »</a> sponsorisé <a href="https://www.urbanisme-puca.gouv.fr/">par le PUCA</a> (Plan Urbanisme Construction Architecture) – un service interministériel créé en 1998 afin de faire progresser les connaissances sur les territoires et les villes et éclairer l’action publique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550212/original/file-20230926-15-bm5p19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550212/original/file-20230926-15-bm5p19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550212/original/file-20230926-15-bm5p19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550212/original/file-20230926-15-bm5p19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550212/original/file-20230926-15-bm5p19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550212/original/file-20230926-15-bm5p19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550212/original/file-20230926-15-bm5p19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Série Hyperlife, 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stéphanie Lacombe</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La photographe Stéphanie Lacombe, de son côté, opère un changement d’échelle et de focale, en montrant moins les paysages des zones commerciales que l’appropriation dont elles font l’objet par les individus. Sa série <a href="https://lacombestephanie91e7.myportfolio.com/hyper-life">« Hyperlife »</a>, au nom évocateur – ces lieux que l’on qualifie de « France moche » sont aussi et surtout des lieux « hypervivants » – donne à voir les liens de sociabilité qui se jouent sur le parking de l’Intermarché de Saint-Erme (Hauts-de-France). Dans une intéressante subversion des fonctions, qui valorise différemment l’espace et le valide comme lieu de vie à part entière, le travail de la photographe a été exposé sur le parking en question.</p>
<p>À travers ce corpus, les zones commerciales ne sont plus simplement perçues comme des espaces fonctionnels ou des centres de consommation, mais se révèlent comme des lieux où se superposent des échelles, des lisières et des interstices. À partir de ces représentations, il est crucial de reconnaître et de préserver les pratiques préexistantes qui ne s’inscrivent pas dans une grille de lecture consumériste, plutôt que de les effacer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214334/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elodie Bitsindou ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment faire évoluer l’image des zones commerciales, qui souffrent d’une forme de mépris culturel ?Elodie Bitsindou, Doctorante en histoire de l'architecture contemporaine, Centre Chastel, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2037432023-07-19T13:08:30Z2023-07-19T13:08:30ZCent ans d’exploitation forestière au sein du Nitassinan de Pessamit<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/527843/original/file-20230523-23-facbrj.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C0%2C5168%2C3453&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Caribous forestiers de la harde du Pipmuacan. La pression de prédation et la perte d'habitats ont fortement contribué au déclin du caribou dans le sud du Nitassinan.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Stéphane Bourassa, Service canadien des forêts)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>« Nutshimit », l’intérieur des terres, est le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1178729/mot-prefere-innu-josephine-bacon">mot préféré de la poète innue Joséphine Bacon</a>, car il est intimement lié à l’identité innue. Nutshimit, là où se dépose l’âme innue, a permis de tisser les liens assurant la survie et l’épanouissement culturel et social de ce peuple au fil des millénaires. </p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><strong>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/foret-boreale-138017">Forêt boréale : mille secrets, mille dangers</a></strong></p>
<p><br><em>La Conversation vous propose une promenade au cœur de la forêt boréale. Nos experts se penchent sur les enjeux d’aménagement et de développement durable, les perturbations naturelles, l’écologie de la faune terrestre et des écosystèmes aquatiques, l’agriculture nordique et l’importance culturelle et économique de la forêt boréale pour les peuples autochtones. Nous vous souhaitons une agréable – et instructive – balade en forêt !</em></p>
<hr>
<p>Atik, le caribou forestier, constitue l’élément le plus important ayant facilité le développement de ces liens entre l’innu et le territoire. Malheureusement, l’intérieur des terres subit des transformations majeures depuis plusieurs années. </p>
<p>À un point tel que dans le sud du Nitassinan des Innus de Pessamit, sur la Côte-Nord, ce lien millénaire avec le territoire s’efface au gré des coupes forestières qui progressent inexorablement vers le nord. </p>
<p>En tant que chercheur, biologistes (dont un d’origine innue) et ingénieur forestier, nous sommes à l’interface des savoirs scientifiques et autochtones. L’environnement forestier se transforme sous l’action humaine et nous tentons de mieux en comprendre les manifestations afin de guider nos actions futures pour préserver l’ensemble des valeurs que représente la forêt, dont la culture innue. </p>
<h2>Le Nitassinan de Pessamit</h2>
<p>Le Nitassinan de Pessamit est un vaste territoire au sein de la forêt boréale de l’est du Québec. </p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/527846/original/file-20230523-17-1xn7rl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="carte géographique" src="https://images.theconversation.com/files/527846/original/file-20230523-17-1xn7rl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/527846/original/file-20230523-17-1xn7rl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1100&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/527846/original/file-20230523-17-1xn7rl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1100&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/527846/original/file-20230523-17-1xn7rl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1100&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/527846/original/file-20230523-17-1xn7rl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1382&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/527846/original/file-20230523-17-1xn7rl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1382&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/527846/original/file-20230523-17-1xn7rl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1382&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Limites du Nitassinan de Pessamit.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(David Gervais)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Ce territoire s’étend des berges du golfe du Saint-Laurent jusqu’aux confins du réservoir Caniapiscau. </p>
<p>On y retrouve trois domaines bioclimatiques (association végétale en équilibre avec le climat régional) : la sapinière à bouleau blanc dans la frange sud, la pessière à mousses au centre et la pessière à lichens au nord. </p>
<p>L’île René-Levasseur correspond approximativement à la limite nord de l’exploitation commerciale des forêts. Au nord de cette limite, les forêts ne sont généralement pas assez productives pour permettre de l’aménagement forestier. Les opérations forestières se concentrent donc dans la portion sud du Nitassinan, un territoire d’environ 60 000 km<sup>2</sup>, soit deux fois la superficie de la Belgique. </p>
<h2>Un paysage forestier en évolution</h2>
<p>Les feux de forêts et, dans une moindre mesure, les perturbations par les insectes ravageurs, contribuent à régénérer les forêts du Nitassinan. À cause du climat maritime et du relief accidenté, les feux, bien que présents, ne sont pas très <a href="https://cdnsciencepub.com/doi/10.1139/X07-201">fréquents</a> sur le territoire. Ceci permet le développement des forêts sur de très longues périodes en l’absence de perturbation.</p>
<p>Ainsi, le paysage précolonial du Nitassinan était fortement dominé par les vieilles forêts. On estime que plus de 70 % du territoire forestier était dominé par des forêts de plus de 100 ans, dont 50 % dépassaient 200 ans. On peut imaginer une matrice de vieilles forêts qui constituait la trame de fond du paysage forestier, à laquelle se superposaient des îlots de forêts plus jeunes résultant du passage du feu. </p>
<p>Depuis que la forêt a colonisé la Côte-Nord à la suite du retrait des glaciers, la proportion de vieilles forêts a varié dans le temps en fonction des fluctuations du climat, tout en demeurant la composante dominante du paysage. C’est dans ce type de paysage que la culture innue s’est épanouie.</p>
<h2>Des forêts vieilles, mais riches</h2>
<p>Contrairement à ce qui est souvent véhiculé dans le milieu forestier, les vieilles forêts en zone boréale ne sont pas des peuplements en déclin, en proie aux insectes et aux maladies. En réalité, l’absence de feu sur de très longues périodes permet aux forêts d’acquérir des caractéristiques qui sont absentes des forêts plus jeunes. Par exemple, les vieilles forêts possèdent typiquement une diversité dans la taille et l’âge des arbres. </p>
<p>Avec le passage du temps, ces forêts deviennent des réservoirs de bois mort et de carbone dans les sols. Plusieurs des espèces qu’on y retrouve sont souvent inféodées aux vieilles forêts, en étant associées à ces caractéristiques ou parce qu’elles nécessitent beaucoup de temps en l’absence de perturbation majeure avant de s’établir. </p>
<h2>La forêt se rajeunit du sud vers le nord</h2>
<p>Depuis le début des années 1970, le Québec procède périodiquement à un inventaire écoforestier afin d’obtenir les connaissances requises pour <a href="https://mffp.gouv.qc.ca/les-forets/inventaire-ecoforestier/">planifier un aménagement durable des forêts</a>). </p>
<p>Une partie des données est obtenue à l’aide de photographies aériennes de l’ensemble du territoire forestier du Québec méridional. Ces photos sont interprétées et les limites des peuplements forestiers sont tracées en tenant compte de plusieurs variables, dont la composition en espèces, la hauteur des arbres, la densité du couvert forestier, l’âge des forêts et les perturbations naturelles et anthropiques. </p>
<p>Ainsi, pour la portion méridionale du Nitassinan, nous avons documenté la progression des coupes et des feux de forêts afin d’en évaluer l’impact sur l’état de la forêt, dont principalement la disparition des vieilles forêts.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/527838/original/file-20230523-15-i7karo.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/527838/original/file-20230523-15-i7karo.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=776&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/527838/original/file-20230523-15-i7karo.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=776&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/527838/original/file-20230523-15-i7karo.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=776&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/527838/original/file-20230523-15-i7karo.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=976&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/527838/original/file-20230523-15-i7karo.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=976&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/527838/original/file-20230523-15-i7karo.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=976&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Progression des coupes et des feux de forêt dans la partie méridionnale du Nitassinan de Pessamit. (David Gervais), Fourni par l’auteur.</span>
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<p>Bien que la coupe n’engendre pas de déforestation, son impact sur les paysages forestiers résulte du taux de prélèvement et de l’ampleur spatiale des interventions, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10980-015-0220-6">qui excèdent les perturbations naturelles</a>. </p>
<p>Ainsi, un aménagement écosystémique, où <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1890/080088">l’empreinte des coupes sur la forêt s’inscrirait dans les limites de la variabilité imposée par les perturbations naturelles</a>, serait garant du maintien de la biodiversité et des pratiques culturelles autochtones. </p>
<h2>Le taux de coupe s’accélère</h2>
<p>Contrairement aux feux de forêt, la coupe vise exclusivement les peuplements forestiers matures, dont les vieilles forêts. </p>
<p>En comparant les données de l’inventaire forestier de la fin des années 1980 à celles de la période actuelle (2019), on constate le déclin des vieilles forêts au sud du 50<sup>e</sup> parallèle nord. Le début de l’exploitation forestière étant antérieur aux années 1980, on y constatait déjà une proportion réduite des vieilles forêts, comparativement au nord du 50<sup>e</sup> parallèle (21 % des forêts anciennes subsistent au sud du 50e parallèle nord, contre 57 % au nord).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/527839/original/file-20230523-15345-o3zyyd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/527839/original/file-20230523-15345-o3zyyd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/527839/original/file-20230523-15345-o3zyyd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/527839/original/file-20230523-15345-o3zyyd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/527839/original/file-20230523-15345-o3zyyd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=608&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/527839/original/file-20230523-15345-o3zyyd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=608&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/527839/original/file-20230523-15345-o3zyyd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=608&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Taille moyenne des îlots de forêts continus selon la classe d’âge. (David Gervais), Fourni par l’auteur.</span>
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<p>Bien que la coupe soit plus récente dans le nord, les grands massifs de vieilles forêts de plus de 1 000 km<sup>2</sup> occupent aujourd’hui à peine 20 % du paysage, alors qu’ils représentaient le double 30 ans auparavant. Ces grands massifs sont essentiels au maintien d’espèces vulnérables, comme le caribou forestier. </p>
<h2>Des conséquences dévastatrices</h2>
<p>Le déploiement des opérations forestières vers le nord, le taux de coupe qui s’est accéléré et qui s’additionne aux perturbations naturelles, ainsi que la fragmentation des massifs de vieilles ont des conséquences directes sur la biodiversité et les pratiques culturelles des Innus. </p>
<p>Par exemple, la progression constante de l’orignal et son prédateur principal, le loup, depuis les années 1990, est une répercussion directe des opérations forestières et du rajeunissement des forêts. Les conséquences de l’arrivée de l’orignal et du loup dans l’habitat du caribou forestier ont été dévastatrices pour ce dernier. La pression de prédation et la perte d’habitats ont fortement contribué au déclin du caribou dans le sud du Nitassinan. </p>
<p>L’effet a également été majeur pour la culture traditionnelle innue, étant donné le lien millénaire qu’ils entretiennent avec le caribou forestier. Depuis plus de quinze ans maintenant, les Innus de Pessamit ont cessé de chasser le caribou dans l’espoir de contribuer à son rétablissement. Ils investissent également dans la protection du territoire dans le but de protéger la harde de Pipmuacan.</p>
<p>Malgré les transformations majeures qu’a subit le Nitassinan depuis les dernières décennies, il est encore temps de préserver et restaurer le territoire, sa biodiversité, le caribou forestier et la culture innue, tout en conservant une activité économique qui sera cette fois, réellement durable. </p>
<p>C’est le pari que fait ce peuple millénaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203743/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Éclairage réaliste de l’aménagement forestier sur le Nitassinan de Pessamit, s’appuyant sur les données des inventaires forestiers du gouvernement du Québec.Louis De Grandpré, Chercheur en écologie forestière, Conseil des Innus de Pessamit et professeur associé, Université du Québec à Montréal (UQAM)David Gervais, Biologiste Forestier, Conseil des Innus de PessamitÉric Kanapé, Biologiste, Conseil des Innus de PessamitMarie-Hélène Rousseau, Ingénieure forestière, Conseil des Innus de PessamitLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2069112023-07-06T17:20:26Z2023-07-06T17:20:26ZNous sous-estimons les effets négatifs de la voiture sur la santé<p>Depuis le trajet court pour aller à la boulangerie jusqu’au départ en vacances en famille, en passant par les allers-retours au travail, les déplacements sont largement structurés par la voiture en France. </p>
<p>À la fois rapide, permettant des trajets porte-à-porte, confortable, ce mode de transport s’est imposé comme un véritable « couteau suisse » de la mobilité. Au point que la prédominance de la voiture a progressivement marginalisé les autres modes de transport, que ce soit la marche, le vélo, les transports en commun…</p>
<p>Cette situation de <a href="https://theconversation.com/pourquoi-remedier-a-la-dependance-automobile-est-devenu-necessaire-168902">dépendance à la voiture</a> est particulièrement présente en dehors du centre des plus grandes villes.</p>
<h2>La voiture en chiffres</h2>
<p>Actuellement, on estime que <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/resultats-detailles-de-lenquete-mobilite-des-personnes-de-2019">80 %</a> à <a href="https://www.unionroutiere.fr/faitetchiffre/faits-et-chiffres-2022/">85 % des ménages français</a> possèdent une voiture, tandis que 35 % en possèdent plusieurs.</p>
<p>La voiture est utilisée pour <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/resultats-detailles-de-lenquete-mobilite-des-personnes-de-2019">72 % des trajets domicile-travail</a>. Lors de ces déplacements, 9 conducteurs sur 10 sont seuls dans leur véhicule.</p>
<p>Enfin, tous trajets confondus, la voiture représente <a href="http://www.chair-energy-prosperity.org/publications/travail-de-these-decarboner-transports-dici-2050/">quasiment les deux tiers du nombre de trajets, des temps passés dans les transports ou des kilomètres parcourus par les Français</a>.</p>
<p>Cette dépendance à la voiture nous amène à minimiser ses conséquences, ou à chercher des solutions qui permettent de conserver le système automobile, par exemple la promotion de la voiture électrique, souvent présentée comme « propre » ou « 0 émission », ce qui permet d’éviter de remettre en cause la place de la voiture individuelle dans la mobilité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/fin-de-la-voiture-thermique-pourquoi-le-tout-electrique-na-rien-dune-solution-miracle-192264">Fin de la voiture thermique : pourquoi le tout-électrique n’a rien d’une solution miracle</a>
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<p>Mais cette minimisation touche aussi particulièrement les impacts sanitaires liés à l’usage de la voiture.</p>
<h2>La motonormativité, reflet de normes centrées sur l’automobile</h2>
<p>Pour désigner les biais culturels et inconscients qui façonnent notre vision des impacts de la voiture, les chercheurs en psychologie Ian Walker, Alan Tapp et Adrian Davis ont forgé le concept de <a href="https://psyarxiv.com/egnmj">motonormativité (ou <em>motonormativity</em> en anglais)</a>.</p>
<p>Ils font l’hypothèse qu’à force de considérer la voiture comme incontournable, ses impacts sur la santé sont minimisés. Pour tester cette hypothèse, ils ont interrogé plus de 2000 adultes vivant au Royaume-Uni. Ils leur ont soumis des affirmations liées à la voiture, et des équivalents en remplaçant les termes de « voiture » ou de « conduite » par un autre objet ou une autre activité.</p>
<p>Les chercheurs ont par exemple demandé aux personnes interrogées si elles étaient d’accord avec la proposition « Les gens ne devraient pas fumer dans les zones densément peuplées où d’autres personnes respirent leurs fumées de cigarette ». Résultat : 75 % d’entre elles acquiescent. En revanche, si l’on remplace « cigarette » par « voiture », l’affirmation devenant « Les gens ne devraient pas conduire dans les zones densément peuplées où d’autres personnes respirent leurs gaz d’échappement », seules 17 % des personnes interrogées sont en accord avec l’affirmation.</p>
<p>Les résultats révèlent donc parfois de fortes différences, qui démontrent une plus grande tolérance aux nuisances provenant de la voiture. Les deux phrases expriment une idée similaire, mais un double standard moral s’applique selon qu’il est question de la voiture, vue comme indispensable, ou de cigarettes où les nuisances seront moins tolérées par la population, car perçues comme non nécessaires.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/534626/original/file-20230628-19670-54yzr9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534626/original/file-20230628-19670-54yzr9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534626/original/file-20230628-19670-54yzr9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534626/original/file-20230628-19670-54yzr9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534626/original/file-20230628-19670-54yzr9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534626/original/file-20230628-19670-54yzr9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534626/original/file-20230628-19670-54yzr9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Perception des affirmations sur la voiture et la cigarette.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Walker et coll., 2023</span></span>
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<p>Cette préférence ne se limite pas à une dimension individuelle mais a des implications plus larges sur les politiques de mobilité, d’aménagement ou de santé.</p>
<p>À titre d’illustration, la publicité pour les cigarettes est interdite depuis 1991 et les paquets vendus sont assortis d’images et de messages particulièrement alarmants. À l’inverse, les publicités automobiles, qui mettent en scène (de manière parfois exagérée, avec des véhicules circulant sur des routes vides) les bénéfices des voitures ne font l’objet d’aucune régulation forte.</p>
<p>Elles ne sont notamment accompagnées d’aucun message explicite sur leurs impacts sanitaires pourtant très significatifs.</p>
<h2>Les impacts sur la santé de l’usage de la voiture</h2>
<p>La pollution de l’air engendrée par les voitures thermiques est le premier effet négatif de l’usage de la voiture qui vient à l’esprit. Elle ne représente cependant qu’un des effets sanitaires que les voitures provoquent sur la collectivité – ou, pour emprunter au langage économique, des « externalités négatives » de la voiture en matière de santé des populations.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pollution-de-lair-diviser-par-trois-la-mortalite-tout-en-etant-economiquement-rentable-cest-possible-182073">Pollution de l’air : diviser par trois la mortalité tout en étant économiquement rentable, c’est possible !</a>
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<p>Ainsi, les nuisances sonores engendrées par le trafic routier ont longtemps été sous-estimées. Elles ont pourtant des conséquences sanitaires non négligeables. L’Agence de la transition écologique (Ademe) a même récemment estimé que les <a href="https://librairie.ademe.fr/air-et-bruit/4815-cout-social-du-bruit-en-france.html">coûts sociaux attribuables aux nuisances sonores</a> (dont 55 % provient du trafic routier) seraient supérieurs à <a href="https://www.senat.fr/travaux-parlementaires/structures-temporaires/commissions-denquete/commissions-denquete/commission-denquete-sur-le-cout-economique-et-financier-de-la-pollution-de-lair.html">ceux attribuables à la pollution atmosphérique</a>.</p>
<p>La préférence donnée à la voiture pour les infrastructures de transports s’est également faite au détriment des modes de transports qui induisent une certaine activité physique : en priorité les modes dits actifs tels que la marche et le vélo, mais aussi indirectement les transports en commun qui nécessitent généralement de la marche durant le trajet. Ainsi le manque d’activité physique, <a href="https://www.anses.fr/fr/content/manque-d%E2%80%99activit%C3%A9-physique-et-exc%C3%A8s-de-s%C3%A9dentarit%C3%A9-une-priorit%C3%A9-de-sant%C3%A9-publique">très répandu dans la population française</a>, concerne également le domaine des transports.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/marche-velo-les-gains-sanitaires-et-economiques-du-developpement-des-transports-actifs-en-france-189487">Marche, vélo : les gains sanitaires et économiques du développement des transports actifs en France</a>
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<p>Des décennies d’aménagement du territoire dans le but de favoriser la voiture ont également eu pour conséquence une forte consommation d’espace, engendrant une artificialisation des sols, une perte de biodiversité ou encore un façonnage des paysages et de l’urbanisme au profit de la voiture.</p>
<p>Pour une ville comme Paris, il est estimé que <a href="https://www.transportshaker-wavestone.com/urban-transports-spatial-footprint-much-space-used-transports-city/">27 % de la surface est allouée aux transports</a>, dont plus de la moitié (57 %) pour la circulation et le stationnement des voitures. Cet espace a été alloué au détriment d’autres aménagements, que ce soit ceux favorables aux autres modes, aux interactions sociales mais aussi aux espaces verts, dont la <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanplh/article/PIIS2542-5196(19)30215-3/fulltext">proximité est associée à un risque réduit de décès</a>. Le rôle des espaces verts est aussi majeur dans l’<a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(22)02585-5/fulltext ?dgcid=raven_jbs_aip_emaileeee">atténuation des phénomènes d’îlots de chaleur urbaine</a>, qui deviennent plus fréquents et intenses avec le changement climatique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535916/original/file-20230705-30-nhdjdc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535916/original/file-20230705-30-nhdjdc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=866&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535916/original/file-20230705-30-nhdjdc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=866&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535916/original/file-20230705-30-nhdjdc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=866&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535916/original/file-20230705-30-nhdjdc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1088&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535916/original/file-20230705-30-nhdjdc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1088&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535916/original/file-20230705-30-nhdjdc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1088&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Réaménagement de rue favorable à la santé, à Amsterdam.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Thomas Schlijper, 2021 ; fil Twitter Stein Van Oosteren</span></span>
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<p>Enfin, l’accidentalité routière est toujours responsable de <a href="https://www.onisr.securite-routiere.gouv.fr/etat-de-linsecurite-routiere/bilans-annuels-de-la-securite-routiere/bilan-2022-de-la-securite-routiere">plus de 3 000 décès par an</a> en France métropolitaine, ainsi que de 240 000 blessés (dont 16 000 cas graves). Après de forts progrès depuis les années 70, la mortalité routière ne baisse plus depuis une décennie, et concerne à 70 % des accidents impliquant au moins une voiture.</p>
<h2>Un cocktail d’effets sur la santé</h2>
<p>Pollution de l’air, pollution sonore, consommation d’espace, inactivité physique ou encore accidentalité routière sont ainsi de multiples facettes des impacts sanitaires liés à l’usage des transports routiers, et en particulier de la voiture.</p>
<p>On peut encore ajouter à cela d’autres externalités négatives liées à la voiture. Il y a bien sûr <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/12/02/environnement-la-voiture-un-frein-aux-ambitions-climatiques-de-la-france_6104418_3244.html">l’impact sur le climat</a> (qui aura aussi des effets sur la santé), mais aussi les embouteillages ou encore l’effet de barrière que les grandes infrastructures routières constituent pour les modes actifs (attente ou détour nécessaire pour traverser un axe).</p>
<p>Certes, les autres modes de transport peuvent également générer des nuisances similaires, mais c’est bel et bien la voiture qui en concentre l’écrasante majorité : une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0739885922000713">étude récente à Munich</a> a ainsi montré que sur les externalités de l’ensemble des modes de déplacements, près de 80 % des coûts étaient liés aux voitures.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/536088/original/file-20230706-25-84jdec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536088/original/file-20230706-25-84jdec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=834&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536088/original/file-20230706-25-84jdec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=834&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536088/original/file-20230706-25-84jdec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=834&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536088/original/file-20230706-25-84jdec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1048&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536088/original/file-20230706-25-84jdec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1048&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536088/original/file-20230706-25-84jdec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1048&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Bénéfices des mobilités actives (marche et vélo).</span>
<span class="attribution"><span class="source">OMS/WHO, 2023</span></span>
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<p>Ce « système voiture » est à l’origine d’un cercle vicieux : un aménagement du territoire et des villes centré sur la voiture renforce sa consommation d’espace et marginalise les modes de déplacement actifs (marche et vélo), qui deviennent vulnérables à la dangerosité des voitures, décourageant ainsi ceux qui pourraient opter pour ces modes vertueux du point de vue de l’activité physique. Cette situation maintient en place le système automobile, avec les conséquences sus-mentionnées en matière de climat et de pollutions de l’air ou sonore.</p>
<h2>Adapter les politiques de mobilité, d’aménagement et de santé</h2>
<p>Les enjeux sanitaires liés à la voiture sont nombreux et au cœur d’interactions complexes. De nombreuses politiques publiques peuvent ainsi encourager à aller vers des mobilités moins impactantes pour la santé.</p>
<p>Une solution souvent envisagée en lien avec l’activité physique est celle de la prescription médicale à refaire du sport ou se mettre aux mobilités actives. Mais le rôle des politiques publiques ne peut se résumer à encourager des injonctions individuelles qui peuvent se révéler inopérantes si l’environnement et les aménagements ne le permettent pas.</p>
<p>En effet, en matière de mobilités actives, ce sont les politiques d’aménagement (du territoire, de la voirie, des infrastructures…) <a href="https://doi.org/10.1093/abm/kax043">qui créent la demande</a>.</p>
<p>Il s’agit donc avant tout d’un enjeu collectif : celui de réduire la place de la voiture dans nos villes et nos vies, de développer les mobilités actives, de transformer les usages de l’espace public, de réduire et contrôler les vitesses de circulation, d’encourager aussi les transports collectifs et les mobilités partagées (covoiturage, autopartage), des véhicules plus sobres ou encore le passage à l’électrique.</p>
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<img alt="Couverture de l’ouvrage _Voitures, fake or not ?_, Tana éditions" src="https://images.theconversation.com/files/536042/original/file-20230706-17-93pdm1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536042/original/file-20230706-17-93pdm1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=894&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536042/original/file-20230706-17-93pdm1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=894&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536042/original/file-20230706-17-93pdm1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=894&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536042/original/file-20230706-17-93pdm1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1124&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536042/original/file-20230706-17-93pdm1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1124&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536042/original/file-20230706-17-93pdm1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1124&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p>À ce sujet, dans le débat actuel concernant la décarbonation des transports, il faut souligner que la solution qui retient le plus d’attention, la voiture électrique, ne réduit que partiellement les impacts néfastes de l’automobile pour la santé publique. Si le passage à l’électrique permet de réduire la pollution de l’air et la pollution sonore (<a href="https://presse.ademe.fr/2022/04/plus-de-la-moitie-des-particules-fines-emises-par-les-vehicules-routiers-recents-ne-proviennent-plus-de-lechappement.html">sans non plus les supprimer</a>), il ne répondra pas aux impacts sanitaires liés au manque d’activité physique, à l’accidentalité ou à la consommation d’espace des voitures.</p>
<p>Le défi est vaste, mais heureusement, les leviers sont nombreux et alignés avec les préoccupations environnementales et de mobilités inclusives. Ils doivent tous être sollicités en même temps pour réduire significativement les impacts sévères et généralement sous-estimés de la voiture sur notre santé.</p>
<hr>
<p><em>Cet article s’appuie en partie sur le contenu de l’ouvrage <a href="https://www.lisez.com/livre-grand-format/voitures-fake-or-not-concilier-mobilite-et-neutralite-carbone-sans-fake-news-moteur-electrique-vs-moteur-thermique-transition-energetique-dependance-a-la-voiture-individuelle/9791030104806">« Voitures, fake or not ? »</a>, A. Bigo, I. Brokman, Tana éditions</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206911/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurélien Bigo est chercheur indépendant et associé à la chaire Energie et Prospérité.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Kévin Jean est membre bénévole du bureau de l'association Sciences Citoyennes.</span></em></p>La voiture est au centre de nos mobilités, ce qui limite l’usage des transports actifs, tels que la marche ou le vélo. Une situation dont les impacts sanitaires dépassent la seule pollution de l’air.Aurélien Bigo, Chercheur sur la transition énergétique des transports - chaire Énergie et Prospérité - Institut Louis Bachelier, École normale supérieure, Ensae ParisTech, École polytechniqueKévin Jean, Maître de conférences en épidémiologie, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1995452023-02-20T17:16:46Z2023-02-20T17:16:46ZDans les pays développés, des inégalités moindres mais plus localisées<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/508953/original/file-20230208-25-332kit.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1107%2C0%2C2874%2C1634&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Et si les mouvements contestataires, comme ici les « gilets jaunes » à Belfort, avaient plus à voir avec une logique de polarisation que d'inégalités entre régions ?</span> <span class="attribution"><span class="source">Thomas Bresson/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La construction et l’exploration d’ensembles de <a href="https://data.europa.eu/elearning/fr/module1/#/id/co-01">données de plus en plus vastes</a> qui couvrent désormais presque tous les pays du monde ont permis d’améliorer de manière significative la compréhension des inégalités. Des institutions telles que le <a href="https://www.imf.org/en/Publications/fandd/issues/2022/03/Global-inequalities-Stanley">Fonds monétaire international</a> ou encore l’<a href="https://www.oecd.org/social/inequality-and-poverty.htm">OCDE</a> produisent des rapports toujours plus complets sur la répartition des richesses dans le monde.</p>
<p>Ces études abordent très souvent les disparités <a href="https://wir2022.wid.world/www-site/uploads/2021/12/Summary_WorldInequalityReport2022_French.pdf">entre individus</a> ou entre États. Elles restent peut-être moins fréquentes à s’intéresser à l’<a href="https://theconversation.com/les-inegalites-de-developpement-economique-dans-lunion-europeenne-76637">échelon régional</a>. Or, c’est à ce niveau de focale que transparaît souvent la montée des populismes et de mouvements contestataires tels que les <a href="https://theconversation.com/les-gilets-jaunes-quest-ce-que-cest-108213">« gilets jaunes »</a> en France, le trumpisme aux États-Unis ou <a href="https://theconversation.com/en-espagne-podemos-se-prepare-a-lapres-pablo-iglesias-163598">Podemos</a> en Espagne, en particulier dans les <a href="https://theconversation.com/les-territoires-oublies-de-lelection-presidentielle-174817">« territoires oubliés »</a>. Dans ces derniers, on observe un déclin de l’offre de services publics, des difficultés à se développer économiquement, et un sentiment général d’avoir été abandonné par les politiques publiques.</p>
<p>Plus encore que les inégalités interpersonnelles, les inégalités régionales sont présumées avoir un ascendant sur les <a href="https://theconversation.com/elections-presidentielles-labstention-revelatrice-de-territoires-negliges-par-les-politiques-publiques-163520">résultats des élections</a>. Elles reposent sur des dotations inégales en termes de ressources matérielles (infrastructures, services publics) comme immatérielles (connaissances et innovation).</p>
<p>Elles restent pourtant souvent ignorées par les politiques publiques. La réforme de l’assurance chômage mise en place récemment par le gouvernement a ainsi pu être <a href="https://theconversation.com/la-reforme-de-lassurance-chomage-pourrait-creuser-les-inegalites-et-accelerer-la-polarisation-de-lemploi-195713">critiquée</a> dans la mesure où elle ne considérait pas les différences entre régions, ne faisant varier les paramètres des allocations que selon une moyenne nationale.</p>
<p>Notre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0143622822000091">étude</a> montre pourtant l’importance des dynamiques territoriales en amenant des éléments de compréhension nouveaux. Notre panel met notamment en évidence que, dans les pays développés, les inégalités régionales demeurent relativement faibles mais que la polarisation spatiale reste très marquée, tout l’inverse des pays en développement.</p>
<h2>Divergence/convergence ou centres/périphéries ?</h2>
<p>Dans la sphère académique, deux oppositions semblent schématiquement se distinguer : entre logiques de convergence ou de divergence ; entre polarisation territoriale et développement autonome des régions.</p>
<p>Un premier courant propose une approche en termes de <a href="https://hal.science/hal-02424898/document">convergence</a> dans la lignée du « Nobel » Simon Kuznets : les premiers stades de développement d’une économie vont être caractérisés par de fortes inégalités régionales mais ces dernières finissent par diminuer lorsque la nation atteint un certain seuil de développement. Le capital se déplace rationnellement, selon l’approche néoclassique, vers des régions moins développées, où les salaires sont plus bas et le foncier moins cher. La mobilité et la diffusion des facteurs tendent à égaliser les différences régionales sur le long terme.</p>
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<p>L’autre courant, héritier, lui, d’une perspective néomarxiste, suppose que le mouvement s’oriente plus spontanément vers des <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-avenir-2017-1-page-17.htm">divergences</a>, condition préalable à l’accumulation de capital dans les régions riches.</p>
<p>Perpendiculairement, on recense également des approches que l’on peut qualifier de « structuralistes » qui articulent leur raisonnement sur des inégalités nées de systèmes de type <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/centres-et-peripheries-en-europe-de-leurope">centre-périphérie</a>. Le niveau de développement d’une région y dépend des relations qu’elle développe avec le reste des régions. Viennent à l’opposé des approches « régionalistes » considérant que les régions disposent par elles-mêmes des <a href="https://journals.openedition.org/geocarrefour/15572?lang=fr">ressources nécessaires</a> pour projeter et suivre la voie de développement qu’elles ont choisie.</p>
<p>Au milieu de ce panorama académique, notre étude articule différentes perspectives.</p>
<h2>Polarisation et trappes de développement</h2>
<p>Nos travaux sur les pays de l’OCDE entre 2000 et 2018 confirment bien que les inégalités régionales restent en moyenne plus faibles dans les pays développés que dans les pays en développement. Nous montrons néanmoins que, lorsque l’on analyse la concentration géographique de la richesse, une polarisation reste plus marquée dans les pays très industrialisés.</p>
<p>Pour appréhender les inégalités, nous avons considéré le coefficient de Gini, un indicateur qui compare la répartition des revenus à une répartition parfaitement équitable. Il s’approche de 1 dans la situation la plus inéquitable (un individu a tout et les autres n’ont rien), et de 0 quand chacun dispose des mêmes ressources.</p>
<p>La mesure de la polarisation géographique repose sur des indicateurs moins connus par le grand public mais très utilisés chez les économistes et géographes. Il s’agit de mesurer la concentration spatiale d’un indicateur donné, de voir si les données sont dispersées dans l’espace ou au contraire concentrées dans un ou quelques lieux. La méthode, développée par le statisticien australien Patrick Moran, conduit à calculer un score que varie entre -1 pour une dispersion parfaite, à 1 pour une polarisation totale.</p>
<p><iframe id="HI7vj" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/HI7vj/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Lorsque l’on se place dans une perspective dynamique, on observe par ailleurs que la polarisation spatiale de la richesse régionale n’obéit pas nécessairement aux mêmes trajectoires que les inégalités régionales. La Belgique et le Mexique ont par exemple suivi des trajectoires perpendiculaires ces dernières années. Le niveau des inégalités est resté au même niveau en Belgique mais la polarisation s’est accrue. Quant au Mexique, le niveau de polarisation n’a pas évolué quand les inégalités se sont quelque peu résorbées. Autres cas, la Russie a vu ces deux paramètres s’accroître, les Pays-Bas diminuer.</p>
<p><iframe id="rwskl" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/rwskl/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le constat nous conduit à émettre l’hypothèse que c’est la polarisation géographique, et pas seulement la différence entre les régions les plus pauvres et les plus riches, qui cause du tort aux trajectoires de développement régional. Le regroupement géographique peut conduire à quelque chose de similaire au manque de mobilité sociale des familles pauvres qui sont regroupées spatialement dans les mêmes quartiers pauvres. C’est s’enfermer dans des trappes de développement, auxquelles seules des politiques véritablement territorialisées peuvent répondre pour accroître la cohésion territoriale et construire un monde plus équitable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199545/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sebastien Bourdin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si les inégalités entre les régions tendent à diminuer, les inégalités au sein même d'une même zone semblent se creuser.Sebastien Bourdin, Enseignant-chercheur en géographie-économie, Laboratoire Métis, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1985352023-02-08T19:50:30Z2023-02-08T19:50:30ZPrendre en compte la « géodiversité » pour mieux gérer nos territoires<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/506481/original/file-20230125-20-fwa05m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Grand Prismatic Spring vu du ciel, dans le parc national de Yellowstone (USA) : une source d’eau chaude à l’origine d’une géodiversité extraordinaire.</span> <span class="attribution"><span class="source">https://fullsuitcase.com/grand-prismatic-spring-yellowstone/</span></span></figcaption></figure><p>Le 6 octobre 2022 a été commémorée, sous l’égide de l’Unesco, la <a href="https://www.geodiversityday.org/">Journée internationale de la géodiversité</a>. Un événement resté peu médiatisé malgré sa portée mondiale, et relayé en France par de rares initiatives locales. Que cache ce terme encore méconnu du grand public ?</p>
<p>Apparu pour la première fois en 1993, ce concept est directement inspiré du mot « biodiversité », popularisé un an plus tôt lors du Sommet de la Terre de Rio.</p>
<p>La géodiversité représente en quelque sorte le <a href="http://francois.betard.free.fr/Volume_1_HDR_Betard.pdf">pendant abiotique ou non vivant de la biodiversité</a>. La <a href="https://doi.org/10.1016/j.pgeola.2013.01.003">définition la plus répandue de ce concept</a> fait référence à la variabilité naturelle du monde non vivant dans ses composantes géologiques (roches, minéraux, fossiles), géomorphologiques (relief, processus physiques), pédologiques (sols et milieux d’interface) et hydrologiques (eaux de surface et souterraines), ainsi que leurs structures, assemblages et contributions à la formation des paysages dans une zone donnée.</p>
<p>La géodiversité se décline ainsi en plusieurs composantes qui vont du sous-sol au sol, milieu d’interface entre le vivant et le non-vivant. À l’instar de la <a href="https://theconversation.com/quelle-est-la-pire-des-menaces-qui-pese-sur-la-biodiversite-184887">biodiversité</a>, la géodiversité est soumise à <a href="https://doi.org/10.1007/s00267-019-01168-5">différentes pressions et menaces</a> tout en étant le support de nombreuses activités et aménagements humains.</p>
<h2>Un impensé de la protection de la nature</h2>
<p>Les actions de protection de la nature et d’aménagement durable des territoires négligent pourtant les composantes non vivantes qui, elles aussi, font partie intégrante des écosystèmes. Or, ces roches, reliefs, sols ou eaux sont le support essentiel de la <a href="https://theconversation.com/comment-avoir-envie-de-preserver-une-nature-dont-on-seloigne-de-plus-en-plus-198007">biodiversité</a> et contribuent à répondre aux besoins des sociétés humaines.</p>
<p>Malgré son importance, la géodiversité occupe une faible place dans les préoccupations environnementales et les agendas politiques de nombreux pays, y compris en France. Les termes d’« environnement », de « biodiversité », d’« écologie » sont les seuls qui reviennent constamment dans les discours et les esprits des élus, des aménageurs, du grand public et de tous les acteurs impliqués dans les processus de planification territoriale.</p>
<p>Les changements globaux que nous vivons ont des répercussions à différentes échelles, qui se traduisent par de nouvelles réflexions sur une meilleure allocation et une meilleure gestion des espaces. Mais pouvons-nous aménager durablement nos territoires sans avoir une vision globale de ce qu’est un écosystème, dans sa dimension vivante… et non vivante ?</p>
<hr>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Pour suivre au plus près les questions environnementales, retrouvez chaque jeudi notre newsletter thématique « Ici la Terre ». Au programme, un mini-dossier, une sélection de nos articles les plus récents, des extraits d’ouvrages et des contenus en provenance de notre réseau international. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-environnement-150/">Abonnez-vous dès aujourd’hui</a>.</em></p>
<hr>
<h2>Le non-vivant aussi nous rend service</h2>
<p>Si la géodiversité possède en soi une valeur intrinsèque pouvant justifier sa conservation au même titre que la biodiversité, on a plus récemment commencé à s’intéresser aux services que la géodiversité peut rendre à la société. Ainsi, de <a href="https://www.raincoast.org/library/wp-content/uploads/2012/07/Daily_1997_Natures-services-chapter-1.pdf">nombreux scientifiques</a> ont proposé de décliner à la géodiversité le concept de <a href="https://theconversation.com/champs-cultives-et-prairies-artificielles-quand-la-nature-ordinaire-nous-rend-service-172330">« services écosystémiques »</a>, définis comme les services que la nature rend aux sociétés humaines <a href="https://www.nature.com/articles/387253a0">pour répondre à leurs besoins et bien-être</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/506345/original/file-20230125-20-o5ofi4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506345/original/file-20230125-20-o5ofi4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506345/original/file-20230125-20-o5ofi4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506345/original/file-20230125-20-o5ofi4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506345/original/file-20230125-20-o5ofi4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506345/original/file-20230125-20-o5ofi4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506345/original/file-20230125-20-o5ofi4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le volcan Gunung Bisma vu du ciel, sur l’île de Java (Indonésie) : les sols fertiles qui entourent le volcan sont occupés par un dense parcellaire agricole.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Google Maps, 2022</span></span>
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<p>Ce sont les <a href="https://doi.org/10.1016/j.pgeola.2013.01.003">« services écosystémiques abiotiques »</a> ou <a href="https://doi.org/10.1017/S0376892911000117">« services géosystémiques »</a>, en soulignant l’importance que la géodiversité peut avoir non seulement d’un point de vue culturel, mais également comme fonction de support (développement des sols, support d’habitats naturels), d’approvisionnement (d’eau, de nourriture, de matières premières) et de régulation des cycles naturels (régulation du climat, des cycles des éléments nutritifs, contrôle de l’érosion, de la qualité des eaux).</p>
<p>Prenons l’exemple des montagnes andines et leur rôle dans l’approvisionnement de matières premières ou dans la régulation du climat sud-américain en faisant barrage aux flux provenant du Pacifique. Citons également la contribution des volcans à la formation de sols très fertiles propices à l’agriculture.</p>
<p>Ou encore les roches calcaires faisant office d’aquifères utilisés pour l’approvisionnement d’eau potable et non potable. La ville de Rome, alimentée par l’eau phréatique de la chaîne calcaire des Apennins, en est l’exemple parfait. Enfin, certains reliefs ou formations rocheuses sont imprégnés de valeurs culturelles ou spirituelles. C’est le cas du mont Uluru en Australie, un lieu sacré lié au peuple aborigène Pitjantjatjaras.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/506346/original/file-20230125-18-94wnc3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506346/original/file-20230125-18-94wnc3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506346/original/file-20230125-18-94wnc3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506346/original/file-20230125-18-94wnc3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506346/original/file-20230125-18-94wnc3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506346/original/file-20230125-18-94wnc3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506346/original/file-20230125-18-94wnc3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le Mont Uluru vu du ciel (Australie) : un objet de géodiversité à forte valeur culturelle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Google Earth, 2019</span></span>
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<h2>Un regard partiel toujours trompeur</h2>
<p>La géodiversité est cruciale dans le fonctionnement d’un système écologique et sa contribution à satisfaire les besoins physiologiques, sociaux, économiques et culturels de nos sociétés. Il apparaît ainsi essentiel que la géodiversité soit prise en considération au même titre que la biodiversité dans les démarches de gestion environnementale et d’aménagement territorial.</p>
<p>Le concept de géodiversité doit surtout aujourd’hui être étendu à des perspectives qui ne se limitent pas à la conservation, mais qui regardent une réalité qui, avec des changements démographiques et les besoins (alimentaires, industriels, infrastructurels) qui en découlent, peut également impliquer la transformation voire l’exploitation ou la destruction de ces ressources.</p>
<p>Aménager ne signifie pas toujours conserver mais cela requiert une concertation constante entre différents acteurs quant à l’usage, l’allocation et la destination des espaces et des ressources par rapport à une pluralité d’intérêts, souvent contrastants.</p>
<p>Il ne suffit pas de quantifier et d’exprimer en termes d’abondance ou de richesse la géodiversité. Sa dimension fonctionnelle, <a href="https://doi.org/10.1007/s12371-022-00716-6">que nous appelons ici « géofonctionnalité »</a>, doit être prise en compte dans une perspective de gestion environnementale et territorialisée des ressources.</p>
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<img alt="Vue aérienne" src="https://images.theconversation.com/files/509225/original/file-20230209-28-e938ua.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509225/original/file-20230209-28-e938ua.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509225/original/file-20230209-28-e938ua.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509225/original/file-20230209-28-e938ua.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509225/original/file-20230209-28-e938ua.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=408&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509225/original/file-20230209-28-e938ua.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=408&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509225/original/file-20230209-28-e938ua.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=408&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">D’après les connaissances actuelles, les zones à plus forte geodiversité en Guyane, semblent correspondre aux zones riches en or, exploitées légalement et illégalement. Néanmoins, l’exploitation illégale d’or, représente à la fois une menace socioéconomique et environnementale majeure en Guyane mais aussi un phénomène social qui parfois se développe parmi des petites communautés locales.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Environmental justice atlas</span></span>
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<p>Le constat est valable en France métropolitaine mais également dans ses territoires d’outre-mer, qui présentent des contextes socio-économiques et écologiques très variés, avec des dynamiques de développement, d’urbanisation et de gestion des espaces qui demandent impérativement la mise en place de démarches d’aménagement durable adaptées aux réalités locales.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/506348/original/file-20230125-7959-w7g9sc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="carte légendée de la guyane" src="https://images.theconversation.com/files/506348/original/file-20230125-7959-w7g9sc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506348/original/file-20230125-7959-w7g9sc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=687&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506348/original/file-20230125-7959-w7g9sc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=687&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506348/original/file-20230125-7959-w7g9sc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=687&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506348/original/file-20230125-7959-w7g9sc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=864&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506348/original/file-20230125-7959-w7g9sc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=864&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506348/original/file-20230125-7959-w7g9sc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=864&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Première évaluation quantitative et cartographiée de la géodiversité guyanaise.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://doi.org/10.1007/s12371-022-00716-6">Scammacca et coll., 2022</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>À titre d’exemple, la Guyane est la deuxième région de France par taux de croissance démographique tout en ayant plus de 90 % de son territoire couvert par la forêt amazonienne. Une biodiversité et une géodiversité sous-jacente incroyables habitent ce territoire et une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12371-022-00716-6">étude vient d’être réalisée</a> portant sur la première évaluation de la géodiversité guyanaise.</p>
<p>Des espaces, que ce soit de façon réglementée ou informelle et spontanée, seront inévitablement occupés et utilisés pour répondre à des besoins variés (habitations, industrie, agriculture, extraction minière). Le meilleur choix du décideur pourrait être d’agir sur le « comment »… pour éviter les erreurs du passé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198535/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Méconnue, la géodiversité concerne les composantes non-vivantes des écosystèmes, souvent négligées par les politiques d’aménagement et de préservation de la nature.Ottone Scammacca, Docteur en Géosciences, Institut de recherche pour le développement (IRD)François Bétard, Maître de conférences HDR en géographie, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1886192022-08-11T17:39:05Z2022-08-11T17:39:05ZL’urbanisation anarchique, facteur aggravant des incendies dans les Landes<p>Si la sécheresse et la chaleur exceptionnelles que connaît la France cet été sont l’élément déclencheur des grands incendies toujours en cours dans le massif des Landes de Gascogne, le drame prend aussi sa source dans les tendances lourdes de la démographie et les lacunes de l’aménagement du territoire.</p>
<p>Cet épisode met en évidence les limites d’une gestion du risque principalement réactive, fondée sur la réponse rapide et massive aux départs d’incendie.</p>
<p>En effet, la stratégie de lutte contre les incendies de forêts repose actuellement sur deux piliers complémentaires : l’aménagement forestier et la lutte contre les feux déclarés. La doctrine en vigueur mise sur la surveillance des forêts et l’intervention la plus rapide possible des secours sur les feux naissants par des moyens terrestres et aériens. Cette stratégie est rendue possible par l’aménagement des massifs forestiers pour créer des accès, des points d’eau, etc. Dans le massif landais, le dispositif de défense contre l’incendie (DFCI) permettant ces aménagements a été mis en place à la suite des grands incendies de la <a href="https://www.dfci-aquitaine.fr/qui-sommes-nous/presentation">décennie 1940</a>. La DFCI est financée pour partie par les propriétaires forestiers et fonctionne largement grâce à leur participation.</p>
<p>Cette organisation basée sur la complémentarité forestiers – pompiers, modernisée au fil du temps, s’est avérée particulièrement efficace en éteignant très rapidement la plupart des incendies et en <a href="https://observatoire-risques-nouvelle-aquitaine.fr/feux-de-foret/risques-nouvelle-aquitaine-des-indicateurs-de-frequence-et-de-superficie-des-feux-de-foret-accessibles-a-tous/">limitant les superficies brûlées</a> malgré un nombre important de départs de feu. Mais ce système, bien adapté au contexte d’un massif forestier exploité de façon intensive et d’une région rurale peu densément peuplée, se trouve aujourd’hui mis en échec par le changement climatique et l’urbanisation.</p>
<h2>80 % des incendies se déclenchent à moins de 50 mètres des habitations</h2>
<p>L’augmentation des températures et la plus grande fréquence des épisodes caniculaires sont sans conteste à l’origine d’une aggravation du risque d’incendie. Moins médiatisées mais tout aussi importantes, l’urbanisation et l’attractivité de la région depuis une cinquantaine d’années (notamment du littoral et de la <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5760981#titre-bloc-7">Gironde</a>), contribuent elles aussi à une aggravation graduelle du risque. D’abord en générant davantage d’activités sources d’incendies dans ou à proximité des forêts : barbecues mal éteints, feux de chantiers de BTP, mégots jetés en bord de route… Rappelons que <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/prevention-des-feux-foret">près de 95 % des causes sont humaines</a> et qu’en France, 80 % des incendies se déclenchent à moins de 50 mètres des habitations.</p>
<p>Dans le même temps, l’urbanisation dans les zones à risque signifie aussi mécaniquement l’augmentation des victimes et des dégâts potentiels, surtout lorsque cette urbanisation se fait sous forme de prolifération anarchique au contact de la forêt : en Nouvelle Aquitaine un habitant sur deux vit dans une zone peu dense et, selon l’<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4270175">Insee</a> ce sont ces zones qui connaissent la plus forte croissance démographique. L’urbanisation s’est étalée autour des bourgs, dans des hameaux isolés, le long des voies de communication et génère la multiplication des zones de contact entre habitat et forêt.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/478761/original/file-20220811-21-2nuikr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/478761/original/file-20220811-21-2nuikr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/478761/original/file-20220811-21-2nuikr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/478761/original/file-20220811-21-2nuikr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/478761/original/file-20220811-21-2nuikr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/478761/original/file-20220811-21-2nuikr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=611&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/478761/original/file-20220811-21-2nuikr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=611&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/478761/original/file-20220811-21-2nuikr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=611&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Vue aérienne de l’étalement urbain à Landiras (Gironde).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Géoportail</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les incendies actuels montrent à quel point cette urbanisation complique le travail des secours face à un incendie de grande ampleur. La présence de nombreux quartiers et hameaux éparpillés contraint les secours à gérer la mise en sécurité de milliers de personnes et les oblige à disperser leurs moyens pour protéger les maisons dans une logique défensive, au détriment d’une stratégie offensive permettant de maîtriser plus rapidement la progression du feu.</p>
<p>Pire encore, les secours ne peuvent pas toujours intervenir à temps. L’exemple de l’incendie qui, en 2018, a fait 85 morts dans la petite ville de Paradise en Californie, l’illustre de façon dramatique : l’avancée rapide du feu, démarré aux environs de 6 heures du matin, a pris la <a href="https://hazards.colorado.edu/quick-response-report/collective-action-in-communities-exposed-to-recurring-hazards">population et les autorités par surprise</a> et n’a pas laissé le temps d’évacuer, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=96Aw-mGxrzA">piégeant de nombreux habitants</a> dans leur maison ou leur voiture.</p>
<p><em>[Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>.]</em></p>
<h2>Une efficacité de la lutte contre les feux victime de son succès apparent</h2>
<p>Dans ce contexte, la gestion des incendies telle que mise en place jusqu’à présent dans le massif landais, présente plusieurs défauts. Le premier est de s’attaquer principalement aux symptômes et de ne s’attaquer que marginalement à la source du problème. Pourtant la litanie des incendies de l’été en France offre une bonne vision de la diversité des causes humaines d’incendies : déséquilibré pyromane, panne d’un véhicule, braises échappées d’un camion pizza, étincelles au passage d’un train, travaux en forêt, feu d’artifice, jet de mégot, etc.</p>
<p>Une action plus efficace sur ces sources de départ de feu supposerait la remise en cause de certaines activités, des changements de pratiques individuels et collectifs, plus de sensibilisation, des contrôles, etc. Or dans ce domaine, l’efficacité de la lutte contre les feux déclarés constatée jusqu’à présent s’est finalement avérée contre-productive et a alimenté une <a href="https://www.researchgate.net/publication/254734365_The_Dragons_of_Inaction_Psychological_Barriers_That_Limit_Climate_Change_Mitigation_and_Adaptation">forme de déni</a> face aux alertes sur l’aggravation des risques.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/478768/original/file-20220811-21-w78fq6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Maisons en forêt à la Teste de Buch, vue prise depuis la dune du Pilat (Gironde)" src="https://images.theconversation.com/files/478768/original/file-20220811-21-w78fq6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/478768/original/file-20220811-21-w78fq6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/478768/original/file-20220811-21-w78fq6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/478768/original/file-20220811-21-w78fq6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/478768/original/file-20220811-21-w78fq6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/478768/original/file-20220811-21-w78fq6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/478768/original/file-20220811-21-w78fq6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Maisons en forêt à la Teste de Buch, vue prise depuis la dune du Pilat (Gironde).</span>
<span class="attribution"><span class="source">C. Bouisset, 2017</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Nos <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=-0w_EAAAQBAJ">enquêtes auprès d’habitants et d’élus locaux</a> dans le massif landais ont ainsi montré que beaucoup considéraient le problème des incendies comme bien maîtrisé : plus le dispositif réduisait les surfaces brûlées plus le risque était invisibilisé et moins il paraissait inquiétant.</p>
<p>Or, le deuxième défaut du dispositif qui rejoint le premier, est son coût croissant, non seulement pour les propriétaires forestiers mais également pour l’État et surtout les collectivités qui, au niveau national, financent les services d’incendie et de secours pour un montant supérieur à <a href="http://www.senat.fr/rap/l21-163-329-2/l21-163-329-22.html">5 milliards d’euros en 2020</a>.</p>
<p>En France, la politique d’extinction <a href="https://www.adaptation-changement-climatique.gouv.fr/centre-ressources/changement-climatique-et-extension-des-zones-sensibles-aux-feux-forets">absorbe les 2/3 des financements</a> consacrés aux incendies. Mais là encore, plus le dispositif est efficace, plus son financement est difficile à justifier dans un contexte de budgets contraints : à quoi bon consacrer davantage de moyens à un problème qui occasionne peu de dégâts ?</p>
<h2>Des outils d’aménagement du territoire peu mobilisés</h2>
<p>La confiance excessive dans l’efficacité du dispositif de gestion des incendies explique aussi que les outils disponibles en matière d’aménagement du territoire sont peu ou mal mobilisés dans le massif landais. Seules <a href="https://www.gironde.gouv.fr/Politiques-publiques/Environnement-risques-naturels-et-technologiques/Prevention-des-risques-naturels-et-technologiques/Les-risques-en-Gironde/Le-risque-feux-de-foret">13 communes</a> sont dotées de Plans de prévention du risque incendie de forêt (<a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/PPR_feux_de_foret_complet_0.pdf">PPRIF</a>).</p>
<p>Établis sur prescription du préfet, ils peuvent interdire les constructions nouvelles dans les zones les plus à risque, les subordonner au respect de certaines mesures de sécurité et même imposer des travaux de sécurisation des constructions existantes. Mais beaucoup d’acteurs du massif landais, à commencer par de nombreux maires, ont jusqu’à présent considéré <a href="https://hal.uvsq.fr/UMR5319/halshs-01816075">l’outil comme trop contraignant</a> car contrariant de façon excessive les projets d’urbanisation. Sans que l’État fasse preuve non plus d’une grande volonté à les voir se généraliser.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/478767/original/file-20220811-23-5qqn2f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Jardin non débroussaillé, la végétation arrive au contact de la maison" src="https://images.theconversation.com/files/478767/original/file-20220811-23-5qqn2f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/478767/original/file-20220811-23-5qqn2f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/478767/original/file-20220811-23-5qqn2f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/478767/original/file-20220811-23-5qqn2f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/478767/original/file-20220811-23-5qqn2f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/478767/original/file-20220811-23-5qqn2f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/478767/original/file-20220811-23-5qqn2f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Labenne (Landes) : jardin non débroussaillé, la végétation arrive au contact de la maison.</span>
<span class="attribution"><span class="source">C. Bouisset 2018</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>De la même façon, la réglementation impose aux propriétaires de <a href="https://www.nouvelle-aquitaine.developpement-durable.gouv.fr/obligations-legales-de-debroussaillement-old-a11438.html">débroussailler</a> un périmètre de 50 mètres autour de leur maison. En évitant que les bâtiments soient au contact direct de la végétation, cette mesure permet de mieux les protéger et de faciliter l’action des secours. Or malgré des campagnes de <a href="https://www.dfci-aquitaine.fr/je-suis-un-particulier/autour-de-la-maison/debroussaillement">sensibilisation</a> nombreux sont les résidents de communes forestières qui ne respectent pas pleinement ces consignes, voire les ignorent.</p>
<p>De leur côté, communes et services de l’État montrent souvent peu d’empressement à faire appliquer rigoureusement cette réglementation contraignante. Or cette négligence accroît la vulnérabilité des populations et des constructions, tout en compliquant l’intervention des secours.</p>
<h2>À l’heure du changement climatique : anticiper les risques</h2>
<p>Les <a href="http://foris.fao.org/static/pdf/fm/5thIWFConference2011.pdf">leçons tirées</a> de ce qui se passe ailleurs dans le monde indiquent qu’il est illusoire de croire que le simple renforcement des dispositifs actuels de gestion des incendies par toujours plus de moyens d’extinction, suffira à affronter le double défi du changement climatique et de l’urbanisation.</p>
<p>Sans action sur les causes, sans intégration du risque dans la prise de décision en matière d’aménagement du territoire et sans prise de conscience des populations et des pouvoirs publics locaux, le coût de la lutte deviendra exorbitant et sa capacité à assurer la protection des populations et celle des forêts de plus en plus incertaine au fur et à mesure que le changement climatique s’intensifiera. Car les techniques de lutte sont largement impuissantes face aux grands incendies.</p>
<p>Alors que la gestion actuelle mise surtout sur la réactivité face à l’événement, il est indispensable de penser davantage dans une logique anticipatrice, à long terme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/188619/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christine Bouisset a reçu des financements publics de la Région Nouvelle Aquitaine dans le cadre du projet de recherche RiTTA - Risques et transformations territoriales en Aquitaine dans le contexte du changement climatique (2015-2018).</span></em></p>Les grands incendies qui dévastent actuellement les Landes reflètent aussi les défauts d’une urbanisation à outrance et les lacunes de l’aménagement du territoire.Christine Bouisset, Maître de conférences en géographie, membre du laboratoire TREE - Transitions Energétiques et Environnementales, UMR 6031 CNRS, Université de Pau et des pays de l'Adour (UPPA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1841222022-06-16T14:09:00Z2022-06-16T14:09:00ZDensifier la ville ? Oui, mais de manière verte et socialement acceptable<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/468109/original/file-20220609-16446-am4w3z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C0%2C983%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les promoteurs immobiliers, principalement guidés par des objectifs de profitabilité, sont peu susceptibles de veiller aux diverses dimensions qui permettent d’assurer que la densification donne le plein potentiel de ses bénéfices environnementaux et sociétaux.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>Je suis qui, moi, pour dire à une jeune famille : « vu que la mode est à la densification, tu vas aller vivre dans une tour de 12 étages » ?</p>
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<p>Cette <a href="https://www.ledevoir.com/politique/quebec/699462/la-facture-du-troisieme-lien-est-reduite-a-6-5-milliards">sortie du ministre québécois des Transports, François Bonnardel</a>, est survenue en avril, lors de la présentation du nouveau projet de troisième lien entre Québec et Lévis. Depuis, il ne se passe pas une semaine au Québec sans que le débat sur l’étalement urbain, c’est-à-dire le développement des surfaces urbanisées en périphérie des grandes villes, et son opposé, la densification, ne soit alimenté par de nouvelles prises de position de <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/politique/2022-05-09/etalement-urbain/choc-entre-les-maires-et-la-caq.php">responsables municipaux</a> et <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1882085/densification-urbanisme-etalement-urbain-changements-climatiques">d’experts</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pour-favoriser-la-mixite-sociale-il-faut-construire-des-ecoles-dans-les-centres-villes-mais-differemment-177014">Pour favoriser la mixité sociale, il faut construire des écoles dans les centres-villes. Mais différemment</a>
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<p>Les causes de l’étalement urbain et ses conséquences environnementales intéressent les chercheurs de nombreuses disciplines, allant de la géographie aux sciences naturelles, en passant par l’architecture et la sociologie. Les économistes ne sont pas en reste.</p>
<p>Spécialiste des questions d’économie urbaine à l’ESG-UQAM, je suis d’avis que la morphologie de la ville et ses aménagements sont primordiaux pour maximiser les bénéfices environnementaux de la densification des villes et s’assurer que celle-ci ne se fasse pas en excluant les ménages les plus modestes.</p>
<h2>Les autoroutes sont un facteur d’étalement urbain</h2>
<p>La relation de causalité entre la construction d’autoroutes et l’étalement urbain est l’objet de nombreuses études. Est-ce que les nouvelles autoroutes relient les villes à des zones périurbaines où la demande résidentielle est déjà forte, ou alors la construction d’autoroutes crée-t-elle elle-même une demande résidentielle croissante en périphérie des grandes villes ?</p>
<p>Les travaux des quinze dernières années montrent que les autoroutes sont bien une cause de la périurbanisation (urbanisation qui s’étend au-delà de la périphérie des villes). Ce lien de causalité a été démontré aux <a href="https://docs.google.com/viewer?a=v&pid=sites&srcid=ZGVmYXVsdGRvbWFpbnxiYXVtc25vd3xneDozNjU3NmMwMjc0OTE3ZDI">États-Unis</a>, en <a href="https://docs.google.com/viewer?a=v&pid=sites&srcid=ZGVmYXVsdGRvbWFpbnxiYXVtc25vd3xneDoyNjEwNzMwZWU2MjNmMjgx">Chine</a>, en <a href="https://www.dropbox.com/s/ahdfn61inbflukw/10%20JUE%20Publication.pdf">Espagne</a> et dans <a href="https://www.dropbox.com/s/tqsl2jwl2tt341w/201908%20Sprawl.pdf">plusieurs autres pays européens</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/UhsWLOfT0Bo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Densification et étalement urbain : est-ce la fin de la maison unifamiliale ?</span></figcaption>
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<p>En effet, si le prix au pied carré des terrains et des logements diminue au fur et à mesure que l’on s’éloigne des centres-villes, ces derniers sont souvent riches d’emplois, de services et d’infrastructures récréatives pour les ménages.</p>
<p>Ainsi, lorsque les transports entre les centres-villes et leur périphérie sont longs et coûteux, de nombreux ménages préfèrent rester en centre-ville quitte à payer leur logement plus cher ou à en prendre un plus petit. Lorsque le coût (monétaire et en temps) pour rejoindre le centre-ville diminue, grâce à la construction d’autoroutes par exemple, il devient au contraire envisageable de quitter le cœur des villes pour jouir de logements plus grands et/ou moins dispendieux.</p>
<p>Or, il importe de mentionner que les autoroutes ne réduisent pas nécessairement la congestion, raison pourtant fréquemment invoquée pour justifier leur construction (et le <a href="https://www.lapresse.ca/debats/editoriaux/2022-04-16/troisieme-lien-quebec-levis/il-est-grand-le-mystere-de-la-foi.php">troisième lien ne fait pas exception</a>), car en matière de transport routier, l’<a href="https://climatoscope.ca/article/la-loi-fondamentale-de-la-congestion-routiere-et-lefficacite-des-interventions-publiques-visant-a-reduire-la-congestion/">offre crée souvent sa propre demande</a>. Autrement dit, les nouvelles routes incitent à de nouveaux déplacements de la part de ménages déjà dotés d’une automobile ou de ménages nouvellement équipés.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/plus-de-capacite-routiere-plus-de-trafic-il-faut-revenir-a-la-loi-fondamentale-de-la-congestion-pour-mieux-la-combattre-124836">Plus de capacité routière, plus de trafic : il faut revenir à la loi fondamentale de la congestion pour mieux la combattre</a>
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<h2>La densification réduit l’usage de l’automobile</h2>
<p>Au contraire de l’étalement urbain, la densification permet de réduire la dépendance à l’automobile des ménages. <a href="https://newclimateeconomy.report/workingpapers/wp-content/uploads/sites/5/2017/09/NCE2017_OECD_CompactUrbanGrowth_02012018.pdf">Une revue de littérature</a> récemment publiée par l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) montre que les études théoriques et empiriques convergent et démontrent que les villes plus denses favorisent les modes de transport plus soutenables.</p>
<p>À cela plusieurs raisons : les réseaux de transport public y sont plus développés, car leur rentabilité y est aussi plus élevée ; la pratique de la marche et du vélo y est plus facile en raison des distances plus courtes à parcourir et de la morphologie urbaine plus adaptée à ce type de déplacement ; enfin, l’usage de l’automobile y est moins attractif compte tenu des difficultés de stationnement qui augmentent et de la vitesse de circulation qui diminue avec la densité.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/CbC0UUFgSl1","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>Ainsi, en favorisant des modes de transport plus durables, la densité permet-elle de diminuer les émissions polluantes ?</p>
<p>Empiriquement, plusieurs études (sur les <a href="https://doi.org/10.1016/j.jue.2018.10.003">États-Unis</a> et la <a href="https://www.parisschoolofeconomics.eu/fr/economie-pour-tous/grand-public/5-articles-en-5-minutes/octobre-2019/des-politiques-spatiales-pour-repondre-a-l-urgence-climatique-forme-taille-des-villes-et-empreinte-carbone-des-menages-motorises-en-france/">France</a>, entre autres) montrent que le nombre de kilomètres parcourus et la quantité de carburant consommée par les ménages sont plus faibles dans les villes les plus denses, bien que la baisse soit parfois modeste.</p>
<h2>Le rôle de la morphologie des villes</h2>
<p>Ce <a href="https://nextcity.org/urbanist-news/planners-debate-density-driving">faible impact</a> de la densification sur les émissions polluantes s’explique en partie par le fait qu’au-delà de la densité de population, la morphologie des villes et leurs équipements sont des déterminants importants de la mobilité.</p>
<p>Plus spécifiquement, la mixité des quartiers limite le recours à la voiture, puisqu’elle permet de raccourcir les déplacements entre le domicile, le travail et les lieux de consommation et de loisirs. De même, la baisse de l’utilisation de la voiture a toutes les chances d’être amplifiée si la densification s’accompagne de la mise en place d’une offre de transports en commun attrayante pour les résidents.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1016/j.trd.2018.08.006">Une étude portant sur la ville de Barcelone</a> montre d’ailleurs que plus que la densité de population en tant que telle, ce sont les caractéristiques qui lui sont associées qui expliquent la plus faible empreinte carbone des zones denses : c’est en rapprochant les lieux résidentiels des centres d’activité et en éloignant les ménages des axes routiers que la densification permet de réduire l’usage de la voiture et les émissions polluantes qu’il engendre.</p>
<p>Ainsi, densifier les villes en construisant des tours dans des quartiers résidentiels éloignés des bassins d’emploi et des zones récréatives et commerciales, <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/grand-montreal/2022-05-18/saint-bruno-se-densifiera-loin-de-son-centre-ville.php">comme cela est prévu à Saint-Bruno-de-Montarville</a>, a peu de chance de permettre des gains significatifs d’un point de vue environnemental.</p>
<h2>Planifier la densification pour la rendre efficace et acceptable</h2>
<p><a href="https://newclimateeconomy.report/workingpapers/wp-content/uploads/sites/5/2017/09/NCE2017_OECD_CompactUrbanGrowth_02012018.pdf">L’étude de l’OCDE</a> mentionnée plus haut rappelle par ailleurs que la densification des villes permet de réduire d’autres sources de pollution. Lesquelles ? La préservation de certains milieux naturels en dehors des villes, la plus grande efficacité énergétique des bâtiments (les immeubles à condos étant généralement <a href="https://livingat300main.ca/bigger-is-greener-the-environmental-benefits-of-high-density-housing/#:%7E:text=For%20example%2C%20an%20apartment%20suite,the%20equivalent%20number%20of%20houses.">plus efficaces</a> que les maisons unifamiliales) et la <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/2022-06-06/amenagement-du-territoire/une-politique-pour-eviter-le-gouffre-financier-de-l-etalement-urbain.php">réduction des coûts des services publics</a> en raison des économies d’échelle associées aux infrastructures qui les sous-tendent font partie des nombreux avantages des villes denses.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/468110/original/file-20220609-19608-xcac9o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="trafic sur l’autoroute en fin de journée" src="https://images.theconversation.com/files/468110/original/file-20220609-19608-xcac9o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468110/original/file-20220609-19608-xcac9o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468110/original/file-20220609-19608-xcac9o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468110/original/file-20220609-19608-xcac9o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468110/original/file-20220609-19608-xcac9o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468110/original/file-20220609-19608-xcac9o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468110/original/file-20220609-19608-xcac9o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les autoroutes ne réduisent pas nécessairement la congestion, raison pourtant fréquemment invoquée pour justifier leur construction.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Mais, là encore, certains écueils sont à éviter. En termes d’émissions polluantes, un <a href="https://www.colorado.edu/engineering/2021/08/10/cities-paris-may-be-optimal-urban-form-reducing-greenhouse-gas-emissions">maillage dense d’immeubles de quelques étages comme à Paris peut s’avérer préférable à des quartiers de gratte-ciel comme à Manhattan</a>. Bien qu’elle préserve la nature en dehors de la ville, la densification se fait parfois au détriment des espaces verts au sein des villes. La densification par la mixité des usages peut être source de <a href="https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/publications/2450_meilleures_pratiques_amenagement_effets_bruit_environnemental.pdf">pollution sonore</a>. Enfin, en augmentant la demande de logements sur un périmètre restreint, la densification peut conduire à une augmentation des prix de l’immobilier et exclure de la ville les ménages les plus modestes si une offre de logements abordables n’est pas prévue.</p>
<p>Les promoteurs immobiliers, principalement guidés par des objectifs de profitabilité, sont peu susceptibles de veiller aux diverses dimensions qui permettent d’assurer que la densification donne le plein potentiel de ses bénéfices environnementaux. Les associations de résidents peuvent être tentées de bloquer certains projets de densification, <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/2022-05-16/densification-urbaine/pas-dans-ma-cour-a-saint-lambert.php">perçus comme des nuisances</a>. Quant aux pouvoirs publics, ils ne peuvent pas à eux seuls faire les investissements nécessaires pour une densification vertueuse du point de vue environnemental et acceptable du point de vue social.</p>
<p>C’est pourquoi il est important que la densification s’opère par une <a href="https://plus.lapresse.ca/screens/51b7fb0d-6bda-4d56-9f89-6def76930fbf%7C_0.html">planification</a> qui implique les élus locaux, les usagers de la ville et les partenaires privés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184122/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florian Mayneris a reçu des financements du Conseil de Recherches en Sciences Humaines. </span></em></p>Dans le débat actuel sur l’étalement urbain, que dit la littérature économique récente sur les causes de l’étalement urbain et sur ses conséquences, notamment environnementales ?Florian Mayneris, Associate Professor, Urban Economics, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1821602022-05-18T18:10:25Z2022-05-18T18:10:25ZDe la pierre au papier, une carte innovante du sous-sol de Paris et ses environs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/463902/original/file-20220518-20-yky0zv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=250%2C0%2C1339%2C824&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Carte géologique pédagogique de Paris et ses environs</span> <span class="attribution"><span class="source">BRGM</span></span></figcaption></figure><p>Les emblématiques toits en zinc de Paris, les carreaux blancs du métro, le fer de la tour Eiffel, les pierres de Notre-Dame et des immeubles Haussmanniens sont quelques éléments d’un monde minéral méconnu qui règne pourtant en maître sur notre capitale et ses environs.</p>
<p>Malgré cette omniprésence discrète, nous faisons rarement le lien avec le sous-sol. Pourtant, outre ces exemples célèbres, de nombreux minéraux sont utilisés dans notre quotidien (santé, transport, construction, énergie). Bien que le recyclage se développe toujours plus, l’extraction de matières premières demeure une industrie toujours active dans le Bassin parisien.</p>
<p>Afin de permettre de visualiser facilement d’où viennent nos ressources, l’emplacement des nappes d’eau souterraine et les secteurs pouvant présenter des risques naturels, nous avons mis au point une <a href="https://www.brgm.fr/fr/actualite/communique-presse/carte-geologique-tous-publics-region-parisienne">nouvelle carte géologique à visée pédagogique</a>.</p>
<h2>Ressources minérales sans frontières</h2>
<p>Les ressources minérales n’ont pas de frontières et ne se répartissent pas de manière aléatoire.</p>
<p>Elles sont le fruit d’une longue histoire géologique sur plusieurs millions d’années, une durée souvent difficile à appréhender pour la plupart d’entre nous. Va-et-vient de la mer, sédimentation et érosion, extinctions et apparitions d’espèces, changements climatiques…</p>
<p>Les carrières des environs de Paris sont ainsi autant de fenêtres sur le sous-sol, difficilement observable dans cette région de plaine. Elles ont permis entre autres de développer l’étude des sciences de la Terre, comme la paléontologie (qui étudie les fossiles et donc la biodiversité du passé) ou la stratigraphie (qui étudie l’agencement spatial et temporel des strates rocheuses).</p>
<h2>Paris : berceau mondial de la géologie</h2>
<p>Lavoisier, Lamarck, Cuvier et tant d’autres ont ainsi étudié le calcaire du Lutétien, la belle pierre de Notre-Dame de Paris (entre autres). Cette pierre s’est formée il y a environ 40 millions d’années, dans ce qui était alors une mer chaude et tropicale !</p>
<p>Elle a été extraite du côté de la montagne Sainte-Geneviève, à Montsouris, au Trocadéro, etc. Pour restaurer la cathédrale Notre-Dame, il a fallu trouver des <a href="https://www.francetvinfo.fr/culture/patrimoine/incendie-de-notre-dame-de-paris/reportage-incendie-de-notre-dame-de-paris-des-pierres-qui-serviront-a-la-reconstruction-sont-extraites-dans-l-oise_5083924.html">pierres avec des caractéristiques très similaires</a> pour remplacer celles endommagées lors de l’incendie.</p>
<p>De grands savants ont également étudié les carrières des reliefs situés au nord et à l’est de la capitale. Une tout autre ressource y était recherchée : le gypse, extrait pour faire du plâtre à Montmartre, Belleville, Ménilmontant et aux Buttes-Chaumont. Gypse qui est d’ailleurs toujours exploité au nord de Paris.</p>
<p>Il est intéressant de remarquer que d’anciennes carrières de gypse et de calcaire sont aujourd’hui des espaces verts et constituent des refuges de biodiversité. C’est par exemple le cas du parc Montsouris, des Arènes de Lutèce, des jardins du Trocadéro, du parc des Buttes-Chaumont, etc.</p>
<h2>Des ressources minérales utiles</h2>
<p>L’extraction des ressources minérales répond depuis toujours aux besoins de nos sociétés. C’est particulièrement le cas à l’ère du numérique et de la transition énergétique, où le monde dématérialisé et les nouveaux modes de mobilité sont de grands consommateurs de matières minérales. La demande actuelle est donc particulièrement importante.</p>
<p>Prenons l’exemple du béton. Pour en produire 1 m<sup>3</sup>, il faut 1 200 kg de granulats, 700 kg de sable, 300 kg de ciment, 150 litres d’eau… et de l’énergie. Pour mieux intégrer l’impact environnemental, il faut aussi considérer que la fabrication d’une tonne de béton rejette 500 kg de CO<sub>2</sub>, et ce sans compter le transport des matériaux en amont (depuis la carrière) et une fois le produit fini.</p>
<p>Le sable est ainsi la <a href="https://www.mineralinfo.fr/fr/tag/sable">3ᵉ ressource consommée dans le monde après l’air et l’eau</a></p>
<p>Quand au gypse, servant à fabriquer le plâtre et le ciment, il est classé comme richesse d’importance nationale et d’intérêt européen. Une ressource d’autant plus stratégique qu’une très grande partie des ressources est difficile à atteindre en raison de l’urbanisation galopante.</p>
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<figcaption><span class="caption">La carrière de gypse de Montmorency (Val d’Oise) est l’une des plus importantes de France (Société du Grand Paris).</span></figcaption>
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<p>Sa consommation en France est de l’ordre de <a href="https://www.mineralinfo.fr/fr/tag/gypse">100 kg par an et par habitant</a>. Avec une production de 3 à 5 millions de tonnes par an, la France en est l’un des principaux producteurs européens, et deux tiers sont extraits en Île-de-France.</p>
<h2>L’eau, une ressource vitale et… souvent souterraine</h2>
<p>Il n’y a pas que de la roche, dans le sous-sol. Il y a aussi de l’eau !</p>
<p>En France, un habitant consomme en moyenne <a href="https://sigesaqi.brgm.fr/5-Consommation.html">150 litres d’eau par jour</a>. Les besoins quotidiens pour la population francilienne sont ainsi de 1,8 million de m<sup>3</sup>, soit plus de 500 piscines olympiques.</p>
<p>Une grande partie de l’eau que nous consommons provient des nappes phréatiques. La connaissance du sous-sol joue donc un rôle majeur pour caractériser cette ressource vitale.</p>
<p>En Île-de-France, on trouve plusieurs nappes phréatiques superposées, principalement dans des terrains calcaires et sableux. Ces nappes sont isolées par deux écrans argileux majeurs, souvent marqués en surface par la présence de sources dont l’eau a pu être captée et acheminée au cœur de la capitale.</p>
<p>Ainsi, des aqueducs ont été construits au fil des siècles pour approvisionner Paris, et ont laissé des traces dans le paysage (on peut d’ailleurs les suivre sur notre carte) ou dans les toponymes (Arcueil tire par exemple son nom des arches de l’aqueduc).</p>
<p>Élément intéressant, les compositions en sels minéraux contenus dans l’eau varient selon la nature des roches environnantes. Entre le nord et le sud de Paris, on ne trouve d’ailleurs pas les mêmes teneurs en sulfates, carbonates, calcium, magnésium et sodium. Car si le plateau de Longboyau (au sud) est constitué de calcaire de Champigny, c’est du gypse qui surmonte le niveau argileux du plateau de Romainville (au nord).</p>
<h2>Aménagements et risques</h2>
<p>La connaissance et la maîtrise du sous-sol représentent des enjeux majeurs pour l’établissement des constructions et des réseaux souterrains.</p>
<p>Il faut ainsi éviter les anciennes carrières, les zones de dissolution du gypse, prendre garde aux éboulements et aux secteurs où les nappes souterraines sont susceptibles de remonter, ou encore anticiper le <a href="https://www.brgm.fr/fr/actualite/dossier-thematique/risques-amenagement-territoire-retrait-gonflement-argiles">phénomène de retrait-gonflement des argiles</a> qui peut occasionner des désordres majeurs sur les bâtiments en surface.</p>
<p>De ce fait, la réalisation de monuments a parfois représenté des défis techniques. Ainsi, la basilique du Sacré-Cœur a nécessité d’implanter 83 puits de 33 m de profondeur remplis par la suite de béton. Ils sont matérialisés sur la coupe figurant au bas de la carte.</p>
<h2>Renouveau cartographique pour la Ville Lumière</h2>
<p>Comme il est souvent difficile de se représenter le sous-sol, et que la lecture des cartes géologiques nécessite des connaissances poussées pour les comprendre, nous avons souhaité proposer de nouveaux documents.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/460666/original/file-20220501-18-p04s1x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/460666/original/file-20220501-18-p04s1x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/460666/original/file-20220501-18-p04s1x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/460666/original/file-20220501-18-p04s1x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/460666/original/file-20220501-18-p04s1x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/460666/original/file-20220501-18-p04s1x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/460666/original/file-20220501-18-p04s1x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/460666/original/file-20220501-18-p04s1x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Vue de la carte à vocation pédagogique de Paris et ses environs.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.brgm.fr/fr/actualite/communique-presse/trois-nouvelles-cartes-geologiques-vocation-pedagogique">BRGM</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’intérêt de cette <a href="https://www.brgm.fr/fr/actualite/communique-presse/trois-nouvelles-cartes-geologiques-vocation-pedagogique">nouvelle carte géologique de Paris</a> est de rendre accessibles à un large public des informations sur le sous-sol afin de mieux en comprendre les enjeux, l’organisation des roches et les différentes étapes de leur mise en place, leur environnement de formation, leur déformation, ou leur altération qui ont jalonné une longue histoire géologique.</p>
<p>Par rapport à une carte géologique traditionnelle, il est plus aisé de percevoir la nature des roches, la localisation des nappes d’eau souterraine et les secteurs pouvant présenter des risques naturels (cavités, érosion, glissements…).</p>
<p>Tous ces éléments permettent de mieux comprendre l’environnement et l’organisation du sous-sol parisien, si présent dans le quotidien sans que les habitants en soient toujours conscients. À commencer par le papier de la carte ! (Eh oui, lui aussi contient des minéraux, comme le kaolin).</p>
<hr>
<p><em>Les <a href="https://www.geosoc.fr/journees-nationales-de-la-geologie.html">Journées nationales de la géologie</a> auront lieu du 20 au 22 mai 2022. Retrouvez tous les <a href="https://sgfrance.maps.arcgis.com/apps/dashboards/113eb9da23b44e14bc2a56592edfde5a">rendez-vous ici</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182160/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Simien travaille pour le BRGM. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nicolas Charles ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour mieux présenter les riches ressources géologiques du Bassin parisien, le Service géologique national (BRGM) vient de dévoiler une nouvelle carte ludique et pédagogique centrée sur Paris.Frédéric Simien, Responsable des Éditions, BRGMNicolas Charles, Géologue, PhD, BRGMLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1817312022-05-02T19:06:14Z2022-05-02T19:06:14ZObjectif ZAN : comment tenir les comptes ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/460788/original/file-20220502-22-pepqrx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2048%2C1536&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les parcs urbains sont-ils des espaces artificiels ou non ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/97758145@N08/15565450385">William Chevillon/flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Pendant la campagne présidentielle, un <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/les-communes-touristiques-appellent-adapter-lapplication-du-zan">collectif d’élus publiait un « manifeste aux candidats »</a>, appelant notamment à « adapter l’application du <a href="https://theconversation.com/zero-artificialisation-nette-des-sols-le-dernier-rendez-vous-manque-de-nicolas-hulot-101540">Zéro Artificialisation Nette</a> » (ou ZAN) pour relancer durablement le tourisme dans leurs territoires.</p>
<p>Cet appel témoigne à nouveau de l’inquiétude que génère cet objectif national (qui implique de renaturaliser autant d’espace que ceux artificialisés à l’échelle nationale) auprès des collectivités.</p>
<h2>Les enjeux du ZAN</h2>
<p>Pourtant, le ZAN semble à première vue une avancée majeure dans la prise en compte des enjeux écologiques dans l’aménagement des territoires. En effet, la perte et la fragmentation des habitats naturels sont désormais reconnues comme le <a href="https://ipbes.net/sites/default/files/2020-02/ipbes_global_assessment_report_summary_for_policymakers_fr.pdf">principal facteur de l’effondrement de la biodiversité</a>. L’étalement urbain et l’intensification des usages des sols ont en outre des effets négatifs en termes climatique, social et économique.</p>
<p>En France, ce sont entre <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/artificialisation-des-sols">20 et 30 000 hectares</a> d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) qui disparaissent chaque année en raison de l’étalement urbain, y compris dans les <a href="https://www.iddri.org/sites/default/files/PDF/Publications/Catalogue%20Iddri/D%C3%A9cryptage/201902-IB0219-AC%20artificialisation%20France_0.pdf">zones en décroissance démographique</a>. Si l’on considère plus largement l’ensemble de l’occupation intensive de l’espace par des activités humaines, <a href="https://naturefrance.fr/indicateurs/part-du-territoire-occupe-par-les-ecosystemes-peu-anthropises">c’est près de 47 % du territoire national qui peut être considéré comme anthropisé</a>.</p>
<p>Si la régulation de la consommation foncière a progressivement été prise en charge par les lois relatives à l’urbanisme, la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000043957221">loi Climat et Résilience de 2021</a> a pour atout d’articuler la nécessité de maîtrise de l’artificialisation avec la conservation de la biodiversité. Elle définit ainsi l’artificialisation en prenant en compte les fonctions écologiques réalisées par les sols (<a href="https://theconversation.com/la-biodiversite-des-sols-nous-protege-protegeons-la-aussi-88538">essentielles au maintien de la biodiversité</a>), et fixe l’objectif ZAN à l’horizon 2050.</p>
<p>Toutefois, les effets d’une loi dépendent fortement de ses modalités d’application. C’est notamment par décret en Conseil d’État que devra (à une échéance pour l’heure inconnue) être fixée « la nomenclature des sols artificialisés ainsi que l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée dans les documents de planification et d’urbanisme ».</p>
<h2>Comment va-t-on comptabiliser l’artificialisation ?</h2>
<p>La méthode de calcul de l’artificialisation est un enjeu crucial, car il détermine le niveau d’ambition de la politique. Justement, le <a href="http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/logl2201338d_projet-decret-nomenclature_zan.pdf">projet de décret relatif à cette nomenclature</a> a été soumis à consultation du public en mars 2022.</p>
<p>On y apprend que l’artificialisation sera comptabilisée au niveau des documents de planification et d’urbanisme et qu’elle se limite aux espaces terrestres. Sur le plan technique, les comptes seront tenus à partir de 2031 grâce à « l’occupation des sols à grande échelle » (<a href="https://artificialisation.developpement-durable.gouv.fr/bases-donnees/ocs-ge">OCSGE</a>), une base de données de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) qui s’appuie sur un modèle séparant la couverture du sol et son usage.</p>
<p>Ces données, en cours de production, présenteront l’avantage d’être spatialement précises (dès 200m<sup>2</sup> pour les zones bâties et 2500 m<sup>2</sup> pour les objets situés hors zone construite) et régulièrement mises à jour, un bon compromis pour suivre les évolutions à l’échelle des documents d’urbanisme.</p>
<p>Ce système de suivi de l’occupation du sol permet de distinguer 14 types de couvertures (des zones imperméables bâties aux formations arborées de feuillus) et 17 catégories d’usage des sols (par exemple des usages agricoles, routiers ou de service logistique). Le choix de classer les catégories en « artificiel » ou « non artificiel » est ensuite le fruit du croisement entre la couche de couverture et celle des usages… mais aussi de négociations politiques.</p>
<h2>Les espaces verts urbains, naturels ou artificialisés ?</h2>
<p>Par exemple, dans le projet de décret, les espaces verts non arborés à usage urbain (qui comprennent notamment les espaces de pelouses des parcs urbains, mais aussi les terrains sportifs en herbe) sont considérés comme artificiels.</p>
<p>On peut alors légitimement se demander si ce choix ne découragerait pas les initiatives favorisant la nature en ville. Si déconstruire un espace bétonné (comme un parking) pour y installer un jardin urbain n’est pas compté comme une désartificialisation dans le bilan du ZAN, pourquoi les collectivités s’engageraient dans cette voie ?</p>
<p>Cette ambiguïté s’explique notamment par les limites de l’OCSGE. Les végétations non arborées sont décrites en deux postes : les « formations herbacées » et les « autres formations non ligneuses » (qui englobent les espaces à végétation plus haute mais dépourvus d’arbres). Les données du modèle de couverture de l’OCSGE ne distinguent pas le caractère plus ou moins naturel de ces espaces. Par exemple, un stade sportif en herbe sera interprété comme un espace de végétation herbacée. Considérera-t-on pour autant que la transformation d’un parking en un terrain de football est une action de désartificialisation ?</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Carte aérienne dont les terrains correspondant aux différents espaces sont mis en couleurs ; la carte de gauche est presque entièrement colorée, celle de droite l’est presque deux fois moins" src="https://images.theconversation.com/files/460018/original/file-20220427-16-d063l7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/460018/original/file-20220427-16-d063l7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/460018/original/file-20220427-16-d063l7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/460018/original/file-20220427-16-d063l7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/460018/original/file-20220427-16-d063l7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/460018/original/file-20220427-16-d063l7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/460018/original/file-20220427-16-d063l7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le jeu de données du SCOT du bassin d’Arcachon permet de tester différents scénarios. À gauche, les espaces végétalisés non arborés à usage urbain sont comptés comme artificialisés. À droite, ils sont exclus. Ce choix a une incidence forte sur les objectifs de réduction de l’artificialisation.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Brian Padilla et collègues/MNHN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le choix de classer les espaces verts non arborés à usage urbain parmi les espaces artificialisés rappelle également que, selon leur intégration dans les trames écologiques et leurs modalités de gestion, les <a href="https://sciencepress.mnhn.fr/sites/default/files/articles/hd/naturae2020a10pdfa_0.pdf">espaces verts urbains ne sont pas toujours favorables à la biodiversité</a>.</p>
<h2>Les carrières, espaces non artificialisés ?</h2>
<p>Le projet de décret propose un choix bien plus surprenant : les surfaces correspondant aux activités de carrières seraient considérées comme non artificialisées. Pourtant, quel que soit le type d’exploitation, ces activités impliquent généralement un <a href="https://www.unpg.fr/accueil/nos-activites/comment-sont-ils-produits/les-carrieres-terrestres/">décapage des terres de couverture pour extraire le gisement</a>.</p>
<p>La durée des exploitations dure le plus souvent entre 20 et 30 ans, mais de nombreuses exploitations sont prolongées bien au-delà, parfois jusqu’à plus de 100 ans. Pendant toute cette période, les fonctions des sols sont réduites au minimum, si bien qu’il semble inconcevable que ces surfaces ne soient pas considérées comme artificialisées au regard de la loi.</p>
<p>D’autant plus qu’au total, ce sont près de <a href="https://www.mineralinfo.fr/fr/ressources-minerales-france-gestion/carrieres-france">3 300 carrières représentant environ 110 000 ha de surface au sol qui sont concernées</a>. Une enveloppe confortable à déduire des objectifs ambitieux de la loi si le projet de décret demeure en l’état.</p>
<h2>Le risque de la simplicité : se tromper d’objectif</h2>
<p>Pour atteindre le ZAN, il est nécessaire de tenir les comptes : quels espaces ont été artificialisés, lesquels ont été au contraire restaurés en faveur de la biodiversité ?</p>
<p>Disposer de données à l’échelle nationale est un atout pour mieux territorialiser cet objectif ambitieux, mais il faut être conscient des limites imposées par l’exercice : les modèles décrivant la couverture et les usages du sol progresseront avec le temps.</p>
<p>Les outils à disposition offrent toutefois des options qu’il faut considérer. Il serait par exemple pertinent de ne plus compter uniquement en termes de surface, mais d’associer un coefficient d’artificialisation à chacune des catégories, de manière à rendre compte de l’intensité de l’artificialisation et de la fonctionnalité des sols concernés. Le caractère artificiel ne serait alors plus dichotomique, mais suivrait un gradient. Cela pourrait par exemple donner un poids plus important dans les comptes du ZAN aux espaces fortement imperméabilisés (des zones bâties) par rapport aux espaces verts urbains.</p>
<p>Si la simplicité d’une approche binaire et surfacique a ses vertus, elle se heurte à un écueil majeur : la biodiversité est un objet complexe. Alors que l’objectif du ZAN vise à enrayer son effondrement, une mise en garde s’impose : à trop simplifier, on peut atteindre le ZAN sur le plan comptable en oubliant, de nouveau, de préserver les espaces favorables au vivant.</p>
<hr>
<p><em>Les décrets attendus ont finalement été adoptés par le Conseil d’État le vendredi 29 avril 2022, après la rédaction de cet article. Les choix discutés ici ont été fixés : les espaces verts urbains non arborés sont classés comme sols artificialisés, alors que les carrières en exploitation le sont comme non artificialisées.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181731/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Brian Padilla a reçu des financements du MTES/FRB dans le cadre du programme ITTECOP. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Fanny Guillet a reçu des financements du MTES/FRB dans le cadre du programme ITTECOP</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Salomée Gelot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le plan Zero Artificialisation Nette vise à renaturaliser un espace pour chaque espace artificialisé. Mais la détermination artificiel ou non-artificiel fait encore débat.Brian Padilla, Ingénieur recherche et expertise en écologie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Fanny Guillet, sociologue, chargée de recherche au CNRS, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Salomée Gelot, Recherche et expertise dans le cadre de la séquence ERC et le ZAN, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1743582022-01-05T18:46:57Z2022-01-05T18:46:57ZExtinction Rebellion à La Clusaz, quand la ZAD gagne la montagne<p>Du 15 au 30 novembre 2021, des militants d’Extinction Rebellion ont occupé le bois de la Colombière dans la station de ski de la Clusaz pour <a href="https://extinctionrebellion.fr/blog/2021/11/12/a-la-clusaz-retenue-collinaire-projet-d-hier.html">s’opposer à la construction d’une nouvelle retenue collinaire</a>.</p>
<p>Quels enjeux socio-environnementaux ces nouvelles mobilisations écologistes en montagne révèlent-elles à l’heure du réchauffement climatique ?</p>
<h2>Face à la raréfaction des ressources en eau</h2>
<p>Dans le massif des Aravis, en Haute-Savoie, la mairie de La Clusaz souhaite <a href="https://laclusaztransition.org/leau-un-defi-pour-lavenir-de-la-clusaz">créer une retenue collinaire de 148 000 m³ à 1 500 m d’altitude sur le plateau de Beauregard</a>. Si le projet aboutit, il s’agirait du cinquième aménagement de ce type sur la commune, permettant de stocker des eaux et ainsi de disposer de réserves significatives (419 000 m<sup>3</sup>).</p>
<p>Ce projet est présenté <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/haute-savoie/haute-savoie-le-projet-de-reserve-collinaire-de-la-clusaz-vote-malgre-les-oppositions-2070076.html">par ses promoteurs</a> comme une réponse à la raréfaction de la ressource en eau et la meilleure solution pour faire face aux aléas climatiques dans les années à venir. Sauf qu’il intervient à proximité d’une tourbière de 9 hectares et de plusieurs zones humides classées Natura 2000 et qu’il va aussi permettre à la commune d’étendre l’enneigement artificiel sur 33 hectares de pistes de ski supplémentaires (de <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/09/23/en-haute-savoie-un-projet-de-retenue-d-eau-seme-la-zizanie-a-la-clusaz_6095750_3244.html">27 à 47 % de son domaine</a>).</p>
<h2>De nouvelles formes de mobilisation collective en montagne</h2>
<p>Pendant 15 jours, Extinction Rebellion a installé une « zone à défendre » (ZAD) dans le bois de la Colombière. En occupant les lieux jour et nuit, l’objectif de cette action directe non violente était double. Empêcher physiquement le déboisement et le début effectif des travaux ; obtenir que le préfet de Haute-Savoie ne signe pas la Déclaration d’utilité publique (DUP).</p>
<p>Le premier objectif est atteint : les travaux n’ont pas commencé au 30 novembre et n’auront pas lieu cet hiver. Pour le second objectif, le préfet ne s’est pas encore prononcé publiquement. Le 22 octobre 2021, la commission d’enquête publique a rendu un avis favorable au projet, malgré <a href="https://www.haute-savoie.gouv.fr/content/download/37781/220945/file/Projet%20amenagement%20retenue%20altitude%20La%20CLUSAZ%20-%20Document%20%202_conclusions.pdf">76 % d’avis négatifs du public</a>. En cas d’autorisation accordée, les opposants prévoient d’ores et déjà des <a href="https://www.lessorsavoyard.fr/34840/article/2021-12-28/projet-de-retenue-collinaire-la-clusaz-comment-les-opposants-preparent-leur">recours juridiques devant les tribunaux</a>.</p>
<p>De par son caractère inédit en montagne, cette ZAD a mis un coup de projecteur national sur ce projet controversé d’aménagement local.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1468515759584387075"}"></div></p>
<p>L’irruption d’Extinction Rebellion sur la scène montagnarde a en effet <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/tourisme/neige-artificielle-une-solution-qui-ne-fait-pas-l-unanimite_4874209.html">suscité l’intérêt des médias au-delà des Alpes</a>. Elle n’est toutefois pas si surprenante contenue du contexte de ces dernières décennies :<br>
- le répertoire d’actions utilisé par Extinction Rebellion est utilisé de longue date au sein des différentes mobilisations écologistes ;<br>
- les projets d’aménagement en montagne ont toujours engendré des conflits ;<br>
- il existe une <a href="https://reporterre.net/Saccager-la-montagne-pour-des-canons-a-neige-le-desastre-des-retenues-collinaires">mobilisation citoyenne locale</a> depuis plusieurs années dans le massif des Aravis avec laquelle Extinction Rebellion a tissé des liens et articulé des tactiques complémentaires.</p>
<h2>Des conflits d’usages autour de l’eau amplifiés par le réchauffement climatique</h2>
<p>Au-delà de la mobilisation elle-même, ce projet controversé rappelle que la ressource en eau n’est pas illimitée en montagne et que sa gestion révèle les <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/les-enjeux-territoriaux/la-clusaz-et-l-industrie-de-la-neige-de-culture">rapports sociaux et relations de pouvoir à l’œuvre dans ces territoires</a>.</p>
<p>Une gestion qui doit faire face à des contraintes socio-environnementales particulières :</p>
<ul>
<li><p>les spécificités du milieu naturel : l’eau est difficilement stockée dans les nappes phréatiques car La Clusaz est sur un terrain calcaire ;</p></li>
<li><p>les pics de fréquentation en période hivernale liés au tourisme hivernal : la demande en eau s’accroît sensiblement car La Clusaz multiplie sa population par 13 pendant les vacances scolaires ;</p></li>
<li><p>l’activité pastorale : La Clusaz se situe dans la zone de production AOC du reblochon.</p></li>
</ul>
<p>Ces contraintes sont désormais amplifiées par deux facteurs générant de fortes incertitudes : les conséquences du réchauffement climatique (hausse de la température, baisse de l’enneigement à moyenne altitude, renforcement des épisodes de sécheresse…) et l’augmentation du recours à l’enneigement artificiel dû à la baisse de l’enneigement naturel lui-même lié au réchauffement climatique.</p>
<p>Ainsi se résume la situation actuelle : une diminution de la ressource en eau disponible face à un besoin croissant de cette même ressource, entraînant d’inévitables conflits liés à son usage (eau potable pour la population, neige de culture et activité pastorale). À l’automne 2018, suite à un fort épisode de sécheresse, le maire de La Clusaz avait anticipé une possible pénurie d’eau potable en <a href="https://www.francetvinfo.fr/meteo/climat/secheresse-la-clusaz-donne-priorite-a-l-eau-potable_3039381.html">puisant dans les réserves destinées aux canons à neige</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1111203229205975040"}"></div></p>
<p>L’accentuation du réchauffement climatique laisse augurer l’augmentation de ce type de conflits. Quelles solutions y apporter ? C’est sur ce point que les acteurs s’opposent, comme le montre le <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/le-zoom-de-la-redaction/le-zoom-de-la-redaction-du-mardi-26-octobre-2021">conflit actuel autour de ce projet de retenue collinaire</a>.</p>
<p>D’un côté, la municipalité propose d’augmenter la ressource en eau disponible pour ensuite la répartir entre les différents besoins. De l’autre, les opposants proposent de répartir la ressource existante entre les différents besoins, en stoppant l’augmentation de ces derniers.</p>
<h2>Des enjeux spatio-temporels autour de la transition montagnarde</h2>
<p>En arrière-plan de ce conflit se déploie une autre problématique : le devenir des territoires de montagne et leurs identités.</p>
<p>Il témoigne des tensions engendrées par les défis auxquels la montagne est confrontée et rappelle que la « transition » vers davantage de durabilité est un concept au faux air de consensus. Y compris dans une commune comme la Clusaz ayant fait le choix de faire évoluer son modèle économique, en initiant une sortie progressive du « tout ski » et du « tout tourisme ». Par exemple, en <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/10/21/la-montagne-se-rebiffe-contre-le-club-med_6056818_3234.html">refusant l’implantation d’un projet de Club Med</a> ou en lançant une expérimentation pour inciter de nouveaux habitants à venir vivre et travailler dans le village.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1239360754177933312"}"></div></p>
<p>Il n’y a pas une mais plusieurs transitions possibles selon des référentiels sociopolitiques et culturels différents et des formes d’innovations sociales plus ou moins ambitieuses. Engager la transition d’un territoire, c’est difficile mais inévitable. C’est devoir arbitrer entre plusieurs enjeux : économiques, sociaux, environnementaux, politiques, culturels, etc.</p>
<p>Ce qui se joue aujourd’hui à la Clusaz, c’est précisément la conciliation de ces enjeux antagonistes, articulés autour de tensions spatio-temporelles :</p>
<ul>
<li><p>enjeu de spatialité : la montagne est plurielle et chaque territoire est spécifique, d’où l’importance d’une territorialisation de la transition et des politiques publiques associées ;</p></li>
<li><p>enjeu de temporalité : l’urgence à agir face au réchauffement climatique pour changer de modèle de développement territorial et ne plus dépendre uniquement du tourisme hivernal.</p></li>
</ul>
<h2>Une transition territoriale à mettre en débat</h2>
<p>La question posée est donc la suivante : faut-il investir aujourd’hui 10 millions d’euros afin de garantir 30 ans de revenus issus du ski et avoir autant de temps pour changer de modèle de développement territorial, ou faut-il stopper ces aménagements pour investir dès aujourd’hui ces 10 millions d’euros dans d’autres d’activités que le tourisme ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1470356481480474628"}"></div></p>
<p>D’une manière ou d’une autre, cette question des transitions se pose ou va se poser à <a href="https://www.montagnes-magazine.com/actus-philippe-bourdeau-preoccupons-nous-abord-gens-veulent-vivre-travailler-montagne">l’ensemble des territoires de montagne du fait des effets du changement climatique</a>. L’enjeu n’est donc pas d’éviter à tout prix que n’émerge un débat public autour de ce changement de modèle de développement territorial. C’est au contraire le favoriser et s’appuyer sur les dissensus pour imaginer collectivement des solutions soutenables permettant de vivre et travailler en montagne.</p>
<p>La Clusaz peut choisir de jouer un rôle précurseur, comme laboratoire et démonstrateur à ciel ouvert de ces innovations sociales.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174358/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mikaël Chambru est membre du Labex ITTEM - Innovations et transitions territoriales en montagne.</span></em></p>En occupant fin novembre 2021 le bois de la Colombière à la Clusaz, des militants écologistes ont mis en lumière les tensions autour de l’aménagement local à l’heure du changement climatique.Mikaël Chambru, Maître de conférences en sciences sociales, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1660732021-10-19T18:44:19Z2021-10-19T18:44:19ZLimiter l’artificialisation des sols pour éviter une dette écologique se chiffrant en dizaines de milliards d’euros<p>L’artificialisation des habitats naturels représente la <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/05/06/un-million-d-especes-en-danger-d-extinction_5458785_3244.html">première cause de destruction de la biodiversité</a> ; lutter contre ce phénomène constitue aujourd’hui un enjeu d’adaptation face aux effets du réchauffement climatique.</p>
<p><a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043956924">La loi Climat et résilience</a> présente dans son article 191 l’ambition française en matière de lutte contre cette artificialisation destructrice :</p>
<blockquote>
<p>« Afin d’atteindre l’objectif national d’absence de toute artificialisation nette des sols en 2050, le rythme de l’artificialisation des sols dans les dix années suivant la promulgation de la présente loi doit être tel que, sur cette période, la consommation totale d’espace observée à l’échelle nationale soit inférieure à la moitié de celle observée sur les dix années précédant cette date. Ces objectifs sont appliqués de manière différenciée et territorialisée, dans les conditions fixées par la loi. »</p>
</blockquote>
<p>Au regard de cet objectif ambitieux, il semble opportun d’évaluer les conditions de sa réalisation et les efforts économiques qui y sont associés ; et, si ces efforts ne sont pas consentis en pratique, quel niveau de dette écologique cela peut générer.</p>
<p>Nous allons d’abord estimer le montant des dépenses qu’il aurait été nécessaire d’engager pour l’année 2019, si l’objectif d’absence d’artificialisation nette avait été visé – en considérant que ce montant correspond au coût de la renaturation de surfaces équivalentes à celles qui ont été artificialisées sur la même période.</p>
<p>Avec la même méthode, nous évaluerons ensuite les investissements nécessaires au regard de l’objectif intermédiaire fixé pour les dix prochaines années – si nous poursuivons un scénario tendanciel d’artificialisation des sols similaire à celui que nous observons aujourd’hui.</p>
<h2>Qu’est-ce que l’artificialisation ?</h2>
<p>L’artificialisation désignait jusqu’à il y a peu la <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2019-02/datalab-48-cc-biodiversite-les-chiffres-cles-edition-2018-decembre2018a_0.pdf">perte d’un espace naturel agricole ou forestier</a> au profit d’un sol bâti ou fortement modelé par les activités humaines.</p>
<p>La récente loi Climat et résilience la définit plus largement par la perte de fonctions écologiques d’un sol. L’artificialisation dite « nette » correspond à la surface artificialisée retranchée des surfaces renaturées.</p>
<p>Nous faisons l’hypothèse qu’atteindre l’absence d’artificialisation nette, d’un point de vue écologique, sous-entend de compenser l’ensemble des nouvelles surfaces artificialisées par la <a href="https://www.iddri.org/sites/default/files/PDF/Publications/Catalogue%20Iddri/D%C3%A9cryptage/201902-IB0219-AC%20artificialisation%20France_0.pdf">renaturation équivalente de sols précédemment artificialisés</a> ; par exemple, dans des zones d’activités ou d’habitations devenues vacantes ou des parkings surdimensionnés.</p>
<p>Or ces actions de restauration des sols sont extrêmement coûteuses ; renaturer un sol artificialisé nécessite de déconstruire, de dépolluer, de désimperméabiliser, puis de végétaliser et de suivre l’état environnemental du site.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1417530662995775492"}"></div></p>
<h2>Combien coûte la renaturation d’un sol ?</h2>
<p><a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/objectif-zero-artificialisation-nette-leviers-proteger-sols">France Stratégie</a> montre que la renaturation d’un sol artificialisé coûte de 95 à 390 euros le m<sup>2</sup>, selon son degré d’altération.</p>
<p>Nous nous appuierons sur <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/micfri/l15b3811_rapport-information">cette fourchette de coûts</a> pour calculer le différentiel qui existe entre les dépenses effectivement consenties en la matière sur cette année de référence et les dépenses qui auraient dû être consenties pour viser une absence d’artificialisation nette (sans inclure ni les coûts de l’acquisition foncière ni les coûts de déconstruction).</p>
<p>Nous mesurons l’artificialisation grâce aux <a href="https://artificialisation.biodiversitetousvivants.fr/les-donnees-au-1er-janvier-2019">données communales</a> sur la période 2009-2019. En 2019, 235 km<sup>2</sup> supplémentaires ont été artificialisés au niveau national (métropolitain et DROM).</p>
<h2>Calculer notre déficit écologique</h2>
<p>À combien s’élève alors le déficit écologique dû à l’artificialisation des sols en France en 2019 ?</p>
<p>Nous considérons que le respect de l’objectif d’absence d’artificialisation nette sous-entend que l’ensemble de la surface artificialisée devrait ou devra être compensée. Pour simplifier, nous admettons que la surface servant à la compensation est équivalente à la surface artificialisée, donc que la qualité écologique des surfaces renaturées est similaire à celle des espaces nouvellement artificialisés.</p>
<p>Les investissements nécessaires à une renaturation équivalente de 235 km<sup>2</sup> représentent au minimum 22,4 milliards et, selon les terrains disponibles pour la compensation écologique, admettent une budgétisation jusqu’à 91,8 milliards d’euros.</p>
<p>En appliquant la même méthode, mais en lissant le flux d’artificialisation sur la décennie 2009-2019, nous arrivons à des montants comparables (26,3 milliards en fourchette basse, 107,8 milliards en fourchette haute par an), mais plus élevés, signifiant que l’artificialisation en 2019 a été moins importante que l’artificialisation moyenne sur la décennie.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/G3C-vQ9jH2E?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Artificialisation du territoire & biodiversité en Île-de-France (IddriTV, 2017).</span></figcaption>
</figure>
<h2>Peut-on compter sur la compensation écologique ?</h2>
<p>L’absence d’artificialisation nette semble être un objectif trop ambitieux pour être appliqué immédiatement ; l’article 191 de la loi Climat et résilience prévoit donc « simplement » que le rythme de l’artificialisation des sols dans les dix prochaines années ne dépasse pas la moitié de la consommation d’espace observée dans les dix dernières.</p>
<p>Pour mettre en perspective les montants qui vont devoir être mobilisés pour respecter cet objectif, nous considérons que l’artificialisation qui sera observée dans les 10 prochaines années correspond à la moyenne de celle observée entre 2009 et 2019 – soit 276,38 km<sup>2</sup> par an.</p>
<p>Nous soustrayons ensuite cette moyenne du montant de surface qu’il est autorisé d’artificialiser sur la même période selon l’article 47 (soit 1381,9 km<sup>2</sup>), de manière à calculer le niveau de dette écologique cumulée si rien n’est fait.</p>
<p>En partant de l’hypothèse que la loi ne pourra être respectée que par un recours massif à la compensation écologique, la conclusion est rapide : si nous ne changeons pas radicalement la façon dont nous envisageons l’aménagement du territoire, la renaturation des sols nécessaire au respect de l’objectif mentionné dans la loi Climat et résilience engendrera des coûts situés entre 154 milliards et 632 milliards d’euros pour les 10 ans à venir.</p>
<p>En fourchette basse, une dépense de 154 milliards d’euros sur dix ans correspond au <a href="https://www.capeb.fr/www/capeb/media/document/capeb-cc2019-5.pdf">chiffre d’affaires annuel du secteur du bâtiment</a> en France.</p>
<h2>Une dette qui risque de s’accumuler</h2>
<p>Ces coûts prohibitifs, qui sont par ailleurs sous-estimés du fait d’hypothèses simplificatrices concernant l’équivalence écologique et de la non-prise en compte des coûts de l’acquisition foncière, doivent éclairer d’un nouveau jour les arbitrages qui sont aujourd’hui réalisés entre coût de construction sur un espace naturel ou semi-naturel et coûts de recyclage des sols ou de requalification urbaine.</p>
<p>Il est permis de douter de la viabilité économique d’un recours à la compensation exigeant une véritable équivalence écologique et toute compensation au rabais n’est pas une réponse envisageable à la perte d’un espace naturel ou semi-naturel au regard de l’effondrement de la biodiversité que nous observons.</p>
<p>Un objectif d’absence d’artificialisation nette n’est viable que s’il repose principalement sur la réduction de l’artificialisation brute et non sur la compensation des surfaces nouvellement artificialisées, cette dernière devant intervenir en dernier recours.</p>
<p>Ceci nécessite une anticipation et une adaptation des politiques d’aménagement. Sans cela, le déficit écologique de la France et la dette écologique à solder ne feront que s’accumuler dans les années à venir.</p>
<p>Il faut ainsi appeler à une considération écologiquement plus ambitieuse que celle de France Stratégie dans son rapport de 2019. Cela suppose d’améliorer la connaissance sur les terrains disponibles à la compensation. L’imaginaire autour de la <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/les_compensations_ecologiques-9782707197979">« neutralité écologique »</a> permise par la compensation, qui suppose possible l’échange d’unités écologiques qui auraient une valeur équivalente, pose aujourd’hui question.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/166073/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Morgane Gonon est également Secrétaire Générale du Laboratoire d'idées Institut Rousseau.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Harold Levrel est responsable de la chaire AgroParisTech Comptabilité écologique.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Clement Surun ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si l’aménagement du territoire n’évolue pas, les coûts de renaturation des sols, prévue par la loi Climat et résilience, pourraient atteindre entre 154 et 632 milliards dans la prochaine décennie.Morgane Gonon, Chaire comptabilité écologique AgroParisTech, CIRED, Université Paris Dauphine – PSLClement Surun, Ph.D. Student, AgroParisTech – Université Paris-SaclayHarold Levrel, Professeur, économie de l’environnement, AgroParisTech – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1689022021-10-13T11:56:09Z2021-10-13T11:56:09ZLe casse-tête de la dépendance automobile en zones peu denses<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/424770/original/file-20211005-13-zoepjc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C2%2C1911%2C1201&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les alternatives à l'automobile demeurent encore trop peu appliquées ou pensées notamment dans les zones rurales et périphériques. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/rue-confiture-ville-trafic-vue-3738298/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>La dépendance automobile des populations vivant et se déplaçant hors des zones denses urbaines constitue un <a href="http://heran.univ-lille1.fr/wp-content/uploads/De%CC%81pendance-auto-2001.pdf">phénomène</a> bien connu et analysé <a href="https://www.amazon.fr/d%C3%A9pendance-automobile-Gabriel-Dupuy/dp/2717838716%5D(https://www.amazon.fr/d%C3%A9pendance-automobile-Gabriel-Dupuy/dp/2717838716)">par les chercheurs</a>. Est-ce pour autant un réel problème ? Sur cet aspect déjà les points de vue divergent.</p>
<p>Pour les uns, la voiture n’est pas vraiment nocive dans ces territoires et il convient de ne pas en contraindre l’usage, voire de l’encourager. Pour les autres, les nuisances qu’elle génère y sont autrement plus fortes si l’on veut bien approfondir le sujet.</p>
<p>L’essor de la voiture a permis à nombre de ménages d’échapper à la fatigue de la marche et du pédalage, de ne plus dépendre de transports publics contraignants, de gagner en liberté de mouvement, d’accéder à une plus grande diversité de destinations et de s’offrir une habitation plus spacieuse, avec jardin.</p>
<p>Le bouleversement des modes de vie qui en a résulté a cependant son revers : dépendre désormais d’un véhicule motorisé <a href="https://www.largus.fr/actualite-automobile/voiture-moyenne-2020-plus-petite-mais-aussi-plus-chere-10675391.html">d’environ 1,25 tonne</a> pour presque tous ses déplacements, ce qui n’a pas que des avantages, pour soi comme pour la planète.</p>
<h2>Quand la dépendance devient contrainte</h2>
<p>Concrètement, la dépendance automobile concerne avant tout les « zones peu denses », soit les petites villes de moins de 10 000 habitants et le milieu rural, selon une définition possible, où vivent 8,9 millions de ménages et 21,4 millions d’habitants, <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2017650?sommaire=2017660">(soit le tiers de la population française)</a>. Plus des trois quarts des déplacements s’y font en voiture. Plus de la moitié des ménages y ont deux voitures ou plus. Cette dépendance est également assez forte dans les villes moyennes et en périphérie des grandes villes où vit un autre tiers de la population.</p>
<p>Dès que les conditions de déplacement en voiture se resserrent, la dépendance devient contrainte. Les mesures réduisant la vitesse des véhicules (multiplication des radars, baisse de la vitesse maximale de 90 à 80 km/h sur les routes à double sens sans séparateur central, généralisation des zones 30…) ou augmentant le coût des déplacements en voiture (hausse du prix du carburant, introduction d’une taxe poids lourds ou d’une taxe carbone…) entraînent de vives réactions dans la population la plus concernée, comme on l’a vu avec le mouvement des <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2014-3-page-223.htm?contenu=article">« bonnets rouges »</a> en 2014 ou celui des <a href="https://theconversation.com/gilets-jaunes-une-fracture-nord-sud-126962">« gilets jaunes »</a> en 2018.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-radars-de-la-colere-109352">Les radars de la colère</a>
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<h2>Des alternatives peu efficaces</h2>
<p>En zone dense, les alternatives à l’automobile – marche, vélo, transports publics… – sont bien engagées et donnent de bons résultats. Mais en zone moins dense, elles <a href="http://www.senat.fr/rap/r20-313/r20-3131.pdf">patinent</a>).</p>
<p>Les transports publics ne peuvent être déployés partout ou à un coût exorbitant. Les quelques lignes finalement acceptées doivent alors souvent être rejointes en voiture ou en deux-roues, ce qui n’est guère attractif. Le covoiturage de courte et moyenne distance a beaucoup de mal à séduire à cause des contraintes d’organisation et de la difficulté <a href="https://www.cerema.fr/system/files/documents/2018/10/Rapport_Cerema_covoiturage_courte-distance_final.pdf">à monétiser le service</a>. L’<a href="https://www.rezopouce.fr/">autostop organisé</a>, en général gratuit, ne rend qu’un service ponctuel. Le transport à la demande est très coûteux et ne peut être qu’une solution marginale.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/424772/original/file-20211005-21-1pioni8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/424772/original/file-20211005-21-1pioni8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/424772/original/file-20211005-21-1pioni8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/424772/original/file-20211005-21-1pioni8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/424772/original/file-20211005-21-1pioni8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/424772/original/file-20211005-21-1pioni8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/424772/original/file-20211005-21-1pioni8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’insécurité routière continue de dissuader les déplacements à pied ou à vélo dans les zones peu denses.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/paysage-neige-la-glace-gel-v%C3%A9lo-1798695/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Le vélo n’est plus compétitif au-delà de 5 à 10 km. Il est vrai toutefois que les petits déplacements restent assez nombreux dans les territoires peu peuplés, puisque près de la moitié des déplacements y font <a href="https://www.cerema.fr/system/files/documents/2017/12/note_zonespeudenses_modesactifs_cle6cdcc1.pdf">moins de 5 km (presque les deux tiers en milieu urbain)</a>. Même le télétravail incite, en fait, les gens à habiter plus loin de leur lieu de travail ou à accepter un emploi plus éloigné de leur résidence et <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02569500/document">ne réduit en rien l’usage de la voiture</a>.</p>
<p>Si bien que beaucoup s’interrogent : faut-il vraiment chercher à sortir de cette <a href="https://www.amazon.fr/Vive-route-r%C3%A9publique-Fran%C3%A7ois-Orfeuil/dp/2815914514">dépendance automobile ?</a> « Pourquoi embêter les automobilistes ? », traduisent les élus et les citoyens les plus concernés.</p>
<h2>Des nuisances non négligeables en zone peu dense</h2>
<p>Pour nombre de chercheurs, l’affaire est entendue : la voiture ne provoque pas vraiment de nuisances en <a href="https://www.amazon.fr/Anachronismes-urbains-Jean-Marc-Offner/dp/2724625250">zone peu dense</a>. Les émissions de gaz à effet de serre et de polluants diminuent grâce au resserrement des normes européennes. Avec l’essor des voitures électriques et l’amélioration de leurs performances, la question sera même bientôt réglée, espère-t-on.</p>
<p>Le bruit reste pourtant une gêne : les logements en bordure de route ou proche d’une autoroute subissent une <a href="https://immobilier.lefigaro.fr/article/quelles-decotes-pour-un-logement-imparfait-_6f221c22-4a45-11e5-9e7a-1d316c7224aa/">décote sensible</a> et ce n’est pas la voiture électrique qui règlera ce problème car le bruit des pneus sur la chaussée puis le bruit aérodynamique dominent <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01425060/">au-delà de 50 km/h</a>.</p>
<p>Même si la mortalité routière <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/07/10/securite-routiere-en-1972-la-france-a-tombeau-ouvert_6045767_3224.html">a été divisée</a> par 5 en France depuis les années 1970, l’insécurité routière continue de dissuader les déplacements à pied ou à vélo dans les zones peu denses.</p>
<p>Un phénomène renforcé par les infrastructures de transport qui morcellent le territoire et imposent des détours. De plus, la consommation d’espace exigée par les véhicules individuels motorisés engendre une circulation dans la moindre ruelle, un stationnement généralisé sur toutes les places et même sur les trottoirs (quand il y en a). Résultat : les personnes vulnérables (enfants, seniors, handicapés…) doivent le plus souvent être accompagnées en voiture par des proches <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0761898098900528">pour leurs déplacements</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Rx-OCCNhx8k?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Webinaire sur les mobilités, quelles solutions en milieu rural ? (Laboratoire de la mobilité inclusive, 2021).</span></figcaption>
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<p>À plus long terme, il faudra bien se rendre compte que la voiture n’est pas une solution durable. Son efficacité énergétique est déplorable, puisqu’en moyenne, elle transporte à 93 % son propre poids et pour le reste seulement des personnes et des charges. Les ressources de la planète ne seront jamais suffisantes pour faire face à un tel gaspillage : même si le taux de recyclage des véhicules hors d’usage s’améliore, les <a href="https://www.cairn.info/revue-responsabilite-et-environnement-2016-2-page-45.htm">matériaux</a> et composants récupérés sont généralement dégradés.</p>
<p>On ne sait pas encore précisément quelles seront les ressources qui viendront à manquer en premier : le cuivre pour les circuits électriques, le néodyme pour les aimants permanents des moteurs électriques, le cobalt pour la production de batteries ou d’autres encore ? Il est certain, en revanche, que le prix des voitures et de l’énergie aura de plus en plus tendance à augmenter.</p>
<h2>Vers des véhicules plus frugaux</h2>
<p>Pour réduire toutes ces nuisances et conserver une mobilité à la fois individuelle, accessible et bon marché, une solution particulièrement efficace mais encore peu explorée, consistera à s’orienter vers d’autres véhicules beaucoup moins lourds (moins de 500 kg) et moins rapides (maximum 50 km/h), plus spécialisés et suffisants pour la grande majorité des usages et notamment des déplacements domicile-travail actuels.</p>
<p>Ces <a href="https://theconversation.com/malus-poids-emissions-de-co-interessons-nous-enfin-aux-vehicules-intermediaires-148650">« véhicules intermédiaires »</a> entre le vélo classique et la voiture, qu’elle soit thermique, hybride ou électrique, sont très divers : vélos électriques (VAE ou speed pedelec), vélos spéciaux (cargocycles, vélomobiles, vélo-voitures…), microvoitures (sorte de quads électriques), deux-roues motorisés protégés, voiturettes ou mini-voitures. Des pionniers les testent, y compris en zone rurale de montagne.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/PTyTVpxV7hQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">In’VD (Innovation véhicule doux), une association qui a pour but de chercher des solutions en matière de déplacements non polluants (Seize9, 2019).</span></figcaption>
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<p>Pourtant, l’utilisation de tels modes est aujourd’hui considérée comme une régression intolérable et paraît même impensable, tant le standard de la voiture individuelle et le mode de vie qui va avec sont intériorisés dans tous les milieux sociaux.</p>
<p>En façonnant nos imaginaires, par leur <a href="https://www.e-marketing.fr/Thematique/media-1093/Tribune/industrie-automobile-rois-pub-234076.htm">campagnes publicitaires massives</a>, les constructeurs automobiles y veillent.</p>
<p>L’accès à des véhicules toujours plus sophistiqués correspondrait, nous disent-ils, aux aspirations de la société. Il est au contraire probable qu’avec le renouvellement des générations et la montée des périls environnementaux, les gens souhaitent explorer progressivement d’autres façons de se déplacer et de vivre, fondées sur un ralentissement général, une frugalité choisie, des mobilités plus actives et plus de <a href="https://www.lafabriqueecologique.fr/vers-des-technologies-sobres-et-resilientes-pourquoi-et-comment-developper-linnovation-low-tech/">proximité</a>.</p>
<p>En découlera un rapprochement des différents lieux de vie (domicile, travail, services…) et des relations moins lointaines mais plus approfondies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168902/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Héran ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans les zones dites peu denses, plus des trois quarts des déplacements se font en voiture. Comment remédier à cette dépendance automobile ?Frédéric Héran, Économiste et urbaniste, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1682152021-09-29T14:15:12Z2021-09-29T14:15:12ZLes inégalités entre les territoires deviennent des inégalités au sein des territoires<p>À entendre les commentateurs, les politiques et particulièrement les élus locaux, la cause est entendue : les inégalités territoriales augmentent, les territoires « oubliés » se multiplient. Ce ne n’est plus <em>la</em> mais davantage <em>les</em> fractures territoriales que l’on dénonce. Pourtant, en regard, inlassablement mais de façon quasi inaudible, la parole experte fait un constat opposé : <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/l-etat-a-toujours-soutenu-ses-territoires-laurent-davezies/9782021451535">l’État n’a pas oublié les territoires</a>.</p>
<p>Comment expliquer cette contradiction ? L’approche proposée récemment par l’historien et sociologue français Pierre Rosanvallon pour comprendre la société française contemporaine est peut-être éclairante. Les mutations accélérées de notre relation au territoire ne constitueraient-elles pas « une <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/les-epreuves-de-la-vie-pierre-rosanvallon/9782021486438">épreuve d’incertitude</a> », s’exprimant au travers de la généralisation d’une posture victimaire de dénonciation de l’abandon des territoires ?</p>
<p>Chacun d’entre nous a, au long de ces dernières décennies, profondément changé sa relation au territoire. Parce que les mobilités de toutes natures sont plus aisées, on pratique de façon généralisée la multi-appartenance territoriale, la dissociation entre ses lieux d’habitat, de travail ou de loisirs, une forme de « zapping territorial ».</p>
<h2>Entre réalités et représentations</h2>
<p>Si la capacité de choix de ses territoires de vie n’est pas égale pour tous, il n’en reste pas moins que cette relation moins contrainte au territoire est largement partagée : comment ignorer par exemple que les difficultés de la Seine-Saint-Denis tiennent moins à la concentration de populations pauvres et fragiles qu’au constant renouvellement de ces dernières ? Et faut-il rappeler que ce sont des départements du sud de la France (Pyrénées-Orientales, Aude…) qui concentrent le <a href="https://www.capital.fr/votre-argent/prime-dactivite-et-rsa-dans-quels-departements-trouve-t-on-le-plus-grand-nombre-de-beneficiaires-1385763">plus grand nombre de titulaires des minima sociaux</a>, en raison de l’accueil massif de ces populations venues du de la région capitale ou des Hauts-de-France ?</p>
<iframe title="Pourcentage de bénéficiaires du RSA par département" aria-label="Map" id="datawrapper-chart-yh2Ow" src="https://datawrapper.dwcdn.net/yh2Ow/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="800" width="100%"></iframe>
<p>Ces mobilités de tous ordres ont engendré une perte de repères généralisée. Comment ainsi décrire la géographie de la pauvreté ? Certes, les pauvres sont bien plus nombreux en valeur absolue, dans les centres urbains que dans les campagnes, mais en valeur relative, la perception peut s’inverser. L’ordre social ne se reflète plus mécaniquement dans l’espace.</p>
<p>Cette incertitude identitaire – on ne peut plus raisonner sur le mode « dis-moi où habites, je te dirai qui tu es ? » – génère par contrecoup ce que sociologue français Bruno Latour a qualifié de « <a href="http://www.bruno-latour.fr/sites/default/files/P-145-DATARpdf2.pdf">souffrance spatiale des Français</a> ». Cette souffrance est encore plus sensible chez ceux qui parlent en leur nom, les élus locaux. L’incertitude porte sur la population qu’ils gèrent : les sédentaires ou les nomades ? Les résidents ou les actifs ? etc.</p>
<p>Face à cette épreuve d’incertitude, leur expression publique s’accroche par contrecoup à des représentations rassurantes : la France d’en haut contre la France d’en bas ou « périphérique », et la multiplication des plaintes catégorielles : les banlieues, le rural, les villes moyennes… L’écart se creuse entre la réalité des dynamiques territoriales et ses représentations collectives. Ainsi, lors du premier confinement, on a largement glosé sur « l’exode des Parisiens » se réfugiant à la campagne alors que les données statistiques indiquaient l’inverse.</p>
<p>Par exemple en Haute-Loire, <a href="https://www.insee.fr/fr/information/4477356">troisième département</a> par le nombre de départs de Paris en mars 2020, il s’agissait pour les deux tiers de ménages domiciliés dans ce département rentrant au pays. Les mobilités supposées des Parisiens masquent celles des ruraux !</p>
<iframe title="Taux d’évolution des nuitées (en% des nuitées totales) après et avant le confinement." aria-label="Carte" id="datawrapper-chart-Z9t1S" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Z9t1S/10/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="800" width="100%"></iframe>
<p>Cette montée des plaintes émanant de territoires s’estimant oubliés est largement corrélée à la complexification des disparités territoriales, recomposées par les mouvements des ménages comme des entreprises.</p>
<p>La représentation catégorielle des territoires qui distingue et oppose grandes villes, villes moyennes, périurbain et rural organise le débat public et l’expression politique des élus locaux. Elle est en réalité traversée, depuis une trentaine d’années, par une ligne de fracture bien plus significative qui oppose la France de l’Ouest, attractive et la France de l’Est, non pas abandonnée par les pouvoirs publics mais soumise à la désaffection des ménages et des entreprises qui les suivent, motivés par des choix de vie « hédoniques ».</p>
<h2>Une action publique déboussolée</h2>
<p>Dans la période récente, les disparités territoriales se complexifient davantage encore. Dans un monde où chacun organise sa vie en archipels associant à distance – et encore davantage avec le télétravail – un ou plusieurs lieux de résidence, de travail, de consommation, de loisirs… la question de l’accessibilité entre ces lieux de vie devient déterminante. Cela génère des disparités beaucoup plus fines entre les territoires, à toutes les échelles, même les plus locales.</p>
<p>L’attractivité d’un territoire rural tient d’abord à son accessibilité, à sa proximité à une gare ou à une sortie d’autoroute. Partout en France aujourd’hui la géographie de l’attractivité se rétracte le long des axes de circulation.</p>
<p>Hédonisme et accessibilité, ces deux facteurs se conjuguent pour faire imploser les catégories et les strates de territoires. Les inégalités et les disparités de développement sont aujourd’hui moins entre les catégories de territoires, qu’au sein de ces catégories.</p>
<p>Dès son origine, à l’après-guerre, l’aménagement du territoire en France a été conçu pour réduire les déséquilibres territoriaux (« Paris et le désert français »). Ces politiques se sont peu à peu structurées en référence à cet objectif, autour d’un principe, le ciblage catégoriel, et ce que l’on a nommé ensuite la « discrimination positive territoriale ». Il s’agissait de donner plus à ceux qui au moins : les quartiers de la politique de la ville, les zones de revitalisation rurale…</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/422136/original/file-20210920-21-18zu1v1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/422136/original/file-20210920-21-18zu1v1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/422136/original/file-20210920-21-18zu1v1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=848&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/422136/original/file-20210920-21-18zu1v1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=848&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/422136/original/file-20210920-21-18zu1v1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=848&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/422136/original/file-20210920-21-18zu1v1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/422136/original/file-20210920-21-18zu1v1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/422136/original/file-20210920-21-18zu1v1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte des villes concernées par l’opération « Au cœur de ville ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/programme-action-coeur-de-ville">Cohesion-territoires.gouv.fr</a></span>
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<p>Si cette politique perdure, elle est dans l’incapacité de contrecarrer le sentiment d’abandon généralisé et l’inflation des plaintes catégorielles. On assiste depuis peu à un revirement sans précédent des politiques gouvernementales.</p>
<p>Au ciblage catégoriel, se substitue un saupoudrage généralisé. Chaque strate de territoires est bénéficiaire de l’attention de l’État et ce de façon exhaustive. Ainsi le programme <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/action-coeur-de-ville-revitalisation-centres-villes">« Action cœur de ville »</a> couvre près de 220 villes moyennes, c’est-à-dire la plupart d’entre elles, et le programme « petites villes de demain » le complète en s’adressant à tous les bourgs centres de moins de 20 000 habitants.</p>
<p>Faute de pouvoir garantir l’acceptabilité politique d’un ciblage prioritaire de l’intervention de l’État, le saupoudrage est généralisé, à la satisfaction à court terme du plus grand nombre, mais au risque de l’inefficacité. Ce traitement exhaustif s’attache au symptôme (la plainte des territoires) mais pas aux causes (les disparités). Que peut-on attendre d’un traitement à l’identique de Saint-Dizier et de Bayonne, d’une ville moyenne à l’arrêt et d’une autre sous pression ?</p>
<p>Entre un ciblage épuisé et un saupoudrage superficiel, l’enjeu est aujourd’hui d’inventer une politique à même de répondre à l’exigence de lisibilité collective du « désordre territorial » contemporain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168215/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Daniel Behar does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>En quelques années, l’influence du facteur mobilité s’est renforcée, fragmentant l’attractivité d’un même espace en fonction de la proximité des voies routières et ferroviaires.Daniel Behar, Géographe Professeur des Universités, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1479572020-11-17T20:53:44Z2020-11-17T20:53:44ZQuand un jeu sensibilise les décideurs aux risques littoraux<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science 2020 (du 2 au 12 octobre 2020 en métropole et du 6 au 16 novembre en Corse, en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition a pour thème : « Planète Nature ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>En France, l’action publique sur le risque de submersion fait l’objet de controverses. Dans les années 2010, des mesures alternatives et innovantes ont vu le jour, elles proposent de modifier le rapport des sociétés littorales à la nature.</p>
<p>Elles font suite à plusieurs événements majeurs de grande ampleur, à la fois localement (en particulier la tempête Xynthia en 2010) mais aussi au plan international, si l’on considère les effets de l’Ouragan Katrina (2005) sur la manière de concevoir les rapports des sociétés avec les aléas climatiques. Plus globalement, ces évènements s’inscrivent dans un contexte où diverses « catastrophes » ont ébranlé les consciences occidentales (accident nucléaire suite à un tsunami à Fukushima en 2011) et interrogé leurs modes de gestion des risques.</p>
<p>Ces évènements combinés aux effets attendus de la hausse des niveaux marins due au changement climatique débouchent sur la mise à l’agenda politique de <a href="https://journals.openedition.org/vertigo/8455">nouvelles formes de gestion des risques, plus « intégrées »</a>. En réaction à des méthodes dites « dures » (basées sur le durcissement du trait de côte et le recours à des matériaux résistants tels que le béton), elles consistent principalement à s’appuyer sur des méthodes dites « douces » de protection des enjeux situés sur les littoraux. Elles reposent sur des solutions qui intègrent la dynamique spontanée des littoraux et la mobilité du trait de côte (par exemple le rechargement de plage en sédiments). D’autres méthodes alternatives existent, qui consistent à envisager le déplacement d’enjeux importants vers l’intérieur des terres, c’est-à-dire « reculer » (en déplaçant le bâti) ou à « laisser faire » (et ne plus maintenir le trait de côte, pour permettre les évolutions morphologiques des littoraux).</p>
<p>Ces modes de gestion, également qualifiés d’alternatifs, donnent lieu à des débats politiques, environnementaux, voire juridiques : faut-il dès à présent opérer un « retrait stratégique » et envisager de « relocaliser » les activités situées sur les littoraux, dans des zones à risque ? y a-t-il des moyens plus « doux » du point de vue écologique pour permettre le maintien des activités littorales, tout en faisant davantage de place à la « nature » ?</p>
<p>Cela interroge notamment la manière dont l’État français se positionne vis-à-vis des impacts du changement climatique sur les littoraux métropolitains.</p>
<p>De ces stratégies de « défense des côtes » découlent d’autres questionnements plus larges : qui supporterait le prix économique et social d’une relocalisation, quel serait le poids d’une telle décision pour les communes arrière littorales, quels régimes assurantiels seraient associés à l’arrêt de la « bétonnisation » des côtes ?</p>
<p>Un jeu à vocation pédagogique, basé sur une modélisation de la submersion et de l’aménagement d’un territoire littoral, a été conçu par une équipe multidisciplinaire de chercheurs pour sensibiliser les élus et les agents des collectivités territoriales soumises aux risques littoraux.</p>
<h2>Un jeu pour apprendre et pour débattre d’enjeux d’actualité</h2>
<p>Le <a href="https://littosim.hypotheses.org/">jeu LittoSIM</a> est le produit d’une rencontre entre une équipe de chercheurs et des collectivités territoriales de la côte Atlantique : la Communauté de Communes d’Oléron et le syndicat mixte de Pays Marennes-Oléron.</p>
<p>L’idée est de proposer par des moyens ludiques d’acquérir des connaissances et de faire expérimenter des situations de prise de décision. LittoSIM consiste à regrouper des gestionnaires des risques en ateliers de réflexion et d’action.</p>
<p>Durant une demi-journée, ils aménagent, sur des tablettes numériques, le plan local d’urbanisme (PLU, document de planification des communes) d’un territoire, et expérimentent différentes stratégies de gestion du risque.</p>
<p>De manière inopinée, des submersions sont simulées à l’aide d’un modèle informatique, « inondant » plus ou moins les communes et interrogeant ainsi les choix d’aménagement. Les joueurs sont alors amenés à reconsidérer leurs stratégies et à collaborer entre territoires voisins. Depuis 2017, de nombreux ateliers ont été organisés sur l’île d’Oléron, en Camargue et en Normandie.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/368134/original/file-20201108-17-njsa70.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/368134/original/file-20201108-17-njsa70.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=162&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/368134/original/file-20201108-17-njsa70.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=162&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/368134/original/file-20201108-17-njsa70.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=162&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/368134/original/file-20201108-17-njsa70.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=203&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/368134/original/file-20201108-17-njsa70.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=203&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/368134/original/file-20201108-17-njsa70.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=203&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les trois situations d’interactions d’un atelier : jeu à deux en équipe, échange entre équipes autour de la table de projection, débriefing à l’issue de l’atelier (LittoSIM, 2017) équipe LittoSIM.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>LittoSIM est le fruit d’un processus de co-construction participatif, qui a pris un sens particulier au regard du contexte sociopolitique de la fin de la décennie 2010. Cette période correspond à la mise en application du transfert de compétence GEMAPI (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) aux intercommunalités (les établissements publics de coopération intercommunale).</p>
<p>Le financement de la gestion du risque inondation revient alors aux intercommunalités (avec la possibilité de mettre en place une taxe spécifique) et ce transfert de compétences nécessite des apprentissages et provoque des remous, voire des résistances, parmi les maires et les conseils municipaux qui se sentent parfois dépossédés de leurs missions et sont contraints d’envisager la gestion du risque littoral à une échelle plus large.</p>
<p>Parallèlement, est élaborée au niveau étatique, la stratégie nationale pour la gestion intégrée du trait de côte (SNGITC) dont l’ambition est de « renforcer la connaissance sur le <a href="http://observatoires-littoral.developpement-durable.gouv.fr/qu-est-ce-que-le-trait-de-cote-r25.html">trait de côte</a> et de favoriser la mise en place de stratégies locales pour adapter les territoires aux évolutions du littoral » et notamment de développer des stratégies de « défenses douces » et de « recul stratégique » face aux effets du changement climatique.</p>
<p>Le jeu permet donc à la fois des apprentissages, des collaborations et des échanges sur des sujets d’actualité pour les collectivités.</p>
<h2>Faire une place à la nature ?</h2>
<p>Au-delà des apprentissages et de la sensibilisation pour les gestionnaires, le jeu nous renseigne sur les représentations sociales que les décideurs locaux ont des risques naturels, et plus généralement, sur leur conception des effets attendus du changement climatique.</p>
<p>La notion de risques naturels est largement remise en question dans la littérature scientifique en sciences sociales, tant il est admis que les risques existent parce que des enjeux humains et sociaux sont menacés par des phénomènes dits naturels.</p>
<p>À ce titre, les gestionnaires conviennent volontiers que la tentation est forte de construire derrière les digues lorsqu’elles existent, tout en ajoutant que c’est à revers des logiques et des pratiques des « anciens ».</p>
<p>« On a accru l’urbanisation, on est condamné à rehausser les [digues], on a mis le doigt dans l’engrenage et les gens qui sont derrière veulent rester », affirme ainsi un gestionnaire local, à propos des constructions urbaines implantées à l’arrière des digues, au cours d’un atelier du 14 avril 2017.</p>
<p>Les discours lors des ateliers placent la question de la gestion des risques naturels sur le plan de l’opposition entre sociétés et nature. « Ah ! L’homme qui veut toujours prendre le pas sur l’élément naturel… On est là donc il faut faire avec, mais on aura pas gain de cause sur la nature. » (agent d’une collectivité, entretien post atelier)</p>
<p>On constate que les gestionnaires se placent en opposition avec une nature extérieure à l’humain et présentent la gestion du risque comme un combat, une épreuve de force physique, mais également une épreuve éthique et juridique : il est question d’avoir gain de cause, comme lors d’un procès.</p>
<p>C’est finalement une guerre de position, d’occupation de l’espace : « On ne peut pas lutter contre la nature mais on ne peut non plus la laisser faire, parce qu’on est là » (agent d’une collectivité, entretien post atelier).</p>
<p>Dans cette opposition cosmogonique entre nature et culture, que l’anthropologue Philippe Descola <a href="http://acireph.org/spip.php?article90">désigne comme le paradigme naturaliste</a> – et qu’il caractérise comme un préjugé culturel de l’Occident, la prise en compte du risque de submersion renvoie à la nécessité qu’auraient les sociétés de faire une place à la nature.</p>
<p>On peut se demander si les effets attendus du changement climatique pourraient alors faire vaciller la cosmogonie occidentale vers une conception plus intégrée des sociétés et de leur environnement ?</p>
<h2>Des murs contre la mer ?</h2>
<p>Les ateliers LittoSIM ont montré la réticence des décideurs à renoncer à l’anthropisation du littoral. « Reculer, ça m’ennuierait beaucoup mais je me dis qu’il arrivera un moment où on sera obligé de le faire […] Mais moi, de mon mandat, j’espère que ça ne se fera pas » (élu, entretien ante atelier). La gestion du risque, par la création de zones inondables par exemple, renvoie dans le vocabulaire à l’idée d’abandon, voire d’offrande à la mer. Les participants soulignent qu’il s’agit d’une renonciation, il est d’ailleurs aussi question de « secteurs perdus ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/368135/original/file-20201108-21-13i8xl7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/368135/original/file-20201108-21-13i8xl7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/368135/original/file-20201108-21-13i8xl7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/368135/original/file-20201108-21-13i8xl7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/368135/original/file-20201108-21-13i8xl7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/368135/original/file-20201108-21-13i8xl7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/368135/original/file-20201108-21-13i8xl7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les littoraux font l’objet d’usages récréatifs qui reposent sur un durcissement du trait de côte (côte Camargaise), LittoSIM, Amalric, 2019.</span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/368136/original/file-20201108-13-tpif4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/368136/original/file-20201108-13-tpif4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/368136/original/file-20201108-13-tpif4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/368136/original/file-20201108-13-tpif4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/368136/original/file-20201108-13-tpif4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/368136/original/file-20201108-13-tpif4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/368136/original/file-20201108-13-tpif4y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">En dépit des risques de submersion et des dynamiques géomorphologiques, le bâti résidentiel se développe en bordure de rivage (côte Charentaise), LittoSIM, Becu, 2020.</span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/368137/original/file-20201108-19-z2hfb0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/368137/original/file-20201108-19-z2hfb0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/368137/original/file-20201108-19-z2hfb0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/368137/original/file-20201108-19-z2hfb0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/368137/original/file-20201108-19-z2hfb0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/368137/original/file-20201108-19-z2hfb0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/368137/original/file-20201108-19-z2hfb0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Certains villages littoraux sont situés dans des zones submersibles, à l’arrière des épis qui maintiennent les cordons de galets (côte normande) LittoSIM, Amalric, 2019.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Bien qu’amers, les gestionnaires sont aussi résignés. « C’est un cercle vicieux : il y a peu de population et beaucoup de digues. La stratégie c’est d’enlever les digues… y’a pas le choix… Et si on enlève les digues, faut enlever les gens » (atelier du 9 mai 2017).</p>
<p>À l’issue des ateliers, les témoignages recueillis montrent donc que la question du « recul stratégique » fait partie des pistes envisagées par les collectivités.</p>
<p>Face à la hausse des niveaux marins, considérée par le GIEC comme <a href="https://reseauactionclimat.org/rechauffement-niveau-mer-elevation-1-m-2100/">l’une des conséquences les plus inéluctables du réchauffement climatique</a>, et estimée globalement à 1m en moyenne d’ici 2100, les ateliers LittoSIM nous renseignent sur la manière dont les gestionnaires se projettent à long terme.</p>
<p>Les discours témoignent d’une forme nouvelle d’acceptation du risque, qui ne consiste pas à fuir les lieux soumis aux risques, ni à les protéger, mais à inventer une forme de « vivre avec », qui intègre les dommages possibles aux modes de vie maintenus sur place.</p>
<p>« Là, on réfléchit autrement et on accepte un risque différent. [LittoSIM] peut avoir un impact positif dans ce sens-là. Il faut accepter que ça sert à rien de bâtir des murs pour lutter contre la mer » (élu, entretien post atelier).</p>
<p>Le dispositif LittoSIM a donc permis de caractériser la réception sociale de la politique de gestion des risques, s’inscrivant ainsi dans la réflexion sur l’élaboration d’une « culture du risque » à l’échelle locale.</p>
<hr>
<p><em>Depuis 2015, le consortium LittoSIM a bénéficié du soutien du CNRS, de la Fondation de France, de la Région Nouvelle-Aquitaine, de la Communauté de Communes de l’île d’Oléron et du Pays Marennes-Oléron. L’équipe LittoSIM rassemble Marion Amalric, Brice Anselme, Élise Beck, Nicolas Becu, Xavier Bertin, Nicolas Marilleau, Alice Mazeau, Amélie Monfort, Cécilia Pignon-Mussaud, Frédéric Rousseaux des Unités mixtes de Recherche CNRS CITERES (Tours) ; LIENSs (La Rochelle), PACTE (Grenoble), PRODIG (Paris) et de l’Unité mixte Internationale IRD UMISCO (Bondy) <a href="https://littosim.hypotheses.org/">littosim.hypotheses.org</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147957/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marion Amalric a reçu des financements de La fondation de France, la Région Nouvelle Aquitaine, le CNRS. </span></em></p>Le jeu LittoSIM sensibilise les décideurs des collectivités territoriales soumises au risque de submersion. Il montre la capacité des décideurs à envisager différemment l’anthropisation du littoral.Marion Amalric, Maître de conférences, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1461142020-10-05T21:51:35Z2020-10-05T21:51:35ZComment la loi de programmation de la recherche aggrave les inégalités entre territoires en France<p>La loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPR) qui est actuellement en <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/275347-loi-de-programmation-de-la-recherche-2021-2030-lppr">débat au Parlement</a> et crispe le <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/jean-castex/gouvernement-de-jean-castex/projet-de-loi-recherche-avant-meme-l-examen-du-texte-les-chercheurs-s-inquietent_4113201.html">monde universitaire</a> français s’inscrit dans le prolongement de réformes menées en France depuis 20 ans.</p>
<p>Au-delà des alternances politiques, les lois successives ont eu pour point commun de se fonder sur ce que certains chercheurs ont appelé des <a href="https://sms.hypotheses.org/8552">croyances</a> inspirées pour la plupart de modèles macro-économiques prônant la compétition et la <a href="https://www.nber.org/papers/w3223">destruction créatrice</a>. Elles peuvent être résumées à l’aide d’un petit nombre d’<a href="https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/axiome/7191">axiomes</a>, ces vérités admises sans démonstration.</p>
<ul>
<li><strong>La recherche française est en déclin</strong> et n’arrive pas à faire face à la concurrence mondiale.</li>
</ul>
<p>Il découle de ce premier axiome la nécessité d’imposer des réformes au nom de l’intérêt national.</p>
<ul>
<li><strong>La concentration des moyens</strong> de la recherche publique autour de quelques grands pôles est plus efficace que leur équipartition entre l’ensemble des établissements.</li>
</ul>
<p>Ce second axiome a justifié la mise en place successive d’une dizaine de conglomérats <a href="https://sms.hypotheses.org/9606">(PRES, COMUE ou IDEX)</a> supposés répondre le mieux aux critères d’excellence et de taille.</p>
<ul>
<li><strong>La compétition est le moteur principal de la performance</strong>, tant au niveau des individus que des établissements de recherche ou des territoires qui les accueillent.</li>
</ul>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/358379/original/file-20200916-16-8a64kz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/358379/original/file-20200916-16-8a64kz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/358379/original/file-20200916-16-8a64kz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/358379/original/file-20200916-16-8a64kz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/358379/original/file-20200916-16-8a64kz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/358379/original/file-20200916-16-8a64kz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/358379/original/file-20200916-16-8a64kz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/358379/original/file-20200916-16-8a64kz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Investissement universitaire ou cumul des avantages régionaux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Collectif de chercheurs et enseignants-chercheurs en géographie du CNRS et de l’Université de Paris</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce dernier axiome justifie, d’une part, la mise en place d’avantages spécifiques pour les individus réputés les plus performants (accès au statut de membre de l’Institut Universitaire de France (IUF), obtention d’un poste de <a href="https://www.campusmatin.com/metiers-carrieres/personnels-statuts/etats-unis-allemagne-france-la-tenure-track-a-l-epreuve-des-faits.html">tenure tracks</a>) et, d’autre part, un cumul de crédits au profit des établissements de recherche qui en ont obtenu antérieurement (notamment avec <a href="http://blog.educpros.fr/julien-gossa/author/julien-gossa/">l’accroissement du préciput dans la LPR</a>).</p>
<p>Mais ces axiomes sont-ils démontrés ? Et quel est l’impact de leur application en matière d’aménagement du territoire ?</p>
<h2>La position de la recherche française dans les réseaux internationaux</h2>
<p>En 2016, d’après le <a href="https://www.hceres.fr/sites/default/files/media/downloads/rappScien_VA_web04_12.pdf">dernier rapport de l’OST-HCERES</a>, la France se situait au 8<sup>e</sup> rang mondial en production et au 5<sup>e</sup> rang en part de citations reçues par sa production. Malgré une augmentation continue du volume de ses publications internationales, la place relative de la France a baissé depuis le début des années 2000 ce qui contribue à alimenter l’idée d’un déclin… sauf que sur la même période, la Chine est passée du 8<sup>e</sup> au 2<sup>e</sup> rang mondial et l’Inde du 12<sup>e</sup> au 6<sup>e</sup>. Aussi, cette évolution traduit bien davantage la montée en puissance des pays émergents qu’une crise spécifique à la France.</p>
<p>Le fait même de totaliser le volume de recherche par pays tend à masquer le fonctionnement réel de la recherche qui s’opère en réseau. L’examen détaillé des dynamiques de coopération scientifique montre d’ailleurs le rôle croissant joué par les petites villes universitaires françaises dans la production mondiale.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/360912/original/file-20200930-20-ic778i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360912/original/file-20200930-20-ic778i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360912/original/file-20200930-20-ic778i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=501&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360912/original/file-20200930-20-ic778i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=501&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360912/original/file-20200930-20-ic778i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=501&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360912/original/file-20200930-20-ic778i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=630&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360912/original/file-20200930-20-ic778i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=630&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360912/original/file-20200930-20-ic778i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=630&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Croissance des échanges scientifiques interurbains.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Projet NETSCIENCE</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette évolution résulte du rôle croissant des établissements d’enseignement supérieur dans la recherche mondiale. Les universités s’étant multipliées et diffusées dans l’armature urbaine <a href="http://www.lemouvementsocial.net/articles/2010-4-les-transformations-de-la-carte-universitaire-depuis-les-annees-1960-constats-et-enjeux/">au cours du XXᵉ siècle</a>, la recherche est devenue plus polycentrique et l’on peut sans exagérer affirmer qu’elle n’est plus exclusivement le fait de quelques savants concentrés dans quelques hauts lieux de la connaissance, et <em>a fortiori</em> pour le cas de la France, à Paris.</p>
<p>Sur le plan international, la France est bien intégrée au réseau scientifique mondial du fait des nombreux liens de coopération plutôt que de compétition qu’elle a su tisser et qui bénéficient à la fois de proximités spatiales et linguistiques, en témoignent encore une fois les derniers rapports de l’<a href="https://www.hceres.fr/sites/default/files/media/downloads/Hc%C3%A9res_OST_Position_Scientifique_France_.pdf">OST-HCERES</a>.</p>
<h2>Concentration et rendements décroissants</h2>
<p>La recherche s’opérant à travers un réseau de villes universitaires, est-il pertinent comme le propose la LPR de concentrer les moyens dans quelques établissements des grandes métropoles françaises ?</p>
<p>Un ensemble de travaux repris dans un dossier de <a href="https://laviedesidees.fr/Enseignement-et-recherche-sont-inseparables.html"><em>La Vie des Idées</em></a> montrent le rôle contre-productif de la concentration des crédits de recherche sur une petite élite et suggèrent que la meilleure recherche ne se fait ni nécessairement dans les plus grosses équipes, ni dans les plus grandes villes.</p>
<p>Comme <a href="https://books.google.fr/books?id=M2QfAQAAIAAJ">l’écrivait</a> déjà la géographe Madeleine Brocard en 1991 dont les propos n’ont pas été démentis depuis :</p>
<blockquote>
<p>« La notion de “pôle d’excellence scientifique” revient régulièrement dans les discours concernant la recherche publique, puisqu’il s’agit de répartir les moyens de l’État. Elle s’appuie sur l’idée qu’il existe des effets de seuil : au-delà d’un certain seuil quantitatif de chercheurs dans une discipline donnée, la concentration de matière grise et d’équipements déclencherait l’étincelle. Cela n’a jamais été prouvé. »</p>
</blockquote>
<p><a href="https://laviedesidees.fr/L-interminable-reforme-de-l-universite.html">Les politiques</a> menées depuis le début des années 2000 se sont pourtant employées à créer de grands pôles universitaires au prétexte de remonter les universités françaises dans le <a href="https://www.cairn.info/la-grande-course-des-universites--9782724620559.htm">classement de Shanghai</a>.</p>
<p>En observant les dynamiques de recherche françaises <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02627291/">entre 1980 et 2017</a>, on observe cependant que les villes ayant bénéficié des financements issus des politiques d’excellence n’ont pas, suite à l’application de ces politiques, participé davantage que les villes petites et moyennes à la production scientifique du pays. Depuis la fin des années 1970, on assiste au contraire à une déconcentration et à une diversification des espaces de production du savoir, quelle que soit l’échelle d’analyse.</p>
<h2>L’importance des petits centres et des réseaux de proximité</h2>
<p>Créative, de qualité, la recherche menée dans les petits sites est en mesure de <a href="https://www.routledge.com/The-University-and-the-City/Goddard-Vallance/p/book/9781138798533">se connecter</a> aux réseaux de recherche internationaux comme aux <a href="https://www.placedeslibraires.fr/livre/9782706122323-l-universite-et-ses-territoires-dynamismes-des-villes-moyennes-et-particularites-de-sites-rachel-levy-catherine-sodano-philippe-cuntigh">tissus locaux</a> par le biais de coopérations avec des entreprises, d’actions de médiations et de valorisation des savoirs.</p>
<p>On peut prendre le cas de la Fédération de recherche en chimie durable connue sous le nom du <a href="http://www2.cnrs.fr/sites/communique/fichier/cp_increase_ok_modif.pdf">réseau INCREASE</a>, dont le siège se trouve à Poitiers, qui mobilise des industriels locaux et internationaux, ainsi que des équipes de recherche en pointe réparties dans plusieurs villes de l’arc atlantique, et qui organise tous les deux ans un grand colloque international dans la ville de La Rochelle.</p>
<p>Priver des universités de taille modeste comme Poitiers ou La Rochelle de moyens pour faire de la recherche, c’est risquer de nuire à la capacité de production académique du pays dans son ensemble, à la vitalité des territoires, et de fragiliser les réseaux de recherche tel que le réseau INCREASE. Or, nous l’avons vu, la circulation des idées que ce réseau permet entre villes de différentes régions ainsi qu’entre scientifiques de différentes spécialités et nationalités alimente les <a href="http://issi-society.org/proceedings/issi_2019/ISSI%202019%20-%20Proceedings%20VOLUME%20I.pdf">avancées scientifiques</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/361184/original/file-20201001-22-ttt18k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/361184/original/file-20201001-22-ttt18k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/361184/original/file-20201001-22-ttt18k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=441&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/361184/original/file-20201001-22-ttt18k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=441&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/361184/original/file-20201001-22-ttt18k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=441&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/361184/original/file-20201001-22-ttt18k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=554&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/361184/original/file-20201001-22-ttt18k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=554&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/361184/original/file-20201001-22-ttt18k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=554&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Structure des collaborations scientifiques en chimie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Maisonobe, M., & Bernela, B., 2019</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Analyse prospective des effets démographiques et économiques de la LPR</h2>
<p>L’aménagement du territoire, cette « ardente obligation » selon le mot du général de Gaulle, semble bien mis à mal par la concentration croissante des moyens publics de recherche et d’enseignement supérieur au profit d’un très petit nombre de campus et d’initiatives d’excellences.</p>
<p>En concentrant les populations de jeunes diplômés dans quelques points du territoire, la LPR risque d’amplifier la décroissance démographique des espaces périphériques ou des villes petites et moyennes. Elle va également accentuer les inégalités entre les régions et à l’intérieur de celle-ci.</p>
<p>Une étude réalisée pour le Parlement européen sur les <a href="https://www.europarl.europa.eu/thinktank/en/document.html?reference=IPOL-REGI_ET(2008)408928">régions en décroissance</a> et ultérieurement complétée par un <a href="https://www.lavoisier.fr/livre/genie-civil-BTP/villes-et-regions-europeennes-en-decroissance/baron/descriptif-9782746231108">ouvrage de synthèse en français</a> permet de situer les effets prévisibles de la LPR par rapport trois types de stratégies d’aménagement du territoire et de décentralisation.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/360746/original/file-20200930-22-1cgckok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Quelles stratégies d’aménagement du territoire face à la décroissance démographique ?" src="https://images.theconversation.com/files/360746/original/file-20200930-22-1cgckok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360746/original/file-20200930-22-1cgckok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=851&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360746/original/file-20200930-22-1cgckok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=851&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360746/original/file-20200930-22-1cgckok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=851&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360746/original/file-20200930-22-1cgckok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1070&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360746/original/file-20200930-22-1cgckok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1070&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360746/original/file-20200930-22-1cgckok.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1070&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Quelles stratégies d’aménagement du territoire face à la décroissance démographique ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">Baron, M., Cunningham-Sabot, E., Grasland, C., Rivière, D., & Van Hamme, G., 2010</span></span>
</figcaption>
</figure>
<ul>
<li><strong>La stratégie de métropolisation</strong> correspond à une politique de laissez-faire dénoncée en 2017 par un <a href="https://www.senat.fr/rap/r16-565/r16-565_mono.html">rapport du Sénat</a> :</li>
</ul>
<blockquote>
<p>« le développement économique se concentre essentiellement autour de quelques pôles métropolitains. Par contraste, de nombreux territoires connaissent un sentiment d’abandon et de « décrochage »).</p>
</blockquote>
<p>Or, notre analyse montre que les impacts négatifs de cette politique en termes de cohésion sociale et territoriale ne semblent nullement compensés par une efficacité économique supérieure.</p>
<ul>
<li><strong>La stratégie de sacrifice territorial</strong> correspond davantage à la stratégie d’université d’excellence développée en Allemagne où le réseau urbain est moins polarisé par la capitale nationale. Mais il permet d’anticiper en France les effets de la LPR dans les nouvelles régions fusionnées issues des <a href="https://www.gouvernement.fr/action/la-reforme-territoriale">réformes territoriales de 2014-2015</a>.</li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/361108/original/file-20201001-20-1xog8as.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/361108/original/file-20201001-20-1xog8as.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/361108/original/file-20201001-20-1xog8as.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/361108/original/file-20201001-20-1xog8as.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/361108/original/file-20201001-20-1xog8as.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=341&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/361108/original/file-20201001-20-1xog8as.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=341&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/361108/original/file-20201001-20-1xog8as.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=341&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Université de Reims, site de Croix Rouge.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/borix1/3258331812">Borix1/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les anciennes régions affaiblies par la perte de leur capitale régionale (Champagne-Ardennes, Lorraine, Auvergne, Limousin, Poitou-Charentes, Picardie…) risquent de voir leur tissu scientifique et économique destructurés au profit d’une nouvelle métropole éloignée concentrant les crédits de recherche.</p>
<ul>
<li><strong>La stratégie du polycentrisme en réseau</strong> supposerait au contraire la mise en place de réseaux scientifiques à la fois territoriaux et thématiques visant à maximiser les synergies locales et les connexions nationales et internationales. Leur objectif consisterait tout d’abord à développer d’authentiques politiques régionales de mise en réseau des acteurs de la recherche et de l’innovation. Mais également à mettre en place des fédérations de recherche d’échelle nationale et internationale autour de domaines scientifiques ou d’enjeux industriels précis, à l’exemple de la chimie.</li>
</ul>
<h2>Une politique aveugle au fonctionnement des territoires et des réseaux</h2>
<p>En l’absence d’une concertation suffisante avec les représentants légitimes des territoires et de toute consultation des citoyens, la Loi de programmation pluriannuelle de la recherche tourne résolument le dos à plus d’un demi-siècle de politique d’aménagement du territoire en France.</p>
<p>Aveugle à l’espace, cette politique remet en cause la politique de décentralisation et risque par là même de renforcer le mécontentement des citoyens face aux nouvelles régions ou métropoles issues de la loi <a href="https://theconversation.com/les-francais-face-a-leurs-territoires-resultats-dune-enquete-inedite-127338">MAPTAM</a>. À l’intérieur des grandes métropoles, elle va pourrait également contribuer au renforcement de la ségrégation sociale en opposant les étudiants des établissements universitaires sélectifs à des universités périphériques ouvertes à tous <a href="https://www.cairn.info/revue-espaces-et-societes-2014-4-page-111.htm">mais paupérisées</a>.</p>
<p>Rejoignant les conclusions du <a href="https://www.senat.fr/rap/r16-565/r16-565_mono.html#toc235">rapport sénatorial de 2017</a> nous constatons que la conséquence de la « passivité » de l’État est un accroissement sans précédent des inégalités entre les territoires et le sentiment pour une partie de la population d’être « oubliée de la République ».</p>
<p>Et par ailleurs que :</p>
<blockquote>
<p>« La seule issue serait d’engager une nouvelle politique d’aménagement du territoire forte et volontariste impliquant des évolutions institutionnelles et l’ensemble des parties prenantes (élus, administrations locales et centrales, acteurs privés, etc.). »</p>
</blockquote>
<p>A contrario de la LPR, le <a href="https://journals.openedition.org/belgeo/33736">plan « Université 2000 » (1990-1995) puis le plan « Université du 3ᵉ millénaire » (1999-2000)</a> avaient permis d’assurer un rééquilibrage qualitatif et quantitatif de l’offre de formation à tous les niveaux urbains. Face à des décisions qui vont engager l’avenir des territoires français, il apparaît nécessaire d’examiner plus précisément les conséquences prévisibles de la LPR en matière d’aménagement du territoire et de décentralisation. Et d’explorer la possibilité de mettre en place d’autres stratégies n’impliquant pas la destruction supposée « créatrice » des réseaux scientifiques et territoriaux.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte prolonge et complète une <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02943730v1">note d’analyse des effets territoriaux de la LPR</a> qui a été élaborée par un collectif de chercheurs et enseignants-chercheurs en géographie du CNRS et de l’Université de Paris : Sophie Baudet-Michel, Sandrine Berroir, Marianne Guérois, Malika Madelin, Claude Grasland, Marion Maisonobe, Pierre Pistre, Josyane Ronchail, Christine Zanin.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146114/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’application des paramètres de la LPPR peut aboutir à des politiques à la fois inefficaces sur le plan économique et nuisibles en matière d’aménagement des territoires.Claude Grasland, Professeur de Géographie, Université Paris CitéMarion Maisonobe, Chargée de recherche à l'UMR Géographie-cités, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Sophie Baudet-Michel, Lecturer in Human Geography, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1369842020-04-28T19:34:47Z2020-04-28T19:34:47ZPourquoi la décentralisation n'est pas un remède miracle contre le Covid-19<p>Noah Feldman, professeur de droit à Harvard, estime que le fédéralisme est l’une, si ce n’est la principale <a href="https://www.bloomberg.com/opinion/articles/2020-03-19/coronavirus-pandemic-shows-challenges-of-u-s-federalism">faiblesse des États-Unis face à la pandémie</a>. En Europe, le même sentiment semble s’être diffusé. En Suisse, Serge Gumy, le rédacteur en chef du journal <em>La Liberté</em>, conclut que dans cette situation <a href="https://www.laliberte.ch/dossiers/les-opinions-du-redacteur-en-chef-de-la-liberte/articles/l-union-nationale-a-quelques-fissures-557251">« le fédéralisme est décidément un remède périmé »</a>. De même en va-t-il dans les États régionaux fortement décentralisés (notons d’ailleurs que le degré <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/autonomie-collectivites-territoriales-une-comparaison-europeenne">d’autonomie des régions n’est pas directement corrélé à la forme unitaire ou fédérale de l’État</a>). En Italie, où la santé relève de la compétence des régions, un <a href="https://www.corriere.it/politica/20_aprile_12/coronavirus-gli-italiani-governatori-meglio-roma-sondaggio-sull-emergenza-96ceefb0-7c32-11ea-8e38-cc2efdc210dd.shtml">récent sondage</a> montre que 50 % des habitants pensent que la question devrait être gérée exclusivement (18 %) ou principalement (32 %) par le gouvernement, tandis que 35 % sont d’avis que ce rôle appartient aux régions, exclusivement (8 %) ou majoritairement (27 %).</p>
<p>En France, l’opinion publique semble sur la même ligne. Selon une <a href="https://www.opinion-way.com/fr/sondage-d-opinion/sondages-publies/opinionway-pour-le-printemps-de-l-economie-vague-4-avril-2020/download.html">enquête</a> réalisée au début de la crise, 57 % des Français jugent que la santé devrait être gérée au niveau national (contre 27 % qui considèrent qu’elle devrait l’être au niveau international et seulement 11 % qui donnent la préférence au niveau local). Rappelons à cet égard que l’une des raisons majeures de la pénurie de masques provient d’une décision de décentralisation prise et reconnue comme telle par Marisol Touraine sur recommandation d’un avis du <a href="https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/hfds/Documents/doctrine_de_protection_des_travailleurs_face_aux_maladies_hautement_pathogenes_a_transmission_respiratoire.pdf">Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale du 16 mai 2013</a>. Il s’agissait alors de s’appuyer non pas seulement sur les autorités déconcentrées de l’État, mais aussi sur les collectivités et les entreprises.</p>
<p>De manière étonnante, le débat sur la régionalisation de la santé semble pourtant se déployer en France en se fondant sur la simple comparaison avec le modèle allemand. Dans la continuité de la <a href="https://www.institut-rousseau.fr/decentralisation-et-organisation-territoriale-vers-un-retour-a-letat">note produite par l’Institut Rousseau</a>, nous proposons ici des éléments pour comprendre pourquoi un tel mouvement semble, au vu de la littérature scientifique, et de l’analyse de la crise ailleurs en Occident, relever d’un contresens dangereux. En attendant des données fiables sur l’évolution de pandémie dans chaque pays, deux aspects peuvent faire à ce stade l’objet d’une comparaison : la manière dont la décentralisation affecte l’organisation hospitalière ; et la coordination des États face à la crise.</p>
<h2>La crise hospitalière</h2>
<p><em>Une régionalisation qui profite aux territoires les plus riches</em></p>
<p>Tendanciellement, les études portant sur la décentralisation du système de santé montrent que celle-ci conduit à creuser les inégalités. Les régions les plus riches peuvent investir quand les régions les plus pauvres, de leur côté, <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-88-470-5480-6_7">réduisent leurs budgets de santé et la qualité des soins</a> ou <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/hec.1272">actent le creusement d’inégalités</a>. L’une des forces de l’Allemagne dans cette crise réside dans le fait que ce sont justement les régions les plus riches qui ont été très majoritairement touchées. Le 25 avril, 20,6 % des cas en Allemagne étaient recensés en Rhénanie-du-Nord-Westphalie (31 465), la région la plus riche du pays ; 26,6 % en Bavière (40 547), deuxième région la plus riche ; et 19,8 % (30 169) en Bade-Wurtemberg, troisième région la plus riche. En tout, 67 % des malades allemands se concentrent donc dans les trois Länder les plus riches du pays. Là où l’inégalité aurait handicapé l’Allemagne en touchant les Länder les plus pauvres, elle la sert en touchant les plus riches.</p>
<p>L’<a href="https://mpra.ub.uni-muenchen.de/68690/1/MPRA_paper_39126.pdf">exemple italien</a> montre que les régions les plus riches ont les moyens d’investir dans un système de santé plus efficace alors que celui des régions les plus pauvres se détériore. Le creusement des inégalités a également été observé en <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/hpm.795">Espagne</a>, où le secteur privé a essentiellement permis aux habitants les plus aisés de pallier les déficiences du système de santé des régions les plus pauvres. Devant un tel phénomène, même une péréquation efficace échoue à résorber les inégalités. Les régions les plus riches, dotées d’un meilleur système de santé, peuvent en effet attirer des patients des <a href="http://www.ijhpm.com/article_2998.html">régions pauvres prêts à dépenser davantage</a>. Ce phénomène conduit à <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/health-economics-policy-and-law/article/how-health-care-regionalisation-in-italy-is-widening-the-northsouth-gap/D0A7F631A7BCD988B2CAD1686C607578">encore accroître les disparités</a>. Le risque est également de voir se développer une concurrence entre régions pour les praticiens qui, <em>in fine</em>, seraient <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(06)69566-4/fulltext">attirés par les collectivités les plus riches</a>.</p>
<p>Les régions pauvres se voient dès lors confrontées à un dilemme. Elles peuvent <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0168851008002339?via%3Dihub">augmenter la fiscalité</a> ou faire le choix d’investissements dans les <a href="https://www.lepoint.fr/monde/hopitaux-allemands-cherchent-malades-18-04-2020-2371908_24.php">services les plus rentables</a>, ou des activités <a href="https://www.longwoods.com/content/19514">non directement médicales</a>.</p>
<p><em>L’idéalisation paradoxale du système hospitalier allemand</em></p>
<p>Si le système allemand a si bien su absorber l’épidémie, c’est pour les mêmes raisons qui le faisaient apparaître fondamentalement dysfonctionnel quelques mois plus tôt. Un <a href="https://www.bertelsmann-stiftung.de/de/themen/aktuelle-meldungen/2019/juli/eine-bessere-versorgung-ist-nur-mit-halb-so-vielen-kliniken-moeglich">rapport de la fondation Bertelsmann</a> le jugeait alors en grande partie obsolète et dispendieux, conseillant de faire passer de 1 400 à 600 le nombre d’établissements hospitaliers. La proximité et la capacité d’accueil, calculées par ailleurs très différemment de la <a href="https://www.parisdepeches.fr/2-Societe/2048-France/14112-Mortalite_France_manquait_lits_reanimation.html">France en réanimation</a>, se paient en effet, selon l’étude, d’une <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanonc/article/PIIS1470-2045(08)70179-7/fulltext">baisse de la qualité des soins</a> et d’un manque de personnel. Ce qui est un vrai défaut lorsqu’il s’agit de soigner des pathologies exigeant un matériel de pointe et des spécialistes se transforme en atout lors du traitement d’une pandémie qui nécessite essentiellement des lits et des respirateurs.</p>
<p>Le cas allemand est à cet égard assez emblématique des forces et des faiblesses de la régionalisation en matière de santé. Celle-ci ne produit pas seulement des inégalités entre régions, mais également au sein des régions elles-mêmes. En effet, la région a souvent du mal à faire des choix clairs car la complexité des enjeux locaux et la multiplicité des acteurs rend très faible le contrôle démocratique local : les électeurs se sentent peu légitimes à <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0277953600000058?via%3Dihub">sanctionner les majorités locales</a> sur ce fondement et n <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10198-013-0485-0">e se sentent pas plus satisfaits des politiques menées</a>. L’idée d’un contrôle démocratique, parce que décentralisé, de la politique de santé est battue en brèche par les études. Le seul vrai facteur d’appréciation est celui de l’ultra-proximité des soins, qui peut se payer alors d’une forte perte de qualité, ce qui est le cas en Allemagne.</p>
<h2>La gestion de l’épidémie</h2>
<p><em>La cohérence de la réponse</em></p>
<p>Le 8 mars, Jens Spahn, le ministre allemand de la Santé, recommandait des mesures de confinement. Le 12 mars, c’est le gouvernement suisse qui tentait d’imposer des mesures aux cantons. Dans les deux cas, l’application des mesures fut longue et difficile à faire accepter. La coordination fédérale helvétique a ainsi fait l’objet de critiques importantes dans une nation pourtant très attachée à l’échelle cantonale. Le fédéralisme suisse révélerait ainsi à la fois <a href="https://www.tdg.ch/editorial/geneve-periode-glaciation/story/16730354">sa lenteur</a> et <a href="https://www.tdg.ch/suisse/suisse-egaux-face-coronavirus/story/23249222">ses inégalités</a>.</p>
<p>En Allemagne, les difficultés ont également été nombreuses. Les Länder ont attendu plusieurs jours avant d’appliquer les recommandations fédérales et pris des mesures en ordre dispersé. De manière assez électoraliste, le 10 avril, le ministre-président du Schleswig-Holstein, Daniel Günther, a autorisé les réunions de dix personnes pour Pâques, au risque de relancer l’épidémie. Pour l’édile démocrate-chrétien, le jeu en valait la chandelle… qu’importe la révolte des médecins et des sociaux-démocrates de l’opposition. La pandémie n’a pas créé seulement des oppositions entre l’État fédéral et les entités fédérées, mais également entre ces dernières. Le Mecklembourg-Poméranie-Occidentale a ainsi procédé à la fermeture unilatérale de ses frontières. Aux États-Unis, l’État de Rhode Island a imposé une quarantaine obligatoire à tous les citoyens américains venant de l’État de New York.</p>
<p>Dans les États régionaux, la gestion de la crise a été rendue également très difficile par la décentralisation. Elle l’a toutefois été moins en Espagne qu’en Italie.</p>
<p>En Espagne, c’est en effet l’État central qui a pris en main l’ensemble du système de santé, au risque de provoquer une crise politique avec les régionalistes basques et catalans dont le gouvernement dépend pourtant au Parlement. Il n’en va pas de même en Italie où la <em>clausola di supremazia</em> prévue par la révision avortée de 2016, qui devait permettre une prise en main par l’État des compétences régionales en cas de manquement, n’a pas été adoptée. C’est l’une des raisons majeures de la crise, <a href="https://www.open.online/2020/03/23/coronavirus-il-costituzionalista-ceccanti-serve-la-clausola-di-supremazia-in-emergenza-giusto-rivedere-le-competenze-regionali-intervista/">selon le professeur Ceccanti de l’Université de Rome</a>. La lenteur de réaction de la Lombardie a largement contribué à faire de cette région l’épicentre de la crise en Europe <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/04/12/roberto-saviano-la-faiblesse-c-est-de-se-croire-invincible_6036361_3232.html">sans que Rome ait la possibilité de réagir</a>, bien que le gouvernement central soit intervenu auprès des autorités lombardes. Les régions transalpines, comme certaines de leurs homologues françaises, réclament aujourd’hui la fin précoce du confinement. Dans cette configuration, il est clair que le système administratif français – qui permet au gouvernement de prendre des mesures de police administrative pour l’ensemble du territoire qui peuvent, si les circonstances locales l’exigent, être notamment renforcées par le maire, en coordination avec le préfet – se révèle <a href="http://caen.tribunal-administratif.fr/A-savoir/Communiques/Refere-liberte-commune-de-Lisieux">bien moins dysfonctionnel</a>.</p>
<p>En pratique, on a assisté à une centralisation de tous les États devant la crise. Après de premiers errements, le président du Conseil des ministres italien a réussi à centraliser le pouvoir de décision – bien moins, toutefois, qu’en Allemagne ; ce malgré les plaintes de certains Länder, notamment la Bavière. La loi relative à la protection contre les infections a été modifiée le 25 mars, imposant une lecture unique de la conduite à tenir par les Länder. L’<em>Infektionsschutzgesetz</em> permet au ministre de la Santé d’adopter « des dérogations aux dispositions de la présente loi par voie de décret sans l’accord du Bundesrat », soit la chambre représentant les Länder. Certes, la chancelière consulte les ministres-présidents des Länder, mais l’Allemagne fonctionne aujourd’hui dans sa gestion de crise de manière bien plus centralisée que nombre d’États unitaires européens.</p>
<p><em>La mutualisation des moyens</em></p>
<p>Précédemment dans ce papier a été abordée la question de la disproportion des moyens de santé entre régions riches et régions pauvres engendrée par la décentralisation. En période de pandémie, cette inégalité ne peut être qu’imparfaitement compensée par la solidarité régionale. Dans son édition du 8 avril, <em>La Respublica</em> <a href="https://rep.repubblica.it/pwa/generale/2020/04/08/news/coronavirus_piu_posti_in_terapia_intensiva_e_sanita_centralizzata_cosi_la_francia_affronta_l_emergenza-253481193/">s’indignait</a> ainsi que les patients et personnels soignants ne puissent être redéployés sur l’ensemble du territoire national comme c’est le cas en France.</p>
<p>Dans l’Hexagone, la polémique sur la réquisition de masques par l’État ne s’explique que si l’on comprend qu’il s’agit d’affecter en priorité ces derniers aux zones les plus touchées par la pandémie. La réallocation de moyens par l’État permet ainsi de compenser les disparités territoriales, qu’elles soient liées à l’équipement initial des régions ou au fait qu’elles se trouvent en première ligne dans la crise. L’absence de centralisation en la matière créée la confusion en Allemagne même, et empêche d’allouer les ressources contraintes selon un ordre de priorité clair. À défaut de vraie coordination fédérale aux États-Unis, six États de la côte Est ont ainsi décidé de mutualiser et de coordonner leur action. De même en va-t-il de trois États de la côte Ouest. Dans <em>The Atlantic</em>, l’éditorialiste Derek Thompson a décrit les effets de la pandémie aux États-Unis jusqu’à présent comme <a href="https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2020/03/america-isnt-failing-its-pandemic-testwashington-is/608026/">« une sorte de caricature grotesque du fédéralisme américain »</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1253734302887575552"}"></div></p>
<p>La décentralisation ne représente donc pas, tant s’en faut, un avantage dans la crise. Les débats français sur ce sujet devraient encore faire l’étonnement et susciter le ricanement de nos voisins qui se débattent dans les difficultés qu’elle entraîne. Cela ne signifie pas que des dysfonctionnements administratifs importants n’ont pas marqué la crise en France. Il ne faudrait toutefois en caricaturer ni les échecs, ni d’ailleurs le <a href="http://www.revuegeneraledudroit.eu/blog/2020/04/21/le-systeme-sanitaire-francais-est-il-centralise/">degré de centralisation</a>. De fait, les États plus décentralisés ont généralement eu bien plus de difficultés à gérer la crise, et le contre-exemple allemand ne l’est pas vraiment tant il est vrai que dans cette crise ce sont justement ses faiblesses qui ont fait ses forces comme l’a montré cet article.</p>
<p>Par ailleurs, des malades plus jeunes <a href="https://www.tagesspiegel.de/politik/coronavirus-in-europa-letalitaet-in-deutschland-30-mal-niedriger-als-in-italien-wie-ist-das-moeglich/25626678.html">(47 ans en moyenne contre 63 en Italie)</a>, le dépistage massif dès janvier, le confinement décidé plus tôt, un <a href="https://www.oecd.org/fr/els/systemes-sante/Profils-Sant%C3%A9-Pays-2017-FRANCE-Briefing-Presse.pdf">plus grand investissement dans la santé</a> ont beaucoup fait pour que la situation demeure moins dramatique et, donc, plus facilement gérable outre-Rhin. La capacité de produire plus rapidement des tests a également joué en faveur de ce pays qui n’a jamais cru dans l’utopie d’une économie de services et été capable de conserver sur son sol national la production d’un certain nombre de biens stratégiques.</p>
<p>L’affaiblissement de notre modèle productif – 90 % de la pénicilline produite en Chine – ou un budget de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) divisé par dix depuis 2007, semblent bien plus expliquer nos difficultés que le manque de décentralisation. Mais le reconnaître impliquerait de remettre en cause certains choix que nombre d’élites politiques ont épousés. Plus de décentralisation apparaît comme une revendication plus confortable. Déjà au programme avant la crise, la décentralisation en devient une solution. L’appel à la décentralisation relève à la fois du réflexe pavlovien et du confort idéologique. « Ne cherchons pas tout de suite à trouver la confirmation de ce en quoi nous avions toujours cru », déclarait Emmanuel Macron dans son discours du 13 avril. Espérons qu’en cette matière comme en d’autres, ces mots soient entendus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136984/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La décentralisation est parfois présentée, dans les débats actuels, comme la panacée en matière d’organisation de la lutte contre la pandémie de Covid-19. Cette idée doit toutefois être nuancée.Benjamin Morel, Maître de conférences et droit public à Paris 2 Panthéon-Assas, chercheur au CERSA et chercheur associé à l'Institut des sciences sociales du politique (ISP), École Normale Supérieure Paris-Saclay – Université Paris-SaclayAlexis Fourmont, Maître de conférences, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneBenoît Vaillot, Professeur agrégé et doctorant en histoire, Institut Universitaire Européen, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1368612020-04-23T17:25:56Z2020-04-23T17:25:56ZLa crise du Covid-19, l’aube d’une nouvelle ère pour les territoires ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/329413/original/file-20200421-82684-rztjfk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C77%2C1171%2C722&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Mi-mars, près de 17% des Parisiens auraient fui la capitale.</span> <span class="attribution"><span class="source">Gajus / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Dans un récent <a href="https://theconversation.com/2020-la-revanche-des-territoires-ruraux-131451">article</a>, du temps de l'avant-confinement, nous évoquions les difficultés croissantes vécues par les habitants des grandes métropoles, leur envie de ruralité… Mais surtout, nous évoquions les nombreux atouts liés à l'installation d'activités économiques « <a href="https://www.xerficanal.com/iqsog/emission/Anne-Albert-Cromarias-Le-territoire-une-question-strategique-pour-l-entreprise_3747335.html">là où les autres ne sont pas</a> », rappelant ainsi qu'il s'agit d'un principe fondamental, mais trop souvent oublié, de la réflexion stratégique …</p>
<p>Mi-mars, un mois plus tard donc, nous avons assisté à un véritable <a href="https://www.nouvelobs.com/confinement/20200327.OBS26656/17-des-parisiens-ont-fui-la-capitale-a-cause-du-covid-voici-ce-que-cela-dit-d-eux.html">exode</a> des habitants des grandes métropoles face à la menace du Covid-19. Notamment (mais pas seulement), 17% des Parisiens auraient ainsi fui la capitale, anticipant (plus ou moins) l'enfer présumé du confinement à venir dans la promiscuité et les difficultés d'une grande ville. </p>
<p>Les conséquences supposées (puis avérées) du confinement sur la vie quotidienne ont incité ces urbains à préférer des coins du territoire plus tranquilles, où l'on bénéficie d'air pur et de logements plus vastes, parfois de jardins ou de la nature environnante, où associer l'indispensable « distanciation sociale » et l'approvisionnement en denrées de première nécessité est plus aisé.</p>
<p>L'assaut des résidences secondaires s'est avéré <a href="https://immobilier.lefigaro.fr/article/coronavirus-le-confinement-dans-les-residences-secondaires-fait-debat_c505a128-69bb-11ea-a768-fcc2dce54077/">réel</a>, posant par ailleurs de vraies questions sur le plan sanitaire à l'origine d'un accueil parfois <a href="https://www.europe1.fr/societe/coronavirus-la-fuite-des-parisiens-a-la-campagne-agace-et-inquiete-les-habitants-des-regions-concernees-3956085">plus que réservé</a> des autochtones … </p>
<p>Cet exode met surtout en exergue, en lien avec notre propos, les atouts avérés, mais si peu encouragés, des territoires ruraux sur la grande ville.</p>
<h2>Le télétravail comme révélateur</h2>
<p>Cette longue période de confinement impose à nombre d'entre nous de lâcher prise sur le quotidien ou, à tout le moins, de le réinventer. Chacun voit ses habitudes chamboulées et l'organisation du travail est, pour presque tous, inédite.</p>
<p>Près de <a href="https://www.lci.fr/emploi/coronavirus-pandemie-covid-19-confinement-9-millions-de-salaries-au-chomage-partiel-et-70-d-offres-d-emplois-en-moins-en-mars-selon-muriel-penicaud-2151161.html">9 millions de travailleurs</a> français seraient aujourd'hui au chômage partiel, et environ <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/confinement-le-teletravail-explose-mais-45-des-actifs-francais-ne-travaillent-plus_3905921.html">45% de la population active</a> ne travaillerait plus, si l'on rajoute les salariés en arrêt maladie (notamment pour garde d'enfants).</p>
<p>Pour ceux qui peuvent poursuivre leur activité, le télétravail prend un essor totalement <a href="https://business.lesechos.fr/directions-ressources-humaines/ressources-humaines/tele-travail/0603012447402-teletravail-le-coronavirus-lui-donne-un-vrai-coup-d-envoi-336504.php">inenvisageable il y a seulement encore quelques semaines</a>. Il restait en effet <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/dares_analyses_salaries_teletravail.pdf">relativement anecdotique</a> dans des entreprises encore frileuses à l'idée de devoir lâcher la pointeuse, et pas nécessairement revendiqué non plus par des salariés attachés au lien social procuré par la présence sur le lieu de travail. Aujourd'hui, 5,1 millions de personnes seraient concernées en France.</p>
<p>Cela ouvre des perspectives nouvelles dans une économie de la connaissance, fortement tertiaire et digitalisée. Certes, tout n'est pas rose, loin de là, et les difficultés à télétravailler sont <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/hashtag/covid-19-un-teletravail-force-et-degrade">nombreuses</a>, surtout lorsque l'on a de <a href="https://theconversation.com/parents-teletravailleurs-comment-concilier-linconciliable-134120">jeunes enfants</a> ou que l'on ne dispose ni d'un matériel adapté ni d'un wifi adéquat.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1243121242149879810"}"></div></p>
<p>Cependant, les entreprises s'aperçoivent que les collaborateurs, même à distance et malgré les <a href="https://www.lci.fr/emploi/44-de-salaries-en-detresse-psychologique-quand-le-teletravail-devient-une-souffrance-2151509.html">difficultés</a> et le stress du confinement qu'il ne faut en aucun cas négliger, peuvent aussi rester <a href="https://theconversation.com/la-crise-dement-une-nouvelle-fois-le-discours-sur-le-desengagement-des-francais-au-travail-136334">engagés et performants</a>. Quant aux managers, dans le même temps, ils découvrent une nouvelle facette à leur activité, nécessitant de privilégier la confiance, l'autonomie et la <a href="https://solutions.lesechos.fr/equipe-management/c/teletravail-et-management-bien-manager-son-equipe-a-distance-20567/">priorisation plus précise</a> des missions, dans leurs objectifs et leurs contenus. Autant d'éléments positifs que les experts du management appellent de leurs voeux depuis longtemps.</p>
<p>D'ailleurs, au-delà de la situation sanitaire actuelle, espérons-le exceptionnelle, un télétravail choisi, partiel, et bien organisé, peut présenter de nombreux avantages. À l'heure où l'urgence des enjeux climatiques et environnementaux devient criante, il peut générer des externalités positives : baisse significative des temps et des coûts de transports, des embouteillages et de la <a href="https://www.rtbf.be/info/societe/detail_le-teletravail-un-outil-de-lutte-contre-la-pollution-a-apprivoiser?id=10225227">pollution induite</a>, réduction du stress, optimisation du temps de travail et de l'utilisation des locaux de l'entreprise, etc. Et, avec le travail à domicile rendu possible, on peut choisir d'habiter un peu plus loin de la grande ville …</p>
<h2>Réhabiliter les territoires ruraux</h2>
<p>D'une façon générale, en cette période de crise sanitaire sans précédent, plus d'échappatoire. L'heure est à la remise en cause des fonctionnements obsolètes ou inefficaces qu'on ne questionne jamais tant les habitudes sont ancrées, par routine, par manque de temps, par mimétisme et parce que, au fond, c'est confortable.</p>
<p>On est loin, désormais, d'un raisonnement selon lequel « hors métropole, point de salut ». La crise du Covid-19 l'a non seulement annoncé, mais aussi prouvé. Nos modes de vie modernes, privilégiant un entassement des populations sur des surfaces toujours plus petites, sont peut-être même, pour partie, <a href="https://theconversation.com/la-metropolisation-coupable-ideale-de-la-pandemie-135226">l'une des raisons</a> de la pandémie actuelle. Mais plus sûrement, et de longue date, d'une large panoplie de problèmes sociaux.</p>
<p>Cette crise pourrait donc constituer le point de départ d'une politique d'aménagement du territoire et de développement des campagnes radicalement nouvelle et différente. Outre un travail accru de décentralisation, deux conditions préalables nous semblent néanmoins indispensables.</p>
<p>D'une part, et l'essor sans précédent du télétravail l'a bien montré, il s'agirait d’<a href="https://www.gouvernement.fr/accelerer-encore-la-couverture-en-tres-haut-debit-des-territoires-ruraux">accélérer le déploiement du haut débit</a> dans les territoires ruraux, pour mettre fin aux inégalités territoriales dans ce domaine aussi. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1242850798926782464"}"></div></p>
<p>D'autre part, le crise pourrait inciter à organiser le désenclavement des territoires. Les infrastructures de transport « propres » en sont un élément clé, et doivent être réinvesties. Le train constitue probablement l'option la plus rationnelle, parce que moins coûteuse et surtout moins polluante, d'autant plus si le <a href="https://www.europe1.fr/technologies/le-train-a-hydrogene-bientot-en-france-dici-3-ou-4-ans-selon-le-pdg-dalstom-3950232">train à hydrogène</a> se développe enfin. </p>
<p>À condition, là aussi, de réduire drastiquement les inégalités territoriales qui restent très fortes, comme en atteste par exemple la carte isochrone de la SNCF mesurant les temps de trajet des principales villes françaises au départ de Paris. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"882305832570028033"}"></div></p>
<p>La crise sanitaire majeure que nous traversons est – aussi – le signe qu'il nous faut nous transformer. Et cette transformation, qui sera institutionnelle, économique, sociale, environnementale, ne peut passer que par une mutation radicale de notre rapport aux métropoles et aux territoires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136861/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La ruée vers les résidences secondaires et la situation de télétravail subi pourraient constituer le point de départ d’un exode urbain durable.Anne Albert-Cromarias, Enseignant-chercheur HDR, management stratégique, ESC Clermont Business SchoolAlexandre Asselineau, Directeur de la Recherche BSB, enseignant-chercheur en Stratégie et Management stratégique, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1345922020-03-24T19:19:24Z2020-03-24T19:19:24ZRepenser l’aménagement du territoire au Sénégal<p>La croissance démographique, le changement climatique, les mobilités, la gouvernance : autant de domaines où il est impératif d’agir d’une manière intelligible et raisonnée afin de faire face aux défis de la ville de demain. Dans un contexte de métropolisation marqué par une « mobilité généralisée », d’indétermination des limites urbaines, et d’ambition affichée des grandes villes d’accroître leur attractivité et leur compétitivité et de devenir des <a href="https://www.researchgate.net/publication/254394880_Worlding_Cities_Asian_Experiments_and_the_Art_of_Being_Global_-_By_Ananya_Roy_Aihwa_Ong">« villes de classe mondiale »</a>, l’objectif consistant à <a href="https://www.lequotidien.sn/session-ordinaire-2020-du-hcct-aminata-mbengue-ndiaye-pour-un-statut-particulier-pour-dakar/">doter Dakar d’un statut spécial</a>, avancé par la présidente du Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT) Aminata Mbengue Ndiaye, relève-t-il réellement d’une stratégie pertinente et efficiente ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1229364551633772544"}"></div></p>
<h2>L’État et les collectivités ne sont d’accord que sur leur désaccord</h2>
<p>Les différends politiques voire politiciens entre l’État et la Ville de Dakar – et, plus largement, les collectivités locales – ne datent pas d’hier. À titre d’exemple, rappelons qu’en <a href="http://journals.openedition.org/cybergeo/27845;DOI:https://doi.org/10.4000/cybergeo.27845">octobre 2015</a>, « arguant de la situation insoutenable d’insalubrité dans la capitale, l’État, en contradiction avec les textes qui accordent la compétence de ce service à la Ville et à la commune (art. 170/305 CGCL), soustrait par décret « la gestion des déchets et la lutte contre l’insalubrité » à l’Entente CADAK-CAR (Communauté d’agglomération de Dakar – Communauté d’agglomération de Rufisque), présidée par le maire de Dakar, pour la confier à l’Unité de coordination et de la gestion des déchets solides (UCG), suscitant un nouveau conflit avec les autorités de la Ville ».</p>
<p>La même année, le gouvernement <a href="https://www.jeuneafrique.com/227446/economie/senegal-imbroglio-autour-de-lemprunt-de-la-ville-de-dakar/">n’a pas approuvé l’emprunt obligataire</a> contracté par la Ville de Dakar pour la construction du nouveau centre commercial Félix Eboué dans la commune du Plateau. Si des « objections techniques » avaient été avancées à l’époque par le ministère des Finances, il n’en reste pas moins que la recrudescence de ce type de conflits par la suite rend perplexe l’observateur averti.</p>
<p>Plus récemment, le feuilleton judiciaire sur <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/senegal-l-ancien-maire-de-dakar-khalifa-sall-a-ete-gracie-29-09-2019-2338431_3826.php">l’affaire de la caisse d’avance</a> ayant opposé pratiquement les mêmes protagonistes (État-Ville) s’est conclu par une grâce présidentielle accordée à l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall.</p>
<h2>Statut spécial pour Dakar : un faux débat</h2>
<p>L’urgence, aujourd’hui, n’est pas à l’élaboration d’un statut spécial pour Dakar. Les priorités sont ailleurs. Ce qui s’impose, aujourd’hui, même si cela ne sera pas simple, est la dissolution d’institutions budgétivores comme le HCCT. Sur les 150 membres composant l’institution, <a href="https://www.pressafrik.com/%E2%80%8BAppel-au-boycott-Le-HCCT-est-inutile-et-budgetivore--Madieye-Mbodji_a153194.html">70 sont nommés par décision discrétionnaire du Président de la République</a>. En outre, la mise sur pied d’un gouvernement métropolitain dont l’architecture institutionnelle veillera à empêcher dans la mesure du possible les querelles d’égos politiques s’avère nécessaire.</p>
<p>Aujourd’hui, l’échelle fonctionnelle de l’aire métropolitaine dakaroise dépasse largement celle des limites administratives régionales. Le dynamisme de la périphérie et la résurgence de petites villes en témoignent au travers de l’implantation de grands équipements comme <a href="https://www.jeuneafrique.com/591537/economie/senegal-laeroport-international-blaise-diagne-veut-etre-le-plus-important-dafrique-de-louest/">l’aéroport international Blaise Diagne (AIBD)</a> à Diass, à une cinquantaine de kilomètres de Dakar, et des <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/cgq/2017-v61-n172-cgq03339/1042714ar.pdf">industries agroalimentaires dans la région de Thiès</a>.</p>
<p>Dès lors, l’action publique ne doit-elle pas aujourd’hui s’ajuster à la bonne échelle ? Ou comme le suggère le docteur Maurice Soudieck Dione, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis du Sénégal, plus spécifiquement, ne s’agit-il pas aujourd’hui de procéder à un recentrage du politique (consolidation des perspectives relatives à l’intérêt général) et à un décentrage de l’économique (cadre structurel favorable au développement de l’économie des villes de l’intérieur) ?</p>
<p>L’installation d’équipements d’envergure dans la périphérie de Dakar indique que l’État du Sénégal est doté d’une volonté planificatrice ; mais il poursuit ses « Grands travaux » sans assumer institutionnellement la transition métropolitaine. Au-delà de la question institutionnelle, la seule urgence qui vaille est de se « défaire » de l’assistance technique étrangère et s’approprier davantage l’expertise locale. « Défaire » non au sens d’abandonner radicalement mais plutôt d’apprendre à s’en servir au mieux, en évitant de mettre en œuvre des stratégies qui ne collent pas forcément à la réalité pratique.</p>
<p>La stratégie doit donc procéder d’une articulation logique et cohérente de l’ici et de l’ailleurs, et non de « fantasmes urbains » pour reprendre le terme de Vanessa Watson. Comment comprendre le fait que 60 ans après les indépendances certains documents d’urbanisme, à l’instar du <a href="http://www.cetud.sn/index.php/mobilite/pdudakar">Plan directeur d’urbanisme de Dakar Horizon 2035</a>, soient <a href="https://openjicareport.jica.go.jp/pdf/12250023.pdf">produits</a> par l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA) ?</p>
<h2>Une expertise au service des territoires et une nouvelle approche des solidarités territoriales s’imposent</h2>
<p>Bien que la constante fondamentale en urbanisme ait toujours été la circulation d’idées, de bonnes pratiques et de modèles, la logique impose toutefois de savoir les réinterpréter et les adapter au contexte local. Et cette variable passe inévitablement par la connaissance du terrain dans ses plis et replis. Mais pas seulement ! La saisie des modes d’« habiter » et d’occuper l’espace est primordiale pour ancrer les stratégies dans la profondeur des réalités locales. Sous ce rapport, il est préconisé de créer une expertise au service des territoires, en priorité consacrée à l’aire métropolitaine dakaroise, sur laquelle portent les principaux grands investissements du <a href="https://www.sec.gouv.sn/dossiers/plan-s%C3%A9n%C3%A9gal-emergent-pse">Plan Sénégal émergent</a> (PSE).</p>
<p>Sans doute certains vont penser directement à <a href="http://www.anat.sn/">l’Agence nationale de l’aménagement du Territoire</a> (ANAT) ou à la <a href="http://www.servicepublic.gouv.sn/index.php/demarche_administrative/services/1/37">Direction de l’Urbanisme et de l’Architecture</a> (DUA). Si la première a une approche plutôt techniciste de l’aménagement du territoire, la seconde adopte une posture de l’ordre de l’informationnel voire du déclaratif. Aujourd’hui plus que jamais s’impose sur le triangle métropolitain une nouvelle approche des solidarités territoriales. Pourtant, le <a href="http://www.anat.sn/triangle-dtm/images/TelechargerLeSchema.pdf">schéma directeur d’aménagement et de développement territorial de la zone Dakar-Thiès-Mbour</a> préconise « la mise en place d’un dispositif incitatif et réglementaire qui va encadrer et promouvoir l’intercommunalité ». Si l’initiative est encore très pertinente, sa validation dans les formes et dans la pratique reste problématique.</p>
<p>La territorialisation des politiques publiques a été mal engagée. Il existe certes une stratégie de développement des solidarités territoriales dans la nouvelle réforme à travers la création de l’échelon « Ville ». Il reste néanmoins que sa portée et son contenu méritent d’être clarifiés, particulièrement les modalités contractuelles entre élus dans l’optique de l’évitement des conflits.</p>
<p>Un retour sur l’année 2015 permet de se remettre en mémoire les dissidences malencontreuses qui ont présidé à la <a href="https://www.seneweb.com/news/Politique/dissolution-de-l-entente-cadak-car-le-ps_n_167558.html">dissolution de l’Entente CADAK-CAR</a>, pourtant réputée être à l’époque un dispositif innovant dans la prise en charge de missions de service public. Aujourd’hui, le paysage institutionnel est morcelé et caractérisé par l’émiettement des responsabilités et des moyens. Le pluralisme gestionnaire est porteur de logiques plurielles qui ne vont pas dans le sens d’une cohérence d’ensemble de l’aire métropolitaine et donc de la gouvernabilité de la métropolisation.</p>
<p>En guise de participation au débat public dans un contexte de « dialogue national », nous apportons notre modeste contribution en invitant les acteurs à engager une double réflexion : d’une part, sur l’adéquation entre territoire institutionnel et territoire fonctionnel en évitant de privilégier les compromis politiques au détriment des considérations théoriques et techniques ; et, d’autre part, sur la création d’une agence de développement et d’urbanisme qui serait dotée d’un statut original et d’une mission de préparation des projets d’agglomération – métropolitains et territoriaux – et de veille scientifique et territoriale contribuant à la diffusion de l’innovation et des bonnes pratiques en termes de développement urbain durable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/134592/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mamadou Dit Papa Dieng ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La ville de Dakar ne doit pas être dotée d’un statut spécial, comme le souhaite le gouvernement. Au-delà de la ville, il convient de doter toute l’agglomération d’un gouvernement métropolitain.Mamadou Dit Papa Dieng, Doctorant en Aménagement de l'espace et urbanisme, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1308022020-03-23T18:47:04Z2020-03-23T18:47:04ZLa décentralisation, une histoire longue minée par les incohérences<p>La France peut-elle réellement adopter une décentralisation cohérente de son territoire ? Le 25 avril 2019, à l’occasion du Grand Débat national, le président de la République avait affirmé sa volonté d’ouvrir <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/un-nouvel-acte-de-decentralisation-et-un-nouveau-pacte-territorial%29">« un nouvel acte de décentralisation adapté à chaque territoire »</a>.</p>
<p>Deux textes, la <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/268675-loi-du-27-decembre-2019-engagement-dans-la-vie-locale-loi-sur-les-maires">loi engagement et proximité</a> et le <a href="https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/projet-de-loi-3d-decentralisation-differenciation-et-deconcentration">projet de loi 3D</a>, ainsi que plusieurs rapports parlementaires (rapport <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/colter/l15b1687_rapport-information">Cazeneuve et Viala</a>, rapport <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_lois/l15b2539_rapport-information">Questel et Schellenberger</a>) ont été annoncés ou adoptés depuis sans pour autant qu’une visibilité totale du contenu de la réforme ne soit apparue.</p>
<h2>Une vision gestionnaire de la décentralisation</h2>
<p>D’où vient ce besoin crucial de décentralisation en France ? L’idéal des libertés locales, en tant que liberté de s’organiser à l’échelon de proximité a été construit dès l’Ancien Régime autour de l’imaginaire collectif et de la commune érigeant celle-ci comme un bastion puissant et relativement indépendant porteur de sens et de solidarité. Une vision politique de la décentralisation s’est ainsi peu à peu forgée, dans laquelle les communes resteraient maîtresses des grandes orientations de la vie publique locale.</p>
<p>Le [rapport Guichard en 1976](https://www.senat.fr/rap/r99-447-1/r99-447-13.html](https://www.senat.fr/rap/r99-447-1/r99-447-13.html) fait un constat de sclérose du fonctionnement de l’État et d’un besoin de décentralisation. Ce texte a fait émerger l’idée de décentralisation et la création d’un terreau favorable.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/319823/original/file-20200311-116270-18e1b2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/319823/original/file-20200311-116270-18e1b2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=761&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/319823/original/file-20200311-116270-18e1b2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=761&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/319823/original/file-20200311-116270-18e1b2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=761&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/319823/original/file-20200311-116270-18e1b2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=957&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/319823/original/file-20200311-116270-18e1b2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=957&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/319823/original/file-20200311-116270-18e1b2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=957&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Hubert Dubedout, maire de Grenoble dans les années 80, penseur de la décentralisation.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/b/b8/H._Dubedout0002.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Portée au début des années 80 par des hommes politiques comme Gaston Deferre (alors <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Gaston_Defferre#Ministre">ministre de l’Intérieur</a> et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hubert_Dubedout">Hubert Dubedout</a> (maire de Grenoble), la décentralisation se traduisait par la construction d’un espace public à l’échelon local.</p>
<p>Cette vision politique était corroborée par une mise en perspective du principe de <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1979/79104DC.htm">libre administration par le Conseil constitutionnel</a> et une valorisation de la clause générale de compétence. Cette dernière permet de prendre les décisions à l’échelon local sur toute question d’intérêt public local.</p>
<p>Ainsi, alors même que la décentralisation bénéficiait d’une aura positive et était présentée comme un élément de dynamique territoriale ayant amené du service à la population et la construction d’un certain nombre d’équipements (maisons de retraite, salles omnisports, terrains de tennis, salles de concert) la crise de 2008 allait marquer un tournant.</p>
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<h2>Un regard très critique de la classe politique</h2>
<p>D’un discours valorisant de la décentralisation, la classe politique de façon quasi unanime a changé de ton pointant les dérives et juxtapositions d’échelons de ces processus.</p>
<p>Le discours de Toulon du 25 septembre 2008 de <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2009/03/06/reforme-des-collectivites-locales-nicolas-sarkozy-choisit-de-temporiser_1164467_823448.html">Nicolas Sarkozy</a>, et le <a href="https://www.fayard.fr/documents-temoignages/il-est-temps-de-decider-9782213644158">rapport Balladur</a> (<em>Il est temps de décider</em>, 2009) ont été particulièrement marquants, mettant en avant l’idée qu’il y a trop d’échelons, trop d’élus et que cela coûte trop cher.</p>
<p>La rationalisation des moyens et des structures est devenue le maître mot des réformes territoriales depuis, dans un contexte financier contraint et sous contrôle européen. Les lois qui se sont succédé, parfois loin de la logique de décentralisation – comme la <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/19610-la-loi-du-16-decembre-2010-de-reforme-des-collectivites">loi du 16 décembre 2010</a> de réforme des collectivités territoriales – sont venues dès lors essayer de rationaliser le paysage institutionnel, sans d’ailleurs y réussir.</p>
<p>Or l’édifice dans lequel l’ensemble des protagonistes a évolué semble vaciller depuis.</p>
<h2>Des attentes et des ambitions contraires</h2>
<p>L’État n’a ainsi pas abouti à une organisation rationnelle des structures et des compétences, en témoigne la juxtaposition toujours présente des échelons et des structures. Les élus locaux doivent composer avec des réformes imposées comme la <a href="http://www.leparisien.fr/politique/fusion-des-regions-le-bilan-severe-de-la-cour-des-comptes-25-09-2019-8159958.php">fusion des régions</a> ; les administrés peinent à se reconnaître dans des structures où les aspects techniques et technocratiques prennent le dessus sans questionner la base.</p>
<p>La fusion des intercommunalités et la constitution <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tablissement_public_de_coop%C3%A9ration_intercommunale">d’Établissements publics de coopération intercommunale XXL</a> (EPCI, partir de 50 communes) en constituent une bonne illustration.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/319826/original/file-20200311-116281-u6gg35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/319826/original/file-20200311-116281-u6gg35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/319826/original/file-20200311-116281-u6gg35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/319826/original/file-20200311-116281-u6gg35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/319826/original/file-20200311-116281-u6gg35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/319826/original/file-20200311-116281-u6gg35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/319826/original/file-20200311-116281-u6gg35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/319826/original/file-20200311-116281-u6gg35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte des intercommunalités du département de la Loire, France. Composition au 1ᵉʳ janvier 2019.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_intercommunalit%C3%A9s_de_la_Loire#/media/Fichier:42-Loire-intercos-2019.png">Roland45/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Chaque réforme, au lieu de simplifier, a au contraire complexifié le phénomène en y ajoutant de nouveaux éléments.</p>
<p>La création des <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/20131-que-sont-les-poles-metropolitains-crees-par-la-loi-de-2010">pôles métropolitains en 2010</a> en constitue une bonne illustration. Cette création a elle-même été suivie en 2014 de celle des pôles d’équilibre territoriaux et ruraux en milieu rural.</p>
<p>C’est aussi dans cette ligne que les réformes ont été effectuées sous la mandature de François Hollande. Elles ont été en grande partie imposées aux collectivités territoriales, peu concertées, comme la loi NOTRe adoptée le 7 août 2015 et portant sur la <a href="https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/loi-portant-sur-la-nouvelle-organisation-territoriale-de-la-republique-notre">nouvelle organisation du territoire</a>.</p>
<h2>Un bilan sévère de la loi NOTRe</h2>
<p>[Le rapport d’information](http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rap-info/i2539.pdf](http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rap-info/i2539.pdf) de l’Assemblée nationale publié le 21 janvier 2020 dresse un bilan sévère de cette loi.</p>
<p>Les titres et sous-titres des différents chapitres de ce rapport parlent d’eux-mêmes :</p>
<blockquote>
<p>« Une loi mal née qui n’a pas atteint ses objectifs »</p>
<p>« Un big bang territorial conduit à marche forcée »</p>
<p>« Une organisation territoriale plus complexe et une perte de proximité pour les citoyens »…</p>
</blockquote>
<p>Le constat semble sans appel tant sur la méthode que sur le fond. Les recompositions opérées n’ont pas permis de trouver une cohérence globale et ne se sont pas traduites par des économies. La fusion des régions par exemple s’est révélée coûteuse et n’a pas généré les <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-09/20190924-synthese-Finances-publiques-locales-2019-fascicule2_0.pdf">économies attendues</a>.</p>
<p>Il est ainsi pointé que la fusion des régions avec la création des grandes régions ou encore le développement d’<a href="https://www.lagazettedescommunes.com/645071/le-rapport-qui-rehabilite-les-intercommunalites-xxl">intercommunalités</a> ont été entrepris de façon dogmatique et sans que les économies annoncées ne soient au rendez-vous.</p>
<h2>Donner des gages aux élus locaux</h2>
<p>Afin de donner des gages aux élus locaux à la veille des élections municipales, un nouveau texte a été présenté alors même que se dessine en creux la <a href="https://www.cget.gouv.fr/actualites/edouard-philippe-et-jacqueline-gourault-presentent-le-projet-de-loi-3d">réforme dite 3D</a> : « décentralisation, déconcentration et différenciation » qui fait actuellement <a href="https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/projet-de-loi-3d-decentralisation-differenciation-et-deconcentration">l’objet de concertations</a> à travers le territoire. L’examen de la loi a été récemment ajourné à <a href="https://www.lagazetedescommunes.com/665857/loi-3d-jacqueline-gourault-annonce-un-examen-plutot-apres-lete/">« après l’été »</a> d’après la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault.</p>
<p>Ce n’est donc pas une révision constitutionnelle que nous aurons mais un projet de loi suscitant des attentes qu’il ne faudra pas décevoir…</p>
<h2>Revaloriser la commune ?</h2>
<p>Il n’est pas sûr pour autant que le discours actuel de revalorisation de la commune, (par exemple avec des scissions d’<a href="https://www.collectivites-locales.gouv.fr/cartographie-des-epci-a-fiscalite-propre">EPCI à fiscalité propre</a>, de mesures en faveur des petites communes, soit porteur de sens alors que la perspective globale semble quand même aller vers un renforcement de l’intercommunalité. On est ainsi soumis à des mouvements de composition, recompositions dont on peine à voir la cohérence globale.</p>
<p>Si depuis 2010 le législateur s’est attaché à mettre en place des moyens coercitifs de regroupement, revaloriser la commune comme idéal semble tout aussi discutable.</p>
<p>Par ailleurs, alors même que les <a href="https://www.francebleu.fr/infos/societe/pourquoi-les-communes-se-regroupent-elles-1547573504">communes nouvelles</a> commencent à trouver leur place dans le paysage institutionnel, la revalorisation du statut des élus des petites communes pose question.</p>
<p>Pour autant, la création d’une commune nouvelle constitue très certainement une hypothèse d’étude intéressante pour pallier l’émiettement communal et faire face à des dépenses que ne peuvent plus assumer les plus petites communes.</p>
<h2>La différenciation en question</h2>
<p>La différenciation, qui vise à permettre une adaptation de la règle en fonction des réalités locales, au cœur du projet de loi 3D, même si ce dernier est évolutif, permet par exemple à certaines communes de délivrer des <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/606788/droit-a-la-differenciation-vers-une-nouvelle-etape-de-la-decentralisation/">cartes d’identité</a>. Dans d’autres cas, cela permet à un département d’élaborer un Schéma de cohérence territoriale (SCoT) ou entre <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/inter-scot-des-territoires-en-devenir">départements</a>, une mesure aujourd’hui plébiscitée et valorisée par l’ensemble des acteurs que ce soit la classe politique, les élus locaux ou encore le gouvernement.</p>
<p>Certes, la prise en compte des spécificités territoriales existe déjà dans le texte constitutionnel (article 73, collectivité à statut particulier) ou dans les dispositifs prévus (Loi littoral, loi montagne, expérimentations…).</p>
<p>Mais le fait d’en permettre un exercice élargi semble susciter un engouement sans commune mesure avec les risques d’inégalités engendrés. Pourtant, au lieu de faire un véritable diagnostic de l’état des lieux de l’exercice des compétences, le gouvernement préfère donner des gages qui risquent d’être limités.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/n79lArY4cAE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La loi littoral permet à certaines communes d’agir en fonction de leurs spécificités (ici en 2018 discussion autour de modifications de cette loi).</span></figcaption>
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<h2>Des écueils à prévoir</h2>
<p>La possibilité de différenciation restera ainsi encadrée au regard du principe d’égalité et elle évoluera dans un cadre constitutionnel inchangé comme l’a souligné le <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/272705-jacqueline-gourault-06012020-decentralisation">discours de Mme Gourault</a> du 6 janvier 2020 à l’occasion de la première des concertations régionales avec les élus locaux à Arras.</p>
<p>La différenciation engendrera aussi une complexité juridique à tous les niveaux, qui pourrait se traduire par une perte de confiance dans les institutions et le développement de territoires à deux vitesses entre ceux qui auront les moyens de faire, ceux qui auront des spécificités suffisantes à faire valoir et les autres restant soumis au corpus général.</p>
<p>L’enjeu est bien réel dans la mesure où il s’agit à la fois de permettre à des collectivités de même rang de gérer des compétences différentes ou encore de maintenir notamment au-delà d’une expérimentation un dispositif dérogatoire.</p>
<p>Pour autant, comme l’a souligné le <a href="https://www.conseil-etat.fr/ressources/avis-aux-pouvoirs-publics/derniers-avis-publies/differenciation-des-competences-des-collectivites-territoriales-relevant-d-une-meme-categorie-et-des-regles-relatives-a-l-exercice-de-ces-competences">Conseil d’État</a> dans un avis rendu le 7 décembre 2017, la différenciation de compétence doit demeurer limitée. Elle ne doit pas remettre en question les distinctions opérées par la Constitution entre les collectivités qui relèvent de l’article 72 et d’un principe d’identité législative et celles qui relèvent de l’article 73 et d’un principe d’adaptation législative (reconnu pour les départements et les régions d’outre-mer).</p>
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<figcaption><span class="caption">Cette nouvelle collectivité va se substituer aux deux départements alsaciens à partir de 2021.</span></figcaption>
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<p>Une différenciation ne peut être ainsi légitimée que par une différence de situation ou encore des considérations d’intérêt général en lien avec l’objet de la réglementation. Pour les collectivités de même rang, il faudra ainsi faire valoir la spécificité et les considérations d’intérêt général comme cela a été le cas, de façon limitée, pour la collectivité européenne d’Alsace.</p>
<p>Le véritable changement en droit des collectivités territoriales serait alors très certainement de revenir à des fondamentaux structurant la matière tels le principe de libre administration et l’autonomie financière. Cela permettrait de redonner du sens à des territoires porteurs de projets pour répondre aux besoins locaux sans ouvrir une boîte à outils administratifs qui risque de creuser les écarts entre les territoires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130802/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Martine Long est membre d'une structure de démocratie participative.
Membre du conseil de développement de Loire Angers </span></em></p>Les attentes et ambitions de la décentralisation en France présentent de nombreuses contradictions.Martine Long, Maitre de conférences (HDR) en droit public, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1319742020-03-01T16:53:16Z2020-03-01T16:53:16ZMobilité hydrogène : comment la France tente d’accélérer sa conversion<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/316495/original/file-20200220-92530-hqmkxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C3%2C1115%2C710&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Voiture à hydrogène dans une station de recharge, le 20 juin 2018.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Toyota_Mirai_de_la_soci%C3%A9t%C3%A9_hype_taxi_%C3%A0_une_station_hydrog%C3%A8ne.jpg">NBKF</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Depuis quelques années, la recherche développe une méthode pour produire de l’<a href="https://theconversation.com/les-technologies-de-lhydrogene-pretes-pour-la-transition-energetique-96897">hydrogène « vert » décarboné</a>. Le principe utilisé à cette fin est l’électrolyse de la molécule d’eau, c’est-à-dire la décomposition de la molécule d’eau grâce à un courant électrique, et non plus à partir du gaz naturel ou du pétrole, comme c’est pour l’instant le cas.</p>
<p>Les experts réfléchissent donc à toutes les combinaisons possibles pour coupler la production d’hydrogène avec des sources d’électricité ou d’énergies vertes : parcs éoliens ou photovoltaïques, chaleur produite par des usines de recyclage de déchets ou des processus industriels, ou encore unités de méthanisation utilisant la biomasse.</p>
<p>En 2019, la Commission européenne et la France ont reconnu l’hydrogène comme l’une des <a href="https://www.economie.gouv.fr/files/Rapport_college_experts_06_02.pdf">filières technologiques stratégiques</a> sur laquelle il faut concentrer les moyens des pouvoirs publics et des industriels.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/316631/original/file-20200221-92502-1elvgtu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/316631/original/file-20200221-92502-1elvgtu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/316631/original/file-20200221-92502-1elvgtu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/316631/original/file-20200221-92502-1elvgtu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/316631/original/file-20200221-92502-1elvgtu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/316631/original/file-20200221-92502-1elvgtu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/316631/original/file-20200221-92502-1elvgtu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/316631/original/file-20200221-92502-1elvgtu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Principe de la production d’hydrogène vert décarboné.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.engie-solutions.com/sites/default/files/assets/2019-12/6.Hystart_ENGIE%20Solutions.pdf">Engie</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Pourquoi un tel engouement ?</h2>
<p>La molécule d’hydrogène renferme une quantité colossale d’énergie et possède des propriétés prometteuses pour décarboner (c’est-à-dire émettre le moins possible de gaz à effet de serre impliqués dans le dérèglement climatique) les secteurs des transports, du bâtiment et de l’industrie.</p>
<p>Elle permet ainsi de stocker de l’électricité sur des périodes longues, d’alimenter toutes sortes de véhicules en ne rejetant que de l’eau dans l’atmosphère, de recycler le CO<sub>2</sub>, de verdir les processus industriels ou encore de chauffer des bâtiments.</p>
<p>Derrière l’hydrogène, il y a également l’enjeu de la proximité : produire et stocker son énergie localement, à l’échelle d’une ville, d’une communauté de commune ou d’une agglomération.</p>
<p>Le premier pas dans cette mutation énergétique et environnementale de proximité est la conversion des transports locaux. Une urgence alors que la France a été condamnée en 2019 <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/10/24/la-france-condamnee-pour-depasser-de-maniere-systematique-et-persistante-le-seuil-limite-annuel-de-dioxyde-d-azote-depuis-2010_6016735_3244.html">par l’Europe pour sa mauvaise qualité de l’air</a>.</p>
<h2>Les vertus du véhicule à hydrogène</h2>
<p>L’Union européenne exerce aujourd’hui une pression sans précédent <a href="https://theconversation.com/revolution-brutale-les-six-mutations-disruptives-qui-dessinent-lavenir-du-secteur-automobile-112559">sur les constructeurs automobiles</a> européens.</p>
<p>Résultat, les routes voient désormais cohabiter des formes de motorisations de plus en plus variées. Véhicules à essence, véhicules hybrides (rechargeables ou non), véhicules électriques à batterie ou véhicules électriques à hydrogène. Ce n’est qu’un début. On ignore encore <a href="https://theconversation.com/revolution-brutale-les-six-mutations-disruptives-qui-dessinent-lavenir-du-secteur-automobile-112559">dans quelle proportion</a>, à quelle vitesse et pour quels types d’usages ces nouveaux véhicules se feront une place dans le paysage français, mais l’électrique y jouera un rôle central.</p>
<p>Dans ce contexte, notons que l’hydrogène n’a pas vocation à supplanter les autres carburants en toute situation. Il apparaît dans certains cas comme une option plus crédible que la voiture à batterie : son autonomie est deux fois plus élevée, son temps de recharge est immédiat, et le rapport encombrement-poids est plus intéressant pour les <a href="https://www.ademe.fr/panorama-evaluation-differentes-filieres-dautobus-urbains">véhicules lourds comme les bus</a>.</p>
<p>L’hydrogène est par ailleurs plus fiable, car l’autonomie des batteries électriques évolue au gré des températures et des conditions de circulation. Le moteur utilise par ailleurs moins de ressources rares et n’exige pas le développement d’une économie du recyclage comme les batteries qu’il faut régulièrement changer.</p>
<p>L’usage déterminera donc la motorisation la plus adaptée. Pour des véhicules personnels voués à parcourir des trajets réguliers de courtes distances, les voitures à batterie demeurent sans doute plus adaptées. Pour les véhicules électriques lourds ou les flottes d’utilitaires à usage intensif, l’hydrogène est à privilégier. Camions, bus, bennes à ordure, véhicules réfrigérés, fourgonnettes, véhicules utilitaires, véhicules commerciaux, taxis, ambulances, VTC sont donc d’excellents candidats à la conversion à l’hydrogène.</p>
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<figcaption><span class="caption">Dijon : une station de production d’hydrogène pour faire rouler des véhicules propres. (France 3 Bourgogne-Franche-Comté, 2020).</span></figcaption>
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<h2>Agir à l’échelle des territoires</h2>
<p>Pour accélérer la transition énergétique et structurer une filière hydrogène sur le sol français, l’État a lancé un <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Plan_deploiement_hydrogene.pdf">plan hydrogène au niveau national</a>, décliné par chaque région. Il développe également en collaboration avec l’Ademe une politique originale <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/hydrogene-appel-projets-ecosystemes-mobilite-hydrogene-tres-forte-mobilisation-des-acteurs">« d’écosystèmes territoriaux de mobilité hydrogène »</a>.</p>
<p>À l’échelle de chaque ville, communauté de communes ou agglomération, ce plan vise à construire une mobilité décarbonée et viable économiquement. Dans cet objectif, des unités locales de production d’hydrogène couplées à des sources d’énergies vertes seront créées, et rentabilisées en accélérant la conversion des flottes de véhicules lourds et/ou utilitaires les plus polluants du territoire.</p>
<p>L’originalité de la démarche est d’impliquer les collectivités au côté des grands groupes et des start-up pour convertir non seulement les véhicules publics, mais aussi certaines flottes de véhicules privés. On parle de flottes « captives », car il s’agit de véhicules professionnels dont les déplacements intensifs au sein de l’espace géographique considéré rendent le passage à l’électrique à batteries problématique.</p>
<p>Dans un premier temps, le coût sera d’abord sensiblement supérieur à celui de l’essence. Parcourir 100 km en hydrogène revient à <a href="https://www.maire-info.com/upload/files/GUIDE-STATION-HYDROGENE-WEB.pdf">17 euros</a> contre 10,5 à 14 euros pour l’essence. L’objectif est de ramener ce coût à celui du diesel le plus rapidement possible pour encourager la conversion du plus grand nombre.</p>
<h2>Assurer la continuité des déplacements</h2>
<p>Les enjeux de cette politique sont également industriels. Il s’agit de stimuler la demande de véhicules à hydrogène pour en réduire le prix, aujourd’hui très supérieur aux autres motorisations. En France, l’objectif est de structurer la filière pour devenir une référence.</p>
<p>Partout dans le pays émergent des écosystèmes locaux résultant de l’alliance entre collectivités, syndicats intercommunaux de l’énergie, grands groupes, PME et start-up.</p>
<p>Cette stratégie d’accélération vise à mailler progressivement le territoire français pour assurer la continuité des déplacements. En fonction des caractéristiques des territoires, ces écosystèmes intègrent aussi le transport maritime, fluvial ou ferroviaire.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/316635/original/file-20200221-92533-bmsyng.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/316635/original/file-20200221-92533-bmsyng.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/316635/original/file-20200221-92533-bmsyng.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/316635/original/file-20200221-92533-bmsyng.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/316635/original/file-20200221-92533-bmsyng.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/316635/original/file-20200221-92533-bmsyng.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/316635/original/file-20200221-92533-bmsyng.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/316635/original/file-20200221-92533-bmsyng.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La feuille de route de l’hydrogène pour les 10 prochaines années.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.maire-info.com/upload/files/GUIDE-STATION-HYDROGENE-WEB.pdf">Mairie Info</a></span>
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</figure>
<h2>Un pas vers le « zéro émission »</h2>
<p>Rappelons que les entreprises et les collectivités n’ont pas le choix d’engager ces transformations. Pour répondre à la mauvaise qualité de l’air en France, la <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/18191_LOM_15_mesures_12P_Pour%20BAT.pd">loi d’orientation des mobilités</a>, promulguée en décembre 2019, oblige les collectivités à développer plus de transports en commun zéro émission.</p>
<p>Dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants où les normes de qualité de l’air ne sont pas respectées, la définition de « zones à faibles émissions » devient obligatoire. Le Grand Paris a ainsi annoncé la <a href="https://www.zonefaiblesemissionsmetropolitaine.fr/">fin des véhicules thermiques pour 2030</a>.</p>
<p>La loi d’orientation des mobilités instaure également des quotas de véhicules à faibles émissions croissants d’ici à 2030 pour les flottes d’entreprises détentrices de plus de 100 véhicules, comme pour les collectivités locales et les organisations publiques. Un vaste marché à convertir puisque <a href="http://www.afhypac.org/documents/actualites/pdf/Afhypac_Etude%20H2%20Fce_VDEF.pdf">7 millions de fourgonnettes parcourent aujourd’hui les routes de France</a>.</p>
<h2>Le Japon et la Californie précurseurs</h2>
<p>Dans le monde, 10 000 voitures à hydrogène roulent déjà. Certains <a href="http://www.afhypac.org/documents/divers/Hydrogene-en-France-2018.pdf">pays sont précurseurs</a>, comme le Japon qui ambitionne de devenir une « société hydrogène » ou la Californie qui compte développer 200 stations d’hydrogène dans les quatre prochaines années. La Chine commence à son tour à se pencher sur le sujet. <a href="http://www.afhypac.org/">L’Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible</a> estime que la flotte mondiale représentera 10 à 15 millions de véhicules dans 10 ans.</p>
<p>En Europe, l’Allemagne a connu la plus forte augmentation du nombre de stations de recharge d’hydrogène. En France, la première dédiée à la production a ouvert à Saint-Lô en 2015. Le pays comptait <a href="http://www.afhypac.org/">fin 2019</a> 74 stations d’hydrogène et 61 en projet.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/131974/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valery Michaux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Bâtir les territoires « zéro émissions » de demain tout en développant une nouvelle filière innovante grâce à une politique originale qui implique localement collectivités au côté des entreprises…Valery Michaux, Enseignant-Chercheur - HDR, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1314512020-02-11T19:37:12Z2020-02-11T19:37:12Z2020, la revanche des territoires ruraux ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/314485/original/file-20200210-109887-1iyyfth.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C6%2C922%2C559&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Bien que le phénomène de métropolisation reste largement encouragé par les pouvoirs publics, installer une entreprise dans un territoire rural présente de nombreux avantages.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/883190">Pxhere</a></span></figcaption></figure><p>« Galère ». C’est ce mot qui qualifie le plus sûrement la situation vécue chaque jour par des millions de Français ces deux derniers mois pour se déplacer dans les grandes villes, <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/greve-des-transports-500-km-de-bouchons-en-ile-de-france-a-7h30_fr_5dede687e4b05d1e8a540701">notamment en région parisienne</a>.</p>
<p>De quoi donner l’envie de partir vivre à la campagne ? Sauf que l’envie est déjà là ! Nul besoin d’une telle période de grève des transports : selon une enquête IFOP d’avril 2019, 81 % des Français estiment que la vie à la campagne correspond <a href="https://www.ifop.com/publication/le-retour-a-la-campagne">au mode de vie idéal</a>.</p>
<p>Si la plupart d’entre nous ne vont pas plus loin que de formuler un vague souhait, nombre de nos concitoyens formulent des projets plus concrets, voire décident de changer de vie. Pour le meilleur ou pour le pire parfois, la vie fantasmée du retour à la nature pour un urbain pouvant s’avérer éloignée de la réalité du monde rural.</p>
<p>En témoignent les conflits entre habitants « historiques » et néo-ruraux quant au sort à réserver au coq du voisin, aux sonneries des cloches de l’église ou à la moissonneuse-batteuse devenus un peu trop bruyants : quand on décide de quitter les bruits assourdissants de la grande ville, ce n’est tout de même pas <a href="https://www.lepoint.fr/societe/coqs-canards-cloches-qui-en-veut-aux-bruits-de-la-campagne-05-09-2019-2333802_23.php">pour subir d’autres nuisances</a> !</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/MqZtnCzGw6s?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Laissez-moi chanter : un coq gagne son procès » (France 24, septembre 2019).</span></figcaption>
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<p>À ces exceptions (caricaturales) près, la tendance est claire. À l’heure du tout digital et d’une sensibilité massive de la société aux enjeux environnementaux, les grandes métropoles ont le plus grand mal à se réinventer.</p>
<h2>Des « villes-monde » en perdition</h2>
<p>Devenues synonymes de difficultés criantes liées aux transports, à la pollution, à la promiscuité et au bruit, aux coûts <a href="https://immobilier.lefigaro.fr/article/les-prix-immobiliers-vont-continuer-de-grimper-en-france-en-2020_a09e3af2-2e33-11ea-bef7-e339751595d8/">exorbitants des logements</a> et de la vie en général, à l’insécurité, à la désocialisation des plus fragiles, elles n’attirent guère plus que par nécessité, parce qu’on y trouve la majorité des emplois et des services publics (santé, éducation, etc.).</p>
<p>Quel paradoxe ! Des « villes-monde » qui continuent à se remplir inexorablement, dépassant la taille critique en termes de qualité de vie, et, de l’autre côté, des villes petites et moyennes et des campagnes qui se vident et s’appauvrissent… Tout cela à l’encontre des aspirations d’une large majorité de la population ?</p>
<p>Plus étonnant encore, le phénomène de métropolisation reste largement encouragé par les pouvoirs publics, <a href="https://youtu.be/NoWsSJUu1PM">notamment en France</a>, puisque la quasi-totalité de l’emploi et des financements publics sont prioritairement adressés aux grandes villes.</p>
<h2>Des campagnes économiquement avantageuses</h2>
<p>Nous étudions pour notre part depuis une dizaine d’années les exemples d’entreprises, d’entrepreneurs, qui n’en font soi-disant « qu’à leur tête » et qui refusent ce déterminisme et cette logique de concentration-centralisation. Forts de nos recherches, nous pensons qu’il est non seulement possible, mais même souhaitable et très pertinent économiquement de s’installer durablement sur des territoires « oubliés », là où les autres ne sont pas.</p>
<p>Et ce, contrairement aux idées reçues, mais aussi, contrairement à des approches théoriques qui enseignent qu’il est toujours préférable d’entreprendre là où il existe déjà une forte activité économique (notions de <a href="https://franceclusters.fr/les-clusters-francais/les-clusters-definition/?lang=fr#">clusters</a> et de <a href="https://www.europe-en-france.gouv.fr/fr/articles/strategies-regionales-de-specialisation-intelligente-bilan-et-perspectives">spécialisation intelligente</a>).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/NoWsSJUu1PM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« La métropolisation, nouvel opium des élites » avec Olivier Bouba-Olga (Forum urbain, octobre 2018).</span></figcaption>
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<p>Rappelons qu’une <a href="https://www.xerficanal.com/strategie-management/emission/Philippe-Gattet-Comprendre-les-strategies-de-differenciation_3744292.html">stratégie performante</a> consiste essentiellement à faire différent, à détecter ce que les autres n’ont pas encore vu. Et ainsi répondre à des besoins non servis, ce qui est loin de manquer dans la plupart des petites communes dorénavant <a href="https://www.lexpress.fr/informations/sos-communes-en-detresse_633763.html">désertées par l’activité économique</a> et sociale publique et privée (alimentation, santé, culture, etc.).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1054545713856724992"}"></div></p>
<h2>L’offre comme levier de l’attractivité</h2>
<p>Or, à l’heure de la transformation digitale, du travail nomade et des « millenials » ultra connectés, il n’est plus nécessairement besoin, pour une entreprise, de s’implanter sur le lieu d’habitation de ses clients. Si vos produits sont bons, les clients viendront à vous ou passeront commande à distance.</p>
<p>Un exemple ? Nous avons rencontré Estelle Meunier, qui a choisi, en 2018, d’installer son entreprise artisanale d’art végétal « Destin d’une Brindille » dans le <a href="https://youtu.be/WNpW4kGmNVo">village viticole de Chambolle-Musigny</a>, en Bourgogne.</p>
<p>« Je suis sûre que plein de commerces basés en ville tourneraient beaucoup mieux à la campagne… Depuis que je venue ici, je fais 20 % de chiffre d’affaires en plus », nous dit-elle d’entrée. Le ton de l’entretien est donné… Mondialement connu pour ses vins prestigieux (dont le « Musigny » ou les « Amoureuses ») et sa proximité avec le célébrissime Clos-Vougeot, le village, éloigné des villes (Dijon à 20 km, Beaune à 26 km) et des gares, est charmant et typique mais peu touristique (deux restaurants en guise de commerces, pas d’œnotourisme, l’essentiel de la production étant vendu à des professionnels ou à l’export).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/314361/original/file-20200210-27552-13qy0ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/314361/original/file-20200210-27552-13qy0ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/314361/original/file-20200210-27552-13qy0ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/314361/original/file-20200210-27552-13qy0ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/314361/original/file-20200210-27552-13qy0ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/314361/original/file-20200210-27552-13qy0ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/314361/original/file-20200210-27552-13qy0ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Entrepôt de compositions réalisées « Destin d’une brindille ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Estelle Meunier</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
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<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/314362/original/file-20200210-27533-1qunrqr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/314362/original/file-20200210-27533-1qunrqr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/314362/original/file-20200210-27533-1qunrqr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/314362/original/file-20200210-27533-1qunrqr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/314362/original/file-20200210-27533-1qunrqr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/314362/original/file-20200210-27533-1qunrqr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/314362/original/file-20200210-27533-1qunrqr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Vue extérieur de l’atelier d’Estelle Meunier ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Estelle Meunier</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Estelle aurait pu faire d’autres choix. Après l’École des Fleuristes de Paris, dont elle sort major de promo Ile-de-France (devant 4 000 autres candidats), elle rejoint la boutique parisienne de l’avenue Kléber du MOF (meilleur ouvrier de France) Pierre Declercq en 1996. Mais le goût de l’indépendance la conduit à entreprendre, dans sa région natale d’abord (Pontarlier et Besançon) puis à Dijon.</p>
<p>Elle reçoit de nombreuses distinctions (dont le Mercure d’Or 2004 dans la catégorie « Innovation et Qualité »). Mais les capitales régionales ne lui réussissent pas pleinement. « Je n’ai pas réussi à rencontrer le public, une clientèle, j’étais dans des beaux lieux mais ça ne décollait pas », regrette-t-elle.</p>
<h2>Art de vivre</h2>
<p>Coup de cœur il y deux ans donc, en 2018, pour Chambolle-Musigny, où Estelle est accueillie à bras ouverts et est immédiatement « très soutenue » par la municipalité et les habitants. Ceux-ci comprennent la cohérence de son projet et de son travail, avec la dimension « art de vivre à la française » qui, autour du vin, fait l’histoire et la renommée de la commune : ils lui proposent de s’installer dans l’ancienne cure du village, en face de l’église. Un écrin en totale adéquation avec l’art végétal d’Estelle, dont chaque composition est unique :</p>
<blockquote>
<p>« Les gens viennent aussi dans un commerce pour l’expérience, pour passer un moment hors du temps. Ils choisissent la composition dans la boutique, sortent dans le jardin déguster un thé ou un verre de vin pendant que je prépare leur commande, puis partent se promener dans les vignes. »</p>
</blockquote>
<p>Résultat : « j’ai plus de Dijonnais aujourd’hui qui viennent que lorsque j’étais installée au centre de Dijon ». Et à l’heure du digital, nul besoin de se déplacer pour acheter les produits :</p>
<blockquote>
<p>« Je suis hyperactive sur les réseaux sociaux. C’est ma “vitrine” de centre-ville ! Avant, on faisait les vitrines, maintenant, la vitrine, c’est ce que tu postes sur Instagram ou Facebook… À Noël, j’ai fait des commandes à distance aux quatre coins de la France. Ça m’a surprise, d’ailleurs, il faut que je m’organise. »</p>
</blockquote>
<p>Il faut dire que le succès est au rendez-vous, aidé par une médiatisation qui s’accélère. Après un ouvrage publié par les Éditions Marie-Claire, un passage dans l’émission <a href="https://dai.ly/x3kjdyw">« Silence ça pousse »</a>, Estelle anime dorénavant chaque mois une chronique en direct sur France 3 Bourgogne-Franche-Comté.</p>
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<p>Un autre exemple ? La localisation géographique des restaurants étoilés au <a href="https://guide.michelin.com/fr/fr/restaurants/3-etoiles-michelin?lat=48.89332882907796&lon=2.3434216125497436">prestigieux Guide Michelin</a> témoigne de l’alternative que sont les campagnes. Sans surprise, le tiers des triples étoilés (10 sur 29) sont situés dans la capitale, et plusieurs autres ont privilégié des sites touristiques réputés (Megève, Courchevel ou Monaco). Mais ces caractéristiques ne s’avèrent pas indispensables pour appartenir aux fleurons de la gastronomie française : attirés par une offre de très grande qualité et par l’idée de vivre une “expérience”, les clients n’hésitent pas à se déplacer en nombre chez Georges Blanc (à Vonnas, Ain), Michel Troisgros (Ouches, Loire), Régis et Jacques Marcon (Saint-Bonnet-le-Froid, Haute-Loire), à la Maison Lameloise (Chagny, Saône-et-Loire), ou à l’Auberge du Vieux-Puits (Fontjoncouse, Aude).</p>
<h2>Comprendre le territoire pour s’implanter</h2>
<p>Ainsi, entreprendre ou installer son entreprise dans un territoire rural ou (supposément) « défavorisé » présente de <a href="https://business.lesechos.fr/entrepreneurs/management/entreprendre-a-la-campagne-pour-ou-contre-213234.php">nombreux avantages</a>. Parmi ceux-ci, celui de devoir repenser la stratégie de l’entreprise, en se basant sur sa propre capacité à créer de la valeur, et non à se reposer sur celles de ses voisins ou de son environnement.</p>
<p>Si les zones commerciales ont longtemps utilisé l’argument de la proximité géographique entre différentes enseignes pour créer du trafic, n’est-il pas plus pertinent d’attirer pour soi-même plutôt que par hasard, au gré des pérégrinations des consommateurs ?</p>
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<figcaption><span class="caption">« Le territoire : une question stratégique pour l’entreprise » avec Anne Albert-Cromarias (XerfiCanal, juin 2019).</span></figcaption>
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<p>Sur le plan organisationnel également, tout doit être repensé. Alors que la <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/carriere/vie-professionnelle/sante-au-travail/nouvelle-zelande-ils-travaillent-4-jours-et-sont-payes-5_3672259.html">semaine de quatre jours</a>, le <a href="https://www.lci.fr/open-space/bon-pour-la-sante-et-l-efficacite-le-teletravail-se-developpe-mais-les-freins-reels-ou-supposes-persistent-etude-malakoff-mederic-humanis-2113392.html">télétravail</a> à domicile ou dans des espaces de coworking semblent faire toujours plus leurs preuves, c’est à se demander si l’entreprise n’est pas devenue le pire endroit pour travailler de façon performante.</p>
<p>L’accès à Internet apparaît alors déterminant, la ruralité n’étant pas, en l’état, une fatalité comme en attestent certains « petits » pays comme l’Islande, qui malgré sa faible population et ses régions quasi désertiques dispose d’une <a href="http://www.slate.fr/story/109343/carte-france-probleme-internet">couverture Internet de grande qualité</a>.</p>
<p>Bien sûr, s’installer avec succès en milieu rural ou dans une petite commune ne se fait pas sans conditions. Pour l’entrepreneur, la stratégie de l’entreprise doit donc être élaborée en totale cohérence avec le territoire d’implantation. Les chaînes logistiques, le marketing, le recrutement et la fidélisation des collaborateurs doivent s’accorder avec les écosystèmes et cultures locales.</p>
<p>Pour les communes et les acteurs du développement local, il convient d’assurer un accueil de qualité pour l’entreprise et ses collaborateurs : mise à disposition de locaux ou surfaces adaptées, accompagnement pour l’obtention de financements ou d’aides, offre de logements ou de services.</p>
<p>Finis l’anonymat, l’épuisement professionnel (en grande partie dû aux temps de trajet toujours plus délirants) et les files d’attentes : place à la personnalisation, l’écoute et l’épanouissement personnel et professionnel. La grande force de la ruralité tient en sa capacité à faire exister les gens. Alors, 2020, année de la revanche pour les territoires ruraux ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/131451/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le contexte n’a jamais été aussi propice au retour des populations et des entrepreneurs dans les zones rurales.Anne Albert-Cromarias, Enseignant-chercheur HDR, management stratégique, ESC Clermont Business SchoolAlexandre Asselineau, Directeur de la Recherche BSB, enseignant-chercheur en Stratégie et Management stratégique, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1271842019-12-06T08:23:28Z2019-12-06T08:23:28ZL’auto-stop réinventé par Rezo Pouce : au-delà de la belle histoire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/304724/original/file-20191202-67011-q0pag8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C275%2C1767%2C1158&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Deux auto-stoppeurs usagers de Rezo Pouce.</span> <span class="attribution"><span class="source">Rezo Pouce</span></span></figcaption></figure><p><strong>Comme l’ont montré les « gilets jaunes », la voiture est un élément essentiel dans de nombreux territoires. Sans elle, l’exclusion guette. Pourquoi alors ne pas favoriser des formes de partage, y compris l’auto-stop ? Développer une pratique qui a toujours été marginale n’est pas si simple. Chronique d’une aventure entrepreneuriale initiée à Moissac, dans le Tarn-et-Garonne : Rezo Pouce.</strong></p>
<p>« Ce qu’il y a d’intéressant dans votre révolte, c’est qu’elle met l’imagination au pouvoir », disait Jean‑Paul Sartre à Daniel Cohn-Bendit en 1968. Nombre de soixante-huitards ont toutefois pu découvrir ensuite qu’il n’est pas aisé de laisser la bride à l’imagination lorsqu’on exerce le pouvoir. Mais l’éloge de l’imagination peut conduire sur une fausse piste si on la réduit à l’originalité d’un propos, d’une cause, d’une revendication ou d’un nouveau produit. Son sort se joue en effet souvent sur le <em>comment faire</em> plutôt que sur le <em>quoi faire</em>.</p>
<h2>Une mise en œuvre très imaginative</h2>
<p>Adjoint au maire en charge du Développement durable de Moissac, ville du Tarn-et-Garonne de 13 000 habitants, Alain Jean se penche en 2010 sur la question de la mobilité : 15 % des ménages ruraux ne possèdent pas de voiture et 50 % n’en ont qu’une, ce qui immobilise les autres personnes au foyer.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304722/original/file-20191202-66982-1rqkwov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304722/original/file-20191202-66982-1rqkwov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304722/original/file-20191202-66982-1rqkwov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304722/original/file-20191202-66982-1rqkwov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304722/original/file-20191202-66982-1rqkwov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304722/original/file-20191202-66982-1rqkwov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304722/original/file-20191202-66982-1rqkwov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Alain Jean.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rezo Pouce</span></span>
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<p>Il lui vient une idée : réhabiliter l’auto-stop. Cela résoudrait beaucoup de problèmes de mobilité quotidienne, diminuerait les encombrements et la pollution, et créerait du lien social. Il s’agit d’une des formes les plus anciennes de l’autopartage, mais son image est désuète. Si Michel Fugain l’a placé haut dans l’imaginaire français avec sa « belle histoire », c’était justement dans la lignée de 1968. Depuis la pratique est restée marginale, réservée aux étudiants sans-le-sou qui attendent pendant des heures une bonne âme aventureuse. Car l’auto-stop fait peur. Autant au conducteur qu’à l’auto-stoppeur.</p>
<h2>Des rites bien pensés</h2>
<p>Le manque de confiance est le premier frein des activités humaines, commerciales ou non. Tous les initiateurs de projet doivent interroger leur « bonne idée » à l’aune de cet écueil. Le produit, le service, la pratique promus sont-ils rassurants pour le consommateur comme pour le producteur ?</p>
<p>BlaBlaCar a longtemps buté sur cette difficulté. C’est en traçant et en notant les conducteurs sur son application que les premiers freins se sont desserrés chez les transportés. Les accords noués avec les compagnies d’assurances ont ensuite apporté leur lot à la construction de la confiance. Pour les conducteurs, c’est le paiement de la participation aux frais réalisé à l’avance et via l’application qui les a convaincus qu’ils ne perdraient plus leur temps à attendre un covoituré qui ne viendrait pas sur le parking d’un supermarché un soir de pluie.</p>
<p>C’est sur ce même point que l’équipe du projet appelé Rezo Pouce a fait preuve d’imagination en créant des rites de nature à créer la confiance et instaurer des habitudes.</p>
<ul>
<li><p>La <em>carte d’auto-stoppeur</em> que reçoivent les personnes s’inscrivant au dispositif sur Internet ou en mairie après avoir validé une charte et remis une photo ou scan de pièce d’identité. Chaque personne inscrite reçoit son kit d’information pour lui permettre de mieux appréhender l’auto-stop, en connaître les avantages et les limites.</p></li>
<li><p>Les inscrits se reconnaissent entre eux, soit par la fiche de destination qu’ils peuvent réaliser à partir du site, soit, pour les conducteurs, par le macaron qu’ils reçoivent et apposent sur leur pare-brise.</p></li>
<li><p>Les arrêts d’auto-stop. Pour inscrire l’auto-stop dans le territoire, l’idée, géniale, est venue de créer des arrêts d’auto-stop, installés à des endroits où prendre des passagers sans danger. L’auto-stoppeur s’y rend muni d’une fiche indiquant sa destination. On en trouve près des gares, à la sortie des agglomérations et dans divers hameaux du territoire.</p></li>
</ul>
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<h2>Une croissance fulgurante</h2>
<p>Le démarrage est très lent, comme le rappelle Alain Jean :</p>
<blockquote>
<p>À Moissac, je jouissais, comme membre de l’équipe municipale, de la confiance du maire. Puis les communes voisines ont suivi, mais les comportements changent lentement. La première année, 1,5 % à 2 % des Moissagais se sont inscrits. Après neuf ans d’existence, ils sont 7 %, ce qui est considérable. Nous avons beaucoup travaillé, avec des psychologues et des anthropologues, sur l’image de l’auto-stoppeur, car bien des gens avaient l’impression de se dégrader en sollicitant ce service. Nous avons communiqué pour faire évoluer les mentalités. Nous avons accompagné les personnes dont c’était la première expérience.</p>
<p>Nous formons désormais des animateurs de transition, qui visitent les territoires et aident au développement de cette nouvelle formule, en s’assurant la collaboration des mairies, des CCAS, des missions locales de service public, et parfois même du département, voire de la région. Nous n’imaginions pas en 2010 que notre petite association prendrait une telle ampleur !</p>
</blockquote>
<p>Nombreuses sont en effet les collectivités qui adoptent le dispositif. Elles étaient 150 en 2015 et plus de 2000 aujourd’hui. Elles prennent un abonnement au réseau, en assurant la gratuité du dispositif aux usagers. Les tests et les retours indiquent que la moitié des auto-stoppeurs attendent aujourd’hui moins de 5 minutes, et 90 % moins de 10 minutes, pour une moyenne de 15 km. Autant de femmes que d’hommes utilisent Rezo Pouce.</p>
<p>Rezo Pouce a créé une application sur smartphone. Il expérimente aussi un Rezo Senior, permettant de prendre rendez-vous un ou deux jours à l’avance. Une version Rezo Pro facilite le covoiturage domicile-travail dans les entreprises. Celles-ci paient l’abonnement, en offrant la gratuité du service à leurs salariés, voire même en leur proposant des gratifications (places de cinéma, de concert, de piscine, etc.) pour les inciter à pratiquer le covoiturage. Le développement, et la communication, du réseau sont appuyés par des défis par exemple des courses d’auto-stop.</p>
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<p>Alain Jean préside le réseau et anime une équipe de 11 salariés et de plusieurs dizaines de bénévoles sur l’ensemble du territoire. Rezo Pouce devrait donc largement couvrir les territoires ruraux français, jusqu’aux villes petites et même moyennes.</p>
<h2>Des enseignements à méditer</h2>
<p>Le fameux effet réseau qui couronne de succès de nombreuses initiatives à la mode n’est pas réservé aux applications numériques mondiales d’origine anglo-saxonne. Des initiatives locales peuvent en bénéficier, qu’elles soient marchandes ou non. Ce n’est sans doute pas un hasard si une telle initiative a prospéré à Moissac. L’idée aurait pu germer ailleurs, y compris dans un bureau parisien. Mais tenir la distance pour lever un à un les obstacles d’une pratique socialement si mal installée dans les esprits n’est pas évident. Pas plus que de trouver les concours notamment financiers pour soutenir un démarrage forcément lent.</p>
<p>Une telle énergie, une telle constance et une telle créativité ne pouvaient provenir que d’individus au contact du besoin, frustrés par l’absence de solution d’un problème ressenti comme crucial dans un territoire isolé. De plus, Alain Jean étant un des fondateurs du parti Europe Écologie les Verts, il voyait dans ce projet une façon de concrétiser les idées qu’il défendait.</p>
<p>La participation des territoires est une nécessité indépassable lorsqu’on parle de développement, économique ou non. Il ne s’agit pas simplement de susciter un surplus d’imagination pour identifier une idée qu’on ne trouverait pas ailleurs, mais d’y mobiliser créativité et énergie pour lever un à un tous les obstacles. Car le diable est dans les détails et même les bonnes idées se perdent vite en chemin, surtout en rase campagne.</p>
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<p><strong>Retrouvez toutes les initiatives de la série « Le Jardin des entreprenants » en cliquant <a href="https://theconversation.com/fr/topics/le-jardin-des-entreprenants-79569">ici</a>.</strong></p>
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<p><em>Pour en savoir plus, voir <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/1340-bonnes-nouvelles-de-l-innovation-citoyenne">Bonnes nouvelles de l’innovation citoyenne</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127184/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et responsable du Jardin des entreprenants</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christophe Deshayes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Sans la voiture, l’exclusion guette, ont rappelé les « gilets jaunes ». Pourquoi alors ne pas favoriser le partage y compris l’auto-stop ? Mais développer une pratique marginale n’est pas si simple…Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines Paris - PSLChristophe Deshayes, Animateur du cycle « Transformations numériques », L'École de Paris du ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.