tag:theconversation.com,2011:/us/topics/anthropocene-25399/articlesanthropocène – The Conversation2024-01-28T16:06:21Ztag:theconversation.com,2011:article/2212662024-01-28T16:06:21Z2024-01-28T16:06:21ZAvec l’écopédagogie, repenser l’éducation au développement durable<p><a href="https://theconversation.com/quelle-ecole-dans-un-monde-en-surchauffe-208152">L’éducation au développement durable</a> concentre de plus en plus d’attentions et s’est fait une place dans les programmes scolaires. Elle se focalise souvent sur les responsabilités individuelles, en incitant les jeunes à changer d’attitudes et de comportements, à travers notamment les écogestes – le tri des déchets, par exemple à la cantine.</p>
<p>Avec une telle approche, comme l’observent Angela Barthes et Yves Alpe, professeurs en sciences de l’éducation, « la <a href="https://shs.hal.science/halshs-00963810/document">question de la responsabilité des systèmes de production dans les atteintes à l’environnement</a> est peu abordée » alors qu’elle est déterminante si l’on veut changer la situation à grande échelle.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/etre-eco-delegues-au-college-ou-au-lycee-quels-moyens-daction-195979">Être éco-délégués au collège ou au lycée : quels moyens d’action ?</a>
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<p>À la frontière entre la philosophie, les sciences sociales et la didactique, un champ de recherche se développe pour permettre à chacun de mieux se repérer dans tous les <a href="https://journals.openedition.org/vertigo/28518">enjeux relatifs à l’environnement</a>, notamment les questions de justice sociale. Arrêtons-nous sur l’un de ses courants, l’écopédagogie, qui propose une autre approche aux citoyens et citoyennes.</p>
<h2>L’écopédagogie, de l’Amérique latine aux États-Unis</h2>
<p><a href="https://www.bloomsbury.com/uk/ecopedagogy-9781350083790/">L’écopédagogie</a> est un courant de la recherche en éducation qui est apparu en Amérique latine dans la deuxième moitié des années 1990, <a href="https://lecourrier.ch/2018/08/03/leco-pedagogie-une-conscience-planetaire/">d’abord au Costa Rica, avec Cruz Prado et Fernando Gutierrez</a>, puis au Brésil avec Moacir Gadotti de l’Institut Paulo Freire. La <a href="https://www.questionsdeclasses.org/la-charte-de-l-ecopedagogie/">Charte de l’écopédagogie</a>, en 1999, met en avant la nécessité de développer une conscience planétaire seule à même de pouvoir prendre en compte les défis écologiques.</p>
<p>L’écopédagogie se situe dans la continuité de l’œuvre du pédagogue brésilien <a href="https://theconversation.com/les-enseignements-de-paulo-freire-un-pedagogue-toujours-actuel-73079">Paulo Freire</a> qu’elle entend compléter en y intégrant la dimension environnementale. Paulo Freire, en particulier dans son ouvrage <a href="https://journals.openedition.org/lectures/53295"><em>Pédagogie des opprimés</em></a>, a avancé l’idée que l’éducation devait favoriser la conscience sociale critique. C’est ce qu’il appelle la conscientisation, tournée vers la prise de conscience des injustices sociales. Cela a donné lieu au développement des pédagogies critiques.</p>
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<img alt="Fresque représentant Paulo Freire, père des pédagogies critiques" src="https://images.theconversation.com/files/571443/original/file-20240125-25-famlqp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571443/original/file-20240125-25-famlqp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571443/original/file-20240125-25-famlqp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571443/original/file-20240125-25-famlqp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571443/original/file-20240125-25-famlqp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=374&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571443/original/file-20240125-25-famlqp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=374&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571443/original/file-20240125-25-famlqp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=374&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Fresque représentant Paulo Freire, père des pédagogies critiques.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Painel.Paulo.Freire.JPG">Luiz Carlos Cappellano, via Wikimedia</a></span>
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<p>Néanmoins, aussi bien en Amérique latine qu’aux États-Unis se sont constitués des mouvements sociaux qui ont lié les questions environnementales et les questions sociales. L’économiste <a href="https://www.cairn.info/revue-projet-2015-2-page-90.htm">Joan Martinez Alier</a> a ainsi parlé pour l’Amérique latine d’écologie des pauvres. Aux États-Unis, c’est le mouvement pour la <a href="https://www.academia.edu/31821047/Les_enjeux_du_Vert_en_Noir_et_Blanc_racisme_environnemental_et_antiracisme_critique_en_contextes_de_racialisation">justice environnementale</a> qui a mis en lumière les liens entre inégalités sociales et les nuisances environnementales.</p>
<h2>Articuler écologie anthropocentrée et écologie non anthropocentrée</h2>
<p>Le chercheur en écopédagogie <a href="https://www.youtube.com/watch?v=LAdhj--3qnA">Greg Misiaszek</a> a développé une philosophie de l’éducation écopédagogique où il établit une distinction conceptuelle entre le monde et la planète.</p>
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<li><p>Le monde désigne la sphère anthropocentrée. La question de l’environnement y est abordée à partir des intérêts humains. La pédagogie critique et le mouvement de la justice environnementale se situent à ce niveau. Ils sont tournés vers des préoccupations de justice sociale relativement aux êtres humains.</p></li>
<li><p>La planète désigne la sphère non anthropocentrée, celle des vivants non humains. Il faut signaler que l’écopédagogie repose sur une écologie biocentrée, ce qui veut dire qu’elle considère la planète Terre comme un grand organisme vivant. Elle s’appuie sur <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/l-hypothese-gaia-de-james-lovelock-theorie-influente-et-controversee-1824581">l’hypothèse Gaia</a>.</p></li>
</ul>
<p>À cette première distinction conceptuelle est liée une autre, celle entre les opprimés et les dominés.</p>
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<li><p>Les opprimés désignent les groupes sociaux humains qui souffrent des inégalités sociales. Les opprimés sont capables d’autoréflexion et d’une prise de conscience qui peut les conduire à devenir des sujets de la transformation sociale.</p></li>
<li><p>Les dominés désignent les vivants non-humains. Contrairement aux êtres humains, les vivants non-humains ne peuvent pas produire d’injustices, en revanche ils peuvent souffrir des injustices produites par les humains.</p></li>
</ul>
<p>L’articulation de ce qu’on appelle l’écologie anthropocentrée et l’écologie non anthropocentrée est l’enjeu de l’écopédagogie. Cette dernière pense la sphère humaine comme une dimension de la sphère planétaire.</p>
<h2>Qui souffre et qui profite des atteintes à l’environnement ?</h2>
<p>L’écopédagogie propose une réflexion philosophique et pédagogique sur les différents niveaux de justice qui sont enchevêtrés lorsqu’on réfléchit aux questions environnementales.</p>
<p>Une première dimension consiste à affirmer que ce sont les êtres humains dans leur ensemble qui souffrent par exemple du changement climatique. C’est en cela que l’écopédagogie suppose une conscience planétaire. Mais, on peut ajouter que la réflexion doit prendre en compte également les générations humaines futures.</p>
<p>Néanmoins, il est en outre possible de réfléchir au fait que les dégradations environnementales ne touchent pas autant tous les groupes sociaux. C’est ce que les sciences humaines et sociales étudient sous le nom d’inégalités environnementales en relation avec les inégalités sociales. L’économiste <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/pages-chercheurs/page.php?id=18">Laurent Eloi</a> parle ainsi de social-écologie.</p>
<p>Ces deux dimensions doivent être prises en compte, mais elles abordent néanmoins la question environnementale uniquement au prisme des intérêts humains. C’est pourquoi l’écopédagogie intègre dans sa réflexion la souffrance animale et l’impact sur la planète Terre qui subit également une souffrance en tant qu’organisme vivant.</p>
<p>La seconde perspective de réflexion de l’écopédagogie est de poser la question de qui profite des dégradations environnementales. À un premier niveau, il est possible de dire que ces dégradations sont faites au profit de l’ensemble de l’humanité. On pourrait même parler d’anthropocène pour signifier ici que c’est l’ensemble de l’humanité qui profiterait de ces dégradations au détriment des vivants non-humains.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/anthropocene-ou-anthro-probleme-une-question-detymologie-et-surtout-dechelle-220232">Anthropocène… ou anthro-problème ? Une question d’étymologie et surtout d’échelle</a>
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<p>Mais, il est également possible de resserrer encore la focale pour s’intéresser, à ce que par exemple le géographe <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/103447-003-A/climat-qui-a-allume-le-feu/">Andréas Malm</a>, appelle le capitalocène, c’est-à-dire à l’impact qu’ont plus spécifiquement le mode de vie des classes sociales supérieures et le fonctionnement du système capitaliste.</p>
<p>L’écopédagogie s’intéresse à la manière dont il est possible de développer la conscience citoyenne des différents niveaux de justice sociale et écologique. Cette approche à plusieurs enjeux. Elle vise par exemple à ne pas prendre en compte que la perspective relevant des modes de consommation individuels pour se pencher aussi à des éléments structurels socio-économiques, mettant notamment en lumière l’impact des dégradations environnementales sur les groupes les plus socialement minorisés.</p>
<p>Au lieu de partir d’injonctions ou de modes d’emploi, l’écopédagogie remet le citoyen au centre de la réflexion en lui donnant les moyens de comprendre les tenants et les aboutissants des controverses en écologie. Elle permet à chacun et chacune de se repérer dans les différentes thèses concernant les êtres impactés par les dégradations environnementales et les groupes humains qui ont le plus d’impact. L’objectif est d’ouvrir des discussions sur le caractère contradictoire de ses différentes thèses ou leur possible articulation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221266/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Irène Pereira est membre du Conseil Mondial des Instituts Paulo Freire et du Conseil scientifique de la collection Freire Focus des Editions Bloomsbury</span></em></p>En mettant l’accent notamment sur les écogestes, l’éducation au développement durable tend à se focaliser sur les responsabilités individuelles. L’écopédagogie propose de changer d’angle de réflexion.Irène Pereira, Professeure des Universités en sciences de l'éducation et de la formation, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2202322024-01-23T16:27:39Z2024-01-23T16:27:39ZAnthropocène… ou anthro-problème ? Une question d’étymologie et surtout d’échelle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567422/original/file-20231228-17-5rhoj4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les points stratigraphiques mondiaux (ou « clous d'or ») sont utilisés par les géologues pour identifier les limites entre deux étages géologiques distincts, représentant deux unités temporelles distinctes à l'échelle des temps géologiques.</span> <span class="attribution"><span class="source">James St John / Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>C’est l’un des nouveaux mots qui s’est frayé un chemin, de la communauté scientifique jusqu’aux médias : « anthropocène ». Ce dernier entend décrire les modifications profondes que les activités humaines ont provoquées dans le fonctionnement de notre planète, et baptiser ainsi l’avènement d’une nouvelle ère géologique. Sauf que cette dénomination pose problème.</p>
<p>D’abord au niveau étymologique puisque ce mot a été créé de toute pièce par des chercheurs extérieurs aux sciences de la Terre, puisant à dessein dans le lexique géologique. L’enthousiasme immodéré que ce mot-valise suscite ne doit pas nous empêcher de porter un regard critique sur les façons dont il pourrait être mal interprété, en particulier en surestimant les pouvoirs de l’humanité.</p>
<p>Certes, les perturbations anthropiques sont bien réelles et mesurables à l’échelle de nos vies humaines. Mais leur juste place dans l’échelle des processus et des temps géologiques doit être questionnée avec davantage de modestie pour éviter de tomber, une fois de plus – et une fois de trop – dans le piège de l’anthropocentrisme.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567426/original/file-20231228-29-l66ea2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567426/original/file-20231228-29-l66ea2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567426/original/file-20231228-29-l66ea2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567426/original/file-20231228-29-l66ea2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567426/original/file-20231228-29-l66ea2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567426/original/file-20231228-29-l66ea2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567426/original/file-20231228-29-l66ea2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Couche de détritus coincés entre une couche de calcaire et une couche de marne après l’effondrement d’une falaise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fmichaud76/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Le consensus est d’ailleurs loin d’être atteint parmi les scientifiques puisque factuellement, l’anthropocène ne figure pas – tout du moins pas encore – dans l’échelle des temps géologiques. La Commission internationale de stratigraphie , après que le groupe de travail sur l’anthropocène <a href="https://theconversation.com/voici-comment-le-lac-crawford-en-ontario-a-ete-choisi-pour-marquer-le-debut-de-lanthropocene-209454">a choisi un site pilote au Canada à l’été 2023</a>, a récemment <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-024-00675-8?WT.ec_id=NATURE-202403&sap-outbound-id=6ACB62CD96157D29763AF16B937CD8E5804215D6">rejeté l'Anthropocène</a> – mais des irrégularités de procédure ont été soulevées, et certains demandent déjà l'annulation du vote.</p>
<p>Ce questionnement ne doit pas être réduit à un débat obscur entre spécialistes. Il sous-tend des conceptions radicalement différentes des enjeux auxquels l’humanité est confrontée et des réponses qu’elle devra y apporter.</p>
<h2>Une rupture étymologique</h2>
<p>Le terme d’anthropocène a été inventé <a href="https://www.nature.com/articles/415023a">par le chimiste de l’atmosphère et prix Nobel Paul Crutzen en 1995</a>, avant d’être largement <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/qu-est-ce-que-l-anthropocene-cette-possible-epoque-geologique-de-l-humain-3965362">popularisé par les médias comme « ère de l’Homme »</a>. Pourtant, l’étymologie de ce nom qui associe les racines grecques anthropos (homme) et kainos (nouveau) signifie seulement… « homme nouveau ».</p>
<p>Le désaccord flagrant entre l’étymologie du mot et sa lecture courante résulte de l’inscription maladroite de ce néologisme dans la continuité des noms donnés en géologie aux différentes époques de l’ère Cénozoïque (anciennement « Tertiaire »).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/569788/original/file-20240117-15-mhmpqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569788/original/file-20240117-15-mhmpqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569788/original/file-20240117-15-mhmpqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569788/original/file-20240117-15-mhmpqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569788/original/file-20240117-15-mhmpqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569788/original/file-20240117-15-mhmpqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569788/original/file-20240117-15-mhmpqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le mammouth est l’un des mammifères emblématiques du Cénozoïque.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Etienne Mahler/Flickr</span></span>
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</figure>
<p>En effet, du Paléocène à l’Holocène, ces noms utilisent tous la racine « cène », choisie par les géologues pour traduire l’augmentation progressive de la ressemblance entre les faunes fossiles et les faunes modernes, d’où le recours au mot grec « kainos » (nouveau), comme le montre le tableau ci-dessous.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=535&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=535&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=535&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=672&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=672&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=672&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les différentes époques de l’ère Cénozoïque (anciennement tertiaire) et leurs origines étymologiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Vincent Huault</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Le mot anthropocène rompt donc avec cette logique. Cette tentative ratée de greffe sémantique est le résultat d’un choix délibéré – en témoignent les <a href="https://www.degruyter.com/document/doi/10.12987/9780300188479-041/html">propres mots de Crutzen</a> – d’ancrer ce concept dans la géologie et non pas seulement dans l’histoire de l’humanité où il aurait pourtant trouvé une place plus naturelle. Son but étant d’abord l’inscription, au propre comme au figuré, dans le marbre de l’histoire géologique.</p>
<p>Et tant pis si cette étymologie incohérente passe par un sacrifice délibéré du sens au profit du symbole.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lanthropocene-et-lechelle-des-temps-geologiques-73330">L’Anthropocène et l’échelle des temps géologiques</a>
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<p>On n’accorderait sans doute pas d’importance à ce défaut si le concept ainsi désigné enrichissait la connaissance de l’histoire de la Terre, son vocabulaire étant puisé sciemment dans le lexique de la géologie. Malheureusement, l’anthropocène apporte surtout un supplément de confusion sur les échelles des temps. Et brouille davantage la compréhension de la place que prennent les perturbations anthropiques dans l’histoire géologique de notre planète.</p>
<p>Une confusion dont nous n’avons pas besoin pour sensibiliser nos contemporains aux enjeux des changements planétaires en cours et pour leur faire ressentir l’urgence qu’il y a à agir.</p>
<h2>Si l’échelle des temps était une feuille A4, l’anthropocène ne ferait que quelques microns</h2>
<p>Je ne reviendrai pas en détail sur les <a href="https://theconversation.com/anthropocene-une-nouvelle-ere-geologique-73336">problèmes de définition de l’anthropocène</a> en tant qu’unité géologique. Quoi qu’en disent ses partisans, l’anthropocène n’est <a href="https://stratigraphy.org/chart#latest-version">toujours pas reconnu</a> par la Commission internationale de stratigraphie.</p>
<p>Voici les deux principaux points qui s’opposent à sa reconnaissance :</p>
<ul>
<li><p>Sa délimitation : le choix de l’événement qui doit marquer le début de l’anthropocène fait toujours débat entre ses défenseurs. Faut-il choisir le début de la révolution industrielle, celui de la première explosion atomique, l’apparition de l’agriculture, ou encore la <a href="https://theconversation.com/et-los-de-poulet-devint-le-symbole-de-lanthropocene-108857">multiplication des os de poulet</a> ? L’absence de délimitation consensuelle réduit l’anthropocène à un concept flou dont la mesure est insatisfaisante à tout point de vue : ni assez précise, ni suffisamment importante pour permettre une intégration harmonieuse au sein de l’échelle des temps géologiques.</p></li>
<li><p>Sa durée : quel que soit le choix qui sera fait pour le délimiter, l’intervalle de temps correspondant (quelques millénaires tout au plus) restera infinitésimal à l’échelle des 4,5 milliards d’années de l’histoire de la Terre. Songez simplement que si l’anthropocène était ajouté à une échelle des temps géologiques imprimée sur une feuille A4, il vous faudrait un microscope électronique à balayage pour distinguer ses quelques microns de hauteur !</p></li>
</ul>
<p>On est donc en droit de s’interroger sur l’intérêt à placer le concept dans le champ de la géologie auquel il s’intègre si mal dans l’état actuel de sa définition. Cela ne revient nullement à remettre en cause la réalité de l’impact des activités humaines sur l’environnement et ses potentielles répercussions dans l’enregistrement géologique.</p>
<p>Mais l’illusion d’une humanité régnant sans partage sur la nature (<a href="https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/271086-terre-climat-quest-ce-que-lanthropocene-ere-geologique">« maître des phénomènes géologiques »</a> ou nouvelle <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2011/01/14/bienvenue-dans-une-nouvelle-ere-geologique-l-anthropocene_5981957_3244.html">« force géophysique »</a>) doit être rejetée comme une vision anthropocentrique peu crédible, en particulier après la claque infligée par la crise sanitaire de 2020.</p>
<p>Car si elle est capable de perturber les cycles naturels, l’humanité ne les maîtrise pas pour autant. Parce que nous risquons de ne pas savoir en gérer les conséquences, les perturbations observées, aussi intenses soient-elles, risquent de s’inscrire dans des échelles de temps humainement significatives, mais insignifiantes à l’échelle des temps géologiques.</p>
<h2>Le mythe de la toute-puissance humaine</h2>
<p>Si on s’en tient à l’étymologie, l’anthropocène devrait être une époque, comme l’Holocène auquel il est censé succéder. Pourtant, ses promoteurs le présentent tantôt comme une ère, tantôt comme une période ou une époque, montrant la difficulté qu’ils éprouvent à estimer la place de leur concept dans la hiérarchie des temps géologiques.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/lanthropocene-et-lechelle-des-temps-geologiques-73330">Les ères, époques et périodes des temps géologiques</a> sont pourtant aussi distinctes les unes des autres que le sont les mois, les semaines et les jours de notre calendrier ou encore les chapitres, les paragraphes ou les lignes de cet article…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lanthropocene-et-lechelle-des-temps-geologiques-73330">L’Anthropocène et l’échelle des temps géologiques</a>
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<p>Cette question n’est pas anecdotique. Ériger l’anthropocène en intervalle de temps géologique, quel que soit son rang, c’est assumer à la fois un pari et une contradiction : le pari que les perturbations engendrées à l’échelle globale par les activités humaines sont suffisamment extrêmes pour laisser des traces définitives dans le registre géologique et que, malgré cela, elles vont perdurer suffisamment longtemps pour constituer une tranche du temps long géologique, mesurée en millions d’années.</p>
<p>Pour résoudre ce dilemme, il suffirait pourtant d’abandonner le mythe de la puissance humaine promise à un avenir infini, et d’accepter l’idée que l’anthropocène n’est rien d’autre qu’un moment de bascule vers une nouvelle époque géologique, un événement ponctuel plutôt qu’un intervalle de temps géologique, idée qui <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/jqs.3416">commence d’ailleurs à émerger chez certains partisans de l’anthropocène</a>.</p>
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<p>Il existe dans la terminologie stratigraphique des termes plus appropriés pour désigner de tels événements brefs – à l’échelle géologique cela peut correspondre à quelques milliers d’années – qui sont autant de repères temporels précieux. L’impact de l’astéroïde impliqué dans la <a href="https://theconversation.com/avant-la-chute-de-lastero-de-qui-a-cause-leur-extinction-les-especes-de-dinosaures-etaient-deja-sur-le-declin-163547">grande extinction des dinosaures qui marque la fin du Crétacé</a> est ainsi nommé « astroblème » – « blêma » signifiant « coup » en grec.</p>
<p>L’impact de l’humanité sur la planète peut être vu comme un événement affectant de façon significative le fonctionnement du système Terre, mais instantané à l’échelle géologique : un « anthropoblème » (« impact de l’Homme »).</p>
<p>La proximité entre anthropoblème et anthro-problème, qui fonctionne également en anglais, est bien plus responsabilisante que la vision anthropocentrique de l’anthropocène, qui érige l’être humain en aboutissement et en métronome des temps géologiques.</p>
<h2>Deux visions entre continuité et rupture</h2>
<p>À travers ce choix entre l’anthropocène « ère de l’Homme » et l’anthropoblème qui décrit son impact sur la planète, ce sont deux visions de l’avenir qui s’opposent.</p>
<p>On peut considérer qu’entrer dans l’anthropocène, « l’ère de l’Homme », c’est comme rentrer chez soi. La maison est un peu en désordre, mais la technologie va nous aider à faire le ménage. Dans ses travaux sur la chimie de l’atmosphère, Crutzen prônait la géo-ingénierie pour <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/society/20110103STO11194/paul-crutzen-prix-nobel-et-partisan-d-une-troisieme-voie-pour-sauver-le-climat">« corriger » sa composition</a> et pour <a href="https://www.nature.com/articles/415023a">« optimiser »</a> le climat.</p>
<p>Elon Musk de son côté <a href="https://theconversation.com/la-rhetorique-des-conquerants-de-mars-creer-le-reve-111315">promet un avenir martien à l’humanité</a>. Ces exemples de technosolutionniste font le pari d’une continuité humaine, portée à bout de bras par la technologie. Ce faisant, ils évitent soigneusement les questions cruciales sur les changements de nos systèmes de production, de pensée ou encore de nos modes de vie qui barrent pourtant l’horizon.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-vouloir-imposer-lanthropocene-73456">Pourquoi vouloir imposer l’anthropocène ?</a>
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<p>A l’opposé, si l'on admet que la technologie ne suffira pas à garantir indéfiniment notre sécurité face à des phénomènes naturels toujours plus violents, on peut faire le choix radical de maîtriser nos émissions de gaz à effet de serre pour ne pas provoquer une tempête qui risque d’emporter le toit, la maison… et ses habitants.</p>
<p>Il s’agit là d’un modèle de rupture qui reconnaît le risque d’un basculement dans l’inconnu : il faut habiter autrement la Terre, parce que l’anthropoblème ouvre sur un agnostocène – « nouvel inconnu » – dans lequel l’avenir de l’humanité n’est pas garanti si elle n’agit pas fortement et rapidement pour se reconnecter au monde qui l’entoure.</p>
<p>Les connotations véhiculées par l’anthropocène font donc obstacle à la responsabilisation et flattent notre propension à résister à des changements auxquels l’humanité devra pourtant faire face dans des délais qui n’ont rien de géologique. Or, nous n’avons plus le temps ni les moyens d’entretenir des illusions sur la puissance de l’humanité.</p>
<p>Si nous échouons à mener cette nouvelle révolution copernicienne et à maîtriser nos influences délétères sur les grands cycles du système Terre, rétablir le bel alignement des mots et de leur sens deviendra superflu, puisque le débat autour de l’anthropocène n’aura simplement plus d’objet.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220232/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Huault ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L'anthropocène, cette possible nouvelle ère géologique où l’influence humaine aurait surpassé les forces naturelles, est loin de faire consensus chez les géologues. Certains en déplorent l'anthropocentrisme.Vincent Huault, Maître de conférence en paléontologie et stratigraphie, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2179762023-11-17T19:41:56Z2023-11-17T19:41:56ZLa répartition géographique des poissons d’eau douce, nouveau marqueur de l’anthropocène ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/560005/original/file-20231116-17-iwx39x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C15%2C2035%2C1345&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le poisson rouge est l'une des nombreuses espèces de poissons d'eau douce introduites par les humains dans les milieux naturels, bouleversant durablement leur aire de répartition naturelle.</span> <span class="attribution"><span class="source">Watts / Flickr / Creative Commons</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Est-on entré dans l’ère géologique de l’anthropocène, une « époque de l’homme » où l’humain serait devenu la principale force de changement planétaire, surpassant les forces géologiques naturelles ? La question est débattue par la communauté scientifique, en particulier au sein de la Commission internationale de stratigraphie, qui travaille sur le sujet depuis 2009. En juillet dernier, l’enregistrement sédimentaire pressenti pour faire figure de référence et définir la transition de l’holocène à l’anthropocène avait été <a href="https://theconversation.com/voici-comment-le-lac-crawford-en-ontario-a-ete-choisi-pour-marquer-le-debut-de-lanthropocene-209454">sélectionné en Ontario, au Canada</a>.</p>
<p>Quels sont les indices qui peuvent témoigner de l’entrée dans l’anthropocène ? Les géologues et paléontologues <a href="https://theconversation.com/la-terre-a-lepoque-de-lanthropocene-comment-en-est-on-arrive-la-peut-on-en-limiter-les-degats-206523">accumulent toutes sortes de preuves</a> : traces visibles dans les couches sédimentaires telles que la pollution plastique ou la radioactivité, ou encore les changements dans les fossiles à cause de la crise de la biodiversité. Ainsi certains chercheurs proposent même de considérer, comme marqueur les <a href="https://theconversation.com/et-los-de-poulet-devint-le-symbole-de-lanthropocene-108857">os des poulets que nous consommons</a>, qui deviendront fossiles d’ici quelques millions d’années.</p>
<p>Mais ce n’est pas la seule façon dont notre espèce a bouleversé la biodiversité planétaire. Avec une équipe internationale, qui réunissait notamment le laboratoire BOREA du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), le CNRS et l’IRD, nous avons montré comment les sociétés humaines ont redessiné la géographie de la biodiversité des poissons d’eau douce.</p>
<p>Nous postulons qu’il s’agit là de changements majeurs, qui constituent une nouvelle preuve de l’entrée dans l’anthropocène. Nos travaux ont été publiés ce 17 novembre dans la revue <a href="https://doi.org/10.1126/sciadv.adi5502"><em>Science Advances</em></a>.</p>
<h2>Comment la tectonique des plaques a isolé les poissons d’eau douce</h2>
<p>Pour bien comprendre ces résultats, il faut remonter un peu dans l’histoire de la planète. Les 11 000 espèces de poissons d’eau douce qui peuplent la planète sont cantonnées à leurs milieux d’eau douce : rivières et lacs. Ils ne tolèrent pas l’eau salée, et pour eux, les collines, les montagnes, ou les océans représentent des barrières infranchissables.</p>
<p>Ce sont les forces géologiques naturelles qui ont toujours dicté leur évolution au cours de l’histoire de la Terre. La tectonique des plaques, en isolant les continents, <a href="https://doi.org/10.1111/jbi.13674">a séparé les poissons d’eau douce en six grandes régions géographiques</a>. Chaque région a évolué isolément pendant des dizaines de millions d’années, jusqu’à disposer d’un cortège d’espèces unique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte des régions biogéographiques naturelles de poissons d’eau douce.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Boris Leroy/MNHN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Ces grandes régions sont appelées « régions biogéographiques », et elles possèdent toutes un taux d’endémisme – c’est-à-dire une proportion d’espèces que l’on ne trouve nulle part ailleurs – exceptionnellement élevé, de l’ordre de 96,7 à 99,7 %. Ce chiffre est beaucoup plus élevé que chez les autres groupes de vertébrés.</p>
<p>Chaque région possède donc des poissons d’eau douce qui lui sont propres, et, depuis des millions d’années, à leur mort, ces poissons forment des restes fossiles que l’on ne retrouve pas ailleurs dans le monde.</p>
<h2>Nos sociétés ont changé les règles du jeu</h2>
<p>Cette tranquille évolution orchestrée par la tectonique des plaques a très récemment été bouleversée à par les activités humaines. Pour la première fois dans l’histoire de la Terre, il est devenu possible pour les poissons d’eau douce de traverser les océans et les montagnes.</p>
<p>Au XIX<sup>e</sup> siècle, des <a href="https://doi.org/10.1146/annurev-ecolsys-032522-015551">« sociétés d’acclimatation » s’étaient fixé l’objectif</a> d’établir des peuplements de poissons familiers dans les colonies, et de poissons exotiques dans les eaux européennes. Ces sociétés ont ainsi introduit de nombreuses espèces européennes en Australie, Nouvelle-Zélande, ou encore ont introduit des espèces nord-américaines en Europe ou en Russie.</p>
<p>Rapidement, d’autres motifs sont apparus pour justifier l’introduction d’espèces hors de leurs aires natives. La lutte biologique par exemple, avec l’introduction des petites gambusies d’Amérique du Nord partout dans le monde pour manger les larves de moustiques. La construction de canaux connectant différents fleuves a également permis aux espèces d’atteindre des zones auparavant inaccessibles.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution des régions naturelles de répartition des poissons d’eau douce en fonction du temps.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Boris Leroy/MNHN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Mais c’est surtout au milieu du XX<sup>e</sup> siècle que nous avons commencé à massivement déplacer les espèces entre les continents. À partir de 1947, on a observé une <a href="https://doi.org/10.1111/geb.13714">accélération exponentielle des introductions</a>, avec une globalisation des origines et des destinations des espèces introduites. Ce phénomène s’explique par l’explosion et la globalisation des échanges commerciaux à partir de cette date.</p>
<p>Les espèces ont alors été transportées entre continents pour <a href="https://doi.org/10.1146/annurev-ecolsys-032522-015551">l’aquaculture ou pour le commerce ornemental (aquariophilie)</a>, et trop souvent elles se sont échappées, accidentellement ou intentionnellement. Par exemple, les tilapias d’Afrique ont été introduits partout dans le monde pour l’aquaculture, et se sont rapidement échappés des élevages pour s’établir dans de nouvelles zones. Les poissons des aquariums comme les guppys, les poissons rouges ou encore les carpes se sont, eux aussi, échappés pour coloniser les milieux naturels.</p>
<p><iframe id="3IBEv" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/3IBEv/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En parallèle de ces introductions accidentelles, les hommes ont introduit de nombreuses espèces volontairement dans les milieux sauvages, pour la pêche récréative ou la pêche de subsistance. L’usage de poissons exotiques comme appât pour la pêche ou pour empoissonner les milieux naturels s’est développé et a causé de nombreuses introductions dans le monde entier, comme le goujon asiatique ou la perche-soleil en Europe.</p>
<p>Au total, ce sont 453 espèces qui ont été introduites hors de leur aire naturelle, entre les continents, ce qui a profondément redessiné la géographie de la biodiversité des poissons d’eau douce.</p>
<h2>L’humain a recréé la Pangée</h2>
<p>Pour étudier les conséquences de ces introductions, nous avons comparé la géographie naturelle de la biodiversité par rapport à la géographie modifiée par les introductions avec la même méthode d’analyse, appelée <a href="https://www.nature.com/articles/s41559-017-0114">« biorégionalisation »</a>.</p>
<p>Nos résultats ont été sans appel. Nous avons observé l’émergence inédite d’une super-région qui couvre tous les continents : Amérique du Nord, Europe, Asie de l’Est, Océanie, et une petite partie de l’Afrique et de l’Amérique du Sud. Cette nouvelle répartition illustre de toute évidence le lien entre introductions d’espèces exotiques et commerce international, car <a href="https://viz.ged-project.de/">elle connecte les pays du monde ayant les plus grands échanges commerciaux</a>.</p>
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<p>Nous avons appelé cette super-région « PAGNEA » pour Pan-Anthropocenian Global North and East Asia. L’acronyme de PAGNEA est volontairement évocateur de la Pangée (Pangea en anglais), qui est le dernier supercontinent de la planète à avoir existé il y a plus de 200 millions d’années.</p>
<p>À l’époque, les organismes avaient la possibilité de disperser sur toute la Pangée, car les océans ne constituaient pas encore une barrière. Ce que la région PAGNEA nous montre aujourd’hui, c’est que les sociétés humaines recréent artificiellement les conditions de la Pangée, en permettant aux organismes de se disperser sur tous les continents.</p>
<h2>Une uniformisation des couches fossiles</h2>
<p>Avant les activités humaines, chaque continent avait ses fossiles uniques, qu’on ne trouvait nulle part ailleurs. Désormais, à cause des introductions, nous aurons des fossiles partagés entre les différents continents de la région PAGNEA. La carte ci-dessous illustre les changements attendus dans les couches fossiles du monde entier, et en particulier pour plusieurs bassins versants notables.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte des régions de l’Anthropocène, avec des exemples de changements attendus dans les bassins versants qui se répercuteront sur les fossiles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Boris Leroy/MNHN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Ces changements dans la distribution des fossiles à l’échelle planétaire sont un critère déterminant pour la reconnaissance de l’anthropocène. Il s’agit ici de la première cartographie qui montre une telle ampleur dans les changements attendus, tout en utilisant une grande masse de données quantitatives sur les répartitions de poissons d’eau douce.</p>
<p>Cette découverte contribuera donc probablement aux travaux <a href="http://quaternary.stratigraphy.org/working-groups/anthropocene/">du Groupe de Travail sur l’Anthropocène</a>, qui étudie les éléments de preuves accumulés par les scientifiques et décidera dans le futur d’entériner le passage à l’Anthropocène.</p>
<h2>Message aux paléontologues du futur</h2>
<p>Au-delà de l’anthropocène, cette démonstration de l’ampleur de l’effet des introductions d’espèces à l’échelle globale doit nous pousser à réfléchir sur deux conséquences majeures.</p>
<p>Tout d’abord, l’introduction d’espèces non natives pose le risque de créer de nouvelles invasions biologiques dont les <a href="https://zenodo.org/records/10127924">conséquences peuvent être dramatiques pour les écosystèmes</a> et les <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-021-03405-6">économies</a>, d’autant plus que les principales espèces introduites sont très abondantes et déjà connues pour être envahissantes.</p>
<p>Il est donc absolument nécessaire de <a href="https://invacost.fr/wp-content/uploads/2021/08/RapportCoutsFrance.pdf">prévenir les nouvelles introductions</a>, en s’inquiétant tout particulièrement des <a href="https://doi.org/10.1007/s10750-020-04407-7">menaces émergentes comme le commerce en ligne d’espèces vivantes</a>.</p>
<p>La seconde raison est presque d’ordre philosophique : elle nous aide à réaliser que nos actions, sur une échelle de temps très courte – à peine 70 ans – auront des répercussions visibles dans les couches fossiles qui seront étudiées par les paléontologues du futur. Mais ces impacts seront non seulement d’ampleur, mais aussi irréversibles, car nous sommes en train d’altérer durablement la trajectoire évolutive de la biodiversité sur la planète en créant de nouveaux points de départ évolutifs pour les lignées du futur.</p>
<p>Dans plusieurs millions d’années, la biodiversité portera encore l’empreinte évolutive d’une époque où la dispersion des organismes est à nouveau devenue possible entre les continents. Le propre de cette époque, de notre époque, réside bien là : les forces géologiques naturelles ont été surpassées par une nouvelle force de changement planétaire, l’espèce humaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217976/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Boris Leroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les introductions de poissons d'eau douce, à travers le commerce, mais aussi l'ouverture de nouvelles voies de navigation, ont bouleversé la géographie de ces espèces. Un nouveau marqueur de l'Anthropocène ?Boris Leroy, Maître de conférences en écologie et biogéographie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2166952023-11-07T23:20:39Z2023-11-07T23:20:39ZCollectivement, nous ne consacrons que 45 minutes par jour aux activités les plus polluantes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/556674/original/file-20231011-23-q2o40b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6000%2C3997&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En étudiant les heures consacrées à certaines activités mondialement, on obtient une image de la manière dont nous utilisons collectivement le temps.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Pourquoi nous sentons-nous impuissants dans nos efforts pour résoudre les grandes crises de durabilité du XXI<sup>e</sup> siècle ? Entre la nécessité impérieuse d’<a href="https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-cycle/">atténuer avec succès les effets du changement climatique</a> et celle de progresser dans la réalisation des <a href="https://sdgs.un.org/fr/goals">objectifs de développement durable</a> axés sur la personne, les enjeux de l’anthropocène – <a href="https://doi.org/10.1038/nature14258">l’ère dans laquelle nous vivons aujourd’hui</a> – peuvent sembler insurmontables. </p>
<p>Pourtant, malgré le rôle central des interventions humaines dans la création d’options durables, aucune représentation globale et approfondie de ce que fait la population mondiale n’a été réalisée en termes précis et chiffrés. </p>
<p>Nous présentons cette image en cartographiant l’utilisation du temps par les gens à l’échelle mondiale, grâce à la collecte de nombreuses sources de données afin d’offrir des perspectives interdisciplinaires sur les aspects fondamentaux du comportement et du vécu humains.</p>
<p>Nos résultats suggèrent que les solutions aux crises de durabilité sont éminemment réalisables, concrètement, si l’on donne aux gens les motivations politiques et économiques appropriées.</p>
<h2>L’étude de l’emploi du temps des gens</h2>
<p>En tant que chercheurs issus de la science du système terrestre, nous nous efforçons d’aligner l’étude de l’être humain sur les approches utilisées pour examiner le reste du système terrestre. Pour ce faire, nous quantifions l’ensemble des activités humaines en unités de temps, en fonction de leurs résultats physiques. </p>
<p>Le temps est une mesure robuste parce qu’il s’agit d’une quantité universelle et physique : les huit milliards d’habitants de la planète disposent tous des mêmes 24 heures par jour pour se consacrer à toute une série d’activités. </p>
<p>Les activités que nous choisissons d’entreprendre, le temps que nous y consacrons et la technologie utilisée façonnent continuellement notre planète, nos sociétés et notre expérience subjective de la vie. </p>
<h2>Compréhension de la situation dans son ensemble</h2>
<p>À l’instar du <a href="https://earthobservatory.nasa.gov/features/CarbonCycle">cycle mondial du carbone</a>, qui permet de comprendre en un clin d’œil comment et où le carbone se déplace sur la Terre, nous avons entrepris de créer une vue d’ensemble de ce que fait l’humanité à l’aube de l’anthropocène. </p>
<p>En combinant et normalisant un large éventail de données sur la façon dont les gens occupent leur temps – compilées à partir d’enquêtes nationales sur l’emploi du temps, de statistiques économiques, de paramètres sur l’éducation des enfants, de dispositifs portables de mesure du sommeil – nous décrivons ce que fait la population dans son ensemble sur une période moyenne de 24 heures : la <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0270583">Journée humaine mondiale</a>.</p>
<p>L’observation la plus immédiate est la suivante : à l’échelle mondiale, une grande majorité du temps est consacrée à des activités que nous classons comme étant directement centrées sur la personne.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/553755/original/file-20231013-16-7xsr3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="une femme portant un masque chirurgical et des sacs marche dans une rue" src="https://images.theconversation.com/files/553755/original/file-20231013-16-7xsr3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/553755/original/file-20231013-16-7xsr3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/553755/original/file-20231013-16-7xsr3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/553755/original/file-20231013-16-7xsr3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/553755/original/file-20231013-16-7xsr3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/553755/original/file-20231013-16-7xsr3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/553755/original/file-20231013-16-7xsr3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’habitant moyen de la Terre consacre près de sept heures par jour à des activités telles que la socialisation, l’utilisation des médias, les repas et l’exercice physique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En plus des neuf heures de sommeil et de l’heure et demie vouée aux besoins biologiques et aux soins de santé, l’habitant moyen de la planète consacre près de sept heures par jour à la détente passive, aux relations sociales, à l’utilisation des médias, aux repas, à l’exercice physique, aux jeux et à la pratique religieuse. Quant à l’éducation et à la recherche, elles ne représentent qu’une heure.</p>
<p>Nous identifions également un ensemble d’activités dévolues au fonctionnement et à la gestion de nos sociétés et de nos économies. Les tâches de gouvernance, de droit, de finance, de commerce, d’opérations bancaires et de paiement de factures occupent une heure. Une autre heure est utilisée pour les trajets quotidiens et les déplacements d’un lieu à l’autre.</p>
<h2>Moins de quatre heures par jour</h2>
<p>Au total, il reste un peu plus de trois heures pendant lesquelles nous modifions délibérément la Terre et nos environnements. Près des trois quarts de ce temps sont consacrés à notre système alimentaire et à l’entretien des zones habitées. </p>
<p>Le temps restant – environ les 45 dernières minutes de la journée de l’individu moyen – est employé à l’extraction des ressources, à la fabrication et à la construction, qui représentent les aspects les plus destructeurs de la civilisation industrialisée sur le plan écologique. En effet, l’extraction de tous les matériaux et la production entière d’énergie, y compris l’extraction et le raffinage de tous les combustibles fossiles, n’occupent que six minutes.</p>
<p>Avec un peu plus d’une demi-heure consacrée à la construction et à la fabrication, ces 45 minutes pour l’approvisionnement, l’expansion et l’entretien de l’environnement bâti constituent un chiffre étonnamment bas pour des activités responsables de la production et de la consommation d’<a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1613773114">environ 70 gigatonnes de matériaux</a> par an. Cela met en évidence l’efficacité de l’industrie moderne et l’ampleur de ses répercussions.</p>
<p>En comparaison, une minute seulement est accordée à la gestion des déchets.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/553756/original/file-20231013-19-qn21af.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="deux personnes en tenue de sécurité se promènent sur le terrain extérieur d’une usine" src="https://images.theconversation.com/files/553756/original/file-20231013-19-qn21af.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/553756/original/file-20231013-19-qn21af.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/553756/original/file-20231013-19-qn21af.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/553756/original/file-20231013-19-qn21af.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/553756/original/file-20231013-19-qn21af.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/553756/original/file-20231013-19-qn21af.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/553756/original/file-20231013-19-qn21af.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Seulement 45 minutes de la journée humaine moyenne sont consacrées aux activités qui déterminent l’essentiel de notre impact sur la planète.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<h2>Utilisation de notre temps</h2>
<p>Nos résultats ne suggèrent pas que l’extraction de matériaux et la fourniture d’énergie sont des activités sans importance. Elles représentent encore des milliards d’heures de travail par an et contribuent au fonctionnement de notre civilisation moderne.</p>
<p>Mais le temps consacré à ces activités est relativement faible par rapport à l’ensemble de notre vie quotidienne – au même titre que celui que nous passons collectivement à nettoyer nos maisons et à laver la vaisselle. </p>
<p>Dans ce contexte, il est possible d’imaginer une modification de la composition de ces activités dans une large mesure (par exemple, en <a href="https://doi.org/10.1016/j.joule.2017.07.005">construisant des systèmes d’énergie renouvelable</a> plutôt qu’en continuant à extraire des combustibles fossiles) sans perturber les schémas généraux de la vie humaine. </p>
<p>Bien entendu, cela requerra des incitations économiques et politiques importantes, mais ce qui est clair, c’est que nous disposons du temps nécessaire pour y parvenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216695/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Galbraith a reçu des financements du CRSNG.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>William Fajzel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La combinaison de différentes approches de l’utilisation du temps permet de dresser un tableau interdisciplinaire de la journée humaine mondiale.William Fajzel, PhD student, Earth and Planetary Science, McGill UniversityEric Galbraith, Professor of Earth Science and Canada Research Chair in Human-Earth System Dynamics, McGill UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2087942023-08-28T16:55:14Z2023-08-28T16:55:14Z« Le grand vertige », un roman pour penser l’inaction climatique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/545054/original/file-20230828-253492-hp34fn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C0%2C2982%2C1994&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans les forêts tropicales (ici la Guyane française), combien de secrets de biologie végétale nous échappent encore ?"
certains peuvent-ils sauver le monde?
</span> <span class="attribution"><span class="source">Romain Garrouste</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Notre époque vit un douloureux paradoxe, entre les préoccupations des jeunes générations au sujet des questions environnementales et le déficit d’action des politiques à ce sujet. N’oublions pas que la France <a href="http://paris.tribunal-administratif.fr/Actualites-du-Tribunal/Espace-presse/L-Affaire-du-Siecle-l-%C3%89tat-devra-reparer-le-prejudice-ecologique-dont-il-est-responsable">a été condamnée</a> pour inaction climatique ! Le recours à l’action radicale semble être la seule solution pour certains et le mouvement des Soulèvements de la Terre en est l’expression directe. Après sa dissolution par le gouvernement dans l’été, cette décision <a href="https://www.conseil-etat.fr/actualites/le-conseil-d-etat-suspend-en-refere-la-dissolution-des-soulevements-de-la-terre">a été invalidée récemment</a>.</p>
<p>Comment la littérature, les arts, accompagnent-ils ce mouvement, souvent associé à la science qui donne des réponses mais dont les solutions ne sont pas écoutées, ou si elles le sont, rarement mises en œuvre ?</p>
<h2>Un roman complexe</h2>
<p>Il est difficile de résumer le roman de Pierre Ducrozet, <em>Le grand vertige</em> (Actes Sud, 2020) qui vient de paraître en édition poche, et qui fait partie du corpus imaginaire qui questionne les défis actuels.</p>
<p>Éloge du vivant, éloge du végétal en particulier, et éloge d’une conception dynamique du monde vivant… À travers des personnages divers, dont des scientifiques autant visionnaires, fantasques que géniaux, un peu agents doubles aussi, engagés mais impuissants.</p>
<p>Peut-être l’impuissance et la futilité de la science, voire ses renoncements d’aujourd’hui en <a href="http://www.ens-lyon.fr/asso/groupe-seminaire/seminaires/voirsem.php?id=jlleonhardt-1">sont-ils le sujet central</a> ? Sa remise en question surtout, comme activité <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/vertigo/2021-v21-n3-vertigo07063/1089922ar/">nécessaire aux changements dont nous avons besoin</a> pour affronter les défis actuels.</p>
<p>Pamphlet contre le pétrole et son utilisation irraisonnée, le monde actuel y est montré comme dominé par les lobbies économiques et le monde politique qui lui est inféodé. Les politiques y sont les accompagnateurs de l’économie dominante, et enterrent avec les puissants les projets trop innovants, même et surtout ceux qui fonctionnent. Car ce n’est pas ce dont ils ont besoin pour continuer à dominer ensemble. Ils préfèrent ainsi sacrifier la planète sur cet autel de la domination tranquille, assumée et peut-être finalement acceptée. Et tout fonctionne comme avant – en apparence. En attendant <a href="https://www.collapsologie.fr/fr/">« l’effondrement »</a> ?</p>
<p>Avant que l’hiver dernier n’explicite notre <a href="https://blog-isige.minesparis.psl.eu/2022/12/02/quel-avenir-pour-les-exportations-hydrocarbures-russes/">dépendance aux hydrocarbures</a> russes en Europe, le roman de Pierre Ducrozet nous présentait déjà cela comme une addiction. Le pétrole et les hydrocarbures sont notre sang ; ses pipelines, nos artères. Cette circulation majeure irrigue et soumet le monde et depuis longtemps. Les ruptures locales paralysent des parties entières du corps. Les compromis sont nombreux et douloureux, reléguant les droits de l’homme à des dommages collatéraux, aux contraintes nécessaires, comme la pollution inhérente à l’industrie. Un résumé de <a href="https://theconversation.com/avec-avatar-2-james-cameron-nous-raconte-lanthropocene-197126">l’anthropocène</a> ?</p>
<p>Les protagonistes de ce roman complexe décident donc de modifier ce fonctionnement dominant par des actions écoterroristes ciblées et détournent pour cela les moyens d’une agence européenne.</p>
<p>Ce n’est pourtant pas l’éloge de l’écoterrorisme qui est ici dressé puisque les protagonistes sont sans cesse partagés sur les modes d’action, dont le succès n’est pas assuré, et déclenche tout juste une remise en question du système. Un écho aux mouvements contemporains <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/06/23/les-soulevements-de-la-terre-une-dissolution-problematique_6178900_3232.html">comme les Soulèvement de la Terre</a>, voire une inspiration pour les militants ?</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/DXQDKv8T2hw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>La piste écopoétique</h2>
<p>Mais l’écoterrorisme n’est pas la seule piste empruntée par les personnages du roman. Certains d’entre eux développent également une conception <a href="https://journals.openedition.org/elfe/1299">écopoétique</a> du monde (ici nommée géopoétique), y compris de la science.</p>
<p>Le personnage principal est un scientifique qui manie plusieurs disciplines mais aussi féru de littérature, et connaisseur des arts et techniques.</p>
<p>Des disciplines dont on a pu questionner les liens depuis longtemps, mais le plus souvent pour les opposer.</p>
<p>Pourtant, on sait maintenant que la création scientifique et artistique sont reliées par des <a href="https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2015-2-page-187.htlamll">modes de fonctionnement proches, voire identiques</a>. La liberté est nécessaire au processus scientifique comme à celui de la création artistique. Mais on s’accorde à penser, histoire des sciences ou de l’art à l’appui que certaines contraintes sociétales sont nécessaire pour la science (comme les commandes pour l’art) car ce sont aussi des stimulants créatifs.</p>
<p>L’association de ces deux domaines demeure ainsi des plus fécondes, car leurs approches se nourrissent l’une de l’autre, peut-être la conséquence du fonctionnement de nos cerveaux, machines surpuissantes que nous ne savons pas toujours bien utiliser. Notamment lorsque les contraintes dominent, les commandes, les nécessités, qui laissent peu de chance au hasard, à la création. La recherche n’est pas le cumul de l’activité de tâcherons surintelligents et techno-centrés et ne l’a jamais été. Résistons sur ce point d’ailleurs. C’est indispensable.</p>
<p>Ce roman est-il une vision lucide du fonctionnement du monde ?</p>
<p>On oublie souvent que les sociétés humaines sont des sociétés régies par des <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807341777-psychobiologie">fonctionnements biologiques (ou psychobiologiques)</a>. Ce prisme un peu délaissé est pourtant l’une des clés de fonctionnement, à de nombreuses échelles, de nos microsociétés jusqu’à la mondialisation. Ayons une pensée pour l’écrivain de science-fiction visionnaire Isaac Asimov, biochimiste états-unien qui inventa la psychohistoire <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Foundation_(s%C3%A9rie_t%C3%A9l%C3%A9vis%C3%A9e)">dans son œuvre majeure, <em>Fondation</em> (1951)</a>, une sorte de modélisation mathématique ultime de nos sociétés et de nos comportements de groupe.</p>
<p>L’arrivée de l’IA dans tous les domaines de la science donne une résonance particulière à cette œuvre de science-fiction peut-être visionnaire. L’IA est-elle utilisée aujourd’hui pour anticiper le comportement des groupes humains, comme une sorte de neuromarketing pour dirigeants ?</p>
<p>Avec les personnages du <em>grand vertige</em>, nous naviguons entre bouffées d’optimisme, volonté de changer le monde et replis personnels, hédonisme momentané, celui propre à la jeunesse (sauve-t-elle et sauvera-t-elle le monde ?) et celui qui nous domine lors de phases d’égocentrisme propre aux individus, aux groupes humains, au fonctionnent quasi-tribal. Un peu comme si nous vivions la fin du monde. Ou son recommencement. L’écoterrorisme ne parait ainsi pas la solution perpétuelle.</p>
<p>L’auteur nous entraîne dans un grand vertige, où nous tourbillonnons avec des sentiments contrastés, une sorte de grande valse ou nous alternons entre utopies et résignations, une bipolarité qui conduit à une mélancolie permanente. Ou un vertigo hitchcockien assumé.</p>
<p>Doit-on en oublier de vivre et d’espérer ? C’est la question que semble nous poser l’auteur dans ce roman troublant mais nécessaire pour essayer de se positionner dans notre monde complexe et… vertigineux dans son fonctionnement et ses perspectives à venir, dans un exercice étonnant d’écopoétique.</p>
<p>Une écopoétique « réaliste » résolument écocritique dans la tradition du genre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208794/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Romain Garrouste ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Entre éco-poétique, éco-terrorisme et résignation, le roman de Pierre Ducrozet, récemment sorti en poche, nous tend un miroir sur le monde actuel et ses défis environnementaux.Romain Garrouste, Chercheur à l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (ISYEB), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2094542023-07-27T13:56:55Z2023-07-27T13:56:55ZVoici comment le lac Crawford, en Ontario, a été choisi pour marquer le début de l’anthropocène<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/536605/original/file-20230710-25-4rzp1j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C1920%2C1270&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lac Crawford, Ontario.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/es/image-photo/crawford-lake-one-few-meromictic-lakes-145107226">SF photo / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Vivons-nous vraiment dans l’anthropocène, la période géologique marquée par l’impact global de l’activité humaine ? Et si oui, quand a-t-elle commencé et où sur Terre peut-on le mieux comprendre ses débuts ? </p>
<p>Telles sont les questions auxquelles tente de répondre le <a href="http://quaternary.stratigraphy.org/working-groups/anthropocene/">Groupe de travail sur l’anthropocène</a> (AWG), créé en 2009 par la Sous-commission sur la stratigraphie du Quaternaire pour proposer une définition de ce concept et estimer son potentiel en tant qu’unité de temps géologique.</p>
<p><a href="https://www.shh.mpg.de/2331855/press-conference">Le 11 juillet 2023</a>, le groupe a annoncé que le lac Crawford, en Ontario, avait été choisi comme le site où se trouve l’enregistrement sédimentaire qui servira à définir le début de l’anthropocène.</p>
<p>Mais qu’est-ce que ce lac a de si particulier pour être ainsi proclamé comme une sorte de ligne de démarcation entre différentes époques géologiques ?</p>
<h2>L’empreinte de la Grande accélération</h2>
<p>Depuis sa création, le groupe de travail sur l’anthropocène a évalué divers types de preuves physiques, chimiques et biologiques préservées dans les sédiments et les roches, et a publié de nombreux <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/20530196221136422quiontexplor%C3%A9leurnatureetleurpertinence.Depuissamiseenplace,l%E2%80%99AWGa%C3%A9valu%C3%A9lespreuvesphysiques,chimiquesetbiologiquesdistinctespr%C3%A9serv%C3%A9esdansless%C3%A9dimentsetlesrocheslesplusr%C3%A9cents,enpubliant">articles scientifiques</a> explorant leur nature et leur pertinence. </p>
<p>Ces études ont conclu que l’anthropocène est significatif à l’échelle géologique en raison de la rapidité et de l’ampleur des impacts récents de l’humain sur les processus opérant à la surface de la Terre. Nombre de ces perturbations ont généré des changements irréversibles qui surpassent ceux, plus modestes, survenus durant l’holocène — la dernière phase climatique interglaciaire — qui a débuté il y a 11 700 ans.</p>
<p>Dans les strates géologiques, l’AWG a identifié un ensemble important d’indicateurs qui coïncident avec ce que l’on appelle la <a href="https://doi.org/10.18814/epiiugs/2021/021031">« Grande accélération »</a> du milieu du XX<sup>e</sup> siècle. Elle désigne la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, marquée par une augmentation sans précédent de la population humaine, de la consommation d’énergie, de l’industrialisation et de la mondialisation. Ces indicateurs sont les suivants :</p>
<ul>
<li><p>Les radio-isotopes provenant des armes thermonucléaires dans l’atmosphère (tel le plutonium).</p></li>
<li><p>Les particules carbonées originant de la combustion à hautes températures d’énergies fossiles.</p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/fr/topics/microplastiques-58606">Les microplastiques</a>.</p></li>
<li><p>Les changements dans la biodiversité, notamment l’extinction, le déplacement d’espèces hors de leur aire de répartition naturelle et la forte expansion des organismes domestiqués.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/530979/original/file-20230608-16881-hfat5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/530979/original/file-20230608-16881-hfat5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530979/original/file-20230608-16881-hfat5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530979/original/file-20230608-16881-hfat5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530979/original/file-20230608-16881-hfat5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530979/original/file-20230608-16881-hfat5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530979/original/file-20230608-16881-hfat5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530979/original/file-20230608-16881-hfat5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Vue partielle du dépôt géologique à la plage Tunelboca (Getxo, Espagne), un dépôt formé de résidus de fer, de briques réfractaires, de plastiques et d’autres technofossiles de l’Anthropocène.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Roberto Martínez</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
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<h2>Qu’est-ce qu’un « clou d’or » ?</h2>
<p>Au fil des ans, le groupe de travail sur l’anthropocène a largement convenu que l’anthropocène est géologiquement réel et qu’il devrait être formellement considéré comme une unité indépendante au sein de l’échelle internationale des temps géologiques. Son début se situerait au milieu du XX<sup>e</sup> siècle, dans les années 1950, d’après les signaux simultanés et globaux enregistrés dans les sédiments depuis lors. </p>
<p>Le groupe de travail sur l’anthropocène a établi qu’il était nécessaire de déterminer son lieu de référence au moyen d’une limite matérielle et temporelle appelée « point stratotypique mondial » (GSSP) — communément appelée « clou d’or ». Il s’agit de la méthode la plus largement acceptée pour formaliser les unités géologiques des 540 derniers millions d’années.</p>
<h2>Les critères de sélection</h2>
<p>Depuis 2019, un projet de collaboration entre le groupe de travail sur l’anthropocène et de nombreux laboratoires de recherche est en cours dans le cadre d’une initiative internationale appelée <a href="https://www.anthropocene-curriculum.org/">Anthropocene Curriculum</a>, promue par la <a href="https://www.hkw.de/en">Maison des cultures du monde (Haus der Kulturen der Welt)</a> et <a href="https://www.mpiwg-berlin.mpg.de/">l’Institut Max Planck pour l’Histoire de la science (Max Planck Institute for the History of Science)</a>, tous deux en Allemagne.</p>
<p>Douze propositions détaillées ont été initialement soumises pour différentes sections géologiques susceptibles d’accueillir ce GSSP, situées sur cinq continents et dans huit environnements géologiques différents. Toutes ces propositions ont été publiées en 2023 dans la revue scientifique <a href="https://journals.sagepub.com/toc/anra/10/1"><em>Anthropocene Review</em></a>. Ces articles ont constitué la principale source d’information pour les membres votants du groupe de travail sur l’anthropocène au cours du processus de sélection.</p>
<p>Après en avoir éliminé plusieurs, le groupe de travail sur l’anthropocène <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/20530196221136422">a finalement examiné en détail neuf sites</a>. Les candidats appropriés étaient ceux qui contenaient de fines couches de sédiments pouvant être analysées d’année en année et dont l’âge pouvait également être corroboré par la présence d’éléments radioactifs afin de garantir un enregistrement sédimentaire complet.</p>
<p>Les procédures stratigraphiques établies pour décider d’un GSSP sont déjà normalisées en géologie et sont communes pour la définition de tout temps géologique. Ainsi, un « clou d’or » nécessite la présence locale d’un marqueur physique visible à l’œil nu et d’au moins un signal indicateur, tel qu’un changement géochimique, que l’on retrouve dans les sédiments et les roches du même âge et sur l’ensemble du globe.</p>
<p>La plupart des propositions ont identifié le plutonium comme l’indicateur principal et ont proposé le début de l’anthropocène à partir d’une augmentation du signal de cet élément radioactif.</p>
<h2>Et le gagnant est…</h2>
<p>Une première discussion sur les forces et les faiblesses de chaque site a débuté en octobre 2022, et la liste a été réduite à trois à la fin de l’année.</p>
<p>D’après les résultats, les sections géologiques les plus pertinentes étaient situées dans la <a href="https://doi.org/10.1177/20530196221135077">baie de Beppu</a> (Japon), <a href="https://doi.org/10.1177/20530196231167019">au lac Sihailongwan</a> (Chine) et <a href="https://doi.org/10.1177/20530196221149281">au lac Crawford</a> (Canada). Après une analyse détaillée de la nature de leur signal plutonium et un nouveau vote, les sites des lacs chinois et canadien ont été retenus comme finalistes.</p>
<p>Finalement, le <a href="https://doi.org/10.1177/20530196221149281">lac Crawford</a> a reçu 61 % des votes et a donc été choisi comme site pour accueillir la proposition GSSP pour l’époque de l’anthropocène.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/532654/original/file-20230619-19-57piop.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/532654/original/file-20230619-19-57piop.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532654/original/file-20230619-19-57piop.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532654/original/file-20230619-19-57piop.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532654/original/file-20230619-19-57piop.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532654/original/file-20230619-19-57piop.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532654/original/file-20230619-19-57piop.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532654/original/file-20230619-19-57piop.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Localisation du lac Crawford.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://doi.org/10.1177/20530196221149281">Francine MG McCarthy et ses collègues. Sage Journal, 2023</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les couches de sédiments du lit du lac, à l’ouest de Toronto, ont été étudiées à l’origine pour démontrer l’occupation sporadique de la région par les peuples autochtones et la colonisation subséquente par les Européens. La nouvelle étude géologique a permis d’augmenter le nombre d’indicateurs préservés dans les différentes couches annuelles, formées d’une alternance de calcite pâle, déposée en été, et de lamines organiques foncées, accumulées en hiver.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/532734/original/file-20230619-22-63rdeh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/532734/original/file-20230619-22-63rdeh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532734/original/file-20230619-22-63rdeh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1059&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532734/original/file-20230619-22-63rdeh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1059&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532734/original/file-20230619-22-63rdeh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1059&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532734/original/file-20230619-22-63rdeh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1331&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532734/original/file-20230619-22-63rdeh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1331&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532734/original/file-20230619-22-63rdeh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1331&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Photo de la carotte ou de l’échantillon CL-2011 avec des détails sur la profondeur et l’âge des différentes couches annuelles, indiquant la position de la limite proposée en 1950.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://doi.org/10.1177/20530196221149281">Francine MG McCarthy et ses collègues. Sage Journal, 2023</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La couche proposée comme marqueur visuel pour le GSSP a une profondeur de 6,1 pouces (15,6 centimètres) à la base d’une couche de calcite déposée au cours de l’été 1950. Elle a été choisie en raison de l’augmentation rapide du plutonium par la suite. Ce signal coïncide également avec une augmentation des particules carbonées et un changement majeur de l’écosystème identifié par une diminution du pollen d’orme et un remplacement des espèces de diatomées, un type d’algues.</p>
<h2>On dit « adieu » à l’Holocène</h2>
<p>Il est très important de ne pas confondre le début de l’activité humaine et l’anthropocène. L’anthropocène ne comprend pas l’impact initial de l’humain, qui était régional et s’est accru avec le temps, mais il est défini comme une conséquence de la réponse planétaire à <a href="https://doi.org/10.1038/s43247-020-00029-y">l’énorme impact de la Grande accélération</a>.</p>
<p>L’anthropocène s’inscrit dans les temps géologiques et, malgré sa courte durée, bénéficiera d’une éventuelle formalisation qui en déterminera précisément le sens et l’usage dans toutes les sciences et autres disciplines académiques. La fin d’une époque relativement stable de l’histoire de la Terre, l’holocène, sera ainsi reconnue.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209454/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alejandro Cearreta reçoit un financement pour ses recherches sur l'Anthropocène de la part des projets Harea-Grupo de Geología Litoral (Gouvernement basque, IT1616-22) et Antropicosta-2 (RTI2018-095678-B-C21, MCIN/AEI/10.13039/501100011033 et ERDF A way of making Europe et Union européenne).</span></em></p>Le lac Crawford a été choisi pour identifier le début de l’anthropocène, l’époque géologique caractérisée par l’impact de l’activité humaine. La présence de plutonium a été déterminante dans ce choix.Alejandro Cearreta, Catedrático de Paleontología, Universidad del País Vasco / Euskal Herriko UnibertsitateaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2065232023-06-01T10:42:43Z2023-06-01T10:42:43ZLa Terre à l’époque de l’anthropocène : comment en est-on arrivé là ? Peut-on en limiter les dégâts ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/529471/original/file-20230531-21796-ooshjd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans un monde aux ressources finies, les effets des activités humaines sur l’environnement hypothèquent gravement le futur des générations à venir. </span> <span class="attribution"><span class="source">Unsplash</span></span></figcaption></figure><p>En 2000, <a href="http://www.igbp.net/publications/globalchangemagazine/globalchangemagazine/globalchangenewslettersno4159.5.5831d9ad13275d51c098000309.html">deux scientifiques</a> proposèrent pour la première fois l’hypothèse que l’époque de l’Holocène, amorcée il y a 11 700 ans, était révolue.</p>
<p>L’emprise de l’humanité sur le système terrestre serait devenue si profonde qu’elle rivaliserait avec certaines des grandes forces de la nature, au point d’avoir fait bifurquer la trajectoire géologique et écologique de la Terre.</p>
<p>Il faudrait désormais utiliser le terme d’<em>anthropocène</em> pour désigner avec plus de justesse l’époque géologique actuelle. Cette annonce <a href="https://theconversation.com/sortir-du-capitalisme-condition-necessaire-mais-non-suffisante-face-a-la-crise-ecologique-193568">a ouvert des débats considérables</a>.</p>
<h2>La machine à vapeur comme marqueur clé</h2>
<p>Parmi les nombreuses polémiques soulevées par ce nouveau concept, la plus évidente porte encore aujourd’hui sur la date du début de l’anthropocène.</p>
<p>La proposition initiale portait symboliquement sur 1784, l’année du dépôt du brevet de James Watt pour sa machine à vapeur, véritable emblème de l’amorce de la révolution industrielle. Ce choix coïncide en effet avec l’augmentation significative des concentrations atmosphériques de plusieurs gaz à effet de serre, comme en témoignent les données extraites des carottes de glace.</p>
<hr>
<p><em>L’article que vous parcourez vous est proposé en partenariat avec <a href="https://podcast.ausha.co/afpaudio-surlefil/bientot-sur-la-terre">« Sur la Terre »</a>, un podcast de l’AFP audio. Une création pour explorer des initiatives en faveur de la transition écologique, partout sur la planète. <a href="https://smartlink.ausha.co/sur-la-terre">Abonnez-vous !</a></em></p>
<iframe name="Ausha Podcast Player" frameborder="0" loading="lazy" id="ausha-6ilQ" height="220" style="border: none; width:100%; height:220px" src="https://player.ausha.co/index.html?showId=oZwgYF0xqdKE&color=%2350d819&v=3&playerId=ausha-6ilQ" width="100%"></iframe>
<hr>
<p>Des chercheurs d’autres disciplines, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2213305414000265">archéologie</a> et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2213305413000052">archéobiologie</a> en l’occurrence, avancèrent ensuite l’idée que l’anthropocène et l’Holocène devraient être considérés comme une même époque géologique.</p>
<p>Dans la perspective de ces disciplines, c’est la fin de la dernière période glaciaire, il y a plus de 10 000 ans, qui aurait favorisé une augmentation sans précédent de la population humaine (grâce à l’apparition progressive de l’agriculture) et, donc, l’émergence de son rôle de force géoécologique.</p>
<p>Une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0277379120303486">autre approche</a> défend une idée assez similaire, mais en ajoutant quelques milliers d’années à la date du début de l’anthropocène. Il aurait fallu attendre que la domestication des plantes et des animaux soit suffisamment développée pour que les répercussions environnementales des sociétés agraires – en particulier les rejets de dioxyde de carbone (CO<sub>2</sub>) dus à la déforestation – soient assez importantes pour faire sortir la Terre de l’Holocène.</p>
<h2>La « Grande Accélération » des années 1950</h2>
<p>À l’opposé, certains membres de la communauté scientifique penchent pour une date plus récente que celle initialement avancée.</p>
<p>La course de l’humanité semble en effet suivre dans sa partie la plus contemporaine une trajectoire particulière qu’on a qualifiée de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/2053019614564785">« Grande Accélération »</a>. C’est autour de 1950 que les principaux indicateurs du système socioéconomique mondial et du système Terre se sont mis à avoir une tendance réellement exponentielle.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"855017191426719744"}"></div></p>
<p>L’empreinte écologique de l’humanité prend des formes diverses <a href="https://theconversation.com/changement-climatique-et-crise-de-la-biodiversite-la-dangereuse-alliance-83825">et interconnectées</a> qui ne cessent de s’aggraver depuis cette date : une modification du climat sans précédent, par sa vitesse et son intensité ; une dégradation généralisée du tissu de la vie, par l’artificialisation des écosystèmes et les rejets de substances entièrement nouvelles (comme les produits de la chimie de synthèse, les plastiques, les pesticides, les perturbateurs endocriniens, les radionucléides et les gaz fluorés) ; un effondrement de la biodiversité d’une ampleur et d’une rapidité inédites (signe pour certains d’une sixième grande extinction, la cinquième étant celle qui vit disparaître les dinosaures, il y a 66 millions d’années) ; et de multiples perturbations des cycles biogéochimiques (notamment ceux de l’eau, de l’azote et du phosphore).</p>
<h2>À qui la faute ?</h2>
<p>En parallèle avec cette question sur la date du début de l’anthropocène, d’autres débats ont émergé autour de ce concept. Le plus important a été porté par <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/2053019613516291">Andreas Malm et Alf Hornborg</a>, tous deux membres du département de géographie humaine de l’Université de Lund (Suède).</p>
<p>Ces deux chercheurs ont remarqué que le concept d’anthropocène suggère que <em>toute</em> l’espèce humaine serait responsable des bouleversements planétaires. C’est pour cette raison que de nombreux auteurs ont tendance, même lorsqu’ils font remonter l’anthropocène au moment du décollage industriel de quelques nations, à affirmer que la cause ultime de l’émergence de sociétés reposant sur les énergies fossiles correspondrait à un processus évolutif long, donc naturel, qui aurait commencé avec la maîtrise du feu par nos ancêtres (il y a au moins 400 000 ans).</p>
<p>Malm et Hornborg affirment que parler de l’anthropocène en utilisant des catégories généralisantes, comme « l’espèce humaine », « les humains » ou « l’humanité », revient à naturaliser ce phénomène, c’est-à-dire à supposer qu’il était inéluctable, car découlant d’une propension naturelle de notre espèce à exploiter un maximum de ressources dès qu’elle en a l’occasion.</p>
<p>Pour les deux chercheurs, cette naturalisation occulte la dimension sociale du régime fossile des 200 dernières années.</p>
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<p>L’adoption de la machine à vapeur alimentée par le charbon, puis des technologies reposant sur le pétrole et le gaz, n’a pas été réalisée à la suite d’une décision unanime de tous les membres de l’humanité, et ce ne sont pas non plus quelques représentants de cette dernière – qui auraient été élus sur la base de caractéristiques naturelles – qui ont décidé de la trajectoire empruntée par notre espèce.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/259826/original/file-20190219-43270-17l71bs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/259826/original/file-20190219-43270-17l71bs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/259826/original/file-20190219-43270-17l71bs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/259826/original/file-20190219-43270-17l71bs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/259826/original/file-20190219-43270-17l71bs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/259826/original/file-20190219-43270-17l71bs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/259826/original/file-20190219-43270-17l71bs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’exploitation des énergies fossiles émet du CO₂, première cause du réchauffement climatique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/GrmwVnVSSdU">Zbynek Burival/Unsplash</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour Malm et Hornborg, ce sont au contraire des conditions sociales et politiques particulières qui ont, chaque fois, créé la possibilité d’un investissement lucratif pour quelques détenteurs de capitaux, quasi systématiquement des hommes blancs, bourgeois ou aristocrates.</p>
<p>Par exemple, la possibilité d’exploiter les travailleurs britanniques dans les mines de charbon a été déterminante dans le cas de la machine à vapeur aux XVIII<sup>e</sup> et XIX<sup>e</sup> siècles ; tout comme le soutien de plusieurs gouvernements occidentaux l’a été en ce qui concerne la mise en place des infrastructures nécessaires à l’exploitation du pétrole depuis le milieu du XIX<sup>e</sup> siècle.</p>
<h2>Qui émet quoi ?</h2>
<p>L’anthropocène perçu à l’échelle de la totalité de l’humanité occulte un autre fait majeur : l’inégalité intraespèce dans la responsabilité des bouleversements climatiques et écologiques.</p>
<p>À l’heure actuelle, parmi tous les habitants du monde, les <a href="https://www.nature.com/articles/s41893-022-00955-z">10 % qui émettent le plus de gaz à effet de serre (GES) sont responsables de 48 % du total des émissions mondiales</a>, alors que les 50 % qui en émettent le moins sont responsables d’à peine 12 % des émissions globales. Parmi les plus gros émetteurs individuels de la planète, les estimations mettent en avant le <a href="http://piketty.pse.ens.fr/files/ChancelPiketty2015.pdf">1 % le plus riche</a> (composé majoritairement d’Américains, de Luxembourgeois, de Singapouriens, de Saoudiens, etc.), avec des émissions par personne supérieures à 200 tonnes d’équivalent CO<sub>2</sub> par année.</p>
<p>À l’autre extrémité du spectre des émetteurs, on trouve les individus les plus pauvres du Honduras, du Mozambique, du Rwanda et du Malawi, avec des émissions 2000 fois plus faibles, proches de 0,1 tonne d’équivalent CO<sub>2</sub> par personne et par an.</p>
<p>Ce lien étroit entre richesse et empreinte carbone implique une responsabilité commune, mais différenciée, qui sied mal à la catégorisation englobante de l’anthropocène.</p>
<h2>L’Empire britannique et le charbon, les États-Unis et le pétrole</h2>
<p>Par ailleurs, cette critique prend encore plus de sens dans une perspective historique puisque le dérèglement climatique dépend du <em>cumul</em> des émissions de GES. À titre d’exemple, on peut se dire que le Royaume-Uni n’a pas à être à l’avant-garde de la lutte contre le changement climatique, car il ne représente actuellement qu’environ 1 % des émissions mondiales de carbone… C’est oublier un peu vite que ce pays a contribué à 4,5 % des émissions globales depuis 1850, ce qui le place au <a href="https://www.carbonbrief.org/analysis-which-countries-are-historically-responsible-for-climate-change/">huitième rang des plus gros pollueurs de l’histoire</a>.</p>
<p>Les nations du monde, et les individus au sein de chacune d’entre elles, n’ont pas contribué de façon équivalente à la trajectoire exponentielle du système Terre depuis 200 ans. L’Europe et l’Amérique du Nord sont historiquement les régions les plus polluantes de l’histoire. Le Royaume-Uni et les États-Unis, chefs d’orchestre respectifs du développement économique mondialisé du XIX<sup>e</sup> et du XX<sup>e</sup> siècle, ont une <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanplh/article/PIIS2542-5196(20)30196-0/fulltext">dette écologique</a> particulièrement colossale envers les autres nations. Le charbon a été le carburant du projet de domination impériale britannique, alors que c’est le pétrole qui a joué ce rôle pour les États-Unis.</p>
<h2>Une question de survie ou pas</h2>
<p>Pour garder les idées claires sur ce sujet épineux de la contribution historique de chaque nation à la dérive climatique, il peut être avisé de toujours garder en tête que les émissions de GES, et plus généralement l’empreinte environnementale d’un pays ou d’une personne donnée, sont déterminées au premier ordre par leur niveau de consommation de biens et de services.</p>
<p>Habiter dans un pays riche et penser être « écolo » n’a généralement aucun rapport avec la réalité. De plus, toutes les données quantitatives en notre possession ne disent rien de la nécessité vitale – ou, au contraire, de la futilité la plus extrême – à l’origine de l’émission d’un même kilogramme de dioxyde de carbone !</p>
<p>Pour certains, émettre un peu plus de gaz à effet de serre est une question de survie : cela peut représenter une ration de riz ou l’installation d’une toiture. Pour d’autres, il ne s’agit que d’acheter un gadget de plus pour se divertir quelques heures. À ceux qui avancent qu’il faudrait réduire la taille de la population mondiale pour lutter efficacement contre le dérèglement climatique (et toutes les autres perturbations environnementales), on répondra qu’il suffirait plutôt d’empêcher les plus riches de continuer de mener leur train de vie indécent et climaticide.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/280040/original/file-20190618-118543-1d2mp0t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/280040/original/file-20190618-118543-1d2mp0t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/280040/original/file-20190618-118543-1d2mp0t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/280040/original/file-20190618-118543-1d2mp0t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/280040/original/file-20190618-118543-1d2mp0t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/280040/original/file-20190618-118543-1d2mp0t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/280040/original/file-20190618-118543-1d2mp0t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Yachts dans le port Cannes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/614085">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Parce qu’il fabrique une humanité abstraite qui est uniformément concernée, le discours dominant sur l’anthropocène suggère une responsabilité tout aussi uniformisée. Les Yanomami et les Achuar d’Amazonie, qui vivent sans recourir à un gramme d’énergie fossile et se contentent de ce qu’ils retirent de la chasse, de la pêche, de la cueillette et d’une agriculture vivrière, devraient-ils donc se sentir aussi responsables du changement climatique et de l’effondrement de la biodiversité que les plus riches industriels, banquiers et autres avocats d’affaires ?</p>
<p>Si la Terre est vraiment entrée dans une nouvelle époque géologique, les responsabilités de chaque nation et de chaque individu sont trop différentes dans l’espace et dans le temps pour qu’on puisse considérer que « l’espèce humaine » est une abstraction satisfaisante pour endosser le fardeau de la culpabilité.</p>
<p>Au-delà de ces nombreux débats et controverses, le dérèglement climatique et l’érosion de la biodiversité réclament des actions massives, concrètes, sans délai. Les efforts et les initiatives, dont certaines conduites à un niveau global, ne semblent pas manquer… Mais lesquelles fonctionnent véritablement ?</p>
<h2>Quelle efficacité réelle pour l’Accord de Paris ?</h2>
<p>Prenons par exemple la 21<sup>e</sup> Conférence des parties (COP21) à la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique, qui s’est tenue à Paris en 2015.</p>
<p>Celle-ci a débouché sur un accord qualifié d’historique puisque, pour la première fois, 196 pays se sont engagés à décarboner l’économie mondiale. En pratique, cet accord laisse à chaque État le soin de définir sa stratégie nationale de transition énergétique. Chaque pays membre doit ensuite présenter aux autres signataires sa « contribution déterminée au niveau national » (CDN). L’addition des CDN forme la trajectoire attendue des émissions mondiales de gaz à effet de serre.</p>
<p>Le problème d’une telle stratégie (si tant est qu’elle soit effectivement appliquée), c’est que le compte n’y est pas : même si toutes les promesses annoncées étaient réalisées, les émissions de GES d’origine humaine nous conduiraient à un réchauffement climatique d’environ 2,7 °C d’ici la fin du siècle.</p>
<p>En 2030, il y aura déjà un <a href="https://wedocs.unep.org/bitstream/handle/20.500.11822/40932/EGR2022_ESFR.pdf">écart de 12 milliards de tonnes d’équivalent CO₂ par an (Gtéq-CO₂/an) par rapport au plafond requis pour limiter la hausse des températures à 2 °C</a>. Cet écart grimpe à 20 Gtéq-CO<sub>2</sub>/an si on considère un réchauffement maximal de 1,5 °C.</p>
<p>Dans le cadre de l’Accord de Paris de 2015, les États peuvent théoriquement amender leurs engagements tous les cinq ans pour renforcer leurs ambitions. Dans les faits, rappelons que les émissions continuent d’augmenter pour quasiment tous les pays signataires (lorsqu’elles sont comptabilisées selon la consommation et non selon la production).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/522173/original/file-20230420-1738-jeeu7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1995%2C1315&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522173/original/file-20230420-1738-jeeu7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522173/original/file-20230420-1738-jeeu7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522173/original/file-20230420-1738-jeeu7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522173/original/file-20230420-1738-jeeu7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522173/original/file-20230420-1738-jeeu7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522173/original/file-20230420-1738-jeeu7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Laurent Fabius acte l’adoption de l’accord de Paris, lors de la COP21 de 2015.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cop Paris/Flickr</span></span>
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</figure>
<p>Comment pourrait-il en être autrement puisque l’Accord de Paris n’incorpore aucun mécanisme de sanction pour les États qui ne respectent pas leurs engagements ? Seule la pression internationale et populaire est censée les contraindre. Mais quel intérêt peut avoir une stratégie de dénonciation si tous les acteurs sont en faute ?</p>
<p>Bien que l’Accord de Paris ait été présenté comme un succès diplomatique, il faut bien admettre qu’il constitue une coquille vide de plus dans la grande liste des engagements inefficaces pour lutter contre le dérèglement climatique. On aurait d’ailleurs pu s’en douter dès la ratification de ce texte puisque les mots « énergie fossile » n’y apparaissent pas une seule fois… Tout a donc été fait pour ne froisser aucun acteur (public ou privé) et pour qu’ainsi un maximum d’États en viennent à signer un accord qui n’apportera aucune solution au problème le plus urgent de l’humanité.</p>
<p>Arriver à se féliciter du contenu de l’Accord de Paris comme l’ont fait de nombreux représentants politiques montre à quel point ces derniers – et les médias relayant complaisamment leurs idées – n’ont pas du tout saisi l’ampleur du problème.</p>
<p>Au moment de la signature de l’accord en 2015, le volume cumulé de CO<sub>2</sub> que l’humanité pouvait se permettre d’émettre pour conserver une chance raisonnable de limiter le réchauffement climatique à 2 °C n’était plus que de 1000 Gt. Compte tenu des émissions des cinq dernières années, ce <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/aa98c9">budget carbone</a> n’est déjà plus que de 800 Gt. Cela correspond donc au tiers des 2420 Gt de CO<sub>2</sub> émises jusqu’à présent, de 1850 à 2020, dont 1680 Gt par la combustion des énergies fossiles (et la production de ciment) et 740 Gt par l’usage des sols (principalement la déforestation).</p>
<p>Et à raison d’environ 40 Gt d’émissions annuelles, ce budget carbone se réduit comme peau de chagrin : il sera épuisé d’ici 20 ans si rien ne change.</p>
<h2>La solution par un traité de non-prolifération des énergies fossiles ?</h2>
<p>Pour atteindre ces objectifs de réduction, les humains, et en particulier les plus riches d’entre eux, doivent consentir à ne plus utiliser ce qui a historiquement représenté la source de leur opulence matérielle.</p>
<p>Les réserves de combustibles fossiles correspondent en effet à des émissions potentielles colossales : au niveau mondial, un <a href="https://www.nature.com/articles/nature14016">tiers des réserves de pétrole, la moitié des réserves de gaz et plus de 80 % des réserves de charbon</a> doivent rester inutilisés. Dans ce cadre, l’augmentation de la production d’hydrocarbures, que ce soit au travers de mines de charbon ou de gisements de pétroles et de gaz déjà connus, ou par l’exploitation de nouvelles ressources fossiles (par exemple en Arctique), vont à contresens des efforts nécessaires pour limiter le dérèglement du climat.</p>
<p>Par ailleurs, plus nous retardons le moment où nous amorcerons réellement la décarbonation de l’économie mondiale, <a href="https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2017/12/note_danalyse_les_indc_et_le_budget_carbone_the_shift_project_0.pdf">plus les efforts nécessaires deviendront draconiens</a>. Si la réduction des émissions mondiales de CO<sub>2</sub> avait été engagée en 2018, l’humanité aurait pu se contenter d’une baisse annuelle de 5 % jusqu’en 2100 pour limiter le réchauffement à 2 °C. Amorcer ce travail colossal en 2020 aurait demandé une réduction annuelle de 6 %. Patienter jusqu’en 2025, c’est s’obliger à une réduction de 10 % par an.</p>
<p>Face à l’urgence, certains en appellent depuis quelques années à un <a href="https://fossilfueltreaty.org/cop27">traité de non-prolifération des combustibles fossiles</a>.</p>
<p>Il « suffirait », en somme, que tout le monde s’engage à ne plus utiliser ce qui active l’économie mondiale depuis 150 ans !</p>
<p>À ce jour, seuls les pays insulaires les plus vulnérables (comme le Vanuatu, les Fidji ou encore les îles Salomon) ont signé ce traité, pas les pays producteurs d’hydrocarbures ni les grands pays importateurs. Il est facile de comprendre pourquoi : cette initiative ne comporte aucun mécanisme financier pour compenser les gouvernements détenteurs de ressources d’hydrocarbures qui accepteraient de laisser sous leurs pieds ce PIB potentiel.</p>
<p>Or, pour que les réserves de combustibles fossiles ne soient pas exploitées, c’est bien une compensation de ce type qu’il faudrait mettre en place pour qu’un accord international puisse aboutir à des résultats significatifs.</p>
<h2>La finance, cet acteur clé</h2>
<p>Alors, tout est foutu ? Pas forcément !</p>
<p>Une <a href="https://hbswk.hbs.edu/item/what-happens-when-banks-divest-from-coal-climate-change">étude</a> a récemment apporté une lueur d’espoir. Deux chercheurs de la <em>Harvard Business School</em> ont montré que le choix de certaines banques de ne plus investir dans le secteur du charbon semble porter leurs fruits.</p>
<p>Les données étudiées (de 2009 à 2021), montrent que les entreprises charbonnières confrontées à de fortes politiques de désinvestissement de la part de leurs bailleurs de fonds réduisent leurs emprunts d’un quart par rapport à leurs homologues non affectés. Ce rationnement du capital semble bien entraîner une réduction des émissions de CO<sub>2</sub>, car les entreprises « désinvesties » sont plus susceptibles de fermer certaines de leurs installations.</p>
<p>Pourrait-on envisager la même approche avec le secteur du pétrole et du gaz ? En théorie, oui, mais cela serait plus difficile à mettre en œuvre.</p>
<p>Les acteurs du charbon disposent d’un nombre limité d’options pour obtenir un financement alternatif de leur dette si une source existante disparaît. En effet, le nombre de banques qui facilitent les transactions liées au charbon est si faible – et les relations si profondément ancrées – que, par défaut, les banquiers exercent une grande influence sur ce qui est financé dans ce secteur. Ce n’est pas le cas dans le secteur du pétrole et du gaz, où les possibilités de financement sont plus diversifiées. Néanmoins, tout cela montre que le secteur de la finance a bel et bien un rôle à jouer dans la transition bas carbone.</p>
<p>Mais croire que le secteur financier va rediriger l’économie mondiale vers une voie plus écologique, comme par enchantement, serait un leurre.</p>
<p>Le capitalisme impose un impératif de croissance qui n’a tout simplement aucun sens dans un monde aux ressources finies. Ne plus dépasser les <a href="https://theconversation.com/comprendre-la-notion-de-limites-planetaires-145227">limites écologiques du système Terre</a> demande de redéfinir entièrement <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/ce_a_quoi_nous_tenons-9782348054792">ce à quoi nous tenons</a> et ce à quoi nous sommes prêts à <a href="https://www.editionsdivergences.com/livre/politiser-le-renoncement">renoncer</a>.</p>
<hr>
<p><em>Cet article s’inscrit dans le cadre d’un projet associant The Conversation France et l’AFP audio. Il a bénéficié de l’appui financier du Centre européen de journalisme, dans le cadre du programme <a href="https://ejc.net/news/the-second-group-selected-in-the-solutions-journalism-accelerator-programme">« Solutions Journalism Accelerator »</a> soutenu par la Fondation Bill et Melinda Gates. L’AFP et The Conversation France ont conservé leur indépendance éditoriale à chaque étape du projet.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206523/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Victor Court est membre de la chaire « Énergie & Prospérité » et chercheur associé au Laboratoire Interdisciplinaire des Energies de Demain (LIED, Université Paris Cité). Les opinions exprimées dans ces pages n’engagent que leur auteur, elles ne reflètent en aucun cas le point de vue des institutions auxquelles il est affilié.</span></em></p>L’empreinte écologique de l’humanité prend des formes diverses et interconnectées qui ne cessent de s’aggraver.Victor Court, Économiste, chercheur associé au Laboratoire interdisciplinaire des énergies de demain, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2006042023-03-19T16:15:19Z2023-03-19T16:15:19Z« L’envers des mots » : Écocide<p>Depuis 1810, le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGITEXT000006070719">Code pénal</a> dispose de l’interdiction de certains comportements qui peuvent porter atteinte à trois matérialités : les personnes (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070719/LEGISCTA000006117614/">Livre II</a>), les biens (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070719/LEGISCTA000006117598/">Livre III</a>) et l’État (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070719/LEGISCTA000006117602/">Livre IV</a>). Ainsi, quiconque enfreint un interdit posé par la loi s’expose à des sanctions… L’objectif est triple :</p>
<ul>
<li><p>anticiper les comportements que l’on souhaite éradiquer de la société en brandissant le glaive de la justice (vertu préventive de la peine) ;</p></li>
<li><p>sanctionner ceux qui franchissent le Rubicon malgré la menace (vertu réparatrice de la peine) ;</p></li>
<li><p>éduquer les délinquants aux fins d’éviter la récidive (vertu pédagogique de la peine).</p></li>
</ul>
<p>Ainsi le droit pénal a la lourde tâche de fixer des limites à nos actions : ce que la société accepte, tolère et rejette. Et c’est donc naturellement, au cœur d’un <a href="https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/271086-terre-climat-quest-ce-que-lanthropocene-ere-geologique">anthropocène</a> théorisé et assumé, que la question des atteintes portées à l’environnement a été, petit à petit, intégrée à la matière pénale depuis le début des années 1970.</p>
<p>En cette nouvelle <a href="https://theconversation.com/anthropocene-lhumanite-merite-t-elle-une-epoque-a-son-nom-123030">ère géologique</a> caractérisée « par l’avènement des hommes comme principale force de changement sur Terre, surpassant les forces géophysiques », dire les atteintes causées à l’environnement que la société accepte, tolère et rejette. Avec tout ce que cela emporte de subjectivité et de plasticité dans le temps : ce que l’on acceptait hier peut être encore toléré aujourd’hui, avant d’être probablement rejeté demain.</p>
<p>Cette pénalisation fragmentaire et évolutive des atteintes à l’environnement a conduit à une forme d’inefficacité. On punit peu et on punit mal. Ainsi, face à des destructions d’écosystèmes entiers par les activités humaines, la nécessité de définir une incrimination spécifique ayant pour objet de prévenir les <a href="https://www.agroparistech.fr/actualites/parution-justice-pour-planete-5-combats-citoyens-qui-ont-change-loi">atteintes majeures à l’environnement</a>, et de punir sévèrement les auteurs de ces atteintes, s’est imposée auprès de nombreux juristes, écologues, sociologues et philosophes. Il s’agit de dire par la création d’une nouvelle infraction qu’il y a des comportements anti-écologiques que la société entend proscrire du vivre ensemble.</p>
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<p>Ainsi, depuis la seconde moitié du XX<sup>e</sup> siècle, un véritable combat pour la reconnaissance et la <a href="https://hal.science/hal-03894376/document">sanction de l’écocide</a> a été portée par les activistes écologistes. Mot-valise constitué du préfixe « éco- » (du grec « oikos », « maison, habitat ») et du suffixe « -cide » (du latin « caedere », « tuer »), l’écocide – par analogie avec homicide (le fait de tuer un homme) – est donc le fait de « tuer notre habitat », c’est-à-dire de détruire les écosystèmes qui constituent notre matrice existentielle. En y ajoutant l’intentionnalité, <a href="https://theconversation.com/quelle-protection-juridique-pour-les-forets-122732">l’écocide</a> il peut être considéré comme l’« assassinat de notre environnement » dans la mesure où le caractère volontaire et prémédité de nos actes est de moins en moins à mesure que les scientifiques nous alertent.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/podcast-defis-climatiques-la-justice-un-outil-de-plus-en-plus-efficace-193344">Podcast « Défis climatiques » : La justice, un outil de plus en plus efficace ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Ainsi, début 2021, la <a href="https://www.conventioncitoyennepourleclimat.fr/">Convention citoyenne pour le climat</a> a proposé dans son rapport final la <a href="https://propositions.conventioncitoyennepourleclimat.fr/le-rapport-final/">création d’un crime d’écocide</a> (proposition SN 7.1.1). Intégré au Livre V du code pénal (« Autres crimes et délits »), un Titre III disposerait « Des infractions en matière d’environnement » incluant – notamment – un nouvel article établissant l’écocide comme</p>
<blockquote>
<p>« toute action ayant causé un dommage écologique grave consistant en un dépassement manifeste et non négligeable d’au moins une des limites planétaires et dont l’auteur savait ou aurait dû savoir qu’il existait une haute probabilité de ce dépassement ».</p>
</blockquote>
<p>Cette infraction serait punie de vingt ans de réclusion criminelle et d’une amende de 10 millions d’euros dont le montant pourrait être porté à 20 % du dernier chiffre d’affaires connu à la date de la commission des faits et en fonction des avantages tirés.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/peut-on-eviter-de-detruire-la-nature-199144">Peut-on éviter de détruire la nature ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Finalement, la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/loi-climat-resilience">loi climat-résilience</a> du 22 août 2021 a retenu une définition beaucoup plus restrictive et technique : intégré au Code de l’environnement, l’écocide constitue le fait, « en violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement » (art. L. 231-1 C. env.) et « lorsqu’il est commis de manière intentionnelle » (art. L. 231-3 C. env.), « d’émettre dans l’air, de jeter, de déverser ou de laisser s’écouler dans les eaux superficielles ou souterraines ou dans les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, directement ou indirectement, une ou plusieurs substances dont l’action ou les réactions entraînent des effets nuisibles graves et durables sur la santé, la flore, la faune […] » ; la peine étant de dix ans d’emprisonnement et l’amende pouvant être portée à 4,5 millions d’euros jusqu’au décuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.</p>
<p>Une formulation très imparfaite mais une formulation qui permet tout de même une première reconnaissance juridique de l’écocide… En attendant une définition plus simple, plus large, plus pédagogique et plus efficace au sein d’un nouveau livre du code pénal dédié spécifiquement à la protection de notre environnement si fragile et si menacé ?</p>
<hr>
<p><em>Cet article s’intègre dans la série <strong><a href="https://theconversation.com/fr/topics/lenvers-des-mots-127848">« L’envers des mots »</a></strong>, consacrée à la façon dont notre vocabulaire s’étoffe, s’adapte à mesure que des questions de société émergent et que de nouveaux défis s’imposent aux sciences et technologies. Des termes qu’on croyait déjà bien connaître s’enrichissent de significations inédites, des mots récemment créés entrent dans le dictionnaire. D’où viennent-ils ? En quoi nous permettent-ils de bien saisir les nuances d’un monde qui se transforme ?</em></p>
<p><em>De <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-validisme-191134">« validisme »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-silencier-197959">« silencier »</a>, de <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-bifurquer-191438">« bifurquer »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-degenrer-191115">« dégenrer »</a>, nos chercheurs s’arrêtent sur ces néologismes pour nous aider à mieux les comprendre, et donc mieux participer au débat public.</em></p>
<p><em>À découvrir aussi dans cette série :</em></p>
<ul>
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</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/200604/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Louis de Redon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si la Convention citoyenne pour le climat a proposé la création d’un crime d’écocide, la loi climat-résilience du 22 août 2021 en a retenu une définition beaucoup plus restrictive et technique.Louis de Redon, Maître de conférences HDR en droit de l’environnement, AgroParisTech – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1959802023-01-10T20:44:45Z2023-01-10T20:44:45ZHeurs et malheurs de la couche d’ozone à travers son histoire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/503822/original/file-20230110-14-kyvg8x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=84%2C12%2C2062%2C1170&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2006, le trou de la couche d'ozone (en bleu et violet) atteignait une taille record moyenne: 27,5 millions de kilomètres carrés</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:NASA_and_NOAA_Announce_Ozone_Hole_is_a_Double_Record_Breaker.png">NASA</a></span></figcaption></figure><p>Un <a href="https://ozone.unep.org/system/files/documents/Scientific-Assessment-of-Ozone-Depletion-2022-Executive-Summary.pdf">récent rapport</a> du programme pour l’environnement des Nations unies annonce que le « trou » de la couche d’ozone serait bien en train de se refermer <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/01/09/climat-la-reconstitution-de-la-couche-d-ozone-est-en-bonne-voie_6157178_3244.html">grâce à l’arrêt progressif de l’utilisation de gaz qui détruisent la couche d’ozone, comme les chlorofluorocarbures (CFC)</a>. Une bonne nouvelle à plusieurs titres, notamment car la couche d’ozone empêche une partie des rayonnements ultraviolets, nocifs, de pénétrer jusqu’à nous.</p>
<p>La couche d’ozone a toujours été fragile, attaquée de l’intérieur par des gaz présents dans l’atmosphère (dont certains d’origine anthropique, comme les CFC). Mais elle est aussi attaquée de l’extérieur par les particules interstellaires du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rayonnement_cosmique">« rayonnement cosmique »</a>, auquel la Terre est soumise en permanence ! Ces particules cosmiques déclenchent une cascade de réactions chimiques qui détruisent les molécules d’ozone. Heureusement, le champ magnétique terrestre dévie en grande partie ce flux de particules et protège la couche d’ozone… normalement.</p>
<p>La protection de la couche d’ozone par le champ magnétique varie en effet, comme lui, dans le temps. Nous avons en effet récemment montré que <a href="https://academic.oup.com/pnasnexus/article/1/4/pgac170/6678862">ce n’est pas la première fois que l’épaisseur de la couche d’ozone varie</a>. D’après nos résultats, il y a 40 000 ans, au moment de la disparition de Néandertal, la couche d’ozone aurait été plus fine qu’à notre époque.</p>
<h2>Enquêter sur la couche d’ozone au temps de Néandertal</h2>
<p>La <a href="https://www.nature.com/articles/nature13621">disparition mystérieuse de Néandertal</a> ne s’est pas faite en un jour. Elle résulte sûrement d’une combinaison de nombreux facteurs. Un élément avéré est qu’elle est très proche dans le temps d’une baisse de l’intensité du champ magnétique terrestre, ce qui a amené certains auteurs à relier les deux événements.</p>
<p>En effet, l’affaiblissement du champ magnétique aurait pu engendrer un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0277379110003434">amincissement de la couche d’ozone</a>, qui protège la surface terrestre des rayons ultraviolets du soleil. Or, on sait maintenant que ceux-ci augmentent le <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1034/j.1600-0781.2002.02782.x">risque de cancers de la peau</a>, <a href="https://pubs.rsc.org/en/content/articlehtml/2003/pp/b211156j">altèrent la vue, et impactent les capacités immunitaires</a>. Des <a href="https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1029/2018RG000629">effets néfastes</a> contre lesquels Néandertal aurait été moins bien équipé que <em>Sapiens</em>, le rendant plus sensible à la hausse des rayons UV.</p>
<p>Comment savoir si la couche d’ozone a été réellement amincie il y a 40 000 ans ? Peut-on reconstruire cette épaisseur au fil de l'histoire ?</p>
<h2>Apparition et dynamique de la couche d’ozone</h2>
<p>Depuis son apparition, la <a href="https://www.ipsl.fr/Pour-tous/Les-dossiers-thematiques/La-couche-d-ozone-et-le-trou-d-ozone/La-couche-d-ozone-et-son-role">couche d’ozone</a> joue un rôle fondamental dans la présence et l’évolution de la vie sur Terre. En effet, l’ozone est un gaz qui absorbe une partie des rayons UV émis par le Soleil. La couche d’ozone permet donc d’éviter que ces rayons UV ne parviennent jusqu’à la surface des continents.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/499813/original/file-20221208-14410-p3m533.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/499813/original/file-20221208-14410-p3m533.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/499813/original/file-20221208-14410-p3m533.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/499813/original/file-20221208-14410-p3m533.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/499813/original/file-20221208-14410-p3m533.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/499813/original/file-20221208-14410-p3m533.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/499813/original/file-20221208-14410-p3m533.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/499813/original/file-20221208-14410-p3m533.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La couche d’ozone se trouve dans la stratosphère. Elle filtre les rayons ultraviolets, mais peut être attaquée de l’extérieur par les rayons cosmiques et par l’intérieur par le dioxyde d’azote, un polluant courant.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Guillaume Paris, Université de Lorraine</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si la Terre est vieille d’environ 4,5 milliards d’années, la couche d’ozone, elle, est apparue bien plus tard. En effet, l’ozone (O<sub>3</sub>) est produit par un ensemble de réactions chimiques à partir de l’oxygène (O<sub>2</sub>), qui n’est apparu dans l’atmosphère qu’il y a 2,4 milliards d’années.</p>
<p>Depuis, l’ozone formé se retrouve à la base de stratosphère, à 35 kilomètres d’altitude, juste au-dessus de la troposphère. Là, il peut être détruit soit par d’autres gaz, comme les CFC, soit par les particules du rayonnement cosmique non déviées par le champ magnétique terrestre.</p>
<h2>Quand le champ magnétique terrestre ne protège plus l’atmosphère</h2>
<p>Or, il y a environ 41 000 ans, le champ magnétique terrestre a connu un affaiblissement majeur, voire une <a href="https://www.nationalgeographic.fr/espace/il-y-a-42-000-ans-une-excursion-du-champ-magnetique-a-bouleverse-la-vie-sur-terre">inversion temporaire</a> de sa polarité, pendant quelques siècles.</p>
<p>Cet affaiblissement du champ magnétique, bien connu des géologues sous le nom d’« excursion magnétique de Laschamps », aurait été suffisamment marqué pour que les particules cosmiques pénètrent jusqu’à la couche d’ozone et y détruisent des molécules d’O<sub>3</sub>. Plus de rayons UV auraient alors pu atteindre la surface de la Terre.</p>
<p>C'est pour ces raisons que cet évènement a été <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0277379110003434">proposé</a> comme une des causes de la disparition des Néandertalien·ne·s puisqu’<em>Homo neanderthalensis</em> n'aurait pas eu <a href="https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1029/2018RG000629">pas la même capacité de lutte contre les effets néfastes des UV</a> qu’<em>Homo sapiens</em>. </p>
<p>Comme aucune donnée n'avait jusqu'à présent permis de confirmer de manière directe un amincissement de la couche d'ozone à cette époque, nous avons cherché à savoir si certaines particules atmosphériques de cette époque, piégées depuis dans les glaces polaires, avaient été ou non exposées aux UV. </p>
<p>Grâce à cette information, nous pouvons évaluer si la couche d'ozone les a protégées du rayonnement solaire - et donc en déduire l'épaisseur de celle-ci lors de la disparition de Néandertal. </p>
<h2>L’épaisseur de la couche d’ozone enregistrée dans la glace des pôles</h2>
<p>Nous avons <a href="https://academic.oup.com/pnasnexus/article/1/4/pgac170/6678862">étudié</a> les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Isotopes_du_soufre">isotopes</a> d’aérosols de soufre piégés dans des échantillons de carottes de glace formée à cette époque.</p>
<p>Les aérosols sont des microparticules en suspension. Certains contiennent du soufre, dont les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Isotopes_du_soufre">isotopes</a> peuvent nous aider. Un isotope du soufre est un atome de soufre avec une masse très légèrement différente des autres, et les isotopes du soufre des aérosols ne réagissent pas tous pareils aux rayons UV.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/503850/original/file-20230110-24-o3wppc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/503850/original/file-20230110-24-o3wppc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503850/original/file-20230110-24-o3wppc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=209&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503850/original/file-20230110-24-o3wppc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=209&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503850/original/file-20230110-24-o3wppc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=209&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503850/original/file-20230110-24-o3wppc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=263&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503850/original/file-20230110-24-o3wppc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=263&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503850/original/file-20230110-24-o3wppc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=263&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Mécanismes d’acquisition de l’« empreinte UV » des aérosols. Avec la couche d’ozone actuelle, les rayons UV néfastes n’atteignent pas la troposphère et seuls les aérosols émis par les éruptions stratosphériques acquièrent une empreinte UV. Avec une couche d’ozone plus mince, comme lors de l’excursion magnétique du Laschamps, les aérosols n’atteignant pas la stratosphère acquièrent une telle empreinte car les rayons UV pénètrent plus bas dans l’atmosphère et atteignent la surface des continents.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Guillaume Paris</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si un aérosol est exposé aux UV, le rapport des différents isotopes du soufre enregistre une « empreinte UV ». Cette « empreinte » permet ainsi d’aider à comprendre si les aérosols soufrés émis par une éruption volcanique ont été, ou non, soumis aux rayons UV. Si c’est le cas, cela veut dire que ces aérosols ont circulé au-dessus de la couche d’ozone, dans la stratosphère. Cela implique donc que l’éruption a été particulièrement puissante : on parle d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89ruption_stratosph%C3%A9rique">éruption « stratosphérique »</a>.</p>
<p>Cette méthode a par le passé permis de retrouver dans les carottes de glace l’empreinte de l’éruption du <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/tambora-volcan/2-l-eruption-de-1815-et-ses-consequences-en-indonesie/">Tambora</a>. Cette éruption, bien qu’ayant eu lieu en Indonésie, généra des couchers de soleil flamboyants en Europe qui ont inspiré le peintre <a href="https://meteofrance.com/magazine/meteo-histoire/meteo-fait-histoire/1816-lannee-sans-ete-et-leruption-du-tambora">William Turner</a>. Deux cents ans plus tard, <a href="https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1029/2009GL040882">grâce aux isotopes du soufre</a> d’aérosols projetés par le volcan, puis piégés des carottes de glace, les géochimistes ont pu reconstituer la dynamique atmosphérique des émissions du volcan. Ils ont montré que ses cendres sont restées de longs mois dans la stratosphère avant de retomber sur Terre, perturbant le climat et l’agriculture.</p>
<p>Pour comprendre l’évolution de l’épaisseur de la couche d’ozone lors de l’excursion magnétique de Laschamps, nous avons utilisé les isotopes du soufre d’une manière un peu différente. En effet, nous avons extrait des aérosols piégés dans les glaces antarctiques lors de l’excursion magnétique il y a 40 000 ans. Ces aérosols ne sont pas associés à une éruption stratosphérique comme celle du Tambora : au contraire, ils sont restés dans la troposphère et ont dû – en théorie – être protégés des UV par la couche d’ozone.</p>
<p>Or, l’« empreinte UV » de ces aérosols montre qu’ils ont été soumis aux rayons UV. Ceux-ci pénétraient donc assez bas dans l’atmosphère : cela implique que la couche d’ozone laissait passer davantage de rayonnement solaire et qu’elle était plus mince qu’aujourd’hui, sans qu’on puisse vraiment parler de trou.</p>
<p>Ces résultats sont la première observation directe d’un amincissement passé de la couche d’ozone et en fait un mécanisme possible pour la disparition des Néandertalien·ne·s.</p>
<h2>Une couche d’ozone toujours menacée</h2>
<p>De nos jours, d’autres menaces existent et les activités humaines mettent en danger la couche d’ozone. En effet, un certain nombre de réactions chimiques sont liées aux gaz libérés par les activités de nos sociétés thermo-industrielles. En 1985, un <a href="https://www.nature.com/articles/315207a0">« trou »</a> de la couche d’ozone apparu au-dessus de l’Antarctique été mis en évidence par <a href="https://www.nature.com/articles/498435a">Joe Farman</a> et ses collaborateurs. Celui-ci a été causé par les chlorofluorocarbones, une famille de gaz anciennement présents dans les systèmes de réfrigérations, utilisé en grande quantité à partir des années 1950. En 10 ans, la chimie industrielle à grande échelle avait ainsi entraîné la destruction de 40 % de l’ozone de notre atmosphère.</p>
<p>Moins qu’un trou, il s’agit en réalité d’une zone au-dessus des pôles où les concentrations en O<sub>3</sub> de la couche d’ozone sont très faibles. La <a href="https://www.canada.ca/fr/services/environnement/meteo/changementsclimatiques/mesures-internationales-canada/protocole-montreal.html">signature du protocole de Montréal en 1987</a> a abouti à l’arrêt de l’utilisation de ces gaz, mais le trou ne se résorbe que très lentement.</p>
<p>De plus, de nombreux autres gaz et particules émis par les humains contribuent toujours à détruire l’ozone, comme le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Protoxyde_d%27azote">protoxyde d’azote</a> (N<sub>2</sub>O). Ce puissant gaz à effet de serre est émis notamment par <a href="https://www.infometha.org/pour-aller-plus-loin/le-cycle-de-lazote/emissions-de-protoxyde-dazote-par-lagriculture">l’épandage et les engrais azotés</a>. La hausse de sa concentration dans l’atmosphère non seulement contribue au réchauffement climatique, mais aussi à la dégradation de la couche d’ozone. Malgré les accords de Montréal, les humains continuent donc de prendre le risque d’amincir cette enveloppe qui protège la vie sur Terre.</p>
<p>Cette menace anthropique est d’autant plus sérieuse que l’intensité du champ magnétique terrestre a décru de près de 20 % depuis 150 ans et sur les dernières décennies baisse à une vitesse <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rsta.2000.0569">10 fois supérieure au taux moyen normal</a>.</p>
<p>Cette baisse de l’intensité du champ va-t-elle perdurer et, sous l’effet d’actions humaines concomitantes, sera-t-elle associée à la création d’une « fenêtre UV » ayant des conséquences sur la santé des populations ?</p>
<p>Mieux nous comprendrons l’histoire et la réactivité de la couche d’ozone, mieux nous pourrons appréhender ces questions actuelles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195980/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Paris a reçu des financements du CNRS pour cette étude (programme LEFE-IMAGO de l'Institut National des Sciences de l'Univers) . L'étude mentionnée a été rédigée par Sanjeev Dasari, postdoctorant financé par une bourse Marie Skłodowska-Curie.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Julien Charreau a reçu des financements du CNRS pour cette étude (programme LEFE-IMAGO de l'Institut National des Sciences de l'Univers)</span></em></p>La couche d’ozone s’est déjà amincie dans le passé au moment de la disparition de Néandertal.Guillaume Paris, Géochimiste, chargé de recherche CNRS au Centre de recherches pétrographiques et géochimiques de Nancy, Université de LorraineJulien Charreau, Professeur des université en géologie, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1971262023-01-05T19:24:19Z2023-01-05T19:24:19ZAvec « Avatar 2 », James Cameron nous raconte l’anthropocène<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/502967/original/file-20230103-6615-ej2694.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C16%2C1470%2C814&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les Na'vis entretiennent un rapport d'humilité face à la faune et à la flore. </span> <span class="attribution"><span class="source">Allociné</span></span></figcaption></figure><figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/502967/original/file-20230103-6615-ej2694.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C16%2C1470%2C814&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/502967/original/file-20230103-6615-ej2694.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/502967/original/file-20230103-6615-ej2694.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/502967/original/file-20230103-6615-ej2694.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/502967/original/file-20230103-6615-ej2694.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/502967/original/file-20230103-6615-ej2694.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/502967/original/file-20230103-6615-ej2694.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les Na'vis entretiennent un rapport d'humilité face à la faune et à la flore.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Allociné</span></span>
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<p><em>Attention spoilers : l’article qui suit présente quelques éléments du film susceptibles d’en dévoiler l’intrigue.</em></p>
<hr>
<p>Le 14 décembre 2022, treize ans après <em>Avatar</em> premier du nom, le réalisateur James Cameron (<em>Titanic</em>, <em>Abyss</em>, <em>Terminator</em>) a livré au public la suite des aventures de Jake Sully et Neytiri.</p>
<p><em>Avatar, la voie de l’eau</em> débute à la fin du premier film, après que les Na’vis, le peuple autochtone de la lune Pandora, se sont libérés de l’impérialisme humain. Une dizaine d’années s’écoulent avant que ces derniers ne reviennent avec des intentions toujours plus belliqueuses. C’est le retour également de Miles Quaritch, l’impitoyable colonel laissé pour mort à la fin du premier opus, mais dont la mémoire a été transférée dans le corps d’un avatar. Sa mission : tuer Jake Sully, tant pour mater la révolte Na’vi que pour se venger. Jake et sa famille sont contraints de fuir et trouvent refuge auprès d’une tribu insulaire, les Metkayinas. Un nouveau décor s’offre aux spectateurs : montagnes volantes et jungle luxuriante laissent place à des paysages maritimes paradisiaques.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Lhnu_kY765M?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p><em>La voie de l’eau</em> relance et approfondit l’univers des Na’vis qui est amené à se développer dans pas moins de trois suites – pour un total de cinq films. Loué pour <a href="https://www.ecranlarge.com/films/news/1445046-pourquoi-avatar-2-est-deja-une-revolution-technique-pour-les-salles-de-cinema">sa technique visuelle</a> et pour <a href="https://vert.eco/articles/avatar-2-quand-la-science-fiction-democratise-lecologie-et-la-pensee-animiste">son propos écologique</a>, <em>Avatar 2</em> est néanmoins critiqué pour <a href="https://www.lesinrocks.com/cinema/avatar-2-le-patriarcat-est-il-le-seul-horizon-de-pandora-521986-14-12-2022/">ses représentations patriarcales</a>.</p>
<p>En cela, le film tombe à côté des problématiques sociales de son temps ; la résonance de l’œuvre de Cameron avec son époque se situe ailleurs : <em>Avatar 2</em> est une œuvre qui s’articule à un concept central du XXI<sup>e</sup> siècle, l’anthropocène.</p>
<h2>Qu’est-ce que l’anthropocène ?</h2>
<p><a href="https://theconversation.com/fr/topics/anthropocene-25399">L’anthropocène</a> désignerait la période géologique actuelle, celle où l’être humain est devenu une force géologique à part entière. Le conditionnel est important puisque le terme proposé par le prix Nobel de chimie Paul Joseph Crutzen et le biologiste Eugène Stoermer fait débat.</p>
<p>Bien qu’apparue au tournant des années 2000, la validation ou l’invalidation du terme par un groupe de scientifiques (l’Anthropocene Working Group) ne devait être prononcée qu’à la <a href="https://usbeketrica.com/fr/article/pour-la-premiere-fois-des-scientifiques-s-apprete-a-dater-precisement-l-anthropocene">fin de l’année 2022</a>. Leur travail depuis 2009 consiste à observer l’anthropocène en tant qu’unité de temps géologique, mais les débats qui l’entourent dépassent la sphère des géologues.</p>
<p>Certains réfutent le terme lui-même : selon le Suédois <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/103447-003-A/climat-qui-a-allume-le-feu/">Andreas Malm</a>, maître de conférences en écologie humaine, il vaudrait mieux parler de <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-pourquoi-du-comment-economie-social/anthropocene-ou-capitalocene-2552791">Capitalocène</a> pour désigner les dégâts du <a href="https://theconversation.com/sortir-du-capitalisme-condition-necessaire-mais-non-suffisante-face-a-la-crise-ecologique-193568">système capitaliste sur l’environnement</a> ; il faudrait, pour l’anthropologue Anna Tsing et la philosophe Donna Haraway, <a href="https://www.cairn.info/revue-multitudes-2016-4-page-75.htm">parler de Plantationocène</a> pour cibler plus précisément le modèle des plantations esclavagistes qui, par la mise en place de monocultures et d’une exploitation humaine, aboutit à un rapport de domination des écosystèmes et des humains qui y habitent.</p>
<p>La définition de l’anthropocène est devenue un enjeu politique puisque le concept porte en lui une charge critique sur les modèles de sociétés modernes et leurs manières d’habiter le monde.</p>
<p>D’un point de vue écopoétique, c’est-à-dire l’étude des relations entre un texte et son contexte écologique, l’anthropocène peut également être entendu comme un mythe contemporain.</p>
<p>C’est ce que considère <a href="https://www.jose-corti.fr/titres/valet-noir.html">Jean-Christophe Cavallin</a>, chercheur en écopoétique, pour qui il s’agit surtout d’un nouveau contexte d’où émergent de nouveaux récits. Bien qu’il s’intéresse surtout aux productions littéraires, des films tels qu’<em>Avatar</em> et <em>Avatar 2</em> sont des exemples d’œuvres émergeant de l’anthropocène en ce qu’elles s’articulent aux symboles et récits qui le nourrissent en tant que mythe, en particulier la volonté de domination et de puissance technique de l’humain.</p>
<h2>La supériorité humaine remise en question</h2>
<p>Dans un entretien pour <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/avatar-met-en-scene-deux-formes-decologie-radicalement-differentes">Le Journal du CNRS</a>, l’anthropologue <a href="https://www.youtube.com/watch?v=esWmV_LwXrk">Perig Pitrou</a> observe que les Na’vis vivent dans une société animiste qui s’oppose au modèle naturaliste des sociétés occidentales : ils se considèrent égaux au reste du vivant et du non-vivant sur un plan spirituel, une chose difficilement concevable pour des occidentaux pour lesquels notre espèce possède une supériorité spirituelle.</p>
<p>L’anthropocène résulte d’un rapport au monde naturaliste autant qu’il l’entretient : en se considérant supérieur au sein de son écosystème, l’homme y tient une position centrale, et son impact sur son milieu le conforte dans l’affirmation de sa suprématie.</p>
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<p>Les Na’vis, à l’inverse, entretiennent un rapport d’humilité face à la faune et la flore qui les entourent. Dans <em>Avatar 2</em>, cette vision du monde s’incarne dans la relation des Metkayinas et des Tulkuns, une espèce similaire à nos baleines dotée d’une intelligence et d’une culture qui dépassent celle des humains. Les membres de la tribu sont tous liés à un Tulkun par un lien fraternel. Ils vivent en harmonie avec cette espèce. Une menace pèse toutefois sur les Tulkuns : ils sont les proies des humains qui les tuent pour en extraire une substance qui interrompt le vieillissement humain. Lors d’une longue scène de chasse maritime, James Cameron montre toute l’ingéniosité humaine déployée pour tuer ces créatures ; les engins de combat triomphent sur le vivant, les intérêts humains priment et l’harmonie de cet écosystème est brisée.</p>
<p>Centrer le récit sur le point de vue des Na’vis permet par contraste à James Cameron de présenter l’humanité comme incapable d’un autre rapport au monde que sa domination – les scientifiques du premier épisode et leur curiosité bienveillante sont d’ailleurs quasiment absents de ce second opus. <em>Avatar 2</em> affirme ainsi une position face à l’anthropocène : il rejette le sacre de l’humain en tant qu’entité supérieure au sein d’un écosystème.</p>
<h2>Le règne de la technique</h2>
<p>Les Na’vis, la faune et la flore de Pandora ne cessent de rappeler aux humains leur faible condition : tout y est dangereux pour l’homme, jusqu’à l’atmosphère qu’il ne peut respirer. Dans cet environnement, sans ses machines, il n’est rien.</p>
<p>Dans ce nouvel opus, le débarquement humain sur Pandora montre que l’homme s’efface dans ses machines. Après l’atterrissage destructeur des vaisseaux – plusieurs hectares de forêt brûlent à cause de leurs rétrofusées –, ce ne sont pas des humains qui en sortent, mais des robots et de gigantesques bulldozers.</p>
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<span class="caption">Cameron met en scène le règne destructeur des machines et de la technologie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Allociné</span></span>
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<p>Rien de nouveau pour les spectateurs du premier opus qui retrouvent ces engins, mais sous un jour inquiétant : ils sortent dans les flammes et leurs lumières éblouissantes font disparaître les pilotes dans leurs robots de combat. Ce ne sont plus les humains qui envahissent Pandora, mais bien des machines.</p>
<p>Le concept d’anthropocène est lié au développement technique de l’humanité. En son cœur se cache l’idée que la Terre est un système qu’il est possible de contrôler, autrement dit une machine que nos compétences en ingénierie permettraient de maîtriser.</p>
<p>Pour <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/l-evenement-anthropocene-jean-baptiste-fressoz/9782021135008">Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz</a>, ce postulat est celui formulé par les premiers « anthropocènologues ». Ils défendent à travers ce concept l’hypothèse <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-ils-voulaient-refroidir-la-terre-160317">que la géoingénierie</a> – les techniques visant à manipuler l’environnement et le climat terrestre – est une solution aux problèmes écologiques. L’idée sous-jacente est simple : l’impact négatif de l’homme sur son environnement prouverait qu’il a désormais les capacités de le réparer.</p>
<p>Cette conception induit un lien fort entre l’homme et les machines, elle suppose que grâce à elles l’homme peut contrôler son milieu. <em>Avatar 2</em>, plus encore que le premier, présente sous un jour négatif ce lien à travers ses images et son récit : il est présenté comme contraignant et destructeur, il s’impose à l’homme pour sa survie et il dévaste son environnement.</p>
<p>Cette portée critique demeure ambiguë pour un film qui est une débauche de technique visuelle, comme l’était le premier volet. James Cameron est <a href="https://www.journaldugeek.com/dossier/james-cameron-et-avatar-2-vont-ils-sauver-la-3d/">féru de nouvelles technologies</a>. <em>Avatar 2</em> ne suppose donc pas que la technique est mauvaise, mais il donne à voir l’inhumanité des machines lorsqu’elles sont employées dans un but de contrôle et de domination. Les humains sont absorbés dans les machines avec lesquelles ils commettent des actes cruels. Si l’anthropocène est le règne de la technique, alors <em>Avatar</em> tient à montrer les dangers et la déshumanisation qu’entraîne une domination technique du monde.</p>
<h2>Des enjeux futurs, pour la franchise comme pour l’humanité</h2>
<p>L’anthropocène, au-delà de sa dimension géologique, politique ou mythique, reste avant tout une « métaphore obsédante d’une angoisse » (<a href="https://www.fabula.org:443/lht/27/cavallin.html">Jean-Christophe Cavallin</a>), celle de voir les conditions de vie sur Terre se dégrader inexorablement. <em>Avatar 2</em> en montre une nouvelle forme.</p>
<p>Dans le premier volet, la conquête de Pandora avait pour objectif d’extraire un minerai permettant de régler une crise énergétique sur Terre. Le second volet expose un nouvel enjeu : Pandora doit être colonisée car « la Terre meurt » et l’humanité a besoin d’un nouveau foyer. Pour autant, l’intrigue centrée sur la vengeance de Quaritch évacue cette problématique. Le sort des terriens reste en suspens, mais les suites s’attarderont sans doute sur ces enjeux.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/503246/original/file-20230105-20-bz2amz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503246/original/file-20230105-20-bz2amz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503246/original/file-20230105-20-bz2amz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503246/original/file-20230105-20-bz2amz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503246/original/file-20230105-20-bz2amz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503246/original/file-20230105-20-bz2amz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503246/original/file-20230105-20-bz2amz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’anthropocène correspond à une logique de domination des humains sur la nature.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Allociné</span></span>
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<p>Espérons qu’ils sauront s’accommoder à ceux des Na’vis, puisque la force de la franchise <em>Avatar</em> est d’adopter le point de vue du peuple dominé et de légitimer ses actes, <a href="https://www.ecranlarge.com/films/news/1459849-avatar-2-ou-le-blockbuster-gauchiste-supreme">chose rare dans l’industrie hollywoodienne</a>.</p>
<p>Pour le moment, en effet, les antagonistes sont des militaires et des industriels véreux. Qu’en sera-t-il lorsque des terriens, aux intentions moins belliqueuses, arriveront sur Pandora en quête d’un refuge ? Le film osera-t-il présenter l’ensemble de l’humanité sous un jour négatif ?</p>
<p>Les réflexions éthiques, écologiques et politiques autour de la colonisation spatiale sont d’actualité ; les suites d’<em>Avatar</em>, sur ce sujet, promettent d’être intéressantes. Elles ne manqueront pas également d’exposer de nouveaux liens aux angoisses et espoirs écologiques de notre temps, et ouvriront de nouvelles pistes de réflexion pour l’analyse de ce qui s’impose d’ores et déjà comme une franchise de l’anthropocène.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197126/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gatien Gambin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les Na’vis entretiennent un rapport d’humilité face à la faune et la flore qui les entourent.Gatien Gambin, Doctorant en Études Culturelles et Littérature Comparée, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1963222023-01-05T19:24:11Z2023-01-05T19:24:11ZComment je suis entré « en zone critique » avec le philosophe Bruno Latour<p>Fin octobre 2022, quelque part sur la côte nord de la Bretagne. Le T-shirt est encore de mise pour cette 5<sup>e</sup> phase de canicule depuis le mois du juin. Cette canicule, forte et longue, accompagnée de gigantesques incendies, nous frappe par son caractère inédit. Mais c’est bien cet « inconnu » qui va devenir notre quotidien, et certainement plus tôt que prévu.</p>
<p>Une équipe de scientifiques a récemment annoncé avoir « mieux » contraint les modèles du GIEC pour la France ; résultat, une augmentation de <a href="https://esd.copernicus.org/articles/13/1397/2022/esd-13-1397-2022.html">50 % pour les températures futures…</a>.</p>
<p>En tant qu’enseignant des sciences de l’environnement et en tant que chercheur travaillant sur l’impact du changement climatique sur la ressource en eau, je connais les mécanismes derrière ce processus et j’assiste, impuissant, à l’inaction des États. Pendant des années, je me suis interrogé, jusqu’au vertige : quel est mon rôle en tant « qu’expert » ? Que dois-je faire ? Comment comprendre le décalage entre nos connaissances et nos actions ?</p>
<p>Pour sortir de ce vertige, retrouver une place dans ce monde en mouvement, j’ai été accompagné par <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/106738-001-A/entretiens-avec-bruno-latour-1/">le philosophe Bruno Latour</a> – disparu le 9 octobre 2022 –, sa pensée et ses textes.</p>
<h2>Observateur des observatoires de la zone critique</h2>
<p>S’il est un objet auquel Bruno Latour s’est particulièrement intéressé ces dernières années, c’est bien celui des « observatoires de la zone critique ». Mais cette zone, à quoi correspond-elle ?</p>
<p>La Terre solide a un rayon de plus de 7000 km ; elle est entourée d’une atmosphère d’environ 700 km. Mais, au sein de cet ensemble, si l’on se focalise sur ce qui bouge (l’essentiel des nuages, l’eau au-dessus, sur et sous terre, et la vie qui participe intimement et activement de ces mouvements), on définit une zone d’une épaisseur de quelques kilomètres seulement.</p>
<p>Ce n’est pas une peau d’orange, ni même une coquille d’œuf, c’est à peine une couche de vernis. Mais c’est ici, dans cette infime pellicule que l’on trouve la biosphère, toutes les activités humaines, toutes les ressources dont nous avons besoin et aussi tous les polluants que nous produisons.</p>
<p>Bienvenue dans la zone critique ! Cette notion souligne la fragilité de notre monde humain et biologique, et montre comment humanité et nature sont conjointes et intimement mêlées.</p>
<p><a href="https://doi-org.insu.bib.cnrs.fr/10.2113/gselements.3.5.307">Définie par les scientifiques dans les années 2000</a>, elle a donné lieu à une forme particulière d’étude où toutes les disciplines (géologie, hydrologie, écologie, sciences sociales et humaines) se rapprochent pour regarder conjointement un même objet et l’appréhender dans toute sa complexité.</p>
<p>Rassemblés au sein d’observatoires qui s’intéressent à des zones particulières, les chercheuses et chercheurs se posent de nouvelles questions, qui dépassent les frontières de leur discipline : d’où vient l’eau qui coule et comment cette source est-elle perçue par les habitants ? Comment les lois, les normes et les décisions qui régulent nos activités impactent-elles les écosystèmes et notre santé ?</p>
<p>Bruno Latour a observé finement ces observatoires. Dans toutes ces zones critiques étudiées, impossible de séparer les lois physiques, chimiques… du monde naturel. Impossible de séparer ce qu’on pensait contrôler et modéliser des lois du monde mal connu et incontrôlé du vivant, de leurs représentations et interactions sociales ou politiques. Impossible de se tenir à distance des écosystèmes, des enjeux et des débats.</p>
<p>Cette intrication, ce monde de « composition » qui s’oppose à notre monde de domination, Bruno Latour l’a détaillée dans son ouvrage <em><a href="https://www.editionsladecouverte.fr/nous_n_avons_jamais_ete_modernes-9782707148490">Nous n’avons jamais été modernes</a></em>.</p>
<h2>Quelle place pour les scientifiques ?</h2>
<p>Travailler au sein de la zone critique a modifié ma façon d’envisager mon travail en tant que scientifique – dont j’ai longtemps pensé qu’il consistait à produire des données, éventuellement des avis étayés, mais qu’il s’arrêtait là où commençait celui du politique, la personne aux choix « éclairés ».</p>
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<p>Au sein de la zone critique, la science est l’objet d’hypothèses, de choix de modèles, d’orientation des questions posées qui sont déjà politiques. Qu’on le veuille ou non, le scientifique qui travaille comme moi sur la ressource en eau est ainsi impliqué dans cet enchevêtrement de liens.</p>
<p>Son objet de recherche devient un objet « hybride », où les données et les modèles scientifiques sont aussi en soi un argument politique. Vouloir le nier et rester en dehors de l’arène politique est déjà une position politique !</p>
<h2>Des modèles, pour quoi faire ?</h2>
<p>Bruno Latour s’est intéressé de près à la <a href="https://doi-org.insu.bib.cnrs.fr/10.1038/461472a">notion de « limites planétaires »</a> développée par Johan Rosckstrom, le directeur du Sotckholm Resilience Center, en soulignant que notre monde n’était pas assez grand pour qu’on y vive tous ensemble avec le niveau de vie d’un Européen et à fortiori d’un Américain du Nord ou des classes ultra-riches de pays plus pauvres. Une partie de la population mondiale aurait ainsi « déserté » le monde, vivant sans limites là où l’urgence climatique et environnementale ne semble pas exister.</p>
<p>Dans ce contexte, il lui semblait fondamental de revenir à une définition du sol, à l’opposé d’une vision nationaliste. Pour ce faire, il avait développé ces dernières années des cahiers de doléance, avec l’objectif de permettre aux « terrestres » de reprendre pied sur leur territoire et d’en définir les contours, ce qui leur était essentiel.</p>
<p>C’est dans ce même processus que nous essayons, avec mes collègues, de prendre en compte les différents acteurs, que nous nous efforçons d’aller à leur rencontre. Et c’est à partir de toutes ces questions, de ces connaissances, que nous construisons les outils scientifiques (pour ce qui nous concerne, des modèles hydrologiques). Plutôt que d’élaborer des outils complexes, précis mais figés, nous en construisons de plus simples, plus souples, dans l’objectif de pouvoir s’adapter facilement aux demandes, aux questions, aux scénarios imaginés.</p>
<p>Par exemple, pour simuler pour un territoire donné l’impact du changement climatique dans le futur, nous choisissons de simplifier certains aspects physiques du milieu afin de pouvoir changer facilement les scénarios des pratiques agricoles, de l’évolution du paysage. On peut ainsi analyser les données économiques ou sociales qui résultent des scénarios établis avec les acteurs.</p>
<p>Le modèle n’est plus un outil d’expert, mais un outil de dialogue, un petit « parlement des choses » pour reprendre les mots de Latour dans <em><a href="https://www.editionsladecouverte.fr/politiques_de_la_nature-9782707142191">Politiques de la nature</a></em> (2004) ; ici, il s’agit de « rendre visibles les imbroglios des hybrides, des réseaux, des interactions… » (<em><a href="http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Habiter_la_Terre-716-1-1-0-1.html">Habiter la terre</a></em>, 2022).</p>
<p>Ce parlement devient le laboratoire où l’on peut explorer progressivement, par itération, les solutions durables à mettre en place.</p>
<h2>« Où atterrir ? »</h2>
<p>Longtemps j’ai été un expert non politisé, qui pouvait indiquer la pertinence ou la nécessité de prendre certaines mesures. Longtemps, j’ai aussi été, en parallèle de mon métier de chercheur, un militant engagé dans des actions en faveur de la transition écologique.</p>
<p>En acceptant les différentes dimensions – sociales, hydrologiques, écologiques – des systèmes, en reconnaissant les différentes parties prenantes, les conflits, les freins, j’ai pu construire une démarche scientifique de reconnaissance du territoire et de ses habitants.</p>
<p>J’ai compris que mon travail et mon engagement étaient liés dans la recherche d’un monde <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/ou_atterrir_-9782707197009">« où atterrir »</a>, pour reprendre une récente image de Latour. Autant de choses qui me conduisent à militer pour une transformation profonde des logiques de nos gouvernances.</p>
<p>Ce cheminement a également transformé ma pratique d’enseignant. Il me semble aujourd’hui essentiel d’apprendre à mes étudiants à devenir des acteurs autonomes des transitions à construire. Pour cela, il est sain qu’ils puissent se révolter, ne pas accepter les technologies qui promettent de nous sauver ni les puissances d’agir d’un monde financiarisé.</p>
<p>Il s’agit, pour reprendre à nouveau les mots de Bruno Latour, « d’inverser l’Université » (<em><a href="http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Habiter_la_Terre-716-1-1-0-1.html">Habiter la Terre</a></em>), vers ceux qui sont les victimes du changement climatique et des crises environnementales, vers les savoirs non académiques et les démarches artistiques dont nous aurons besoin pour sortir des logiques matérialistes.</p>
<p>Dans les années 1990, je travaillais, sans le savoir sur la zone critique. Depuis, je suis entré en zone critique, comme on entre en contact, en jeu, en résonance, en médiation… En zone critique avec Bruno Latour.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196322/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Aquilina a reçu des financements de Fondation Rennes 1 et de collectivités territoriales pour des projets de recherche sur les ressources en eau.</span></em></p>Les travaux et expérimentations du philosophe français récemment disparu ont influencé les approches et pratiques de nombreux enseignants-chercheurs.Luc Aquilina, Professeur en sciences de l’environnement, Université de Rennes 1 - Université de RennesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1935682022-11-11T17:13:37Z2022-11-11T17:13:37ZSortir du capitalisme, condition nécessaire mais non suffisante face à la crise écologique<p><em>Alors que les impératifs de sobriété et de décarbonation se font de plus en plus pressants, les pays restent dans leur immense majorité extrêmement dépendants des ressources fossiles, dont la combustion à l’échelle mondiale aggrave et accélère la crise climatique. Dans « L’Emballement du monde », <a href="https://ecosociete.org/livres/l-emballement-du-monde">qui vient de paraître aux éditions Écosociété</a>, l’ingénieur et économiste Victor Court propose d’explorer les liens historiques entre énergie et domination au sein des sociétés humaines. L’extrait que nous vous proposons ci-dessous se consacre plus particulièrement à l’examen critique du concept de « Capitalocène », proposé par le chercheur et militant suédois Andreas Malm, pour identifier les responsables du réchauffement climatique.</em></p>
<hr>
<p><a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-science-a-comme-anthropocene-146440">Le concept d’Anthropocène</a> suggère que toutes les actions humaines peuvent être instantanément subsumées sous une activité globale dont l’empreinte affecte la biogéosphère. Il fabrique ainsi une humanité abstraite, aussi uniformément concernée que responsable.</p>
<p>Ce grand discours est problématique, car, s’il est certain que tous les humains vont subir les conséquences du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité (dans des proportions très différentes cependant), il est impossible au regard de l’histoire d’affirmer que tous les membres de l’humanité partagent le même degré de responsabilité dans ce désastre.</p>
<p>Un Nord-Américain ne peut pas être aussi responsable des bouleversements du système Terre qu’un Kenyan qui consomme en moyenne 30 fois moins de matières premières et d’énergie que lui.</p>
<p>C’est principalement en raison de cette défaillance conceptuelle qu’<a href="https://lafabrique.fr/lanthropocene-contre-lhistoire/">Andreas Malm</a> a proposé, l’un des premiers, la notion de « Capitalocène » comme solution de remplacement.</p>
<p>L’humanité évoluerait dans cette époque depuis environ 200 ans, au moment de la mise en place du capital fossile – un système défini par Malm, rappelons-le, comme « la production de valeur d’échange et la maximisation des profits au moyen de l’énergie fossile ».</p>
<p>Bien qu’elle soit très enrichissante sur le plan intellectuel, cette idée n’est pas non plus exempte de défauts.</p>
<h2>L’avènement du capitalisme fossile</h2>
<p>Tout d’abord, si le concept de Capitalocène sert à désigner une nouvelle époque géologique qui aurait commencé avec la révolution industrielle, alors il souffre d’un problème de dénomination, car le capitalisme ne désigne pas un mode d’organisation économique que l’on peut restreindre aux 200 dernières années. […]</p>
<p>Il a existé en Europe un capitalisme marchand que l’on peut qualifier de « <a href="https://www.cairn.info/une-histoire-du-monde-global--9782361060299-page-231.htm">concentré</a> » à partir du XII<sup>e</sup> siècle environ. De plus, les premiers indices d’acquisition de terres par quelques riches familles datent du milieu du III<sup>e</sup> millénaire avant l’ère commune à Sumer, tandis que la propriété privée lucrative – concept qui fonde probablement plus que tout autre la notion de capitalisme – est avérée depuis les Romains.</p>
<p>Comme le synthétise l’archéologue <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/une_histoire_des_civilisations-9782707188786">Dominique Garcia</a> :</p>
<blockquote>
<p>« L’accumulation du capital couplée à la recherche de profit s’est d’abord développée avec l’appareil d’État et les institutions des palais et des temples. » […]</p>
</blockquote>
<p>La question de l’origine antique ou médiévale du capitalisme est très complexe, et il n’est pas question ici de tenter d’y répondre convenablement. Malgré tout, il faut admettre que le capitalisme marchand du second Moyen Âge et du début de la période moderne a été suivi à partir du XIX<sup>e</sup> siècle par un capitalisme fossile, auquel on peut d’abord ajouter le qualificatif d’« industriel », mais qui serait peut-être mieux désigné aujourd’hui par le terme « financier » – même si l’industrie reste forcément le soubassement sur lequel la finance et les services s’appuient pour activer leurs processus d’accumulation du capital.</p>
<p>Il est même clair qu’à partir du XVI<sup>e</sup> siècle, le capitalisme marchand a préparé le terrain pour que le capitalisme industriel s’exprime pleinement par la suite, notamment par le biais du système colonial des plantations esclavagistes.</p>
<p>En effet, nous disent <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/l-evenement-anthropocene-jean-baptiste-fressoz/9782757859599">Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz</a> :</p>
<blockquote>
<p>« L’Anthropocène n’est pas sorti tout armé du cerveau de James Watt, de la machine à vapeur et du charbon, mais d’un long processus de mise en relation économique du monde, d’exploitation des hommes et du globe, remontant au XVI<sup>e</sup> siècle et qui a rendu possible l’industrialisation. »</p>
</blockquote>
<p>La dénomination de Capitalocène n’est donc pas adaptée pour désigner les 200 dernières années du capitalisme fossile, comme Andreas Malm et d’autres souhaitent le faire. Si Capitalocène il y a, celui-ci remonte au XVI<sup>e</sup> siècle, voire au début du second Moyen Âge (XII<sup>e</sup> siècle), et peut-être même à l’Antiquité dans des formes plus diffuses.</p>
<h2>Des régimes non capitalistes extrêmement extractivistes</h2>
<p>Ensuite, le terme Capitalocène tend à évincer un fait majeur du XX<sup>e</sup> siècle, à savoir que des régimes non capitalistes – ou en tout cas n’autorisant pas la propriété privée – ont été extrêmement extractivistes et polluants. Tout comme les sociétés capitalistes, ces régimes d’inspiration socialiste prenant la forme de collectivismes bureaucratiques et totalitaires ont massivement eu recours aux énergies fossiles, tout en engendrant des désastres écologiques comparables à ceux du capitalisme occidental.</p>
<p>Partant de ce constat, le philosophe <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_age_productiviste-9782707198921">Serge Audier</a> écrit :</p>
<blockquote>
<p>« Si l’on décidait de parler de « capitalocène », peut-être faudrait-il alors se résoudre à parler également, en un certain sens, de « socialocène » et surtout de « communistocène », ce que curieusement personne ne se risque à faire. Aussi pénible que soit la reconnaissance du rôle majeur joué dans la crise écologique non seulement par les régimes communistes, mais aussi, beaucoup plus largement, par le socialisme et la gauche dans leur axe majoritaire, cette responsabilité historique doit être pleinement assumée. »</p>
</blockquote>
<p>Andreas Malm reconnaît cette objection et il propose d’ailleurs de désigner par « stalinisme fossile » ce type de système économique qui se définit par « la maximisation du pouvoir bureaucratique au moyen des combustibles fossiles ». Pour autant, Malm ne conclut pas que cette réalité invalide sa proposition d’utiliser le concept de Capitalocène pour désigner l’époque où l’humanité est devenue une force agissante d’ampleur tellurique.</p>
<p>Ses arguments consistent à dire que « chronologiquement, causalement, historiquement, le lien entre l’économie fossile et le capitalisme semble plus étroit » et que « surtout, le stalinisme est mort ».</p>
<p>Certes, le stalinisme n’est plus, et allons même jusqu’à admettre l’intensité moindre de son lien avec l’énergie fossile par rapport au capitalisme (hypothèse hautement contestable qu’il s’agirait de démontrer). Cela n’enlève strictement rien au problème : il a existé des économies fossiles ne reposant pas sur le capitalisme (de propriété privée) au XX<sup>e</sup> siècle, et il faut reconnaître que les doctrines socialistes et communistes ne se sont réellement souciées des contraintes écologiques qu’assez récemment.</p>
<p>Ceci renforce l’idée que le concept de Capitalocène est inadapté pour correctement qualifier la période pendant laquelle les activités humaines ont fait sortir la Terre de l’Holocène.</p>
<h2>Un jour, la fin de l’accumulation infinie ?</h2>
<p>En plus de son incapacité à capter la réalité du passé, le concept de Capitalocène pourrait être aussi inopérant dans le futur.</p>
<p>Même s’il est difficile de le définir, le capitalisme a bien eu un début et par extension il est fort probable qu’il aura une fin – même s’il nous paraît parfois <a href="https://newleftreview.org/issues/ii21/articles/fredric-jameson-future-city">plus facile d’imaginer la fin du monde que celle du capitalisme</a>.</p>
<p>En vérité, on peut être absolument certain que la fin du capitalisme arrivera un jour pour une raison très simple : dans un monde où les limites physiques sont par définition finies, l’accumulation infinie du capital est logiquement impossible […].</p>
<p>Cette fin du capitalisme ne correspondra sûrement pas à une chute brutale. Comme son origine, elle sera issue d’un long processus qui impliquera qu’au bout d’un moment, à force de mutations, le mot « capitalisme » recouvrira une réalité trop différente pour que les politologues et les économistes continuent d’utiliser cette notion.</p>
<p>Dans ce futur hypothétique, les humains vivront peut-être dans des sociétés non capitalistes, mais en soi cela n’implique pas automatiquement que les activités humaines ne perturberont plus l’environnement à une échelle planétaire. Dans un monde où la propriété (privée ou étatique) aurait disparu – ou en tout cas ne serait plus une source de domination et d’exploitation comme aujourd’hui –, il faudrait encore parvenir à empêcher la mise en place d’autres formes d’accaparement sauvage de l’énergie et des matières premières pour que les humains ne poursuivent pas leur entreprise de destruction massive de la biogéosphère.</p>
<h2>L’hypothèse d’un communisme réel</h2>
<p>Plutôt que de réfléchir à cette question par un voyage dans le futur, tentons de voyager dans le passé. Imaginons qu’à partir du XVI<sup>e</sup> siècle, le monde ait emprunté une trajectoire différente.</p>
<p>Au lieu de prendre la voie du capitalisme moderne en allant exploiter les Amériques et l’Afrique, l’Europe aurait choisi celle d’un communisme réel – donc très loin des expériences soviétiques et chinoises de collectivisme d’État que nous avons connues au XX<sup>e</sup> siècle. On parle ici d’un communisme libertaire tel que celui imaginé par <a href="https://wildproject.org/livres/l-ecologie-sociale">Murray Bookchin</a> dans les années 1970-80, ou plus récemment par <a href="https://ladispute.fr/catalogue/en-travail-conversation-sur-le-communisme/">Bernard Friot et Frédéric Lordon</a>. On pourrait aussi évoquer l’écosocialisme d’<a href="https://www.seuil.com/ouvrage/leur-ecologie-et-la-notre-andre-gorz/9782021451863">André Gorz</a> et d’<a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-convivialite-ivan-illich/9782757842119">Ivan Illich</a>.</p>
<p>Maintenant, quels arguments peut-on avancer pour établir que, dans ce genre de configuration, les combustibles fossiles n’auraient pas été exploités ? Bien sûr, les penseurs que nous venons de citer ont justement formulé leurs propositions pour nous aider à sortir des combustibles fossiles – et plus largement à rester à l’intérieur des limites du système Terre.</p>
<p>Mais est-on certain que ces intellectuels auraient fait preuve du même égard pour le climat et la biodiversité s’ils avaient vécu au XVIII<sup>e</sup> ou au XIX<sup>e</sup> siècle ? Et en dehors de ces individus, en quoi les sociétés dans leur ensemble auraient-elles été mieux positionnées pour choisir délibérément de renoncer à l’abondance matérielle associée à la manne fossile ? Honnêtement, on ne voit pas bien comment élaborer un argumentaire convaincant.</p>
<p>Tout au plus peut-on imaginer que les ressources fossiles auraient été exploitées un peu moins frénétiquement, et sûrement aussi avec plus d’équité. Mais on peut penser que le résultat en matière de déstabilisation du système Terre aurait été <em>grosso modo</em> le même, le désastre environnemental que nous connaissons aujourd’hui serait seulement arrivé un peu plus tard.</p>
<p>Ainsi, si on peut être certain de la nature intrinsèquement destructrice du capitalisme – et qu’en cela les souhaits de développement durable, de croissance verte et d’économie circulaire s’inscrivant dans ce cadre ne pourront jamais être autre chose que de vaines incantations –, rien ne dit qu’une économie non capitaliste conduirait automatiquement à une société plus soutenable.</p>
<h2>Exploitation, accaparement, pillage</h2>
<p>Mettre le capitalisme à l’arrêt est donc une condition nécessaire, mais non suffisante pour instaurer un vivre humain qui demeurerait à l’intérieur des limites du système Terre. Si les géologues du présent entérinent finalement la sortie de l’Holocène et nomment Capitalocène l’époque géologique actuelle, ceux du futur se retrouveront dans une situation très embarrassante si le capitalisme vient à disparaître, mais qu’en même temps les humains maintiennent leur emprise destructrice sur la planète.</p>
<p>Enfin, comme le concept d’Anthropocène, celui de Capitalocène entraîne un problème d’identification des responsabilités.</p>
<p>Il pourrait tout d’abord laisser penser à certains que les capitalistes – c’est-à-dire les détenteurs des moyens de production – sont les seuls coupables. Nul doute que par le pouvoir et la richesse qu’ils détiennent, certains capitalistes, sinon la plupart, sont individuellement responsables d’un grand nombre d’actions néfastes pour l’humanité.</p>
<p>La réalité est tout de même plus complexe […], et chaque individu peut comprendre qu’il participe lui aussi à la perpétuation du capitalisme fossile, ne serait-ce que par ses choix de consommation – ou plutôt par son non-choix de changer radicalement son mode de vie –, sans oublier bien sûr la responsabilité énorme qui revient aux dirigeants politiques à cause de leur inaction. […]</p>
<p>C’est bien parce que tous ces acteurs sont interconnectés aux processus de production et de consommation – très souvent au travers de relations antagonistes – que nous avons tant de mal à renoncer aux énergies fossiles.</p>
<p>Mais quoi qu’il en soit, avec le concept de Capitalocène, ce que Malm et d’autres penseurs souhaitent désigner comme le vrai responsable des maux de l’humanité correspond plutôt au capital, c’est-à-dire le rapport social d’exploitation qui existe entre les capitalistes et les travailleurs ne détenant pas les moyens de production.</p>
<p>La source de la propension destructrice de certaines sociétés humaines – dans lesquelles se trouve la quasi-totalité de l’humanité aujourd’hui – se situerait donc non pas dans le fait qu’il existe des capitalistes en tant que tels, mais dans le fait que ces derniers – comme d’autres avant eux – sont en mesure d’exploiter leurs semblables, notamment en rétribuant leur force de travail à une valeur inférieure à celle produite réellement par ce travail, afin de créer une plus-value qu’ils peuvent accaparer.</p>
<p>En fin de compte, la logique du capital renvoie à un phénomène plus large que chacun peut observer dans l’histoire et surtout dans sa vie quotidienne : l’existence protéiforme et omniprésente de relations de domination entre les individus […]. Et l’existence d’une domination institutionnalisée qui traverse la totalité de la société n’est pas une exclusivité des 200 à 300 dernières années.</p>
<p>[…]</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/494752/original/file-20221110-16-vihmxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/494752/original/file-20221110-16-vihmxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494752/original/file-20221110-16-vihmxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=896&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494752/original/file-20221110-16-vihmxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=896&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494752/original/file-20221110-16-vihmxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=896&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494752/original/file-20221110-16-vihmxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1126&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494752/original/file-20221110-16-vihmxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1126&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494752/original/file-20221110-16-vihmxh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1126&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« L’Emballement du monde » est paru aux éditions Écosociété le 10 novembre 2022.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Finalement, malgré ses qualités indéniables, le concept de Capitalocène souffre d’insuffisances à la fois trop nombreuses et trop importantes pour être un substitut pertinent du concept d’Anthropocène. L’exploitation de la majorité par une minorité pour accaparer des surplus tout en pillant les ressources de la nature n’a pas attendu le capitalisme moderne pour exister.</p>
<p>Le capitalisme n’est donc pas en soi la cause ultime de la destruction de notre environnement global, même s’il faut reconnaître qu’il fait preuve d’une efficacité redoutable dans ce domaine, en particulier depuis qu’il est basé sur l’énergie fossile. </p>
<p>[…]</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193568/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Victor Court est membre de la chaire « Énergie & Prospérité » et chercheur associé au Laboratoire Interdisciplinaire des Energies de Demain (LIED, Université Paris Cité). Les opinions exprimées dans ces pages n’engagent que leur auteur, elles ne reflètent en aucun cas le point de vue des institutions auxquelles il est affilié.</span></em></p>Peut-on vraiment dire que le capitalisme industriel des 200 dernières années est le responsable du réchauffement climatique ?Victor Court, Enseignant-chercheur en économie à IFP School, IFP Énergies nouvelles Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1914472022-10-13T19:12:19Z2022-10-13T19:12:19ZSécheresses en Afrique et réchauffement climatique : attention aux raccourcis !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/489561/original/file-20221013-14-tn5yq2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=25%2C18%2C4198%2C2767&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Éleveur Masaï en Tanzanie.</span> <span class="attribution"><span class="source">Christian Levêque, IRD</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>L’été 2022 a été marqué par des extrêmes climatiques qui ont touché le monde entier. La Corne de l’Afrique (Éthiopie, Kenya, Somalie) connaît <a href="https://information.tv5monde.com/afrique/secheresse-22-millions-de-personnes-installees-dans-la-corne-de-l-afrique-vont-souffrir-de">l’une des pires sécheresses</a> des quarante dernières années, avec des conséquences dramatiques pour <a href="https://www.care.org/fr/news-and-stories/press-releases/the-worsening-situation-in-the-horn-of-africa-requires-immediate-attention-and-action/">plus de 30 millions d’habitants qui souffrent de la faim</a>. Cette année est loin d’être isolée : sur les 50 dernières années, l’Afrique a enregistré un total de 1 695 aléas climatiques majeurs (principalement inondations, canicules et incendies, sécheresses) qui ont provoqué 731 747 morts et des pertes économiques de 38,5 milliards de dollars US (<a href="https://library.wmo.int/doc_num.php?explnum_id=10826">chiffres de l’Organisation météorologique mondiale</a>).</p>
<p>Si les sécheresses ne comptent que pour 16 % de ces aléas climatiques, elles sont responsables de plus d’un quart des pertes économiques et surtout de 95 % du total des décès.</p>
<p>Ces sécheresses vont-elles s’aggraver avec le réchauffement climatique d’origine anthropique ? On est tenté de l’affirmer, mais quelques réserves s’imposent car le lien entre sécheresse et réchauffement climatique est en effet plus complexe à établir que pour les autres aléas climatiques qui menacent la région.</p>
<h2>Il y a sécheresses et sécheresses</h2>
<p>On appelle sécheresse une période prolongée de déficit pluviométrique entraînant des pénuries en eau avec des répercussions négatives sur des populations, des écosystèmes ou des secteurs d’activités comme l’agriculture, le tourisme, le transport, et/ou l’énergie. On parle :</p>
<ul>
<li><p>De sécheresse météorologique définie par un déficit prolongé des précipitations ;</p></li>
<li><p>De sécheresse agricole ou écologique traduisant un stress hydrique des plantes et impacte la production agricole ou la santé de l’écosystème ;</p></li>
<li><p>De sécheresse hydrologique lorsque les réserves en eau deviennent elles-mêmes déficitaires, le débit des fleuves, le niveau des nappes, lacs et réservoirs diminuent à des niveaux très faibles suite à un déficit pluviométrique particulièrement long, ou une suite de périodes sèches ;</p></li>
<li><p>De sécheresse socio-économique lorsque la demande en eau pour les différents usages (domestiques, agriculture, tourisme, énergie) est largement supérieure à l’eau disponible.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/488096/original/file-20221004-1853-lnyi9t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/488096/original/file-20221004-1853-lnyi9t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/488096/original/file-20221004-1853-lnyi9t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/488096/original/file-20221004-1853-lnyi9t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/488096/original/file-20221004-1853-lnyi9t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/488096/original/file-20221004-1853-lnyi9t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/488096/original/file-20221004-1853-lnyi9t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Sol craquelé, Sahel.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Daina Rechner, IRD</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/">évolutions historiques et les scénarios futurs</a> des sécheresses diffèrent fortement selon le type de sécheresse que l’on considère. Ainsi, il existe peu de régions d’Afrique où l’on a pu observer une augmentation significative des sécheresses météorologiques depuis les années 1950 (à l’Ouest, au Centre et au Sud-Est du continent) tandis que presque tout le continent a connu des sécheresses écologiques et agronomiques plus sévères.</p>
<p>En revanche, une augmentation des sécheresses hydrologiques n’a pu être détectée qu’en Afrique de l’Ouest. Avec un réchauffement atteignant +2 °C et à plus forte raison +4 °C, toutes les catégories de sécheresses augmentent, en particulier les sécheresses écologiques et agronomiques dans le Nord et le Sud de l’Afrique, sous l’effet de la hausse des températures qui accroît la transpiration des plantes et agit sur l’évaporation et les canicules concomitantes aux sécheresses dégradant fortement la végétation.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/grande-muraille-verte-au-sahel-les-defis-de-la-prochaine-decennie-169177">Grande muraille verte au Sahel : les défis de la prochaine décennie</a>
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</em>
</p>
<hr>
<p>Néanmoins, il est possible qu’une partie des effets négatifs de ces sécheresses accrues sur la production végétale soit compensée par l’effet de l’augmentation des concentrations atmosphériques de CO<sub>2</sub>, entraînant une meilleure efficacité de l’utilisation de l’eau chez les plantes.</p>
<h2>Des disparités régionales importantes</h2>
<p>L’évolution des sécheresses en Afrique est loin d’être homogène. Avec un réchauffement atteignant +2 °C à +4 °C, les modèles climatiques simulent une aggravation importante des sécheresses en Afrique du Sud et en Afrique du Nord, et dans une moindre mesure en Afrique de l’Ouest (en particulier au Sénégal, en Gambie et en Mauritanie).</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Cette tendance n’est pas simulée en Afrique centrale ni dans la Corne de l’Afrique, régions dans lesquelles les sécheresses pourraient au contraire diminuer avec une élévation de la température globale de +2 °C ou +4 °C. La Corne de l’Afrique est pourtant une région au cœur des préoccupations pour avoir été frappée par des sécheresses meurtrières ces deux dernières années.</p>
<p>De fait, le Kenya, la Tanzanie et l’Ethiopie connaissent une diminution importante des longues pluies de mars à mai qui a débuté depuis les années 1980. Or, les modèles de climat simulent au contraire une augmentation de ces pluies de printemps dans la Corne de l’Afrique sous l’effet de l’augmentation des gaz à effet de serre. C’est ce que les climatologues ont appelé le <a href="https://doi.org/10.1088/1748-9326/ac8565">paradoxe de l’Afrique de l’Est</a>.</p>
<h2>La difficulté d’établir l’impact du réchauffement climatique sur les sécheresses récentes</h2>
<p>En juin 2021, le Sud de Madagascar était sévèrement touché par une <a href="https://news.un.org/fr/story/2021/12/1111402">sécheresse extrême</a> qui a fait souffrir de la faim plus d’un million de personnes. Le Programme Alimentaire Mondial (PAM) avait qualifié cette grave crise alimentaire de <a href="https://www.france24.com/fr/vid%C3%A9o/20211104-madagascar-la-premi%C3%A8re-famine-caus%C3%A9e-par-le-r%C3%A9chauffement-climatique-et-les-activit%C3%A9s-humaines">première famine due au réchauffement climatique provoqué par les activités humaines</a>. Ce message avait largement été relayé dans les médias et par le président malgache lors de la COP26 à Glasgow en novembre 2021.</p>
<p>Or, le lien entre le réchauffement climatique et cette sécheresse a été démenti par une <a href="https://www.worldweatherattribution.org/factors-other-than-climate-change-are-the-main-drivers-of-recent-food-insecurity-in-southern-madagascar/">récente étude d’attribution</a> qui a montré que l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre ne rendait pas plus probable la survenue d’une telle sécheresse. L’attribution des événements extrêmes, comme les sécheresses, est une discipline récente, basée sur l’observation et la modélisation du climat, qui cherche à connaître les causes de ces phénomènes. Elle connaît depuis quelques années un essor rapide dû à la fois à de nouvelles méthodologies, à de nouveaux modèles, à une plus grande capacité de calcul, mais aussi à une demande croissante du grand public et des décideurs souhaitant connaître la responsabilité du réchauffement climatique dans les événements extrêmes.</p>
<p>Le <a href="https://www.worldweatherattribution.org/">World Weather Attribution</a> est un réseau de scientifiques internationaux qui réalise un grand nombre d’études d’attribution portant sur les événements extrêmes les plus récents de par le monde (canicules, pluies intenses, vagues de froid, sécheresses, tempêtes). Sur les 17 canicules qui ont été étudiées depuis 2016, l’impact du réchauffement climatique sur la probabilité et l’intensité de l’événement a été systématiquement démontrée.</p>
<p>Le World Weather Attribution conclut également à la responsabilité du réchauffement climatique dans huit événements de pluies intenses sur les neuf événements analysés.</p>
<p>En revanche, le lien entre sécheresse (quel qu’en soit le type) et changement climatique est plus incertain, en particulier en Afrique. En effet, il n’a pas pu être établi dans la quasi-totalité des sécheresses récentes en Afrique (Corne de l’Afrique, Madagascar), à l’exception de celles survenues en Afrique du Sud.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Crâne de buffle" src="https://images.theconversation.com/files/486797/original/file-20220927-24-dzockg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3003%2C1994&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486797/original/file-20220927-24-dzockg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486797/original/file-20220927-24-dzockg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486797/original/file-20220927-24-dzockg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486797/original/file-20220927-24-dzockg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486797/original/file-20220927-24-dzockg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486797/original/file-20220927-24-dzockg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Crâne de buffle dans le parc Kruger, en Afrique du Sud.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/natural-skull-buffalo-kruger-national-park-169723967">Stefan Pircher/Shutterstock</a></span>
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<p>Dans cette région, une sécheresse persistante de plusieurs années a failli entraîner en 2018 le <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/jour-zero-les-grandes-villes-d-afrique-du-sud-face-a-la-penurie-d-eau-777066.html">« jour zéro » à Cape Town</a>, c’est-à-dire le jour où toutes les réserves en eau de la ville auront été épuisées. Il a ainsi pu être démontré que cette sécheresse a été rendue 5 à 6 fois plus probable par les émissions de gaz à effet de serre par la hausse des émissions et qu’un nouveau « jour zéro » aura 80 % de chance de se produire si les émissions continuent de croître.</p>
<h2>La nécessité de renforcer le réseau d’observation et la qualité des modèles</h2>
<p>Les difficultés à dégager des tendances fiables sur les sécheresses et à identifier l’impact des émissions de gaz à effet de serre sur la fréquence et l’amplitude de ces événements en Afrique sont largement induites par un réseau d’observation de faible qualité comparativement aux autres régions du monde.</p>
<p>En effet, l’observation régulière, sur le long terme, et bien répartie dans l’espace est la clé pour la surveillance et la compréhension de l’évolution du climat. Dans le système mondial de surveillance du climat, Global Climate Observing System Surface Network (GCOS GSN), le continent africain se démarque largement des autres en termes de qualité du réseau de mesures. Il ne compte en <a href="https://public.wmo.int/en/resources/library/2020-state-of-climate-services-report">2019 que 26 % de stations</a> qui répondent aux normes de l’Organisation météorologique mondiale, avec 35 % de stations non opérationnelles.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/486796/original/file-20220927-16-gddogd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486796/original/file-20220927-16-gddogd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486796/original/file-20220927-16-gddogd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486796/original/file-20220927-16-gddogd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486796/original/file-20220927-16-gddogd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486796/original/file-20220927-16-gddogd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486796/original/file-20220927-16-gddogd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Organisation météorologique mondiale</span></span>
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<p>Ce manque est souvent compensé par l’utilisation de la <a href="https://www.csf-desertification.org/dossier-csfd/surveiller-la-desertification-par-la-teledetection/">télédétection</a>. Celle-ci est indispensable pour un suivi de l’humidité du sol, de la végétation et des pluies, mais elle ne permet pas de remonter suffisamment loin dans le temps pour reconstruire des tendances historiques sur les événements extrêmes.</p>
<p>Du fait de cette donnée rare, mais aussi de la forte variabilité naturelle des précipitations en Afrique, il est en effet très difficile d’évaluer les performances des modèles de climat et à simuler l’évolution historique de ces sécheresses, ce qui rend les études d’attribution complexes, voire impossibles. En outre, les différents modèles de climat des <a href="https://public.wmo.int/fr/ressources/bulletin/l%E2%80%99apport-du-projet-de-comparaison-de-mod%C3%A8les-coupl%C3%A9s-%C3%A0-la-science-du-climat">exercices CMIP</a> sur l’évolution future des pluies dans de nombreuses régions d’Afrique font peu consensus. Une meilleure estimation de l’évolution des sécheresses sous l’effet du réchauffement climatique devra nécessairement passer par une amélioration du réseau d’observation et des modèles de climat.</p>
<h2>Une adaptation indispensable</h2>
<p>Même si le lien entre sécheresse et changement climatique en Afrique est loin d’être évident, le risque que fait peser une aggravation possible de la fréquence, de l’intensité et de l’extension des sécheresses est extrêmement élevé sur le continent. Ce risque se cumule avec les autres aléas avérés induits par le réchauffement d’origine anthropique qui menacent le continent comme les canicules, les pluies intenses et les inondations meurtrières.</p>
<p>Par exemple, au cours de l’année 2021, le Sahel a connu à la fois une sécheresse sévère au mois de juin-juillet – avec des répercussions dramatiques sur la sécurité alimentaire, déjà fragilisée par la hausse des prix et les problèmes sécuritaires – et des inondations importantes un mois plus tard en août. Les dégâts engendrés par ces aléas en cascade sont souvent amplifiés par les moyens limités pour y faire face. L’adaptation sera sans doute la clé pour la résilience du continent africain au climat d’aujourd’hui et demain et au cœur des débats de la <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/climat-l-afrique-fixe-sa-feuille-de-route-pour-la-cop27--28-08-2022-2487605_3826.php">COP27 qui aura lieu… en Afrique</a>.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 7 au 17 octobre 2022 en métropole et du 10 au 27 novembre 2022 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « Le changement climatique ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191447/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Sultan a reçu des financements de l'IRD, de l'UE, de l'ANR, du DFID, du CRDI, de l'AFD.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christine Raimond et Gilles Boulet ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Le lien entre réchauffement climatique et sécheresse existe, mais il est complexe à établir. Le réchauffement global de la planète peut en effet se manifester différemment en fonction des régions.Benjamin Sultan, Directeur de recherche au laboratoire ESPACE-DEV (Montpellier), Institut de recherche pour le développement (IRD)Christine Raimond, Directrice de recherche à l'UMR 8586 Prodig (Aubervilliers), Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Gilles Boulet, Chercheur IRD au Centre d'Études Spatiales de la Biosphère (CESBIO), Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1825262022-05-11T18:54:29Z2022-05-11T18:54:29ZLe tableau périodique des chimistes se confronte aux limites du système terre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/461503/original/file-20220505-15-3a90uw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=52%2C0%2C5056%2C3602&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Ce tableau périodique des éléments indique leur abondance, leur disponibilité future, et leur utilisation.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.euchems.eu/euchems-periodic-table/">European Chemical Society</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span></figcaption></figure><p>Le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Tableau_p%C3%A9riodique_des_%C3%A9l%C3%A9ments">tableau périodique des éléments chimiques</a> est une image imprimée dans la mémoire de la plupart d’entre nous. Vision immuable des salles de classe de chimie, on l’imagine aisément gravé dans le marbre pour l’éternité.</p>
<p>Pas du tout ! Depuis 2019 (et l’anniversaire des 150 ans de sa création par Dmitri Mendeleïev), le tableau périodique fait l’objet d’une évolution remarquable.</p>
<p>De statique et figé dans sa représentation classique un peu austère, le tableau devient dynamique, réussissant à intégrer l’aspect évolutif de la disponibilité des éléments, les impacts de leur utilisation, ou les enjeux géopolitiques qui les entourent.</p>
<h2>Une représentation visuelle…</h2>
<p>En 2019, la société européenne de chimie (EuChemS, pour European Chemical Society), représentant plus de 160 000 chimistes de 51 sociétés chimiques nationales et d’autres organisations liées à la chimie en Europe, décide de <a href="https://www.euchems.eu/euchems-periodic-table/">faire évoluer la représentation du tableau périodique</a>.</p>
<p>Pour cette occasion, elle décide de reprendre à son compte une modification de l’apparence du tableau proposée dans les années 1970. Au lieu d’être de simples rectangles de même taille, les cases prennent des bords arrondis, et une surface corrélée à l’abondance de chaque élément.</p>
<p>Puis, elle y ajoute une information codée par la couleur : verte, jaune, orange et rouge selon la criticité de la (sur-)utilisation vis-à-vis de la disponibilité… mais aussi, plus funeste, grise si l’élément est exploité dans des zones de conflits armés.</p>
<p>À titre d’exemple, on peut considérer le cas du cobalt (Co).</p>
<p>Cet élément est de <a href="https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/article/cobalt-transition-energetique-quels-risques-dapprovisionnements">plus en plus utilisé</a> dans la production et le stockage d’énergies renouvelables (comme les aimants des turbines des éoliennes) ou dans les batteries des véhicules électriques.</p>
<p>Les données actuelles montrent que 83 % des ressources en cobalt pourraient être consommées entre 2013 et 2050 selon le scénario le plus défavorable ; des <a href="https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/article/cobalt-transition-energetique-quels-risques-dapprovisionnements">scénarios</a> de mobilité soutenable abaissent ce chiffre à 62 %. Le cobalt a donc été classé en orange par l’EuChemS : « Menace croissante due à une utilisation accrue ».</p>
<p>En outre, on sait que ce métal est exploité très majoritairement en République Démocratique du Congo (70 % de la production minière en 2019) avec, notamment, des <a href="https://theconversation.com/dans-les-mines-du-congo-des-femmes-enceintes-et-des-enfants-vivent-dangereusement-164273">conditions de travail exécrables et qui incluent le travail des enfants</a>. En y ajoutant les conflits qui agitent le pays, la classification du cobalt pourrait donc évoluer pour se colorer en gris (minéral exploité dans des zones de conflit). Des réflexions sont en cours sur ce sujet à l’EuChemS.</p>
<h2>… et évolutive</h2>
<p>L’évolution du tableau continue. En 2021, l’EuChemS ajoute une <a href="https://www.euchems.eu/wp-content/uploads/2021/11/2111_Support_notes.pdf">nouvelle question à son analyse</a>, portant sur la durabilité des éléments. Le titre de son tableau périodique devient désormais « Les 90 éléments naturels qui composent notre monde : Combien en reste-t-il ? Y en a-t-il assez ? Est-ce durable ? »</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/461957/original/file-20220509-19-m9kf2e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Deux version du tableau (2019 et 2021). Un gros plan sur la case du carbone montre qu’elle passe du vert à un mélange vert/orange/gris" src="https://images.theconversation.com/files/461957/original/file-20220509-19-m9kf2e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/461957/original/file-20220509-19-m9kf2e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=283&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/461957/original/file-20220509-19-m9kf2e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=283&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/461957/original/file-20220509-19-m9kf2e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=283&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/461957/original/file-20220509-19-m9kf2e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=356&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/461957/original/file-20220509-19-m9kf2e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=356&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/461957/original/file-20220509-19-m9kf2e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=356&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Entre sa première version (2019) et sa seconde version (2021), le tableau a modifié ses critères d’évaluation en rajoutant la notion de durabilité.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.euchems.eu/euchems-periodic-table/">European Chemical Society</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En ajoutant la durabilité à la disponibilité, l’EuChemS manifeste une meilleure attention (ou moindre myopie…) à l’approvisionnement responsable dans la chimie, une science qui est aussi un maillon important de plusieurs chaînes de transformation et d’approvisionnement qui caractérisent notre monde.</p>
<p>Première cible de cette évolution 2021 du tableau périodique : le carbone. Jusqu’en 2019, son cas semblait réglé : le carbone est vert (offre abondante).</p>
<p>Évidemment, le carbone, c’est la vie ! Les plantes, les animaux, tous les êtres vivants sont basés sur leur ADN, qui est une molécule carbonée. Il n’est donc pas possible d’envisager la vie sans carbone.</p>
<p>Le tableau version 2019 tranche surtout la couleur du carbone sur son <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Carbon_cycle">bilan comptable</a>. Le carbone est quarante mille fois plus abondant dans la croûte terrestre (sous forme de composés inorganiques comme le calcaire) et deux fois plus abondant sous forme de composés précurseurs de carburants fossiles (tels le charbon, le gaz et le pétrole) que dans le vivant.</p>
<p>Et notre utilisation est (encore) bien en deçà des limites de disponibilités. Vert. Réglé.</p>
<p>Or, la combustion de ces ressources fossiles à base de carbone et le relargage subséquent de dioxyde de carbone (CO<sub>2</sub>) se produisent à une vitesse telle que les cycles naturels de fixation de CO<sub>2</sub> par les plantes (photosynthèse) et par dissolution aquatique (dans les océans) ne peuvent la soutenir. Ceci conduit à une accumulation dangereuse de CO<sub>2</sub> dans l’atmosphère, un fait majoritairement responsable du changement climatique anthropique que l’on vit aujourd’hui.</p>
<p>La verdure du carbone en prend alors un sérieux coup selon l’analyse 2021 de l’EuChemS : il y en a beaucoup (certes), mais son utilisation est-elle durable ?</p>
<p>À la suite d’une rencontre publique organisée par l’EuChemS en 2021 intitulée <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Ug4f2VDynxM">« L’élément Carbone : la clef d’une société durable »</a>, le carbone a été <a href="https://www.euchems.eu/wp-content/uploads/2021/11/211103Press-Release_Periodic-Table.pdf">reclassifié par l’EuChemS</a> de vert à tricolore. Il a ainsi été ajouté au vert de la disponibilité :</p>
<ul>
<li><p>Le rouge pour la menace substantielle que la forte utilisation de combustibles fossiles à base de carbone fait peser sur le climat. Malgré des efforts, la part de ces combustibles fossiles représente encore près de 80 % de la consommation énergétique mondiale.</p></li>
<li><p>Le gris, parce les combustibles fossiles sont à l’origine de nombreux conflits armés ou que les revenus du pétrole et autres ressources fossiles servent à financer des conflits armés. Le conflit en Ukraine et les atermoiements de l’Union européenne pour <a href="https://theconversation.com/embargo-total-ou-partiel-consommer-moins-quelles-solutions-pour-couper-dans-les-importations-gazieres-de-russie-178814">arrêter les importations de gaz russe</a> en sont l’exemple actuel le plus frappant.</p></li>
</ul>
<p>Ce nouveau code couleur triple (vert, rouge et gris) pour le carbone reflète maintenant plus correctement la position particulière de cet élément : sa place majeure comme source d’activités humaines à l’échelle planétaire, mais aussi les problématiques posées par son utilisation anthropique trop importante, qui conduit à des enjeux géostratégiques et à des conséquences environnementales inquiétantes.</p>
<h2>Vers une chimie plus responsable ?</h2>
<p>La réflexion sur ce tableau n’est certainement pas terminée. D’autres éléments stratégiques pour la transition environnementale, comme le lithium (utilisé pour les batteries) ou l’azote (à la base des engrais, et donc un élément clé dans l’alimentation mais aussi dans l’eutrophisation et la pollution atmosphérique), font actuellement l’objet d’une réflexion par les chimistes européens pour favoriser une pensée publique et collective sur les <a href="https://www.nature.com/articles/461472a.pdf">limites planétaires</a>.</p>
<p>L’objectif profond est d’amener plus d’éthique et de responsabilité dans les pratiques des chimistes et des ingénieures et ingénieurs chimistes, via une analyse qui prenne en compte la finitude des ressources planétaires, faisant écho à cette invitation de Andrew Revkin, citée par Peter Mahaffy dans ses réflexions sur le <a href="https://pubs.acs.org/doi/pdf/10.1021/ed5001922">rôle des chimistes à l’époque de l’anthropocène</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Considérez ceci : il y a deux milliards d’années, les cyanobactéries ont oxygéné l’atmosphère et ont puissamment perturbé la vie sur Terre… Mais elles ne le savaient pas. Nous sommes la première espèce à avoir une influence à l’échelle de la planète et à être conscientes de cette réalité. »</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/182526/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Xavier Carrier a reçu des financements publiques (Agence National de la Recherche, ANR) et privés (IFPEN, Saint-Gobain, Arcelor-Mittal) pour mener ses recherches. Il est membre de la SCF (Société Chimique de France). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Elsje Alessandra Quadrelli est membre de la Société Chimique de France, SCF. Ses recherches sont actuellement co-financées notamment par l'Agence Nationale de la Recherche ( ANR) et par des organismes de financement de la recherche en lien avec la Commission Européenne de l'UE.</span></em></p>Pour mieux prendre en compte la sur-exploitation des ressources terrestres, la société européenne de chimie a proposé une nouvelle présentation du fameux tableau périodique des éléments.Xavier Carrier, Professeur de chimie, Sorbonne UniversitéElsje Alessandra Quadrelli, Directrice de Recherche en chimie, Université Claude Bernard Lyon 1Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1783422022-03-06T17:07:11Z2022-03-06T17:07:11ZDemain, un secteur agricole porté par des entreprises « à mission » ?<p>Dans le <a href="https://univ-droit.fr/actualites-des-cours/82-cours/10544-droit-rural">droit rural français</a>, l’agriculture est définie comme une activité qui consiste à exploiter un cycle biologique animal ou végétal en vue de produire des denrées alimentaires.</p>
<p>Cette définition témoigne d’une vision industrielle et extractive de l’agriculture qui n’est plus adaptée aux enjeux contemporains.</p>
<p>Dans ce contexte, l’adoption d’un statut d’entreprise agricole « à mission » pourrait permettre aux agriculteurs de mieux répondre aux attentes sociétales et climatiques qui vont immanquablement s’imposer à eux.</p>
<h2>Atténuer les impacts agricoles négatifs</h2>
<p>Le secteur agricole constitue le point de convergence d’une multitude de transformations, difficiles à éluder.</p>
<p>Les problématiques climatiques et environnementales grandissantes vont pousser le monde agricole à mieux prendre en considération cet ensemble de biens communs que sont l’eau, l’air, les sols et la biodiversité.</p>
<p>En France, l’agriculture est à l’origine de <a href="https://theconversation.com/les-six-chantiers-prioritaires-pour-lavenir-de-lagriculture-francaise-175198">21 % des émissions françaises de gaz à effet de serre</a> sous forme de méthane CH4 (45 %), protoxyde d’azote N20 (42 %) et dioxyde de carbone CO<sub>2</sub> (13 %).</p>
<p>L’impact de certains produits phytosanitaires s’avère également néfaste pour la biodiversité, les insecticides en particulier. La vitalité des sols et la préservation des ressources en eau constituent d’autres enjeux clés du XXI<sup>e</sup> siècle pour le secteur agricole.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1498986141512523781"}"></div></p>
<h2>A l’ère de l’anthropocène</h2>
<p>Le secteur agricole se doit ainsi d’atténuer ses impacts négatifs, une nécessité bien comprise par la profession agricole qui a fait des <a href="https://www.quae.com/produit/1721/9782759233113/zero-pesticide">efforts considérables</a> ces vingt dernières années.</p>
<p>Mais il faudra davantage que cette atténuation pour préparer l’agriculture française au nouveau régime climatique qui s’installe. Nous vivons une gigantesque transformation des équilibres du système Terre, qui signe notre entrée dans l’ère de l’anthropocène et engendre des <a href="https://www.editionsbdl.com/produit/refonder-lagriculture-a-lheure-de-lanthropocene/">conséquences très importantes et irréversibles pour l’agriculture</a>.</p>
<p>Ce nouveau régime climatique induit de nouveaux comportements des plantes et des animaux et il sera désormais bien plus compliqué de maintenir les <a href="https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/cahier-special-accaf-pour-la-science-l-adaptation-au-changement-climatique-fr.pdf">niveaux de productivité</a> que nous avons connu par le passé.</p>
<p><a href="https://meteofrance.com/actualites-et-dossiers/actualites/meteo-france-eclaire-le-climat-en-france-jusquen-2100">Comme le montrent les récentes données de Meteo France</a>, le secteur devra également faire face à une multiplication et une intensification des aléas climatiques (orage, sécheresse, canicule…). Le dernier <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/nouveau-rapport-du-giec-sur-le-climat-la-situation-sest-significativement-aggravee">rapport du GIEC</a> d’autre part souligne avec force l’immense fragilité du secteur agricole qui doit se réinventer si nous voulons répondre à l’impératif de sécurité alimentaire des populations.</p>
<p>Un renouvellement en profondeur de nos connaissances et pratiques agricoles semble inévitable. La « ferme France », comme toute l’Europe du Sud, sera négativement impactée par le changement climatique.</p>
<p>Face à multiples impacts, la profession agricole devra apporter des réponses et penser une trajectoire d’adaptation dans des délais très courts.</p>
<h2>Nourrir les humains, préserver le système Terre</h2>
<p>Ces évolutions appellent une réponse d’une ampleur inédite de la part de la profession agricole.</p>
<p>Elle nous invite à repenser les fondements de l’activité agricole telle que nous les avons pensés <a href="https://theconversation.com/lagriculture-francaise-a-la-croisee-des-chemins-91100">depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale</a>. Cette vision consistait à produire une alimentation au coût le plus bas possible en s’appuyant sur des énergies fossiles.</p>
<p>À l’heure de l’anthropocène, l’agriculture doit être refondée et poursuivre le double objectif de nourrir les êtres humains, tout en préservant les équilibres du système Terre.</p>
<p>Cette double ambition, nourricière et réparatrice, passe par de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0030727021998063">nouvelles pratiques agricoles</a> susceptibles d’avoir des impacts neutres à positifs sur l’eau, l’air, les sols et la biodiversité.</p>
<p>Cette agriculture régénératrice est d’ores et déjà expérimentée par de nombreux acteurs dans les domaines de la permaculture, l’agroforesterie, l’agroécologie, l’agriculture de conservation des sols…</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1485641244894236678"}"></div></p>
<h2>Un nouveau statut pour ces nouvelles attentes</h2>
<p>L’objectif d’une agriculture nourricière et réparatrice passe par des évolutions institutionnelles et juridiques afin de faciliter et accélérer son déploiement : le statut d’entreprise agricole « à mission » peut à cet égard constituer un outil puissant.</p>
<p>On définit une entreprise à mission comme une entreprise qui, tout en ayant un projet économique, poursuit une ambition plus large afin de répondre à des besoins humains fondamentaux. L’entreprise à mission n’est pas guidée par un objectif de profit économique, mais par une contribution à des enjeux sociétaux ou environnementaux beaucoup plus larges.</p>
<p>L’entreprise <a href="https://observatoire.entreprisesamission.com/societes-a-mission/sabarot">Sabarot</a> basée en Haute-Loire a ainsi inscrit dans ses statuts sa volonté « d’accompagner la transition alimentaire en proposant une variété de produits naturels, bons et sains, notamment à base de protéines végétales, favorables à un régime alimentaire durable ».</p>
<p>Ce statut est aujourd’hui mobilisé par des PME, ETI et de grandes entreprises ; il a tout son sens pour les entreprises agricoles, en étant susceptible d’avoir trois effets complémentaires.</p>
<p>L’entreprise agricole à mission pourra en premier lieu bénéficier de sources de financements plus avantageuses. Face aux dérèglements climatiques, les financeurs et prêteurs vont en effet <a href="https://books.google.fr/books?hl=en&lr=&id=qhQBOJlek0EC">évaluer la pertinence écologique</a> des projets agricoles avec une attention renforcée, au niveau de l’impact carbone et des effets sur la biodiversité notamment.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1496087887904976904"}"></div></p>
<p>L’entreprise agricole à mission pourra d’autre part permettre d’engager des négociations commerciales avec les industriels de l’agroalimentaire concernant des objectifs et des ambitions qui vont bien au-delà des strictes considérations économiques. L’entreprise agricole à mission constitue le point de départ de la redéfinition de nouveaux enjeux pour nos systèmes alimentaires et d’un partage des responsabilités entre les différents acteurs. C’est aussi un moyen pour capter et retenir de la valeur dans les entreprises agricoles.</p>
<p>Ce statut pourra enfin contribuer à redéfinir les identités professionnelles en véhiculant un nouvel imaginaire et un futur désirable pour la profession agricole. Nourrir les humains et réparer le système Terre constitue un défi qui met la profession agricole au cœur de la vie de la cité. Elle place le secteur agricole au centre des problématiques contemporaines, en faisant de l’agriculture non pas un problème, mais une solution pour relever le défi alimentaire de l’anthropocène.</p>
<hr>
<p><em>Bertrand Valiorgue a fait paraître en 2020 aux Éditions du Bord de l’eau, <a href="https://www.editionsbdl.com/produit/refonder-lagriculture-a-lheure-de-lanthropocene/">« Refonder l’agriculture à l’heure de l’anthropocène »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178342/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bertrand Valiorgue ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ce statut d’entreprise agricole « à mission » pourrait permettre aux agriculteurs de mieux répondre aux attentes sociétales et climatiques qui vont s’imposer à eux.Bertrand Valiorgue, Professeur de stratégie et gouvernance des entreprises, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1733642021-12-28T16:54:42Z2021-12-28T16:54:42ZL’art, la science et l’anthropocène<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/438000/original/file-20211216-13-1ixvuek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C9%2C3261%2C1778&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">The Salvage-Eaters par Neelie Malik, Sarah Watkinson et l'Ecosystems Laboratory.</span> <span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.huffingtonpost.co.uk/daniel-crockett/nature-connection-will-be-the-next-big-human-trend_b_5698267.html">Gustave Speth</a>, avocat américain spécialiste des questions d’environnement, souligne les limites de la science dans le cadre de l’anthropocène :</p>
<blockquote>
<p>« J’avais l’habitude de penser que les principaux problèmes environnementaux étaient la perte de biodiversité, l’effondrement des écosystèmes et le changement climatique. Je pensais que trente ans de bonne science pouvaient résoudre ces problèmes. J’avais tort. Les principaux problèmes environnementaux sont l’égoïsme, la cupidité et l’apathie, et pour y faire face, nous avons besoin d’une transformation culturelle et spirituelle. Et nous, les scientifiques, ne savons pas comment faire cela. »</p>
</blockquote>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-science-a-comme-anthropocene-146440">« Les mots de la science » : A comme anthropocène</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Sans aucun doute, la science joue un rôle central dans la résolution de la pléthore de problèmes environnementaux auxquels nous devons faire face. Néanmoins, il est de plus en plus clair que notre société a besoin d’un changement radical de paradigme, et la science ne peut pas tout faire pour y parvenir. Pour arriver à une véritable « transformation culturelle et spirituelle », nous avons besoin des sciences sociales, de l’activisme, des sciences humaines et de l’art. J’ai récemment rejoint le réseau <a href="https://www.torch.ox.ac.uk/art-biodiversity-and-climate#/">Art, Biodiversité et Climat</a> (ABC) de l’Université d’Oxford, car je suis convaincu que la collaboration entre l’art et la science peut être primordiale pour réaliser cette transformation.</p>
<h2>Une communauté d’artistes et de scientifiques</h2>
<p>Le réseau ABC organise des collaborations art-science axées sur l’écologie en mettant en relation des artistes et des scientifiques et en organisant des résidences d’artistes dans différents laboratoires de l’université d’Oxford. Au cours de l’année, le réseau organise une série d’ateliers, de séminaires et de visites de terrain afin de structurer les différentes collaborations en cours et de construire une communauté d’artistes et de scientifiques travaillant sur les questions environnementales. Ce mois d’octobre, nous avons organisé l’exposition <a href="https://www.fluteandbowl.org/paris2021fr">« Among the Garbage and the Flowers »</a> au 6b, dont Anya Gleizer et moi-même sommes les co-commissaires.</p>
<p><a href="https://www.le6b.fr/">Le 6b</a>, est un carrefour, une sorte d’espace liminal. Situé dans un espace urbain, à Saint-Denis, le lieu est cependant tout proche de petites étendues de forêt. Et le public y est merveilleusement hétérogène – artistes, étudiants, chercheurs de l’université Paris 8, habitants de ce quartier très populaire.</p>
<p>Nous développons ce travail depuis deux ans maintenant, alors</p>
<p>discuter avec les visiteurs, regarder à nouveau les œuvres à travers leur regard, m’a donné une excellente occasion de réfléchir non seulement à notre travail, mais aussi aux différentes façons dont l’art et la science peuvent travailler ensemble pour aborder les questions écologiques.</p>
<h2>Modéliser le mouvement des bébés coraux</h2>
<p>L’art peut contribuer à transformer des données scientifiques complexes en des formes plus accessibles. C’est le cas avec <em>Hereafter</em>, un travail d’encre sur des rouleaux Hanji de l’artiste Maya Adams, développé en collaboration avec le Physical Oceanography Group d’Oxford.</p>
<p>L’œuvre est basée sur la modélisation par le groupe de recherche du mouvement potentiel des bébés coraux, techniquement connus sous le nom de larves de corail, qui peuvent flotter librement et sont souvent emportés sur de grandes distances par les courants océaniques. Les larves de corail qui se déplacent entre les récifs forment un réseau complexe de connectivité, car les récifs résilients peuvent constituer une bouée de sauvetage pour les récifs en voie de disparition.</p>
<p>Les larves de corail sont plus petites qu’un millimètre et elles sont transportées sur des milliers de kilomètres, de sorte que leur mouvement réel est impossible à suivre. Au lieu de cela, le groupe de recherche simule le mouvement de millions de larves de corail virtuelles, ce qui lui permet d’identifier les récifs vulnérables et de donner la priorité aux sites clés dans ses efforts de conservation.</p>
<p>Dans <em>Herafter</em>, les délicats chemins d’encre illustrent le rôle essentiel de la connectivité dans le maintien des récifs coralliens. De plus, en juxtaposant différents rouleaux semi-transparents, l’œuvre fait allusion aux différents avenirs que peuvent connaître les récifs coralliens (qui abritent près d’un tiers de toutes les espèces marines connues !), en fonction de l’ampleur du changement climatique et de ses effets sur les écosystèmes marins, et donc en fonction aussi des mesures climatiques que nous prenons en tant que société. Alors que les données climatiques sont souvent difficiles à décortiquer pour le grand public, une grande partie de cette complexité peut être perçue d’un seul coup d’œil dans une œuvre d’art – et de manière profondément incarnée et affective – ce qui renforce l’impact social de la recherche sur le climat.</p>
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<figcaption><span class="caption">Introduction à Hereafter. Une œuvre d’art créée par Maya Adams en collaboration avec le groupe Oxford Physical Oceonography dans le cadre de la résidence artistique du réseau ABC.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Créer à partir de la science</h2>
<p>Si l’art peut aider à communiquer la science, la collaboration peut toutefois fonctionner dans les deux sens. Dans <em>Nature’s Kitchen</em>, l’activité des communautés microbiennes cultivées par la microbiologiste Katja Lehmann décore des costumes conçus par Anya Gleizer et des poteries créées par Crystal Ma.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/437998/original/file-20211216-19-15xolys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="par Katja Lehmann, Crystal Ma et Anya Gleizer" src="https://images.theconversation.com/files/437998/original/file-20211216-19-15xolys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/437998/original/file-20211216-19-15xolys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/437998/original/file-20211216-19-15xolys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/437998/original/file-20211216-19-15xolys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/437998/original/file-20211216-19-15xolys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/437998/original/file-20211216-19-15xolys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/437998/original/file-20211216-19-15xolys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Nature’s Kitchen.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les costumes et les poteries font ensuite partie d’une performance participative dans laquelle les membres du public préparent des aliments (tels que du pain au levain, du kéfir et du kombucha) dans lesquels les communautés microbiennes jouent un rôle clé. Comme les communautés microbiennes ont besoin de temps pour faire leur partie de la cuisine, les co-chefs humains préparent en fait des aliments pour l’avenir. Et avant de cuisiner, ils s’assoient pour manger un repas préparé par les chefs qui les ont précédés.</p>
<p>Dans <em>Nature’s Kitchen</em>, les connaissances et les méthodes scientifiques ne sont pas simplement communiquées par l’art, mais servent plutôt à créer l’art. Le résultat est un rituel dans lequel les frontières de l’art et de la science s’estompent, ce qui résonne avec le thème d’une œuvre qui nous invite à réfléchir à l’existence symbiotique avec tout ce qui nous entoure.</p>
<h2>Une dimension sociale</h2>
<p>À l’approche de la COP 26, il est clair que nous avons désespérément besoin d’action. Cela peut sembler en contradiction avec la nature réputée neutre de la science. Cependant, la collaboration entre l’art et la science peut facilement s’intégrer dans le tissu social et favoriser l’action climatique. Les performances environnementales publiques ont une dimension sociale importante presque par définition – comme <em>A Conspiracy to Abuse Public Office</em>, dans laquelle l’artiste Eleanor Capstick a enfilé un costume de triton géant et s’est immergée dans un étang au cœur de ce qui deviendra bientôt Mayfield Market Towns à Sussex pour remettre en question la dynamique de la conservation et du développement urbain.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/437999/original/file-20211216-19-1adpzdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Par Eleanor Capstick et Emily Seccombe" src="https://images.theconversation.com/files/437999/original/file-20211216-19-1adpzdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/437999/original/file-20211216-19-1adpzdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/437999/original/file-20211216-19-1adpzdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/437999/original/file-20211216-19-1adpzdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/437999/original/file-20211216-19-1adpzdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/437999/original/file-20211216-19-1adpzdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/437999/original/file-20211216-19-1adpzdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">A Conspiracy to Abuse Public Office.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Ethnographie de la science</h2>
<p>L’œuvre <em>How We See It</em> est assez unique dans son approche. Elle fonctionne comme une ethnographie de la science, dans laquelle l’artiste Alice Hackney interroge l’activité des chercheurs de la Nature-Based Solutions Initiative.</p>
<p>La recherche est généralement présentée de manière impartiale, ce qui occulte souvent les motivations humaines, les préoccupations et les espoirs des personnes qui effectuent la recherche.</p>
<p>Alice a demandé aux chercheurs de se promener dans un lieu extérieur qu’ils aiment et de réfléchir aux raisons pour lesquelles ils se soucient de ce lieu particulier, de l’environnement en général et de ce qui les a amenés à travailler dans ce domaine. Les chercheurs devaient également choisir un élément – un objet, une odeur, un son, un sentiment – qui incarnait leurs réponses à ces questions.</p>
<p>L’artiste a ensuite commencé à établir des liens entre les réponses des différents scientifiques et les a cartographiés sur un grand mur de l’espace de la galerie à l’aide d’encre invisible. Les éléments proposés par les chercheurs (comme un parfum créé par l’artiste à partir de la senteur suggérée par un des chercheurs) faisaient également partie de l’installation. Le public devait ensuite prendre une torche ultraviolette pour dévoiler cette carte conceptuelle et, avec elle, les mots et les pensées cachés des scientifiques de l’environnement.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/437996/original/file-20211216-21-5h5956.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="par Alice Hackney et Isabel Key ; photo par Natalie Waller" src="https://images.theconversation.com/files/437996/original/file-20211216-21-5h5956.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/437996/original/file-20211216-21-5h5956.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/437996/original/file-20211216-21-5h5956.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/437996/original/file-20211216-21-5h5956.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/437996/original/file-20211216-21-5h5956.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/437996/original/file-20211216-21-5h5956.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/437996/original/file-20211216-21-5h5956.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">How We See it.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Des œuvres telles que <em>How We See It</em> remettent en question nos conceptions mêmes de ce que signifie faire de la science. D’autres collaborations art-science, comme <em>A Conspiracy to Abuse Public Office</em>, transforment la recherche scientifique en action sociale. Dans d’autres cas, les méthodes scientifiques font partie intégrante des processus artistiques, comme c’est le cas avec Nature’s Kitchen. Et, bien sûr, dans de nombreuses œuvres (<em>Hereafter</em> en est un excellent exemple), l’art peut illustrer des résultats scientifiques complexes de manière plus claire et plus directe. Il existe d’autres formes de collaboration entre l’art et la science, qu’il s’agisse de grandes œuvres publiques ou de l’art de la protestation, qui ne trouvent pas facilement leur place dans un espace d’exposition. Ce que j’espère montrer avec ce moment de réflexion n’est pas un inventaire exhaustif mais simplement un certain nombre de voies par lesquelles l’art et la science peuvent collaborer sur les questions environnementales. Trouver et suivre ces voies est primordial si nous voulons provoquer le changement de paradigme nécessaire pour aborder l’effondrement environnemental de notre temps.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173364/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pablo Fernandez Velasco est membre de Trinity College Dublin.</span></em></p>Pour arriver à une véritable « transformation culturelle et spirituelle », nous avons besoin des sciences sociales, de l’activisme, des sciences humaines et de l’art.Pablo Fernandez Velasco, Chercheur postdoctoral en philosophie et sciences cognitives, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1701842021-12-22T14:11:59Z2021-12-22T14:11:59ZL’art écologique, le design et l’architecture peuvent être des agents du changement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/428555/original/file-20211026-19-1vupkbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2048%2C1536&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">" Ice Watch ", une installation de l'artiste islando-danois Olafur Eliasson, montre 12 blocs de glace récoltés dans un fjord, à Londres, en décembre 2018.
</span> <span class="attribution"><span class="source">(Sarflondondunc/Flickr)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Nous sommes nombreux à être conscients de la crise environnementale et de la nécessité de modifier nos modes de fonctionnement. Chaque jour, les médias relaient des images qui montrent les effets des changements climatiques, pour nous aider à comprendre l’ampleur des dommages subis par l’environnement. Or, ces dommages sont souvent exprimés sous la forme <a href="https://www.oecd.org/fr/env/indicateurs-modelisation-perspectives/donnees-et-indicateurs.htm">d’innombrables données et indicateurs</a> intégrés à des représentations graphiques ou à des photos d’actualité.</p>
<p><a href="https://mitpress.mit.edu/books/against-anthropocene">L’imagerie visuelle</a> a contribué de manière déterminante à faire comprendre aux gens ce qu’est l’Anthropocène, à savoir l’ère où nous vivons et <a href="https://global.oup.com/academic/product/anthropocene-a-very-short-introduction-9780198792987?cc=us&lang=en&">où l’activité humaine est pour la première fois ce qui influe le plus sur le climat</a>.</p>
<p>Au fil des dernières décennies, les nouvelles pratiques en matière d’art, de design et d’architecture dans la sphère publique ont contribué à faire prendre conscience du gaspillage, de la pollution et du réchauffement planétaire, ainsi que des injustices sociales qui en découlent.</p>
<p>Avec mes collègues, je répertorie les <a href="https://ideas-be.ca/project/the-eco-didactic-project/">projets artistiques et architecturaux ainsi que de design dans les lieux publics</a> qui, au Canada, visent à sensibiliser à la crise environnementale. Notre objectif : mettre en lumière les leçons écologiques que véhiculent ces projets et ce que ces derniers apprennent au public. Nos travaux prennent en compte les projets d’art et de design qui ont contribué à instaurer entre experts et au sein de la collectivité un dialogue sur les types de pratiques artistiques et en matière d’imagerie visuelle susceptibles d’engendrer des actions positives au profit de l’environnement.</p>
<h2>Arithmétique verte</h2>
<p><a href="https://jasonwmoore.com/">Historien de l’environnement et professeur de sociologie</a>, <a href="https://www.pmpress.org/index.php?l=product_detail&p=779">Jason W. Moore s’est penché sur la manière</a> dont les chercheurs et les décideurs politiques spécialistes de l’environnement ont tenté d’aider à faire comprendre au public les conséquences du réchauffement de la planète sur celle-ci, au moyen de <a href="https://www.weforum.org/agenda/2021/04/carbon-offsetting-climate-crisis">données et d’indicateurs relatifs aux changements environnementaux</a>. M. Moore parle à ce sujet d’« arithmétique verte ».</p>
<p>Même si ces méthodes de présentation quantifiables ont grandement contribué à faire prendre conscience de <a href="https://www.nationalgeographic.com/climate-change/how-to-live-with-it/weather.html">l’état de la planète</a>, on ne sait pas vraiment si les gens mesurent les effets de la crise actuelle sur les composantes biologiques et socioéconomiques de notre monde interconnecté, ou s’ils comprennent ce qu’il nous faut changer pour inverser la tendance.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1038/s41598-020-66275-4">Les représentations graphiques</a> rendent compte des dommages exponentiels subis, mais qui peut comprendre ce qu’est vraiment un kilo de monoxyde de carbone ou ce que sont ses conséquences sur l’environnement ? Cette forme d’imagerie visuelle est bien trop abstraite, et <a href="https://mitpress.mit.edu/books/decolonizing-nature">l’information qu’elle véhicule l’est à une échelle que beaucoup ont du mal à appréhender</a>.</p>
<p>Comme le souligne T. J. Demos, professeur d’histoire de l’art et de culture visuelle, les <a href="https://www.sternberg-press.com/product/against-the-anthropocene-visual-culture-and-environment-today/">représentations graphiques élaborées par les organisations ou chercheurs à vocation environnementale poussent rarement les gens</a> à agir en faveur de l’environnement.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/425570/original/file-20211008-28-1ragrqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/425570/original/file-20211008-28-1ragrqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/425570/original/file-20211008-28-1ragrqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=470&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/425570/original/file-20211008-28-1ragrqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=470&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/425570/original/file-20211008-28-1ragrqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=470&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/425570/original/file-20211008-28-1ragrqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=590&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/425570/original/file-20211008-28-1ragrqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=590&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/425570/original/file-20211008-28-1ragrqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=590&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">‘Oil Fields #19ab’ d’Edward Burtynsky, tirage couleur chromogène, pris à Belridge, en Californie, en 2003, vu au Nevada Museum of Art en juillet 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(rocor/Flickr)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>De sublimes images de catastrophes</h2>
<p>Certains artistes ont réalisé de sublimes images illustrant des situations catastrophiques. Fruit d’une réflexion artistique, les œuvres du photographe <a href="https://www.edwardburtynsky.com/projects/photographs">Edward Burtynsky</a> et d’autres artistes illustrent ce que la <a href="https://www.edwardburtynsky.com/projects/the-anthropocene-project">transformation de l’environnement signifie</a>.</p>
<p>Le photographe <a href="https://www.jhenryfair.com/hidden-costs-2">J. Henry Fair</a> <a href="https://www.theguardian.com/environment/gallery/2016/oct/24/industrial-scars-the-environmental-cost-of-consumption-in-pictures">réalise lui aussi de superbes images</a> pour illustrer <a href="https://books.google.ca/books/about/Industrial_Scars.html?id=sO_DxgEACAAJ&redir_esc=y">« les coûts cachés de la consommation »</a>.</p>
<p>Hélas, ce type d’art est souvent cantonné dans les musées, dont la plupart ne sont pas accessibles gratuitement. Et seule une <a href="https://publications.gc.ca/collections/Collection/K23-45-2004-4F.pdf">petite partie de la population a un jour mis les pieds dans un musée</a>.</p>
<p>De telles images ne sont toutefois pas visibles que dans les musées. Il arrive que les sites médiatiques accessibles au grand public <a href="https://www.huffpost.com/entry/beautiful-human-pollution_n_4589383">publient des photos de désastres liés aux changements climatiques, qu’ils qualifient de « belles »</a> et d’« <a href="https://www.cbsnews.com/pictures/climate-change-photos/">étonnantes</a> ».</p>
<p>De telles images peuvent en effet être « étonnantes », mais il y a un problème : qu’elles soient réalisées par des artistes professionnels ou des photojournalistes, ou encore par des photographes lambda <a href="https://Unsplash.com/s/photos/environmental-impact">qui les partagent sur les réseaux sociaux</a>, les images en question sont <a href="https://www.edwardburtynsky.com/projects/photographs/tailings">souvent si sublimes</a> que le public en veut toujours plus. Il n’est pas du tout certain qu’elles contribuent à sensibiliser <a href="https://www.nytimes.com/2019/03/12/arts/art-climate-change.html">aux vraies causes du changement environnemental, et encore moins qu’elles puissent changer la donne</a>. Au contraire, ces types d’œuvres d’art, susceptibles de devenir des produits culturels hyper populaires, peuvent être contreproductives.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1290366751126040582"}"></div></p>
<h2>Installations d’art écologique dans les lieux publics</h2>
<p>L’<a href="https://hyperallergic.com/260217/olafur-eliassons-sundial-of-melting-icebergs-clocks-in-at-half-past-wasteful/">installation artistique publique <em>Ice Watch</em></a>, initialement réalisée par l’<a href="https://www.theguardian.com/artanddesign/2015/jun/21/olafur-eliasson-i-am-not-special-interview-tree-of-codes-ballet-manchester">artiste islando-danois</a> <a href="https://www.olafureliasson.net/">Olafur Eliasson</a> en 2014, a été une œuvre fondatrice destinée à provoquer des réactions immédiates à la crise écologique.</p>
<p>Comme le précise l’artiste, « <a href="https://olafureliasson.net/archive/artwork/WEK109190/ice-watch">elle était composée de 12 énormes blocs de glace disposés sur une place publique de manière à former le cadran d’une horloge, préalablement recueillis alors qu’ils flottaient librement au large d’un fjord situé à l’extérieur de Nuuk, au Groenland après s’être détachés de la couche de glace</a> ».</p>
<p>Lors de sa deuxième présentation, en 2015, l’œuvre a été installée sur la place du Panthéon, à Paris, pendant la tenue de la 21<sup>e</sup> Conférence internationale sur les changements climatiques, la <a href="https://unfccc.int/fr/processus-et-reunions/l-accord-de-paris/l-accord-de-paris">COP21</a>.</p>
<p>Malgré sa simplicité, cette œuvre a <a href="https://www.newyorker.com/culture/culture-desk/the-artist-who-is-bringing-icebergs-to-paris">permis aux gens de ressentir immédiatement la réalité des changements climatiques</a>, en voyant fondre ces énormes blocs de glace qu’ils pouvaient toucher du doigt. Elle a aussi permis à des <a href="https://www.jstor.org/stable/10.5250/resilience.7.2-3.0178">gens du monde entier d’échanger à son sujet</a>, étant <a href="https://www.instagram.com/p/-0vMATLRN4/?hl=fr">relayée sur Instagram</a>.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/-0vMATLRN4/?hl=en","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>Un descriptif de l’œuvre précisait que la couche de glace dont les blocs exposés s’étaient détachés <a href="http://olafureliasson.net.s3.amazonaws.com/subpages/icewatchlondon/press/Ice_Watch_Carbon_Footprint_Paris_2015.pdf">« perd chaque seconde, toute l’année, l’équivalent de 1 000 blocs de cette taille »</a>. Même si l’installation ne s’accompagnait d’aucune représentation graphique véhiculant des données sur la fonte des glaces, elle a vraiment permis à ceux qui ont pu la voir de prendre conscience de la catastrophe climatique.</p>
<p>Elle les a aidés à appréhender directement et personnellement la crise climatique en étant confrontés à, pour reprendre les termes de l’écrivaine Rebecca Solnit, ce <a href="https://news.artnet.com/art-world/ice-watch-olafur-eliasson-climate-summit-384704">« magnifique monument, dérangeant et mourant »</a>. Elle a généré chez les spectateurs un sentiment <a href="https://theconversation.com/the-age-of-solastalgia-8337">d’effroi et d’anxiété écologique</a>, qualifié de <a href="https://bridges.monash.edu/articles/journal_contribution/_Solastalgia_a_new_concept_in_health_and_identity/4311905">« solastalgie » en 2005 par le professeur de durabilité Glenn Albrecht</a>.</p>
<h2>L’art numérique dans les lieux publics</h2>
<p>L’œuvre <a href="https://www.sciencehistory.org/particle-falls"><em>Particle Falls</em></a> de l’artiste médiatico-numérique <a href="http://connectingcities.net/project/particle-falls">Andrea Polli</a> constitue un autre exemple d’art numérique dans la sphère publique. <a href="https://hyperallergic.com/182480/a-digital-waterfall-that-illuminates-the-threat-of-air-pollution/">Projetée publiquement pour la première fois en 2010</a>, cette œuvre l’a depuis été en divers lieux, dont Philadelphie en 2013.</p>
<p><em>Particle Falls</em> propose une visualisation des données relatives à la pollution de l’air de la zone environnante, sous la forme d’une chute d’eau. Quand la chute est calme, c’est que l’air est peu pollué. En revanche, quand la pollution est importante, la chute ressemble à une cascade en furie dévalant le long de l’immeuble. Quiconque découvre ce spectacle en arpentant les rues de la ville peut alors se sentir directement interpellé en découvrant ces données qui incitent à l’action.</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/77810564" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption"><em>Particle Falls</em> projeté à Philadelphie.</span></figcaption>
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<h2>Vers un changement systémique</h2>
<p>De telles œuvres au sein de la sphère publique permettent de <a href="https://doi.org/10.3390/su13073747">rendre visibles des situations catastrophiques invisibles pour la plupart des gens</a>. Elles peuvent même susciter quelques petits changements de comportement au profit de l’environnement.</p>
<p>Ces créations peuvent-elles pour autant engendrer un changement systémique ? La combinaison de données en temps réel et d’expériences viscérales au sein de lieux publics est une première étape. Il est aussi possible <a href="https://www.mdpi.com/2071-1050/13/8/4577">qu’en interpellant publiquement la société civile</a>, ces œuvres puissent rendre possible les changements transformateurs qui s’imposent.</p>
<p>Les projets d’art écologique et de design dans les lieux publics procurent souvent aux passants des expériences marquantes en faisant d’eux des témoins d’une situation mondiale catastrophique. Elles permettent aux gens d’appréhender de plus près ce qu’ils ne pourraient autrement imaginer. Et il se peut que, les ayant imaginées, ils aient la volonté d’y remédier.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170184/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Carmela Cucuzzella reçoit un financement du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) du Canada.</span></em></p>Qu’il s’agisse d’installations de glace ou de projections d’art générées à partir de relevés de la qualité de l’air, les artistes proposent des expériences fortes qui font réagir sur l’environnement.Carmela Cucuzzella, Professor Design and Computation Arts, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1698022021-11-14T16:41:57Z2021-11-14T16:41:57ZBiodiversité : un nouvel indicateur pour mesurer l’écart entre l’état de la planète et les objectifs à atteindre<p>Le <a href="https://actu.fr/faits-divers/nouvelle-caledonie-les-forets-brulent-deja-en-brousse_44394380.html">mardi 24 août dernier</a>, un feu s’est déclaré vers 14 heures à Ouégoa, en Nouvelle-Calédonie. La saison des incendies n’était pas encore « officiellement » lancée que les secouristes s’inquiétaient d’en voir déjà se déclencher.</p>
<p>À Bourail, situé au centre de l’île, les pompiers <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/l-appel-au-civisme-des-pompiers-de-bourail-1112764.html">ont dû faire face aux flammes</a> pendant plusieurs jours. Selon les déclarations du major Johann Collet, chef du centre de secours de Bourail, une dizaine d’incendies avaient déjà détruit dans cette zone de l’île près de 300 hectares de végétation depuis le mois de juin.</p>
<p>La situation alarmante des feux de forêt en Nouvelle-Calédonie rend compte de la dégradation brutale du capital naturel de la planète et de ses conséquences incalculables sur le bien-être voire la survie de l’humanité. C’est d’ailleurs pour répondre à cette urgence qu’existent des rencontres comme le <a href="https://uicn.fr/">7ᵉ Congrès mondial de la nature</a> de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui s’est tenu début septembre.</p>
<p>Son rôle est notamment d’appuyer les négociations attendues à la <a href="https://www.un.org/fr/sommet-sur-les-syst%C3%A8mes-alimentaires-2021/conf%C3%A9rence-des-nations-unies-sur-la-biodiversit%C3%A9">COP15 sur la diversité biologique</a> en avril 2022. Rappelons que cette Conférence des parties aura pour objectif de définir un accord international destiné à mettre un terme à l’érosion de la biodiversité d’ici à 2030.</p>
<h2>Des outils imparfaits pour évaluer l’état de la planète</h2>
<p>Plusieurs outils, plus ou moins pertinents, existent aujourd’hui pour rendre compte de l’état des écosystèmes à l’échelle de tous les pays. Les <a href="https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/">Objectifs du développement durable (ODD)</a> des Nations unies s’imposent comme un cadre d’analyse de référence, <a href="http://www.unep.org/resources/publication/measuring-progress-environment-and-sdgs">mais leur contenu environnemental est très largement insuffisant</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1447824173380902916"}"></div></p>
<p>Les « limites planétaires » du <a href="https://stockholmresilience.org/research/planetary-boundaries.html">Stockholm Resilience Center</a>, quant à elles, fixent des enjeux essentiels et critiques à l’échelle planétaire, mais ne sont pas opérationnelles à l’échelle nationale et sont donc moins pertinentes pour l’action publique et la conception de politiques environnementales.</p>
<p>Le prochain <a href="https://www.cbd.int/doc/c/d40d/9884/b8a54563a8e0bf02c1b4380c/wg2020-03-03-fr.pdf">cadre mondial de la biodiversité</a> pour l’après 2020 devrait apporter un début de réponse, mais les mécanismes d’appui à sa mise en œuvre restent à définir.</p>
<h2>La nécessité de mesures objectives</h2>
<p>Autrement dit, malgré une panoplie d’outils et de cadres, les experts et les responsables politiques peinent encore à décrire objectivement l’état des écosystèmes à l’échelle de tous les pays, en particulier dans ceux en développement, moins pourvus en données environnementales et institutions statistiques.</p>
<p>Ils auraient besoin d’un outil performant, qui décrit de manière objective l’état du capital naturel, en tout cas ses composantes fournissant des contributions jugées critiques au bien-être humain. Cet outil devrait se fonder sur des données de qualité et des <a href="https://doi.org/10.1093/nsr/nwaa186">standards scientifiquement établis</a>. La comparaison avec une situation de référence de bon état écologique permet d’évaluer l’écart qui nous sépare d’un état soutenable, mettant l’accent sur le chemin à parcourir.</p>
<h2>L’émergence d’un nouvel indicateur</h2>
<p>Face à ce constat, une équipe de chercheurs menée par le professeur en économie de l’environnement Paul Ekins a développé un nouvel indicateur sur l’écart de soutenabilité environnementale. Il l’a baptisé <a href="https://doi.org/10.1016/j.ecolind.2021.108281">l’<em>Environmental sustainability gap</em>, ou Esgap</a>.</p>
<p>Le cadre Esgap met en lumière les évolutions de l’état fonctionnel de vingt-trois contributions essentielles et critiques du capital naturel regroupées en une douzaine de thématiques. Il met l’accent sur les écarts existant entre l’évolution de ces composantes et les objectifs de maintien ou d’atteinte du « bon état écologique ».</p>
<p>Les écarts calculés dans le tableau peuvent être agrégés sous forme d’indicateur synthétique d’état et il est également possible de suivre les dynamiques de soutenabilité.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/427031/original/file-20211018-22-63w51a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/427031/original/file-20211018-22-63w51a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/427031/original/file-20211018-22-63w51a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/427031/original/file-20211018-22-63w51a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/427031/original/file-20211018-22-63w51a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/427031/original/file-20211018-22-63w51a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/427031/original/file-20211018-22-63w51a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/427031/original/file-20211018-22-63w51a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le tableau de bord Esgap : fonctions principales, principes de soutenabilité et thématiques couvertes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ekins et coll., 2003 ; Usubiaga-Liaño et Ekins, 2021</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un premier test en Nouvelle-Calédonie</h2>
<p><a href="https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2021-05/20210525_Rapport_Mesurer-et-piloter-la-soutenabilite-environnementale-du-territoire-Nouvelle-Caledonie_WWF_ESGAP.pdf">Le premier projet pilote de mise en œuvre de l’indicateur a été mené en Nouvelle-Calédonie</a>. Son calcul révèle tous les efforts que ce territoire a encore à réaliser pour atteindre une trajectoire soutenable.</p>
<p>Bien que les composantes liées à la biodiversité, la fourniture de ressources naturelles ou encore la santé et le bien-être humains soient en relativement bon état, le territoire souffre de problèmes aigus de pollution, d’émissions de gaz à effet de serre et de feux de forêt. Autant de composantes qui affectent directement la capacité des écosystèmes à neutraliser les pollutions.</p>
<p>Les apports de l’Esgap ne se limitent pas à ce diagnostic environnemental. Les consultations autour de l’indicateur révèlent également un manque de cadres réglementaires, d’objectifs et de références quantifiées. À titre d’illustration, la Nouvelle-Calédonie ne dispose ni de réglementations relatives à l’exploitation durable des ressources naturelles (sols, forêts) ou au maintien de la biodiversité ni de cadre de régulation de la pollution.</p>
<h2>Des données insuffisantes</h2>
<p>Ce constat montre l’importance de traduire dans le droit et les politiques publiques l’objectif à atteindre de bon état écologique.</p>
<p>En fournissant des points de référence, l’Esgap permet également d’estimer une valeur monétaire de la soutenabilité à travers le calcul du coût nécessaire pour y parvenir. Possible uniquement sur l’une des dimensions de l’outil en raison de la difficulté à trouver les données, l’estimation de dette écologique liée à la destruction des forêts en Nouvelle-Calédonie s’élève ainsi à 63,6 milliards de francs CFP, soit près de 531 millions d’euros.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1450099614061776904"}"></div></p>
<p>La mise en œuvre de ce nouvel indicateur se heurte néanmoins au problème de disponibilité et de fiabilité des données. La situation en Nouvelle-Calédonie est assez représentative de ce que l’on peut trouver dans de nombreux pays en voie de développement. Sur les 23 indicateurs initialement présents dans le cadre Esgap, seuls 12 ont pu être renseignés et seuls 5 auraient pu être alimentés par des bases de données internationales normalisées.</p>
<h2>Créer des ponts entre les différentes échelles</h2>
<p>Malgré cela, même avec un jeu partiel d’indicateurs, ce cadre offre une synthèse sur l’état du capital naturel et propose une base pour évaluer et classer les performances environnementales des politiques de gestion du capital naturel dans son ensemble.</p>
<p>Sa capacité à représenter les enjeux territoriaux fins est cependant limitée. Les politiques de restauration du capital naturel doivent être gérées aux échelles spatiales pertinentes pour les processus écologiques à l’œuvre et les échelons administratifs en charge. Ainsi, pour s’assurer qu’une aire protégée assure effectivement son rôle de préservation du bon état écologique de ses différentes composantes (ressources en bois, biodiversité, filtration de l’eau, érosion des sols, etc.), il faudra veiller à lier la vision stratégique portée au niveau national avec les outils de gestion territoriaux.</p>
<p>Le cadre Esgap permet de mettre à plat les enjeux de toutes les composantes qui forment le patrimoine naturel d’un territoire ou d’un pays, en mettant au centre notre connaissance des limites environnementales et en restant au plus près des dynamiques des écosystèmes.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été écrit avec la contribution de Marine Biokou, chargée d’études et de recherches à l’Agence française de développement</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169802/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les résultats présentés dans cet article sont issus d’une étude réalisée par la chaire Comptabilité écologique, et soutenus par l’AFD, la fondation MAVA et le WWF France.</span></em></p>L’Esgap est un indicateur conçu par des chercheurs pour mesurer l’écart entre les objectifs en matière de climat et de biodiversité… et leur évolution réelle.Oskar Lecuyer, chargé de recherche climat-énergie, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1707322021-10-28T19:04:41Z2021-10-28T19:04:41Z« Les mots de la science » : S comme solutionnisme<iframe src="https://embed.acast.com/5f63618a37b1a24c4ff25896/6178fb486a7686001a3b84f7" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
<p><iframe id="tc-infographic-580" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/580/79c5a87fdceb1b0efb535b241695d9bb89f1bb67/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<hr>
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<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-ecouter-les-podcasts-de-the-conversation-157070">Comment écouter les podcasts de The Conversation ?</a>
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<p>Anthropocène, intersectionnalité, décroissance… Ce jargon vous dit quelque chose, bien sûr ! Mais parfois, nous utilisons ces mots sans bien savoir ce qu’ils veulent dire. Dans les Mots de la Science, on revient donc sur l’histoire et le sens de ces mots clés avec des chercheuses et chercheurs capables de nous éclairer.</p>
<p>L’épisode du jour est dédié au solutionnisme, plus précisément au solutionnisme technologique. Autrement dit, le fait de penser que les solutions techniques, et souvent high tech, vont régler nos problèmes politiques, notamment écologiques et climatiques. Derrière ce jargon, il y a un débat philosophique majeur sur ce qu’on attend de la technique et de l’innovation. Les discussions, désaccords et incompréhensions sont d’autant plus nombreux en France que les élites politiques et grands groupes industriels ont tendance à pousser pour le solutionnisme technologique. À l’inverse, la population se montre, dans les sondages, de plus en plus sceptique à l’égard de cette démarche.</p>
<p>Pour nous en parler nous recevons donc avec Jennifer Gallé, en charge de la rubrique Environnement de <em>The Conversation</em>, le philosophe des sciences Fabrice Flipo, professeur à Institut Mines-Télécom BS, rattaché au Laboratoire de Changement social et politique à l’Université de Paris.</p>
<p>Au cours de cette émission, vous entendrez un extrait du <a href="https://www.youtube.com/watch?v=TXE5is_2Czk">discours prononcé par Emmnanuel Macron le 12 octobre 2021 afin d’annoncer le plan « France 2030 »</a>. Un plan censé répondre aux vulnérabilités révélées par la crise du Covid, accélérer la transition écologique, et proposer une « vision utile » de la technologie. Ce discours illustre très bien le débat autour du solutionnisme technologique.</p>
<p>Bonne écoute !</p>
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<p><em>Conception et réalisation, Iris Deroeux. Chargé de production, Rayane Meguenni</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170732/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Cet épisode est dédié au « solutionnisme technologique », des termes au cœur d’un débat sociétal majeur : face à la crise climatique, qu’attendons-nous de l’innovation technologique ?Fabrice Flipo, Professeur en philosophie sociale et politique, épistémologie et histoire des sciences et techniques, Institut Mines-Télécom Business School Iris Deroeux, Journaliste, The Conversation FranceJennifer Gallé, Cheffe de rubrique Environnement + Énergie, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1698792021-10-14T17:19:42Z2021-10-14T17:19:42Z« Les mots de la science » : E comme effondrement<iframe src="https://embed.acast.com/5f63618a37b1a24c4ff25896/6166e7055cfa320014a976b6" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
<p><iframe id="tc-infographic-580" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/580/79c5a87fdceb1b0efb535b241695d9bb89f1bb67/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
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<a href="https://theconversation.com/comment-ecouter-les-podcasts-de-the-conversation-157070">Comment écouter les podcasts de The Conversation ?</a>
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<p>Anthropocène, intersectionnalité, décroissance… Ce jargon vous dit quelque chose, bien sûr ! Mais parfois, nous utilisons ces mots sans bien savoir ce qu’ils veulent dire. Dans les Mots de la Science, on revient donc sur l’histoire et le sens de ces mots clés avec des chercheuses et chercheurs capables de nous éclairer.</p>
<p>L’épisode du jour est dédié au mot effondrement. L’enjeu est que l’on comprenne ce que ce mot désigne en écologie, ce qu’il a de scientifique, comment il s’est popularisé, et quelles pratiques citoyennes en découlent. Où cela nous mène, en somme, de dire que notre modèle de société peut s’effondrer si nous dépassons les capacités de charge de la planète.</p>
<p>Nous recevons avec Jennifer Gallé, en charge de la rubrique Environnement de <em>The Conversation</em>, la sociologue Alice Canabate, rattachée au Laboratoire de changement social et politique à l’Université de Paris, enseignante, et autrice de l’ouvrage <em>L’Écologie et la narration du pire, Récits et avenirs en tensions</em> (paru en 2021 aux éditions Utopia).</p>
<p>Au cours de cet épisode, vous entendrez l’extrait d’un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=j4sYh9WWwYA">« facebook live » datant de 2018</a> entre Édouard Philippe, alors Premier ministre, et Nicolas Hulot, alors ministre de la Transition écologique, qui discutent d’effondrement et notamment de l’ouvrage majeur du géographe américain Jared Diamond, <em>Collapse</em> (<em>Effondrement : comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie</em>, paru en France en 2006). Vous découvrirez aussi l’extrait d’un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=5eifcOFnNUg">reportage dans la ville en transition d’Ungersheim</a>, en Alsace, diffusé par la chaîne France 24 en 2019.</p>
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<a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-science-a-comme-anthropocene-146440">« Les mots de la science » : A comme anthropocène</a>
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<p><em>Conception et réalisation, Iris Deroeux. Chargé de production, Rayane Meguenni</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169879/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alice Canabate est présidente de la Fondation de l’écologie politique. Elle a conduit, en 2019, une exploration sur les «récits de l’effondrement» pour la communauté Explor’ables du CGDD/MTES.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Iris Deroeux et Jennifer Gallé ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>« Effondrement », le mot effraye et provoque. Il est devenu central dans la pensée écologique. Cet épisode nous raconte son histoire, ses fondements scientifiques mais aussi les pratiques qui en découlent.Alice Canabate, Sociologue, Laboratoire de changement social et politique, Université Paris CitéIris Deroeux, Journaliste, The Conversation FranceJennifer Gallé, Cheffe de rubrique Environnement + Énergie, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1627302021-06-29T20:44:08Z2021-06-29T20:44:08ZRetour d’expérience sur l’enseignement de l’anthropocène à l’université<p>La planète bleue voit incontestablement son état se détériorer : les différents systèmes naturels interconnectés (biosphère, atmosphère, hydrosphère, lithosphère) sont dégradés de manière profonde et généralisée par les activités humaines, avec ce que certains chercheurs ont nommé une « <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/2053019614564785">grande accélération</a> » depuis les années 1950. L’urgence de partager le constat sur l’état de la planète et d’élaborer des réponses à la hauteur des enjeux pour maintenir son habitabilité se fait chaque jour plus pressante.</p>
<p>Pour répondre à ces défis scientifiques et politiques, l’université, comme actrice de la production et du partage du savoir, a un rôle déterminant à jouer. Elle est un lieu incontournable pour documenter les transformations de la planète, contribuer à forger des solutions audacieuses et former les étudiant·e·s, ces citoyen·ne·s qui façonneront nos sociétés de demain.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1196276906645217280"}"></div></p>
<p>Face à ces constats, les universités doivent particulièrement progresser sur le volet de la formation : une <a href="https://theshiftproject.org/article/nouveau-rapport-mobiliser-superieur-climat/">récente analyse</a> montre que l’enseignement supérieur ne prend pas suffisamment au sérieux les enjeux du réchauffement climatique et de la perte de biodiversité.</p>
<p>Parallèlement à cela, les attentes et les demandes des étudiant·e·s en ce sens vont croissant, ceux-ci et celles-ci s’estimant – à juste titre – insuffisamment formé·e·s aux enjeux écologiques <a href="https://pour-un-reveil-ecologique.org/fr/">qui dessinent leur monde</a>.</p>
<p>Mais quels types de formations organiser ? À quel niveau du cursus ? Ces questions sont au cœur des réflexions de nombreux collectifs.</p>
<h2>18 heures de cours dans le cursus</h2>
<p>Une réponse possible est la création d’un enseignement pluridisciplinaire obligatoire en licence, là où l’audience est la plus large.</p>
<p>C’est ce que nous avons fait en deuxième année de licence de physique à l’université de Paris en 2021, en insérant un tel cours dans une maquette préalablement validée en 2019. Avec 18 heures de cours magistral, l’enseignement proposé ne compte que pour 1 % du nombre total d’heures de cours dispensées sur les trois années de la licence. C’est donc une contribution marginale du point de vue du volume, qui ne dénature pas la coloration disciplinaire du cursus dans lequel elle s’intègre.</p>
<p>Elle est néanmoins capitale pour nourrir la sensibilisation et la compréhension des étudiant·e·s de ces enjeux dans un cadre méthodologique qu’ils et elles reconnaissent comme rigoureux. Compte tenu de leur intrication pluridisciplinaire, les possibilités d’axes à aborder sont multiples, tout comme le sont les portes d’entrée. Il est évidemment illusoire de prétendre faire le tour de la question, des choix doivent être faits.</p>
<h2>Un enseignement pluridisciplinaire</h2>
<p>Notre principale ambition était de déclencher une prise de conscience par les étudiant·e·s des problèmes, de leur amplitude et de leur interdépendance. Notre objectif secondaire a consisté à encourager les étudiant·e·s à approfondir certains thèmes abordés à l’aide de ressources bibliographiques, en s’appuyant sur leurs connaissances disciplinaires (la physique ici), et à nourrir une réflexion sur un potentiel engagement citoyen.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1106457886287429637"}"></div></p>
<p>Étant donné le caractère éminemment pluridisciplinaire des questions de transition écologique, nous avons tiré parti de la multitude d’expertises présentes à l’université de Paris pour proposer un enseignement s’appuyant sur les sciences et technologies – physique, chimie, écologie – et sur les sciences humaines et sociales – histoire, sociologie et économie des transitions –, élaboré collectivement par cinq enseignant·e·s : deux physiciens, une chimiste, un écologue et une sociologue.</p>
<h2>Limites planétaires</h2>
<p>Dans ce cours, nous avons introduit les notions de limites planétaires ainsi que les contours de la méthode scientifique ; le fonctionnement physique du climat et les observations du réchauffement ; les gaz à effet de serre et l’énergie dans la société.</p>
<p>Nous avons démontré pourquoi et comment la combustion des énergies fossiles carbonées est à l’origine du dépassement des limites planétaires. Les notions d’écosystème, de biodiversité et de services écosystémiques ont été dispensées pour présenter nos connaissances actuelles sur la crise de la biodiversité.</p>
<p>Un lien a ensuite été fait entre physique et économie sur les notions de flux (énergie solaire) et de stock (énergies fossiles), en les situant dans la perspective historique de la révolution industrielle et la limitation des ressources terrestres.</p>
<h2>Dimensions sociales et politiques</h2>
<p>Enfin, le cycle de cours s’est clôturé par une mise en perspective critique des enjeux épistémiques, sociaux et politiques des transitions environnementales. La dernière séance fut conçue comme un temps d’échange autour de la mobilisation suivant le constat et des leviers d’actions possibles pour amorcer le nécessaire changement de trajectoire.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1131378459731738627"}"></div></p>
<p>Une part importante s’est appuyée sur le <a href="https://nosgestesclimat.fr/">bilan gaz à effet de serre personnel</a>, pour mettre en regard les efforts individuels <a href="http://www.carbone4.com/wp-content/uploads/2019/06/Publication-Carbone-4-Faire-sa-part-pouvoir-responsabilite-climat.pdf">(alimentation, transport, etc.)</a> et les transformations systémiques.</p>
<p>La notion de progrès technologique, son acceptation par la société et son caractère inévitable, a été questionnée.</p>
<p>Enfin, différents engagements « militants » possibles notamment dans des associations étudiantes locales et/ou nationales ont été discutés.</p>
<h2>85 % des étudiants intéressés</h2>
<p>Le format de ces cours dans cette première version était traditionnel, transmissif. L’enseignement ayant eu lieu cette année intégralement à distance, les évaluations le furent également, sous la forme de questions de cours à choix multiples, pour chacune des parties.</p>
<p>La promotion comportait 99 étudiant·e·s, dont 7 ont été absent·e·s aux évaluations. En moyenne, 40 à 50 étudiant·e·s étaient connectés aux différents cours, qui étaient ensuite entièrement mis à leur disposition (diaporama et enregistrement vidéo). Les réponses aux évaluations montrent que les étudiants se les sont appropriés d’une façon ou d’une autre, au moins dans l’objectif de celles-ci.</p>
<p>Un sondage anonyme de fin de module (61 réponses) nous a appris que 85 % des répondant·e·s ont trouvé le cours nécessaire (34 %) ou utile (51 %), alors que 15 % (soit 9 étudiant·e·s) l’ont trouvé inutile. 61 % estiment que ce cours leur a fait prendre conscience de l’urgence environnementale et 38 % en avaient déjà conscience. À la question : « <em>ce cours m’a donné envie de m’engager</em> : », les étudiant·e·s répondent :</p>
<ul>
<li><p><em>à réduire mon impact (carbone, déchets, achats…)</em> (66 %)</p></li>
<li><p><em>à en savoir plus (à me former plus avant)</em> (53 %)</p></li>
<li><p><em>à former mon entourage</em> (44 %)</p></li>
<li><p><em>en votant</em> (26 %)</p></li>
<li><p><em>dans une association militante</em> (13 %)</p></li>
<li><p><em>en réexaminant mon projet professionnel</em> (12 %)</p></li>
</ul>
<p>21 % déclarent ne pas avoir envie de s’engager.</p>
<p>Ces résultats renforcent l’idée qu’une telle formation est pertinente, même au niveau universitaire, et répond à une lacune dans la formation citoyenne et scientifique des étudiant·e·s.</p>
<h2>Vers une formation obligatoire ?</h2>
<p>De par l’aspect pluridisciplinaire et universel de la problématique, un tel enseignement pourrait trouver sa place dans tous les cursus de l’enseignement supérieur.</p>
<p>Il n’a pas besoin d’être encadré par des lois ou des certificats, mais peut s’insérer dans les libertés académiques des enseignant·e·s-chercheur·se·s afin de représenter la diversité des travaux académiques sur le sujet, mais également pour s’adapter aux différents cursus des étudiant·e·s, en mettant l’accent sur telle ou telle composante de la problématique.</p>
<p>C’est au contraire <a href="https://labos1point5.org/reflexion/EnseignerTransition">aux enseignant·e·s-chercheur·se·s de s’emparer eux·elles-mêmes de ces questions</a>.</p>
<p>Compte tenu de l’urgence de la situation et de l’importance du sujet, il serait préférable de rendre la formation obligatoire pour tou·te·s les étudiant·e·s, ce qui nécessite l’appui des directions de départements. L’impulsion vers la mise en place de ces formations peut donc venir à la fois des étudiant·e·s, des personnels enseignants et des directions des universités.</p>
<hr>
<p><em>Les auteurs remercient Laurent Ménard qui a permis à ce cours d’exister, ainsi que les étudiant·e·s de ce premier opus</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162730/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Blanc est membre de labos1point5 (<a href="https://labos1point5.org/">https://labos1point5.org/</a>).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Adrien Perrard est membre de la Société française d'écologie et d'évolution, ainsi que de l'Association française interprofessionnelle des écologues. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christophe Goupil est membre du Campus de la transition (<a href="https://campus-transition.org/">https://campus-transition.org/</a>)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Gaëlle Charron et Soraya Boudia ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>À l’université de Paris, cinq enseignants-chercheurs de disciplines différentes ont mis en place un programme de 18 heures de cours dédiées au changement climatique. Ils partagent leur expérience.Guillaume Blanc, Maître de conférences en physique, Université Paris CitéAdrien Perrard, Maitre de conférences en écologie, Université Paris CitéChristophe Goupil, Professeur en physique, Université Paris CitéGaëlle Charron, Maîtresse de conférences en chimie, Université Paris CitéSoraya Boudia, Historienne et sociologue des sciences et de l'environnement, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1621142021-06-21T18:38:13Z2021-06-21T18:38:13ZQuel nouveau cadre comptable pour répondre aux défis environnementaux ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/404269/original/file-20210603-15-1x4vtzd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C70%2C1260%2C697&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De nouveaux principes de comptabilité sont aujourd’hui nécessaires pour élargir la vision de l’entreprise au-delà de l’intérêt des acteurs du marché.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Young_%26_Dedicated_Accountant_at_Work.jpg">Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Travailler à l’harmonisation d’une comptabilité qui intègre le développement durable nous ferait-il passer à côté de l’essentiel ? Parmi les propositions récentes en matière de standardisation et de transparence, on retrouve notamment celle de la Fondation IFRS (en français, standards internationaux pour établir des rapports financiers). Elle envisage la création d’un organisme de standardisation du reporting de développement durable qu’elle nommerait Sustainability Standards Board, ou SSB.</p>
<p>Cette vision du développement durable reste, comme souvent, déconnectée des réalités des limites planétaires et des fondations sociétales. Celles-ci se trouvent notamment synthétisées dans la <a href="https://www.oxfamfrance.org/actualite/la-theorie-du-donut-une-nouvelle-economie-est-possible/?gclid=Cj0KCQjw--GFBhDeARIsACH_kdYO1sjw4gcFrd44mgyiR92hv8ZQv0Gy8onpp_LtV_yCozqlJz-B1ZgaArhmEALw_wcB">théorie du donut</a> développée par l’économiste britannique Kate Raworth en 2017. Dans son schéma, elle explique que notre impact sur l’environnement doit se situer en dessous des limites de ce que la planète peut supporter, mais qu’on ne peut descendre plus bas qu’un certain seuil de satisfaction des besoins sociaux.</p>
<h2>Une comptabilité du développement durable</h2>
<p>En effet, d’après la fondation IFRS,</p>
<blockquote>
<p>« Le SSB concentrerait initialement ses efforts sur les informations relatives à la durabilité les plus pertinentes pour les investisseurs et les autres acteurs du marché. »</p>
</blockquote>
<p>Or, les investisseurs ne représentent qu’une minorité de visions du monde, et les rapports de développement durable ne doivent et ne peuvent pas être réduits à leur point de vue unique. Pour prendre activement soin de notre planète, nous devons favoriser une collaboration étroite et inclure des voix multiples provenant d’organisations à but non lucratif, d’entreprises, d’agences gouvernementales, d’organisations non gouvernementales (ONG), d’associations industrielles, d’organismes professionnels et d’établissements d’enseignement.</p>
<p>De nouveaux principes de comptabilité et de nouvelles formes de comptes semblent donc nécessaires. Certaines initiatives voient d’ailleurs le jour. Par exemple, le <a href="https://www.bilans-ges.ademe.fr/fr/accueil/contenu/index/page/ACT1/siGras/0">cadre ACT</a> (Assessing low Carbon Transition, en français, « évaluer une transition vers moins de carbone ») développé par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et l’ONG CDP, se concentre sur « l’évaluation de la crédibilité des stratégies climatiques des entreprises et la cohérence de leurs engagements » pour « continuer à aller de l’avant et adopter des trajectoires d’émissions à long terme de plus en plus ambitieuses, nous mettant sur la voie des 1,5/2 °C ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"910134439941984258"}"></div></p>
<p>De même, l’Institut de recherche des Nations unies pour le développement social (Unrisd) a récemment développé une approche à trois niveaux d’indicateurs transformatifs. Le chercheur américain Bill Baue, qui a rédigé le <a href="https://www.unrisd.org/unrisd/website/document.nsf/(httpPublications)/CBE444C58139C45A8025848C00547012?OpenDocument">rapport</a> correspondant, définit ce concept comme l’ajout « d’éléments transcontextuels de pratiques et de politiques de mise en œuvre aux indicateurs normatifs, afin de refléter un changement suffisant ».</p>
<p>D’autres cadres encore, tels que le <a href="https://www.unglobalcompact.org/take-action/sdg-action-manager">SDG Action Manager</a>, publié par le B Lab et les Nations unies, encouragent l’« action » plutôt que le simple reporting.</p>
<p>En résumé, ces initiatives visent à ce que nos comptes reflètent la durabilité telle que définie par et via les limites planétaires et les fondations sociales. Dans ces cadres, la valeur ne peut être créée que lorsque les résultats d’un modèle économique maintiennent les stocks et les flux de capitaux dans les seuils acceptables. C’est ce qu’on appelle la <em>system value</em> (valeur systémique).</p>
<h2>Sept générations</h2>
<p>Il s’agit par la même de placer aux cœurs des travaux le concept d’<a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/bse.3280020206">organisation durable</a>, « une organisation qui, à la fin de la période comptable, ne laisse pas la biosphère en plus mauvais état qu’elle ne l’était au début de la période comptable », pour reprendre une définition établie par une équipe de chercheurs dès 1993. Une définition qui, par ailleurs, met l’accent sur la responsabilité collective des comptes.</p>
<p>Dans un contexte d’organisation durable, la gérance environnementale et sociale devient le fait de prendre activement soin de la planète et des êtres qui y vivent. Cela nécessite donc bel et bien des approches différentes de celles que nous avons adoptées jusqu’à présent.</p>
<p>Ces approches pourraient s’inspirer, par exemple, des schémas indigènes traditionnels de la gouvernance, comme la <a href="https://www.ictinc.ca/blog/seventh-generation-principle">pensée des sept générations</a>. Celle-ci considère que « les décisions que nous prenons aujourd’hui devraient aboutir à un monde durable dans sept générations à venir ». À l’heure actuelle, les paradigmes comptables reporting semblent en effet loin d’aborder les choses par le prisme des <a href="https://www.cairn.info/revue-finance-et-bien-commun-2010-2-page-143.htm">générations futures</a>.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été rédigé par un collectif de chercheurs dans le cadre d’un « speed blogging » collaboratif organisé en marge de la conférence académique en ligne CSEAR France/EMAN Europe 2021. Le speed blogging consistait à écrire dans un temps limité, en collaboratif, un article sur le thème de la conférence « la comptabilité du développement durable dans l’anthropocène ». À l’issue de cet évènement, 3 articles ont été co-écrits par des chercheurs confirmés, juniors et doctorants</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162114/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Delphine Gibassier est membre du Board de R3.0 et de l'Expert Network de l'UN Global Compact.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Leanne Keddie, Madlen Sobkowiak, Thuy Thanh Tran et Virginie Kruse ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>De nombreuses propositions fleurissent pour mieux intégrer le développement durable dans les rapports comptables. Celles-ci restent cependant trop cantonnées à la vision des investisseurs.Delphine Gibassier, Professeur Associé de Comptabilité du Développement Durable, AudenciaLeanne Keddie, Assistant Professor, Sprott School of Business, Carleton UniversityMadlen Sobkowiak, Lecturer in Social and Environmental Accounting, University of BirminghamThuy Thanh Tran, PhD Candidate and Teaching Assistant, University of KasselVirginie Kruse, PhD Student, University of KasselLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1628922021-06-18T09:01:45Z2021-06-18T09:01:45ZEn 20 ans, les risques de submersions marines des côtes ont augmenté de 50 %<p>Entre 1993 et 2015, les risques de submersion marine ont augmenté de près de 50 % à l’échelle mondiale : c’est ce que révèle l’étude internationale – coordonnée par l’IRD avec des chercheurs du CNES et de Mercator Océan – que nous venons de publier ce vendredi 18 juin 2021 dans la revue <em>Nature Communications</em>.</p>
<p>En combinant données satellitaires et modèles numériques, nous montrons que ces risques de submersion sont amenés à s’accélérer, notamment dans la zone intertropicale.</p>
<p>Cette situation s’explique par une combinaison de facteurs, dont l’élévation globale du niveau de la mer, mais aussi le déferlement des vagues sur les côtes, un phénomène majeur peu pris en compte jusqu’à présent dans les prévisions climatiques à cause de sa complexité.</p>
<p>La mer monte actuellement de 3 millimètres en moyenne environ par an ; selon les scénarios d’émissions de gaz à effet de serre retenus, ce niveau pourrait les 80 cm à la fin du XXI<sup>e</sup> siècle !</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1405308439589535748"}"></div></p>
<h2>Le rôle du changement climatique</h2>
<p>Les régions côtières situées à faible altitude – à l’image des côtes basses et sableuses d’Afrique de l’Ouest et des grands deltas comme la région du Gange Brahmapoutre – abritent près de <a href="https://www.ipcc.ch/srocc/">10 % de la population mondiale</a>.</p>
<p>Ces zones aux écosystèmes uniques et sensibles – à l’image des lagunes côtières qui abritent une riche biodiversité ou aux sols d’alluvions fertiles utilisés pour l’agriculture dans le delta du Mékong (Vietnam) – subissent l’érosion du littoral, phénomène est imputable aux activités humaines : déficit de sable sur le littoral à cause des barrages sur les rivières qui bloquent les apports, extraction de sable non contrôlée, affaissement du sol lié au pompage des nappes phréatiques et à l’urbanisation… Elles sont aussi exposées à l’élévation du niveau de la mer.</p>
<p>Et elles font également face à des aléas dévastateurs, que ce soit des épisodes de submersion et/ou d’inondation. On se souvient des tempêtes Katrina et Xynthia, qui ont frappé les États-Unis en 2005 et l’Europe en 2010 ; ou encore du Typhon Haiyan, plus gros cyclone tropical jamais mesuré, qui toucha l’Asie en 2013.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le super-typhon Haiyan s’abat sur les Philippines (Euronews/Youtube, novembre 2013)</span></figcaption>
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<p>Ces phénomènes épisodiques sont exacerbés par le réchauffement climatique et les pressions d’origine humaine – aménagements urbains et côtiers, développement des infrastructures touristiques et portuaires, urbanisation galopante et densification urbaine.</p>
<p>La ville de Miami (États-Unis) devrait ainsi devenir l’une des métropoles les plus exposées aux événements de submersion marine dans les années à venir.</p>
<p>Si l’ampleur et la fréquence de ces aléas restent incertaines, les scientifiques estiment que les pays de la zone intertropicale – comme ceux d’Afrique de l’Ouest et d’Asie du Sud-Est – seront particulièrement vulnérables, notamment car ils abritent des métropoles très peuplées sur des côtes basses, pas ou peu protégées – à l’inverse des Pays-Bas où un système de digues et dunes de protection pour faire face aux aléas climatiques extrêmes a été mis en place.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’érosion littorale depuis l’espace (IRD/Youtube, 2021).</span></figcaption>
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<h2>Les grandes vagues à la manœuvre</h2>
<p>Ces épisodes de submersion marine surviennent lorsque le niveau extrême des eaux côtières dépasse l’élévation maximale de la côte (dune, falaise, digue).</p>
<p>Leurs conséquences sont importantes : rupture des protections (brèches) et inondations de zones jusque-là épargnées, comme ce fut le cas lors de la tempête Xynthia en 2010 en France, ou lors du passage de Katrina aux États-Unis.</p>
<p>Les scientifiques ont observé que ce niveau extrême résulte d’une combinaison de plusieurs processus : le niveau régional de la mer, la circulation océanique, le transfert de masse des continents vers l’océan (calottes glaciaires, eaux terrestres, glaciers), la « surcote » (c’est-à-dire la surélévation du niveau d’eau par rapport au niveau de repos) durant les tempêtes due à la pression atmosphérique et aux vents, la marée et, enfin, les effets du déferlement des vagues.</p>
<p>Malgré le <a href="https://lemag.ird.fr/fr/les-vagues-chahutent-le-niveau-de-la-mer">rôle important que jouent les vagues océaniques</a> dans la détermination du niveau de la mer au niveau de la côte, leur contribution était jusqu’à présent largement négligée dans les modèles de prévision des risques de submersion, faute d’une précision suffisante de la topographie des côtes.</p>
<h2>Identifier les « points chauds »</h2>
<p>Dans notre étude, nous avons combiné l’utilisation d’un modèle numérique mondial inédit de niveau de la mer à la côte, incluant l’effet transitoire des vagues d’élévation de surface avec une nouvelle estimation des niveaux extrêmes atteints ; cela a pu être réalisé grâce à des données d’altimétrie satellitaire radar qui permettent de surveiller la hausse du niveau des mers et en tenant compte des ondes de marées, d’analyses du déferlement des vagues et des mesures de protection naturelles et artificielles des côtes.</p>
<p>Nous avons procédé à la quantification de l’augmentation mondiale des évènements de submersion marine pour la période de 1993 à 2015. Pour cela, nous avons précisé, grâce aux données satellitaires, deux paramètres clés de la topographie des côtes : la pente et l’élévation maximale subaérienne de ces espaces.</p>
<p>Le niveau extrême des eaux côtières a été calculé selon une résolution horaire, de façon à identifier le nombre potentiel d’heures de franchissement des protections littorales dans chaque zone sur une base annuelle.</p>
<p>Résultat : en 23 ans, le nombre d’heures par an de submersion marine agrégé au niveau mondial a augmenté de près de 50 %. Nous sommes passés de 10 000 heures par an à plus de 15 000 heures.</p>
<p>La combinaison des marées et des épisodes de grandes vagues (d’une dizaine de mètres au maximum) est le principal contributeur au franchissement épisodique des côtes.</p>
<p>Plusieurs « points chauds » ont été identifiés : le golfe du Mexique, le sud de la Méditerranée, l’Afrique de l’Ouest, Madagascar et la mer Baltique. Ici, l’augmentation des risques de submersion marine est plus élevée en raison des côtes basses et/ou non protégées (naturellement ou artificiellement).</p>
<h2>Une accélération dans les décennies futures</h2>
<p>Nos travaux comportent également un volet de prévision pour le XXI<sup>e</sup> siècle, qui s’appuie sur différents scénarios de hausse du niveau de la mer.</p>
<p>Le nombre d’heures de submersion potentiel pourrait augmenter fortement d’ici à la fin du siècle, avec un rythme plus rapide que l’élévation moyenne du niveau de la mer : c’est-à-dire que le poids de chaque millimètre de hausse n’est pas constant et augmente, et que le risque de franchissement des protections côtières s’accentue.</p>
<p>Cette accélération de la submersion marine est exponentielle et sera clairement perceptible dès 2050, quel que soit le scénario climatique.</p>
<p>À la fin du siècle, l’intensité de l’accélération dépendra des trajectoires d’émissions de gaz à effet de serre, et donc de la hausse du niveau de la mer. En cas de fortes émissions, le nombre d’heures de submersions marines pourrait être multiplié par 50 fois par rapport à ce que nous connaissons actuellement.</p>
<p>Ces chiffres soulignent l’ampleur du défi à relever par la communauté internationale : les besoins de protection sont sans précédent ; il s’agit aussi de changer nos modes d’utilisation des zones littorales fortement exposées à ces aléas marins.</p>
<p>De plus en plus de régions seront exposées à ce risque, tout particulièrement ceux de la zone intertropicale, ainsi que le Nord-Ouest des États-Unis, la Scandinavie ou l’extrême-Est de la Russie.</p>
<p>Des études complémentaires devront être conduites, à des échelles locales et régionales, pour détailler ces projections mondiales. Ces dernières constituent une base solide pour proposer des mesures efficaces d’adaptation, tout principalement dans les points chauds identifiés.</p>
<hr>
<p><em><a href="https://www.linkedin.com/in/cristelle-duos-98283681/?originalSubdomain=fr">Cristelle Duos (IRD)</a> est co-autrice de cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162892/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rafael Almar ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Cette accélération de la submersion marine est exponentielle et sera clairement perceptible dès 2050, quel que soit le scénario climatique.Rafael Almar, Chercheur en dynamique littorale, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1617242021-06-08T17:30:04Z2021-06-08T17:30:04ZComment transformer la comptabilité en levier pour relever le défi environnemental<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/403581/original/file-20210531-17-13aibx6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=45%2C0%2C5085%2C3364&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Très peu de référentiels permettent aujourd’hui de comprendre comment se situe l’entreprise par rapport aux objectifs climatiques fixés par les scientifiques.
</span> </figcaption></figure><p>Qu’est-ce que la comptabilité ? C’est avant tout un système d’informations destiné à aider à la prise de décisions et à rendre des comptes. Il ne s’agit ainsi pas que de voir, mais surtout de voir pour agir, à une époque que l’on désigne de plus en plus avec le terme d’anthropocène. Celui-ci renvoie à la période de l’histoire à partir de laquelle les actions humaines possèdent <a href="https://ideas.repec.org/a/eee/aosoci/v39y2014i6p395-413.html">autant d’ampleur</a> sur les écosystèmes que les forces naturelles.</p>
<p>Le mot connote des inquiétudes sur la viabilité à long terme des sociétés humaines. Nos travaux explorent trois dimensions à travers lesquelles la comptabilité peut rendre compte de l’impact des activités humaines sur son environnement, rendre compte pour agir.</p>
<h2>Le donut comme référence</h2>
<p>L’hypothèse d’un bouleversement climatique, voire géologique, sans précédent que les scientifiques nomment l’anthropocène devrait conduire chacun, à titre individuel ou collectif, à <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/face_a_gaia-9782359251272">revoir sa manière d’agir</a>, de consommer, de se déplacer. Le diagnostic scientifique semble radical et montre à quel point les activités humaines ont un impact sur l’environnement.</p>
<p>Il convient cependant d’admettre qu’il est aujourd’hui extrêmement difficile de déterminer dans quelle mesure chaque action et chaque comportement contribuent à freiner ou à accélérer les conséquences de l’anthropocène. Sans cadre de référence commun, comment permettre à chacun de se fixer des objectifs, de se situer ?</p>
<p>Il existe de nombreux référentiels destinés aux entreprises. Ils sont principalement utilisés par les grands groupes contraints de publier des informations extra-financières dans leurs documents de reporting.</p>
<p>Certaines instances internationales privées sont plutôt favorables à ne couvrir que les impacts ESG des entreprises (impacts environnementaux, sociaux et sur la gouvernance), avec une approche de simple matérialité : autrement dit, l’objectif pour ces dernières n’est que d’informer les investisseurs sur leurs risques mesurés par les critères ESG.</p>
<p>D’un autre côté, l’Union européenne cherche à fonder un cadre du reporting extra-financier qui prend en compte la <a href="https://www.ey.com/fr_fr/board-matters/reporting-extra-financier-qui-imposera-son-modele-de-standardisation">double matérialité</a>, à savoir une analyse qui intègre à la fois l’impact des risques ESG de l’entreprise et l’impact de l’entreprise sur la société. La connectivité entre le reporting financier et extra-financier reste cependant encore <a href="https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/business_economy_euro/banking_and_finance/documents/210308-report-efrag-sustainability-reporting-standard-setting_en.pdf">fragile</a>.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/403387/original/file-20210528-15-10xthao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/403387/original/file-20210528-15-10xthao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=584&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/403387/original/file-20210528-15-10xthao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=584&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/403387/original/file-20210528-15-10xthao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=584&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/403387/original/file-20210528-15-10xthao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=734&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/403387/original/file-20210528-15-10xthao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=734&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/403387/original/file-20210528-15-10xthao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=734&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le donut représente la double nécessité de satisfaire des besoins fondamentaux et d’avoir un mode de vie compatible avec les limites de la planète.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Oxfam France</span></span>
</figcaption>
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<p>Les informations communiquées permettent a minima de connaître l’empreinte carbone de l’entreprise ou sa contribution aux <a href="https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/">Objectifs de développement durable</a> de l’ONU. Néanmoins, très peu de référentiels permettent de comprendre comment se situe l’entreprise par rapport aux objectifs fixés par les scientifiques, objectifs qui conditionnent, ni plus ni moins, la vie sur terre !</p>
<p>Nombreux sont ceux qui <a href="https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2021/03/33646-six-propositions-pour-compter-differemment-dans-le-monde-de-demain/">appellent aujourd’hui les organisations à changer de boussole</a> et à <strong>partager un même cadre de référence</strong> en considérant par exemple à la <a href="https://www-cdn.oxfam.org/s3fs-public/file_attachments/dp-a-safe-and-just-space-for-humanity-130212-en_5.pdf">théorie du donut</a> pour organiser leurs bilans comptables.</p>
<p>Cette approche développée, par l’économiste britannique Kate Raworth, encastre l’activité de l’entreprise entre un plancher social et sociétal, qui intègre le fait qu’on ne peut pas renoncer à tout au nom de l’environnement, et un plafond correspondant aux <a href="http://www.ecologyandsociety.org/vol14/iss2/art32/">limites planétaires environnementales</a> popularisées par le chercheur suédois Johann Rockström et ses co-auteurs.</p>
<h2>Pour fournir une méthodologie commune</h2>
<p>Cette méthodologie commune ne pourra être efficace qu’à condition qu’elle soit portée et promue par une organisation ayant le rôle d’<strong>autorité légitime</strong>. Il s’agit par exemple de l’Autorité des normes comptables en France (ANC).</p>
<p>Pour être légitime, une autorité pour une comptabilité de l’anthropocène devrait associer les producteurs et les utilisateurs des informations comptables, en s’appuyant sur des connaissances scientifiques reconnues.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1402159784024023044"}"></div></p>
<p>Aucune autorité reposant sur ce modèle n’existe aujourd’hui. Il existe dans les faits une multitude de propositions normatives pour la plupart non obligatoires. Une autorité légitime pourrait se charger de :</p>
<ul>
<li><p>produire les normes relatives à la publication d’informations environnementales ;</p></li>
<li><p>fournir une méthodologie, le système comptable et les unités de mesure (physiques, monétaires ou autre) nécessaires pour collecter, calculer ou estimer les informations. Ce pourrait être une opportunité pour proposer des unités qui ne soient pas monétaires mais homogènes pour l’ensemble des impacts. On pourrait songer par exemple à mesurer le nombre d’années qu’il reste à une entreprise avant que ses impacts ne lui interdisent de continuer à fonctionner normalement, dès lors qu’elle aurait déjà consommé sa part d’espace économique viable ;</p></li>
<li><p>fournir une trame de présentation de ces informations et donner accès aux utilisateurs aux hypothèses et méthodes de calculs ;</p></li>
<li><p>assurer une traçabilité des informations produites et leur vérifiabilité dans le cadre d’un audit ;</p></li>
<li><p>définir les sanctions éventuelles en cas de non-respect de ces obligations.</p></li>
</ul>
<p>Un expert américain des questions de reporting, Bill Baue, appelle même à la création d’une autorité qui irait plus loin et qui serait chargée d’allouer des quotas de limites planétaires à l’échelle de chaque entité. Il propose de l’appeler la GTAC, pour « Global Thresholds for Allocation Council » (Conseil d’attribution de seuils globaux).</p>
<h2>Tous concernés</h2>
<p>Rendre des comptes et aider à la prise de décision, avec ses missions la comptabilité rend visibles les responsabilités des différents acteurs. Organisations comme consommateurs doivent alors <strong>pouvoir comprendre les limites qui leur sont imposées</strong>.</p>
<p>Afin que l’anthropocène soit visible pour un décideur au sein d’une organisation, ce dernier doit disposer d’informations qui l’aident concrètement à comprendre les conséquences de ses décisions sur l’état des milieux naturels et de la société.</p>
<p>Un décideur doit ainsi disposer des outils qui lui permettent de simuler les conséquences de ses choix : quel va être l’impact d’un emballage (carton, verre, etc., réutilisable ou pas), d’une formulation (produit liquide, solide), d’un fournisseur (lieu, pays d’origine, politique salariale du fournisseur) ?</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/403395/original/file-20210528-13-jarcnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/403395/original/file-20210528-13-jarcnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/403395/original/file-20210528-13-jarcnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/403395/original/file-20210528-13-jarcnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/403395/original/file-20210528-13-jarcnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/403395/original/file-20210528-13-jarcnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/403395/original/file-20210528-13-jarcnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/403395/original/file-20210528-13-jarcnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Bientôt de nouvelles indications environnementales sur les emballages pour aider le consommateur à faire ses choix ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/shopping-affaires-vente-au-d%C3%A9tail-1165437/">Alexas_fotos/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il en est de même pour le consommateur. La comptabilité rendra l’anthropocène visible si elle peut traduire l’acte d’achat en une contribution à une charge environnementale, ou au respect d’un objectif social. À son sujet, il reste encore un travail important à faire sur les moyens à déployer pour aider l’aider, notamment via l’étiquetage des produits.</p>
<p>Le stade ultime du succès sera quand nos comportements auront tellement intériorisé l’anthropocène qu’elle redeviendra à la fois présente mais invisible.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été rédigé par un collectif de chercheurs dans le cadre d’un « speed blogging » collaboratif organisé en marge de la conférence académique en ligne CSEAR France/EMAN Europe 2021. Le speed blogging consistait à écrire dans un temps limité, en collaboratif, un article sur le thème de la conférence « la comptabilité du développement durable dans l’anthropocène ». À l’issue de cet évènement, 3 articles ont été co-écrits par des chercheurs confirmés, juniors et doctorants</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161724/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bastien David a reçu des financements de l'ADEME. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christelle Chaplais Chouvier, Eugénie Faure et Nicolas Antheaume ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Un cadre de référence, porté par une autorité légitime et qui prendrait en compte l’impact de l’entreprise sur la société, rendrait visibles les responsabilités des différents acteurs.Christelle Chaplais Chouvier, Enseignante Chercheuse en comptabilité et audit, ESC Clermont Business SchoolBastien David, Doctorant et Professeur agrégé d’économie gestion, Université de MontpellierEugénie Faure, Doctorante en comptabilité multi-capitaux des PMEs, AudenciaNicolas Antheaume, Professeur en comptabilité pour le développement durable, Université de NantesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1617202021-06-01T19:20:09Z2021-06-01T19:20:09ZL’engouement pour la résilience implique désormais une évolution des paradigmes comptables<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/403580/original/file-20210531-17-yaumi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6000%2C3997&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il ne s’agit pas uniquement, pour les entreprises, de savoir faire face à leur environnement…
</span> </figcaption></figure><p>L’idée de « résilience » ne remonte pas à 2020. À l’origine, ce terme <a href="https://www.eyrolles.com/Loisirs/Livre/la-resilience-9782091912875/">provient de la science physique</a> et de l’ingénierie et faisait référence à la capacité d’un objet <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/fr/2009-v22-n1-2-fr3943/045021ar/">à résister à une perturbation</a> et à encaisser un choc avant de retrouver sa forme initiale.</p>
<p>Depuis peu, le concept se trouve mobilisé dans différents champs disciplinaires : psychologie, géographie, physique ou encore écologie. La crise sanitaire liée au Covid-19 l’a même fortement médiatisé.</p>
<p>Si l’on s’en remet au dictionnaire, la résilience renvoie à la capacité d’une personne à ne pas se laisser abattre. Mais au-delà de cette vision individualiste, elle peut être pensée à une échelle systémique comme le propose le <a href="https://www.stockholmresilience.org">Stockholm Resilience Center</a> :</p>
<blockquote>
<p>« La résilience est la capacité d’un système, qu’il s’agisse d’un individu, d’une forêt, d’une ville ou d’une économie, à composer avec un changement et à continuer de se développer. »</p>
</blockquote>
<p>Dans un contexte de crise économique a ainsi pu émerger la notion de <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2010-1-page-127.htm">« résilience organisationnelle »</a>, mobilisée pour désigner la capacité d’une entreprise à <a href="https://doi.org/10.1177/0149206305279367">s’adapter à un environnement</a> en perpétuel changement. Cela correspond désormais à une norme ISO.</p>
<p>L’engouement pour ce concept irrigue l’ensemble de la société. Sa mesure dans des dispositifs comptables mérite cependant d’être questionnée.</p>
<h2>Une comptabilité à sens unique ?</h2>
<p>La définition donnée de la résilience organisationnelle semble mobiliser l’attention sur les aspects économiques et financiers de la performance. On considère l’entreprise dans ses limites classiques et les ressources environnementales et sociales sont ainsi prises en compte à sens unique.</p>
<p>Cela apparaît, par exemple, lorsque les actionnaires des majors pétrolières exigent des dirigeants une <a href="https://oilprice.com/Energy/Energy-General/Recent-SEC-Decision-Could-Spark-Investment-In-Big-Oil.html">meilleure prise en compte du changement climatique</a>. Il s’agit avant tout de questionner la résilience financière de ces organisations face à l’anthropocène, c’est-à-dire l’ère qui se caractérise par le rôle prépondérant de l’homme dans la modification de son environnement.</p>
<p>C’est dans ce même sens que le G7 a constitué un groupe de travail, la <em>Task force on climate-related financial disclosures</em> (TCFD). Le <a href="https://www.fsb-tcfd.org/publications/">rapport</a> de ce groupe de travail, rendu en juin 2017, préconise aux organisations de rendre compte des effets qu’aurait le réchauffement climatique sur leurs activités et les stratégies retenues pour en limiter l’influence négative.</p>
<p>Cette vision de l’extérieur vers l’intérieur trouve cependant ses limites. Puisque flexibilité et adaptabilité, dans un environnement dynamique et incertain, sont des qualités clés pour parvenir à la résilience, des entreprises ont intégré leur dépendance à un écosystème multidimensionnel mais ont aussi modifié leurs outils de contrôle pour rendre compte des conséquences de leurs activités sur leur écosystème.</p>
<p>C’est le cas notamment des approches IR et capitals coalition. Elles œuvrent à l’émergence d’une comptabilité multi-capitaux dont l’objet est de piloter l’évolution de la valeur des capitaux dont elle dépend. Ainsi, une connexion entre les concepts de résilience et de responsabilité sociale des entreprises peut-elle être créée.</p>
<h2>Changer de cap</h2>
<p>Des chercheurs démontrent néanmoins qu’il peut exister une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/036136829290042Q">déconnection</a> entre les actions d’une entreprise et sa communication en RSE. Volontairement ou involontairement, les entreprises se concentrent sur des facteurs qui leur semblent fondamentaux, délaissant certains aspects essentiels pour d’autres communautés ou ignorant le caractère connecté et global des systèmes sociaux et environnementaux que la crise actuelle a remis en lumière.</p>
<p>En complément de la vision extérieur-intérieur, les organisations doivent également adopter une vision inverse : intérieur-extérieur. Il semble souhaitable que la comptabilité intègre des indicateurs de la contribution des organisations pour la résilience d’un système traversé par des crises multiples.</p>
<p>L’exercice ne se limite plus à la poursuite de la résilience de l’organisation, mais bien à celle de son système. Ce changement de cap est nécessaire afin que les entreprises puissent faire face aux défis et enjeux de plus en plus importants de l’anthropocène.</p>
<p>Cela s’accompagne d’un changement de paradigme : en intégrant les contraintes du système où elle s’inscrit, l’organisation passe alors d’une comptabilité de sa résilience à une comptabilité pour la résilience du système socio-environnemental.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été rédigé par un collectif de chercheurs dans le cadre d’un « speed blogging » collaboratif organisé en marge de la conférence académique en ligne CSEAR France/EMAN Europe 2021. Le speed blogging consistait à écrire dans un temps limité, en collaboratif, un article sur le thème de la conférence « la comptabilité du développement durable dans l’anthropocène ». À l’issue de cet évènement, 3 articles ont été co-écrits par des chercheurs confirmés, juniors et doctorants</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161720/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les indicateurs ne prennent aujourd’hui en compte que l’impact sur les organisations de leur environnement, en occultant le rapport inverse.Quentin Arnaud, Doctorant en Comptabilité, Université de MontpellierAmel Ben Rhouma, Maître de conférences en Sciences de gestion, Université Paris CitéClément Carn, ATER en sciences de gestion, IAE de PoitiersSouâd Taïbi, Enseignante-chercheur en comptabilité du développement durable, AudenciaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.