tag:theconversation.com,2011:/us/topics/artisanat-35040/articlesartisanat – The Conversation2023-12-11T10:24:42Ztag:theconversation.com,2011:article/2192482023-12-11T10:24:42Z2023-12-11T10:24:42ZLa passion ou la gestion ? Le dilemme de l’artisan<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/563602/original/file-20231205-29-63vizn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6145%2C4093&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Passionnés par leur activité, artisans et artisanes sont souvent moins à l'aise avec des tâches élémentaires de gestion.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Si l’<a href="https://theconversation.com/topics/artisanat-35040">artisanat</a> a toujours été vanté par les institutions représentatives comme étant la <a href="http://www.culturepub.fr/videos/artisanat-de-france-l-artisanat-1ere-entreprise/">« première entreprise de France »</a>, cela n’a jamais été aussi vrai qu’en 2023. Avec plus de <a href="https://www.artisanat.fr/analyses-donnees/artisanat-en-france">1 800 000 entreprises pour plus de 3 millions d’actifs</a>, le secteur est en <a href="https://theconversation.com/sens-au-travail-ce-que-revele-le-boom-des-neo-artisans-207523">plein boom</a>, le nombre d’entreprises a presque <a href="https://www.cairn.info/revue-marche-et-organisations-2015-3-page-15.htm">doublé depuis 2015</a>.</p>
<p>L’artisanat, c’est le secteur des <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000032854341">métiers</a> : il en regroupe 250, auxquels s’ajoutent de nombreuses activités, d’art par exemple. Un métier est une activité manuelle, de production/fabrication ou de services, que l’artisan exerce au service d’une clientèle – bien souvent – de proximité. Auparavant, l’accès à l’artisanat se faisait par le Certificat d’aptitudes professionnelles (CAP), passé durant l’adolescence, puis par une expérience en tant qu’ouvrier. Enfin, l’ouvrier, en quête d’autonomie, se met à son compte. Tel est ce que le sociologue Bernard Zarca identifiait, dans les années 1980, comme le <a href="https://www.cairn.info/l-artisanat-francais--9782717811162.htm">parcours idéaltypique artisanal</a>.</p>
<p>De <a href="https://www.theses.fr/2022ULILH026">récents travaux</a> ont mis en évidence la part croissante, dans le secteur artisanal, de ceux que Caroline Mazaud, sociologue à l’école supérieure d’agricultures appelle des <a href="https://pur-editions.fr/product/4901/l-artisanat-francais">« reconvertis »</a>, des anciens cadres ou autres professions libérales, qui partent chercher du sens dans le travail manuel, « une architecte d’intérieur devenue boulangère, un ex-banquier à la tête de sa fromagerie… ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1646085975532089344"}"></div></p>
<p>Quel que soit leur parcours d’accès à l’artisanat, CAP ou reconversion, les artisans vont devoir, dans leur nouvelle vie de chef d’entreprise, jongler avec deux casquettes : celle de producteur, et celle de chef d’entreprise. À l’instar de <a href="https://editions.flammarion.com/ethique/9782080413550">Spinoza</a>, qui oppose la passion et la raison, nous observons le rapport des artisans entre la passion et la gestion. Notre <a href="https://hal.science/tel-03893268/">travail de thèse</a>, ainsi que celui bientôt publié dans la revue de l’entrepreneuriat, traite de cette dualité, qui malheureusement peut parfois devenir source de tensions pour les artisans, qualifiées de <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=QI-aEAAAQBAJ">« conflits identitaires »</a> en psychologie. Ces tensions entre la passion et la gestion vont générer des difficultés de plusieurs ordres.</p>
<h2>Le temps de travail et le prix</h2>
<p>Nous identifions tout d’abord des tensions liées à la qualité du produit. Les artisans (ou les artisanes, qu’il convient de ne pas oublier, et qui sont nombreuses dans notre étude) sont en effet des professionnels dans un métier, et bien souvent, ce métier est aussi passion. Or, la passion peut entraîner l’artisan à faire ce que nous pourrions appeler de la « surqualité », à vouloir trop en faire. Cette surqualité génère deux difficultés. Tout d’abord, le prix de vente est difficile à fixer, quand l’artisan passe trop de temps pour atteindre la perfection ; soit le prix du produit devient prohibitif, soit l’artisan vend ses heures au rabais. Clotaire, ébéniste, nous explique :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai augmenté mes prix déjà depuis 2 ans. Mais sur une table, par exemple, je vais encore facturer 13h de travail alors que je vais en mettre 25 : je n’arrive pas encore à facturer aux vraies heures et aux vrais taux horaires. »</p>
</blockquote>
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<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Lorsque les clients essayent de discuter du tarif, cela peut dégrader la relation en créant une situation qui peut devenir conflictuelle. La négociation du prix, pratique somme toute courante dans le commerce, peut être vécue comme un casus belli par l’artisan. Brunehaut, bijoutière, redoute d’avoir à y faire face :</p>
<blockquote>
<p>« Non, ils ne discutent pas les prix. Soit ils s’en vont, soit ils commandent. Je n’ai jamais eu ça et heureusement : je pense que je m’énerverais un peu. »</p>
</blockquote>
<p>La deuxième source de tension est liée à la croissance de l’entreprise. 91 % des entreprises artisanales sont de <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4277845?sommaire=4318291#:%7E:text=Un%20peu%20plus%20des%20trois,de%20services%20(97%20%25).">très petite taille</a> (moins de 5 salariés, voire aucun). Les artisans, bien souvent, se mettent à leur compte pour être autonomes et non pour devenir <em>businessman</em> ou <em>businesswoman</em>. Si l’artisan embauche, il peut perdre ce rapport avec son métier et se trouver de plus en plus accaparé par les activités de gestion, qui clairement ne sont pas une passion, et pour lesquelles leur formation n’est pas du tout adaptée. C’est ce que nous explique Thierry, ancien boucher :</p>
<blockquote>
<p>« C’est justement ces problèmes qu’on ne nous apprend pas au CAP : gestion des collaborateurs, de la vie de l’entreprise, toutes ces choses-là on ne nous les apprend pas là-bas. On ne sait pas regarder quelqu’un dans les yeux en lui disant : “écoute, je suis désolé, mais tu ne fais pas l’affaire”. »</p>
</blockquote>
<h2>Planter une graine de gestion dans ce terreau de passion</h2>
<p>On touche au cœur du sujet. Les artisans sont de formidables professionnels, avec un savoir-faire technique, traditionnel – et parfois patrimonial – dont la France ne peut qu’être fière. C’est d’ailleurs non sans raison que les consommateurs <a href="https://theconversation.com/la-revolution-artisanale-a-contribue-a-developper-le-marche-du-cafe-de-specialite-187814">privilégient de plus en plus l’artisanat</a>, perçu comme plus authentique. Néanmoins, si la passion et l’engagement envers le métier sont souvent irréprochables, les connaissances et compétences en gestion de nombre d’artisans sont parfois insuffisantes et ils se « retrouvent dedans », comme en témoigne Clothilde, une experte-comptable :</p>
<blockquote>
<p>« Vous allez chez un coiffeur, c’est son métier, c’est son plaisir : il va vouloir faire de la créativité, donc il va faire un shampooing brushing en 1h15 et il va le vendre à 18€. Vous savez qu’il va être dedans. Vous allez chez celui qui va vouloir monter son petit resto, qui est passionné de cuisine, qui voit Top Chef et qui, du coup, va vous proposer un menu entrée, plat, dessert à 18€. Et quand vous voyez le menu, vous savez qu’il va être dedans, avant même de leur avoir fait calculer le coût de revient. Il vous dit “ah non, mais à la louche”, et vous lui dites “non, mais ce n’est pas à la louche”. Moi je veux que tu pèses tout. »</p>
</blockquote>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1669424400418983947"}"></div></p>
<p>Il existait, il y a encore quelques années, un stage obligatoire préalable à l’installation pour les futurs artisans. Si ceux qui l’ont suivi nous ont indiqué que c’était loin d’être parfait, cela avait au moins le mérite de poser des bases : planter une graine de gestion dans ce terreau de passion. Supprimer ce stage préalable fut, selon nous, une erreur. Il faudrait, si nous souhaitons que le secteur artisanal croisse, embauche plus, aider les artisans à maîtriser les concepts de gestion le plus rapidement possible. Nous éviterions ainsi probablement un certain nombre de faillites. Car, il faut le dire, si le secteur créé des entreprises, il en détruit également beaucoup : en 2022, 42 500 défaillances <a href="https://www.artisanat-nouvelle-aquitaine.fr/Record-de-hausse-des-defaillances-d-entreprises-en-France-en-2022-PME-et-jeunes-entreprises-extremement-vulnerables_a8547.html">d’entreprises</a> ont été enregistrées, et parmi elles de <a href="https://www.altares.com/wp-content/uploads/01_2023_ALTARES_CP_DEFAILLANCES_T4_BILAN_2022.pdf">nombreux artisans</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219248/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Grégory Blanchard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Beaucoup d’artisans exercent par passion et n’ont pas en tête des fondamentaux de gestion par manque de formation. Ils se mettent ainsi parfois dans le rouge en fixant des prix « à la louche ».Grégory Blanchard, Enseignant-chercheur. Recherche : artisanat, identités, TPE. Enseignant en négociation - vente, ESC Clermont Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2192402023-12-11T10:24:39Z2023-12-11T10:24:39ZMesdames du bâtiment : quelle place pour les artisanes dans ce « milieu d’hommes » ?<p>Clothilde Coron, professeure en sciences de gestion à l’Université Paris-Saclay, observe dans ses <a href="https://scholar.google.com/citations?user=K3wO4V8AAAAJ&hl=fr">travaux</a> que les femmes subissent toujours <a href="https://theconversation.com/la-persistance-des-stereotypes-entretient-les-inegalites-professionnelles-femmes-hommes-199320">deux sortes de ségrégation dans les activités professionnelles</a> : verticale, c’est le célèbre <a href="https://theconversation.com/topics/plafond-de-verre-44233">plafond de verre</a> ; horizontale, certaines activités leur restant difficiles, si ce n’est impossibles, d’accès. Le secteur du <a href="https://theconversation.com/topics/batiment-36381">bâtiment</a> fait partie de ces dernières.</p>
<p>Quelques <a href="https://www.ffbatiment.fr/actualites-batiment/presse/journee-de-la-femme-2023">tentatives de féminisation</a> ont été lancées, mais force est de constater qu’elles portent peu leurs fruits. Ainsi, le nombre de femmes stagne aux alentours de <a href="https://www.batiactu.com/edito/femmes-dans-btp-constante-evolution-65820.php">12 % dans le bâtiment</a>. Les femmes restent en outre cantonnées dans les bureaux, les activités commerciales, et éventuellement des activités de finition, des <a href="https://theconversation.com/topics/stereotypes-24543">postes réputés féminins</a>. Elles ne sont que <a href="https://www2.attestationlegale.fr/2022/04/la-feminisation-du-secteur-btp-et-construction-un-vaste-chantier/#:%7E:text=En%202020%2C%20la%20part%20des,co%2Ddirig%C3%A9e%20par%20une%20femme">1,6 % à travailler sur les chantiers</a>.</p>
<p>Depuis les années 2000, de nombreuses <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/1468-0432.00106">études</a> en management ont observé la place des femmes dans le bâtiment, y compris en <a href="https://theconversation.com/ma-femme-est-peintre-en-batiment-et-alors-ou-est-le-probleme-115856">France</a>. La plupart des résultats s’avèrent peu encourageants entre <a href="https://riunet.upv.es/bitstream/handle/10251/107373/WomenBarriersFinal.pdf">identification d’un plafond de verre</a> ou conclusions telles que « elles doivent <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/EJTD-11-2019-0186/full/html">travailler deux fois plus dur pour faire leurs preuves</a> ». On recense à la fois des <a href="https://www.cairn.info/revue-agrh1-2019-4-page-119.htm?contenu=article">freins psychologiques et des freins physiques</a> à la présence de femmes sur les chantiers. Toutes ces études, toutefois, se sont penchées sur le cas de femmes salariées dans le bâtiment. Dans notre <a href="https://hal.science/tel-03893268/">travail de thèse</a>, nous avons voulu observer l’intégration de femmes dans le bâtiment, non pas en tant que salariées, mais en tant qu’artisanes.</p>
<h2>Une bonne surprise !</h2>
<p>L’artisanat est un milieu qui peine également à faire place aux femmes. Si des efforts sont déployés par les instances représentatives, la part de femmes <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5014069">stagne aux alentours de 25 %</a>. Certains métiers restent plus particulièrement très difficiles d’accès. Les femmes artisanes du bâtiment seraient <a href="https://www.capeb.fr/www/capeb/media/dp-capeb-cnfa-journee-des-femmes-8-mars-2021-version-finale-.pdf">au mieux 4 %</a>. Nous avons donc cherché à savoir si les artisanes étaient bien accueillies dans ce milieu d’hommes, en tant que cheffes d’entreprises. Les artisanes que nous avons rencontrées sont toutes des femmes de terrain, et sont régulièrement sur les chantiers au contact des autres artisans et des clients.</p>
<p>À l’issue de nos travaux, nous avons fait un constat inattendu au regard des études mentionnées précédemment : les femmes, artisanes du bâtiment, s’avèrent plutôt bien accueillies par les hommes artisans. Julia, électricienne nous explique par exemple :</p>
<blockquote>
<p>« Oui, ça se passe très, très bien. Avec les plaquistes, les maçons… il n’y a pas de soucis. »</p>
</blockquote>
<p>Plusieurs facteurs l’expliquent. Premièrement, les artisanes sont majoritairement impliquées dans des travaux de rénovation, ou sur des chantiers de taille moyenne. On y retrouve ainsi beaucoup moins d’hommes, qui par ailleurs sont eux aussi chefs d’entreprises artisanales. Il n’y a donc pas – autant – d’effet « de meute » que sur des opérations plus vastes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1633794343956885506"}"></div></p>
<p>Le deuxième point est que le bâtiment est un secteur en tension : des artisans qui pourraient embaucher un peu ne trouvent pas forcément la main-d’œuvre qualifiée qu’ils recherchent. Collaborer et sous-traiter des chantiers à une artisane motivée et compétente est une solution parfaitement viable pour ces artisans hommes. C’est ce que Faustine, électricienne a observé :</p>
<blockquote>
<p>« Quand on change de région, il faut quand même retrouver du travail. Et quand on n’est pas connue, c’est un peu compliqué. Ici, les électriciens étaient contents que j’arrive, parce qu’ils manquaient de main-d’œuvre : j’ai saisi l’occasion. »</p>
</blockquote>
<p>Enfin, la présence de femmes sur ces chantiers est aussi bien perçue, car l’ambiance devient alors différente, chose déjà constatée par <a href="https://theconversation.com/ma-femme-est-peintre-en-batiment-et-alors-ou-est-le-probleme-115856">Agnès Paradas, chercheuse à l’université d’Avignon, et ses collègues</a>. Une satisfaction pour Sabine, peintre :</p>
<blockquote>
<p>« En tant que femme, comme on est un peu la mascotte, c’est vraiment super bien de se dire qu’on a le pouvoir de pouvoir faire quelque chose de positif et d’amener une bonne ambiance positive, de pousser les garçons à avoir envie de travailler parce qu’ils vont être dans cette ambiance. »</p>
</blockquote>
<p>Bref, pour ces femmes, l’intégration parmi les artisans hommes se passe plutôt bien.</p>
<h2>Déconstruisons quelques clichés</h2>
<p>Faire place des femmes dans le bâtiment reste néanmoins chose difficile, notamment à cause des préjugés. Nous avons abordé durant nos entretiens la difficulté physique des métiers. S’il ressort que ces femmes ne prétendent pas avoir la force physique d’un homme, cela ne leur pose absolument aucune difficulté. Car les hommes aussi ont du mal à accomplir certaines tâches seuls, et s’aident entre eux. Lucille est couvreuse et nous explique :</p>
<blockquote>
<p>« Quand on travaille dans une ambiance qui est saine et qu’il y a du respect, quand ça ne devient pas une compétition, tout le monde n’est pas en train de regarder si on va y arriver ou pas. On demande de l’aide, et cela se fait sans problème : il n’y a pas de souci, on n’est jamais coincée parce qu’on est une femme et qu’on ne peut pas y arriver. »</p>
</blockquote>
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<p>Il n’y a donc aucune tâche qui ne peut être accomplie par une femme sur un chantier. Même si Orbiane reconnaît qu’en maçonnerie, avec son petit gabarit cela a été parfois difficile, elle accomplit son travail aussi bien que les hommes :</p>
<blockquote>
<p>« On fait ce qu’on peut physiquement, on se fait aider, il ne faut pas hésiter à aller sur un élévateur. »</p>
</blockquote>
<p>Certaines ne manquent d’ailleurs pas d’ingéniosité pour accomplir des tâches qui sont physiquement éprouvantes, y compris pour des hommes. Ainsi, Théodora, charpentière, lève ses charpentes à la corde plutôt que de les porter et de risquer blessures et accidents de travail. Elle utilise cette méthode, pour le plus grand plaisir de ses salariés – des hommes :</p>
<blockquote>
<p>« Le levage à la corde, c’est toute une institution : on lève comme ça et eux ils ne lèveraient jamais autrement. Ils y ont tellement pris goût que c’est un jeu, c’est un plaisir. Le jour où on sort les cordes, on est tous des gamins ».</p>
</blockquote>
<p>Ces femmes que nous avons rencontrées, même dans des métiers difficiles, sont la preuve que le bâtiment aurait tout à gagner à accueillir en nombre des femmes, dans tous les métiers. Nous faisons nôtres les <a href="https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2006-2-page-97.htm">mots de la sociologue Stéphanie Gallioz</a> :</p>
<blockquote>
<p>« les femmes ont toujours occupé des emplois à fort taux de pénibilité requérant force et résistance (agricultrice, aide-soignante). Mais dans ces cas-là, cette pénibilité peut être plus ou moins minorée, voire ignorée. »</p>
</blockquote>
<p>Si une femme peut s’occuper d’une personne âgée seule, d’animaux d’élevage seule, elle est assurément et sans aucun doute possible en mesure de monter un mur de parpaing seule, et aussi bien qu’un homme. Rappelons également à toutes fins utiles que durant les guerres, les femmes ont toujours suppléé les hommes partis au front, dans tous les secteurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219240/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Grégory Blanchard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les femmes artisanes restent encore très minoritaires dans le secteur du bâtiment. Elles semblent pourtant bien accueillies par leurs homologues masculins.Grégory Blanchard, Enseignant-chercheur. Recherche : artisanat, identités, TPE. Enseignant en négociation - vente, ESC Clermont Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2075232023-06-14T16:39:48Z2023-06-14T16:39:48ZSens au travail : ce que révèle le boom des néo-artisans<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/531388/original/file-20230612-222822-x7o3gk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C5%2C3930%2C2626&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’artisanat attire de plus en plus de jeunes diplômés en quête de sens.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/lumineux-femme-art-creatif-4241339/">Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans un contexte d’explosion du secteur tertiaire, les « <a href="http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Bullshit_Jobs-546-1-1-0-1.html">bullshit jobs</a> » fleurissent dans les organisations. Ce sont tous ces emplois qui paraissent d’autant plus inutiles et dérisoires qu’ils sont bien rémunérés. À cela s’ajoute l’impression d’évoluer dans une nébuleuse virtuelle où il devient de plus en plus difficile de voir le fruit de son propre <a href="https://theconversation.com/fr/topics/travail-20134">travail</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/jobs-a-la-con-lennui-le-sens-et-la-grandiloquence-58382">« Jobs à la con » : l’ennui, le sens et la grandiloquence</a>
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<p>Face à cette prolifération des « jobs à la con », on assiste actuellement à ce que le journaliste <a href="https://www.franceculture.fr/personne-jean-laurent-cassely">Jean-Laurent Cassely</a> appelle la <a href="https://www.arkhe-editions.com/livre/cassely-revolte-premier-classe/">« révolte des premiers de la classe »</a>, c’est-à-dire à un mouvement d’exode de jeunes diplômés qui quittent les grandes entreprises du tertiaire pour devenir artisans, autoentrepreneurs, bénévoles dans des organisations non gouvernementales (ONG), etc.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/gwoCApeZh3E?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Jean-Laurent Cassely – La révolte des cadres contre les “métiers à la con” (Xerfi Canal, 2017).</span></figcaption>
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<p>Le retour au travail des mains, la modestie de l’impact et le désir d’un contact avec la « <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Tel/Le-Visible-et-l-Invisible-suivi-de-Notes-de-travail">chair du monde</a> » forment alors le credo de cette nouvelle élite. Dès lors, en quoi cette reconquête de l’atelier va-t-elle au-delà d’un simple phénomène de mode ?</p>
<h2>Retrouver du sens par le « faire »</h2>
<p>À rebours d’une économie déracinée, voire « hors-sol », le retour à la matière représente une forme de réconciliation avec le monde. Les professeurs <a href="https://www.editions-ems.fr/boutique/et-pourtant-jai-fait-une-ecole-de-commerce-les-changements-de-trajectoire-professionnelle-des-diplomes-de-grande-ecole/">Anne Prevost-Bucchianeri et François Pottier</a> en sont convaincus :</p>
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<p>« pour certains diplômés, le retour au concret, au “faire”, est une nécessité. [Dès lors], le besoin de concret rejoint le besoin de sens. »</p>
</blockquote>
<p>Ces retrouvailles rejoignent cet « art du sens » dont parlent <a href="https://www.pulaval.com/produit/l-art-du-sens-dans-les-organisations">Jean-Luc Moriceau</a> et ses co-auteurs où il s’agit de toucher le réel, de l’approcher et de le penser. L’« art du sens », c’est finalement une manière d’entrer en contact avec le monde et de se sentir pleinement y appartenir. Non sans nostalgie, le philosophe <a href="https://www.puf.com/content/Exister_r%C3%A9sister">Pascal Chabot</a> évoque cet oubli de la matière de la part des salariés modernes.</p>
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<p>« Cette monomanie [du travail sur ordinateur] se paie d’un oubli : le savoir informulé que détenaient les doigts de l’humanité, qui ont construit le monde en le prenant en main, est progressivement perdu. Les travaux de la terre, du bois, du métal ou de la pierre requéraient une haute habileté […] Le marin qui noue un bout […] la jardinière qui praline des racines, la mosaïste qui fend des tesselles : autant de savoirs fondamentaux qui doivent leur survie à des récalcitrants qui ont l’intelligence de les perpétuer. »</p>
</blockquote>
<p>Les jeunes diplômés interrogés dans le cadre d’une <a href="https://www.theses.fr/2022PA01E047">thèse de doctorat</a> soutenue récemment ont mis en avant cette volonté de déserter leurs emplois de bureau pour retrouver du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/sens-41231">sens</a> au contact de la matière.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/reconversions-ces-bac-5-qui-se-tournent-vers-lartisanat-193976">Reconversions : ces bac+5 qui se tournent vers l’artisanat</a>
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<p>C’est notamment le cas d’Esther* qui a quitté son poste dans une grande entreprise pour lancer son propre atelier de confection de vêtements :</p>
<blockquote>
<p>« j’ai toujours été attirée par la création, par le travail manuel plutôt que par un travail derrière un ordinateur. »</p>
</blockquote>
<h2>Les pouvoirs de la main et du toucher</h2>
<p>Dans <a href="https://www.livredepoche.com/livre/les-parties-des-animaux-9782253089261"><em>Les Parties des animaux</em></a>, <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/aristote/">Aristote</a> rappelle le pouvoir de la main humaine sur le reste du règne animal. Il insiste en particulier sur la polyvalence de la main qui ne serait que le prolongement de la raison humaine. Le psychanalyste <a href="https://www.penguin.co.uk/books/287/287305/hands/9780241974001.html">Darian Leader</a> revient lui aussi sur l’importance des activités manuelles dans la vie des individus. Il soutient que nous avons un immense besoin d’agir avec nos mains. Dès lors, toucher, c’est plus que jamais être au monde.</p>
<p>Cette question du toucher est également au cœur de la préface rédigée par <a href="https://philippesimay.com/fr/accueil">Philippe Simay</a> pour l’ouvrage du philosophe <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/georg-simmel/">Georg Simmel</a> : <a href="https://www.payot-rivages.fr/payot/livre/les-grandes-villes-et-la-vie-de-lesprit-9782228920643"><em>Les grandes villes et la vie de l’esprit. Suivi de sociologie des sens</em></a>.</p>
<p>Dans cet opuscule, Simmel développe notamment un portrait original de la métropole moderne en analysant l’impact du mode de vie urbain sur les expériences sensibles et les mentalités des citadins. En somme, le sociologue allemand choisit de donner une lecture sensitive de la ville où il s’agit d’envisager le tissu urbain et ses enjeux en termes d’expériences corporelles.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-blase-en-entreprise-une-victime-de-la-routine-172344">Le « blasé » en entreprise, une victime de la routine ?</a>
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<p>En partant de ce constat, Simay rappelle dans sa préface que « le toucher est le sens proscrit de la vie urbaine ». Il ajoute que « c’est là le sens qui n’est jamais mentionné par Simmel, alors qu’il occupe une place essentielle, bien que paradoxale, dans la métropole ». En effet :</p>
<blockquote>
<p>« les sens du citadin sont mobilisés pour créer de la distance et pour éviter que l’on se touche d’une manière ou d’une autre. »</p>
</blockquote>
<p>Si le toucher est le sens proscrit des relations citadines, il est alors possible d’élargir ce constat aux tâches demandées aux salariés des grandes entreprises du secteur tertiaire. Incapables de toucher le fruit de leur propre travail, ils évoluent dans une nébuleuse où les tâches deviennent informes, intangibles, en un mot, virtuelles.</p>
<h2>Le temps des <em>Noces</em> avec le monde</h2>
<p>Rejoindre l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/artisanat-35040">artisanat</a>, c’est finalement renouer avec cet outil précieux qu’est la main mais c’est aussi rejouer ce temps des grandes réconciliations avec le monde dépeint par Albert Camus dans <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Les-Essais/Noces"><em>Noces</em></a>. C’est l’heure du grand midi, d’un soleil qui irradie Tipasa, Djemila et Florence. La nature méditerranéenne offre alors l’écrin de grandes retrouvailles avec le monde.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Alors que dans <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Les-Essais/Le-mythe-de-Sisyphe"><em>Le Mythe de Sisyphe</em></a>, Camus parle d’un rendez-vous manqué en décrivant l’expérience de l’absurde ; dans <em>Noces</em>, le rendez-vous est réussi. Face à l’hiver d’un monde techniciste et à l’injustice d’un poste absurde, ce retour aux choses est l’expression d’un « été invincible » qui dort au plus profond de chacun.</p>
<blockquote>
<p>« Pour empêcher que la justice se racornisse, beau fruit orange qui ne contient qu’une pulpe amère et sèche, je redécouvrais à Tipasa qu’il fallait garder intactes en soi une fraîcheur, une source de joie, aimer le jour qui échappe à l’injustice, et retourner au combat avec cette lumière conquise. Je retrouvais ici l’ancienne beauté, un ciel jeune, et je mesurais ma chance, comprenant enfin que dans les pires années de notre folie le souvenir de ce ciel ne m’avait jamais quitté. […] Au milieu de l’hiver, j’apprenais enfin qu’il y avait en moi un été invincible. »</p>
</blockquote>
<p>Les descriptions du jeune Camus à Tipasa font ici écho à ce retour à la matière, à cette « <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Tel/Le-Visible-et-l-Invisible-suivi-de-Notes-de-travail">chair du monde</a> » rendu possible par l’artisanat.</p>
<p>Ainsi, l’apprenti artisan apprend progressivement à remobiliser l’ensemble de son corps et de ses sens, à être attentif à tous les phénomènes qui se produisent autour de lui. Il n’apprend pas tant à se servir de ses mains qu’à engager l’ensemble de son corps dans chacun de ses gestes. Dès lors, le <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/contact-9782707186621">contact</a> direct que l’artisan entretient avec le monde à travers ses cinq sens va lui permettre d’acquérir un sentiment de contrôle par rapport à ce qu’il fait.</p>
<h2>Le pari de l’artisanat</h2>
<p>Dans son premier ouvrage, <a href="https://www.editions-eyrolles.com/Livre/9782212675818/nouveaux-artisans">Magali Perruchini</a> nous propose de découvrir les portraits d’une génération de nouveaux artisans réconciliés avec eux-mêmes. D’ailleurs, le professeur de stratégie et de gouvernance d’entreprise <a href="https://theconversation.com/profiles/pierre-yves-gomez-203521">Pierre-Yves Gomez</a> précise qu’une « vocation authentique s’évalue à la simplicité avec laquelle on quitte ce qui n’apparaît plus que comme masques et artifices pour rejoindre la vraie vie, concrète, matérielle ». Chez tous ces néo-artisans qui quittent leurs emplois de bureau pour rejoindre l’atelier, il y a la volonté de sceller un pacte avec la matière.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/xbgVY50aLpc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Nouveaux artisans, portrait d’une génération qui bouscule les codes (Eyrolles, 2018).</span></figcaption>
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<p>Après cinq années d’études supérieures, <a href="https://www.payot-rivages.fr/payot/livre/la-vie-solide-9782228922715">Arthur Lochmann</a> a choisi de suivre un CAP pour devenir charpentier. Il avait besoin d’une « vie solide » par opposition à la « vie liquide » dont parle le sociologue <a href="https://www.fayard.fr/pluriel/la-vie-liquide-9782818503096">Zygmunt Bauman</a>. Cette liquéfaction de nos existences est le reflet d’un monde sans réelles structures. Confrontée à un flux permanent, la vie est alors assujettie à la nouveauté et à la consommation. C’est le règne du jetable, du provisoire et de l’obsolescence programmée. À l’inverse, l’artisanat est à rebours de ce halo nébuleux. Lochmann parle notamment de développer une intuition de la matière pour réussir à agir sur elle et à la comprendre.</p>
<p>Parmi les portraits réalisés par Magali Perruchini, on retrouve notamment Pia dans son atelier de céramique qui confie que « travailler une matière vivante comme la terre, c’est instaurer un dialogue ». Finalement, les artisans rencontrés par Magali Perruchini « parlent d’authenticité, de beauté, de créativité, de liberté. Leurs choix et leurs productions racontent également, en creux, ce qui ne fonctionne plus dans le rapport au travail de notre société : une production de masse à bout de souffle, un désenchantement des travailleurs comme des consommateurs, une fatigue générale vis-à-vis de l’économie dématérialisée, la recherche d’un impact direct, concret et palpable sur le monde qui nous entoure ».</p>
<h2>La modestie de l’impact</h2>
<p>Dans la perspective développée par Albert Camus, l’homme qui a une conscience aiguë de l’absurde est celui qui crée de façon humble et qui ne va pas chercher la gloire ou la reconnaissance. Lorsqu’il évoque les jeunes artisans que l’on croise dans les portraits de Perruchini, Pierre-Yves Gomez parle de contemplation du travail bien fait.</p>
<blockquote>
<p>« Par contemplation, il ne faut pas entendre de hautes méditations métaphysiques, mais la réflexivité essentielle sur ce que l’on fait, le sentiment qu’on a servi un dessein, maîtrisé un processus, accompli le bon geste. Contempler, c’est prendre conscience de l’utilité de ce que l’on a réalisé, modestement, à la bonne place. Ces vingt-cinq [artisans] n’ont pas la prétention de certains startupers du digital : changer le monde ! Ils veulent simplement réaliser une belle moto, produire du papier à l’ancienne ou faire plaisir en vendant du pain de qualité. Cette modestie change plus sûrement le monde. »</p>
</blockquote>
<p>Gomez en appelle finalement à un impact concret, visible et modeste du travail de chacun. En évoquant la « belle moto » ou le « pain de qualité », il rejoint la logique d’œuvre développée par la philosophe <a href="https://www.livredepoche.com/livre/condition-de-lhomme-moderne-9782253101321">Hannah Arendt</a>. Grâce à la matérialité de sa production, l’artisan peut avoir un retour direct sur l’efficacité et l’utilité de ce qu’il fait tous les jours. On est en effet très loin des discours grandiloquents de certaines entreprises qui pensent avoir trouvé la solution miracle à nos problèmes.</p>
<h2>Esthétique du geste et temporalité</h2>
<p>Lorsqu’il parle des nouveaux artisans, Pierre-Yves Gomez évoque aussi la possibilité d’un geste authentique, réalisé dans la plus pure tradition. L’artisan est la figure de celui qui soigne son travail. Il doit donc nécessairement apprendre des règles très strictes d’exécution qui demandent du temps et de la patience. En effet, il faut du savoir-faire et de la ténacité pour réaliser une belle poterie ou sortir du fournil une baguette délicieuse.</p>
<p>En cela, l’artisan lutte contre cette <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/acceleration-9782707154828">accélération</a> du temps si caractéristique de nos sociétés contemporaines.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/YLnEzJ0xaZ0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Rencontre avec Hartmut Rosa, le philosophe anti-moderne (France Culture, 2020).</span></figcaption>
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<p>L’artisanat est donc une discipline de l’attention qui peut culminer dans un état méditatif proche de ce que certains psychologues appellent l’état de « <a href="https://www.harpercollins.com/products/flow-mihaly-csikszentmihalyi?variant=32118048686114">flow</a> ». Le « flow » correspond à un état mental d’absorption totale de l’individu dans une tâche qui se caractérise par un engagement de toute la personne, une concentration très intense avec la perte de la notion du temps et une sensation de fluidité dans les gestes. En état de « flow », l’artisan s’implique complètement sans percevoir l’effort.</p>
<p>Dans ces conditions, l’artisan entretient un triple rapport au temps. Tout d’abord, le geste artisanal s’élabore dans la durée pour être exécuté correctement et ce temps nécessaire ne peut faire l’objet d’une réduction. L’artisan s’inscrit également dans les gestes de ceux qui l’ont précédé. Quand il réalise une rénovation, il reprend le travail des autres et vient ajouter ses propres gestes à ceux de ses prédécesseurs. Enfin, sa production s’inscrit dans le temps long des choses vouées à perdurer et non dans l’obsolescence des productions sérielles destinées à être détruites aussitôt sorties d’usine.</p>
<p>En somme, le programme artisanal est à rebours d’une société de la fluidité, de la célérité voire de la futilité. Dans son atelier, l’artisan fait au contraire l’éloge du <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0170840615585341">beau geste</a>, de la lenteur et de la modestie : trois vertus cardinales qui donnent un sens à son existence.</p>
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<figcaption><span class="caption">Jean-Philippe Bouilloud – Faire un beau travail : une revendication sociale (Xerfi Canal, 2023).</span></figcaption>
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<p>*Le prénom a été anonymisé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207523/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Simon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les reconversions de cadres vers des métiers manuels soulèvent des questionnements profonds sur le besoin de concret – sur lesquels la philosophie et la littérature esquissent des réponses.Thomas Simon, Assistant Professor, Montpellier Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1878142023-02-16T16:44:54Z2023-02-16T16:44:54ZLa révolution artisanale a contribué à développer le marché du café de spécialité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/477513/original/file-20220803-21966-8e4f6d.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C7%2C4852%2C3246&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'industrie du café de spécialité privilégie le travail manuel et l'authenticité à la recherche du profit.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Austin Park/Unsplash)</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://blog.bham.ac.uk/business-school/2018/03/19/the-rise-and-rise-of-craft-business-the-craft-takeover/">La révolution artisanale est partout</a> : bière artisanale, café de spécialité, savon fait main, glace artisanale… Si certains croient que cette tendance <a href="https://ideas.time.com/2012/09/19/the-perils-of-coffee-snobbery/">est d’un snobisme ridicule</a>, d’autres s’émerveillent de l’esthétique des expériences artisanales.</p>
<p>La révolution artisanale est généralement vue comme une réaction à l’industrialisation à outrance ou comme une façon de <a href="https://doi.org/10.1177/0001839218817520">garder des traditions et des cultures vivantes</a> dans un monde homogène dominé par les affaires. <a href="https://doi.org/10.1016/j.ccs.2011.01.004">Les entreprises artisanales et les professionnels du milieu participent à l’essor de professions créatives</a>, au lieu de privilégier la course au profit. Ils sont animés par <a href="https://doi.org/10.1177/00222429221093624">l’expression créative, l’affirmation esthétique et la qualité</a>.</p>
<p>L’artisanat donne aux professionnels la possibilité de créer des produits uniques qui correspondent à leur vision profonde. Les fabricants peuvent ainsi se démarquer en exprimant leur identité dans leur travail.</p>
<p>L’artisanat témoigne du désir toujours plus marqué des producteurs et des professionnels de privilégier l’affirmation esthétique, d’exprimer leur créativité et de créer des produits de qualité. Le marché du café propose une gamme de ressources culturelles et d’expressions telles que « fait main », « connaisseur », « artisanal » et « snob du café ».</p>
<h2>Créer un marché</h2>
<p>Les valeurs et les convictions qui sous-tendent le travail artisanal de même que <a href="https://doi.org/10.1002/nvsm.1525">l’affirmation esthétique</a>, la créativité et la qualité se sont infiltrées dans de nombreux marchés, notamment ceux de la coiffure pour hommes, de la bière, de la boucherie, du chocolat, des cocktails, des tatouages, de la cuisine, du jean, de la mode, de la moto et du café.</p>
<p>Entre 1991 et 1998, le nombre de cafés proposant des cafés de spécialité est passé de 1 650 à environ 10 000 aux États-Unis. En 2015, il y avait quelque <a href="https://www.statista.com/statistics/196590/total-number-of-snack-and-coffee-shops-in-the-us-since-2002">31 490 cafés offrant des cafés de spécialité</a>. Le café de spécialité représente aujourd’hui <a href="http://www.scaa.org/?page=resources&d=facts-and-figures">plus de la moitié de la valeur du marché de détail américain, établie à 48 milliards de dollars</a>.</p>
<p>Cette augmentation de la demande et de la popularité de biens de consommation conçus selon une approche artisanale a fait basculer une grande partie du marché vers les valeurs et les convictions liées à l’artisanat.</p>
<h2>Valeurs et convictions</h2>
<p>Les entreprises fondent leurs activités sur des valeurs et des convictions clés. Les entreprises artisanales mènent leurs activités dans un souci d’affirmation esthétique, d’expression créative et de qualité. À l’inverse, les sociétés commerciales telles que McDonald’s et Tim Hortons privilégient la maximisation des profits.</p>
<p>Chaque type d’entreprise (commerciale ou artisanale) innove donc à sa façon. Dans le domaine du café, les entreprises artisanales ont adopté des méthodes de culture, de traitement, de torréfaction et d’infusion du café faisant ressortir les saveurs distinctives du grain selon ses origines, <a href="https://perfectdailygrind.com/2018/03/what-is-terroir-and-how-does-it-affect-your-coffee/">son terroir</a> (la manière dont le contexte de sa culture influe sur son goût) et sa <a href="https://dailycoffeenews.com/2019/02/07/the-coffee-roasters-complete-guide-to-coffee-varieties-and-cultivars/">variété</a>.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/475626/original/file-20220722-18-855z6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="un homme vêtu d’une chemise bleue observe la préparation d’un café à la louche" src="https://images.theconversation.com/files/475626/original/file-20220722-18-855z6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/475626/original/file-20220722-18-855z6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/475626/original/file-20220722-18-855z6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/475626/original/file-20220722-18-855z6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/475626/original/file-20220722-18-855z6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=943&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/475626/original/file-20220722-18-855z6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=943&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/475626/original/file-20220722-18-855z6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=943&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les produits utilisés pour faire le café sont conçus pour rehausser l’expérience du consommateur et du barista.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Oak & Bond Coffee/Unsplash)</span></span>
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<p>Des produits novateurs, tels que le <a href="https://www.kruveinc.com/pages/kruve-sifter">tamis à café Kruve</a>, la <a href="https://decentespresso.com/de1plus">machine à espresso Decent DE1+</a> ou le <a href="https://weberworkshops.com/products/eg-1">moulin à café Weber EG-1</a>, présentent tous la même caractéristique essentielle : offrir aux baristas et aux consommateurs un meilleur contrôle des variables de la préparation du café afin qu’ils puissent en parfaire l’expérience esthétique.</p>
<p>Les entreprises commerciales introduisent des produits présentant un potentiel de profit. Le fameux <a href="https://www.starbucks.com/menu/product/418/hot?parent=%2Fdrinks%2Fhot-coffees%2Flattes">latte à la citrouille épicée de Starbucks</a>, le <a href="https://www.nespresso.com/ca/fr/order/machines/vertuo/vertuo-vertuoline-black">Vertuo de Nespresso</a> et la <a href="https://www.newswire.ca/news-releases/tim-hortons-launches-new-lineup-of-richer-bolder-handcrafted-espresso-beverages-and-invites-canadians-to-sample-them-with-2-any-size-promotion-857321965.html">gamme de boissons à base d’espresso récemment lancée par Tim Hortons</a> ne tiennent pas compte de l’expérience du café ou de la mise en valeur des saveurs distinctives d’un grain. Ils offrent plutôt aux consommateurs des produits et des services sympathiques, abordables ou pratiques qui contribuent à augmenter leurs marges bénéficiaires.</p>
<h2>Créer un langage</h2>
<p>Quelles que soient les valeurs et les convictions des entreprises commerciales et artisanales, ce sont les interactions entre elles qui poussent les marchés comme celui du café à prendre une direction plus artisanale. Les sociétés commerciales s’inspirent ainsi des aspirations créatives et esthétiques des entreprises artisanales.</p>
<p>Elles empruntent le vocabulaire que ces dernières ont apporté au marché du café, comme les <a href="https://news.dunkindonuts.com/news/sipping-is-believing-dunkin-takes-aim-at-winning-over-espresso-drinkers-with-an-entirely-new-handcrafted-espresso-experience">boissons au café « artisanales » de Dunkin’ Donuts</a> ou les <a href="https://nestle-nespresso.com/news/introducing_barista_creations">capsules de café Nespresso « inspirées » des baristas de Brooklyn et de Melbourne</a>.</p>
<p>Elles automatisent les procédés complexes et rituels de préparation du café des baristas artisanaux, augmentant ainsi la rentabilité tout en faisant découvrir aux consommateurs ordinaires certains aspects de la préparation artisanale du café.</p>
<p>Les entreprises artisanales s’engagent sur le plan esthétique dans l’innovation commerciale. Elles transforment le latte à la citrouille épicée en utilisant un <a href="https://www.baltimoremagazine.com/section/fooddrink/the-best-places-to-get-your-pumpkin-spice-fix-this-fall/">sirop artisanal et une sélection d’épices</a> qui se marient parfaitement aux caractéristiques gustatives d’un grain de café précis. Certaines entreprises artisanales ont également profité de l’aspect pratique des machines à capsule et ont <a href="https://mtpak.coffee/exploring-rise-specialty-coffee-capsules/">développé leurs propres versions</a> pour offrir aux consommateurs la possibilité de déguster un café haut de gamme à la maison.</p>
<p>Avec le temps, ces interactions font évoluer le marché tout entier, en y introduisant des valeurs artisanales qui transforment l’expérience de tous les consommateurs.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/CfGS_6BoIak","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<h2>Engagement, expression et authenticité</h2>
<p>Les complexités associées aux produits artisanaux ont également permis aux gens de <a href="https://doi.org/10.1093/jcr/ucw054">se former et de se distinguer par leurs goûts</a>. Les ressources et l’expertise culturelles sont essentielles dans notre façon de nous exprimer et de définir qui nous sommes.</p>
<p>La révolution artisanale a <a href="https://www.doi.org/10.23943/princeton/9780691165493.001.0001">soutenu la professionnalisation de nombreux domaines</a>. Des professions comme celles de barbier, de boucher, de barista et de créateur de cocktails ont désormais un cachet culturel élevé. Elle a également favorisé l’émergence de nouvelles identités, des <a href="https://www.taylorlane.com/blogs/read/coffee-connoisseur">connaisseurs de café</a> aux <a href="https://www.beardedvillains.com/">méchants barbus</a> en passant par les <a href="https://www.thealchemistmagazine.ca/2022/03/16/vancouver-cocktail-week-nerd-edition/">accros du cocktail</a>.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1177/0022242921997081">Certains estiment que l’artisanat offre des produits plus authentiques</a>, sans doute parce qu’il crée une sorte de relation directe entre le producteur et le consommateur, s’éloignant de la production normalisée du marché de masse qui domine en grande partie notre économie. Mais alors que l’expression créative des artisans peut se trouver dans leurs produits et leur présentation, les entreprises commerciales sont devenues habiles pour imiter l’art des professionnels de l’artisanat, <a href="https://www.mensjournal.com/food-drink/is-that-really-craft-beer-21-surprising-corporate-brewers-20150923/">ce qui rend difficile la distinction entre les deux</a>.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1177/00222429221087987">L’authenticité est un concept ambigu</a> ; ce que certains considèrent comme authentique peut être perçu comme élitiste par d’autres. Le succès de l’artisanat réside peut-être dans sa capacité à exploiter nos idéaux nostalgiques du travail et notre désir toujours plus vif de connaître les origines des produits, leur histoire et les personnes qui les fabriquent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187814/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Yann Dolbec a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines. </span></em></p>La demande des consommateurs pour des produits et des expériences authentiques fabriqués à la main a permis d’élever le cachet culturel de professions telles que les baristas et créateurs de cocktails.Pierre-Yann Dolbec, Associate professor in marketing and Research Chair in Complexity and Markets, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1921392022-12-06T19:02:31Z2022-12-06T19:02:31ZPourquoi la bière n’a pas fini de se faire mousser<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/499278/original/file-20221206-8417-xtadd6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C17%2C1920%2C1258&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La fabrication de bières artisanales est en plein boom.</span> <span class="attribution"><span class="source">Pixabay</span></span></figcaption></figure><p>Elle peut être blonde, brune ou rousse. On peut la déguster en pression, bouteille ou canette. <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/histoire-de-la-biere-une-boisson-estivale-qui-se-fait-mousser-7830106">Boisson millénaire</a>, affectueusement appelée « petite mousse », elle est composée à plus de 90 % d’eau ainsi que de houblon, de malt et de levure. La bière, boisson rafraîchissante évoquant les moments de convivialité, les matchs de foot, les concerts, la fête… connaît depuis quelques années une profonde évolution.</p>
<p>La France est aujourd’hui le 7<sup>e</sup> producteur de bière en Europe. Les Français en consomment en moyenne 33 litres par an, selon Statista. Même s’ils sont loin derrière les Tchèques et les Allemands avec respectivement 101 et 75 litres par an et par personne, c’est la seule boisson alcoolisée dont les ventes continuent d’augmenter, en particulier grâce à la production de bières artisanales. L’hexagone compte ainsi une dizaine de brasseries industrielles délivrant la majeure partie de la production de bière. Les deux principaux fabricants sont le <a href="https://www.xerfi.com/presentationetude/Le-marche-de-la-biere_22IAA24">Néerlandais Heineken et le danois Carlsberg, détenteur de la filiale française Kronenbourg</a>. Cependant, les modes de consommation de bière des Français ont beaucoup changé ces dernières années, et le marché connaît une grande transformation.</p>
<h2>Le développement du « sans alcool »</h2>
<p>Sur le marché du « sans alcool », c’est la bière (entre 0 et 1,2 % d’alcool selon la législation française) qui connaît le plus grand succès. Entre les consommateurs qui s’inquiètent des méfaits de l’alcool sur leur santé, ceux qui ne peuvent pas en boire, ou ceux qui doivent ensuite prendre le volant, les raisons de se tourner vers ces dernières sont de plus en plus nombreuses. Même si elles ne représentent que 3,7 % du marché total des bières, leur progression ces cinq dernières années a été de 147 % (Xerfi, 2022). </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/498801/original/file-20221204-37363-upzw0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/498801/original/file-20221204-37363-upzw0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=801&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/498801/original/file-20221204-37363-upzw0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=801&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/498801/original/file-20221204-37363-upzw0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=801&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/498801/original/file-20221204-37363-upzw0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/498801/original/file-20221204-37363-upzw0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/498801/original/file-20221204-37363-upzw0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>Les marques industrielles comme Kronenbourg avec les « Tourtel Twist », ou « 0.0 » de Carlsberg dominent le marché, mais les bières artisanales ne sont pas en reste comme la Brasserie du Mont-Blanc avec la « Cristal IPA 0,0 % », d’autant plus que dorénavant les procédés de désalcoolisation à froid et sous vide permettent de maintenir les qualités gustatives des bières.</p>
<p><a href="https://www.editions-baudelaire.com/auteur/alexandra-berry/craft-r-evolution-et-artisanat-au-service-de-la-biere">Le mouvement « craft »</a>, autrement dit de la bière artisanale, est né aux États-Unis entre la fin des années 70 et le début des années 80. Des Américains, las de boire des bières industrielles totalement fades, décident de remettre au goût du jour différentes recettes traditionnelles comme celle de la IPA ou de la Stout. De nombreuses micro-brasseries voient ainsi le jour, faisant redécouvrir les goûts variés et authentiques de la bière grâce, entre autres, à des houblons et des levures de qualité assemblés avec audace.</p>
<p>En France, le nombre de brasseries artisanales (produisant jusqu’à 50 000 hl de bière par an) et de micro-brasseries (produisant jusqu’à 10 000 hl) a presque quintuplé entre 2014 et 2021 pour atteindre un total de près de 2 300 brasseries aujourd’hui. Or, même si le poids de ces dernières dans la production nationale reste encore assez limité avec environ 8 % du total des ventes de bières, les brasseries artisanales continuent de se développer et de <a href="https://www.xerfi.com/presentationetude/Le-marche-de-la-biere_22IAA24">gagner, année après année, des parts de marché</a>, ce qui inquiète d’ailleurs les producteurs industriels.</p>
<p>Les brasseries artisanales et micro-brasseries sont des structures indépendantes, produisant elles-mêmes leur bière et la distribuant en général à un niveau local (ville, département, maximum région), principalement à des caves à bières ou à des distributeurs indépendants. Leur particularité est de brasser des matières premières de qualité selon un procédé classique, authentique, sans rajouter de produits chimiques ni de conservateurs. Dans de nombreux cas aussi, les bières ne sont pas pasteurisées afin de laisser la fermentation suivre son cours et une variété de saveurs se développer. Leur succès témoigne de l’importance de l’artisanat et de la mise en avant des produits locaux.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/498794/original/file-20221204-24591-kredno.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/498794/original/file-20221204-24591-kredno.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/498794/original/file-20221204-24591-kredno.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/498794/original/file-20221204-24591-kredno.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/498794/original/file-20221204-24591-kredno.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/498794/original/file-20221204-24591-kredno.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/498794/original/file-20221204-24591-kredno.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Paul, un des co-fondateurs de la micro-brasserie Bière des Bräu.</span>
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<p>Bière des Bräu est une micro-brasserie grenobloise qui a vu le jour en 2020. Ses fondateurs, Paul et Nico, deux passionnés, considèrent que la bière est un produit qui permet de l’inventivité et de la créativité. Paul explique qu’avec Nico ils aiment créer des recettes originales, un peu farfelues mais qui leur ressemblent et qu’ils ont plaisir à brasser. Derrière chacune de leurs bières se cache une anecdote. Selon lui, les trois piliers de la « craft » sont l’indépendance, la créativité et la taille humaine.</p>
<h2>L’importance grandissante des accords mets/bières</h2>
<p>Côté gastronomie, les <a href="https://www.brasseurs-de-france.com/tout-savoir-sur-la-biere/accords-bieres-mets/">accords mets bière</a> rencontrent de plus en plus de succès. Alors qu’il y a quelques années encore, il était impensable de boire de la bière pendant un repas, les habitudes changent. Déguster une tomme aux fleurs accompagnée d’une IPA artisanale va, par exemple, permettre aux acides gras du fromage de faire ressortir les arômes de houblon de la bière. Les chefs français ne sont pas en reste. <a href="https://hoppyhours.net/2021/11/27/accords-mets-bieres/">Pierre Sang Boyer</a>, fervent défenseur de cette boisson, aime réaliser des créations culinaires en association avec la bière brune artisanale dont il trouve que les arômes riches se marient bien avec la douceur de la patate douce et l’acidité de l’orange par exemple. La cheffe étoilée Hélène Darroze réalise, elle, des recettes d’accords pour une grande marque de bière industrielle.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/498795/original/file-20221204-37363-obf988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/498795/original/file-20221204-37363-obf988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/498795/original/file-20221204-37363-obf988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/498795/original/file-20221204-37363-obf988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/498795/original/file-20221204-37363-obf988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/498795/original/file-20221204-37363-obf988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/498795/original/file-20221204-37363-obf988.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La zythologue française Élisabeth Pierre.</span>
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<p>Enfin, l’apparition en 2019 des néologismes <em>zythologie</em> et <em>biérologie</em> (deux synonymes qui se rapportent à l’étude de la bière, du brassage et des brasseries) montre l’intérêt grandissant pour ce qui a trait à cette boisson. D’ailleurs, le métier de zythologue se développe lui aussi. Comme le sommelier, il est capable de déguster, conseiller et de vendre de la bière dont il maîtrise parfaitement le processus de fabrication. Il intervient lors du brassage, et oriente le choix des styles de bières. </p>
<p>La zythologue <a href="https://dai.ly/x2xjv72">Élisabeth Pierre</a> n’a de cesse de faire connaître l’univers de la bière, au travers de formations professionnelles et d’ouvrages. Elle a de surcroît créé le cercle <a href="https://bierissima.com/">Bierissima</a> qui met en avant la présence des femmes dans l’univers de la bière – un univers dont l’imaginaire est traditionnellement associé au masculin. Cette boisson n’a, de toute évidence, pas fini de faire parler d’elle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192139/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Louisgrand ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Entre renouveau artisanal, intrusion dans le monde de la gastronomie et marché du sans alcool, le marché de la bière connaît depuis quelques années une profonde évolution.Nathalie Louisgrand, Enseignante-chercheuse, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1939762022-11-22T19:27:53Z2022-11-22T19:27:53ZReconversions : ces bac+5 qui se tournent vers l’artisanat<p>Une architecte d’intérieur devenue boulangère, un ex-banquier à la tête de sa fromagerie, ou un responsable marketing reconverti comme électricien… de telles trajectoires professionnelles, si elles restent atypiques, surprennent aujourd’hui de moins en moins. D’une part, les reconversions professionnelles se normalisent : selon le troisième <a href="https://csa.eu/news/barometre-de-la-formation-et-de-lemploi-3e-edition/">baromètre de la formation et de l’emploi</a> Centre Inffo/CSA, 21 % des personnes actives préparaient une reconversion en janvier 2022, auxquelles on peut ajouter les 26 % qui déclaraient en envisager une à terme.</p>
<p>D’autre part, les reconversions de Cadres ou Professions intellectuelles supérieures (CPIS) vers un métier artisanal font, en particulier, l’objet d’une mise en lumière récente, souvent sous un angle positif. On trouve ainsi de nombreux portraits de ces personnes reconverties dans la presse, tandis que certains – à l’image de <a href="https://journals.openedition.org/lectures/1351">Matthew B. Crawford</a> ou d’<a href="https://laviedesidees.fr/la-vie-solide-lochmann.html">Arthur Lochmann</a> – rendent compte de leur expérience en l’articulant à une réflexion sur la valeur du travail « manuel ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-bifurquer-191438">« L’envers des mots » : Bifurquer</a>
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<p>Ces reconversions posent pourtant un défi de taille à l’analyse des mobilités sociales, soucieuse d’identifier les déterminants de l’ascension, de la reproduction ou du déclassement social. Ce dernier peut s’analyser à l’échelle <a href="https://www.cairn.info/cadres-classes-moyennes-vers-l-eclatement--9782200255909-page-173.htm">intergénérationnelle</a>, lorsque les enfants atteignent une position relativement moins élevée dans la hiérarchie sociale que celle qu’occupaient leurs parents ; mais également à l’échelle <a href="https://www.cereq.fr/declassements-et-reclassements-selon-le-diplome-et-lorigine-sociale">intragénérationnelle</a>, correspondant par exemple à la situation où un individu occupe une position professionnelle pour laquelle il s’avère surqualifié. Dans un cas comme dans l’autre, le déclassement est envisagé comme un phénomène subi. Comment, dès lors, rendre compte des reconversions de cadres vers l’artisanat ?</p>
<p>Pour des individus ayant atteint une position professionnelle élevée ou disposant d’un haut niveau de qualification, se reconvertir dans un métier « manuel » de l’artisanat pourrait en effet être envisagé comme un « déclassement volontaire » paradoxal. Se pose la question de ce qui motive ces mobilités professionnelles atypiques et des satisfactions que les personnes reconverties sont susceptibles d’éprouver dans leur nouveau métier.</p>
<h2>Un rapport spécifique au travail</h2>
<p>Dans le cadre de notre <a href="https://www.theses.fr/s208931">thèse</a>, nous avons mené des entretiens auprès d’artisans disposant d’un bac+5 ou ayant occupé auparavant un emploi de cadre ou profession intellectuelle, afin de mieux comprendre les ressorts de telles bifurcations professionnelles.</p>
<p>D’abord, la majorité de ces reconvertis et reconverties témoigne d’un rapport au travail que l’on peut qualifier « d’expérientiel ». Cela signifie que, davantage que les ressources matérielles ou le prestige du statut professionnel, ces professionnels recherchent dans leur activité une expérience de travail satisfaisante et épanouissante en elle-même.</p>
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<p>La dimension économique, si elle n’est pas totalement omise, passe au second plan d’autant plus facilement que les personnes concernées disposent bien souvent de filets de sécurité. Pour certains, il s’agit d’allocations chômage le temps de se reconvertir, des revenus d’un conjoint ou d’une conjointe, pour d’autres de l’aide financière des proches, d’une épargne préalable ou encore d’un patrimoine immobilier.</p>
<p>Comme le souligne Tom (les prénoms ont été modifiés), titulaire d’une thèse en physique et exerçant comme charpentier, avoir « le bagage culturel, le bagage économique » et la sécurité de savoir que « ses parents [tous deux chercheurs] sont là » constituent les conditions l’autorisant à « vadrouiller entre des métiers ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-formation-continue-garantie-dune-reconversion-professionnelle-reussie-189267">La formation continue, garantie d’une reconversion professionnelle réussie ?</a>
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<p>La possibilité de revenir à un emploi plus qualifié en cas d’échec relatif de la reconversion, grâce au diplôme ou à l’expérience professionnelle acquis par le passé, permet également de limiter les risques. Dans ces conditions, les personnes reconverties, désireuses de s’engager dans une activité envisagée comme plus épanouissante ou plus en accord avec leurs valeurs, peuvent s’autoriser à transgresser les frontières socioprofessionnelles.</p>
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<figcaption><span class="caption">Lecture d’un extrait de « L’éloge du carburateur », de Matthew B.Crawford (Le blob).</span></figcaption>
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<p>Certes, le métier artisanal correspond à un recrutement social plus populaire que leur milieu d’origine. Il nécessite un niveau de qualification inférieur au leur, et confère généralement des revenus plus faibles ou plus incertains. Mais le rapport expérientiel au travail conduit les reconvertis à moins s’attacher à ces critères qu’à celui de la satisfaction que peut procurer intrinsèquement l’activité. Ils ne déclarent alors que très rarement se sentir déclassés, évaluant plutôt leur situation à l’échelle individuelle et en termes d’épanouissement que dans une perspective tenant compte du statut socioprofessionnel associé à leur nouveau métier.</p>
<h2>Redonner du « sens » à son activité</h2>
<p>Ce rapport expérientiel conduit bien souvent les personnes reconverties à indiquer que le travail artisanal aurait plus de « sens » que leur ancien métier. Gabriel, account manager s’étant réorienté vers la fromagerie, résume ce qui l’avait amené à considérer que son activité « manquait de sens » :</p>
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<p>« Tous les jours sont un peu les mêmes […] et tu te dis, “Bon, est-ce que je vais vraiment passer 40 ans sur un bureau, le cul sur une chaise à regarder un ordinateur, est-ce que c’est vraiment ce que j’ai envie de faire ?” »</p>
</blockquote>
<p>Toutes les personnes reconverties n’exerçaient pas nécessairement un métier « de bureau », sur ordinateur. Mais ce type d’activité n’en constitue pas moins une figure repoussoir, qui structure leur rapport au travail « intellectuel ». Plusieurs défauts y sont attribués : tout d’abord, la sédentarité, tant par rapport au fait d’être en intérieur que de rester souvent assis. Ensuite, le sentiment d’improductivité que fait parfois ressentir le travail “intellectuel” est également évoqué de manière récurrente. Enfin, ces métiers « de bureau » impliquent souvent une forte division du travail, qui peut donner aux personnes reconverties le sentiment d’être un « numéro », un « maillon » ou un « rouage dans un mécanisme qui (nous dépasse) ».</p>
<p>Par contraste, le travail artisanal se voit attribuer des qualités en miroir de ces défauts. Tout d’abord, il permet de travailler dehors – ce que beaucoup de personnes reconverties dans le bâtiment valorisent – ou de mobiliser son corps. À rebours des travaux mettant en évidence la <a href="https://books.openedition.org/pur/150105?lang=fr">vulnérabilité physique associée au travail artisanal</a>, les personnes reconverties tendent à décrire cet engagement corporel comme quelque chose qui « fait du bien », qui « muscle », qui fait se sentir « en forme », « bien dans son corps », ou encore qui évite de « s’empâter » ou de « prendre du bide ».</p>
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<figcaption><span class="caption">Changer de vie : Sarah, de la publicité à la céramique (Brut).</span></figcaption>
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<p>Deuxièmement, le travail artisanal est valorisé pour son caractère « concret ». Il faut comprendre par là que le produit de l’activité est palpable, tangible, ce qui permet de mettre plus facilement en équivalence ses efforts et le résultat qu’ils produisent. Ce caractère concret contraste de ce point de vue avec le sentiment, dans l’ancien métier, de se perdre en « réunions interminables », en « fioritures », en réflexions pouvant durer « des heures et des heures » sur des sujets dont la « superficialité », l’« artificialité », l’« abstraction » ou la « complexité » excessive sont dénoncées.</p>
<p>Joëlle, ancienne responsable de formation devenue boulangère, souligne ainsi qu’elle avait l’impression de « finir tard […] pour rien faire ». Elle oppose cette activité où, à la fin du mois, elle avait « quand même gagné 5 500 euros », mais sans savoir « à qui (elle avait) apporté », et son nouveau métier : « Là, tous les jours je nourris au moins cent personnes ».</p>
<p>Enfin, l’activité artisanale permet bien souvent aux personnes reconverties de superviser toutes les étapes de la production, ce qui est valorisé par opposition à une division du travail trop marquée. L’enjeu réside dans la possibilité de bénéficier d’une plus grande autonomie, aussi bien technique (maîtriser toutes les tâches nécessaires à la réalisation du produit) qu’organisationnelle (ne pas dépendre d’autrui pour mener son activité).</p>
<p>Ce souci d’autonomie professionnelle se repère dans la très forte proportion de personnes reconverties se mettant à leur compte à très court terme, comparé aux travailleurs de métier. L’accès à l’indépendance ressort, de ce point de vue, comme une condition essentielle à la reconversion dans le métier artisanal.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193976/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Dain ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pouvant être vues comme des « déclassements volontaires », les reconversions de diplômés et cadres vers des métiers manuels sont très médiatisées. Éclairages en ces Journées des métiers d'art 2023.Antoine Dain, Doctorant en sociologie, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1867682022-08-02T20:11:07Z2022-08-02T20:11:07ZPetite histoire rafraîchissante des glaces et artisans glaciers<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/477148/original/file-20220802-17-3r1835.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C4%2C998%2C673&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un plaisir régressif de l'été. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.rawpixel.com/image/447605/free-photo-image-ice-cream-flavor-food">Rawpixel</a></span></figcaption></figure><p>La glace, douceur gentiment régressive qui s’impose à la période estivale… Produit éphémère par excellence, synonyme de moments hédonistes et le plus souvent partagés, elle évoque une forme de nostalgie liée à l’enfance. Les Français en consomment environ 6 litres par an, et 50 % des ventes sont réalisées sur une dizaine de semaines, en été, selon la <a href="http://lemondedudessert.fr/">Confédération Nationale des Glaciers de France</a> (CNGF).</p>
<p>Il y a les sorbets (sans matières grasses) ou les crèmes glacées (qui contiennent du lait ou des œufs), que l’on peut déguster en pot, en bac, en cône ou en bâtonnet. Toujours d’après la CNGF, organisme qui soutient et accompagne les glaciers depuis 80 ans, les parfums plébiscités seraient la vanille, le chocolat et le café pour les crèmes glacées et la fraise, le citron et la poire pour les sorbets.</p>
<h2>Histoires et légendes</h2>
<p>Beaucoup d’histoires et de légendes entourent ses origines. La plupart des chercheurs s’accordent cependant pour dire que la <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=i7s7BAAAQBAJ">glace aurait été inventée en Chine</a>. Son apparition, elle, s’échelonne entre 3 000 et 200 avant Jésus-Christ, selon les sources.</p>
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<p>Certains documents expliquent que les Chinois utilisaient du lait de jument ou d’ânesse qui était fermenté et chauffé avec de la farine et du camphre pour être ensuite glacé puis consommé. Dans d’autres textes, on aromatisait du lait de chèvre avec du miel et des plantes et la technique de refroidissement consistait en un mélange d’eau et de salpêtre.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/475142/original/file-20220720-18-tn6fxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/475142/original/file-20220720-18-tn6fxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/475142/original/file-20220720-18-tn6fxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/475142/original/file-20220720-18-tn6fxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/475142/original/file-20220720-18-tn6fxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/475142/original/file-20220720-18-tn6fxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/475142/original/file-20220720-18-tn6fxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le faludeh ou Faloudeh, boisson glacée perse.</span>
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<p>Les Perses, eux, auraient créé le <em>faludeh</em> ou <em>faloudeh</em>, une boisson glacée à base d’eau de rose et de vermicelles auxquels on ajoutait du safran et des fruits, et alors réservée aux plus riches. Dans la même région, on aurait trouvé des boissons aux fruits refroidies avec de la neige, s’appelant <em>sharbet</em>. Ce mot, d’origine Perse, a par la suite donné le mot français « sorbet ».</p>
<p>Beaucoup d’informations imprécises voire contradictoires circulent concernant l’évolution des glaces et des sorbets au cours des siècles suivants. Par exemple, et contrairement à une idée reçue, <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=fjxfkqnSFiQC">ni Marco Polo, ni Catherine de Médicis ne seraient à l’origine de l’apparition des crèmes glacées en Italie</a> puis en France. Mais les crèmes glacées qui ressemblent à celles que l’on mange aujourd’hui sont bien nées en Italie. Ce sont les fameuses <em>gelati</em>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/top-chef-lemission-qui-eleve-les-plaisirs-sensoriels-au-rang-dart-184572">« Top Chef », l’émission qui élève les plaisirs sensoriels au rang d’art</a>
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<p>En France, en 1686, le sicilien Francesco Procopio dei Coltelli achète à Paris le <em>Café Procope</em> dans lequel il proposera plus de 80 parfums de glaces, devenant ainsi le premier café-glacier de la capitale. Le succès est total : les membres de l’aristocratie et les plus riches se rendent chez lui pour déguster une coupe glacée. A l’époque, il est compliqué de se procurer puis de conserver de la glace. Le produit est donc coûteux et réservé à une élite.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/477171/original/file-20220802-18-bn2ywu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/477171/original/file-20220802-18-bn2ywu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/477171/original/file-20220802-18-bn2ywu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=766&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/477171/original/file-20220802-18-bn2ywu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=766&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/477171/original/file-20220802-18-bn2ywu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=766&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/477171/original/file-20220802-18-bn2ywu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=963&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/477171/original/file-20220802-18-bn2ywu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=963&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/477171/original/file-20220802-18-bn2ywu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=963&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Procopio de Coltelli.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Francesco_Procopio_dei_Coltelli#/media/Fichier:Procopio-de-Coltelli2_opt2.jpg">Wikimedia</a></span>
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<p>Au cours du XIX<sup>e</sup> siècle, les techniques de fabrication et de conservation de la glace s’améliorent considérablement. En effet, dans les années 1840, l’Américaine Nancy Johnson invente la première sorbetière à manivelle, améliorée en 1885 par l’anglaise Agnes Bertha Marshall, surnommée « la reine des glaces ». En 1860, le français Charles Tellier crée la première machine frigorifique permettant ainsi la fabrication du froid artificiel. L’apparition et le développement de l’électricité permettent aussi la conservation des produits. Le nombre de glaciers se multiplie alors, et le succès des glaces va grandissant.</p>
<h2>Un attrait croissant pour glaces artisanales et pour les artisans glaciers</h2>
<p>Selon l’étude <a href="https://www.xerfi.com/presentationetude/La-fabrication-et-le-marche-des-glaces-et-sorbets"><em>Xerfi classic</em> sur La fabrication et le marché des glaces et sorbets</a> publiée en avril 2022, la France est aujourd’hui le premier pays producteur de glaces et de sorbets en Europe et le 2<sup>e</sup> exportateur mondial derrière l’Allemagne. Dans l’hexagone, deux acteurs s’imposent : les fabricants industriels et les artisans glaciers. Les premiers dominent largement avec 1,2 milliard d’euros de chiffres d’affaires en 2021, grâce principalement à la vente aux grandes et moyennes surfaces. Les artisans glaciers, en grande majorité propriétaires de leur magasin, vendent leurs produits directement aux consommateurs et, toujours selon les estimations de <em>Xerfi</em>, auraient un chiffre d’affaires d’environ 400 millions d’euros en 2021.</p>
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À lire aussi :
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<p>Or les Français plébiscitent de plus en plus les produits des artisans glaciers et cette profession est en pleine évolution. D’ailleurs, le nombre d’établissements artisanaux et de petits industriels a augmenté de 31 % entre 2012 et 2020 et ce, pour diverses raisons : tout d’abord, les consommateurs sont de plus en plus exigeants concernant la composition des produits qu’ils mangent. Grâce aux applications comme <a href="https://yuka.io/"><em>Yuka</em></a> par exemple, ils peuvent instantanément prendre connaissance des stabilisateurs et additifs que contiennent leurs glaces. C’est pourquoi ils se tournent souvent vers des <a href="https://www.rtbf.be/article/cremes-glacees-certaines-contiennent-autant-d-air-que-de-matieres-premieres-10257165">produits de meilleure qualité</a>, alliant plaisir et santé, et principalement artisanaux.</p>
<p>On assiste également à un fort engouement pour des produits écoresponsables. Grand nombre d’artisans glaciers font appel aux circuits courts et aux produits de saison, supprimant colorants, sucre ultra-transformé et autres conservateurs. Julia Canu (une des rares femmes possédant le titre d’artisan glacier en France, même si la tendance évolue) et Tiago Barbosa, cofondateurs du <a href="https://www.unicoglacier.com/">glacier écoresponsable <em>Único</em> à Lyon</a>, travaillent en direct avec leurs producteurs et leurs sorbets ne sont faits qu’à partir de produits frais. C’est pourquoi de nombreux restaurateurs font appel à eux pour réaliser des glaces de qualité qui accompagnent leurs menus. Ils en ont déjà créé une à l’artichaut par exemple et élaboré un sorbet vinaigre, échalote et poivre concassé pour accompagner les huîtres en période de fêtes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/475149/original/file-20220720-21-l5cmnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/475149/original/file-20220720-21-l5cmnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=470&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/475149/original/file-20220720-21-l5cmnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=470&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/475149/original/file-20220720-21-l5cmnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=470&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/475149/original/file-20220720-21-l5cmnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=591&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/475149/original/file-20220720-21-l5cmnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=591&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/475149/original/file-20220720-21-l5cmnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=591&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Julia Canu, une des rares femmes artisan glacier de France, et Tiago Barbosa, cofondateurs du glacier Único à Lyon.</span>
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<p>Les petits industriels de la glace surfent eux aussi sur ces nouvelles tendances ainsi que sur les nouveaux modes de consommation. Cécilia Thomas et Laura Faeh, créatrices de la marque Lapp ont innové en créant les les <a href="https://poptailsbylapp.com/fr/blog-fr/"><em>poptails</em></a>, des cocktails glacés, alcoolisés ou non, réalisés avec des produits naturels et végans. Elles expliquent que leur choix s’est effectué en lien avec leurs modes de consommation et leurs convictions écologiques, choix partagés par de plus en plus de consommateurs.</p>
<p>Parallèlement à ces artisans indépendants, rares sont les pâtissiers de renom qui ne produisent pas leur propre glace, avec des positionnements marketing – prix, packaging – souvent très luxueux.</p>
<p>Enfin, être artisan glacier comporte aussi une part artistique, à l’image de la pâtisserie. La palette d’invention est vaste : jeu sur les textures, les couleurs, possibilité de créer des parfums salés ou d’oser des associations inédites… Parmi les divers concours gastronomiques, celui de Meilleur Ouvrier de France (MOF) dans la catégorie glacier porte le savoir-faire artisanal français de la profession à son paroxysme. La maîtrise du geste, des goûts et des textures de ceux qui obtiennent, après des années de préparation et une grande dose d’abnégation, le col bleu blanc rouge, suscitent l’admiration de beaucoup d’apprentis artisans et des consommateurs en quête de qualité.</p>
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<p>Si la profession d’artisan glacier demeure à ce jour moins populaire que celle de pâtissier, elle est cependant en pleine évolution, et connaît un engouement de plus en plus grand.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186768/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Louisgrand ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’engouement pour les glaces et les sorbets semble plus grand chaque année, en France. Mais connaît-on les origines de ce produit ? Et pourquoi plaît-il autant ?Nathalie Louisgrand, Enseignante-chercheuse, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1831412022-05-18T18:08:28Z2022-05-18T18:08:28ZDécrocheurs scolaires : un accompagnement adapté, clé d'une intégration professionnelle réussie<p>En 2018, le gouvernement français lançait le projet <a href="https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/sites/default/files/2019-04/L%E2%80%99appel%20%C3%A0%20projets%20%C2%AB%20100%20%25%20Inclusion.pdf">« 100 % inclusion-La fabrique de la remobilisation »</a> à l’occasion du Plan d’investissement dans les compétences (PIC) visant notamment à favoriser l’intégration professionnelle des jeunes décrocheurs. Plusieurs porteurs de projets se sont ainsi vus attribuer la mission de développement de parcours intégrés, depuis la remobilisation jusqu’à l’accès à l’emploi durable des demandeurs d’emploi et des jeunes peu ou pas qualifiés.</p>
<p>Parmi les lauréats se trouvaient par exemple le projet Étincelle porté par la Fondation des Apprentis d’Auteuil ou encore le programme « Pas de quartier pour l’échec » porté par Panorama Études Formation Conseil qui était une amplification du dispositif « Cuisine Mode d’Emploi » créé par le chef Thierry Marx en 2012.</p>
<p>Autre organisation retenue : les Compagnons du Devoir et du Tour de France. Cette association ouvrière, dont l’objectif est de former des femmes et des hommes de métier dans différents secteurs tels que le BTP, la métallurgie, l’alimentation, la décoration et l’ameublement a mis en place le dispositif « 100 % inclusion » dont nous avons observé le déploiement dans le cadre d’une recherche récente (à paraître dans la revue <em><a href="https://www.editions-ems.fr/revues/questions-de-management.html">Question(s) de management</a></em>).</p>
<h2>Clivage entre zones rurales et urbaines</h2>
<p>Ce dispositif national, destiné aux jeunes en situation de décrochage scolaire, a été impulsé par le siège et initialement prévu autour d’un process homogène en 5 étapes permettant l’accès à la formation et à l’emploi. Cependant, une observation sur le terrain montre des mises en œuvre différentes dans chacune des 4 régions tests : Île-de-France (IDF), Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), Occitanie et Pays-de-Loire (PDL).</p>
<p>Pourquoi ces différences ? Notre terrain, par sa spécificité, fait apparaître certains déterminants clés. Le premier déterminant concerne les caractéristiques des bénéficiaires. Alors que les régions PDL et Occitanie avaient pour objectif d’accueillir des jeunes issus de zone rurale, les régions IDF et PACA, quant à elles, visaient un public de Quartier prioritaire de la ville (QPV). Cette différence de cible (zone rurale vs QPV) traduit en réalité un clivage structurant.</p>
<p>En effet, les jeunes interrogés en zone rurale bénéficiaient d’un accompagnement familial : « mes parents m’ont aidé pour mon entretien » et leur décrochage scolaire était lié à leur volonté de faire un métier manuel « ce n’est pas que je n’aime pas l’école mais j’ai envie de faire le métier que j’ai toujours rêvé de faire, couvreur ».</p>
<p>À l’inverse, les jeunes en IDF et PACA indiquaient ne pas avoir obtenu le brevet (pour la majorité d’entre eux), ils disaient ne « pas aimer l’école » et ne bénéficiaient que peu d’accompagnement familial « mes parents ne savent pas ce que je fais, c’est mon éducateur qui m’a fait connaître les Compagnons ».</p>
<p>Derrière ces différences caractérisant les bénéficiaires, la variable sous-jacente est le besoin d’accompagnement.</p>
<p>En effet, un jeune accompagné par sa famille, faible décrocheur scolaire et social, ayant déjà eu des expériences professionnelles notamment dans le métier visé, avec une grande motivation matérialisée par sa candidature spontanée et sa connaissance en amont du métier, aura moins besoin d’accompagnement dans le dispositif qu’un jeune pas ou peu accompagné familialement, décrocheur important, sans expérience professionnelle pertinente ou idée de métier.</p>
<p>Les besoins différents d’accompagnement ont ainsi inspiré dans les régions des adaptations du dispositif : plus proche dans les régions IDF et PACA, et plus « disjointes » en PDL et Occitanie.</p>
<p>Le second déterminant clé expliquant les différences dans la mise en œuvre du dispositif renvoie à des caractéristiques organisationnelles, et tout particulièrement le profil de poste de la référente régionale, acteur central du dispositif.</p>
<h2>« Le rôle du formateur est central »</h2>
<p>En effet, alors que certaines référentes appliquaient le dispositif tel que conçu par le siège (IDF et PDL) « le dispositif est bien construit, je le suis à la lettre » (tactique fixe), les référentes PACA et Occitanie l’adaptaient tant dans son contenu que dans sa structuration (tactique variable). Deux causes peuvent expliquer ces adaptations. La première, relative au manque de compréhension du dispositif en tant que parcours « si le jeune peut d’abord réaliser son stage (étape 3) il le fait » (Occitanie). La seconde, pour la région PACA, reliée à la modification des objectifs quantitatifs attendus : « moi, je préfère faire du qualitatif pour que les jeunes réussissent, plutôt que de remplir des tableaux de chiffres ».</p>
<p>Notre recherche permet d’identifier deux antécédents essentiels permettant d’expliquer les différences de mise en œuvre du dispositif « 100 % inclusion » dans les 4 régions.</p>
<p>La prise en compte du besoin d’accompagnement permet ainsi de différencier l’approche des PDL et de l’Occitanie d’une part, et de l’IDF et PACA d’autre part. Plus le besoin d’accompagnement est grand, plus la référente s’appuie sur un collectif d’acteur pour accompagner le jeune, notamment au niveau métier : « nous avons une équipe socio-éducative pour entourer le jeune, le rôle du formateur est central » (référente PACA). Si le besoin d’accompagnent est faible, la référente est la seule à s’occuper du jeune.</p>
<p>Si ce déterminant est clé sur le terrain analysé des Compagnons du Devoir et du Tour de France, il doit également a minima inspirer une réflexion pour toutes les entreprises : en quoi le process/les outils d’intégration dans l’organisation (« onboarding ») mis en œuvre répondent aux besoins réels des nouveaux collaborateurs ? Nos résultats suggèrent en effet que ces besoins sont bien entendu de nature opérationnelle, mais également psychologique et relationnelle.</p>
<p>L’analyse des quatre régions montre ainsi qu’une approche par un process unique au sein de l’organisation se heurte à de nombreuses limites notamment liées à la prise en compte des spécificités terrain.</p>
<p>Ainsi, la conception d’un programme d’« onboarding » doit interroger ce qui relève d’un socle commun, d’un process unique, ou au contraire d’adaptations spécifiques. Cela pose alors la question des acteurs à mobiliser, dans un périmètre qui peut d’ailleurs parfois dépasser les frontières classiques de l’organisation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183141/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Serge Perrot encadre les travaux de thèse de Lauryane Tassigny. Il contribuera à un contrat de recherche entre les Compagnons du Tour de France et l'Université Paris Dauphine PSL.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>David Abonneau a reçu des financements de l'Association Ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de France sous la forme d'un contrat de recherche (AOCDTF/université Paris-Dauphine PSL). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Lauryane Tassigny a reçu des financements de l'ANRT dans le cadre de sa thèse CIFRE au sein de l'Association Ouvrière des Compagnons du Devoir et du Tour de France. </span></em></p>Un travail de recherche portant sur les Compagnons du devoir montre notamment des attentes différentes chez les jeunes décrocheurs dans les zones rurales et urbaines.Serge Perrot, Professeur de Management, Université Paris Dauphine – PSLDavid Abonneau, Maître de conférences en Gestion, Université Paris Dauphine – PSLLauryane Tassigny, Doctorante CIFRE, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1633132021-08-30T20:51:17Z2021-08-30T20:51:17ZUne exposition de photographies en réalité augmentée pour mettre en lumière le matrimoine amérindien<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/416793/original/file-20210818-27-l350fn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C26%2C2917%2C2078&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption"> Portrait de deux jeunes femmes mapuche devant leur métier à tisser utilisant un _ngürewe_, tendeur textile en os de baleine. D’après la taille de la structure du tissage et le détail des fils, elles sont probablement en train de confectionner un _chañuntuku_, petit tapis.</span> <span class="attribution"><span class="source">Claude Joseph, circa 1927. Dans “Los tejidos araucanos”, 1928, Revista Chilena, XII (103-104), p. 1251-1280, Museo Histórico Nacional de Chile, archive S-001321.</span></span></figcaption></figure><p>Chez les Mapuche, peuple autochtone de l’extrême sud-américain (Chili, Argentine), les femmes jouent un rôle majeur dans la préservation et la transmission de l’histoire et de la culture ancestrale qui a su résister aux attaques successives de l’Empire inca et de la colonisation espagnole puis aux expropriations causées par les politiques néolibérales du Chili contemporain. Les tisserandes racontent à travers leur art cette histoire de résistances et le lien primordial avec la terre que ce peuple entretient, comme en atteste son nom qui signifie « gens » (<em>che</em>) de la « terre » (<em>mapu</em>) en mapudungun, la langue du peuple mapuche.</p>
<h2>Gardiennes d’un savoir-faire ancestral</h2>
<p>L’exposition de photographies en réalité augmentée, <em>Pilquen. L’héritage des femmes mapuche</em>, propose de découvrir l’art des tisserandes mapuche, gardiennes d’un savoir-faire ancestral. Le titre <em>Pilquen</em> signifie « vêtement, tissu » en mapudungun. Quant au sous-titre, il souligne l’attention portée au legs féminin que constitue le tissage et ses modalités de transmission, considéré comme une ressource essentielle du matrimoine culturel mapuche.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/v8u04w4zMWc?wmode=transparent&start=2" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Relatos de mujer : « Mujer mapuche » – Récits de femmes : « Femme mapuche », Servicio National del Patrimonio Cultural (Chili), 2011.</span></figcaption>
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<p>À l’origine de l’exposition initialement dédiée aux femmes indigènes d’Amérique latine, se trouve l’intérêt des étudiant·e·s pour la culture mapuche découverte au sein de <a href="https://culture.uca.fr/activites/ateliers/arts-de-la-scene/theatre-en-espagnol-1">l’Atelier théâtre en espagnol de l’Université Clermont Auvergne</a>, et du travail mené autour de la <em>Médée mapuche</em> du dramaturge chilien Juan Radrigán.</p>
<p>La découverte de cette culture amérindienne et du rôle majeur des figures féminines a constitué un déclencheur dans ce projet culturel. À partir de la collaboration avec le <a href="https://matrimoine.art/">programme de recherche-création Matrimoine Afro-Américano-Caribéen</a>, soutenu par l'Agence Universitaire de la Francophonie, et qui vise la constitution et l’analyse de la transmission des legs féminins dans la création contemporaine des Amériques et de la Caraïbe, l’exposition a fait l’objet d’une conception conjointe des étudiant·e·s du double diplôme de <a href="https://lcc.uca.fr/formation/master/master-etudes-europeennes-et-internationales/master-eei-option-etudes-interculturelles-franco-espagnoles">Master Études Interculturelles Franco-Espagnoles</a> de l’Université Clermont Auvergne et de <a href="https://www.auf.org/les_membres/nos-membres/ecole-superieure-dinfotronique-dhaiti/">l’École Supérieure d’Infotronique d’Haïti</a>.</p>
<p>Après un important travail de recherches documentaires sur la culture, l’histoire, la cosmogonie et l’art textile mapuche, la sélection finale des photographies représente des tisserandes au travail sur le <em>witral</em>, métier à tisser vertical, des pièces textiles et des accessoires de tissage. Toutes les photographies cibles de l’exposition mettent en lumière la transmission intergénérationnelle au sein de généalogies féminines – de mère en fille, de grand-mère à petite-fille, de tante à nièce… – en confrontant photographies d’archives collectées auprès de musées chiliens (<a href="https://www.mhn.gob.cl/sitio/">Museo Histórico Nacional de Chile</a>, <a href="https://museo.precolombino.cl/">Museo Chileno de Arte Precolombino</a>, et photographies actuelles, en particulier celles de l’anthropologue et photographe <a href="https://tierra-mapuche.wixsite.com/celineparra/a-propos">Céline Parra</a> et du Musée Bargoin-Clermont Auvergne Métropole.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/416795/original/file-20210818-17-1othw4u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/416795/original/file-20210818-17-1othw4u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/416795/original/file-20210818-17-1othw4u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/416795/original/file-20210818-17-1othw4u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/416795/original/file-20210818-17-1othw4u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/416795/original/file-20210818-17-1othw4u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/416795/original/file-20210818-17-1othw4u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Portrait d’une femme Mapuche assise au sol devant son métier à tisser. Elle porte un châle noir, ou <em>ukulla</em>, qui lui recouvre le dos, un bandeau et des boucles d’oreille, caractéristiques du costume mapuche traditionnel.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Anonyme, circa 1920, Museo Histórico Nacional de Chile</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Les trois parties de l’exposition parcourent l’histoire du tissage mapuche : de ses origines mythiques sous le patronage de <em>Lalén Kuzé</em>, la vieille araignée, divinité tutélaire qui, selon le mythe, initie les jeunes tisserandes aux techniques de filage et de tissage perpétuées par la transmission. L’apprentissage est marqué par divers rituels au cours desquels la tisserande expérimentée transmet non seulement son savoir-faire textile mais également sa connaissance poussée de l’environnement naturel qui fournit les matières premières nécessaires aux créations : la laine ainsi que les fruits, les feuilles et les fleurs utilisés pour les teintures scellent une coopération féconde et sacrée avec <em>ñuke mapu</em> (« la Terre Mère »).</p>
<p>Les pièces photographiées rendent compte d’une véritable écriture textile qui peut raconter, avec ses codes propres selon les motifs et couleurs choisis, l’histoire de la communauté ou désigner le statut de la personne pour laquelle la pièce a été conçue ou encore l’occasion où elle a été arborée. Les tisserandes sont parfois les seules à pouvoir déchiffrer les œuvres de leurs ancêtres, assurant de la sorte leur fonction de gardiennes de la culture communautaire.</p>
<p>Les augmentations des photos cibles accessibles grâce à une application de réalité augmentée téléchargeable sur le portail web <a href="https://matrimoine.art/expositions/pilquen-lheritage-des-femmes-mapuche/">matrimoine.art</a> permettent d’enrichir la scénographie par des témoignages vidéos, des extraits de mythes et de poèmes, des explications audios et lectures bilingues en français et en espagnol avec lesquels les visiteurs-utilisateurs peuvent interagir (en les modifiant, les annotant…).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/416794/original/file-20210818-13-wd58m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/416794/original/file-20210818-13-wd58m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/416794/original/file-20210818-13-wd58m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/416794/original/file-20210818-13-wd58m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/416794/original/file-20210818-13-wd58m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/416794/original/file-20210818-13-wd58m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/416794/original/file-20210818-13-wd58m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un poncho mapuche.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Collection Musée Bargoin, Clermont Auvergne Métropole, Anja Beutler, Clermont-Ferrand, juin 2021</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>L’approche interculturelle a trouvé un point d’ancrage particulièrement pertinent dans la collaboration avec le <a href="https://www.clermontmetropole.eu/bouger-se-divertir/le-dynamisme-culturel/les-musees-de-clermont-auvergne-metropole/musee-bargoin/">Musée Bargoin-Clermont Auvergne Métropole</a> qui dispose d’un poncho mapuche dans sa collection. Cette pièce photographiée constitue la dernière étape du parcours et couronne cette chaîne de transmission intergénérationnelle et interculturelle qui a déterminé la composition de l’exposition, en créant un pont entre le textile mapuche et le public clermontois.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/416798/original/file-20210818-25-1hz42st.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/416798/original/file-20210818-25-1hz42st.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/416798/original/file-20210818-25-1hz42st.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/416798/original/file-20210818-25-1hz42st.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/416798/original/file-20210818-25-1hz42st.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1067&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/416798/original/file-20210818-25-1hz42st.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1067&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/416798/original/file-20210818-25-1hz42st.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1067&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’affiche de l’exposition.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Juliette Chausse</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Projet pluridisciplinaire et international au carrefour de la formation, de la recherche et de l’action culturelle, l’exposition <em>Pilquen</em> contribue aux travaux menés au sein de l’Atelier Recherche-Création du Centre de Recherches sur les Littératures et la Sociopoétique et du Service Université Culture de l’Université Clermont Auvergne dans l’expérimentation d’outils alternatifs de constitution et de transmission du savoir mis au service de la réhabilitation du matrimoine culturel tel que l’autrice et chercheuse <a href="https://www.50-50magazine.fr/2019/09/04/aurore-evain-rendre-visibles-les-femmes-dans-lhistoire-culturelle-et-artistique-consiste-a-sattaquer-aux-violences-symboliques-de-la-domination-masculine-1-2/">Aurore Evain</a> le définit. </p>
<p>Cette notion (ré)émergente au sein de la francophonie constitue la pierre angulaire du programme Matrimoine afro-américano-caribéen qui héberge la version en ligne de l’exposition <em>Pilquen</em>. Ce choix terminologique aux implications sociétales et politiques majeures (en matière d’égalité femmes-hommes et de diversité culturelle) pour désigner les formes de legs féminins que le programme entend recenser, fait l’objet de <a href="https://matrimoine.art/stephanie-urdician/publications">travaux lexico-culturels</a> en cours, en raison de l’acception restreinte des termes <em>matrimonio, matrimony</em> au sens de « mariage » dans les autres langues des aires culturelles concernées.</p>
<hr>
<p><em>L’exposition « Pilquen. L’héritage des femmes mapuche », visible depuis mars 2021 sur le portail <a href="https://matrimoine.art/expositions/pilquen-lheritage-des-femmes-mapuche/">matrimoine.art</a>, est présentée pour la première fois à la <a href="https://bu.uca.fr/bibliotheques/les-bu/bu-droit-economie-management">BU Droit, Economie, Management de Clermont-Ferrand</a> du 10 juin au 24 septembre 2021. Visites guidées les 17 et 18 septembre 2021 à l’occasion des Journées du Matrimoine.</em></p>
<p><em>Crédits : <a href="https://matrimoine.art/expositions/pilquen-lheritage-des-femmes-mapuche/">pilquen-lheritage-des-femmes-mapuche</a>. Contact : <a href="mailto:pilotage@matrimoine.art">pilotage@matrimoine.art</a>. Instagram : @Pilquen.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163313/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphanie Urdician ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’exposition de photographies en réalité augmentée, « Pilquen. L’héritage des femmes mapuche » propose de découvrir l’art des tisserandes mapuche, gardiennes d’un savoir-faire ancestral.Stéphanie Urdician, Maîtresse de conférences en études hispaniques, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1612252021-05-21T11:09:45Z2021-05-21T11:09:45ZRécit animé : la qualité de l’air, 10 dates pour raconter une histoire de l’environnement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/401650/original/file-20210519-17-1i488n2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=21%2C42%2C2023%2C1486&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Coucher de soleil sur la ville de Lyon.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/natascham/148950627/in/photostream/">Natascha M, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>La pollution de l’air, à l’extérieur comme à l’intérieur, a évolué au fil des âges – tout comme la perception qu’en ont nos sociétés, et les moyens mis en place pour la traiter.</p>
<iframe src="https://cdn.knightlab.com/libs/timeline3/latest/embed/index.html?source=1iD3R8JC6061JzhmFxcf66whWuApMu2ZBofA7ewowahg&font=Default&lang=en&initial_zoom=2&height=650" width="100%" height="650" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen="" frameborder="0"></iframe>
<p><em>Crédits images :</em></p>
<ul>
<li><p><a href="https://live.staticflickr.com/56/148950627_7d832161e8_k.jpg"><em>Natascha M, Flickr, CC-By-NC</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Pompe_%C3%A0_feu_de_Chaillot-1781.jpg"><em>Auteur inconnu, 1781</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://www.paris-treizieme.fr/P13-images/Tw-moret-720x720-delamotte.jpg"><em>Delamotte, CC0 Paris Musées/Musée Carnavalet</em></a></p></li>
<li><p><a href="http://www.verre-histoire.org/colloques/innovations/pages/p302_01_chopinet.html"><em>Figuier</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/8c/Widnes_Smoke.jpg"><em>Hardie, domaine public</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/aa/LA_smog_masks.jpg"><em>Los Angeles Times photographic archive, UCLA Library, domaine public</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/0c/Acid_rain_woods1.JPG"><em>Lovecz, domaine public</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://live.staticflickr.com/1488/25041261356_12f3578d9c_n.jpg"><em>flickr_apur</em>, CC-By-NC-ND</a></p></li>
<li><p><a href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/e/e6/Fanhe_Town_10_day_interval_contrast.png/1024px-Fanhe_Town_10_day_interval_contrast.png"><em>Tomskyhaha, CC-By-SA</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://www.flickr.com/photos/ultimaslair/61421329/"><em>Jeffy Can, Flickr, CC-By-NC</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://www.who.int/fr/news/item/27-09-2016-who-releases-country-estimates-on-air-pollution-exposure-and-health-impact"><em>OMS</em></a> </p></li>
</ul>
<hr>
<p><em>La Région Île-de-France finance des projets de recherche relevant de Domaines d’intérêt majeur et s’engage à travers le dispositif Paris Région Phd pour le développement du doctorat et de la formation par la recherche en cofinançant 100 contrats doctoraux d’ici 2022. Pour en savoir plus, visitez <a href="http://www.iledefrance.fr/education-recherche">iledefrance.fr/education-recherche</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161225/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>À la fin du XVIIIᵉ siècle, l’air était un bien commun, protégé par la police.Gilles Foret, Maître de conférence en physico-chimie de l'atmosphère, DIM Qi², Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Régis Briday, Historien, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1493192020-11-05T19:57:11Z2020-11-05T19:57:11ZArtisans, le développement de l’activité numérique n’a jamais été aussi simple !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/367182/original/file-20201103-23-pyaby1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=21%2C10%2C937%2C625&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’entreprise du Puy-de-Dôme Technibois63 a réussi à vendre sa skyline de la chaîne des Puys à un client aux États-Unis pendant le confinement.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://technibois63.fr/collections/all">Capture d'écran site internet Technibois</a></span></figcaption></figure><p>Le 28 octobre 2020, la sentence tombe : la <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/reconfinement-vendredi-macron-discours_fr_5f99c17fc5b6c265d8eff082">France est reconfinée</a>. Stupeur du public, tremblements des entreprises. Lors du premier confinement, les craintes des entreprises artisanales étaient fortes, et seulement <a href="https://www.bfmtv.com/economie/coronavirus-pres-des-trois-quarts-des-artisans-fermes_AN-202004200268.html">27 % d’entre elles avaient pu maintenir une activité</a>.</p>
<p>Si certaines ont pu retrouver une <a href="https://www.capeb.fr/www/capeb/media/noteconj-3t20-v3.pdf">activité quasi normale</a> après le déconfinement, dans le bâtiment par exemple, ce n’est pas le cas de toutes, et les situations restent différentes selon les territoires et les métiers.</p>
<p>Ce deuxième confinement est annoncé comme plus souple que le premier. Toutefois, bon nombre d’entreprises artisanales ne pourront plus exercer leur métier, vendre leurs produits, et resteront fermées au public. Fleuristes, salons de coiffure ou d’esthétique, potiers, bijoutiers… toutes les entreprises jugées « non essentielles » ont dû fermer. Seule sera autorisée la <a href="https://www.rtl.fr/actu/economie-consommation/confinement-le-click-and-collect-pour-sauver-les-commerces-de-proximite-7800914166">vente à distance, ou le click & collect</a>.</p>
<p>Or, une faible partie seulement de ces entreprises exerce aujourd’hui une activité numérique : elles ne sont que « <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/276990-bruno-le-maire-29102020-mesures-durgence-economiques">32 % à disposer de leur site Internet</a> », selon le ministre de l’Économie Bruno Le Maire.</p>
<p>Des plans et des actions en faveur du numérique sont proposés depuis quelques mois maintenant, <a href="https://www.netpme.fr/actualite/covid-19-les-pistes-de-bercy-pour-sauver-les-commerces-de-proximite/">par le gouvernement</a> et par les <a href="https://www.cma-lyon.fr/actualites/faire-un-atout-du-numerique">Chambres des métiers</a>. Malgré ces aides, il reste impossible, dans les jours et les semaines qui viennent, d’accompagner toutes ces entreprises.</p>
<p>Alors, que faire ? Nos recherches en cours nous ont permis de relever trois parcours numériques gagnants que nous présentons ici au travers de témoignages d’artisans localisés en Auvergne. Nous avons d’ailleurs rencontré l’un d’entre eux grâce à son activité numérique ! Ces trois exemples montrent que, chacun peut, dès maintenant, et avec ses moyens, petits ou grands, numériser tout ou partie de son activité.</p>
<h2>« 20 % d’activité en plus »</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/367008/original/file-20201102-19-1o9df60.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/367008/original/file-20201102-19-1o9df60.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/367008/original/file-20201102-19-1o9df60.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=711&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/367008/original/file-20201102-19-1o9df60.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=711&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/367008/original/file-20201102-19-1o9df60.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=711&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/367008/original/file-20201102-19-1o9df60.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=893&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/367008/original/file-20201102-19-1o9df60.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=893&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/367008/original/file-20201102-19-1o9df60.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=893&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Image 1 : Capture d’écran du site créé par Garance Archer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Garance Archer est bijoutière créatrice, à 26 ans elle a créé son entreprise au début de l’année 2020, dans un village du sud du Puy-de-Dôme. Prise au dépourvu par la pandémie, elle décide de consacrer son temps à la <a href="https://www.garancearcher.com/">création d’un site Internet</a>, et à sa notoriété en ligne : « J’ai tout fait toute seule, mon site Internet, ma communication, ma pub ». Le numérique a payé, puisqu’elle a été contactée par le magazine <em>Gala</em>, et <a href="https://www.moncarnet-gala.fr/articles/view/GARANCE-ARCHER">figure désormais dans le carnet « luxe » du magazine</a>, rien de moins…</p>
<p>Comme elle nous l’a confié :</p>
<blockquote>
<p>« Il y a plein d’autres opportunités qui se sont ouvertes à moi que je n’imaginais pas du tout. J’ai été contactée par deux magazines, Gala et Marie-Claire, qui voulaient vraiment mettre en avant l’artisanat ».</p>
</blockquote>
<p>Le lancement de son site Internet durant le confinement a contribué à son succès : « j’ai doublé l’audience que j’avais prévue ». Et cela ne s’arrête pas là, puisque Garance nous explique avoir noué d’autres contacts pendant cette période, grâce à la visibilité qu’elle a su se créer sur les réseaux sociaux.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/367009/original/file-20201102-13-ka1qk4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/367009/original/file-20201102-13-ka1qk4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/367009/original/file-20201102-13-ka1qk4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=762&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/367009/original/file-20201102-13-ka1qk4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=762&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/367009/original/file-20201102-13-ka1qk4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=762&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/367009/original/file-20201102-13-ka1qk4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=958&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/367009/original/file-20201102-13-ka1qk4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=958&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/367009/original/file-20201102-13-ka1qk4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=958&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Image 2 : Capture d’écran d’une story Facebook de Technibois 63.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur</span></span>
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<p>Guillaume Gavioli est menuisier agenceur en secteur rural également. Son entreprise, Technibois63, a récemment développé un produit unique, la Skyline, qui représente la chaîne des Puys, <a href="https://www.chainedespuys-failledelimagne.com/candidature-3/lunesco-et-le-patrimoine-mondial-2/">récemment inscrite au patrimoine de l’Unesco</a>. Avec l’aide d’un ami, il a créé un <a href="https://technibois63.fr/products/skyline-puy-de-dome">site de vente en ligne</a> dédié à ce produit. Il en fait la publicité sur les réseaux sociaux, dont Facebook.</p>
<p><br>
<br>
Le succès ne s’est pas fait attendre, Guillaume nous confie même sa surprise :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai lancé ça il y a cinq mois. J’en ai vendu une cinquantaine, vous allez me dire cinquante c’est pas énorme, mais pour un menuisier comme moi c’est un complément d’activité. Le prix : une petite à 33, la grande à 125 euros. Je vends plus celles à 90 euros, quasiment les plus grandes. Je ne sais pas pourquoi ».</p>
</blockquote>
<p>Il estime le chiffre de ventes généré aux alentours de 3 000 euros, et a même eu la surprise d’envoyer des skylines un peu partout dans l’hexagone… et même plus loin :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai vendu des skylines en bonne partie dans le Puy-de-Dôme et en Auvergne, j’en ai envoyé 4 ou 5 dans la région de Marseille, à Paris, 4 ou 5 aussi, une ou deux du côté du Rhin, peut-être une ou deux en Bretagne, et une aux États-Unis. Ce client n’avait pas l’air d’être Français, il a peut-être dû venir une fois en vacances et ça lui a plu. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/367010/original/file-20201102-15-cdkr0y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/367010/original/file-20201102-15-cdkr0y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/367010/original/file-20201102-15-cdkr0y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=780&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/367010/original/file-20201102-15-cdkr0y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=780&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/367010/original/file-20201102-15-cdkr0y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=780&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/367010/original/file-20201102-15-cdkr0y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=980&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/367010/original/file-20201102-15-cdkr0y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=980&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/367010/original/file-20201102-15-cdkr0y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=980&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Image 3 : Capture d’écran de la page Facebook GP Menuiseries.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur</span></span>
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</figure>
<p>Pascal De Freitas est à la tête de l’entreprise GP Menuiseries, qui installe des menuiseries et des pergolas sur le Puy-de-Dôme. L’entreprise est prospère et pérenne, elle disposait déjà d’un <a href="https://www.gpmenuiseries.fr/">site vitrine</a> avant le confinement de mars. Pascal a transformé la contrainte en opportunité en utilisant le temps libre pour tester la publicité en ligne sur les réseaux sociaux, Facebook et Instagram.</p>
<p>Il témoigne de son expérience :</p>
<blockquote>
<p>« On l’a fait parce que le salon de l’habitat était annulé au mois de mars, au début du confinement. Vu qu’on n’avait pas grand-chose à faire, on s’est intéressé à ça. C’était un mal pour un bien parce qu’après les mois de fin mai, juin et juillet, à partir du déconfinement, ça a été la folie. Le réseau nous en a apporté, enfin pas tout mais peut-être 20 % de notre activité en plus ».</p>
</blockquote>
<p>Là aussi, c’est la surprise pour Pascal : le numérique lui a permis, dès la fin du confinement, d’exploiter les contacts qu’il a noués pendant cette période. Il peut cibler sa clientèle dans un rayon précis qu’il détermine, pour le montant qu’il choisit et pour un coût tout à fait abordable, comme il nous l’explique :</p>
<blockquote>
<p>« On détermine le budget d’une campagne de promotion en fonction des informations sur le potentiel de cette cible : 50, 100, ou 200 euros… ».</p>
</blockquote>
<p>L’intérêt est donc d’avoir des actions ciblées pour un budget restreint. Pascal explique d’ailleurs que grâce à la qualité des contacts noués, il a un retour en termes de commandes particulièrement intéressant, davantage qu’avec une campagne d’affichage sur des panneaux publicitaires dans la ville. La proximité qui se crée avec le client au travers des images et des commentaires échangés constitue les prémices d’une bonne relation entre l’artisan et le client.</p>
<h2>Quelques heures suffisent</h2>
<p>Mais d’autres solutions existent pour les artisans, comme des plates-formes de vente de produits artisanaux régionaux. Par exemple des <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/consommation-commerce-ligne-valoriser-made-in-auvergne-1879488.html">produits auvergnats sur un site partagé</a> avec l’aide de la région, ou bien des artisans corses qui collaborent pour la vente en ligne au sein d’un groupement d’intérêt économique (GIE) <a href="http://www.artisula.com/">d’artisans</a>.</p>
<p>Certaines activités numériques peuvent se mettre en place en quelques heures, ou quelques jours : il est par exemple possible de créer assez facilement un site Internet avec des éditeurs totalement ou partiellement gratuits, tels <a href="https://fr.wix.com/">Wix</a> ou <a href="https://fr.wordpress.com/create/">WordPress</a>.</p>
<p>Toutefois, tous ces efforts resteront vains si le consommateur ne répond pas présent dans les prochaines semaines. C’est pourquoi de nombreux appels à soutenir les artisans et les commerçants ont été récemment lancés, sur <a href="https://www.facebook.com/groups/2849529018462746">sur les réseaux sociaux</a>, ou alors par des institutions comme les <a href="https://cma-france.fr/2020/05/20/tousavecnosartisans2/">Chambres de métiers et de l’Artisanat</a>,</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1322216191331426304"}"></div></p>
<p>L’enjeu est de taille : tout d’abord, un artisan qui ferme n’aura peut-être plus jamais l’opportunité de se mettre à son compte, à l’inverse de <a href="https://www.l-expert-comptable.com/a/532064-qu-est-ce-qu-un-serial-entrepreneur.html">sérials entrepreneurs</a> qui se relèvent malgré les échecs.</p>
<p>Ensuite, <a href="https://www.lefigaro.fr/social/ici-je-forme-un-apprenti-la-nouvelle-campagne-des-artisans-sur-l-alternance-20201016">l’artisan d’aujourd’hui forme celui de demain</a>, au travers des apprentissages : il est important de maintenir les entreprises qui forment les jeunes, assurant ainsi la relève.</p>
<p>Enfin, peu d’entreprises sont aussi importantes pour les territoires que les entreprises artisanales. Véritables actrices de proximité, elles utilisent bien souvent des produits locaux, sont investies dans la vie locale, et participent au dynamisme, notamment dans des petites communes. Raison de plus pour leur éviter à tout prix de baisser le rideau.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149319/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>En Auvergne, trois petites entreprises fermées en raison du confinement ont mis en place une nouvelle relation client en quelques jours et avec des moyens réduits.Grégory Blanchard, Doctorant en sciences de gestion. Enseignant en négociation - vente, ESC Clermont Business SchoolAnne Albert-Cromarias, Enseignant-chercheur HDR, management stratégique, ESC Clermont Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1398892020-06-17T17:33:48Z2020-06-17T17:33:48ZEt si les artisans s’emparaient du photovoltaïque ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/342230/original/file-20200616-23221-1qdtua5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=294%2C0%2C5168%2C3489&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les artisans sont absents de l’installation solaire, secteur capté par des grands groupes et des entreprises de taille intermédiaire.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/engineer-team-working-on-replacement-solar-784408039">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le secteur du photovoltaïque, qui bénéficiait déjà de mesures favorables <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/elisabeth-borne-annonce-lancement-nouvelles-periodes-dappel-doffres-developper-2-gw-denergie-solaire">depuis 2019</a>, devrait recevoir comme de nombreux autres secteurs de l’économie, des aides financières de la part de l’État dans le cadre du plan de relance.</p>
<p>Rappelons qu’en 2019, la part de l’énergie d’origine solaire dans le mix énergétique français <a href="https://particuliers.engie.fr/electricite/conseils-electricite/types-electricite/mix-energetique-france.html">s’élevait à 1,9 % – contre 5,1 % pour l’éolien</a>.</p>
<p>Après une période faste en <a href="https://www.huffingtonpost.fr/2012/07/16/solaire-photovoltaique-en-france-les-raisons-du-crash-en-plein-vol_n_1675372.html">2009 et 2010</a>, le secteur a connu un <a href="https://fr.statista.com/statistiques/565827/employes-energie-solaire-photovoltaique-france/">effondrement massif et brutal</a>, dont les causes sont multiples : concurrence des produits chinois, opportunisme financier de certains opérateurs, baisse des subventions et arnaques à répétition des particuliers par des entreprises commerciales <a href="https://www.60millions-mag.com/2018/05/07/ne-pas-tomber-dans-le-panneau-solaire-11759">sans réelles qualifications techniques</a>.</p>
<p>De nombreux producteurs de panneaux solaires français ont alors fait faillite, comme Auversun dans le Puy-de-Dôme ou Solarezo dans les Landes… Aujourd’hui, neuf des dix plus grands fabricants de panneaux solaires dans le monde <a href="https://www.lefigaro.fr/societes/relocaliser-la-production-de-panneaux-solaires-ne-semble-plus-impossible-20200513">sont Chinois</a>. La production française est quant à elle amorphe, avec quelques acteurs encore en place comme Voltec, Sillia ou encore Photowatt, <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2012/02/27/la-reprise-de-photowatt-par-edf-confirmee-par-le-justice_1648929_3234.html">racheté par EDF à la demande de l’État en 2012</a>.</p>
<p>La crise pourrait être l’occasion de donner au secteur une nouvelle impulsion en encourageant les artisans à investir la filière d’installation, ce qui favoriserait également la relocalisation de la production de panneaux solaires.</p>
<h2>Les vertus de l’artisan</h2>
<p>Jusqu’ici quasiment <a href="http://www.energies-renouvelables.org/observ-er/etudes/Observ-ER-Etude-qualitative-2017-filiere-photovoltaique.pdf">absents du secteur solaire</a> au profit des grands groupes (Engie, EDF) et d’entreprises de taille intermédiaire comptant sur une force commerciale importante, les artisans pourraient devenir le fer de lance de la nouvelle dynamique solaire française.</p>
<p>Ils <a href="https://www.geoplc.com/geoplc-presse/une-etude-realisee-pour-geo-plc-revele-que-77-des-francais-font-confiance-aux-artisans-pour-les-travaux-de-renovation-energetique/">jouissent en effet d’une bonne confiance</a> auprès de leurs clients et se fournissent majoritairement localement, là où les entrepreneurs commerciaux et les grands groupes explorent la concurrence étrangère et préfèrent acheter moins cher à l’autre bout du monde. L’émergence d’une demande « made in France » chez les Français <a href="https://www.ifop.com/publication/les-francais-et-la-proximite/">joue également en faveur des artisans</a>.</p>
<p>Les pouvoirs publics ont ici l’occasion de surfer sur la crise pour recréer la filière solaire, en évitant les erreurs du passé. Écarter les acteurs opportunistes qui ne visent que le profit au détriment de la qualité d’installation et génèrent des litiges commerciaux, favoriser l’artisanat local pour créer une filière d’installation stable, solide et fiable et nouer une relation de confiance avec les consommateurs. Cela permettrait de créer des débouchés commerciaux pour une industrie de fabrication.</p>
<h2>Un secteur encore peu accessible aux artisans</h2>
<p>Un tel changement de direction implique de lever trois obstacles. Le premier concerne les barrières à l’entrée que sont le prix des assurances (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Assurance_d%C3%A9cennale_en_France">décennales</a> et sinistres, par exemple) et les <a href="https://www.artisandubatiment.fr/certification-label/prix-label-formation-rge/">« labels » obligatoires</a> pour devenir installateur agréé (qui permettent aux particuliers d’accéder au crédit d’impôt). Bien qu’utiles pour sécuriser les travaux, ces derniers demandent beaucoup de temps et d’argent, deux ressources fort précieuses voire rares pour les très petites entreprises de l’artisanat.</p>
<p>Le deuxième frein est la maîtrise de l’offre : pour que les artisans soient en mesure de proposer et commercialiser, il sera nécessaire de diriger vers ce public des actions de formations importantes sur l’aspect commercial et administratif. Car avant d’installer et de vendre, il faut convaincre. Et pour convaincre dans le solaire, il faut savoir présenter aux clients les subventions, les réglementations, les démarches administratives préalables à l’installation, les conditions de revente ou d’autoconsommation… Bref, un ensemble complexe mais indispensable d’informations.</p>
<p>Enfin, les clients des artisans devront pouvoir accéder à des financeurs. L’installation solaire coûte très cher et les grosses entreprises qui s’en chargent pour l’instant proposent souvent une offre dans laquelle sont inclus la pose et le crédit pour financer les travaux. Il s’agirait pour l’État d’octroyer aux clients des artisans des prêts à taux zéro facilement accessibles, afin de soutenir la filière.</p>
<h2>Une stratégie gagnant-gagnant</h2>
<p>Une fois ces trois freins levés, les artisans pourront investir un secteur qui leur est actuellement presque inaccessible.</p>
<p>L’État a tout à gagner en orientant fortement la filière solaire vers l’artisanat : création de petites entreprises et d’emplois de proximité (dont on sait qu’ils sont durables et peu délocalisables), <a href="https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/profil-prix-renovation-organisation-filiere-2018.pdf">achats de panneaux solaires fabriqués en France</a>, diminution des gaz à effets de serre, valorisation du parc immobilier des particuliers…</p>
<p>Rappelons enfin que l’artisanat du bâtiment, qui représente tout de même près de 2 % du PIB national, est le secteur économique français qui dégage le moins de marge, <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3639594">avec à peine 11 %</a>. Rediriger une activité à forte valeur ajoutée comme le solaire serait salvateur pour des milliers de petites entreprises dans les mois et les années à venir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139889/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’État devrait encourager les artisans, qui se fournissent localement et jouissent d’une bonne image en France, à investir le secteur du solaire, aujourd’hui capté par les grands groupes.Grégory Blanchard, Doctorant en sciences de gestion. Enseignant en négociation - vente, ESC Clermont Business SchoolAnne Albert-Cromarias, Enseignant-chercheur HDR, management stratégique, ESC Clermont Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1352102020-04-01T19:03:46Z2020-04-01T19:03:46ZVenise au pic de la crise : comment sortir de l’ultra-dépendance au tourisme ?<p>C’est la ville la plus unique du monde, une ville à mesure d’homme, qui rassemble l’eau et <a href="https://www.babelio.com/livres/Pedrocco-LArt-a-Venise/279677">l’art</a>, c’est-à-dire la nature et la culture. Silencieuse parce que sans voiture et <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/IJTC-11-2017-0072/full/html">praticable à pied</a> et en bateau, elle laisse les humains au centre, dans la beauté et l’harmonie.</p>
<p>Elle est le résultat de l’entêtement et de la <a href="https://www.albin-michel.fr/ouvrages/venise-triomphante-9782226142511">ténacité de l’homme</a> qui, au cours des siècles, a réussi à transformer un environnement hostile et marécageux, composé d’un archipel de 118 petites îles, en une ville sise sur l’eau, un chef-d’œuvre de l’urbanisme, unique et inimitable. Venise <a href="https://www.babelio.com/livres/Sollers-Dictionnaire-amoureux-de-Venise/38796">fascine</a> depuis toujours au point d’être devenue la <a href="https://www.jstor.org/stable/1803469?seq=1">destination superstar</a> universelle.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/324199/original/file-20200331-65514-fabytr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/324199/original/file-20200331-65514-fabytr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/324199/original/file-20200331-65514-fabytr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/324199/original/file-20200331-65514-fabytr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/324199/original/file-20200331-65514-fabytr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/324199/original/file-20200331-65514-fabytr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/324199/original/file-20200331-65514-fabytr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le Grand Canal en juillet 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Anne Gombault</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Catastrophes et vulnérabilités</h2>
<p>La pandémie mondiale de coronavirus qui <a href="https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/italie-les-raisons-dun-aussi-lourd-tribut-a-lepidemie-1188000">frappe durement l’Italie</a> rend fatale l’erreur stratégique fondamentale de Venise : avoir tout misé sur l’industrie du tourisme, en ayant oublié le principe de base de la diversification des risques.</p>
<p>La crise a vidé la ville de tous ses touristes, qui ne reviendront qu’après son règlement dans leurs pays et en Europe. L’impact sur l’économie de Venise, déjà mise à mal par la grande marée de l’automne dernier, est catastrophique. Le fait que, de façon paradoxale, la crise restitue <a href="https://soirmag.lesoir.be/287905/article/2020-03-17/coronavirus-venise-les-habitants-decouvrent-ce-que-ca-fait-de-voir-les-poissons">l’image d’une ville calme</a> où il fait bon vivre, éliminant complètement les problèmes relatifs à l’action des vagues, à la pollution et au tourisme de masse, ne change rien aux lourdes pertes qui lui sont infligées, le <a href="https://theconversation.com/au-temps-du-coronavirus-letonnante-melancolie-du-vide-134568">vide</a> détruisant de nombreuses activités.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/-g7MjzOoyis?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">En Italie, l’eau des canaux de Venise se clarifie (Euronews, 18 mars 2020).</span></figcaption>
</figure>
<p>La Sérénissime ne l’est plus : fragile, elle est depuis longtemps trop exposée à diverses menaces qui l’ont endommagée et la mettent en péril. Ces dangers, en apparence d’origine naturelle, sont en fait exacerbés par l’intervention de l’homme : l’affaissement du sol, les grandes marées (<em>acqua alta</em>) et l’action des vagues. Venise s'est affaissée de 33 cm au cours des dernières décennies en raison de l’extraction du méthane dans le sous-sol et de l’eau dans les nappes phréatiques à des fins industrielles.</p>
<p>L’élévation progressive du niveau moyen de la mer et les travaux effectués dans la lagune ont aggravé les grandes marées qui régulièrement submergent les rues, comme à l’automne pendant <a href="https://www.rainews.it/tgr/veneto/video/2019/12/ven-Acqua-alta-45-giorni-terribili-per-Venezia-0907a317-2ae4-4c84-bfb5-a71af11fe7bc.html">45 jours</a> avec un <a href="https://actu.fr/monde/venise-inondee-par-une-acqua-alta-historique_29360911.html">niveau de l’eau</a> atteignant 187 cm au-dessus du niveau de la mer. Résultat, plusieurs centaines de millions d’euros de dommages – musées, monuments, églises, commerces, habitations, entrepôts, infrastructures –, dont 4 millions d’euros pour la <a href="http://www.veneziatoday.it/cronaca/danni-basilica-san-marco-acqua-alta-maltempo-2019.html">seule basilique Saint-Marc</a>, et une chute de 40 % des réservations hôtelières.</p>
<h2>La « disneyfication » de la ville</h2>
<p>L’action des vagues, causée par les embarcations à moteur de transport de marchandises et de passagers et par la présence des navires de croisière, dégrade de manière incessante les fondations de la ville, nuisant à la stabilité des édifices, en plus de détruire l’écosystème végétal de la lagune par l’érosion des îlots herbeux submergés à marée haute et découverts à marée descendante, ainsi que des hauts-fonds.</p>
<p>Ces mêmes embarcations polluent l’eau et l’air et menacent l’intégrité des bateaux à rame et à voile traditionnels ainsi que la sécurité de leur équipage et de leurs passagers. En plus de défigurer Venise, les navires de croisière qui empruntent le canal de la Giudecca, trop près de la ville, mettent en péril son intégrité, comme en témoigne la collision de l’un d’entre eux avec la rive de San Basilio en juin 2019.</p>
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<figcaption><span class="caption">À Venise, ce bateau de croisière hors de contrôle a heurté un quai et semé la panique (BFM TV, 2 juin 2019).</span></figcaption>
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<p>Le <a href="https://cris.winchester.ac.uk/ws/portalfiles/portal/337857/11561156_Seraphin_OverTourismVenice_withstatement.pdf">« surtourisme »</a>, avec un flux d’environ <a href="https://slideplayer.it/slide/15044287/">30 millions visiteurs</a> par an pour une île d’à peine 51 000 résidents et un processus de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1111/1467-954X.00161?casa_token=snynh0RCmWMAAAAA:z7gr0OP7Xnxi9AGgZ2ymcBPuRsSFbTCa6CqZDal2DlDa2s6BTorXrtgjcTRcNVbaAlTLVQNsqGzSK6w">« disneyfication »</a> de la ville voit une substitution progressive de ses commerces traditionnels et de proximité par des commerces destinés au tourisme.</p>
<p>Cette tendance, amplifiée par la prolifération d’hôtels, de chambres d’hôte, d’appartements à louer à court terme et d’auberges de jeunesse à bas prix, a également rendu la ville inaccessible aux jeunes travailleurs ou étudiants vénitiens ou étrangers. D’une façon générale, ce flux crée un exode massif des habitants.</p>
<h2>Une gestion ratée</h2>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/324200/original/file-20200331-65543-1tdaz4a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/324200/original/file-20200331-65543-1tdaz4a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/324200/original/file-20200331-65543-1tdaz4a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=799&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/324200/original/file-20200331-65543-1tdaz4a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=799&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/324200/original/file-20200331-65543-1tdaz4a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=799&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/324200/original/file-20200331-65543-1tdaz4a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1004&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/324200/original/file-20200331-65543-1tdaz4a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1004&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/324200/original/file-20200331-65543-1tdaz4a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1004&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« Venise est sauvée grâce au Mose », peut-on lire sur la pancarte ironique portée par un Pinocchio, le 12 novembre 2019, en réaction à l’inefficacité du projet de digues mobiles censées protéger la ville des marées hautes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Umberto Rosin</span></span>
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<p>Au cours des dernières 50 années, les problèmes énumérés précédemment ont été gérés par les nombreuses administrations qui se sont succédé à l’aide d’une approche de type <a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/physiocrates">« physiocratique »</a> (laisser faire, laisser passer). Dans certains cas, les interventions ont même empiré la situation : le système de digues mobiles appelé <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/italie/venise-qu-est-ce-que-le-projet-mose-cense-sauver-la-ville-de-l-engloutissement-depuis-des-annees_3707257.html">Mose</a>, qui aurait dû protéger Venise des grandes marées, projet <a href="https://www.mosevenezia.eu/cronologia/">approuvé dans les années 1980</a> ne fonctionne toujours pas malgré les quelque <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2017/11/03/a-venise-mose-le-chantier-maudit_5209690_3244.html">6 milliards d’euros</a> déjà engloutis.</p>
<p>Les travaux d’élargissement et d’excavation des passes ont augmenté la vitesse des courants de marée entrant et sortant, accélérant le processus d’érosion des <em>barene</em>, vitales pour l’écosystème lagunaire.</p>
<p>Si l’on modélisait la situation à l’aide de la <a href="https://www.intechopen.com/books/game-theory-relaunched/the-neumann-morgenstern-project-game-theory-as-a-formal-language-for-the-social-sciences">théorie des jeux</a>, il apparaîtrait que l’interaction entre les décisions des individus – motivées par la poursuite des intérêts personnels – produit un résultat « non optimal » pour le système. Il est donc crucial qu’un décideur public, ayant comme objectif l’intérêt général, coordonne activement les politiques de gouvernement de la ville dans une optique à long terme.</p>
<h2>Retrouver l’identité artisanale et créative</h2>
<p>Pour restituer Venise à ses habitants et au monde entier, les solutions créatives passent par le rétablissement de ses caractéristiques patrimoniales fondamentales. La ville peut notamment s’inspirer de ce qu’elle a été dans le passé, au centre du monde occidental : une place centrale pour l’être humain, gouvernée par une ingénierie sociale et culturelle innovatrice. Une diversification des activités de production s’impose pour sortir de l’ultra-dépendance au tourisme et redonner un sens authentique à la ville.</p>
<p>En premier lieu, l’artisanat d’exception développé au fil des siècles qui survit difficilement aujourd’hui peut être soutenu par des mesures incitatives pour les entreprises de production. L’atelier de tissage <a href="https://www.luigi-bevilacqua.com/en/">Tessitoria Luigi Bevilacqua</a>, la fonderie <a href="https://valese.it/?lang=en">Valese</a>, les artisans de l’association <a href="https://www.elfelze.it/home-english/">El Felze</a>, la construction navale de bateaux traditionnels de taille modeste avec ses maîtres charpentiers de marine, les centaines d’artisans disséminés dans Venise et sur ses îles, experts dans l’art de travailler le <a href="https://www.muranoglass.com/en/marchio/managing/">verre</a>, le cuir, le papier, les métaux précieux, etc., ne sont que quelques exemples de ce cluster de patrimoine immatériel à revitaliser.</p>
<p>Ces trésors pourraient être valorisés d’une part, par une politique efficace d’habitation et, d’autre part, par la régénération d’espaces uniques à vocation industrielle tels l’Arsenal de Venise. Le chantier naval, qui couvre 15 % de la surface de la ville n’est par exemple, encore aujourd’hui, que partiellement utilisé lors de la <a href="https://www.labiennale.org/en">Biennale de Venise</a>, le grand rendez-vous bisannuel du marché de l’art contemporain.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/324204/original/file-20200331-65509-1rc5bfs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/324204/original/file-20200331-65509-1rc5bfs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/324204/original/file-20200331-65509-1rc5bfs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/324204/original/file-20200331-65509-1rc5bfs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/324204/original/file-20200331-65509-1rc5bfs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/324204/original/file-20200331-65509-1rc5bfs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/324204/original/file-20200331-65509-1rc5bfs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’Arsenal de Venise, en juillet 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Anne Gombault</span></span>
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<p>Un autre axe de développement concerne la mise en œuvre d’un centre d’excellence pour faire en sorte que Venise, ville universitaire importante avec l’Università Ca’Foscari Venezia et l’Istituto Universitario di Architettura di Venezia, redevienne le foyer de talents créatifs qui a accueilli et vu naître de célèbres architectes (Sansovino), peintres (le <a href="http://www.lecurieuxdesarts.fr/2018/12/tintoret-un-grain-de-poivre-dans-la-peinture-de-venise-tintoretto-un-granello-di-peppe-nella-pittura-di-venezia.html">Tintoret</a>), artistes (Léonard de Vinci) ou scientifiques (Galilée), en leur offrant le meilleur environnement créatif de l’époque.</p>
<h2>Pour un développement durable</h2>
<p>Privilégier un virage écologique durable de Venise et sa lagune est devenue une urgence. Une attention renouvelée pour la production agricole valoriserait <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0743016718305965">l’entrepreneuriat local</a>, en soutenant la vocation de l’arrière-pays et des îles comme Sant’Erasmo et Vignole. Ce virage renforcerait le commerce vénitien et favoriserait les centres traditionnels comme le <a href="http://www.in-venice.com/shop/mercato-di-rialto/">marché du Rialto</a> en plus d’encourager la <a href="https://isaporidisanterasmo.com/">désintermédiation</a> et les <a href="https://donnagnora.it/">modes de distribution compatibles</a> avec la ville et ses traditions.</p>
<p>De plus, un ensemble de mesures d’ordre pratique pourrait s’adresser, par exemple, à toutes les embarcations à moteur de transport de marchandises et de personnes dans le but de diminuer l’action des vagues ainsi que la pollution ambiante et sonore aux fins de protection des habitants, de la ville et de son écosystème.</p>
<p>Les solutions mises en avant par les différents comités citoyens et associations proposent de redessiner les coques des bateaux, de remplacer les moteurs diesels par des moteurs électriques, d’installer des GPS sur les embarcations pour en surveiller la vitesse, d’augmenter les mesures de contrôle électronique du trafic et de la pollution, de modifier l’itinéraire des navires de croisières pour leur interdire d’entrer dans la lagune de Venise.</p>
<p>Pour la protection de Venise contre les grandes marées, des études proposent d’injecter de l’eau dans le sous-sol afin de rétablir le niveau de la ville et de <a href="https://www.elsevier.com/books/venice-shall-rise-again/gambolati/978-0-12-420144-6">freiner son affaissement</a>, tandis que d’autres suggèrent de fermer de manière permanente les <a href="https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1029/2008WR007195">entrées de la lagune</a> et de construire des pompes hydrauliques chargées d’effectuer l’échange d’eau entre la mer Adriatique et la lagune.</p>
<p>Il s’agit de repenser le développement d’un tourisme durable et averti, qui valorise, par exemple, la biodiversité de son habitat lagunaire, ses traditions agroalimentaires ainsi que les nombreuses zones de la « Venise cachée », souvent ignorées par les touristes. Enfin la ville gagnerait à réguler son flux touristique en <a href="http://www.businessdictionary.com/definition/smoothing-demand.html">lissant la courbe de la demande</a> par une taxe de séjour variable en fonction des périodes de fréquentation, permettant ainsi de financer les projets énoncés ci-dessus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135210/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Miser sur l’identité artisanale et le développement durable apparaissent comme les pistes à privilégier pour sauver la Sérénissime, actuellement désertée par les visiteurs.Anne Gombault, Professeur de management, directrice du centre de recherche Industries créatives Culture, Kedge Business SchoolUmberto Rosin, Co-directeur scientifique du MS Management des biens et activités culturels, Ca' Foscari University of VeniceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1281602019-12-02T19:44:50Z2019-12-02T19:44:50ZPourquoi LVMH devait racheter Tiffany<p>Novembre 2019 a vu se confirmer encore plus la <a href="https://fr.reuters.com/article/businessNews/idFRKCN1M61I7-OFRBS">tendance à la consolidation</a> du secteur du luxe. LVMH, le leader mondial, a en effet acquis le 25 novembre l’icône américaine du luxe, le bijoutier Tiffany, qui rejoindra ainsi les 79 autres marques de ce groupe. Pour l’emporter, LVMH offrit <a href="https://www.forbes.fr/business/lvmh-proprietaire-de-louis-vuitton-rachete-tiffany-pour-162-milliards-de-dollars/">16,2 milliards de dollars</a> (un montant relevé par rapport à l’offre initiale), soit 135 euros par action, et un price earning ratio (rapport entre la valeur en bourse d’une entreprise et ses profits) de 17.</p>
<p>Mais maintenant l’acquisition réalisée, il restera à investir pour permettre à la maison Tiffany de délivrer vraiment tout son potentiel et reprendre les chemins d’une croissance rentable au même niveau que les autres méga-marques du groupe LVMH. Il faudra en effet accroître l’engagement émotionnel des nouvelles générations, – les millennials et demain les Z – vis-à-vis de Tiffany. Il faudra aussi accentuer sa présence en Chine, accélérer son virage digital indispensable tout en accentuant la dimension expérientielle de ses points de vente. Surtout, pour faire rêver et accroître la désirabilité de Tiffany, il faudra développer la créativité. Il faudra enfin monter en gamme pour faire rêver les plus aisés (les <em>High Net Worth Individuals</em>, ou HNWI) et en même temps amener les ratios de rentabilité de la marque au niveau des standards élevés du groupe.</p>
<h2>Plus qu’une marque</h2>
<p>LVMH ne pouvait laisser Tiffany tomber entre d’autres mains, celles de ses concurrents. Deuxième marque mondiale de bijouterie-joaillerie après Cartier, créée par Charles Tiffany en 1837, la maison Tiffany est une icône du rêve américain. Elle en porte les valeurs dans le monde entier, au travers de ses 321 magasins et des réseaux sociaux. Les diamants sont ses bijoux par excellence : ils représentent la moitié de son chiffre d’affaires. La production de la maison est majoritairement réalisée aux États-Unis. À Tiffany est associée la couleur bleue, comme on parle de la couleur orange d’Hermès. Enfin, peu de marques ont leur nom dans le titre d’un des chefs-d’œuvre d’Hollywood (<em>Breakfast at Tiffany’s</em>). Surtout Tiffany était l’une des rares vraies maisons de luxe, de taille mondiale, encore indépendante, et prête à ne plus l’être.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1194719011344441344"}"></div></p>
<p>On se souvient qu’en 2013, la maison Hermès avait refusé l’offre – au <a href="https://fashionunited.fr/v1/fashion/lvmh-hermes-chronique-d-un-abordage/201305215693">caractère un peu hostile</a> – du même groupe LVMH, forte de ses succès en vente et en rentabilité, résultat d’un management familial pérenne, d’une culture d’entreprise reposant sur l’artisanat de très haute qualité, et enfin d’une marque qui a su rester exclusive. Quant à Chanel, rien n’indique que les frères Wertheimer veuillent se séparer de la marque. En outre, Dior est bien plus stimulé par son concurrent principal Chanel resté indépendant que si ces deux marques faisaient partie du même groupe LVMH.</p>
<p>Tiffany a le statut de <em>maison</em> de luxe. Cela a son importance pour expliquer l’intérêt que LVMH lui porta de suite. En effet, l’examen approfondi du site web du groupe LVMH révèle que le mot « luxe » lui-même s’y fait désormais très discret. Le mot « maison » est quant à lui en revanche omniprésent. Les mots ont leur importance : on parle de <em>maison</em> bien plus que de <em>marque</em>. La notion de <em>maison</em> renvoie en effet à une unité sociale et architecturale durable, foyer d’une intense collaboration entre ses membres, réunis par une histoire et des valeurs, mûs par un destin commun, une ambition partagée et le souci de porter haut la réputation du nom de famille dans le temps.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pour-vendre-le-vrai-luxe-faut-il-encore-lappeler-luxe-109984">Pour vendre le vrai luxe, faut-il encore l’appeler luxe ?</a>
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<p>Le mot « maison » exprime une des facettes clés du luxe à la française : une marque de luxe au sens plein doit avoir une histoire, des racines géographiques et une filiation familiale qui porte les valeurs du fondateur. Cette vision du luxe est propre à la France : elle est moins partagée par les marques de luxe italiennes ou américaines. C’est en effet un choix stratégique du luxe à la française depuis Colbert.</p>
<p>D’ailleurs, quand une marque d’origine étrangère entre dans le groupe LVMH, elle commence par réhabiliter son passé, cultiver la mémoire de son fondateur, porter les valeurs de son pays et de sa ville d’origine. Cela ne veut pas dire être tourné vers son passé, mais le projeter dans le futur de façon exclusive, créative et impliquante pour nourrir la désirabilité de la marque auprès des clients d’aujourd’hui et justifier un prix hors du commun. Tiffany est donc déjà une maison au sens plein. En outre elle consolide la position de LVMH aux États-Unis, toujours le <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/mode-luxe/luxe-le-gigantesque-marche-americain-sous-tension-1141160">premier marché du luxe</a>.</p>
<h2>Un marché qui se consolide</h2>
<p>La notion de <em>maison</em> est d’autant plus importante à cultiver que – les faits sont là pour le prouver – le secteur du luxe se consolide toujours plus. Ce mouvement est structurel : les anciennes marques familiales, hier indépendantes, trouvent leur développement dans un très petit nombre de groupes (LVMH, Kering, Richemont, EssilorLuxoticca, Swatch, Volkswagen Group, Fiat, BMW).</p>
<p>Plusieurs facteurs y contribuent : leurs dirigeants/fondateurs ayant atteint un âge élevé, de nombreuses maisons familiales doivent faire face à des problèmes de succession, faute de trouver dans les descendants les talents requis et la volonté de reprendre le flambeau pour poursuivre le développement de l’entreprise.</p>
<p>L’autre facteur qui accélère la concentration tient aux coûts sans cesse croissants du développement international, à la complexité de ce dernier dans un monde ultraconnecté et globalisé, et enfin à l’intégration désormais indispensable de la haute technologie dans la chaîne de valeur, de l’approvisionnement jusqu’à la création d’une expérience client vraiment facilitée et personnalisée qui mérite le nom de luxe.</p>
<p>Or, à la différence des fonds d’investissement ou des banques, les grands groupes du luxe offrent plus que de l’argent. Ils ont le savoir-faire, et les talents. Par leur taille, ils peuvent aussi peser dans toutes les négociations en amont dans la supply chain, ou en aval dans la distribution physique, le retail comme dans les plates-formes digitales. Ils ont enfin les moyens de mobiliser les meilleurs talents créatifs et technologiques au service de la créativité pour revitaliser la désirabilité des maisons.</p>
<p>Avec cette acquisition, LVMH sortirait encore plus renforcé. Il desserrerait le poids dominant de Louis Vuitton dans ses profits. Avec Tiffany (4,4 milliards de dollars), le groupe disposerait de trois des sept marques mondiales de luxe au chiffre d’affaires supérieur à plus de 4 milliards d’euros. Surtout, alors que le secteur mondial de la bijouterie est encore peu dominé par les marques, le groupe détiendrait désormais deux acteurs clés avec Bulgari. De facto la bijouterie-joaillerie qui ne représentait que 8 % du chiffre d’affaires du groupe LVMH dans ses comptes de 2018 se hisserait à près de 15 %.</p>
<p>Cette position renforcée dans le <em>hard luxury</em> (montres et joaillerie, par opposition au <em>soft luxury</em> qui concerne davantage les vêtements et la maroquinerie) va accentuer la pression concurrentielle sur le groupe Richemont (Cartier et Van Cleef & Arpels) et Kering.</p>
<h2>Un savoir-faire unique : la rareté abondante</h2>
<p>Wall Street a <a href="https://investir.lesechos.fr/marches/actualites/la-hausse-de-0-5-du-cac-40-doit-beaucoup-a-lvmh-et-aux-valeurs-cycliques-comme-arcelormittal-1882965.php">bien réagi</a> à cette acquisition. Les Américains sont certes patriotes, mais ils connaissent aussi les faits ; LVMH a un vrai savoir-faire démontré dans le domaine du luxe. Le groupe sait transformer des marques – petites à l’origine – en géants du luxe (le prototype étant Louis Vuitton).</p>
<p>En outre, alors que chacun prédit depuis plus de 20 ans le déclin de l’astre Louis Vuitton, le groupe démontre une maîtrise dans ce qu’il convient d’appeler la rareté abondante. C’est l’art de nourrir une perception d’exclusivité (base de la désirabilité de la marque) tout en faisant croître les volumes. Car si le storytelling du secteur du luxe aime les marques niches, les petites maisons discrètes, la réalité du marché, révélée par les clients mondiaux, hier japonais et aujourd’hui chinois, en quête de visas incontestables de distinction est inverse : <em>big is beautiful</em> ! C’est à ce titre que le luxe reste le rêve des nouveaux clients… comme celui des financiers.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128160/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Noël Kapferer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans le mouvement de consolidation que connaît aujourd’hui le secteur du luxe, les cibles potentielles se font de plus en plus rares pour les grands groupes…Jean-Noël Kapferer, Professeur Senior, INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1236302019-09-17T19:00:41Z2019-09-17T19:00:41ZLe décor de cinéma, une fabrique de la vraisemblance<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/292810/original/file-20190917-19035-qzxasa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C6%2C1020%2C760&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Entrée du plateau pour une série télévisée anglo-américaine sur la Rome de César, dans la Cinecittà de Rome. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/dalbera/5856289928">Jean-Pierre Dalbéra/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Aux premiers temps des « théâtres de prise de vues », le cinéma emprunte à la décoration de théâtre privilégiant la toile peinte en trompe-l’œil (parfois mise en mouvement). Mais, <a href="https://www.cairn.info/revue-1895-2011-3-page-90.htm">souligne Jean‑Pierre Berthomé</a>, rapidement, à partir de 1905, apparaît « un espace de représentation envahi par une foule d’accessoires qui prétendent attester sa réalité ». Progressivement, les décorateurs deviennent « de moins en moins peintres et de plus en plus constructeurs et ensembliers ».</p>
<p>Aujourd’hui, c’est aux chefs décorateurs, constitués progressivement en corps de métier autonome distinct du théâtre (ils sont réunis au sein de l’Association des chefs décorateurs ou ADC), souvent architectes de formation, qu’incombe la responsabilité artistique et technique des décors du film.</p>
<p>Selon la convention collective du cinéma (2012), ils sont ceux qui sont chargés de « la conception, de l’aménagement et de la construction des décors conformément au scénario, au plan de travail dans le cadre du budget ». La convention collective précise également qu’en « cas de recours à des moyens numériques, il[s] assure[nt] […] le suivi de la cohérence artistique de la conception et de la construction des décors ».</p>
<h2>La fabrique d’un espace de signes</h2>
<p>Comment fabrique-t-on de la vraisemblance cinématographique ? Comment recréer une unité alors même que les différents lieux de tournage sont spatialement dispersés ?</p>
<p>Une première façon de faire correspondre le lieu réel au lieu représenté consiste à modifier le scénario en adaptant l’histoire aux lieux finalement identifiés et accessibles. La seconde manière, combinable avec la première, consiste à travailler le lieu afin de l’adapter aux besoins du film.</p>
<p>Autour du chef décorateur, de nombreux corps de métier sont sollicités pour préparer les fondations du décor, l’aménager, le décorer, le meubler. Toute une chaîne de coopération artistique mobilisant constructeurs, peintres, staffeurs, sculpteurs, tapissiers, plâtriers, maçons, toupilleurs, serruriers, ensembliers, accessoiristes, graphistes, etc., est mobilisée, pour concrétiser le projet à partir des dessins, plans et maquettes qu’il a élaborés avec ses assistants. Si le travail des décorateurs en studio a été en partie documenté par les historiens du cinéma et les décorateurs eux-mêmes, il en va différemment concernant le travail réalisé sur le décor naturel, souvent moins spectaculaire. Façonner un décor de cinéma, c’est caractériser les lieux dans leurs dimensions historiques, esthétiques, techniques mais aussi sociologiques. C’est établir des fondations, agencer des volumes, apporter des couleurs. C’est aussi le composer en y plaçant des objets.</p>
<h2>Volume, matière, couleur, lumière</h2>
<p>Jean‑Claude Sussfeld, premier assistant à la réalisation et proche collaborateur de Claude Sautet, fait un récit suggestif de la recherche d’un décor pour les besoins du film <em>Les Choses de la vie</em> (1970) : le carrefour où a lieu l’accident de voiture, scène clé du film. Le « cahier des charges » renvoie à des ingrédients désormais connus : esthétisme, économie et praticabilité. Le décor devait se trouver à moins de 50 km de Paris et les routes devaient pouvoir être coupées à la circulation pendant les trois semaines de tournage programmées. Il fallait « trouver en pleine campagne, sur un terrain plat et dégagé, sans habitation visible, un carrefour dont la route principale devait être une départementale, longée par un fossé et bordée par un champ de pommiers ». La manière dont le carrefour identifié a été aménagé en plateau de tournage à ciel ouvert illustre à quel point s’emboîte le travail du repérage avec celui de l’aménagement et de la décoration du lieu :</p>
<blockquote>
<p>« Après des centaines de kilomètres parcourus pour trouver le décor idéal, et sans jamais y parvenir, il fut décidé d’aménager un lieu qui correspondait à la géographie de la scène. L’endroit se trouvait près du village de Thoiry dans les Yvelines. Le carrefour, en pleine campagne, bien dégagé, offrait la possibilité de filmer de loin. Le champ attenant à la route principale longée d’un fossé était une étendue d’herbe, sans aucun pommier. De plus la route secondaire n’était qu’un chemin de terre. Elle fut goudronnée sur trois cents mètres et une dizaine de pommiers adultes fut plantée dans le champ. » (Jean‑Claude Sussfeld, « De clap en clap »)</p>
</blockquote>
<p>Qu’elle soit réalisée par de la construction ou des rajouts de meubles en phase de préparation, ou faite en postproduction grâce au traitement numérique de l’image, la décoration comble les manques du décor réel.</p>
<h2>Combler les manques et tromper l’œil</h2>
<p>La préparation du décor prend la forme d’un véritable chantier lorsque des routes sont aménagées, des fossés, creusés, des murs, érigés, des arbres, plantés. Des chantiers cinématographiques sont restés célèbres dans l’histoire du cinéma français, et l’on peut encore en découvrir les traces archéologiques. La préparation du tournage de <em>Regain</em> (1937), film de Marcel Pagnol, a donné lieu à la construction d’un village en ruines, au pied de la colline Saint-Esprit du massif d’Éoures. Jean Giono en a fait une description suggestive : « Quand un mur sort de terre, il est toujours promis à un grand avenir. Ici, il s’agissait de construire des ruines. À mesure que le mur s’établissait entre les mains des maçons, il vieillissait entre leurs mains, il vieillissait dans leur tête, dans cette représentation du temps qu’ils n’oubliaient jamais.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/292808/original/file-20190917-19040-7vix6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/292808/original/file-20190917-19040-7vix6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/292808/original/file-20190917-19040-7vix6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/292808/original/file-20190917-19040-7vix6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/292808/original/file-20190917-19040-7vix6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/292808/original/file-20190917-19040-7vix6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/292808/original/file-20190917-19040-7vix6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les ruines du faux village d’Aubignane, dans le Vaucluse, construites pour le film <em>Regain</em> de Marcel Pagnol.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=Kf0NmWA_Zf8">YouTube</a></span>
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<p>Encore aujourd’hui, il est possible d’aller visiter les ruines de pierre du faux village d’Aubignane. L’activité cinématographique laisse, parfois des années après les tournages, des traces matérielles qui révèlent l’importance du travail de décoration réalisé, comme des archéologues ont pu le montrer à propos de <em>Peau d’âne</em> (1970). De même, <em>Les Amants du Pont-Neuf</em> (1991), film de Leos Carax, dont le décor gigantesque – réputé pour être l’un des décors les plus chers du cinéma français. Le faux pont avait été construit à la suite d’une succession d’accidents (dont la blessure d’un comédien) qui n’ont pas permis à l’équipe de tourner à Paris sur le véritable Pont-Neuf.) – <a href="https://www.midilibre.fr/2016/07/28/la-seine-a-coule-a-lansargues-un-quart-de-siecle-plus-tard-que-reste-t-il-de-ces-amants,1372791.php">a laissé des traces encore perceptibles à Lansargues dans l’Hérault</a>.</p>
<iframe frameborder="0" width="100%" height="270" src="https://www.dailymotion.com/embed/video/xjy29j" allowfullscreen="" allow="autoplay"></iframe>
<p>Le chantier prépare parfois de véritables champs de bataille cinématographiques. Ce fut le cas pour le film d’action <em>Nid de guêpes</em> (2002), tourné dans les friches d’une usine abandonnée des années 1970 située derrière Créteil. Le canal, situé à proximité, permettait de « raccorder » avec celui de Gennevilliers où étaient tournées d’autres scènes d’action, raison pour laquelle ce lieu avait enthousiasmé le réalisateur. Mais pour le rendre exploitable pour le tournage, le chef décorateur et les membres de son équipe ont dû aménager tout l’intérieur et l’extérieur (une route d’accès a été retracée ainsi qu’un parking). Il a fallu également consolider le toit afin que celui-ci puisse supporter le poids d’une équipe de tournage en action : un « vrai chantier du BTP », pour reprendre l’expression du chef décorateur, Bertrand Seitz, dont le travail combine alors les responsabilités d’un maître d’œuvre, d’un conducteur de travaux et d’un chef de chantier.</p>
<p>Le champ de bataille d’<em>Au revoir là-haut</em> (2017) a été reconstitué dans un champ de betteraves du Vexin. Le chef décorateur, Pierre Quefféléan, en <a href="https://www.adcine.com/au-revoir-la-haut-par-pierre-queffelean">a fait un récit</a> épique :</p>
<blockquote>
<p>« À grands coups de pelleteuse, nous avons creusé les tranchées et les innombrables trous d’obus, planté plus de 200 troncs d’arbres calcinés vrais et faux, et accessoirisé le terrain de jeu de près de 2 000 m<sup>2</sup>. »</p>
</blockquote>
<p>De même, pour les besoins d’un film comprenant une scène se déroulant également pendant la Première Guerre mondiale, <em>Un long dimanche de fiançailles</em> (2004), l’équipe a eu l’autorisation de tourner sur un terrain militaire à Montmorillon à côté de Poitiers. La réalisation du décor a demandé plusieurs semaines de préparation. Le chef machiniste de l’équipe se souvient : </p>
<blockquote>
<p>« Le <em>no man’s land</em> est censé être le camp d’une tranchée allemande, un endroit plein de barbelés. Quand ils attaquent, ils doivent le traverser et c’est là qu’ils se font buter. On a d’abord fait une maquette pour voir les passages. Il fallait faire une tranchée et éviter qu’elle s’écroule. On a donc bétonné certains endroits pour que cela supporte les grues qui devaient venir au bord du gros gouffre de la tranchée. »</p>
</blockquote>
<p>Une entreprise de travaux publics a été ici mobilisée. Le terrain a été entouré d’une route circulaire permettant d’installer une grosse grue de chantier pouvant transporter caméras, travelling et grues télescopiques utilisées pour filmer. Ce système permettait de déposer le matériel facilement mais aussi de l’enlever en fonction du type de plan à tourner : </p>
<blockquote>
<p>« Le réalisateur au début a dit : “C’est quoi ce b. Ça ne marchera jamais ! C’est trop lourd, c’est trop… ” Mais si le plan d’après on n’en avait plus besoin, on la retirait en trois minutes, c’était génial. Et on avait organisé le truc comme un vrai chantier chez Bouygues ! ».</p>
</blockquote>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/292772/original/file-20190917-19076-907al3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/292772/original/file-20190917-19076-907al3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=909&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/292772/original/file-20190917-19076-907al3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=909&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/292772/original/file-20190917-19076-907al3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=909&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/292772/original/file-20190917-19076-907al3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1142&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/292772/original/file-20190917-19076-907al3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1142&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/292772/original/file-20190917-19076-907al3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1142&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>Dans ses souvenirs, Jean‑Pierre Jeunet retient quant à lui les opportunités de mise en scène offertes par une telle organisation : « profitant des nombreuses grues du tournage, j’ai fait des plans aériens du champ de bataille et des trous d’obus. Selon certains théoriciens, c’est un sacrilège car la caméra doit représenter le point de vue de quelqu’un. Alors, disons que c’est le point de vue de Dieu… Ah zut je ne crois pas en Dieu… Alors, disons celui du poète ».</p>
<hr>
<p><em>Cet article est extrait du livre <a href="http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/livre/?GCOI=27246100269490">« Planter le décor. Une sociologie des tournages »</a>, publié aux presses de Sciences Po.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/123630/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gwenaële Rot a reçu des financements de la fondation pour les sciences sociales, Sciences Po, le PUCA</span></em></p>Qu’est-ce qui se joue entre un territoire, une ville, et la production d’une œuvre cinématographique ? Bonnes feuilles du livre de Gwenaële Rot, « Planter le décor, Une sociologie des tournages ».Gwenaële Rot, Professeur des Universités, sociologie du travail, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1232042019-09-15T19:42:42Z2019-09-15T19:42:42ZMode : la fabrication à la demande, tendance de demain<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/291489/original/file-20190909-109947-ja41mx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C23%2C931%2C624&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Produire exactement ce que le client demande permet de limiter les invendus.</span> <span class="attribution"><span class="source">New Africa / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’immense majorité des acteurs de la mode, quel que soit leur positionnement prix, leur histoire, leur mode de distribution ou leur nationalité, se sont construits sur le principe d’une fabrication sur stock, c’est-à-dire que les produits sont fabriqués et mis sur le marché à travers différents circuits de distribution en attendant de trouver leurs clients. Or, les signaux de rupture liés à ce modèle sont de plus en plus nombreux, à l’image des faillites ou difficultés de nombreux acteurs du secteur (Gap, Top Shop, <a href="https://theconversation.com/chez-victorias-secret-les-fonds-activistes-ne-font-pas-dans-la-dentelle-115328">Victoria’s Secret</a>, American Apparel n’en représentent que quelques exemples). Même le suédois H&M, longtemps modèle de réussite du secteur, <a href="https://www.businessoffashion.com/articles/professional/hm-inventory-retail-supply-chain">souffre financièrement</a> en raison d’un niveau de stock estimé à 4 milliards de dollars.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/291473/original/file-20190909-109952-1g2gfih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/291473/original/file-20190909-109952-1g2gfih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/291473/original/file-20190909-109952-1g2gfih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/291473/original/file-20190909-109952-1g2gfih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/291473/original/file-20190909-109952-1g2gfih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/291473/original/file-20190909-109952-1g2gfih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=943&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/291473/original/file-20190909-109952-1g2gfih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=943&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/291473/original/file-20190909-109952-1g2gfih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=943&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution de la part des acteurs de la mode affichant un résultat négatif.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.businessoffashion.com/articles/opinion/op-ed-winner-takes-all-trend-raises-tough-questions-for-everyone-else?utm_source=daily-digest-newsletter&amp;utm_campaign=1640109185718485&amp;utm_term=11&amp;utm_medium=email">Business of fashion</a></span>
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<p>Les soldes et autres types de remises représentent des parts de chiffre d’affaires parfois supérieures à 60 %, et sont autant de manques à gagner importants. À part quelques exceptions de plus en plus limitées, les entreprises de mode peinent à dégager des profits, ce qui souligne les limites économiques du modèle actuel. D’après une <a href="https://www.businessoffashion.com/articles/opinion/op-ed-winner-takes-all-trend-raises-tough-questions-for-everyone-else?utm_source=daily-digest-newsletter&utm_campaign=1640109185718485&utm_term=11&utm_medium=email">étude récente de McKinsey</a> pour Business of Fashion, 46 % des entreprises de mode ont ainsi affiché un résultat négatif en 2017.</p>
<p>Au-delà des problèmes économiques criants, ce modèle traditionnel soulève de nombreuses questions quant à la durabilité du modèle au niveau environnemental. La <em>supply chain</em> (chaîne logistique) de la mode entraîne un <a href="https://www.supplychaindive.com/news/fashion-supply-chains-wasteful/559254/">gaspillage incontestable</a> à tous les niveaux. Alors que la conscience sociale et environnementale des consommateurs ne cesse de se renforcer, notamment sous la pression des plus jeunes, comment continuer à accepter les principes de la « fast fashion », de la mode jetable, dont le gaspillage ne cesse de croître ? Plusieurs scandales ont éclaté, suscitant l’indignation de la presse et des consommateurs : en 2017, H&M était accusé d’avoir brûlé <a href="https://fr.fashionnetwork.com/news/H-M-brulerait-jusqu-a-12-tonnes-de-ses-vetements-par-an,886688.html#.XUKsXC3pOCR">12 tonnes d’habillement par an</a> depuis 2013. En 2018, Burberry indique dans son rapport annuel avoir détruit des produits d’une <a href="https://fr.fashionnetwork.com/news/Burberry-sous-le-feu-des-critiques-au-sujet-de-la-destruction-de-ses-invendus,999361.html">valeur totale de 31 millions d’euros</a> en un an. Cette année, c’est au tour d’Amazon d’être vivement critiqué pour sa <a href="https://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2019/01/11/amazon-vendeur-de-destruction-massive_5407944_1655027.html">politique de destruction massive des invendus</a> (plus de 3,2 millions de produits neufs en 2018).</p>
<h2>Des initiatives encore marginales</h2>
<p>La mode à la demande pourrait constituer une réponse à ce problème. En effet, produire avec précision ce que le client demande tant en termes de style, de tissu, de couleur que d’ajustement à ses mensurations, permettrait d’éviter de mettre sur le marché des quantités de vêtements qui ne trouvent pas preneur, de limiter le gaspillage à tous les niveaux de la chaîne de valeur, et d’accroître in fine la satisfaction client.</p>
<p>La fabrication à la demande ne reste pourtant que très marginale aujourd’hui. Quelques acteurs seulement s’essaient depuis une petite décennie à ce modèle, parfois de façon périlleuse. En France, les marques de mode à la demande qui se lancent concernent surtout le vestiaire masculin avec des concepts comme <a href="https://www.atelierna.com/fr">Atelier NA</a>, <a href="https://www.thefrenchtailor.com/">French Tailor</a>, <a href="https://asphalte-paris.com/">Asphalte</a>… En Australie, l’un des modèles du genre, <a href="https://theconversation.com/the-paradox-of-choice-why-made-to-order-might-not-solve-the-fashion-industrys-problems-102442">Shoe of Prey</a>, longtemps mis en avant comme histoire à succès, vient d’annoncer l’arrêt de son activité, ce qui souligne la difficulté à rendre rentable ce type de modèle.</p>
<p>Mais les signaux évoqués ci-dessus, difficultés économiques des fabricants et prise de conscience écologique, laissent penser que la fabrication à la demande est à présent en passe de s’imposer dans le secteur de la mode. Certains grands acteurs historiques tentent ainsi de se transformer et montrent déjà des signaux très encourageants. Ainsi, Fashion3, écosystème de 7 marques (Jules, Brice, Pimkie, Bizbee, Orsay, Rouge Gorge, Grain de Malice) créé au sein de la famille Mulliez, met en place un modèle de transformation de l’ensemble du processus de production, du design au <em>sourcing</em> (approvisionnement), de l’évaluation des quantités à la géolocalisation des produits. « Sur tous les points de contact de la supply chain, il y a des avancées que nous captons pour être plus près des besoins des clients. C’est la communauté qui va créer la stratégie de commande », affirme Liz Simon, <em>chief product transformation officer</em> de Fashion3, lors d’une table ronde organisée dans le cadre de la Chaire Lectra « Mode et technologie » à ESCP Europe.</p>
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<figcaption><span class="caption">Présentation de Fashion3.</span></figcaption>
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<p>Ensuite, de nouveaux acteurs émergent et se construisent en rupture par rapport aux modèles traditionnels. De cette façon, le concept récent des <a href="http://www.maxima.fr/index-fiche-587-Dnvb-digitally-native-vertical-brands.html">DNVB (Digitally Native Vertical Brands)</a> se diffuse peu à peu, notamment dans le secteur de la mode. Leur principe est de limiter le nombre d’intermédiaires tout en renforçant une relation directe avec le client et en limitant le gaspillage en étant plus respectueux de l’environnement.</p>
<h2>Nouvelles technologies prometteuses</h2>
<p>Parmi les exemples marquants de DNVB, <a href="https://www.functionofbeauty.com/">The Function of Beauty</a> permet au client d’acheter un shampoing personnalisé et réalise de ce fait la promesse non tenue durablement par <a href="http://reflect.com/">Reflect.com</a> 15 ans plus tôt. Par ailleurs, le fabricant chinois TAL parvient aujourd’hui à produire en grande quantité des vêtements à l’unité et distribue des centaines de milliers de chemises sur mesure aux États-Unis. Devant ces transformations, <a href="https://www.lectra.com/fr">Lectra</a>, leader des technologies pour les industries utilisant des matériaux souples et notamment la mode, axe sa stratégie sur la mode à la demande.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1135965650151776256"}"></div></p>
<p>Enfin et surtout, la 4<sup>e</sup> révolution industrielle caractérisée par une abondance de données et une intégration de plus en plus aboutie et intelligente entre les différents maillons de la chaîne de valeur, a donné naissance à de nouvelles technologies de fabrication en constante évolution et très porteuses. En particulier, les méthodes de fabrication additive qui sont bien plus sophistiquées que la seule impression 3D (cf. <a href="https://www.foreignaffairs.com/reviews/capsule-review/2019-02-12/pan-industrial-revolution-how-new-manufacturing-titans-will"><em>The Pan-Industrial Revolution</em></a>, Richard D’Aveni) permettent de limiter le coût et la complexité de fabrication tout en augmentant le champ des possibles tant en termes de forme, de matériaux utilisés, etc. Contrairement à la fabrication traditionnelle, dite soustractive, la fabrication additive permet de limiter l’utilisation de matière à ce qui est strictement nécessaire et de réduire le nombre d’étapes de fabrication en simplifiant par exemple l’assemblage. Certains produits peuvent même être réalisés d’une seule pièce.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"882956079608582145"}"></div></p>
<p>Ces technologies ouvrent la voie à une personnalisation accrue sans compromettre la rentabilité économique ou la satisfaction du client. Elles permettent par ailleurs d’accélérer le processus de fabrication et de limiter la matière utilisée et donc le gaspillage. Du fait de leur souplesse, ces outils peuvent être positionnés plus près des clients et limiter en conséquence les coûts de transport, de stockage ainsi que l’empreinte environnementale et sociale correspondante. Le développement des imprimantes 3D, de la fabrication additive, a déjà transformé de nombreux secteurs d’activité comme l’aéronautique (remplacement des pièces détachées chez GE), la création d’un véhicule électrique par Honda entièrement à partir de pièces imprimées. Adidas a également lancé des sites utilisant la fabrication additive de <a href="https://theconversation.com/3d-printed-sports-shoes-are-more-about-your-wallet-than-your-feet-82287">façon massive</a> et susceptible de révolutionner l’organisation de la supply chain des chaussures de sport.</p>
<p>Amazon a par ailleurs annoncé en 2017 le <a href="https://wwd.com/business-news/technology/amazon-going-deeper-into-fashion-with-new-on-demand-manufacturing-patent-10869520/">dépôt d’un brevet</a> permettant de lancer une usine de fabrication à la demande d’articles de mode. Si les résultats concrets restent encore incertains, cette annonce renforce à la fois la probabilité d’une prochaine mode à la demande… mais aussi la menace que le géant de la distribution fait peser sur le secteur de la mode. La révolution de la fabrication à la demande pourrait donc également bouleverser le paysage concurrentiel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/123204/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Moatti a reçu des financements de la Chaire ESCP Europe Lectra "Mode & Technologie".</span></em></p>De plus en plus d’indices montrent que l’heure de la personnalisation a sonné après deux décennies d’initiatives peu concluantes.Valérie Moatti, Professor, Lectra Fashion and Technology Chair, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1220622019-08-21T05:41:13Z2019-08-21T05:41:13ZTatouages : les différentes manières d’habiter en soi<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/288738/original/file-20190820-170946-1ebxbxe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C1022%2C680&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le tatouage, une façon singulière d'investir l'espace du corps.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/3957926471/842a2c29e6/">Visual Hunt</a>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>L’exposition d’une année et demie qui a été consacrée au tatouage <a href="https://www.google.com/search?q=exposition+tatouage+quai+branly&oq=exposition+tatouage+quai+bra&aqs=chrome.1.69i57j0l2.7458j0j7&sourceid=chrome&ie=UTF-8">au musée du Quai Branly</a> (de mai 2014 à octobre 2015) a jeté une lumière nouvelle sur le sens et l’histoire ancestrale du tatouage. Notamment, elle montre que cette pratique possède un sens communautaire central dans les sociétés coutumières, où elle permet d’exprimer symboliquement et figurativement l’appartenance des individus à leur groupe, alors qu’elle reste marquée du sceau de l’infamie dans les sociétés occidentales. Originellement en effet, il faut en rechercher la cause dans les trois religions du Livre qui toutes proscrivent les altérations du corps qui auraient pour effet de critiquer l’œuvre divine</p>
<p>Au cours de l’histoire occidentale, le tatouage a donc été associé à la déviance et réservé aux individus en marge – parias, esclaves et prisonniers –, soulignant le caractère dégradant de son usage subi. Paradoxalement, c’est au XIXe siècle que la conquête des contrées lointaines a développé une fascination pour les cultures exotiques et un engouement pour le tatouage comme forme de distinction, notamment dans la haute société aristocratique. En parallèle, il est resté le langage partagé des sociétés secrètes, des groupes fermés ou des organisations criminelles – les marins, les bikers ou les yakuzas japonais. Mais au final, l’histoire du tatouage rend saillante la dimension sociale de cette pratique, entre distinction et affiliation, punition et protestation, déviance et conformité, oscillant désormais entre excentricité plus ou moins reconnue et nouvelle mode de consommation.</p>
<p>Pour autant, l’histoire néglige une autre réalité. Les revendications contemporaines d’un droit d’user librement de son corps font de celui-ci un territoire personnel, délibérément et définitivement altéré, comme le montre notre étude auprès de 24 tatoueur·se·s et tatoué·e·s, co-écrite avec Russell Belk dans le <a href="https://academic.oup.com/jcr/advance-article-abstract/doi/10.1093/jcr/ucy081/5253360">Journal of Consumer Research</a>.</p>
<p>Processus d’affirmation et d’appropriation instituant le corps pour soi-même, le tatouage prend alors un sens nouveau, en confrontant l’individu à son unique et ultime espace d’existence et aux manières de l’investir, et parfois même de le surinvestir, dans un incessant dialogue entre « ici » et « ailleurs ».</p>
<h2>Le corps comme unique et ultime lieu d’existence</h2>
<p>La société nous a habitués à <em>avoir</em> un corps, mais l’existence nous fait d’abord <em>être</em> corps. Cette réalité triviale ne conduit pas pour autant chacun·e à questionner quotidiennement sa condition d’être incarné·e, sauf lorsque le corps se rappelle à nous par la douleur ou par le plaisir. Mais être un corps ne consiste pas seulement à éprouver et appréhender le monde par et travers lui. C’est aussi habiter un espace qui ne peut ni se confondre avec celui d’un·e autre, ni se dédoubler en divers points simultanément. En suivant Michel Foucault dans son essai sur <em>Le corps utopique</em>, le corps est un lieu où l’individu est ici, irrémédiablement assigné, jamais ailleurs.</p>
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<p><em>Michel Foucault, L’utopie du corps », conférence radiophonique diffusée le 21 décembre 1966 sur France Culture</em>.</p>
<p>Cette dimension spatiale du corps est particulièrement perceptible dans la manière dont les tatoué·e·s gèrent leur espace corporel. En effet, le signe choisi y est rarement inscrit de manière arbitraire. Bien au contraire, cet emplacement révèle la résonance et la dimension symbolique qu’entretient ce point d’encrage avec la signification accordée au signe choisi. Ainsi, les tatouages sur la nuque ou le cou, zones fragiles qui matérialisent la jonction de la tête et du corps, peuvent porter des figurations en lien avec la mort, la sienne ou celle des autres. Le dos également est souvent le lieu où s’inscrivent les trahisons et les souvenirs douloureux, ceux que l’on met derrière soi et à distance, symbolisés par des signes d’envol ou d’élévation comme les aigles ou les papillons. Les jambes, les chevilles ou les pieds portent des objets ou des personnes qui matérialisent les racines et les bases de l’individu, comme cette pipe symbolisant la figure tutélaire du grand-père dans la vie de l’une de nos répondantes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/288677/original/file-20190820-170941-1rsxnde.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/288677/original/file-20190820-170941-1rsxnde.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=778&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/288677/original/file-20190820-170941-1rsxnde.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=778&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/288677/original/file-20190820-170941-1rsxnde.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=778&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/288677/original/file-20190820-170941-1rsxnde.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=977&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/288677/original/file-20190820-170941-1rsxnde.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=977&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/288677/original/file-20190820-170941-1rsxnde.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=977&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sur le pied de Raphaëlle, une pipe pour symboliser un aïeul.</span>
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<p>Les différentes zones tatouées dessinent ainsi une cosmologie personnelle qui met en valeur, pour les plus tatoué·e·s, le caractère partitionné du corps et la valence respective de chaque « territoire » – celui, gauche ou droite, de la famille ou des amis ; du passé, du présent, et du futur ; des expériences et des passions, etc.</p>
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<span class="caption">Partitions du corps de Steeve selon les significations associées aux différentes zones corporelles.</span>
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<p>La gestion spatiale du corps se donne aussi à voir de plus en plus lisiblement à mesure que les projets se multiplient. Ainsi, chez les plus engagé·e·s dans la pratique, les territoires se rejoignent progressivement pour faire paysage. Il s’agit de connecter et d’homogénéiser des motifs dispersés afin de créer une apparence corporelle et identitaire de plus en plus cohérente.</p>
<p>Mais le corps est aussi un espace limité et contraint. Les conventions sociales influant sur la gestion de l’apparence, certain·e·s évitent les tatouages sur les mains, le cou ou le visage, ce dernier étant le lieu privilégié de la reconnaissance par autrui. Les tatoueurs eux-mêmes reconnaissent être prudents en prémunissant leurs clients d’un « suicide social », une locution couramment utilisée pour signaler les risques encourus par des personnes qui opteraient pour des signes (trop) visibles alors qu’elles n’évoluent pas dans un environnement acculturé et ouvert au tatouage.</p>
<p>Au-delà de ce que la société permet de montrer ou invite à cacher, des considérations topographiques et techniques témoignent également des limites spatiales du corps. En effet, il faut suffisamment d’espace pour l’exécution correcte de certaines grosses pièces que seuls le dos, le flanc ou les cuisses peuvent accueillir. Lorsque la place commence à manquer, la planification minutieuse de l’espace restant devient essentielle et les tatoué·e·s disent prendre plus de temps pour réfléchir à un projet, à sa taille et à sa localisation. Les plus massivement tatoué·e·s cherchent également des solutions pratiques pour « libérer de l’espace ». Ces solutions consistent à recouvrir des tatouages existants par la technique du <em>cover up</em> (il ne s’agit pas d’un détatouage, mais d’un recouvrement par un motif plus large qui absorbe, en faisant disparaître ou non, le tatouage existant) ou même à déplacer des motifs sur un autre endroit du corps pour donner de la place à un projet de plus grande envergure.</p>
<h2>Les figurations de l’ici et de l’ailleurs</h2>
<p>C’est parce que le corps est ici, et nulle part ailleurs, qu’il est aussi la source et le siège des utopies. Les utopies sont des lieux sans lieux, popularisés par <a href="http://classiques.uqac.ca/classiques/More_thomas/l_utopie/utopie_Ed_fr_1842.pdf">Thomas More</a> sous la forme d’une société parfaite, alimentant le rêve d’une organisation sociale plus juste et plus égalitaire. Prolongeant cette perspective sous un angle anthropologique et ontologique, Foucault considère que les utopies du corps sont le fruit de notre rapport à cet espace incarné, à la fois unique et ultime lieu d’existence, et de nos rêves projetés vers le monde ou de ce dernier incorporé en nous. Comme le dévoilent les résultats de notre étude, les utopies du corps résultent du dialogue imaginaire qui s’instaure entre un « ici » et un « ailleurs », avec, comme pour toute utopie, la fonction de se penser autre et dans un univers idéal. Quatre formes d’utopies animent les discours des tatoué·e·s : les utopies d’embellissement ; les utopies d’évasion ; les utopies de conjuration ; et les utopies d’affirmation.</p>
<h2>Les utopies d’embellissement</h2>
<p>Sur le mode de l’<em>amor fati</em> nietzschéen (“Aime ton destin”), ces utopies visent à faire de sa vie, comme de son corps, une œuvre d’art. Dans son spectacle, <a href="https://www.youtube.com/watch?time_continue=14&v=VYI0raw7hJk"><em>l’Homme tatoué</em>, Pascal Tourain</a> dévoile le projet esthétique qui, à plus de quarante ans, l’a conduit à se tatouer entièrement (hormis les pieds et les mains), réinvestissant tardivement une enveloppe corporelle qu’il considère ne pas avoir choisie, mais qu’il s’est réappropriée par le tatouage. Son corps se présente aujourd’hui comme une fresque aux multiples références picturales, empruntant au baroque comme à l’univers des <em>freaks</em> ou à la bande dessinée et témoignant d’une composition esthétique élaborée.</p>
<p>Ces utopies d’embellissement sont à comprendre la plupart du temps comme une manière de se sentir (chez/en) soi, et souvent à rebours des codes sociaux qui valorisent le corps vierge reçu à la naissance, plutôt qu’un corps choisi. L’embellissement, paradoxalement, est parfois recherché dans un marquage massif du corps qui obéit à un désir d’en camoufler le volume ou inversement d’en cacher la maigreur, mais qui aboutit au fait de se sentir plus « sexy ». Ce réinvestissement est tel que de nombreux tatoués perdent le souvenir de leur apparence originelle, éprouvant même des sentiments d’angoisse ou d’étrangeté lorsque celle-ci se rappelle à leur conscience. Vivre sans ses tatouages serait alors vécu comme la perte d’un corps patiemment ré-élaboré et transformé pour effacer celui auquel on ne sentait pas appartenir.</p>
<h2>Les utopies d’évasion</h2>
<p>Cette deuxième forme d’utopie vise à projeter le corps dans un ailleurs, par toute forme de voyages qui mettent pour quelque temps l’« ici » en suspension. Il en est ainsi de celles et ceux qui se tatouent des souvenirs de certains lieux aimés ou visités, des coordonnées géographiques, des bateaux, des boussoles, des montgolfières ou des étoiles, mais aussi les symboles d’une ville ou d’un pays dans lesquels ils ont vécu ou rêveraient de vivre.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/288682/original/file-20190820-170946-c0qapr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/288682/original/file-20190820-170946-c0qapr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=284&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/288682/original/file-20190820-170946-c0qapr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=284&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/288682/original/file-20190820-170946-c0qapr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=284&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/288682/original/file-20190820-170946-c0qapr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=357&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/288682/original/file-20190820-170946-c0qapr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=357&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/288682/original/file-20190820-170946-c0qapr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=357&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’utopie du voyage et des lieux réels ou fantasmés.</span>
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<p>Ces voyages peuvent avoir été réellement entrepris dans une vie passée, mais certains peuvent aussi être encore à l’état de projection, dans les limbes d’une vie rêvée qui reste à concrétiser.</p>
<h2>Les utopies de conjuration</h2>
<p>Ce sont dans doute les plus fréquentes. Contrairement aux utopies d’évasion, elles ont pour fonction de nier et d’échapper à une réalité vécue comme trop douloureuse. Par le tatouage, et au travers du signe choisi, il devient possible de conjurer le sort, le malheur, la maladie ou la mort des autres, et de s’extraire d’une situation pénible. On rencontre ces formes d’utopies sous la forme de portraits d’êtres disparus dont l’existence est prolongée à jamais au travers du visage reproduit.</p>
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<span class="caption">Les utopies de conjuration : portrait d’un ami décédé.</span>
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<p>On les décèle également dans diverses formes de talismans censés protéger l’individu et qui disent sa volonté de rompre avec un passé ou une situation à laquelle il/elle souhaite échapper – maladie, malchance, violences subies. Paradoxalement, le signe le plus banal ou le plus fréquemment reproduit dans les magazines peut cacher un lourd travail de conjuration. Car c’est d’abord dans l’intention et la signification accordées au motif que se situe le véritable sens et choix du tatouage. On ne saurait donc trop souligner à quel point le jugement social porté de l’extérieur peut méconnaître la véritable profondeur des motifs qui animent l’individu qui se tatoue.</p>
<h2>Les utopies d’affirmation</h2>
<p>Si les utopies d’embellissement cherchent à investir l’« ici » sous l’angle esthétique, les utopies d’affirmation disent plutôt que l’être n’est « pas ailleurs », mais bien présent au monde et souvent reconnaissable par ses combats. Le corps y devient alors l’espace d’expression et d’affirmation de soi sous le mode de la revendication, de l’inscription d’une croyance (comme celle que l’on nourrit dans l’amour de l’Autre) ou du message militant, par exemple dans l’illustration ci-dessous.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/288686/original/file-20190820-170906-1rlb0js.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/288686/original/file-20190820-170906-1rlb0js.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/288686/original/file-20190820-170906-1rlb0js.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/288686/original/file-20190820-170906-1rlb0js.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/288686/original/file-20190820-170906-1rlb0js.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/288686/original/file-20190820-170906-1rlb0js.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/288686/original/file-20190820-170906-1rlb0js.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Graver ses convictions pour la cause animale.</span>
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<p>Ces formes d’affirmation parient de fait sur le caractère inaltérable des sentiments et sur la fixité des êtres et des choses. Pour autant, leur caractère utopique est manifeste. En effet, en s’incarnant dans le prénom de l’être cher, le visage des enfants – qui déjà vieillissent – ou les affiliations claniques qui peuvent devenir encombrantes lorsqu’elles ont cessé, ces signes nourrissent l’illusion d’un temps immuable et d’une permanence des goûts et des sentiments qui alimente un nouveau marché du <a href="http://www.leparisien.fr/societe/la-tendance-est-au-detatouage-08-02-2019-8005620.php">détatouage</a>.</p>
<p>Pour autant, ces quatre formes d’utopies ne sont nullement exclusives les unes des autres et peuvent exister ensemble dans la vie des individus. Elles témoignent de la plasticité narrative de leur espace corporel, approprié au travers d’un geste figuratif hautement personnel et plus délibératif que ce que certains médias choisissent d’en montrer. Au final, le tatouage n’est donc pas qu’une pratique sociale. C’est aussi et d’abord une pratique spatiale qui fait du corps un lieu que l’on fait sien, dont on négocie les usages symboliques en y posant des frontières de sens et qui constitue, à la manière d’un palimpseste, une surface potentiellement ré-inscriptible. En cela, le tatouage mérite d’être compris dans le vaste éventail de techniques et d’emprises sur l’espace par lesquelles s’expriment les utopies humaines, visant à extraire l’individu de ses limites physiques comme à lui permettre de transcender sa finitude.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/122062/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dominique Roux-Bauhain est membre de Alcor (alcor-institute.com), réseau multidisciplinaire de chercheurs qui explorent des phénomènes de consommation alternatifs et émergents </span></em></p>Processus d’affirmation et d’appropriation, le tatouage confronte l’individu à son unique et ultime espace d’existence et aux manières de l'investir.Dominique Roux-Bauhain, Professeure des universités en sciences de gestion, marketing, Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1158562019-06-03T20:03:38Z2019-06-03T20:03:38Z« Ma femme est peintre en bâtiment… et alors, où est le problème ? »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/270417/original/file-20190423-175528-13x62kd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C4%2C991%2C661&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans le bâtiment, 90 % des emplois sont occupés par les hommes.</span> <span class="attribution"><span class="source">Kurhan / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Un nombre grandissant de femmes poussent la porte du secteur du bâtiment pour bâtir leur carrière, en assumant leur passion pour leur métier. Dans un secteur où 90 % des emplois sont <a href="https://www.inegalites.fr/Une-repartition-desequilibree-des-professions-entre-les-hommes-et-les-femmes?id_theme=22">occupés par les hommes</a>, comment ces femmes vivent-elles leur activité professionnelle ? Surtout, assiste-t-on à une transformation du secteur de l’artisanat du bâtiment ou bien plus largement, à une évolution de la société ?</p>
<p>L’<a href="https://fondation.edu.umontpellier.fr/programmes-dactivites/chaire-cocreatec/projet-de-valorisation-de-la-mixite-hommes-femmes-dans-les-entreprises-artisanales/">étude</a> menée par la <a href="https://fondation.edu.umontpellier.fr">chaire CoCréatec</a> (Fondation Université de Montpellier), financée par le Fonds social européen (2016-2018), montre que les femmes arrivent aujourd’hui dans ce secteur avec de nouvelles ambitions, apportant un souffle de changement porteur d’amélioration de la performance globale.</p>
<p>Même si notre enquête relève que seulement 60 % des artisans estiment plutôt ou tout à fait favorable l’arrivée de femmes dans leur entreprise, la poussée de certains métiers vers la mixité devient une réalité. Ont été interrogés des femmes et des hommes, chefs d’entreprise, salariés et parties prenantes travaillant dans le secteur du bâtiment. Chacun s’accorde sur la nécessité d’accorder aux femmes de véritables statuts de dirigeantes et d’artisanes opératives, notamment en luttant contre les stéréotypes.</p>
<p>C’est ce qu’il ressort de la série de verbatims ci-dessous.</p>
<h2>Contourner l’obstacle physique</h2>
<p>La pénibilité dans certains métiers du bâtiment reste une réalité, surtout dans le gros œuvre (les activités contribuant à la construction de l’ossature d’un bâtiment) : manutention, transport de charges, un travail physique.</p>
<blockquote>
<p>« Je suis censée travailler jusqu’à 73 ans, vous imaginez refaire un plafond ? »</p>
<p>« Il y a quand même beaucoup de manutention, déjà pour moi c’est un frein pour qu’une femme fasse ce métier. »</p>
</blockquote>
<p>Mais les activités des entreprises du bâtiment ne se limitent pas à ces aspects physiques :</p>
<blockquote>
<p>« Mis à part soulever des poids très lourds, une femme peut réaliser les mêmes tâches qu’un homme. »</p>
</blockquote>
<p>La difficulté physique reste un frein pour certains métiers dans la pensée collective, tandis que d’autres comme la menuiserie, voient la mixité s’installer dans les centres de formation.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/270415/original/file-20190423-175521-uvmoy4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/270415/original/file-20190423-175521-uvmoy4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/270415/original/file-20190423-175521-uvmoy4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/270415/original/file-20190423-175521-uvmoy4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/270415/original/file-20190423-175521-uvmoy4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/270415/original/file-20190423-175521-uvmoy4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/270415/original/file-20190423-175521-uvmoy4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les métiers de la menuiserie attirent de plus en plus les femmes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Robert Kneschke/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Néanmoins, cet obstacle physique semble pouvoir être contourné. D’abord, les évolutions techniques permettent de réduire la charge physique, facilitant l’insertion des femmes, mais allégeant également le travail des hommes. Ensuite, les femmes interrogées manifestent une grande ingéniosité pour éviter les obstacles physiques (recrutement de salariés, intérimaires, collaboration avec d’autres entreprises, positionnement sur des chantiers adaptés, etc.). Finalement, la difficulté physique paraît plus présente dans les esprits que dans la réalité des chantiers.</p>
<p>Le vrai problème aujourd’hui, c’est « qu’on n’a pas tous les corps de métier ». Les dépôts de CV par des femmes sont absents de certains métiers ; les filles sont également quasi absentes de certaines formations, malgré la <a href="https://www.education.gouv.fr/cid4006/egalite-des-filles-et-des-garcons.html">politique pro-mixité</a> engagée par le ministère de l’Éducation nationale, puis diffusée par les rectorats. Mais alors, qu’est-ce qui bloque encore ?</p>
<h2>La réponse est peut-être… nous tous</h2>
<p>Parents, chefs d’entreprises, clients, collègues, amis, époux, voisin, enfants… l’étude montre clairement que le poids de la société freine énormément la motivation des femmes. Le cercle familial exerce une pression particulièrement dissuasive pour les jeunes. Quand bien même les parents sont eux-mêmes artisans, ils dissuadent leur fille d’entrer dans le métier :</p>
<blockquote>
<p>« Dès le début, mon père m’a dit que peintre n’était pas un métier pour les femmes. »</p>
</blockquote>
<p>La contrainte généralement exprimée par les femmes-chefs d’entreprise se retrouve dans ce secteur : les responsabilités familiales. Elles sont d’ailleurs soulignées par les partenaires des femmes engagées dans le secteur du bâtiment bien plus que par elles-mêmes : « on ne sait pas à quelle heure il faut finir… c’est un peu compliqué ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1103782062484541441"}"></div></p>
<p>Un autre frein à la mixité dans l’artisanat du bâtiment relève d’un empêchement social, véhiculé à travers des stéréotypes associés à un clivage entre métiers.</p>
<blockquote>
<p>« Il faut qu’il y ait de la mixité dans tous les métiers, pas seulement dans les métiers du bâtiment. » (parole de femme)</p>
<p>« On ne renseigne pas correctement notre jeunesse. À mon avis, c’est volontaire. » (parole d’homme regrettant la sous-représentation féminine parmi les jeunes apprentis)</p>
</blockquote>
<p>Les témoignages exprimant des freins venant de la société sont nombreux. L’étude montre bien que la rugosité reprochée à ce secteur n’est en réalité que le reflet d’une société identifiant l’artisan du bâtiment par une virilité exacerbée. Prenons l’exemple de cette femme menuisier à qui une cliente répond :</p>
<blockquote>
<p>« Mais, c’est vous le menuisier ? Alors je ne veux pas de devis, un menuisier est un homme, je ne veux pas de vos services ! »</p>
</blockquote>
<h2>De « femme d’artisan » à « artisanes »</h2>
<p>Les stéréotypes aident à structurer notre représentation de l’autre. D’une certaine manière, ils organisent notre regard sur la société en catégorisant la population. En revanche, ils risquent de limiter le rôle des femmes à des tâches essentiellement administratives, puisque l’inconscient collectif du XX<sup>e</sup> siècle nous a appris qu’il y a des « femmes d’artisans » et non des « artisanes ». La « femme d’artisan » seconde son mari, l’« artisane » assume une fonction de chef d’entreprise.</p>
<p>Les stéréotypes deviennent réellement dangereux lorsqu’ils se transforment en préjugés, c’est-à-dire lorsqu’ils atteignent un niveau discriminatoire assimilant le rôle de second à une incompétence dans la direction. Ce que montre notre étude, c’est la prégnance d’une responsabilité partagée entre femmes et d’hommes dans ces préjugés. Les uns se complaisent dans leur leadership, tandis que les autres, formatées par une éducation patriarcale, se glissent confortablement dans l’ombre des premiers. Résultat plus étonnant, nous n’avons pas constaté de fracture générationnelle dans ces comportements.</p>
<p><strong>« Elles sont différentes » : vision traditionnelle</strong></p>
<p>Les stéréotypes peuvent être négatifs, découlant des contraintes matérielles, dues à la dureté de certaines activités du bâtiment.</p>
<blockquote>
<p>« Ce sont des métiers physiques… c’est vrai que pour une femme c’est peut-être un peu compliqué. »</p>
</blockquote>
<p>Mais la vision stéréotypée présente aussi des aspects non discrimants, exprimés tant par le ressenti des hommes que par celui des femmes. En matière de gestion et d’organisation, les femmes apparaissent meilleures :</p>
<blockquote>
<p>« La différence sur les chantiers, c’est l’organisation. Déjà, elles arrivent à l’heure à la réunion… Elles sont bien plus rigoureuses que les mecs. » (parole d’homme)</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/270425/original/file-20190423-175510-1t98kmt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/270425/original/file-20190423-175510-1t98kmt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/270425/original/file-20190423-175510-1t98kmt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/270425/original/file-20190423-175510-1t98kmt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/270425/original/file-20190423-175510-1t98kmt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/270425/original/file-20190423-175510-1t98kmt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/270425/original/file-20190423-175510-1t98kmt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les préjugés sont entretenus à la fois par les hommes et les femmes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mark Agnor/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les femmes sont également valorisées dans la relation clientèle :</p>
<blockquote>
<p>« Dans la mentalité des gens, le fait de faire faire des travaux par une femme, ça les rassure sur la propreté du chantier ».</p>
</blockquote>
<p>Enfin, la qualité des relations avec les salariés, mais aussi les partenaires, est vue comme supérieure pour les femmes. En conséquence, leur rôle de directeur des opérations semble s’immiscer dans le quotidien des entreprises artisanales, sans qu’il soit formellement assumé, ni contractuellement généralisé.</p>
<p><strong>« Qu’est-ce fait une femme sur le chantier ? » : discrimination hostile</strong></p>
<p>Le regard peut être franchement désapprobateur :</p>
<blockquote>
<p>« Parfois on a l’impression, on ressent, qu’on prend une place… »</p>
</blockquote>
<p>Mais plus souvent se pose le problème de reconnaissance professionnelle, difficile.</p>
<blockquote>
<p>« C’est pas une femme qui va m’apprendre mon boulot. »</p>
</blockquote>
<p>En tout état de cause, l’erreur, voire la simple maladresse, n’est pas tolérée de la part d’une femme sur les chantiers (alors qu’elle serait acceptée de la part d’un artisan homme… ).</p>
<p><strong>« Je ne suis pas sûre que j’aurais été testée si j’avais été un homme » : sur-exigence professionnelle</strong></p>
<p>La femme arrivant sur un chantier ressent l’impression d’un examen de passage imposé par ses collègues masculins. Sa compétence est a priori mise en question :</p>
<blockquote>
<p>« Ils émettent des doutes… Ils ne font pas confiance. »</p>
</blockquote>
<p>Une maîtrise du métier supérieure à celle des artisans hommes est exigée de la part d’une femme ; il faut faire ses preuves. Mais lorsque la compétence est reconnue et que la maîtrise technique est là :</p>
<blockquote>
<p>« Les hommes sont encore plus impressionnés. »</p>
</blockquote>
<h2>Les femmes sont-elles l’avenir du bâtiment ?</h2>
<p>Le qualificatif d’« entrepreneuriales » adjoint aux motivations des femmes à s’insérer dans le monde de l’artisanat du bâtiment est justifié à un double titre : professionnalisation et capabilité.</p>
<p><strong>L’affichage d’une professionnalisation technique</strong></p>
<p>L’orientation des femmes dans les métiers du bâtiment correspond à un choix de carrière (et non un choix par défaut) :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai pas choisi ce métier là parce que c’était pour homme ; j’ai choisi ce métier là parce qu’il me plaisait. » (parole de femme)</p>
</blockquote>
<p>En conséquence, les femmes font preuve d’une grande rigueur dans l’exercice de leur profession :</p>
<blockquote>
<p>« Quand elles disent qu’elles font quelque chose, elles le font. » (parole d’homme)</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/270424/original/file-20190423-175539-wkq3np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/270424/original/file-20190423-175539-wkq3np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/270424/original/file-20190423-175539-wkq3np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/270424/original/file-20190423-175539-wkq3np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/270424/original/file-20190423-175539-wkq3np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/270424/original/file-20190423-175539-wkq3np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/270424/original/file-20190423-175539-wkq3np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La reconnaissance professionnelle est plus difficile à obtenir pour les femmes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gorodenkoff/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette représentation (stéréoptype ?) que se font les hommes du professionnalisme féminin semble motiver leur volonté d’accueillir plus de femmes dans la technicité de leur métier. Les hommes interrogés ont reconnu être plus vigilants sur la qualité de leur travail lorsqu’il y a des femmes dans leurs équipes. La mixité pourrait ainsi contribuer à augmenter la performance des entreprises par une amélioration générale de la rigueur professionnelle.</p>
<blockquote>
<p>« Moi, j’aime la mixité femme-homme : j’aime parce que du coup, on est meilleurs tous ensemble. » (parole d’artisan)</p>
</blockquote>
<p><strong>L’affirmation d’une capabilité, socle de la détermination entrepreneuriale</strong></p>
<p>Tenues à faire preuve de leurs compétences, les femmes sont sûres de leurs capacités.</p>
<blockquote>
<p>« Une femme peut rester elle-même, aller jusqu’au bout… il n’y a pas de raison. »</p>
</blockquote>
<p>Ces motivations portent une démarche entrepreneuriale, débouchant sur la décision de créer son entreprise. D’où la forte proportion de jeunes entreprises unipersonnelles créées par des femmes dans l’échantillon objet de notre analyse.</p>
<p>Les indicateurs de performance individuelle, organisationnelle, sociale et économique que nous avons mesurés montent en puissance lorsqu’il y a mixité dans l’artisanat du bâtiment. Non seulement le climat s’apaise, mais le professionnalisme s’améliore aussi bien dans les entreprises, que sur les chantiers où interviennent plusieurs corps de métiers. L’intérêt à déconstruire les stéréotypes encore nombreux n’en est que renforcé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115856/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marion Polge, directrice de la Chaire CoCréatec (Fondation de l’université de Montpellier). Elle a reçu des financements du Fonds Social Européen ainsi que des co-financements de la Banque Populaire du Sud, de la région Occitanie et de la Délégation Régionale aux Droits des Femmes.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Agnès Paradas, chercheure au sein de la Chaire Cocréatec, a reçu des financements du Fonds Social Européen ainsi que des co-financements de la Banque Populaire du Sud, de la Région Occitanie et de la délégation Régionale aux Droits des Femmes.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Caroline Debray, chercheure au sein de la Chaire Cocréatec, a reçu des financements du Fonds Social Européen ainsi que des co-financements de la Banque Populaire du Sud, de la Région Occitanie et de la délégation Régionale aux Droits des Femmes.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Colette Fourcade est Secrétaire Générale de l'AIREPME, Association Internationale de Recherche en Entrepreneuriat et PME</span></em></p>Des stéréotypes freinent encore l’essor de la mixité dans le secteur très masculin du bâtiment. Il s’agit pourtant d’un levier pour améliorer la performance des entreprises.Marion Polge, Maitre de conférences HDR en sciences de gestion, Université de MontpellierAgnès Paradas, Maître de Conférences HDR en sciences de gestion, Université d'Avignon Caroline Debray, Maître de Conférences Sciences de Gestion - Management des PME, Université de MontpellierColette Fourcade, Maître de conférences honoraire, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1088032018-12-13T19:15:58Z2018-12-13T19:15:58ZVidéo : Développer et partager le sens de son action<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/250546/original/file-20181213-178561-1edqq5p.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C6%2C1399%2C735&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption"></span> </figcaption></figure><p><em>Cet article reprend l'intervention de Laurent Falque, titulaire de la <a href="https://www.icam-chaire-sens-et-travail.fr">chaire « Sens & Travail »</a> de l'Icam et co-fondateur de l’Institut de discernement professionnel, dans le cadre de la conférence <a href="https://www.fnege.org">FNEGE</a>-Fondation MMA « Moi entrepreneur(e) : Comment agir et penser en même temps ? » du 29 novembre 2018.</em></p>
<hr>
<figure>
<iframe src="https://player.vimeo.com/video/304840940" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>« A 14 ans, il volait sa première voiture. A 16 ans, il quittait l’école […]. Une décennie plus tard, il dirigeait un réseau spécialisé dans le vol, le maquillage et la revente de voitures en Europe, employant une dizaine de personnes. « L’argent rentrait vite, et sortait tout aussi vite. Mais l’appât du gain, beaucoup d’inattention… ont conduit à mon interpellation, [en] 2013 »__, se rappelle Tally Fofana, qui va passer deux ans en prison. Libéré il y a quatre ans, ce banlieusard décide que ses deux enfants ne viendront plus le voir au parloir, et transforme son savoir-faire en activité légale. Il crée Digitall qui aide les constructeurs automobiles à mieux sécuriser leurs véhicules. Sa start-up est hébergée au cœur de la Station F, au sein du Fighters Program, consacré aux entrepreneurs atypiques. »</p>
<p>Cet entrepreneur au <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/11/18/homme-blanc-diplome-le-monde-monocolore-de-la-start-up-nation_5385126_3234.html">parcours bien étonnant</a> illustre déjà à lui seul une variété de sens. De bandit à la Start-up nation, il développe des qualités similaires. L’arrivée de ses enfants change son désir de sens à donner à son action.</p>
<p>Au Moyen Âge l’entrepreneur était un chevalier, puis ce fut l’artisan, l’industriel bon gestionnaire de son patrimoine. Aujourd’hui les auto-entrepreneurs et intra-preneurs enrichissent les bataillons de ceux qui osent se lancer, tels les chevaliers des temps modernes. Impossible, au vu de ces appellations multiples, d’avoir un modèle universel de l’entrepreneur.</p>
<p><a href="https://www.researchgate.net/publication/282362953_The_entrepreneurial_action">Michel Marchesnay</a> leur donne une définition commune par leur identité : « Toute personne engageant son capital (au sens large) et s’investissant dans son affaire dans le but d’offrir un bien/service plus ou moins différents avec un retour satisfaisant pour ses attentes personnelles) ». Il est engagé sur tous les fronts, pour satisfaire ses attentes.</p>
<p>Mais d’où parlons-nous pour proposer une grille de lecture sur le sens de l’action ? Les équipes de la chaire Sens & Travail de l’Icam, école d’ingénieur, ont interviewé 72 dirigeants. Ils composent un échantillon représentatif de trois catégories d’entrepreneurs : les Startups du numérique, les PME et les dirigeants hors du commun. La même question de recherche sert de fil conducteur : Quels sens donnent-ils à leur travail ?</p>
<ul>
<li>Premier sens, réussir à faire quelque chose de son existence professionnelle. Se sentir utile. Cette approche répond à deux logiques : l’apprentissage et l’honneur.</li>
</ul>
<p>Côté apprentissage, ce Startupper de 29 ans nous explique : « Sortir une nouvelle taie d’oreiller, c’est de l’innovation. Bien sûr que je préférerais sortir un nouveau téléphone. Mais je m’en fous du « quoi »__. Créer une start-up pour apprendre devient une fin en soi.</p>
<p>Côté logique de l’honneur, au sens noble du terme l’entrepreneur est fier d’avoir « _ démontré que… Il met un point d’honneur à… ». L’honneur est sauf !</p>
<p>Que veut dire travailler afin de se sentir utile ? Pour « Moi », entrepreneur, c’est exercer un effort en vue de produire un bien ou un service à la hauteur de mes attentes. Cela seul suffit pour le combler. Nous pourrions en rester là</p>
<ul>
<li><p>Mais lorsque l’entrepreneur se dédie à une cause pour la collectivité, un autre désir de sens précède l’action. Nathalie, par exemple récupère du marc de café dans les bistrots pour le mettre dans des boites en carton et vous les revendre. Poussent alors des champignons dans votre cuisine et vous les récoltez le moment venu. Nathalie milite activement pour une cause, pour l’économie circulaire.</p></li>
<li><p>Lorsque l’entrepreneur recherche ce qui résonne entre lui et les autres, un troisième sens plus discret se dévoile. Que veut dire alors travailler ? C’est viser quelque chose à faire, avec et pour les autres, dans un <a href="https://www.icam-chaire-sens-et-travail.fr/">parcours semé d’embuches</a>. Il porte un désir profond de changements pour une meilleure relation au monde, tel que le propose <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-R__sonance-9782707193162.html">Hartmut Raso</a>, sociologue. Et ce malgré les embûches. Emmanuel, dirigeant d’une usine de fabrications d’enveloppes agit comme une caisse de résonance entre ce qu’il voit et ressent de l’extérieur en tension, ici, avec des pratiques de management.</p></li>
</ul>
<p>L’ambition de la démarche qu’on a entamée il y a 20 ans, c’est qu’il doit être possible d’entreprendre sans détruire, même si c’est un paradoxe. Je trouve que nous aurons atteint un degré technologique supérieur lorsque nos objets indispensables d’aujourd’hui disparaîtront sans laisser de traces, avec la même capacité à ne pas rendre toxique son environnement.</p>
<p>Et pour « entreprendre sans détruire », pas besoin de passer par les fourches caudines du management à l’anglo-saxonne, pas besoin de comprendre comment la personne réfléchit, dans quelle mesure elle pourra participer au projet de l’entreprise. Ce sont des tentatives de compréhension au service du dogme de la croissance et de l’accumulation. Comme si tout se maitriserait ! Faire avec les ressources, y compris humaines, devrait changer nos manières de travailler.</p>
<p>Rien ne se perd, tout se transforme ! Le « Moi » entrepreneur s’efface au profit du <a href="https://theconversation.com/les-copains-dabord-ces-relations-qui-aident-a-traverser-les-tempetes-108297">« Nous, Entreprenant »</a>. Comment se laisser toucher collectivement par les signes des temps qui nous interpellent ?</p>
<p>Ces trois façons de donner du sens : réussir à faire quelque chose, militer pour une cause, faire résonner les signes extérieurs, révèlent deux cas de figure :</p>
<ul>
<li><p>L’entrepreneur à la conquête des marchés dans l’économie classique ou la nouvelle économie avec… son business model ;</p></li>
<li><p>L’entrepreneur en résonnance qui, quelle que soit son secteur d’activité, entend ce que lui dit le monde, laisse pénétrer les évènements, la qualité de l’interaction, les sensations avec… sa feuille de route.</p></li>
</ul>
<p>L’entrepreneur a donc, plus que d’autres, cette fabuleuse liberté de choisir le sens de son action autour de trois questions : Quelles intentions poursuit-il ? Pour quelles expériences ? Et pour quelle cohérence ?</p>
<p>Mais que faire lorsque l’entrepreneur doute et risquerait, à ne savoir quoi faire, perdre le sens de son action ? L’occasion rêvée de développer ses capacités de discernement.</p>
<ul>
<li><p>Discerner c’est juger clairement et sainement ce qu’il convient de faire, mais au regard de quoi ? Une envie, un objectif, une mission ? Par exemple ce startupper d’une société de co-voiturage souhaite la coupler avec des lignes de bus pour que la personne ne soit jamais en rade et que toute la France soit desservie. Il va au bout de cette mission, de <em>la mobilité pour tous</em>, quand bien même la marge financière sera nettement inférieure.</p></li>
<li><p>Mais discerner c’est aussi apprendre à repérer l’origine de nos pensées. Certaines proviennent d’un besoin de satisfaction très personnel profondément enraciné dans la nature humaine. Ce besoin égo centré pousse au repli sur soi. Là où d’autres pensées partent du désir d’ouverture, de confiance et conduisent au lâcher-prise. Par conséquent c’est d’abord en lui-même que l’entrepreneur affronte ses propres tensions pour redonner du sens à son désir de vivre. Non pas la seule satisfaction, mais la véritable joie d’entreprendre.</p></li>
</ul>
<p>L’occasion de mentionner un entrepreneur du XVI siècle à l’origine d’une entreprise multinationale toujours en activité : Ignace de Loyola, fondateur des jésuites. D’abord chevalier de la reine d’Espagne, il fit l’expérience, sur son lit de convalescence, du discernement des pensées qui le traversaient. Expérience qui transformera son rapport au monde.</p>
<p>Et puisque le seul point commun vers lequel nous avançons et la seule expérience à laquelle nous prendrons tous part tien en cinq mots : la fin de vie professionnelle, avant celle de la mort, quelle trace laisser ? Quelle empreinte, en relief et en creux ? Depuis cette prise de conscience que ce « Moi » entrepreneur devient libre de choisir <em>la manière de voir</em> le sens de l’action, je ne me focalise pas d’abord sur <em>la manière d’agir</em>. Que dirais-je alors le jour de mon pot de départ à la retraite ? Je suis passé par de multiples activités et je me souviens avoir tenté à l’époque de résumer en une phrase ma raison de vivre. Et depuis, entreprendre n’était qu’un moyen »… La suite vous appartient.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108803/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
L’entrepreneur a cette fabuleuse liberté de choisir le sens de son action autour de trois questions : quelles intentions poursuit-il ? Pour quelles expériences ? Et pour quelle cohérence ?Thibault Lieurade, Chef de rubrique Economie + Entreprise, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/935842018-04-02T19:57:56Z2018-04-02T19:57:56ZPour apprendre à faire, demain, un cyber‑coach guidera‑t‑il nos mains ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/212743/original/file-20180330-189807-rbh4dm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C66%2C1908%2C1031&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En cuisine, sans robot.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/p%C3%A2te-%C3%A9tage-de-cuisson-cuisine-chef-923037/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Quel plaisir de voir <a href="https://www.actualitte.com/article/lecture-numerique/antoine-compagnon-ne-pas-penser-que-le-livre-numerique-met-en-danger-la-culture/66048">Antoine Compagnon</a> déclarer son amour des tablettes numériques pour lire, et expliquer les avantages du numérique.</p>
<p>Pour apprendre, cependant, il nous faudra toujours davantage qu’une connexion à Internet ou un dialogue avec une intelligence artificielle (IA). Car nous sommes des corps vivants, pensants, qui explorent et créent en faisant.</p>
<p>Jouez-vous d’un instrument de musique ? Êtes-vous jardinier ? Êtes-vous cuisinier ? Êtes-vous menuisier ? La liste est sans fin. Toutes ces activités humaines nécessitent de faire et d’expérimenter dans le monde réel. Leur complexité et leur subtilité s’appuient sur la diversité du monde réel et elles conduisent à des apprentissages de gestes presque toujours difficiles et exigeants. Une longue histoire les a structurés en aventures collectives que marquent le passage des générations. Regarder la musique ou la cuisine au XX<sup>e</sup> siècle souligne le renouvellement de ces activités qui sont sources de créations permanentes.</p>
<p>À notre époque, celle de la transition digitale permanente, c’est la façon d’apprendre qui se transforme à chaque instant. Déjà, comme l’explique Antoine Compagnon, là où l’on passait quelquefois des jours à errer à la recherche de connaissances, quelques minutes peuvent désormais suffire, quel que soit le sujet. Et l’IA nous réserve encore bien d’autres surprises de ce côté-là.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/211150/original/file-20180320-31596-oqa3a0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/211150/original/file-20180320-31596-oqa3a0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/211150/original/file-20180320-31596-oqa3a0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/211150/original/file-20180320-31596-oqa3a0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/211150/original/file-20180320-31596-oqa3a0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/211150/original/file-20180320-31596-oqa3a0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/211150/original/file-20180320-31596-oqa3a0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/211150/original/file-20180320-31596-oqa3a0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Institut de Biologie du Développement de Marseille (IBDM).</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La main à la pâte</h2>
<p>Ma réflexion est ici celle d’un chercheur physicien, qui pratique la science expérimentale. Notre capacité en terme de calcul scientifique quantitatif et de simulation numérique est devenue immense en quelques décennies et permet des approches extrêmement raffinées de phénomènes toujours plus complexes.</p>
<p>Dans les laboratoires, nous continuons pourtant à construire, à préparer, à manipuler, à mesurer, à observer. À faire. Il est finalement assez courant que cela se termine par une manipulation ou un assemblage délicat et inédit fait par des mains habiles. Quand c’est possible, on robotise tout ce qu’on peut. Les scientifiques n’ont aucun état d’âme à cet endroit. Mais il faut souvent réaliser un « tour de force » initial. Dans les équipes de recherche, on a besoin depuis toujours de dénicher les « doigts en or », décisifs au bon moment pour faire de l’expérience originale un succès. <a href="http://www.cnrs.fr/fr/recherche/prix/cristal.htm">Les « médailles de cristal » ont été créées par le CNRS</a> » pour reconnaître ces talents.</p>
<h2>Dans les fab lab, ça se termine aussi à la main</h2>
<p>L’invention des fab lab par les scientifiques doit également être envisagé sous cet angle. Le cours associé au fab lab du MIT Media Lab s’appelle : <a href="http://fab.cba.mit.edu/classes/863.17/">« Comment fabriquer (presque) n’importe quoi »</a>. Des machines et des outils qui permettent d’agir, de faire et de créer comme le ferait un chercheur dans son laboratoire peuvent maintenant être mises entre les mains de tous les publics, une fois couplées au monde numérique.</p>
<p>Le prix du ticket d’entrée du « tous chercheurs » tant en terme de compétence que de sécurité s’en trouve fortement abaissé. Les graveurs, qui découpent par faisceau laser, ces stars des fab lab, sont d’abord des lasers de puissance (10W à 400W sur moins de 1mm<sup>2</sup> pour que cette lumière taille le bois).</p>
<p>Ils sont aujourd’hui à la disposition du grand public après une rapide formation donnée en général par les fab lab managers. Ensuite, comme dans mon cours FabLabJamSession avec le CCSTI La Casemate à Grenoble, l’assemblage d’un premier prototype se termine souvent avec de la colle, des vis et des clous, des cutters… C’est aussi du fait main.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/211152/original/file-20180320-31608-1522loq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/211152/original/file-20180320-31608-1522loq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=294&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/211152/original/file-20180320-31608-1522loq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=294&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/211152/original/file-20180320-31608-1522loq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=294&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/211152/original/file-20180320-31608-1522loq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=370&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/211152/original/file-20180320-31608-1522loq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=370&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/211152/original/file-20180320-31608-1522loq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=370&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le fab lab de La Casemate à Grenoble, lieu de mon cours FabLabJamSession. C’était avant que quelqu’un n’y mette le feu dans la nuit du 20 novembre 2017…</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>« The science of me » de Leiland Hartwell</h2>
<p>À l’école, tout problème a une solution. Dans l’enseignement classique des sciences, l’enseignant attend « la » réponse, unique et universelle. Celle que l’on fournit sans trop y penser. Et ça marche, plutôt bien même : à ce jeu, les élèves et les étudiants sont des professionnels.</p>
<p>Pour les enseignants, c’est pratique : ils peuvent corriger des copies comme des robots. Mais ici, chacun a-t-il appris quelque chose ? Chacun sait-il qu’il a appris quelque chose ? De toute façon, la réponse à cette question si bien posée est certainement immédiatement disponible sur Internet… Pourquoi ne pas aller la chercher et passer à autre chose de moins prévisible ?</p>
<p>Leland Hartwell, Prix Nobel de Physiologie et Médecine en 2001, a fait une proposition pour l’enseignement des sciences qui m’a laissé sans voix par sa simplicité. C’est ce qu’il nomme <a href="http://sse.asu.edu/courses/the-science-of-me/">« the science of me »</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Les élèves exploreront scientifiquement les propriétés de leurs propres systèmes sensoriels. Chaque individu est différent, il n’y a donc pas de “bonne” réponse universelle. »</p>
</blockquote>
<p>La réponse n’est inscrite nulle part. Il faut aller la chercher soit même et s’assurer de sa validité.</p>
<p>La mise en œuvre de cette proposition d’un scientifique me semble particulièrement de notre temps. Elle se fonde sur la capacité que nous avons tous de faire des mesures partout sur nous-mêmes et sur notre environnement grâce aux microcapteurs performants, qui se trouvent par exemple dans nos smartphones et dans nos tablettes.</p>
<p>Faire de telles mesures ne nécessite aucun laboratoire, et souvent même aucune préparation particulière, comme le montrent les nouveaux microscopes optiques que l’on peut utiliser n’importe où pour découvrir soi-même une nouvelle profusion : celle de notre propre environnement au-delà du visible.</p>
<p>Nous pouvons donc explorer quantitativement la diversité du monde, le nombre infini de combinaisons, de variantes qu’il contient. Nous pouvons mesurer beaucoup, vite et précisément, et ce dès l’école et découvrir l’importance dans notre environnement de détails innombrables – souvent en deçà de nos capacités de perception – qui font souvent la différence à notre échelle, dans nos vies.</p>
<h2>Les créations des Meilleurs Ouvriers de France</h2>
<p>De multiples activités humaines souvent anciennes, toujours très sophistiquées et résultats d’apprentissages patients, jouent depuis longtemps avec la diversité, la variabilité du réel et avec la subtilité de nos sens et de nos gestes. Elles font ainsi de la création une méthode d’exploration qualitative du monde basée sur notre perception et notre plaisir.</p>
<p>Les professionnels reconnus de cette exploration du monde par la création nourrissent subtilement et littéralement nos sens.</p>
<p>De fait, les créateurs sont ceux qui vont intégrer Internet, IA et robots dans leur activité pour les maîtriser et les mettre à leur service sans se faire déborder : couturiers, ébénistes, verriers, jardiniers, vignerons, cuisiniers… en fait à tous ceux qu’a présentés récemment l’exposition sur <a href="http://www.arts-et-metiers.net/musee/les-meilleurs-ouvriers-de-france">Les Meilleurs Ouvriers de France</a> au musée des Arts et Métiers à Paris.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/211154/original/file-20180320-31611-x1lzwu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/211154/original/file-20180320-31611-x1lzwu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/211154/original/file-20180320-31611-x1lzwu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/211154/original/file-20180320-31611-x1lzwu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/211154/original/file-20180320-31611-x1lzwu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/211154/original/file-20180320-31611-x1lzwu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/211154/original/file-20180320-31611-x1lzwu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Fabrice Papin est Meilleur Ouvrier de France 2015 en restauration de mobilier.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les magnifiques photos de <a href="http://www.divergence-images.com/thierry-caron/">Stéphane Caron</a> qui accompagnaient cette exposition valent mieux qu’un long discours pour appuyer mon argument.</p>
<p>Et puis le résultat d’une recherche improbable et paradoxale associant les mots clés HEC, comme hautes études commerciales, et CAP, comme certificat d’aptitude professionnelle, me fait toujours sourire. Il y a eu plusieurs articles dans <a href="http://www.lemonde.fr/campus/article/2017/07/17/le-hipster-patissier-est-aujourd-hui-plus-valorise-que-le-cadre-sup-de-la-defense_5161299_4401467.html"><em>Le Monde</em></a> sur ce sujet en 2017. Est-ce là une préfiguration de l’avenir ?</p>
<h2>Rencontre au sommet « cuisine et sciences »</h2>
<p>L’<a href="http://www.corse.inra.fr/Actualites/AGRUMES">article du Conservatoire</a> INRA des Agrumes de San Giuliano en Corse commence par :</p>
<blockquote>
<p>« Depuis plusieurs années, Anne-Sophie Pic et les agents du conservatoire, explorent, expérimentent, arpentent les vergers parfumés, goûtent, sentent, observent pour mieux témoigner d’un patrimoine humain et gastronomique exceptionnel. »</p>
</blockquote>
<p>Le livre qui en est issu est une production remarquable construite sur ces échanges entre cuisine et agronomie. Mais pour vraiment apprécier et comprendre, il faut certainement goûter plutôt que lire, mais aussi, idéalement, voir sur place et faire. Alors merci Madame Pic et chers collègues de l’INRA. Merci,d’une part, de nous inviter avec ce livre à essayer les recettes à la maison. Après tout, on ne risque que de réussir… Et merci de souligner la richesse inégalable de cette collaboration « cuisine et sciences » construite sur la force de l’échange entre des partenaires si différents qui explorent ensemble.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/211151/original/file-20180320-31627-ie2y73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/211151/original/file-20180320-31627-ie2y73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/211151/original/file-20180320-31627-ie2y73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/211151/original/file-20180320-31627-ie2y73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/211151/original/file-20180320-31627-ie2y73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/211151/original/file-20180320-31627-ie2y73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=462&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/211151/original/file-20180320-31627-ie2y73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=462&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/211151/original/file-20180320-31627-ie2y73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=462&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Anne-Sophie Pic dans son restaurant à Valence.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Beau-Rivage Palace. Copyright Virginie Lemesle and Anne Emmanuelle Thion</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>« Cuisine mode d’emploi » de Thierry Marx</h2>
<p>Conduire des étudiants à « faire et penser ensemble avec des mentors toujours présents » est, me semble-t-il, ce qui fonde le discours d’un autre grand chef, Thierry Marx, dans son école <a href="http://www.cuisinemodemplois.com">Cuisine Mode d’Emploi(s)</a>.</p>
<p>Mais cette vidéo le montre : pour Thierry Marx, il existe trop peu de formations qui permettent d’accéder à son monde. Ce qui l’inquiète, ce n’est pas l’invasion de sa cuisine et de son restaurant par l’IA et les robots. Qu’ils y viennent, il verra s’il peut les mettre à son service. Quant à être des clients… Rappelons-nous que le repas est l’un des critères qui permettent de distinguer les hommes des robots chez Isaac Asimov dès les années 50.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/V6GheIs-iEM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/93584/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joël Chevrier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’IA n’y suffira jamais. Les Meilleurs Ouvriers de France comme les sciences expérimentales le rappellent : il faut apprendre ensemble avec les mains pour vivre la diversité infinie du monde.Joël Chevrier, Professeur de physique, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/845422017-09-27T22:46:23Z2017-09-27T22:46:23ZPeut-on ubériser une boulangerie ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/187197/original/file-20170922-17267-e09hs1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Boulangerie</span> </figcaption></figure><p>Les réussites récentes de BlaBlaCar, Airbnb et Uber interrogent l’économie « classique » et on peut se poser la question s’il est possible de transformer une activité existante afin de l’adosser à une plate-forme multiface. En effet, la majorité des acteurs de cette nouvelle économie se basent sur une plate-forme numérique qui met en relation des groupes d’utilisateurs complémentaires qui s’apportent mutuellement de la valeur et ce sont en général de nouvelles entreprises qui ont bénéficié de levers de fonds conséquents.</p>
<p>Il n’est donc pas simple pour une activité traditionnelle de transformer son modèle d’affaires, de trouver de nouveaux financements pour développer ce type de plate-forme numérique et de concevoir un modèle d’affaires qui identifie dans son cœur d’activité des groupes complémentaires en termes de création de valeur.</p>
<h2>Au cœur de la nouvelle économie : les plates-formes multifaces</h2>
<p>Derrière Airbnb, se cache une plate-forme multiface, un dispositif technologique qui facilitent la mise en relation de deux ou plusieurs groupes de consommateurs ou utilisateurs interdépendants (qui représentent les faces) et dont la présence et les activités s’apportent mutuellement de la valeur.</p>
<p>La plate-forme utilise le plus souvent des technologies numériques (logiciel, Internet, application mobile…) pour faciliter la mise en connexion et baisser les coûts de recherche et de mise en relation. Les modèles d’affaires qui s’appuient sur ces plates-formes s’appellent ainsi des modèles d’affaires multiface car ces modèles définissent des transactions de valeurs entre les faces. Le problème dans ce type de modèle d’affaires est de définir quels types de valeurs pour chaque face et quels types de facturation.</p>
<p>De plus, ces plates-formes ne deviennent intéressantes pour les utilisateurs que quand il y a un nombre important d’utilisateurs par face. Imaginez une plate-forme de covoiturage avec seulement quelques propositions de voyages, elle aurait du mal à attirer des voyageurs, et du coup, sans clients potentiels, les conducteurs ne se précipiteraient pas pour proposer des voyages.</p>
<p>C’est le problème de l’œuf et de la poule avec la question de savoir comment atteindre le seuil à partir duquel le service deviendra intéressant pour tous les groupes d’utilisateurs, enclenchant ainsi ce qu’on appelle des effets de réseaux positifs et des rendements croissants d’adoption.</p>
<h2>Étude de cas : la boulangerie</h2>
<p>Prenons l’exemple d’une boulangerie, ou plutôt d’un réseau de boulangerie tel qu’on en trouve de plus en plus dans nos villes et zones commerciales. Elle pourrait commencer par développer une plate-forme Internet autour de ses activités traditionnelles pour informer les clients des nouveautés et des promotions, et leur permettre de commander et réserver des produits en ligne.</p>
<p>Avec une telle plate-forme, la boulangerie peut très rapidement tester de nouvelles offres et explorer ainsi les besoins latents de ses clients. Les informations clients lui permettront aussi de trouver des pistes pour reformuler sa proposition de valeur. En effet, est-ce vraiment utile d’ouvrir tôt le matin alors que le pic de clientèle est entre midi et deux, et l’après-midi ? Mieux vaut ouvrir plus tard et se concentrer sur le cœur de métier de la boulangerie et abandonner la pâtisserie coûteuse en main d’œuvre.</p>
<p>Du coup, la pâtisserie pourrait être externalisée aux traiteurs et restaurateurs qui trouveraient ainsi dans la boulangerie un nouveau canal pour écouler leurs produits ou surplus de production. La plate-forme deviendrait une plate-forme de mise en relation entre les clients de la boulangerie et des prestataires externes, en livraison directe ou dans le réseau de boulangerie. On crée alors une face supplémentaire.</p>
<p>Et pourquoi ne pas aller plus loin en permettant à des particuliers, passionnés de pâtisserie, de partager leurs créations ? On créerait ainsi une autre face pour enrichir l’offre. La mise en place d’une telle activité n’est évidemment pas sans problème, il faudrait assurer la sécurité sanitaire, vérifier la qualité des productions, et s’assurer de la bonne livraison.</p>
<p>Toutefois, on voit bien avec ce principe qu’il est possible de faire de la plate-forme et du réseau de boulangerie, un lieu de mis en relation entre des groupes qui potentiellement ne se rencontrent pas naturellement, faisant ainsi de la plate-forme multiface de boulangerie un écosystème à partir duquel peut se développer de multiples activités.</p>
<p>Reste la question du prix et du modèle de revenu. Dans une telle situation, le prix des produits de boulangerie serait fixé par le boulanger et les autres produits par les prestataires avec un pourcentage reversé à la plate-forme. Toutefois, la plate-forme permet de jouer facilement sur les prix. Par exemple, le pain pourrait être plus ou moins cher en fonction des heures de la journée.</p>
<p>Ou encore, on peut imaginer d’y associer des partenaires à vocation sociale et qu’en cas de ventes pour une association le chiffre d’affaires lui soit directement attribué. L’enjeu est de comprendre quelle est la valeur produite par chaque face et quelle est la propension à payer de chaque face.</p>
<h2>Une nouvelle stratégie générique ?</h2>
<p>Nous voyons avec cet exemple que la mise en place d’un modèle d’affaires multiface n’est pas seulement possible que pour les entreprises californiennes et les start-up. En commençant à numériser ses activités, en reformulant sa proposition de valeur, en ouvrant son modèle d’affaires, en mettant en relation ses clients actuels et potentiels en groupes complémentaires en termes de valeur, et en fixant des prix adaptés à l’apport en valeur et à la propension à payer de ses clients, une entreprise avec une activité « classique » peut tout à fait ubériser son activité.</p>
<p>Au-delà des débats actuels sur l’ubérisation qui posent des questions importantes sur ses conséquences économiques et sociales, les plates-formes multifaces remettent en question les fondamentaux du management stratégique et la façon dont une entreprise peut créer de nouvelles richesses économiques. La concurrence ne se fait plus seulement sur les coûts et la différentiation mais aussi sur la capacité à connecter et à se placer au centre d’un réseau de clients et de partenaires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84542/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le modèle Uber pose de nombreuses questions sociétales et économiques. Mais comment fonctionne ce modèle basé sur une plateforme multiface ? Application au cas de la boulangerie.Guy Parmentier, Maître de conférences HDR à Grenoble IAE, Grenoble IAE Graduate School of ManagementRomain Gandia, Maître de conférence, Organizational Studies, Business Administration à l'Université Savoie Mont Blanc, IAE Savoie Mont BlancLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/718992017-02-05T22:09:39Z2017-02-05T22:09:39ZNéo-paysans et néo-artisans, précurseurs d’une nouvelle territorialisation du travail ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/155209/original/image-20170201-29896-sltdjd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Travaux et stages dans une AMAP en Haute-Garonne (Lo Païs).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/35064188@N00/1399220337/in/album-72157602063928659/">detached31 / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Quel est le point commun entre les micro-brasseries, la production de planches de surf rétro et les urbains partant à la campagne pour devenir agriculteurs ? Un goût prononcé pour une <strong>production locale</strong> qui s’ancre dans une histoire singulière. Cela serait au cœur d’une tendance qui touche de nombreux secteurs. Si elle se confirme, celle-ci devrait attirer notre attention, car elle donne à voir de nombreux changements en termes de pratiques de travail et de modes de vie.</p>
<h2>Néo-paysans et néo-artisans</h2>
<p>A la différence d’autres évolutions du travail, comme le télétravail ou le digital nomadisme, qui se caractérisent par une forte mobilité et une digitalisation des relations et de la production, la tendance pour la production locale, qui s’accompagne d’une préférence pour une consommation de produits tout aussi locaux selon une enquête d’<a href="http://www.ipsos.fr/sites/default/files/attachments/les_francais_et_le_consommer_local_12_fevrier_2014.pdf">Ipsos</a> en 2014, s’ancre dans un territoire et une histoire. Pour exprimer cette tendance, le préfixe « néo » est souvent utilisé pour signifier le caractère à la fois novateur de cette démarche et sa filiation avec des pratiques traditionnelles. On parle alors de néo-paysans et de néo-artisans.</p>
<p>Les néo-paysans et néo-artisans exerçant dans les périphéries des villes ou dans les campagnes partagent la même démarche : s’appuyer sur les outils contemporains pour inventer des modes de production et de consommation alternatifs. Venant de <a href="http://bit.ly/2eHJkgo">milieux sociaux</a> souvent éloignés du monde de l’artisanat ou de l’agriculture, ces nouveaux travailleurs découvrent des pratiques manuelles innovantes ou héritées du passé. Par exemple, les néo-paysans – c’est à dire les nouveaux agriculteurs d’origine urbaine et sans lien avec ce secteur – <a href="https://reporterre.net/Les-neo-paysans">représenterait 30 % des installations</a>. En privilégiant les circuits-courts et des modes de production alternatifs, ils remettent au goût du jour des pratiques et des produits considérés comme authentiques tout en les inscrivant dans des tendances actuelles.</p>
<p>La production locale semble donc être une tendance qui touche de nombreux secteurs, au point de devenir un étendard pour de nombreux prétendants à l’entrepreneuriat. Cette tendance, portée par une génération d’entrepreneurs autant en quête de sens qu’à la recherche d’une activité rémunératrice, semble s’apparenter à un mouvement conservateur qui consisterait à idéaliser des modes de production et de consommation révolus.</p>
<p>Cependant, à la différence de la nostalgie qui consiste à regretter un passé glorifié, cette quête pour le local vise davantage à donner du sens à de nouvelles activités en puisant dans des référentiels provenant d’époques et de domaines divers. Elle est sans doute à rapprocher des tendances que les marketeurs appellent néo-rétros ou rétro-innovations, c’est à dire des pratiques et des produits d’antan qui mobilisent également des technologies contemporaines.</p>
<h2>Vers une gentrification des zones rurales ?</h2>
<p>Faut-il rapprocher cette tendance avec la gentrification de certaines villes ? A y regarder de près, ces pratiques semblent effectivement se développer rapidement dans les villes et quartiers déjà décrits comme étant en cours de gentrification. Par exemple, il est intéressant de noter la multiplication des <a href="http://bit.ly/2kR8edD">micro-brasseries parisiennes</a> ces dernières années. Cependant, il serait réducteur de penser que ce phénomène touche uniquement certaines grandes villes.</p>
<p>La production locale semble également se développer dans de nombreuses régions – comme effet de l’attrait des consommateurs pour ces produits, selon le <a href="http://www.developpement-durable.gouv.fr/Consommer-local-les-avantages-ne.html">commissariat général au développement durable</a> – et surtout ce phénomène donne à voir un regain d’intérêt pour les zones rurales. On utilise alors la notion de néo-campagne pour désigner les territoires désertés encore peu et qui attirent aujourd’hui une population d’urbains qui souhaitent s’installer et développer une activité professionnelle. A la différence de leurs aînés qui pensaient trouver dans ces campagnes des espaces permettant une vie en autarcie, il semblerait que ces néo- paysans et artisans soient dans une démarche d’ouverture sur le monde.</p>
<p>D’ailleurs, loin de vouloir être déconnectés, ils sont très présents sur Internet. C’est par exemple sur les réseaux sociaux que ces tendances sont affirmées et mises en scène. Instagram et Facebook sont de puissants médias pour faire la promotion des produits ou services néo-rétros. Dans un autre genre, sur Pinterest on trouve également d’innombrables catégories d’images contemporaines mettant en scène des pratiques locales et authentiques. En somme, ces néo-ruraux sont des acteurs du développement d’une culture et de savoir-faire locaux, mais ont également à cœur d’interagir avec le plus grand nombre.</p>
<h2>Nouveaux territoires</h2>
<p>Épiphénomène ou tendance de fond ? Il faudra sans doute encore quelques années pour se faire une opinion. Une chose est sûre, l’intérêt pour une production locale, soucieuse de l’histoire du territoire et de l’environnement interroge d’ores et déjà notre rapport à la consommation et au territoire. À contre-courant des études qui indiquent une concentration croissante des populations dans les <a href="http://bit.ly/2jCKkAD">grandes villes</a>, cette tendance est peut-être le prémisse d’une déconcentration des activités économiques et de développement des zones rurales.</p>
<p>Cela pourrait d’ailleurs bénéficier à de nombreuses personnes et notamment à celles et ceux qui se battent depuis longtemps pour conserver des activités économiques dans les zones dites reculées. L’ouverture de nouveaux tiers-lieux un peu partout en France, les progrès continus des technologies permettant de travailler à distance et la disponibilité du foncier sont autant d’éléments qui rendent cette hypothèse plausible.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71899/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anthony Hussenot est membre du Cercle de l'innovation de la Fondation Paris-Dauphine.</span></em></p>La production locale semble être une tendance qui touche de nombreux secteurs, au point de devenir un étendard pour les prétendants à l’entrepreneuriat.Anthony Hussenot, Maitre de conférences en théories des organisations et management, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/713722017-01-26T22:14:57Z2017-01-26T22:14:57ZMeilleurs ouvriers de France : comment naît une « signature »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/153247/original/image-20170118-3927-1t5pd2d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=170%2C0%2C743%2C336&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pendant le concours du meilleur ouvrier de France Pâtissiers-Confiseurs 2015.</span> </figcaption></figure><p>Le modèle gastronomique français, inscrit au patrimoine immatériel de l'Humanité <a href="http://bit.ly/2airTh2">par l'Unesco en 2010</a>, est reconnu et diffusé mondialement. Artisans, compagnons du travail, maîtres d'œuvre ou bâtisseurs ont créé des chefs d’œuvre et influencé leur époque. </p>
<h2>Un concours très exigeant</h2>
<p>Force est de constater que le degré de maîtrise d’un métier est lié à la recherche de perfection. Les <a href="http://bit.ly/1rTBKeN">« Meilleurs ouvriers de France » (MOF)</a> en lien avec la gastronomie sont distingués par leurs pairs au prix d’un concours qui demande des mois, voire des années de préparation. </p>
<p>Durant les <a href="http://bit.ly/2iEEjTt">épreuves du concours</a>, le candidat doit réaliser « un chef d'œuvre dans les règles de l’art ». La méthode choisie, l'organisation, la précision des gestes, la rapidité et le savoir-faire sont évalués. De nombreuses compétences doivent être démontrées comme la dextérité, la connaissance des techniques modernes et des savoir-faire traditionnels, mais aussi la créativité et le sens de l'esthétique. Il s’agit donc à la fois de maîtriser un art, mais également de se démarquer par ses qualités propres, son identité, « sa signature ». </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/153121/original/image-20170117-21153-ail2oy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/153121/original/image-20170117-21153-ail2oy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/153121/original/image-20170117-21153-ail2oy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=290&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/153121/original/image-20170117-21153-ail2oy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=290&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/153121/original/image-20170117-21153-ail2oy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=290&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/153121/original/image-20170117-21153-ail2oy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=364&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/153121/original/image-20170117-21153-ail2oy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=364&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/153121/original/image-20170117-21153-ail2oy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=364&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La tenue de Meilleur Ouvrier de France.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’obtention très convoitée du titre fait entrer les lauréats dans <a href="http://bit.ly/2k2eceo">une confrérie</a> unique au monde, dont le Président de la République Française est membre honoris causa. Le lauréat, selon <a href="http://bit.ly/2iM0wSR">Alain Ducasse</a>, Cuisinier multi-étoilé et Président du Jury du <a href="http://bit.ly/1KMgjqv">concours MOF Cuisine 2015</a>, devient </p>
<blockquote>
<p>« investi d’une mission. Il va devoir continuer à transmettre son savoir autour de lui plus encore, il va devenir un exemple, notamment pour les plus jeunes et par-dessus tout il va devoir donner envie d’entrer dans cette profession et d’y réussir».</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/153202/original/image-20170118-3929-1245v4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/153202/original/image-20170118-3929-1245v4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/153202/original/image-20170118-3929-1245v4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/153202/original/image-20170118-3929-1245v4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/153202/original/image-20170118-3929-1245v4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/153202/original/image-20170118-3929-1245v4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/153202/original/image-20170118-3929-1245v4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Signature : produit du chocolatier Patrick Roger, élu meilleur ouvrier de France en 2000.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/workflo/5374982250/in/photolist-kSgeY-cF15G-9G4q7L-NcpUDZ-N9GugW-7JTfTe-9bYdkJ-dH6XXK-9bV8pr-AEH1Rv-BC8jkn-HrFqyq-rVfpHs-9bYbXL">Florent Darrault / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une recherche aux sources de la « signature »</h2>
<p>Quelles places la gastronomie et la recherche d’excellence prennent-elles dans leur construction identitaire ? J'ai d'abord conduit une revue de littérature consacrée aux notions d’identité professionnelle, de reconnaissance et d’excellence. Puis j'ai mené une enquête qualitative auprès de 44 lauréats MOF de métiers liés à la gastronomie (cuisiniers, pâtissiers, chocolatiers, Maître d’hôtel, du service et des arts de la table). </p>
<p>Les résultats de mes travaux montrent que la recherche d’excellence dans le modèle de gastronomie élitiste est envisagée par les lauréats comme un processus qui permet leur <strong>construction identitaire</strong>, qu’ils bâtissent des relations socio-économiques développant <strong>leur créativité</strong> et enfin, qu’ils s’inscrivent dans un lignage entre perpétuation des règles de l’art et recherche de <strong>créativité-signature</strong>.</p>
<p>L’analyse des discours des MOF met en évidence le processus de construction identitaire en œuvre, la centralité de la notion de lignage et d’identification croisées avec leurs modèles. Leur conception de <strong>l’excellence</strong>, liée au caractère éphémère de leurs créations, s’appréhende comme un processus continu, intégrant les règles de l’art et une forte propension individuelle à la créativité, à travers la recherche d’une signature et la construction de relations socio-économiques de confiance.</p>
<p>Transformation identitaire et volonté de transmission participent à la valorisation et à l’évolution des métiers de la gastronomie et concourent à la recherche de perfection.</p>
<h2>La quête de l’excellence, moteur de la transformation identitaire</h2>
<p>Le terme même d’excellence est d’emblée remis en cause. Les lauréats ne se considèrent pas comme excellents mais comme étant à sa recherche, se rapprochant en cela de l’analyse de <a href="http://bit.ly/2jVfXpr">Perrenoud (1987)</a>. </p>
<blockquote>
<p>« L’excellence c’est la chose que l’on recherche tous les jours, on arrive à l’approcher mais on arrive jamais à la décrocher ». </p>
<p>« L’excellence est plus un objectif qu’une réalité, un objectif atteignable ». </p>
</blockquote>
<p>Elle s’ancre donc dans un processus continu, une remise en cause permanente et résulte d’un perfectionnement acharné et pointilleux, qui vise à se prouver mais aussi à prouver aux autres que l’on a réellement mérité ce titre prestigieux. Il n’est donc pas question de se reposer sur ses acquis. Il faut au contraire </p>
<blockquote>
<p>« toujours penser qu’on peut aller un peu plus loin et faire mieux, faire mieux au sens du progrès, pas au sens de faire parler de soi, pas l’égo qui ressort, faire mieux pour faire progresser ».</p>
</blockquote>
<h2>L’excellence passe par des relations socio-économiques inspirantes</h2>
<p>L’excellence se vit au quotidien et implique de travailler </p>
<blockquote>
<p>« avec des matières premières les plus nobles qui soient. Aujourd’hui j’ai la chance d’être dans une entreprise où l’on ne se soucie pas du prix d’achat de la matière première. C’est plutôt rare ». </p>
</blockquote>
<p>L’excellence part donc, avant tout, du <strong>produit</strong>, qui s’inscrit dans un <strong>territoire</strong>. Son choix et la confiance mise dans le producteur ou fournisseur est déterminante. Le rapport à la gastronomie passe par la sélection rigoureuse des produits mais également par une activité de veille permettant la découverte de nouveautés, grâce aux relations entretenues avec les acteurs socio-économiques. </p>
<p>Le territoire d’approvisionnement ne se limite pas aux produits locaux, mais s’inscrit dans une démarche élitiste à l’échelle planétaire, afin que les couleurs, goûts, texture et présentation inspirent leur créativité, leur apportent un éventail de possibilités qui surprennent les clients et déclenchent une émotion.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/153199/original/image-20170118-3878-afisl3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/153199/original/image-20170118-3878-afisl3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/153199/original/image-20170118-3878-afisl3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/153199/original/image-20170118-3878-afisl3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/153199/original/image-20170118-3878-afisl3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/153199/original/image-20170118-3878-afisl3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/153199/original/image-20170118-3878-afisl3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/153199/original/image-20170118-3878-afisl3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une renommée internationale : ici le pâtissier Christian Faure, MOF, dans sa boutique-atelier-école de Montréal avec une cliente.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/eugevon/27201231872/in/photolist-kSgeY-cF15G-9G4q7L-NcpUDZ-N9GugW-7JTfTe-9bYdkJ-dH6XXK-9bV8pr-AEH1Rv-BC8jkn-HrFqyq-rVfpHs-9bYbXL">Eugene Chan / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<h2>La construction identitaire : entre lignage, recherche de créativité-signature et transmission</h2>
<p>La place du <strong>métier</strong> est centrale pour les MOF interrogés. Ils se sentent d’ailleurs investis d’une <strong>mission</strong>. </p>
<blockquote>
<p>« On doit défendre une image, l’excellence, le travail irréprochable ». </p>
</blockquote>
<p>Le sentiment d’exemplarité domine. Le devoir de représentation du métier est fortement ressenti. Parmi les répondants, plusieurs lauréats font d’ailleurs désormais partie des membres du jury. Ils changent alors de posture pour devenir évaluateurs. La représentation du métier à l’international passe également par de nombreuses sollicitations qu’il convient de bien gérer. </p>
<p>Transmettre le métier n’est pas un simple acte de duplication. La recherche du progrès, de la perfection, l’ouverture à l’innovation, la création et l’évolution de la culture ressortent des discours. Il s’agit donc de faire le lien entre la maîtrise attestée d’un métier et de ses traditions afin d’apporter de l’innovation dans le métier, le faire évoluer.</p>
<p><em>Cet article est adapté d'un texte publié par la revue académique <a href="https://revue-qdm.com/">Question(s) de Management</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71372/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Montargot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une enquête auprès des Meilleurs ouvriers de France dans le secteur de la gastronomie, à la recherche de ce qui construit leur excellence et leur « signature ».Nathalie Montargot, Contributrice de la revue académique Questions de Management et Professeur Associée, ExceliaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.