tag:theconversation.com,2011:/us/topics/banque-centrale-europeenne-bce-24704/articlesBanque centrale européenne (BCE) – The Conversation2024-03-21T15:41:07Ztag:theconversation.com,2011:article/2227882024-03-21T15:41:07Z2024-03-21T15:41:07ZEn 25 ans d’existence, l’euro a balayé les critiques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/573436/original/file-20240205-21-uziwr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1920%2C1434&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La population européenne se déclare aujourd'hui à 80% favorable à la monnaie unique.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.publicdomainpictures.net/fr/view-image.php?image=150636">Publicdomainpictures.net</a></span></figcaption></figure><p>25 ans après son lancement officiel en 1999, l’euro est un adulte en pleine forme et le nombre de pays de la zone euro n’a cessé de croître depuis sa création, passant de 11 en 1999 à 20 avec l’entrée de la Croatie le 1<sup>er</sup> janvier 2023. Selon les termes mêmes du traité de Maastricht, la zone euro doit d’ailleurs poursuivre son élargissement à moyen terme à tous les pays de l’Union européenne (UE) qui n’ont pas souscrit explicitement une clause d’« opt out » (désengagement) comme le Danemark.</p>
<p>Au-delà du cercle officiel de ses quelque 330 millions d’usagers équivalent à la population des États-Unis (340 millions) et incluant 4 micro-États officiellement autorisés à l’utiliser (Andorre, Monaco, Saint-Marin et Le Vatican), l’euro étend son influence à des pays ou régions qui en ont fait unilatéralement leur monnaie, <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/leuro-au-centre-des-reglements-de-comptes-entre-le-kosovo-et-la-serbie-2072577">comme le Monténégro ou le Kosovo</a>, ou qui indexent volontairement leur devise sur la monnaie commune.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-croatie-dans-la-zone-euro-laboutissement-de-30-ans-de-redressement-economique-202764">La Croatie dans la zone euro, l’aboutissement de 30 ans de redressement économique</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Succès planétaire, il est accepté comme moyen de paiement dans de nombreux territoires et même… par les <a href="https://www.geneva-airport-taxi.com/fr/prix-du-taxi-geneve-ce-que-vous-devez-savoir-avant-de-reserver-votre-course/">taxis de Genève</a>.</p>
<h2>Prophéties erronées</h2>
<p>Au sein même de la zone euro, les virulentes critiques des partis eurosceptiques qui estimaient que la monnaie était une forme d’abdication de la souveraineté nationale se sont progressivement estompées. La hausse régulière du taux d’adhésion de la population, qui se situe à <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/la-cote-de-popularite-de-leuro-continue-daugmenter-2030912">près de 80 % aujourd’hui</a>, les ont en effet progressivement contraints à abandonner une posture radicale car <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/01/01/pourquoi-la-sortie-de-l-euro-n-est-plus-un-slogan-politique_6107844_3234.html">trop coûteuse électoralement</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1727563747680551167"}"></div></p>
<p>Pour mesurer le succès de l’euro, il faut également se souvenir des pronostics apocalyptiques de nombre d’économistes monétaires anglo-saxons qui affirmaient que le projet ne verrait jamais le jour et que, dans l’hypothèse peu probable de son lancement, la monnaie exploserait à la première grande crise.</p>
<p>Au premier rang des sceptiques, <a href="https://www.project-syndicate.org/commentary/the-euro--monetary-unity-to-political-disunity">l’économiste américain Milton Friedman</a> expliquait en 1997, soit deux ans avant sa naissance, que, contrairement aux États-Unis, les fragmentations du droit du travail et des protections sociales nationales très disparates brideraient la libre circulation des hommes et des capitaux <a href="https://www.melchior.fr/notion/zone-monetaire-optimale">nécessaires au mécanisme d’ajustement d’une zone monétaire optimale</a>.</p>
<p>Sur un territoire connaissant de fortes divergences de cycles économiques, par exemple entre pays industriels et touristiques, la politique monétaire de la future banque centrale s’apparenterait donc, comme l’expliquait alors Rudiger Dornbusch, professeur au MIT, à <a href="https://econpapers.repec.org/paper/cprceprdp/1804.htm">« tirer sur une cible mouvante dans le brouillard »</a>.</p>
<p>Dernier argument de taille des eurosceptiques : en cas de crise grave localisée dans un seul pays, le carcan de la monnaie unique interdirait toute dévaluation de la monnaie, se traduisant nécessairement par un violent ajustement interne sous forme d’une chute brutale des revenus et du pouvoir d’achat insupportables pour la population.</p>
<h2>La Grèce toujours dans le club</h2>
<p>C’est exactement ce qui s’est produit en Grèce au cours de la longue crise financière de 2008-2015. Le pays a effectivement frôlé la sortie de l’euro lors du référendum national du 5 juillet 2015 par lequel les citoyens grecs ont refusé à une large majorité (60 %) les conditions du plan de sauvegarde imposé par la Banque centrale européenne (BCE), la Commission européenne et le Fonds monétaire international (FMI).</p>
<p>Découvrant dès le lendemain l’impossibilité de retirer des billets aux distributeurs, les députés grecs ont finalement approuvé en catastrophe, le 13 juillet 2015, un plan de rigueur encore plus douloureux pour rester dans l’euro.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/un-retour-a-la-normale-pour-leconomie-grecque-220399">Un retour à la normale pour l’économie grecque ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Depuis 2019 les drames de l’hyperinflation dans deux pays proches, au Liban qui a fait basculer <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/08/02/le-liban-trahi-par-ses-responsables_6184233_3232.html">80 % du pays dans la grande pauvreté</a> et <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/la-turquie-finit-l-annee-avec-quasiment-65-d-inflation-sur-un-an-en-decembre-un-record-987002.html">dans une moindre mesure en Turquie</a>, ont achevé de convaincre les Européens de la protection d’une monnaie forte.</p>
<p>Si les habitants de la zone euro ont très vite pris conscience des <a href="https://european-union.europa.eu/institutions-law-budget/euro/benefits_fr">avantages pratiques</a> de la monnaie unique avec la disparition des frais de transaction et du risque de change d’Helsinki à Lisbonne, les entreprises ont pu de leur côté comparer les prix et mettre en place rapidement des plans stratégiques servant un vaste marché unique. Quant aux marchés financiers, ils ont gagné en stabilité et en profondeur au fil de leur intégration, symbolisée par l’émergence de la <a href="https://www.abcbourse.com/apprendre/1_euronext.html">bourse paneuropéenne Euronext en 2000</a>.</p>
<h2>Le rôle clé de la BCE</h2>
<p>Si l’euro est une indéniable réussite, le mérite en revient d’abord à la Banque centrale européenne (BCE) qui a su gérer deux crises économiques d’une ampleur jamais vue depuis 1929. Face aux deux cataclysmes économiques de 2008 et 2020, elle a dû, comme les autres grandes banques centrales, réviser de fond en comble une doctrine multiséculaire depuis la création de la banque d’Angleterre en 1694 en appliquant pour la première fois de son histoire, une politique monétaire dite non conventionnelle.</p>
<p>Mêlant taux d’intérêt nuls, <a href="https://www.ecb.europa.eu/ecb/educational/explainers/tell-me-more/html/why-negative-interest-rate.fr.html">voire négatifs</a>, et émission massive de monnaie qui a <a href="https://www.economist.com/special-report/2022/04/20/the-perils-of-expanded-balance-sheets">multiplié la taille de son bilan</a>, cette politique audacieuse a permis d’éviter deux dépressions économiques durables.</p>
<p>Tout au plus peut-on reprocher à l’actuelle présidente de la BCE, Christine Lagarde, et ses collègues de Francfort d’avoir tardé, <a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">contrairement à la Réserve fédérale américaine</a> (Fed), beaucoup plus réactive, à remonter les taux quand l’inflation a resurgi brutalement en 2021. La BCE, alors soucieuse d’éviter une rechute de l’économie, avait sous-estimé la composante monétaire de l’inflation pour l’attribuer essentiellement aux chocs externes et aux goulets d’étranglement logistiques liés au Covid-19 et à la guerre en Ukraine.</p>
<p>Loin de l’affaiblir, les crises de sa jeunesse ont donc renforcé le pouvoir de la BCE, car après la crise des subprimes de 2008, il est apparu clairement que la stabilité financière impliquait une meilleure supervision des mastodontes de la finance qu’étaient devenues les grandes banques. Les États membres de l’Union européenne ont ainsi confié en 2014 à la BCE la supervision des 130 plus grandes banques européennes dites systémiques (qui risquaient d’ébranler la stabilité financière de la zone) maintenant le reste des <a href="https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/271077-la-banque-centrale-europeenne-une-institution-aux-pouvoirs-renforces">quelque 8 300 banques de la zone euro</a> sous le contrôle du superviseur national (l’ Autorité de contrôle prudentiel et de résolution en France).</p>
<h2>Construction inachevée</h2>
<p>Si l’Europe a évité les conséquences des faillites de la Silicon Valley Bank aux États-Unis et du Credit Suisse en 2023, il reste encore à parfaire l’union bancaire par un véritable système européen d’assurance des dépôts, aujourd’hui bloqué par l’Allemagne qui <a href="https://fr.euronews.com/business/2023/03/27/pourquoi-lunion-bancaire-de-lue-nest-pas-encore-achevee">refuse toujours une solidarité financière</a> avec les pays du Sud du continent.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/credit-suisse-les-lecons-dune-lente-descente-aux-enfers-202363">Credit Suisse : les leçons d’une lente descente aux enfers</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Mais le point noir de la zone euro reste incontestablement le renforcement du pilier budgétaire de l’union monétaire. Pour faire partie du club de l’euro, chaque pays devait satisfaire à 5 critères de convergence : un déficit public inférieur à 3 % du PIB, une dette publique inférieure à 60 % du PIB, une inflation faible, des taux d’intérêt à long terme modérés et une stabilité de son taux de change par rapport aux autres devises européennes.</p>
<p>Une fois dans le club, le Pacte de stabilité et de croissance mis en place en 1997 était <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/21801-quest-ce-que-le-pacte-de-stabilite-et-de-croissance-psc">censé discipliner les États membres</a> en assurant un minimum de discipline budgétaire pour éviter qu’un pays trop dépensier n’emprunte excessivement, entraînant une hausse des taux d’intérêt à long terme préjudiciable aux autres pays membres ou générant une méfiance vis-à-vis de la monnaie.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/depenses-publiques-la-fin-de-44-annees-de-hausse-225469">Dépenses publiques : la fin de 44 années de hausse ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Or, les grandes crises de 2008 et de 2020 ont nécessité des politiques de soutien à l’activité via une hausse spectaculaire des déficits et de la dette. Ces politiques contra-cycliques ont conduit à une divergence entre les pays dits « frugaux » du Nord et les cigales – parmi lesquelles on peut classer la France. Cette divergence s’est en effet accentuée à partir de mars 2020 quand la Commission européenne a invoqué les circonstances exceptionnelles prévues par le traité pour suspendre les effets du Pacte jusqu’à la fin 2023.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/deficit-public-pourquoi-les-objectifs-affiches-ne-sont-jamais-atteints-215168">Déficit public : pourquoi les objectifs affichés ne sont jamais atteints</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Néanmoins, l’euro dispose aujourd’hui d’une assise suffisante pour envisager ses futures évolutions comme la mise en place d’un <a href="https://www.ecb.europa.eu/paym/digital_euro/faqs/html/ecb.faq_digital_euro.fr.html">e-euro ou euro numérique</a>. Ce nouveau moyen de paiement, instantané et gratuit pour les particuliers et les entreprises, rapide et sécurisé, serait directement émis par le Système européen de banques centrales de la zone euro, mais géré par des fournisseurs de services de paiement rémunérés par les commerçants via des commissions très faibles. Il devrait voir le jour à l’horizon 2026-2027.</p>
<hr>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Cette contribution est publiée en partenariat avec le <a href="https://www.printempsdeleco.fr/">Printemps de l’Économie</a>, cycle de conférences-débats qui se tiendront du mardi 2 au vendredi 5 avril au Conseil économique, social et environnemental (Cese) à Paris. Retrouvez ici le <a href="https://www.printempsdeleco.fr/12e-edition-2024">programme complet</a> de l’édition 2024, intitulée « Quelle Europe dans un monde fragmenté ? »</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222788/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Pichet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les partis eurosceptiques ont notamment abandonné leur rhétorique, devenue trop coûteuse électoralement, contre la monnaie unique.Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2253802024-03-20T15:58:44Z2024-03-20T15:58:44ZFaut-il changer de modèles macroéconomiques pour être à la hauteur du Pacte vert européen ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/580694/original/file-20240308-18-5vpjm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=101%2C36%2C1943%2C1324&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Actuellement, les modèles issus de l'économie écologique ne sont pratiquement pas utilisés par les institutions européennes.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/european_parliament/53188705655">Flickr/European Parliament</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les modèles sont centraux dans la science économique. Certains économistes considèrent même que c’est l’usage de ceux-ci qui <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807305793-peut-faire-confiance-aux-economistes">distingue l’économie des autres sciences sociales</a> et en fait une discipline à part entière. Ces modèles permettent de proposer des explications de phénomènes économiques observés, de raisonner comme on le ferait dans une discussion ordinaire, mais sous contrainte d’un formalisme mathématique.</p>
<p>Un tel formalisme est censé assurer transparence et cohérence dans le raisonnement, tout en évitant d’avoir à réfléchir avec une « carte d’échelle 1 ». En macroéconomie, l’usage de modèles mathématiques permet en outre de décrire des systèmes complexes et d’envisager la résultante de multiples effets contradictoires, ce qui serait parfois impossible par la seule expérience de pensée.</p>
<p>Les modèles sont donc abondamment utilisés dans les administrations, gouvernements et banques centrales, où ils sont utilisés à toutes les étapes de l’élaboration des politiques publiques. Comme le justifie le <a href="https://www.ecb.europa.eu/press/blog/date/2023/html/ecb.blog230705%7Ed16c61381c.en.html">blog de la Banque centrale européenne</a> (BCE) :</p>
<blockquote>
<p>« Demander à un économiste d’expliquer les comportements économiques ou de faire des prédictions sans modèle, c’est comme demander à un météorologue de prédire le temps qu’il fera en regardant le ciel. »</p>
</blockquote>
<p>Pourtant, contrairement aux modèles climatiques dont la précision et le pouvoir de prédiction ne sont plus à démontrer, les modèles macroéconomiques n’ont pas la chance de pouvoir se baser sur les lois universelles de la physique. Ils présentent des performances nettement plus mitigées, à tel point que Christine Lagarde, la présidente de la BCE, <a href="https://www.euractiv.com/section/economy-jobs/news/a-tribal-clique-lagarde-denounces-economists-at-davos/">n’a pas mâché ses mots lors du Forum économique mondiale de Davos en janvier dernier</a> en conseillant de « se méfier des modèles [économiques] », dont elle décrivait la qualité des prédictions comme « abyssale ».</p>
<h2>« Clique tribale »</h2>
<p>La Commission européenne, tout comme la BCE, se fonde principalement sur des modèles dits « d’équilibre général » pour élaborer ses analyses macroéconomiques, telles que le <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=COM%3A2024%3A63%3AFIN">calcul du coût de la décarbonation de l’économie européenne</a>. Or, comme nous l’avons <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4640677">analysé en détail dans un récent travail de recherche</a>, ces classes de modèles présentent une série de faiblesses, notamment du fait de leur structure sous forme d’optimisation.</p>
<p>Cette optimisation cadenasse les dynamiques du modèle et rend impossible la représentation de fluctuations endogènes au système économique. Ainsi, les cycles conjoncturels et les déséquilibres dans l’économie ne peuvent être représentés que sous la forme de « chocs » extérieurs, venant éloigner le modèle de son équilibre « naturel » – chocs dont l’existence est bien souvent supposée ex post comme explication des fluctuations, <a href="https://ccl.yale.edu/sites/default/files/files/The%20Trouble%20with%20Macroeconomics%20(Updated).pdf">mais sans être réellement identifiés</a>. Ces insuffisances apparaissent d’autant plus marquées dans le contexte du Pacte vert européen, qui constitue un premier pas vers une transformation en profondeur de l’économie européenne, en réponse à l’effondrement écologique.</p>
<p>Nous n’en concluons pas pour autant qu’il vaudrait mieux se passer de modèles. <a href="https://www.piie.com/publications/policy-briefs/do-dsge-models-have-future">Olivier Blanchard</a>, chef économiste du Fonds monétaire international (FMI) durant la crise financière de 2008, appelle les modèles d’équilibre général à se montrer moins « impérialistes ». Christine Lagarde, dans son intervention à Davos, est même allée jusqu’à qualifier les économistes de « clique tribale » (sic)…</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1747864710563999865"}"></div></p>
<p>Nous sommes, comme eux, convaincus qu’utiliser une plus grande diversité de modèles dans les institutions européennes permettrait de significativement améliorer leurs capacités d’analyse, de compréhension et de prédiction. Cela a déjà été démontré en sciences de la complexité, comme le chercheur <a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/CHRG-111hhrg57604/pdf/CHRG-111hhrg57604.pdf">Scott Page le résume</a> : la précision d’un ensemble de modèles ne dépend pas seulement de la précision moyenne des modèles mais également de leur diversité.</p>
<h2>De nouvelles questions abordées</h2>
<p>Or, depuis des décennies, la perspective de la transition écologique a guidé l’essor d’une communauté très dynamique de chercheurs dans la discipline connue sous le nom d’<a href="https://www.cairn.info/revue-l-economie-politique-2016-1-page-8.htm">« économie écologique »</a>, aux influences interdisciplinaires. Plusieurs modèles de ce domaine ont maintenant atteint un niveau de maturité suffisant que pour être directement utilisés par les acteurs publics.</p>
<p>Ces modèles présentent, en effet, des avantages par rapport aux modèles aujourd’hui utilisés pour aborder des questions telles que :</p>
<ul>
<li><p>Quels sont les effets redistributifs des politiques de transition ? Comment intégrer les inégalités sociales dans la conception des politiques de transition écologique, afin d’améliorer leur acceptabilité ?</p></li>
<li><p>Comment inclure, dans la conception de ces politiques, les risques d’instabilité financière et économique émergeant à la fois de la dégradation de l’environnement et de la transition ?</p></li>
<li><p>Comment les déséquilibres et l’inflation peuvent-ils influencer ou résulter des politiques de transition écologique ?</p></li>
</ul>
<p>Actuellement, les modèles issus de l’économie écologique ne sont pratiquement pas utilisés par les institutions européennes. Nous avons donc écrit une <a href="https://docs.google.com/document/d/15HW2PgJBIhMo-3dShSVQNeQ6OEuKl4R8NwqCZgOHhmI/edit">lettre ouverte</a> [dont cet article reprend certains extraits, NDLR], signée par plus de 200 économistes et <a href="https://www.euractiv.com/section/economy-jobs/news/something-is-not-working-economists-urge-eu-commission-to-overhaul-its-models/">diffusée largement</a>, enjoignant la Commission européenne à s’emparer de ces nouveaux outils pour diversifier son arsenal de modélisation.</p>
<h2>Un paysage complexe et changeant</h2>
<p>S’appuyer sur différents modèles reflétant une pluralité de points de vue et de méthodologies est également une question démocratique. En effet, le choix d’un modèle particulier pour éclairer la prise de décision n’est jamais neutre. Ses fondements théoriques déterminent dès le départ une partie des recommandations qui émaneront des résultats. Un tel choix influe donc activement sur les politiques publiques, <a href="https://academic.oup.com/ser/article-abstract/18/2/337/5680050">dont celles des institutions européennes</a>.</p>
<iframe src="https://www.linkedin.com/embed/feed/update/urn:li:share:7165990776101933056" height="496" width="100%" frameborder="0" allowfullscreen="" title="Post intégré"></iframe>
<p>L’architecture et les hypothèses fondamentales de certains modèles tendent ainsi naturellement à favoriser des solutions basées sur le marché plutôt que des solutions basées sur la réglementation. En outre, <a href="https://doi.org/10.2298/PAN1502157T">certaines catégories de modèles plaident</a>, de manière systématique et par construction, contre une politique économique européenne expansionniste et contre des investissements massifs, pourtant <a href="https://institut-rousseau.fr/road-2-net-zero/">nécessaires pour atteindre les objectifs du Pacte vert</a>, dont la neutralité carbone d’ici 2050.</p>
<p>Nous plaidons donc avec force pour une diversification des catégories de modèles utilisés et de leurs hypothèses sous-jacentes, afin de bénéficier des particularités et des avantages comparatifs de chaque modèle. De bonnes pratiques existent par ailleurs dans d’autres disciplines, à l’image des sciences du climat, où la nécessité de comparer les modèles et leurs résultats s’est fait sentir très tôt.</p>
<p>Ainsi, depuis 1997, le programme mondial de recherche <a href="https://wcrp-cmip.org/"><em>Coupled Model Intercomparison Project</em></a> (CMIP) a la charge de la comparaison systématique et transparente des modèles pour permettre une amélioration continue des outils collectifs, toujours dans le cadre d’un dialogue entre équipes de recherche.</p>
<p>Ces enjeux de diversification des outils, de transparence des hypothèses et de dialogue entre communautés de recherche et institutions sont essentiels pour la mise en œuvre de politiques de transition écologique qui soient réalistes économiquement, désirables écologiquement et socialement juste. C’est en relevant ce défi que l’Union européenne acquerra les capacités nécessaires pour naviguer à travers le paysage complexe et changeant de la transition écologique au XXI<sup>e</sup> siècle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225380/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>The idea of writing this article emerged from discussions with the team of Philippe Lamberts, who is president of the Greens/EFA European Parliamentary group.
Pierre Jacques is member of the board of the Institut Rousseau.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Camille Souffron ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un groupe de 200 économistes a récemment appelé Bruxelles à modifier ses outils pour mieux appréhender les enjeux économiques de la transition verte.Pierre Jacques, PhD Student & Researcher in Ecological Economics, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Camille Souffron, Student & Researcher in Ecological Economics, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2260412024-03-18T15:33:28Z2024-03-18T15:33:28ZSanctions internationales : comment les banques prêtent en fonction de leur localisation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/582514/original/file-20240318-22-vmm5qp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C11%2C1598%2C1050&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le quartier d'affaires de Francfort-sur-le-Main.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Skyline_Frankfurt_am_Main_%28jha%29.jpg">Nicoals Scheuer/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Avec l’invasion de l’Ukraine en 2022 par la Russie, la question des sanctions a été de nouveau posée, et, en <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-journal-de-l-eco/sanctions-ue-contre-la-russie-un-impact-difficilement-mesurable-5792317">particulier celle des sanctions économiques et financières</a>. Régulièrement utilisées depuis la Seconde Guerre mondiale, ces mesures – y compris les embargos sur les armes et les restrictions sur les voyages et le commerce – sont devenues des outils indispensables de la politique étrangère pour punir ou influencer le comportement de personnes ou d’organisations particulières. Cependant, <a href="https://academic.oup.com/rfs/article-abstract/36/11/4417/7160932">nos dernières recherches</a> montrent que même les sanctions universellement adoptées peuvent perturber le système financier mondial, faute d’être appliquées partout de la même façon.</p>
<p>La logique sous-tendant les sanctions financières est de cibler des acteurs particuliers – telles que les décideurs et les grandes industries – afin de décourager le pays sanctionné d’enfreindre le droit international ou d’agir de manière agressive. Le tout en limitant les conséquences négatives pour les populations civiles. Ces sanctions sont dites intelligentes puisqu’elles n’interdisent que certaines transactions avec le pays visé.</p>
<p>En conséquence, les institutions financières doivent examiner minutieusement les opportunités commerciales pour s’assurer qu’elles restent dans la légalité. C’est d’autant plus important que le non-respect de ces sanctions peut entraîner des pénalités considérables. En 2015, par exemple, BNP Paribas a dû payer une <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2015/05/01/la-bnp-paribas-formellement-condamnee-a-une-amende-record-aux-etats-unis_4626207_3234.html">lourde amende pour ne pas avoir respecté les sanctions contre le Soudan, Cuba et l’Iran</a>.</p>
<h2>Un arbitrage coûts-bénéfices</h2>
<p>Les sanctions imposent des coûts de mise en conformité supplémentaires à une banque, pour satisfaire à certaines obligations de déclaration. Ces institutions financières devront aussi s’assurer de la légalité des transactions, ce qui induit un coût supplémentaire de contrôle. La banque devra également intégrer les possibles frais de contentieux et le risque de réputation en cas d’échec de ces contrôles.</p>
<p>Comprendre comment ces coûts et ces risques modifient les décisions de prêt constitue l’objet de notre recherche. Nous avons posé l’hypothèse que la décision d’une banque de prêter dans des pays sanctionnés dépendra de l’arbitrage entre les bénéfices escomptés et les coûts de diligence raisonnable et, éventuellement, des litiges. Or, ces coûts varient considérablement d’un pays à l’autre.</p>
<p>En Allemagne, où le coût de la main-d’œuvre est élevé, l’embauche de personnes chargées d’effectuer les contrôles préalables est onéreuse. Les lois strictes sur la protection des données y augmentent également le coût des contrôles. Dans d’autres pays, ces dépenses peuvent être moins élevées, ou le gouvernement peut ne pas avoir les ressources nécessaires pour faire respecter la conformité, ce qui réduit la probabilité des litiges.</p>
<h2>Une question d’emplacement</h2>
<p>Grâce aux données fournies par la banque centrale allemande, la Deutsche Bundesbank, nous avons pu étudier le comportement des banques de ce pays dans le monde entier. Les banques allemandes sont également tenues d’enregistrer le montant des prêts accordés par leurs filiales étrangères dans tous les pays. Ainsi, l’ensemble de ces données indique le montant des prêts accordés par chaque banque allemande à l’étranger entre 2002 et 2015.</p>
<p>Cette étude révèle des différences marquées dans la façon dont les banques allemandes ont réagi aux sanctions suivant le pays où elles se trouvent. Les banques situées outre-Rhin ont fortement réduit leurs positions dans les pays visés par les sanctions. En revanche, leurs filiales à l’étranger ont, en moyenne, augmenté leurs prêts par rapport à leurs « banques-mères » en Allemagne et, dans certains cas, en termes absolus. Le comportement des filiales variant d’un pays à l’autre, il nous fallait donc un indicateur pour classer les pays en fonction des coûts liés aux sanctions qu’ils imposent. Cela dépend de la qualité des institutions et des politiques de lutte contre la criminalité de ces pays.</p>
<h2>Instaurer des règles du jeu justes</h2>
<p>Fondé en 1989, le <a href="https://www.fatf-gafi.org/en/home.html">Groupe d’action financière</a> (GAFI) est une organisation intergouvernementale qui fixe des normes internationales permettant aux autorités nationales de lutter contre les fonds illicites liés au blanchiment d’argent, au terrorisme et à d’autres menaces pour l’intégrité du système financier international. Notre analyse a montré que les banques allemandes affiliées situées en dehors du GAFI ont augmenté leurs positions dans les pays sanctionnés de 95 % en moyenne par rapport aux banques allemandes situées dans le GAFI. Ce chiffre atteint 151 % dans les pays figurant sur la liste noire des pays non conformes aux règles du GAFI.</p>
<p>Ces indicateurs suggèrent que les décisions de prêt dépendent <em>in fine</em> d’un compromis entre la saisie d’opportunités d’investissement rentables d’une part et les coûts de diligence et ceux d’éventuels litiges de l’autre. L’une des principales conclusions à en tirer est que les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Les banques situées dans des pays où les normes d’intégrité sont moins strictes semblent trouver plus attrayant de prêter dans les pays sanctionnés.</p>
<p>Même si les régulateurs collaborent pour harmoniser les règles et les normes financières entre les pays, en vue d’aplanir toute irrégularité réglementaire pour la concurrence bancaire internationale, notre analyse montre que cela ne va pas assez loin. Pour garantir des conditions de concurrence équitables, il est essentiel de s’assurer que tous les pays respectent véritablement ces sanctions.</p>
<p>Ces conclusions sont probablement valables au-delà du domaine des sanctions et peuvent s’étendre à d’autres domaines de la réglementation internationale. En effet, les décideurs politiques cherchent également à harmoniser les réglementations financières des banques, par exemple dans le domaine de l’effet de levier. Nos travaux suggèrent en définitive que les décideurs politiques doivent veiller avec la même attention à ce que tous les pays appliquent ces réglementations financières dans le même sens, avec la même détermination.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226041/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>
Bourse de 5000 EUR de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR), « Investissements d'Avenir » (LabEx Ecodec/ANR-11-LABX-0047). La Deutsche Bundesbank (banque centrale allemande) a fourni un accès sur place à la base de données External Position Report et un hébergement gratuit dans les locaux de la banque centrale pendant les visites de recherche de l’auteur.</span></em></p>Comment réagissent les banques aux sanctions financières imposées par les États ? Selon une étude s’intéressant aux banques allemandes, l’arbitrage dépend notamment de la qualité du contrôle.Matthias Efing, Associate professor of finance, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2216192024-03-05T16:02:52Z2024-03-05T16:02:52Z« Face au ralentissement économique, l’Europe doit porter l’effort sur l’éducation et la R&D »<p><em>L’année 2024 devrait être marquée par un essoufflement de la dynamique économique européenne liée notamment au resserrement de la politique monétaire. Dans ce contexte délicat, Céline Antonin, économiste à l’OFCE, plaide pour une politique d’investissements de long terme centrée sur l’innovation. Comme elle l’explique avec les économistes Philippe Aghion et Simon Bunel dans leur livre <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/economie-et-finance/pouvoir-de-la-destruction-creatrice_9782738149466.php">Le Pouvoir de la destruction créatrice</a> (Éditions Odile Jacob), l’écosystème américain pourrait servir de source d’inspiration.</em></p>
<hr>
<p><strong>L’économie mondiale devrait ralentir dans son ensemble en 2024, mais davantage en Europe. Pourquoi ce décrochage par rapport aux zones Amérique du Nord ou Asie ?</strong></p>
<p>L’économie mondiale devrait connaître un ralentissement global en 2024, qui sera plus marqué dans les pays développés, notamment en Europe et aux États-Unis. Cependant, ce qui compte, c’est l’évolution depuis 2019 : par rapport à une trajectoire où le PIB aurait progressé à la même vitesse que les tendances de croissance antérieures à 2020, les États-Unis ont presque effacé les crises sanitaire et énergétique. En revanche, certains pays européens, comme l’Allemagne, restent en retard. Ce rattrapage plus rapide aux États-Unis s’explique principalement par trois facteurs : d’abord, la crise énergétique de 2022 a relativement épargné le continent américain, qui produit du pétrole et du gaz. En outre, les plans de soutien depuis 2020 ont été plus massifs aux États-Unis. Enfin, un phénomène de désépargne a profité à la consommation outre-Atlantique, alors que les Européens ont moins puisé dans leurs réserves depuis la pandémie.</p>
<p><iframe id="BdOce" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/BdOce/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><strong>Peut-on parler de phase de normalisation après les politiques économiques exceptionnelles mises en place face à la crise économique liée à la pandémie ?</strong></p>
<p>Sur le plan monétaire, la normalisation est effectivement en cours avec la remontée des taux directeurs initiée en 2022 par la Réserve fédérale américaine (Fed) puis la Banque centrale européenne (BCE). Les deux banques centrales continuent d’ailleurs de privilégier la fermeté en raison des niveaux d’inflation, notamment sous-jacente (hors énergie et alimentation), qui restent élevés. On peut noter ici qu’il s’agit d’une normalisation qui intervient non pas après la crise de 2020, mais après plus d’une décennie de politiques monétaires expansionnistes entreprises pour préserver l’euro. Sur le plan budgétaire, une phase de normalisation progressive s’amorce, mais de façon graduelle. En 2024, il s’agit uniquement de la suppression progressive des mesures d’aides aux ménages et aux entreprises en réponse à la crise énergétique. La phase de consolidation budgétaire devrait devenir une réalité vers fin 2024-2025.</p>
<p><strong>Quel est le rôle du ralentissement de la locomotive allemande dans l’essoufflement de la croissance européenne ?</strong></p>
<p>L’Allemagne a notamment connu des difficultés en raison de sa dépendance au gaz russe. La crise énergétique a affecté sa production industrielle et a entraîné une inflation qui a atteint des pics proches de 10 %. Les retards dans la mise en place d’un bouclier énergétique ont en outre amplifié les effets négatifs. L’industrie allemande a ainsi perdu en compétitivité. Par ailleurs, les salaires ont crû moins vite que les prix, ce qui s’est traduit par une baisse du pouvoir d’achat et de la consommation des ménages allemands. Comme le commerce extérieur allemand reste très lié à celui de ses partenaires européens, il existe un effet d’entraînement sur les économies des autres pays, déjà confrontés globalement aux mêmes crises que l’Allemagne.</p>
<p><iframe id="z08RB" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/z08RB/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><strong>Faut-il voir dans ce ralentissement économique un effet collatéral direct de la politique de remontée des taux directeurs enclenché par la Banque centrale européenne (BCE) à partir de mi-2022 ?</strong></p>
<p>Ce n’est pas la seule raison mais il s’agit effectivement d’une cause importante. Quand on estime la croissance de 2024, on prend la croissance spontanée (la croissance que l’on observerait en l’absence de choc) et on lui soustrait les différents chocs. Pour la France, l’OFCE estime cette croissance hors chocs à 1,7 % en 2024, mais 0,8 % avec les chocs. Parmi ces chocs, la hausse des taux a conduit à la <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/revue/12-182OFCE.pdf">perte de 0,9 point de PIB</a>, un effet substantiel que l’on retrouve dans les autres pays de la zone euro. La remontée des taux pèse en effet aujourd’hui sur la consommation et l’investissement, avec des canaux de transmission multiples.</p>
<p><strong>Le chômage a connu une légère remontée fin 2023 qui devrait se poursuivre dans les prochains mois. Aux États-Unis, le président de la Réserve fédérale (Fed), Jerome Powell, avait expliqué en 2022 qu’il s’agissait d’un « mal nécessaire » dans la lutte contre l’inflation. Sommes-nous dans ce moment-là en Europe ?</strong></p>
<p>Faut-il en passer par la récession pour combattre l’inflation, comme nous l’a montré le cas américain au tournant des années 1980, lorsque le président de la Fed Paul Volker avait conduit une politique monétaire très restrictive ? Ce n’est pas certain. Certes, en théorie, la courbe de Phillips met en évidence une relation inverse entre inflation et chômage. Or, plusieurs épisodes historiques montrent que cette relation inverse <a href="https://theconversation.com/retour-sur-la-baisse-du-chomage-est-elle-encore-un-moteur-de-linflation-159972">ne s’observe pas toujours</a> et qu’elle dépend de la nature de l’inflation – importée ou interne. Par exemple, la forte hausse du chômage après la crise financière de 2008 n’a pas relancé l’inflation. Même Jerome Powell l’avait souligné peu de temps avant la déclaration que vous rappelez.</p>
<p><iframe id="KFqhW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/KFqhW/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><strong>Quels sont, selon vous, les principaux risques liés au ralentissement de la croissance économique dans la zone euro ?</strong></p>
<p>La question prédominante concerne actuellement l’accroissement de la dette publique, qui a déjà connu une augmentation significative depuis 2008 et qui a été affectée plus récemment tant par la pandémie de Covid que par la crise énergétique, avec une réponse systématique par le recours à l’endettement. L’inflation a limité quelque peu la progression du ratio d’endettement mais son reflux, combiné à la hausse du taux d’intérêt sur la dette, expose à des risques. En particulier, même si les investisseurs conservent leur confiance dans la capacité de remboursement des États, ces derniers se voient privés de marges de manœuvre financières pour réaliser des investissements productifs cruciaux.</p>
<p><strong>Faut-il s’inquiéter des différences observées entre les niveaux d’endettement des pays membres ?</strong></p>
<p>De façon générale, plus les trajectoires entre pays membres sont divergentes, plus la conduite d’une politique commune est rendue difficile. Ce que révèle la montée de l’endettement en zone euro, c’est que les traités budgétaires sont souvent enfreints, avec des ajustements négociés. Au total, cela pose la question de la capacité de l’UE à imposer des politiques de réduction de l’endettement même en période de croissance, ce qui compromet le potentiel d’investissement à long terme.</p>
<p><strong>Dans ce contexte de ralentissement économique, la zone euro risque-t-elle de perdre du terrain dans le commerce international ? Des mesures comme le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) ou encore les nouvelles règlementations de l’économie numérique (Digital services Act) ne risquent-elles pas en outre d’isoler l’économie européenne ?</strong></p>
<p>En effet, ces initiatives peuvent entraîner, dans un premier temps, une détérioration de la compétitivité des entreprises européennes. C’est d’ailleurs ce que soulignaient les économistes Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz dans leur rapport de 2023 sur les <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/2023-incidences-economiques-rapport-pisani-5juin.pdf">« incidences économiques de l’action pour le climat »</a> en ce qui concerne le MACF. Toutefois, ce dispositif contient des mesures pour favoriser la localisation des activités en Europe, ce peut générer des gains de productivité et de la croissance. Mais tout cela reste hypothétique à l’heure actuelle.</p>
<p><strong>Quelles mesures pourraient être mises en œuvre pour stimuler la croissance économique dans la zone euro ? Que peut-on attendre des plans de relance ou des politiques industrielles européennes (en faveur des batteries ou des voitures électriques) ?</strong></p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/570571/original/file-20240122-29-ejkztq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/570571/original/file-20240122-29-ejkztq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/570571/original/file-20240122-29-ejkztq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=929&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/570571/original/file-20240122-29-ejkztq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=929&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/570571/original/file-20240122-29-ejkztq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=929&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/570571/original/file-20240122-29-ejkztq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1168&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/570571/original/file-20240122-29-ejkztq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1168&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/570571/original/file-20240122-29-ejkztq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1168&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">« Le Pouvoir de la destruction créatrice », Philippe Aghion, Céline Antonin, Simon Bunel.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/economie-et-finance/pouvoir-de-la-destruction-creatrice_9782738149466.php">Éditions Odile Jacob (2020)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il s’agit là d’initiatives positives mais l’échelle reste limitée et il est difficile d’en attendre des effets sur la productivité. Au nom de la politique de concurrence, la zone euro ne doit pas renoncer à une politique industrielle, avec de grands investissements sur le modèle de la DARPA (<em>Defense Advanced Research Projects Agency</em>) américaine. Par ailleurs, l’Europe semble avoir perdu de vue l’objectif de 3 % du PIB consacré à la R&D, contrairement aux États-Unis. Elle gagnerait pourtant à s’inspirer de l’écosystème d’innovation américain qui repose sur des universités bien dotées, un puissant réseau de financeurs – fondations, investisseurs institutionnels, capital-risqueurs –, et une synergie de financement public-privé de la R&D, qui explique largement la supériorité américaine en matière d’innovation et de croissance, comme nous l’écrivons dans le <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/economie-et-finance/pouvoir-de-la-destruction-creatrice_9782738149466.php">livre <em>Le pouvoir de la destruction créatrice</em> avec Philippe Aghion et Simon Bunel</a>.</p>
<p><strong>Comment évaluez-vous plus largement la coopération entre les pays de la zone euro pour faire face aux défis économiques actuels ?</strong></p>
<p>Certes, on a observé ces dernières années des cas de coopération approfondie entre les pays de la zone euro. Par exemple, les mécanismes de sauvetage budgétaire des années 2010 auraient été impensables quelques années plus tôt. Une politique d’innovation et de croissance, fondée sur l’investissement dans la R&D, et dans des grands projets coopératifs entre États, par exemple dans les domaines de l’intelligence artificielle, les technologies quantiques ou les semi-conducteurs, me semble un bon moyen de relancer le projet européen.</p>
<hr>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Cette contribution est publiée en partenariat avec le <a href="https://www.printempsdeleco.fr/">Printemps de l’Économie</a>, cycle de conférences-débats qui se tiendront du mardi 2 au vendredi 5 avril au Conseil économique social et environnemental (Cese) à Paris. Retrouvez ici le <a href="https://www.printempsdeleco.fr/12e-edition-2024">programme complet</a> de l’édition 2024, intitulée « Quelle Europe dans un monde fragmenté ? »</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221619/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Céline Antonin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les Vingt-Sept doivent activer de nouvelles politiques pour répondre au décrochage actuel par rapport aux autres grandes zones économiques mondiales, estime Céline Antonin, économiste à l’OFCE.Céline Antonin, Chercheur à Sciences Po (OFCE) et chercheur associé au Collège de France, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2215182024-01-25T14:52:11Z2024-01-25T14:52:11ZLa zone euro résistera-t-elle au dérèglement climatique ?<p>Sans forcément l’avoir souhaité, les banques centrales ont été placées au premier plan de la lutte contre le <a href="https://theconversation.com/topics/changement-climatique-21171">changement climatique</a>. Des <a href="https://theconversation.com/transformer-la-monnaie-pour-transformer-la-societe-220860">appels</a> sont régulièrement lancés pour qu’elles l’intègrent parmi leurs objectifs officiels, ce qui les conduirait à exclure certains actifs de leurs opérations d’achats afin de favoriser les industries et activités économiques les « plus vertes ». Autrement dit, il est maintenant demandé aux banques centrales d’agir en leader, et non en suiveur. La <a href="https://theconversation.com/topics/banque-centrale-europeenne-bce-24704">Banque centrale européenne</a> n’y semble pas insensible et a adopté un <a href="https://www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2021/html/ecb.pr210708_1%7Ef104919225.fr.html">plan d’action climatique</a> à la suite de la conclusion de son examen de la stratégie de politique monétaire publié en 2021.</p>
<p>Au quotidien, le changement climatique confrontera aussi les banques centrales à différents types de chocs. Ceux-ci auront notamment des implications significatives en termes de stabilité des prix. Or, y veiller est une des principales missions des gouverneurs. Du côté de l’offre, des événements climatiques tels que les sécheresses augmentent la volatilité des prix alimentaires ; du côté de la demande, des températures élevées peuvent réduire la demande des ménages dans le secteur du commerce de détail, ce qui peut faire baisser les prix. Les températures extrêmes peuvent donc être autant inflationnistes que déflationnistes.</p>
<p>Savoir ce qui prime entre un choc d’offre et un choc de demande est primordial pour définir la <a href="https://theconversation.com/topics/politique-monetaire-39994">politique monétaire</a> adéquate. L’<a href="https://vermandel.fr/2014/04/27/le-modele-as-ad/">arbitrage entre croissance et stabilité des prix</a>, auquel la Banque centrale se confronte régulièrement lorsqu’elle fixe les taux d’intérêt directeurs, paraît notamment plus délicat dans le premier cas. Et cela l’est davantage encore dans les unions monétaires : les chocs ne frappent pas nécessairement tous ses membres de la même manière, pouvant créer de façon simultanée des pressions à la hausse et à la baisse sur les prix, alors que c’est la même politique qui s’applique à tous.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1598201156068687873"}"></div></p>
<p>La BCE calque sa politique sur ce qui est mesuré en moyenne parmi ses membres. Plus un membre en particulier est éloigné de cette moyenne et plus il a de chance de se voir imposer une politique mal calibrée pour sa situation. Le changement climatique donnera une nouvelle tournure à cette <a href="https://theconversation.com/lutte-contre-linflation-les-petits-pays-de-la-zone-euro-laisses-pour-compte-195039">question récurrente</a>, car ses conséquences macroéconomiques ne seront pas réparties de manière homogène au sein de l’union monétaire. Dès aujourd’hui, d’ailleurs des anomalies de température hétérogènes caractérisent les pays de la <a href="https://theconversation.com/topics/zone-euro-54680">zone euro</a>.</p>
<p><iframe id="V9JEW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/V9JEW/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Dans une <a href="https://hal.science/hal-04388617">recherche récente</a>, nous avons donc abordé la question de la soutenabilité de la zone euro face aux conséquences sur les prix du changement climatique.</p>
<h2>Plus de « stress monétaire »</h2>
<p>Notons tout d’abord que les anomalies de température, au cœur de notre étude, semblent être une conséquence du changement climatique que l’on peut considérer comme une des plus uniformes dans son application, si l’on compare par exemple aux catastrophes naturelles qui sont bien plus localisées. En conséquence, nos résultats peuvent être considérés comme un scénario de référence, sous-estimant certainement la réalité future.</p>
<p>Ce seul paramètre, pourtant, est susceptible d’augmenter significativement ce que l’on appelle le « stress monétaire », c’est-à-dire la divergence entre le taux d’intérêt requis pour qu’un pays membre atteigne son objectif de stabilité des prix et celui requis pour ses partenaires membres de la zone. En d’autres termes, les anomalies de température ayant des effets différents sur l’inflation et la croissance des pays membres de la zone euro, elles modifient l’arbitrage coûts-avantages d’appartenir à l’union monétaire.</p>
<p>Pour mesurer le stress monétaire induit par les anomalies de température dans la zone euro, nous avons d’abord évalué comment les objectifs macroéconomiques de la Banque centrale européenne (BCE) – c’est-à-dire la stabilité des prix et la croissance économique – sont affectés par les anomalies de température. Nous avons ensuite combiné ce premier indicateur avec des projections climatiques tirées du sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Cela permet de déduire les changements qui seront induits par les projections d’anomalies de température sur l’inflation et le PIB par habitant pour la période 2025-2100.</p>
<p>L’exercice nécessite cependant des hypothèses solides sur la persistance des réponses des variables macroéconomiques à la température. Est-ce que ce que l’on mesure dans la première étape, à savoir de combien de points de pourcentage varient les prix et la croissance lorsque l’on observe une anomalie de température de X %, est un coefficient qui reste fixe lorsque les anomalies s’accroissent ? La relation est-elle simplement proportionnelle, exponentielle ou autre encore ?</p>
<h2>L’Euro en péril ?</h2>
<p>Nous avons en parallèle effectué cette mesure pays par pays pour analyser in fine l’écart entre la politique monétaire moyenne requise par les pays de la zone euro dans leur ensemble et la politique monétaire spécifique requise par chacun des pays membres.</p>
<p><iframe id="YE47d" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/YE47d/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Nos résultats montrent qu’il existe des différences significatives entre les pays de la zone euro dans la manière dont les variables macroéconomiques répondent aux anomalies de température, d’où des divergences significatives dans les changements induits par les projections d’anomalies de température sur l’inflation et le PIB par habitant pour la période 2025-2100 au sein de l’union monétaire. Cela pourrait s’expliquer par la taille et la composition différentes des économies composant la zone euro, ainsi que par des degrés divers de résilience des institutions et des infrastructures physiques de chaque pays.</p>
<p>En conséquence, l’ampleur accommodative de la politique monétaire requise pour faire face à ces chocs induits par les projections d’anomalies de température diffère entre les pays de la zone euro. En outre, ces écarts dans les taux contrefactuels induits par la variation des projections d’anomalies de température donnent lieu à un stress monétaire qui s’aggrave avec le temps. L’utilisation des scénarios les plus pessimistes du GIEC renforce encore le problème que nous mettons en évidence.</p>
<p>Globalement donc, l’existence d’un stress monétaire résultant de la variation des anomalies de température induites par le changement climatique constitue un défi pour la durabilité de l’union monétaire européenne, et pose un problème pour la BCE, qui ne dispose que d’une politique monétaire unique pour faire face à des situations économiques de plus en plus différenciées entre les membres de la zone. Les politiques monétaires requises pour faire face à la situation spécifique de chaque pays sont donc de plus en plus difficiles à définir. La BCE risque alors d’avoir de plus en plus de mal à remplir son objectif initial de stabilité des prix, ce qui exacerbera les disparités de bien-être au sein de la zone euro et, en fin de compte, alimentera le sentiment anti-UE. Le changement climatique met donc aussi en danger l’euro, ce qui renforce l’urgence d’agir pour la transition vers une économie décarbonée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221518/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hamza Bennani a reçu des financements de la Région des Pays de la Loire. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Etienne Farvaque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une étude montre que les anomalies de températures ont des impacts macroéconomiques différenciés sur les pays de la zone euro. Pourront-ils alors rester régulés par une politique monétaire unique ?Etienne Farvaque, Professeur d'Économie, Université de Lille, LEM (UMR 9221), Université de LilleHamza Bennani, Professeur des universités en sciences économiques, Université de NantesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2208602024-01-10T19:09:42Z2024-01-10T19:09:42ZTransformer la monnaie pour transformer la société<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568576/original/file-20240110-27-akl0t9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=25%2C11%2C1836%2C1264&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Au cours de l’Histoire, la monnaie n’a cessé de muter.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/art-chance-sculpture-argent-15954089/">Pexels/Thomas K</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>La bifurcation sociale-écologique exige de gigantesques investissements pour les États, les entreprises et les particuliers. Comment les financer ? Pour répondre à ce défi, Jézabel Couppey-Soubeyran, Pierre Delandre, Augustin Sersiron proposent dans</em> <a href="http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Le_pouvoir_de_la_monnaie-9791020924261-1-1-0-1.html">Le Pouvoir de la monnaie</a> <em>(Éd. Les Liens qui libèrent, janvier 2024), dont The Conversation France publie certains extraits, qu’un Institut d’émission adossé à la Banque centrale européenne (BCE) reçoive l’autorisation d’émettre de la monnaie légale sur base volontaire, désencastrée du marché de la dette, en complément de la monnaie bancaire, afin d’accorder les subventions nécessaires au financement des investissements socialement ou écologiquement indispensables mais non rentables.</em></p>
<p><em>Les auteurs soulignent notamment qu’il ne s’agirait pas de la première transformation monétaire de grande ampleur de l’Histoire : à chaque type de société a correspondu un type de monnaie, les bifurcations monétaires contribuant toujours aux bifurcations sociétales menant de l’un à l’autre, tant l’institution monétaire est porteuse d’une formidable force de structuration des rapports sociaux. La bifurcation écologique et sociale, qui constitue aujourd’hui le projet travaillant le corps social, appelle sa propre bifurcation monétaire.</em></p>
<hr>
<h2>La monnaie, un outil puissant pour transformer la société</h2>
<p>Un défi majeur de notre temps nous semble être d’inventer une façon de créer et de mettre en circulation la monnaie qui n’encourage pas la marchandisation du monde, c’est-à-dire l’expansion sans limite du domaine de la marchandise. Permettre la monétisation sans marchandisation requiert de repenser en profondeur la forme institutionnelle de la monnaie. C’est l’une des clés de la constitution d’un monde plus juste et plus durable.</p>
<p>La bifurcation écologique et sociale à laquelle tant d’entre nous aspirent ne se fera pas sans bifurcation monétaire. On ne change pas la société simplement en changeant la monnaie, mais on ne la change pas non plus sans changer la monnaie – c’est ce qu’enseigne l’histoire monétaire […]. Or la monnaie qui est aujourd’hui la nôtre est une monnaie dont les modalités d’émission sont intrinsèquement capitalistes, la tournant non plus d’abord vers l’échange marchand, mais vers l’accumulation capitaliste. […]</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/politique-monetaire-verte-un-grand-pas-pour-la-bce-un-petit-pas-pour-le-climat-186686">Politique monétaire « verte » : un grand pas pour la BCE, un petit pas pour le climat</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>L’autorité monétaire doit ménager en son sein l’espace de délibération collective qui permettra de réajuster en permanence ses objectifs en fonction des besoins profonds exprimés par la société, plutôt que de les fixer dans le marbre.</p>
<p>La rapide succession de crises que nous avons traversées révèle la variété des enjeux qui peuvent être jugés prioritaires par le corps social, dont elles mettent en évidence les carences les unes après les autres ; or aucune règle intangible ne permettrait de faire l’économie d’une délibération sur la nécessité d’allouer les nouvelles encaisses créées au verdissement de nos modes de vie et de production, ou à la reconstruction de l’hôpital public, ou à celle de nos infrastructures énergétiques, ou de nos systèmes de transport urbain dégradés, ou de notre appareil industriel, etc. Tous ces choix de société doivent être débattus, en permanence, pour permettre l’usage le plus efficace et le plus légitime possible de la formidable puissance collective que détient l’autorité monétaire. […]</p>
<h2>Monnaies d’hier</h2>
<p>Si la monnaie est aujourd’hui une monnaie bancaire, c’est-à-dire créée par les banques, généralement en contrepartie d’une dette et rapportant ainsi des profits à son émetteur, il n’en a pas toujours été ainsi historiquement, loin de là. Sur le temps long, la monnaie s’avère extraordinairement multiforme, ne cessant de muter d’une époque à une autre, de connaître de véritables bifurcations. […]</p>
<p>[La monnaie marchande apparaît dans les sociétés palatiales de la Haute Antiquité (Mésopotamie, Égypte), qui sont] entièrement polarisées par les « grands organismes » (temples ou palais), sortes de personnes morales qui possèdent d’immenses domaines d’agropastoralisme avec champs irrigués et pâturages, mais aussi de véritables complexes manufacturiers dotés de divers ateliers mobilisant tous les savoir-faire artisanaux. […] Toutes les activités économiques nouvelles qui se développent […] sont d’abord cultuelles, subordonnées au service des dieux, car la production est avant tout destinée à satisfaire leurs besoins.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>[Dès lors], pour estimer la valeur des stocks de ressources, les rations dues aux ouvriers, les entrées et sorties de denrées, les fermages, les redevances, les prêts, etc., les « fonctionnaires » des temples commencèrent à rapporter tous les types de biens, dont ils géraient les flux, à un seul bien, érigé en étalon. […] C’est ainsi que fut mise en place une unité de compte rendant des objets hétérogènes commensurables du point de vue de leur valeur, c’est-à-dire du désir qu’ils inspirent, exprimé dans un langage numérique institué : c’est l’avènement du langage de la valeur, qui permet d’établir des relations d’équivalence socialement objectivées entre des quantités de biens divers.</p>
<p>[2500 ans plus tard, dans l’antiquité classique (perse et gréco-romaine) se joue un] tournant anthropologique [qui] nous semble reposer notamment sur trois inventions techniques et culturelles majeures : les premières pièces de monnaie frappées, qui permettent l’essor des échanges décentralisés ; l’alphabet, qui permet la diffusion massive de l’écriture ; la cavalerie montée, qui permet l’avènement de vastes empires dont le pouvoir politique s’éloigne des populations qu’il régit. Là encore, la forme de la monnaie évolue en cohérence avec l’ensemble des rapports sociaux, qui se restructurent en profondeur. […]</p>
<p>[Après l’effondrement médiéval (recul des villes, de l’écrit et des échanges, rareté monétaire) et le renouveau des sociétés coloniales (découverte des mines d’argent des Amériques, imprimerie, essor marchand tiré par le commerce triangulaire), le projet de société capitaliste de la révolution industrielle s’appuie sur la monnaie bancaire, créée par la dette, donc tournée non plus vers l’accumulation de richesse passée (or ou argent) mais vers la production de richesse future (industrielle puis financière), tout comme le pouvoir politique issu des urnes se fonde sur un projet pour l’avenir (le programme électoral) et non sur la légitimité traditionnelle du passé (le sang royal).]</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/568567/original/file-20240110-23-z0nqqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/568567/original/file-20240110-23-z0nqqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568567/original/file-20240110-23-z0nqqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=906&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568567/original/file-20240110-23-z0nqqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=906&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568567/original/file-20240110-23-z0nqqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=906&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568567/original/file-20240110-23-z0nqqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1139&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568567/original/file-20240110-23-z0nqqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1139&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568567/original/file-20240110-23-z0nqqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1139&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le pouvoir de la monnaie : transformons la monnaie pour transformer la société.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Le_pouvoir_de_la_monnaie-9791020924261-1-1-0-1.html">Éditions Les liens qui Libèrent</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La transformation monétaire a déjà commencé</h2>
<p>Verse-t-on dans les <em>coquecigrues</em> et autres <em>calembredaines</em> en imaginant que l’on puisse transformer le mode d’émission de la monnaie ? En réalité, une transformation monétaire est déjà en cours, la création monétaire a déjà commencé à s’affranchir d’une contrepartie dette. Nous l’avons vu au niveau des banques commerciales qui, avec la monnaie acquisitive, créent de la monnaie en achetant des titres. Les banques centrales ont largement amplifié ce mouvement avec les mesures d’exception qu’elles ont dû prendre pour gérer les crises, financière puis sanitaire.</p>
<p>Elles ont ainsi déjà créé d’énormes quantités de monnaie centrale selon le mode acquisitif, par achat de titres plutôt que par prêt, et elles ont même déjà donné de la monnaie centrale (aux banques, en petite quantité). C’est donc que la bifurcation monétaire a déjà commencé ! À ceci près que les banques centrales qui en ont eu l’initiative l’ont entreprise non pas dans l’optique de dépasser le capitalisme financier ni de le transformer, mais bien plutôt de le sauver coûte que coûte. […]</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-sauvetage-des-banques-une-entorse-au-resserrement-monetaire-des-banques-centrales-204397">Le sauvetage des banques, une entorse au resserrement monétaire des banques centrales</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Le mode volontaire d’émission monétaire est un processus par lequel un organe de décision (un Institut européen d’émission monétaire, à créer) aurait le pouvoir d’émettre, dans le cadre d’une gouvernance ouverte sur la société civile, les quantités nécessaires de monnaie centrale (des euros fongibles avec ceux de la BCE et du circuit bancaire classique) pour remplir des missions d’intérêt général fixées démocratiquement. La décision d’émission consisterait à émettre de la monnaie que la banque centrale mettrait à disposition de la Caisse du développement durable, organe d’exécution, pour la réalisation des missions qui lui sont assignées sans la moindre obligation de remboursement ni charge d’intérêt.</p>
<p>Cette émission monétaire serait la traduction pure et simple de l’expression d’une volonté politique démocratique (d’où l’expression « mode volontaire de création monétaire »). Elle serait ainsi directement affectée aux objectifs d’intérêt général, aux biens communs et aux biens publics, sans contrepartie comptable exigible, ni remboursement, ni intérêt. Ce mécanisme échappe totalement aux mécanismes bancaires classiques (émission par le crédit ou par acquisition de titres), puisqu’il s’agit en réalité d’une subvention. […] Mise en circulation par des subventions, la monnaie volontaire serait donc entièrement désencastrée de la dette et des mécanismes classiques du marché bancaire, pour être affectée à des objectifs de bien commun. […]</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-la-bce-peut-enfin-verdir-sa-politique-monetaire-152117">Comment la BCE peut (enfin) verdir sa politique monétaire</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>L’institution monétaire, démocratisée, pourrait équilibrer les objectifs sociétaux, permettant la réalisation d’objectifs privés, sous le signe de la rentabilité financière, financés par les modes bancaires de création monétaire, d’une part, et la réalisation d’objectifs collectifs, par le mode volontaire de création monétaire, sous les signes du non-marchand, du social et de l’écologie, d’autre part. On atteindrait de la sorte une configuration monétaire mettant en valeur la complémentarité des objectifs marchands et non marchands pour réaliser une forme d’équilibre entre les intérêts individuels et collectifs, entre les intérêts à court terme et à long terme, les intérêts de l’économie et ceux du lien social et de la nature.</p>
<p>Il nous semble que l’instauration d’un mécanisme de monnaie volontaire tracerait le chemin du développement durable en allégeant l’endettement et en se libérant des injonctions de rentabilité financière, de croissance ou de concurrence. C’est un projet de société porté par un projet de monnaie, une monnaie à mission, avec laquelle il deviendrait possible de prendre soin de la planète et de la société, pour un avenir enfin authentiquement social et écologique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220860/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jézabel Couppey-Soubeyran est membre de l'Institut Veblen. Elle a reçu des financements de l'Institut Veblen et de la Chaire énergie et prospérité. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Augustin Sersiron ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans le livre « Le Pouvoir de la monnaie », trois économistes proposent un nouveau mode de création monétaire pour répondre aux défis de la bifurcation sociale-écologique. Extraits.Jézabel Couppey-Soubeyran, Maîtresse de conférences en économie, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneAugustin Sersiron, Économiste et philosophe, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2184792023-11-26T15:37:14Z2023-11-26T15:37:14ZLes marges de manœuvre des banques centrales, une source d’incertitude pour les économies<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/561414/original/file-20231123-23-2ek0ti.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=52%2C23%2C1117%2C795&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En Europe comme aux Etats-Unis, les banques centrales ont cessé le mouvement de hausse des taux directeurs fin octobre.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Flickr/Mr.TinMD</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Après plus d’un an de hausses, le relèvement des taux directeurs des banques centrales marque une pause. Fin octobre, la Réserve fédérale américaine (Fed) ainsi que la Banque centrale européenne (BCE) ont ainsi décidé de laisser leurs principaux taux à leur niveau de juillet, à savoir respectivement <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/la-fed-laisse-ses-taux-inchanges-2026305">5,5 %</a> et <a href="https://www.zonebourse.com/actualite-bourse/Taux-la-BCE-montre-la-voie-45186057/">4,5 %</a>.</p>
<p>Le relèvement des taux entamé mi-2022 était motivé par la nécessité de contenir l’inflation qui a fait son grand retour après l’épidémie de Covid-19. En prêtant plus cher aux banques commerciales qui se financent auprès des banques centrales, le crédit devient plus cher pour les entreprises et les ménages, ce qui ralentit l’investissement et la consommation et rééquilibre l’offre et la demande pour peser sur le niveau des prix.</p>
<p><iframe id="AkVL7" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/AkVL7/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="Et6cW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Et6cW/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Or, sur le front de l’inflation, on a constaté un ralentissement ces dernières semaines. Au mois d’octobre, les prix n’ont augmenté que de <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/linflation-baisse-plus-vite-que-prevu-dans-la-zone-euro-2026211">2,9 % sur un an</a> dans la zone euro contre 4,3 % en septembre. Aux États-Unis, l’inflation est restée stable à <a href="https://www.bfmtv.com/economie/international/etats-unis-l-inflation-est-restee-stable-en-septembre-mais-avec-des-signes-de-ralentissement_AD-202310120545.html">3,7 % sur un an</a> en septembre mais montre des signes de ralentissement.</p>
<h2>La Fed reste prudente</h2>
<p>Est-ce que cela signifie que les politiques monétaires sont en bonne voie pour atteindre leurs objectifs, à savoir un taux de 2 % des côtés de l’Atlantique ? La réponse est plus nuancée. En effet, les banques centrales ne considèrent pas encore que l’épisode de forte inflation est terminé. Le 1<sup>er</sup> novembre, le président de la Fed, Jerome Powell, a par exemple averti qu’une baisse durable <a href="https://video.lefigaro.fr/figaro/video/etats-unis-la-fed-avertit-que-faire-baisser-durablement-linflation-prendra-du-temps/">« prendra du temps »</a>. Depuis juillet dernier, la croissance américaine a ainsi accéléré tandis que l’inflation refluait, deux tendances que les grands argentiers ne <a href="https://www.lopinion.fr/economie/la-reserve-federale-se-demande-si-la-croissance-alimente-toujours-linflation">pensaient pas</a> observer simultanément.</p>
<p>Cette prudence peut notamment s’expliquer par la manière dont les banques centrales prennent leurs décisions. Les politiques monétaires se fondent sur des règles et des écarts par rapport à ces règles. La <a href="https://www.investopedia.com/terms/t/taylorsrule.asp">règle de Taylor</a>, par exemple, suggère que le taux d’intérêt d’équilibre se situe 2 % au-dessus du taux annuel d’inflation, et que la banque centrale doit baisser ou relever ses taux d’intérêt en fonction de l’écart du taux d’inflation et du taux de croissance réel du PIB par rapport à leurs cibles.</p>
<p>Cependant, toutes les décisions des banques centrales ne sont pas guidées par des règles ; elles reposent également sur leur pouvoir discrétionnaire. Ces décisions hors règles peuvent refléter un conflit entre des pressions politiques à court terme et les objectifs économiques à long terme ou encore constituer une réponse exceptionnelle à une crise.</p>
<h2>Effets sur la croissance</h2>
<p>Naturellement, ce pouvoir discrétionnaire implique une nouvelle source d’incertitude et de risque pour l’économie, comme nous avons pu le constater dans nos <a href="https://academic.oup.com/rfs/article-abstract/35/5/2308/6345360">récentes recherches</a>. Par exemple, en ce qui concerne une obligation d’État à 10 ans, 20 % du montant de la prime de risque peut être attribué à la politique discrétionnaire. Or, plus les primes de risque sont élevées, plus le coût des emprunts l’est, avec un risque accru que les particuliers et les entreprises se soustraient au remboursement de leurs prêts.</p>
<p>Cette incertitude affecte donc les dépenses et les emprunts. Surtout que, comme le montrent nos travaux, les décisions qui s’appuient davantage sur le volet discrétionnaire que sur les règles présentent des effets plus favorables en termes de croissance.</p>
<p>Autrement dit, si la pause dans la hausse des taux observée ces dernières semaines est d’abord motivée par des éléments discrétionnaires, le rythme de croissance pourrait rester soutenu aux États-Unis dans les prochains mois – avec des conséquences encore incertaines sur le niveau de l’inflation. On comprend mieux dans ce contexte la prudence de la Fed.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218479/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Irina Zviadadze ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En cas de crise ou face à une situation exceptionnelle, la Fed américaine ou la BCE peuvent s’écarter des règles pour ajuster leurs politiques monétaires – ce qui n’est pas sans risque.Irina Zviadadze, Associate Professor of Finance, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2087062023-07-02T16:11:43Z2023-07-02T16:11:43ZMalgré la hausse des taux, le crédit ne se tarit pas (encore) en France<p>L’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">inflation</a>, qui s’est invitée durablement dans nos vies depuis la sortie de la crise sanitaire et a été aggravée par la guerre en Ukraine, a amené les banques centrales à durcir leurs politiques monétaires pour tenter de la contenir. En zone euro, face à un taux d’inflation annuel <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/documents/2995521/16965667/2-16062023-AP-FR.pdf/5d7f5b61-fada-fae6-533c-5e888540c845">à 6,1 % en mai 2023</a>, en baisse mais encore très éloigné de l’objectif de 2 %, les hausses de taux directeurs de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-centrale-europeenne-bce-24704">Banque centrale européenne</a> (BCE) se sont ainsi enchaînées à un rythme effréné, avec huit augmentations consécutives depuis juillet 2022. Sur cette période, le principal taux de la BCE est passé de 0 à 4 % depuis début juin.</p>
<p><iframe id="UbdDO" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/UbdDO/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ces taux directeurs désignent les taux auxquels la banque centrale prête aux <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-22013">banques commerciales</a> lorsqu’elles demandent des financements pour leurs clients. Cette hausse est donc répercutée sur le coût du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/credit-62431">crédit</a>, le rendant moins accessible aux agents économiques, ce qui peut entraver leur activité et leurs projets d’investissement. En bout de chaîne, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/croissance-economique-21197">croissance économique</a> risque de s’en trouver affectée.</p>
<h2>Un ralentissement moins marqué en France</h2>
<p>La dernière enquête de la BCE sur les prêts bancaires, publiée en mai 2023, montre que ce relèvement des taux directeurs commence à peser significativement sur la demande de crédits, tant pour les entreprises que les ménages, dans l’ensemble de la zone euro.</p>
<p><iframe id="x2zOb" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/x2zOb/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="p5ymL" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/p5ymL/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Bien qu’ils restent inférieurs à la moyenne de la zone euro, les taux d’intérêt des crédits accordés aux entreprises en France ont en effet sensiblement progressé, passant pour les petites et moyennes entreprises (PME) de 1,42 % à fin décembre 2021 à 4 % en avril 2023.</p>
<p><iframe id="JjOpW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/JjOpW/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si la croissance des crédits bancaires aux entreprises continue d’être soutenue en France et parmi les plus dynamiques de la zone euro, elle montre donc un net ralentissement : l’encours progresse de 5,3 % sur un an en avril, contre 7,4 % en décembre 2022.</p>
<p><iframe id="CGWTi" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/CGWTi/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Toutefois, en dépit d’un durcissement des conditions de financement, le taux d’obtention de crédits se maintient à un niveau élevé. L’enquête trimestrielle de la Banque de France auprès d’entreprises sur leur accès au financement bancaire montre qu’au premier trimestre 2023, 96 % des PME ont obtenu en totalité ou à plus de 75 % des crédits d’investissement demandés et 86 % les crédits de trésorerie souhaités.</p>
<p><iframe id="0lHx3" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/0lHx3/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pour les particuliers, la hausse des taux des crédits immobiliers s’élève à 2,22 points sur la période décembre 2021 – avril 2023.</p>
<p><iframe id="TT8gB" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/TT8gB/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Face à cette tendance, la baisse de la production des nouveaux crédits à l’habitat reste relativement limitée : elle atteint encore 15 milliards d’euros en avril 2023, après des moyennes mensuelles de plus de 20 milliards d’euros depuis 2019.</p>
<p><iframe id="Ao68j" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Ao68j/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Dans ce contexte, les autorités commencent à procéder à de premiers ajustements d’ordre technique.</p>
<h2>Critères assouplis</h2>
<p>Depuis le début de l’année, la <a href="https://www.journaldunet.com/patrimoine/guide-des-finances-personnelles/1500063-taux-d-usure-les-plafonds-pour-emprunter-en-avril-2023/">revalorisation mensuelle et non plus trimestrielle</a> du taux d’usure calculé par la Banque de France, qui correspond au taux d’intérêt maximum légal que les établissements de crédit sont autorisés à pratiquer lorsqu’ils accordent un prêt, permet d’ajuster plus rapidement les taux et de fluidifier la production de crédit.</p>
<p>De son côté, le Haut conseil de stabilité financière (HCSF), l’autorité macroprudentielle française, a ajusté le 13 juin à la marge les <a href="https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/hcsf/HCSF_20230613_CP.pdf">critères d’octroi du crédit immobilier</a> qui s’imposent à tous les prêteurs depuis le 1<sup>er</sup> janvier 2022. Les règles limitent le taux d’effort des emprunteurs à 35 % et la durée des prêts à 25 ans, avec une marge de flexibilité, c’est-à-dire la possibilité pour les prêteurs de déroger à ces règles sur un maximum de 20 % de la production trimestrielle de crédit <a href="https://theconversation.com/fr/topics/immobilier-23232">immobilier</a>.</p>
<p>Désormais, le Haut conseil demande au superviseur, en l’occurrence l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), de pas engager de procédure contre un établissement en cas de dépassement, sur un trimestre, de ce seuil maximum de flexibilité de 20 %, mais d’attendre les deux trimestres suivants pour apprécier la conformité de la politique de crédit.</p>
<h2>Achever l’Union des marchés des capitaux ?</h2>
<p>Ces mesures reposent sur le lien théorique entre évolution de la demande de crédit et la croissance économique. En effet, si le financement peut soutenir l’activité économique, la croissance augmente elle aussi à son tour les besoins à financer (l’investissement et la consommation), améliore la solvabilité des agences économiques et accroît la demande de crédit. L’estimation empirique n’est pourtant pas aisée. Pour certains économistes, une expansion du crédit augmente en effet aussi l’endettement, ce qui affaiblit les institutions financières et <a href="https://www.jstor.org/stable/2729790">peut aboutir à une importante récession économique</a>.</p>
<p>Au-delà de ces enjeux de croissance, un tarissement du crédit compliquerait les réponses urgentes à apporter aux défis actuels. La transformation verte ou encore le vieillissement de nos sociétés nécessitent par exemple des investissements massifs, avec des financements essentiellement privés. Ce contexte pourrait inciter à finaliser le projet européen <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/capital-markets-union/">d’Union des marchés de capitaux</a>, lancée par la Commission européenne en 2015 pour ouvrir l’accès des entreprises aux financements et compléter l’offre bancaire existante.</p>
<p>C’est grâce au développement d’une base solide d’investisseurs européens que la résilience des marchés financiers augmentera en cas de ralentissement ou de crise du financement bancaire. Il s’agit donc ici d’un véritable enjeu de souveraineté et de stabilité financière pour l’Europe.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208706/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Timothée Waxin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des mesures ont été prises pour que les entreprises et les particuliers puissent continuer à se financer auprès des banques et qu’un assèchement des financements ne provoque pas une récession.Timothée Waxin, Responsable du département Finance, Data & Performance, Pôle Léonard de VinciLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2043972023-04-26T17:13:31Z2023-04-26T17:13:31ZLe sauvetage des banques, une entorse au resserrement monétaire des banques centrales<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/522584/original/file-20230424-18-gphaht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=55%2C44%2C1222%2C806&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quelques jours après le défaut de SVB, la Fed a créé près de 300&nbsp;milliards de dollars pour les banques.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/100-billets-en-dollars-americains-3531895/">John Guccion/Pexels </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Que ce soit pour le financement de la transition écologique, pour les retraites, pour la restauration des services publics, que de fois n’a-t-on pas entendu en France comme ailleurs <a href="https://www.bfmtv.com/politique/il-n-y-a-pas-d-argent-magique-declare-emmanuel-macron_VN-202206090436.html">« il n’y a pas d’argent magique »</a> ? Et pourtant à chaque fois que le capitalisme financier vacille sur ses bases, comme à nouveau avec la crise bancaire qui menace de s’étendre, il coule à flots – combien même les banques centrales du monde entier étaient censées avoir <a href="https://theconversation.com/la-bce-poursuit-son-resserrement-monetaire-mais-doit-composer-avec-de-fortes-incertitudes-199332">fermé les écoutilles</a> pour rétablir le pouvoir d’achat de la monnaie menacé par l’inflation.</p>
<p>On ne reprochera pas à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reserve-federale-etats-unis-120711">Réserve fédérale américaine (Fed)</a> de s’être promptement et massivement mobilisée pour éviter aux clients des trois banques régionales américaines déclarées en faillites (<a href="https://theconversation.com/faillite-de-la-silicon-valley-bank-pourquoi-les-risques-dune-nouvelle-crise-financiere-restent-limites-201650">Silicon Valley Bank</a>, Silvergate, Signature) de perdre leurs dépôts, ni à la Banque nationale suisse (BNS) d’empêcher que <a href="https://theconversation.com/credit-suisse-les-lecons-dune-lente-descente-aux-enfers-202363">Credit Suisse</a> n’entraîne dans sa chute les banques du continent européen. Mais on ne peut que constater la fuite en avant dans les mesures prises pour éviter la crise systémique – il leur faut aller toujours plus loin. Et déplorer aussi leur aveuglement aux conséquences de leur action car comme à chaque fois, elles ont géré les crises passées en préparant celle à venir.</p>
<h2>La Fed, « bad bank » nouvelle génération</h2>
<p>Concernant les mesures prises, la Fed n’a pas fait que lever le plafond de la garantie des dépôts, qui sinon aurait fait perdre aux clients professionnels leurs cash <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/banques-finance/silicon-valley-bank-les-clients-pourront-retirer-l-integralite-de-leurs-depots-3f1dc488-e12b-43f3-8f98-84445bcc3abf">au-delà de 250 000 dollars assurés</a> : la banque centrale américaine a aussitôt rétabli une ligne de liquidité permettant aux banques de se refinancer auprès d’elle en lui apportant comme garantie des titres à leur valeur d’émission sans aucune décote, fermant ainsi les yeux sur leur dévalorisation que la hausse des taux a mécaniquement provoquée au cours des derniers mois.</p>
<p>La Fed s’est ainsi transformée en une sorte de <a href="https://www.lesechos.fr/2008/09/la-bad-bank-est-un-classique-des-sauvetages-bancaires-498191">« bad bank »</a> nouvelle génération, c’est-à-dire une entité financière spécialement créée pour concentrer les actifs toxiques des autres banques, capable de transformer le plomb en or. En quelques jours, elle a créé près de <a href="https://actufinance.fr/actu/la-fed-injecte-300-milliards-de-dollars-et-soutient-la-hausse-du-bitcoin/">300 milliards de dollars pour les banques</a>. Elle a aussi rétabli des lignes de swaps quotidiennes avec les grandes banques centrales qui permettent d’échanger des liquidités dans différentes devises pour protéger des risques de change. </p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Quant à la BNS, elle a aussitôt ouvert une ligne de prêt de <a href="https://www.snb.ch/fr/mmr/reference/pre_20230319/source/pre_20230319.fr.pdf">100 milliards de francs suisses</a> (équivalent à 100 milliards d’euros) pour sécuriser l’opération de rachat de Credit Suisse par UBS qu’elle a orchestrée avec les autorités de supervision financière (Finma) et qui revient à unir deux groupes systémiques pour les faire accoucher d’un encore plus grand colosse aux pieds d’argiles. Le bilan de ces deux banques centrales est ainsi reparti à la hausse, et le resserrement de la politique monétaire aura fait long feu de ce point de vue.</p>
<h2>Communication habile ?</h2>
<p>Pour autant, la Fed a maintenu, le 22 mars dernier, sa décision de <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/la-fed-releve-ses-taux-malgre-les-turbulences-bancaires-956249.html">relever de 25 points de base ses taux directeurs</a> (ce qui les porte entre 4,75 et 5 %), la BNS le lendemain aussi, emboîtant le pas de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-centrale-europeenne-bce-24704">Banque centrale européenne (BCE)</a> quelques jours plus tôt et relevant comme elle de 50 points de base son taux directeur pour le porter à 1,50 % (la BNS partait de plus bas que la BCE car elle a appliqué des taux directeurs négatifs pendant la crise sanitaire).</p>
<p>On pourrait y voir une communication habile visant à convaincre les investisseurs qu’il n’y avait pas de risque de crise bancaire systémique. Mais n’est-ce pas là plutôt une nouvelle marque de l’aveuglement des banques centrales aux conséquences de leurs décisions de politique monétaire pour la stabilité financière ? Car la crise bancaire actuelle n’est-elle pas due au retournement du cycle financier que la politique monétaire a produit : les bilans bancaires ont surfé sur la vague des liquidités déversées à flot ces quinze dernières années, et tombent quand le resserrement vient casser la vague. Les banques centrales doivent alors, une fois de plus, rouvrir les écoutilles, etc., etc.</p>
<p>La conclusion qui en tout cas s’impose à voir les banques centrales se démener une nouvelle fois pour sauver les banques est que l’argent peut bel et bien être « magique ». Il est donc grand temps d’en faire bon usage. Pas pour sauver le capitalisme en perdition mais pour le transformer en profondeur et réaliser le bien commun en le mettant notamment <a href="https://theconversation.com/politique-monetaire-verte-un-grand-pas-pour-la-bce-un-petit-pas-pour-le-climat-186686">au service des objectifs climatiques</a>.</p>
<hr>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/519000/original/file-20230403-24-b0f4c4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/519000/original/file-20230403-24-b0f4c4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519000/original/file-20230403-24-b0f4c4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=771&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519000/original/file-20230403-24-b0f4c4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=771&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519000/original/file-20230403-24-b0f4c4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=771&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519000/original/file-20230403-24-b0f4c4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=969&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519000/original/file-20230403-24-b0f4c4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=969&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519000/original/file-20230403-24-b0f4c4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=969&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Cet article est publié dans le cadre du <a href="https://www.printempsdeleco.fr/programme">Printemps de l’économie 2023</a>, qui s’est déroulé du 5 au 7 avril au Conseil économique social et environnemental à Paris et dont The Conversation France était partenaire</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204397/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jézabel Couppey-Soubeyran est membre de l'Institut Veblen et de la chaire énergie et prospérité. Elle a reçu des financements de ces organisations.</span></em></p>Les chutes de Silicon Valley Bank et du Credit Suisse ont poussé la Réserve fédérale américaine et la Banque nationale suisse à déverser à nouveau des liquidités sur les marchés.Jézabel Couppey-Soubeyran, Maîtresse de conférences en économie, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2044232023-04-26T17:13:21Z2023-04-26T17:13:21ZLes récentes faillites bancaires auraient-elles pu être évitées avec plus de femmes dirigeantes ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/522650/original/file-20230424-18-v2g5y1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C14%2C1173%2C822&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Credit Suisse, racheté en urgence mi-mars par UBS, ne compte que 23&nbsp;% de femmes dans son conseil d’administration.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bâtiment_du_Crédit_Suisse_à_Lausanne,_avril_2019.jpg">Benoît Prieur/Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Début mars, suite à l’effondrement de la <a href="https://theconversation.com/faillite-de-la-silicon-valley-bank-pourquoi-les-risques-dune-nouvelle-crise-financiere-restent-limites-201650">Silicon Valley Bank</a>, les marchés financiers exprimèrent de sérieux doutes sur la solvabilité de certaines banques européennes. Le <a href="https://theconversation.com/credit-suisse-les-lecons-dune-lente-descente-aux-enfers-202363">Credit Suisse</a> fut la première affectée. Cette défiance était l’aboutissement de prises de risque par la banque qui conduisirent à des pertes importantes (plus de 3 milliards de dollars américains avec la défaillance de Greenshill puis de 5 milliards avec celle d’<a href="https://theconversation.com/finance-ce-que-la-chute-du-fonds-archegos-peut-changer-158907">Archegos Capital</a>) mais aussi à une attrition des dépôts qui s’est très nettement accélérée en mars.</p>
<p>Un processus de « bank run » (<a href="https://theconversation.com/des-paniques-bancaires-sont-elles-toujours-a-craindre-195066">panique bancaire</a>) s’est mis en place : par crainte d’une défaillance, les déposants retirent leurs avoirs de la banque, conduisant à la faillite de cette dernière dans une logique de <a href="https://www.latribune.fr/blogs/mieux-dans-mon-job/20111117trib000671531/du-bon-usage-des-propheties-autorealisatrices-.html">prophétie auto-réalisatrice</a> bien identifiée par la théorie financière. Le 19 mars 2023, à l’instigation des autorités helvétiques, pour être sauvé de la faillite, le Credit Suisse fut racheté par UBS.</p>
<p>Cette faillite fit rejaillir les <a href="https://theconversation.com/la-deregulation-bancaire-aux-etats-unis-a-t-elle-ressuscite-les-ruees-bancaires-202698">fantômes de la crise de 2008-2009</a>. Elle interrogea également le rôle et l’efficacité des instances de gouvernance des banques, notamment du conseil d’administration (CA). Quelques jours avant que la crise bancaire n’éclate, Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne (BCE), avait ainsi <a href="https://start.lesechos.fr/societe/egalite-diversite/pourquoi-les-femmes-sont-de-meilleures-dirigeantes-selon-christine-lagarde-1914098">réinsisté sur le rôle important des femmes</a>, en écho à sa citation prononcée quelques années plus tôt : « si Lehman Brothers s’était appelé Lehman Sisters, la banque aurait eu un meilleur contrôle de ses risques financiers ».</p>
<p>En 2019, dans The Conversation, nous avions exploré cette <a href="https://theconversation.com/christine-lagarde-a-t-elle-raison-lehman-sisters-aurait-elle-fait-faillite-en-2008-125600">hypothèse</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1186910558337032192"}"></div></p>
<p>Les tumultes financiers actuels conduisent à reposer la question : est-ce que la féminisation des conseils d’administration des banques européennes affecte la qualité des risques financiers qu’elles prennent et leur évaluation par les marchés financiers ?</p>
<p>En Europe, la féminisation des CA des banques se caractérise par une grande disparité. Certaines banques, notamment dans les pays qui imposent des quotas, sont proches de la parité. Nordea compte 50 % de femmes, Swedbank 45 % ou BNPParibas 43 %. D’autres beaucoup moins, Raiffensen ne compte aucune femme et Deutsche Bank seulement 11 %. Le Credit Suisse, n’en compte que 23 % (pourcentages calculés à partir des rapports annuels 2020).</p>
<p>Nous avons analysé deux critères de performance de 36 banques européennes à l’aune de la féminisation des CA : la performance boursière depuis 2010 et le niveau de risque mesuré par la volatilité du cours de bourse sur 360 jours.</p>
<p>Il ressort d’abord de notre analyse que la performance boursière des banques entre 2010 et 2023 et fortement corrélée à la féminisation des conseils d’administration (r=0,435). Le cas de Credit Suisse est extrême et pourrait fausser le résultat statistique. Si on fait abstraction de cette banque, le coefficient de corrélation est similaire (r=0,414).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/522763/original/file-20230425-22-8165b9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/522763/original/file-20230425-22-8165b9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522763/original/file-20230425-22-8165b9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522763/original/file-20230425-22-8165b9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522763/original/file-20230425-22-8165b9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522763/original/file-20230425-22-8165b9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522763/original/file-20230425-22-8165b9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522763/original/file-20230425-22-8165b9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Quant à la volatilité des banques européennes, qui mesure du risque sur 360 jours dans notre étude, est négativement corrélée avec le pourcentage de femmes au CA (r=-0,420). Si l’on fait abstraction du Credit Suisse, cette corrélation est même plus importante (r=0,543).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/522764/original/file-20230425-22-ng2uh4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/522764/original/file-20230425-22-ng2uh4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522764/original/file-20230425-22-ng2uh4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522764/original/file-20230425-22-ng2uh4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522764/original/file-20230425-22-ng2uh4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522764/original/file-20230425-22-ng2uh4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522764/original/file-20230425-22-ng2uh4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522764/original/file-20230425-22-ng2uh4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En théorie, un investissement plus risqué doit avoir une performance boursière plus élevée pour intéresser un investisseur. Le fait que les actions des banques les plus féminisées soient à la fois plus performantes et moins risquées représente un investissement particulièrement attractif puisqu’un investisseur obtient plus de performance tout en prenant moins de risque.</p>
<h2>Un effet optimal à la parité</h2>
<p>La relation entre diversité et performance n’est pas strictement linéaire. Elle se caractérise par un effet de seuil et une accélération de l’effet au-delà de 33 %. Rosabeth Kanter, la sociologue d’Harvard, avait insisté dans son fameux article de 1977 sur la nécessité d’une <a href="https://www.hbs.edu/faculty/Pages/item.aspx?num=10404">taille critique entre 20 % et 40 %</a> pour qu’une minorité de femmes influence réellement le fonctionnement d’une organisation. Dans un article académique récent, nous avons identifié de manière empirique que ce seuil était <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09585192.2022.2093121">autour de 33 %</a>.</p>
<p>Nous retrouvons ce seuil pour les banques. La performance boursière s’accélère au-delà du seuil de 33 % de femmes au CA : leur cours de bourse a augmenté de 110 % depuis 2010 alors que celles qui ont moins de 33 % de femmes ont vu leur cours baisser de 4 %.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/522765/original/file-20230425-3183-un3doh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/522765/original/file-20230425-3183-un3doh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522765/original/file-20230425-3183-un3doh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522765/original/file-20230425-3183-un3doh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522765/original/file-20230425-3183-un3doh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522765/original/file-20230425-3183-un3doh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522765/original/file-20230425-3183-un3doh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522765/original/file-20230425-3183-un3doh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les résultats sont similaires pour la volatilité (et donc le niveau de risque). La volatilité des banques ayant plus de 33 % de femmes dans leur conseil d’administration est de 35,18, soit 22 % inférieure à celles qui en ont moins de 33 % (45,38). Elles sont donc moins risquées.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/522766/original/file-20230425-20-2glf33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/522766/original/file-20230425-20-2glf33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522766/original/file-20230425-20-2glf33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=437&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522766/original/file-20230425-20-2glf33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=437&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522766/original/file-20230425-20-2glf33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=437&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522766/original/file-20230425-20-2glf33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=550&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522766/original/file-20230425-20-2glf33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=550&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522766/original/file-20230425-20-2glf33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=550&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les banques dont les conseils d’administration sont les plus féminisés constituent donc un investissement plus performant et moins risqué. Cela se traduit dans la valorisation boursière : les banques qui ont plus de 33 % de femmes au CA affichent un <em>Price-earning ratio</em> (PeR), ratio destiné à évaluer le prix d’un titre par rapport au bénéfice attendu, de 9,4 contre 7,9 pour celles qui ont moins de 33 % ; soit une surcote de près de 20 %.</p>
<p>La différence est plus marquée pour le <em>Price to Book</em>, qui mesure la valeur boursière ramenée à la valeur comptable de l’entreprise : les banques avec plus de 33 % de femmes au CA ont une surcote de l’ordre de 50 % (1,01 contre 0,67). Les valeurs les plus chères, celles pour lesquelles le marché est prêt à payer une surcote, sont celles de meilleure qualité. Qualité de l’investissement et féminisation sont donc très corrélées.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Notons également que les banques du dernier quartile des plus féminisées (6 banques entre 43 % et 50 % de femmes au CA), donc proches de la parfaite mixité, affichent les meilleures performances. La performance boursière de ces 6 banques est de +215 % depuis 2010 (contre -4 % pour les banques avec moins de 33 % de femmes au CA) et une volatilité de 29,8 (contre 45,38 pour les banques avec moins de 33 % de femmes au CA). Ceci renforce la conclusion de notre précédente recherche selon laquelle la parité est le meilleur contributeur à la performance des entreprises.</p>
<h2>Un contrôle plus rigoureux</h2>
<p>Comment expliquer cette surperformance ? Elle s’explique d’abord car la diversité constitue un facteur de meilleure appréciation des risques. Un enseignement majeur de la sociologie est que la société <a href="https://journals.openedition.org/rfp/4494">ne construit pas les femmes et les hommes de manière identique</a>. Cette hétérogénéité dans la construction sociale apporte une diversité de connaissances, de compétences, d’expériences, de croyances, de valeurs et de styles de leadership qui permet d’améliorer les processus de décision par la confrontation de différentes perspectives et une <a href="https://www.cairn.info/revue-agrh1-2018-2-page-83.htm">meilleure compréhension de l’hétérogénéité des facteurs de risques</a>. Inversement, un groupe socialement homogène tend à prendre des décisions similaires et à suivre un comportement moutonnier qui peut générer des dysfonctionnements organisationnels et une mauvaise appréciation des risques.</p>
<p>En outre, la diversité favorise un meilleur contrôle des risques. D’autres travaux académiques ont en effet montré que les femmes des CA <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0304405X09001421">exercent de manière plus rigoureuse leur fonction de contrôle</a> des dirigeants de l’entreprise. En conséquence, les marchés financiers estiment que les banques au CA les plus féminisées sont également les moins risquées.</p>
<p>Actuellement, les efforts en matière de parité restent en grande partie liés à l’intervention du législateur qui impose des quotas de femmes au nom de la justice sociale et de l’égalité d’accès entre les sexes aux plus hautes instances de gouvernance. La Banque centrale européenne et les législateurs des pays dans lesquels il n’y a pas de quotas strictement obligatoires, notamment la Suisse, devraient donc en imposer, non pas seulement au nom de l’égalité des chances, mais également pour améliorer le contrôle des risques et la performance des banques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204423/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une étude montre que les banques qui comptent le plus de femmes dans leur conseil d’administration sont à la fois plus performantes et moins risquées.Michel Ferrary, Professeur de Management à l'Université de Genève, Chercheur-affilié, SKEMA Business SchoolStéphane Déo, Professeur affilié, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2027642023-04-06T16:20:48Z2023-04-06T16:20:48ZLa Croatie dans la zone euro, l’aboutissement de 30 ans de redressement économique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/517866/original/file-20230328-962-6huuv3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=173%2C114%2C849%2C531&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le tourisme, premier facteur de la vitalité économique croate.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Croatian_flag_at_the_Ferry_Port_of_Split,_Croatia_%2848693929002%29.jpg">Dronepicr/Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le 1<sup>er</sup> janvier dernier, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/croatie-57087">Croatie</a> est devenue le 20<sup>e</sup> pays à rejoindre officiellement la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/zone-euro-54680">zone euro</a>. Au regard du contexte marqué par la guerre en Ukraine et l’inflation, il peut sembler anachronique pour ce petit pays de la côte Adriatique de 4 millions d’habitants d’adhérer à la monnaie unique. Surtout dans une <a href="https://www.boursorama.com/bourse/devises/taux-de-change-euro-dollar-EUR-USD/">période de baisse de la devise européenne</a> et alors que les effets de la crise des dettes souveraines en Europe (2011-2015) restent patents en <a href="http://visualdata.cepii.fr/CountryProfiles/fr/?country=Gr%C3%A8ce">Grèce</a> et en <a href="http://visualdata.cepii.fr/CountryProfiles/fr/?country=Italie">Italie</a>, baisse du niveau de vie dans les deux pays depuis 2011.</p>
<p>La question de l’élargissement de la zone euro prend en outre un sens particulier depuis la crise du Covid-19, au cours de laquelle des financements gagés sur l’ensemble des pays membres de la zone euro ont été débloqués. Les émissions d’obligations portées par la zone euro pourraient également à l’avenir financer des politiques communes européennes pour la défense, l’approvisionnement, l’innovation et le développement durable.</p>
<p>Différentes crises de l’euro ont jalonné l’histoire de la monnaie unique et elles ont pour origine la notion <a href="https://www.cairn.info/revue-l-economie-politique-2015-2-page-28.htm?ref=doi">« d’incomplétude » de la monnaie unique</a>. La création de l’euro n’a pas débouché sur une union politique <a href="https://www.persee.fr/doc/reco_0035-2764_1964_num_15_1_407595_t1_0145_0000_001">permettant une politique budgétaire</a> à l’échelle européenne ni sur une <a href="https://www.experimentalforschung.econ.uni-muenchen.de/studium/veranstaltungsarchiv/sq2/mundell_aer1961.pdf">zone monétaire optimale</a>. L’Union économique et monétaire (UEM) s’est réalisée <a href="http://gesd.free.fr/krugman93.pdf">sans réaliser de convergence économique réelle</a> des pays. L’absence d’union politique sur les grandes questions majeures, notamment fiscales, demeure un frein aujourd’hui qui empêche de créer une solidarité entre les différents États européens.</p>
<p>Néanmoins, la Croatie a des avantages à tirer de son entrée dans la zone euro : sa spécialisation (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/tourisme-21268">tourisme</a> et banque) rend son économie moins sensible à la compétitivité-prix que les pays plus tournés vers l’industrie manufacturière délocalisable. Par ailleurs, le pays a un faible poids économique dans le monde et une faible population. Il a donc intérêt (comme la Slovénie, les pays baltes) à appartenir à la zone euro pour participer à la politique monétaire européenne, ce qu’il fait en soutenant la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) depuis janvier. De plus, bon nombre d’activités du tourisme, notamment pour les touristes venus d’Allemagne, elles se <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/croatie-leuro-schengen-recompenses-dune-integration-reussie/00105692">font déjà pour une grande partie en euro</a>. Les emprunts immobiliers des citoyens et les emprunts des entreprises sont aussi déjà réalisés partiellement en euros pour obtenir des taux d’intérêt plus faibles.</p>
<p>Au-delà de ces avantages, l’intégration dans le club de la monnaie unique couronne le succès économique de la Croatie depuis la guerre et l’éclatement de la Yougoslavie au début des années 1990.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Dans une étude récente (disponible en PDF sur demande), nous avons dégagé les caractéristiques économiques et monétaires qui l’expliquent à partir de l’examen du taux de change de la kuna (la devise croate avant l’euro) et de la <a href="https://www.elibrary.imf.org/display/book/9781589068155/9781589068155.xml">balance des paiements</a> (document qui retrace les flux économiques, financiers et monétaires entre un pays et l’extérieur sur une période donnée).</p>
<h2>Une spécialisation gagnante dans le tourisme</h2>
<p>L’analyse du taux de change, de la spécialisation et du financement de l’économie croate a dégagé différentes facettes de l’insertion de la Croatie dans l’économie mondiale. Depuis 2000, la kuna s’est nettement appréciée par rapport au dollar (à l’exception de la crise des subprimes). Et, à partir de 2009, la hausse du taux de change nominal s’est réalisée sans perte de compétitivité-prix, mesurée par l’indicateur du taux de change réel externe.</p>
<p>En effet, les prix relatifs de la Croatie par rapport à ses pays partenaires ont diminué. La Croatie a été <a href="https://www.tradesolutions.bnpparibas.com/fr/explorer/croatie/les-chiffres-du-commerce-exterieur">moins inflationniste que ses principaux pays partenaires</a> : à l’exportation la Slovénie, l’Italie, l’Allemagne, la Hongrie, et la Bosnie-Herzégovine et à l’importation l’Allemagne, l’Italie, la Slovénie, la Hongrie, et l’Autriche.</p>
<p>Plus précisément, comme on le voit sur le graphique ci-dessous, entre février 2009 et octobre 2022, la compétitivité-prix de la Croatie s’est redressée de 6,3 % malgré une appréciation du change grâce à une politique de désinflation compétitive : les prix relatifs croates ont diminué de 8,3 %. Cela n’a pas été le cas pour la Bulgarie et la Roumanie qui souhaitaient aussi rejoindre l’euro.</p>
<p><iframe id="ntqfo" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ntqfo/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’amélioration de la compétitivité-prix et la hausse du taux de change ont aidé à approfondir la spécialisation de la Croatie dans le tourisme. Le gain a en effet été utilisé pour développer son tourisme car cette activité n’est pas « délocalisable », à l’inverse de l’industrie manufacturière. (Le taux de change de la kuna a aussi bénéficié d’une montée en gamme). La hausse du taux de change de la kuna a, de son côté, favorisé une montée en gamme des activités de tourisme par rapport à ses partenaires : en conséquence les flux de recettes en kuna ont augmenté.</p>
<p>L’excédent de la balance du tourisme et celui de la balance des revenus secondaires (contributions aux organismes internationaux comme le Fonds monétaire international et l’Union européenne, aide internationale et envois d’argent à l’étranger) ont réduit l’ampleur de son déficit courant. Depuis son adhésion à l’UE, la Croatie a enregistré un excédent courant (sauf pour l’année 2020) en dépit de son déficit commercial.</p>
<p><iframe id="R7H8S" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/R7H8S/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>À titre de comparaison, la balance courante roumaine se détériore et celle de la Bulgarie a moins bien encaissé le choc de la crise de 2008.</p>
<p><iframe id="dkLvf" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/dkLvf/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Grâce à la maitrise des entrées de capitaux sur son territoire, la Croatie échappe ainsi au <a href="https://eml.berkeley.edu/%7Eeichengr/research/ospainaug21-03.pdf">« cercle vicieux » de l’endettement</a> qui touche les économies émergentes. Jusqu’en 2014, les entrées de capitaux privés ont toujours été supérieures au besoin de financement courant de la Croatie, ce qui lui a permis de reconstituer ses réserves de change en devises fortes. La nature des entrées de capitaux a également joué un rôle. Les entrées nettes d’investissements directs étrangers (IDE) en Croatie ont compensé les sorties nettes d’investissements de portefeuille lors des différentes crises en Europe.</p>
<h2>Notée « A4 »</h2>
<p>La spécialisation dans le tourisme et la maitrise des entrées de capitaux privés ont permis à la Croatie d’accroître son niveau de vie depuis 1993 (voir indicateurs ci-dessous). En 2022, le PIB/tête en parité de pouvoir d’achat (PPA) mesuré en dollars de la Croatie a atteint 30 871 dollars PPA, juste derrière la Roumanie (31 420 dollars). Mais l’indice de développement humain (IDH), qui inclut le revenu, l’espérance de vie et le niveau d’éducation, dépasse celui de certains pays d’Europe centrale et orientale (PECO) : Hongrie, Slovaquie, Roumanie et Bulgarie.</p>
<p><iframe id="GN1hJ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/GN1hJ/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’insertion internationale réussie de la Croatie l’a aidée à entrer dans le compartiment d’investissement « A4 » du risque pays, ce qui n’est pas le cas pour la Roumanie ou la Bulgarie (voir tableau ci-dessous). L’amélioration de la note croate correspond à tous les indicateurs à l’exception de celui de la dette publique qui est en baisse depuis 2020. Le solde budgétaire a été positif jusqu’au début de la crise sanitaire. Si l’inflation a augmenté en Europe depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, elle demeure plus limitée en Croatie que pour les autres PECO.</p>
<p><iframe id="YSNk2" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/YSNk2/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En faisant partie de la zone euro, la prime de risque de la Croatie diminue. Le 29 mars 2023, la prime de risque du bon du Trésor croate à 10 ans était par exemple de <a href="http://www.worldgovernmentbonds.com/spread/croatia-10-years-vs-germany-10-years/">149.3 points de base</a> par rapport au bond du Trésor à 10 ans allemand, à comparer avec le 604.3 affiché par la Hongrie.</p>
<p>Trois mois après avoir adopté la monnaie unique, les perspectives restent favorables pour l’économie croate. Son entrée dans la zone euro, qui se cumulait avec son intégration dans l’espace Schengen, vont favoriser le tourisme dès cet été. Les entrées de capitaux en euros vont également être stimulées par la fin du risque de change. Autrement dit, les pays étrangers qui investissent en Croatie vont désormais pouvoir rapatrier leurs profits en euros alors qu’auparavant les profits étaient libellées en kunas. Si le taux de change de la kuna baissait, les investisseurs étrangers encouraient ce risque de change qui disparaît.</p>
<p>Néanmoins, comme l’inflation est plus forte en Croatie (11 % en 2022) que dans la zone euro (8,4 %). Le gouvernement croate <a href="https://www.moneycontroller.fr/forum-financier/obligations-etat-ecarts-et-taux-interet/croatie-euro-taux-9021">va donc soutenir la BCE)</a> dans sa politique de hausse du taux d’intérêt directeur pour faire baisser l’inflation dans le pays. Les pays où l’inflation est moindre ne manqueront pas de plaider le contraire, en alarmant sur les risques qui pourraient peser sur le système financier et l’économie en cas de relèvement trop brutal des taux. En intégrant la zone euro, la Croatie va donc devoir apprendre à négocier sa politique monétaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202764/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Camille Baulant ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La stratégie de spécialisation dans le tourisme a permis à ce petit pays de la côte Adriatique d’adopter début 2023 la monnaie unique, qui lui procure désormais de nouveaux avantages.Camille Baulant, Professeure des université en sciences économiques, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2021602023-03-21T00:14:50Z2023-03-21T00:14:50ZFaillites bancaires : le retour de bâton des politiques de taux bas des banques centrales<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/516353/original/file-20230320-20-hvqobw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=392%2C22%2C943%2C765&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour enrayer la hausse des prix, les politiques monétaires ont conduit à resserrer l’accès au crédit.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1638987">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En rédigeant <a href="https://classiques-garnier.com/taux-d-interet-negatifs-le-trou-noir-du-capitalisme-financier-essai.html">l’essai</a> que j’ai consacré aux <a href="https://www.youtube.com/watch?v=9drkIQNOE40">taux négatifs</a>, à l’été 2016, je suis tombé un peu par hasard, sur un rapport publié l’été précédent par le groupe des 30, think tank réunissant des grands argentiers (banquiers centraux et ministres des finances) à la retraite et quelques banquiers privés. Ouvrage stupéfiant, intitulé <a href="https://group30.org/images/uploads/publications/G30_FundamentalsCentralBanking.pdf"><em>Fundamentals of central banking. Lessons from the crisis</em></a>, en réalité véritable confession des erreurs des banquiers centraux, dans leur vision de l’économie, dans la prévention de la crise financière de 2008 et, surtout, dans sa gestion par les politiques non conventionnelles.</p>
<p>La dernière partie du rapport était consacrée aux différentes voies envisageables pour un « retour à la normale » sans qu’un consensus se dégage quant à la prévention des dérives du crédit et sans trancher, pour y remédier, entre le risque d’en faire trop/trop tôt et de plonger les économies en récession et celui d’en faire trop peu ou trop tard et de créer les conditions d’une rechute plus violente. Bizarrement, ce rapport n’a eu pratiquement aucun écho dans la sphère financière et encore moins dans le monde académique.</p>
<p>Dans l’essai précité, sous-titré <em>Le Trou Noir</em>, j’avançais l’idée que les taux zéro, qui permettent aux banques de se financer quasi gratuitement auprès de la banque centrale, voire négatifs, et les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/assouplissement-quantitatif-84573">assouplissements quantitatifs</a> (programmes de rachats massifs d’actifs privés et publics), ou« quantitative easing » (QE), tout en évitant l’écroulement d’un système surendetté, créaient effectivement les conditions d’une prochaine crise, encore plus profonde.</p>
<p>Ces <a href="https://theconversation.com/fr/topics/politique-monetaire-39994">politiques monétaires</a>, mises en place aux États-Unis en réponse à la crise de 2008 et dans la zone euro en 2015 pour protéger la dette souveraine des États membres, ont en effet favorisé l’accroissement incontrôlé de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/endettement-24846">endettement</a>. En conséquence, des opérations à levier financier et des <a href="https://theconversation.com/bourses-un-scenario-de-bulles-localisees-se-dessine-155885">bulles d’actifs</a> se sont développées.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/i2aAwJ6ElcI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Survalorisation des actifs financiers : attention danger ! (Xerfi canal, 2022).</span></figcaption>
</figure>
<p>J’ajoutais alors que tout délai pour y mettre fin, alors que les économies étaient reparties, ne ferait qu’élargir le fossé entre l’euphorie du moment et la catastrophe à venir.</p>
<h2>Trou noir, épisode 1</h2>
<p><a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/S2043-905920210000015012/full/html?skipTracking=true">À l’été 2019</a>, j’ai tenté, sans rencontrer beaucoup d’échos, de mettre en évidence la gravité, dans cette optique, de la volte-face de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reserve-federale-etats-unis-120711">Réserve fédérale américaine (Fed)</a> qui, après avoir enfin amorcé une normalisation de sa politique monétaire, avait dû se soumettre aux injonctions du président Donald Trump et de la bourse et revenir sans tarder à une politique hyperaccommodante.</p>
<h2>Trou noir, épisode 2</h2>
<p>Le schéma du trou noir semblait alors parfaitement en place. La « colère du marché » de novembre 2018, expression employée par Hervé Hannoun, autre ex-banquier central non complaisant et co-auteur d’un ouvrage percutant, <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3060168"><em>Revolution Required, the Ticking Bomb of the G7 Model</em></a>, pour désigner la baisse violente de Wall Street à l’automne 2018, était le signal de l’intolérance absolue de la sphère financière et, par ricochet, de l’économie tout entière à l’interruption du flot d’argent gratuit.</p>
<p>Les banques centrales se trouvaient donc prises à leur propre piège. Les remèdes monétaires aux déséquilibres structurels des économies occidentales étaient devenus parfaitement iatrogènes. Les arrêter déclencherait crise financière et récession ; les poursuivre aggraverait le risque d’instabilité financière ultérieure.</p>
<p>On peut toujours imaginer que cette façon de toujours repousser les « aggiornamento » douloureux aurait pu continuer de recueillir la confiance mimétique et autoproduite des marchés. Sauf que le monde financier, même s’il s’emploie à y croire avec un acharnement croissant depuis une vingtaine d’années, ne peut vivre éternellement hors du monde réel et s’expose à des retours sur terre aussi brutaux qu’imprévisibles.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Dans les causes externes d’une reconnexion en forme de déraillement, il était convenu d’évoquer les risques géopolitiques, sociopolitiques (populisme), environnementaux, nucléaires… personne ou presque n’avait considéré le risque sanitaire et la double conséquence d’une pandémie, fût-elle de faible létalité, sur la conduite des affaires monétaires :</p>
<p>1/ la relance des plans de QE en 2020, ou plutôt la mise en route de <a href="https://theconversation.com/lhelicoptere-monetaire-le-dernier-recours-des-politiques-economiques-134672">l’hélicoptère monétaire</a> dans sa version « dépense publique financée par émission de dette instantanément monétisée » ; 2/ l’impact sur les capacités de production (à l’arrêt pour cause de confinement ou freinées par des goulots d’étranglement).</p>
<p>Dans un monde gavé de liquidités, ce choc d’offre, alors que la demande restait soutenue par le « quoi qu’il en coûte » général, allait créer immanquablement la résurgence d’une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">inflation</a> que la génération aux affaires pensait enterrée pour toujours. L’invasion de l’Ukraine par la Russie et la renaissance d’une capacité de négociation salariale, elle aussi éteinte depuis deux décennies, firent le reste.</p>
<p>Face à la flambée des prix, les taux directeurs des banques centrales, c’est-à-dire le taux auquel elles prêtent de l’argent aux banques commerciales, ont <a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">commencé à remonter depuis le printemps 2022 aux États-Unis et l’été 2022 eu Europe</a>. Au plancher depuis des années, ils atteignent aujourd’hui respectivement 4,75 % et 3,5 %.</p>
<p><iframe id="Et6cW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Et6cW/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="AkVL7" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/AkVL7/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Avant même ce resserrement monétaire, le trilemme des banques centrales était déjà bien identifié :</p>
<ul>
<li><p>Les effets iatrogènes des politiques non conventionnelles nécessitaient d’y mettre fin sans délai.</p></li>
<li><p>Il était impératif de reconstituer des marges de manœuvre en termes de taux d’intérêt et de taille de bilan pour reconstituer un pouvoir contra-cyclique.</p></li>
<li><p>Mais la fragilité des marchés financiers (l’ampleur des opérations à levier d’endettement) rendait l’opération extrêmement périlleuse.</p></li>
</ul>
<p>Après avoir digéré les facteurs conjoncturels exceptionnels du premier semestre 2022, l’inflation, quatrième élément du puzzle, a certes bien décéléré depuis son pic de l’été 2022, mais elle semble aujourd’hui nourrie par des éléments structurels, dont la renaissance d’un pouvoir social revendicatif. Elle vient de donc de s’ajouter à ce véritable casse-tête à un moment où le secteur bancaire semble à nouveau en grande difficulté.</p>
<h2>Trou noir, épisode 3 ?</h2>
<p>Les crises financières commencent presque toujours par des crises bancaires qui ont quant à elles toujours pour cause une solvabilité insuffisante résultant d’une transformation excessive ou, plus pour le dire plus techniquement, d’une asymétrie d’exigibilité entre dettes et créances. Dans le cas de Silicon Valley Bank (SVB), il s’agirait du réemploi en titres longs (<em>treasuries</em>), valorisés au marché, de liquidités à exigibilité immédiate, déposées par les start-up californiennes. D’un côté (actif), le resserrement monétaire a sérieusement déprécié les obligations et de l’autre (passif) lesdites start-up ont brulé leur cash plus rapidement que prévu.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/faillite-de-la-silicon-valley-bank-pourquoi-les-risques-dune-nouvelle-crise-financiere-restent-limites-201650">Faillite de la Silicon Valley Bank : pourquoi les risques d’une nouvelle crise financière restent limités</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>S’agit-il, comme on le disait en 2007 au déclenchement de la crise des subprimes, d’une fracture profonde mais étroite sans risque de propagation ? Après tout, cela ne concernerait que des banques régionales américaines, la SVB apparaissant toutefois, avant de s’écrouler, comme la 16<sup>e</sup> banque américaine en termes de bilan. Ou cela constitue-t-il, au contraire, un signal précurseur de problèmes beaucoup plus graves liés à la généralisation de l’effet de levier dans le système financier (y compris via le <em>shadow banking</em>, c’est-à-dire l’ensemble des activités financières non règlementées), favorisée par les politiques monétaires expansives menées partout dans le monde ? D’après Moody’s, les obligations représentent 80 % des actifs détenus par les banques américaines, contre seulement 40 % pour les banques européennes.</p>
<p>L’assouplissement par Donald Trump des règles bancaires instaurées par le Dodd-Franck act, pâle réplique mise en place, après la crise de 2008, du Glass Steagall act aboli par le président Bill Clinton, a servi de cadre à un nouveau laisser-aller coupable dans la surveillance des risques sur les banques « moyennes ». Révélateurs du relâchement général, les emprunts destinés à financer les <a href="https://theconversation.com/la-vague-inquietante-des-rachats-dactions-sur-les-bourses-americaines-117766">rachats d’actions</a> sont devenus les nouveaux moteurs de l’euphorie boursière.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/rachats-dactions-face-aux-exces-des-marches-une-regulation-encore-trop-timide-191179">Rachats d’actions : face aux excès des marchés, une régulation encore trop timide</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Quant au caractère « régional » de l’affaire (jusqu’au <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/crise-du-credit-suisse-ubs-accepte-de-doubler-la-mise-pour-racheter-la-banque_5720822.html">rachat, le lundi 20 mars, du Credit Suisse</a>, en grandes difficultés, par sa rivale UBS) il est bon de rappeler encore une fois l’intrication totale du système financier mondial.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1637699909171179520"}"></div></p>
<p>À l’été 2013, l’ancien sous-gouverneur de la Banque de France Jean-Pierre Landau avait présenté au symposium annuel des banquiers centraux, à Jackson Hole aux États-Unis, un papier intitulé <a href="http://www.jeanpierrelandau.com/wp-content/uploads/2013/05/Jackson-Hole-Print.pdf"><em>La Liquidité mondiale, publique et privée</em></a>. Sa thèse était que la surabondance de liquidité au centre du système financier mondial se propage dans toute sa périphérie, du fait des organisations bancaires transnationales et du poids des facteurs « push » qu’elle implique ; cette surliquidité fausse les prix des actifs en attisant l’appétit des investisseurs pour le risque, phénomène auquel s’ajoutent des taux réels trop bas du fait de l’accumulation de réserves de change placées en actifs sans risque des pays avancés.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/516344/original/file-20230320-26-xnjl62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/516344/original/file-20230320-26-xnjl62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/516344/original/file-20230320-26-xnjl62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/516344/original/file-20230320-26-xnjl62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/516344/original/file-20230320-26-xnjl62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/516344/original/file-20230320-26-xnjl62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/516344/original/file-20230320-26-xnjl62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/516344/original/file-20230320-26-xnjl62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"><em>Taux d’intérêt négatifs, le trou noir du capitalisme financier</em>, par Jacques Ninet.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://classiques-garnier.com/taux-d-interet-negatifs-le-trou-noir-du-capitalisme-financier.html">Éditions Classiques Garnier</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Épilogue</h2>
<p>Il est définitivement impossible de prédire quelles seront les conséquences d’un accident financier ou bancaire. Le diagnostic est pourtant sans appel quant à la complexification qu’introduit la lutte contre l’inflation, notamment via le rétablissement de taux réels neutres, dans la conduite des affaires monétaires du monde occidental.</p>
<p>Au-delà de la question de la nature de l’inflation et de la pertinence ou non d’une politique monétaire restrictive (ce que de toute façon elle n’est pas aujourd’hui) pour la combattre, je reste persuadé que la politique des taux zéro a été en son temps le marqueur de la pathologie profonde du capitalise financier occidental, la réponse inefficiente à la contradiction entre son besoin de croissance et le creusement inexorable des inégalités, débouchant sur un endettement, public et privé, toujours croissant.</p>
<p>La mission première des banques centrales est alors devenue la garantie de la solvabilité des États et la préservation de leur possibilité d’emprunter. Dans cette optique, de manière symétrique aux taux zéro dans la décennie 2010, la « lutte contre l’inflation » est devenue à leurs yeux, l’élément central de cette mission de « crédibilisation ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202160/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jacques Ninet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La sphère financière réagit vigoureusement à la fin des taux bas que tentent aujourd’hui de mettre en place la Fed et la BCE pour enrayer l’inflation.Jacques Ninet, Professeur associé, IAE de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1999102023-02-16T20:29:46Z2023-02-16T20:29:46ZL’inflation dans la zone euro : stop ou encore ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/510117/original/file-20230214-24-sxsduh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=120%2C16%2C1072%2C752&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En décembre 2022, l’inflation hors alimentation et énergie avait atteint 5,4&nbsp;%&nbsp;: un record absolu dans la zone euro.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/544915">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En 2022, le taux d’inflation annuel enregistré dans la zone euro fut le plus élevé (<a href="https://www.banque-france.fr/intervention/le-retour-de-linflation-dans-la-zone-euro-et-les-reponses-de-la-politique-monetaire">8,4 %</a>) depuis sa création en 1999, notamment sous l’effet des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement mondial et de la crise énergétique engendrée par le conflit en Ukraine.</p>
<p>La question qui se pose désormais est celle de sa trajectoire en 2023 et au-delà. Faut-il s’attendre à un ralentissement ou à une accélération de la hausse des prix ? En effet, plusieurs facteurs semblent aujourd’hui susceptibles de rapprocher l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">inflation</a> de l’objectif de 2 % de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-centrale-europeenne-bce-24704">Banque centrale européenne (BCE)</a> tandis que d’autres, à l’inverse, risquent de la maintenir à des niveaux élevés.</p>
<h2>Le pire est-il derrière nous ?</h2>
<p>Parmi les facteurs qui laissent penser que la tendance serait plutôt à un ralentissement de l’inflation, on peut déjà noter une baisse des prix des matières premières. Après un pic à 10,6 % en glissement annuel en octobre 2022, les derniers chiffres de janvier ont montré une <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Inflation_in_the_euro_area">baisse à 8,5 %</a>. Cette chute des matières premières depuis leurs sommets historiques explique en grande partie cette décélération de la hausse des prix. En effet, l’alimentation et le logement/énergie représentent 35 % de l’indice global de l’IPCH (indice harmonisé des prix).</p>
<p>En supposant que nous n’assistions pas à une résurgence des tensions sur ces marchés à forte volatilité, l’effet de base (c’est-à-dire corrigé des causes transitoires) sera donc de plus en plus favorable dans les mois à venir, poussant les chiffres de l’inflation globale à la baisse.</p>
<p><iframe id="Aa42X" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Aa42X/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Autre argument qui plaide pour un ralentissement de l’inflation : les anticipations d’inflation. De manière peut être surprenante pour le grand public, ces anticipations constituent en effet l’un des <a href="https://www.cairn.info/macroeconomie--9782100793259-page-356.htm">principaux moteurs de la hausse des prix</a> aujourd’hui. Dans ce contexte, les banquiers centraux surveillent donc attentivement les enquêtes menées auprès des consommateurs et des prévisionnistes professionnels pour évaluer les sentiments d’inflation.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Or, selon le dernier rapport de la BCE, <a href="https://www.ecb.europa.eu/stats/ecb_surveys/consumer_exp_survey/results/html/ecb.ces_results_january_2023_inflation.en.html">ces prévisions des consommateurs</a> commencent à se stabiliser depuis plusieurs mois. Dans le même temps, les <a href="https://www.ecb.europa.eu/stats/ecb_surveys/survey_of_professional_forecasters/html/ecb.spf2023q1%7Eaf876c4cfb.en.html">professionnels</a> ont revu légèrement à la hausse leurs prévisions d’inflation IPCH pour 2023 et 2024 par rapport à l’enquête précédente (pour le quatrième trimestre de 2022), pour s’établir à 5,9 % et 2,7 % respectivement. Dans l’ensemble, ces deux indicateurs constituent un signal positif indiquant que les anticipations d’inflation à moyen terme sont toujours bien ancrées autour de l’objectif de la BCE, et que le scénario d’un dérapage de l’inflation n’est (pour l’instant) que peu probable.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-france-linflation-a-probablement-atteint-son-pic-en-2022-194987">En France, l’inflation a probablement atteint son pic en 2022</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Enfin, il ne faut pas oublier que les actions de politique monétaire mettent du temps à produire leurs effets (<a href="https://www.ecb.europa.eu/press/key/date/2022/html/ecb.sp221011%7E5062b44330.en.html">minimum 12 mois et un pic à 24 mois</a>).</p>
<p>En bref, nous ne ressentirons l’impact de la première hausse des taux d’intérêt de la BCE (en <a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">juillet 2022</a>) qu’à la mi-2023. Si l’économie de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/zone-euro-54680">zone euro</a> a montré quelques signes de ralentissement au dernier trimestre de 2022, l’effet « retardateur » d’une hausse des taux d’intérêt aura certainement un impact plus important sur la croissance en 2023, <a href="https://www.imf.org/en/Publications/WEO/Issues/2023/01/31/world-economic-outlook-update-january-2023">attendue à 0,7 %</a> après 3,5 % l’année dernière.</p>
<p>Cependant, un certain nombre d’arguments peuvent aujourd’hui laisser penser que les prix resteront à un niveau élevé. Tout d’abord, les chiffres de l’inflation restent supérieurs à 7 % dans les grands pays de la zone euro. L’Allemagne, la France et l’Italie n’ont pas sont encore connu de ralentissement significatif. En résumé, les prix des biens européens continuent d’augmenter.</p>
<h2>Un pic au printemps ?</h2>
<p>Les recherches sur la <a href="https://www.ecb.europa.eu/pub/economic-research/research-networks/html/researcher_ipn_briefsummary.en.html">persistance de l’inflation</a> menées par la BCE ont montré que les prix sont actualisés peu fréquemment et de manière irrégulière, ce qui peut entraîner des « effets de second tour » qui mettent du temps à répercuter le choc inflationniste des matières premières au reste de l’économie. Il n’est donc pas surprenant de constater que les prix à la production ne sont pas encore entièrement transférés aux détaillants et grandes surfaces. D’après Michel-Édouard Leclerc, patron de l’enseigne E. Leclerc, la hausse des prix pourrait atteindre un pic « entre avril et juin ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1617186700463046656"}"></div></p>
<p>Il est aussi intéressant de noter que les changements de prix semblent encore plus rares pour les biens industriels non énergétiques et surtout pour les services. Lors de sa dernière <a href="https://www.ecb.europa.eu/press/pressconf/2023/html/ecb.is230202%7E4313651089.en.html">conférence de presse du 2 février dernier</a>, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, a tenu à souligner que l’inflation sous-jacente (hors alimentation et énergie) avait atteint 5,4 % en décembre, soit un record absolu dans la zone euro. La rigidité des prix reste d’ailleurs élevée dans la zone euro (<a href="https://www.ecb.europa.eu/pub/economic-research/research-networks/html/researcher_ipn_briefsummary.en.html">plus qu’aux États-Unis)</a>, ce qui explique la posture « faucon » de certains responsables de la BCE pour lesquels la <a href="https://www.ecb.europa.eu/press/inter/date/2023/html/ecb.in230208%7E028be3e58d.en.html">bataille contre l’inflation n’est pas encore gagnée !</a></p>
<p><iframe id="SuPaB" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/SuPaB/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="UygaG" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/UygaG/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Jusqu’à présent, la boucle inflation-salaire reste maîtrisée malgré les problèmes récurrents de <a href="https://www.ft.com/content/b303207e-1513-4f01-920a-233dbf1a313d">pénurie de main-d’œuvre</a> observée dans plusieurs pays. Toutefois, la BCE estime que le marché de l’emploi, plus que résilient en ce début d’année, pourrait entraîner une hausse des salaires.</p>
<p>Dans les années 1970, la boucle inflation-salaire avait été responsable de la forte persistance de l’inflation après le choc pétrolier. Dans un <a href="https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/scpwps/ecbwp414.pdf">article de recherche</a> publié en 2004, je concluais que le degré de persistance de l’inflation avait progressivement diminué lorsque les autorités monétaires avaient adopté une politique de ciblage de l’inflation, et que <a href="https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/scpops/ecb.op299%7E61d0565cfb.en.pdf">l’indexation des salaires</a> était devenue l’exception plutôt que la norme. Cependant, comme l’a reconnu Christine Lagarde, les salaires constitueront une composante importante de la pression inflationniste dans les mois à venir.</p>
<h2>Jamais à l’abri d’une erreur…</h2>
<p>Il existe un <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-07-14/ecb-is-judged-as-acting-late-after-its-long-goodbye-to-low-rates">consensus</a> sur le fait que la BCE (ainsi que la Réserve fédérale américaine, la Fed) avait tardé à relever son taux d’intérêt directeur l’année dernière.</p>
<p>Verrons-nous une autre erreur de politique de la part des banquiers centraux cette année ? Dans un article du <a href="https://www.ft.com/content/146647c0-8e0d-4497-8ea8-ea5f930d7fcd"><em>Financial Times</em></a>, le journaliste Martin Wolf rappelait que, lorsque l’inflation avait commencé à baisser au début des années 1970, la Fed avait réduit son taux directeur trop tôt. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les contrats à terme sur les taux d’intérêt (produits financiers qui engagent l’achat ou la vente d’un actif à un prix et une date déterminés) prévoient que la Fed comme la BCE pourraient <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2023-01-16/ecb-interest-rates-seen-hitting-peak-of-3-25-before-cut-in-july">baisser leur taux directeur</a> dès cette année !</p>
<p>Au bilan, il reste difficile de dire quels facteurs vont l’emporter, notamment avec le climat d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/incertitude-23726">incertitude</a> que les autorités monétaires et budgétaires ne peuvent contrôler. Même si le consensus s’oriente vers une désinflation progressive de la zone euro, l’économie mondiale n’est pas à l’abri d’autres chocs géopolitiques impossibles à prévoir et qui pourraient nous rapprocher d’une trajectoire réinflationniste similaire aux années 1970. Si l’histoire ne se répète jamais, elle rime souvent, c’est pourquoi l’humilité et la détermination sont peut-être les meilleurs outils dont disposent les pilotes de la politique monétaire pour nous faire atterrir en douceur. </p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-bce-poursuit-son-resserrement-monetaire-mais-doit-composer-avec-de-fortes-incertitudes-199332">La BCE poursuit son resserrement monétaire mais doit composer avec de fortes incertitudes</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<img src="https://counter.theconversation.com/content/199910/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gregory Gadzinski ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quelle sera la trajectoire de la hausse des prix en 2023 dans la zone euro ? Tour d’horizon des arguments en faveur d’une accélération et d’une décélération.Gregory Gadzinski, Associate Professor of Finance, International University of MonacoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1993322023-02-07T19:34:10Z2023-02-07T19:34:10ZLa BCE poursuit son resserrement monétaire mais doit composer avec de fortes incertitudes<p>Ce 8 février 2023, les taux directeurs de la zone euro sont une <a href="https://www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2023/html/ecb.mp230202%7E08a972ac76.fr.html">nouvelle fois relevés</a> par la Banque centrale européenne (BCE) pour atteindre 3 %. La décision était attendue : lors du forum économique de Davos le 19 janvier 2023, sa présidente, Christine Lagarde, avait annoncé que l’institution poursuivrait sur la voie dans laquelle elle s’est engagée au cours de l’année 2022, celle du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/politique-monetaire-39994">resserrement monétaire</a> pour contrer l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">inflation</a> et lutter contre le danger d’une spirale prix-salaires, la hausse des premiers nourrissant celle des seconds et réciproquement.</p>
<p>En mars 2022, Francfort annonçait <a href="https://www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2022/html/ecb.mp220310%7E2d19f8ba60.fr.html">réduire la voilure</a> de son interventionnisme sur les marchés financiers et de sa politique de <a href="https://abc-economie.banque-france.fr/quantitative-easing"><em>quantitative easing</em></a> : finis les achats massifs de titres, en particulier de <a href="https://blocnotesdeleco.banque-france.fr/billet-de-blog/deux-ans-apres-son-lancement-quel-bilan-pour-le-pepp">dettes souveraines</a>. Par la suite, <a href="https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/inflation-la-bce-releve-ses-taux-pour-la-quatrieme-fois-depuis-juillet-944779.html">cinq hausses</a> de taux directeurs ont été décidées entre juillet et février 2023 faisant évoluer son principal taux de 0 à 3 %. Le mouvement, affirme Mme Lagarde, se poursuivra en 2023.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1621214076025053185"}"></div></p>
<p>Augmenter les taux d’intérêt vise à freiner la création de monnaie des banques en <a href="https://www.lexpress.fr/economie/hausse-des-taux-de-la-bce-quelles-consequences-pour-les-emprunteurs_2177438.html">rendant plus cher le crédit</a> : moins de crédits distribués, c’est moins de monnaie disponible à dépenser, une demande de biens et services qui s’en trouve freinée et, dans ce contexte, une tentation moindre pour les producteurs d’augmenter leur prix. Avec le risque, on le comprend, de freiner l’activité et la croissance économique.</p>
<p>Si en théorie, cette relation entre hausse des taux directeurs et baisse de l’inflation existe, la réalité de la zone euro rend incertaine l’efficacité de cette politique monétaire restrictive.</p>
<h2>Le défi de l’hétérogénéité</h2>
<p>D’abord parce que la stratégie de la BCE qui vise à réduire la masse monétaire aura peu d’effets sur la principale composante de l’inflation de la zone, celle des prix énergétiques et des matières premières agricoles : celle-ci est davantage imputable à des facteurs géopolitiques et à des problèmes d’approvisionnement qu’à un excès de monnaie, même si à terme, le <a href="https://podcast.ausha.co/afpaudio-surlefil/augmenter-les-taux-d-interet-recette-miracle-contre-l-inflation">ralentissement de l’économie</a> induit par le resserrement monétaire devrait alléger la tension sur les prix des matières premières.</p>
<p>Ensuite, parce que la BCE est confrontée à une difficulté majeure : l’hétérogénéité des situations inflationnistes en zone euro.</p>
<p>Fin 2022, les taux d’inflation s’étalent dans une fourchette allant de 6,6 % pour l’Espagne à plus de 21 % pour la Lettonie et la Lituanie. Or la BCE ne dispose que d’une série de taux directeurs, identiques pour l’ensemble des pays membres. Les gouverneurs prennent alors leur décision selon une situation moyenne, ce qui conduit parfois à des politiques inadéquates pour les pays qui en sont le plus éloignés. Ainsi, les États baltes sont soumis à un taux directeur de 3 % quand, à titre de comparaison, la Hongrie, hors zone euro, a fixé pour une inflation du même ordre de grandeur un taux à 13 %. Augmenter fortement les taux pour les aider à contrer leur forte inflation pénaliserait les pays où elle est jusqu’à trois fois plus faible, comme la France, le Luxembourg ou l’Espagne.</p>
<p><iframe id="zFc3I" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/zFc3I/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Enfin, l’efficacité de la politique de la BCE reste soumise à des contraintes extérieures qu’elle ne maîtrise pas : la politique plus restrictive de la banque centrale américaine et les anticipations des investisseurs.</p>
<p>Outre que, pour ces raisons, son efficacité semble limitée, le resserrement monétaire de la BCE risque de faire entrer la zone euro en récession et de conduire à sa fragmentation, faisant craindre une résurgence de la crise des dettes souveraines.</p>
<p>Ce sont ces questions que nous étudions dans un article à paraître dans la <em>Revue de l’Union européenne</em>.</p>
<h2>Importe-t-on de l’inflation ou des solutions ?</h2>
<p>Francfort doit composer avec le reste du monde. Sa politique joue en effet sur une variable qui lie les économies et les marchés financiers de la zone euro avec l’extérieur : le taux de change (combien l’euro vaut-il de dollars par exemple).</p>
<p>En théorie, la remontée des taux directeurs est de nature à <a href="https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/marches-financiers/fonctionnement-du-marche/marche-des-changes-forex/#:%7E:text=Le%20march%C3%A9%20des%20changes%20est,des%20termes%20anglais%20FOReign%20EXchange.">attirer les investisseurs internationaux</a> : des taux plus élevés, c’est la promesse de rendements meilleurs à court terme. Ils vont donc se procurer des euros pour investir sur ces marchés devenus plus attractifs. Plus l’euro est demandé, plus son prix augmente : il faudra donner davantage de dollars pour s’en procurer. On dit que la monnaie européenne s’apprécie.</p>
<p>La hausse de l’euro a pour conséquence de réduire le coût des biens et services que la zone euro achète au reste du monde. Si le prix d’un produit facturé en dollar ne change pas, cela reviendra moins cher qu’avant de l’importer en zone euro. En d’autres termes, la hausse de l’euro permettrait d’importer de la désinflation, facilitant ainsi la tâche de la BCE sans sa lutte contre l’inflation.</p>
<p>Là encore, la théorie n’est pas réalité : si l’on échange avec une zone où les taux grimpent vers des cibles plus élevées, c’est l’inverse qui peut se produire. Et c’est précisément le cas avec les États-Unis depuis 2022. La Fed s’est engagée dans une lutte contre l’inflation plus agressive que la BCE : ses taux ont été relevés jusque <a href="https://investir.lesechos.fr/marches-indices/devises-taux/la-fed-releve-ses-taux-directeurs-de-25-points-de-base-dans-la-fourchette-de-45-475-1902789">4,75 % en février 2023</a>, bien au-dessus des 3 % de la BCE, rendant les rendements sur les marchés financiers américains plus attractifs pour les investisseurs.</p>
<p><iframe id="C2ApY" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/C2ApY/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Et pour y investir, ces derniers doivent se procurer des dollars. Davantage demandé, le dollar augmente et avec lui le prix des importations facturées en dollar, en particulier les hydrocarbures et une grande partie des matières premières. Pour la zone euro, cela pèse sur la croissance et dégrade le commerce extérieur qui a connu un déficit record en août 2022 (<a href="https://ec.europa.eu/eurostat/documents/2995521/15131943/6-14102022-AP-FR.pdf/86a0971f-0fa2-64ff-f5a6-ae2a495d6d6d#:%7E:text=En%20cons%C3%A9quence%2C%20la%20zone%20euro,par%20rapport%20%C3%A0%20ao%C3%BBt%202021.">50 milliards d’euros</a>). En mai, l’Allemagne, principale puissance industrielle de la zone, enregistrait même une <a href="https://www.courrierinternational.com/article/le-chiffre-du-jour-l-allemagne-enregistre-un-deficit-commercial-historique">balance commerciale négative</a> pour la première fois depuis sa réunification en 1989.</p>
<p>Le canal du taux de change joue ainsi contre la BCE : la baisse de l’euro accélère l’inflation. Si au dernier trimestre 2022, l’euro a regagné du terrain, annulant une partie de sa baisse sur les premiers mois de l’année, l’interrogation demeure quant à son évolution début 2023. Celle-ci dépendra de facteurs que la BCE ne maîtrise pas : la poursuite et l’ampleur du resserrement monétaire de la FED, la fin possible de la guerre en Ukraine et avec elle la réduction – ou non – des tensions sur les matières premières ou encore la potentielle rupture totale par la Russie des approvisionnements en gaz de l’UE. L’incertitude reste entière.</p>
<h2>Les risques de fragmentation alimentent les peurs</h2>
<p>Ce mécanisme se trouve renforcé par la résilience de l’économie américaine. Nous l’avons dit, augmenter les taux freinera l’activité économique. Or les États-Unis semblent bien résister au resserrement monétaire de la FED : fin 2022, le taux de chômage y est resté stable à <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/etats-unis-le-chomage-au-plus-bas-depuis-cinquante-ans-947072.html">3,5 %</a>, le marché du travail a enregistré davantage de créations d’emplois que prévu et le salaire horaire a continué à progresser (+ <a href="https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/aux-etats-unis-lere-de-labondance-touche-a-sa-fin-pour-les-consommateurs-1900904#:%7E:text=Durant%20les%20trois%20derniers%20mois,%2C1%25%20pour%20les%20prix.">7,4 % sur un an</a>) tandis que l’inflation poursuit son ralentissement (<a href="https://investir.lesechos.fr/marches-indices/economie-politique/linflation-revient-a-65-sur-un-an-aux-etats-unis-en-decembre-comme-attendu-1896503">6,5 % sur un an en décembre</a> contre <a href="https://www.courrierinternational.com/article/consommation-a-8-5-en-mars-l-inflation-aux-etats-unis-a-t-elle-atteint-un-pic">8,5 % en mars 2022</a>). Ces indicateurs <a href="https://forex.tradingsat.com/cours-euro-dollar-FX0000EURUSD/actualites/euro-dollar-apres-les-excellents-chiffres-de-l-emploi-americain-l-euro-chute-face-au-dollar-1055405.html">restent favorables fin janvier 2023</a> et pèsent sur l’euro.</p>
<p>En comparaison, l’incertitude demeure quant à la résistance de la zone euro au resserrement monétaire et à la crise énergétique. La crainte d’une politique plus dure de la BCE en 2023 pour juguler l’inflation inquiète les investisseurs ; leurs craintes de récession pèsent sur les bourses européennes comme on a pu le voir au <a href="https://www.tradingsat.com/cac-40-FR0003500008/actualites/cac-40-les-craintes-de-recession-et-la-bce-penalisent-le-cac-40-qui-retourne-sous-les-7000-points-1053053.html">lendemain</a> de la prise de parole de Christine Lagarde à Davos.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>A ces inquiétudes qui pèsent sur l’euro, s’ajoute le risque d’une fragmentation de la zone du point de vue des conditions de financement des États – les dettes souveraines. Du fait de l’hétérogénéité des situations au regard des fondamentaux macroéconomiques et des finances publiques, certains résisteront mieux que d’autres à la politique monétaire restrictive et les écarts risquent de se creuser.</p>
<p>Les achats massifs de titres mis en œuvre par la BCE entre 2015 et 2022 avaient permis de rapprocher les rendements entre les dettes souveraines des États membres, notamment avec l’étalon de référence allemand. En acquérant massivement des obligations publiques, la BCE avait fait grimper leurs cours et chuter leurs taux, à des niveaux proches de zéro pour les économies les mieux notées de la zone.</p>
<p><iframe id="QF1ZX" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/QF1ZX/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’arrêt de cette politique en mars 2022 a fait <a href="https://data.oecd.org/fr/interest/taux-d-interet-a-long-terme.htm">remonter les taux souverains</a>, en particulier pour les pays les plus fragiles. La difficulté pour la BCE consistera alors à éviter une fragmentation de l’Union monétaire, comme celle qu’elle a connue au début des années 2010 : il s’agira d’éviter que les pays qui connaissent déjà le plus de difficultés, comme l’Italie, soient davantage pénalisés que les autres et peinent à se financer.</p>
<p>C’est pour limiter ce risque qu’elle a annoncé en juillet 2022 la création d’un <a href="https://www.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/293tf22_final.pdf">Instrument de protection de la transmission</a> de la politique monétaire. Sa mise en œuvre visera à la fois à dissuader la spéculation contre les dettes souveraines les plus fragiles et à éviter que le resserrement monétaire ne détériore davantage la situation des pays les plus endettés de la zone euro. La mesure consiste à « acheter des titres émis spécifiquement par des pays souffrant d’une détérioration de leurs conditions de financement qui ne serait pas justifiée par leurs fondamentaux économiques ». Six mois plus tard, la BCE n’a cependant annoncé aucun montant ni calendrier sur la mise en œuvre du programme, laissant là encore les marchés dans l’incertitude.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199332/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Lelièvre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Face à l’inflation, la Banque centrale européenne poursuit les mesures entamées en 2022 mais fait face à la politique agressive de la Fed et à une menace de crise des dettes souveraines.Valérie Lelièvre, Maître de conférences en Sciences économiques, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1971982023-01-05T19:23:53Z2023-01-05T19:23:53ZMarché immobilier : 2023, année du grand retournement en France ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/503009/original/file-20230104-20-fl2dlu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C48%2C1070%2C747&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les prix de l’immobilier devraient reculer de 5&nbsp;% à 10&nbsp;% en 2023.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1452679">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En 2022, les ventes immobilières ont franchi la barre du million, selon un bilan publié par la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim) qui observe cependant un repli du nombre de transactions : <a href="https://www.bfmtv.com/immobilier/prix-immobilier/2023-l-annee-ou-le-marche-immobilier-va-basculer_AV-202301020368.html">-6,5 % sur un an</a> par rapport à 2021. Même constat du côté du réseau d’agences Century 21, qui avance le chiffre de -4 %. Quant aux prix, ils ont commencé à baisser à partir de l’été 2022 et pourraient encore <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/01/03/immobilier-retournement-des-prix-gentrification-teletravail-comment-le-marche-a-evolue-en-2022_6156427_3234.html">reculer de 5 % à 10 % en 2023</a>.</p>
<p>Ce retournement s’explique notamment par la forte <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">inflation</a> qui a marqué 2022, atteignant <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/inflation/pouvoir-d-achat-l-inflation-se-stabilise-a-6-2-sur-un-an-en-novembre-confirme-l-insee-234430be-7c3e-11ed-8649-be93856cda15">6,2 % sur un an</a> en fin d’année. Cette hausse des prix a eu deux conséquences qui pèsent sur le marché <a href="https://theconversation.com/fr/topics/immobilier-23232">immobilier</a>. D’abord, les entreprises qui supportent une hausse de leurs coûts de production – comme les matières premières et l’énergie fossile – ont répercuté ces hausses sur les prix afin de sauvegarder leurs marges. Cette inflation dite « par les coûts » pousse ainsi à la hausse des prix à la construction dans le neuf, ce qui évince les acheteurs les plus modestes.</p>
<h2>Emprunts plus chers</h2>
<p>Ensuite, pour freiner l’inflation, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-centrale-europeenne-bce-24704">Banque centrale européenne</a> (BCE) a décidé de relever son taux directeur, c’est-à-dire le taux auquel elle prête de l’argent aux banques commerciales (dites de second rang), à partir de juillet dernier. Pour préserver leurs marges, les banques ont alors <a href="https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/inflation-la-bce-releve-ses-taux-pour-la-quatrieme-fois-depuis-juillet-944779.html">relevé leurs taux d’emprunt</a>, ce qui <a href="https://theconversation.com/marche-immobilier-krach-ou-simple-correction-194093">impacte les projets immobiliers</a> et entraîne une baisse des ventes.</p>
<p>D’un plus bas historique à 1 % en moyenne en janvier 2022, les taux de crédit immobilier sont ainsi remontés à 1,5 % à fin juin, <a href="https://www.lobservatoirecreditlogement.fr/derniere-publication">pour atteindre les 2,25 %</a> fin novembre 2022, selon l’Observatoire Crédit Logement.</p>
<p><iframe id="RgpmT" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/RgpmT/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pour préserver la solvabilité des emprunts, le système bancaire devient en conséquence <a href="https://www.ledauphine.com/magazine-immobilier/2022/06/25/qu-est-ce-que-le-taux-d-usure-qui-rend-l-emprunt-de-plus-en-plus-difficile">plus sélectif dans l’octroi des prêts</a>, éliminant les débiteurs les plus vulnérables. D’après un sondage de l’IFOP en mai 2022, seuls 31 % des Français interrogés estiment que la conjoncture se révèle favorable à l’achat d’un bien immobilier, soit <a href="https://www.ifop.com/publication/barometre-vague-10-les-francais-et-laccession-a-la-propriete-et-limage-des-courtiers-en-prets-immobiliers/">27 points de moins qu’en 2021</a>.</p>
<h2>« Greenflation »</h2>
<p>Un autre élément devrait enfin peser sur le marché immobilier en 2023 : les mesures prises en faveur de la transition écologique. Après la « fossilflation », l’inflation due aux fossiles, l’économiste allemande Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE, pointe du doigt un autre phénomène : la « <a href="https://www.usinenouvelle.com/editorial/chronique-eco-preparez-vous-a-la-greenflation.N2000327">greenflation</a> », liée aux coûts des mesures visant à développer les technologies vertes, dont les énergies renouvelables, avec la mise en place d’une réglementation plus contraignante.</p>
<p>Autrement dit, la transition écologique risque d’accentuer à court terme le phénomène d’inflation avec une augmentation des coûts financiers pour les producteurs et une baisse du pouvoir d’achat pour les consommateurs.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>En France, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/loi-climat-et-resilience-104005">loi Climat et résilience</a> (adoptée en 2019) s’applique depuis janvier 2023 afin de lutter contre les « passoires énergétiques » ou « thermiques » : elle interdit dorénavant la mise en location de certains logements <a href="https://www.ouest-france.fr/societe/logement/passoires-thermiques-votre-logement-est-il-desormais-interdit-a-la-location-7383c630-8aa7-11ed-b974-98872541103d">classés G en consommation d’énergie</a>, consommant plus de 450 kilowattheures par mètre carré par an, selon leur diagnostic de performance énergétique (DPE). La loi prévoit qu’au 1<sup>er</sup> janvier 2025, tous les logements classés G ne pourront plus être loués puis elle s’appliquera ensuite aux logements de classe F au 1<sup>er</sup> janvier 2028, et au logement de classe E le 1<sup>er</sup> janvier 2034.</p>
<p>Selon un sondage mené par la Fnaim, un quart des propriétaires-bailleurs <a href="https://www.xerficanal.com/economie/emission/Alexandre-Mirlicourtois-Les-passoires-thermiques-renforcent-la-pression-sur-les-prix-immobiliers_3751140.html">envisagerait ainsi de vendre plutôt que rénover leur logement</a>, ce qui pourrait entrainer un afflux de biens sur le marché. En effet, certains propriétaires-bailleurs n’auront pas les moyens de financer la remise aux normes malgré les aides. Les futurs investisseurs devront même intégrer dans le calcul de la rentabilité le coût des travaux de transformation et le manque à gagner durant la période sans loyers perçus, dégradant l’effet de levier des investissements.</p>
<p>Au bilan, l’abondance de biens immobiliers d’un côté et le ralentissement de la demande de l’autre devraient donc entretenir la baisse des prix immobiliers en 2023.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197198/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fatmatül Pralong ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La hausse des taux ou encore l’entrée en vigueur de la loi Climat et résilience devrait peser sur le nombre de transactions et sur les prix.Fatmatül Pralong, Professeur agrégé en sciences économiques, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1966772023-01-03T20:09:00Z2023-01-03T20:09:00ZLa numérisation des moyens de paiement dégrade le caractère public de la monnaie<p>En tant que citoyen ou citoyenne de la zone euro, chacun de nous réalise en moyenne <a href="https://www.ecb.europa.eu/stats/ecb_surveys/space/html/index.en.html">13 paiements par semaine</a> (tous types confondus) : c’est autant d’occasions de faire circuler des unités de notre monnaie commune. S’il s’agit dans tous les cas d’euros, ceux-ci circulent néanmoins via divers canaux et grâce à différents supports.</p>
<p>Ceux-ci n’ont cessé d’évoluer et ils l’ont fait d’autant plus rapidement à l’occasion de la crise du Covid-19. Nos moyens de paiement ont en effet été grandement numérisés : si une majorité de nos paiements en magasin est encore réalisée en espèces, leur nombre ne cesse de diminuer et la part des espèces dans la valeur totale des échanges est déjà minoritaire. Pour certains, nous serions donc à l’orée de la « cashless society », une société où les espèces auront été supprimées et qui serait <a href="https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691172132/the-curse-of-cash">promesse</a> d’efficacité économique et de progrès social.</p>
<p>Individuellement, la plupart d’entre nous peut trouver des avantages à la numérisation croissante de nos moyens de paiement. Même si un peu d’adaptation peut être nécessaire, les paiements numériques apparaissent souvent plus pratiques, plus rapides, plus sécurisés, etc. En zone euro, la moitié des personnes interrogées dit maintenant préférer les paiements numériques plutôt que les espèces. Mais on voit aussi que ce qui peut être perçu comme plutôt positif pour soi, en tant qu’individu, ne se traduit pas forcément dans une vision d’un futur souhaitable pour la société dans son ensemble.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-pour-et-le-contre-faut-il-supprimer-le-cash-176175">« Le pour et le contre » : Faut-il supprimer le cash ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Parmi les répondants européens, une plus grande part (55 %) déclare qu’il est pour eux important ou très important de pouvoir continuer à payer en espèces à l’avenir. En France, où les espèces sont comme ailleurs de moins en moins utilisées pour les paiements, <a href="https://www.ifop.com/publication/plus-de-huit-francais-sur-dix-sont-attaches-aux-especes/">83 % des personnes interrogées se disent inquiètes de voir disparaître les espèces</a>. Pourquoi de tels écarts entre les pratiques et les perceptions ?</p>
<h2>Exclusion monétaire</h2>
<p>Peut-être qu’une partie des personnes pense à celles et ceux qui ont plus de difficultés à s’adapter à la numérisation de nos moyens de paiement. Même si ce processus peut être vu comme positif « en moyenne », il est loin d’être favorable à toutes et tous, et ses impacts négatifs touchent principalement les personnes qui sont déjà les plus vulnérables.</p>
<p>En zone euro, parmi les 40 % de la population les plus pauvres, on peut estimer qu’<a href="https://www.worldbank.org/en/publication/globalfindex">environ 20 % des personnes sont exclues des paiements numériques</a> du fait qu’elles n’utilisent aucune carte de paiement : cela concernerait alors plus de 23 millions de personnes. Pour elles, la numérisation croissante des moyens de paiement se traduit par diverses complications de leur quotidien, des difficultés d’accès aux biens et services, des coûts supplémentaires, une perte d’autonomie, un sentiment de relégation.</p>
<p>La numérisation fait augmenter le nombre de personnes en situation d’exclusion monétaire qui, bien qu’elles puissent avoir de l’argent, n’en disposent pas sous la bonne forme. Certains types de moyens de paiement apparaissent aujourd’hui indispensables pour pouvoir pleinement participer à l’activité socioéconomique, alors qu’ils ne sont pas forcément utilisables par toutes et tous.</p>
<p>De manière plus générale, chacun de nous ne sent-il pas aussi qu’avec l’évolution de nos formes monétaires quelque chose de plus profond se joue, quelque chose qui ne se résumerait pas à de simples considérations de praticité ? Après tout, la monnaie n’est pas qu’un simple outil technique fluidifiant nos transactions économiques. C’est en fait <a href="https://www.puf.com/content/Th%C3%A9ories_fran%C3%A7aises_de_la_monnaie">surtout une institution sociale</a> : notre usage collectif de la monnaie participe au faire société.</p>
<p>De ce point de vue, la dématérialisation de la monnaie s’accompagne aussi d’une perte de sens : celui notamment véhiculé par les dimensions symboliques de nos pièces et de nos billets. Il a par exemple été montré qu’à la suite de l’introduction de l’euro en 2002, les personnes <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1465116520970286">s’identifient davantage comme citoyens européens</a>. Il n’est pas certain qu’il en aurait été autant dans une société « cashless ».</p>
<p>Dans le contexte actuel, alors que les espèces sont censées avoir cours légal, c’est-à-dire qu’elles doivent en théorie être <a href="https://www.banque-france.fr/billets/reconnaitre-et-utiliser-les-billets-et-les-pieces-en-euros/ou-quelles-conditions-et-jusqua-quel-montant-peut-payer-en-especes">obligatoirement acceptées</a> comme moyen de paiement, un nombre croissant de commerces sont, eux, déjà passés au « cashless » (notamment dans les centres urbains). Dans plusieurs pays européens, l’utilisabilité des espèces devient de plus en plus incertaine, pendant que l’accès à celles-ci devient de plus en plus difficile à mesure que les <a href="https://theconversation.com/fermetures-des-agences-bancaires-une-tendance-amorcee-bien-avant-la-crise-sanitaire-154084">distributeurs automatiques et les agences bancaires disparaissent</a>. C’est aussi cette double contrainte pesant sur les utilisateurs qui explique l’évolution des pratiques de paiement.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-crise-na-pas-leve-toutes-les-reticences-sur-les-paiements-mobiles-sans-contact-178445">La crise n’a pas levé toutes les réticences sur les paiements mobiles sans contact</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Ce qui n’apparaît pas non plus forcément aux yeux des utilisateurs des différents types de moyens de paiement, c’est que ceux-ci sont de moins en moins les biens publics qu’ils devraient être. En effet, du fait du rôle central que jouent les services de paiement au sein de nos sociétés, ceux-ci devraient être universellement accessibles et principalement gratuits pour leurs utilisateurs. Or, ces services font de plus en plus l’objet d’une gestion principalement marchande, guidée par des principes de rentabilité qui en limitent l’accessibilité. Cela n’est pas sans risque pour la légitimité de nos institutions publiques – auxquelles la monnaie est toujours fondamentalement reliée, ainsi que pour la confiance que nous conférons à celles-ci.</p>
<p>Avec la numérisation de nos moyens de paiement, les signes souverains qui représentent nos institutions sont en effet effacés et remplacés par des marques commerciales : celles des réseaux internationaux de cartes de paiement (Visa et Mastercard, notamment), ou celles des nouveaux services de paiement proposés par les Gafam (ApplePay par exemple) et d’autres entreprises de la Tech. Il s’agit alors de voir le processus de numérisation de la monnaie pour ce qu’il est vraiment : non pas principalement la dématérialisation de nos moyens de paiement, mais bien leur privatisation croissante.</p>
<p>Le cash n’y échappe pas non plus puisque nos pièces et billets sont en grande partie frappées et imprimés par des entreprises privées et tous sont acheminés puis fournis au public par d’autres entreprises privées. Si le cash disparait aujourd’hui, c’est d’abord parce qu’il est vu comme une source de coûts par ceux à qui on en a confié la gestion.</p>
<p>La numérisation des moyens de paiement n’est donc pas qu’une évolution technique. Comme elle se traduit dans une plus grande marchandisation de cet élément fondamental qu’est la monnaie, elle est aussi une question politique et sociale. Dans un contexte où toute personne doit pouvoir utiliser des moyens de paiement numériques de manière satisfaisante pour pleinement participer à la société, c’est la question du partage des tâches entre le public et le privé qui doit être reposée.</p>
<p>L’<a href="https://www.euractiv.fr/section/economie/opinion/leuro-numerique-concerne-la-societe-et-pas-seulement-la-finance/">euro numérique</a> sur lequel travaille actuellement la Banque centrale européenne pourrait être l’occasion de réaffirmer le caractère public de la monnaie et de (re)développer un véritable service public des services de compte et de paiement.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Créé en 2007 pour accélérer et partager les connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Fonds Axa pour la Recherche a soutenu près de 700 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs originaires de 38 pays. Pour en savoir plus, consultez le site Axa Research Fund ou suivez-nous sur Twitter @AXAResearchFund.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196677/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tristan Dissaux est post-doctoral fellow de la Fondation Axa pour la recherche.</span></em></p>La disparition progressive du cash conduit à une exclusion de l’activité socioéconomique des plus vulnérables et une privatisation qui détériore les dimensions symboliques de l’argent.Tristan Dissaux, Chercheur en socioéconiomie (CERMi, ULB), Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1958342022-12-04T17:45:55Z2022-12-04T17:45:55ZÀ quoi ressemblerait l’économie française sans bouclier tarifaire ?<p>En 2021, les prévisions de croissance étaient de <a href="https://publications.banque-france.fr/projections-macroeconomiques-septembre-2021">6,2 % pour 2022 et de 3,7 % pour 2023</a>, selon la Banque de France. En 2022, ces prévisions de croissance ne sont plus que de 2,85 % et 1 % pour ces deux mêmes années (<a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0273_projet-loi">prévisions inscrites dans la loi de finances 2023</a>).</p>
<p>Cette forte réduction de la croissance est due principalement à la guerre en Ukraine qui a induit des problèmes d’approvisionnement énergétique. Dans ce contexte où faible croissance et inflation coexistent, le pouvoir d’achat est alors doublement réduit, par la hausse des prix à la consommation et par une activité, au ralenti, évinçant les progressions salariales.</p>
<p>Dès la fin de l’année 2021, le gouvernement français avait mis en place un bouclier tarifaire qui réduit le prix d’achat des produits énergétiques. En 2022, avec 6,4 %, l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">inflation</a> française est en conséquence significativement plus faible qu’en Italie (8 %), en Allemagne (8,3 %), en Belgique (10,3 %) et aux Pays-Bas (12 %).</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/inflation-pourquoi-la-france-resiste-pour-linstant-mieux-que-ses-voisins-191597">Inflation : pourquoi la France résiste (pour l’instant) mieux que ses voisins</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Cette exception française ne conduit pas son économie à croître moins que celle de ces voisins, une plus faible inflation pouvant en effet révéler une demande en berne. Ainsi, la croissance allemande est prévue à <a href="https://issuu.com/oecd.publishing/docs/allemagne-projection-ocde-perspectives-economiques">1,8 % pour 2022 et 0,3 % pour 2023</a>, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).</p>
<h2>Il y aurait eu moins de croissance</h2>
<p>Afin d’évaluer la contribution du bouclier tarifaire dans l’explication de ces performances économiques, on doit répondre à deux questions : (<em>i</em>) que se serait-il passé si le bouclier tarifaire n’avait pas été mis en place en 2022 et en 2023 ? ; <em>(ii)</em> que se passera-t-il s’il n’est pas reconduit en 2023, sachant qu’il s’est appliqué en 2022 ?</p>
<p>Pour un coût budgétaire que nous évaluons à 58 milliards pour 2022 et 52 milliards pour 2023, le gain de croissance serait de 1,75 point pour 2022 et de 0,08 point pour 2023. Ce surplus de croissance induit par le bouclier tarifaire est obtenu dans un contexte d’inflation « contenue » : cette mesure aurait réduit l’inflation de 1,1 point en 2022 et de 1,8 point en 2023.</p>
<p><iframe id="H6UaZ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/H6UaZ/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Notre <a href="https://www.cepremap.fr/2022/11/loi-de-finance-2023-quel-impact-a-eu-le-bouclier-tarifaire-sur-la-croissance-linflation-la-dette-publique-et-les-inegalites/">évaluation de l’impact du bouclier tarifaire</a> sur l’inflation, publié dans une récente note du Centre pour la recherche économique et ses applications (Cepremap) est donc plus faible que celle de l’Institut national de la statistique et des études économiques (<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6524161">Insee</a>). En effet, les reports de consommation qui contractent la demande courante et donc réduisent les tensions inflationnistes sont ici pris en compte, ainsi que des baisses de marges concédées par les entreprises dans ce contexte de forte hausse des coûts.</p>
<h2>La boucle prix-salaires se serait activée</h2>
<p>Le succès du bouclier tarifaire tient à son rôle de frein dans la boucle prix-salaire. Sans cette mesure, les plus fortes tensions inflationnistes engendreraient de plus forts accroissements de salaires et une fragilisation de la croissance, les coûts plus élevés du travail réduisant l’emploi. De plus, même si l’inflation française ne représente qu’une fraction de l’inflation européenne, ce surcroît d’inflation induira à terme une plus forte hausse des taux directeurs de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-centrale-europeenne-bce-24704">Banque centrale européenne (BCE)</a> qui viendront aussi <a href="https://theconversation.com/laisser-filer-linflation-ou-freiner-la-reprise-le-dilemme-des-banquiers-centraux-164813">freiner l’activité économique</a>.</p>
<p>Si le bouclier tarifaire, en application en 2022, n’était pas reconduit en 2023, et ce de façon non anticipée, alors les prévisions pour 2022 ne seraient pas modifiées mais celles pour l’année 2023 seraient dégradées : la croissance serait presque divisée par deux (passage de 1 % à 0,55 %) et il y aurait 0,4 point d’inflation en plus.</p>
<p>Ce surcroît d’inflation induit par la non-reconduction du bouclier tarifaire en 2023 peut sembler modeste. En effet, l’effet mécanique de l’arrêt du bouclier est inflationniste, les prix « subventionnés » devenant les prix « effectifs ». Toutefois, comme le bouclier de 2022 a permis de ne pas enclencher une boucle prix-salaire qui était au maximum de sa puissante au moment de la forte hausse des prix de l’énergie (c’est-à-dire en 2022), l’inflation s’accroît modestement par rapport au scénario avec un bouclier sur deux années.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Concernant la trajectoire de la dette publique, le coût du bouclier est en partie absorbé par le surplus de croissance et donc de recettes fiscales qu’il crée : la hausse de la dette est de 2,2 points de PIB alors que le coût ex ante est de l’ordre de 3 points de PIB. La moins forte hausse des taux d’intérêt qu’il assure permet aussi de modérer les accroissements de la charge de la dette.</p>
<h2>Il y aurait eu davantage d’inégalités</h2>
<p>Le bouclier tarifaire a également permis de réduire les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inegalites-20617">inégalités</a>. En effet, les ménages les moins favorisés sont les plus touchés par les hausses de prix de l’énergie car ils y consacrent une part plus importante de leurs revenus.</p>
<p>Avec le bouclier, un ménage favorisé (revenu parmi les 10 % des plus élevés) consomme 2,4 fois plus qu’un ménage modeste (revenu parmi les 10 % des plus bas). Sans le bouclier, les inégalités se seraient davantage accrues, un ménage favorisé pouvant consommer jusqu’à 2,5 fois plus qu’un ménage modeste. Sans le bouclier tarifaire, la crise énergétique est plus inflationniste et réduit plus fortement les possibilités de consommation de ceux pour qui le travail est la principale source de revenus, c’est-à-dire les ménages modestes.</p>
<p>Le bouclier tarifaire, en sauvant des emplois et en contenant l’inflation, aide donc davantage les ménages fortement dépendants des revenus du travail.</p>
<h2>L’indexation des salaires est-elle souhaitable ?</h2>
<p>Dans ce contexte inflationniste, certains ont défendu l’idée d’accompagner le bouclier tarifaire par une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/11/14/indexation-des-salaires-sur-les-prix-privilegier-la-creativite-plutot-que-l-ideologie_6149707_3232.html">indexation plus rapide des salaires sur les prix</a>. Nos estimations montrent qu’une telle indexation permet effectivement aux employés de voir leurs salaires réels horaire croître. Cependant, le nombre d’heures travaillées chute ce qui <em>in fine</em> réduit la masse salariale et la croissance. La perte de croissance est ainsi de 0,63 point en 2022 alors que le gain en 2023 est minime, 0,03 point. L’inflation est accrue de 1,1 point en 2022 et 0,2 point en 2023.</p>
<p>Ce contexte inflationniste provoque à moyen terme une hausse plus forte des taux d’intérêt, alourdissant la charge de la dette : le ratio dette sur PIB augmente de 1,6 point par rapport au scénario sans indexation. Enfin, comme l’indexation s’applique à tous salariés, elle ne permet pas de réduire les inégalités, ne faisant que réduire les heures travaillées de tous les employés, et donc le pouvoir d’achat de toute la population.</p>
<p>Enfin, comme l’indexation s’applique à tous les salariés, elle ne permet pas de réduire les inégalités.</p>
<h2>Quid d’une politique redistributive de relance ?</h2>
<p>Une alternative au bouclier tarifaire aurait été de distribuer un « chèque » à tous les ménages d’un montant correspondant à une dépense incompressible d’énergie. Nous supposons que cette dépense incompressible correspond à 20 % de la consommation d’énergie du consommateur médian, soit approximativement 500 euros par ménage pour un coût budgétaire de 15 milliards (25 % du coût du bouclier tarifaire).</p>
<p>Cette politique de relance est aussi redistributive car ce transfert identique pour tous représente une part plus grande de budget pour les plus modestes : 31 % de la consommation d’énergie pour les 10 % les plus pauvres, contre 14 % pour les 10 % le plus riches.</p>
<p>Nos estimations indiquent alors que cette politique augmente le taux d’inflation de 1,4 point en 2022 et 1,9 point en 2023, celui-ci étant même supérieur qu’en l’absence de bouclier car au choc d’offre inflationniste, vient s’ajouter la hausse des prix liée au supplément de demande des ménages.</p>
<p><iframe id="QFCrw" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/QFCrw/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ce soutien par la demande permet toutefois un certain maintien de la croissance : 0,44 point de croissance est gagné en 2022 et 0,35 en 2023, par rapport à une économie sans bouclier tarifaire. Mais si l’on fait maintenant le bilan de cette politique en la comparant au bouclier tarifaire, elle enregistre un déficit de croissance de 0,85 point en 2022 et un gain de 0,27 point pour 2023, soit un 0,45 point de croissance annuelle perdu en moyenne sur ces deux années.</p>
<p>Le bilan financier du gouvernement est aussi dégradé : même avec une réforme moins coûteuse, la croissance perdue et la plus forte hausse des taux d’intérêt, induite par le surcroît d’inflation, conduisent à une hausse de 6,8 points le ratio dette sur PIB.</p>
<p>Du côté des inégalités, cette politique redistributive permet de les réduire plus fortement puisqu’un ménage favorisé ne consommerait plus que 2,05 fois plus qu’un ménage défavorisé. Toutefois, cette réduction des inégalités se produirait dans une économie où tous les ménages consommeraient moins que dans l’économie avec bouclier tarifaire.</p>
<p>Ces analyses indiquent donc clairement que, face à un choc d’offre tel que le choc énergétique, une politique de demande redistributive telle que celle que nous avons testée est « naturellement » dominée par une politique d’offre telle que le bouclier tarifaire. Elles indiquent aussi que l’indexation des salaires fragilise la croissance et l’emploi. Le bouclier tarifaire serait donc un bon compromis entre inflation, croissance, pouvoir d’achat mais aussi inégalités, dont le creusement a également pu être limité par cette mesure.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195834/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon les estimations du Cepremap, la mesure gouvernementale de protection du pouvoir d’achat engendrera des gains de croissance respectifs de 1,75 et de 0,08 point en 2022 et 2023.François Langot, Professeur d'économie, Chercheur à l'Observatoire Macro du CEPREMAP, Le Mans UniversitéFabien Tripier, Professeur d'économie et chercheur à l'observatoire macro du CEPREMAP, Université Paris Dauphine – PSLJean-Olivier Hairault, Professeur d'économie et Directeur Scientifique de l'Observatoire Macro du Cepremap, Paris School of Economics – École d'économie de ParisSelma Malmberg, Doctorante en macroéconomie au CEPREMAP, Chargée d'enseignement, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1950392022-11-30T17:54:33Z2022-11-30T17:54:33ZLutte contre l’inflation : les petits pays de la zone euro laissés pour compte ?<p>En 2023, la Croatie fera partie intégrante de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/zone-euro-54680">zone euro</a>, achevant son parcours au sein du mécanisme de taux de change (<a href="https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Glossary:Exchange_rate_mechanism_(ERM)/fr">MCE-II</a>). La Bulgarie s’y trouve également depuis l’été 2020. Le MCE-II, c’est la dernière étape pour un pays avant de faire son entrée dans la zone euro. Les pays y sont engagés, pendant au moins deux ans, dans un processus de <a href="https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1348">convergence</a> monétaire pour assurer leur résilience à leurs partenaires futurs de la zone euro.</p>
<p>Car partager sa monnaie avec d’autres pays, c’est en effet renoncer à ce que sa banque centrale puisse répondre à des chocs concernant son économie, en jouant, entre autres, sur le taux de change. La Bulgarie, en régime de change fixe, pouvait par exemple choisir de dévaluer sa monnaie, autrement dit, de diminuer sa valeur par rapport aux autres afin d’encourager les exportations et freiner les importations dans un objectif de relance de la production nationale. Ceci est d’autant plus vrai lorsque l’on fait face à un marché du travail européen relativement <a href="https://www.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie-2012-1-page-31.htm">rigide</a>, tant au niveau des salaires que de la mobilité.</p>
<p>Durant deux ans, le pays est en quelque sorte en phase de test. Il s’agit de voir s’il est suffisamment stable pour renoncer à cet outil. À la suite de l’entrée dans la zone euro, c’est la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-centrale-europeenne-bce-24704">Banque centrale européenne (BCE)</a> qui prendra les commandes de la politique monétaire. Il faudra s’y accommoder, gageant que sa politique correspondra à celle qu’aurait adoptée le pays individuellement.</p>
<p>Or, nos derniers <a href="https://doi.org/10.1016/j.inteco.2022.09.004">travaux</a> en viennent à la conclusion que ce sont surtout les économies relativement plus fortes qui influencent la politique monétaire de Francfort. De leur côté, les plus petites économies subissent. En cas de désynchronisation de leur cycle économique, elles doivent alors s’appuyer sur d’autres instruments, tels que des politiques budgétaires, ou sur des institutions fortes, à l’instar de celles régulant le marché du travail.</p>
<p>Ce résultat ne semble pas anodin à l’heure où les <a href="https://www.ecb.europa.eu/stats/policy_and_exchange_rates/key_ecb_interest_rates/html/index.fr.html">taux d’intérêt clés</a> se voient régulièrement rehaussés pour lutter contre l’inflation : les 27 juillet, 14 septembre et 2 novembre, ils ont respectivement été remontés à 0,00 %, 0,75 % et 1,50 %. Des mesures et des hétérogénéités qui interrogent lorsque l’on connaît également le lien entre <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">inflation</a> et <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chomage-20137">chômage</a>.</p>
<h2>Un exercice périlleux</h2>
<p>La découverte de ce lien remonte a minima aux <a href="https://doi.org/10.2307/2550759">travaux</a> statistiques de 1958 de l’économiste néo-zélandais Alban Phillips. L’auteur donne son nom à une courbe qui montre une relation stable et inversée entre le niveau de chômage et l’évolution des prix.</p>
<p><iframe id="iNzkX" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/iNzkX/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Une inflation élevée, c’est le prix d’un taux de chômage faible, en est-on venu à considérer. De ce qui n’était à l’origine qu’une relation empirique premièrement observée au Royaume-Uni entre 1861 et 1957, certains courants de pensées économiques en ont en effet déduit un lien de causalité et un arbitrage à faire entre ces deux variables.</p>
<p>Ainsi une politique de relance budgétaire devrait-elle stimuler la demande globale : les entreprises peuvent alors produire plus et demandent des travailleurs supplémentaires, faisant baisser le chômage. Face à cette baisse du chômage, les entreprises sont donc également amenées à augmenter les salaires afin d’attirer les chômeurs de moins en moins nombreux. Les firmes répercuteraient alors ces coûts supplémentaires sur les prix, le tout nourrissant l’inflation.</p>
<p>Pour un décideur politique, comprendre cette relation et être capable de savoir à quel point il peut s’appuyer sur les autorités monétaires représente donc un atout, surtout quand ces dernières interviennent pour juguler l’inflation au sein d’une union monétaire.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>En effet, la politique monétaire au sein d’une union monétaire est toujours un exercice périlleux. Elle se calque sur ce qui se passe en moyenne pour l’ensemble des membres. Plus un membre est loin de cette moyenne et plus il y a de chances qu’il se voit conduit par des mesures mal calibrées pour sa situation particulière. Autrement dit, cela nécessite pour les différentes économies d’avoir, dans une certaine mesure, des cycles économiques relativement synchrones afin d’éviter que la politique monétaire ne vienne à contre-courant de leurs besoins particuliers.</p>
<p>Pour toutes ces raisons, il devient alors intéressant de dessiner la courbe de Phillips pour la zone euro, ainsi que pour chacun des 19 États membres.</p>
<h2>Effets contre-productifs</h2>
<p>Nous nous sommes focalisés dans un premier temps, sur les sept économies, relativement petites, qui au cours de ces dernières années ont connu tous les stades de l’adhésion, allant de l’entrée dans <a href="https://theconversation.com/fr/topics/union-europeenne-ue-20281">l’Union européenne (UE)</a> à l’accession à la zone euro : Chypre, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Slovénie et la Slovaquie.</p>
<p><iframe id="4VnBu" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/4VnBu/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En utilisant des données trimestrielles, nos premiers résultats montrent que l’accession progressive à la zone euro s’accompagne d’une relation inflation-chômage qui tend à s’édulcorer. C’est-à-dire que l’arbitrage entre les deux a quelque chose de plus significatif chez les douze autres membres de la zone euro. Entrer dans la zone euro semble conduire à perdre de la relation empirique observée via la courbe de Phillips, dans les plus petites économies.</p>
<p><iframe id="LkkCE" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/LkkCE/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les politiques monétaires pourraient donc avoir des effets hétérogènes selon la taille de l’économie concernée. Ce constat suggère que les plus petites économies doivent s’assurer par d’autres canaux, notamment via les institutions du marché du travail, du maintien de l’équilibre entre les variations des prix et l’emploi, au risque de subir une politique monétaire inefficace pour elles.</p>
<p>Sous l’hypothèse que des économies relativement plus fortes peuvent faire pencher la balance (par exemple si l’on observe un ralentissement économique simultané en France et en Allemagne), l’impact de la politique monétaire peut s’avérer avoir un effet contre-productif pour de plus petites économies toujours sur une trajectoire de croissance ascendante. Elle pourrait même tendre à renforcer le déséquilibre entre l’évolution des prix et celle du marché du travail.</p>
<h2>Pourquoi un salaire minimum européen ?</h2>
<p>Cette relation empirique, la courbe de Phillips, représente en tout cas bien un enjeu pour l’évolution de la zone euro. Elle justifie l’intérêt contemporain de la Commission européenne sur les institutions domestiques du marché du travail et l’on comprend mieux l’intérêt de la proposition de directive pour un <a href="http://ermees.fr/fr/pourquoi-un-salaire-minimum-au-niveau-europeen/">salaire minimum européen</a>. L’idée : une union monétaire évolue également conjointement avec, et ne peut être dissociée de la sphère réelle.</p>
<p>Ces questionnements laissent entrevoir, par ailleurs, de nombreux travaux de recherche nécessaires pour comprendre et étayer le débat sur les politiques à mener au sein de l’union monétaire et de l’UE dans son ensemble.</p>
<p>Il est à noter que nous avons traité l’exemple de petites économies ouvertes. Il sera intéressant d’analyser l’évolution dans l’équilibre des forces lorsque des économies relativement plus fortes telles que la Pologne, la Hongrie ou la République tchèque viendront à entrer dans la zone euro. L’accession à la monnaie unique est en effet devenue obligatoire pour tout pays entrant dans l’UE. Seuls la Suède et le Danemark, arrivés précédemment, pourront faire exception.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195039/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La Slovénie, la Bulgarie, les états baltes ou encore bientôt la Croatie pourraient subir les effets de politiques monétaires davantage adaptées à la situation de grands États membres plus influents.Pierre Lesuisse, Docteur en économie - Chercheur au BETA (Strasbourg) - Enseignant à Sciences po (Strasbourg), Université de StrasbourgJean-Louis Combes, Professeur d'économie, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1949872022-11-23T20:36:56Z2022-11-23T20:36:56ZEn France, l’inflation a probablement atteint son pic en 2022<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/496285/original/file-20221120-18-fl49br.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=93%2C100%2C1090%2C697&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La Banque de France estime actuellement que l’inflation devrait se situer entre 4,9&nbsp;% et 6,4&nbsp;% en 2023.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixnio.com/fr/media/services-bancaires-billet-de-banque-tresorerie-compte-de-caisse-pieces-de-monnaie">Bicanski/Pixnio </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’économie française est confrontée à une forte <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">inflation</a> inédite depuis les années 1970. Dans ses prévisions publiées en septembre 2022, la Banque de France prévoit ainsi un taux d’inflation de <a href="https://publications.banque-france.fr/projections-macroeconomiques-septembre-2022">5,8 % pour 2022</a>, après 2,1 % en 2021, et 0,5 % en 2020. Pour 2023, les projections font état d’un indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) dont la hausse serait comprise entre 4,2 % et 6,9 %. La probabilité que le pic d’inflation ait été atteint apparaît donc plus forte que la probabilité d’une poursuite de la hausse des prix ces prochains mois.</p>
<p>Dans une récente <a href="https://www.cepremap.fr/2022/11/note-de-lobservatoire-macro-n2022-04-le-risque-dinflation-en-france-et-en-allemagne-le-role-des-chaines-de-valeur/">note</a> publiée pour le Centre Pour la Recherche Economique et ses Applications (Cepremap), nous confirmons cette hypothèse. Selon nos estimations, il y a 10 % de chance que l’inflation dépasse 5,8 % entre octobre 2022 et septembre 2023.</p>
<p><iframe id="psjGb" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/psjGb/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cet indicateur de risque de forte inflation connaît en outre un léger repli au cours des derniers mois. Il avait atteint son pic en décembre 2021 avec un risque à 10 % de voir l’inflation dépasser 7,26 % au cours de l’année 2022. À titre de comparaison, en décembre 2008, au cœur de la grande récession, il y a avait à l’inverse seulement 10 % de chance de dépasser le seuil d’inflation de 0,9 %.</p>
<p>Comparativement à la France, la situation apparaît plus sensible en Allemagne, où les derniers chiffres font état d’une inflation à <a href="https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/allemagne-l-inflation-va-grimper-a-8-8-en-2023-934635.html">10 % en rythme annuel en septembre 2022</a>. Nous estimons en effet que, outre-Rhin, il y a 10 % de chance que l’inflation dépasse le seuil de 9,1 % au cours de la période de prévision, et dans ce cas, l’inflation moyenne risquée est de 10,1 %.</p>
<p>Ce seuil de risque de forte inflation à 10 % avait en outre atteint sa plus haute valeur en décembre 2021, à 11,6 %, et situe actuellement à 9,1 % pour la période entre octobre 2022 et septembre 2023. Le pic pourrait donc là aussi être dépassé, mais l’inflation resterait nettement plus forte qu’en France.</p>
<h2>L’écart se creuse à partir de 2020</h2>
<p>L’Allemagne apparaît donc aujourd’hui clairement exposée à un risque plus élevé de forte inflation que la France. Pour mettre en perspective historique cette situation, le graphique ci-dessous représente le risque d’inflation qui a 90 % de chances de se réaliser pour ces deux économies depuis la création de la zone euro.</p>
<p>Ce risque d’inflation en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/allemagne-24115">Allemagne</a> reste globalement supérieur à celui de la France depuis 2010, avec un écart qui s’est considérablement creusé à partir de 2020 et du début de la crise économique liée à la pandémie du Covid-19.</p>
<p><iframe id="1B8ST" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/1B8ST/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pour évaluer ces risques d’inflation auxquels font face la France et l’Allemagne aujourd’hui, nous avons calculé la distribution des taux d’inflation probables en mesurant l’influence de <a href="https://www.nber.org/papers/w21726">différentes variables explicatives</a> : taux de chômage en écart à sa tendance, indicateur composite de risque systémique de la Banque centrale européenne, inflation moyenne observée au cours de l’année précédente, écart entre le taux de croissance des prix du pétrole et le taux d’inflation au cours de l’année passée, prévisions d’inflation à un an du Consensus Forecast et indicateur de tensions internationales sur les chaînes de valeur de la <em>Federal Reserve Bank of New York.</em></p>
<p>Cette méthode a notamment été appliquée précédemment par les économistes pour mesurer les <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/aer.20161923">risques d’une faible croissance</a>, les <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4002673">risques d’inflation aux États-Unis et dans la zone euro</a> ou encore pour les <a href="https://www.cepremap.fr/depot/docweb/docweb2212.pdf">risques d’inflation des pays de la zone euro</a>.</p>
<p>L’analyse des déterminants économiques de ces prévisions d’inflation révèle notamment que l’exposition aux pressions sur les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chaine-de-valeur-48789">chaînes de valeur</a> a joué un rôle clef dans la divergence des risques d’inflation entre la France et l’Allemagne.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Ces chaînes de valeur désignent l’ensemble des étapes de l’activité de production d’une entreprise, parmi lesquelles certaines peuvent être situées hors du pays de localisation de l’entreprise. Par exemple, certains constructeurs allemands peuvent faire produire des composants automobiles en Chine ou dans les pays de l’Est.</p>
<p>La crise du Covid-19 a entraîné des ruptures sur ces chaînes de valeur mondiales. Les restrictions ont notamment conduit à un ralentissement du transport international de marchandises et des situations de pénuries. Le graphique ci-dessus, où l’on voit clairement que l’écart se creuse à partir de 2020 entre la France et l’Allemagne, davantage intégrée dans les échanges mondiaux, illustre donc une plus forte exposition à ces risques outre-Rhin.</p>
<p>La sensibilité du risque de forte inflation aux pressions sur les chaînes de valeur est d’ailleurs près de deux fois plus importante en Allemagne qu’en France. Nous estimons en outre que, si la France avait la même sensibilité aux chaînes de valeur que l’Allemagne, le risque de forte inflation aurait été supérieur de 1,65 point de pourcentage en moyenne depuis 2020.</p>
<h2>La divergence d’inflation pénalise la zone euro</h2>
<p>Dans le contexte de la zone euro, une divergence trop forte des taux d’inflation, comme celle décrite ici entre l’Allemagne et la France, constitue une difficulté pour la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-centrale-europeenne-bce-24704">Banque centrale européenne (BCE)</a> qui dispose d’un instrument unique de politique monétaire et d’une cible unique de taux d’inflation de <a href="https://www.ecb.europa.eu/ecb/tasks/monpol/html/index.fr.html">2 % à moyen terme</a>.</p>
<p>Cependant, la cible d’inflation étant la moyenne des taux d’inflation des pays de la zone euro pondérée par leur taille, la politique monétaire de la BCE risque dorénavant de pénaliser les économies dont les taux d’inflation divergeraient fortement de cette moyenne.</p>
<p>En situation de forte inflation, les économies les plus frappées par l’inflation comme l’Allemagne seraient en effet pénalisées par une réaction insuffisante de la BCE laissant s’y développer trop longtemps une inflation importante. À l’inverse, les économies les moins affectées par l’inflation comme la France pourraient être pénalisées par une réaction trop forte du taux d’intérêt ralentissant de manière excessive leur activité économique.</p>
<p>L’évolution du contexte politique et économique international sera donc crucial, par ses effets sur les chaînes de valeur, pour limiter la divergence des risques d’inflation entre les économies allemande et française documentée dans notre note et, plus largement, le risque de fragmentation de la zone euro.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194987/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabien Tripier a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Aymeric Ortmans ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Selon les estimations du Cepremap, la probabilité que la hausse des prix s’accélère en 2023 ne serait que de 10 %. La situation apparaît en revanche plus critique en Allemagne.Fabien Tripier, Professeur d'économie et chercheur à l'observatoire macro du CEPREMAP, Université Paris Dauphine – PSLAymeric Ortmans, Doctorant, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1940932022-11-09T23:43:56Z2022-11-09T23:43:56ZMarché immobilier : krach ou simple correction ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/493855/original/file-20221107-3558-tyv924.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=51%2C3%2C1214%2C841&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">À Paris, la hausse des prix des logements marque le pas depuis la rentrée après des années d’augmentation quasi continue.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/442303">PxHere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>C’est une tendance qui s’observe de plus en plus en France : même si les débats restent vifs sur les chiffres, à <a href="https://actu.fr/ile-de-france/paris_75056/prix-de-l-immobilier-a-paris-le-metre-carre-est-il-vraiment-passe-sous-les-10-000-euros_55007810.html">Paris</a> et en <a href="https://www.challenges.fr/immobilier/immobilier-en-banlieue-leuphorie-dapres-crise-sanitaire-est-finie_833937">Île-de-France</a>, ou encore à <a href="https://www.witfm.fr/baisse-prix-de-l-immobilier-a-bordeaux-des-negociations-plus-importantes-lors-de-l-achat-de-certains-biens">Bordeaux</a>, <a href="https://www.ledauphine.com/magazine-immobilier/2022/11/04/bonne-nouvelle-les-prix-sont-en-baisse-dans-les-grandes-villes">Lyon ou Nantes</a>, une stagnation, voire une baisse des prix de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/immobilier-23232">immobilier</a> semble bien enclenchée depuis quelques semaines.</p>
<p>Ce mouvement s’inscrit dans un contexte de forte <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">inflation</a> qui génère des tensions sur le pouvoir d’achat des ménages mais aussi de relèvement des taux de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-centrale-europeenne-bce-24704">Banque centrale européenne (BCE)</a>, débuté l’été dernier, qui renchérit les coûts d’emprunts proposés par les banques commerciales. Autrement dit, des taux d’intérêt plus bas ont tendance à augmenter la demande, tandis que des taux d’intérêt plus élevés font le contraire.</p>
<p>Dès lors, on peut s’interroger : sommes-nous en train de plonger dans le prochain krach du marché, qui a pourtant <a href="https://www.lepoint.fr/immobilier/immobilier-ce-qui-baisse-vraiment-20-10-2022-2494582_31.php">résisté aux dernières crises</a>, ou sommes-nous dans une fluctuation cyclique plus typique du secteur immobilier ?</p>
<h2>Bulle ou pas bulle ?</h2>
<p>Un krach du marché immobilier suit généralement la formation et l’éclatement d’une bulle immobilière, définie comme une situation dans laquelle le prix moyen d’un bien est beaucoup plus élevé que sa valeur basée sur les fondamentaux de l’évolution des prix. Or, à en croire <a href="https://www.ubs.com/global/en/wealth-management/insights/2022/global-real-estate-bubble-index.html">l’indice</a> publié en octobre dernier par la banque UBS, le marché immobilier parisien semble relativement épargné par ce risque, notamment par rapport à d’autres grandes villes mondiales comme Toronto (Canada) ou Tokyo (Japon).</p>
<p><iframe id="ur8rY" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ur8rY/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La France reste en outre relativement épargnée par la hausse des taux immobiliers, ce qui éloigne les risques de krach soudain. Si le mouvement de relèvement des taux pour lutter contre l’inflation s’observe au niveau mondial, le taux d’intérêt moyen pour un prêt de plus d’un an est actuellement en France de 1,58 %, <a href="https://www.rohmert-medien.de/wp-content/uploads/2022/10/Der-Immobilienbrief-Nr-537.pdf">contre plus de 3,5 % en Allemagne</a>. Aux États-Unis, l’intérêt moyen pour un prêt hypothécaire de 30 ans <a href="https://fred.stlouisfed.org/series/MORTGAGE30US">dépasse 6,8 %</a>.</p>
<p>De surcroît, les taux d’intérêt étaient plus élevés dans les années 2000 et suivent un cycle récurrent d’inclinaison et de baisse. Cela n’a pas gravement affecté le marché de l’immobilier, comme le montrent les graphiques ci-dessous.</p>
<p><iframe id="tkSoG" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/tkSoG/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="IzGTG" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/IzGTG/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>On peut donc dire que nous ne nous dirigeons pas actuellement vers un krach du marché, mais qu’il s’agit d’un moment de correction lié davantage à l’évolution de l’offre et de la demande. La combinaison des prix actuels de l’immobilier et de l’augmentation des taux d’intérêt est trop lourde pour les consommateurs qui souffrent déjà de l’inflation, ce qui entraîne une baisse des ventes immobilières par rapport aux années précédentes, sans oublier les banques qui <a href="https://www.challenges.fr/immobilier/marche-immobilier-pourquoi-leuphorie-est-finie_833772">octroient plus difficilement des prêts</a>.</p>
<h2>L’offre reste relativement rare</h2>
<p>Cette situation pourrait donc déboucher sur un ralentissement du nombre de transactions immobilières : le marché immobilier devrait en conséquence se refroidir et les prix pourraient se corriger à court terme.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Cependant, si la demande se tarit, l’offre reste également dans une situation tendue : l’inflation pousse en effet à la hausse les prix de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/construction-36380">construction</a>. L’augmentation du coût de la construction entraîne une diminution de la production d’espace habitable. En outre, le prix des terrains constructibles augmente. La pénurie d’espace habitable dans les villes devrait donc se traduire par une situation de rareté qui peut entretenir une dynamique haussière des prix.</p>
<p>Le marché immobilier, en France comme dans le rester du monde, semble donc dans une phase de correction et d’ajustement plutôt que de krach : il reste une classe d’actifs plutôt solide et stable qui reste néanmoins sujette à des fluctuations inhérentes aux cycles économiques.</p>
<p>Toutefois, il est possible qu’en raison de la hausse des taux d’intérêt, certains emprunteurs aient des difficultés à rembourser leurs prêts immobiliers, ce qui nécessite l’intervention du gouvernement pour maintenir la stabilité du marché ou, du moins, éviter des pertes importantes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194093/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les risques d’éclatement d’une bulle immobilière restent pour l’heure relativement limités malgré la stagnation des prix enregistrée à la suite du relèvement des taux directeurs de la banque centrale.Ari Birnbaum, Doctorant DBA, Université Côte d’AzurMohamad Hassan Shahrour, Maître de Conférences en Finance, Université Côte d'Azur, IAE Nice - Université Côte d'AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1938762022-11-08T19:02:07Z2022-11-08T19:02:07ZFaut-il s’inquiéter des pertes des banques centrales ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/493241/original/file-20221103-26-erx0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C18%2C1005%2C669&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La Bank of England (BoE) pourrait être renflouée par le Trésor britannique à hauteur de 11&nbsp;milliards de livres sterling.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bank_of_England_looking_up_(22573356606).jpg">Images George Rex/Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>L’une des conséquences de la politique monétaire de remontée des taux pour <a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">lutter contre l’inflation</a> est la baisse des prix des actifs financiers. Pour les banques centrales, cela se traduit par une dévalorisation de leurs titres en portefeuille, ceux qu’elles ont achetés dans le cadre des programmes d’assouplissement quantitatif (« quantitative easing », ou QE) – mis en place depuis 2015 en zone euro – et ceux qu’elles détiennent pour compte propre. Aux Pays-Bas ou en Belgique, les banques centrales ont annoncé qu’elles devraient enregistrer de lourdes pertes à cause de ces moins-values.</em></p>
<p><em>Ces moins-values sont soit latentes, lorsque les titres sont conservés, soit réalisées, lorsque les titres sont arrivés à échéance ou qu’ils sont revendus. Dans les deux cas, la moins-value est actée au plus tôt. Dans le cadre du programme d’achat de titres publics (PSPP, Public sector purchase program) de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-centrale-europeenne-bce-24704">Banque centrale européenne (BCE)</a>, le montant nominal des titres arrivés à échéance est intégralement réutilisé pour racheter de la dette publique. Ce qu’on appelle le « quantitative tigthening » (resserrement quantitatif) n’a donc pas encore commencé en zone euro.</em></p>
<p><em>Au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/royaume-uni-22589">Royaume-Uni</a>, la Banque centrale d’Angleterre (BoE) a en revanche débuté ses reventes et le parlement britannique devrait se prononcer le 16 novembre sur un éventuel versement du Trésor d’un montant de <a href="https://www.irishexaminer.com/business/economy/arid-40987445.html">11 milliards de livres sterling</a> pour compenser ses pertes ! La situation est-elle réellement si critique ? Quelles peuvent être les conséquences de ces pertes au sommet du système monétaire sur le reste de l’économie ? Décryptage avec Jézabel Couppey-Soubeyran, conseillère scientifique à l’Institut Veblen et maîtresse de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.</em></p>
<hr>
<p><strong>The Conversation France : Faut-il s’inquiéter de la situation des banques centrales après des années de rachat massif d’actifs ? En quoi les pertes peuvent-elles être problématiques ?</strong></p>
<p>Ce serait problématique pour une entreprise normale ou une banque commerciale. Or, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-centrale-45337">banque centrale</a> n’en ni l’une, ni l’autre ! Une perte n’est pas grave en soi pour une banque centrale. La Banque des règlements internationaux (BRI), la « banque centrale des banques centrales », l’explique clairement dans son <a href="https://www.bis.org/publ/bppdf/bispap71_fr.pdf">ouvrage sur les finances des banques centrales</a>. Ce sont les seules institutions à pouvoir aujourd’hui supporter une perte lourde. C’est ce que nous avons voulu rappeler avec mon co-auteur Pierre Delandre dans une <a href="https://www.lesoir.be/474699/article/2022-11-02/une-banque-centrale-nest-ni-une-entreprise-ni-une-banque-commerciale">tribune récente</a>.</p>
<p>En effet, en dépit des apparences juridiques et actionnariales, la banque centrale n’est ni une entreprise ni une banque commerciale. Elle est l’institution au sommet du système monétaire. Elle a pour missions d’assurer la stabilité des prix et de contribuer à la stabilité du système financier. Bénéfices ou pertes peuvent découler de l’exercice de ses missions mais ne sont pas des critères pertinents pour évaluer son action.</p>
<p>Elle a le pouvoir de créer la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/monnaie-21214">monnaie</a> que les banques utilisent entre elles. Quand la banque centrale prête de la monnaie centrale aux banques ou achète des titres sur les marchés financiers, elle crée de la monnaie centrale en l’inscrivant à son passif sur le compte des banques bénéficiaires. Figure ainsi au passif de la banque centrale ce qu’elle doit. Mais ce qu’elle doit est précisément la monnaie qu’elle crée elle-même. Ainsi, une perte, aussi grande soit-elle, ne réduit pas la capacité d’une banque centrale à honorer ses engagements dès lors que ceux-ci sont en monnaie centrale. Comme le souligne la BRI, une banque centrale peut donc fonctionner avec des fonds propres négatifs.</p>
<p><strong>TCF : Comment comprendre, dès lors, les signaux d’inquiétude tels que le débat sur un éventuel renflouement de la BoE par le Trésor britannique ? N’y a-t-il pas un risque de miner la confiance dans la monnaie ?</strong></p>
<p>Le pouvoir de création monétaire de la banque centrale peut être mal compris sinon même ignoré. Auquel cas, une situation de fonds propres négatifs sera elle-même mal comprise et perçue comme grave. Et le simple fait de percevoir cela comme étant grave peut miner la confiance dans la monnaie et se révéler déstabilisant.</p>
<p>Cependant, l’acte de renflouement pourrait lui-même affecter la crédibilité de la banque centrale d’Angleterre, en même temps qu’il va détériorer les finances publiques britanniques. En filigrane, cet acte souligne surtout qu’en dernière instance, c’est toujours la puissance publique qui garantit la confiance dans la monnaie.</p>
<p>La solution réside dès lors dans la pédagogie, dans l’explication du fait que la banque centrale peut fonctionner avec des pertes et que c’est même la seule institution qui le peut. L’important réside dans la légitimité de la perte. Est-ce une perte « utile » pour la collectivité permettant à la banque centrale de contribuer aux objectifs publics ou pas ?</p>
<p><strong>TCF : En l’occurrence, pour la BoE, la perte vient de la revente des titres qu’elle a achetés dans le cadre du QE. En quoi cette revente et la perte qui l’accompagne sont-elles utiles et légitimes ? Et qu’en est-il de la BCE ?</strong></p>
<p>Comme les autres grandes banques centrales, la BoE a géré la crise financière puis la crise sanitaire en recourant massivement aux achats d’actifs. Elle a ainsi accumulé beaucoup de titres à son bilan. Elle n’est pas la seule. À l’actif du bilan consolidé de l’eurosystème, il y a près de 5 000 milliards d’euros de titres, soit plus de la moitié du total de son bilan. Ces titres sont en train de perdre de la valeur car ils ont été émis à des taux d’intérêt inférieurs à ceux d’aujourd’hui et ont été achetés au-dessus de leur valeur nominale par les banques centrales. Ainsi, nécessairement, que les banques centrales les revendent, qu’elles les conservent ou qu’ils arrivent à échéance, ces titres ont moins de valeur et se traduisent par des pertes.</p>
<p>À ce stade, la BCE n’a pas décidé, comme la BoE, de revendre des titres pour resserrer davantage sa politique monétaire, le but étant de retirer de la liquidité du marché et faire monter les taux. Pour l’instant, la BCE et les banques centrales nationales entendent « <a href="https://www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2022/html/ecb.mp221027%7Edf1d778b84.fr.html">poursuivre les réinvestissements</a>, en totalité, des remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance acquis dans le cadre du programme d’achats d’actifs ».</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Si tel devait être le cas, alors elle devrait affirmer que ces reventes sont indispensables dans le cadre de sa politique monétaire et elle devra faire comprendre à la fois l’utilité et la légitimité de la perte financière en résultant (en indiquant accessoirement à qui elle profite), tout en soulignant le fait que cela ne l’empêche pas de fonctionner correctement. Peut-être ferait-elle mieux de conserver les titres qu’elle a achetés, ce qui toutefois ne lui évitera pas d’acter les moins-values sur portefeuille et sur titres arrivés à échéance.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, dans le cas présent, il y a plus à douter de l’utilité de ces reventes à perte par la BoE que de la perte en elle-même. Ces reventes risquent en effet d’accélérer la hausse des taux sur les marchés obligataires où ces titres sont revendus et d’élever le risque de krach obligataire. C’est bien plus préoccupant que la perte que ces ventes occasionneront pour la banque centrale.</p>
<p>Le plus grave à mon avis est que la posture consistant à se représenter la banque centrale comme une entreprise et à pointer la dangerosité de ses pertes aboutit à nous priver de son pouvoir monétaire et nous empêche de le mettre au service du bien commun.</p>
<p><strong>TCF : Quelles sont les marges de manœuvre monétaire dont les banques centrales se sont privées en raison de cette posture ?</strong></p>
<p>C’est précisément cette posture qui a empêché de considérer l’utilité d’une opération d’<a href="https://theconversation.com/que-se-passerait-il-si-la-bce-annulait-la-dette-publique-quelle-detient-conversation-avec-jezabel-couppey-soubeyran-152031">annulation conditionnelle</a> des créances accumulées par les banques centrales sur les États.</p>
<p>En février 2021, près de <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/02/05/la-bce-peut-offrir-aux-etats-europeens-les-moyens-de-leur-reconstruction-ecologique-sociale-economique-et-culturelle_6068861_3232.html">150 économistes</a> de toute l’Europe, avaient recommandé que les banques centrales de l’eurosystème, qui regroupe la BCE et les banques centrales nationales des États membres de la zone euro, abandonnent les créances qu’elles avaient accumulées sur les États, en conditionnant l’opération au réinvestissement des sommes annulées là où on jugeait les besoins prioritaires ; dans le développement des énergies renouvelables, de grands programmes de rénovations thermiques, de construction d’infrastructure permettant de développer le fret ferroviaire et des mobilités moins énergivores, dans la restauration des services publics, dans l’accompagnement social et sectoriel à la transition écologique, etc.</p>
<p>Ce sont toujours les mêmes besoins prioritaires aujourd’hui qui nécessitent des investissements immenses. Quand les taux étaient au plus bas et très proches d’un pays à l’autre de la zone euro, si la partie de la dette des États détenue par leur banque centrale avait été annulée, ces derniers auraient pu ré-emprunter aisément ces sommes en allongeant le plus possible la maturité de leurs emprunts et tous auraient ainsi été engagés pour longtemps dans un programme d’investissement. Cela aurait donné un sérieux coup d’accélérateur à l’indispensable <a href="https://www.lespetitsmatins.fr/collections/essais/293-2030-c-est-demain-.html">transformation sociale-écologique</a>.</p>
<p>La proposition avait fait polémique et avait été jugée <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/02/07/christine-lagarde-juge-inenvisageable-l-annulation-de-la-dette-Covid_6069055_3234.html">inenvisageable</a> par Christine Lagarde, présidente de la BCE, qui avait aussi pointé la perte comptable que cela occasionnerait pour l’eurosystème. Pourtant, on serait bien content aujourd’hui que ces investissements verts aient été engagés en temps utiles.</p>
<p><strong>Le 4 juillet dernier, le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) avait cependant annoncé qu’elle allait « <a href="https://theconversation.com/politique-monetaire-verte-un-grand-pas-pour-la-bce-un-petit-pas-pour-le-climat-186686">tenir compte du changement climatique</a> dans ses achats d’obligations d’entreprises, son dispositif de garanties, ses exigences de déclaration et sa gestion des risques, conformément à son programme d’action pour le climat ». N’est-ce pas un indice d’une réorientation de la politique monétaire dans ce sens ?</strong></p>
<p>Même si les dispositions annoncées en juillet dernier vont dans le bon sens, puisqu’elles signifient que la politique monétaire est en train de verdir, elles n’ont rien d’équivalent à plusieurs milliers de milliards d’euros d’investissements publics dans la transition écologique comme l’aurait permis l’opération d’annulation conditionnelle.</p>
<p>On pourra toujours voir le verre à moitié plein mais force est de constater que l’effort reste limité : la sélection que la BCE s’apprête notamment à effectuer dans ses achats de titres ne porte que sur ses « avoirs en obligations d’entreprises », qui ne représentent qu’une petite fraction de son portefeuille et qui surtout vont cesser avec l’arrêt des programmes d’achats d’actifs. Concernant le verdissement des garanties apportées par les banques, on n’est pas à l’abri d’effets d’aubaine.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/politique-monetaire-verte-un-grand-pas-pour-la-bce-un-petit-pas-pour-le-climat-186686">Politique monétaire « verte » : un grand pas pour la BCE, un petit pas pour le climat</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>L’option la plus intéressante à mandat constant, c’est-à-dire réalisable sans rien changer au mandat de la BCE, a pour le moment été écartée. C’est celle des TLTRO verts, largement soutenue depuis plusieurs années par des ONG et des think tanks comme <a href="https://www.positivemoney.eu/2020/09/green-tltros/">Positive Money</a> et <a href="https://www.veblen-institute.org/La-BCE-a-l-heure-des-decisions-951.html">l’Institut Veblen</a>. Cela consisterait à moduler le taux de refinancement des banques en fonction de l’accroissement des crédits « verts » à leur actif. Cette solution pourrait favoriser une allocation « durable ou habilitante » du crédit bancaire et permettrait de traiter équitablement chaque établissement de crédit, quelle que soit son empreinte carbone initiale. C’est l’effort de décarbonation qui serait récompensé et ce serait aussi une bonne façon de rendre la remontée des taux plus graduelle puisqu’ils augmenteraient moins pour les banques contribuant à la transition.</p>
<p><strong>TCF : Est-ce la même logique qui conduit à écarter la <a href="https://theconversation.com/la-monnaie-et-les-economistes-je-taime-moi-non-plus-137610">monnaie hélicoptère</a> ? Une telle innovation monétaire pourrait-elle être utile dans le contexte <a href="https://theconversation.com/inflation-croissance-nulle-et-plein-emploi-bienvenue-dans-la-stagflation-2-0-182780">stagflationniste</a> actuel ?</strong></p>
<p>Effectivement, comme l’abandon des créances au profit des autorités publiques, la monnaie hélicoptère occasionnerait une perte au bilan de la banque centrale. Mais, cette fois, au profit des ménages et des entreprises concernées, puisque cela consisterait à donner de la monnaie gratuitement et sans remboursement aux ménages et à certaines entreprises. Dans les deux situations, la monnaie créée par la banque centrale acquerrait un caractère permanent – dans le cas de l’annulation de dettes, la monnaie créée initialement par la banque centrale pour acheter les titres ne serait pas détruite puisque les dettes ne seraient pas remboursées, et dans le cas de la monnaie hélicoptère, la banque centrale créerait de la monnaie sans contrepartie financière, c’est-à-dire sans inscrire à son bilan d’actif exigible en contrepartie.</p>
<p>Les banques centrales se refusent pour le moment à voir dans la monnaie hélicoptère un nouvel instrument possible alors que ce pourrait être un <a href="https://www.veblen-institute.org/Note-Veblen-Un-drone-monetaire-pour-remettre-la-politique-monetaire-au-service.html">outil puissant de soutien de la dépense</a> en situation de déflation ou de stagflation.</p>
<p>Cela s’envisage en effet plutôt dans un contexte de déflation, car en situation d’inflation, le fait d’augmenter la capacité de dépense peut faire craindre d’alimenter davantage l’inflation. Cependant, quand l’inflation ne vient pas d’un excès de monnaie à la disposition des ménages – comme aujourd’hui où nous faisons face à une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/10/28/l-inflation-actuelle-puise-ses-racines-dans-des-facteurs-lies-a-l-absence-de-transition-energetique_6147739_3232.html">inflation beaucoup plus structurelle que conjoncturelle</a> – et qu’elle coexiste avec une stagnation voire une récession, alors cela pourrait être très utile pour les banques centrales de disposer d’un outil supplémentaire les rendant capables de soutenir la dépense sans délai et sans problème de transmission.</p>
<p>La <a href="https://www.euractiv.fr/section/economie/opinion/leuro-numerique-concerne-la-societe-et-pas-seulement-la-finance/">monnaie numérique de banque centrale</a>, qui est en préparation à la BCE notamment, pourrait lever les obstacles techniques de la monnaie hélicoptère. Le jour où tout le monde disposera d’un compte en monnaie centrale numérique, un transfert de monnaie centrale sur ces comptes deviendra aussitôt techniquement possible. L’euro numérique pourrait même être “programmable”, c’est-à-dire pré-programmé pour flécher la dépense vers des achats nécessaires à la transition écologique ou qui ne vont pas à son encontre.</p>
<p><strong>TCF : Plus largement, comment l’usage volontaire de la monnaie peut-il contribuer à surmonter les crises et à relever les défis du développement économique ? Que nous dit l’histoire monétaire à ce propos ?</strong></p>
<p>Plus largement, le <a href="https://www.veblen-institute.org/La-transition-monetaire-Pour-une-monnaie-au-service-du-bien-commun.html">pouvoir monétaire de la banque centrale serait mis au service du bien commun</a> si l’on convenait démocratiquement de lui faire prendre en charge des dépenses reconnues comme étant indispensables collectivement et trop massives pour être financées par l’impôt ou par l’accroissement de la dette obligataire des États. C’est typiquement le cas d’une grande part des dépenses nécessaires à la transition écologique ou aux investissements dans les infrastructures publiques et non marchandes.</p>
<p>Dépenses indispensables mais non rentables et qui, de ce fait, n’ont pas lieu. Que l’on pense à l’adaptation des infrastructures routières et ferroviaires pour transformer nos mobilités, à la dépollution, à la protection de la biodiversité (en laissant reposer des sols, en les désartificialisant, en replantant des arbres, etc.), à la formation, aux mesures de compensation et d’accompagnement pour une « transition juste », aux hôpitaux publics, aux écoles, universités, maisons de retraite, crèches, etc.</p>
<p>Pour tous ces projets indispensables, on manque de financement parce que <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/05/14/jezabel-couppey-soubeyran-ne-demandons-pas-a-la-transition-ecologique-d-etre-toujours-rentable_6126051_3232.html">ce n’est pas rentable</a>. Il faut pour cela un financement alternatif innovant, il faut que les banques centrales inaugurent un nouvel arsenal d’armes monétaires. Ce pourrait être des prêts à taux zéro dont la durée serait adaptée à la nature des investissements et même des prêts perpétuels ou des dons lorsqu’il s’agit de restaurer l’environnement et la biodiversité. Après tout, les abeilles, les oiseaux, les arbres n’ont pas la capacité de rembourser et pourtant ils nous rendent tellement de services gratuitement.</p>
<p>Le problème est que l’indispensable financement du secteur public et du bien commun est interdit aux banques centrales. En effet, depuis maintenant plusieurs décennies, les États n’ont plus la possibilité de se financer directement auprès de leur banque centrale. En Europe, l’article 123 du <a href="https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:12012E/TXT:fr:PDF">Traité sur le fonctionnement de l’Europe</a> (TFUE) interdit aux banques centrales du SEBC d’apporter une assistance financière directe aux États membres.</p>
<p>Plus précisément, le traité interdit aux banques centrales « d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit » aux autorités publiques, ce qui littéralement ne leur interdit pas de « donner de la monnaie » aux États. Il fait peu de doute cependant que les juristes de la BCE jugeraient le don de monnaie centrale aux autorités publiques autant contraire à l’esprit du traité, sinon plus, qu’un crédit ou un découvert. Il en va différemment en ce qui concerne un don de monnaie centrale aux ménages et aux entreprises (monnaie hélicoptère), nulle part interdit dans le traité, car nulle part envisagé sous quelque forme que ce soit.</p>
<p>Cet interdit d’assistance financière directe aux États n’est en tout cas pas spécifique à l’Europe et concerne pratiquement toutes les banques centrales. Or, sans ce type de transformations monétaires, les dépenses indispensables à la transformation écologique et sociale de nos sociétés n’auront pas lieu. Bien sûr, il ne s’agit absolument pas que toute la monnaie créée par la banque centrale le soit dans ce nouvel arsenal, il s’agit d’utiliser le pouvoir monétaire pour répondre exclusivement aux besoins de transformation de la société.</p>
<p>L’urgence écologique doit faire loi. Ignorer ou feindre d’ignorer le pouvoir monétaire de la banque centrale, c’est empêcher la société tout entière de mettre ce pouvoir au service du bien commun et de l’indispensable transition écologique. L’histoire monétaire nous a pourtant appris que l’usage volontaire de la monnaie a toujours contribué à surmonter les crises, les guerres et les défis du développement économique. Or il n’y a pas plus grand et plus urgent défi aujourd’hui que la lutte contre le dérèglement climatique, la restauration de la biodiversité, la restauration de la capacité énergétique et la consolidation des infrastructures publiques.</p>
<p><strong>TCF : Quels seraient les aménagements nécessaires pour accueillir ces innovations monétaires tout en maintenant la confiance dans la monnaie ?</strong></p>
<p>La bonne façon d’accueillir ces innovations monétaires serait d’abord de tenir compte de l’incompréhension qui entoure le pouvoir monétaire de la banque centrale et de faire un effort de pédagogie. Ensuite, afin de conserver la confiance en l’institution et en la monnaie, il faudrait accorder un statut définitif à ce qu’on appelait, jusqu’à récemment, « les opérations non conventionnelles » d’achats de titres qui sont précisément à la source des « pertes » actuelles.</p>
<p>À l’issue de sa dernière <a href="https://www.ecb.europa.eu/home/search/review/html/ecb.strategyreview_monpol_strategy_statement.fr.html">revue stratégique</a>, la BCE a bien entamé cette intégration en disant que dorénavant ce type d’opérations ferait partie intégrante de sa boîte à outils, mais elle n’a pas encore intégré totalement toutes les conséquences de ces choix, ce qui explique qu’elle parle de « pertes » plutôt que de parler de « contributions définitives aux objectifs publics ».</p>
<p>Enfin, avec les nouveaux outils de financement alternatif proposés ici, la banque centrale redeviendrait, en partie, l’outil de financement du bien commun et du bien public. Naturellement, ces propositions amèneront à s’interroger sur la gouvernance des banques centrales. Le principe d’indépendance de la banque centrale doit-il être conservé ? Faut-il mettre en place une structure d’accompagnement de ces nouvelles missions ? On notera d’ailleurs que dans les pays anglo-saxons, seul le comité de politique monétaire est indépendant. La banque centrale, en tant que telle, ne l’est pas.</p>
<p>En termes techniques, ces opérations menées au profit de la communauté seraient alors enregistrées dans un nouveau poste comptable d’actif au bilan, qui permettrait de les rendre visibles sous la forme d’un actif non exigible « <a href="https://laviedesidees.fr/La-monnaie-volontaire.html">Contributions définitives de la banque centrale aux objectifs publics</a> ».</p>
<p>Ainsi, non seulement il n’y aurait pas de perte à acter, mais il y aurait en plus une mémoire des opérations d’intérêt public, d’intérêt national, qui permettrait de réguler le stock de monnaie permanente en résultant (permanente puisque pas adossée sur un crédit à rembourser ou sur un titre acquis et pouvant être revendu). Assurément si la volonté politique était là pour conduire ces innovations monétaires, le cadre comptable suivrait sans aucune difficulté et favoriserait la transparence de ces opérations.</p>
<p><strong>TCF : Qu’est-ce qui pourrait faire changer le fonctionnement des banques centrales ? D’où pourrait venir l’impulsion politique ?</strong></p>
<p>Depuis leur origine, qui remonte au XVII<sup>e</sup> siècle avec la création de la Banque de Suède en 1668 et celle de la Banque d’Angleterre en 1694 (la Banque de France date de 1800), les banques centrales ont grandement évolué. C’est généralement sous la pression externe que cette évolution a eu lieu, comme celle des crises économiques et financières, des guerres. Actuellement, la polycrise écologique, épidémique, économique, énergétique et la guerre en Ukraine exercent cette pression.</p>
<p>L’impulsion pour ce changement ne peut toutefois venir que du corps électoral, des citoyens et citoyennes que nous sommes ainsi que des parlementaires qui nous représentent ! L’initiative ne peut pas venir des banques centrales elles-mêmes car elles agissent dans le cadre d’un mandat où l’on inscrit démocratiquement les objectifs qu’on leur confie, mandat qui, rappelons-le, s’impose à elles et dont elles ne décident pas.</p>
<p>N’oublions pas que les banques centrales nous appartiennent et qu’il nous revient d’ajuster leurs missions quand les circonstances nous l’imposent. Ce ne sont ni des entreprises ni des institutions figées. À nous de les faire évoluer !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193876/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jézabel Couppey-Soubeyran est membre de l'Institut Veblen et de la chaire énergie et prospérité. Elle a reçu des financements de ces organisations. </span></em></p>Pour une banque commerciale ou une entreprise, les pertes sont problématiques. Pas pour une banque centrale car ça ne l’empêche pas de fonctionner, même si cette situation pose question.Jézabel Couppey-Soubeyran, Maîtresse de conférences en économie, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1932562022-10-27T17:42:09Z2022-10-27T17:42:09ZPoids de la dette et inflation : quelles leçons après l’épisode britannique ?<p>Au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/royaume-uni-22589">Royaume-Uni</a>, l’annonce du mini-budget, le 23 septembre, et les <a href="https://theconversation.com/le-revirement-du-gouvernement-britannique-face-aux-marches-une-perspective-historique-191872">événements qui ont suivi</a> jusqu’à l’annonce de la <a href="https://theconversation.com/liz-truss-les-cinq-raisons-qui-ont-mene-a-sa-demission-193029">démission de la première ministre Liz Truss</a>, le 20 octobre, ont suscité un regain d’intérêt pour le risque de « <a href="https://theconversation.com/la-dette-publique-boulet-des-banques-centrales-dans-la-lutte-contre-linflation-172629">dominance budgétaire</a> », c’est-à-dire une situation dans laquelle la banque centrale abandonne son objectif de stabilité des prix pour aider le gouvernement à financer ses déficits.</p>
<p>Mais dans quelle mesure cette séquence d’événements doit-elle nous pousser à repenser les relations entre les gouvernements, en charge de la politique fiscale, et les banques centrales indépendantes, en charge de la politique monétaire avec un mandat de stabilité des prix ? Que nous apprend-elle sur ce risque de dominance budgétaire ?</p>
<p>La manière canonique d’analyser les <a href="https://ideas.repec.org/a/fip/fedmqr/y1981ifallnv.5no.3.html">interactions fiscales et monétaires</a> a été introduite par les économistes américains Thomas Sargent et Neil Wallace il y a 40 ans. Dans leur contexte, la principale question est de savoir qui ajuste sa politique entre le gouvernement et la banque centrale pour que le gouvernement satisfasse sa contrainte budgétaire. Si le gouvernement réussit à imposer une trajectoire de déficits futurs – il « agit en premier » dans le langage de Sargent et Wallace –, la banque centrale est obligée de « se dégonfler » et de financer les besoins futurs du gouvernement.</p>
<h2>Pressions sur les banques centrales</h2>
<p>Une telle situation ressemble à s’y méprendre au <a href="https://www.bfmtv.com/international/demission-de-liz-truss-ce-mini-budget-qui-a-fait-tomber-la-premiere-ministre-britannique_AD-202210200594.html">mini-budget</a> britannique et à ses engagements de réductions drastiques de certaines taxes. Mais les événements au Royaume-Uni montrent qu’il peut être plus difficile que nous ne le pensions pour le gouvernement d’« agir en premier » et de « coincer » la banque centrale en imposant une trajectoire de déficits futurs. Le <a href="https://www.ouest-france.fr/europe/royaume-uni/royaume-uni-le-ministre-des-finances-kwasi-kwarteng-demis-de-ses-fonctions-73c7230c-4bb5-11ed-9879-c1a2e97ee6a1">ministre des Finances a démissionné</a> le 14 octobre – avant que Liz Truss ne quitte elle-même le 10, Downing Street. Presque tous les plans budgétaires annoncés ont été retirés.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-revirement-du-gouvernement-britannique-face-aux-marches-une-perspective-historique-191872">Le revirement du gouvernement britannique face aux marchés : une perspective historique</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>In fine, la « dominance monétaire » – c’est-à-dire une situation où la banque centrale privilégie son mandat de stabilité des prix et oblige le gouvernement à adopter une trajectoire de déficits plus soutenables – pourrait éventuellement l’emporter. C’est d’ailleurs ce que notent un certain nombre d’observateurs tels que Jason Furman, ancien président du conseil des conseillers économiques sous la présidence de Barack Obama aux États-Unis.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1581991901498343425"}"></div></p>
<p>Une telle dominance monétaire ne va pourtant pas de soi aujourd’hui, dans un contexte de pressions accrues sur les banques centrales en raison notamment du niveau important des dettes publiques, du caractère importé d’une partie de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">l’inflation</a> et des besoins importants de financement, par exemple, de la <a href="https://www.ft.com/content/6f70bbcd-72b7-4518-be6b-401adba7cc34">transition verte</a>.</p>
<h2>Forte réaction des marchés</h2>
<p>Alors, quels sont les déterminants expliquant qui remporte finalement la partie entre la banque centrale et le gouvernement ? Parmi ces nombreux déterminants, l’expérience britannique montre que le plus important – qui manque dans la plupart des analyses – est le fonctionnement du marché de la dette.</p>
<p>Pour emprunter le langage de Markus Brunnermeier, professeur d’économie à Princeton, la domination monétaire découle en partie de la <a href="https://scholar.princeton.edu/markus/node/12212">« domination financière »</a> : l’exposition du secteur financier à la dette britannique et, notamment, des fonds de pension a été clé dans la forte réaction des marchés et la brutale hausse des taux.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/9ZXsbCckve8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Money and Banking, part 4 : Risky Government Debt, Diabolic Loop, Stability and Dominance Concepts (Markus Economicus, 2017).</span></figcaption>
</figure>
<p>Si les investisseurs sur le marché de la dette réagissent fortement à une politique budgétaire déséquilibrée – entraînant une pénurie de liquidités sur ces marchés clés – alors l’action de la banque centrale devient essentielle pour éviter le défaut et réduire le coût pour le gouvernement de s’engager dans cette politique budgétaire.</p>
<p>Mais ces interventions de la banque centrale ne sont pas neutres non plus et cette banque centrale peut préférer limiter le plus possible ses interventions : dans un contexte d’inflation d’ores et déjà élevée et de craintes quant à la crédibilité de la livre sterling, une monétisation trop importante des déficits aurait été catastrophique pour la stabilité monétaire du Royaume-Uni.</p>
<h2>Croyances des investisseurs</h2>
<p>Ainsi, trois éléments ont été déterminants pour que la banque centrale s’impose et que la domination monétaire se concrétise : (i) le marché a fortement réagi aux nouvelles budgétaires britanniques, (ii) la banque centrale était suffisamment disposée à dissuader la domination budgétaire, (iii) le gouvernement britannique se rend compte que le coût de la domination budgétaire pour le gouvernement dépasse ses gains attendus.</p>
<p>De ce fait, trois « joueurs » ont compté pour l’issue du jeu entre la banque centrale et le gouvernement, faisant ainsi écho à notre recherche récente dans laquelle nous nous interrogions : « <a href="https://cepr.org/voxeu/columns/large-public-debts-need-not-imply-fiscal-dominance">La Banque centrale, le Trésor ou le marché : lequel détermine le niveau des prix ?</a> ».</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Qu’implique ce rôle du marché pour les banques centrales dans cette question du risque de dominance budgétaire ? Premièrement, il est clé pour les banques centrales et leurs mandats de stabilité des prix qu’elles influencent les croyances des investisseurs : lorsque les investisseurs pensent que la banque centrale va se « dégonfler », les marchés ne réagiront pas aux politiques fiscales trop expansionnistes et la dominance budgétaire prévaudra.</p>
<p>Deuxièmement, les banques centrales doivent également laisser les prix sur les marchés de dette refléter les croyances des investisseurs quant aux risques liés à la politique fiscale. Cela n’est pas nécessairement satisfait lorsque les banques centrales sont trop interventionnistes sur ces marchés, même si d’autres motifs peuvent justifier des interventions comme une éventuelle <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/banque-assurances/lexuberance-des-marches-principal-risque-pour-le-systeme-financier-selon-la-banque-de-france-1378033">exubérance des marchés</a>.</p>
<p>Ce dernier point doit pousser à la réflexion des banques centrales comme la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-centrale-europeenne-bce-24704">Banque centrale européenne (BCE)</a>, notamment en ce qui concerne son nouvel instrument – son outil « anti-fragmentation », le <a href="https://www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2022/html/ecb.pr220721%7E973e6e7273.en.html"><em>Transmission Protection Instrument</em></a> – qui lui permet d’agir en cas de variation du taux de financement d’un pays.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193256/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La séquence entre l’annonce du mini-budget jusqu’à la démission de Liz Truss met en avant le rôle crucial des marchés quant au risque de monétisation des déficits publics par les banques centrales.Éric Mengus, Professeur associé en économie et sciences de la décision, HEC Paris Business SchoolGuillaume Plantin, Professor, Research and Faculty Dean , Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1926652022-10-24T17:17:13Z2022-10-24T17:17:13ZLes Français accepteraient dorénavant plus de chômage pour moins d’inflation<p>Lancée dans les années 1960 par les économistes américains Robert Solow et Paul Samuelson, l’idée d’un possible arbitrage entre <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">inflation</a> et <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chomage-20137">chômage</a> orchestré par les pouvoirs publics s’est immédiatement imposée dans la littérature économique et dans la pratique politique. Dans cette optique, une demande globale boostée par la politique budgétaire peut faire diminuer le chômage. En retour, cette baisse du chômage génère des tensions sur le marché du travail conduisant à une hausse des salaires et des prix.</p>
<p>La relation inverse entre chômage et inflation est connue sous le nom de « courbe de Phillips ». Avec une inflation aux abonnés absents depuis trois décennies, les économistes avaient de facto abandonné le concept, même si on s’y référait de temps à l’autre. Aujourd’hui, l’inflation massive est de retour et la question de sacrifier la croissance pour faire reculer l’inflation se pose à nouveau.</p>
<iframe src="https://embed.acast.com/601af1d942a1b65a0f451f54/60af4da4e7803600139fb1ce?cover=true" frameborder="0" allow="autoplay" width="100%" height="110"></iframe>
<p><iframe id="tc-infographic-568" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/568/ac06534b333315ddae980998d5cd8263464b2501/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Lors d’un discours important prononcé fin août 2022, Isabel Schnabel, membre du comité des directeurs de la Banque centrale européenne (BCE), indiquait que l’institution était décidée à contenir l’inflation fusse <a href="https://www.lecho.be/les-marches/actu/general/le-durcissement-de-ton-des-banques-centrales-fait-grimper-les-taux/10410080.html">au risque de dégrader le marché du travail</a>. Au Royaume-Uni, l’éphémère première ministre Liz Truss semblait de son côté tentée, au contraire, de relancer la croissance plutôt que défendre la stabilité des prix, avant de faire machine arrière sous la pression du marché obligataire.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-revirement-du-gouvernement-britannique-face-aux-marches-une-perspective-historique-191872">Le revirement du gouvernement britannique face aux marchés : une perspective historique</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/490853/original/file-20221020-22-u902ey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/490853/original/file-20221020-22-u902ey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/490853/original/file-20221020-22-u902ey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=764&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/490853/original/file-20221020-22-u902ey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=764&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/490853/original/file-20221020-22-u902ey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=764&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/490853/original/file-20221020-22-u902ey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=960&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/490853/original/file-20221020-22-u902ey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=960&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/490853/original/file-20221020-22-u902ey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=960&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 1.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs, données Eurostat</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La Figure 1 présente le taux de chômage et le taux d’inflation, tels qu’enregistrés au 31 août 2022 pour 31 pays d’Europe pour lesquels Eurostat publie des données. Le nuage de points révèle des similarités et des différences. Tous les pays présentent des taux d’inflation supérieurs à 2 %, avec certains où l’inflation est forte (entre 5 % et 10 %) et d’autres où l’inflation est très forte (supérieure à 10 %).</p>
<p>Ces différences tiennent pour beaucoup à la dépendance des pays aux importations de pétrole et gaz russe mais aussi aux politiques de régulation des prix de l’énergie que certains gouvernements ont mis en place pour limiter la hausse des prix.</p>
<h2>Nuisances macroéconomiques</h2>
<p>Le fonctionnement du marché du travail constitue un autre facteur explicatif. Dans certains pays, les revenus sont indexés officiellement ou officieusement sur l’inflation alors que ce n’est pas le cas dans d’autres pays. En France, le salaire minimum est par exemple indexé mais pas les autres salaires. Le poids des syndicats et la nature des négociations collectives (niveau de l’entreprise, de la branche ou nationales) constituent un autre facteur déterminant des hausses salariales et d’un éventuel bouclage vers les prix.</p>
<p>Le choc inflationniste actuel n’a été anticipé, ni par les agents privés ni par la BCE qui a même dû présenter des excuses pour ses erreurs de prévision. Dans la mesure où les salaires s’adaptent très lentement à la hausse des prix, le « salaire réel » (salaire rapporté au prix) a donc diminué avec un effet stimulant sur la demande de travail.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Cet effet positif est toutefois contrecarré par la diminution du pouvoir d’achat et les restrictions sur la consommation et l’investissement en présence d’une forte inflation. La figure 1 montre également un marché du travail relativement résilient, comme si, pour le moment, le premier effet l’emportait sur le second. Il s’agit d’un arbitrage inflation-chômage, tiré essentiellement par la quasi-rigidité salariale, qui risque de ne pas durer.</p>
<p>Chômage et inflation constituent l’un comme l’autre deux nuisances macroéconomiques détruisant le bien-être des citoyens, chacune à sa manière. Il est normal que les gouvernements cherchent à les combattre par tous les moyens à leur disposition. Il n’est toutefois pas facile pour un gouvernement de déterminer la combinaison inflation et chômage qui minimise la perte de bien-être social, car il est très difficile de connaître les préférences des citoyens et de les agréger pour obtenir un objectif social cohérent.</p>
<h2>« Misery index »</h2>
<p>Dans les années 1970, l’économiste américain Arthur Okun du National Bureau of Economic Research (NBER) a proposé une réponse directe à cette question avec « l’indice de la misère » (« misery index »). Il est donné par la simple somme du taux de chômage et du taux d’inflation (en valeur absolue) dans un pays, à un moment donné.</p>
<p>L’indice n’a pas d’unité de mesure, il est une approximation de la perte de bien-être social issue de deux phénomènes conjoints. Par construction, l’index implique une forme de substitution parfaite entre l’inflation et le chômage : à désutilité sociale constante, les citoyens acceptent un point de plus de chômage contre un point d’inflation en moins.</p>
<p>La Figure 2 présente l’indice de la misère pour les mêmes pays, à partir du taux d’inflation et de chômage enregistré en fin de mois d’août 2022. Il est de 14 pour la France, et de 12 pour l’Allemagne.</p>
<p><iframe id="r41R8" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/r41R8/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Dans les années 1980, de nombreux critiques ont fait valoir que l’indice attribuait un poids trop important à l’inflation comparé au chômage. Certains auteurs ont étudié si l’indice de la misère, en tant qu’approximation d’une perte objective de bien-être social, est cohérent avec les mesures subjectives de satisfaction.</p>
<p>Ainsi, au début des années 2000, l’économiste argentin Rafael Di Tella et ses coauteurs ont développé des modèles de régression pour expliquer le bien-être subjectif par l’inflation et le chômage, et autres variables macroéconomiques. Leurs estimations montraient que le chômage demeurait la principale crainte des citoyens européens, largement devant l’inflation. En revanche, en 2007, l’étude de l’économiste allemand Heinz Welch sur des données européennes a apporté un soutien empirique à l’hypothèse originaire d’Okun, d’un impact égal de l’inflation et du chômage sur le bien-être social (subjectif).</p>
<h2>Le poids de l’inflation sous-évalué</h2>
<p>Dans la situation actuelle, la question des préférences sociales quant à l’inflation et au chômage prend une acuité forte autant que renouvelée. Pour situer l’état des préférences de nos concitoyens aujourd’hui, nous avons eu recours à un sondage administré par l’institut OpinionWay le 28 septembre 2022, sur un échantillon de 1008 personnes représentatives de la population française (en âge de 18 ans ou plus). Les participants ont dû faire un choix entre plusieurs combinaisons de taux de chômage et taux d’inflation, toutes d’une somme égale à 12 points de pourcentage (donc un indice de la misère de 12).</p>
<p>La Figure 3 présente la distribution des réponses. Il apparaît que 27 % des répondants expriment une préférence pour la répartition à égalité entre 6 % d’inflation et 6 % de chômage. Il n’y a que 17 % des répondants qui préfèrent les combinaisons à faible chômage et forte inflation tandis que 56 % préfèrent une inflation faible en contrepartie d’un chômage plus fort.</p>
<p>À ce jour, en France l’index de la misère semble donc sous-évaluer le poids de l’inflation. Il y a donc un renversement très intéressant des préférences sociales sur lesquelles étaient bâties les politiques économiques passées, préférences qui ont amené dans les années 1970 les gouvernants à laisser filer l’inflation dans l’espoir de réduire le chômage, espoir qui s’est avéré vain.</p>
<p>Ce résultat n’est pas si surprenant dans la mesure où l’inflation touche tous les Français et son coût est immédiatement palpable alors que le chômage ne représente qu’un risque faible pour la majorité des personnes interviewées. Il n’est pas surprenant que le retour de l’inflation après une longue période de « modération » nourrisse de l’anxiété en tant que phénomène négatif nouveau.</p>
<p><iframe id="SsjZM" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/SsjZM/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ces résultats sont très importants pour la politique économique. Le gouvernement est censé agir en cohérence avec ce que les citoyens attendent de lui, d’autant plus qu’il porte une responsabilité importante dans l’émergence de l’inflation dont la majeure partie est antérieure à la guerre en Ukraine et postérieure à la période difficile de confinement.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-sentiment-de-bien-etre-des-francais-est-aujourdhui-suspendu-a-linflation-180921">Le sentiment de bien-être des Français est aujourd’hui suspendu à l’inflation</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Le gouvernement a choisi de traiter la hausse des prix de l’énergie par le blocage administratif des prix, politique qui a pour effet de creuser encore le déficit budgétaire. Le blocage des prix est une solution d’urgence absolue pour bloquer une hausse massive, anormale et potentiellement catastrophique pour le bien-être collectif.</p>
<p>Un blocage des prix maintenu dans le temps a l’inconvénient majeur de supprimer l’incitation à baisser la consommation que génère la hausse du prix et l’incitation à la recherche de solutions alternatives. Dans le cas spécifique des combustibles fossiles, le contexte d’urgence climatique pousse à la réduction de leur utilisation et non à encourager leur consommation.</p>
<p>Pour lutter contre l’inflation, le gouvernement n’a pas d’autre choix que limiter la demande globale. Il peut le faire de plusieurs façons, la meilleure étant la réduction des dépenses publiques ou l’augmentation de certaines taxes, étant donné le contexte actuel de hausse des taux d’intérêt sur les dettes publiques. D’après nos résultats, il y a actuellement une fenêtre favorable pour cette politique que le gouvernement serait sage d’exploiter.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192665/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>À devoir faire un choix entre deux nuisances, une majorité de la population déclare préférer les situations à fort chômage et faible inflation aux situations à forte inflation et chômage faible.Marc Guyot, Professeur d'économie, ESSEC Radu Vranceanu, Professeur d'économie, ESSEC Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1909292022-09-20T18:28:20Z2022-09-20T18:28:20ZImmobilier : avec la hausse des taux, est-ce bien le moment d’acheter ?<p>Quelles conséquences le mouvement de hausse des taux enclenché par la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-centrale-europeenne-bce-24704">Banque centrale européenne</a> (BCE) fin juillet aura-t-il sur les emprunts <a href="https://theconversation.com/fr/topics/immobilier-23232">immobiliers</a> ? Si l’on regarde le graphique ci-dessous, reprenant l’évolution du taux immobilier moyen octroyé aux particuliers depuis 5 ans, on peut observer une forte variation de ce dernier alors que les taux directeurs de la BCE restaient inchangés. En effet, en août 2017, le taux moyen était de 1,62 % alors qu’en décembre 2021 il est descendu jusqu’à 1,06 %. Mais pourquoi observe-t-on ces variations ?</p>
<p><iframe id="yDpcQ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/yDpcQ/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pour bien comprendre ces changements de taux, il est important de rappeler que le taux que l’on observe, aussi appelé taux nominal du prêt, se décompose en deux parties : d’un côté le « spread » qui correspond à la partie du taux fixé par la banque pour dégager une marge commerciale et se couvrir face au risque de non-remboursement ; de l’autre, le taux de refinancement de la banque, c’est-à-dire le taux directeur auquel cette dernière emprunte auprès de la banque centrale. C’est ce taux directeur, fixé par la banque centrale elle-même qui a évolué ces dernières semaines. La BCE, tout comme la Réserve fédérale (Fed) aux États-Unis, a en effet décidé de prêter plus cher aux banques commerciales pour restreindre le crédit et lutter ainsi contre l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">inflation</a> qui atteignait, en août dernier, <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/fr/web/products-euro-indicators/-/2-31082022-ap">9,1 % dans la zone euro</a> en rythme annuel.</p>
<h2>Une hausse amorcée dès janvier 2022</h2>
<p>Le jeudi 8 septembre, le Conseil des gouverneurs, qui représente le principal organe de décision de la BCE, a ainsi annoncé une <a href="https://www.bfmtv.com/economie/economie-social/union-europeenne/la-bce-augmente-ses-taux-d-interets-de-75-points-de-base_AN-202209080405.html">augmentation de ses principaux taux directeurs de 75 points de base</a>. Cette hausse intervient après un premier relèvement en juillet 2021 qui constituait une première depuis plus d’une décennie.</p>
<p>Cette situation avait, semble-t-il, été largement anticipée par les banques, au vu de la situation économique, et ces dernières l’avaient déjà répercutée sur leurs taux d’emprunt. En effet, on observe que le taux moyen du crédit hors renégociations commence à augmenter au mois de janvier 2022, passant de 1,06 % en décembre 2021 à 1,45 % en juillet 2022.</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Selon le mécanisme décrit précédemment, toute chose étant égale par ailleurs, une augmentation du taux de refinancement de la banque entraine donc une augmentation du taux de crédit proposé aux particuliers. En conséquence, un relèvement des taux directeurs tel que celui que l’on observe actuellement peut inciter les ménages à retarder leurs projets s’ils estiment que le coût d’emprunt est trop élevé. Même si cette augmentation du taux d’intérêt ne semble pas très élevée, cela peut malgré tout entrainer une réduction des capacités d’achats de certains emprunteurs particuliers.</p>
<h2>Moins de surfaces</h2>
<p>Prenons un exemple concret. En 2022, l’Insee a considéré que le <a href="https://business-cool.com/decryptage/analyse/salaire-moyen-median-france-2022/">salaire moyen tournait autour de 2 340 euros net</a> par mois en France. Afin de démontrer l’impact de l’augmentation des taux du crédit, nous prendrons ce montant pour 2021 et 2022. Sachant que le taux maximal d’endettement autorisé par loi en France est de <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A15426">35 % pour les prêts immobiliers</a>, cela veut dire que la mensualité maximale autorisée représente 819 euros/mois.</p>
<p>Comme le démontre le graphique que nous avons vu ci-dessus, le taux moyen des prêts immobiliers en juillet 2021 était de 1,08 % et ce dernier est monté à 1,45 % en juillet 2022.</p>
<p>Cela veut dire que la capacité d’emprunt de l’individu moyen est de 215 240 euros en 2021 et presque 10 000 euros de moins en 2022 (205 990 euros). Si on traduit cela en mètres carrés à l’achat, un emprunteur moyen pouvait acheter un bien de 92 m<sup>2</sup> en 2021 et de 84 m<sup>2</sup> en 2022, soit une réduction de presque 10 %.</p>
<h2>Est-ce le moment d’acheter ?</h2>
<p>Si maintenant on considère que les 75 points de base vont être impactés directement sur les taux emprunteurs, cela veut dire une réduction de la capacité d’emprunt à 188 858 euros, soit un appartement de 77 m<sup>2</sup>, équivalent à une réduction de plus de 15 % de la taille du logement.</p>
<p>Le tableau ci-dessous reprend les principaux éléments de notre simulation.</p>
<p><iframe id="RpRql" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/RpRql/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Dès lors, faut-il acheter malgré la hausse des taux ? La réponse n’est pas si évidente. Si on compare notre situation actuelle aux mois/années qui précèdent, le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pouvoir-dachat-33467">pouvoir d’achat</a> d’un particulier a déjà commencé à diminuer. Acheter suppose donc de bien comprendre les mécanismes qui sont à l’œuvre derrière cette hausse de taux afin de renforcer son dossier de demande de prêt pour minimiser l’impact de cette hausse sur les caractéristiques du bien qu’on cherche à acquérir.</p>
<p>Si l’on ne peut pas jouer sur les taux directeurs, on peut toutefois faire en sorte de minimiser son spread. Ainsi, présenter un meilleur dossier à la banque favoriserait une hausse du taux atténuée et donc, si on suit la simulation ci-dessus, une plus faible baisse de la taille du logement. De plus, si on anticipe que la hausse des taux directeurs de la faible va se poursuivre sur les mois/années à venir, alors cette détérioration de la situation va s’aggraver davantage et le pouvoir d’achat en sera d’autant plus réduit.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190929/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une simulation montre qu'avec un même budget les ménages peuvent acquérir des logements plus de 15% plus petits qu'en 2021. Cependant, la situation pourrait encore se détériorer.Jérémie Bertrand, Professeur de finance, IÉSEG School of ManagementAurore Burietz, Professeur de Finance, LEM-CNRS 9221, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1904622022-09-14T18:06:14Z2022-09-14T18:06:14ZLe resserrement monétaire de la BCE, une mauvaise nouvelle pour les « cigales » européennes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/484278/original/file-20220913-12-fpl6f4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1171%2C785&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En juillet 2022, le Système européen des banques centrales (SEBC) détenait plus de 35&nbsp;% de la dette publique de l’eurozone.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/europeancentralbank/3579094440">Flickr/European Central Bank</a></span></figcaption></figure><p>En août 2022, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">l’inflation</a> s’élevait en rythme annuel à 8,5 % aux États-Unis, 10,1 % au Royaume-Uni et <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/fr/web/products-euro-indicators/-/2-31082022-ap">9,1 % dans la zone euro</a>. Pourtant, à l’instar des autres grandes banques centrales, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-centrale-europeenne-bce-24704">Banque centrale européenne (BCE)</a> a pour première mission, selon l’article 127 du Traité de l’Union européenne, la stabilité des prix dont elle avait elle-même fixé le plafond à 2 %.</p>
<p>Pour quelles raisons la BCE a-t-elle failli à sa mission et quelles en seront les conséquences ? Le choc inflationniste actuel a deux types de causes économiques (conjoncturelles et structurelles) qui se sont cumulées en 2022. À court terme, les prix subissent le choc d’offre dû aux goulets d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement mondiales ainsi que la <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/les-prix-du-gaz-et-de-lelectricite-atteignent-des-niveaux-stratospheriques-1784068">flambée des prix de l’énergie</a> consécutive à la guerre en Ukraine. Mais ces facteurs accentuent une tendance sous-jacente de plus long terme liée au réchauffement climatique, aux relocalisations et au vieillissement de la population.</p>
<p>Surtout, à ces causes relevant de l’économie réelle se sont ajoutées les politiques extraordinairement expansionnistes que les banques centrales ont mis en place à partir de 2008 pour éviter de transformer deux grandes récessions (2009 et 2020) en de profondes dépressions, et qui prennent actuellement fin.</p>
<p>Ainsi pour répondre à la crise financière de 2008 et <a href="https://econpapers.repec.org/article/cupjechis/v_3a61_3ay_3a2001_3ai_3a01_3ap_3a247-249_5f57.htm">instruite par l’expérience de la crise de 1929</a>, la BCE a, comme la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reserve-federale-etats-unis-120711">Réserve fédérale américaine (Fed)</a>, lancé des programmes d’achats massifs et durables de titres obligataires publics sur le marché secondaire (<em>quantitative easing</em>, ou QE) pour maintenir les taux longs très bas et permettre aux entreprises et aux ménages d’emprunter pour soutenir l’activité et <a href="https://virtusinterpress.org/IMG/pdf/10-22495_jgr_v2_i2_p5.pdf">éviter le pire : la déflation</a>, c’est-à-dire une baisse des prix généralisée générant l’attentisme des consommateurs (qui repoussent leurs achats pour payer moins) pesant ensuite sur les revenus et les capacités d’investissement des entreprises et donc in fine sur la croissance.</p>
<h2>La réaction tardive de la BCE</h2>
<p>Cette politique non conventionnelle totalement inédite devait cesser après la crise mais elle fut au contraire <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32020D0188&from=CS">accentuée par la pandémie de 2020</a>, amenant le bilan et la masse monétaire des banques centrales à des niveaux inconnus.</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Ce n’est finalement qu’en juillet 2022, soit quatre mois après la Fed, que la BCE a décidé de remonter ces taux de 50 points de base (une première depuis plus d’une décennie) et de stopper ses programmes de quantitative easing, mais sans les éteindre. C’est-à-dire, à la différence de la Fed, en réinvestissant le montant des obligations arrivées à échéance (son bilan reste donc stable alors que celui de la Fed commence à diminuer).</p>
<p>Pour lutter contre la hausse des écarts entre les taux de financement des différents États membres de la zone euro, les « spreads », constatée depuis début 2022, elle a même annoncé un <a href="https://www.lafinancepourtous.com/2022/07/29/la-bce-le-tpi-et-le-risque-de-fragmentation-en-zone-euro/">nouvel outil « anti-fragmentation »</a> encore dans les limbes qui se traduirait par de nouveaux achats d’obligations des États en difficulté.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">Fed et BCE : deux rythmes mais une même stratégie contre l’inflation</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Réagissant plus tardivement que la Fed, la BCE a ensuite été contrainte <a href="https://www.bfmtv.com/economie/economie-social/union-europeenne/la-bce-augmente-ses-taux-d-interets-de-75-points-de-base_AN-202209080405.html">d’augmenter encore ses taux cette fois de 75 points le 8 septembre</a>, soit le plus fort relèvement depuis sa création en 1999. Mais ce nouveau taux de refinancement de 1,25 % s’il accentuera logiquement le risque de récession dans la zone euro reste très en deçà de l’inflation et ne suffira donc pas à juguler la hausse des prix.</p>
<h2>L’Italie maillon faible</h2>
<p>Le programme d’achat massif d’obligations souveraines (Pandemic Emergency Purchase Programme ou PEPP) de la BCE lancé en mars 2020 pour éviter l’effondrement des économies s’est traduit par un financement de la quasi-totalité des énormes emprunts publics émis depuis deux ans. Ainsi en juillet 2022, le Système européen des banques centrales (SEBC) détenait en moyenne plus de <a href="https://www.ecb.europa.eu/mopo/implement/pepp/html/index.en.html">35 % de la dette publique de l’eurozone</a> (33 % en France), ce qui n’incite bien sûr pas les pays dispendieux à réduire leur déficit structurel.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/484277/original/file-20220913-26-fpl6f4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/484277/original/file-20220913-26-fpl6f4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484277/original/file-20220913-26-fpl6f4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484277/original/file-20220913-26-fpl6f4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484277/original/file-20220913-26-fpl6f4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484277/original/file-20220913-26-fpl6f4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484277/original/file-20220913-26-fpl6f4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484277/original/file-20220913-26-fpl6f4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Dette publique et déficit structurel des huit principaux pays de la zone euro en 2022 (en % du PIB).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2022-02/20220216-rapport-RPA-2022.pdf">Rapport 2022 de la Cour des comptes</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Parmi les « cigales » qui ont pu financer sans douleur leurs déficits publics, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/italie-22616">l’Italie</a> est devenu le maillon faible de la zone euro avec une dette publique passée de 134,3 % à 154,4 % au moment où la Grèce sort tout juste du mécanisme de surveillance européen après 11 années de sacrifices.</p>
<p>Si, comme l’annonce les sondages, la coalition d’extrême droite emmenée par Giorgia Meloni remportait les élections du 25 septembre, le pays entrerait sans doute dans une phase de fortes turbulences financières car la candidate au poste de premier ministre souhaite renégocier le plan européen de soutien à son économie pourtant extrêmement favorable avec <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/plan-de-relance-la-cour-des-comptes-italienne-sinquiete-des-retards-1781358">191,5 milliards d’euros</a> dont 69 de subventions sur la période 2021-2026.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-hausse-des-taux-dinteret-va-t-elle-deboucher-sur-une-nouvelle-crise-de-la-zone-euro-185872">La hausse des taux d’intérêt va-t-elle déboucher sur une nouvelle crise de la zone euro ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Dans ces conditions, on ne peut exclure une envolée des taux des obligations souveraines italiennes voire un défaut sélectif de l’Italie, par exemple sur les obligations détenues par le SEBC, ce qui minerait la crédibilité de l’euro.</p>
<p>Il semble que la BCE, échaudée par la crise grecque de 2015, ait anticipé ce risque en décidant le 3 février 2020 qu’elle ne détiendrait que <a href="https://www.ecb.europa.eu/mopo/implement/pepp/html/index.en.html">10 % des 290 milliards de la dette italienne</a> contractée pour faire face à la pandémie dans le cadre du PEPP et qui s’ajoutent aux <a href="https://www.ecb.europa.eu/mopo/implement/app/html/index.en.html">450 milliards de dettes détenues par le SEBC</a> dans l’Asset Purchase programme enclenché depuis 2015 – laissant ainsi 90 % du risque de signature à la seule banque centrale italienne : ce qui devrait faire réfléchir le futur gouvernement transalpin.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190462/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Pichet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La hausse des taux et la fin des programmes de rachat d’actifs décidées pour endiguer l’inflation créent de nouvelles vulnérabilités pour les pays les plus endettés, Italie en tête.Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.