tag:theconversation.com,2011:/us/topics/benny-gantz-76566/articlesBenny Gantz – The Conversation2020-03-31T18:20:30Ztag:theconversation.com,2011:article/1351632020-03-31T18:20:30Z2020-03-31T18:20:30ZIsraël : vers un roulement au pouvoir<p>Les législatives israéliennes du 2 mars dernier ont été les <a href="https://www.france24.com/fr/20200302-israel-troisieme-election-legislative-netanyhau-gantz-vote-coronavirus">troisièmes en moins d’un an</a>. Paradoxalement, cette instabilité s’explique… par la trop grande stabilité politique du pays, où la domination des partis de droite ne se dément pas. En effet, depuis la fin des années 1970 et, assurément, depuis la décennie 2000, la majorité de l’électorat israélien est à droite, si l’on agrège à ce camp les pans sionistes-religieux et ultra-orthodoxes de l’opinion. Voilà bien longtemps, depuis 1992, qu’une vraie coalition de gauche n’a plus réussi à devenir majoritaire.</p>
<p>Quant à la cause directe de l’incapacité à dégager une coalition une année durant – soit dit en passant, d’autres démocraties comme la Belgique ou l’Italie ont déjà fait « mieux » –, elle s’explique en bonne partie par la partition que joue le nationaliste russophone Avigdor Lieberman. En refusant de joindre ses députés à la coalition de droite qui aurait pu, à une voix près, voir le jour en mai 2019 – par haine personnelle pour « Bibi » Nétanyahou et/ou du fait de sa volonté de limiter le poids des ultra-orthodoxes dans la vie civile, sociale et politique –, il a <a href="https://www.lepoint.fr/monde/israel-le-parlement-se-dissous-nouvelles-elections-en-septembre-29-05-2019-2315992_24.php">provoqué un nouveau scrutin</a>, ni Bibi ni son rival Benny Gantz, le chef du groupe centriste-laïque hétéroclite « Bleu et Blanc », constitué de trois formations politiques, ne parvenant à réunir 61 sièges sur 120 que compte la Knesset. Rebelote en <a href="https://www.liberation.fr/planete/2019/09/17/a-la-sortie-des-urnes-israel-a-nouveau-dans-l-impasse_1751981">septembre</a>, à peu de choses près.</p>
<h2>La solution de la rotation</h2>
<p>Aujourd’hui se dessine enfin la future coalition gouvernementale, puisque Benny Gantz a décidé de modifier brusquement sa tactique. Prenant acte qu’il ne parviendrait pas à former un bloc cohérent (il aurait dû rassembler les partis arabes et les ultranationalistes de Lieberman, une gageure) sur la seule base du « tout sauf Bibi » – ce dernier ayant tout de même <a href="https://www.lesclesdumoyenorient.com/Elections-legislatives-du-2-mars-2020-en-Israel-une-victoire-en-demi-teinte.html">remporté le scrutin du 2 mars</a> – il a accepté un système de <em>rotatsia</em> (rotation) <a href="http://fr.danielpipes.org/10536/coalition-parti-travailliste-likoud">déjà éprouvé en Israël entre 1984 et 1988</a> (en l’espèce entre Shimon Péres et Yitzhak Shamir) et apprécié des Israéliens.</p>
<p>Nétanyahou et Gantz alterneraient à la tête d’un gouvernement d’urgence nationale en gouvernant 18 mois chacun, celui n’étant pas premier ministre occupant les Affaires étrangères tandis que ses alliés politiques disposeraient des portefeuilles de la Défense et de la Justice. Double avantage pour Bibi, le vainqueur du scrutin du 2 mars : demeurer un an et demi au pouvoir, et (par conséquent) bénéficier de l’immunité judiciaire. Avantage pour Gantz : diriger le pays dans un an et demi pour la même durée – et plus si affinité politique et électorale – alors même qu’il ne se retrouve plus aujourd’hui, suite à son revirement, qu’à la tête d’une quinzaine de députés… Avantage pour Israël : éviter un quatrième tour de scrutin en pleine crise sanitaire, bâtir un budget et retrouver la voie de la stabilité politique avec une large coalition qui regroupera environ 73 députés.</p>
<h2>Quelle place pour les partis arabes ?</h2>
<p>En dépit de l’idée reçue, les partis arabes ne sont pas nécessairement les grands vainqueurs du scrutin du 2 mars dernier. Certes, en s’unifiant, ils ont réussi un joli score (plus de 12 % des voix) mais, finalement, le gouvernement se fera sans eux, en dépit des rodomontades du chef de leur coalition, le modéré Ayman Odeh.</p>
<p>Cette année triplement électorale aura plutôt démontré que des coalitions pouvaient tout à fait se faire sans leur concours, sachant que les seuls partis acceptant de se coaliser avec eux – ceux de la vieille gauche historique (gauche résiduelle du parti travailliste et laïcistes sociaux du Meretz), ne représentent plus que 10 à 20 % de l’électorat… Cela dit, ils ne sont pas les seuls perdants de la partie puisque, au fond, l’autre prétendu « faiseur de roi », Avigdor Lieberman, restera aussi hors de la coalition à venir.</p>
<h2>Les conséquences de l’épidémie de coronavirus</h2>
<p>La crise sanitaire (plus de 4 000 personnes infectées et 15 morts au 30 mars en Israël) ne change pas grand-chose aux relations entre Israël et les Palestiniens. Contrairement à une idée répandue, la coopération sécuritaire et commerciale existe au quotidien entre Israël et l’Autorité palestinienne ; il en va déjà de même <a href="https://www.liberation.fr/debats/2020/03/23/palestiniens-et-israeliens-se-serrent-la-main-pour-le-coronavirus_1782760">sur le plan sanitaire</a>. On parle là de petites zones densément peuplées et extrêmement proches, chaque « camp » ayant un intérêt évident à la non-propagation virale chez l’autre ! Hélas, il est en revanche vraisemblable que le coronavirus ne représente pas non plus un « moteur » pour la remise en place d’un vrai processus de paix…</p>
<p>Quant aux États arabes de la coalition sunnite opposée à l’Iran, comme l’Égypte et la Jordanie (déjà en paix avec l’État juif), mais aussi les pétromonarchies du Golfe ou encore le Maroc, le Covid-19 n’interfère en rien avec leur proximité croissante bien que plus ou moins discrète avec Israël. L’épidémie passera plus vite que l’hostilité entre Iran et Arabie saoudite…</p>
<p>La crise ne pèse pas beaucoup sur la politique intérieure israélienne, même si le revirement de Benny Gantz a été justifié par l’urgence nationale consistant à s’unir contre le fléau. Face à l’épidémie, chacun campe sur ses positions traditionnelles : les haredim (ultra-orthodoxes) évoquent souvent <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/03/19/en-israel-le-coronavirus-pris-de-tres-haut-par-les-ultraorthodoxes_6033650_3210.html">« la main de Dieu »</a> ; la gauche proteste contre le manque de moyens hospitaliers ; et Bibi joue – comme à l’accoutumée – le bouclier d’Israël, se posant comme le seul apte à protéger le pays contre tous les dangers…</p>
<p>Comme de nombreux pays du monde, Israël cherche à <a href="https://www.i24news.tv/fr/actu/israel/1582822846-coronavirus-dans-3-semaines-un-vaccin-sera-pret-scientifiques-israeliens">développer un traitement et/ou un vaccin contre le coronavirus</a>. Être le premier pays à réussir cette percée n’est pas considéré pour autant comme une priorité nationale. Le symbole apparaîtrait bien pâle au regard de la place objectivement déjà très flatteuse de l’État hébreu parmi les nations médicalement et technologiquement les plus avancées. La recherche scientifique de façon générale, les progrès médicaux en particulier, sont l’un des fleurons et l’une des fiertés d’Israël. À la limite, trouver un remède au mal qui affecte la planète entière permettrait peut-être de contrer les propos conspirationnistes liés au Covid-19 – <a href="https://www.franceinter.fr/caricatures-complot-liste-de-noms-le-coronavirus-engendre-des-attaques-antisemites-sur-le-web">souvent antisémites et illustrant la crainte fantasmatique du Mossad</a> – qui se déploient à la faveur de l’épidémie…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135163/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Encel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Après trois législatives en moins d’un an, Israël semblait s’acheminer vers un quatrième scrutin anticipé, mais Benyamin Nétanyahou et son rival Benny Gantz ont fini par trouver une solution.Frédéric Encel, Professeur de relations internationales et de sciences politiques, PSB Paris School of BusinessLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1329882020-03-05T19:12:25Z2020-03-05T19:12:25ZLes Arabes israéliens, véritables gagnants des élections en Israël<p>Pour la troisième fois en moins d’un an, les Israéliens se sont rendus aux urnes lundi 2 mars afin de dégager une majorité capable de construire une coalition gouvernementale. Au-delà d’une campagne plombée par le sentiment qu’une quatrième élection sera nécessaire pour départager Benny Gantz et Benyamin Nétanyahou, le rôle des Arabes israéliens ou des <a href="https://t.co/bhA5VGIsgK?amp=1">Palestiniens d’Israël</a> – ces descendants de familles palestiniennes passées sous le contrôle israélien lors de la création de l’État en 1948 – a été décisif.</p>
<h2>Une nouvelle posture politique</h2>
<p>Jusqu’ici, cette minorité qui représente pourtant 16 % du corps électoral israélien n’avait que peu de poids politique, du fait d’un taux d’abstention élevé lié à la volonté de ne pas siéger avec des partis sionistes. Ce choix de boycott des institutions politiques israéliennes avait pour conséquence une auto-exclusion du jeu politique.</p>
<p>Ces deux facteurs ne sont plus de mise : le <a href="https://www.haaretz.com/israel-news/elections/.premium-israel-election-joint-list-eyes-record-number-of-seats-and-female-lawmakers-1.8601307">taux de participation est en hausse, notamment chez les jeunes et les femmes</a>, et <a href="https://www.liberation.fr/planete/2019/12/17/ayman-odeh-l-arabe-d-un-futur_1769766">Ayman Odeh</a>, le charismatique leader de la liste arabe unie, a déclaré avec fracas l’année dernière <a href="https://fr.timesofisrael.com/ayman-odeh-se-propose-daider-kakhol-lavan-pour-battre-netanyahu/">qu’il accepterait de siéger</a> dans une coalition avec des partis sionistes à certaines conditions – un accord de principe sur la fin de l’occupation, la signature d’une paix juste à Gaza, l’abrogation de la <a href="https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2018/07/19/israel-la-loi-sur-l-etat-nation-adoptee-a-la-knesset_5333366_3218.html">loi sur l’État-nation</a> et l’investissement de fonds publics dans les communautés arabes. Prenant au mot les <a href="http://www.slate.fr/story/99161/benjamin-netanyahou-elections">inquiétudes exprimées en 2015 par Benyamin Nétanyahou</a> à propos d’un vote « des Arabes en masse », les Palestiniens d’Israël ont élu ce 2 mars 15 représentants à la Knesset, qui compte 120 députés. Il s’agit d’un <a href="https://www.haaretz.com/israel-news/elections/.premium-an-earthquake-how-israel-s-arabs-achieved-their-historic-election-win-1.8626003">record historique</a>. Lors des dernières élections, en septembre 2019, la liste arabe avait obtenu 13 sièges, un bon score déjà souligné par la presse.</p>
<p>Alors que nombre d’observateurs politiques craignaient que les électeurs arabes, lassés, ne soient pas au rendez-vous, ce taux record de participation – <a href="https://www.haaretz.com/israel-news/elections/.premium-an-earthquake-how-israel-s-arabs-achieved-their-historic-election-win-1.8626003">d’après les premières estimations</a>, il atteindrait 65 % contre 59 % en septembre 2019 et 49 % en avril 2019 – suggère que ces élections répétées sont un vecteur inattendu de politisation. Il s’explique certes par le fait que les partis arabes ont fait le choix de présenter une liste commune, mais également par la prise de conscience que leur voix, jusque-là réduite au silence, peut se faire entendre. Lors des élections d’avril 2019, deux listes s’étaient affrontées, les partis arabes obtenant un total de 10 députés.</p>
<h2>Les partis arabes face à l’hostilité de Bleu Blanc et du Likoud</h2>
<p>On pouvait craindre le contraire, dans un contexte où le leader du parti Bleu Blanc <a href="https://www.timesofisrael.com/gantz-joint-list-wont-be-part-of-my-coalition-which-will-implement-trump-plan/">Benny Gantz refuse catégoriquement de siéger</a> avec eux malgré leurs appels du pied. Pour l’ancien chef d’état-major, pas question de <a href="https://www.haaretz.com/israel-news/elections/.premium-gantz-i-won-t-form-government-with-arab-parties-will-implement-trump-mideast-plan-1.8524999">s’allier avec des Arabes</a> et de donner au raison au Likoud de Nétanyahou, qui a utilisé la perspective de cette possible alliance pour décrédibiliser son adversaire auprès de l’électorat de droite. De faux <a href="https://www.haaretz.com/israel-news/elections/.premium-israel-election-2019-facebook-removes-accounts-encouraging-arabs-not-to-vote-1.7856351">comptes Facebook</a> incitant au <a href="https://fr.timesofisrael.com/facebook-supprime-30-faux-comptes-visant-a-limiter-le-vote-arabe-israelien/">boycott</a> du scrutin par la population arabe ont joué sur les réactions suscitées par ces propos en martelant l’idée que les Arabes seraient exclus de la politique israélienne. Grâce au travail de signalement de <a href="https://www.haaretz.com/israel-news/elections/.premium-israel-election-2019-facebook-removes-accounts-encouraging-arabs-not-to-vote-1.7856351">l’ONG Bloc Démocratique, ils ont été supprimés</a>. L’ONG n’a pas été en mesure d’identifier les responsables.</p>
<p>À la surprise générale, c’est bien l’inverse qui s’est produit : les électeurs arabes sont allés voter en masse. Benny Gantz se retrouve ainsi dans l’impasse d’un ni-ni – coalition ni avec les partis arabes, ni avec le Likoud tant que Nétanyahou en tient les rênes – qui ne lui laisse que peu d’options, en l’absence d’une « jewish majority » – expression révélatrice de Yair Lapid, numéro 2 du parti Bleu Blanc qui <a href="https://www.jpost.com/Israel-News/Lapid-says-he-would-be-upset-if-his-son-would-marry-a-non-Jew-371399">s’était d’ailleurs prononcé contre le mariage entre citoyens israéliens juifs et arabes</a>, se distanciant de l’agenda de la gauche israélienne.</p>
<p>Enfin, l’attractivité de la liste arabe unie s’explique par un changement de ton en matière de communication politique. Loin de l’appel à la pitié mettant l’accent sur la souffrance des Palestiniens, les leaders de la liste arabe unie n’hésitent pas à employer un ton humoristique. Ils sont actifs sur les réseaux sociaux et orchestrent d’une main de maître leur couverture médiatique. Ayman Odeh s’adresse directement à l’opinion internationale par l’intermédiaire de tribunes dans le <a href="https://www.nytimes.com/2019/09/22/opinion/netanyahu-israel-gantz-ayman-odeh.html"><em>New York Times</em></a> et crée un jeu d’écho qui souligne le deux poids deux mesures de l’État hébreu en allant <a href="https://www.facebook.com/AymanOdeh1975/videos/240132807016631/">attendre à l’aéroport le citoyen israélien Youssef Majdoub</a>, de <a href="https://www.maariv.co.il/news/politics/Article-746457">retour après avoir été emprisonné en Turquie</a> où il avait été arrêté à la suite d’un délit de fuite lors d’un contrôle de police. Les images rappellent celle de « Bibi » se posant en libérateur de la jeune <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/01/30/l-israelienne-naama-issachar-obtient-la-grace-de-vladimir-poutine_6027799_3210.html">Naama Issachar</a>, arrêtée et emprisonnée pendant neuf mois en Russie pour possession de cannabis, et finalement graciée par Vladimir Poutine en janvier 2020 à l’occasion d’une visite à Moscou du premier ministre israélien. Ahmed Tibi, le numéro 3 de la liste, n’hésite pas quant à lui, pour répondre à la campagne de dénigrement du Likoud <em>bli tibi</em> (« sans Tibi »), à mettre en scène dans un <a href="https://www.facebook.com/Tibi.Fans/videos/661391154614972/">clip vidéo</a> un Nétanyahou hagard, obsédé par Tibi au point d’en rêver la nuit.</p>
<p>La <em>hutzpa</em>, ou l’aplomb du Likoud, appelant <a href="https://www.timesofisrael.com/in-final-days-of-campaign-netanyahu-launches-effort-to-reach-out-to-arab-voters/">par la voix d’Avi Dichter</a> les Arabes israéliens à voter Nétanyahou, n’est donc pas parvenue à faire oublier la violente campagne de dénigrement que le parti de droite a orchestrée à l’égard de ces citoyens. Le souvenir de la proposition d’installer des <a href="https://www.haaretz.com/israel-news/elections/.premium-netanyahu-backed-bill-to-place-cameras-at-polls-fails-to-pass-knesset-panel-1.7812896">caméras dans les bureaux de vote</a> des régions à prédominance arabe aux dernières élections est encore vif. Portée par les membres du Likoud, cette proposition accusait sans fondement les partis arabes de truquer le vote en leur faveur.</p>
<h2>Quelle place pour les Arabes en Israël ?</h2>
<p>Ainsi, le véritable enjeu de ce scrutin pour la communauté arabe est bien sa place dans la société israélienne. La révélation des dispositions prévues par le <a href="https://theconversation.com/conflit-israelo-palestinien-le-cavalier-seul-de-donald-trump-131092">« deal du siècle » américano-israélien</a> enterre un peu plus une solution à deux États déjà moribonde. L’annexion de tout ou partie de la Cisjordanie par Israël pose le problème <em>in fine</em> de l’intégration de la population arabe au sein d’Israël. Il n’est donc pas déraisonnable d’interpréter ce scrutin comme un message envoyé par la population arabe à l’opinion publique israélienne et américaine, rappelant en substance : « Vous ne pouvez pas faire sans nous ». Le message renvoyé par la classe politique israélienne est on ne peut plus clair : « On ne veut pas de vous. » En effet, comment expliquer autrement le refus du parti Bleu Blanc de former un gouvernement avec les partis arabes ?</p>
<p>Le célèbre journaliste et essayiste <a href="https://www.haaretz.com/israel-news/bernie-bibi-and-the-brutal-occupation-listen-to-gideon-levy-1.8566605">Gideon Levy faisait à ce propos remarquer</a> que si Israël n’a pas le monopole du racisme, hélas universellement partagé, la spécificité de l’Israël de <em>Bibi</em> est de l’ériger au rang de politiquement correct. À travers ces tribunes d’opinion, la question âprement débattue de l’avenir de la gauche se dessine à l’horizon. Les partis de gauche ont eux aussi fait le choix de l’alliance pour ce scrutin, les partis Havoda (travailliste), Meretz et Gesher présentant une liste nommée « Vérité ». Sept de leurs députés pourraient siéger dans la nouvelle Knesset au vu des premiers résultats. S’achemine-t-on vers une alliance juive-arabe ? Les affiches d’Ayman Odeh dans les rues de Tel-Aviv portant l’inscription « This is real left » semblent avoir répondu à la question.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132988/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Amélie Férey ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les élections législatives qui viennent de se tenir en Israël ont vu un succès historique pour les partis arabes, réunis pour la première fois au sein d’une liste unique.Amélie Férey, Enseignante en Théorie politique et Relations internationales, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1236632019-09-24T19:01:17Z2019-09-24T19:01:17ZPourquoi les immigrés et leurs descendants votent-ils pour la droite dure israélienne ?<p>Benyamin Nétanyahou n’a pas réussi à reconquérir son poste de premier ministre. Quelques jours après les élections du 17 septembre 2019 qui n’ont vu aucun vote démarquer les candidats, l’incertitude demeure à Jérusalem. Les consultations débutent afin d’établir qui, de Benny Gantz (parti « Bleu-Blanc ») ou de Benyamin Nétanyahou (Likoud), devra former un <a href="http://www.leparisien.fr/international/israel-les-partis-arabes-choisissent-benny-gantz-contre-benyamin-netanyahou-22-09-2019-8157615.php">gouvernement de coalition</a>. Reste que les votes vers la droite dure ont été particulièrement importants cette année encore, dépassant largement la moyenne nationale dans les villes situées en périphérie du pays, à l’instar des législatives de mars 2015 et d’avril 2019.</p>
<p>Les habitants de ces villes périphériques constituent la frange la plus démunie de l’État d’Israël. Les districts nord et sud sont surtout constitués de populations immigrées et enregistrent un taux de pauvreté deux fois supérieur à ceux du centre, <a href="https://www.btl.gov.il/English%20Homepage/Publications/Poverty_Report/Documents/oni2016-e.pdf">17 % d’entre eux vivent en dessous du seuil de pauvreté</a>. Ils composent pourtant le groupe d’électeurs les plus fidèles à la droite, et à Nétanyahou en particulier. Comment expliquer ce phénomène qui perdure depuis les années 1980 et qui présente de nombreux paradoxes ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293350/original/file-20190920-50973-1n1k53o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293350/original/file-20190920-50973-1n1k53o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=778&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293350/original/file-20190920-50973-1n1k53o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=778&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293350/original/file-20190920-50973-1n1k53o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=778&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293350/original/file-20190920-50973-1n1k53o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=978&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293350/original/file-20190920-50973-1n1k53o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=978&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293350/original/file-20190920-50973-1n1k53o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=978&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les villes de développement en Israël (carte réalisée par l’auteure en 2019).</span>
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<h2>Le développement des villes périphériques</h2>
<p>L’histoire de ces villes remonte au <a href="https://journals.openedition.org/echogeo/15268">« plan Sharon »</a> mis en œuvre dès 1950. Le plan prévoit l’établissement, entre 1949 et 1965, de trente villes dites « de développement » (<em>Ayarot pituach</em> en hébreu), aujourd’hui souvent appelées « villes périphériques » (<em>Arei periferia</em> en hébreu).</p>
<p>Définies comme des centres urbains moyens qui desserviront les campagnes alentour, ces villes répondront au double objectif de fournir des nouveaux logements pour les milliers d’immigrés juifs qui arrivent chaque année en Israël ; et de renforcer la frontière dans les régions éloignées du centre du pays.</p>
<p>Alors qu’un million d’immigrés juifs arrivent en Israël entre 1948 et 1960, ceux <a href="https://www.cbs.gov.il/en/publications/Pages/2016/Statistical-Abstract-of-Israel-2016-No-67.aspx">originaires d’Asie (Iran, Irak, Yémen, Inde… etc.) puis d’Afrique du Nord</a> (Maroc, Tunisie, etc.) sont principalement <a href="http://www.jstor.org/stable/3598297">dirigés</a> vers ces <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/abs/10.1086/451876?journalCode=edcc">régions périphériques</a>. Leurs enfants forment encore aujourd’hui le plus large groupe de résidents.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293354/original/file-20190920-50979-1ufhmjs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293354/original/file-20190920-50979-1ufhmjs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293354/original/file-20190920-50979-1ufhmjs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293354/original/file-20190920-50979-1ufhmjs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293354/original/file-20190920-50979-1ufhmjs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293354/original/file-20190920-50979-1ufhmjs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293354/original/file-20190920-50979-1ufhmjs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Logements de type HLM à Kiryat Gat (2015).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Photo prise par l’auteure</span></span>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293353/original/file-20190920-50928-1llf2v8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293353/original/file-20190920-50928-1llf2v8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293353/original/file-20190920-50928-1llf2v8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293353/original/file-20190920-50928-1llf2v8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293353/original/file-20190920-50928-1llf2v8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293353/original/file-20190920-50928-1llf2v8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293353/original/file-20190920-50928-1llf2v8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Maisons construites dans les années 1990 à Arad, Israël (2015).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Photo prise par l’auteure</span></span>
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</figure>
<p>Ils sont rejoints entre 1989 et 2000 par <a href="https://www.persee.fr/doc/ingeo_0020-0093_2003_num_67_2_2884">200 000 des 850 000 immigrés de l’ex-URSS</a> qui arrivent en Israël.</p>
<p>Alors que je réalise mon <a href="http://www.theses.fr/2017POIT5007">travail de doctorat</a> entre 2014 et 2017, et même si les flux se sont réduits, 27 % des immigrés entrant en Israël s’installent encore dans une ville dite « de développement » à leur arrivée (statistiques de l’immigration entre 2000 et 2015 du <a href="https://www.cbs.gov.il/en/publications/Pages/2016/Statistical-Abstract-of-Israel-2016-No-67.aspx">Bureau central des statistiques en 2016</a>).</p>
<p>Or ce sont dans ces villes que les <a href="https://votes22.bechirot.gov.il/cityresults">votes</a> pour la droite dure israélienne sont les plus importants depuis des années. Lors des élections du 17 septembre 2019, le parti Likoud y atteint des scores de 38,8 % (25 % au niveau national), Shas – le parti de la droite religieuse séfarade qui représente les Israéliens originaires du Proche-Orient et d’Afrique du Nord –, 12 % (7,6 % au niveau national) et Yisrael Beitenu – parti ultra-national laïc qui représente traditionnellement les Israéliens de l’immigration russophone –, 11,7 % (7,1 % au niveau national).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293355/original/file-20190920-50979-1yi5l4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293355/original/file-20190920-50979-1yi5l4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293355/original/file-20190920-50979-1yi5l4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293355/original/file-20190920-50979-1yi5l4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293355/original/file-20190920-50979-1yi5l4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293355/original/file-20190920-50979-1yi5l4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293355/original/file-20190920-50979-1yi5l4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un panneau électoral du Likoud avec Benyamin Nétanyahou, prise par l’auteure à Kiryat Gat, Israël en 2015.</span>
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</figure>
<p>Ces tendances peuvent s’expliquer par la situation fragile de ces villes, l’attitude condescendante des habitants des villes du centre comme Tel-Aviv, l’absence relative de représentants politiques du centre et de la gauche, et surtout, leur histoire, en marge du récit national.</p>
<h2>Des villes vulnérables</h2>
<p>Ces cités sont maintenues en périphérie du pays, et ce dans tous les sens du terme.</p>
<p>Leur situation frontalière les rend <a href="https://www.lepoint.fr/monde/la-precarite-en-israel-face-cachee-du-boom-economique-11-09-2019-2335021_24.php">vulnérables</a> aux différentes guerres menées entre Israël et ses voisins (le Liban et Gaza en particulier). Quant à la situation économique, marginale dès les premières années de l’état, elle s’est encore détériorée avec l’adoption d’une économie de marché et le retrait de l’état à partir des années 1980. L’indice socio-économique de ces villes est faible (même si la situation varie d’une ville à l’autre) ; le salaire moyen est 20 % sous la moyenne nationale et représente pour certaines villes la moitié du salaire moyen à Tel-Aviv ; le chômage est plus important d’environ 3 points ; et la proportion de logements sociaux est élevée.</p>
<p>Néanmoins, comme l’affirment les <a href="https://doi.org/10.3751/68.2.14">politologues Aviad Rubin, Doron Navot et As’ad Ghanem</a>, à propos des élections législatives de 2013, les candidats qui emportent les élections générales ces dernières années sont issus de partis qui consacre l’économie libre de marché, la baisse des allocations, l’affaiblissement des syndicats, et en général, l’effritement de l’état – autant de politiques qui pénalisent les périphéries. Alors que les gouvernements Nétanyahou n’ont pas mis en place beaucoup de mesures concrètes pour ces villes, ce dernier continue à s’identifier comme une <a href="https://www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-5492706,00.html">« victime des élites »</a>, au même titre que ses électeurs.</p>
<p>Quelles sont les raisons qui poussent les nouveaux venus, ainsi que les enfants et petits-enfants d’immigrés résidents des villes périphériques, premières victimes de ces changements, à soutenir un agenda politique néo-libéral d’une part ; et va-t-en guerre d’autre part ?</p>
<h2>Un soutien massif pour le Likoud</h2>
<p>A l’issue des élections du 9 avril 2019, malgré les scandales de corruption qui pèsent sur le candidat sortant Nétanyahou, son parti le Likoud, obtient une faible majorité (<a href="https://votes21.bechirot.gov.il/nationalresults">1,140,370 votes devançant les 1,125,881 votes de son opposant Gantz, du parti Bleu Blanc</a>).</p>
<p>L’analyse des résultats montre alors que les électeurs des villes périphériques (soit 17 % de l’électorat) soutiennent massivement le Likoud et la droite en général. En comptant seulement les votes de ces 30 villes, le Likoud obtient 39 % des votes (au lieu de 27 % au niveau national).</p>
<p>Deux types de commentaires accompagnent ces résultats. Beaucoup supposent que les électeurs des périphéries votent pour l’homme qui leur assurerait leur sécurité, ce que M. Nétanyahou représente en effet pour eux, comme le révèle une enquête du <a href="https://www.nytimes.com/2018/03/17/world/middleeast/benjamin-netanyahu-israel-likud.html"><em>New York Times</em></a> réalisée avant les élections d’avril 2019 à Kiryat Malachi et Sderot, villes situées près de la bande de Gaza.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/293048/original/file-20190918-187967-14jkjh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293048/original/file-20190918-187967-14jkjh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293048/original/file-20190918-187967-14jkjh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1147&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293048/original/file-20190918-187967-14jkjh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1147&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293048/original/file-20190918-187967-14jkjh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1147&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293048/original/file-20190918-187967-14jkjh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1442&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293048/original/file-20190918-187967-14jkjh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1442&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293048/original/file-20190918-187967-14jkjh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1442&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Montage photo ayant circulé sur les réseaux sociaux en avril 2019. En haut, les résultats pour le Likoud (43,5 %) et le parti Bleu Blanc (9,2 %) dans la ville de Sderot. En bas, les résidents de Sderot en proie aux tirs venant de la bande de Gaza, alors que M. Nétanyahou (Bibi) dort.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais, et de façon plus affligeante, subsiste l’idée que les enfants de ces immigrés établis aux frontières votent pour le Likoud sans réfléchir et qu’ils seraient « idiots ». Si un tel discours est <a href="https://www.timesofisrael.com/why-the-left-keeps-failing-in-the-pro-likud-periphery-home-to-25-of-israelis/">dénoncé</a>, il perdure néanmoins au sein d’une certaine société israélienne.</p>
<p>Ainsi, sur les réseaux sociaux, des électeurs du centre ou de la gauche suggèrent d’arrêter de protéger les habitants des villes proches de Gaza. Cette image par exemple, qui a circulé sur Facebook après les élections d’avril 2019, s’accompagnait régulièrement de messages tels que « doit-on continuer à envoyer des militaires à Sderot ? »</p>
<p>A quelques jours des élections de ce début septembre 2019, la gauche et le centre ont changé de tactique : au lieu de se positionner comme la seule alternative à M. Nétanyahou, ils ont appelé les électeurs à voter pour la démocratie.</p>
<p>Malgré cette rhétorique – relativement nouvelle – destinée à contrer les <a href="https://www.haaretz.com/.premium-bibi-the-race-baiter-1.5338448">campagnes agressives</a> de Nétanyahou, les résidents des villes périphériques demeurent fidèles à la droite dure.</p>
<h2>Un vote en réaction à « la bulle » de Tel-Aviv</h2>
<p>Les facteurs qui semblent inciter les immigrés et enfants d’immigrés installés dans les villes périphériques à voter pour la droite israélienne ne sont pas, selon mon travail de doctorat, liés à leur manque d’adhérence à la démocratie, à leur obsession sécuritaire, et certainement pas à leur manque de perspicacité.</p>
<p>Beaucoup des résidents des villes périphériques perçoivent la gauche et le centre israélien comme représentants les intérêts de l’élite économique et culturelle, qu’ils projettent sur la ville de Tel-Aviv – la <a href="https://www.haaretz.com/israel-news/business/.premium-a-tel-aviv-state-of-mind-1.5393919">« bulle »</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293665/original/file-20190923-54804-1pkeb0g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293665/original/file-20190923-54804-1pkeb0g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293665/original/file-20190923-54804-1pkeb0g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293665/original/file-20190923-54804-1pkeb0g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293665/original/file-20190923-54804-1pkeb0g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293665/original/file-20190923-54804-1pkeb0g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293665/original/file-20190923-54804-1pkeb0g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sonia Getzel Shapira, café branché de Tel-Aviv, où vit une « bulle » culturelle et économique (ici en 2010).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Edward Kaprov/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ils souhaitent – et ce de longue date – obtenir une reconnaissance de leur participation à l’établissement de l’état, pour lequel ils considèrent avoir payé le prix fort. Cette reconnaissance est surtout symbolique. Comme l’un des participants à mon enquête explique :</p>
<blockquote>
<p>« on ne peut pas vivre dans une région qui a une histoire aussi riche, sans avoir de relation avec cette histoire, ou sans avoir une place dans le scénario. Et les jeunes ont grandi comme ça [dans les villes périphériques] : ils n’ont pas grandi avec l’impression que papi ou mamie avait fait quelque chose de spécial. […] C’est ce qui entraîne le sentiment d’être un oublié de l’histoire ».</p>
</blockquote>
<h2>Se distancier des Palestiniens</h2>
<p>Ces revendications sont de plus en plus audibles, précisément grâce au support de la droite. A titre d’exemple, la ministre de la culture et membre du Likoud <a href="https://972mag.com/i-love-miri-regev/122368/">Miri Regev</a> fait de la réhabilitation de la culture juive orientale son cheval de bataille (bien qu’<a href="https://www.haaretz.com/opinion/.premium-miri-regev-doesnt-represent-us-1.5442993">elle ne fasse pas l’unanimité</a>). En général, il existe un consensus dans le monde universitaire israélien et au-delà, que l’<a href="http://www.sussex-academic.com/sa/titles/jewish_studies/Yiftachel.htm">identité « orientale »</a>, soit des juifs immigrés du monde arabe,</p>
<blockquote>
<p>« est produite dans les périphéries sociales et économiques, non pas comme une orientation culturelle distincte, mais comme un sens diffus d’origine commune et de solidarité, alimenté par une marginalité et une souffrance persistence ».</p>
</blockquote>
<p>En d’autres termes, les habitants des villes périphériques, dont une grande partie sont issus de l’immigration juive des pays arabes voisins, veulent se distancier des Palestiniens en affirmant leur loyauté au projet politique israélien.</p>
<p>Cette identité périphérique a été récupérée, d’abord par les mouvements sociaux orientaux dans les années 1970 et 1980 (comme celui <a href="https://doi.org/10.2307/2676561">des Black Panthers israéliens</a> ou du Mizrahi Democratic Rainbow), puis par la <a href="https://www.files.ethz.ch/isn/165676/75f23928107a1d852cbd6cd5dc607934.pdf">droite israélienne</a>, qui a « créé un sentiment de menace, en intensifiant le sentiment de vivre près d’une frontière exposée ».</p>
<p>Alors que les immigrés originaires d’Asie et d’Afrique et leurs enfants tournent le dos aux partis de la gauche qui ont oeuvré à leur installation dans les années 1950, et qu’ils considèrent comme les responsables de la ségrégation dont ils ont été victimes, la droite dure israélienne s’est faite leur porte-parole symbolique.</p>
<h2>Les partis de la droite dure présents dans les conseils municipaux</h2>
<p>Les partis de la droite dure israélienne profitent également d’un ancrage local bien établi. Les maires et conseillers municipaux de ces villes sont principalement des soutiens du Likoud, du parti religieux séfarade Shas ou encore du parti ultra-nationaliste russophone Yisrael Beitenu – ces deux derniers partis étant directement des partis représentant des immigrés.</p>
<p>Mardi 17 septembre au soir, M. Lieberman du parti Yisrael Beitenu, a remercié les maires et les conseillers municipaux membres de son parti pour leur soutien. En effet, j’ai eu l’occasion de <a href="https://journals.openedition.org/e-migrinter/1670">filmer la campagne de ce parti lors des élections de 2015</a>, et de me rendre compte de l’importance du rôle des élus locaux (voir l’extrait vidéo ci-dessous).</p>
<figure>
<iframe src="https://player.vimeo.com/video/361272265" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>L’absence de la gauche et du centre dans les villes périphériques ne se limite pas aux campagnes électorales. Les conseils municipaux comptent peu de conseillers qui soutiennent les partis de gauche, à l’exception de conseillers des partis dits « arabes » dans les quelques villes qui comptent des résidents Palestiniens, telles Acre. Ainsi, la plupart des électeurs de ces métropoles ont rarement rencontré un politicien du centre ou de gauche.</p>
<p>Dans un pays où la culture politique privilégie la proximité, les candidats qui rencontrent les électeurs des périphéries ou qui sont eux-mêmes originaires de ces villes – comme Mme Levy-Abukassis dans l’extrait vidéo ci-dessus, originaire de Beit She’an, ancienne numéro 2 d’Yisrael Beitenu et aujourd’hui au parti travailliste – sont plus populaires.</p>
<p>D’ailleurs, lors de la semaine électorale du 17 septembre, le parti Bleu Blanc ou les partis de gauche n’ont plus tenté de gagner des votes dans les villes périphériques, mais de convaincre les résidents de Tel-Aviv d’aller voter plutôt que d’aller à la plage – comme le publie le quotidien <a href="https://www.haaretz.com/israel-news/elections/.premium-israel-election-2019-facebook-blocks-netanyahu-s-messaging-after-law-violation-1.7857100">Haaretz en ligne le 17 septembre 2019</a>.</p>
<h2>Reproduire une identité de « juifs européens »</h2>
<p>En général, les différents entretiens que j’ai pu récoltés lors de mon travail de terrain ont confirmé que les habitants des villes périphériques et leurs représentants locaux ne cherchent pas à produire une identité israélienne plus ouverte, <a href="https://www.cairn.info/revue-espaces-et-societes-2018-1-page-93.htm">notamment aux Palestiniens</a>. Au contraire, ils se rallient plutôt au discours de Nétanyahou et de ses partenaires qui promeuvent une identité juive européenne au détriment des Palestiniens d’Israël, marquant ainsi leur appartenance au groupe dominant, tout en se distanciant de leur identité arabe.</p>
<p>Quant aux immigrés de l’ex-URSS arrivés après 1989, et alors que la majorité dominante émettent des doutes quant à leur véritable identité juive, le <a href="https://muse.jhu.edu/article/545048/pdf">ralliement à la droite dure</a>, du Likoud et d’Yisrael Beitenu, est peut-être un moyen de réitérer leur loyauté.</p>
<p>Ce processus paradoxal intervient donc en dépit de la marginalisation que tous ces résidents subissent. Ces prochaines semaines, les différents partis entament un processus de négociation pour former le gouvernement. Si le bloc de droite y parvient, prendra-t-il vraiment au sérieux les inégalités structurelles qui pèsent sur les immigrés et enfants d’immigrés des villes périphériques ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/123663/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pour réaliser sa recherche en Israël, Amandine Desille a reçu des financements du septième programme-cadre de l’Union européenne (7ePC/2007-2013) en vertu de la convention de subvention n° 316796. </span></em></p>Les immigrés et descendants d’immigrés résidents des villes périphériques parmi les plus pauvres de l’état sont les principaux supporters de la droite dure, et de Nétanyahou en particulier.Amandine Desille, Post doctorante, géographe, Universidade de Lisboa Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1236962019-09-18T18:41:44Z2019-09-18T18:41:44ZDe « Fauda » à « Foxtrot », l’obsession ultra-sécuritaire d’Israël portée à l’écran<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/292817/original/file-20190917-19059-fq83yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C3%2C794%2C420&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Foxtrot, de Samuel Maoz (2017), illustre le désemparement des troupes israéliennes devenues 'troupes de sécurité' vivant dans des huis clos angoissants.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.sddistribution.fr/film/foxtrot/136">Sophie Dulac Productions</a></span></figcaption></figure><p>Le premier ministre israélien sortant Benyamin Nétanyahou, pris au piège électoral et <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/09/18/en-israel-benyamin-netanyahou-rate-son-pari_5511853_3210.html">désormais sans majorité pour gouverner</a>, avait tout parié sur le thème de l’ultra-sécuritaire dans sa campagne – une thématique également reprise par ses opposants. Or, si cette rhétorique est ancienne et trouve un fort écho dans la culture populaire, notamment dans le cinéma et les séries, elle est aussi largement éculée.</p>
<p>Deux des plus grands succès audiovisuels des dernières années en Israël ont chacun suscité la polémique, pour des raisons opposées. <a href="https://teleobs.nouvelobs.com/series/20150624.OBS1468/fauda-quand-israel-casse-son-image.html"><em>Fauda</em></a>, série qui suit une unité spéciale d’agents israéliens infiltrée dans les territoires Palestiniens et qui a accumulé les récompenses, a été la cible d’un appel au boycott en 2018.</p>
<p>Le diffuseur, Netflix, a été interpellé par La Campagne palestinienne pour le boycott académique et culturel d’Israël, qui a accusé la série d’être une <a href="https://www.middleeasteye.net/fr/reportages/netflix-appele-deprogrammer-fauda-un-outil-de-propagande-israelien">entreprise de propagande au service de l’état</a> et de légitimer une politique raciste.</p>
<p><a href="https://www.telerama.fr/cinema/foxtrot,-le-film-de-guerre-qui-derange-en-israel,n5391546.php"><em>Foxtrot</em></a>, pour sa part, primé à la Mostra de Venise, s’est attiré les foudres du gouvernement israélien, qui est allé jusqu’à brandir la menace rarissime de la <a href="https://blogs.timesofisrael.com/miri-regevs-attempt-to-impose-censorship-on-israeli-cinema">censure</a>. Les autorités ont en effet considéré que le film donnait une image inacceptable d’Israël et de son armée en faisant le portrait de soldats démotivés, assassinant de jeunes Palestiniens dans un moment de panique, et tributaires d’une institution militaire bureaucratique, surtout soucieuse de contrôler les familles des soldats et de dissimuler ses erreurs.</p>
<p>Dans les deux cas, ces œuvres ont bénéficié de soutiens considérables. Une pétition lancé par des <a href="https://forward.com/fast-forward/398180/hollywood-execs-back-netflix-after-bds-threat-over-fauda">cadres des studios hollywoodiens</a> a circulé pour Fauda tandis qu’une vaste campagne de mobilisation du monde culturel et de la gauche israélienne est venue appuyer le réalisateur de <em>Foxtrot</em>, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=TaQaOoy1s_c">Samuel Maoz</a>.</p>
<h2>Une autre représentation des forces armées</h2>
<p>Fortes de leur succès, ces œuvres ont attiré l’attention de différents observateurs y compris <a href="https://www.lemonde.fr/m-actu/article/2018/01/24/le-conflit-israelo-palestinien-en-serie-televisee_5246482_4497186.html">à l’international</a>, tendant à les interpréter comme le miroir des divisions politiques d’Israël.</p>
<p>Ainsi il est séduisant de considérer <em>Fauda</em> comme une série de « droite », associant Lior Raz, son créateur et acteur principal, au premier ministre israélien. D’autres pourraient voir Samuel Maoz, réalisateur de <em>Foxtrot</em>, comme une sorte de porte-parole culturel de <a href="https://www.lepoint.fr/monde/qui-est-benny-gantz-l-ex-chef-de-l-armee-qui-menace-netanyahou-17-09-2019-2336080_24.php">Benny Gantz</a>, ancien chef de l’armée israélienne à l’image plus libérale que son rival Nétanyahou, quand bien même Maoz se situe plus à gauche que ce candidat.</p>
<p>Or, loin de se réduire à de telles images simplistes, ces deux œuvres ont en commun de participer à la redéfinition de la représentation des forces armées en Israël, et de mettre en lumière les paradoxes politiques du pays.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/292801/original/file-20190917-19076-13zwlcu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/292801/original/file-20190917-19076-13zwlcu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/292801/original/file-20190917-19076-13zwlcu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/292801/original/file-20190917-19076-13zwlcu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/292801/original/file-20190917-19076-13zwlcu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/292801/original/file-20190917-19076-13zwlcu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/292801/original/file-20190917-19076-13zwlcu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le président Reuven Rivlin avec une partie de l’équipe de Fauda, dont Lior Raz à sa gauche, le 7 février 2018.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Reuven_Rivlin_with_the_personal_of_the_Israeli_television_serie_%C2%ABFauda%C2%BB,_February_2018_(4847).jpg">Mark Neyman/Wikiemdia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<h2>La violence comme expérience personnelle</h2>
<p>En réalité, les logiques qui ont amené à la production de ces deux œuvres sont bien plus proches qu’il n’y paraît. De fait, paradoxalement, toutes deux racontent des histoires très semblables, et il est facile d’imaginer que les soldats qui apparaissent dans <em>Fauda</em> à l’arrière-plan pourraient être ceux de <em>Foxtrot</em>.</p>
<p>Ce que ces deux œuvres relatent avec des esthétiques différentes, c’est avant tout la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13537129708719432">violence exercée par l’armée israélienne</a> au cours des années 2010.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/klHy9CwASPU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Trailer de Fauda.</span></figcaption>
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<p>Cette violence a certes diminuée, comparativement aux années 90 et notamment depuis les événements les plus durs de la seconde Intifada telle que l’<a href="https://www.nouvelobs.com/monde/20020419.OBS4966/nombreuses-arrestations-pendant-l-operation-rempart.html">opération Rempart</a> de 2002, lorsque l’armée israélienne s’était redéployée dans des zones autonomes de Cisjordanie, détruisant une partie du camp de Jénine, action marquée par une <a href="https://www.hrw.org/legacy/french/press/2002/israel0503.htm">violente polémique internationale</a> et domestique sur l’usage excessif de la force.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/t2lokCxZ6vs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">le documentaire Jénine (2002) de Mohamed Bakri, israélien, avait fait polémique à l’époque sur la représentation de la violence et donné lieu à une action juridique.</span></figcaption>
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<p>Or cette violence a perdu sa dimension uniquement militaire en s’installant dans une logique de sécurisation et de contrôle. <em>Fauda</em> et <em>Foxtrot</em> montrent ainsi la routinisation de la violence, qu’il s’agisse des agents en opération pour contrer les activistes installés dans les territoires Palestiniens, ou des soldats qui tiennent les points de contrôle.</p>
<p>Les deux œuvres ont en outre en commun de puiser largement dans l’expérience de leurs réalisateurs : Samuel Maoz, vétéran de la guerre du Liban au sein de Tsahal, l’armé israélienne, avait déjà largement évoqué son passé dans le semi-autobiographique <em>Lebanon</em>.</p>
<p>Il reprend ici certaines thématiques comme le rôle des barrages et de la segmentation de l’espace, devenus des <a href="https://www.telerama.fr/cinema/films/self-made,492029.php">tropes visuels du cinéma israélien</a> sur le conflit avec les Palestiniens.</p>
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<figcaption><span class="caption">Trailer de Lebanon.</span></figcaption>
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<p>Lior Raz, tout comme son partenaire et co-scénariste Avi Issacharoff, sont tous deux des anciens soldats d’élite de l’unité <a href="http://www.lefigaro.fr/international/2018/01/05/01003-20180105ARTFIG00262-douvdevan-ces-soldats-israeliens-infiltres-chez-les-palestiniens.php">d’infiltration</a> connue sous le nom de <a href="https://www.idf.il/fr/minisites/unit%C3%A9-douvdevan/">Douvdevan</a>. Ils ont largement puisé dans leur expérience pour créer la série.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/mVMPfNtEc4M?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Entretien avec Avi Issacharoff qui est aujourd’hui également journaliste.</span></figcaption>
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<h2>Confronter les tabous</h2>
<p><em>Foxtrot</em> apparaît comme un point d’aboutissement provisoire du cinéma politique israélien, critique des institutions du pays, en particulier de son armée. Ce cinéma s’est développé <a href="https://arts.tau.ac.il/research/cinema/politicsloss">depuis les années 80</a>, avant de connaître une sorte d’âge d’or entre les années 90 et 2000, avec, en chef de file, Amos Gitai. Une génération de réalisateurs très marqués à gauche a suivi avec notamment Joseph Cedar, Eytan Fox, Dover Kosashvili…</p>
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<figcaption><span class="caption">Amos Gitai, entretien pour TV5 Monde.</span></figcaption>
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<p>Ces auteurs et réalisateurs furent très marqués par les traumatismes des années 80 comme les massacres de <a href="http://www.lefigaro.fr/histoire/archives/2017/09/15/26010-20170915ARTFIG00324-il-y-a-35-ans-le-massacre-de-sabra-et-chatila-au-liban.php">Sabra et Chatila</a> puis durant la première Intifada, au Liban et en Palestine. À la faveur d’une réorientation de l’industrie cinématographique israélienne, ils ont voulu se confronter aux tabous du pays, en particulier celui de la violence exercée à l’encontre de ses adversaires et des citoyens israéliens.</p>
<p>Si l’armée n’est pas remise en cause en tant que telle, ce qui est contesté est le processus de brutalisation à l’œuvre au sein des troupes, et la déshumanisation d’un adversaire que l’Intifada et les massacres de 1982 avait obligé à regarder en face.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/n5QoIQTx7Zg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Trailer du film <em>Infiltration</em> de Dover Kosashvili qui relate l’expérience de la brutalisation au sein des troupes durant les années 50.</span></figcaption>
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<p><em>Fauda</em> vient d’un <a href="https://www.diploweb.com/Israel-Tsahal-sur-les-ecrans-heros-faillibles.html">univers audiovisuel plus récent</a>, celui qui s’est développé durant les années 2010 avec l’apparition de séries télévisées israéliennes populaires, aux intrigues très maîtrisées, et qui se signalent par le soin apporté à l’écriture de leurs personnages, comme <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hatufim"><em>Hatufim</em></a> qui a inspiré la série <a href="https://www.programme.tv/news/series/47509-hatufim-la-serie-qui-a-inspire-homeland-debarque-sur-arte-le-9-mai/"><em>Homeland</em></a> ou <a href="https://www.youtube.com/watch?v=s1Lzs2t7H0w"><em>False flag</em></a>.</p>
<p>Dans ces séries, les mêmes thèmes sont abordés avec une mise en scène de l’appareil sécuritaire, et de l’habitude d’un rapport quotidien à la violence, sans effets excessifs de coups de théâtre, donnant des récits particulièrement fluides et cohérents, tout en maîtrisant le suspense.</p>
<p>Beaucoup plus spectaculaire que le film de Maoz, <em>Fauda</em> privilégie ainsi une mise en scène nerveuse et des effets de montage pour développer son propos, favorisant l’immersion du spectateur dans l’atmosphère étouffante qu’elle met en scène.</p>
<p>La série entretient ainsi parfois ses défauts : à trop se focaliser sur le tempo, elle oublie parfois de donner du recul au spectateur. <em>Foxtrot</em> quant à lui, tout à sa recherche esthétisante, s’approche parfois de certaines lourdeurs pour transmettre son message.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/292818/original/file-20190917-19072-7qdatp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/292818/original/file-20190917-19072-7qdatp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/292818/original/file-20190917-19072-7qdatp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/292818/original/file-20190917-19072-7qdatp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/292818/original/file-20190917-19072-7qdatp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/292818/original/file-20190917-19072-7qdatp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/292818/original/file-20190917-19072-7qdatp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Lior Raz, agent infiltré et héros de Fauda.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.allocine.fr/series/ficheserie-21842/photos/detail/?cmediafile=21464764">Tender Productions/Allociné</a></span>
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<h2>Des troupiers dépressifs</h2>
<p>Cependant, malgré ces différences, les deux œuvres sont étonnamment proches.</p>
<p>L’un des protagonistes de <em>Foxtrot</em>, Michael, que la mort de son fils oblige à revenir sur ses <a href="https://www.nouvelobs.com/ce-soir-a-la-tv/20190801.OBS16680/foxtrot-tragedie-grecque-en-israel.html">propres traumatismes</a>, mutique, brutal par moments, ressemble à s’y méprendre à une version plus mûre de Doron, le héros de <em>Fauda</em>. Ce dernier, mû par l’adrénaline de sa mission, ne parvient pas vraiment à percevoir ses propres fêlures, dévoilées pourtant au spectateur.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293002/original/file-20190918-187974-lir8id.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293002/original/file-20190918-187974-lir8id.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=809&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293002/original/file-20190918-187974-lir8id.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=809&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293002/original/file-20190918-187974-lir8id.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=809&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293002/original/file-20190918-187974-lir8id.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1017&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293002/original/file-20190918-187974-lir8id.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1017&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293002/original/file-20190918-187974-lir8id.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1017&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"><em>La coline 24 ne répond plus</em>, de Thorold Dickinson (1955).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Allocine</span></span>
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<p><em>Fauda</em>, tout comme <em>Foxtrot</em>, se place parmi les <a href="http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/25494">héritiers du cinéma israélien</a> des années 70 et 80, un cinéma qui a refusé le modèle héroïque, centré sur le pur héros sioniste tels que les personnages de <em>He walked throught the fields</em>, ou de <a href="http://www.premiere.fr/film/La-Colline-24-Ne-Repond-Plus"><em>La colline 24 ne répond plus</em></a>, tournés dans les premières décennies après l’indépendance.</p>
<p>Bien que <em>Fauda</em> s’appuie sur des soldats d’élite comme personnages principaux, la série refuse justement de faire d’eux des héros. Au final, l’accumulation des combats de Doron et de ses hommes paraît vide de sens et futile. En ce sens, ces personnages se rapprochent de <em>Foxtrot</em> et de ses troupiers dépressifs installés sans but ni raison dans un poste de garde, perdus au milieu du désert.</p>
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<figcaption><span class="caption">Trailer du film Foxtrot.</span></figcaption>
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<h2>Refléter un monde régi par le tout sécuritaire</h2>
<p>Ces œuvres interrogent ainsi les missions des troupes israéliennes. Ces dernières se rapprochent plus d’un travail de police employée à des tâches de sécurité qu’à des missions de guerre. En filigrane, se profile aussi le questionnement du développement exponentiel des <a href="https://www.lesechos.fr/2016/07/comment-israel-est-devenu-la-reference-dans-la-lutte-antiterroriste-215959">groupes de sécurité privée</a> qui fait que l’armée est employée à des tâches de contrôle civil, alors que les civils sont recrutés dans des emplois militarisés.</p>
<p>Les batailles sont absentes, remplacées par une obligation de constante vigilance dans des espaces réduits, symbolisés à l’écran par les quatre pas de danse symboliques de <em>Foxtrot</em>, l’espace clos des Territoires dans <em>Fauda</em>. On y contrôle de façon obsessionnelle les gens, la terre, les barrages, au risque de finir par s’y enfermer soi-même, dans un huis clos où règne une violence banalisée.</p>
<p>Tuer par erreur des Palestiniens chez Maoz n’est plus un événement pour l’armée, tandis que la mort de leurs adversaires se banalise au fil des missions des soldats infiltrés. Les Palestiniens eux-mêmes deviennent alors un simple prétexte justifiant un monde régi par le tout-sécuritaire.</p>
<p>L’apparition de Daech dans la seconde saison de <em>Fauda</em> est le pendant par l’action du vide de <em>Foxtrot</em> : l’adversaire proche n’en est plus vraiment un et Israël est invité à s’interroger via ces œuvres sur sa situation. Sur-armé, comment le pays peut-il faire face à un danger de plus en plus diffus et difficile à conceptualiser ? Le pays paye ainsi la rançon de sa politique <a href="https://read.dukeupress.edu/books/book/162/Visual-OccupationsViolence-and-Visibility-in-a">d’invisibilisation de l’adversaire</a>, devenu fantomatique sur les écrans.</p>
<h2>Des métaphores d’un pays en quête de sens</h2>
<p>Ces deux fictions, prises comme métaphores de la situation du pays, questionnent de façon parallèle à la fois les représentations d’eux-mêmes des Israéliens, et le discours politique sur la sécurité qui envahit l’espace public.</p>
<p>« Malheureux les pays qui ont besoin de héros » le <a href="https://fr.wikiquote.org/wiki/Bertolt_Brecht">mot de Bertolt Brecht</a> fait sens ici. Israël ne donne pas de lui-même un portrait heureux mais fait l’effort de refuser l’héroïsme comme solution de facilité, un constat partagé par les créateurs de <em>Fauda</em>, que la prochaine saison entraînera à Gaza. Et qui résonne aussi avec les <a href="https://www.college-de-france.fr/site/amos-gitai/course-2018-2019.htm">paroles d’Amos Gitai</a> entendues lors de son séjour au Collège de France.</p>
<p>Tandis que l’héritage du sionisme des premières décennies est en <a href="https://www.telerama.fr/cinema/films/fin-de-partie,495794.php">déshérence</a>, que le cycle du processus de paix semble s’achever sur une aporie et que la sécurité tient lieu de politique au détriment de la réflexion, dans une société lassée de la guerre et fatiguée des polémiques politiques, ces productions offrent, chacune à leur façon, une occasion de remettre en question d’éventuels nouveaux grands récits dans un pays en butte à une redéfinition cruciale de son identité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/123696/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Richard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Deux œuvres cinématographiques participent à la redéfinition de la représentation des forces armées en Israël, et à la mise en lumière des paradoxes politiques du pays.Thomas Richard, Chercheur associé, sciences politiques, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1181312019-06-01T06:23:54Z2019-06-01T06:23:54ZNouvelles élections en Israël : une épreuve personnelle pour Nétanyahou<p>Pour la première fois dans l’histoire de la vie politique israélienne, le 29 mai, la Knesset a voté sa propre dissolution face à l’incapacité de Benyamin Nétanyahou de constituer une majorité parlementaire, alors que son parti le Likoud est arrivé en tête des élections législatives du 9 avril (avec 35 sièges). Benyamin Nétanyahou n’a pas réussi à rallier Avigdor Lieberman, dont le parti nationaliste avait remporté cinq sièges, et donc à rassembler 61 députés (sur 120) pour former sa future coalition gouvernementale. Ce dernier exigeait le vote de la loi sur la conscription obligatoire des ultra-orthodoxes. Sauf que <a href="https://www.i24news.tv/en/news/israel/politics/178442-180701-haredi-military-conscription-bill-green-lighted-by-government">certaines dispositions de la loi devaient encore être aménagées pour satisfaire les partis religieux</a> qui, avec 16 sièges, constituaient un pilier solide de la future coalition de droite.</p>
<p>Bien que fondamentale, cette loi ne peut expliquer à elle seule l’actuelle crise politique en Israël. Ce coup de théâtre est d’abord la conséquence d’un système de représentation proportionnelle quasi intégrale qui donne aux petits partis un pouvoir de blocage exorbitant. Il est également le résultat d’une attaque personnelle portée contre Benyamin Nétanyahou dont la volonté de s’accrocher au pouvoir l’a lui-même conduit à forcer l’assemblée à peine élue à se dissoudre, plutôt que de laisser le temps au Président Reuven Rivlin de demander à la liste Bleu-Blanc – arrivée en deuxième position avec 35 sièges – de former une autre coalition.</p>
<p>Ces règlements de compte personnels et logiques électoralistes sont autant l’origine que la conséquence de l’extrême personnalisation du pouvoir opérée par le premier ministre israélien ces dix dernières années.</p>
<h2>La personnalisation du pouvoir orchestrée par Benyamin Nétanyahou</h2>
<p>Pour devenir « King Bibi », Benyamin Nétanyahou n’a pas seulement éliminé toute concurrence au sein du Likoud, il a aussi capté une partie de l’électorat russophone d’<em>Israel Beiteinu</em> et contenté les ambitions expansionnistes des colons. Il s’est imposé comme incontournable à droite, tout en menant une grande campagne de diabolisation du centre et de la gauche qu’il a accusé de <a href="https://www.haaretz.com/israel-news/elections/netanyahu-blasts-gantz-lapid-they-rely-on-arab-parties-who-want-to-destroy-israel-1.6958943">faire le jeu des forces arabes « cherchant à détruire Israël</a> ».</p>
<p>Benyamin Nétanyahou a également sombré dans une <a href="http://www.slate.fr/story/162075/international-israel-benyamin-netanyahou-pouvoir-crises-guerre-securite-diplomatie-autoritarisme">forme de gouvernance verrouillée et le culte de la personnalité</a>. Début 2016, il cumulait pas moins de cinq portefeuilles ministériels en plus de sa fonction de premier ministre. Il s’est farouchement attaqué à la presse d’opposition et s’est octroyé les faveurs du plus grand journal israélien, <em>Israel Hayom</em>, via son financeur Sheldon Adelson.</p>
<p><a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/02/15/les-medias-passion-fatale-de-benyamin-netanyahou_5423697_3210.html">Cette volonté de contrôle des médias</a> lui vaut d’ailleurs d’être sous la menace imminente d’une procédure d’inculpation dans trois enquêtes pour corruption, dont deux concernent ses rapports avec le quotidien <em>Yediot Aharonot</em> et le site d’information <em>Walla !</em> qu’il a tenté d’acheter à sa cause.</p>
<p>En cumulant les portefeuilles ministériels des Affaires étrangères (mai 2015 – février 2019) et de la Défense (depuis novembre 2018), Benyamin Nétanyahou s’est aussi imposé comme le seul décisionnaire en matière de diplomatie et de sécurité. Il s’est posé en interlocuteur privilégié de l’administration Trump en obtenant la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté israélienne sur le Golan et de Jérusalem comme capitale d’Israël. Il s’est personnellement mis en scène à l’Assemblée générale des Nations unies en <a href="https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2012/09/28/bibi-netanyahou-et-la-bombe-iranienne-pour-les-nuls_1767185_3218.html">brandissant des dessins représentant l’avancée du programme nucléaire iranien</a>. Il s’est félicité du retrait américain de l’accord international JCPOA et partage avec les faucons de l’administration Trump la volonté de hâter un changement de régime à Téhéran.</p>
<p>Quoique critiqué – à gauche comme à droite – pour sa gestion court-termiste des crises avec Gaza, il a réussi à devancer aux élections la liste Bleu-Blanc qui comptait pas moins de trois anciens chefs d’état-major, dont son ancien ministre de la Défense Moshe Ya’alon. Maniant à la perfection la stratégie du « moi ou le chaos », il a ainsi réussi le coup de force de faire passer ces faucons pour des colombes pro-palestiniennes.</p>
<h2>Le temps de la revanche politique</h2>
<p>C’est justement cette domination et personnalisation de la vie politique israélienne depuis son élection de 2009 qui l’a empêché, ces dernières semaines, de constituer sa coalition gouvernementale. Son rival Avigdor Lieberman, qui s’est longtemps rêvé premier ministre, a décidé de lui faire payer sa propre marginalisation dans un dernier sursaut d’orgueil politique. Benyamin Nétanyahou a manifestement sous-estimé le pouvoir de nuisance de son rival. <a href="https://www.haaretz.com/israel-news/elections/.premium-even-netanyahu-knows-it-s-over-1.7306625">Certains y voient d’ailleurs le signe de son arrogance</a>, l’empêchant de prévoir le pire et surtout de convaincre d’autres parlementaires de rallier sa coalition. Les tractations enclenchées trop tard avec certains députés travaillistes n’ont pas suffi.</p>
<p>En l’empêchant de prolonger trop facilement son règne, Avigdor Lieberman l’a surtout privé du vote de deux lois stratégiques : celle qui permettrait à la Knesset d’outre-passer les <a href="https://www.jpost.com/Israel-News/Chief-Justice-Hayut-No-rule-of-law-democracy-without-judicial-review-549856">pouvoirs de contrôle parlementaire exercés par la Haute Cour de Justice</a> et celle conférant au premier ministre une <a href="https://www.jpost.com/Israel-News/Netanyahus-immunity-bill-is-unpalatable-590535">totale immunité judiciaire le temps de son mandat</a>.</p>
<p>Il semblerait que le procureur général soit prêt à <a href="https://www.haaretz.com/israel-news/.premium-with-snap-election-in-sight-netanyahu-to-ask-for-another-delay-in-pre-trial-hearing-1.7309365">décider d’une inculpation juste après les prochaines élections du 17 septembre</a>, ce qui pose la question de sa solidité politique. Qui acceptera d’entrer dans un gouvernement dirigé par un <a href="https://www.haaretz.com/israel-news/.premium-netanyahu-s-pre-indictment-hearing-won-t-be-delayed-israel-s-attorney-general-says-1.7173151">premier ministre poursuivi pour corruption, fraude et abus de confiance</a> ?</p>
<p>Benyamin Nétanyahou peut parfaitement remobiliser son électorat, remporter les élections de septembre et conserver ses soutiens à l’extrême droite. Il semble même qu’il soit passé maître dans l’art de sortir renforcé des crises.</p>
<p>Mais tout dépendra de la capacité des partis de centre et de gauche à mobiliser les abstentionnistes (près de 51 % dans la population arabe) et surtout des marchandages politiques. Les partis arabes envisagent de refaire liste commune et la liste Bleu-Blanc pourrait revenir <a href="https://www.haaretz.com/israel-news/elections/after-netanyahu-fails-to-form-government-israel-to-hold-new-election-1.7306156">sur l’idée d’un pouvoir tournant entre Benny Gantz et Yaïr Lapid pour attirer les partis orthodoxes dans leur coalition</a>.</p>
<h2>Quid du plan de paix Trump ?</h2>
<p>Ce rebondissement politique intervient alors que l’administration américaine promettait de dévoiler son plan de paix au Proche-Orient. En réalité, d’après plusieurs observateurs israéliens ayant participé à des briefings avec l’équipe de Jared Kushner, Jason Greenblatt et David Freedman, ce plan ressemble davantage à une feuille de route aux contours évasifs (sans référence à la solution de deux États) avec l’ultime objectif de favoriser la reconnaissance des colonies israéliennes en Cisjordanie et de précipiter un changement de leadership à la tête de l’Autorité palestinienne.</p>
<p>Le premier volet de cette stratégie prend la forme d’un grand plan d’investissement économique dans les Territoires palestiniens dont les détails sont censés être discutés les 25-26 juin à la conférence « De la paix à la prospérité » organisée par les États-Unis à Bahreïn. Mahmoud Abbas a déjà prévenu qu’il boycotterait cet événement. <a href="https://www.bna.bh/.aspx?cms=q8FmFJgiscL2fwIzON1%2bDido1qWa7xUI72%2bVS97wRqs%3d">Les Bahreïnis se sont eux empressés de préciser qu’ils n’étaient que les hôtes et non les instigateurs de la conférence</a>.</p>
<p>Hormis quelques promesses de dons et d’investissements, servant d’abord à contenter l’allié américain, il est très peu probable que la communauté internationale (en particulier les pays du Golfe et l’Union européenne) s’investisse massivement dans d’ultimes dépenses sans solution politique réaliste et de long terme.</p>
<p>Au-delà de ses faiblesses (voire <a href="https://www.theatlantic.com/international/archive/2018/06/kushner-israeli-palestinian-peace-plan/563606/">dangereuses inepties</a>), ce plan américain, qui est entièrement coordonné avec Benyamin Nétanyahou, dépend de la survie politique du premier ministre israélien.</p>
<p>Il dépend aussi de sa capacité – s’il est réélu – à satisfaire les forces pro-colons et d’extrême droite. Si Benyamin Nétanyahou arrive à surmonter les blocages posés aujourd’hui par Avigdor Lieberman, il devra encore affronter les exigences de ses alliés nationalistes-religieux qui rêvent toujours du « Grand Israël ». Même si l’administration américaine espère renforcer le premier ministre israélien avec ce plan, il est fort probable qu’<a href="https://foreignpolicy.com/2019/05/30/new-vote-in-israel-puts-trumps-deal-of-the-century-on-ice/">il ne conduise jamais à rien</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118131/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elisabeth Marteu ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ce coup de théâtre est d’abord la conséquence d’un système de représentation proportionnelle quasi intégrale qui donne aux petits partis un pouvoir de blocage exorbitant.Elisabeth Marteu, Chercheuse sur le Moyen-Orient, International Institute for Strategic Studies (IISS) et Enseignante Sciences Po Paris, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1150852019-04-08T19:58:15Z2019-04-08T19:58:15ZIsraël : l’usage de la violence contre les Palestiniens, un argument de poids pour le candidat Benny Gantz<p>Les Israéliens se rendent aux urnes ce 9 avril pour élire un nouveau Parlement (Knesset), et le candidat qui se détache comme le principal adversaire du premier ministre <a href="http://content.time.com/time/covers/0,16641,20120528,00.html">Benyamin Nétanyahou</a> s’appelle Benny Gantz, un <a href="https://www.independent.co.uk/voices/srael-elections-benjamin-netanyahu-benny-gantz-blue-white-party-centre-right-politics-a8794396.html">« centriste »</a> qui, comme beaucoup d’autres candidats avant lui, se définit à travers son illustre expérience milliaire en qualité d’ancien chef d’état-major de l’Armée de défense d’Israël (Tsahal).</p>
<p>Son mouvement (<a href="https://en.idi.org.il/israeli-elections-and-parties/parties/israel-resilience-party/">« Résilience pour Israël »</a>) a décidé de faire une <a href="https://www.haaretz.com/israel-news/elections/.premium-israel-election-polls-show-gantz-maintaining-edge-over-netanyahu-1.7047825">liste commune</a> avec le parti <a href="https://en.idi.org.il/israeli-elections-and-parties/parties/yesh-atid/">Yesh Atid</a>, avec à sa tête Gantz. Cette alliance ne garantit pas pour autant <a href="https://theconversation.com/even-if-netanyahu-goes-the-israeli-palestinian-conflict-will-continue-113447">sa victoire dans les urnes</a>.</p>
<p>Cette nouvelle coalition politique (baptisée <a href="https://en.idi.org.il/israeli-elections-and-parties/parties/blue-and-white/">« Bleu-Blanc »</a>) a fait campagne en présentant Nétanyahou comme un dirigeant corrompu, poussé à la radicalisation par ses alliés extrémistes. Avec trois anciens chefs d’état-major de l’Armée de défense d’Israël au sein de sa direction, il s’inspire du militarisme israélien, jouant sur le fait que l’Armée de défense d’Israël est considérée par l’opinion comme l’institution publique la plus digne de confiance, « gardienne des valeurs nationales » <a href="https://books.google.co.uk/books?id=_Wx9AgAAQBAJ&pg=PT15&lpg=PT15&dq=IDF+%27the+corporate+custodian+of+national+values%27+stuart+cohen&source=bl&ots=hamkFDV__6&sig=ACfU3U2OxY93uMVfJ8KslT9Njs26lrHRbA&hl=en&sa=X&ved=2ahUKEwiR866rkqLhAhWMTRUIHUMuDmIQ6AEwAXoECAgQAQ#v=onepage&q=IDF%20%E2%80%99the%20corporate%20custodian%20of%20national%20values%E2%80%99%20stuart%20cohen&f=false">selon Stuart Cohen</a>. Le slogan de sa campagne – « Arrêtons la folie », conjugué à un discours virulent et des photos de durs à cuire – suggère une certaine pondération et une nouvelle forme de leadership responsable.</p>
<p>Alors que du côté de Nétanyahou figurent comme partenaires potentiels au sein d’une coalition des extrémistes de droite qui prônent le transfert forcé des Palestiniens hors du pays (les <a href="https://www.jta.org/2019/02/28/israel/rabbi-meir-kahane-and-israels-far-right-explained">kahanistes</a>), la coalition de Gantz se garde de proposer une solution au conflit israélo-palestinien. Elle a par ailleurs exclu toute alliance avec les <a href="https://www.haaretz.com/israel-news/elections/gantz-rules-out-political-discourse-with-arab-parties-over-anti-israel-rhetoric-1.7041422">partis arabes</a>. La campagne du candidat Gantz semble ainsi s’inscrire à la droite de Nétanyahou, n’hésitant pas à mettre en avant les morts palestiniens comme preuve de la détermination de l’ancien général.</p>
<p>Gantz était, il y a encore peu, le général qui a mené l’opération « Bordure protectrice » à Gaza en 2014, au cours de laquelle 2 100 Palestiniens (principalement des civils) ont été tués. L’ONG israélienne B’teslem a fourni sur son site une <a href="https://www.btselem.org/2014_gaza_conflict/en/">liste des enfants</a> et des personnes âgées qui ont été touchées par des tirs de roquettes (des deux côtés), dont le chiffre est stupéfiant.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/JOEUg_K8Hdc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Spot de campagne de Benny Gantz.</span></figcaption>
</figure>
<p>Malgré le caractère aveugle des attaques israéliennes, la première vidéo de campagne du candidat Gantz n’hésite pas à vanter la mort de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=JOEUg_K8Hdc">1 364 « terroristes »</a> au cours de l’opération « Bordure protectrice ». Cette statistique est <a href="https://www.haaretz.com/israel-news/elections/.premium-fact-check-did-benny-gantz-kill-1-364-terrorists-in-gaza-not-exactly-1.6865939">manifestement fausse</a> : non pas parce qu’il s’agit du décompte de Tsahal (qui diffère d’ailleurs de celui des organisations humanitaires), mais parce que ce chiffre inclut 428 victimes « non reconnues » comme « terroristes » par l’armée israélienne elle-même.</p>
<p>Indépendamment de leur implication ou non dans des actes de violence, les morts palestiniens sont, de fait, considérés comme un atout politique en Israël.</p>
<h2>« L’image de la victoire »</h2>
<p>Dans un article publié dans la revue scientifique <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0967010619835365"><em>Security Dialogue</em></a>, j’ai développé le concept d’« image de la victoire » et le rôle qu’il a joué en Israël. Il s’agit d’expliquer comment la mise en valeur cynique du décompte des victimes est jugée légitime et même souhaitable.</p>
<p>Israël est une société militariste, qui à travers l’Histoire a vénéré le champ de bataille en <a href="https://thedisorderofthings.com/2015/10/23/ethics-in-the-service-of-violence-in-israelpalestine/">tant que lieu de pureté morale</a>, où resplendit le caractère héroïque du soldat. Cela transparaît dans la culture globale du pays, et la <a href="https://www.timesofisrael.com/gantz-makes-scathing-personal-attack-on-netanyahu-paints-him-as-us-trained-fake/">comparaison à laquelle Gantz s’est livrée</a> entre son expérience et celle de Nétanyahou en est un bon exemple :</p>
<blockquote>
<p>« Pendant que je rampais dans des tranchées boueuses aux côtés de mes soldats, dans la nuit glaciale de l’hiver, vous quittiez le pays pour apprendre l’anglais et le pratiquiez dans des soirées cocktails. »</p>
</blockquote>
<p>En 2006, quand la guerre au Liban a dérapé, que les missiles pleuvaient sur les localités d’Israël et que le bilan des victimes côté israélien s’alourdissait (même s’il faut rappeler que ce nombre était <a href="https://www.reuters.com/article/us-lebanon-war-cost/factbox-costs-of-war-and-recovery-in-lebanon-and-israel-idUSL0822571220070709">30 fois supérieur côté libanais)</a>, les généraux israéliens étaient en quête de preuves du succès. Ils avaient à l’esprit « l’image de la victoire », la photographie symbolique d’un champ de bataille incarnant les plus hautes valeurs d’Israël (l’honneur, la bravoure, la résilience) et la victoire. De fait, cette <a href="https://www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-5120527,00.html">image de la victoire</a> fut trouvée en la personne d’un soldat, blessé, plein de boue, faisant le signe de la victoire au loin.</p>
<p>Durant le conflit à Gaza qui suivit, les télés, les journaux, le gouvernement cherchaient à nouveau le symbole de la victoire. Mais il y avait une différence fondamentale entre ces deux opérations : alors qu’au Liban, de nombreux combats se sont déroulés au sol, la campagne militaire menée à Gaza fut presque entièrement aérienne.</p>
<p>Le professeur Yagil Levy de l’Open University en Israël <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/mepo.12294">a montré</a> que l’armée israélienne avait tenté de protéger au maximum ses soldats, aux dépens des dommages collatéraux sur les Palestiniens. Les images en provenance de Gaza montraient des enfants morts et des quartiers dévastés, davantage que des soldats héroïques. En règle générale, elles furent occultées en Israël. Dans le même temps, son gouvernement était toujours en quête de l’image de la victoire.</p>
<h2>L’image de la victoire 2.0</h2>
<p>Dans cette optique, au lieu de s’appuyer sur des photographies, l’Armée de défense d’Israël a commencé à promouvoir des infographies comportant des données positives, élaborées par le bureau du porte-parole de l’Armée. On peut les consulter sur le site web du <a href="https://mfa.gov.il/MFA/ForeignPolicy/Terrorism/Pages/Rise-in-rocket-fire-from-Gaza-3-Jul-2014.aspx">ministère des Affaires étrangères</a> et sur le <a href="https://www.idfblog.com/blog/2014/08/05/operation-protective-edge-numbers/">blog de l’Armée de défense d’Israël</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/262916/original/file-20190308-155520-drt63z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/262916/original/file-20190308-155520-drt63z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=926&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/262916/original/file-20190308-155520-drt63z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=926&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/262916/original/file-20190308-155520-drt63z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=926&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/262916/original/file-20190308-155520-drt63z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1164&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/262916/original/file-20190308-155520-drt63z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1164&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/262916/original/file-20190308-155520-drt63z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1164&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’Opération Bordure protectrice en chiffres.</span>
<span class="attribution"><span class="source">IDF Blog</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La logique de cette évolution est simple : comment des images de destruction à Gaza pourraient-elles susciter un sentiment de réussite ? À la place, des panneaux d’affichage, comme on en voit dans des jeux vidéo, présentent les scores de la « victoire » sous une forme numérique. À ce propos, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/09502380500077763">Allen Feldman a parlé</a> de « regard actuariel », conjugué avec un « filtrage » des images de dommages collatéraux et un accent mis sur « le choc et l’effroi » (nom de l’opération militaire américaine en Irak en 2003, NDT).</p>
<p>La vidéo de Gantz est un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=JOEUg_K8Hdc">parfait exemple</a>. Elle commence par une note de musique dramatique et des chants d’« Allah hu Akbar ». Ensuite, un téléscripteur numérique comptabilisant le nombre de « terroristes » tués commence à tourner, avec des images muettes du Hamas en arrière-plan. Les corps d’adultes, enveloppés dans des drapeaux palestiniens et du Hamas, sont portés à travers la foule, des armes sont brandies au premier plan.</p>
<p>Cette séquence se termine par la vision d’un homme en arme, aux côtés d’un cercueil, la tête recouverte d’une cagoule et d’un ruban l’identifiant comme membre des Brigades Izz ad-Din al-Qassam, l’aile militaire du Hamas. Puis, un son rappelant celui d’une explosion et qui coïncide le décompte final, celui de « 1 364 terroristes tués » et le slogan « Seuls les forts sont victorieux » – tous écrits dans la couleur kaki militaire de Gantz.</p>
<p>La société israélienne est militariste et les généraux tels que Gantz n’hésitent pas à exploiter leur capital de fermeté dans la sphère politique. Mais, dans ce cas précis, il se joue quelque chose de différent. L’horrible décompte des morts provoqués par la violence exercée par un État se transforme, sous l’effet d’une combinaison d’abstraction et de quantification, en une forme d’accomplissement. Une image de la victoire qui vise à ériger un général versé en politique comme modèle de la responsabilité, du sang froid et de la modération.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été traduit par Eleonora Farade.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115085/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yoav Galai ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La campagne du candidat Gantz semble ainsi s’inscrire à la droite de Benyamin Nétanyahou, n’hésitant pas à mettre en avant les morts palestiniens comme preuve de la détermination de l’ancien général.Yoav Galai, Lecturer, Royal Holloway University of LondonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.