tag:theconversation.com,2011:/us/topics/bresil-23640/articlesBrésil – The Conversation2024-03-14T18:59:25Ztag:theconversation.com,2011:article/2237752024-03-14T18:59:25Z2024-03-14T18:59:25ZL’e-sport, facteur d’inclusion et d’ascension sociale ?<p>Le jeu vidéo est la plus jeune industrie culturelle, mais aussi la plus importante, avec un marché <a href="https://www.leparisien.fr/economie/le-jeu-video-un-marche-plus-important-que-ceux-du-cinema-et-la-musique-reunis-22-10-2023-O544EA2EZ5AVTCHNL5IJOKY4FM.php">supérieur à ceux de la musique et du cinéma réunis</a>. La professionnalisation de ce divertissement a donné lieu à une nouvelle activité économique : l’e-sport.</p>
<p>Les compétitions internationales de jeux vidéo attirent une audience considérable, que ce soit via le streaming online ou lors d’événements physiques. En France, <a href="https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2023-05-19/plus-de-10-millions-de-personnes-pratiquent-ou-regardent-l-e-sport-mais-est-ce-vraiment-un-sport-a12f0d93-5b15-45ff-892e-366b10faa39d">10,8 millions de personnes pratiquent ou regardent l’e-sport</a>, en faisant un <a href="https://theconversation.com/le-jeu-video-counter-strike-un-eldorado-pour-investisseur-193885">secteur prometteur pour les investisseurs</a> et les annonceurs. <a href="https://www.sports.gouv.fr/faire-de-la-france-une-grande-nation-de-l-esport-et-donner-une-nouvelle-impulsion-la-strategie-1639">La France souhaite renforcer sa présence</a> en soutenant l’écosystème national et en créant de nouvelles grandes compétitions.</p>
<p>Cependant, la <a href="https://theconversation.com/le-sport-discipline-populaire-mais-en-crise-214331">pratique de l’e-sport</a> garde une image élitiste et excluante. Le coût et la qualité du matériel nécessaire en font une discipline réservée aux classes sociales les plus élevées – un PC de gamer coûte plusieurs milliers d’euros, sans parler du clavier, du micro, de la caméra… Mais depuis 2020, l’e-sport sur mobile, bien plus accessible, <a href="https://www.weforum.org/agenda/2020/11/gaming-games-consels-xbox-play-station-fun/">a atteint plus de 51 % du marché mondial</a>, dépassant à lui seul tous les autres supports réunis : PC, console, arcade, cloud et réalité virtuelle. Bien qu’<a href="https://afjv.com/news/11292_etude-mediametrie-2023-francais-jeux-video.htm">elles représentent 53 % des pratiquants réguliers de jeux vidéo en France</a>, seulement 10 % des joueurs professionnels sont des femmes, dans un <a href="https://www.lefigaro.fr/sports/autres-sports/e-sport-malgre-le-sexisme-les-femmes-plus-que-jamais-pretes-a-s-imposer-20230704">environnement qui peut parfois s’avérer sexiste</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">CS :GO, LoL, Fortnite : pourquoi il y a si peu de femmes dans l’e-sport ?</span></figcaption>
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<p>Pourtant, dans certains pays en développement, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0148296323007415">l’e-sport est un moyen de favoriser la diversité</a>, de valoriser les communautés, et de permettre l’ascension sociale. Bien que les ressources et les infrastructures y soient moins importantes, <a href="https://www.esportsearnings.com/countries">neuf des vingt pays qui dominent l’e-sport en termes de revenus sont des pays émergents</a> : la Chine, la Russie, le Brésil, l’Ukraine, la Thaïlande, la Pologne, Taïwan, les Philippines, et la Malaisie. Près de la moitié des revenus mondiaux de l’e-sport proviennent de ces pays émergents. Cet article se focalise sur les pratiques au Brésil et en Inde.</p>
<h2>L’e-sport mobile dans les favelas du Brésil</h2>
<p>Au Brésil, l’accès à Internet est à la fois coûteux et très rudimentaire en périphérie des grandes villes et le matériel informatique coûte plus cher que dans les pays occidentaux avec un salaire minimum proche de 200 euros. Grâce au jeu mobile, le Brésil est le deuxième pays au monde juste après les États-Unis qui a le <a href="https://worldpopulationreview.com/country-rankings/twitch-users-by-country">plus de spectateurs uniques mensuels sur Twitch avec 16,9 millions</a>. Les adolescents des favelas et des quartiers populaires voient dans l’e-sport un moyen de sortir de la pauvreté. Ils forment des communautés de joueurs où ils s’entraident pour progresser et s’efforcent de créer un écosystème favorable dans lequel ils pourront générer des revenus.</p>
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<p>Le <a href="https://ff.garena.com/en/">jeu <em>Free Fire</em></a> qui rassemble 71 % des joueurs brésiliens est le <a href="https://sambadigital.com/free-fire-brazils-hottest-video-game/">plus populaire car son fonctionnement ne nécessite qu’un smartphone ordinaire</a> et une connexion Internet stable. Ce jeu de <em>battle royale</em> qui mêle survie et tir selon la mécanique du <em>last man standing</em> (dernier survivant) et qui <a href="https://theconversation.com/fortnite-un-phenomene-economique-social-sportif-et-culturel-124543">ressemble beaucoup à <em>Fortnite</em></a> s’appuie sur une base de <a href="https://afkgaming.com/mobileesports/guide/how-many-fans-does-free-fire-have-in-the-world">plus de 196 millions de joueurs actifs mensuels</a> et 13 millions quotidiens pour concurrencer des jeux puissants sur mobile comme <em>Call of Duty</em> et <em>PUBG</em> (anciennement <em>PlayerUnknown’s Battlegrounds</em>).</p>
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<figcaption><span class="caption">Trailer des championnats du monde de <em>Free Fire</em> 2023.</span></figcaption>
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<p><a href="https://liquipedia.net/freefire/Liga_Brasileira_de_Free_Fire">La ligue professionnelle brésilienne de <em>Free Fire</em></a> est très active et produit de nombreux champions, dont le <a href="https://liquipedia.net/freefire/Nobru">streamer Nobru</a>, vainqueur du championnat du monde en 2019, qui compte <a href="https://www.instagram.com/nobru/">15 millions de followers sur Instagram</a> et <a href="https://www.youtube.com/@NobruTV">autant sur YouTube</a>. Cerol, autre célèbre joueur de <em>Free Fire</em>, a été élu meilleur streamer du pays en 2019. Mais les nouveaux rois de <em>Free Fire</em> sont les membres de <a href="https://loud.gg/">l’équipe brésilienne Loud</a>, qui en plus d’être leader sur Twitch, est le premier collectif e-sport au monde à atteindre le milliard de vues sur YouTube. Cette entreprise qui a connu une croissance fulgurante a été créée par le champion <a href="https://www.linkedin.com/in/brunobcoliveira/">Bruno « PlayHard » Bittencourt</a>, <a href="https://www.linkedin.com/in/jean-ortega-296303118/">Jean Ortega</a>, et <a href="https://www.linkedin.com/in/matthew-h-130990185/">Matthew Ho</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1735314056746013103"}"></div></p>
<p>PlayHard a recruté les meilleurs jeunes joueurs de <em>Free Fire</em> et convaincu les parents et les marques du potentiel de l’e-sport pour développer Loud. PlayHard souhaite favoriser une meilleure visibilité de la population noire sous-représentée parmi les streamers et créateurs de contenus. Il a particulièrement <a href="https://ge.globo.com/esports/valorant/noticia/2023/01/04/c-valorant-loud-entrara-no-cenario-feminino-com-quarteto-ex-b4.ghtml">encouragé les jeunes femmes à devenir pro-gameuses</a>, ayant perçu le fort potentiel commercial de l’e-sport féminin. En 2023, Loud a annoncé la <a href="https://www.meioemensagem.com.br/marketing/organizacoes-esports-inclusao">formation d’une équipe inclusive</a> composée de femmes cisgenres et transgenres, et de personnes non binaires. Loud est aussi à l’initiative de nombreuses actions humanitaires dans les favelas pour fournir du matériel informatique aux enfants et aux jeunes et leur proposer des formations aux nouvelles technologies numériques.</p>
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<figcaption><span class="caption">Au Brésil, l’e-sport détrône le football dans les favelas.</span></figcaption>
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<p>Avec la même vision, <a href="https://www.dazeddigital.com/life-culture/article/60998/1/afrogames-the-worlds-first-favela-e-sports-organisation-brazil">AfroGames est le premier centre d’entraînement pour athlètes e-sport au monde à être basé dans une favela</a>. Dans la zone nord de Rio de Janeiro, des centaines de jeunes vont se former pour devenir streamers et pro-gamers. Exclus de la société et immergés dans un environnement où la criminalité est la norme, ils voient dans l’e-sport un <a href="https://www.dazeddigital.com/life-culture/article/60998/1/afrogames-the-worlds-first-favela-e-sports-organisation-brazil">moyen de gagner leur vie honnêtement et de retrouver espoir dans l’avenir</a>. <a href="https://forbes.com.br/forbes-tech/2023/05/com-foco-em-integrar-jovens-da-periferia-aos-games-afrogames-expande-alem-do-rio/">AfroGames est soutenue par plusieurs marques</a> comme la compagnie aérienne GOL, la boutique de jeux en ligne Nuuvem et le fabriquant de mémoire informatique Kingston. Plusieurs autres associations et académies d’e-sport se sont développées pour détecter et accompagner les meilleurs talents de l’e-sport brésiliens comme <a href="https://loja.fluxo.gg/">Fluxo</a>, <a href="https://neverest.gg/">Neverest</a>, et <a href="https://intz.com.br/">INTZ</a>.</p>
<h2>Le défi de l’inclusion par le jeu vidéo en Inde</h2>
<p>L’Inde est aujourd’hui le <a href="https://economictimes.indiatimes.com/news/economy/indicators/india-becomes-the-most-populated-a-dividend-or-a-damper/articleshow/99619028.cms">pays le plus peuplé du monde</a>, ayant dépassé la Chine en 2022, avec 1,4 milliard d’habitants, dont plus de 370 millions de jeunes entre 10 et 25 ans. L’Inde souffre d’un niveau élevé de pauvreté et d’analphabétisme. <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/08/31/c-est-une-perte-de-temps-desillusionnes-et-frustres-nombre-d-indiens-quittent-le-marche-du-travail_6139659_3234.html">Le taux de chômage des jeunes dépasse 40 %</a>. Même les titulaires d’un master ont du mal à trouver un emploi et, lorsqu’ils y parviennent, le salaire est très bas, ce qui les empêche de subvenir à leurs besoins. Les taux d’équipement en ordinateurs et consoles sont très faible, mais il y a <a href="https://tech.hindustantimes.com/tech/news/india-to-have-over-800-million-smartphone-users-by-2022-cisco-study-story-nnYnDOiY6nulyiKRaZRsDP.html">800 millions d’utilisateurs de smartphones</a>, ce qui explique que l’e-sport soit essentiellement mobile.</p>
<p>Comme au Brésil, les <a href="https://esportsinsider.com/2023/06/esports-around-the-world-india">jeux de battle royale tels que <em>Free Fire</em>, <em>Fortnite</em> et <em>PUBG Mobile</em>, sont les plus populaires</a>, ainsi que <em>Call of Duty</em>, <em>Valorant</em>, <em>DOTA 2</em> et <em>League of Legends</em>. La pandémie de Covid-19 a stimulé l’usage des smartphones et le recours aux jeux vidéo comme passe-temps. De nombreux jeunes ayant perdu leur job étudiant ont transformé cette épreuve en opportunité en devenant entrepreneurs ou champions d’e-sport. Ainsi, en Inde les <a href="https://www.statista.com/statistics/1263250/india-esports-revenue-by-category/">revenus de l’e-sport ont plus que doublé entre 2021 et 2023</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Free Fire India, la version spécialement conçue pour l’Inde.</span></figcaption>
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<p>L’un des avantages de l’Inde dans le domaine de l’e-sport est que le coût de l’accès à Internet est l’un des plus bas au monde. YouTube y est très puissant avec environ 450 millions d’utilisateurs actifs. En plus des <a href="https://fr.babbel.com/fr/magazine/guide-des-langues-parlees-en-inde">22 langues officielles, plus de 200 langues autochtones</a> et des milliers de dialectes y sont parlés. Les marques souhaitent accéder à des ambassadeurs capables de promouvoir leurs produits dans les principales langues et à travers différentes communautés. Cela rend les streamers et les champions d’e-sports particulièrement intéressants d’un point de vue marketing, car ils peuvent <a href="https://www.game-insiders.com/blog/diversite-et-inclusion-dans-le-marketing-de-jeux-video-quelles-strategies-pour-un-marche-plus-inclusif">générer un taux d’engagement très élevé de manière inclusive</a> en termes de genre, de caste, de religion, et d’origine sociale.</p>
<p>C’est ce que propose <a href="https://www.youtube.com/watch?v=7R4rzPBvlYU">Tushaar Garg, le fondateur et PDG de StreamO</a> et Irony Esports. Expert en marketing sportif, il a travaillé pour plusieurs institutions, dont l’<em>Indian Premier League Cricket</em>, la plus grande ligue sportive d’Inde. En août 2020, il crée StreamO, une entreprise visant à développer de <a href="https://timesofindia.indiatimes.com/blogs/voices/gender-inclusivity-in-the-gaming-sector-for-a-healthy-workplace-culture/">nouveaux espaces de rencontre inclusifs</a> centrés sur le jeu vidéo, à faciliter la formation de communautés de super fans de champions d’e-sport, à aider à monétiser le contenu des créateurs dédiés au jeu vidéo et à connecter les marques avec des publics jeunes ayant un haut niveau d’engagement.</p>
<p><a href="https://www.streamo.media/brands">Ces marques incluent</a> Amazon Prime, Netflix, Hyudai, Intel, Sony, Spotify et Puma. Plus de 5200 youtubeurs travaillent avec StreamO, ce qui représente plus de 100 millions d’abonnés. Grâce à StreamO, les streamers peuvent multiplier leur monétisation entre 10 et 20, selon la taille de leur communauté, ce qui leur permet de devenir eux-mêmes entrepreneurs, de développer leur structure, et d’avoir un impact positif sur la société et l’économie.</p>
<h2>Des modèles à suivre</h2>
<p>Bien que l’e-sport ne soit pas un exemple d’inclusivité en France et plus généralement dans les pays occidentaux, il est remarquable de constater que dans des pays comme le Brésil et l’Inde, des entrepreneurs audacieux utilisent le jeu vidéo comme un levier pour favoriser le développement social et la diversité. Malgré un manque de moyens et une maturité moins élevée, les efforts qui sont menés pour mettre en œuvre ces bonnes pratiques favorisent une société plus juste et plus inclusive dans ce secteur en plein essor.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223775/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Oihab Allal-Chérif ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La pratique de l’e-sport peut paraître élitiste et excluante. Pourtant, les initiatives inclusives en faveur de la diversité se multiplient, surtout dans les pays émergents.Oihab Allal-Chérif, Business Professor, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2097272023-08-13T13:42:05Z2023-08-13T13:42:05ZJames Bond est-il vraiment là où il prétend être ? Enquête géologique au service secret de Sa Majesté<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/537301/original/file-20230713-29-8tqdxr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C8%2C2683%2C1785&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’île de Khao-Phing-Kan, repaire de Francisco Scaramanga dans «&nbsp;L’homme au pistolet d’or&nbsp;» (1974) -- réputée en mer de Chine méridionale dans le film, elle se situe en réalité en Thaïlande.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/dlbezaire/431098835/in/album-72157600017248568/">Dave Bezaire, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Soudain, un coup de feu suivi d’un voile rouge lance une nouvelle aventure du plus célèbre des agents secrets : Bond, James Bond. Intrigues, paysages spectaculaires, méchants et gadgets ont fait la recette de la plus ancienne franchise du cinéma. James Bond parcourt le monde au gré de ses missions au service de Sa Majesté et les réalisateurs ont compris dès 1962, l’intérêt du public pour les voyages de l’espion.</p>
<p>Mais les lieux de tournage, souvent sélectionnés sur des critères esthétiques, ne correspondent pas toujours aux lieux des scénarios. Partons sur les traces de l’espion le plus célèbre du monde pour une enquête géologique.</p>
<h2><em>L’homme au pistolet d’or</em> est en Thaïlande, pas en Chine !</h2>
<p>Dans <em>L’homme au pistolet d’or</em>, sorti en 1974, le repaire du tueur à gages Francisco Scaramanga, interprété par Christopher Lee, est une île somptueuse. Elle se situe soi-disant en mer de Chine du Sud. Or, l’île de Scaramanga est en fait… l’île Khao-Phing-Kan, située en Thaïlande, au nord de la baie de Phang Nga, à plus de 2 000 kilomètres au sud-ouest !</p>
<p>Alors que la côte de Chine méridionale où est censée se dérouler l’histoire de <em>L’homme au pistolet d’or</em> est principalement composée de granites et de roches volcaniques datant du Jurassique au Crétacé, avec peu de roches sédimentaires, l’île de Scaramanga est iconique pour son piton calcaire – sédimentaire, donc – qui émerge de l’eau.</p>
<p>L’île est un des nombreux pitons calcaires, érodés autour de leur base et recouverts de végétation, de la région : l’ensemble, absolument remarquable, évoque une forêt d’arbres de pierre flottant sur la mer. Ce calcaire a été déposé au fond d’une mer peu profonde il y a environ 270 millions d’années, au Permien.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/537814/original/file-20230717-27-v7so63.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="où est réellement l’île de Scaramanga ?" src="https://images.theconversation.com/files/537814/original/file-20230717-27-v7so63.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537814/original/file-20230717-27-v7so63.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=531&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537814/original/file-20230717-27-v7so63.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=531&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537814/original/file-20230717-27-v7so63.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=531&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537814/original/file-20230717-27-v7so63.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=668&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537814/original/file-20230717-27-v7so63.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=668&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537814/original/file-20230717-27-v7so63.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=668&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte géologique de l’Asie. L’île de Francisco Scaramanga est dans le film située en Chine du Sud alors que dans la réalité, le tournage s’est déroulé en Thaïlande sur l’île de Khao-Phing-Kan.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://ccgm.org/">Nicolas Charles, modifié à partir de CCGM</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La particularité de la baie de Phang Nga est d’être structurée le long de l’importante faille de Khlong Marui, toujours active, et témoignant d’épisodes tectoniques majeurs au cours des temps géologiques (collision <a href="https://www.sciencedirect.com/journal/comptes-rendus-geoscience/vol/340/issue/2">indosinienne</a>, puis himalayenne). Lors de ces collisions, les roches se sont déformées, créant des plis et des failles, ce qui facilite l’infiltration des eaux de pluie au sein du calcaire. Celui-ci se dissout peu à peu, ce qui conduit à un paysage <a href="https://digitalcommons.usf.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=5720&context=kip_articles#page=30">« karstique »</a> remarquable avec ses grottes et pitons.</p>
<p>Rien à voir, donc, avec les roches de la côte de Chine du Sud…</p>
<h2><em>Spectre</em> est bien au Maroc, mais…</h2>
<p>Dans <em>Spectre</em> (2015), bien que l’action se déroule au Maroc tout comme les prises de vue réelles, l’interprétation géologique faite du repaire du cynique Ernst Stavro Blofeld (Christopher Waltz), n°1 de l’organisation terroriste a de quoi heurter la sensibilité du géologue !</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/537297/original/file-20230713-15-95drbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="photo du Massif de Mdouar Gara au Maroc" src="https://images.theconversation.com/files/537297/original/file-20230713-15-95drbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537297/original/file-20230713-15-95drbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=296&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537297/original/file-20230713-15-95drbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=296&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537297/original/file-20230713-15-95drbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=296&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537297/original/file-20230713-15-95drbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=372&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537297/original/file-20230713-15-95drbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=372&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537297/original/file-20230713-15-95drbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=372&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Massif de Mdouar Gara, imaginé comme un ancien cratère de météorite abritant la base secrète de Blofeld dans Spectre (2015), mais qui n’a rien à voir dans la réalité avec la chute d’un corps céleste !</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/95012335@N02/24930021057/">Piefke La Belle, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<p>En effet, la base secrète qui sera totalement détruite par 007 se veut être construite au sein d’un ancien cratère de météorite – le corps céleste fait d’ailleurs l’objet d’une pièce dédiée dans le film et est présenté à James Bond (Daniel Craig) et Madeleine Swann (Léa Seydoux).</p>
<p>Le lieu de tournage correspond au massif de Gara Medouar (ou Jebel Mudawwar), un relief isolé en fer à cheval au sud-ouest d’Erfoud dans l’Anti-Atlas oriental. Mais rien à voir avec un astroblème (témoin d’un ancien impact de météorite) ou même un cratère volcanique ! Il s’agit tout simplement d’une forme d’érosion au sein d’une pile d’anciens sédiments marins déformés par un pli, où les flancs s’inclinent de part et d’autre pour former une dépression concave (les géologues parlent de pli synclinal).</p>
<p>Plus précisément, le massif constitue l’endroit où la courbure du pli est maximale (la charnière) et recoupe la surface topographique (la surface de la terre, donc). En géologie, il s’agit d’une terminaison périclinale.</p>
<p>Cette géomorphologie sert de gouttière aux eaux de pluie qui accentuent la forme en fer à cheval. Les roches armant le relief, car plus résistantes à l’érosion, sont des calcaires gris à <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Goniatite">goniatites (des fossiles d’animaux proches des ammonites)</a> âgés du <a href="https://www.researchgate.net/profile/Christian-Klug/publication/257985730_Quantitative_stratigraphy_and_taxonomy_of_late_Emsian_and_Eifelian_ammonoids_of_the_Anti-Atlas_Morocco/links/02e7e5268c4a5238e0000000/Quantitative-stratigraphy-and-taxonomy-of-late-Emsian-and-Eifelian-ammonoids-of-the-Anti-Atlas-Morocco.pdf">Dévonien moyen</a> (environ 388 millions d’années) et surmontant des argiles grises à bleutées riches en <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Orthoceras_(animal)">orthocères (des céphalopodes)</a>âgéesduDévonieninférieur(entre393-408millionsd’années). Les forces telluriques exprimées au cours des temps géologiques, ainsi que le pouvoir d’érosion des eaux tombées du ciel, sont la clé de compréhension de la forme de cette curiosité géologique désormais célèbre.</p>
<p>Rien à voir avec un épisode cataclysmique donc, quoique… Lors du tournage de <em>Spectre</em> (2015), la scène de la destruction de la base secrète a nécessité près de 70 tonnes d’explosifs <a href="https://www.guinnessworldrecords.com/news/corporate/2022/1/no-time-to-die-breaks-explosive-new-record-689830">inscrivant un temps au Livre Guinness des records cette explosion comme la plus importante de l’histoire du septième art</a>, record toujours détenu par la saga dans <em>Mourir peut attendre</em> (2021) avec… 136 tonnes d’explosifs !</p>
<h2>Moonraker, le Pain de Sucre de Rio – ou « Pot de beurre »</h2>
<p>Dans <em>Moonraker</em> (1979), James Bond (Roger Moore) affronte dans une scène mémorable Requin (Richard Kiel), l’homme de main aux dents d’acier de l’industriel mégalomane Hugo Drax (Michael Lonsdale).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/537299/original/file-20230713-29-fn0yq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Le pain de sucre à Rio de Janaiero et son téléphérique" src="https://images.theconversation.com/files/537299/original/file-20230713-29-fn0yq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537299/original/file-20230713-29-fn0yq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537299/original/file-20230713-29-fn0yq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537299/original/file-20230713-29-fn0yq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537299/original/file-20230713-29-fn0yq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537299/original/file-20230713-29-fn0yq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537299/original/file-20230713-29-fn0yq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le Pain de sucre (Pao de Açúcar) à Rio de Janeiro, scène de la confrontation entre James Bond et Requin dans Moonraker (1979). C’est une forme d’érosion récente, un inselberg constitué d’un gneiss œillé âgé de 560 millions d’années.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nicolas_vollmer_photo/16633005430/">Nicolas Vollmer, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Le duel se déroule dans et sur le téléphérique du Pain de Sucre à Rio de Janeiro, au Brésil. Un paysage iconique dans l’une des plus belles baies du monde. Le Pain de Sucre (<em>Pao de Açúcar</em> en portugais) est depuis 2022 classé par l’Union internationale des Sciences géologiques comme un <a href="https://iugs-geoheritage.org/geoheritage_sites/the-sugar-loaf-monolith-of-rio-de-janeiro/">site géologique mondial pour sa géodiversité remarquable</a>, en plus d’être inscrit au patrimoine mondial de l’<a href="https://whc.unesco.org/fr/list/1100/">Unesco depuis 2012</a>.</p>
<p>En effet, le monolithe carioca de 396 mètres de haut à l’entrée de la baie Guanabara constitue une référence mondiale de la forme d’érosion dite « en pain de sucre ». Ce pinacle rocheux, à l’instar du Corcovado, est constitué d’un ancien granite transformé dans les profondeurs de la Terre en une autre roche appelée gneiss œillé. Cette roche rose à grise, dite métamorphique (transformée par une augmentation de pression et de température), est constituée de minéraux dont des grands cristaux de feldspath potassique en forme d’amande inclus dans une matrice de quartz, plagioclase et biotite. Cette roche à gros grains a été largement utilisée comme <a href="https://www.episodes.org/journal/view.html">pierre ornementale pour les monuments de Rio</a>, d’où son surnom de « la plus carioca des roches » !</p>
<p>Plus précisément, il s’agit d’un ancien granite formé dans les profondeurs de la croûte terrestre par la solidification d’un magma sous un archipel volcanique, il y a environ 560 millions d’années (Édiacarien), puis déformé lors de la formation de la chaîne de montagnes de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0895981118301937">Ribeira-Araçuaí</a>, lorsque l’Amérique du Sud et l’Afrique centrale ne faisaient qu’une.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/537817/original/file-20230717-230575-7vj16h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="carte de la position des continents il y a 500 millions d’années" src="https://images.theconversation.com/files/537817/original/file-20230717-230575-7vj16h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537817/original/file-20230717-230575-7vj16h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537817/original/file-20230717-230575-7vj16h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537817/original/file-20230717-230575-7vj16h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537817/original/file-20230717-230575-7vj16h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537817/original/file-20230717-230575-7vj16h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537817/original/file-20230717-230575-7vj16h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Il y a 500 millions d’années, l’Amérique du Sud et l’Afrique ne faisait qu’une. Le cadre rouge indique la position géographique de Rio de Janeiro.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.episodes.org/journal/view.html?doi=10.18814/epiiugs/2020/0200s13">Castro et coll., 2021</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<p>La plus grande résistance à l’altération et à l’érosion de ce gneiss par rapport aux roches environnantes explique les pitons rocheux isolés émergeant dans la baie. Il s’agit d’« inselbergs », mot dérivé de l’allemand <em>insel</em> et <em>berg</em> signifiant « montagne-île », un relief isolé aux parois abruptes que l’on retrouve principalement dans les granites et les gneiss.</p>
<p>Ainsi, James Bond mène un duel suspendu au-dessus des racines d’une ancienne chaîne de montagnes, sculptée par une érosion relativement récente sous climat tropical. Ces formes coniques majestueuses ont intrigué les premiers explorateurs au XVI<sup>e</sup> siècle à l’instar du français <a href="https://pur-editions.fr/product/9337/jean-de-lery-le-premier-ethnologue">Jean de Léry</a>, qui nommait ce rocher le <a href="https://hal.science/hal-02089840/document">« Pot de Beurre »</a>… on reste pour ce monument naturel, dans le champ lexical culinaire !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209727/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Charles ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une série estivale sur la sulfureuse et insoupçonnée liaison entre James Bond et la géologie. On part en voyage pour ce premier épisode.Nicolas Charles, Géologue, PhD, BRGMLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2043232023-05-08T18:07:57Z2023-05-08T18:07:57ZLa dette, nouvelle forme de travail des femmes<hr>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://theconversation.com/fr/topics/controverses-133629">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em><a href="https://theconversation.com/fr/topics/controverses-133629">« Controverses »</a> est un nouveau format de The Conversation France. Nous avons choisi d’y aborder des sujets complexes qui entraînent des prises de positions souvent opposées, voire extrêmes. Afin de réfléchir dans un climat plus apaisé et de faire progresser le débat public, nous vous proposons des analyses qui sollicitent différentes disciplines de recherche et croisent les approches. La série « travail » s'attache à décrypter des aspects improbables, parfois inconnus ou impensés autour de cette notion actuellement au coeur des débats politiques</em>.</p>
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<p>« Je passe mon temps à gérer et à faire tourner la dette. Comment voulez-vous que je travaille ? » (Pushpurani)</p>
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<p>Femme Dalit (ex-intouchable) d’un village du Tamil Nadu (Inde), Pushpurani jongle en permanence avec dix à vingt prêts, contractés auprès de compagnies financières, de prêteurs informels, de l’élite locale et de voisines.</p>
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<p>« Pourquoi autant de retraités retournent travailler ? À cause des dettes. » (Felipe, habitant d’une <em>favela</em> de Vitoria, Brésil)</p>
</blockquote>
<p>La mère de Felipe, Dona Gê, 74 ans, confectionne des vêtements et vend des gâteaux dans la rue depuis que le remboursement des crédits absorbe 70 % de sa pension de retraite.</p>
<p>Ces témoignages illustrent les répercussions concrètes, pour les femmes de milieux populaires, d’une évolution observée à l’échelle globale ces trois dernières décennies : l’explosion de l’endettement des ménages, tiré par un accès élargi au crédit et une vulnérabilité économique accrue.</p>
<p>Dans différentes régions du monde, la gestion de la dette au quotidien s’apparente à une réelle forme de travail ; or ce « travail de la dette » est en premier lieu déployé par les femmes. Trouver les fonds pour rembourser la dette entraîne ensuite de nouvelles formes de mise au travail, un « travail pour la dette » qui, là encore, touche bien souvent les femmes.</p>
<p>Le travail de la dette et pour la dette émerge ainsi comme une nouvelle forme de travail de l’ombre, gratuit et symptomatique d’économies financiarisées. Deux thèses récentes de doctorat, l’une en <a href="https://www.theses.fr/2021UNIP7255">économie</a>, l’autre en <a href="https://www.theses.fr/s185336">socio-anthropologie</a>, et un <a href="https://www.sup.org/books/title/?id=36559">ouvrage à paraître</a> rendent compte de cette réalité en Inde et au Brésil.</p>
<h2>L’ampleur de la dette</h2>
<p>Si l’endettement des ménages reste très inégal d’un pays à l’autre, son niveau moyen a quasi doublé entre 1995 et 2021 dans les pays de l’OCDE, passant ainsi de 68 à 127 % du revenu disponible (<a href="https://data.oecd.org/hha/household-debt.htm">OECD, 2023</a>. <a href="https://data.oecd.org/hha/household-debt.htm">L’accélération</a> est particulièrement manifeste dans les Suds. Selon la <a href="https://www.bis.org/statistics/about_credit_stats.htm">BRI</a>, l’endettement des ménages a bondi de 28 à 50 % du PIB dans les économies émergentes entre 2010 et 2022.</p>
<p>Mais tandis qu’au Nord les prêts immobiliers représentent le gros de l’endettement (<a href="https://abc-economie.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/822050_endettement_des_menages.pdf">84 % en France en 2021</a>), son essor dans les Suds est surtout tiré par des formes variées de crédit à la consommation, que des politiques dites d’<a href="https://journals.openedition.org/lectures/17781">inclusion financière</a> ont démocratisé à partir des années 2000, ciblant en priorité les milieux populaires et en particulier les femmes.</p>
<p>Au Brésil, d’après les données de la Banque Centrale, la part des ménages endettés auprès des établissements de crédit est ainsi passée de 44 % à 55 % entre 2010 et 2015 – avant de grimper au cours de la pandémie de Covid-19 pour atteindre 80 % en 2021.</p>
<p>Au Tamil Nadu, à la suite de deux décennies de politiques de bancarisation et de développement du micro-crédit féminin, des <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/S1529-212620200000029008/full/html">données d’enquête en zone rurale</a> de <a href="https://odriis.hypotheses.org/who-we-are">l’Observatoire des dynamiques rurales et des inégalités en Inde du Sud</a> documentent une hausse de l’endettement moyen des ménages de 160 à 250 % de leur revenu annuel entre 2010 et 2016. Et la dette pèse plus lourdement sur les femmes, qui gagnent en moyenne <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0305750X20304915">22 % des revenus du ménage mais assument 37 % des dettes</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/522979/original/file-20230426-1034-38efal.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/522979/original/file-20230426-1034-38efal.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522979/original/file-20230426-1034-38efal.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522979/original/file-20230426-1034-38efal.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522979/original/file-20230426-1034-38efal.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522979/original/file-20230426-1034-38efal.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522979/original/file-20230426-1034-38efal.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522979/original/file-20230426-1034-38efal.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une correspondante bancaire (au milieu) entourée de femmes. Cette activité remplace en quelque sorte le « distributeur » d’argent dans les villages les plus reculés. Tamil Nadu, 2016.</span>
<span class="attribution"><span class="source">I.Guérin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Dans leur vaste majorité, celles-ci visent à « joindre les deux bouts » : se nourrir, se soigner, se loger, payer les factures d’eau, de gaz et d’électricité. Elles permettent aussi de participer à des rituels, de s’équiper en biens de consommation… et de rembourser d’autres dettes.</p>
<p>À cet égard, si le <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/economie-et-finance/vraie-revolution-du-microcredit_9782738132468.php">microcrédit</a> a longtemps été pensé comme une aide à la création d’entreprise et de sortie de la pauvreté, il se révèle être surtout un crédit à la consommation, permettant au mieux de lisser dans le temps recettes et dépenses, au pire agissant comme un facteur de <a href="https://www.routledge.com/Microfinance-Debt-and-Over-Indebtedness-Juggling-with-Money/Guerin-Morvant-Roux-Villarreal/p/book/9780367110840">surendettement</a>.</p>
<h2>Le travail de la dette</h2>
<p>Les femmes des milieux populaires sont en première ligne de nouvelles formes de mise au travail générées par ce recours accru à la finance. Gestionnaires des budgets familiaux, elles se voient accaparées par la gestion et le refinancement des dettes, celles contractées en leur nom propre mais aussi bien souvent celles de l’ensemble de la famille.</p>
<p>Dans le contexte français, les ethnographies d’Ana Perrin-Heredia et de Camille François le montrent bien : les femmes gèrent le <a href="https://www.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2009-4-page-95.htm">manque et les découverts</a> et sont les <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/de_gre_et_de_force-9782348074301">premières cibles des huissiers</a> face aux retards de loyer.</p>
<p>Gérer la dette est un réel travail : les tâches sont routinières, chronophages, et mobilisent des compétences bien spécifiques. Au Tamil Nadu, ce « travail de la dette » implique par exemple de prendre en charge des transactions de remboursement mensuelles, hebdomadaires, <a href="https://econpapers.repec.org/paper/solwpaper/2013_2f290603.htm">voire journalières</a>. Il s’agit de jongler avec cinq, dix, quinze prêts à la fois, et de suivre ces écheveaux de dettes par une incessante gymnastique mentale, qui nécessite des calculs complexes basés sur des critères de prix et de sentiments.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/522985/original/file-20230426-22-5dn7fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522985/original/file-20230426-22-5dn7fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522985/original/file-20230426-22-5dn7fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522985/original/file-20230426-22-5dn7fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522985/original/file-20230426-22-5dn7fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522985/original/file-20230426-22-5dn7fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522985/original/file-20230426-22-5dn7fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une responsable de groupe de microcrédit : ce travail implique de tenir à jour une multitude de documents administratifs, très souvent des archives « papiers » dans les villages.</span>
<span class="attribution"><span class="source">I.Guérin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Il faut aussi négocier les montants, les prix et les délais de remboursement, afin de les adapter à l’irrégularité et à l’imprévisibilité des revenus, et ce avec un large éventail de prêteurs et de prêteuses. Outre les organisations de microcrédit et les compagnies financières, les prêts proviennent d’une myriade de prêteurs du quartier ou des bourgs voisins, qu’il s’agisse de prêteurs sur gage ou ambulants, de boutiquiers, de l’élite locale, d’amies et de voisines ou encore de parents.</p>
<p>Assurer le travail de la dette, c’est aussi faire face à des remarques désobligeantes ou méprisantes de la part des prêteurs, parfois à des insultes, tout en gardant son calme. Ne pas honorer sa dette est un signe d’irresponsabilité, de frivolité et de mauvaise gestion et empêche de s’endetter à nouveau. Pour les prêteurs, quel que soit leur profil, salir les réputations est une arme redoutable d’incitation au remboursement.</p>
<p>Il faut enfin soigner son apparence et son attitude, pour apparaître comme une femme forte et déterminée, capable de rembourser ses dettes. Et si les moyens matériels manquent, il s’agit de <a href="https://anthrosource.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/amet.12912">monnayer son corps</a> et d’entrer dans une myriade d’échanges dette-sexe, du sourire et des attouchements à la pénétration.</p>
<h2>Travailler <em>pour</em> la dette</h2>
<p>Le travail de la dette va souvent de pair avec un travail pour la dette, visant à trouver les fonds nécessaires au paiement de dettes et d’intérêts souvent exorbitants. <a href="https://diplomatique.org.br/a-esquerda-brasileira-sobre-as-brasas-do-credito/">Dans les favelas brésiliennes</a>, cela se traduit par un allongement des journées de travail, débordant sur les soirées et les dimanches. On jongle avec deux ou trois activités pour assurer les entrées d’argent liquide. Pour les hommes, il s’agit surtout de travailler sur des chantiers dans des conditions dégradées, sans protection sociale et pour un salaire inférieur au minimum légal.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/523055/original/file-20230426-28-9lwn8p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="18 heures : Luna étend le linge après avoir passé une journée bien remplie entre le restaurant où elle cuisine (en haut de la favela) et les agences bancaires où elle finance son activité (en bas de la favela). Brésil" src="https://images.theconversation.com/files/523055/original/file-20230426-28-9lwn8p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523055/original/file-20230426-28-9lwn8p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523055/original/file-20230426-28-9lwn8p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523055/original/file-20230426-28-9lwn8p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523055/original/file-20230426-28-9lwn8p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523055/original/file-20230426-28-9lwn8p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523055/original/file-20230426-28-9lwn8p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">18 heures : Luna étend le linge après avoir passé une journée bien remplie entre le restaurant où elle cuisine (en haut de la favela) et les agences bancaires où elle finance son activité (en bas de la favela). Brésil.</span>
<span class="attribution"><span class="source">T.Narring</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Pour les femmes, il peut s’agir d’activités extérieures à la maison, comme femmes de ménage, ou d’activités domestiques, comme la confection de vêtements ou de gâteaux vendus ensuite sur les marchés. C’est en particulier le lot des <a href="https://www.cairn.info/revue-terrains-et-travaux-2022-2-page-181.htm">grands-mères</a>, qui continuent à travailler après leur retraite et utilisent leur accès au crédit pour aider leurs enfants au chômage.</p>
<p>Le travail de la dette et le travail pour la dette représentent une immense source de dépossession pour les milieux populaires et de profit pour l’industrie financière, qui s’appuie sur le travail gratuit des femmes comme sur la captation d’une part considérable du revenu des familles : la part des intérêts représente 30 % au Tamil Nadu en 2016 selon l’enquête citée plus haut, 12 % au <a href="https://www.fecomercio.com.br/noticia/em-seis-meses-familias-gastaram-com-juros-o-equivalente-a-73-do-auxilio-emergencial-pago-em-2020-1">Brésil</a> en 2021.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/522986/original/file-20230426-518-aybvbw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/522986/original/file-20230426-518-aybvbw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522986/original/file-20230426-518-aybvbw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522986/original/file-20230426-518-aybvbw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522986/original/file-20230426-518-aybvbw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522986/original/file-20230426-518-aybvbw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522986/original/file-20230426-518-aybvbw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522986/original/file-20230426-518-aybvbw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Cahier de gestion des comptes tenu par une femme dans un village au Tamil Nadu, Inde.</span>
<span class="attribution"><span class="source">I. Guérin, 2021</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Cette exploitation ne saurait toutefois se résoudre à des logiques de prédation financière. Elle prend sa source dans un régime d’accumulation incapable d’assurer la reproduction sociale des travailleurs, où se combine à la fois l’incapacité du capital privé à fournir des salaires de subsistance et l’inefficacité de l’État à fournir une véritable protection sociale.</p>
<h2>Résistances féminines</h2>
<p>Sous des formes atténuées et diverses, on retrouve ces caractéristiques en Europe. En France, les réformes des retraites et de baisse du « coût du travail », menées dans un contexte d’austérité budgétaire, amplifient les difficultés des milieux populaires à « joindre les deux bouts ». Face à <a href="https://www.puf.com/content/Gilets_jaunes_la_r%C3%A9volte_des_budgets_contraints">ces contraintes</a> croissantes, le mouvement des « gilets jaunes » a mis en évidence la place centrale des mères dans la gestion des dettes (factures et crédits immobiliers notamment). Ces mobilisations montrent aussi que le « travail de la dette » est le support de résistances féminines et d’une parole politique, ancrée dans le quotidien des milieux populaires.</p>
<p>Car si les femmes sont des <a href="https://www.sup.org/books/title/?id=36559">actrices de l’ombre de la finance</a>, elles en sont aussi de ferventes opposantes. En <a href="https://tintalimon.com.ar/libro/una-lectura-feminista-de-la-deuda/">Argentine</a>, dans différents pays d’<a href="https://www.lepassagerclandestin.fr/catalogue/essais/nos-vies-valent-plus-que-leurs-credits/">Europe</a>, mais aussi au <a href="https://www.cadtm.org/Caravane-Internationale-contre-le-microcredit">Maroc</a>, au <a href="https://www.ft.lk/opinion/%E2%80%9CLife-and-blood%E2%80%9D-of-our-country--but-we-only-have-debt/14-696863">Sri-Lanka</a>, en <a href="https://m.thewire.in/byline/isabelle-guerin-nithya-joseph-and-g-venkatasubrama">Inde</a>, et probablement ailleurs, elles s’élèvent contre la violence de la dette et son poids excessif sur leurs épaules. Ces femmes militent activement pour l’annulation de la dette mais aussi pour des politiques sociales permettant d’éviter cet endettement chronique. Il est temps de les entendre.</p>
<hr>
<p><em>À lire aussi</em></p>
<ul>
<li><p><a href="https://theconversation.com/le-beau-travail-une-revendication-ouvriere-trop-souvent-oubliee-173446">Le beau travail, une revendication ouvrière trop souvent oubliée</a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/le-travail-ultime-lieu-de-fabrique-de-la-politique-et-de-labstention-178668">Le travail, ultime lieu de fabrique de la politique et de l’abstention</a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/penser-lapres-seule-la-reconversion-ecologique-pourra-eviter-la-deshumanisation-du-travail-138008">Penser l’après : seule la reconversion écologique pourra éviter la déshumanisation du travail</a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/travailler-oui-mais-pour-pouvoir-aussi-se-realiser-en-dehors-199613">Travailler oui mais pour pouvoir aussi se réaliser en dehors</a></p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/204323/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Dans différentes régions du monde, la gestion des dettes au quotidien représente un réel travail, principalement assumé par les femmes.Isabelle Guérin, Directrice de recherche à l'IRD-Cessma (Université de Paris), affiliée à l’Institut Français de Pondichéry, Institut de recherche pour le développement (IRD)Elena Reboul, Post-doctorante, Centre d'études de l'emploi et du travail, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Timothée Narring, ethnographe et sociologue de l'endettement des milieux populaires, Cessma, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2028022023-04-20T14:04:01Z2023-04-20T14:04:01ZLes pays du BRICS veulent un nouvel ordre mondial. Sera-t-il multipolaire ou sino-américain ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/521953/original/file-20230419-16-htdkgk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva serre la main du président chinois Xi Jinping après une cérémonie de signature qui s'est tenue au Grand Hall du Peuple à Pékin, en Chine, le 14 avril 2023. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Ken Ishii/Pool Photo via AP)</span></span></figcaption></figure><p>Dans son <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2019/08/27/discours-du-president-de-la-republique-a-la-conference-des-ambassadeurs-1">discours d’ouverture de la conférence des ambassadeurs en août 2019</a>, le président français, Emmanuel Macron, a évoqué que « nous sommes sans doute en train de vivre la fin de l’hégémonie occidentale sur le monde. » </p>
<p>Une hégémonie occidentale qui, selon lui, était vraisemblablement française au XVIII<sup>e</sup> siècle, par l’inspiration des Lumières, sans doute britannique au XIX<sup>e</sup> siècle grâce à la révolution industrielle, puis américaine au XX<sup>e</sup> siècle à la suite des deux guerres mondiales.</p>
<p>Mais avec l’émergence des pays du BRICS, acronyme regroupant le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, on assiste à une des plus importantes mutations des relations internationales depuis la révolution industrielle. Initialement créé en 2009 sous le nom de BRIC, un « S » a été ajouté en 2011 avec l’adhésion de l’Afrique du Sud.</p>
<p>La volonté affichée des pays du BRICS est de transformer la structure « occidentalo-centrée » de l’ordre économique mondial actuel vers un système international polycentrique ou multipolaire. </p>
<p>Sont-ils en train d’y parvenir ?</p>
<p>Senior fellow à la <a href="https://ferdi.fr/biographies/zakaria-sorgho">FERDI</a> et à <a href="https://acetforafrica.org/our-people/zakaria-sorgho/">ACET-Africa</a>, et chercheur associé au <a href="https://www.create.ulaval.ca/chercheurs/zakaria-sorgho">CREATE</a> à l’Université Laval, je m’intéresse à l’économie internationale et aux enjeux de développement. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521957/original/file-20230419-24-3bcl76.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521957/original/file-20230419-24-3bcl76.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521957/original/file-20230419-24-3bcl76.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521957/original/file-20230419-24-3bcl76.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521957/original/file-20230419-24-3bcl76.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521957/original/file-20230419-24-3bcl76.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521957/original/file-20230419-24-3bcl76.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les amis du BRICS : le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, à droite, inspecte une garde d’honneur avec le président chinois Xi Jinping lors d’une cérémonie de bienvenue tenue à l’extérieur du Grand Hall du Peuple à Pékin, Chine, le 14 avril 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Ken Ishii/Pool Photo via AP)</span></span>
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</figure>
<h2>Des pays en forte croissance</h2>
<p>Totalisant en 2022 une population de plus de 3,2 milliards d’individus, soit plus de quatre fois celle des sept pays du G7 (environ 773 millions d’habitants), le groupe des BRICS constitue un vaste marché économique.</p>
<p>Leur place dans l’économie mondiale n’a cessé de croître ces dernières décennies, au détriment de celle du G7. Ainsi, la part du produit intérieur brut (PIB) total des BRICS dans le PIB mondial, calculé en parité de pouvoir d’achat (PPA), a surpassé celle du G7 (31,02 % contre 30,95 %) et la tendance ne semble pas s’inverser. </p>
<p>Le PIB en PPA est l’indicateur approprié pour comparer des pays, car il tient compte du fait que la même quantité d’argent ne représente pas la même richesse dans des pays différents. Il élimine donc le différentiel des pouvoirs d’achat lié aux monnaies nationales, ce qui permet de comparer des pommes avec des pommes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521961/original/file-20230419-14-p2fsv6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521961/original/file-20230419-14-p2fsv6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521961/original/file-20230419-14-p2fsv6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521961/original/file-20230419-14-p2fsv6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521961/original/file-20230419-14-p2fsv6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521961/original/file-20230419-14-p2fsv6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521961/original/file-20230419-14-p2fsv6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Figure 1.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce résultat des pays du BRICS est particulièrement dû à la croissance économique soutenue des deux leaders asiatiques du groupe, la Chine et l’Inde, dont les parts individuelles dans le PIB (PPA) mondial sont passées respectivement de 3,29 % et 3,78 % en 1990 à 18,64 % et 7,23 % en 2022. On assiste sur la même période à un recul marqué de la contribution des deux leaders du G7 dans l’économie mondiale, les États-Unis passant de 20,38 % à 15,51 % et le Japon, de 8,56 % à 3,79 %. Les dernières prévisions de croissance économique du FMI pour la <a href="https://www.imf.org/en/Publications/WEO/Issues/2023/04/11/world-economic-outlook-april-2023">Chine et l’Inde en 2023 sont 5,2 % et 5,9 % respectivement, contre 1,6 % pour les États-Unis et 1,3 % pour le Japon</a>. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521954/original/file-20230419-26-8r7yr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521954/original/file-20230419-26-8r7yr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521954/original/file-20230419-26-8r7yr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521954/original/file-20230419-26-8r7yr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521954/original/file-20230419-26-8r7yr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521954/original/file-20230419-26-8r7yr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521954/original/file-20230419-26-8r7yr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des milliers d’Indiens prennent un bain sacré à l’occasion du festival Ramnavi, le 30 mars 2023. L’Inde est en voie de devenir la nation la plus peuplée du monde, dépassant la Chine de 2,9 millions d’habitants d’ici à la mi-2023, avec 1 4286 milliard d’habitants.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Manish Swarup)</span></span>
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</figure>
<p>Toutefois, les <a href="https://www.20minutes.fr/economie/4021526-20230201-croissance-dix-plus-grandes-economies-mondiales">États-Unis demeurent la première puissance économique</a>, avec un PIB de 25 billions de dollars en 2022, soit un peu plus du quart de l’économie mondiale. La Chine suit de près, avec un PIB de 18,3 billions de dollars, soit près de 20 % du total. </p>
<p>Par ailleurs, les pays du BRICS ont un niveau d’endettement en pourcentage de PIB et un ratio de dette publique par habitant beaucoup plus modérés en comparaison à ceux des pays du G7. En 2022, le montant moyen de la dette publique par habitant s’élevait à environ 72 303 $ dans les pays du G7, contre environ 5 950 $ dans les pays du BRICS.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521962/original/file-20230419-16-8j5a9e.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521962/original/file-20230419-16-8j5a9e.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521962/original/file-20230419-16-8j5a9e.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521962/original/file-20230419-16-8j5a9e.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521962/original/file-20230419-16-8j5a9e.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521962/original/file-20230419-16-8j5a9e.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521962/original/file-20230419-16-8j5a9e.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Figure 2.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<h2>Le dollar américain mis au défi</h2>
<p>Depuis quelques années, nombreux pays et leurs multinationales, utilisant largement le dollar américain dans les transactions internationales, font face à l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Extraterritorialit%C3%A9_du_droit_am%C3%A9ricain">extraterritorialité du droit américain</a>. </p>
<p>En effet, les États-Unis se servent de plus en plus du dollar comme une « arme » de diplomatie au gré de la politique étrangère de Washington. Ainsi, les États-Unis ont su globalement contraindre les autres États à respecter une loi votée en 2017 au Congrès américain <a href="https://www.dhs.gov/news/2021/02/11/countering-america-s-adversaries-through-sanctions-act-faqs">« Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act »</a>, qui renforce les sanctions déjà existantes contre l’Iran, la Corée du Nord et la Russie.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521956/original/file-20230419-24-wg1vh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521956/original/file-20230419-24-wg1vh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521956/original/file-20230419-24-wg1vh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521956/original/file-20230419-24-wg1vh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521956/original/file-20230419-24-wg1vh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521956/original/file-20230419-24-wg1vh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521956/original/file-20230419-24-wg1vh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les deux poids lourds du BRICS : le président russe Vladimir Poutine et son homologue chinois Xi Jinping portent un toast lors de leur dîner au Kremlin, à Moscou, le 21 mars 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Pavel Byrkin, Sputnik, Kremlin Pool Photo via AP)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce « chantage » du dollar exaspère des pays, notamment ceux des BRICS, et les incite à mettre en œuvre des alternatives pour assurer leurs transactions commerciales hors du contrôle de Washington. Jusqu’à maintenant, malgré les fluctuations des taux de change, la place du dollar américain contre les autres monnaies de réserve est demeurée passablement stable, selon le FMI. </p>
<p>Toutefois, toujours selon le FMI, la <a href="https://www.imf.org/en/Blogs/Articles/2021/05/05/blog-us-dollar-share-of-global-foreign-exchange-reserves-drops-to-25-year-low">part du dollar américain dans les avoirs officiels des banques centrales mondiales a chuté de 71 % en 1999 à 59 % en mai 2021, son plus bas niveau depuis 25 ans</a>, au profit d’autres devises telles que l’euro, le rouble, le yuan (ou Renminbi) ou même l’or. En décembre 2022, le billet vert a encore perdu un point de pourcentage pour s’établir à 58 % dans les avoirs officiels des banques centrales mondiales. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521963/original/file-20230419-14-i3uq23.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521963/original/file-20230419-14-i3uq23.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521963/original/file-20230419-14-i3uq23.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521963/original/file-20230419-14-i3uq23.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521963/original/file-20230419-14-i3uq23.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521963/original/file-20230419-14-i3uq23.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521963/original/file-20230419-14-i3uq23.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Figure 3.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Le yuan, la prochaine monnaie commune du BRICS ?</h2>
<p>La <a href="https://rightsindevelopment.org/notre-travail/la-nouvelle-banque-de-developpement-des-bric/?lang=fr">Nouvelle banque de développement (NBD) du groupe des BRICS</a>, basée à Shanghai, et inaugurée en 2015, vise à mettre fin à l’hégémonie de la devise américaine dans leurs transactions internationales. </p>
<p>Sa mission est de financer les infrastructures et le développement durable dans les marchés émergents et les pays en développement. Elle se veut une alternative au système de Bretton Woods (FMI et Banque mondiale), plus orientée vers les pays en développement. La volonté des membres fondateurs de la NBD est de créer une monnaie commune.</p>
<p>Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/economie/2022-06-29/guerre-en-ukraine/etats-unis-et-allies-ont-gele-330-milliards-de-dollars-russes-depuis-le-debut-du-conflit.php">plusieurs centaines de milliards de dollars</a> d’avoirs de la banque centrale russe ont été gelés par les États-Unis et leurs alliés occidentaux. Cette sanction sans précédent contre Moscou envoie un signal fort à certains dirigeants (qui seraient tentés de mal se comporter) sur les possibilités d’action de l’Occident.</p>
<p>Cela a apporté un argument aux pays du BRICS dans leur diplomatie contre l’ordre économique actuel. Depuis, plusieurs pays ont décidé d’effectuer leurs échanges commerciaux sous autres monnaies que le dollar américain, essentiellement le yuan. </p>
<p>Dans ce contexte, la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/04/15/la-visite-de-lula-en-chine-illustre-les-ambitions-et-les-limites-des-brics_6169645_3210.html">visite du président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva en Chine le 14 avril</a> n’est pas passée inaperçue. Il s’est dit prêt à augmenter ses échanges avec la Chine réalisés désormais en yuan.</p>
<p>Outre le Brésil, la Chine a aussi conclu des ententes commerciales avec le Venezuela, <a href="https://www.courrierinternational.com/article/geopolitique-la-chine-et-l-iran-annoncent-un-partenariat-strategique-global">l’Iran</a>, l’Inde et la Russie, lui permettant d’utiliser le yuan (à la place du dollar) dans ses transactions avec ces pays. <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1940243/petrole-chine-arabie-saoudite-cooperation-golfe">Le président Xi Jinping a aussi participé en décembre à un sommet avec les six pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG)</a>, soit l’Arabie saoudite, le Koweït, les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Qatar et Oman. La Chine souhaite une entente avec les pays du CCG pour régler en yuan ses importations de pétrole et du gaz. Ce qui affaiblirait davantage le dollar américain.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521955/original/file-20230419-16-qacnzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521955/original/file-20230419-16-qacnzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521955/original/file-20230419-16-qacnzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521955/original/file-20230419-16-qacnzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521955/original/file-20230419-16-qacnzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521955/original/file-20230419-16-qacnzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521955/original/file-20230419-16-qacnzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le président Xi Jinping a participé en décembre à un sommet avec les six pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG), soit l’Arabie saoudite, le Koweït, les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Qatar et Oman. On le voit, sur cette photo prise le 9 décembre 2022, avec des dirigeants des pays du Golfe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Xie Huanchi/Xinhua via AP)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le projet des pays du BRICS est né de frustrations et d’exaspérations face à l’imposition d’un ordre international très occidentalo-centré du monde. Dans leur <a href="http://www.brics.utoronto.ca/docs/090616-leaders.html">déclaration commune du 16 juin 2009</a>, les dirigeants des BRICS souhaitent « un ordre mondial multipolaire plus démocratique et plus juste, fondé sur l’application du droit international, l’égalité, le respect mutuel, la coopération, l’action coordonnée et la prise de décision collective de tous les États ». </p>
<p>Cet idéal fédérateur des BRICS pourrait être mis à mal par des ambitions potentielles de Pékin de partager le leadership mondial avec Washington. L’Inde et la Russie n’appuieront pas une domination bicéphale sino-américaine du monde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202802/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Zakaria Sorgho est Senior fellow à ACET-Africa (Ghana) et du FERDI (France). </span></em></p>Les pays du BRICS souhaitent un ordre mondial multipolaire. Mais cet idéal pourrait être compromis si Pékin décide de partager le leadership mondial avec Washington.Zakaria Sorgho, Senior fellow at FERDI & ACET-Africa, and Research associate at CREATE, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1987062023-03-07T18:18:54Z2023-03-07T18:18:54ZLa présence économique croissante de la Chine en Amérique latine et dans les Caraïbes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/509412/original/file-20230210-14-3o05sx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C2854%2C1909&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Mauricio Macri, alors président de l’Argentine, serre la main de Xi&nbsp;Jinping en 2017 à Pékin. Ce sommet de la Belt and Road Initiative aura été un épisode important du rapprochement entre Pékin et la zone Amérique latine-Caraïbes.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/chinese-president-xi-jinping-argentinas-mauricio-2240652207">Salma Bashir Motiwala/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Les échanges commerciaux entre l’Amérique latine et les Caraïbes et la Chine <a href="https://www.forbes.com/sites/miltonezrati/2022/11/07/chinas-latin-america-move/">n’ont cessé de se développer</a> depuis le début du XXI<sup>e</sup> siècle et, plus encore, depuis le lancement par Xi Jinping, en 2013, du projet des Nouvelles routes de la soie, ou <a href="https://www.cairn.info/revue-defense-nationale-2018-6-page-111.htm"><em>Belt Road Initiative</em> (BRI)</a>.</p>
<p>L’objectif de ce programme gigantesque est de promouvoir les objectifs de développement chinois en internationalisant les investissements et les prêts, tout en garantissant à la RPC un accès à long terme à l’énergie et aux matières premières qu’elle importe.</p>
<p>Pour mondialiser sa politique industrielle et soutenir ses entreprises dans le monde, la Chine a mis en place une stratégie entre les banques, le ministère des Finances et le ministère du Commerce. C’est ainsi que la China National Petroleum Corporation, Huawei et de nombreuses autres multinationales chinoises se sont « mondialisées » et sont de plus en plus présentes non seulement en Asie mais aussi en Europe, en Afrique et sur le continent américain, une zone qui fut longtemps considérée comme le « pré carré » de Washington.</p>
<h2>Les échanges commerciaux</h2>
<p>Si les échanges entre la Chine et la région Amérique latine-Caraïbes (ALC) remontent aux <a href="https://www.cairn.info/une-histoire-du-monde-global--9782361060299-page-174.htm">galions de Manille</a> qui, à partir de 1565, circulaient entre les ports d’Acapulco et de Manille, ils se sont considérablement accélérés au cours des vingt dernières années. L’un des moments clés, à cet égard, a été le <a href="https://www.oboreurope.com/fr/premier-sommet-belt-road/">forum de la BRI tenu à Pékin en 2017</a> : à l’issue de discussions informelles entre le président Xi Jinping et le président argentin de l’époque Mauricio Macri, <a href="https://greenfdc.org/countries-of-the-belt-and-road-initiative-bri/">l’ALC est incorporée dans la sphère de la BRI</a>.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Un processus formel, mis en place lors de la <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-europeenne-2018-2-page-134.htm">réunion de la Communauté des nations d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC)</a> en janvier 2018 à Santiago du Chili, a officalisé l’invitation de la Chine à destination des 33 pays d’ALC à participer à l’initiative BRI. Le Panama était devenu, dès 2017, le premier pays <a href="https://dialogochino.net/en/infrastructure/26121-belt-and-road-the-new-face-of-china-in-latin-america/">à signer un protocole d’accord en ce sens</a>, malgré les objections et les critiques des États-Unis.</p>
<p>Depuis, la plupart des autres pays ont suivi. Aujourd’hui, vingt pays de la zone ont rejoint la BRI, laissant le Brésil et le Mexique comme les deux seules grandes économies de la région sans protocole d’entente officiel. En conséquence, ces dernières années, certains pays d’Amérique latine ont <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20211210-le-nicaragua-rompt-avec-ta%C3%AFwan-et-reconna%C3%AEt-une-seule-chine-dirig%C3%A9e-par-p%C3%A9kin">rompu leurs liens diplomatiques avec Taïwan</a> dans le but d’attirer les investissements de Pékin.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"553143452532477952"}"></div></p>
<p>La région de l’Amérique latine et des Caraïbes est une zone d’investissement attrayante en raison de son abondance en ressources naturelles et matières premières (pétrole brut, fer et cuivre) ainsi qu’en produits agricoles (soja et oléagineux). Par rapport à l’Afrique, l’Amérique latine peut également offrir un environnement d’investissement plus stable, un système judiciaire plus fiable et un grand marché pour les produits chinois.</p>
<p>Les relations commerciales avec la Chine remontent aux années 1960, lorsque l’Argentine et le Mexique vendaient du blé à la Chine qui faisait alors face à une grande famine. Dans les années 1970 et 1980, les pays d’Amérique latine et des Caraïbes avaient un excédent commercial avec la Chine. Mais la situation a profondément changé avec les mutations économiques de la Chine à la fin des années 1980 et à son adhésion à l’OMC en 2001. </p>
<p>Depuis, les relations commerciales ont été <a href="https://www.atlanticcouncil.org/in-depth-research-reports/report/latin-america-china-trade-and-investment-amid-global-tensions/">multipliées par 18 entre 2000 et 2016</a>, notamment grâce au boom des matières premières. Pendant cette période, les banques publiques chinoises comme China Development Bank (CDB) et Export-Import Bank of China (ExImBank) ont signé de <a href="https://www.bu.edu/gdp/china-lac_bulletins/">nouveaux accords avec les pays de l’ALC</a>. Les échanges avec la Chine restent toutefois pour l’instant <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/18681026211047871">moins importants que ceux avec les États-Unis</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="graphique des échanges commerciaux des États-Unis et de la Chine avec l’Amérique latine" src="https://images.theconversation.com/files/506842/original/file-20230127-24-7x7n4h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506842/original/file-20230127-24-7x7n4h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=603&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506842/original/file-20230127-24-7x7n4h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=603&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506842/original/file-20230127-24-7x7n4h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=603&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506842/original/file-20230127-24-7x7n4h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=758&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506842/original/file-20230127-24-7x7n4h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=758&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506842/original/file-20230127-24-7x7n4h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=758&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Comparaison des échanges commerciaux entre l’Amérique latine et les États-Unis avec ceux entre l’Amérique latine et la Chine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stéphane Aymard/La Rochelle Université</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<h2>Les investissements directs</h2>
<p>Les relations économiques croissantes entre la Chine et l’ALC ne se limitent pas au commerce. Le deuxième volet de ces relations est l’investissement direct à l’étranger (IDE).</p>
<p>Entre 2000 et 2020, les entreprises chinoises ont investi environ 160 milliards de dollars dans 480 transactions, principalement par le biais de fusions et d’acquisitions mais aussi à travers des projets nouveaux. Par exemple, China Yangtze Power International (CYPI) a récemment <a href="https://latinlawyer.com/article/china-yangtze-power-completes-us36-billion-power-buy-in-peru">acheté des parts de Sempra’s Peruvian</a>) pour 3,6 milliards de dollars.</p>
<p>Le graphique suivant montre un pic après la crise financière de 2008 en raison du retrait des investissements occidentaux dans la région et du manque de fonds d’investissement pour les gouvernements des pays locaux.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Graphique montrant les investissements de la Chine en Amérique latine" src="https://images.theconversation.com/files/506843/original/file-20230127-22-d7lszf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506843/original/file-20230127-22-d7lszf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506843/original/file-20230127-22-d7lszf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506843/original/file-20230127-22-d7lszf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506843/original/file-20230127-22-d7lszf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506843/original/file-20230127-22-d7lszf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506843/original/file-20230127-22-d7lszf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Investissements direct de la Chine en Amérique latine en millions de dollars.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stéphane Aymard/La Rochelle Université</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les prêts</h2>
<p>Le troisième volet de cette relation concerne les prêts, qui ont débuté au début du siècle, mais qui ont également connu un pic pendant la crise.</p>
<p>Depuis 2005, les deux principales banques chinoises (la Banque de développement de Chine et la Banque d’import-export de Chine) ont accordé plus de <a href="https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-du-cevipol-2017-3-page-3.htm">141 milliards de dollars de prêts aux pays d’Amérique latine</a> et aux entreprises publiques, soit plus que la Banque mondiale, la Banque interaméricaine de développement ou la Banque latino-américaine de développement.</p>
<p>On observe une concentration des prêts chinois en ALC dans quatre pays : le Venezuela, l’Équateur, l’Argentine et le Brésil, qui ont reçu environ 93 % des prêts. Par ailleurs, les prêts sont concentrés dans le <a href="https://www.iss.europa.eu/sites/default/files/EUISSFiles/Brief_9_China%20in%20Latin%20America_web.pdf">secteur de l’énergie (69 %) et des infrastructures (19 %)</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/506844/original/file-20230127-20-t9s3pm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphique sur les politiques bancaires de la Chine selon les pays d’Amérique latine" src="https://images.theconversation.com/files/506844/original/file-20230127-20-t9s3pm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506844/original/file-20230127-20-t9s3pm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506844/original/file-20230127-20-t9s3pm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506844/original/file-20230127-20-t9s3pm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506844/original/file-20230127-20-t9s3pm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506844/original/file-20230127-20-t9s3pm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506844/original/file-20230127-20-t9s3pm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Politique bancaire de la Chine selon les pays d’Amérique latine. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stéphane Aymard/La Rochelle Université</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Le Venezuela, premier emprunteur sur le continent, est le pays dont la dette vis-à-vis de Pékin est la plus importante. Même si la Chine n’a pas accordé de nouveaux prêts aux pays d’Amérique latine en 2020 et 2021, elle a renégocié la dette du Venezuela en 2018 et celle de l’Équateur. La dette vénézuélienne a appris à la Chine à se montrer plus prudente dans <a href="https://www.batimes.com.ar/news/economy/stephen-kaplan-china-faces-creditor-trap-in-lending-to-latin-america.phtml">l’attribution de prêts à l’Amérique latine</a>. Les prêts au Vénézuéla ont montré à Pékin que les capacités de production de pétrole d’un pays ne sont pas une garantie suffisante pour un remboursement futur.</p>
<p>Par ailleurs, le Brésil a connu une <a href="https://dialogochino.net/en/infrastructure/59714-cccc-chinese-construction-giant-comes-to-standstill-in-brazil/">croissance des échanges</a>, des investissements et des prêts, mais, on l’a dit, sans adhérer officiellement à la BRI. Malgré un récent ralentissement des investissements dû à des relations tendues avec le gouvernement Bolsonaro (il reste à voir ce qu’il en sera désormais, Lula semblant désireux de <a href="https://www.zonebourse.com/actualite-bourse/Le-Bresilien-Lula-rencontrera-le-Chinois-Xi-le-28-mars-a-Pekin--43022130/">nouer un « dialogue constructif » avec Pékin</a>), des projets, comme le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Port_d%27Itaqui">méga-port à Sao Luis</a>, capable de gérer l’exportation de 10 millions de tonnes de céréales par an, le chemin de fer dans l’État de Para reliant l’extraction de minerai de fer en Amazonie aux principaux ports du Brésil et un <a href="http://www.bahiaflaneur.net/blog2/2010/09/un-pont-pour-sauver-lile-ditaparica.html">pont de 12 kilomètres entre Salvador et Itaparica</a>, qui sera le plus grand projet de construction sur l’eau en Amérique latine, se développent au Brésil. Même si le pays est le deuxième plus grand débiteur de la Chine en Amérique latine, ses entreprises, comme la compagnie pétrolière publique Petrobras, réussissent à rembourser la plupart de leurs prêts.</p>
<p>Le cas du Pérou est également particulier. Le Pérou et la Chine entretiennent des relations diplomatiques depuis plus de 50 ans. Avec le Costa Rica, il est le seul pays à avoir conclu un accord de libre-échange à la fois avec les États-Unis et avec la Chine. Les investissements de Pékin au Pérou concernent des <a href="http://fr.cctv.com/2016/11/19/VIDEAO8wdf8PGOJ10EjXbieq161119.shtml">investissements lourds dans le secteur minier</a> (15 milliards de dollars selon le ministère péruvien de l’Énergie et des Mines). On observe aussi une diversification dans d’autres secteurs tels que l’énergie, l’électricité, la pêche… Un exemple typique est le <a href="https://portsetcorridors.com/2022/amerique-du-sud-la-bataille-de-la-logistique-portuaire/">méga-port de Chancay</a>, construit par un consortium dirigé par l’entreprise publique chinoise Cosco Shipping Ports avec une participation importante de la société suisse Glencore. Le projet, dont l’investissement s’élève à 3 milliards de dollars, devrait devenir le plus important terminal commercial de la Chine en Amérique du Sud lorsqu’il sera terminé en 2024.</p>
<h2>Un partenariat qui s’intensifie</h2>
<p>Comme dans d’autres régions du monde, la Chine finance en ALC des investissements d’infrastructure, notamment dans les secteurs minier et énergétique, qui peuvent avoir des effets positifs sur la croissance économique des pays de l’ALC <strong>()</strong>. Ce système répond à la volonté de la Chine pour devenir un acteur majeur sur les marchés de l’énergie en apportant des investissements dans ces pays (les capitaux privés n’étant pas suffisants en raison de la crise financière ou des scandales liés à la corruption, comme <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2017/03/26/affaire-petrobras-retour-sur-les-trois-annees-qui-ont-marque-le-bresil_5100932_3222.html">l’opération Lava Jato au Brésil</a>, qui ont découragé les investissements étrangers).</p>
<p>La Chine mise aujourd’hui sur les nouvelles infrastructures : 5G, transmission d’électricité, train à grande vitesse, véhicules électriques, centres de données et intelligence artificielle… Des perspectives se profilent pour le développement de liens supplémentaires avec des échanges d’étudiants, du tourisme, des coopérations dans les domaines de la santé, des sciences et des technologies. Ainsi, la relation pourrait aussi devenir véritablement une stratégie gagnant-gagnant sur d’autres secteurs que les ressources.</p>
<p>Si les gouvernements des pays de l’ALC parviennent à relever les défis et à développer les opportunités qui se présentent, la relation ALC-Chine deviendra plus avantageuse pour la région ALC. Celle-ci devra toutefois prendre garde au <a href="https://www.courrierinternational.com/article/dette-la-chine-une-puissance-qui-prete-beaucoup-en-amerique-latine">« piège de la dette »</a> (la Chine détient par exemple 11 % de la dette extérieure totale de l’Équateur).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198706/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>German Zarate ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans la continuité de sa politique d’investissement à l’étranger, la Chine conclut avec l’Amérique latine et les Caraïbes des partenariats économiques de plus en plus étroits.German Zarate, Professeur d'économie, State of New York University Cortland, professeur invité à La Rochelle University, La Rochelle UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1993282023-02-22T19:54:48Z2023-02-22T19:54:48ZBrésil : Lula pourra-t-il « dé-bolsonariser » l’État ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/508666/original/file-20230207-23-7gxm4s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C23%2C5146%2C3413&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lula lors de la marche de la victoire le 29&nbsp;octobre 2022 à Sao Paulo.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/paulo-brazil-october-29th-2022-presidential-2221543137">Yuri Murakami/shutterstock.com</a></span></figcaption></figure><p>Après une campagne présidentielle au cours de laquelle Luiz Inácio Lula da Silva a puisé dans cinq décennies d’expérience politique pour mettre sur pied un front de défense de la démocratie brésilienne et vaincre le sortant Jair Bolsonaro <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/bresil-lula-remporte-l-election-presidentielle-bolsonaro-conteste-938862.html">par la plus étroite des marges</a> le 30 octobre dernier, le fondateur du Parti des Travailleurs (PT) est revenu au pouvoir.</p>
<p>Son troisième mandat (après 2003-2007 et 2007-2011) ne sera pas le plus aisé, tant les défis auxquels il sera confronté sont vastes et variés.</p>
<p>Le pays que Lula gouverne depuis son investiture le 1<sup>er</sup> janvier dernier est bien différent de celui dont il avait pris les rênes pour la première fois en 2003. Certes, le Brésil était déjà confronté à une crise économique aiguë (une <a href="https://www.lemonde.fr//archives/article/2002/08/09/le-fmi-promet-30-milliards-de-dollars-au-bresil_4260323_1819218.html">dette de 30 milliards de dollars</a> envers le FMI et une situation budgétaire fragile) ; mais son prédécesseur de l’époque, le sociologue Fernando Henrique Cardoso, avait fait tout son possible pour soutenir Lula, <a href="https://www.nbcnews.com/id/wbna3340827">parfois présenté comme un « dangereux gauchiste »</a>, vis-à-vis de la communauté internationale. Il avait également favorisé une <a href="https://www.letemps.ch/monde/transition-harmonieuse-entre-cardoso-lula">transition harmonieuse</a> en partageant un maximum d’informations sur l’état de la fonction publique avec les futurs ministres du premier gouvernement Lula. C’est un euphémisme de dire que, fin 2022, les choses se sont passées bien différemment…</p>
<h2>Une transition chaotique avec l’administration Bolsonaro</h2>
<p>Cette fois-ci, c’est la communauté internationale qui a soutenu la légitimité du résultat électoral <a href="https://www.lecho.be/economie-politique/international/amerique-latine/le-recours-de-jair-bolsonaro-contre-le-resultat-de-l-election-presidentielle-est-rejete/10430027.html">que refusait de reconnaître Jair Bolsonaro</a>.</p>
<p>Les dirigeants des grandes puissances, ainsi que la majorité des présidents latino-américains, ont <a href="https://fr.euronews.com/2022/10/30/le-bresil-retient-son-souffle-lula-et-bolsonaro-au-coude-a-coude-pour-la-presidentielle">salué la victoire du candidat du PT</a> de manière coordonnée et rapide, afin d’empêcher toute contestation de la part de l’ancien capitaine de l’armée.</p>
<p>Malgré cette unité de la communauté internationale, Bolsonaro a cherché à entraver l’action du gouvernement de transition mis en place en novembre 2022, dirigé par Lula et son vice-président, l’ancien gouverneur de São Paulo Geraldo Alckmin. Cela s’est traduit, dans la plupart des ministères, par la disparition quasi totale des données gouvernementales. Et lorsqu’elles existaient, la réalité reflétée dans les chiffres était effrayante : pas d’argent pour payer les salaires des professeurs des universités, expiration délibérée des vaccins contre le Covid au sein du ministère de la Santé, achat surfacturé de matériel scolaire au ministère de l’Éducation… </p>
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<p>Et bien sûr, il y a eu, le 8 janvier, tandis que Bolsonaro se trouvait en Floride, la <a href="https://www.rtbf.be/article/bresil-une-tentative-de-putsch-qui-revele-la-fracture-entre-larmee-et-le-pouvoir-11133382">tentative de coup d’État</a> mise en œuvre par ses partisans. Si le putsch échoua rapidement, l’épisode n’en reste pas moins marquant et lance le troisième mandat sous des auspices inquiétants. </p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/2gmruYLqh6o?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Une administration publique sous pavillon militaire</h2>
<p>La tâche de Lula sera multiple – et à plusieurs égards, bien plus difficile qu’en 2003. En premier lieu, il semble indispensable qu’il soit en mesure de restaurer dans la durée la prééminence du pouvoir civil sur le pouvoir militaire.</p>
<p>Depuis <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2016/08/31/bresil-la-presidente-dilma-rousseff-destituee_4990645_3222.html">l’impeachment de Dilma Rousseff</a>, en 2016, les hauts gradés ont progressivement accaparé des prérogatives normalement dévolues au pouvoir civil. Cela a débuté sous le gouvernement de Michel Temer, vice-président de Dilma Rousseff devenu chef de l’État brésilien après sa destitution, avec la mise sous tutelle par l’armée des forces de police de l’État de Rio de Janeiro. Temer avait placé à leur tête le général Braga Netto (devenu par la suite <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/02/14/bresil-un-general-nomme-chef-du-gouvernement_6029506_3210.html">premier ministre</a> sous Bolsonaro).</p>
<p>Ensuite, lorsque l’hypothèse d’une candidature de Lula à l’élection présidentielle de 2018 se précisait, <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/1598">malgré son incarcération en avril de cette année-là</a>, dans le cadre d’une accusation qui s’est révélée être <a href="https://www.letemps.ch/monde/ameriques/cour-supreme-juge-moro-etait-bien-partial-envers-lula">partiale et infondée selon la Cour suprême</a>, le commandant de l’armée de terre de l’époque, le général Villas Boas, s’était exprimé sur Twitter pour mettre en garde la Cour suprême face à toute tentative de revoir la jurisprudence d’une façon qui pourrait permettre la libération du fondateur du PT, actant ainsi l’immixtion (illégale) de l’armée dans le jeu politique brésilien.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1360023313905569792"}"></div></p>
<p>Avec <a href="https://theconversation.com/le-bresil-de-bolsonaro-le-spectre-de-la-democradure-105993">l’élection de Bolsonaro en 2018</a> (Lula n’avait finalement pas été autorisé à se présenter, et n’est sorti de prison qu’en novembre 2019), la politisation des casernes a atteint son paroxysme depuis le retour de la démocratie au Brésil, en 1985.</p>
<p>Plus de <a href="https://observatoiredemocratiebresil.org/Les-militaires-occupent-l-%C3%89tat">6 000 militaires auraient été nommés</a> à des postes dans la haute fonction publique normalement attribués à des civils. Exemple parlant : alors même que la pandémie faisait des ravages, le <a href="https://www.courrierinternational.com/article/pandemie-le-ministere-de-la-sante-chasse-gardee-des-militaires-au-bresil">ministère de la Santé a été confié à des militaires</a>. Et ces derniers, dont la compétence en matière sanitaire est pour le moins réduite, ont décidé d’alimenter le discours contre les bienfaits de la vaccination, tout en produisant des doses de chloroquine à des prix surfacturés… Selon l’épidémiologiste Pedro Hallal, l’un des meilleurs spécialistes brésiliens de santé publique, <a href="https://www12.senado.leg.br/noticias/materias/2021/06/24/pesquisas-apontam-que-400-mil-mortes-poderiam-ser-evitadas-governistas-questionam">près de 400 000 décès auraient pu être évités</a> si le gouvernement brésilien avait pris les mesures sanitaires qui s’imposaient (port du masque, distanciation sociale, politique de vaccination).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quel-effet-de-la-gestion-du-president-bolsonaro-sur-la-mortalite-due-au-covid-19-au-bresil-182085">Quel effet de la gestion du président Bolsonaro sur la mortalité due au Covid-19 au Brésil ?</a>
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<p>Face à cette militarisation inédite, <a href="https://theconversation.com/le-bresil-une-democratie-militarisee-160636">notable également dans d’autres ministères</a>, Lula aura fort à faire pour reprendre en main la fonction publique, civile comme militaire. Après la tentative de putsch du 8 janvier, dont les images ont fait le tour du monde, le nouveau locataire du Palais du Planalto a décidé de <a href="https://www.courrierinternational.com/article/politique-au-bresil-lula-cree-la-surprise-en-limogeant-le-chef-de-l-armee-de-terre">limoger le commandant de l’armée de terre</a>, dont la loyauté vis-à-vis des institutions démocratiques posait question. Depuis, d’autres militaires ont été démis de leurs fonctions, notamment à la présidence de la République et dans certains ministères.</p>
<h2>Restaurer le caractère présidentialiste du régime politique brésilien</h2>
<p>Outre la remise en ordre de l’administration publique, il est indispensable que les rapports entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire se normalisent, après une décennie de déséquilibres.</p>
<p>L’<a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/bresil-fin-de-cycle-pour-l-operation-anti-corruption-lava-jato-lavage-express-8876170">opération Lava Jato</a>, une vaste affaire de pots-de-vin mêlant des entrepreneurs véreux et des hommes politiques de tous bords politiques dont les répercussions politiques, médiatiques et juridiques ont été considérables non seulement au Brésil, mais dans une bonne partie de la région latino-américaine, est en partie responsable de cette situation. Si la <a href="https://www.cairn.info/constitutionnalisme-latino-americain-aujourd-hui--9782841747054-page-115.htm">Constitution brésilienne de 1988</a> a consacré l’indépendance de la justice, l’ancien juge Sergio Moro et les procureurs du ministère public en charge de cette opération ont perverti cette avancée institutionnelle, en transformant un groupe de travail temporaire en une entité au-dessus des lois et des procédures judiciaires au service d’un objectif politique, et bénéficiant initialement du soutien des hautes cours de justice.</p>
<p>Néanmoins, lorsque ces dernières comprirent que leur propre pouvoir était menacé, les juges en leur sein ont évolué progressivement, jusqu’à aboutir à la libération de Lula (novembre 2019) et à <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/04/16/la-cour-supreme-bresilienne-confirme-l-annulation-des-condamnations-au-penal-contre-lula_6076949_3210.html">l’annulation de ses condamnations</a> (mars 2021), ce qui constitua un tournant majeur dans la vie politique du Brésil.</p>
<p>Désormais, la priorité pour Lula sera de restaurer l’autorité de l’exécutif. Depuis le retour à la démocratie, à la fin des années 1980, le système politique brésilien se singularise par l’existence d’un <a href="https://www.cairn.info/revue-cites-2016-3-page-137.htm">« présidentialisme de coalition »</a> : dans la mesure où le Congrès dispose de vastes prérogatives mais est très fragmenté, l’exécutif est contraint de négocier en permanence avec les élus des nombreux partis politiques représentés dans les deux Chambres (ces partis sont actuellement au nombre de vingt) afin de construire une majorité. Le Parti des Travailleurs (PT) de Lula ne dispose que de 69 sièges sur les 513 de la Chambre des Députés.</p>
<p>Sous le gouvernement Bolsonaro, les pouvoirs des présidents de la Chambre des Députés, Arthur Lira, et du Sénat, Rodrigo Pacheco, ont été considérablement renforcés. Dans les faits, ils se sont vu déléguer la plupart des arbitrages budgétaires. Cette bizarrerie institutionnelle a été rendue possible par la <a href="https://www.autresbresils.net/Au-Bresil-d-ou-viennent-les-milliards-du-budget-secret">mise en place d’un « budget secret »</a> qui permettait aux chefs du Parlement d’attribuer de l’argent sans aucune transparence à des membres du Congrès.</p>
<p>Sous Bolsonaro, plus de la moitié du budget d’investissement de l’État brésilien était décidée par le biais de ce « budget secret ». En décembre 2022, la Cour suprême a statué sur <a href="https://enjeux.info/24660-bresil-le-budget-secret-des-deputes-est-inconstitutionnel.html">l’inconstitutionnalité de ce mécanisme</a>, permettant à Lula de retrouver de nouvelles marges de manœuvre face au Parlement. Mais la bataille pour construire et fidéliser une majorité gouvernementale sera ardue, compte tenu des résultats des <a href="https://www.lefigaro.fr/international/bresil-importantes-victoires-des-bolonaristes-aux-legislatives-et-gouvernatoriales-20221003">législatives d’octobre 2022</a>, qui se sont traduites par l’élection de nombreux députés et sénateurs d’extrême droite. D’autant plus qu’en dehors du Parlement, les attentes des électeurs de Lula sont à la mesure des défis du nouveau président. </p>
<p>Alors que <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20230102-br%C3%A9sil-lula-%C3%A0-nouveau-%C3%A0-l-assaut-de-la-faim-le-plus-grave-des-crimes">33 millions de Brésiliens souffrent de la faim</a>, que la défense de l’Amazonie et des peuples autochtones n’a jamais semblé aussi urgente et indispensable, et que le changement climatique nécessite <a href="https://theconversation.com/lula-a-la-cop27-le-retour-du-bresil-et-celui-des-grands-espoirs-internationaux-194976">l’émergence de dirigeants décidés à agir concrètement sur ce dossier fondamental</a>, les défis qui attendent Lula sont nombreux. Néanmoins, le pronostic vital de la démocratie brésilienne ne semble plus être engagé. Après quatre années de présidence Bolsonaro, cela constitue une très bonne nouvelle pour le Brésil, pour l’Amérique latine et pour le monde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199328/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gaspard Estrada ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Élu de justesse pour un troisième mandat à la présidence du Brésil, Lula va devoir reprendre en main un État où les militaires, qui lui sont hostiles, sont encore très présents à tous les échelons.Gaspard Estrada, Directeur exécutif de l’Observatoire politique de l’Amérique latine et des Caraïbes (OPALC), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1985272023-01-31T19:32:12Z2023-01-31T19:32:12ZFonds pour l’Amazonie : le retour d’une initiative enterrée il y a 10 ans<p>Le 23 janvier 2023, la nouvelle ministre brésilienne de l’Écologie Marina Da Silva a déclaré que la situation environnementale de son pays était « bien pire » que ce qu’elle imaginait et assuré que la lutte contre la déforestation serait en tête de ses priorités après quatre années dévastatrices pour l’Amazonie sous Jair Bolsonaro.</p>
<p>La première forêt tropicale est un symbole écologique mondial depuis des décennies, tant pour <a href="https://theconversation.com/des-yeux-et-des-oreilles-technologiques-pour-percer-les-secrets-de-la-biodiversite-amazonienne-191612">son exceptionnelle biodiversité</a> et sa contribution à la régulation du climat sud-américain, que pour son rôle dans l’atténuation du changement climatique. Cette contribution à l’atténuation est d’ailleurs conditionnée à ce que l’Amazonie ne devienne pas, risque identifié par les scientifiques, une savane, zone émettrice nette de carbone.</p>
<p>Et l’enjeu de sa préservation est de longue date considéré comme mondial – ce qui avait donné lieu en 2019 à un moment de <a href="https://theconversation.com/lamazonie-en-proie-aux-incendies-et-aux-calculs-politiques-122653">tension diplomatique entre Emmanuel Macron et Jair Bolsonaro</a>. Alors que le président français défendait la prise en compte de l’Amazonie comme <a href="https://theconversation.com/declarer-la-foret-amazonienne-bien-commun-de-lhumanite-une-idee-pas-si-neuve-127085">bien commun international</a>, celui qui était encore à la tête du Brésil lui opposait le principe de souveraineté.</p>
<p>Dans le cadre de la préparation de la conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, le président colombien Gustavo Petro a proposé d’aller plus loin, en créant un <a href="https://www.rfi.fr/es/m%C3%A1s-noticias/20221108-desde-la-cop27-petro-y-maduro-llaman-a-una-alianza-amaz%C3%B3nica-con-todo-por-hacer">fonds multilatéral pour financer la protection de l’Amazonie</a>. Il se fixe l’objectif de réunir 400 millions de dollars par an pendant 20 ans, la Colombie y contribuant pour moitié.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Pour suivre au plus près les questions environnementales, retrouvez chaque jeudi notre newsletter thématique « Ici la Terre ». Au programme, un mini-dossier, une sélection de nos articles les plus récents, des extraits d’ouvrages et des contenus en provenance de notre réseau international. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-environnement-150/">Abonnez-vous dès aujourd’hui</a>.</em></p>
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<h2>Ne pas opposer souveraineté et bien commun</h2>
<p>L’intérêt de cette formulation est qu’elle tente de dépasser cette opposition rigide entre bien commun et souveraineté. Les partisans de la notion de biens communs peuvent avoir pour eux tous les arguments légitimes sur la nécessité de la protection écologique de tel ou tel espace, le respect du principe de souveraineté reste la pierre angulaire du système international, et la gauche sud-américaine, marquée par les ingérences étatsuniennes, y est également attachée.</p>
<p>Dans le compromis proposé par Gustavo Petro, les modalités de protection des biens communs, ici l’Amazonie, doivent être principalement déterminées par les pays qui, souvent au Sud, les comptent sur leur territoire. C’est ce que nous pouvons appeler le multilatéralisme souverain.</p>
<p>Le Venezuela et le Brésil, désormais présidé par Lula Ignacio da Silva, se sont ralliés à l’initiative. <a href="https://expresso.pt/internacional/2023-01-02-Lula-da-Silva-e-Gustavo-Petro-discutem-um-grande-pacto-a-favor-da-Amazonia-7a80e61c">Lula et Petro ont ainsi déclaré vouloir élaborer</a> « un grand pacte pour sauver la forêt amazonienne au bénéfice de toute l’humanité ». <a href="https://www.infobae.com/america/agencias/2023/01/19/colombia-anuncia-en-davos-una-cumbre-de-paises-amazonicos-para-mayo/">Un sommet des pays amazoniens vient d’être annoncé à Davos pour mai 2023</a> afin de structurer la proposition diplomatique en cours de formation.</p>
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<img alt="forêt au bord du fleuve Amazonie" src="https://images.theconversation.com/files/506327/original/file-20230125-18-v1usc4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506327/original/file-20230125-18-v1usc4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506327/original/file-20230125-18-v1usc4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506327/original/file-20230125-18-v1usc4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506327/original/file-20230125-18-v1usc4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506327/original/file-20230125-18-v1usc4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506327/original/file-20230125-18-v1usc4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Paysage d’Amazonie à l’ouest de Manaus, au Brésil.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Amazonie#/media/Fichier:Amazonie.jpg">LecomteB/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<h2>« Yasuní-ITT », le précédent équatorien</h2>
<p>Mais le président colombien n’est pas le premier à formuler une proposition en ce sens, ce que nous tenons à rappeler ici. L’idée d’un fonds abondé tous les ans pendant vingt ans est sans aucun doute inspirée de la proposition équatorienne avortée il y a dix ans, l’initiative Yasuní ITT. Les similitudes sont en effet nombreuses.</p>
<p>Issue des rangs de la gauche sud-américaine, sous le gouvernement de Rafael Correa, cette dernière suggérait aussi un fonds multilatéral pour compenser l’absence d’exploitation du pétrole sur une partie des zones d’exploitation du parc naturel et territoire indigène Yasuní. L’Équateur voulait également abonder le fonds pour moitié, car l’initiative était fondée sur la valorisation de la non-exploitation de pétrole : il s’agissait alors d’abonder pendant 13 ans un fonds à raison d’environ 540 millions de dollars par an. Cette valorisation de l’absence d’exploitation pétrolière était présentée par la diplomatie équatorienne comme nécessaire, afin de protéger l’Amazonie.</p>
<p>Le même esprit se retrouve dans le <a href="https://www.cancilleria.gov.co/newsroom/news/presidente-petro-aseguro-cop-27-egipto-enfrentar-crisisclimatica-solucion-mundo">discours de Gustavo Petro à la COP égyptienne</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Il est temps de dévaloriser l’économie des hydrocarbures en s’appuyant sur des dates définies pour sa fin, et valoriser les branches de l’économie décarbonée. La solution est un monde sans pétrole et sans charbon ».</p>
</blockquote>
<h2>Des stratégies internationales différentes</h2>
<p>Dans un cas comme l’autre, ces diplomaties mettent en avant la <a href="https://www.cancilleria.gov.co/newsroom/news/presidente-petro-aseguro-cop-27-egipto-enfrentar-crisisclimatica-solucion-mundo">responsabilité des structures économiques capitalistes dans le désastre écologique actuel</a> : « la décarbonation est un changement réel et profond du système économique qui domine. C’est l’heure de l’humanité, et non des marchés ».</p>
<p>La différence substantielle se trouve dans la stratégie mise en place au niveau international. L’Équateur avait fait le choix osé de s’adresser d’emblée au monde entier en demandant que les pays du Nord et leurs entreprises transnationales soient les premiers à contribuer à la non-exploitation du pétrole en Amazonie. La stratégie de la Colombie semble être une fusée à deux étages : d’abord constituer une alliance multilatérale entre pays amazoniens, ensuite renforcer cette demande internationale.</p>
<p>Notons que la Colombie a d’ores et déjà acquis une forme de <em>leadership</em> régional à ce sujet, comme le suggère l’obtention par ce pays de 73,5 millions de dollars versés par la Banque internationale de développement <a href="https://www.semana.com/nacion/articulo/bid-anuncia-apoyo-de-73-millones-de-dolares-al-gobierno-de-gustavopetro-para-proteger-la-amazonia/202321/">pour la protection de l’Amazonie et la transition énergétique</a>.</p>
<h2>L’importance géopolitique de la proposition</h2>
<p>Dans le cadre d’une diplomatie multilatérale sur le climat et la biodiversité assez atone, compte tenu de l’immensité des enjeux posés par le changement climatique et la sixième extinction de masse des espèces, le mouvement opéré par la Colombie sur la scène internationale est à suivre de près.</p>
<p>Au niveau régional, l’Amérique du Sud peut présenter comme fer de lance d’une conception de la justice climatique que contenait déjà l’initiative équatorienne échouée en 2013. La France, qui compte parmi les territoires amazoniens, à partir de la Guyane française, aurait tout intérêt à participer de ce renouveau sud-américain de la diplomatie climatique.</p>
<p>En ce début d’année, la Norvège, <a href="https://www.rfi.fr/es/programas/grandes-reportajes-de-rfi/20221226-colombia-proponen-creaci%C3%B3n-deun-fondo-en-la-amazon%C3%ADa-para-proteger-los-bosques">qui avait suspendu le versement de 500 millions d’euros au Brésil</a> sous le mandat de Jair Bolsonaro, l’a rétabli, dans le cadre du fonds Amazonie brésilien. Le renforcement de la gauche sud-américaine donne l’occasion d’ouvrir une nouvelle page de la géopolitique du climat.</p>
<p>Avec la proposition colombienne de fonds multilatéral pour l’Amazonie renaît un principe offrant un contenu effectif à l’idée de justice climatique. Une telle démarche diplomatique est de nature à crédibiliser encore davantage les propositions émises en la matière depuis cette partie du globe. Souhaitons qu’elles soient entendues, discutées et prises au sérieux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198527/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Par honnêteté intellectuelle, je tiens à souligner que la renaissance de cette initiative m’a été signalée lors d’un colloque sur la souveraineté, tenu à l’IEP de Paris, par Pierre Charbonnier. </span></em></p>Le président colombien a relancé à l’occasion de la COP27 l’idée d’un fonds multilatéral pour l’Amazonie. Une idée prometteuse, qui revient de loin.Pierre-Yves Cadalen, Docteur en science politique - relations internationales, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1976322023-01-12T12:34:44Z2023-01-12T12:34:44ZBrésil : Lula pourra-t-il unifier une société divisée ?<p>Le 8 janvier, quelques jours après l’investiture de Lula, vainqueur en novembre du président sortant Jair Bolsonaro, des milliers de partisans de ce dernier <a href="https://theconversation.com/democracy-under-attack-in-brazil-5-questions-about-the-storming-of-congress-and-the-role-of-the-military-197396">ont pris d’assaut le Congrès, la Cour suprême et le palais présidentiel du Brésil</a>, dénonçant <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/bresil/bresil-plusieurs-milliers-de-partisans-de-jair-bolsonaro-envahissent-les-lieux-de-pouvoir-a-brasilia_5591700.html">« une élection truquée »</a>.</p>
<p>Ces scènes, qui se sont déroulées presque exactement deux ans après <a href="https://theconversation.com/qanon-et-lassaut-du-capitole-leffet-reel-des-theories-du-complot-en-ligne-152853">l’attaque du Capitole américain</a> le 6 janvier 2021 par des sympathisants de Donald Trump, rappellent à quel point il sera difficile à Lula de réunifier une société fortement divisée, comme il s’y était engagé durant la campagne électorale.</p>
<p>Dans son discours d’investiture du 1<sup>er</sup> janvier, Lula s’est exprimé aux côtés d’un leader indigène, d’un garçon handicapé et d’un ouvrier métallurgiste, plaçant explicitement et implicitement l’inclusion et l’unité sociale au cœur de son mandat à venir. Une approche radicalement différente de celle de son prédécesseur.</p>
<h2>Deux approches de la diversité aux antipodes l’une de l’autre</h2>
<p>Durant le mandat de Bolsonaro (janvier 2019-janvier 2023), le nombre de saisies de terres appartenant à des communautés indigènes a <a href="https://lebresilresiste.org/wp-content/uploads/2021/01/2020-BAROMETRE-Coalition-Solidarite-Bresil.pdf">pratiquement triplé</a>. Le Brésil a également affiché l’un des <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-022-15103-y">pires bilans mondiaux en termes d’homicides à l’encontre des personnes LGBT</a>.</p>
<p>Sur le plan idéologique, l’approche de l’ancien président à l’égard des minorités telles que les Brésiliens noirs, la population indigène, les habitants pauvres des favelas et les personnes LGBT peut être résumée par le terme de <a href="https://www.cairn.info/revue-droit-et-societe-2021-2-page-351.htm"><em>colorblind</em></a> (aveuglement assumé vis-à-vis de la couleur de peau). En 2018, Bolsonaro est ainsi apparu arborant un t-shirt portant le slogan « Minha cor é o Brasil » – « Ma couleur est le Brésil ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1055825250552897536"}"></div></p>
<p>Le concept de <a href="https://www.ucis.pitt.edu/clas/sites/default/files/Renno%202020.pdf"><em>colorblindness</em></a> consiste à ignorer les différences entre individus liées à leur couleur de peau, à leur orientation sexuelle, à leur origine ethnique ou à d’autres facteurs encore. Cette approche soutient que l’égalité entre les groupes s’obtient en minimisant les distinctions et en considérant la population brésilienne comme uniforme. Lula, quant à lui, défend une <a href="https://www.cairn.info/dictionnaire-genre-et-science-politique--9782724613810-page-356.htm">vision multiculturelle</a> qui consiste à reconnaître et à valoriser les différences entre ces groupes.</p>
<h2>Le Brésil « colorblind » sous l’administration Bolsonaro</h2>
<p>Au cours de son mandat, Bolsonaro a mis en avant la vision d’une société brésilienne homogène, où les différences de couleur de peau et d’appartenance à tel ou tel groupe social n’avaient aucun impact sur la vie des citoyens.</p>
<p>Or, des <a href="https://psycnet.apa.org/record/2013-03180-003">études montrent</a> que ce sont les individus appartenant aux groupes dominants qui ont tendance à <a href="https://psycnet.apa.org/record/2009-03773-010">faire pression en faveur de l’approche <em>colorblind</em></a> car ils y voient un moyen de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/15298868.2010.542015">maintenir leurs privilèges</a> vis-à-vis des groupes marginalisés. Les chercheurs <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13569310306082">ont établi depuis longtemps</a> que les politiques publiques qui ignorent les différences entre les groupes peuvent entraver la lutte contre les injustices structurelles. Au Brésil, les conséquences de telles politiques se traduiraient par la préservation du statu quo et la conservation de l’emprise sur le pouvoir d’hommes blancs hétérosexuels issus de milieux privilégiés.</p>
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<p>Les dirigeants qui mettent en place ces politiques <em>colorblind</em> auraient ainsi tendance à <a href="https://information.tv5monde.com/info/bresil-manifestations-anti-racistes-apres-le-passage-tabac-d-un-homme-noir-384801">minimiser la discrimination raciale</a> et à contester la nécessité de protéger législativement les groupes minoritaires. Même s’ils s’en sont vertement défendus, des membres de l’administration Bolsonaro <a href="https://repository.arizona.edu/bitstream/handle/10150/636332/Bacelar_da_Silva_and_Larkins_final.pdf">ont tenu des propos racistes</a>. Dans son <a href="https://brazilian.report/liveblog/2022/03/24/racist-remarks-authorization/">étude annuelle</a>, la confédération nationale des <em>Quilombolas</em> (descendants des communautés d’esclaves fugitifs) a recensé 16 cas de tels propos tenus par des responsables bolsonaristes en 2019, 42 en 2020 et 36 en 2021.</p>
<p>Le mépris affiché par Bolsonaro pour les <a href="https://www.hrw.org/news/2022/08/09/brazil-indigenous-rights-under-serious-threat">droits des groupes indigènes</a> et <a href="https://www.opendemocracy.net/en/democraciaabierta/brazil-indigenous-lands-mobilisation-landowners-agribusiness/">leurs terres</a> a davantage retenu l’attention. L’ex-président a régulièrement pris des décisions économiques favorables aux <a href="https://www.novethic.fr/actualite/environnement/agriculture/isr-rse/la-deforestation-en-amazonie-augmente-sous-le-mandat-de-bolsonaro-150330.html">groupes privilégiés</a>, notamment en baissant les taxes à l’exportation pour les entreprises agroalimentaires et en <a href="https://www.france24.com/en/americas/20220926-brazil-s-agribusiness-sector-provides-fertile-ground-for-bolsonaro">supprimant des textes de loi protégeant les terres appartenant aux communautés indigènes</a>.</p>
<p>Le déni du racisme et de la discrimination dont a fait preuve l’administration Bolsonaro tient moins d’une conviction sincère que d’une stratégie visant à « mettre sous le tapis » les problèmes sociaux et les inégalités. Reconnaître leur existence aurait pu <a href="https://economia.ig.com.br/empresas/2019-05-24/donos-da-riachuelo-havan-e-polishop-vao-apoiar-manifestacoes-pro-bolsonaro.html">créer des obstacles</a> à la mise en œuvre de son programme libéral, soutenu par de nombreuses <a href="https://www.rfi.fr/en/international-news/20220923-brazil-s-business-sector-still-supports-bolsonaro-but-with-reservationsl">grandes entreprises</a>, des <a href="https://veja.abril.com.br/brasil/empresas-que-se-posicionam-na-politica-sofrem-com-ameacas-de-boicote">chaînes de magasins</a> et le <a href="https://www.reuters.com/article/us-brazil-politics-agriculture/brazil-farm-lobby-wins-as-bolsonaro-grabs-control-over-indigenous-lands-idUSKCN1OW0OS">secteur agroalimentaire</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/503814/original/file-20230110-20-7rufid.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503814/original/file-20230110-20-7rufid.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503814/original/file-20230110-20-7rufid.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503814/original/file-20230110-20-7rufid.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503814/original/file-20230110-20-7rufid.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503814/original/file-20230110-20-7rufid.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503814/original/file-20230110-20-7rufid.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des partisans de Lula assistent à un rassemblement dans la favela Complexo do Alemao à Rio de Janeiro en octobre 2022.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://news.afp.com/#/c/main/search/photos?id=newsml.afp.com.20221012T160347Z.doc-32la3vl&type=photo">Carl De Souza/AFP</a></span>
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<h2>Les favelas particulièrement scrutées par Lula</h2>
<p>Au contraire de l’approche de Bolsonaro, le <a href="https://lula.com.br/nilma-gomes-lula-ampliara-lei-de-cotas-e-combatera-liberacao-de-armas/">gouvernement Lula</a> devrait reconnaître la diversité des Brésiliens, au nom d’une vision multiculturelle, comme ce fut le cas lors de ses deux premiers mandats. « Nos politiques visant à combattre le chômage doivent être axées non seulement sur la race, mais aussi sur le genre », a par exemple déclaré un <a href="https://www1.folha.uol.com.br/cotidiano/2022/09/lula-quer-politicas-publicas-com-recorte-de-genero-e-raca-diz-representante-da-campanha.shtml">proche de Lula pendant la campagne</a>.</p>
<p>Dans la dernière ligne droite de sa campagne victorieuse, Lula a notamment visité le <a href="https://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20221013-br%C3%A9sil-lula-en-campagne-dans-les-favelas-de-rio-pour-mobiliser-les-ind%C3%A9cis">Complexo de Favelas do Alemao, à Rio de Janeiro</a>. <a href="https://mediatalks.uol.com.br/en/2021/12/31/community-newspapers-in-rio-de-janeiro-slums-fill-information-gaps-and-fight-stereotypes-to-produce-truly-local-journalism">Les favelas</a> ont occupé une place centrale dans son discours, du fait de la diversité de leurs habitants : 67 % des 11,4 millions des résidents se déclarant noirs, tandis que <a href="https://rioonwatch.org/?p=6913">32 % se perçoivent comme blancs</a>. Cela alors que dans l’ensemble de la population brésilienne, <a href="https://www.ibge.gov.br/en/highlights/26313-ibge-divulgara-em-13-de-novembro-desigualdades-sociais-por-cor-ou-raca-2.html">43 % se déclarent blancs, 9,3 % noirs et 46,5 % métis</a>.</p>
<p>Au cours de cette visite, <a href="https://jc.ne10.uol.com.br/politica/2022/10/15098453-lula-vai-ao-complexo-do-alemao-e-se-compromete-a-realizar-conferencia-nacional-para-favelas-caso-eleito.html">il s’est engagé à prendre des mesures</a> pour protéger les groupes ethniques stigmatisés ainsi que les <a href="https://www.correiobraziliense.com.br/politica/2022/10/5043939-em-ato-no-complexo-do-alemao-lula-promete-investir-em-educacao-nas-favelas.html">résidents des régions à faibles revenus</a> et à <a href="https://extra.globo.com/noticias/politica/lula-vai-ao-complexo-do-alemao-nesta-quarta-feira-em-busca-de-virada-no-rio-25587829.html">réduire les inégalités sociales</a>. Il a notamment promis d’instaurer des quotas (par exemple pour l’accès aux universités et aux emplois publics) destinés aux minorités raciales, et s’est fixé des objectifs ambitieux en matière de logement et d’infrastructures dans les régions à faibles revenus. Il s’est également engagé à organiser, au cours de son mandat, une <a href="https://www.theguardian.com/world/2022/oct/13/lula-represents-hope-brazil-presidential-frontrunner-takes-his-message-into-rios-favelas">conférence nationale</a> consacrée aux besoins des habitants des favelas.</p>
<p>L’approche inclusive du nouveau gouvernement se reflète dans sa composition. Alors que Bolsonaro n’avait nommé que deux femmes parmi ses ministres, <a href="https://www.lepoint.fr/monde/bresil-des-femmes-a-des-postes-cles-du-futur-gouvernement-de-lula-29-12-2022-2503188_24.php">11 femmes ont pris leurs fonctions en janvier</a>, soit un tiers des postes ministériels. Le poste de <a href="https://aamazonia.com.br/a-breath-of-anti-racist-hope-say-activists-about-anielle-franco-future-minister-of-racial-equality/">ministre de l’Égalité raciale</a> a par exemple été attribué à Annielle Franco – la sœur de la conseillère municipale Marielle Franco, assassinée à Rio de Janeiro et <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Au-Bresil-lheritage-bien-vivant-Marielle-Franco-2022-03-14-1201204822">devenue un symbole</a> de la violence sociale, raciale et sexiste au Brésil. Lula a également battu le record de nominations de femmes et de représentants de minorités ethniques dans les ministères <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/01/02/lula-phenix-de-la-politique-bresilienne-investi-president-de-reconciliation_6156300_3210.html">depuis le retour de la démocratie au Brésil</a>.</p>
<p>Le discours d’investiture du nouveau ministre des Droits de l’homme de Lula, le philosophe noir Sílvio Almeida, montre un contraste drastique avec les idées et les valeurs <em>colorblind</em> du gouvernement précédent. Il s’y est directement adressé aux femmes, aux Noirs, aux pauvres et aux personnes LGBT : <a href="https://oglobo.globo.com/brasil/noticia/2023/01/em-discurso-silvio-almeida-emociona-ao-declarar-que-negros-pobres-lgbt-e-mulheres-sao-valiosos-para-o-pais-veja-video.ghtml">« Vous existez et vous avez de la valeur pour nous. »</a></p>
<h2>Le siège de Brasília, signe avant-coureur des défis à venir</h2>
<p>Il reste à voir si cette stratégie pourra séduire certains partisans de Bolsonaro – y compris ceux qui ont pris d’assaut les bâtiments gouvernementaux le 8 janvier dernier. Il est certain que la politique multiculturelle de Lula sera confrontée à bien des défis, les recherches montrant que celle-ci risque de laisser un <a href="https://psycnet.apa.org/record/2011-08638-001">sentiment d’exclusion aux groupes privilégiés, tels que les Blancs</a>.</p>
<p>Pour parvenir à ses fins, l’administration Lula doit impliquer l’ensemble de la société afin de limiter les réactions négatives des Blancs et des individus fortunés face à la diversité et à l’inclusion. Une tâche qui ne sera sans doute pas aisée…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197632/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jorge Jacob ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le « siège de Brasilia » par des partisans de Jair Bolsonaro montre que Lula, dont la vision de la société est à l’opposé de celle de son prédécesseur, aura bien du mal à rassembler ses concitoyens.Jorge Jacob, Professor of Behavioral Sciences, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1971392023-01-03T20:07:45Z2023-01-03T20:07:45ZDans l’ombre du roi Pelé : son double négatif, Garrincha<p>Deux footballeurs brésiliens se disputaient la vedette dans les années 1960 : Pelé et Garrincha. Les destinées de l’un et de l’autre furent diamétralement opposées.</p>
<p>Le « roi Pelé » fut auréolé de son vivant et après sa mort, le Brésil ayant officiellement décrété <a href="https://www.francetvinfo.fr/sports/foot/pele/mort-de-pele-le-bresil-decrete-trois-jours-de-deuil_5571561.html">trois jours de deuil national</a> à l’annonce de sa disparition le 29 décembre dernier.</p>
<p>Garrincha (1933-1983), lui, fut enterré dans un obscur cimetière de la banlieue de Rio.</p>
<h2>Des origines similaires</h2>
<p>Tous deux eurent, au départ, les mêmes handicaps. La famille de <a href="https://www.eurosport.fr/football/les-grands-recits/2018/garrincha-ou-comment-un-enfant-boiteux-est-devenu-un-des-plus-grands-genie-du-football_sto7775538/story.shtml">Garrincha</a>, d’origine amérindienne, vivait à Pau Grande, dans la banlieue sud de Rio. Son père exerçait de petits boulots : balayeur, veilleur de nuit, manœuvre. Pelé, de sept ans son cadet, naquit aussi dans des conditions misérables, dans l’État de Minais Gerais, au nord de Rio ; il fut même <a href="https://www.francetvinfo.fr/sports/foot/pele/mort-de-pele-cireur-de-chaussures-acteur-avec-sylvester-stallone-ministre-des-sports-10-choses-que-vous-ne-saviez-peut-etre-pas-sur-le-roi_5558418.html">cireur de chaussures</a> avant d’être présenté au club de Santos.</p>
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<p>Pour tous deux, les <a href="https://www.persee.fr/doc/insep_1241-0691_1999_num_25_1_1461"><em>peladas</em></a>, ces parties pratiquées pieds nus sur des terrains de fortune, furent les premiers contacts avec le football. Tous deux furent aussi connus par leur surnom : Edson Arantes do Nascimento fut surnommé Pelé (petit, il prononçait le nom du gardien de l’équipe locale, un certain Bilé, « Pilé », ce qui donnera par la suite Pelé) ; Manoel Francisco dos Santos fut, quant à lui, surnommé par sa sœur Garrincha (du nom d’un petit oiseau qui préfère mourir plutôt que se laisser attraper).</p>
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<p>De leurs conditions de vie marginales, Garrincha et Pelé conservèrent sans doute une même posture en marge des attitudes bourgeoises : des paternités illégitimes s’ajoutant à trois mariages avec un grand nombre d’enfants : 7 enfants officiels pour Pelé, 5 de sa première femme pour Garrincha. Mais le parallèle s’arrête là.</p>
<h2>Le temps de la gloire</h2>
<p>Tout sépare les devenirs de Pelé et de Garrincha. Pelé allait représenter le summum de la réussite sportive et financière et s’imposer comme le symbole ultime de la méritocratie, l’incarnation du self made man parti de rien et parvenu au sommet avant d’être idolâtré par la planète entière jusqu’à la fin de ses jours, à 82 ans ; Garrincha, après des exploits qui suscitèrent un immense enthousiasme, connut une déchéance physique, sociale et économique, et décéda d’une cirrhose du foie avant d’avoir atteint le demi-siècle.</p>
<p>Il est vrai que les deux joueurs ne disposaient pas exactement des mêmes atouts dans leur besace. Le père de Pelé (Dondinho) était lui-même footballeur, dont la carrière fut compromise par des blessures ; il fut condamné à jouer dans de petites équipes mais il connaissait les procédures de recrutement dans les clubs professionnels. Pelé nourrit-il le rêve de réaliser ce que son père n’avait pu faire ? Beau sujet de méditation pour la psychanalyse. Garrincha, pour sa part, ne disposa pas des mêmes appuis ; remarqué par Botafogo, le prestigieux club de Rio, alors qu’il jouait dans une petite équipe locale, il ne rejoindra ce club célèbre qu’un an après les premières sollicitations. La tradition rapporte qu’il revenait de matchs qu’il venait de disputer dans le même camion que les supporters.</p>
<p>Physiquement, tout opposait Pelé et Garrincha. Le premier était musclé et faisait preuve d’une détente extraordinaire ; le second était né avec une colonne vertébrale qui n’était pas droite ; ses jambes étaient arquées, la jambe droite aurait été plus courte de 6 cm que la jambe gauche, ses genoux étaient, disaient les médecins, « déformés ». Poursuivant leur carrière nationale et internationale, Pelé et Garrincha participèrent ensemble aux Coupes du monde en 1958 et en 1962, toutes deux remportées par le Brésil.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1608907004470530050"}"></div></p>
<p>Ils furent tous deux consacrés comme les meilleurs joueurs du monde, à égalité. Pelé fut porté en triomphe à la suite de la Coupe du monde en Suède en 1958 quand, âgé de seulement 17 ans, il inscrivit 6 buts – un en quarts de finale, trois en demi-finale, et deux en finale. Garrincha marqua 4 buts en 1962, Coupe du monde à laquelle Pelé, blessé, ne participa qu’à deux rencontres. Ce fut l’apothéose de Garrincha, dont les exploits furent célébrés à travers le monde.</p>
<p>Les styles des deux vedettes étaient très différents. Garrincha pratiquait toujours le même dribble, vers la droite, puis s’arrêtait. Ses adversaires avaient beau connaître cette habitude, ils se faisaient chaque fois ridiculiser, ce qui suscitait les fous rires des spectateurs. On a pu discerner dans cette pratique déroutante, <a href="https://www.football-the-story.com/garrincha">« un amour du jeu pour le jeu »</a>. Pelé, au contraire, était un génie de l’improvisation ; la fluidité, les changements de rythme, la force, une remarquable vision périphérique du jeu caractérisaient son style. Un tir de plus de 60 mètres, alors que le gardien adverse était avancé, fut un de ses exploits lors de la Coupe du monde 1970, qui cimenta son statut de plus grande star de l’histoire du football : il devint alors le seul joueur à remporter trois fois la compétition suprême, un exploit qui reste unique à ce jour.</p>
<h2>Le héros perdu…</h2>
<p>En cette année 1970, Garrincha, âgé de 37 ans, était déjà très loin de la sélection nationale, n’ayant plus été appelé depuis la Coupe du monde 1966, disputée (et tristement perdue, le Brésil ayant été éliminé dès le premier tour) en Angleterre.</p>
<p>En réalité, il se trouvait depuis longtemps déjà sur la pente descendante. Son club de Botafogo ne jouait plus les premiers rôles ; la star vieillissante fut vendue en 1966 aux Corinthians de Sao Paulo mais ses jambes et ses genoux, régulièrement piqués pour réduire la douleur, ne lui permettaient plus de jouer au plus haut niveau.</p>
<p>Sa vie sportive fut, dès lors, une obscure rétrogradation. Il rejoignit des équipes de deuxième et troisième divisions, de plus en plus médiocres. Pendant ce temps, sa liaison avec la chanteuse <a href="https://www.sofoot.com/elza-soares-pour-l-amour-de-garrincha-509860.html">Elza Soarès</a>, alors qu’il est encore marié avec sa seconde épouse, déclenche un scandale ; exilé en Italie pour échapper à la justice, Garrincha demeure désoeuvré (aucun club ne s’intéresse à lui).</p>
<p>De retour au Brésil, Garrincha et Elza Soarès se séparent. L’ex-footballeur, de plus en plus ravagé par l’alcool et déballant les drames de sa vie privée, doit héberger les 5 enfants qu’il a eus de sa première épouse, qui est décédée.</p>
<p>L’alcoolisme entraîne des séjours à l’hôpital en 1978, 1979 et 1980, séjours où Garrincha est identifié comme Manuel da Silva « une variante proche de José da Silva qui est le nom par excellence de l’indigent brésilien », <a href="https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1989_num_79_1_2904">notent les sociologues José Sergio Leite Lopes et Sylvain Maresca</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1102591246235664385"}"></div></p>
<p><em>Traduction : Triste histoire de carnaval : en 1980, Garrincha a défilé à Mangueira complètement engourdi, incapable de se lever. À la fin, il a demandé : « Est-ce que tout le monde a aimé ? »</em></p>
<p>Garrincha meurt en 1983. Son cercueil est exposé au Maracana, le grand stade de Rio (Botafogo est un club de Rio, Garrincha est un carioca) puis enterré à Pau Grande, dans le cimetière populaire de la ville, alors que son ami de toujours, Nelson Santos, autre grand footballeur, aurait souhaité une inhumation dans un cimetière plus chic. Mais la popularité de Garrincha s’accordait mieux avec le cimetière de Pau Grande. Une foule considérable assista à ses obsèques. Détails rebutants de cet enterrement : la fosse pour accueillir le cercueil était trop petite et la terre manqua pour le recouvrir. L’enterrement de Garrincha fut à l’image de sa vie : il fut suivi par des milliers de supporters qui éprouvaient pour lui une affection particulière… et ce fut aussi un désastre mémorable.</p>
<h2>… et le professionnel aseptisé</h2>
<p>À l’indiscipline de Garrincha s’oppose l’hyper-professionnalisme de Pelé. Dès 1958, après la victoire en Coupe du monde, Pelé obtient de son club, Santos, que celui-ci lui reverse la moitié des droits des matches d’exhibition à l’étranger. La carrière du « roi » associera les exploits sportifs et les succès financiers et promotionnels. Pelé vendra son image à travers des chaussures, des maillots, un parfum à son nom… Il sera aussi le héraut de Puma, de Pepsi Cola, de Honda, de Pony, de Fabergé, de Pan Am…</p>
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<p>En 1974, le roi est transféré de Santos au Cosmos de New York (le club est la propriété de la Warner Bros), où il sera rejoint par d’autres stars, comme son compatriote Carlos Alberto et l’Allemand Franz Beckenbauer. C’est dans ce club, où s’inaugure la mondialisation du football, que Pelé mettra un terme à sa carrière en 1977. L’année de sa retraite, il fait l’objet d’un <a href="https://www.footichiste.com/2018/05/02/pele-andy-warhol/">tableau d’Andy Warhol</a> ; polyglotte, il fréquente les grands de ce monde : le pape en 1987 (il est lui-même catholique), la reine d’Angleterre en 1997, Nelson Mandela en 2007.</p>
<p>Avant ces rencontres et malgré son appétit constant pour la publicité Pelé a manifesté un penchant pour les causes humanitaires. Il fut ainsi ambassadeur de bonne volonté à <a href="https://news.un.org/fr/story/2022/12/1130982">l’UNICEF</a>. Mais il a aussi exercé des fonctions politiques : il a occupé le poste de <a href="https://www.liberation.fr/planete/1994/12/22/le-nouveau-gouvernement-bresilien-s-offre-le-roi-pele-au-ministere-des-sports_117667/">ministre des Sports</a> de 1995 à 1998 et permis aux joueurs, alors propriétés des clubs, de négocier leur avenir. Ce fut le premier Noir à exercer une fonction ministérielle au Brésil.</p>
<p>Pour éviter toute friction, Pelé s’est <a href="https://www.rtbf.be/article/le-roi-pele-et-la-politique-entre-silence-et-engagements-10837729">abstenu de toute intervention sur le plan politique</a>, ce que lui reprochèrent une partie de la population et des joueurs qui, comme <a href="https://garrafootball.com/democracia-corinthiana/">Socrates</a>, militaient pour la démocratie alors que la <a href="https://www.cairn.info/revue-bulletin-de-l-institut-pierre-renouvin1-2011-1-page-109.htm">dictature militaire</a> (1964-1983) faisait régner un ordre ignominieux. De même, le « roi » ne fit guère entendre sa voix contre le racisme ambiant au Brésil. Maradona, autre héros de notre temps, stigmatisa cette attitude par des propos cinglants et excessifs : <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2022/12/29/mort-de-pele-avec-maradona-l-etrange-rivalite_6156026_3242.html">« Pelé aime plus l’argent que dormir »</a>. Consécration de cette vie « exemplaire », un <a href="https://www.turismosantos.com.br/?q=en/content/pel%C3%A9-museum">musée</a> est consacré à Pelé, à Santos, en 2014.</p>
<p>L’opposition entre ces deux destinées est caricaturale. Tandis que le président de la FIFA Gianni Infantino vient se recueillir devant la dépouille de Pelé, et a demandé que <a href="https://www.20minutes.fr/sport/4017035-20230102-stade-nom-pele-chaque-pays-voila-nouvelle-idee-saugrenue-gianni-infantino">dans chaque pays du monde un stade porte désormais son nom</a>, il n’y eut rien de tel aux funérailles de Garrincha, auxquelles Pelé n’assista d’ailleurs pas.</p>
<p>Voilà donc des vies aux inflexions différentes mais au même capital de mérite au départ. Un contexte familial, des aptitudes diverses, un respect de la discipline, une conformité à l’air du temps ont fait basculer ces histoires de vie vers le succès ou vers la détresse.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197139/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Bromberger ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Sur le terrain, il fut l’égal de Pelé. Mais Garrincha, mort alcoolique à 49 ans, aura vécu une vie opposée en bien des points à celle du « Roi », lequel fut célébré jusqu’à son dernier souffle.Christian Bromberger, Anthropologue, professeur émérite, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1970722023-01-02T16:25:34Z2023-01-02T16:25:34ZDéforestation au Brésil : la législation européenne peut-elle changer la donne ?<p>En décembre 2022, le parlement européen s’est mis d’accord pour édicter une <a href="https://www.euractiv.fr/section/energie/news/la-deforestation-na-plus-sa-place-dans-les-chaines-dapprovisionnement-de-lue/">nouvelle législation destinée à bannir de ses importations les produits qui seraient issus de zones déforestées</a>. Il s’agit d’une avancée majeure sur la question de la « déforestation importée », c’est-à-dire la déforestation qui existe du fait de la demande de marchés distants, en particulier celui de l’UE.</p>
<p>On ne peut que se réjouir d’un texte dont l’ambition est de mettre en valeur le rôle des marchés dans les dynamiques qui contribuent au changement climatique, ainsi que de responsabiliser les producteurs qui se conduisent mal, menacés d’amendes s’ils sont pris en défaut.</p>
<p>Mais, si on applique le cadre qui vient d’être approuvé à la question de la déforestation au Brésil, peut-on en attendre des changements rapides ou significatifs ?</p>
<h2>La question du contrôle : pas si simple</h2>
<p>Le parlement européen insiste sur le fait que les produits seront <a href="https://www.europe1.fr/international/deforestation-importee-lunion-europeenne-compte-sur-limagerie-satellite-pour-effectuer-des-controles-4152668">contrôlés en fonction d’une traçabilité qui sera reliée à une base de données tirée d’imagerie satellitale</a> proposée par Airbus et permettant d’identifier les parcelles déforestées.</p>
<p>On ne doute absolument pas de la grande précision des données géographiques qui seront produites. Mais l’association de telle ou telle carcasse de viande ou telle ou telle cargaison de soja à des parcelles interdites risque d’être plus délicate.</p>
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<p>Il ne faut en effet pas perdre de vue qu’une grande partie de la déforestation qui se produit au Brésil, en particulier en Amazonie, est déjà illégale, si bien que les produits qui en proviennent sont déjà interdits…</p>
<p>S’ils sont mis sur les marchés, c’est en se dissimulant, notamment en faisant croire qu’ils proviennent de régions où ils seraient légaux, par le biais de faux certificats ou de diverses techniques, comme le rachat en argent liquide de troupeaux illégaux qui se trouvent subrepticement insérés juste avant leur abattage dans le cheptel de fermes autorisées.</p>
<p>L’Union européenne sera-t-elle plus forte que les autorités brésiliennes, sachant que, à la différence de ces dernières, elle n’aura pas accès au terrain pour mener des contrôles ?</p>
<p>On peut se demander s’il n’y a pas un peu d’illusion technologique dans cet aspect de la législation.</p>
<h2>Quelles forêts ? Quelle déforestation ?</h2>
<p>Comme l’ont fait remarquer de nombreuses ONG, le focus mis sur les forêts signifie que l’espace principalement concerné pour le moment, au Brésil, concerne le biome amazonien.</p>
<p>Or, s’il est attaqué par la croissance de l’espace agricole, notamment du fait du développement des pâturages pour l’élevage bovin, cet espace n’est pas (et de très loin) le cœur du système agricole brésilien. Celui-ci bat dans les savanes du centre du pays (le <em>cerrado</em>), qu’il transforme de manière intense depuis quatre décennies, entraînant des conversions massives de végétation naturelle vers des parcelles agricoles.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/502687/original/file-20221228-62321-v5plrr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/502687/original/file-20221228-62321-v5plrr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/502687/original/file-20221228-62321-v5plrr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/502687/original/file-20221228-62321-v5plrr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/502687/original/file-20221228-62321-v5plrr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/502687/original/file-20221228-62321-v5plrr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/502687/original/file-20221228-62321-v5plrr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Front de déforestation dans l’État du Roraima, 2016.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Francois-Michel Le Tourneau</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Le parlement européen a indiqué qu’il comptait ajouter le <em>cerrado</em> rapidement dans les zones interdites à la déforestation, ce qui pourrait transformer l’interdiction de la déforestation en interdiction de la conversion de végétation, avec de très larges répercussions, y compris en Europe. Si elle est adoptée (ou quand elle le sera), cette mesure aura probablement plus d’impact au Brésil que les termes acceptés actuellement. Elle entraînera certainement aussi davantage de réactions…</p>
<h2>Une faible part sous embargo</h2>
<p>La question de la date de référence pour le suivi des parcelles constitue un autre point fondamental.</p>
<p>Pour le moment, s’agissant des forêts, c’est la fin 2019 qui a été retenue. De ce fait, toutes les parcelles déforestées avant cette date ne sont pas interdites. Sachant que la déforestation des trois dernières années a été grosso modo de 35 500 km<sup>2</sup> (chiffres <a href="http://terrabrasilis.dpi.inpe.br/">INPE</a> arrondis), sur environ 800 000 km<sup>2</sup> déforestés dans le biome amazonien au Brésil, ce sont donc 4,3 % de l’espace agricole amazonien qui seraient interdits d’exportation dans l’UE à l’heure actuelle.</p>
<p>Si l’on envisage une trajectoire de 10 000 km<sup>2</sup> de déforestation par an sur la prochaine décennie (on espère évidemment que ce sera bien moins !), on atteindrait autour de 16 % à l’horizon 3032 – ce qui signifie que 84 % des zones déforestées en Amazonie pourraient encore exporter leur production en UE.</p>
<p>Le même raisonnement s’applique au <em>cerrado</em>, bien évidemment, et on verra si la date qui sera retenue dans ce cas sera la même ou non. Dans les deux cas, ce sera une faible proportion de la surface agricole brésilienne qui sera, dans les faits, sous embargo.</p>
<p>On a déjà souligné plus haut qu’une partie de la déforestation intervenue en Amazonie avant 2020 est considérée comme illégale par le gouvernement brésilien, qui est lui-même en train de mettre en place (difficilement) un programme de suivi environnemental (le cadastre environnemental rural ou <a href="https://www.car.gov.br/#/">CAR</a>) destiné à cartographier ces aires et à obtenir des propriétaires qu’ils les reboisent.</p>
<p>Mettre des moyens pour aider le Brésil à avancer beaucoup plus vite sur ce système aurait peut-être plus d’effets à court terme que d’envisager un contrôle depuis l’Europe, en ouvrant la voie non seulement à une stabilisation de la déforestation, mais à une récupération d’une partie des zones perdues.</p>
<h2>Vers deux marchés d’exportation ?</h2>
<p>Le risque le plus sérieux que court la législation européenne est d’être contournée par la dissociation, de la part des exportateurs brésiliens, de leurs produits en deux marchés : une production écologiquement correcte, destinée à l’Europe (vendue sans doute plus cher), et une production peu regardante sur les conditions environnementales, destinée aux autres marchés, en particulier au marché chinois.</p>
<p>Face à cela, les tenants du texte européen considèrent que le fait que l’Europe est globalement le premier marché mondial limite ce risque.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/502685/original/file-20221228-47070-u7d3k5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/502685/original/file-20221228-47070-u7d3k5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/502685/original/file-20221228-47070-u7d3k5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/502685/original/file-20221228-47070-u7d3k5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/502685/original/file-20221228-47070-u7d3k5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/502685/original/file-20221228-47070-u7d3k5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=530&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/502685/original/file-20221228-47070-u7d3k5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=530&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/502685/original/file-20221228-47070-u7d3k5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=530&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Exportations brésiliennes de soja et viande bovine en fonction des pays de destination ; le rapport entre les polygones correspond au rapport de valeur entre les productions.</span>
<span class="attribution"><span class="source">COMEXSTAT</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Or, vu du Brésil, on peut questionner cette évaluation. L’Europe n’est importatrice que de 14 % du soja brésilien et 8,8 % de la viande bovine brésilienne (données <a href="http://comexstat.mdic.gov.br/pt/home">COMEXSTAT</a>) – comme le montre le graphique ci-dessus –, les deux productions qui sont les grands vecteurs de déforestation (en Amazonie ou dans les autres régions du Brésil).</p>
<p>La Chine, elle, est responsable de 70 % et 49 % des mêmes, et l’Asie en général de 80,6 et 62 %. Il n’y a que dans le domaine des tourteaux de soja que la part de l’UE est plus significative et qu’elle fait jeu égal avec la Chine (44,7 % contre 43 %), mais les tourteaux et assimilés ne représentent que 14,4 % de la valeur combinée des exportations des trois produits.</p>
<p>Pour le dire autrement, le Brésil exporte dix fois plus de soja en grains vers l’Asie que de tourteaux en direction de l’Union européenne… qui n’est donc clairement pas, pour les exportateurs brésiliens, un marché <a href="https://theconversation.com/quel-est-le-poids-exact-de-la-france-dans-la-deforestation-importee-qui-touche-lamazonie-174658">aussi majeur que nous l’imaginons</a>.</p>
<p>Par ailleurs, si une partie significative des tourteaux est exportée depuis l’État du Mato Grosso (qui se trouve écologiquement situé dans le <em>cerrado</em> et en Amazonie), plus de la moitié provient du sud du Brésil (États du Paraná, Rio Grande do Sul et Paraná), qui ne sont pas des zones de déforestation. Le Brésil peut donc très aisément fournir l’UE en produits correspondant à ses critères, provenant du sud du pays, tout en fournissant ce qu’il produit en Amazonie à la Chine ou à d’autres pays qui n’ont pas les mêmes critères écologiques.</p>
<p>Basé sur ces chiffres, on peut s’interroger sur la possibilité que la législation européenne, aussi dissuasive qu’elle soit au vu des sanctions envisagées, puisse réellement changer la donne en Amazonie ou au Brésil d’une manière générale, d’autant que si l’on a parlé ici de la possibilité de trouver des marchés alternatifs à l’international, il y a aussi la possibilité de concentrer les productions à bas standards écologiques pour le marché interne (notamment la viande) et de réserver les produits avec des standards (et une qualité) plus élevés pour l’exportation.</p>
<h2>Une question de méthode</h2>
<p>L’Union européenne considère que sa législation fera figure d’exemple et qu’elle sera peu à peu reprise dans d’autres pays. Mais on peut questionner cet aspect en fonction de la philosophie sous-jacente.</p>
<p>En effet, l’UE considère qu’elle peut définir à la place des États ce qu’ils devraient faire ou non de leur espace naturel, y compris en l’observant à distance pour mener ses contrôles.</p>
<p>Vu la manière dont elle est pointilleuse sur les questions de sa propre souveraineté, il n’est pas très probable que la Chine nous emboîte le pas sur ce chemin. Le risque est donc que nous, consommateurs européens, puissions nous targuer de consommer en étant écologiquement corrects sans changer grand-chose à la situation globale puisque les marchés les plus importants des produits qui motivent la déforestation se trouvent en dehors de l’UE (tout au moins s’agissant du Brésil).</p>
<h2>Deux angles morts</h2>
<p>Redisons-le, la lutte contre la déforestation est légitime et nécessaire et la responsabilisation des citoyens européens est bienvenue. Deux angles morts semblent néanmoins pouvoir être soulignés ici.</p>
<p>Le premier est qu’il serait beaucoup plus convainquant pour le reste du monde de voir l’Europe proposer un nouveau modèle social ou culturel reposant sur la diminution de la consommation (la désormais incontournable sobriété) plutôt que de fixer des conditions à une consommation toujours plus grande par ses citoyens de produits qui ont un fort impact sur l’environnement (la viande notamment).</p>
<p>Le second est que, dans le système économique et écologique actuel, les parcelles en végétation naturelle ne rapportent rien, alors qu’une fois converties en espaces agricoles elles produisent des revenus pour leurs propriétaires (tout en ayant un coût environnemental faramineux payé par tous, bien sûr).</p>
<p>Ce n’est pas par haine des arbres que les fermiers brésiliens déboisent, mais parce que cela a du sens sur le plan économique. Inverser cela par des politiques ambitieuses de paiement <a href="https://shs.hal.science/hal-03800663/">pour services environnementaux</a> serait sans doute le moyen le plus efficace pour limiter drastiquement la déforestation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197072/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François-Michel Le Tourneau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’Union européenne souhaite bannir de ses importations les produits qui seraient issus de zones déforestées. Une initiative ambitieuse qui n’échappe pas aux difficultés du terrain.François-Michel Le Tourneau, Géographe, directeur de recherche au CNRS, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1971022022-12-30T10:18:25Z2022-12-30T10:18:25ZPelé, première et plus grande superstar mondiale<p>Pelé, la première superstar mondiale du football, <a href="https://www.cnn.com/2022/12/29/football/brazil-pele-soccer-died-intl-latam-spt/index.html">vient de mourir à l’âge de 82 ans</a>. Pour de nombreux fans, le Brésilien restera dans les mémoires comme le <a href="https://www.dailymail.co.uk/sport/football/article-9143969/Why-Pele-GREATEST-footballer-time.html">meilleur joueur de football de tous les temps</a> et, qui plus est, le symbole ultime d’un football pratiqué avec passion, enthousiasme et sourire. L’image du football qu’il a largement contribué à forger constitue, aujourd’hui encore, un idéal aux yeux de la plupart des amoureux de ce sport.</p>
<p>Pelé n’était pas seulement un grand joueur et un merveilleux <a href="https://www.fifa.com/fifaplus/en/articles/pele-o-rei-brazil-king-football-world-cup-obituary">ambassadeur du jeu la plus pratiqué sur la planète</a> ; il était aussi une icône culturelle. Il reste, pour le grand public, l’incarnation d’une forme de pureté du football d’antan, vu comme ayant été bien moins parasité que celui d’aujourd’hui par l’argent et les enjeux géopolitiques.</p>
<p>La notoriété planétaire de la légende Pelé a été illustrée par la pluie d’hommages qui lui ont été rendus de par le monde, de <a href="https://www.manutd.com/en/news/detail/man-utd-saddened-by-the-death-of-brazil-and-football-icon-pele">Sir Bobby Charlton, vainqueur avec l’Angleterre de la Coupe du monde en 1966</a> à l’actuelle <a href="https://www.dailymail.co.uk/sport/football/article-11583331/Sir-Geoff-Hurst-calls-Pele-best-footballer-played-against.html">superstar française Kylian Mbappé</a>, en passant par d’innombrables personnalités n’appartenant pas au monde du sport, dont <a href="https://www.ndtv.com/world-news/thank-you-pele-brazils-lula-pays-tribute-to-football-icon-3649524">Luiz Inácio Lula da Silva</a> – l’ancien et nouveau président du Brésil – et l’ancien président américain <a href="https://twitter.com/barackobama/status/1608562412323762176">Barack Obama</a>.</p>
<h2>Une vie à Santos</h2>
<p>Pelé est né Edson Arantes do Nascimento dans l’État de Sao Paolo, au Brésil, en 1940. Ses premières années ont été les mêmes que celles de nombreux joueurs de football qui l’avaient précédé et d’innombrables autres qui l’ont suivi et se sont inspirés de lui : <a href="https://www.sportscasting.com/pele-was-so-poor-growing-up-that-he-played-soccer-with-a-rolled-up-sock/">né dans la pauvreté</a>, il a été initié au football par un membre de sa famille, puis est devenu obsédé par un sport qui lui a appris la vie et lui a offert un horizon.</p>
<p>En 1953, il signe pour l’équipe de jeunes d’un club local, Bauru. Mais c’est son premier club professionnel, Santos, qui propulsera Pelé vers la célébrité. Arrivé en 1956, il y <a href="https://www.sportingnews.com/us/soccer/news/most-goals-scored-history-pele-record/ahu4qhrmwpbl0pa1jtsqtqyf">disputera 636 matchs, marquant 618 buts</a> avant de le quitter en 1974, quand son immense carrière touche à sa fin. Pelé aura été, 18 ans durant, le cœur battant de l’équipe, et un grand fidèle de son club presque unique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/502738/original/file-20221229-20-tn6tqf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/502738/original/file-20221229-20-tn6tqf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/502738/original/file-20221229-20-tn6tqf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/502738/original/file-20221229-20-tn6tqf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/502738/original/file-20221229-20-tn6tqf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/502738/original/file-20221229-20-tn6tqf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/502738/original/file-20221229-20-tn6tqf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pelé à la Coupe du Monde 1958.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/brazilian-footballer-pele-playing-for-brazil-circa-1958-news-photo/496570815?phrase=pele&adppopup=true">Pictorial Parade/Archive Photos/Getty Images</a></span>
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<p>Bien avant les exploits des stars actuelles Cristiano Ronaldo ou Erling Haaland, Pelé a marqué des buts qui l’ont distingué des autres joueurs de son entourage. De même, il a fait preuve d’une habileté qui, aujourd’hui encore, amène certains observateurs du jeu à placer le Brésilien devant les autres prétendants au titre de plus grand joueur de tous les temps, tels les Argentins <a href="https://www.cnn.com/2022/12/21/football/pep-guardiola-lionel-messi-greatest-of-all-time-spt-intl/index.Html">Lionel Messi</a> et <a href="https://www.nytimes.com/2020/11/25/sports/soccer/diego-maradona-dead.html">Diego Maradona</a>.</p>
<p>Moins d’un an après avoir signé à Santos, trois mois avant son 17<sup>e</sup> anniversaire, Pelé effectue ses débuts en sélection nationale avec le Brésil, contre l’Argentine. Ce jour-là, il marque. 65 ans plus tard, il reste le plus jeune buteur de l’histoire de l’équipe nationale brésilienne.</p>
<p>Un an plus tard, en 1958, alors qu’il a moins de 18 ans, il <a href="https://www.foxsports.com.au/football/nobody-was-expecting-it-how-17yo-pele-silenced-doubters-at-wc-as-greatness-loomed/news-story/a0857634d2d28dba92a60315aa4b036b">joue un rôle majeur dans la conquête par le Brésil de la Coupe du monde</a> en Suède. Un trophée qu’il remportera <a href="https://www.cnbc.com/2022/12/29/pel-brazilian-soccer-star-dies-at-age-82.html">à nouveau en 1962</a>, au Chili, et encore une fois en 1970 au Mexique. Aucun autre joueur au monde n’a gagné la Coupe du Monde à trois reprises.</p>
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<p>Au final, Pelé a joué 92 fois pour le Brésil, marquant 77 buts – un record, là aussi, que vient d’égaler Neymar… mais en 124 matchs. Ajoutons que, en plus de ses exploits en équipe nationale, Pelé a remporté pour son club six titres de champion du Brésil et deux titres de champion d’Amérique du Sud.</p>
<h2>Les années Cosmos</h2>
<p>En 1975, celui qui est surnommé « Le Roi » sort de sa semi-retraite pour rejoindre le <a href="https://www.nycosmos.com/news/2022/12/29/the-new-york-cosmos-mourn-the-loss-of-legendary-pel">New York Cosmos</a>, qui évolue dans la North American Soccer League. À 35 ans passés, il parvient tout de même à marquer 37 buts en 64 matchs. Certains observateurs estiment que son bref passage aux États-Unis a <a href="https://www.reuters.com/lifestyle/sports/pele-brought-glamour-goals-big-apple-2022-12-29/">joué un rôle déterminant dans l’intérêt du pays pour le football</a>.</p>
<p>Depuis, les États-Unis ont organisé la Coupe du Monde 1994, coorganiseront avec le Canada et le Mexique celle de 2026, et sont devenus l’un des pays du monde qui comptent le <a href="https://www.les-transferts.com/etranger/les-pays-les-plus-fous-de-foot-84863.html">plus grand nombre de personnes licenciées dans un club de football</a>.</p>
<h2>Fonctions officielles et hommages</h2>
<p>Après sa retraite, Pelé a été vénéré, adoré et est resté influent. Il a été nommé <a href="https://www.20minutes.fr/sport/4016753-20221230-mort-pele-fifa-salue-memoire-immortel">Joueur du XXᵉ siècle de la FIFA</a>, une récompense qu’il a partagée avec Maradona. En 2014, il a reçu le tout premier Ballon d’Or de la FIFA, le <a href="https://fansided.com/2014/01/13/fifa-ballon-dor-2013-pele-wins-fifa-ballon-dor-prix-dhonneur">Prix d’Honneur</a>, et même <a href="https://sports.ndtv.com/football/nelson-mandela-was-my-hero-says-brazilian-football-legend-pele-1526374">Nelson Mandela</a> a chanté ses louanges en lui remettant le Laureus Lifetime Achievement Award, en 2000. Sans oublier son passage en tant que ministre des Sports du Brésil de 1995 à 1998.</p>
<p>Le talent de Pelé n’a jamais été mis en doute. Pourtant, l’homme a aussi en quelque sorte bénéficié du fait qu’il a joué à une époque où le football sortait de l’ombre des conflits mondiaux, où le monde avait besoin de symboles d’espoir et de héros sportifs. Le Brésilien a pu servir cet objectif, à une époque où la télévision – d’abord en noir et blanc, puis en couleur – a amené le football directement dans les salons des gens. À l’époque, Pelé, rendu mondialement consommable par cette nouvelle technologie, était à la fois Messi, Ronaldo et Mbappé.</p>
<p>Inévitablement, la longue vie de Pelé n’a pas été dénuée de problèmes : ses activités commerciales ont parfois été entachées de controverse ; à un moment donné, il a été étiqueté comme un <a href="https://www.esquire.com/entertainment/movies/a35584634/pele-documentary-politics-ben-nicholas-david-tryhorn-interview/">antagoniste de gauche</a> du gouvernement brésilien, avant d’être jugé plus tard comme étant trop conservateur dans ses opinions sur la dictature brésilienne. Il a eu de nombreux enfants – certains issus de liaisons extramaritales – et l’un de ses fils, Edinho, a été <a href="https://www.sportscasting.com/pele-still-believes-in-his-son-despite-his-nearly-13-year-prison-sentence-for-drug-trafficking/">envoyé en prison</a> pour avoir blanchi de l’argent provenant du trafic de drogue.</p>
<p>Mais le souvenir le plus marquant qui restera de lui est celui d’un homme qui jouait au football d’une manière dont la plupart d’entre nous – amateurs comme professionnels – ne pouvaient que rêver. Pelé n’était pas seulement d’une habileté incomparable, il a également apporté une grande joie à d’innombrables personnes à travers le monde, pendant plusieurs décennies. Tous ceux qui s’intéressent un tant soit peu à ce sport ne l’oublieront jamais.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197102/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Simon Chadwick ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>« Le Roi » est devenu la première icône planétaire grâce à l’essor mondial de la télévision durant sa brillante carrière. Il reste probablement à ce jour le sportif le plus célèbre de tous les temps.Simon Chadwick, Professor of Sport and Geopolitical Economy, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1970902022-12-29T17:43:08Z2022-12-29T17:43:08ZVins « pétillants », « mousseux », « effervescents »… Sait-on bien de quoi l’on parle ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/502730/original/file-20221229-162621-t9wbkl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C8%2C5340%2C3557&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Trinquer à la nouvelle année ne se fera pas avec n’importe quoi.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Parmi les incontournables du réveillon de la Saint-Sylvestre et du passage à la nouvelle année, le champagne tient une place de choix. On le sabre entre amis, on le <a href="https://www.europe1.fr/societe/reveillon-du-nouvel-an-on-vient-de-lyon-pour-boire-le-champagne-sur-les-champs-elysees-3940472">partage avec des inconnus sur les Champs-Élysées</a> ou on le déguste quasi religieusement en tête à tête dans une ambiance plus intimiste. Bref, on l’associe inévitablement et sans forcément en être conscient à des circonstances de dégustation particulières, construites par nous ou héritées, et qui nous feront réserver la meilleure de nos bouteilles pour tel évènement. Mais qui du produit ou des circonstances de dégustation impose l’autre ?</p>
<p>Dans le même temps, d’autres circonstances, plus économiques, <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03814793/">marketing</a> et parfois identitaires ou culturelles, s’imposent elles aussi. Le champagne n’est plus seul dans les rayons. Il y côtoie en premier lieu les crémants français, mais aussi toute une kyrielle de vins effervescents étrangers : les <em>cavas</em> espagnols, les <em>proseccos</em> italiens ou encore, plus récemment, les <em>espumantes</em> brésiliens pour ne citer que quelques exemples latins.</p>
<p>Dans ce contexte relevant du domaine du <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-03546887v1">sensoriel</a>, un regard porté sur les <a href="https://shs.hal.science/halshs-03914400">mots et les discours</a> des professionnels des filières et sur ceux des consommateurs se révèle riche d’enseignements. Comme souvent dans l’industrie agro-alimentaire, comme en parfumerie, les mots utilisés et les discours construits autour des produits visés disent bien souvent plus sur celles et ceux qui les utilisent, leurs représentations, les évaluations conscientes (ou non) auxquelles ils se livrent, que sur les produits eux-mêmes.</p>
<h2>Quand la sémantique prend le pas sur la technique</h2>
<p>Comme fréquemment dans le domaine des vins et spiritueux, le point de départ se veut on ne peut plus « objectif ». Dans le secteur, on renverra par exemple à des phénomènes de pression de gaz carbonique. Des désignations, des <a href="https://shs.hal.science/view/index/identifiant/halshs-01887219">« termes »</a> comme disent les linguistes, correspondent à une réalité précise et une seule. Le tout est circonscrit techniquement dans les textes règlementaires.</p>
<p>« <a href="https://institut-agro-dijon.hal.science/view/index/identifiant/hal-02407386">Effervescent</a> », recouvre ainsi l’ensemble de vins contenant du gaz carbonique et les professionnels procèdent ensuite à une subdivision en trois grandes sous-catégories selon la pression et la concentration en dioxyde de carbone. Dans l’ordre croissant de ces paramètres, on retrouve ainsi les vins « perlants », les vins « pétillants » et les vins « mousseux ».</p>
<p><iframe id="PhoqP" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/PhoqP/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Il s’agit là de distinctions indispensables notamment au <a href="https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2013:347:0671:0854:fr:PDF">niveau juridique</a> : il s’agit de garantir au consommateur la qualité d’un produit, la pérennité d’un savoir-faire et la singularité d’une filière. Le débat récent sur l’utilisation de la désignation « Champagne » pour des <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/marne/champagne-fin-de-l-appellation-en-russie-depuis-le-1er-janvier-le-dialogue-se-poursuit-2399827.html">effervescents russes</a> a été l’occasion de le rappeler : car bien vite, la sémantique prend le pas sur la technique.</p>
<p>Il suffit en effet de poser son micro ou sa caméra là où vont sauter les bouchons le 31 décembre ou le 1<sup>er</sup> janvier pour se rendre compte que nos <a href="https://shs.hal.science/halshs-01236117">représentations</a> ne s’encombrent pas de ces nomenclatures de sciences physiques pour employer tous ces termes. Seul « perlant », peut-être, n’appartient encore qu’au lexique expert.</p>
<p>« Pétillant » et « effervescent » ont de leur côté vu leur sens, en usage, évoluer pour devenir des mots ne disant finalement plus grand-chose d’autre que « vins (de qualité) avec des bulles ». « Mousseux », pourtant « neutre » dans sa définition légale, prend lui une connotation plutôt négative auprès du consommateur. Dans un tel contexte, le terme technique a intérêt à rester circonscrit aux seuls professionnels. Nos <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-01806309">recherches</a> montrent ainsi comment le « Bourgogne mousseux » a été renommé avec efficacité « Crémant de Bourgogne » pour accompagner une montée en gamme du produit.</p>
<h2>Et le goût ?</h2>
<p>Partant de données produites en conditions contrôlées avec de larges panels de consommateurs et d’experts, nos travaux des dernières années ont croisé des questionnaires déconnectés de toute situation de dégustation avec des questionnaires remplis en cours de dégustation. On voit ainsi se dessiner ce qui, pour les panels français interrogés, constitue le <a href="https://shs.hal.science/halshs-01839256/">prototype</a> du vin effervescent.</p>
<p>Que le meilleur représentant de la catégorie des effervescents soit le « champagne » n’est pas une révélation, et ce n’est pas non plus l’aspect le plus intéressant. Ce qui retient l’attention, ce sont les composantes en quelque sorte scénarisées de ce prototype au premier lieu desquelles les circonstances de consommation, quasi exclusivement festives.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/502731/original/file-20221229-120640-m5ztgk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/502731/original/file-20221229-120640-m5ztgk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/502731/original/file-20221229-120640-m5ztgk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/502731/original/file-20221229-120640-m5ztgk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/502731/original/file-20221229-120640-m5ztgk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/502731/original/file-20221229-120640-m5ztgk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/502731/original/file-20221229-120640-m5ztgk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/502731/original/file-20221229-120640-m5ztgk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les <em>cavas</em> espagnols et autres <em>espumantes</em> brésiliens se retrouvent aujourd’hui sur nos rayons.</span>
<span class="attribution"><span class="source">graydaiiz/pxhere</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>D’autres composantes retiennent tout autant l’attention : le prix et la représentation sociale correspondant au fait de dépenser telle somme pour une bouteille, les univers associés de raffinement, de finesse et d’élégance, ainsi que la valorisation du savoir-faire, de la tradition, du <a href="https://hal-univ-bourgogne.archives-ouvertes.fr/TIL/halshs-03573492v1">terroir</a>.</p>
<p>Finalement, l’amateur du goût serait presque déçu que les aspects strictement sensoriels s’effacent dans les réponses des enquêtés au profit de ces univers de représentations. L’appréciation se fera d’ailleurs souvent par rapport à ce que l’on pense connaître du champagne :</p>
<blockquote>
<p>« Finalement, entre ça et un mauvais champagne au même prix… »</p>
</blockquote>
<h2>De la prise de mousse à la « tomada de espuma »</h2>
<p>Parmi les concurrents internationaux sur le segment des effervescents, notre attention s’est focalisée sur le marché émergent des <a href="https://shs.hal.science/halshs-02285722"><em>espumantes</em> brésiliens</a>. A Rio ou à Sao Paulo, la dimension expérientielle produira aussi une terminologie plutôt spontanée à partir de termes techniques détournés chez les Brésiliens : « refrescante », « <em>suave</em> », « perlage »…</p>
<p>La dimension objective y prend cependant plus de place, notamment dans le discours expert. Presque paradoxalement, le recours à la terminologie française se fait de manière plus massive que dans l’hexagone. Cela se traduit par des emprunts et des tentatives de traduction : la « prise de mousse » est ainsi calquée en « tomada de espuma ».</p>
<p>C’est donc la <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03379797/">langue française qui servirait de « modèle »</a> pour en parler. Et ce rôle de la terminologie française du champagne ne saurait être déconnecté de la réalité cognitive qu’est le prototype « Champagne », par-delà les langues et les cultures. Au Brésil, le terme connaît un usage commun et ce n’est que très récemment que le pays a reconnu l’Appellation d’Origine Contrôlée, en 2012. Le pionnier dans la production d’effervescents, la maison <a href="https://avis-vin.lefigaro.fr/vins-du-monde/carnet-de-voyage/o119407-le-bresil-promis-a-un-avenir-petillant">Peterlongo</a>, peut d’ailleurs encore, et légalement, appeler certains de ses produits « Champagne ».</p>
<hr>
<p><em>L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération. L’alcool ne doit pas être consommé par des femmes enceintes</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197090/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Matthieu Bach est membre de SATT SAYENS. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laurent Gautier et Mariele Mancebo ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Ces termes, qui renvoient à l’origine à des grandeurs mesurables, disent peut-être aujourd’hui plus des circonstances de dégustation, d’un Nouvel An par exemple.Laurent Gautier, Professeur des Universités en linguistique allemande et appliquée, Université de Bourgogne – UBFCMariele Mancebo, Docteure en Sciences du Langage, Université de Bourgogne – UBFCMatthieu Bach, Docteur en Etudes Germaniques, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1963512022-12-26T17:48:27Z2022-12-26T17:48:27ZLa tête du dictateur, ça compte pour les investisseurs !<p>Qu’est-ce qui motive une entreprise à investir dans un pays étranger ? De nombreuses études économiques ont identifié un grand nombre de <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/jel.48.3.642&ArticleSearch%5Bwithin%5D%5Barticletitle%5D=1&ArticleSearch%5Bwithin%5D%5Barticleabstract%5D=1&ArticleSearch%5Bq%5D=FDI&JelClass%5Bvalue%5D=0&journal=2&from=j">déterminants</a> à ce que l’on appelle les investissements directs à l’étranger ou IDE. Ces mouvements internationaux de capitaux pour créer ou contrôler une entreprise à l’étranger sont souvent liés aux caractéristiques du pays récipiendaire : le niveau de la demande dans le secteur d’activité, le taux d’inflation, le cadre juridique, ou bien encore le régime qui organise l'État.</p>
<p>Un élément fondamental pour investir dans un pays est en effet le <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10290-011-0103-0">risque politique</a> qui correspond à toute possible interférence des autorités comme des oppositions affectant les rendements de l’investissement. Investir dans un pays étranger n’est pas une décision rapidement réversible (en partir présente un coût), et l’investisseur doit dès lors prendre en compte dans sa décision la probabilité de faire les frais d’une décision politique remettant en cause ses projets.</p>
<p>Expropriation pure et simple, vente forcée, mise en place d’impôts confiscatoires, ce risque peut prendre de nombreuses formes. Il comprend également les changements soudains dans la politique macroéconomique comme la dévaluation, les restrictions sur les mouvements de capitaux, ou encore les politiques économiques erratiques qui affectent négativement les rendements de l’investissement. Tout cela explique pourquoi les démocraties attirent beaucoup plus d’IDE que les dictatures : elles disposent de <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1017/S0022381608081048">mécanismes institutionnels</a> qui limitent les interférences politiques des dirigeants dans l’économie et qui garantissent une certaine stabilité des politiques.</p>
<p>Mais au sein des dictatures, que peuvent faire les investisseurs pour évaluer ce risque politique ? Ils utilisent en fait l’ensemble des rares informations publiques qui sont à leur disposition pour mener à bien cette évaluation. Dans une <a href="https://doi.org/10.1016/j.leaqua.2022.101644">étude</a> récente, nous étudions si les caractéristiques faciales des dirigeants non-démocratiques en font partie.</p>
<h2>Dictateurs compétents ?</h2>
<p>L’hypothèse repose sur un double constat. D’une part, dans les dictatures, les caractéristiques personnelles des dirigeants prennent une importance particulière dans les décisions prises du fait de leur plus grand pouvoir discrétionnaire. Ces caractéristiques sont de surcroît une information publique disponible à tous et à moindre coût.</p>
<p>D’autre part, de nombreuses études ont prouvé que les <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.1110589">stéréotypes</a> sur les visages jouaient un rôle dans les décisions économiques et politiques, que ces impressions sont <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022103109003084">tenaces</a> bien qu’elles soient en général <a href="https://www.annualreviews.org/doi/10.1146/annurev-psych-113011-143831">erronées</a>. Dans des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/106591290605900202">expériences</a> menées en laboratoire, on s’aperçoit que les individus transfèrent plus facilement de l’argent aux individus dont les visages « inspirent <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0010028510000150">confiance</a> ». Il a également été montré qu’un visage associé à de « la compétence » a de plus grandes chances d’<a href="https://academic.oup.com/rfs/article-abstract/25/8/2455/1570804?redirectedFrom=fulltext">obtenir un prêt</a> sur les plates-formes en ligne. En politique, cette caractéristique présumée <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.1110589">augmente les chances d’être élu</a>.</p>
<p>Confiance et compétence, les entreprises investissent-elles plus dans les pays aux dictateurs associés à ces caractéristiques ? L’hypothèse est que les investisseurs s’attendraient à ce qu’un leader qui inspire confiance revienne moins facilement sur ses engagements passés (comme l’acceptation sur son sol d’entreprises étrangères) et qu'ils associeraient compétence avec meilleures politiques économiques.</p>
<h2>Pas dignes de confiance</h2>
<p>Notre étude porte sur 276 dictateurs en place à travers le monde de 1975 à 2010. Nous avons collecté et neutralisé leur photo et fait un sondage en ligne sur un échantillon international de répondants afin d’évaluer comment leurs visages étaient perçus en termes de compétence et de confiance. Il ressort que le dictateur dont le visage inspire le plus la compétence est Erich Honecker, l’ancien leader est-allemand, et celui qui inspire le plus la confiance est Ernesto Geisel, dictateur brésilien des années 1970.</p>
<p>Statistiquement, il apparaît que la compétence qu’inspire un dirigeant joue en moyenne un rôle positif sur les IDE que reçoit son pays durant son règne. Ce résultat semble en accord avec l’idée que les investisseurs sont sensibles aux signaux publiquement disponibles sur les leaders comme leur niveau d’éducation. Dans une <a href="https://doi.org/10.1016/j.jce.2019.11.006">étude</a> précédente, nous avions ainsi montré qu’un dictateur plus éduqué attire plus d’IDE dans son pays.</p>
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<p>En revanche, nous montrons que la confiance qu’inspire un dirigeant ne contribue pas à attirer les IDE. Ce second résultat est plus difficile à interpréter. Une explication possible est que la confiance inspirée par le visage est à double tranchant. Elle peut signaler la difficulté des dirigeants à mettre en place des politiques impopulaires auprès de leurs soutiens politiques. Le dirigeant peut en effet autant être perçu comme moins capable de revenir sur ses engagements auprès des investisseurs étrangers que sur ceux pris auprès des soutiens locaux. Ce dernier point peut ainsi être perçu négativement par les investisseurs étrangers qui sont en concurrence avec les entreprises du pays.</p>
<p>Que conclure donc de notre étude ? D’une part, que les investisseurs internationaux sont des êtres humains comme les autres : le visage des dirigeants influence leur choix de localisation des investissements, même si l’on sait que cette impression n’est pas corrélée avec les véritables traits des leaders. D’autre part, que si un pays souhaite attirer des IDE, quitte à avoir un dictateur, mieux vaut en avoir un dont le visage inspire la compétence.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196351/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Statistiquement, il apparaît que davantage d'investissement est réalisé dans les pays non démocratiques dont le leader a un visage qui semble plus compétent.Laurent Weill, Professeur d'Economie et de Finance, Université de StrasbourgAbel François, Professeur de sciences économiques, Université de LilleSophie Panel, Docteur en science politique, Sciences Po GrenobleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1954662022-12-05T19:05:24Z2022-12-05T19:05:24ZBiodiversité : du Népal au Brésil, les grands prédateurs menacés par les projets routiers<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/497669/original/file-20221128-26-706nkr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=69%2C52%2C1528%2C1080&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Parmi les espèces de grands prédateurs étudiées, l’ours paresseux est l’espèce la plus menacée par les projets d'infrastructures routières.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ours_lippu#/media/Fichier:Sloth_Bear_Washington_DC.JPG">Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’expansion mondiale des réseaux routiers contribue fortement au déclin de la biodiversité et menace notamment la conservation des grands prédateurs, avec de nombreuses retombées liées à leur impact sur le fonctionnement des écosystèmes qu’ils occupent. Et ces effets ne se limitent pas aux collisions provoquées par les véhicules heurtant des animaux…</p>
<p>La fragmentation ou la perte de leur habitat, la réduction de la connectivité génétique causée par les barrières physiques et l’augmentation du braconnage facilitée par l’accès à l’habitat faunique représentent les plus grandes menaces routières <a href="https://doi.org/10.1002/9781118568170.ch1">pour les grands prédateurs</a>. Elles concernent en particulier les <a href="https://doi.org/10.3390/ijgi7090365">routes existantes et prévues au Népal</a>, <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1910853117">au Brésil</a> et en <a href="https://doi.org/10.1016/j.cub.2015.10.046">Afrique</a>. Ces voies donnent également accès à la faune aux bûcherons illégaux, aux accapareurs de terres et aux trafiquants d’espèces sauvages.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1038/s41598-022-05294-9">Nous avons examiné</a> l’impact des routes sur 36 espèces de grands prédateurs en fonction de leur risque d’exposition et de leur vulnérabilité – tous les animaux considérés sont des mammifères terrestres non herbivores dont la masse corporelle moyenne est supérieure à 13 kg, ou des espèces sous ce seuil mais qui sont les principaux prédateurs de leurs écosystèmes.</p>
<h2>L’ours paresseux en première ligne</h2>
<p>Notre travail révèle la vulnérabilité particulière des grands prédateurs aux collisions avec des véhicules, en raison de leur vaste domaine vital, qui nécessite des déplacements sur les routes et de la petite taille de la population de l’espèce. Entre 1990 et 2020, 229 collisions avec des véhicules fauniques <a href="https://doi.org/10.1038/s41598-022-05294-9">ont ainsi été documentées pour le lynx ibérique</a>.</p>
<p>Les prédateurs à grande mobilité comme les chats sauvages sont aussi très sensibles à la consanguinité génétique, les ocelots du sud du Texas souffrant d’une diversité génétique extrêmement faible en raison de développements routiers importants.</p>
<p>Parmi les dix espèces les plus à risque, huit se trouvent en Asie. Celles présentes dans les Amériques, en Afrique ou en Europe sont également affectées. L’ours paresseux est le grand prédateur de l’étude le plus à risque, suivi du tigre et du dhole.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/497682/original/file-20221128-19-twv0lh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Timothy A. Gonsalves/Wikimedia" src="https://images.theconversation.com/files/497682/original/file-20221128-19-twv0lh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/497682/original/file-20221128-19-twv0lh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/497682/original/file-20221128-19-twv0lh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/497682/original/file-20221128-19-twv0lh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/497682/original/file-20221128-19-twv0lh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/497682/original/file-20221128-19-twv0lh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/497682/original/file-20221128-19-twv0lh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le dhole, ou chien sauvage d’Asie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dhole#/media/Fichier:Dhole_Standing_Mudumalai_Sep22_A7C_02779.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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</figure>
<h2>500 aires protégées bientôt coupées</h2>
<p>Pour aller plus loin, nous proposons une méthode reproductible pour évaluer l’impact des développements routiers. Nous l’avons appliqué aux développements envisagés dans trois régions : l’Amazonie brésilienne, le long de l’autoroute postale du Népal et sur tout le continent africain.</p>
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<p>Sur les segments de routes à fort impact, les résultats estiment qu’environ 500 aires protégées seront coupées, mettant en péril la survie des grands prédateurs, leurs habitats et les services écosystémiques qu’ils fournissent aux communautés humaines.</p>
<p>Au Népal par exemple, au moins 5000 km d’autoroutes sont en construction et les travaux ont également commencé sur le chemin de fer est-ouest de 1000 km. S’ils sont construits, ces projets d’infrastructures traverseront les habitats de plusieurs espèces menacées.</p>
<h2>25 millions de km de routes d’ici à 2050</h2>
<p>Les infrastructures de transport actuelles, avec plus de 25 millions de kilomètres de routes à construire dans le monde d’ici à 2050 dont <a href="https://www.gtkp.com/assets/uploads/20130607-141213-7336-TransportInfrastructureInsights_FINAL_WEB.pdf">environ 90 % dans les pays en développement</a>, et l’expansion mondiale prévue des réseaux routiers, dans des régions riches en biodiversité ont et continueront de couper considérablement les connexions. L’impact sévère sur les grands prédateurs va donc s’accélérer.</p>
<p>À titre d’exemple, le <a href="https://www.maxisciences.com/route/tracer-une-route-a-travers-le-serengeti-un-projet-controverse_art10435.html">développement prévu dans le parc national du Serengeti</a> en Tanzanie devrait dévaster l’une des plus grandes migrations d’animaux au monde, provoquant un effet domino sur les populations saines de grands prédateurs.</p>
<p>Alors que le Népal a été salué ces dernières semaines comme une réussite pour le rétablissement du tigre, les développements routiers du pays diviseront les bastions de l’espèce et menaceront d’inverser les progrès incroyables réalisés pour sauver les 4 500 derniers tigres sauvages de l’extinction.</p>
<h2>Mieux. planifier le développement routier</h2>
<p>Dans ce contexte, il semble indispensable pour préserver ces espèces de mener une planification méticuleuse du développement routier qui tienne compte de la faune et soit associée à des mesures d’atténuation des menaces efficaces comme des passages à niveau, des clôtures en bordure de route servant d’entonnoirs pour la faune, l’évitement de la route en construction dans des zones protégées ou encore des remparts empêchant l’accès aux prédateurs. Le fonctionnement de nombreux écosystèmes de la planète dépend de ces grands prédateurs et détermine la santé et la survie de communautés humaines.</p>
<p>Des mesures vont petit à petit en ce sens. Les scientifiques maintiennent l’importance des comités de planification routière intégrant les voix de toutes les parties prenantes, y compris les communautés locales, les scientifiques de la conservation et les représentants du gouvernement. De même, les bailleurs de fonds du développement sont encouragés à intégrer davantage l’atténuation des menaces routières dans leurs accords de financement, en veillant à ce que l’objectif ultime d’aucune perte nette de biodiversité soit maintenu tout au long du processus de développement.</p>
<p>Si nous voulons préserver la présence de grands prédateurs sauvages, souvent emblématiques, comme les loups de l’Himalaya, les léopards nébuleux, les hyènes rayées, les léopards, les tigres, les dholes et les ours paresseux… il apparaît urgent de leur laisser de la place avant qu’il ne soit trop tard.</p>
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<p><em>Cet article est le fruit d’une collaboration entre des jeunes diplômés d’un master international en écologie appliquée vivant dans différentes régions du monde et soucieux de l’impact de l’homme sur l’environnement et la biodiversité.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195466/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Freddie-Jeanne Richard a reçu des financements de la Commission européenne via le programme Erasmus Mundus Master Course - International Master in Applied Ecology (EMMC - IMAE) (FPA 2023 - 0224 /532524-1-FR-2012-1-ERA MUNDUS -EMMC)</span></em></p>La construction d’infrastructures routières, notamment dans les pays en voie de développement, a des conséquences dramatiques sur les grands prédateurs.Freddie-Jeanne Richard, Enseignante chercheuse en écologie et comportement des invertébrés, Université de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1949762022-11-27T15:57:51Z2022-11-27T15:57:51ZLula à la COP27 : le retour du Brésil… et celui des grands espoirs internationaux ?<p>Le 30 octobre dernier, la victoire de Lula à la présidentielle brésilienne a suscité de nombreux espoirs légitimes pour l’avenir de l’Amazonie, région soumise à une <a href="https://www.novethic.fr/actualite/environnement/agriculture/isr-rse/la-deforestation-en-amazonie-augmente-sous-le-mandat-de-bolsonaro-150330.html">féroce déforestation lors du mandat de Jair Bolsonaro</a> (2018-2022). Dans son <a href="https://blogs.mediapart.fr/elsasereia/blog/011122/discours-de-lula-30-octobre-2022">discours de victoire</a>, le vainqueur ne manqua pas de rappeler son objectif de « zéro déforestation », l’une des grandes priorités de son mandat.</p>
<p>Deux semaines plus tard, il participait à la COP27 en Égypte. Premier test politique grandeur nature, survenant avant même son investiture (qui aura lieu le 1<sup>er</sup> janvier prochain), ce sommet apparaissait comme un catalyseur d’espérances nationales et internationales, et une sorte de carte de visite de son futur mandat. Un test validé en partie aux yeux de l’opinion publique internationale.</p>
<h2>Un discours historique fruit d’un contexte incandescent</h2>
<p>« Il n’y aura pas de sécurité climatique dans le monde sans une Amazonie protégée », <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/cop/climat-a-la-cop27-lula-redonne-espoir-aux-defenseurs-de-l-amazonie_5480994.html">a déclaré Lula</a> devant une salle enthousiaste.</p>
<p>Dans le fond, il a livré un discours assez prévisible et en cohérence avec les propos qu’il a tenus par le passé aux différentes autres COP, auxquelles il a participé durant ses deux premiers mandats (2003-2011). Mais le contexte rend le moment véritablement historique.</p>
<p>Après quatre ans de Bolsonaro, période marquée par des destructions multiples, spécialement dans le domaine environnemental, le discours de Lula marque une césure importante. Plusieurs marqueurs montrent d’ailleurs une recherche de cette césure, notamment la construction symbolique d’un « nouveau départ ». Par exemple, l’annonce de la <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2022/11/14/vers-la-creation-dun-ministere-des-peuples-autochtones-au-bresil/">création d’un ministère aux « peuples premiers »</a>. Marina Silva, son alliée prioritaire dans cette lutte et ancienne ministre de l’Environnement (2003-2008), a <a href="https://oglobo.globo.com/mundo/noticia/2022/11/momento-e-de-reconstrucao-pos-guerra-de-bolsonaro-com-o-meio-ambiente-diz-marina-silva-na-cop27.ghtml">insisté sur cette même idée avec une métaphore lourde de sens</a> : « Nous avons à mener une reconstruction d’après-guerre », après les dégâts du dernier mandat.</p>
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<p>Ce discours est ainsi <a href="https://www1.folha.uol.com.br/opiniao/2022/11/chance-aproveitada.shtml">« une chance mise à profit »</a>, selon la presse brésilienne, du point de vue de l’objectif de reconstruction de l’image internationale du pays en matière d’environnement. Lula a défendu le multilatéralisme et une logique de complémentarité – et non d’opposition comme son prédécesseur via sa <a href="https://theconversation.com/le-bolsonarisme-stade-ultime-de-la-peuplecratie-191218">« rhétorique de l’expérience du réel »</a> –, expliquant qu’agro-industrie et préservation de l’environnement doivent aller de pair, que l’acceptation de la coopération internationale n’implique pas une abdication de la souveraineté, qu’il est possible d’exploiter la richesse naturelle de l’Amazonie sans la détruire grâce à l’émergence d’une large « bio-économie » sur le territoire.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1593172059886166018"}"></div></p>
<p>Par ailleurs, les piques envers un adversaire national dans un contexte diplomatique de ce type sont traditionnellement rares. Une norme que Lula, décidé à rendre aussi impactant que possible son discours du renouveau, n’a pas respectée. Par exemple, il a fait la promesse de « réparer tous les dégâts causés par mon prédécesseur ». Jugements assez banals durant la campagne, mais originaux dans le contexte d’une <a href="https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-1995-3-page-17.htm?contenu=resume">« arène politique »</a> internationale.</p>
<p>L’engagement pris par Lula pour faire advenir « un ordre international apaisé » démontre aussi l’intérêt de ce type de sommet. Les COP, toujours méprisées par Bolsonaro, ont également fait l’objet de critiques radicales venues du camp d’en face – selon Greta Thunberg, elles représentent simplement <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/11/05/cop26-les-jeunes-dans-les-rues-de-glasgow-pour-denoncer-le-bla-bla-bla-des-dirigeants_6101049_3244.html">« 30 années de blabla »</a>. Il est vrai que, dans ces sommets, des enjeux polémiques sont parfois dépolitisés. Comme l’analyse finement la <a href="https://www.cairn.info/giec--9782724638707.htm">sociologue Kari de Pryck dans son dernier ouvrage</a>, le GIEC a déjà contribué à dépolitiser la question climatique. Ces sommets ne doivent pas suivre une logique de constations scientifiques et de simples aides financières, au risque de continuer cette dépolitisation. Le discours de Lula peut contribuer à remettre les questions politiques au cœur même de ces grandes rencontres.</p>
<h2>« Coopérer ou périr », ou le retour d’une hégémonie consensuelle</h2>
<p>« Coopérer ou périr », voici les mots du chef de l’ONU António Guterres durant ce nouveau sommet. Le retour du Brésil en tant que partenaire porteur d’une <a href="https://journals.openedition.org/poldev/955">« hégémonie consensuelle »</a> pour mieux représenter les pays du Sud est à ce titre positif.</p>
<p>Rappelons que le Brésil est candidat à un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU depuis les deux premiers mandats de Lula. D’ailleurs, Lula a participé à la COP27 avec la ferme ambition de retrouver son prestige d’antan, et de se doter d’une image de médiateur international au-delà de l’Occident. À cet égard, Lula a proposé accueillir la COP30 (2025) en Amazonie brésilienne.</p>
<p>Au centre des attentions de ce sommet, Lula a repris l’argumentaire des pays du Sud sur les enjeux de compensation et de justice climatique, reprochant aux pays développés de ne pas avoir tenu leurs anciennes promesses en la matière. En 2009, à Copenhague, lors de la COP15, ils avaient en effet <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2010-2-page-341.htm">fait une promesse d’aide climatique de 100 milliards de dollars par an</a> pour l’adaptation au changement climatique. « Je suis revenu aussi pour encaisser ce qui avait été promis », a notamment asséné le leader brésilien.</p>
<p>Aujourd’hui, les engagements actuels des différents pays nous orientent selon l’ONU vers la <a href="https://www.francetvinfo.fr/meteo/climat/climat-face-a-la-menace-d-une-augmentation-de-2-8c-l-onu-assure-que-la-transformation-rapide-des-societes-est-la-seule-option-possible_5442592.html">trajectoire d’un réchauffement catastrophique de 2,8 °C d’ici à 2100</a>. Si ce scénario climatique se réalise, l’Amazonie sera <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/03/07/la-capacite-de-regeneration-de-l-amazonie-mise-a-mal-par-le-dereglement-climatique_6116499_3244.html">presque autant impactée</a> dans ses riches écosystèmes par le dérèglement climatique que par sa déforestation localement. Et cela, alors qu’elle a déjà connu, ces dernières années, ses <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/changement-climatique-amazone-inondations-cinq-fois-plus-frequentes-si%C3%A8cle-72921/">pires sécheresses et inondations</a> depuis plusieurs générations.</p>
<p>Durant cette COP27, les pays du Sud ont également obtenu la création d’un <a href="https://www.actu-environnement.com/ae/news/COP27-accord-pertes-et-dommages-bilan-40690.php4">nouveau fonds de compensation des dégâts climatiques subis par les pays pauvres</a>, distinct des <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/10/25/climat-l-objectif-de-100-milliards-de-dollars-pour-les-pays-du-sud-atteignable-en-2023_6099859_3244.html">100 milliards d’euros annuels promis au « fonds vert »</a>. Proposition là encore soutenue avec détermination par Lula. Ces chiffres sont à la fois énormes et relatifs. <a href="https://www.unep.org/fr/actualites-et-recits/communique-de-presse/alors-que-les-consequences-saccelerent-ladaptation-aux">Selon l’ONU</a>, d’ici à 2030, entre 160 et 340 milliards de dollars seront nécessaires chaque année pour s’adapter au dérèglement climatique. Il est donc faux d’affirmer que c’est la première fois que se décide un mécanisme d’aide aux pays vulnérables ; néanmoins, ce nouveau fonds répond à une autre philosophie…</p>
<h2>Régression de la place de la société civile</h2>
<p>Il y a vingt ans, le <a href="https://www.un.org/french/events/wssd/">sommet de Johannesburg en 2002</a> innovait en plaçant la société civile au cœur des processus décisionnels internationaux sur l’environnement au sein de ce même continent africain.</p>
<p>Nicole D’Almeida analyse historiquement ce progrès comme la construction d’une véritable <a href="https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/194">« arène de la société civile internationale »</a> puisque « la société civile n’est ici ni exclue ni condamnée à intervenir à la marge, mais pleinement intégrée dès le départ ». Vingt ans plus tard, on a observé la <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/11/09/cop27-la-societe-civile-mise-au-ban-a-charm-el-cheikh-selon-des-ong_6149203_3244.html">régression</a> de la place de la société civile, lors d’un sommet refermé sur lui-même et dénoncé par les ONG.</p>
<p>Un homme ayant combattu la dictature militaire au Brésil dans le passé. Un homme récemment <a href="https://information.tv5monde.com/info/liberation-de-lula-au-bresil-il-y-de-bonnes-chances-que-sa-condamnation-soit-annulee-331323">emprisonné durant 579 jours</a>. Un homme ayant craint, hier encore pendant de longues heures, que Bolsonaro rejette les résultats de la présidentielle et jette le pays dans la guerre civile. Cet homme a naturellement le principe démocratique chevillé au corps, n’est-ce pas ? En tout cas, c’est là son image politique savamment travaillée. C’est pourquoi Lula aurait été bien inspiré de rappeler ce slogan scandé par des centaines de militants durant ce sommet en Égypte : <a href="https://reporterre.net/COP27-Pas-de-justice-climatique-sans-droits-humains">« Pas de justice climatique sans droits humains »</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cop27-en-egypte-le-pays-hote-un-cancre-des-droits-et-libertes-192923">COP27 en Égypte : le pays hôte, un cancre des droits et libertés</a>
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<p>Il n’en fit rien, par souci de consensus. C’est là une critique possible. Le slogan avait pourtant résonné à l’intérieur même de la « Zone bleue » des négociations, lors d’une action organisée par la <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/egypte/egypte-la-soeur-d-alaa-abdel-fattah-demande-une-grace-au-president-f4fea967-7d5f-4f6a-b85f-98994c1166f2">sœur du détenu politique Alaa Abdel Fattah</a>, blogueur symbole du printemps arabe, alors en <a href="https://www.liberation.fr/international/afrique/cest-ainsi-qualaa-abdel-fattah-a-interrompu-sa-greve-de-la-faim-20221120_A56JDJEGC5CUHDB2DZANNTCEAQ/">longue grève de la faim</a>. Son cas n’est pas isolé : 60 000 détenus politiques sont emprisonnés en Égypte <a href="https://www.nytimes.com/2022/08/08/world/middleeast/egypts-prisons-conditions.html">dans des conditions indignes</a>.</p>
<h2>Et maintenant ?</h2>
<p>La renaissance politique de Lula intrigue mondialement et a engendré de nombreux espoirs, mais des doutes subsistent.</p>
<p>L’homme est passé de la prison aux sommets internationaux en un temps record, de manière presque irréelle. Le président brésilien est un phénix ; pour que l’Amazonie le devienne elle aussi, il reste à Lula à réaliser un travail dantesque.</p>
<p>Sans débouchés de développement durable via de vastes financements internationaux, il est illusoire de croire que les plus de 30 millions d’Amazoniens vont protéger l’Amazonie avec enthousiasme et modifier leur état d’esprit développementaliste et extractiviste. Sur ces territoires, le contre-pouvoir des gouverneurs bolsonaristes est réel : c’est un foyer électoral de Bolsonaro qui a récolté près de 70 % des suffrages au second tour de la présidentielle dans différents États d’Amazonie. Leurs responsables peuvent donc bloquer directement et indirectement certaines avancées environnementales de Lula. La potentielle COP30 amazonienne peut-elle rebattre les cartes à l’avenir sur ce territoire ? Sûrement, mais les battements d’ailes d’un phénix sont toujours imprévisibles…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194976/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Cilluffo Grimaldi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le contraste est saisissant entre Bolsonaro, déforesteur en chef, et Lula, qui se veut défenseur de l’Amazonie. Au point de susciter des espoirs trop élevés sur le court terme ?Pierre Cilluffo Grimaldi, Doctorant - SIC, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1935142022-10-30T19:56:52Z2022-10-30T19:56:52ZBrésil : quel avenir pour le bolsonarisme ?<p>Lula vient de <a href="https://www.lefigaro.fr/international/bresil-le-candidat-de-gauche-lula-elu-president-face-au-sortant-bolsonaro-20221030">remporter d’une courte tête</a> le second tour de l’élection présidentielle au Brésil face au président sortant, Jair Bolsonaro, à l’issue d’une campagne émaillée de troubles <a href="https://www.lapresse.ca/international/amerique-latine/2022-10-30/bresil/des-barrages-policiers-font-craindre-une-repression-des-electeurs.php">jusqu’au dernier jour</a>.</p>
<p>Cette campagne extrêmement tendue aura confirmé l’emprise durable du bolsonarisme sur la société brésilienne.</p>
<p>En effet, malgré la résurgence de l’insécurité alimentaire, les <a href="https://www.heidi.news/sante/comment-bolsonaro-a-gere-la-pandemie-et-pourquoi-ca-pourrait-lui-couter-sa-reelection">presque 700 000 décès provoqués par la pandémie de Covid-19</a> et la <a href="https://theconversation.com/que-se-passe-t-il-quand-on-supprime-une-aire-protegee-le-cas-du-bresil-163301">hausse de la déforestation</a>, Jair Bolsonaro et son gouvernement ont conservé tout au long de son mandat une forte popularité auprès d’une partie importante de la population. <a href="https://datafolha.folha.uol.com.br/">Le dernier sondage Datafolha</a> organisé avant le scrutin indiquait que 38 % des Brésiliens considéraient le gouvernement « bon » ou « très bon », tandis que 22 % le jugeaient « moyen » et 39 % « mauvais » ou « très mauvais ».</p>
<p>Si le débat reste ouvert, les <a href="https://www.theses.fr/s259141">recherches en cours</a> montrent que <a href="https://theconversation.com/bresil-que-deviendra-le-bolsonarisme-apres-la-disparition-de-lideologue-de-lextreme-droite-176166">l’adhésion aux idées bolsonaristes</a> peut s’expliquer par plusieurs facteurs, le premier étant la <a href="https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2021-1-page-293.htm">stratégie de communication du président sortant</a>. Malgré les critiques récurrentes des médias traditionnels à l’égard de Bolsonaro et de son gouvernement, le bolsonarisme parvient à créer un circuit d’informations indépendant, étendu et perméable, notamment sur Internet.</p>
<h2>Envers et contre tous</h2>
<p>Le contenu reproduit par ces moyens de diffusion contribue lui aussi au maintien du bolsonarisme. Malgré ses divergences internes, le discours bolsonariste conçoit le leader et ses partisans comme des soldats dans la lutte contre « le système ». Ce « système » comprend, entre autres, les établissements d’enseignement supérieur, les institutions judiciaires, les ONG nationales et internationales, et même les Nations unies.</p>
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<p>De ce fait, toute critique émanant de ces institutions et de leurs membres voit sa légitimité remise en cause, ce qui contribue à justifier les difficultés que rencontre le gouvernement dans la mise en œuvre de ses politiques.</p>
<p>En outre, le discours bolsonariste insiste sur la <a href="https://www.cairn.info/le-bresil-de-bolsonaro--9782849508466-page-31.htm">nécessité de moraliser la société brésilienne</a>. Cette moralisation ravive la <a href="https://www.cairn.info/revue-mouvements-2005-5-page-90.htm">mémoire des scandales de corruption</a> qui ont éclaté durant les gouvernements du Parti des Travailleurs et exalte les valeurs traditionnelles – comme en témoigne le <a href="https://www.rfi.fr/fr/ameriques/20191122-alliance-bresil-parti-jair-bolsonaro-dieu-famille-patrie-triptique">slogan bolsonariste</a> souvent répété, « Dieu, patrie et famille ». Dans ce contexte, l’utilisation de symboles nationaux et religieux renforce l’effet de moralisation, éveillant des sentiments tels que la peur et la haine.</p>
<p>De surcroît, il est important de souligner le soutien économique et moral apporté à Bolsonaro par certains secteurs, comme une partie des Églises évangéliques (en particulier pentecôtistes), de l’agrobusiness, du monde de l’entreprise, de la police et de l’armée.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lelectorat-evangelique-au-coeur-de-la-bataille-lula-bolsonaro-191744">L’électorat évangélique au cœur de la bataille Lula-Bolsonaro</a>
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<h2>Une représentation restreinte du peuple</h2>
<p>L’enracinement du bolsonarisme dans la société brésilienne passe dans une large mesure par la construction d’une certaine représentation du peuple. Reposant sur la figure du « bon citoyen », le peuple que Bolsonaro et son camp entendent représenter se construit avant tout par opposition aux représentations faites de l’ennemi commun bolsonariste, incarné par la gauche.</p>
<p>Dans une perspective de lutte du bien contre le mal, les autres sont ici les « vagabonds », qu’ils soient intérieurs – tous ceux qui menaceraient l’intégrité des Brésiliens et de leurs familles – ou extérieurs – en ce sens, les nombreuses <a href="https://brazilian.report/latin-america/2022/10/23/venezuela-argentina-left-bolsonaro/">comparaisons avec les pays d’Amérique latine gouvernés par des partis de gauche</a> servent à mettre en garde contre leur retour au pouvoir.</p>
<p>Dans ce contexte, Lula apparaît comme la personnification de cette contre-image, soudant le « nous » bolsonariste autour d’un rejet profond. On lui attribue notamment la volonté de détruire les familles brésiliennes – sur fond de lutte contre « l’idéologie du genre », associée à la « sexualisation des enfants » – et de persécuter les chrétiens, au risque de voir leurs temples fermés – en <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/08/04/au-nicaragua-le-pouvoir-cible-l-eglise-catholique_6137188_3210.html">invoquant l’exemple du Nicaragua</a>.</p>
<h2>Panique morale autour de Lula</h2>
<p>On fustige également les politiques de lutte contre la pauvreté mises en œuvre par le Parti des Travailleurs en y voyant une forme de manipulation électorale – même si Bolsonaro cherche à <a href="https://www.liberation.fr/international/amerique/election-au-bresil-jair-bolsonaro-courtise-les-electeurs-pauvres-20221026_SEODFVHLARAIBADJO5TW76D2C4/">mettre en avant sa propre « générosité »</a> à l’égard des bénéficiaires de ces mêmes politiques. De plus, on présente Lula comme le candidat « du système », soutenu à la fois par les grands médias et par les institutions chargées de réguler les élections – en particulier le <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20221016-l-ind%C3%A9pendance-de-la-cour-supr%C3%AAme-au-br%C3%A9sil-suspendue-%C3%A0-la-pr%C3%A9sidentielle">Tribunal suprême électoral</a>, représenté dans la personne de son président, le ministre Alexandre de Moraes.</p>
<p>Avec la panique morale créée autour du camp Lula, se développe l’idée que le Brésil est spirituellement malade, car dominé par des forces maléfiques. Bolsonaro apparaît alors comme le seul à pouvoir lutter contre ces forces et à « guérir » le Brésil en le débarrassant d’un système profondément corrompu.</p>
<p>Ce discours sous-tend une <a href="https://theconversation.com/le-bolsonarisme-stade-ultime-de-la-peuplecratie-191218">forme de rapprochement</a> avec les électeurs, marquée par la mise en valeur de l’authenticité et de la simplicité comme des qualités intrinsèques du leader et du peuple qu’il entend représenter. L’emploi de termes vulgaires, la revendication du sens commun contre un certain intellectualisme perçu comme élitiste, ou encore son style vestimentaire traduisent une représentation quelque peu caricaturale du « citoyen ordinaire ».</p>
<h2>Le poids de l’électorat populaire</h2>
<p>D’après les <a href="https://datafolha.folha.uol.com.br/">derniers sondages</a> (Datafolha, 28 octobre 2022), les électeurs dont le revenu familial est inférieur ou égal à deux smic brésiliens (environ 460€) ont tendance à voter pour Lula (61 % Lula, 33 % Bolsonaro). Cet écart se reproduit dans la plupart des strates où les classes populaires sont majoritaires, comme parmi les électeurs qui se déclarent noirs (60 % contre 34 %), les moins diplômés (60 % contre 34 %) et ceux qui habitent dans la région du Nord-Est, la plus pauvre du Brésil (67 % contre 28 %). Malgré cela, dans un pays où 48 % des électeurs ont un revenu familial inférieur ou égal à deux smic, le soutien de l’électorat populaire reste fondamental pour le maintien du potentiel électoral de Bolsonaro.</p>
<p>Ce potentiel peut s’expliquer en partie par l’appui dont il bénéficie <a href="https://theconversation.com/lelectorat-evangelique-au-coeur-de-la-bataille-lula-bolsonaro-191744">auprès des évangéliques</a>. Pour autant, le camp évangélique, qui en 2018 était fortement favorable à Bolsonaro (près de 70 % des voix), est devenu aujourd’hui un <a href="https://www.cairn.info/le-bresil-de-bolsonaro--9782849508466-page-31.htm">camp disputé</a>, comme le souligne Esther Solano. Cette professeure de relations internationales à l’Université fédérale de São Paulo observe que certains fidèles manifestent leur insatisfaction quant à l’instrumentalisation de leur religion à des fins politiques et note l’existence de ce qu’elle appelle le « pentecôtisme oscillant » entre Lula et Bolsonaro. Selon la chercheuse, une partie des fidèles des Églises pentecôtistes regrettent d’avoir soutenu Bolsonaro, soit en raison du manque de prise en charge de la population pendant la pandémie, soit en raison de leur désespoir économique.</p>
<p>Outre les questions religieuses, le discours bolsonariste paraît trouver une certaine résonance dans la révolte des classes populaires face à la criminalité – plus intense dans la périphérie des grandes villes et dans les zones rurales. Face à cette colère, la réponse est une proposition répressive, que ce soit par la police ou par les citoyens – devenant alors libres de porter des armes à feu.</p>
<p>De plus, le discours bolsonariste met en valeur l’importance de la corruption comme clé explicative de tous les problèmes. Cela contribue à la construction d’une image de l’État en tant qu’obstacle à l’épanouissement individuel et collectif – raison pour laquelle, de ce point de vue, les fonctions publiques devraient être confiées au secteur privé, affirmait Paulo Guedes, le ministre de l’Économie de Bolsonaro.</p>
<h2>Les effets à long terme</h2>
<p>Au vu de l’enracinement bolsonariste dans la société brésilienne, il est important d’envisager les effets à court et à long terme qu’il produit sur cette jeune démocratie. Les attaques incessantes dirigées vers les autres pouvoirs, en particulier la Cour suprême, accentuent la méfiance à l’égard des institutions dont la mission est de sauvegarder l’État de droit. Ancré dans la Constitution de 1988, dont la promulgation scelle la fin de la dictature militaire, ce cadre institutionnel affichait des <a href="https://laviedesidees.fr/Bresil-une-crise-en-trois-actes.html">signes de corrosion</a> bien avant l’arrivée de Bolsonaro au pouvoir.</p>
<p>Face à la succession de crises et de reconfigurations survenues depuis la dernière décennie, marquée <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2016/08/31/bresil-la-presidente-dilma-rousseff-destituee_4990645_3222.html">par la destitution de Dilma Rousseff</a> en 2016, ainsi que par de nombreux scandales de corruption, le mécontentement généralisé devient de plus en plus palpable. Le bolsonarisme apparaît alors comme <a href="https://www.cetri.be/Bolsonaro-president-ressorts-et?lang=fr">l’expression de l’antipolitique</a>, partant de l’idée que tous ceux qui se soumettent au système sont corrompus. Une construction non dépourvue de contradictions – étant donné la longue trajectoire de l’ancien capitaine en tant que député, et surtout le fait que lui aussi est amené à faire alliance avec de vieilles forces politiques pour se maintenir au pouvoir –, mais très puissante dans une société traversée par des scandales et un certain discours moralisateur.</p>
<p>Les scénarios qui se dessinent pour l’avenir de la démocratie brésilienne ne laissent pas entrevoir un « retour à la normalité démocratique » facile à opérer. Le phénomène observé actuellement se caractérise bien davantage par la déstructuration d’un cadre institutionnel historiquement situé qui montrait déjà ses limites.</p>
<p>Même si la victoire de Lula était acceptée par Bolsonaro et ses partisans, il faudrait un travail de fond du nouveau gouvernement pour se réadapter aux nouvelles méthodes d’action politique, face à une opposition bolsonariste qui sera sans doute féroce et déterminée à revenir au pouvoir au plus vite.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193514/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bruno Ronchi a reçu des financements de l'Université de Rennes 1, de la Région Bretagne et de Rennes Métropole.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Lucas Camargo Gomes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Jair Bolsonaro a été vaincu dans les urnes, mais son mandat aura durablement marqué la société brésilienne.Bruno Ronchi, Doctorant en science politique, Université de Rennes 1 - Université de RennesLucas Camargo Gomes, Doctorant en sociologie, Université Federal du Paraná, Universidade Federal do Paraná (UFPR)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1917502022-10-20T15:12:52Z2022-10-20T15:12:52ZL’élection brésilienne vue de Chine<p>Alors que <a href="https://www.lopinion.fr/international/le-bresil-tremble-pour-son-election-presidentielle">l’élection présidentielle brésilienne</a> va bientôt connaître son dénouement, il est utile, <a href="https://thediplomat.com/2022/09/brazils-china-heavy-election/">pour en comprendre la portée internationale</a>, d’analyser la relation toujours plus étroite que Brasilia entretient avec Pékin.</p>
<p>Depuis 2009, la Chine est, devant les États-Unis, le <a href="https://france-ameriques.org/video/la-montee-en-puissance-de-la-chine-en-amerique-latine-et-ses-implications-pour-lavenir-du-sous-continent/">premier partenaire commercial du Brésil</a>, tandis que ce dernier est le <a href="https://www.lefigaro.fr/international/l-amerique-latine-nouvelle-terre-de-conquete-pour-la-chine-20220206">premier partenaire de la Chine en Amérique latine</a>.</p>
<p>Les rapports entre les deux géants, <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2022/09/20/le-non-alignement-nouveau-levier-de-negociation-des-brics/">tous deux membres du groupe des BRICS (avec l’Inde, la Russie et l’Afrique du Sud)</a>, illustrent parfaitement <a href="https://static.lefigaro.fr/eidos-infographies/webINTER_202205_CL_chine_amerique_latine/html/webINTER_202205_CL_chine_amerique_latine.html">l’asymétrie des liens</a> entre, d’une part, une Chine à la puissance économique sans cesse croissante depuis trois décennies et, d’autre part, les pays et les sociétés non occidentales, où la RPC investit largement.</p>
<h2>Des liens récents mais désormais très étroits</h2>
<p>Les relations diplomatiques entre les deux pays <a href="https://www.revueconflits.com/bresil-chine-relations-brics-michel-nazet/">sont officialisées en 1974</a>, en pleine guerre froide, au lendemain de l’admission de la Chine à l’ONU et durant la dictature militaire brésilienne.</p>
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<p>Si les relations sont très limitées depuis le XIX<sup>e</sup> siècle, les années 1980 et 1990 vont changer la donne. <a href="https://www.capitmuscas.com/produit/la-chine-face-au-monde-une-puissance-resistible/">L’insertion accélérée de la Chine dans la mondialisation</a> induit une recomposition des liens politiques, commerciaux et diplomatiques. L’ascension progressive des <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2020/09/30/chine-amerique-latine-quand-pekin-exploite-larriere-cour-americaine/">intérêts chinois en Amérique latine</a> s’affirme avec le tournant des années 2000 et l’adhésion de Pékin à l’OMC (2001). Dès lors, la Chine intensifie son emprise sur le continent, longtemps considéré comme le pré carré des États-Unis.</p>
<p>Pékin développe <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-sud/comment-la-chine-a-fait-main-basse-sur-l-amerique-latine_2164510.html">sa stratégie latino-américaine</a> dans un triple objectif : diversifier ses sources d’approvisionnement en ressources naturelles et agricoles ; incarner un leadership non occidental en matière de développement ; et étouffer Taïwan.</p>
<p>En 2008, la Chine publie son <a href="https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/ramses2020_nardon.pdf">Livre Blanc des relations avec l’Amérique latine et les Caraïbes</a>. Le Brésil, plus grand pays d’Amérique latine, et dont les dimensions démographique et géographique peuvent laisser penser qu’il a les moyens d’entretenir une <a href="https://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2014-2-page-151.htm">« relation équilibrée »</a> avec la Chine, sera au cœur des ambitions de Pékin dans la région.</p>
<p>Le partenariat bilatéral signé en 1994 a été converti en partenariat stratégique en 2004 et enfin en <a href="https://www.istoebresil.org/post/le-br%C3%A9sil-et-la-chine-l-avenir-d-une-relation-1">« partenariat stratégique mondial » en 2012</a>. Dès le milieu des années 2000, la Chine est présente dans tous les secteurs (agriculture, transports, extraction, spatial, finance, etc.) et dépasse en tant que partenaire commercial les <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre2-2015-1-page-299.htm">historiques grands partenaires du Brésil que sont les États-Unis et les pays européens)</a>.</p>
<p>La progression est d’une rapidité impressionnante et se concrétise sous les mandatures de gauche au Brésil (Lula puis Rousseff). En 2000, la Chine représente 2 % des exportations du Brésil. En 2020, ce ratio est passé à <a href="https://www.istoebresil.org/post/le-br%C3%A9sil-dans-l-orbite-de-l-empire-du-milieu">33 %, pour un volume total de 68 milliards de dollars</a>. Idem pour les importations brésiliennes en provenance de Chine : 2 % du total en 2000 et plus de 21 % en 2020, devant les États-Unis (17 %) et l’UE (19 %). Globalement, entre 2000 et 2020, le volume des échanges de marchandises <a href="https://www.areion24.news/2020/01/15/quand-la-chine-sinstalle-en-amerique-latine/">passe de 12 milliards à plus de 137 milliards de dollars</a>.</p>
<p>D’un côté, les <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/BR/commerce-exterieur-du-bresil">exportations brésiliennes</a> sont très largement dominées par des ressources naturelles et agricoles (à faible valeur ajoutée) : l’agrobusiness représente près de 40 % (soja à 35 %, viandes, etc.), les autres produits exportés se répartissent entre les minerais (25 %) et le pétrole (17 %). De l’autre, les importations brésiliennes en provenance de Chine sont très concentrées sur des <a href="https://www.cnccef.org/wp-content/uploads/2021/03/LA-LETTRE-DE-LA-CHINE-HORS-LES-MURS-39.pdf">produits manufacturés à plus forte valeur ajoutée</a>.</p>
<h2>L’« effet Chine » au Brésil</h2>
<p>Les observateurs et analystes des relations sino-brésiliennes ont rapidement mis en évidence un <a href="https://bdtd.ibict.br/vufind/Record/USIN_f06942acacaad33c7aa11f766e24a926">« effet Chine » (<em>efeito China</em>)</a> au Brésil.</p>
<p>Plus d’une quinzaine de consortiums d’État chinois (Sinopec, ChemChina, BYD, CNOOC, COFCO, CGN, etc.) ont investi <a href="https://www.istoebresil.org/post/le-br%C3%A9sil-dans-l-orbite-de-l-empire-du-milieu-1">dans la plupart des régions brésiliennes</a>, les quelques exceptions étant les zones d’Amazonas, Acre, Rondônia ou Pernambouc. Ces investissements se sont accélérés sous la mandature de <a href="https://www.reuters.com/article/china-presidente-estabilidade-brasil-idBRKCN1181B7">Michel Temer (2016-2018)</a>, sans pour autant que le Brésil, contrairement à son <a href="https://thediplomat.com/2022/02/argentina-joins-chinas-belt-and-road/">voisin argentin</a>, ne signe de mémorandum dans le cadre du projet <em>Belt and Road Initiative</em>. Lors du mandat de Jair Bolsonaro, qui démarre en 2018, les relations vont se poursuivre, notamment dans le domaine de l’exportation des matières premières, et ce, malgré la pandémie qui suscite quelques tensions entre les deux pays.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1392022018904793092"}"></div></p>
<p>Les investissements concernent surtout l’énergie (pétrole, hydroélectricité, électricité), mais aussi les <a href="https://www.futuribles.com/fr/article/le-super-port-dacu-ou-lautoroute-chine-bresil/">infrastructures de transports ou des ports</a>. Deux groupes chinois jouent un <a href="https://www.cnccef.org/wp-content/uploads/2021/03/LA-LETTRE-DE-LA-CHINE-HORS-LES-MURS-39.pdf">rôle particulièrement prégnant</a> dans ces investissements : State Grid, pour l’électricité et les réseaux (50 % des actifs au Brésil), articulée à China Telecom et China Mobile ; et Three Gorges pour les barrages (60 % des actifs au Brésil).</p>
<p>Les banques chinoises (China Development Bank, Bank of China, EximBank, ICBC) octroient des prêts colossaux (plus de 30 milliards de dollars comptabilisés en 2020) au secteur pétrolier brésilien (compagnie Petrobras) <a href="https://www.istoebresil.org/post/le-br%C3%A9sil-dans-l-orbite-de-l-empire-du-milieu-3">suite à la découverte de gisements offshore</a>. Très vite, les opérateurs chinois vont s’associer à Petrobras dans l’exploration et l’exploitation, ainsi que dans le soutien à la livraison d’infrastructures pétrolières.</p>
<p>Selon plusieurs études, confirmées par les industriels brésiliens, la rapidité des échanges et l’augmentation des importations chinoises du Brésil ont <a href="https://www.herodote.org/spip.php?article995">renforcé la désindustrialisation du pays</a>. À titre d’exemple, les exportations de produits manufacturés du Brésil ont diminué de moitié entre 2005 et 2021. On assiste à une <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2018-4-page-153.htm">« re-primarisation » de l’économie du géant</a> latino-américain, sur fond de <a href="https://www.cairn.info/revue-problemes-d-amerique-latine-2015-3-page-95.htm">forte dépendance à l’exportation de quelques produits agricoles et miniers</a>.</p>
<p>Si en 2004 la création de la <a href="https://www.gov.br/mre/en/contact-us/press-area/press-releases/sixth-meeting-of-the-sino-brazilian-high-level-commission-for-consultation-and-cooperation-cosban-may-23-2022">Commission sino-brésilienne de Concertation et Coopération (COSBAN)</a> a contribué à l’intensification du partenariat économique, les relations se sont élargies, depuis l’émergence des BRICS à la fin des années 2000, à de nombreux autres domaines, notamment les médias, le militaire ou encore le spatial.</p>
<p>L’influence de Pékin s’est structurée et diversifiée. On compte un peu plus d’une dizaine d’Instituts Confucius (dont le premier à l’Université de Sao Paulo) <a href="https://www.istoebresil.org/post/le-br%C3%A9sil-dans-l-orbite-de-l-empire-du-milieu-4">dispersés sur l’ensemble du territoire brésilien</a>. La promotion de l’apprentissage du mandarin et l’intensification de réseaux divers (régions, chambre de commerce, partis politiques, etc.), <a href="https://www.researchgate.net/publication/274674618_Les_defis_de_l%E2%80%99influence_de_la_Chine_sur_le_developpement_du_Bresil">jusqu’au lobbying</a> pour la promotion des échanges entre les deux pays et d’une image attractive et bonifiée de la Chine, ont marqué les deux dernières décennies. Ainsi, la diaspora chinoise au Brésil s’est accrue, <a href="https://theconversation.com/la-tranquille-penetration-chinoise-en-amerique-latine-et-cara-bes-102277">surtout dans les grandes métropoles et dans les villes portuaires</a>, tandis que des Brésiliens se sont installés en Chine, dont bon nombre sont cependant partis avec la pandémie de Covid-19.</p>
<p>Enfin, dans sa stratégie internationale, le <a href="https://www.istoebresil.org/post/le-br %C3 %A9sil-dans-l-orbite-de-l-empire-du-milieu-4">groupe Huawei</a> a su diversifier ses activités et intensifier sa présence au Brésil dans divers domaines : <a href="https://www.latribune.fr/technos-medias/telecoms-pourquoi-le-chinois-huawei-veut-grandir-dans-les-cables-sous-marins-626277.html">câbles sous-marins</a>, équipements et infrastructures, ventes d’appareils jusqu’à la fourniture de la 5G, ce qui a provoqué des <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/5g-les-etats-unis-avertissent-le-bresil-de-consequences-s-il-choisit-huawei-20200729">pressions américaines</a>… Rappelons que les Brésiliens sont, derrière les Chinois, les seconds utilisateurs de l’application <em>TikTok</em>, qui suscite de nombreuses questions en <a href="https://restofworld.org/2022/tiktok-competitor-kwai-brazil/">matière de protection des données</a>.</p>
<h2>L’avenir d’une relation déséquilibrée</h2>
<p>Le <a href="https://veja.abril.com.br/economia/china-entra-em-desaceleracao-e-pode-prejudicar-planos-para-brasil-em-2023/">ralentissement économique chinois</a>, le rôle et <a href="https://www.letemps.ch/economie/reunis-pekin-brics-refusent-un-monde-unipolaire">l’avenir des BRICS</a>, notamment dans un contexte marqué par la <a href="https://www.estadao.com.br/internacional/os-riscos-da-neutralidade-do-brasil-leia-a-coluna-de-oliver-stuenkel/">guerre en Ukraine</a> et les <a href="https://dialogochino.net/en/trade-investment/57801-opinion-china-brazil-amazon-global-integration/">vulnérabilités (environnementales, économiques et sociales)</a> du Brésil sont autant de défis pour le prochain mandat qui commencera à partir de janvier 2023.</p>
<p><a href="https://foreignpolicy.com/2022/09/22/brazil-election-china-economy-brics-bolsonaro-lula/">Les observateurs sont divisés</a> sur l’identité du <a href="https://valor.globo.com/mundo/noticia/2022/09/04/lula-e-bolsonaro-alimentam-expectativas-sobre-china-e-acordo-ue-mercosul.ghtml">candidat préféré par Pékin</a>.</p>
<p>Les <a href="https://www.lapresse.ca/international/amerique-latine/2020-03-19/Covid-19-la-polemique-enfle-entre-le-bresil-et-la-chine">déclarations incendiaires de Bolsonaro</a> à l’égard de la RPC (accusations de pillage des ressources et d’emplois, puis critiques en lien avec la pandémie) n’ont pas remis en question la re-primarisation de l’économie du Brésil, et divers acteurs économiques et politiques dans les régions, notamment au Nordeste, restent fortement <a href="https://brazilian.report/opinion/2022/09/22/chinese-communist-party-congress-brazil/">dépendants à l’égard de la Chine</a>.</p>
<p>Demeure la question du poids diplomatique et des <a href="https://neofeed.com.br/blog/home/artigo-as-perspectivas-para-as-relacoes-brasil-china-em-um-mundo-mais-turbulento/">ambitions du Brésil en matière de politique étrangère</a> (<a href="https://www.lesechos.fr/monde/ameriques/le-bresil-bien-decide-a-faire-une-entree-rapide-a-locde-1397445">accession à l’OCDE</a> par exemple, ou politique africaine, lien avec l’Europe et les États-Unis, place et rang dans le sous-continent). Durant la campagne, les deux candidats n’ont que très peu évoqué les sujets internationaux, en particulier les liens avec la Chine. Mais chacun a conscience des interdépendances et des fragilités de la reprimarisation. D’un côté, Lula souhaiterait exercer une diplomatie proactive au sein des BRICS et travailler plus étroitement avec les pays émergents, de l’autre Bolsonaro sait qu’il peut compter sur l’électorat de l’agrobusiness brésilien, favorable à la Chine.</p>
<p>L’issue du second tour des élections le 30 octobre prochain ne devrait pas changer en profondeur la forte dépendance et l’asymétrie de la relation bilatérale. La prochaine présidence brésilienne, quelle qu’elle soit, devra nécessairement composer avec l’influence désormais majeure que la Chine exerce sur le Brésil.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191750/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du FDBDA.</span></em></p>Quel que soit le vainqueur de la présidentielle brésilienne, il est probable que la Chine continuera de jouer un rôle majeur dans l’économie du pays, comme c’est le cas depuis maintenant vingt ans.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1917442022-10-13T19:13:15Z2022-10-13T19:13:15ZL’électorat évangélique au cœur de la bataille Lula-Bolsonaro<p>Au Brésil, les <a href="https://www.lavie.fr/actualite/geopolitique/au-bresil-lula-et-bolsonaro-se-disputent-le-vote-des-evangeliques-84462.php">évangéliques</a>, qui représentent quelque <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMAnalyse?codeAnalyse=3117">30 % des citoyens</a>, sont devenus un électorat à « conquérir » coûte que coûte. Ils joueront un rôle clé dans le second tour qui opposera le président sortant Jair Bolsonaro à Lula le 30 octobre prochain.</p>
<p>Pour conserver ce socle électoral qui l’a largement soutenu avant et pendant son mandat, Jair Bolsonaro est allé en 2021 jusqu’à <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/un-monde-d-avance/au-bresil-un-juge-evangelique-pro-bolsonaro-a-la-cour-supreme_4866197.html">nommer un juge « très évangélique »</a> à la Cour suprême – une institution qui s’est souvent opposée à lui depuis 2018 – et, en mars de cette année, à déclarer à des leaders religieux évangéliques (des pasteurs, des évêques, etc.) qu’il « mènerait le Brésil là où ils voudraient ».</p>
<p>Lula, quant à lui, a consacré une partie de sa campagne à la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/09/12/au-bresil-lula-s-efforce-de-seduire-l-electorat-evangelique_6141255_3210.html">reconquête de l’électorat évangélique</a> qui s’est détourné du Parti des Travailleurs (PT) lors du mandat de Dilma Rousseff ; ainsi, tout récemment, il a participé à une rencontre avec des fidèles et des représentants évangéliques à Rio de Janeiro, où il a rappelé aux présents « tout ce que le PT a fait pour évangéliques » et a affirmé à plusieurs reprises qu’il était croyant.</p>
<h2>Le vote et la Bible</h2>
<p>Si les deux candidats qualifiés au second tour accordent une telle importance à cet électorat, c’est parce que la particularité des évangéliques réside dans le fait que, au contraire des catholiques, qui représentent entre 48 et 52 % de la population, et des pratiquants d’autres religions – environ 10 % de la population, toutes autres confessions confondues –, ils sont, en général, plus engagés dans « l’activisme de la foi » – en d’autres mots, ils votent plus souvent que les autres en fonction de leurs convictions religieuses.</p>
<p>Cela n’a pas toujours été le cas. En effet, jusqu’aux années 1970, les protestants brésiliens se sont tenus, en majorité, en dehors des sujets liés à la politique. L’explication principale de ce changement est le fait que les Églises évangéliques les plus conservatrices ont perçu les évolutions sociales vécues par le Brésil comme une « crise morale ». Cette notion de crise a façonné toute l’histoire politique du « Bloc évangélique », puisque, à mesure que l’apolitisme s’est affaibli, ce sont les évangéliques les plus moralement conservateurs qui ont le plus investi le champ politique, afin de combattre cette crise morale qu’ils percevaient.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/DWVDA2HxkPM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Le vote en faveur de candidats évangéliques – qui, du fait de leur affiliation religieuse, sont censés avoir pour priorité les intérêts des Églises, comme la diffusion et la protection de la « famille traditionnelle » et de la morale religieuse – a été souvent présenté lors des prêches prononcés dans les églises comme une obligation.</p>
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<p>L’immense soutien accordé par les évangéliques à Jair Bolsonaro lors de son élection en 2018 – ils ont été <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Ameriques/Au-Bresil-nette-preference-evangeliques-Bolsonaro-2018-10-22-1200977685">70 % à voter pour lui</a> – montre que ses discours et valeurs conservatrices ont réussi à captiver cet électorat.</p>
<h2>Les évangéliques séduits par Bolsonaro</h2>
<p>Pour comprendre le succès de Bolsonaro en 2018, il faut, tout d’abord, reconnaître que le Brésil passait, à ce moment-là, par une période complexe et particulière. Dilma Rousseff avait été destituée en 2016, et le paysage politique brésilien était extrêmement tendu par une polarisation violente. Après presque 15 ans de pouvoir du Parti des Travailleurs, une importante partie de la population souhaitait une alternative nouvelle.</p>
<p>Jair Bolsonaro surgit dans ce paysage en construisant autour de lui un imaginaire simple – il est le messie, un <em>outsider</em> anti-corruption qui vient sauver le Brésil des dégâts de l’ère PT. Catholique, il se fait baptiser en 2016, en Israël, par un pasteur évangélique qui à l’époque était le président du Parti Social Chrétien. La politiste Magali Cunha <a href="https://www.cartacapital.com.br/blogs/dialogos-da-fe/quem-sao-os-evangelicos-que-apoiam-bolsonaro/">explique</a> la manière dont le discours de Bolsonaro révèle des affinités avec la « culture gospel » des évangéliques brésiliens, ce que favorise leur alignement idéologique avec le bolsonarisme, dont les notions de « protection de la famille » et de soutien à l’entrepreneuriat « répondent à l’imaginaire des personnes simples […] Et attirent également les classes moyennes, qui s’orientent sur des désirs – la quête de l’harmonie, de la stabilité et le bonheur – ancrés dans un passé idéalisé de privilèges de classe et d’invocation de la méritocratie. »</p>
<p>Cependant, le soutien des évangéliques à Bolsonaro n’est ni systématique ni infaillible. Si aujourd’hui on le présente encore une fois comme le candidat des évangéliques, en décembre 2021 Lula apparaissait dans les sondages comme le candidat préféré de cette population. Bolsonaro peut-il toujours compter sur les évangéliques pour être réélu ?</p>
<h2>La dispute pour le « vote évangélique »</h2>
<p>Il serait erroné de supposer que le « vote évangélique » serait homogène. Tout d’abord, parce que le mouvement évangélique n’est pas un monolithe – il est constitué par différents courants, différentes Églises, avec des leaders qui adhèrent à différentes idéologies. Ensuite, les évangéliques en soi sont un groupe très hétérogène, qui présente d’importantes variations dans le revenu, dans leurs expériences sociales, dans leurs sensibilités politiques et idéologiques.</p>
<p>Du fait de la pluralité inhérente au mouvement évangélique, malgré leur image de groupe ultraconservateur leur comportement électoral est plus modéré que ce que l’on pourrait attendre. En effet, le fait d’être évangélique ne les rend <a href="https://www.ihu.unisinos.br/78-noticias/568788-marcha-para-jesus-nao-confia-nos-politicos-e-defende-respeito-aos-homossexuais-nas-escolas">pas plus extrêmes que d’autres conservateurs</a>. Ainsi, malgré le succès de Bolsonaro auprès des évangéliques en 2018, lors des élections de 2022 cet électorat paraît plus divisé que jamais. En ce moment, on observe d’importantes tensions au sein de certaines Églises évangéliques dont les fidèles – notamment parmi les jeunes, les femmes et les plus défavorisés – <a href="https://exame.com/brasil/disputa-pelo-voto-racha-igrejas-evangelicas-jovens-fieis-contestam-pressao/">vivent mal la pression exercée par leurs leaders qui les invitent à soutenir Bolsonaro</a>, au point parfois de quitter l’Église.</p>
<p>Si en 2018 Bolsonaro s’est présenté comme un outsider et l’antithèse des hommes et femmes politiques de carrière, rouages d’un système intrinsèquement corrompu, en 2022 cette rhétorique n’est plus efficace. Cela explique l’insistance de la campagne de Bolsonaro à mobiliser l’argument religieux, en mettant largement en avant sa femme, <a href="https://www.liberation.fr/international/amerique/presidentielle-au-bresil-michelle-bolsonaro-fanatique-premiere-dame-20220930_AVHD23YCTNFBRK7KQHYJEGZK4Y/">Michelle Bolsonaro</a>, évangélique de l’Église baptiste ; et à construire une image « diabolique » de Lula – en le <a href="https://www.estadao.com.br/politica/michelle-bolsonaro-ataca-lula-com-video-que-associa-umbanda-as-trevas-isso-pode/">rapprochant des religions afro-brésiliennes</a> qui sont typiquement perçues de manière très négative par les évangéliques en général, par exemple – pour que le vote pour le PT soit, en dernière instance, regardé comme anti-chrétien.</p>
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<p>En réponse à cette campagne, Lula a commencé, pour la première fois, à s’adresser directement au public évangélique. Ainsi, lors de sa rencontre avec des évangéliques à Rio de Janeiro, il a martelé que les divers programmes sociaux mis en place lors de ses deux mandats ont bénéficié à « la famille », alors que Bolsonaro, lui, a démantelé la majorité de ces programmes.</p>
<p>Ce faisant, Lula cherche à démontrer l’affinité de son gouvernement avec les valeurs des évangéliques, réhabilitant la gauche aux yeux de cet électorat puisqu’il présente ses programmes sociaux comme des manières de protéger les familles et donc, en fin de compte, les valeurs chrétiennes. Lors de son discours, il n’a à aucun moment évoqué des thèmes pouvant susciter une réaction négative de la part de son public, c’est-à-dire les questions sociétales auxquelles les évangéliques sont particulièrement sensibles, comme les droits de la population LGBT ou aux inégalités homme-femme.</p>
<h2>Le vote (des) religieux</h2>
<p>Le champ sociologique a déjà produit des <a href="https://www.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie-2016-1-page-165.htm">nombreuses théories pour expliquer le comportement électoral des individus</a>, et il est généralement accepté qu’aujourd’hui, les « variables lourdes » (classe sociale, âge, religion, catégorie socioprofessionnelle, etc.) sont peu déterminantes du comportement électoral, et que, <a href="https://hal-sciencespo.archives-ouvertes.fr/hal-01022076">au contraire</a>, « l’électeur n’est ni totalement libre, ni totalement déterminé, ni prisonnier des variables sociologiques, ni ballotté au gré de la conjoncture. Son choix est le fruit d’un processus où se mêlent facteurs sociaux et politiques, structurels et conjoncturels, à long terme et à court terme. […] Quels que soient l’élection, ses enjeux, l’espace où elle se joue, les candidats en présence, les catholiques pratiquants seront plus conservateurs que les sans religion, les ouvriers plus à gauche que les patrons. Mais ces potentialités ne se réalisent que dans le cadre d’un scrutin particulier qui laisse place aux stratégies spécifiques des électeurs. »</p>
<p>Ce constat est tout à fait valable pour électeurs évangéliques au Brésil. Dans une <a href="https://congressoemfoco.uol.com.br/area/pais/politica-religiao-e-voto/">étude sur la religion et l’électorat latino-américain</a> datant de 2015, Taylor Boas et Amy Erica Smith constatent que « la religion fait la différence lors du choix électoral dans une partie importante de la région et, en particulier, au Brésil, mais les auteurs expliquent qu’il est nécessaire que cette identité soit « activée » à travers la mobilisation des candidats et/ou leaders religieux, qui ainsi politisent le choix de l’électeur. »</p>
<p>Cette « activation » de l’identité évangélique a été totalement réussie par Jair Bolsonaro en 2018 : à ce scrutin, : à ce scrutin, les évangéliques avaient <a href="https://www.scielo.br/j/rbcpol/a/fWvcZ49qvhjrpB9dNBK6sxB/?lang=pt">17 % de probabilité de plus</a> d’avoir voté pour Bolsonaro que les adeptes d’autres confessions et les athées.</p>
<p>Ainsi, l’identité évangélique peut être mobilisée comme élément prioritaire du choix du candidat, et, dans ce cadre, c’est l’argument moral qui va déterminer le vote – cela constitue le « vote religieux ». Mais d’autres identités peuvent, elles aussi, être mobilisées malgré l’adhésion de l’individu à une Église évangélique. C’est ce qui explique l’appui de certains évangéliques à Lula – notamment les femmes, les jeunes et les personnes défavorisées, qui mettront plutôt en avant des aspects liés directement à leurs conditions de vie et voteront pour un candidat reconnu pour l’efficacité de ses programmes sociaux même s’il ne partage pas une partie de leurs valeurs conservatrices.</p>
<p>Or le contexte socio-économique actuel au Brésil est profondément marqué par les effets de la crise sanitaire, de l’augmentation des inégalités sociales, de l’inflation et du chômage. Ces questions sociales pèsent plus sur les débats qu’en 2018 – ce qui est de nature à avantager Lula (y compris auprès des évangéliques) lors du deuxième tour, qui aura lieu le 30 octobre prochain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191744/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ana Carolina Freires Ferreira ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En 2018, 70 % des évangéliques avaient voté pour Jair Bolsonaro. Cette fois, cet électorat lui semble moins acquis, ce qui devrait assurer la victoire de Lula au second tour.Ana Carolina Freires Ferreira, Doctorante en sociologie au Centre Émile Durkheim, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1914882022-09-30T14:02:24Z2022-09-30T14:02:24ZÉlections au Brésil : Jair Bolsonaro met la démocratie sous tension<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/487361/original/file-20220929-14-yjtgg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=53%2C8%2C6000%2C3979&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Brazilian President Jair Bolsonaro, who is running for a second term, waves to supporters during a motorcycle campaign rally in Santos, Brazil, Wednesday, Sept. 28, 2022. Brazil's general elections are scheduled for Oct. 2. </span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Andre Penner)</span></span></figcaption></figure><p>Au Brésil, les élections générales du 2 octobre seront un véritable test pour la démocratie.</p>
<p>En effet, le président sortant, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jair_Bolsonaro">Jair Bolsonaro</a>, laisse toujours planer un doute quant à son intention d’accepter les résultats des élections en cas de défaite. Déjà, en octobre 2018, après être arrivé en tête au premier tour du scrutin présidentiel, le clan Bolsonaro <a href="https://www.em.com.br/app/noticia/politica/2020/03/09/interna_politica,1127434/bolsonaro-sugere-fraude-e-diz-que-venceu-eleicao-de-2018-em-1-turno.shtml">avait remis en question la fiabilité des résultats</a>, prétendant avoir obtenu plus de 50 % des voix, seuil nécessaire pour être élu dès le premier tour.</p>
<p>Depuis lors, Jair Bolsonaro <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1899083/bresil-bolsonaro-systeme-electoral-presidentielle">a multiplié les attaques, insultes et provocations</a> à l’encontre du système électoral brésilien et de ses représentants. Candidat à sa réélection, Bolsonaro a 13 points de retard sur son principal opposant, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Luiz_In%C3%A1cio_Lula_da_Silva">l’ex-président Lula da Silva</a> (2002-2010), selon les derniers sondages.</p>
<p>Je poursuis un doctorat en science politique et mes recherches se portent sur les enjeux de démocratie et de participation citoyenne au Brésil. Je propose dans cet article d’analyser l’attitude de Jair Bolsonaro vis-à-vis des institutions électorales et politiques brésiliennes. A quelques jours du scrutin présidentiel, de nombreux signaux démocratiques sont au rouge, notamment en raison des agissements de l’actuel président d’extrême droite.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/elections-au-bresil-quels-defis-pour-lula-face-a-jair-bolsonaro-179628">Élections au Brésil : quels défis pour Lula face à Jair Bolsonaro ?</a>
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<h2>Un discours de défiance vis-à-vis des institutions</h2>
<p>Tout au long de son mandat, Bolsonaro a critiqué sans preuve le <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Bresil-vote-electronique-nouvelle-cible-Jair-Bolsonaro-2021-08-02-1201169076">système de vote électronique, pourtant en vigueur depuis 1996</a> et au cœur de la plus grande élection informatisée au monde.</p>
<p>Dans ce contexte de défiance vis-à-vis des institutions politiques, se sont multipliées lors de son mandat plusieurs mobilisations antidémocratiques, auxquelles l’actuel président n’a pas manqué d’assister. En mai 2020, il saluait ouvertement certains de ses partisans lors de manifestations appelant à fermer la plus haute instance de justice brésilienne, le Supremo Tribunal Federal et le Congrès.</p>
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<img alt="Un homme passe devant un mur tapissé d’affiches électorales" src="https://images.theconversation.com/files/487363/original/file-20220929-24-fici9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487363/original/file-20220929-24-fici9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487363/original/file-20220929-24-fici9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487363/original/file-20220929-24-fici9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487363/original/file-20220929-24-fici9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487363/original/file-20220929-24-fici9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487363/original/file-20220929-24-fici9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le Brésil en pleine campagne : les candidats à la présidence Jair Bolsonaro et Luiz Inacio Lula da Silva.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Eraldo Peres)</span></span>
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<p>En septembre 2021, lors d’un rassemblement à Sao Paulo, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1911838/bresil-politique-election-presidentielle-sondages">il avait publiquement qualifié de voyou</a> le président du plus haut organe de la justice électorale brésilienne, Alexandre de Moraes. De nombreux observateurs craignent ainsi de voir se reproduire au Brésil le scénario des élections étasuniennes de 2021, lors desquelles Donald Trump, refusant d’admettre sa défaite, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Assaut_du_Capitole_par_des_partisans_de_Donald_Trump">avait invité ses supporters à envahir le capitole</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/au-bresil-la-desinformation-a-explose-sous-lere-bolsonaro-le-cout-humain-est-terrible-169328">Au Brésil, la désinformation a explosé sous l’ère Bolsonaro. Le coût humain est terrible</a>
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<p>À l’occasion d’un entretien à la télévision nationale tenu le 22 août 2022 dans le cadre de sa campagne, lorsqu’il lui était demandé s’il accepterait le résultat des élections quel qu’en soit le résultat et s’il encouragerait ses électeurs à en faire de même, celui-ci a posé ses conditions : il ne le ferait que si « les élections étaient propres et transparentes ».</p>
<p>En remettant à nouveau en cause la fiabilité du système électoral, il alimente ainsi toujours un climat de défiance quant à la fiabilité des élections brésiliennes, à grand coup de désinformation et d’invectives à l’encontre des institutions démocratiques.</p>
<h2>Le président anti-système</h2>
<p>Comptant plus de trente partis politiques, le parlement brésilien a toujours été hautement fragmenté, rendant le pays difficilement gouvernable.</p>
<p>Un équilibre s’était néanmoins progressivement installé entre le Parti des travailleurs (centre gauche), mené par Lula, et le Parti de la social-démocratie (PSDB). Ils se sont affrontés au second tour des quatre élections qui se sont tenues entre 2002 et 2014. L’image de ces deux partis et, plus largement, de la classe politique dans son ensemble, ont été durablement ternies par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Op%C3%A9ration_Lava_Jato">l’opération Lava Jato</a>, qui en 2016 mettait à jour un gigantesque système de corruption, de blanchiment d’argent et de surfacturation de chantiers publics.</p>
<p>C’est dans ce contexte qu’émerge Jair Bolsonaro en tant que prétendant à la présidence lors des élections de 2018. Se présentant comme un candidat anti-système, il fait de la lutte contre la corruption la thématique centrale de sa campagne et séduit ainsi l’électorat de la droite traditionnelle.</p>
<h2>Un retour de l’armée</h2>
<p>En novembre 2019, moins d’un an après son entrée en fonction, le président Jair Bolsonaro quitte le Parti Social Libéral avec lequel il s’était fait élire <a href="https://g1.globo.com/politica/noticia/2019/10/18/entenda-o-racha-entre-jair-bolsonaro-e-o-psl.ghtml">sur fond de lutte pour le contrôle du parti et de ses financements de campagne</a>.</p>
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<img alt="Une foule majoritairement vêtue de jaune encercle un véhicule" src="https://images.theconversation.com/files/487366/original/file-20220929-22-v6jfow.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487366/original/file-20220929-22-v6jfow.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487366/original/file-20220929-22-v6jfow.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487366/original/file-20220929-22-v6jfow.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487366/original/file-20220929-22-v6jfow.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487366/original/file-20220929-22-v6jfow.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487366/original/file-20220929-22-v6jfow.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Jair Bolsonaro multiplie les rassemblements géants durant sa campagne, comme celui-ci qui s’est tenu à Rio de Janeiro, le 7 septembre 2022. Nombreux de ses supporters proviennent du mouvement évangélique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Rodrigo Abd)</span></span>
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<p>Il passera deux ans sans être affilié à un parti, se rapprochant de plus en plus du <em>centrão</em> : un ensemble de petits partis sans orientation politique claire, connus pour avoir appuyé différents gouvernements, indépendamment de leurs positions idéologiques, en <a href="https://g1.globo.com/jornal-nacional/noticia/2021/11/30/bolsonaro-se-filia-ao-pl-apos-dois-anos-sem-partido.ghtml">échange de postes et de fonds publics</a>. Le 30 novembre 2021, Jair Bolsonaro rejoint le Parti Libéral, apparenté à ce bloc, avec lequel il mène actuellement sa campagne.</p>
<p>Ouvertement nostalgique de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dictature_militaire_au_Br%C3%A9sil_(1964-1985)">la dictature militaire</a> (1964-1985) Jair Bolsonaro, lui-même ancien soldat, favorise un inquiétant retour de l’armée dans les institutions politiques brésiliennes. En effet, de nombreux militaires se sont vu octroyer un poste au gouvernement depuis son entrée en fonction. Ainsi en 2020, plus de 6000 militaires exerçaient un poste dans la fonction publique dont 9 ministres, <a href="https://www.researchgate.net/publication/345035431_De_Volta_ao_Centro_da_Arena_Causas_e_Consequencias_do_Papel_Politico_dos_Militares_sob_Bolsonaro">soit près de 40 % du cabinet présidentiel</a>.</p>
<p>En mai 2020, Jair Bolsonaro nommait le général militaire Eduardo Pazuello au poste de ministre de la Santé, après avoir limogé deux ministres qui recommandaient la mise en place de mesures de confinement, <a href="https://noticias.uol.com.br/saude/ultimas-noticias/redacao/2021/03/15/mandetta-teich-pazuello-e-queiroga-os-4-ministros-da-saude-da-pandemia.htm">ce à quoi s’est toujours fermement opposé le président</a>.</p>
<h2>La perspective d’une élection tendue</h2>
<p>Trainant derrière son principal opposant, Lula da Silva, Bolsonaro a le taux de rejet parmi la population le plus élevé des candidats à la présidence (52 %, selon l’institut Datafolha), <a href="https://theconversation.com/voici-les-cinq-dirigeants-qui-ont-le-plus-mal-gere-la-Covid-19-dans-leur-pays-161378">notamment en raison de sa gestion catastrophique de la crise sanitaire</a> et d’une inflation galopante.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/covid-19-au-bresil-comment-jair-bolsonaro-a-cree-un-enfer-sur-terre-159746">Covid-19 au Brésil : comment Jair Bolsonaro a créé un enfer sur terre</a>
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<p>À mesure qu’approche le jour du scrutin, l’écart entre Bolsonaro et Lula se résorbe néanmoins progressivement, comme on peut le voir dans ce tableau sur les intentions de vote aux élections brésiliennes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/487128/original/file-20220928-22-uuepxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487128/original/file-20220928-22-uuepxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487128/original/file-20220928-22-uuepxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487128/original/file-20220928-22-uuepxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487128/original/file-20220928-22-uuepxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487128/original/file-20220928-22-uuepxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487128/original/file-20220928-22-uuepxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les données du dernier sondage de datafolha sur les intentions de vote aux élections brésiliennes. Marge d’erreur de 2 %.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Globo)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>A quelques jours du scrutin présidentiel, Lula et ses supporters croient fermement à la possibilité d’une victoire au premier tour. De son côté, Jair Bolsonaro utilise tous les moyens à sa disposition pour empêcher ce scénario de ce réaliser. En déplacement à Londres pour assister aux obsèques d’Elizabeth II, il a profité de l’occasion pour faire campagne, <a href="https://www.theguardian.com/world/2022/sep/18/bolsonaro-uses-visit-to-london-for-queens-funeral-as-election-soapbox">s’attirant les critiques de la presse britannique</a>.</p>
<p>Le résultat du premier tour n’est donc pas encore tout à fait décidé, même si une défaite finale de Bolsonaro, au deuxième tour, semble inévitable. La principale incertitude réside maintenant dans la réaction de l’actuel président. La démocratie brésilienne sera mise à l’épreuve, en particulier face à la perspective de manifestations violentes des partisans de Jair Bolsonaro au lendemain des élections.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191488/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jonas Lefebvre a travaillé avec des activistes du Parti des travailleurs au cours des élections de 2018.</span></em></p>Le président sortant Jair Bolsonaro pourrait remettre en question l’issue du scrutin du 2 octobre. Durant toute la campagne, il a laissé planer le doute sur la fiabilité du système électoral brésilien.Jonas Lefebvre, Doctorant en science politique, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1912182022-09-28T21:29:02Z2022-09-28T21:29:02ZLe bolsonarisme, stade ultime de la « peuplecratie »<p>À quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle brésilienne, qui se tiendra le 2 octobre (un second tour aura lieu si nécessaire le 30 octobre), deux candidats historiques, sur onze au total, se détachent nettement dans les sondages : le président sortant conservateur Jair Bolsonaro, et l’ex-président de gauche Lula (2003-2011). Ce dernier est <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20220926-une-semaine-avant-la-pr%C3%A9sidentielle-au-br%C3%A9sil-lula-reste-en-t%C3%AAte-des-sondages">en tête</a>, malgré un climat politique complexe et risqué. L’enthousiasme domine chez la plupart des commentateurs occidentaux, qui espèrent la fin – dès ce dimanche si le candidat de gauche l’emporte au premier tour – de la <a href="https://www.geo.fr/geopolitique/bresil-quel-bilan-pour-le-mandat-de-bolsonaro-211593">morne époque du bolsonarisme</a>.</p>
<p>Néanmoins, il convient de se montrer prudent, alors que les dernières tendances semblent indiquer un rapprochement des intentions de vote en faveur des deux principaux candidats. Bolsonaro, ancien capitaine d’artillerie <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2018/10/05/bresil-bolsonaro-un-nostalgique-de-la-dictature-militaire_5365030_3222.html">nostalgique de la dictature militaire</a>, entend bien mener une offensive non conventionnelle (fake news) et sans règles jusqu’à la fin de la campagne… Sans parler d’un risque de vote caché, comme durant le dernier scrutin national de 2018.</p>
<p>Ainsi, cette élection demeure bien plus ouverte qu’on le croit généralement – d’autant que la cristallisation ultime du vote se fait souvent, au Brésil comme ailleurs, dans les tout derniers jours de campagne. Pour remonter son retard, le sortant, qui affirme déjà que <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20220907-bolsonaro-affirme-que-les-sondages-mentent-%C3%A0-moins-d-un-mois-de-la-pr%C3%A9sidentielle">« les sondages mentent »</a>, va employer tous les ressorts de sa rhétorique populiste ancrée dans la <a href="https://www.researchgate.net/publication/339944294_What_is_Post-Truth_A_Tentative_Answer_with_Brazil_as_Case_Study">« post-vérité »</a> – un domaine dans lequel le clan bolsonariste est devenu maître.</p>
<h2>La rhétorique de « l’expérience du réel »</h2>
<p>Qu’est-ce que le bolsonarisme, du point de vue du discours ?</p>
<p>Dans leur excellent ouvrage <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Hors-serie-Connaissance/Peuplecratie"><em>Peuplecratie, le métamorphose de nos démocraties</em></a> (2019), analysant notamment l’Italie de Matteo Salvini, les chercheurs Ilvo Diamanti et Marc Lazar ont avancé la notion de « peuplecratie ». Selon nous, le Brésil sous Bolsonaro est une peuplecratie à son stade ultime.</p>
<p>Qu’entendons-nous par là ? Laissons la parole aux créateurs de la notion :</p>
<blockquote>
<p>« La peuplecratie résulte d’un double processus. D’une part, l’ascension des mouvements et partis populistes par effet de contamination, la modification des fondements de nos démocraties. Les populistes se réfèrent au peuple souverain qu’ils en viennent à idolâtrer et sacraliser. Dans le même temps, ils s’attaquent aux représentants politiques qualifiés par eux de traditionnels et se livrent à une occultation, voire à une critique radicale, des formes institutionnelles organisant cette même souveraineté populaire. Le peuple […] est systématiquement valorisé en tant qu’entité homogène, porteur de vérité et considéré comme fondamentalement bon, surtout par opposition aux élites supposées homogènes, toujours dénigrées, disqualifiées, détestées, haïes. Cet antagonisme – le peuple vertueux contre ces élites corrompues – a un effet explosif mesurable et amplifié par la caisse de résonance que constituent les réseaux sociaux. »</p>
</blockquote>
<p>La peuplecratie se structure donc via le discours populiste, propagé notamment sur les réseaux sociaux.</p>
<p>Bolsonaro, au style direct et familier, essaye par une vraie proximité politique créée avec son cœur de cible électoral, de construire les frontières de la réalité, de produire une « fake news » aux apparences complètes d’authenticité. Cette rhétorique de « l’expérience du réel » est un élément central du populisme à la sauce Bolsonariste. À notre sens, la « rhétorique de l’expérience du réel » est un élément fondamental relativement oublié dans l’étude du populisme. Les valorisations successives de « l’expérience du réel » sont donc légion au sein du discours bolsonariste sur un sujet qui lui a valu bien des accusations : l’Amazonie.</p>
<p>Revenons sur certains extraits significatifs de ce discours :</p>
<p>En septembre 2019 devant l’Assemblée générale de l’ONU, quelques semaines après le <a href="https://www.sudouest.fr/international/g7/amazonie-des-centaines-de-nouveaux-incendies-le-sujet-au-coeur-du-g7-a-biarritz-2503692.php">buzz médiatique international du G7 de Biarritz sur l’Amazonie</a>, déclenché notamment par Emmanuel Macron, une première réponse : « N’hésitez pas à venir au Brésil, c’est un pays très différent de ce que vous voyez à la télé et dans les journaux ». Une négation de la possibilité de médiation du réel sur l’Amazonie via les médias.</p>
<p>En février 2020, <a href="https://www.geo.fr/environnement/lamazonie-selon-bolsonaro-un-reve-qui-fait-cauchemarder-les-indigenes-199802">il s’en prend aux ONG écologistes avec une ironie malsaine</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Si je pouvais, j’aimerais confiner ces écologistes au beau milieu de l’Amazonie pour qu’ils arrêtent d’embêter les peuples amazoniens depuis la ville. »</p>
</blockquote>
<p>La provocation directe accompagne donc ce type de rhétorique dessinant une césure entre un « eux » et « nous », base du populisme.</p>
<p>En août 2020, Bolsonaro <a href="https://www.challenges.fr/top-news/bresil-pour-bolsonaro-les-incendies-en-amazonie-sont-un-mensonge_722728">invite son auditoire à effectuer un vol au-dessus de l’Amazonie</a>) entre les villes lointaines de Boa Vista et Manaus pour se rendre compte qu’aucune flamme n’était visible :</p>
<blockquote>
<p>« Ils ne trouveront pas un seul foyer d’incendie, pas un seul hectare de déforestation. »</p>
</blockquote>
<p>Le président brésilien emploie la logique populiste classique, exploitée universellement, voulant que seul un policier a la légitimité pour s’exprimer sur la sécurité des rues, seul un ouvrier peut parler des aspirations des classes populaires, seul un juge ou magistrat doit avoir quelque chose à dire sur l’état de la justice, seul un berger des Pyrénées peut donner son avis sur la question de la réintroduction de l’ours, et ainsi de suite… Bolsonaro affirme donc que seuls les Brésiliens vivant en Amazonie (plus de 22 millions de personnes, les indigènes traditionnels étant ultra-minoritaires) ont la légitimité nécessaire pour s’exprimer sur les enjeux concrets liés à cette région – pratique, sachant que <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/11/25/bresil-dans-l-acre-la-decheance-de-la-gauche-amazonienne_6061049_3210.html">l’État d’Acre, dans l’ouest de l’Amazonie, était un foyer bolsonariste</a>, où il a réalisé ses meilleurs scores aux dernières élections.</p>
<p>Cette réduction de la source d’information à son identité, unique élément permettant de juger de la véracité de ses propos, épouse la conception populiste du « peuple » et de son supposé « bon sens ».</p>
<h2>Une victimisation commune à bien d’autres populistes</h2>
<p>Tous les populismes ont en partage la <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0267323117737952">« rhétorique de l’exclusion »</a> (exclusionary narratives), aspect consubstantiel de l’idée du « peuple » qu’ils prétendent incarner et dont résulte la création obligatoire, dans leurs discours, de camps totalement antagonistes : « nous » contre « les autres ».</p>
<p>Sur la problématique de l’Amazonie, Bolsonaro use et abuse de cette dénonciation des « autres », représentés ici par de supposés intérêts de l’étranger hostiles au Brésil. Ce récit permet la consolidation d’une identité collective forte par opposition à l’adversaire.</p>
<p>Bolsonaro emploie cette « rhétorique de l’exclusion » sur de très nombreux sujets. Nous concentrons donc notre analyse sur le seul objet de l’Amazonie. On observe l’actualisation de la dénonciation du « néo-colonialisme », les pays occidentaux étant accusés de vouloir piller les ressources du pays. La victimisation est alors un processus central par le biais duquel un individu ou un groupe sont culturellement construits comme victime. Cette dénonciation indirecte ou directe du « complot international » contre les intérêts du Brésil, cette opposition permanente entre le global et le local sont au cœur des théories du complot que Bolsonaro fait circuler dans l’espace public.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1200913948729626624"}"></div></p>
<p>Revenons sur certains extraits significatifs de ce discours :</p>
<p>Le 1<sup>er</sup> août 2019, Bolsonaro <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/bolsonaro-sur-le-drian-qu-est-ce-qu-il-est-venu-discuter-avec-des-ong-ici-20190801">s’en prend au ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian</a>, qui a rencontré des représentants d’ONG pendant un déplacement officiel au Brésil :</p>
<blockquote>
<p>« Qu’est-ce qu’il est venu discuter avec des ONG ici ? Dès qu’on parle d’ONG, il y a une alarme qui s’allume dans la tête de celui qui a un minimum de bon sens. »</p>
</blockquote>
<p>En septembre 2020, à l’ONU, il assène :</p>
<blockquote>
<p>« Nous sommes victimes d’une campagne de désinformation internationale des plus brutales sur l’Amazonie […]. L’Amazonie brésilienne est connue pour être très riche en ressources […] Cela explique le soutien des institutions internationales à cette campagne soutenue par des intérêts douteux, que rejoignent des associations brésiliennes profiteuses et non patriotes, dans le but de nuire au Brésil lui-même. »</p>
</blockquote>
<p>En janvier 2021, un haut gradé brésilien, Durval Nery, proche du président, <a href="https://culturadefato.com.br/controle-dos-rothschilds-na-amazonia">abonde dans son sens</a> :</p>
<blockquote>
<p>« L’ONG anglaise WWF est financée par Jacob de Rothschild, George Soros et la Fondation Ford. Cette ONG est à l’origine de la tentative d’activer l’intervention occidentale en Amazonie et par conséquent de livrer sa richesse à des groupes étrangers. »</p>
</blockquote>
<p>Les éléments de discours victimaire très présents chez Bolsonaro se retrouvent également au sein d’un véritable « arc populiste mondial ». Steve Bannon, l’ancien stratège en chef de Donald Trump, est venu plusieurs fois <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20211115-br%C3%A9sil-des-trumpistes-pour-sauver-le-soldat-bolsonaro">conseiller Bolsonaro</a>. Le premier ministre hongrois Viktor Orbán et les médias proches du pouvoir utilisent l’image de Soros comme une véritable caricature maléfique, cause d’une bonne partie des problèmes du pays et du monde. En 2014, le gouvernement hongrois a mis en œuvre avant les élections législatives une large campagne, placée sous le signe du slogan « Stop Soros », affirmant que toutes les organisations critiques à l’égard d’Orban étaient corrompues par Soros.</p>
<p>Par la suite, Nigel Farage, l’un des principaux promoteurs du Brexit au Royaume-Uni, a décrit Soros comme <a href="https://www.theguardian.com/politics/2019/may/12/farage-criticised-for-using-antisemitic-themes-to-criticise-soros">« la plus grande menace actuelle pour le monde occidental »</a>. En France, la figure de Soros est également agitée aussi par les populistes, le magazine <em>Valeurs Actuelles</em> voyant en lui « le milliardaire qui complote contre la France » et « le militant de la submersion migratoire et de l’islamisme ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1056453052713054208"}"></div></p>
<p>George Soros est ainsi une figure vide dans laquelle les populistes glissent toutes leurs chimères et leurs haines. Il représente un épouvantail international à caricaturer dans le sens souhaité par l’émetteur, réactivant au passage <a href="https://www.lemonde.fr/blog/filiu/2018/11/04/les-antisemites-obsedes-par-soros/">tout un imaginaire antisémite</a>.</p>
<p>Deuxièmement, Bolsonaro s’inspire de la pratique de « stigmatisation globale » mise en place depuis 2011 par Vladimir Poutine, qui délégitime ses adversaires intérieurs (médias, ONG…) en les présentant comme des <a href="https://www.france24.com/fr/europe/20211231-comment-moscou-utilise-le-statut-d-agents-%C3%A9trangers-pour-harceler-les-opposants">« agents de l’étranger »</a> dès lors qu’ils reçoivent des financements, même limités, en provenance d’un pays autre que la Russie. De la même façon, le président brésilien martèle que ceux qui le critiquent nationalement le font parce qu’ils sont influencés pour cela par des puissances étrangères, déterminées à affaiblir « la patrie ».</p>
<p>Troisièmement, Bolsonaro, parfois surnommé <a href="https://www.europe1.fr/international/le-trump-des-tropiques-lancien-president-americain-appelle-a-reelire-jair-bolsonaro-4132917">« le Trump des Tropiques »</a>, emprunte aussi une rhétorique victimaire à son modèle dans sa stigmatisation de la gauche (Lula, autres leaders sud-américains). Pour Bolsonaro comme pour Trump, la gauche, dans toute sa diversité, est identifiée au communisme. À cet égard, le chercheur brésilien Felipe Loureiro <a href="https://blogs.mediapart.fr/marilza-de-melo-foucher/blog/050620/bresil-etats-unis-entretien-avec-felipe-loureiro">explique</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Le bolsonarisme identifie dans le trumpisme une sorte de gardien de l’État-Nation au XXI<sup>e</sup> siècle, contrairement aux intérêts et aux stratégies mondialistes, soi-disant orchestrés par une conspiration du communisme international. Cette conspiration, selon cette perspective, s’appuie sur un réseau de soutien complexe, impliquant des organisations internationales […] avec des connexions qui traverseraient le monde des affaires, des universités et de la presse, pour détruire les bases de l’identité nationale. Au Brésil, cette conspiration vise la religion chrétienne et la famille patriarcale. »</p>
</blockquote>
<h2>Un bolsonarisme au-delà de Bolsonaro ?</h2>
<p>On observe donc un Bolsonaro qui joue la victime au niveau national a l’image d’un Trump et dénonce le complot international à l’image d’un Poutine ou d’un Orbán, tout en produisant sa propre rhétorique de « l’expérience du réel ».</p>
<p>Ce bolsonarisme peut survivre à une éventuelle défaite électorale de l’actuel président… et tout à fait s’exporter vers l’Europe pour y stimuler notamment un sentiment anti-écologique déjà présent dans certaines sphères populistes du Vieux continent. Demain, les nuages des fumées délirantes du bolsonarisme pourraient obscurcir les cieux lointains, de la même façon que les feux d’Amazonie ont un <a href="https://www.numerama.com/sciences/543998-lamazonie-brule-voici-les-consequences-gravissimes-sur-lavenir-de-la-planete.html">impact qui ne se limite pas au Brésil</a>. La compréhension, l’analyse et la vigilance face aux discours populistes nationaux et internationaux sont donc aussi un impératif démocratique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191218/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Cilluffo Grimaldi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Durant son mandat, Jair Bolsonaro n’a cessé de diffuser un discours populiste ancré dans une sorte de « post-vérité », notamment sur le dossier de l’Amazonie.Pierre Cilluffo Grimaldi, Doctorant - SIC, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1871992022-07-25T19:54:55Z2022-07-25T19:54:55ZPour éviter la discrimination, les consommateurs brésiliens à faible revenu préfèrent payer plus pour un même produit<p>Depuis de nombreuses années, la recherche montre que les consommateurs à faibles revenus ont tendance à être plus sensibles aux prix que leurs homologues à revenus élevés. Cette sensibilité désigne le poids que nous accordons au prix par rapport à d’autres attributs lorsque nous formons des impressions sur les produits et services et que nous prenons des décisions d’achat. On peut dire que c’est le degré auquel le prix détermine la propension d’un client à acheter votre produit ou votre service.</p>
<p>Cette sensibilité plus forte chez les moins aisés s’explique par différentes raisons et dans diverses circonstances. La rareté financière rend les personnes défavorisées plus conscientes des prix, plus sensibles aux remises et plus préoccupées par le prix de toute expérience de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/consommation-20873">consommation</a>. Pour cette raison, les consommateurs à faible revenu finissent par se rappeler les prix des produits avec plus de précision et sont moins sensibles aux effets du contexte du magasin. Seuls des coûts élevés et une capacité de stockage limitée peuvent entraver la capacité des consommateurs à faible revenu à exercer leur forte sensibilité aux prix.</p>
<p>Cependant, les mégapoles du monde entier (par exemple, Rio de Janeiro, New York, Paris, Madrid, Mexico, Johannesburg, par exemple) combinent deux éléments uniques : une forte densité de population et des disparités économiques importantes. Cette combinaison pose des défis uniques aux consommateurs à faible revenu. Souvent marqués par la stigmatisation et la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/discrimination-21598">discrimination</a>, ils doivent non seulement faire face aux défis financiers inhérents à la pauvreté, mais aussi développer des stratégies pour naviguer dans les interactions avec les consommateurs plus aisés.</p>
<h2>« Taxe psychologique du ghetto »</h2>
<p>Dans une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/00222437221097100">recherche</a> récemment publiée dans des plus importantes revues internationales sur le comportement des consommateurs, nous révélons notamment que la peur de la discrimination pousse ceux à faible revenu à préférer faire leurs achats dans des magasins avec des consommateurs de la même classe sociale, même s’ils doivent payer plus cher.</p>
<p>Ainsi, la discrimination perçue basée sur le revenu constitue une « taxe psychologique du ghetto », qui peut également réduire la sensibilité aux prix chez les consommateurs à faible revenu. Par conséquent, cela montre que les consommateurs à faible revenu ne sont pas seulement sensibles à l’argent ; ils sont également particulièrement sensibles aux signaux du marché qui signalent une discrimination potentielle.</p>
<p>Pour comprendre ce phénomène, notre recherche a mobilisé cinq études à Rio de Janeiro au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/bresil-23640">Brésil</a>, ville caractérisée de fortes <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inegalites-sociales-53084">inégalités sociales</a>, pour évaluer dans quelle mesure les consommateurs à faible étaient prêts à renoncer à des opportunités d’achat financièrement avantageuses dans des environnements commerciaux haut de gamme.</p>
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<p>Ces études, menées par l’IÉSEG School of Management en partenariat avec FGV EBAPE, révèle en effet que les consommateurs à faibles revenus préfèrent effectuer leurs achats dans des environnements où se rendent d’autres <a href="https://theconversation.com/fr/topics/consommateurs-33275">consommateurs</a> d’un statut social équivalent. Cet effet est dû aux attentes élevées de discrimination des consommateurs à faible revenu dans des environnements commerciaux plus sophistiqués, une préoccupation pratiquement inexistante chez les consommateurs aisés.</p>
<p>Autrement dit, les consommateurs à faibles revenus préfèrent effectuer leurs achats dans des magasins où ils n’anticipent pas de sentiments de discrimination, même s’ils doivent payer plus cher pour cela. Et les consommateurs plus aisés, quant à eux, finissent par acheter le même produit dans l’endroit le moins cher, puisqu’ils ne prévoient pas la possibilité d’une discrimination, quel que soit l’environnement d’achat.</p>
<h2>Une situation contournable</h2>
<p>Par exemple, dans l’une des études, les chercheurs ont donné une somme d’argent fixe aux résidents des favelas de Rio de Janeiro à faibles revenus pour qu’ils achètent une paire de tongs et ils pouvaient garder la monnaie. Les chercheurs ont leur avons proposé deux options : soit acheter des tongs plus cher dans un kiosque à journaux dans la rue devant un centre commercial haut de gamme pour la valeur presque totale de l’argent qu’ils ont reçu, soit les acheter pour un coût beaucoup moins élevé dans un magasin de ce centre commercial et garder la monnaie.</p>
<p>Le résultat : dans leur grande majorité, les consommateurs à faibles revenus ont préféré éviter d’entrer dans le magasin du centre commercial haut de gamme, même s’ils avaient été informés qu’ils pouvaient y trouver un prix plus bas. Le même schéma ne s’est pas produit pour les participants qui avaient été informés que le centre commercial n’était pas haut de gamme.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-microcredit-un-soutien-decisif-a-lentrepreneuriat-au-bresil-185429">Le microcrédit, un soutien décisif à l’entrepreneuriat au Brésil</a>
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<p>Cependant, cette recherche adresse un message clair aux entreprises et aux détaillants : ils perdent un grand nombre de consommateurs importants simplement parce que leurs magasins et leur service client pourraient rappeler l’idée que leurs magasins ne sont pas faits pour tous les consommateurs, quel que soit leur niveau de revenu.</p>
<p>Elle montre aussi qu’il est possible de contourner cette situation : en mettant l’accent sur les valeurs liées à l’égalité de traitement de tous les consommateurs et/ou à l’appréciation de la diversité, il est possible de réduire les craintes de discrimination chez les consommateurs à faible revenu, qui se sentent alors plus à l’aise pour effectuer des achats dans des environnements commerciaux traditionnellement considérés comme ciblant uniquement les consommateurs plus aisés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187199/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs de la recherche ont révélé avoir reçu le soutien financier suivant pour la recherche : Coordination de l'amélioration de
Personnel de l'enseignement supérieur - Brésil (CAPES)</span></em></p>Une série d’études menées à Rio de Janeiro montrent les plus défavorisés préfèrent effectuer leurs achats dans les lieux fréquentés par des clients de la même classe sociale, quitte à payer plus.Jorge Jacob, Professor of Behavioral Sciences, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1854292022-07-04T18:42:25Z2022-07-04T18:42:25ZLe microcrédit, un soutien décisif à l’entrepreneuriat au Brésil<p>Les très petites entreprises (TPE) ont un poids considérable dans l’économie du Brésil : elles représentent <a href="https://www.sebrae.com.br/sites/PortalSebrae/ufs/mt/noticias/micro-e-pequenas-empresas-geram-27-do-pib-do-brasil,ad0fc70646467410VgnVCM2000003c74010aRCRD">53,4 % du PIB</a> national. Dans le domaine de l’industrie, leur participation (22,5 %) est déjà proche de celle des moyennes entreprises (24,5 %) et dans le secteur des services, plus d’un tiers de la production brésilienne (36,3 %) provient de leur activité.</p>
<p>L’impact des TPE dans l’économie brésilienne s’explique par la création de <em>supersimples</em> qui a réduit les impôts et unifié huit impôts en un seul, mais également par l’augmentation de la scolarisation au Brésil et l’expansion du marché de consommation depuis 2011. Ces trois facteurs ont motivé les Brésiliens à <a href="https://www.researchgate.net/profile/Walid-Nakara/publication/281983168_Les_bad_pratiques_d%27accompagnement_a_la_creation_d%27entreprise_Le_cas_des_entrepreneurs_par_necessite/links/561ccb6908aea8036725d19b/Les-bad-pratiques-daccompagnement-a-la-creation-dentreprise-Le-cas-des-entrepreneurs-par-necessite.pdf">entreprendre par opportunité et non plus par nécessité</a>.</p>
<p>Malheureusement, la plupart des entrepreneurs rencontrent encore des difficultés à obtenir des ressources pour démarrer l’entreprise. Celles-ci doivent être bien planifiées et structurées pour <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00950636">assurer une performance globale et durable</a> de l’entreprise. La difficulté d’accéder au crédit demeure donc un obstacle de taille à la croissance et à la survie des TPE.</p>
<p>Aujourd’hui, les petites entreprises brésiliennes disposent de trois voies différentes pour accéder aux ressources financières nécessaires à leur développement : les banques, les usuriers et les sociétés de microcrédit. Il ressort d’un récent travail de recherche que ce sont ces dernières qui représentent la voie d’accès au financement la plus efficace.</p>
<h2>Depuis 50 ans</h2>
<p>La première initiative de microfinance au Brésil a eu lieu à <a href="https://www.editorapeiropolis.com.br/produto/impacto-em-renda-no-microcredito/">Recife, Pernambuco et Bahia, en 1973</a>. L’Union du Nord-Est pour l’Assistance aux Petites Organisations (UNO) avait alors dirigé un programme de microcrédit devenu une référence pour plusieurs initiatives similaires en Amérique latine. Cependant, malgré ses succès, l’UNO a fermé en 1991, principalement en raison de son incapacité à générer une viabilité financière à long terme.</p>
<p>En 1982, la deuxième organisation du segment de la microfinance entre en vigueur. Il s’agit de l’Association brésilienne pour le développement de la femme – Banco da Mulher, créée à Rio de Janeiro pour lutter pour l’insertion des femmes dans la société et dans la qualité de vie de la famille. Plus tard, avec l’aide du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) et de la Banque interaméricaine de développement (BID), Banco da Mulher a été lancé à Bahia, offrant un cours de formation et un crédit financier avec un soutien à la commercialisation.</p>
<p>Quatre autres institutions ont ensuite été créées entre 1986 et 1989, à savoir Banco do Microcrédito (Paraná), Promicro (District fédéral), le Centre de soutien aux propriétaires de petites entreprises (CEAPE-RS à Porto Alegre, Rio Grande do Norte et Maranhão, devenue le <a href="http://www.ceapepi.org.br/v3/institucional.php">CEAPE national en 2018</a>) et l’Institut du développement de l’action communautaire (l’IDACO, à Rio de Janeiro).</p>
<p>Dans les années 1990, trois autres initiatives voient le jour : Pró Renda à Ceará, le Tool Desk de Caixa Econômica Federal et Banco Providência à Rio de Janeiro. Enfin, certaines banques privées ont commencé à fournir des microcrédits aux entrepreneurs formels et informels à partir de 2002.</p>
<h2>Rapport qualité/prix</h2>
<p>Le microcrédit, dans notre étude, est considéré comme l’octroi de prêts de faible valeur de 21 000 reals brésiliens maximum (3 414 euros) à de petites entreprises n’ayant pas accès au système financier traditionnel (prêt bancaire), principalement parce qu’elles <a href="https://www.bcb.gov.br/content/publicacoes/outras_pub_alfa/microcredito.pdf">ne peuvent offrir de garanties suffisantes</a>.</p>
<p>Notre étude, menée entre août 2019 et août 2021 auprès de 114 d’entrepreneurs souhaitant recourir à un microcrédit à São Paulo, a permis de faire ressortir les principaux facteurs de motivation du choix du microcrédit que nous pouvons classer en 4 dimensions :</p>
<p>Tout d’abord, la dimension <strong>relation client</strong>, qui est exprimée par 90 % de notre échantillon (102 sur 114). Les entrepreneurs apprécient en effet d’être traités avec empathie, comme le souligne l’un de nos répondants :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai trouvé une structure qui m’écoute et me respecte en tant qu’entrepreneur, ce que je n’avais jamais vu auparavant dans une banque ».</p>
</blockquote>
<p>Ensuite, la <strong>facilité d’accès</strong> est mise en en avant par 75 % de notre échantillon (85 sur 114). Les entrepreneurs peuvent en effet demander de nouveaux prêts lorsqu’ils ont déjà payé au moins 80 % des échéances du précédent, ce qui n’est pas le cas des banques ou des usuriers. L’un d’entre eux en témoigne :</p>
<blockquote>
<p>« Mes interlocuteurs disposent d’un historique de toutes mes activités, ce qui facilite l’approbation d’un nouveau crédit lorsque j’en ai besoin. Cela me donne plus de sécurité ».</p>
</blockquote>
<p>Environ 60 % de l’échantillon (68 sur 114) salue également le microcrédit comme un moyen de <strong>limiter la bureaucratie</strong> qui peut constituer un obstacle à l’approbation du crédit. Un entrepreneur reconnaît ainsi que :</p>
<blockquote>
<p>« Tout est plus rapide lors de la demande d’un nouveau crédit. Cela garantit que j’ai toujours une alternative disponible lorsque j’ai besoin d’argent pour gérer mon entreprise ».</p>
</blockquote>
<p>Enfin, 40 % de notre échantillon (45 sur 114) évoque l’avantage d’une <strong>planification financière personnalisée</strong>. L’un de nos répondants y voit un de la compréhension fine des besoins des par les sociétés de microcrédit :</p>
<blockquote>
<p>« La partie encaissement est bien développée, ils ne nous font pas oublier le paiement, cela aide beaucoup à planifier la partie financière et à respecter nos obligations avec eux ».</p>
</blockquote>
<p>Plus globalement, lorsque les entrepreneurs ont été interrogés sur les principaux facteurs positifs par rapport au crédit reçu, 100 % des répondants ont pointé le rapport qualité/prix comme principal facteur de souscription.</p>
<h2>Alternative essentielle</h2>
<p>Le microcrédit se donc présente comme un véritable créateur d’opportunités. Sans ce soutien, les entreprises de notre échantillon <a href="https://bibliotecadigital.fgv.br/ojs/index.php/rce/article/view/26573/25435">n’auraient pas pu aboutir aux améliorations</a> et aux progrès qu’elles ont réalisés grâce à ce canal de financement.</p>
<p>Soutenir l’accès au crédit des petites entreprises constitue donc l’une des fonctions motrices pour l’émergence d’alternatives professionnelles, l’augmentation de la productivité, la faisabilité de nouvelles entreprises et, par conséquent, le <a href="https://www.scielo.br/j/rap/a/XHgkBVrf7zLrFjVKD5cLcWf/?lang=pt">développement de l’économie nationale</a>. Ainsi, l’instrument du microcrédit devient une alternative essentielle dans la lutte contre la survie et le développement des très petites entreprises au Brésil.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185429/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Plus que les banques ou les usuriers, les sociétés octroyant des prêts faible valeur constituent l’accès essentiel au financement des petites entreprises brésiliennes.Fabio Saliba, Enseignant vacataire, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3Thomas Rouveure, Chercheur associé, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1837682022-06-13T19:45:36Z2022-06-13T19:45:36ZL’accélération de la disparition de la forêt amazonienne menace les peuples autochtones<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/468514/original/file-20220613-24-kty283.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=29%2C11%2C3904%2C2682&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une enfant autochtone du groupe ethnique Mayuruna se tient sur une jetée au bord de la rivière Atalaia do Norte dans l'état d'Amazonas, au Brésil, le 12 juin 2022. La police fédérale et les forces militaires mènent des recherches et des enquêtes sur la disparition du journaliste britannique Dom Phillips et de l'expert en affaires autochtones Bruno Araujo Pereira. </span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Edmar Barros)</span></span></figcaption></figure><p>Les forêts s’amenuisent chaque année dans le monde. Et le Brésil est l’épicentre du phénomène. Selon le <a href="https://www.worldwildlife.org/stories/what-animals-live-in-the-amazon-and-8-other-amazon-facts">Fonds mondial pour la nature</a>, plus du quart de la forêt amazonienne sera dépourvue d’arbres d’ici 2030 si la <a href="https://time.com/amazon-rainforest-disappearing/">vitesse</a> à laquelle ils tombent se maintient.</p>
<p>Si rien ne se passe, on estime même que <a href="https://www.wwf.org.uk/sites/default/files/2021-12/WWF%20briefing%20-%20Westminster%20Hall%20debate%20on%20Amazon%20deforestation%205%20January%202022.pdf">40 % de cette forêt</a> unique au monde sera rasée d’ici 2050.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/elections-au-bresil-quels-defis-pour-lula-face-a-jair-bolsonaro-179628">Élections au Brésil : quels défis pour Lula face à Jair Bolsonaro ?</a>
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<p>Au-delà des conséquences matérielles et environnementales, cette déforestation <a href="https://www.ohchr.org/sites/default/files/Documents/Issues/ClimateChange/COP21.pdf">menace certains droits humains</a>, notamment le droit à la vie, à l’intégrité physique, à une qualité de vie raisonnable et à la dignité des communautés marginalisées. Le Brésil est l’un des cas les plus inquiétants en ce sens.</p>
<p>Doctorant en science politique, mes intérêts de recherche portent sur la justice climatique, la transition énergétique, l’économie verte et les politiques internationales de l’environnement.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-prairies-africaines-sont-censees-bruler-pas-les-forets-damazonie-ne-detournons-pas-lattention-122593">Les prairies africaines sont censées brûler - pas les forêts d'Amazonie. Ne détournons pas l'attention!</a>
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<h2>Massacre à la tronçonneuse</h2>
<p>L’article 25 de la <a href="https://www.un.org/development/desa/indigenouspeoples/wp-content/uploads/sites/19/2018/11/UNDRIP_F_web.pdf">Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (2007)</a> a statué que ces communautés possèdent pleinement le « […] droit de maintenir et de renforcer leur relation distinctive avec leurs terres, territoires, eaux et mers côtières et autres ressources qui leur appartiennent ou qu’ils occupent et utilisent traditionnellement […] ».</p>
<p>Cet article n’est pas respecté par l’État brésilien en Amazonie.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/468265/original/file-20220610-28106-bfsenj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C1%2C985%2C745&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Vue aérienne par drone de la déforestation dans la forêt amazonienne. Arbres coupés et brûlés illégalement pour ouvrir des terres à l’agriculture et au bétail dans la forêt nationale de Jamanxim, Para, Brésil" src="https://images.theconversation.com/files/468265/original/file-20220610-28106-bfsenj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C1%2C985%2C745&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468265/original/file-20220610-28106-bfsenj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468265/original/file-20220610-28106-bfsenj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468265/original/file-20220610-28106-bfsenj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468265/original/file-20220610-28106-bfsenj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468265/original/file-20220610-28106-bfsenj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468265/original/file-20220610-28106-bfsenj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’arrivée au pouvoir du gouvernement porté par Jair Bolsonaro a contribué à l’accélération de la déforestation en Amazonie, menaçant plusieurs peuples autochtones de cette région.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<p>Même si le pays s’était engagé à réduire de façon significative la déforestation et limiter les coupes à blanc à 3 925 km<sup>2</sup>, les données de Human Rights Watch, une organisation internationale de défense des droits de la personne, démontrent que les tronçonneuses <a href="https://www.hrw.org/world-report/2022/country-chapters/brazil#74d7dc">ont rasé près de 13 000 km² de forêts tropicales</a> vierges, rendant vulnérables encore plus les communautés de peuples autochtones.</p>
<p>Le taux de déforestation sur les territoires où vivent ces communautés s’est accru de <a href="https://doi.org/10.1038/s41559-020-01368-x">34 % entre 2018 et 2019, alors que le pays s’était pourtant engagé en 2009 à le réduire de 80 %</a>. Cela entraîne des déplacements forcés sur des centaines de kilomètres, des problèmes de santé majeurs et une perte de repères. Selon Human Rights Watch, ce sont près de <a href="https://www.hrw.org/news/2022/04/19/crisis-brazilian-amazon">13 235 km² de forêt vierge</a> amazonienne qui ont subi une coupe à blanc entre août 2020 et juillet 2021, soit une augmentation de 22 % de la superficie coupée à blanc par rapport à la même période l’année précédente. </p>
<p>Cela <a href="https://theconversation.com/elections-au-bresil-quels-defis-pour-lula-face-a-jair-bolsonaro-179628">coïncide</a> avec l’accession au pouvoir de Jair Bolsonaro. Juste pour le mois de janvier 2022, on enregistre la destruction de 430 km<sup>2</sup> de forêt tropicale, une <a href="https://www.reuters.com/business/environment/deforestation-brazils-amazon-rainforest-hits-record-january-high-2022-02-11/">superficie cinq fois plus élevée qu’au mois de janvier 2021</a>.</p>
<h2>Menaces et assassinats</h2>
<p>De multiples abus sont répertoriés depuis les débuts de la colonisation, dont <a href="https://www.hrw.org/report/2019/09/17/rainforest-mafias/how-violence-and-impunity-fuel-deforestation-brazils-amazon">l’empiètement illégal de l’État brésilien</a> sur des territoires officiellement autochtones. Mais sous l’actuel président Bolsonaro, les réseaux criminels accentuant la déforestation de l’Amazonie se sont multipliés. Le crime organisé considère les grandes industries du bois et de l’agriculture comme autant d’opportunités pour déplacer et blanchir de l’argent. Il exploite illégalement des territoires forestiers puis cache de la <a href="https://www.fastcompany.com/90698713/a-hidden-major-cause-of-global-deforestation-organized-crime">drogue</a> dans des expéditions de bois à destination de l’Europe ou de l’Asie.</p>
<p>Des experts qualifient de <a href="https://dialogo-americas.com/articles/narcotrafficking-in-brazil-speeds-up-amazon-rainforest-destruction-and-increases-violence/#.Yp6lTi3pNN0">« narcodéforestation »</a> ce phénomène illégal. De nombreux sites d’extraction d’or et de minerais illégaux sont aussi en activité en Amazonie, et les entreprises qui les gèrent profèrent souvent des menaces envers la communauté indigène <a href="https://www.opendemocracy.net/en/democraciaabierta/munduruku-fight-save-amazon-indigenous-world-deforestation/">Munduruku</a> qui y habite.</p>
<p>À la grandeur de l’Amazonie, les <a href="https://www.hrw.org/news/2021/11/02/cop26-dont-be-fooled-bolsonaros-pledges">personnes et les militants qui résistent à ces coupes</a> sont menacées, harcelées et souvent tuées. En 2019, l’ONG Global Witness a enregistré <a href="https://www.globalwitness.org/en/all-countries-and-regions/brazil/">24 décès de défenseurs de l’environnement et du territoire</a>, dont la quasi-totalité est survenue en Amazonie. Le Brésil se retrouve ainsi en troisième position des pays les plus meurtriers à l’égard des défenseurs environnementaux, après la <a href="https://www.globalwitness.org/en/campaigns/environmental-activists/defending-tomorrow/">Colombie et les Philippines</a>.</p>
<p><a href="https://www.amnesty.org/fr/documents/amr19/5694/2022/fr/">L’actualité vient nous le rappeler :</a> Bruno Araujo Pereira, défenseur des droits environnementaux et des droits des autochtones, et le journaliste britannique Dom Phillips, sont portés disparus depuis le 5 juin en Amazonie dans une région réputée <a href="https://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20220608-amazonie-dom-phillips-et-bruno-pereira-ont-disparu-dans-une-r%C3%A9gion-sans-foi-ni-loi">« sans foi ni loi »</a>. Ils avaient reçu des menaces de mort peu avant, selon l’organisation locale partie à leur recherche. La police brésilienne a déclaré dimanche <a href="https://news-24.fr/les-effets-personnels-dun-journaliste-disparu-et-dun-expert-autochtone-retrouves-en-amazonie-selon-la-police/">que des équipes de recherche avaient découvert leurs effets personnels</a> et lundi, <a href="https://www.theguardian.com/world/2022/jun/13/dom-phillips-bruno-pereira-bodies-found-brazil">que des corps ont été repérés dans la zone de leur disparition.</a> Ils n'ont toutefois pas encore été formellement identifiés. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/468517/original/file-20220613-16-4qip2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="bateau sur une rivière en amazonie" src="https://images.theconversation.com/files/468517/original/file-20220613-16-4qip2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468517/original/file-20220613-16-4qip2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468517/original/file-20220613-16-4qip2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468517/original/file-20220613-16-4qip2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468517/original/file-20220613-16-4qip2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468517/original/file-20220613-16-4qip2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468517/original/file-20220613-16-4qip2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La police navigue sur la rivière Itaquai pendant les recherches du journaliste britannique Dom Phillips et de l’expert en affaires autochtones Bruno Araujo Pereira dans le territoire autochtone de la vallée de Javari, à Atalaia do Norte, dans l’État d’Amazonas, au Brésil, le 10 juin 2022. Phillips et Pereira ont été vus pour la dernière fois le 5 juin.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Edmar Barros)</span></span>
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</figure>
<p>Par ailleurs, le nombre de décès attribuable à la défense de l’environnement et du territoire pourrait être largement sous-estimé, puisque les données ne sont pas disponibles et transparentes pour tous les pays.</p>
<h2>Les femmes et les enfants, principales victimes de la déforestation</h2>
<p>Un <a href="https://www.ohchr.org/sites/default/files/Documents/Issues/ClimateChange/COP21.pdf">rapport de l’Organisation des Nations unies (ONU)</a> révèle qu’une forte corrélation existe entre l’aggravation des changements climatiques et la détérioration des droits de la personne dans le monde.</p>
<p>La déforestation affecte disproportionnellement les <a href="https://www.fern.org/publications-insight/forest-loss-affects-women-and-children-disproportionally-1966/">communautés autochtones</a>, notamment les enfants et les femmes. Elle accentue la pression qui repose déjà en plus grande partie sur les épaules des femmes pour nourrir leurs enfants et leur famille tout en limitant l’accès à des produits essentiels, dont des médicaments. </p>
<p>En effet, leur santé repose sur l’accès à des produits naturels médicinaux que l’on retrouve dans la biodiversité. L’Amazonie est un réservoir majeur de substances entrant dans la fabrication de plusieurs produits pharmaceutiques disponibles sur le continent sud-américain. Encore aujourd’hui, <a href="https://academic.oup.com/bioscience/article/53/6/573/224740">près de 80 % de la population</a> des pays en voie de développement compte sur les produits naturels médicinaux pour leur soin de base primaire. Dans la majorité des communautés, ce sont aussi les femmes qui sont responsables de cultiver la terre et d’assurer le transport et le traitement de l’eau.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/468518/original/file-20220613-21-qpn2f7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="personnes autochtones sur des marches d’escalier" src="https://images.theconversation.com/files/468518/original/file-20220613-21-qpn2f7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468518/original/file-20220613-21-qpn2f7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468518/original/file-20220613-21-qpn2f7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468518/original/file-20220613-21-qpn2f7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468518/original/file-20220613-21-qpn2f7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468518/original/file-20220613-21-qpn2f7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468518/original/file-20220613-21-qpn2f7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Des autochtones observent les activités de la police pendant la recherche du journaliste britannique Dom Phillips et de l’expert en affaires autochtones Bruno Araujo Pereira. La déforestation affecte disproportionnellement les autochtones.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Edmar Barros)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les enfants sont autant à risque. Par exemple, une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1353829217311346">étude réalisée dans les pays de l’Afrique subsaharienne</a> montre un lien entre la perte de couvert forestier et la dégradation des conditions de santé des plus jeunes. La malnutrition, causée par la réduction de la disponibilité des fruits, des légumes et des noix, peut affecter la croissance des enfants. <a href="https://www.reuters.com/article/us-brazil-environment-wildfire-who-idUSKCN1VK1FM">L’exposition des enfants à la fumée</a> des multiples feux de forêt en Amazonie est aussi susceptible de causer des problèmes respiratoires voire des pathologies plus graves chez les enfants.</p>
<h2>Plus on cultive, plus on coupe des arbres</h2>
<p>La déforestation au Brésil propose un avant-goût de l’impact qu’auront les changements climatiques sur les droits humains, autant en Amérique latine qu’ailleurs dans le monde. De plus, en raison de la guerre en Ukraine, le plus grand pays d’Amérique du Sud compte <a href="https://www.economist.com/the-americas/2022/04/30/can-brazil-help-with-food-shortages-around-the-world">suppléer au déficit de ressources alimentaires</a> sur les marchés mondiaux, comme le blé et le grain.</p>
<p>Bien que la <a href="https://www.usnews.com/news/world/articles/2022-05-04/world-will-face-a-food-crisis-says-brazilian-minister">contribution du Brésil</a> soit appréciée par les pays les plus touchés par la crise alimentaire résultant du conflit en Ukraine comme le <a href="https://www.un.org/press/en/2022/sc14894.doc.htm">Soudan, le Pakistan et Haïti</a>, l’augmentation de la production risque d’accélérer dangereusement la déforestation et on peut s’attendre à une hausse des violations des droits de la personne.</p>
<p>Chose certaine, l’un des poumons de notre planète est gravement malade et le temps presse.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183768/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Félix Bhérer-Magnan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La déforestation de l’Amazonie au Brésil est à son comble. Jusqu’à maintenant, l’année 2022 fracasse tous les records. La déforestation menace dangereusement les droits humains.Félix Bhérer-Magnan, Étudiant au doctorat en science politique, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1803642022-05-19T14:29:56Z2022-05-19T14:29:56ZLa réponse à la pandémie, une occasion manquée de s’attaquer aux inégalités au Québec et dans le monde<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/462524/original/file-20220511-24-62thp0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4432%2C2691&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des gens font la queue devant une épicerie de Montréal-Nord, le 30 avril 2020. Le quartier, l’un des plus pauvres au pays, a été l’un des plus affectés par l’épidémie de Covid-19.</span> <span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Paul Chiasson</span></span></figcaption></figure><p>Deux ans après le début de la pandémie de Covid-19, nous savons que certains groupes de la population <a href="https://theconversation.com/la-covid-19-creuse-les-inegalites-daujourdhui-mais-aussi-celles-de-demain-138288">ont été touchés de manière disproportionnée par la Covid-19</a>.</p>
<p>Nous savons aussi que les inégalités sociales de santé (ISS) peuvent être exacerbées si elles ne sont pas considérées dès la conception des interventions de santé publique.</p>
<p>Voilà pourquoi nous avons lancé <a href="https://health-policy-systems.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12961-021-00707-z">HoSPiCOVID</a>, une étude internationale sur la résilience des systèmes de soins et de santé publique de plusieurs pays face à la pandémie de Covid-19. L’étude est portée par une équipe de recherche composée de spécialistes internationaux en épidémiologie, médecine, santé publique, sciences sociales et géographie.</p>
<p>Les auteurs — des chercheurs, professionnels de recherche et étudiants — ont été impliqués dans le volet santé publique d’HoSPiCOVID en raison de leur expertise sur les ISS. Ce volet s’est penché sur la prise en compte des ISS dans la planification du dépistage et du suivi des contacts pour la Covid-19 au Brésil, en France, au Mali et au Québec. Alors que nous comparons les données, le constat est clair : la question des ISS a largement été oubliée dans la réponse initiale à la Covid-19. Elle devrait pourtant être une priorité en contexte pandémique.</p>
<h2>Des réponses adaptées aux besoins des populations</h2>
<p>Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), <a href="https://www.who.int/health-topics/health-equity#tab=tab_1">l’équité en santé</a> est définie comme l’absence d’écarts systématiques de santé entre des groupes sociaux. Les ISS correspondent aux différences d’états de santé entre divers groupes de la population en raison de leurs positions sociales (ex. : genre, âge, statut socioéconomique, lieu de résidence).</p>
<p>L’OMS reconnaît les ISS comme <a href="https://www.who.int/news-room/facts-in-pictures/detail/health-inequities-and-their-causes">injustes et évitables</a>. Elles peuvent pourtant être réduites par des politiques gouvernementales.</p>
<p>Les interventions de <a href="https://www.jclinepi.com/article/S0895-4356(21)00382-6/fulltext">dépistage</a> et de <a href="https://www.ijidonline.com/article/S1201-9712(21)00227-7/fulltext">suivi des contacts</a> jouent un rôle central dans le contrôle des maladies infectieuses, telle que la Covid-19. Elles permettent la détection, l’isolement et le suivi des cas infectés. Le succès de ces interventions dépend de leur capacité à atteindre tous les groupes de la population, au risque de ne pas freiner la propagation du virus, d’une part, et d’accroître les ISS, d’autre part. L’adoption d’une <a href="https://equityhealthj.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12939-015-0207-6">approche d’universalisme proportionné</a> peut être bénéfique en contexte pandémique.</p>
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<img alt="Des dizaines de patients reposent dans des lits d’hôpital" src="https://images.theconversation.com/files/462521/original/file-20220511-12-zud2rs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/462521/original/file-20220511-12-zud2rs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/462521/original/file-20220511-12-zud2rs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/462521/original/file-20220511-12-zud2rs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/462521/original/file-20220511-12-zud2rs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/462521/original/file-20220511-12-zud2rs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/462521/original/file-20220511-12-zud2rs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des dizaines de patients reposent dans des lits d’un hôpital temporaire dédié aux malades de la Covid-19, au Brésil.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sebastiao Moreira/EPA</span></span>
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<p>L’universalisme proportionné permet le déploiement d’interventions pour l’entièreté de la population, accompagnées d’efforts supplémentaires proportionnels au niveau de désavantage des divers groupes sociaux. Cette approche est plus équitable, considérant que les groupes les plus difficiles à atteindre sont souvent <a href="https://equityhealthj.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12939-015-0207-6">ceux dans le plus grand besoin</a>.</p>
<p>Dans le contexte de la Covid-19, une approche d’universalisme proportionné aurait pu comprendre des interventions populationnelles de dépistage et de suivi des contacts, combinées à des efforts concertés pour les rendre plus accessibles aux populations défavorisées. Bien que cette approche ait souvent été identifiée comme <a href="https://www.instituteofhealthequity.org/resources-reports/fair-society-healthy-lives-the-marmot-review/fair-society-healthy-lives-full-report-pdf.pdf">préférable pour améliorer l’équité en santé</a>, notre étude montre qu’elle ne semble pas avoir été priorisée.</p>
<h2>Pas de consensus sur les inégalités</h2>
<p>Le volet santé publique d’HoSPiCOVID repose sur des études de cas qualitatives comparant la réponse de la santé publique à la pandémie de Covid-19 lors de la première vague (au printemps 2020) et des adaptations mises en œuvre lors de vagues subséquentes (jusqu’à la fin de 2020). L’étude porte sur quatre sites de continents différents : l’État d’Amazonas au Brésil, la région de l’Île-de-France en France, la ville de Bamako au Mali et la ville de Montréal au Québec.</p>
<p>La perception des ISS des acteurs et de leurs organisations varie dans chacun des sites. À Montréal, les personnes interrogées de divers secteurs (hospitalier, santé publique, communautaire, etc.) soutiennent que la réflexion sur les ISS est bien intégrée au mandat de leur organisme, à différents degrés. En Île-de-France, en Amazonas et à Bamako, cette réflexion apparaît moins formalisée.</p>
<p>Néanmoins, à Montréal et en Île-de-France, les acteurs identifient rapidement, pendant la première vague, plusieurs groupes comme étant plus vulnérables à la Covid-19. Ils mentionnent notamment les impacts inégalitaires de la pandémie sur les populations racisées et migrantes, ce que <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0248336">plusieurs études</a> ont finalement montré. À Bamako et en Amazonas, la plupart des acteurs rencontrés considèrent plutôt que la pandémie n’a pas exacerbé les ISS, considérant que le virus n’affecte pas un groupe social plus qu’un autre.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/462528/original/file-20220511-18-hhs8la.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/462528/original/file-20220511-18-hhs8la.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/462528/original/file-20220511-18-hhs8la.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/462528/original/file-20220511-18-hhs8la.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/462528/original/file-20220511-18-hhs8la.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/462528/original/file-20220511-18-hhs8la.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/462528/original/file-20220511-18-hhs8la.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une femme porte son enfant, à Bamako, la capitale du Mali. Dans l’étude, la plupart des acteurs rencontrés considèrent plutôt que la pandémie n’a pas exacerbé les inégalités, considérant que le virus n’affecte pas un groupe social plus qu’un autre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Ainsi, dans les quatre sites, les différents acteurs n’ont pas une conception consensuelle des ISS, nuisant potentiellement à leur prise en compte dans les interventions de dépistage et de suivi des contacts. Par ailleurs, le constat selon lequel certains groupes sont plus affectés que d’autres par la pandémie ne se traduit pas directement dans ces interventions.</p>
<h2>Un climat d’urgence</h2>
<p>À Montréal, à Bamako et en Île-de-France, différents acteurs affirment que le climat d’urgence lié à la pandémie éclipse la question des ISS. Elle est mise de côté pour prioriser le déploiement d’interventions à l’échelle de toute la population, dans l’objectif de freiner la propagation du virus.</p>
<p>Cette approche populationnelle est perçue comme nécessaire en contexte pandémique pour que l’ensemble de la population ait un accès égal aux interventions. Égalité et équité sont donc parfois confondues. Certains répondants soulignent néanmoins l’importance d’adapter les interventions pour atteindre les sous-groupes les plus vulnérables.</p>
<p>En Amazonas, le dépistage — non ouvert à l’ensemble de la population — cible plutôt les sous-groupes considérés à risque, incluant initialement les professionnels de la santé, les travailleurs essentiels et les patients hospitalisés. Ce processus de dépistage axé sur les groupes à risques, mis en œuvre lors de la première vague par les autorités d’Amazonas, perdure lors des vagues suivantes.</p>
<h2>Une réponse plus adaptée au fil du temps</h2>
<p>Les interventions de dépistage et de suivi des contacts se sont adaptées au fil du temps. Bien que la question des ISS soit peu considérée à l’étape de la planification initiale des interventions, on s’y intéresse davantage lors de leur mise en œuvre au courant de la première vague. Confrontés à la réalité du terrain, les acteurs impliqués dans la planification des interventions adaptent les interventions pour les vagues subséquentes.</p>
<p>À degré variable entre les sites, favoriser l’accessibilité des interventions devient une priorité dans le but d’atteindre les populations marginalisées. Ces adaptations visent notamment les populations rurales à Bamako, les populations migrantes, racisées et allophones à Montréal, les populations à faible statut socioéconomique en Île-de-France, et les populations autochtones en Amazonas.</p>
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<img alt="Des hommes vêtus de sarraus blancs sont debout, devant un dispensaire" src="https://images.theconversation.com/files/462526/original/file-20220511-24-nlimcf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/462526/original/file-20220511-24-nlimcf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/462526/original/file-20220511-24-nlimcf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/462526/original/file-20220511-24-nlimcf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/462526/original/file-20220511-24-nlimcf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/462526/original/file-20220511-24-nlimcf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/462526/original/file-20220511-24-nlimcf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sur cette photo prise jeudi 21 mai 2020, une délégation conduite par le ministre malien de la Santé, Michel Sidibe, à droite, visite la tente d’isolement des patients atteints du coronavirus à Tombouctou, au Mali.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Baba Ahmed)</span></span>
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<p>Parmi les adaptations mises en œuvre, on note le déploiement de cliniques mobiles, la création de nouvelles cliniques de dépistage et l’aide à l’isolement pour les personnes vulnérables testées positives. Le dépistage et le suivi des contacts ont donc été progressivement adaptés, permettant de mieux répondre aux besoins différenciés de certains groupes de la population.</p>
<h2>Un oubli historique</h2>
<p>Alors que les interventions de dépistage et de suivi des contacts mises en œuvre pour faire face à la Covid-19 ne semblent pas avoir considéré les ISS comme une priorité dans leur planification, la pandémie actuelle ne fait pas exception. Il semble plutôt que cet oubli soit historique. Deux revues de littérature menées par notre équipe démontrent effectivement que lors d’épidémies passées dans différents pays (maladies sexuellement transmissibles, VIH, Ebola, tuberculose), la grande majorité des interventions de dépistage et de suivi des contacts ne repose pas sur des stratégies favorisant leur déploiement équitable.</p>
<p>Depuis plusieurs décennies, les <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/10253823070140021401x">appels</a> à la prise en compte de l’équité et de la justice sociale dans les interventions de santé publique s’accumulent. Différents documents phares de la santé publique — de la <a href="https://www.euro.who.int/__data/assets/pdf_file/0005/113882/E93945.pdf">Déclaration d’Alma-Ata</a> de 1978 à la <a href="https://apps.who.int/gb/ebwha/pdf_files/A62/A62_9-fr.pdf">Commission sur les déterminants sociaux de la santé</a> de 2008, en passant par la <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/promotion-sante/sante-population/charte-ottawa-promotion-sante-conference-internationale-promotion-sante.html">Charte d’Ottawa</a> de 1986 — insistent sur l’importance de faire de la réduction des ISS une priorité et la base de toute intervention de santé publique.</p>
<p>La réponse à la pandémie de Covid-19 apparaît alors comme une opportunité manquée, qui met en lumière l’attention politique insuffisante portée aux mandats de la santé publique.</p>
<p>Notre étude invite donc à s’attarder à <a href="https://books.openedition.org/pum/10025">l’évaluation</a> de la capacité des interventions sanitaires à tenir compte des ISS, permettant aux professionnels et responsables politiques concernés par la santé publique d’en tirer des leçons. Cela est indispensable pour que les futures interventions de santé publique n’aggravent pas les ISS, et que le climat d’urgence engendré par les pandémies — dont la multiplication semble inévitable — ne serve plus de prétexte au manque de volonté politique à l’échelle mondiale.</p>
<hr>
<p><em>Nous remercions nos collègues Raylson Emanuel Dutra da Nóbrega et Sydia Rosana de Araújo Oliveira pour leur contribution importante à l’étude HoSPiCOVID et leur soutien dans la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180364/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kate Zinszer a reçu des financements des Instituts de recherche en santé du Canada, des Fonds de recherche en Santé du Québec, et Agence de santé publique du canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Lara Gautier a reçu des subventions de recherche des Instituts de recherche en santé du Canada, des Fonds de recherche en Santé du Québec, et de la Fondation du Grand Montréal.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pauline Boivin a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche et des Instituts de recherche en santé du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Stéphanie Gomes de Medeiros a reçu des financements de FIOTEC. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Valery Ridde a reçu des financements d'organismes de recherche publics (ANR, IRSC, AFD, etc.).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Camille Beaujoin, Fanny Chabrol, Marie-Catherine Gagnon-Dufresne et Zoé Richard ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Que ce soit au Québec, en France, au Mali ou au Brésil, la réponse à la pandémie de Covid-19 apparaît comme une opportunité manquée de lutter contre les inégalités et les injustices.Marie-Catherine Gagnon-Dufresne, Candidate au doctorat en santé mondiale, Université de MontréalCamille Beaujoin, Research assistant, Université de MontréalFanny Chabrol, Sociologue, chargée de recherche, Centre Population & Développement (CEPED), Institut de recherche pour le développement (IRD)Kate Zinszer, Professeure adjointe à l'École de Santé Publique de l'Université de Montréal (ESPUM) et chercheuse au Centre de Recherche en Santé Publique (CReSP)., Université de MontréalLara Gautier, Professeure adjointe, Université de MontréalPauline Boivin, Anthropologue junior, Université de BordeauxStéphanie Gomes de Medeiros, Candidate au doctorat en sociologie, Universidade Federal de Pernambuco (UFPE)Valery Ridde, Directeur de recherche, Institut de recherche pour le développement (IRD)Zoé Richard, Ingénieure d'étude, santé publique et COVID-19, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1796282022-05-18T14:04:56Z2022-05-18T14:04:56ZÉlections au Brésil : quels défis pour Lula face à Jair Bolsonaro ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/455832/original/file-20220401-23422-91v85r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C0%2C1280%2C846&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lula auprès de militants du Mouvement des sans terre, le 21 mars 2022. En avance dans les sondages sur le président sortant, Jair Bolsonaro, sa victoire n'est cependant pas assurée.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://twitter.com/LulaOficial/status/1506001069675003907/photo/1">(LulaOfficial)</a></span></figcaption></figure><p>À cinq mois des élections au Brésil, l’ancien président Lula a une avance confortable sur le président sortant, Jair Bolsonaro. Mais le candidat du Parti des travailleurs a de nombreux défis devant lui.</p>
<p>Les élections présidentielles brésiliennes se tiendront le 2 octobre prochain. À cinq mois de l’échéance, l’ancien président et figure de proue du Parti des travailleurs (PT), Lula da Silva, qui a officialisé sa candidature en grande pompe le 7 mai, est donné favori face au président sortant Jair Bolsonaro avec 42 % contre 35 % d’intentions de vote <a href="https://www.poder360.com.br/poderdata/poderdata-bolsonaro-para-de-crescer-e-lula-mantem-vantagem/">selon les sondages</a>.</p>
<p>En cas de second tour, 11 points sépareraient les deux rivaux. Président de 2002 à 2010, Lula jouit encore d’une très forte popularité, particulièrement dans le nord-est du pays. Déjà candidat à sa réélection en 2018, l’ancien ouvrier métallurgiste avait d’ailleurs appuyé sa campagne sur le bilan positif de ses mandats avec l’idée d’un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=FawNXIwp1UM">« Brésil heureux à nouveau »</a>.</p>
<p>Quatre années après son élection, le gouvernement Bolsonaro a produit des effets dramatiques sur la société brésilienne. <a href="https://theconversation.com/covid-19-au-bresil-comment-jair-bolsonaro-a-cree-un-enfer-sur-terre-159746">Sa gestion catastrophique de la pandémie de Covid-19</a> a fait du géant latino-américain le second pays le plus endeuillé au monde, avec plus d’un demi-million de morts. La déforestation et l’extraction illégale de ressources en territoires autochtones <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1753643/climat-bresil-foret-amazonienne-jair-bolsonaro">ont atteint des records durant son mandat</a>. Son hostilité vis-à-vis des pouvoirs judiciaires ainsi que ses pratiques clientélistes, militaristes et népotiques <a href="https://www.hrw.org/pt/news/2021/09/15/379911">ont quant à elles durablement affaibli une démocratie brésilienne déjà très fragmentée</a>.</p>
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<img alt="Le président brésilien Jair Bolsonaro, fait un salut avec son bras" src="https://images.theconversation.com/files/463704/original/file-20220517-12-xszi6n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/463704/original/file-20220517-12-xszi6n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/463704/original/file-20220517-12-xszi6n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/463704/original/file-20220517-12-xszi6n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/463704/original/file-20220517-12-xszi6n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/463704/original/file-20220517-12-xszi6n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/463704/original/file-20220517-12-xszi6n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le président brésilien Jair Bolsonaro salue ses partisans à son arrivée au rassemblement de la Fête du travail et de la liberté, à Brasilia, le 1ᵉʳ mai 2022. Ses quatre années au pouvoir ont produit des effets dramatiques sur la société brésilienne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Eraldo Peres)</span></span>
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<p>Doctorant en science politique et spécialisé dans l’étude des mouvements sociaux au Brésil, j’ai notamment travaillé avec des activistes du PT au cours des élections de 2018. Dans cet article, je souhaite revenir sur les principaux défis qui attendent Lula et le Parti des travailleurs à l’approche d’une élection qui s’annonce déterminante pour un pays devenu paria sur la scène internationale depuis l’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro.</p>
<h2>Destitution, emprisonnement et scandales de corruption</h2>
<p>En 2016, dans ce qu’elle qualifiera plus tard de <a href="https://g1.globo.com/politica/processo-de-impeachment-de-dilma/noticia/2016/08/integra-do-discurso-de-dilma-apos-impeachment.html">coup d’État parlementaire</a>, la présidente Dilma Rousseff (PT) s’est vue destituée pour motif de « pédalage fiscal » : accusée d’avoir maquillé le déficit budgétaire pour favoriser sa réélection. Le PT s’était quant à lui vu repoussé hors de l’exécutif, malgré sa victoire aux élections présidentielles deux ans plus tôt.</p>
<p><a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/19460171.2017.1363066">Un grand nombre de spécialistes</a>, tant à <a href="https://journals.openedition.org/ideas/2227">l’intérieur qu’à l’extérieur du Brésil</a> ont <a href="https://scielo.conicyt.cl/pdf/revcipol/v37n2/0718-090X-revcipol-37-02-0281.pdf">condamné la procédure</a>, en tant qu’alternance politique non démocratique <a href="https://www.cairn.info/revue-cites-2016-3-page-137.htm">indicatrice d’une inquiétante érosion démocratique</a>.</p>
<p>Deux ans plus tard, Lula se présentait comme candidat à un troisième mandat dans le cadre des élections présidentielles de 2018. <a href="https://theconversation.com/brazil-in-political-crisis-over-jailed-president-4-essential-reads-91143">Emprisonné pour corruption</a> seulement quelques mois avant l’échéance électorale et après une procédure judiciaire douteuse, notamment en raison de sa rapidité d’exécution, son timing et <a href="https://theconversation.com/presidential-corruption-verdict-shows-just-how-flawed-brazils-justice-system-is-90794">surtout son manque de preuves tangibles</a>, il a vu son dauphin Fernando Haddad se qualifier pour un second tour face à Jair Bolsonaro.</p>
<p>Le juge qui avait condamné Lula à huit années de prison, Sergio Moro, était quant à lui pressenti en tant que candidat à la présidence, avant de suspendre sa candidature le 31 mars pour rejoindre le parti conservateur União Brasil. Depuis sa libération en novembre 2019 après 580 jours d’emprisonnement, Lula retrouve la tête d’un Parti des travailleurs durablement associé à la corruption et à la mauvaise gouvernance aux yeux d’une partie de la société brésilienne.</p>
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<img alt="Une femme se tient devant un abri temporaire, composé de toiles noires" src="https://images.theconversation.com/files/463705/original/file-20220517-15181-q66vy6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/463705/original/file-20220517-15181-q66vy6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/463705/original/file-20220517-15181-q66vy6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/463705/original/file-20220517-15181-q66vy6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/463705/original/file-20220517-15181-q66vy6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/463705/original/file-20220517-15181-q66vy6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/463705/original/file-20220517-15181-q66vy6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une opération en cours visant à retirer les installations utilisées par les sans-abri et les toxicomanes du centre de Sao Paulo, le 4 avril 2022. La population des sans-abri de Sao Paulo a augmenté de 30 % pendant la pandémie de Covid-19. La gestion de la pandémie par le gouvernement Bolsonaro a été catastrophique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Andre Penner)</span></span>
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<h2>Perte de l’assise locale du PT</h2>
<p>Actuellement, le Parti des travailleurs est profondément dépendant de ses leaders nationaux, dont Lula, qui dispute, à 76 ans, sa septième campagne présidentielle. Bien qu’il performe toujours au niveau national (avec cinq qualifications au second tour, dont quatre victoires lors d’élections présidentielles depuis 2002) et qu’il reste la principale force d’opposition au gouvernement, le PT voit son implantation locale s’effriter depuis 2016.</p>
<p>Lors des élections d’octobre 2016, le PT n’a remporté que 254 municipalités, contre 644 en 2012. En 2020 le parti n’obtient que 183 municipalités, et aucune capitale d’État, une première depuis la fin du régime militaire en 1985.</p>
<p>Face à la perte de son implantation locale, ce PT toujours plus centralisé autour de ses leaders ne semble pas s’engager dans la direction d’une reconstruction par le bas, <a href="https://www.sciencespo.fr/opalc/content/amerique-latine-lannee-politique-lapo.html">ni d’un renouvellement de son administration et de sa base militante</a>.</p>
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<img alt="Des arbres en feu avec, à l’avant plan, une vache" src="https://images.theconversation.com/files/463706/original/file-20220517-21-o0swm7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/463706/original/file-20220517-21-o0swm7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/463706/original/file-20220517-21-o0swm7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/463706/original/file-20220517-21-o0swm7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/463706/original/file-20220517-21-o0swm7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/463706/original/file-20220517-21-o0swm7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/463706/original/file-20220517-21-o0swm7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un incendie brûle une zone dans la région d’Alvorada da Amazonia, dans l’État de Para, au Brésil, le 25 août 2019. La déforestation a atteint des niveaux records durant la mandat de Jair Bolsonaro.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Leo Correa)</span></span>
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<h2>Constitution d’un front démocratique : la stratégie conciliatrice de Lula</h2>
<p>Pour vaincre l’ex-militaire et président d’extrême droite Jair Bolsonaro, Lula espère constituer autour de lui un vaste front démocratique. Pour cela, le PT a renoué le dialogue avec certains membres du Mouvement démocratique brésilien (MDB), allié de centre droite du PT jusqu’en 2016, avant un retournement soudain d’alliance.</p>
<p>Lula a également choisi comme colistier un rival historique, Geraldo Alckmin, qu’il avait affronté à deux reprises (2002 et 2018), alors que ce dernier était membre du Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB), alligné à droite. Cette stratégie de conciliation avec des élites de la droite annonce une libéralisation du programme pétiste et confirme le repositionnement du parti vers le centre de l’échiquier politique.</p>
<p>Le PT a également établi une alliance avec le Parti socialisme et liberté (PSOL), d’extrême gauche, dont le président Guilherme Boulos était parvenu au second tour des élections municipales de São Paulo en 2020. En revanche, aucune alliance ne semble à ce stade possible avec Ciro Gomes, candidat de centre gauche arrivé troisième en 2018 avec 12 % des voix.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/463435/original/file-20220516-16-yl79xi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/463435/original/file-20220516-16-yl79xi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=614&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/463435/original/file-20220516-16-yl79xi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=614&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/463435/original/file-20220516-16-yl79xi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=614&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/463435/original/file-20220516-16-yl79xi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=771&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/463435/original/file-20220516-16-yl79xi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=771&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/463435/original/file-20220516-16-yl79xi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=771&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Intentions de vote au premier tour.</span>
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<h2>Vers une polarisation Lula-Bolsonaro</h2>
<p>En face, le président d’extrême droite Jair Bolsonaro (Partido Liberal) <a href="https://noticias.uol.com.br/politica/ultimas-noticias/2021/11/29/pesquisa-atlas---governo-bolsonaro.htm">a vu son taux d’approbation chuter à 19 % fin novembre 2021</a>, notamment en raison de sa gestion catastrophique de la crise sanitaire.</p>
<p>Depuis janvier 2022, il voit les intentions de vote en sa faveur remonter lentement, à mesure que la pandémie se stabilise (environ 75 % des Brésiliens sont aujourd’hui complètement vaccinés). Malgré plusieurs rechutes, en raison notamment de la hausse du prix des combustibles, l’ex-militaire voit l’écart qui le sépare de Lula se résorber progressivement. Dans cette optique, il rallie ses soutiens parmi les évangélistes pour encourager un <a href="https://www.gazetadopovo.com.br/eleicoes/2022/como-bolsonaro-age-para-ampliar-apoio-entre-evangelicos/">vote religieux en sa faveur</a>.</p>
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<img alt="En gris foncé votes blancs et nuls, en gris clair indécis" src="https://images.theconversation.com/files/463420/original/file-20220516-25-r0etgg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/463420/original/file-20220516-25-r0etgg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/463420/original/file-20220516-25-r0etgg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/463420/original/file-20220516-25-r0etgg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/463420/original/file-20220516-25-r0etgg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/463420/original/file-20220516-25-r0etgg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/463420/original/file-20220516-25-r0etgg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Intentions de vote en cas de second tour Lula – Bolsonaro.</span>
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<p>Depuis août 2012, Jair Bolsonaro multiplie également les attaques à l’encontre du système de vote électronique, <a href="https://www.nytimes.com/2021/08/10/world/americas/brazil-vote-bolsonaro.html">pourtant effectif au Brésil depuis 25 ans</a>, laissant craindre un refus d’admettre les résultats électoraux en cas de défaite.</p>
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<img alt="Des hommes portant le masque s’affairent autour d’ordinateurs" src="https://images.theconversation.com/files/463701/original/file-20220517-16-547noj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/463701/original/file-20220517-16-547noj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/463701/original/file-20220517-16-547noj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/463701/original/file-20220517-16-547noj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/463701/original/file-20220517-16-547noj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/463701/original/file-20220517-16-547noj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/463701/original/file-20220517-16-547noj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des analystes testent le système de vote électronique au siège du Tribunal suprême électoral à Brasilia, Brésil, le 13 mai 2022. Cette année, les tests du système de vote sont suivis de près, car le président Jair Bolsonaro met en doute l’intégrité du système.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Eraldo Peres)</span></span>
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<p>Ainsi, malgré une avance a priori confortable dans les sondages, la victoire de Lula da Silva est loin d’être garantie, à cinq mois de l’échéance. Pour concrétiser son avantage, il devra consolider une alliance hétéroclite et rassembler autour de lui un véritable front démocratique, capable de répondre à un candidat critiquant publiquement les processus électoraux et démocratiques. La reconstruction du Parti des travailleurs et le renouvellement de son administration devront quant à eux patienter.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179628/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jonas Lefebvre a travaillé avec des activistes du Parti des travailleurs au cours des élections de 2018.</span></em></p>À 5 mois des élections au Brésil, l’ancien président Lula a une avance confortable sur le président sortant, Jair Bolsonaro. Mais le candidat du Parti des travailleurs a de nombreux défis devant lui.Jonas Lefebvre, Doctorant en science politique, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.