tag:theconversation.com,2011:/us/topics/cadres-63175/articlescadres – The Conversation2023-09-27T20:18:41Ztag:theconversation.com,2011:article/2138132023-09-27T20:18:41Z2023-09-27T20:18:41ZLes ouvriers vivent moins longtemps que les cadres : combien de temps passent-ils vraiment à la retraite ?<p>Les catégories socioprofessionnelles présentent en moyenne des durées d’emploi, d’inactivité et de chômage différentes, du fait d’âges d’entrée dans la carrière et de parcours variables. En partie prises en compte par les dispositifs de solidarité du système de retraite, ces différences déterminent non seulement l’éligibilité aux droits de retraite, mais aussi les <a href="https://theconversation.com/retraites-pourquoi-de-nombreuses-pensions-resteront-inferieures-a-1-200-euros-malgre-la-reforme-201726">montants des pensions perçues</a>. Par ailleurs, les inégalités sociales s’expriment en termes de durées de vie. Il existe donc des écarts importants dans les chances d’atteindre l’âge de la retraite et dans la durée passée à bénéficier de celle-ci.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2023-5-page-1.htm">Dans une étude récente</a>, nous avons cherché à quantifier ces durées et l’ampleur des différences, à partir de données statistiques portant sur des individus nés en France, issues de l’<a href="https://www.insee.fr/fr/metadonnees/source/serie/s1166">Échantillon démographique permanent</a>. L’EDP est particulièrement précieux car il suit depuis 2008 4 % de la population française.</p>
<h2>Les hommes cadres vivent en moyenne 6 ans de plus que les ouvriers après 35 ans</h2>
<p>En 2018, si une femme a atteint l’âge de 35 ans, on estime qu’elle peut espérer vivre 51,5 années supplémentaires. Pour les hommes, c’est 46,5 ans. Mais on peut vivre presque 6 ans de plus lorsqu’on exerce un métier de <a href="https://theconversation.com/comment-les-cadres-se-projettent-ils-dans-leur-retraite-203773">cadre</a> plutôt que d’ouvrier chez les hommes, et plus de 3 ans supplémentaires chez les femmes. Ces écarts restent importants à 62 ans : 3,5 ans chez les hommes et 2,7 ans chez les femmes. Ces résultats viennent confirmer des résultats antérieurs publiés par <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1908110">l’Insee</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/548863/original/file-20230918-17-ka1au3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Figure 1" src="https://images.theconversation.com/files/548863/original/file-20230918-17-ka1au3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/548863/original/file-20230918-17-ka1au3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=290&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/548863/original/file-20230918-17-ka1au3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=290&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/548863/original/file-20230918-17-ka1au3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=290&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/548863/original/file-20230918-17-ka1au3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=365&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/548863/original/file-20230918-17-ka1au3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=365&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/548863/original/file-20230918-17-ka1au3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=365&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2023-5-page-1.htm">Bonnet et coll., 2023, Population et Sociétés n° 611</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En termes d’espérance de vie, entre les cadres et les ouvriers, se trouvent les indépendants (artisans, commerçants, chefs d’entreprise, exploitants agricoles), les professions intermédiaires, puis les employés. Chez les femmes, le gradient est similaire, mais les indépendantes ont une espérance de vie plus faible que les professions intermédiaires.</p>
<p>Les catégories socioprofessionnelles (CSP) se distinguent aussi dans les chances d’atteindre les âges élevés. Sur 100 hommes de 35 ans, 96 peuvent espérer atteindre 62 ans parmi les cadres, mais seulement 89 parmi les ouvriers. Ces chiffres sont respectivement de 97 et 94 chez les femmes.</p>
<h2>Le même nombre d’années à la retraite pour les femmes ouvrières et cadres ?</h2>
<p>Les années de vie des femmes cadres, après 35 ans, se répartissent en un peu plus de 27 ans d’emploi, environ 1 an de chômage et 1 an d’inactivité (y compris invalidité). Leur durée de retraite dépasse légèrement 24 ans. Pour les <a href="https://theconversation.com/ce-que-les-feministes-doivent-aux-ouvrieres-de-glasgow-182866">ouvrières</a>, c’est environ 20 années d’emploi, 4 ans de chômage, 3 ans d’inactivité et un peu moins de 24 ans de retraite. L’inactivité des ouvrières est pour moitié environ déclarée comme « au foyer », correspondant à des interruptions souvent associées à la maternité, pour s’occuper des enfants, de la maison… L’autre moitié s’explique, en partie, par des difficultés à conserver ou trouver un emploi, parfois du fait d’invalidités reconnues ou non (une situation également fréquente pour les hommes ouvriers).</p>
<p>Les différences entre CSP dans les durées « en » et « hors » emploi sont assez similaires pour les deux sexes, mais les hommes passent une plus grande proportion de leur vie en emploi. Par ailleurs, les ouvriers partent à la retraite plus tôt que les cadres, mais ils y passent 2 années de moins. Ils passent également un peu plus de 3 années supplémentaires au chômage ou en inactivité au-delà de 35 ans.</p>
<h2>Proche de la retraite, des différences majeures de statut d’activité selon la CSP</h2>
<p>Avant même d’atteindre l’âge légal de départ à la retraite, qui était de 62 ans lors de l’enquête en 2018, les hommes qui sont employés ont déjà accumulé plusieurs années de vie à la retraite. Cette spécificité est notamment liée à l’existence de dispositifs de départ anticipé pour certains métiers de cette catégorie. Parmi les femmes, ce sont les professions intermédiaires qui profitent le plus des départs anticipés. Les ouvriers et ouvrières ont aussi des années de retraite avant l’âge légal, mais passent surtout bien plus de temps que les cadres en inactivité <a href="https://theconversation.com/seniors-comment-travailler-plus-longtemps-quand-personne-ne-vous-recrute-plus-198464">ou au chômage</a>. Les hommes cadres passent près d’un an et demi en activité entre 60 et 62 ans : c’est trois fois plus que les ouvriers.</p>
<p>Entre 62 et 63 ans enfin, la possibilité de prendre sa retraite diminue les durées de chômage et d’inactivité. Sur les presque deux années vécues à ces âges, les ouvrières, employées et professions intermédiaires passent entre 18 et 20 mois à la retraite. Pour les indépendantes, c’est 16 mois et pour les cadres, moins de 14 mois. Les durées d’activité des cadres sont encore quatre fois plus élevées que celles des ouvrières. Au sein de chaque CSP, les situations des hommes et des femmes se ressemblent, avec des durées de vie passées à la retraite et en activité similaires.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quels-effets-sur-la-sante-des-seniors-dun-report-de-lage-legal-de-depart-en-retraite-200019">Quels effets sur la santé des seniors d’un report de l’âge légal de départ en retraite ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Pour conclure, on rappellera donc que les années à vivre en emploi après 35 ans sont plus nombreuses chez les cadres que chez les ouvriers, en partie du fait d’années de vie travaillées avant 35 ans plus nombreuses parmi ces derniers. Les années de retraite sont par ailleurs plus nombreuses pour les cadres que pour les ouvriers (2 ans chez les hommes, 8 mois chez les femmes), en raison notamment de leur espérance de vie plus élevée.</p>
<p>Par ailleurs, l’espérance de vie plus longue des femmes se traduit par davantage de temps de retraite (3 à 4 ans de plus que les hommes selon la CSP), mais aussi d’inactivité (1 à 2 ans de plus selon la CSP) que les hommes ; les durées en emploi sont par ailleurs proches au sein de chaque CSP selon le sexe.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Les dispositifs de départ anticipé permettaient en 2018 en partie de gommer les différences d’espérance de vie : les employés et ouvriers étaient déjà nombreux à la retraite avant l’âge légal. Cependant, ces CSP présentaient aussi des périodes plus longues de chômage ou d’inactivité que les autres. Elles sont probablement en partie liées à des difficultés à <a href="https://www.ipp.eu/publication/les-agesde-depart-a-la-retraite-depuis-2010-quels-enseignementspour-la-reforme-a-venir/">conserver ou trouver un emploi</a>. Ce résultat fait écho aux années de vie en incapacité, déjà présentes entre 50 et 65 ans, qui s’avèrent plus fréquentes pour les ouvriers et employés que pour les cadres, ainsi que pour les <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/population-etsocietes/la-double-peine-des-ouvriers-plus-d-annees-dincapacite-au-sein-d-une-vie-plus-courte/">femmes comparées aux hommes d’âge égal</a>.</p>
<p>Les périodes hors emploi au seuil de la retraite témoignent de fins de carrière complexes et exposent à des niveaux de pension moindres. Avec les paramètres d’âge et de durée de cotisation, les dispositifs protégeant les personnes ayant des difficultés de maintien en emploi au cours et à la fin de leur carrière constituent des enjeux majeurs du système de retraite, et plus généralement de protection sociale, pour les générations présentes et futures.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte est adapté d’un article publié par les auteurs dans Population et Sociétés n° 611, <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2023-5-page-1.htm">« Les ouvriers vivent moins longtemps que les cadres : combien de temps passent-ils à la retraite et en (in) activité ? »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213813/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les cadres ont une espérance de vie plus longue que les ouvriers, mais partent en moyenne plus tard à la retraite. Quelle catégorie sociale passe le plus de temps à la retraite ?Florian Bonnet, Agregé d'économie, chargé de recherches, Institut National d'Études Démographiques (INED)Carlo Giovanni Camarda, Docteur, spécialiste des méthodes de prévision (mortalité, longévité, etc.), Institut National d'Études Démographiques (INED)Emmanuelle Cambois, Directrice de recherche, Institut National d'Études Démographiques (INED)Ophélie Merville, Doctorante, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2104102023-07-30T15:04:40Z2023-07-30T15:04:40ZLes inégalités en termes d’accès au télétravail sont aussi une question de territoire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/539312/original/file-20230725-25-b32njk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=100%2C117%2C3664%2C2498&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Et vous, serez-vous en «&nbsp;tracances&nbsp;» cet été&nbsp;?
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/photo/young-ethnic-woman-resting-at-poolside-after-distance-work-on-laptop-5269633/">Pexels/Armin Rimoldi </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Cet été, peut-être prenez-vous des « tracances », néologisme formé à partir des mots « <a href="https://theconversation.com/fr/topics/travail-20134">travail</a> » et « <a href="https://theconversation.com/fr/topics/vacances-38872">vacances</a> » qui désigne le fait de télétravailler hors de son lieu de résidence, le plus souvent sur son lieu de vacances. Ces « tracances » ont été particulièrement <a href="https://www.lemonde.fr/emploi/article/2023/07/03/l-argot-de-bureau-les-tracances-fausses-vacances-vrais-tracas_6180291_1698637.html">médiatisées</a> ces deux dernières années, à la suite de la pandémie de Covid-19. À l’instar des nomades digitaux travaillant tout en voyageant, un phénomène déjà exploré par la <a href="https://dro.dur.ac.uk/32460/1/32460.pdf">littérature scientifique</a>, ces nouvelles pratiques brouillent plus encore les frontières entre espaces-temps privés et professionnels.</p>
<p>L’essor des « tracances » a été rendu possible pour certains en raison du déploiement de plus en plus répandu du télétravail, devenu la norme pour <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/le-rapport-au-travail-post-Covid-teletravail-management-reconnaissance-sante-les-nouvelles-tendances/">presque un Français sur trois</a>. Or, si les secteurs d’activités et les niveaux de responsabilité sont souvent mis en avant pour expliquer une pratique plus ou moins régulière du télétravail, la zone de résidence permet encore davantage de mettre à jour de fortes disparités entre actifs sur le territoire français. Et ce, d’autant plus pendant la période estivale.</p>
<h2>Les nouvelles stratégies territoriales des actifs</h2>
<p>En effet, si <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6209490">70 % des salariés cadres à Paris télétravaillent régulièrement</a>, ce chiffre baisse à 50 % dans les grandes métropoles, et à 23 % dans des communes très peu denses, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Sur l’ensemble des salariés, 56 % des Parisiens télétravaillent régulièrement, contre 36 % pour le reste de l’Île-de-France. Notons à cet égard que la zone de résidence concentre également d’autres facteurs, comme le niveau de responsabilité, le type d’activité et de secteur.</p>
<p><iframe id="ZkebT" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ZkebT/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/territoires-33611">territoire</a> est donc plus stratégique qu’on ne le pense en matière d’accès au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/teletravail-34157">télétravail</a>. Au cours de trois ateliers participatifs entre chercheurs et organisations (publiques, privées, et de l’économie sociale et solidaire), organisés en 2023 par la <a href="https://www.grenoble-em.com/territoires-en-transition">Chaire Territoires en Transition</a> de Grenoble École de Management (GEM), nous avons cherché à formaliser et discuter cet impensé managérial.</p>
<p>Lors de la pandémie de Covid-19, le terme d’« exode urbain » a émergé dans le discours médiatique : les habitants des grandes métropoles <a href="https://www.lesechos.fr/weekend/perso/face-au-Covid-19-ces-citadins-qui-font-le-choix-de-la-campagne-1256218">quitteraient les grands centres urbains</a> pour s’installer dans de zones rurales d’où ils pourraient travailler, à distance. C’est l’exemple bien connu des <a href="https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2022/05/07/le-teletravail-est-un-des-sujets-qui-ont-le-plus-change-la-vie-en-bretagne-le-coworking-les-oiseaux-et-la-mer_6125092_4497916.html">Parisiens s’installant sur la côte bretonne</a>.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Une <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/DP_EXODEURBAIN.pdf">étude</a> récente sur les impacts de la pandémie de Covid-19 en termes de mobilités résidentielles nuance cette idée. En réalité, ce sont les pratiques plurirésidentielles qui se renforcent, avec des collaborateurs en mobilité entre des espaces de villégiatures et des grands centres urbains, voire, pour certains d’entre eux, entre plusieurs centres urbains. Une bi-voire une trirésidentialité a alors pu se développer pour une partie des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cadres-63175">cadres</a>, permettant de jongler entre territoires métropolitains centraux et d’autres plus éloignés, si bien que des chercheurs ont évoqué une <a href="https://metropolitiques.eu/L-exode-urbain-extension-du-domaine-de-la-rente.html">« extension du domaine de la rente »</a>, c’est-à-dire une extension du capital urbain hors des métropoles.</p>
<h2>De nouvelles inégalités au sein des organisations</h2>
<p>Les résultats de cette même étude montrent que les mobilités effectives et projetées ressemblent à ce qu’on connaissait avant la pandémie, c’est-à-dire, fortement concentrés au sein et <em>autour</em> des métropoles urbaines. La métropolisation concentre un fort pouvoir d’attraction et s’accompagne d’une périurbanisation toujours croissante, posant par ailleurs des enjeux de transition écologiques et sociaux. En 2021, une autre <a href="https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met_almosni-etal.pdf">étude</a> pointait déjà ce risque d’étalement urbain des villes moyennes. Ces travaux, dont certains se situent en géographie critique, appellent à étudier les impacts de ces mobilités au sein des organisations elles-mêmes.</p>
<p>Le télétravail, qui reste un choix du salarié dans son acceptation légale, reste donc souvent contraint par des effets territoriaux. En conséquence, les politiques internes aux organisations se concentrant sur la faisabilité logistique du télétravail au domicile (par exemple, via la délivrance d’un matériel adapté, ou par une compensation financière des coûts liés à la dépense d’énergie au domicile) mettent de côté ces inégalités liées aux stratégies mobilitaires et résidentielles des individus. Ces inégalités sociales touchent donc autant l’accès que le vécu du télétravail lui-même.</p>
<p>En résumé, tout le monde ne peut pas télétravailler, et surtout, tout le monde ne peut pas télétravailler de la même manière. Faire fi des inégalités dans le travail à distance, que ce soit entre les territoires ou entre les actifs, constitue pourtant la politique la plus répandue dans les organisations. Si le télétravail est souvent perçu comme une flexibilité d’organisation pour les salariés, aux organisations d’ouvrir cette boîte noire pour compenser cette (absence de) possibilité de télétravailler. Un nouveau chantier managérial après la pérennisation du télétravail ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210410/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Albane Grandazzi a reçu des financements de la Chaire Territoire en Transition, Grenoble Ecole de Management.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Hélène Picard a reçu des financements de la Chaire Territoire en Transition, Grenoble Ecole de Management.</span></em></p>Parmi la population des cadres, les Franciliens sont près de trois plus à pouvoir exercer leur activité à distance que les habitants des zones faiblement peuplées.Albane Grandazzi, Professeur Assistant, Grenoble École de Management (GEM)Hélène Picard, Professeure Assistante au département Homme, Organisations et Société. Chaire Territoires en Transitions et Chaire UNESCO pour une Culture de Paix Economique, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2033802023-04-17T09:54:04Z2023-04-17T09:54:04ZFaçonner les cadres, oui, mais à quel point ? Ces team building qui vont trop loin…<p>Ce séminaire stratégique dans un château des Yvelines ressemble à tant d’autres. Les participants écoutent le directeur leur expliquer comment augmenter le chiffre d’affaires et « mieux vendre » (c’est l’intitulé de la réunion). Soyez plus performants !</p>
<p>C’est en fin de journée, quand l’engourdissement apparaît, que l’attaque survient. Les portes s’ouvrent violemment. En tenue militaire, les assaillants sont nombreux, armés et masqués. Plaqués au sol, menacés par des fusils automatiques, les cadres sont menottés et cagoulés, otages d’une cause dont ils ignorent tout. Déterminé, le commando exige une rançon d’un million d’euros et la diffusion de ses revendications au journal télévisé.</p>
<p>Des cadres supérieurs pris en otage, c’est un fait divers dont on devrait se souvenir. Si celui-ci n’a pas fait la une des journaux, c’est parce que c’était un simulacre, commandité par l’employeur. Pour mieux motiver ses équipes et les mettre à l’épreuve face au stress, il a sollicité une entreprise dirigée par un ancien du GIGN, en vue d’une prestation d’une durée de 2 heures, suivi d’un débriefing sur la motivation.</p>
<p>L’épisode est tellement invraisemblable qu’il inspirera un roman de Pierre Lemaître, <a href="https://www.livredepoche.com/livre/cadres-noirs-9782253157212">Cadres noirs</a>, et la série <a href="https://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=18689741.html">Dérapages</a> produite par Arte.</p>
<p>Il est, à nos yeux, emblématique de politiques managériales qui, à trop vouloir imprimer des comportements dans les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/esprit-dequipe-114882">équipes</a> dirigeantes, partent à la dérive. Nous les avons étudiées dans un <a href="https://presses-universitaires.univ-amu.fr/monde-merveilleux-doux">essai critique récent</a>.</p>
<h2>Prise d’otage, licenciement et condamnation</h2>
<p>Lors de l’attaque simulée, rien ne s’est passé comme prévu. La violence du raid entraîne des réactions inattendues. La directrice informatique peine à respirer ; deux cadres tentent de s’enfuir et sont rattrapés <em>in extremis</em> ; la directrice commerciale adjointe, claustrophobe, est prise d’une crise de panique et, en état de choc, doit être évacuée en urgence par les assaillants. Les organisateurs décident d’écourter leur mise en scène : le tout ne durera qu’une heure quinze – une éternité quand on est séquestré.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/519624/original/file-20230405-26-v6rkk7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/519624/original/file-20230405-26-v6rkk7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519624/original/file-20230405-26-v6rkk7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=970&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519624/original/file-20230405-26-v6rkk7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=970&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519624/original/file-20230405-26-v6rkk7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=970&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519624/original/file-20230405-26-v6rkk7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1219&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519624/original/file-20230405-26-v6rkk7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1219&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519624/original/file-20230405-26-v6rkk7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1219&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le lendemain, la suite du séminaire tourne à la débâcle. Certains des membres de la direction ne parviennent pas à faire comme si de rien n’était et à rejoindre leurs collègues en réunion afin d’échanger autour de ce test improbable. À moyen terme, les séquelles psychologiques seront durables chez plusieurs victimes, avec une palette de pathologies allant de l’agressivité, à l’angoisse ou la dépression.</p>
<p>Les conséquences managériales sont plus singulières. L’un des cadres a tenté d’échapper aux ravisseurs et lors du retour d’expérience, cette attitude est stigmatisée tant par le consultant que par sa direction. On lui reproche un comportement « susceptible de mettre en danger la vie d’autrui », ce qui donne lieu à une évaluation négative au regard des attentes de l’employeur. Il sera licencié.</p>
<p>Avant de perdre son emploi, il dépose plainte, considérant que la mascarade organisée par son patron avait un caractère délictueux. Insensible aux arguments du directeur instigateur de l’évènement, qui expliquera que son intention était de créer de l’esprit d’équipe, de souder les cadres, de les rendre résistants à l’adversité – bref, de les soumettre aux objectifs de l’entreprise, pour plus d’efficacité –, la Chambre criminelle de la Cour de cassation l’a <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000022213335/">condamné</a> le 7 avril 2010 pour « complicité de violences aggravées, avec préméditation et usage ou menace d’une arme », un chef d’accusation plutôt rare pour un dirigeant d’entreprise.</p>
<h2>Rendre les cadres dociles</h2>
<p>Modeler les comportements des cadres répond, certes, à des impératifs vitaux pour les entreprises : convaincre de la qualité de la prestation en effaçant l’individu derrière la marque, limiter la dépendance envers un manager en le rendant remplaçable à tout moment, et, surtout, éviter les risques juridiques en renforçant la loyauté pour décourager dénonciations ou trahisons, sachant que certaines pratiques lucratives doivent absolument demeurer cachées sous peine de donner lieu à des sanctions financières élevées. L’environnement hypercompétitif a fait du franchissement de la légalité une arme comme une autre pour s’imposer sur les marchés (entente, espionnage industriel, etc.) et, dans ce contexte, s’assurer du dévouement des équipes est vital.</p>
<p>Cette docilité des effectifs s’obtient notamment grâce à la <a href="https://www.cairn.info/puissances-de-la-norme--9782847698626-page-13.htm">prolifération de normes comportementales</a> dans l’environnement professionnel. Elles visent à dicter les agissements des individus dans et hors des organisations et se distinguent des autres familles de normes managériales, les normes techniques (qui portent sur les process) et les normes de performance (pour les objectifs).</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/519851/original/file-20230406-28-73o8pm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/519851/original/file-20230406-28-73o8pm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519851/original/file-20230406-28-73o8pm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519851/original/file-20230406-28-73o8pm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519851/original/file-20230406-28-73o8pm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519851/original/file-20230406-28-73o8pm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519851/original/file-20230406-28-73o8pm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519851/original/file-20230406-28-73o8pm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Surabondantes, ces injonctions sont largement contradictoires. C’est en fait un élément constitutif de la domination. Par exemple, si les entreprises ont été militantes du rangement des bureaux, elles sont devenues tout aussi vite adeptes du désordre et de ses bénéfices présumés, comme la <a href="https://www.littlebrown.com/titles/eric-abrahamson/a-perfect-mess/9780759516496/">créativité</a>. Peu importe ce qui est juste car, dans les deux cas, au sein d’un <em>open space</em>, celui qui est à contretemps est repérable sans mal : son bureau est en pagaille quand ceux de ses collègues sont vides ; sa table est nette, quand le rangement est perçu comme une perte de temps. Pour l’employeur, il sera justifié de se séparer d’un élément visiblement si peu intégré à l’équipe…</p>
<p>Toutes ces normes reposent sur un fonctionnement identique : la mise en rapport d’un système de valeurs et d’un ensemble de savoirs subjectifs pseudoscientifiques. Il en résulte des énoncés, souvent formalisés, dont le contenu importe moins que la portée. Ce qui compte, c’est l’obéissance, pas ce à quoi on obéit. Le <a href="https://hal.science/hal-01758007v1">modelage des personnes</a> <em>via</em> les process, les objectifs et les conduites devient une condition de la performance collective. </p>
<h2>Se plier ou se faire virer ?</h2>
<p>Comment y parvenir ? Le premier public visé au moment de la formalisation de la gestion, à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, avait été les ouvriers et les employés. Port de l’uniforme, adoption de rituels obligatoires, recours à un vocabulaire spécifique, les outils mobilisés ont été nombreux.</p>
<p>Pour les cadres aussi, l’apparence vestimentaire constitue une première étape, avec des <a href="https://theconversation.com/dress-code-en-entreprise-tenue-correcte-toujours-exigee-120442"><em>dress code</em> parfois très élaborés</a> qui se trouvent renforcés par les effets du mimétisme, étonnamment rapide dans les sièges sociaux.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/o7vTy8hiEE4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Les formations pour cadres et dirigeants constituent un autre levier. Elles portent de moins en moins sur les connaissances managériales <em>stricto sensu</em> et se focalisent sur les comportements, lors de classiques séminaires de communication ou d’autres, moins orthodoxes : pratiques artistiques (théâtre, cirque, slam…), conférences culturelles (philosophie, littérature…), activités sportives (voile, rugby…) ou « learning expeditions » (immersion en terrain insolite : pays étranger, ONG, ferme, tournoi de poker, stages commandos). Cet inventaire paraît surréaliste. Ce qui est sûr, c’est que ne pas se plier à l’animation proposée est synonyme d’éjection rapide du collectif et, donc, de son poste.</p>
<h2>Des simulacres qui peuvent aller très (trop ?) loin</h2>
<p>Des entreprises sont parfois passées à un niveau supérieur, couplant surprise et réalisme. C’est le cas de celle dont nous avons narré les péripéties, parmi d’autres. Ainsi, le même artifice aura lieu en juin 2018, au siège parisien de Publicis. </p>
<p>En sortant de son bureau, un employé croise un homme patibulaire, vêtu d’un treillis et armé d’une kalachnikov – la barbe est réelle, l’arme est factice.</p>
<p>[<em>The Conversation lance Entreprise(s), sa nouvelle newsletter hebdomadaire dans laquelle nos experts présentent les clefs de la recherche pour la vie profesionnelle</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-entreprise-s-153/">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Or, le fait divers est toujours la confluence des chances et des malchances, des aléas et de l’improbable : le 13 novembre 2015, ce cadre, sa femme et leurs amis assistaient au concert du Bataclan quand la fusillade mortelle s’est déclenchée. L’agence publicitaire ne pouvait l’ignorer : deux de ses employés figurent parmi les victimes du massacre. La rencontre fortuite dans les couloirs feutrés entre le rescapé d’un carnage et un assaillant menaçant ne pouvait que déclencher un séisme psychologique (crises d’angoisse, insomnies, etc.) et mener l’employeur devant le conseil des prud’hommes, qui donnera raison à l’employé par un <a href="https://www.liberation.fr/france/2020/01/20/simulation-d-attentat-a-publicis-je-veux-qu-ils-presentent-des-excuses_1774185">jugement en date du 21 janvier 2020</a>.</p>
<p>Pour ces simulacres, le principe est la mise en place d’un scénario catastrophe qui prend les cadres au dépourvu et les met à l’épreuve : (fausse) découverte de prion dans des yaourts d’un leader français ; train en (fausse) panne en rase campagne, la nuit ; (faux) blessé lors d’une réunion, à soigner ou évacuer… Tous ces exemples incongrus sont réels. On en arrive à des situations extrêmes, qui finissent non pas dans les manuels de management mais dans la rubrique des faits divers.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203380/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joan Le Goff ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Vouloir aligner les comportements au sein d’une entreprise peut être pertinent, mais est-il pour autant nécessaire de simuler des attentats et des prises d’otage pour cela ?Joan Le Goff, Professeur des universités en sciences de gestion, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1980862023-01-23T18:47:44Z2023-01-23T18:47:44ZDans le secteur portuaire, des pénuries de cadres pénalisantes et surtout trop peu de dirigeantes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/505147/original/file-20230118-15-w47pdm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6272%2C4168&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Certes la parité des équipes dirigeantes est souvent respectée mais les postes les plus stratégiques ne reviennent que rarement aux femmes.</span> </figcaption></figure><p>Au niveau mondial, comme local, on observe depuis plusieurs années un double phénomène, plutôt paradoxal, dans le secteur de la logistique. D’une part, il y a un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/jbl.12186">appel d’air</a> au niveau des cadres que les entreprises n’arrivent pas à combler. D’autre part, un <a href="https://www.mckinsey.com/featured-insights/diversity-and-inclusion/women-in-the-workplace">nombre croissant de femmes formées</a> à ces emplois continue à quitter rapidement le secteur, ou bien n’y <a href="https://theconversation.com/supply-chain-management-la-lente-progression-de-carriere-des-femmes-157994">progressent que beaucoup plus lentement</a> que leurs camarades de promo masculins. Dans le domaine portuaire, les nominations l’an passé de <a href="https://www.strasbourg.port.fr/actualites/claire-merlin-nouvelle-directrice-generale-du-port-autonome-de-strasbourg/">Claire Merlin</a> et <a href="https://www.journalmarinemarchande.eu/actualite/portuaire/jerome-giraud-remplace-a-la-direction-du-port-de-toulon#:%7E:text=%C3%80%20compter%20du%201er,du%20port%20de%20Marseille%2DFos.">Christine Rosso</a>, respectivement à la tête des ports de Strasbourg et Toulon, font encore figure d’exceptions.</p>
<p>La logistique se trouve pourtant à un tournant de son évolution en devenant l’un des vecteurs principaux de la durabilité de notre économie. Le développement durable, rappelons-le, repose sur <a href="https://www.supplychaininfo.eu/piliers-developpement-durable/">trois piliers</a>, économique, environnemental et social, et la logistique recherche l’optimisation des flux sous leur contrainte : la gestion des flux doit être économiquement rentable, environnementalement viable et socialement acceptable.</p>
<p>Comme tant d’autres secteurs, la logistique a très longtemps été régie par le seul pilier économique avec pour seules contraintes, souvent marginales, celles imposées par le droit du travail. Ce fut ensuite au tour du pilier écologique de prendre de l’importance dans les choix des dirigeants. Réduction des émissions de CO<sub>2</sub>, de particules fines, projets de green ports, stratégie de report modal ou encore circuits courts et livraisons du dernier kilomètre en vélo-cargo sont autant de traces d’un développement d’une conscience écologique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1518960819064737794"}"></div></p>
<p>Le pilier social, quoique présent, reste le moins développé et souffre souvent de confusions, confiné souvent à des questions éthiques, de droit du travail et de sécurité au travail. Un des éléments les plus importants et qui constitue l’un des leviers de croissances majeurs du secteur reste pourtant la <a href="https://www.voxlog.fr/actualite/7023/non-l-intendance-ne-suivra-pas">féminisation</a>, en particulier dans les domaines portuaire et maritime.</p>
<p>Nos <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/IJPDLM-09-2021-0409/full/html">travaux récents</a> ont ainsi tenté de mieux comprendre les trajectoires de celles qui ont su lever les barrières qu’elles rencontrent habituellement dans le secteur.</p>
<h2>Dans un monde de « bonshommes »</h2>
<p><a href="https://link.springer.com/content/pdf/bfm:978-3-662-45385-8/1#page=5">Comme le dit notamment Niel Bellefontaine</a>, directeur de l’Université Maritime Mondiale, institution onusienne :</p>
<blockquote>
<p>« Une industrie qui transporte 90 % des marchandises mondiales a besoin d’au moins 90 % des meilleurs talents maritimes, bien qu’elle soit dominée par les hommes par tradition. L’industrie a besoin des meilleurs avocats, des meilleurs économistes, des meilleurs scientifiques, des meilleurs logisticiens, des meilleurs administrateurs, des meilleurs marins – et leur sexe n’a pas d’importance. »</p>
</blockquote>
<p>Deux chercheuses, Nancy Nix et Dana Stiffler, ont identifié <a href="http://www.awesomeleaders.org/wp-content/uploads/2016/09/SCMR1609_F_WomanInSC_REV-3.pdf">trois barrières</a> à la progression des carrières des femmes le long des chaînes d’approvisionnement. En premier lieu, on retrouve des biais inconscients qui font que, du fait de l’histoire, de la culture, des règles tacites, on pense que la logistique est un « métier de bonhomme ». Dans la bande dessinée <em>Les superhéros de la logistique</em>, on ne croise par exemple pas de super héroïne, tout au plus quelques secrétaires et des diplômées, mais aucune directrice.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1526775333449367553"}"></div></p>
<p>Les réseaux informels, deuxièmement restent trop souvent des <em>old boy’s clubs</em>, et c’est pour cela que l’association <a href="https://www.wista.fr/">Wista</a> dont l’antenne française est très active dans le secteur maritime, tente de recréer du réseau entre les femmes cadres du secteur. La principale barrière reste cependant la troisième : l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale.</p>
<p>L’<a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/IJPDLM-09-2021-0409/full/html">étude</a> que nous avons menée se concentre sur ce dernier point dans l’un des sous-secteurs logistiques parmi les plus dominés par les hommes : le portuaire.</p>
<h2>Cinq stratégies</h2>
<p>Nous avons interrogé des cadres féminines du secteur issues de 17 pays différents. Parmi elles, certaines sont des pionnières de leur profession au niveau de leur pays. Dirigeantes de terminaux, de ports ou de divisions ministérielles, certaines ont été faire de brillantes études à l’étranger, seules, laissant leurs enfants en bas âge à la maison avec des personnes de confiance car les bourses d’excellence dont elles bénéficiaient ne couvraient pas leurs frais.</p>
<p>Leurs réussites sont exemplaires et parfois bouleversantes. En les étudiant en détail, nous avons identifié cinq stratégies différentes mobilisées par ces femmes pour gérer leur brillante carrière en même temps que leur vie de famille.</p>
<p>Une première stratégie consiste à les compartimenter : il s’agit de bien séparer dans l’espace et dans le temps ces deux sphères afin qu’elles n’interfèrent pas l’une sur l’autre. Bahiya, par exemple, alloue des temps séparés à son travail et sa famille :</p>
<blockquote>
<p>« Il y a un temps pour tout, un temps pour manger, se divertir, dormir, travailler, passer du temps avec sa famille. Quand je suis à la maison, je suis à la maison, je ne travaille pas. Il est rare que je ramène du travail à la maison. »</p>
</blockquote>
<p>Une deuxième consiste au contraire à trouver sans cesse des compromis, à vouloir toujours trouver le meilleur parti sans jamais compromettre un aspect aux dépens de l’autre. Valérie, mariée et mère d’une petite fille, nous dit qu’elle cherche un équilibre dans ses voyages d’affaires :</p>
<blockquote>
<p>« Chaque fois c’était comme “Ok j’étais absente la semaine dernière, je ne peux pas être absente cette semaine à nouveau”. »</p>
</blockquote>
<p>Les deux stratégies suivantes se révèlent lorsqu’un événement majeur vient bouleverser le quotidien de ces femmes. Il s’agit d’un côté d’avoir une famille mais de prioriser la carrière lorsque cela est nécessaire pour l’évolution de cette dernière. Par exemple, quand Jahia, mariée et mère de deux jeunes enfants, s’est vu proposer une bourse de trois ans à l’étranger, elle n’a pas hésité :</p>
<blockquote>
<p>« Je n’ai pas perdu de temps : j’ai décidé tout de suite que je partirais parce que je savais que, quand je serais de retour, j’aurais une valeur ajoutée pour ma carrière. Mes enfants et mon mari comprendraient que je n’y suis pas allé pour m’amuser, mais pour accomplir quelque chose qui m’est cher. »</p>
</blockquote>
<p>Inversement, il peut s’agir d’avoir une carrière mais de prioriser la famille lorsque cette dernière fait face à un défi majeur ou une opportunité. Yeleen, par exemple, a accepté de ralentir sa carrière pour avoir des enfants. Elle nous a déclaré :</p>
<blockquote>
<p>« Je sais que c’est le prix que j’ai dû payer pour ne pas avoir de carrière quand j’étais très jeune : c’était la bonne décision et je ne le regrette pas. »</p>
</blockquote>
<p>Enfin, la cinquième stratégie consiste, face à la pression sociale et familiale à quitter le secteur, voire même le monde du travail pour se concentrer exclusivement sur la vie de famille, quitte à revenir plus tard.</p>
<h2>Une parité en trompe-l’œil</h2>
<p>Le maritime est, de fait, un secteur où la norme est genrée. C’est ce que mettent en évidence nos <a href="https://www.cluster-maritime.fr/la-filiere-maritime/les-enjeux-maritimes/egalite-professionnelle-hommes-femmes/">estimations</a> établies à partir de diverses sources (des <a href="https://www.mckinsey.com/featured-insights/diversity-and-inclusion/women-in-the-workplace">études</a> des cabinets McKinsey et Grant Thornton combinées avec des rapports d’activité de la direction des ressources humaines de l’armateur leader CMA-CGM et des données collectées par le think tank Logisthinker.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>La parité semble parfois atteinte au niveau d’une entreprise, mais les femmes en moyenne ne représentent qu’autour d’un tiers des cadres et un dixième des cadres supérieurs. Dans le secteur public, au sein des autorités portuaires, une représentation équitable de chaque sexe est imposée et respectée, mais dans le détail les hommes sont directeurs, directeurs adjoints, directeurs de la stratégie ou des opérations et les femmes plutôt directrices des ressources humaines, de l’administration ou de la communication.</p>
<p>Plus que les différentes stratégies que portent ces femmes, ce que nous disent nos recherches dans un secteur connu comme étant l’un des plus machos, c’est que les femmes changent la donne grâce à leur attitude résiliente et leurs combats quotidiens. Elles montrent l’exemple à leurs consœurs et servent de rôle-modèles.</p>
<p>Dans ce secteur, aux institutions fortement biaisées en direction des hommes, ces femmes constituent ce que l’on appelle des « <a href="https://agritrop.cirad.fr/583871/7/Temple-EntrepreneurInstitutionnel-Pr%C3%A9-Print.pdf">entrepreneures institutionnelles</a> ». Elles font changer la logique de l’institution, font des émules et imposent peu à peu une nouvelle norme sociale pour le bien et le profit d’un secteur stratégique, s’il en est.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198086/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandre Lavissière est président de Logisthinker, un think tank qui travaille sur le secteur logistique. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Linh-Chi Vo et Mary C. Lavissière ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Pourtant qualifiées, beaucoup de femmes préfèrent quitter les secteurs maritimes et portuaires que beaucoup considèrent encore réservés à des « bonshommes ».Alexandre Lavissière, Professeur de Logistique, CESIT - Centre d'Excellence Supply Chain - KEDGE, Kedge Business SchoolLinh-Chi Vo, Associate dean, Université catholique de Lyon (UCLy)Mary C. Lavissière, Associate professor, Université de NantesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1955082023-01-05T15:00:27Z2023-01-05T15:00:27ZDirection d'entreprise : les femmes perdent du terrain. Elles doivent être stratégiques, mais la culture doit aussi changer<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/498791/original/file-20221204-55964-xmkv40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les femmes sont moins nombreuses dans les postes de direction qu'avant la pandémie. Plusieurs facteurs l'expliquent, mais le fait que les femmes privilégient le télétravail n'aide en rien à leur promotion.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Récemment, le cabinet McKinsey publiait sa huitième <a href="https://www.mckinsey.com/%7E/media/mckinsey/featured%20insights/diversity%20and%20inclusion/women%20in%20the%20workplace%202022/women-in-the-workplace-2022.pdf">étude sur l’avancement des femmes dans le monde des entreprises</a> (<em>Women in the Workplace 2022</em>). Bien que portant sur les grandes entreprises états-uniennes, elle comporte de nombreux constats qui laissent présager un avenir où la représentation des femmes au sein des postes de haute direction se fera de plus en plus rare et exigera des femmes davantage d’endurance, de persévérance et de combativité pour y demeurer.</p>
<p>Qui y perdra : les femmes, les hommes ainsi que la société dans son ensemble.</p>
<p>Certains constats de l’étude sont préoccupants :</p>
<p>1) Au cours de la dernière année, les femmes leaders ont quitté leur emploi à un rythme plus élevé que leurs collègues masculins et cet écart est le plus important depuis les cinq dernières années ;</p>
<p>2) Une représentation moins forte des femmes dans les postes d’ingénierie et de technologie comparativement à 2018 fait en sorte qu’aujourd’hui, comparativement à cette dernière année de référence, les hommes y sont 2,5 fois davantage représentés qu’en 2018. Un résultat hautement préoccupant puisque ce secteur est celui qui connaît la plus forte croissance et où on retrouve les emplois les mieux rémunérés.</p>
<p>Respectivement doyenne de l’École de gestion John Molson et experte depuis plusieurs décennies de la place des femmes dans les hautes sphères du milieu des affaires, nous sommes préoccupées par cette régression.</p>
<h2>Le malaise va au-delà de la conciliation travail-famille</h2>
<p>Quelles sont les raisons qui conduisent ces femmes à se retirer du marché du travail après avoir atteint des postes de leadership ou à chercher un nouvel emploi davantage respectueux de leurs priorités et valeurs ?</p>
<p>Les difficultés à concilier travail-famille et vie personnelle sont certes présentes, mais d’autres raisons méritent d’être mentionnées et relèvent davantage de la qualité du milieu de travail comparativement aux hommes :</p>
<p>1) Le manque de reconnaissance : 37 % des femmes leaders voient leurs bonnes idées être reprises au crédit d’autres collègues, alors que ce phénomène de mauvaise appropriation arrive à 27 % des hommes ;</p>
<p>2) La remise en question fréquente de leurs décisions par leurs collègues masculins sous prétexte qu’elles ne disposent pas des compétences appropriées pour les prendre ;</p>
<p>3) Un accès plus difficile à des promotions en raison de leur sexe ou de leurs responsabilités familiales ;</p>
<p>4) Les microagressions</p>
<p>5) Le manque d’engagement de l’entreprise en regard de la diversité, de l’inclusion et de l’équité (DEI)</p>
<h2>Accéder aux plus hautes fonctions, mais pas à n’importe quel prix</h2>
<p>Un élément important à souligner est l’évolution des besoins des femmes au cours des deux dernières années en regard de leur milieu de travail.</p>
<p>Tant les femmes leaders que celles qui ont moins 30 ans disent que les possibilités d’avancement sont l’élément qui les préoccupent le plus. Les plus jeunes accordent en sus une priorité plus forte à la flexibilité et l’engagement des entreprises vers le bien-être au travail et les programmes DEI.</p>
<p>De plus, les jeunes femmes disent qu’elles seraient davantage intéressées à devenir leader si elles pouvaient avoir comme modèle un plus grand nombre de femmes dirigeantes parvenant à atteindre l’équilibre travail-famille qu’elles souhaitent.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une jeune femme, assise devant un ordinateur, face à une fenêtre" src="https://images.theconversation.com/files/498790/original/file-20221204-55987-z2bf2g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/498790/original/file-20221204-55987-z2bf2g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/498790/original/file-20221204-55987-z2bf2g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/498790/original/file-20221204-55987-z2bf2g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/498790/original/file-20221204-55987-z2bf2g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/498790/original/file-20221204-55987-z2bf2g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/498790/original/file-20221204-55987-z2bf2g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les possibilités d’avancement sont l’élément qui préoccupent le plus les jeunes femmes, et elles accordent la priorité à la flexibilité et l’engagement des entreprises vers le bien-être au travail.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De tels constats sont préoccupants, puisque la rétention des femmes dans des postes de direction et le maintien d’un vivier riche en potentiel féminin seront sûrement freinés dans l’avenir par la qualité de vie au travail et au bien-être des employés.</p>
<p>La récente étude de Viviane de Beaufort, professeure à l’ESSEC, menée auprès de 295 femmes françaises dirigeantes sur leurs aspirations professionnelles permet d’aller plus loin dans ces constats : les femmes veulent bien accéder aux plus hautes fonctions <a href="https://www.academia.edu/80171918/WP_CERESSEC_CEDE_ESSEC_Viviane_de_Beaufort_2022_avec_le_collectif_WOMEN_BOARD_READY_ESSEC">mais pas à n’importe quel prix</a>. Cette étude ajoute des éléments explicatifs fort intéressants à cette grande désillusion féminine : le décalage du discours, la gouvernance non éthique, l’entre-soi persistant, la non-exemplarité des dirigeants et le manque de confiance dans les collaborateurs.</p>
<h2>Le marché du travail va-t-il se masculiniser à nouveau ?</h2>
<p>On peut penser que si cette tendance se poursuit, ce pas de côté, comme le dit si bien Viviane de Beaufort, se traduira, au cours des prochaines années, par des lieux de pouvoir qui redeviendront davantage masculins.</p>
<p>Cette tendance pourrait être même accentuée par un autre phénomène, le travail à la maison, privilégié par les femmes afin de leur assurer un meilleur équilibre de vie. Comme dit le proverbe, loin des yeux, loin du cœur. Ainsi, le manque de contacts et de visibilité sur les lieux du travail pourrait faire en sorte que moins de femmes pourraient être promues à des postes de direction ou considérées sur la liste des candidats pour des postes de direction.</p>
<p>Une tendance à une raréfaction des nominations féminines à des postes de direction créera à nouveau un marché du travail à dominance masculine, <a href="https://www.catalyst.org/research/women-in-male-dominated-industries-and-occupations/">lequel est peu propice à l’inclusion et au développement du leadership féminin</a>. De plus, cette raréfaction diminuera la possibilité pour les jeunes aspirantes leaders de rencontrer d’autres femmes d’expérience qui pourraient leur servir de rôle modèle. Le réseau de soutien féminin au sein des entreprises diminuera et par conséquent, limitera le nombre de sponsores et mentores auxquelles ces jeunes décideuses en devenir ont tant besoin.</p>
<p>Un autre phénomène qui émerge suite à la pandémie est l’augmentation des difficultés d’apprentissage chez certains enfants. <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/education/2020-12-15/Covid-19/l-ecole-a-la-maison-surtout-l-affaire-des-femmes-revele-une-etude.php#">Ce sont souvent aux femmes que revient la tâche d’aide</a>. Cette responsabilité additionnelle élève donc une autre barrière à l’avancement de carrière des jeunes femmes.</p>
<h2>Des compétences nouvelles</h2>
<p><a href="https://theconversation.com/un-monde-du-travail-a-reinventer-pour-faire-une-meilleure-place-aux-femmes-173862">Comme nous en discutions dans un article précédent</a>, le cheminement de carrière au sein des moyennes et grandes organisations est plutôt linéaire. Il repose sur les connaissances, les expériences, les relations développées au fil du temps et le pouvoir progressivement acquis au fur et à mesure que les échelons sont franchis.</p>
<p>Cette progression plutôt typique ne tient pas compte de la vision périphérique qu’il est maintenant nécessaire d’acquérir afin de créer de la valeur autant financière qu’extrafinancière pour l’organisation. En effet, les attentes envers les organisations pour qu’elles contribuent à la protection de l’environnement, aux besoins de la société et d’une meilleure gouvernance (ESG) <a href="https://www.forbes.com/sites/forbestechcouncil/2022/05/12/five-reasons-to-develop-women-to-lead-and-influence-your-corporate-esg-operating-models/?sh=4ac0810b1c23">demandent des compétences nouvelles, souvent moins traditionnelles</a> : des connaissances approfondies en développement durable, en politiques publiques ou encore en sciences de l’environnement. Ces disciplines sont davantage populaires auprès des femmes que des hommes, de sorte que cela ouvre la voie à une nouvelle forme de promotion pour les femmes.</p>
<h2>Un monde du travail à réinventer</h2>
<p>Nous avons également pris conscience de l’importance de réimaginer le travail dans une perspective de mieux-être et d’équilibre. Cet élément constitue désormais une priorité des hauts dirigeants, <a href="https://www2.deloitte.com/us/en/insights/topics/leadership/employee-wellness-in-the-corporate-workplace.html">selon les conclusions d’une étude récente de la firme Deloitte</a>. Les organisations doivent offrir plus d’un parcours professionnel prometteur à leurs employés, favorisant une excellence <em>inclusive</em> où les mesures de performance sont repensées à la lumière des principes de DEI et de ESG.</p>
<p>L’acquisition de nouveaux talents et la rétention du personnel constitueront les plus grands défis de l’avenir en matière de gestion des risques des ressources humaines. Une nouvelle façon d’imaginer le travail et la progression des ressources humaines au sein de l’organisation devra en émerger et favoriser une meilleure harmonisation des exigences d’une vie familiale, professionnelle et personnelle.</p>
<p>Les femmes sont ambitieuses et veulent évoluer au sein de leur organisation et de la société. Il est donc de notre responsabilité collective de réajuster nos façons de faire, de rester à l’affût de nos biais inconscients tout en restant rigoureux et clair sur les objectifs corporatifs à atteindre. Cet objectif à atteindre est certes ambitieux, mais ce sera le pilier d’une meilleure équité dans le monde du travail pour les femmes et les hommes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195508/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Loin de progresser, la place des femmes dans les postes de direction régresse dans les entreprises. Plusieurs facteurs post-pandémie sont à l’œuvre, mais tant les hommes que les femmes y perdent.Louise Champoux-Paillé, Cadre en exercice, John Molson School of Business, Concordia UniversityAnne-Marie Croteau, Dean, John Molson School of Business, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1939762022-11-22T19:27:53Z2022-11-22T19:27:53ZReconversions : ces bac+5 qui se tournent vers l’artisanat<p>Une architecte d’intérieur devenue boulangère, un ex-banquier à la tête de sa fromagerie, ou un responsable marketing reconverti comme électricien… de telles trajectoires professionnelles, si elles restent atypiques, surprennent aujourd’hui de moins en moins. D’une part, les reconversions professionnelles se normalisent : selon le troisième <a href="https://csa.eu/news/barometre-de-la-formation-et-de-lemploi-3e-edition/">baromètre de la formation et de l’emploi</a> Centre Inffo/CSA, 21 % des personnes actives préparaient une reconversion en janvier 2022, auxquelles on peut ajouter les 26 % qui déclaraient en envisager une à terme.</p>
<p>D’autre part, les reconversions de Cadres ou Professions intellectuelles supérieures (CPIS) vers un métier artisanal font, en particulier, l’objet d’une mise en lumière récente, souvent sous un angle positif. On trouve ainsi de nombreux portraits de ces personnes reconverties dans la presse, tandis que certains – à l’image de <a href="https://journals.openedition.org/lectures/1351">Matthew B. Crawford</a> ou d’<a href="https://laviedesidees.fr/la-vie-solide-lochmann.html">Arthur Lochmann</a> – rendent compte de leur expérience en l’articulant à une réflexion sur la valeur du travail « manuel ».</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-bifurquer-191438">« L’envers des mots » : Bifurquer</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Ces reconversions posent pourtant un défi de taille à l’analyse des mobilités sociales, soucieuse d’identifier les déterminants de l’ascension, de la reproduction ou du déclassement social. Ce dernier peut s’analyser à l’échelle <a href="https://www.cairn.info/cadres-classes-moyennes-vers-l-eclatement--9782200255909-page-173.htm">intergénérationnelle</a>, lorsque les enfants atteignent une position relativement moins élevée dans la hiérarchie sociale que celle qu’occupaient leurs parents ; mais également à l’échelle <a href="https://www.cereq.fr/declassements-et-reclassements-selon-le-diplome-et-lorigine-sociale">intragénérationnelle</a>, correspondant par exemple à la situation où un individu occupe une position professionnelle pour laquelle il s’avère surqualifié. Dans un cas comme dans l’autre, le déclassement est envisagé comme un phénomène subi. Comment, dès lors, rendre compte des reconversions de cadres vers l’artisanat ?</p>
<p>Pour des individus ayant atteint une position professionnelle élevée ou disposant d’un haut niveau de qualification, se reconvertir dans un métier « manuel » de l’artisanat pourrait en effet être envisagé comme un « déclassement volontaire » paradoxal. Se pose la question de ce qui motive ces mobilités professionnelles atypiques et des satisfactions que les personnes reconverties sont susceptibles d’éprouver dans leur nouveau métier.</p>
<h2>Un rapport spécifique au travail</h2>
<p>Dans le cadre de notre <a href="https://www.theses.fr/s208931">thèse</a>, nous avons mené des entretiens auprès d’artisans disposant d’un bac+5 ou ayant occupé auparavant un emploi de cadre ou profession intellectuelle, afin de mieux comprendre les ressorts de telles bifurcations professionnelles.</p>
<p>D’abord, la majorité de ces reconvertis et reconverties témoigne d’un rapport au travail que l’on peut qualifier « d’expérientiel ». Cela signifie que, davantage que les ressources matérielles ou le prestige du statut professionnel, ces professionnels recherchent dans leur activité une expérience de travail satisfaisante et épanouissante en elle-même.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>La dimension économique, si elle n’est pas totalement omise, passe au second plan d’autant plus facilement que les personnes concernées disposent bien souvent de filets de sécurité. Pour certains, il s’agit d’allocations chômage le temps de se reconvertir, des revenus d’un conjoint ou d’une conjointe, pour d’autres de l’aide financière des proches, d’une épargne préalable ou encore d’un patrimoine immobilier.</p>
<p>Comme le souligne Tom (les prénoms ont été modifiés), titulaire d’une thèse en physique et exerçant comme charpentier, avoir « le bagage culturel, le bagage économique » et la sécurité de savoir que « ses parents [tous deux chercheurs] sont là » constituent les conditions l’autorisant à « vadrouiller entre des métiers ».</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-formation-continue-garantie-dune-reconversion-professionnelle-reussie-189267">La formation continue, garantie d’une reconversion professionnelle réussie ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>La possibilité de revenir à un emploi plus qualifié en cas d’échec relatif de la reconversion, grâce au diplôme ou à l’expérience professionnelle acquis par le passé, permet également de limiter les risques. Dans ces conditions, les personnes reconverties, désireuses de s’engager dans une activité envisagée comme plus épanouissante ou plus en accord avec leurs valeurs, peuvent s’autoriser à transgresser les frontières socioprofessionnelles.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/DmrDwV7FhJ4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Lecture d’un extrait de « L’éloge du carburateur », de Matthew B.Crawford (Le blob).</span></figcaption>
</figure>
<p>Certes, le métier artisanal correspond à un recrutement social plus populaire que leur milieu d’origine. Il nécessite un niveau de qualification inférieur au leur, et confère généralement des revenus plus faibles ou plus incertains. Mais le rapport expérientiel au travail conduit les reconvertis à moins s’attacher à ces critères qu’à celui de la satisfaction que peut procurer intrinsèquement l’activité. Ils ne déclarent alors que très rarement se sentir déclassés, évaluant plutôt leur situation à l’échelle individuelle et en termes d’épanouissement que dans une perspective tenant compte du statut socioprofessionnel associé à leur nouveau métier.</p>
<h2>Redonner du « sens » à son activité</h2>
<p>Ce rapport expérientiel conduit bien souvent les personnes reconverties à indiquer que le travail artisanal aurait plus de « sens » que leur ancien métier. Gabriel, account manager s’étant réorienté vers la fromagerie, résume ce qui l’avait amené à considérer que son activité « manquait de sens » :</p>
<blockquote>
<p>« Tous les jours sont un peu les mêmes […] et tu te dis, “Bon, est-ce que je vais vraiment passer 40 ans sur un bureau, le cul sur une chaise à regarder un ordinateur, est-ce que c’est vraiment ce que j’ai envie de faire ?” »</p>
</blockquote>
<p>Toutes les personnes reconverties n’exerçaient pas nécessairement un métier « de bureau », sur ordinateur. Mais ce type d’activité n’en constitue pas moins une figure repoussoir, qui structure leur rapport au travail « intellectuel ». Plusieurs défauts y sont attribués : tout d’abord, la sédentarité, tant par rapport au fait d’être en intérieur que de rester souvent assis. Ensuite, le sentiment d’improductivité que fait parfois ressentir le travail “intellectuel” est également évoqué de manière récurrente. Enfin, ces métiers « de bureau » impliquent souvent une forte division du travail, qui peut donner aux personnes reconverties le sentiment d’être un « numéro », un « maillon » ou un « rouage dans un mécanisme qui (nous dépasse) ».</p>
<p>Par contraste, le travail artisanal se voit attribuer des qualités en miroir de ces défauts. Tout d’abord, il permet de travailler dehors – ce que beaucoup de personnes reconverties dans le bâtiment valorisent – ou de mobiliser son corps. À rebours des travaux mettant en évidence la <a href="https://books.openedition.org/pur/150105?lang=fr">vulnérabilité physique associée au travail artisanal</a>, les personnes reconverties tendent à décrire cet engagement corporel comme quelque chose qui « fait du bien », qui « muscle », qui fait se sentir « en forme », « bien dans son corps », ou encore qui évite de « s’empâter » ou de « prendre du bide ».</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/IT7iytAoJv4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Changer de vie : Sarah, de la publicité à la céramique (Brut).</span></figcaption>
</figure>
<p>Deuxièmement, le travail artisanal est valorisé pour son caractère « concret ». Il faut comprendre par là que le produit de l’activité est palpable, tangible, ce qui permet de mettre plus facilement en équivalence ses efforts et le résultat qu’ils produisent. Ce caractère concret contraste de ce point de vue avec le sentiment, dans l’ancien métier, de se perdre en « réunions interminables », en « fioritures », en réflexions pouvant durer « des heures et des heures » sur des sujets dont la « superficialité », l’« artificialité », l’« abstraction » ou la « complexité » excessive sont dénoncées.</p>
<p>Joëlle, ancienne responsable de formation devenue boulangère, souligne ainsi qu’elle avait l’impression de « finir tard […] pour rien faire ». Elle oppose cette activité où, à la fin du mois, elle avait « quand même gagné 5 500 euros », mais sans savoir « à qui (elle avait) apporté », et son nouveau métier : « Là, tous les jours je nourris au moins cent personnes ».</p>
<p>Enfin, l’activité artisanale permet bien souvent aux personnes reconverties de superviser toutes les étapes de la production, ce qui est valorisé par opposition à une division du travail trop marquée. L’enjeu réside dans la possibilité de bénéficier d’une plus grande autonomie, aussi bien technique (maîtriser toutes les tâches nécessaires à la réalisation du produit) qu’organisationnelle (ne pas dépendre d’autrui pour mener son activité).</p>
<p>Ce souci d’autonomie professionnelle se repère dans la très forte proportion de personnes reconverties se mettant à leur compte à très court terme, comparé aux travailleurs de métier. L’accès à l’indépendance ressort, de ce point de vue, comme une condition essentielle à la reconversion dans le métier artisanal.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193976/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Dain ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pouvant être vues comme des « déclassements volontaires », les reconversions de diplômés et cadres vers des métiers manuels sont très médiatisées. Éclairages en ces Journées des métiers d'art 2023.Antoine Dain, Doctorant en sociologie, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1871522022-07-21T16:32:33Z2022-07-21T16:32:33ZComment comprendre que des cadres heureux dans leur travail souhaitent en changer ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/474443/original/file-20220717-24-m4yifv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5760%2C3837&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des cadres qui se disaient heureux au travail déposent parfois des lettres de démission surprise.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/femme-d-affaires-positive-faisant-de-la-paperasse-au-bureau-3756678/">Andrea Piacquadio / Pexels</a></span></figcaption></figure><p>Commençons par une histoire que l’on retrouve dans les <em>Métamorphoses</em> d’Ovide, celle du sculpteur Pygmalion qui, écœuré par l’attitude des femmes de l’île de Chypre s’était voué au célibat. Jusqu’à ce qu’un jour il s’éprît de la statue de marbre sur laquelle il travaillait et qu’il nomma Galatée. Grâce à l’intervention de Vénus, Galatée prit peu à peu vie avec toutes les caractéristiques humaines, dont la beauté tant espérée par Pygmalion. Elle entrait en résonnance parfaite avec le sculpteur, jusqu’à répondre à ses pensées et ses attentes.</p>
<p>Ce mythe grec a inspiré de nombreux concepts dans le champ des sciences sociales, en particulier celui d’« effet Pygamlion ». Apparu à l’origine chez les <a href="https://doi.org/10.1007/BF02322211">sociologues de l’éducation</a>, la notion englobe ces situations où un élève voit ses résultats s’améliorer parce que l’enseignant croit en lui, et par symétrie, un élève qui se perçoit tel un cancre par son professeur et qui voit ses résultats à la hauteur de ce statut peu louable.</p>
<p>Le concept a également suscité l’intérêt des chercheurs en <a href="https://www.jstor.org/stable/3100361">gestion</a> pour décrire la relation entre employeur et salarié. On retrouve l’effet Pygmalion en entreprise lorsqu’un individu modifie son comportement sur la base du jugement explicite que son environnement porte sur lui, et notamment son manager car c’est lui qui l’évalue. Dans les organisations actuelles, Pygmalion est incarné par le manager et Galatée par son subordonné. Si le manager mise sur un collaborateur parce qu’il croit en ses capacités, le maintien de la boucle vertueuse Pygmalion-Galatée garantit une relation parfaitement synchronisée entre le manager et son subordonné.</p>
<p>Il arrive cependant que cette boucle s’enraye contre toute attente et que l’on assiste à des départs inattendus de bons salariés d’un service, d’une entreprise. Pourquoi quittent-ils le navire quand tout laisse à penser qu’ils se plaisent là où ils sont : métier, salaire, statut, conditions de travail, avantages en nature ? Tout l’enjeu de notre dernier <a href="https://www.cairn.info/revue-agrh1-2017-2-page-37.htm">article de recherche</a> est de comprendre comment est apparu ce dysfonctionnement et comment on peut y remédier.</p>
<h2>Carburer au stress ?</h2>
<p>Empiriquement, le plus dur, lorsque l’on étudie un effet Pygmalion, est de comprendre ce que perçoivent les individus. Comment le salarié se sent-il perçu par son manager ? Et qu’en fait-il ? Il faut savoir se mettre dans la peau de la statue grecque et se demander comment elle perçoit les désirs de son créateur avant de s’y conformer, ce que Dov Eden, professeur émérite à l’Université de Tel-Aviv, a suggéré de nommer <a href="https://www.jstor.org/stable/258233">« l’effet Galatée »</a>.</p>
<p>Pour mesurer cette perception du jugement d’un individu sur soi-même, en partant des <a href="https://books.google.fr/books?hl=en&lr=&id=PdY9o3l5vpYC">travaux</a> sur le sentiment d’efficacité personnelle d’Albert Bandura, psychologue canadien, nous avons imaginé un concept : la <em>rétroaction perçue d’efficacité personnelle</em>.</p>
<p>[<em>Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>232 cadres, femmes et hommes issus du secteur privé, ont été étudiés. Ils ont été sélectionnés parmi un échantillon d’individus-cadres pour leur bon score-test d’efficacité perçue à la tâche. Tous ont au moins un enfant. Chaque répondant a été soumis à six questions au sujet de son comportement. Toutes les questions sont élaborées sous forme d’échelles allant de zéro à cinq. Il s’agissait de mesurer le niveau de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/stress-20136">stress</a> dans la gestion de l’équilibre travail/famille ; le sentiment d’efficacité personnelle au travail ; le niveau d’efficacité personnelle qu’ils pensent que leur hiérarchie leur attribue ; l’implication au travail ; la satisfaction au travail ; l’intention de départ.</p>
<p>Les résultats nous permettent de tirer plusieurs enseignements intéressants. On observe tout d’abord, et cela semble assez intuitif, que moins l’individu est impliqué dans son <a href="https://theconversation.com/fr/topics/travail-20134">travail</a>, moins il est satisfait et plus il compte quitter l’entreprise. Il apparaît également que plus le cadre est en situation de stress avec un bon niveau de sentiment d’efficacité personnelle au travail, plus son niveau de satisfaction au travail augmente. Cela voudrait dire que le cadre se réalise dans le stress, c’est son carburant. Cependant, plus le cadre est stressé et plus aussi son niveau de rétroaction perçue d’efficacité personnelle diminue au point qu’il ait envie de quitter l’entreprise.</p>
<h2>Qui est concerné ?</h2>
<p>Nous touchons au but. Le stress chez le cadre est générateur à la fois d’une satisfaction au travail parce qu’il s’y sent efficace et d’insatisfaction au travail parce qu’il pense que son chef ne le juge pas efficace. Et, au-delà du sentiment d’efficacité personnelle, c’est ce sentiment rétroactif, la rétroaction perçue d’efficacité personnelle, qui médiatise les comportements futurs du cadre, à savoir son implication, sa satisfaction et ses envies de départ.</p>
<p>Nous avons « contrôlé » nos résultats en tenant compte de variables telles que le sexe, l’ancienneté en entreprise et le niveau d’encadrement. La rétroaction perçue d’efficacité personnelle semble ainsi plus faible chez le cadre ayant moins de 5 ans d’expérience en entreprise que celui dont l’ancienneté dépasse les 15 années. Cela voudrait dire que lorsque le cadre a peu d’expérience en entreprise, il attend beaucoup du jugement de sa hiérarchie car il veut lui plaire, savoir s’il fait du bon travail. Pour un cadre senior, c’est moins le cas, ce dernier étant probablement plus connaisseur des leviers d’évaluation en interne et des profils des managers.</p>
<p>Si l’on regarde du côté de l’âge, il apparaît que l’écart de perception entre le propre jugement d’efficacité des jeunes cadres et la manière dont ils pensent que leur hiérarchie les juge est si important qu’il est impossible de prédire les réactions qu’ils vont avoir. Cette génération semble plus méfiante, moins naïve et plus alertée que les générations précédentes sur les pratiques de management. Elle a aussi besoin de feedbacks basés sur des faits, des éléments concrets. Elle veut du challenge sur mesure et surtout être valorisée.</p>
<p>Il y a là des ressources importantes pour les entreprises. Quand on connaît les <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/amr.1984.4277675">coûts abyssaux</a> liés aux dysfonctionnements qu’engendre le départ d’un cadre performant, on peut se dire que l’entreprise devrait sérieusement songer à intégrer des capteurs de bien-être en formant les managers à l’accompagnement et au suivi du parcours individuel pour augmenter les chances de prédire avec justesse les intentions de leurs collaborateurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187152/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Garner ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une recherche montre qu’un même facteur génère de la satisfaction au travail et une impression de déplaire à son supérieur qui pousse au départ : le stress.Pierre Garner, Enseignant-chercheur en comportement organisationnel, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1522612021-01-10T19:11:35Z2021-01-10T19:11:35ZVivre célibataire aujourd’hui, loin des idées reçues<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/376695/original/file-20201228-23-1qbab4f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C0%2C1599%2C1065&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">The Lobster </span> <span class="attribution"><span class="source">Copyright Sony Pictures Home Entertainment</span></span></figcaption></figure><p>Si pendant longtemps on a pointé les célibataires du doigt, de la vieille fille au célibataire endurci, on s’aperçoit finalement que la vie en solo résulte parfois d’un choix.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2020-12-page-1.htm">Vivre célibataire</a> – ne pas ou ne plus être en couple – est une situation fréquente aujourd’hui et souvent même, renouvelée au cours de la vie. Quelles perceptions et quelles expériences en a-t-on, selon le milieu social ou le genre notamment ?</p>
<p>L’analyse de <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/population-et-societes/vivre-celibataire-des-idees-recues-aux-experiences-vecues/">l’enquête Epic</a> sur les parcours individuels et conjugaux et d’entretiens approfondis auprès de célibataires éclaire, de façon parfois inattendue, la diversité des célibats contemporains et de leurs vécus.</p>
<h2>Vivre à deux, vivre heureux ?</h2>
<p>Dans l’enquête Epic, menée par l’Ined et l’Insee en France métropolitaine en 2013-2014, une personne sur cinq âgée de 26 à 65 ans déclarait ne pas être en couple (21 %) et une personne sur deux avait connu au moins un épisode de vie hors couple (d’un an ou plus) depuis sa première relation amoureuse importante. Fréquent, ce célibat concerne tout autant les hommes que les femmes (21 %).</p>
<p>Néanmoins, la vie à deux est très majoritaire entre 26 et 65 ans et elle reste le <a href="https://www.cairn.info/revue-population-2019-1-page-103.htm">modèle</a> socialement valorisé. Les expériences rapportées par les célibataires ré-interviewés suite à l’enquête Epic en témoignent et convergent : quels que soient leur milieu social, leur sexe ou leur âge, leur histoire conjugale ou leurs aspirations, tous sont ou ont été incités par leur entourage à faire ou à refaire couple.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Sba-lPZeRJs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">THE LOBSTER Bande Annonce (Cannes – 2015).</span></figcaption>
</figure>
<p>La vie à deux reste bel et bien la norme et le couple tient une place centrale dans les images sociales du bonheur. Un homme (36 ans, ouvrier, célibataire) explique ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« C’est ancré dans la société que, pour être heureux, il faut vivre à deux. »</p>
</blockquote>
<p>Des propos qui font écho à d’autres, comme ceux de cette femme (53 ans, cadre, séparée et mère d’un enfant) :</p>
<blockquote>
<p>« Je pense que les gens ont envie de vous voir heureux, votre famille et vos amis. Et donc, bien souvent dans la tête des gens, être en couple… enfin, être seul, c’est pas être heureux. »</p>
</blockquote>
<p>Pour autant, la vie célibataire n’est ni expérimentée, ni appréciée de la même façon par toutes et tous.</p>
<h2>Le sexe du célibat</h2>
<p>Les hommes se mettent en couple plus tard que les femmes ; ils sont plus nombreux à être célibataires lorsqu’ils sont jeunes. Inversement, les femmes entrent plus tôt dans la conjugalité, et en sortent plus précocement aussi.</p>
<p>Passée la trentaine, qui constitue un temps fort de la vie conjugale pour les deux sexes – le taux de vie hors couple est alors très bas – les séparations, les divorces et les veuvages n’affectent pas les femmes et les hommes de la même façon (figure 1).</p>
<p>À partir de la quarantaine, le taux de vie hors couple augmente pour les femmes sans jamais plus diminuer. Les parcours des hommes sont moins sensibles à l’âge. Moins touchés par le <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/cahiers/histoires-de-familles/">veuvage</a>, ils se remettent aussi plus souvent et plus rapidement en couple après une <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/cahiers/histoires-de-familles/">rupture</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/375677/original/file-20201217-21-3foa3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/375677/original/file-20201217-21-3foa3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/375677/original/file-20201217-21-3foa3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=561&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/375677/original/file-20201217-21-3foa3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=561&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/375677/original/file-20201217-21-3foa3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=561&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/375677/original/file-20201217-21-3foa3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=706&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/375677/original/file-20201217-21-3foa3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=706&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/375677/original/file-20201217-21-3foa3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=706&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Source : figure reprise de Marie Bergström et Géraldine Vivier, 2020, Vivre célibataire : des idées reçues aux expériences vécues, Population et Sociétés, n° 584 https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2020-12-page-1.htm.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marie Bergström et Géraldine Vivier</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On le voit, au fil de la vie, célibats masculins et célibats féminins ne se ressemblent pas. Ils ne sont pas non plus appréciés de la même façon : certes, femmes et hommes célibataires déclarent en majorité que leur célibat est « un choix » (46 % des femmes et 34 % des hommes) ou que « sans être vraiment un choix, leur situation leur convient » (25 % des femmes et 28 % des hommes), mais les femmes sont plus affirmatives que les hommes qui, eux, sont plus nombreux à aspirer à une relation amoureuse importante (28 % contre 24 % des femmes) ou à souhaiter une ou des relations sans s’engager (7 % contre 4 %).</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/PxVV3rMDIe4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Peut-on être célibataires et heureux ? (Je t’aime etc.).</span></figcaption>
</figure>
<p>Ces résultats renouvellent le regard sur la vie célibataire et les aspirations qui l’accompagnent, très souvent observées – dans la recherche comme dans les médias – sous le seul angle du <a href="https://journals.openedition.org/genrehistoire/2382">célibat des femmes</a>, nous privant ainsi de la comparaison.</p>
<h2>Le célibat subi n’est pas là où on le croit</h2>
<p>La vie célibataire est plus courante dans les milieux modestes. C’est vrai pour les hommes et pour les femmes, bien que moins marqué pour ces dernières. De façon graduelle, les proportions de personnes hors couple diminuent lorsque l’on s’élève dans l’échelle sociale (figure 2). Ainsi, 29 % des ouvriers et 24 % des ouvrières sont célibataires, contre 13 % des hommes cadres et 18 % des femmes cadres.</p>
<p>De nouveau toutefois, la vie célibataire ne s’inscrit pas de la même façon dans les parcours des femmes et des hommes de milieux modestes. Les hommes célibataires ouvriers, employés ou agriculteurs sont plus nombreux à n’avoir jamais été en couple tandis que les femmes célibataires employées ou ouvrières célibataires ont, elles, plus souvent un passé conjugal, marqué par un veuvage ou un divorce. Autrement dit, on observe chez les hommes une différence sociale d’accès à la conjugalité, alors que chez les femmes, la différence s’exprime plutôt en termes de sortie de la vie conjugale.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/375678/original/file-20201217-13-qiricu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/375678/original/file-20201217-13-qiricu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/375678/original/file-20201217-13-qiricu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=627&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/375678/original/file-20201217-13-qiricu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=627&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/375678/original/file-20201217-13-qiricu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=627&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/375678/original/file-20201217-13-qiricu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=789&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/375678/original/file-20201217-13-qiricu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=789&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/375678/original/file-20201217-13-qiricu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=789&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure reprise de Marie Bergström et Géraldine Vivier, 2020, <em>Vivre célibataire : des idées reçues aux expériences vécues</em>, Population et Sociétés, n° 584.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marie Bergström et Géraldine Vivier</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Selon le milieu social, les appréciations portées sur le célibat contrastent aussi : les personnes employées ou ouvrières plus que les personnes cadres ou appartenant aux professions intellectuelles supérieures affirment que « c’est un choix » (43 % contre 33 %). Moins satisfaites de la vie célibataire, ces dernières déclarent davantage s’être – parfois ou souvent – senties exclues du fait de ne pas être en couple.</p>
<p>La moindre fréquence du célibat dans les classes supérieures semble coïncider avec une norme conjugale plus forte. Inversement, dans les classes populaires où la vie hors couple, la monoparentalité et le célibat définitif sont plus répandus, ces situations sont peut-être moins stigmatisées et excluantes. Ces différences de vécus et de perceptions de la vie célibataire sont particulièrement marquées chez les femmes.</p>
<h2>Prix et primes du célibat féminin</h2>
<p>Les ouvrières et les employées présentent beaucoup plus souvent leur célibat comme un choix (50 %) que les femmes cadres et professions intellectuelles supérieures (25 %). Elles considèrent aussi plus souvent que la vie hors couple « ne change rien » à leur vie de tous les jours (43 % contre 34 %) alors que les femmes cadres répondent davantage que le célibat rend leur quotidien « plus difficile » (42 % contre 30 %).</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/2X5u8xxPcJI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">1975 : Qui sont les femmes célibataires ? | Archive INA.</span></figcaption>
</figure>
<p>Ces différences se renforcent encore lorsque l’on tient compte de la parentalité : les mères célibataires des milieux favorisés déclarent bien plus de difficultés associées à la vie hors couple que les mères ouvrières ou employées.</p>
<p>C’est donc dans les milieux modestes, et même en situation de monoparentalité – une situation que l’on sait <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2017508?sommaire=2017528">appauvrissante</a> – que les femmes s’accommodent le mieux de la vie hors couple.</p>
<p>De premier abord surprenant, ce résultat s’éclaire à l’aune des témoignages des femmes employées et ouvrières interviewées. D’abord lorsqu’elles soulignent la continuité de leur rôle et de leur travail, domestique et éducatif : avec ou sans conjoint, il leur faut « tout faire », « tout gérer ». Ensuite lorsqu’elles pointent l’autonomie de décision trouvée ou retrouvée dans la vie hors couple : seules, elles sont désormais libres de décider, certes sous contraintes mais sans comptes à rendre, des dépenses ou de l’éducation des enfants. La gestion de l’argent est emblématique de cette autonomie nouvelle.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/376167/original/file-20201221-23-4xguc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/376167/original/file-20201221-23-4xguc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/376167/original/file-20201221-23-4xguc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/376167/original/file-20201221-23-4xguc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/376167/original/file-20201221-23-4xguc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/376167/original/file-20201221-23-4xguc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/376167/original/file-20201221-23-4xguc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/376167/original/file-20201221-23-4xguc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une femme et ses enfants.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pexels/Alex Green</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Alors que l’inégale répartition du travail parental et ménager marque aussi la vie conjugale des femmes cadres, <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1281044">l’indépendance financière</a> des conjoints est plus grande dans les couples au statut social élevé. Gérer son budget sans avoir à négocier constitue donc une différence et un gain plus significatifs pour les femmes ouvrières et employées que pour les autres. Et c’est à cette liberté de décision, gagnée ou regagnée, qu’elles sont attachées.</p>
<h2>Refaire couple, autrement</h2>
<p>Vivre célibataire de façon satisfaisante n’exclut pas l’idée de (re)vivre en couple et déclarer que ne pas être en couple est « un choix », comme l’ont fait 40 % des personnes célibataires au moment de l’enquête Epic (en 2013-2014), ne signifie pas qu’il s’agisse d’un choix de vie, définitif.</p>
<p>Les choses ne sont pas figées et les remises en couple, fréquentes, en témoignent aussi. Deux ans après une rupture, plus de la moitié des personnes séparées se sont déjà <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2017508?sommaire=2017528">remises en couple</a>.</p>
<p>En revanche, ce qu’on observe de façon nouvelle, c’est que les périodes de vie célibataire – souvent négligées comme des « périodes creuses » où il ne se passerait rien – affectent bel et bien la façon d’envisager la conjugalité. Les expériences de vie célibataire changent la façon de faire ou de refaire couple. De ce point de vue, préserver son espace personnel apparaît comme un idéal fort, voire un enjeu, qui influence le fonctionnement et le type d’union envisagés (concubinage ou couple non cohabitant plutôt que (re)mariage, notamment).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/376195/original/file-20201221-19-7dpa2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/376195/original/file-20201221-19-7dpa2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/376195/original/file-20201221-19-7dpa2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/376195/original/file-20201221-19-7dpa2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/376195/original/file-20201221-19-7dpa2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/376195/original/file-20201221-19-7dpa2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/376195/original/file-20201221-19-7dpa2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Parmi les personnes n’ayant connu aucune période de célibat (d’au moins un an) depuis leur première relation amoureuse, 49 % considèrent qu’« être en couple, c’est tout faire ensemble ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Elly Fairytale/Pexels</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette question de l’autonomie dans le couple apparaît à la fois dans les représentations de la vie à deux mais aussi dans les pratiques. Plus on a vécu de périodes célibataires, moins on adhère à l’idée qu’« être en couple, c’est tout faire ensemble ».</p>
<p>Parmi les personnes n’ayant connu aucune période de célibat (d’au moins un an) depuis leur première relation amoureuse, 49 % considèrent qu’« être en couple, c’est tout faire ensemble » contre 34 % de celles ayant vécu deux périodes de célibat ou plus depuis leur première relation. De même, au sein des couples, plus on a vécu de périodes célibataires auparavant, moins on vit dans une relation fusionnelle, où les pratiques de sociabilité (voir les amis, la famille, ou passer des vacances) se font la plupart du temps ensemble. L’expérience du célibat se traduit par une plus grande indépendance au sein du couple.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte est adapté d’un article publié par les autrices dans Population et Sociétés n° 584, <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2020-12-page-1.htm">« Vivre célibataire : des idées reçues aux expériences vécues »</a> et d’un article publié par les autrices et Françoise Courtel dans Population, 2019/1 Vol. 74, <a href="https://www.cairn.info/revue-population-2019-1-page-103.htm.">« La vie hors couple, une vie hors norme ? Expériences du célibat dans la France contemporaine »</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152261/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Vivre célibataire, une angoisse pour certains, un choix pour d’autres. Les Bridget Jones d’aujourd’hui bousculent nos idées reçues et restituent au phénomène du célibat son entièreté.Marie Bergström, Chercheuse en sociologie du couple et de la sexualité, Institut National d'Études Démographiques (INED)Géraldine Vivier, Ingénieure de Recherche, Institut National d'Études Démographiques (INED)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1442532020-08-17T13:21:36Z2020-08-17T13:21:36ZLa Covid-19 aura-t-elle un impact positif et durable sur les milieux de travail ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/352583/original/file-20200812-14-2rsznd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Apercevoir le bébé ou l'animal de compagnie d'un collègue peut aider à humaniser les lieux de travail et à rendre les collègues plus compréhensifs et empathiques - une conséquence positive du phénomène du travail à distance alimenté par la pandémie.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le confinement entraîné par la Covid-19 est devenu synonyme de télétravail pour de nombreuses personnes. Si certaines recherches donnent à penser que le travail à distance <a href="https://hbr.org/2020/03/a-guide-to-managing-your-newly-remote-workers">peut créer un sentiment d’isolement</a>, il attire également le regard sur les priorités divergentes avec lesquelles les travailleurs et travailleuses jonglent — parfois même de façon littérale, vu la popularité des appels vidéo.</p>
<p>La situation permet à ces travailleurs de se sentir unis dans leurs efforts pour trouver un équilibre entre leurs responsabilités professionnelles et personnelles.</p>
<p>Que ce soit par l’apparition inopinée d’enfants ou d’animaux de compagnie à l’écran durant les appels Zoom, le télétravail a entraîné un relâchement des règles traditionnelles de présentation professionnelle. Résultat : le milieu de travail virtuel est non seulement plus souple, mais il est également plus empreint d’humanité.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/352582/original/file-20200812-24-lzpqhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/352582/original/file-20200812-24-lzpqhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/352582/original/file-20200812-24-lzpqhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/352582/original/file-20200812-24-lzpqhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/352582/original/file-20200812-24-lzpqhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/352582/original/file-20200812-24-lzpqhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/352582/original/file-20200812-24-lzpqhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Que ce soit par l’apparition inopinée d’enfants ou d’animaux de compagnie à l’écran durant les appels Zoom, le télétravail a donné lieu à des comportements de travail plus décontractés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ma recherche préliminaire concernant l’impact du télétravail sur les professionnels des cabinets comptables du Canada suggère que le travail à distance a d’importantes répercussions sur la façon dont les comptables, ou tout autre professionnel travaillant de la maison, transmettent leur expertise et leur crédibilité en milieu de travail virtuel.</p>
<p>D’après le sondage que j’ai réalisé auprès de ces travailleurs, la définition de « comportement professionnel » a changé ; ainsi, la pandémie a clairement démontré la nécessité d’être capable <a href="https://greatergood.berkeley.edu/article/item/how_to_bring_your_whole_self_to_work">d’exposer son authenticité au travail</a>.</p>
<p>Selon un <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/200714/dq200714a-fra.htm">récent sondage</a> mené par Statistique Canada, près d’un tiers des entreprises rapportent que leur personnel a travaillé à distance durant le confinement causé par la pandémie.</p>
<p>C’est presque deux fois plus que le nombre rapporté avant le début du confinement. Le sondage a également révélé qu’un peu plus du quart des employeurs se disaient enclins à permettre à leur personnel de continuer de travailler à distance une fois terminée la pandémie de la Covid-19, avec presque 15 pour cent affirmant qu’ils prévoyaient rendre le télétravail obligatoire.</p>
<p>Le personnel interviewé des cabinets comptables laissait entendre que presque toutes les entreprises permettraient désormais aux employés, quelle que soit leur ancienneté, de faire du télétravail, du moins à temps partiel. Le travail à distance est là pour de bon, et il aura probablement un impact durable sur la façon dont travaillent les gens.</p>
<h2>Rendre visible la vie privée</h2>
<p>Le télétravail permet d’avoir un aperçu de la vie privée de nos collègues, de nos clients, et même de nos supérieurs. Chaque appel Zoom donne accès à l’espace personnel de nos collègues, comme jamais auparavant.</p>
<p>Les réunions Zoom ont rendu visible la vie privée de nos collègues. Prenez par exemple le cas désormais célèbre d’une professeure britannique, qui a été interrompue par sa fille lors d’une interview en direct avec la BBC. Mais le cas de Clare Wenham, mère travaillant à la maison avec sa fille, est devenu une norme, plutôt qu’une exception, durant la pandémie de la Covid-19.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/sG_5ZmpR3zo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">BBC News.</span></figcaption>
</figure>
<p>Ma recherche montre que plutôt que de nuire à l’image professionnelle des gens, ces aperçus de la vie privée peuvent améliorer les interactions en milieu de travail.</p>
<p>Le fait de voir le chat ou l’enfant d’un collègue à l’écran crée le sentiment communautaire que les gens avaient l’habitude de ressentir au travail et dont ils ont terriblement besoin. Ces interactions sur caméra permettent aux travailleurs de renouer ou d’apprendre à se connaître d’une nouvelle façon.</p>
<p>Cela permet également aux gens de voir leurs collègues comme des êtres humains ayant des priorités conflictuelles. Ils se montrent par conséquent plus souples et compréhensifs dans un contexte où s’entremêlent vie professionnelle et personnelle. Il en résulte une plus grande tolérance lorsqu’une échéance n’est pas respectée, ou une meilleure compréhension concernant un horaire de travail non conventionnel.</p>
<h2>Des tenues de travail de plus en plus décontractées</h2>
<p>Il existe de <a href="https://www.instyle.com/fashion/clothing/wfh-outfit-ideas">nombreux conseils</a> sur la façon de s’habiller lorsqu’on fait du télétravail, mais mes recherches montrent que depuis le début du confinement, les tenues de travail sont devenues de plus en plus décontractées.</p>
<p>S’ils maintiennent un minimum de formalité lors des appels vidéo avec leurs clients, les répondantes et répondants se disaient de plus en plus décontractés avec leurs collègues. Certains ont même organisé des « lundis pyjama » virtuels en tant qu’activité amusante de consolidation d’équipe.</p>
<p>La décision de s’habiller de façon plus décontractée vient non seulement d’un désir de confort, mais elle illustre aussi comment les <a href="https://www.forbes.com/sites/learnvest/2012/04/03/what-your-clothes-say-about-you/#58e3d2af6699">employés se sentent</a> et veulent que les autres les perçoivent.</p>
<p>Dans l’ouvrage <a href="https://www.forbes.com/sites/learnvest/2012/04/03/what-your-clothes-say-about-you/#70a1203b6699"><em>You Are What You Wear : What Your Clothes Reveal About You</em></a>, la psychologue clinicienne Jennifer Baumgartner explique que les vêtements reflètent souvent comment on se sent par rapport à soi-même. Pour les employés soucieux qui jonglent entre de multiples engagements personnels et professionnels, le fait d’être vus en chandail à capuchon et en pantalons de yoga montre les défis auxquels ils font face durant la pandémie.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="A woman in a hoodie hunches over her laptop." src="https://images.theconversation.com/files/351440/original/file-20200806-24-1vrnju8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/351440/original/file-20200806-24-1vrnju8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/351440/original/file-20200806-24-1vrnju8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/351440/original/file-20200806-24-1vrnju8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/351440/original/file-20200806-24-1vrnju8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/351440/original/file-20200806-24-1vrnju8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/351440/original/file-20200806-24-1vrnju8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La façon dont on s’habille reflète-t-elle comment on se sent ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">Daria Nepriakhina/Unsplash</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais cette familiarité peut être une épée à double tranchant. Les activités telles que les journées pyjama pourraient en effet miner les perceptions d’expertise, de maturité et de compétence.</p>
<p>D’après une <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/13612021311305128/full/html">étude sur les critères vestimentaires de la réussite :</a></p>
<p>« Après avoir vu pendant seulement trois secondes les photos d’un homme en costume sur mesure et d’un autre dans un costume prêt-à-porter, les participants à une expérience ont jugé plus favorablement l’homme en costume sur mesure. Ils l’ont également considéré comme plus confiant, prospère, conciliant et mieux payé. »</p>
<h2>Se concentrer sur les compétences, et non la présentation</h2>
<p>Les répondantes et répondants pensent toutefois que le télétravail permet de réduire l’attention sur ce que les gens portent, et de se concentrer davantage sur ce qu’ils disent et ce qu’ils peuvent faire. Le travail à distance permet ainsi de placer tous les travailleurs sur un pied d’égalité et de mettre l’accent sur le talent et l’expertise plutôt que sur la présentation vestimentaire.</p>
<p>De manière générale, mon étude met en lumière les avantages potentiels du télétravail durant une pandémie globale.</p>
<p>Cela se traduira-t-il par un changement permanent dans les comportements au travail ?</p>
<p>Même si les répondants m’ont affirmé que leur entreprise mettait en place des plans permanents pour permettre à tout le personnel de travailler à distance, j’espère vraiment que les changements positifs observés en milieu de travail se maintiendront, que les gens continuent de travailler de chez eux ou qu’ils retournent au bureau.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/144253/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Erica Pimentel reçoit des fonds du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) et de la Fondation CPA Québec.</span></em></p>Le travail à distance est là pour de bon, et il aura probablement un impact durable sur la façon dont travaillent les gens, notamment en rendant public leur espace privé.Erica Pimentel, PhD Candidate in Accounting, Concordia Public Scholar, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1428492020-07-20T18:21:31Z2020-07-20T18:21:31ZLe confinement mondial a permis aux travailleurs internationaux de redécouvrir leurs rôles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/347948/original/file-20200716-35-3ovq3p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C0%2C5296%2C2966&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La pandémie a provoqué l’arrêt brutal des voyages internationaux et a transformé les habitudes de travail de nombreux salariés.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://image.shutterstock.com/image-photo/airport-waiting-rooms-lounges-glass-600w-729787216.jpg">photo-world / shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Lorsque la crise du Covid-19 a brutalement interrompu les activités et les voyages transfrontaliers, les salariés internationaux ont été directement touchés. Malgré des changements significatifs au niveau de leur rôle, une étude réalisée avant et après l’épidémie montre cependant qu’ils continuent à trouver leur travail très satisfaisant.</p>
<p>Les résultats en partie surprenants de notre enquête présentée dans l’<a href="https://www.escp.eu/sites/default/files/PDF/Festing_Kraus_postcovid.pdf">impact paper</a> du livre blanc « <a href="https://www.escp.eu/news/first-impact-papers-meant-help-business-and-society-following-unprecedented-pandemic">Managing a Post-Covid19 Era</a> » d’ESCP Business School suggèrent des manières de mieux gérer cette catégorie critique de travailleurs, aussi bien dans le contexte d’une crise sanitaire que dans un proche avenir.</p>
<h2>Une enquête ciblée</h2>
<p>Des expatriés traditionnels jusqu’aux navetteurs internationaux et aux équipes virtuelles transfrontalières, les travailleurs internationaux sont devenus la norme – et un atout vital – pour toute entreprise à vocation internationale.</p>
<p>Mais lorsque la pandémie de Covid-19 a éclaté et que les pays ont fermé des entreprises et parfois des frontières, les voyages internationaux ont été stoppés et le commerce transfrontalier s’est effondré. Les employés internationaux ont ainsi été touchés directement. Lorsque les écoles ont fermé, ils se sont retrouvés obligés de cumuler les heures de garde de leurs enfants au lieu des miles pour voyages aériens fréquents.</p>
<p>Mais quel a été l’impact exact de la pandémie sur leurs habitudes de travail ? Peut-on dire qu’elle a sapé leur moral ou même menacé leur emploi ? Après tout, les licenciements et le chômage technique font également partie des effets secondaires des mesures de confinement adoptées dans des dizaines de pays pour freiner la propagation du virus.</p>
<p>Pour comprendre comment les membres de ce groupe clé ont fait face au bouleversement inédit intervenu dans leur travail, nous avons interrogé plus de 340 employés internationaux juste avant la pandémie (en janvier 2020), et durant les premières phases de la crise (en avril 2020).</p>
<p>Nous avons abordé divers aspects du travail dont le stress lié à leur activité professionnelle, la perception de leur rôle, la satisfaction professionnelle, parmi un échantillon englobant un large éventail de situations, des expatriés à long terme aux navetteurs internationaux et aux équipes virtuelles.</p>
<h2>Accompagner la transition</h2>
<p>Globalement, l’étude a montré des « bouleversements » dans les environnements de travail des salariés interrogés de par le monde. Plus des deux tiers des répondants (276) ont déclaré qu’ils percevaient leur rôle professionnel différemment depuis le début la pandémie alors qu’ils étaient 70 à se sentir tellement confinés qu’ils n’avaient plus l’impression que leur travail était « international ».</p>
<p>Les facteurs les plus déterminants du changement de perception du rôle professionnel sont le travail à domicile (33 %), l’incertitude financière ou plus générale (25 %) et les nouveaux modes d’interaction (25 %).</p>
<p>Ce dernier aspect peut s’expliquer par l’impact énorme des mesures de distanciation sociale et d’augmentation du télétravail sur les interactions en général. Même pour les personnes habituées à l’utilisation ponctuelle d’outils virtuels le temps d’une journée de télétravail occasionnelle, le passage aux contacts par la visioconférence exclusivement, sans pouvoir quitter la maison sauf pour des courses de première nécessité, peut constituer un choc.</p>
<p>C’est ici que les responsables des ressources humaines (RH) devraient intervenir pour rassurer les employés et apporter un soutien – comme ils le font en temps normal, lors des transitions géographiques, pour amortir le double choc dû à l’adaptation à un nouveau pays ou au retour dans son propre pays – en trouvant des moyens de diriger et de motiver les équipes grâce à des outils numériques.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1260436841276280833"}"></div></p>
<p>Par ailleurs, en observant les niveaux de stress chez les employés du monde entier, nous avons constaté que ceux qui avaient des enfants montraient un niveau de stress au travail plus élevé que leurs pairs sans enfant, ce qui est sans doute vrai également pour d’autres groupes de travailleurs.</p>
<p>Les écoles et les garderies ayant été fermées dans de nombreux pays et les parents obligés de s’occuper à plein temps de l’enseignement à domicile, tout en gérant simultanément le travail (sans parler de la cuisson du pain et d’autres activités qui sont soudainement devenues populaires pendant le confinement), il n’est guère surprenant que le taux de cortisol ait grimpé en flèche.</p>
<h2>Les femmes sans enfant plus satisfaites</h2>
<p>Il est intéressant de constater que sur l’échantillon global, la satisfaction au travail et la satisfaction professionnelle à long terme ont augmenté depuis le début de la pandémie de Covid-19 et ont été positivement associées à la nouveauté du rôle (c’est-à-dire le degré auquel les employés internationaux perçoivent les divers aspects de leur rôle, en matière de tâches ou de méthodes, comme différents d’avant la pandémie).</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/carrieres-avec-la-crise-quatre-manieres-dapprehender-sa-quete-de-sens-au-travail-138626">Carrières : avec la crise, quatre manières d’appréhender sa quête de sens au travail</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Cependant, si l’on y regarde de plus près, la satisfaction au travail et vis-à-vis de la carrière n’a augmenté que pour les femmes sans enfant. Pour les hommes, la satisfaction était identique qu’ils aient des enfants ou non. Cela traduit le fait que les femmes assument encore une plus grosse part du fardeau de la garde des enfants.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1273158384301289472"}"></div></p>
<p>Nous pouvons aussi relever des perspectives communes au sein de ce groupe de travailleurs. Ainsi, la plupart des employés internationaux semblent assez privilégiés, car leurs emplois sont relativement sûrs. En outre, même avant la pandémie de Covid-19, ils faisaient face à des exigences qui les ont peut-être préparés à affronter la crise, par exemple, en matière de maturité numérique ou de capacité à réagir avec souplesse à de nouvelles situations, ce qui les rend peut-être plus résilients que d’autres types d’employés.</p>
<p>Alors, quelles leçons peut-on tirer de cette étude ? La conclusion relativement surprenante selon laquelle les employés internationaux (tout au moins ceux qui n’ont pas eu à gérer des enfants très jeunes ou des adolescents 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7) se sentent plus satisfaits de leur poste et de leur carrière qu’avant l’épidémie donne matière à réflexion.</p>
<p>Peut-être que les nouvelles formules de télétravail qui se sont substituées aux voyages ou au travail classique permettent une plus grande flexibilité et pourraient être utilisées plus largement, car elles rendent les entreprises plus agiles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/142849/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marion Festing ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les expatriés et ceux qui se déplacent régulièrement à l’étranger estiment que leurs différents rôles ont évolué positivement depuis le début de la pandémie.Marion Festing, Professor, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1398152020-06-04T17:54:32Z2020-06-04T17:54:32ZDéconfinement : les femmes cadres aussi au bout du rouleau ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/339736/original/file-20200604-67383-16y1k5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=77%2C11%2C7271%2C4891&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Bien souvent la cette question de «qui, dans le couple, aura priorité dans son travail ?» n'est jamais posée tant les femmes ont intériorisé leur rôle de 'care'.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Clara est chercheuse et encadre quatre doctorants, Nadja rédactrice en chef web à la tête d’une équipe de dix personnes, Floria récente entrepreneuse. En couple hétérosexuel, mères d’un ou plusieurs enfants, ces femmes ont bénéficié pendant le confinement d’horaires flexibles et disposent généralement d’une grande autonomie dans l’exercice de leurs fonctions. Sur le papier tout va bien. Cependant, à la suite du déconfinement progressif de la population française, leurs enfants ne sont pas prioritaires pour retourner à l’école ou à la crèche.</p>
<p>Au quotidien, ces femmes et leur conjoint doivent faire face à une équation difficile à résoudre : continuer à travailler à 100 % tout en gardant les enfants, en leur faisant l’école à la maison et en gérant le surplus de tâches domestiques. Aujourd’hui, l’enjeu est devenu encore plus ardu puisque les employeurs enjoignent leurs salarié·e·s à revenir sur leur lieu de travail, au moins à temps partiel.</p>
<p>Si ces femmes disposent de moyens financiers pour sous-traiter le travail domestique, la difficulté majeure reste la garde et le suivi pédagogique de leurs enfants. Alors que les médias diffusent un discours médical enjoignant la population à protéger les seniors, les grands-parents ne constituent pas une solution viable. Parallèlement, le recours à des services de garde d’enfants constitue un coût non négligeable que certains couples ne peuvent pas assumer. Pour les autres, il est difficile de trouver la perle rare qui sera capable d’assurer également le suivi pédagogique. Plus que jamais, ces couples doivent alors choisir qui assurera la majorité de la charge domestique et parentale et qui aura priorité dans son activité professionnelle.</p>
<h2>L’intériorisation du rôle du « care »</h2>
<p>Bien souvent, cette question de « qui, dans le couple, aura priorité dans son travail ? » n’est pas discutée ouvertement au sein de la famille. La sociologue Émilie Genin <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/crs/2017-n63-crs04254/1055717ar.pdf">explique</a> que c’est parce que la femme, ayant intériorisé son rôle de « care », se met « naturellement » en retrait de son activité professionnelle pour se consacrer à ses enfants, facilitant ainsi le travail de l’homme.</p>
<p><a href="https://www.academia.edu/29302315/The_Female_Breadwinner_Phenomenological_Experience_and_Gendered_Identity_in_Work_Family_Spaces">D’autres recherches montrent</a> que même lorsque la femme est le « breadwinner » de la famille, celle qui « financièrement » nourrit les membres de sa famille, l’intériorisation de son rôle de « care » la mène à penser que c’est à elle de prendre soin de ses enfants. Elle continue alors à assurer une grande part de la charge domestique et parentale.</p>
<p>Cette pandémie ne fait pas exception. Dans le cadre d’une étude en cours sur les femmes cadres face à la crise sanitaire, nous avons recueilli des témoignages de chercheuses, entrepreneuses, directrices marketing et responsables recherche et développement. Ces échanges nous montrent qu’elles donnent priorité à leur foyer mais, que pour sauvegarder tant bien que mal leur activité professionnelle, elles cherchent à exploiter pleinement la flexibilité de leur travail.</p>
<h2>« Confinées » malgré le déconfinement</h2>
<p>Ces femmes entreprennent alors de travailler « à la marge » du temps et de l’espace habituellement consacrés à l’activité professionnelle. Elles nous relatent qu’elles travaillent désormais avant le réveil des enfants, après les avoir couchés, la nuit et le week-end :</p>
<blockquote>
<p>« Je me retrouve à travailler à 3h du matin parce que je vais pouvoir avancer. Mais je travaille avec le stress d’être réveillée par le petit. Romain n’entend jamais rien, il a le sommeil lourd. Cela m’est déjà arrivé de devoir remonter, bercer le petit pendant trois quarts d’heure et redescendre. Je suis crevée. »</p>
</blockquote>
<p>D’autres se plaignent de travailler au cours d’insomnies, souvent créées par une inquiétude vis-à-vis de leur marginalisation du monde du travail.</p>
<p>En l’absence de structure pouvant accueillir leurs enfants, ces femmes maximisent aussi leurs possibilités de télétravail jusqu’à la rentrée de septembre 2020. Elles laissent la priorité à leur mari, à ses rendez-vous chez les clients, à ses réunions sur son lieu de travail et à ses déplacements. Elles restent à la maison et se trouvent, en grande partie, seules à assumer cuisine, ménage et école à la maison. Ces femmes cadres nous confient qu’elles se sentent « confinées » dans leur foyer, malgré le déconfinement, et qu’elles craignent de ne pas réussir à subir cette situation plus longtemps.</p>
<p>Certains hommes ont eux aussi laissé glisser leur travail vers des espaces et temps « marginalisés » pendant le confinement et jouent également sur la flexibilité de leur travail depuis le déconfinement. Mais, dans la mesure où leur femme a intériorisé son rôle de « care », elle continue à anticiper les besoins de ses enfants, à vouloir prendre une part dans leur suivi pédagogique et elle cherche même à anticiper les besoins de son conjoint et à trouver des solutions pour le soulager.</p>
<p>Pour d’autres hommes – les conjoints de notre étude – la flexibilité du travail de leur femme leur laisse la possibilité de se « déconfiner ». Cependant, en l’absence de structures d’accueil pour les enfants, à mesure que le travail de l’homme se « démarginalise », celui de ces femmes se marginalise d’autant. En d’autres termes, dans ces couples, il est désormais entendu que les hommes retrouvent rapidement un rythme et un espace de travail « normal » alors qu’il est attendu de ces femmes qu’elles « compensent » l’absence de structures d’accueil en exploitant la flexibilité de leur emploi.</p>
<h2>La femme doit se battre pour pouvoir travailler</h2>
<p>Ces femmes ressentent alors la nécessité de se battre pour pouvoir travailler. D’abord, contre leur propre corps pour ne pas céder au stress et à la fatigue engendrés par des journées intenses, des nuits courtes, des injonctions à la féminité que le confinement n’a pas fait diminuer, mais également par une charge mentale croissante qu’elles doivent en majorité assumer seules.</p>
<p>Ensuite, elles se battent contre le jugement social. Vouloir sauvegarder leur travail, au détriment de la santé physique et psychique de leurs enfants, n’est pas toujours bien perçu et les culpabilise :</p>
<blockquote>
<p>« Je t’avoue que je flippe un peu de [la remettre à l’école], mais bon, pas le choix. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/339740/original/file-20200604-67360-dk174n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/339740/original/file-20200604-67360-dk174n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/339740/original/file-20200604-67360-dk174n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/339740/original/file-20200604-67360-dk174n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/339740/original/file-20200604-67360-dk174n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/339740/original/file-20200604-67360-dk174n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/339740/original/file-20200604-67360-dk174n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Travailler à la maison, être en bonne forme physique, rester « féminine », s’occuper des enfants : autant d’injonctions que les femmes s’imposent.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>D’autres femmes nous racontent qu’elles se battent contre leur mari pour « négocier » des aménagements et « démarginaliser » leur travail. Enfin, certaines mères se battent contre les institutions pour obtenir quelques jours d’accueil pour leurs enfants.</p>
<blockquote>
<p>« J’ai envoyé un mail de détresse à la directrice de l’école. Je sais qu’il leur reste une douzaine de places. Elle m’a répondu que j’ai la chance de pouvoir être en télétravail et qu’il faut que je pense d’abord au bien-être de mon enfant. Et le jour où je vais exploser parce que je n’en peux plus, je serai responsable du mal-être de mon enfant ? »</p>
</blockquote>
<p>Cette pandémie met ainsi ces femmes face à des normes de genre qu’elles arrivent habituellement à masquer, voire à nier, grâce à ces structures (écoles, crèches, etc.) aidant leur émancipation.</p>
<h2>La flexibilité : un faux « choix »</h2>
<p>Dans le cadre de notre étude, la femme semble cependant être à l’origine de son propre enfermement. Elle a choisi cette flexibilité puis a décidé de l’exploiter. Mais, ce que deux chercheuses françaises <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/09513570810872897/full/html">soulignent</a> c’est que ce « choix » n’en est justement pas un. Il est plutôt dicté par des normes sociales intériorisées, incitant les femmes à s’orienter vers des carrières leur permettant de concilier leur vie professionnelle et familiale.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/bQXGyQpduDQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Inégalités au travail entre hommes et femmes, Anact.</span></figcaption>
</figure>
<p>L’exploitation de cette flexibilité n’est pas plus un choix. Comme nous l’avons dit plus haut, elle découle elle aussi de l’intériorisation du rôle de « care ». Ces femmes ne participent donc pas à leur propre enfermement, mais sont plutôt victimes de normes de genre intériorisées. C’est en cela qu’elles subissent une violence dite <a href="https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1990_num_84_1_2947">symbolique</a>.</p>
<p>Ce que ces témoignages montrent aussi c’est qu’une certaine violence physique et émotionnelle se manifeste dans l’épuisement et la culpabilité racontés par ces femmes. Un article récemment publié par l’une des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/gwao.12460">autrices</a> souligne que cette pandémie met en exergue la vulnérabilité des femmes en l’absence des structures qui leur permettent habituellement de s’émanciper par le travail.</p>
<h2>L’incomplétude des politiques d’égalité professionnelle</h2>
<p>Ces femmes cadres occupent des postes prestigieux et bénéficient d’une indépendance financière. Mais derrière cette belle vitrine, la pandémie montre qu’elles se confrontent toujours à des normes de genre puissantes.</p>
<p>Le travail de thèse d’une des autrices dont la soutenance est prévue fin juin 2020, montre que les femmes cadres à Saint-Gobain souffrent toujours de ségrégation professionnelle verticale et horizontale du fait de leurs congés maternité et de systèmes d’évaluation genrés. Les politiques d’égalité femme/homme, en s’évertuant à comptabiliser si, et à faire en sorte que, femmes et hommes perçoivent les mêmes salaires et occupent les mêmes postes, laissent dans l’ombre les dimensions structurelles qui (re)produisent les inégalités.</p>
<p>Cette pandémie montre plus que jamais que l’égalité femme/homme n’est pas qu’une question d’indépendance financière ou de valorisation des carrières. Les normes de genre qui sont à l’origine de ces inégalités doivent être comprises et expliquées pour que l’égalité puisse être (re)pensée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139815/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Prises en étau entre le suivi pédagogique des enfants et un travail considérable à assurer à plein temps, les femmes cadres continuent d’assumer une grande part de la charge domestique et parentale.Ludivine Perray-Redslob, Professeure associée en finance et comptabilité, EM Lyon Business SchoolNathalie Clavijo, Professeure assistante en contrôle de gestion et sociologie des métiers comptables, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1381232020-05-10T21:44:24Z2020-05-10T21:44:24ZTémoignages : Ces injustices au travail engendrées par le confinement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/333321/original/file-20200507-49579-7r5ksb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C8%2C5431%2C3618&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">«&nbsp;Y a-t-il deux poids deux mesures&nbsp;?&nbsp;». Une question que de nombreux salariés se posent depuis mi-mars…</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/stressed-business-man-covering-face-hands-715081789">Tero Vesalainen / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le confinement a créé un choc qui a été la source de nombreuses injustices dans l’entreprise : la possibilité de se confiner a été inégale, chacun n’a pas eu accès au même niveau de sécurité, le droit à la parole dans la prise de décision a souvent été remis en cause et beaucoup de situations ont diminué le respect qu’on a habituellement pour les salariés et leur travail.</p>
<p>La confiance ne sera retrouvée après le déconfinement que si ces sentiments sont corrigés. Comment les managers peuvent-ils procéder ? Une voie efficace consiste à mettre en œuvre un <a href="https://theconversation.com/comment-accompagner-les-changements-de-facon-juste-130408">management juste</a> s’appuyant sur la reconnaissance des différents types d’injustices identifiés par la recherche.</p>
<h2>Injustices distributives</h2>
<p>Nadou* est affectée à un nouveau bureau précédemment occupé par une personne qui a été arrêtée parce qu’elle avait le Covid-19. Elle demande une désinfection. On lui répond que cela fait plusieurs jours que la personne malade n’est pas retournée dans son bureau et donc qu’il n’y a plus de risque.</p>
<p>Le lendemain, elle apprend qu’on a désinfecté le bureau de son responsable parce que le conjoint de son assistante a eu le virus. Elle s’interroge. Y a-t-il deux poids deux mesures ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1250568242713620481"}"></div></p>
<p>Charles fait partie d’un service dont l’activité a été jugée stratégique, ce qui implique qu’il doit venir travailler tous les jours au bureau. Le siège est pratiquement désert. Il envie ses collègues des autres services qui sont en télétravail.</p>
<p>Il se rend compte aussi que les directeurs travaillent à distance, quelles que soient leurs responsabilités. Il se demande pourquoi certains méritent plus que d’autres d’être protégés alors que leur activité ne semble pas le justifier.</p>
<p>Ces deux cas illustrent la notion d’<a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-ofce-2006-3-page-213.htm">injustice distributive</a> qui est ressentie lorsque les personnes jugent qu’on n’a pas distribué les tâches, rémunérations ou devoirs selon les droits et les mérites légitimes de chacun. La sécurité devrait être accessible à tous selon un critère d’égalité et le télétravail accordé en fonction des nécessités de l’activité plutôt que du statut.</p>
<h2>Injustices procédurales</h2>
<p>Naziha est responsable de formation. Dès le début du confinement, elle a construit des plans alternatifs pour que l’ensemble des formations en cours continuent à être assurées à distance. Le comité de direction a annoncé que les deux priorités étaient la poursuite du business et la santé des personnes.</p>
<p>Pendant plusieurs semaines, il n’a pas su prendre de décision concernant ses propositions. Toutes les formations ont été mises à l’arrêt et elle n’a pas de visibilité pour le proche avenir.</p>
<p>Jérémy est un chargé de projet très engagé dans une entreprise qui depuis plusieurs années a développé une culture de l’<em>empowerment</em> (ou autonomisation) : il a un pouvoir étendu d’initiatives dans sa zone de délégation. On lui donne les moyens dont il a besoin et il rend compte après coup de la réalisation de ses objectifs.</p>
<p>Le confinement a entraîné une centralisation brutale des décisions. Tout à coup, tout ce qui concerne l’organisation du travail de Jérémy a été décidé selon un mode hiérarchique sans écoute de ses besoins. Et comme la situation pandémique et les décisions des autorités évoluaient très vite, il a eu à subir beaucoup d’ordres et de contrordres. Depuis, il a un peu levé le pied.</p>
<p>Ces deux événements ont produit ce que l’on appelle des sentiments d’<a href="https://www.erudit.org/fr/revues/nps/2008-v20-n2-nps2315/018456ar.pdf">injustice procédurale</a>. C’est-à-dire que les procédures de prise de décision ont été considérées injustes. C’est le cas en particulier lorsqu’elles manquent de stabilité ou qu’elles ne prennent pas en compte les avis des personnes concernées. Ces types de sentiments sont moins visibles, mais souvent aussi plus forts que les injustices distributives.</p>
<h2>Injustices interactionnelles</h2>
<p>Paolo est responsable d’une agence bancaire. La moitié seulement de son équipe est au travail. L’agence n’est ouverte que sur rendez-vous, mais les dossiers des clients continuent à être traités par téléphone, par mail et en conférence à distance, ce qui représente une activité importante. Lors d’une réunion avec son supérieur, celui-ci s’est montré impatient.</p>
<p>Il a laissé entendre que puisque l’agence est fermée au public, l’équipe de Paolo ne fait pas grand-chose. C’est sans doute pour cela qu’il lui a annoncé qu’il est grand temps de remettre la pression commerciale et notamment de proposer des diagnostics assurance aux clients en contact.</p>
<p>Paolo répercute cette demande auprès de ses collaborateurs qui le vivent mal. Ils estiment qu’ils travaillent dans des conditions encore difficiles, qu’il faut respecter leur effort et prendre soin d’eux avant de leur en demander plus.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1242899220883013632"}"></div></p>
<p>Géraldine a été nommée directrice adjointe quelques semaines avant le début du confinement. À partir de ce jour, son directeur a géré toute l’activité du service à distance en direct sans faire appel à elle.</p>
<p>Elle sent bien que le courant n’est pas bien passé avec lui et que cela a empiré ces derniers temps. Mais elle vit très mal d’être mise à l’écart sans aucune information, ni justification. Elle en a parlé à son responsable. Celui-ci lui a juste répondu que dans les circonstances actuelles, c’est à elle de définir le contenu de son poste.</p>
<p>Ces deux derniers incidents sont à la source de ce que l’on appelle des sentiments d’<a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2008-3-page-221.htm">injustice interactionnelle</a>. Ce sont les plus puissants parmi les types d’injustices. Ils sont ressentis par les salariés lorsqu’ils ne sont pas traités avec respect, empathie et s’ils ne reçoivent pas l’information et les explications nécessaires concernant les décisions qui ont un impact sur eux.</p>
<p>Dans la période actuelle de crise, de nombreux managers ont ainsi plus de mal à maîtriser leur stress et peuvent avoir tendance à se comporter de façon interactionnellement injuste. Cela sera ressenti en général plus douloureusement encore que les injustices procédurales.</p>
<h2>Des conséquences souvent invisibles</h2>
<p>L’<a href="https://www.researchgate.net/publication/273123795_Justice_organisationnelle_Un_modele_integrateur_des_antecedents_et_des_consequences">injustice au travail</a> produit des conséquences étonnantes et peu connues. La plupart du temps on a l’impression qu’il ne se passe rien. Il est en effet très rare qu’un salarié qui se sent injustement traité montre sa colère, élève la voix et demande réparation.</p>
<p>Ces réactions ne se produisent en effet que lorsque la victime sent qu’elle peut avoir du pouvoir sur les événements. Or, un salarié est dans une relation de subordination, donc vulnérable vis-à-vis de son manager. Ses réactions à l’injustice sont plutôt du domaine de l’invisible. L’injustice crée une perte de confiance qui produit à son tour deux types de comportements.</p>
<p>Comment réagiront Nadou et Charles ? Naziha et Jérémy ? L’équipe de Paolo et Géraldine ? Les trois types d’injustice ont été présentés dans un ordre qui est considéré comme croissant en termes de gravité des sentiments ressentis.</p>
<p>En cas d’injustice distributive (ressentie par Nadou et Charles) et de légère injustice procédurale comme ce qu’a vécu Naziha, les études ont montré que les salariés continueront à respecter les attendus de leur fiche de poste.</p>
<p>En revanche, ils diminueront ce que l’on appelle les « comportements extrarôle », c’est-à-dire tout ce qu’ils faisaient en plus pour faire tourner l’entreprise, comme prendre un message au téléphone alors qu’il est l’heure d’aller déjeuner ou aider un nouveau venu à s’intégrer, malgré un travail important.</p>
<p>L’absence de ces comportements ne se remarquera pas. Elle n’en aura pas moins un impact négatif notable sur la performance.</p>
<p>Si l’injustice procédurale est plus forte (ce qu’a vécu Jérémy) ou si elle est interactionnelle (ce qui a été ressenti par l’équipe de Paolo et par Géraldine), les salariés s’engagent le plus souvent dans des comportements que l’on a appelés de « représailles organisationnelles ». Cela peut aller de retards ou d’allongements des durées de pause à des sabotages ou des vols sur la ligne de production, en passant par des négligences dans la réalisation de tâches comme le rangement de l’atelier ou le traitement des réclamations.</p>
<h2>Reconnaître et corriger les injustices</h2>
<p>Pour éviter à la fois les désengagements et les comportements antagonistes, il est nécessaire de refonder la confiance en remettant de la justice dans l’entreprise. Bien sûr, retrouver la confiance en étant juste prend plus de temps de que de la perdre en étant injuste, mais cela vaut tout de même la peine de parcourir le chemin dans l’autre sens.</p>
<p>Que faire alors avec le retour progressif de l’ensemble des salariés à leur poste de travail physique ?</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/F8A8YLsX6ro?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le management juste – Thierry Nadisic.</span></figcaption>
</figure>
<p>D’abord il convient de corriger concrètement les injustices distributives, procédurales et interactionnelles qui ont été vécues. Les écarts en matière de distribution de rémunérations, de droits et de devoirs doivent être fondés sur des différences légitimes liées à la performance ou aux nécessités de l’activité.</p>
<p>Les processus de prise de décision vont retrouver leur stabilité et on doit remettre en leur cœur le droit à la parole des personnes concernées. Enfin, la situation devenant plus stable et les managers retrouvant leur maîtrise d’eux-mêmes, chacun doit pouvoir retrouver au travail le respect, la dignité et l’information qui lui sont dus.</p>
<p>Mais il y a plus. Il est important que les responsables reconnaissent les injustices qui ont été ressenties par les salariés et qu’ils assument la responsabilité des événements qui les ont produites. S’ils le font de façon ouverte, l’échange et le partage permettront aux managers de Nadou et Charles, Naziha et Jérémy, de l’équipe de Paolo et de Géraldine de renouer le contact avec eux.</p>
<p>Souvent, on préfère que les sentiments d’injustice restent enfermés dans les cœurs des salariés. Il s’agit au contraire de les déconfiner en les acceptant et en les écoutant, en même temps qu’on accueillera à nouveau les corps et les esprits dans les bureaux.</p>
<hr>
<p><em>*Les prénoms ont été changés</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138123/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thierry Nadisic ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Rétablir la confiance en corrigeant les différentes inégalités de traitement ressenties ces dernières semaines devra être un chantier prioritaire pour les managers lors de la reprise.Thierry Nadisic, Professeur Associé en Comportement Organisationnel, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1278772020-01-08T23:17:37Z2020-01-08T23:17:37ZMal-être chez les cadres de la R&D : quand les syndicats affrontent le déni patronal<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/309002/original/file-20200108-107219-1nijvks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=57%2C0%2C5390%2C3587&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La gestion syndicale de la pénibilité mentale et physique du travail des cadres, ingénieur et chercheurs de l'industrie se heurte bien souvent à un profond déni patronal.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>« Nous, cadres sup, aux côtés des grévistes » : ainsi s’intitule la tribune parue lundi 7 janvier dans le journal <a href="https://www.liberation.fr/debats/2020/01/06/nous-cadres-sup-aux-cotes-des-grevistes_1771808"><em>Libération</em></a>. Les auteurs (le collectif Les Infiltrés) rappellent par ce texte que les cadres sup’ sont, au même titre que de nombreux autres salariés, directement concernés par les mobilisations sociales, le bien-être au travail et le besoin de voir la pénibilité prise en charge. Pourtant, <a href="https://periodicos.ufsm.br/seculoxxi/article/view/36159">nos recherches</a> montrent que la gestion syndicale de la <a href="https://www.lci.fr/emploi/burn-out-inquiet-seul-sous-pression-demuni-un-cadre-sur-deux-dit-avoir-deja-vecu-un-epuisement-professionnel-etude-cadremploi-2124568.html">pénibilité mentale du travail des cadres</a>, ingénieur et chercheurs de l’industrie se heurte bien souvent à la <a href="http://www.lesutopiques.org/desindividualiser-reconflictualiser-repolitiser/">violence d’un profond déni patronal</a>.</p>
<p>Comment lutter syndicalement contre <a href="https://journals.openedition.org/pistes/4927">la souffrance au travail</a> ? A l’heure où le verdict du procès <a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-condamnation-de-france-telecom-ne-changera-malheureusement-pas-grand-chose-129231">France Télécom</a> vient de tomber, où les <a href="https://www.humanite.fr/apres-france-telecom-de-nouveaux-droits-democratiques-pour-la-sante-au-travail-et-lenvironnement">suicides liés au travail</a> bénéficient d’une attention soutenue, où les témoignages de salariés en souffrance se multiplient, voilà une question que se posent nombre de militants.</p>
<h2>S’entourer de spécialistes</h2>
<p>Selon les <a href="https://la-petite-boite-a-outils.org/la-sante-au-travail-un-nouveau-defi-pour-le-syndicalisme">organisations syndicales</a>, les entreprises, les directions, les démarches entreprises <a href="http://www.editions-croquant.org/les-collections/product/438-syndicalisme-et-sante-au-travail">diffèrent</a>. Loin de chercher à en établir un panorama exhaustif, cet article rend compte d’un cas : celui d’une équipe syndicale, avec laquelle nous avons travaillé de <a href="https://journals.openedition.org/temporalites/2578">2012 à 2017</a>, dans le cadre de trois études commanditées par le Comité d’établissement (CE) d’un centre de recherche d’un grand groupe industriel français.</p>
<p>Confrontés à une direction hermétique à leurs revendications, les représentants du personnel réunis en commission intersyndicale décident en 2009 de faire appel à des spécialistes pour les aider à lutter contre ce phénomène.</p>
<p>Ils se tournent alors vers une équipe de psychologues du travail qui constituent deux groupes d’étude, réunissant respectivement 11 et 19 salariés. S’ensuivent trois demi-journées d’échanges par groupe, dont les résultats sont consignés dans un rapport qui est ensuite discuté et enrichi par les participants. Le verdict est sans appel : l’organisation du travail, qualifiée d’« impitoyable », est fondée sur un déni du travail scientifique et des besoins de reconnaissance de l’humain.</p>
<p>Interpellés par ce diagnostic, les membres de la direction reconnaissent l’existence de chercheurs en souffrance, mais estiment que ces cas restent isolés et ne sauraient rendre compte de la situation des 2000 salariés de cette direction : l’échantillon ayant été constitué sur la base du volontariat, il ne serait statistiquement pas représentatif, et même biaisé, puisque principalement composé de personnes ayant profité de cette étude pour faire état de leur mal-être.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/VvXbqQQK5lM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Médiapart, souffrance au travail quand l’entreprise détruit les salariés.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Ajuster la méthodologie</h2>
<p>Pour répondre à cette objection, les représentants du personnel changent de stratégie. Ils sollicitent une équipe de sociologues du travail, réorientent l’étude vers les effets de l’organisation par projet sur le vécu des salariés et se montrent particulièrement vigilants quant à la méthodologie employée : l’échantillon est de plus grande ampleur (89 entretiens individuels de 2 à 3 heures), établi en concertation avec la direction et constitué de chercheurs pris au hasard dans le registre du personnel, en fonction de leurs caractéristiques sociales et professionnelles.</p>
<p>L’enquête confirme que nombre d’entre eux connaissent des troubles de la santé en lien avec leur travail. Une typologie permet par ailleurs d’établir des profils types de salariés « en souffrance » selon les moments de leur trajectoire, leurs caractéristiques sociales, les postes occupés et les contraintes organisationnelles auxquelles ils sont exposés. Les managers apparaissent ainsi particulièrement exposés au risque de surmenage, les chercheurs récemment recrutés ou mutés à celui d’isolement, quand d’autres, notamment parmi ceux dont l’expertise n’est plus jugée utile et porteuse par les financeurs de leur activité, sont nombreux à faire face à une perte de sens, voire à une profonde déstabilisation de leur estime personnelle.</p>
<p>Confrontée à la présentation de ces résultats lors d’une restitution en CE en 2013, la responsable des ressources humaines, qui préside ce jour-là, déclare à nouveau douter de la représentativité des résultats et clôt le débat en indiquant que « les salariés qui éprouvent le plus de difficultés ne sont, bien heureusement, pas la majorité ».</p>
<h2>Quantifier le phénomène</h2>
<p>Pour contrer l’argument de la direction, les militants commanditent une étude quantitative afin de mesurer l’ampleur du phénomène. La direction s’oppose d’abord à la diffusion du questionnaire auprès des chercheurs, au motif qu’il serait trop centré sur les questions de santé au travail.</p>
<p>Après plusieurs mois de discussions, il est finalement adressé à l’ensemble des salariés. Environ 1 100 d’entre eux y répondent, lui conférant un taux de retour de 51 %. Résultat : plus d’un tiers déclarent avoir ou avoir eu des problèmes de santé en lien avec leur travail. Parmi eux, près d’un sur deux évoque des troubles du sommeil, 72 % font part de signes de fatigue et d’épuisement, 42 % de maux de tête, 58 % de signes d’anxiété, près d’un tiers mentionne des maux de ventre ou des ulcères à l’estomac et 60 % déclarent souffrir de maux de dos ou de douleurs aux cervicales en raison de leur travail.</p>
<p>Lors de la restitution de ces résultats en 2015, le directeur du centre fait part de son « malaise » (toutes les citations sont extraites des procès verbaux et observations des séances de CE) à l’égard du taux de retour de cette étude :</p>
<blockquote>
<p>« peut-on vraiment en déduire qu’elle est représentative ? ».</p>
</blockquote>
<p>Il ajoute être « dubitatif » vis-à-vis de « certains résultats pour le moins étonnants ». Il « ne sait pas ce qu’il est possible de tirer d’une telle enquête » car, au fond, « les salariés sont-ils qualifiés pour identifier eux-mêmes l’origine de leurs problèmes de santé ? », « Comment isoler les difficultés professionnelles des difficultés personnelles dans l’analyse alors qu’elles sont souvent entremêlées dans la réalité ? » ; et surtout « qui n’a jamais expérimenté de soucis professionnels dans sa carrière ? »</p>
<p>Enfin, dernier argument avancé par l’équipe de direction : il lui semble « totalement irréaliste » de mettre en question l’organisation du travail car « toutes les R&D de France et du monde travaillent en projet ». Fin de la discussion. Sujet suivant.</p>
<h2>Chiffrer le coût du mal-être</h2>
<p>En 2015, les militants adoptent une nouvelle stratégie : aller sur le terrain de la direction en chiffrant le coût économique du mal-être au travail. 30 entretiens supplémentaires, 40 observations et un nouveau questionnaire sont alors réalisés dans le but d’établir des budgets-temps.</p>
<p>Il en ressort que les chercheurs consacrent près des deux tiers de leur temps de travail à des activités qu’ils jugent périphériques à leur cœur de métier, au détriment de leur production scientifique stricto sensu, alors même que cette dernière est celle qui comporte le plus d’intérêt à leurs yeux. De surcroît, ces activités ne sont pas réalisées de manière séquentielle mais simultanée, ce qui accroît la charge mentale, détériore la capacité de concentration et occasionne une plus grande fatigabilité. Pour continuer à faire de la recherche, ces cadres travaillent alors plus longtemps, au bureau mais aussi, et de plus en plus, chez eux, le soir, le week-end et pendant les vacances, <a href="https://www.cairn.info/revue-travail-et-emploi-2016-3-page-27.htm">ce que l’on sait facteur de risque pour leur santé</a>.</p>
<p>Après s’être félicité que les salariés de la R&D travaillent autant, le directeur propose une autre interprétation de ces résultats. Il s’agirait selon lui d’un problème de « surqualité » : en tant qu’éternels insatisfaits, les chercheurs seraient en quelque sorte victimes de leur perfectionnisme. Faisant amende honorable, le DRH conclut alors la discussion en s’engageant à veiller à davantage protéger les chercheurs d’eux-mêmes et de leur tendance à « s’engager trop fortement dans leur activité ».</p>
<p>Aujourd’hui Bien que la direction se dise ouverte à « poursuivre le dialogue » avec les organisations syndicales, aucune action n’a été engagée à l’issue de ces rapports. Selon certains militants, ces démarches ne sont toutefois pas vaines : elles permettent de « maintenir la pression sur la direction » et de la « mettre face à ses responsabilités » (élu au CE et en DP). Pour d’autres, en revanche, la véritable bataille se joue à présent du côté des salariés, afin que les langues se délient, que ces situations ne soient plus vécues sur le mode de la culpabilité et que des mobilisations puissent émerger sur ces enjeux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127877/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Comment lutter syndicalement contre la souffrance au travail quand les directions sont dans le déni ? Nos recherches dans le secteur de l’industrie montrent différentes stratégies.Lucie Goussard, Maître de conférences en sociologie, Centre Pierre Naville, Université d’Evry – Université Paris-SaclayGuillaume Tiffon, Maître de conférences en Sociologie, Centre Pierre Naville, Université d’Evry – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1227982019-09-03T18:58:30Z2019-09-03T18:58:30ZComment vraiment aider les professionnels sur le terrain des violences conjugales<p>Le Grenelle des violences conjugales lancé ce 3 septembre 2019 témoigne de l’implication croissante des pouvoirs publics sur ces questions depuis les années 2000.</p>
<p>Plusieurs plans ministériels, dont le <a href="https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/wp-content/uploads/2016/11/5e-plan-de-lutte-contre-toutes-les-violences-faites-aux-femmes.pdf">5ᵉ plan 2017-19</a> promeuvent et développent en effet la mise en place de politiques de prévention. On ne peut cependant pas noter une régression du phénomène, à la croisée de l’intime, du social et du culturel, comme le montrent les chiffres, toujours alarmants. La a mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof) estime que <a href="http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/rapport-ou_est_argent-vf.pdfs">225 000 femmes</a> sont victimes de violences conjugales graves chaque année (2018).</p>
<p>Ces données font aussi écho à la <a href="https://www.lemonde.fr/societe/live/2019/09/03/que-faut-il-attendre-du-grenelle-des-violences-conjugales-posez-vos-questions_5505754_3224.html">perplexité des professionnels</a> engagés sur le terrain. L’expression de leur impuissance à sortir les victimes des situations violentes dans lesquelles elles sont prisonnières nous ont amenées à participer en 2016 à une recherche pluridisciplinaire pour la Mission droit et justice en 2016. Nous avons ainsi établi un <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01311843/document">bilan des dispositifs</a> de lutte contre les violences conjugales en Alsace afin de proposer des pistes d’amélioration.</p>
<h2>Rencontrer l’ensemble des protagonistes</h2>
<p>Dans le cadre de cette recherche conduite en 2015 en Alsace, nous avons souhaité rencontrer l’ensemble des protagonistes de la scène violente, à savoir les victimes (le plus souvent les femmes et les enfants), les auteurs (majoritairement des hommes) et les professionnels participant aux dispositifs de prévention, de prise en charge et de sanction.</p>
<p>Nous avons également mené plusieurs entretiens auprès de 34 professionnels, recevant victimes comme auteurs des violences, policiers et gendarmes, avocat·es et juges, psychologues, médecins et travailleurs sociaux…</p>
<p>Nous nous sommes intéressées à leurs représentations de la notion de violence, des statuts de victime et d’agresseur et comment celles-ci orientent leur intervention sur une scène qui relève des dimensions privée et collective. Nous souhaitions aussi repérer avec eux les difficultés rencontrées dans leur travail.</p>
<p>Ces entretiens ont tout d’abord permis de confirmer qu’une première difficulté était d’appréhender les violences conjugales dans leur complexité. Si, dans le monde de la recherche, la question des violences conjugales est souvent étudiée sous l’angle d’un clivage <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2019-1-page-37.htm">entre auteur et victime</a>, il en va de même dans les dispositifs de prise en charge.</p>
<h2>Remettre en cause le clivage entre auteurs et victimes</h2>
<p>Cette approche dichotomique se retrouve dans les différentes pratiques professionnelles, à la fois du côté des psychologues comme des spécialistes du monde juridique et associatif.</p>
<p>Elle nous amène à questionner les représentations collectives et individuelles situant d’un côté une victime (le plus souvent la femme) et de l’autre un agresseur (majoritairement l’homme) sans prendre en compte le lien – et l’histoire de ce lien- qui les unit.</p>
<p>Une difficulté majeure rencontrée par l’ensemble des professionnels, et plus particulièrement ceux qui n’ont pas été <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2019-1-page-5.htm">formés aux enjeux relationnels</a>, est d’être face à des questions se situant dans une articulation complexe entre l’intime et le social.</p>
<p>Un gendarme nous confie ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Ce n’est pas comme un cambriolage, ce n’est pas comme un accident, c’est pas comme une violence classique deux mecs qui se mettent sur la gueule voilà OK bon, ça c’est différent, mais c’est particulier parce qu’on rentre dans un milieu qui est très intime qui est très très fermé ».</p>
</blockquote>
<p>Ils sont nombreux à repérer que cette intrusion dans la sphère privée les confronte à des enjeux relationnels interpersonnels. Leur statut professionnel n’est pas une enveloppe suffisante pour maintenir à distance leur ressenti émotionnel d’homme, de femme, eux-mêmes fils ou filles ou parents.</p>
<p>Un policier ajoute :</p>
<blockquote>
<p>« Vous avez en face de vous une dame de 50 ans qui a 30 ans de mariage face à un gendarme qui a tout juste deux ans de brigade, qui a 24 ans, qui n’a pas une grande expérience de la vie on va dire, ça va être totalement différent… Vous voyez puisque quelque part l’enquêteur, ça pourrait être pratiquement le fils de la personne que vous avez en face de vous et parler de ce genre de chose, ça peut bloquer, ça peut bloquer la personne. »</p>
</blockquote>
<h2>Prendre en compte la temporalité</h2>
<p>L’analyse des <a href="http://dx.doi.org/10.1037/pap0000186">données recueillies</a> auprès des différents professionnels indique la nécessité de prendre en compte la temporalité dans la prise en charge des situations de violence conjugale. En effet les professionnels sont confrontés au décalage entre la temporalité des procédures et celles des personnes qu’ils rencontrent.</p>
<p>Ces temporalités, diverses et parfois opposées, se croisent (temps chronologique, temps psychique, temps des procédures) et sont à l’origine d’incompréhension, d’inhibition à parler ou à agir. Il peut également s’agir d’actions effectuées dans la précipitation pour les professionnels ou de retour en arrière pour les femmes par exemple, un arrêt des procédures ainsi que le relève un magistrat.</p>
<blockquote>
<p>« Je ne suis pas encore prête à vous dire que je suis victime mais voilà, je veux quand même que vous preniez acte de ce qu’il se passe. »</p>
</blockquote>
<p>C’est pourquoi il semble essentiel de penser le temps de l’accueil des victimes afin que les professionnels puissent mener à bien les missions qui leur sont confiées, qu’elles soient juridiques, éducatives ou sociales.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/290702/original/file-20190903-175663-1tpirzf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/290702/original/file-20190903-175663-1tpirzf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/290702/original/file-20190903-175663-1tpirzf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/290702/original/file-20190903-175663-1tpirzf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/290702/original/file-20190903-175663-1tpirzf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/290702/original/file-20190903-175663-1tpirzf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/290702/original/file-20190903-175663-1tpirzf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La formation des professionnels de l’accueil des femmes en situation de violence doit intégrer la diversité des situations et les différentes temporalités. Institut de Formation Sociale des Yvelines, 2019.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/yvelines/46222029754"> Nicolas Duprey/CD 78</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Créer des dispositifs spécifiques aux situations rencontrées</h2>
<p>Cette prise en considération souligne implique de réaliser qu’il est nécessaire de créer un dispositif permettant aux femmes de se sentir accueillies et écoutées dans la particularité de leur situation. Un avocat précise :</p>
<blockquote>
<p>« Normalement [dans le cadre d’un divorce], après le premier rendez-vous on fait la requête en divorce. Pour les femmes victimes de violences conjugales, il faut deux à trois rendez-vous minimum, pour qu’après qu’elles arrivent à franchir ce cap-là. »</p>
</blockquote>
<p>Ce premier temps est un pas décisif pour ces femmes qui décident, parfois après des mois, si ce n’est des années de violences, de confier l’histoire de leur couple à l’extérieur du huis clos dans lequel elles ont vécu.</p>
<p>Leurs attentes sont fortes et elles peuvent mettre fin à leur démarche si elles repèrent une impossibilité pour le professionnel de comprendre leur situation ou si elles estiment que ces derniers ne reconnaissent pas sa gravité et la banalisent.</p>
<p>Cette sensibilité à l’appréciation de l’autre, à la manière dont il va réceptionner leurs paroles rend la relation avec tout professionnel particulièrement complexe et nécessite d’être formé, ce qui ne fait pas partie pour le moment des priorités.</p>
<h2>Faire confiance aux victimes</h2>
<p>Un autre élément saillant dans les entretiens est celui de la difficulté d’établir la preuve d’une violence qui se joue souvent à huis clos. La victime doit argumenter, prouver qu’il y a violence conjugale en se justifiant par la parole mais aussi et surtout par des certificats médicaux ou à l’aide de témoins.</p>
<p>La situation est encore plus compliquée lorsqu’il s’agit de <a href="https://www.cairn.info/tu-me-fais-peur-quand-tu-cries--9782749213019-page-297.htm">violences psychologiques</a> : deux parties et deux paroles s’opposent, comme le relève une directrice de centre d’accueil de victimes.</p>
<blockquote>
<p>« C’est une des difficultés, pour nous tous, c’est des situations où on se base aussi sur du déclaratif, de l’un et de l’autre donc, je dirais pour avoir une vision réelle de la situation de la dangerosité c’est compliqué parce qu’il y a le facteur humain qui entre en ligne de compte, c’est vrai au niveau de la police, c’est vrai au niveau des parquets, c’est vrai au niveau des associations aussi. »</p>
</blockquote>
<p>L’évaluation de la situation s’avère aussi compliquée parce que les victimes ont souvent beaucoup de mal à se reconnaître comme telles. Comme beaucoup d’auteurs de violences, elles banalisent aussi la <a href="https://www.cairn.info/revue-topique-2018-2-page-99.htm">réalité des faits</a>.</p>
<blockquote>
<p>« Elles ne se reconnaissent pas en tant que victime, elles se reconnaissent davantage dans le statut : c’est moi qui ai provoqué mon mari, c’est pour ça qu’il a passé le cap, certaines finissent par le reconnaître, mais souvent il y a du travail derrière. » (policier)</p>
</blockquote>
<p>Cette enquête auprès des professionnels nous permet d’attester d’un important travail de réflexion et d’engagement. Pour se pérenniser et pour s’étendre il nécessite d’être consolidé par des conditions de travail permettant l’étude approfondie des situations rencontrées.</p>
<h2>Un manque de moyens</h2>
<p>Dans le champ du judiciaire et du médico-social, nul ne s’étonnera d’entendre les différents professionnels mettre en avant le manque de moyens (budgétaires, matériels et humains) pour mener à bien leurs missions, comme le pointait d’ailleurs un <a href="http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/rapport-ou_est_argent-vf.pdf">rapport paru fin 2018</a> du Haut-Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.</p>
<p>Au-delà de ce constat, leurs propos sont étayés par l’augmentation des situations de violences conjugales qu’ils sont amenés à traiter sans savoir s’il y a une augmentation des violences ou si celles-ci sont plus rapidement signalées.</p>
<p>La réduction des moyens est également visible avec la disparition des structures, <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01311843">notamment en Alsace</a> qui accueillent les victimes ou prennent en charge les auteurs de violence.</p>
<blockquote>
<p>« Des fois on ne sait pas où orienter les personnes, ou alors on les oriente mais on nous dit “écoutez, rendez-vous dans deux mois pour un début de prise en charge.” » (conseiller probatoire d’insertion et de prévention)</p>
<p>« Qu’est-ce qu’on offre aux auteurs aujourd’hui ? Rien… Il y avait des associations qui faisaient un super boulot mais leur financement n’a pas été renouvelé ». (assistant social)</p>
</blockquote>
<p>La lutte contre les violences faites aux femmes devrait ainsi impérativement prendre en compte ces réflexions, y compris celles menées entre les différentes structures afin de mieux accompagner à la fois les victimes et les auteurs. L’une des mérites de la recherche pluridisciplinaire effectuée a été de contribuer à améliorer la connaissance des points de butée et à prendre conscience de la nécessité de travailler en réseau.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/122798/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les données récurrentes sur les violences faites aux femmes font écho à la perplexité des professionnels engagés sur le terrain, comme le montre notre recherche menée en Alsace.Anne Thévenot, Professeure de Psychologie et de psychopathologie cliniques, Université de StrasbourgClaire Metz, Maitre de conférences, HDR Psychologie clinique, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1194332019-06-30T19:54:54Z2019-06-30T19:54:54ZUne carrière réussie ? Une question de perception avant tout<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/281192/original/file-20190625-81745-f989u0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C5%2C979%2C660&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les cadres français se déclarent en grande majorité plutôt satisfaits de leur carrière. </span> <span class="attribution"><span class="source">Rangizzz / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Performance, résultat, réussite, excellence, victoire, prospérité, fortune, et d’autres vocables sont utilisés pour désigner le succès. Ce dernier constitue une finalité recherchée par les individus dans différents domaines tant personnels que professionnels. Au niveau professionnel, le succès de carrière est un concept important dans le sens où, d’une part, il constitue un attendu logique pour les employés, notamment les <a href="https://books.google.fr/books/about/Les_cadres_grandeur_et_incertitude.html?id=1gKNjmBiqtgC&printsec=frontcover&source=kp_read_button&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false">cadres qui passent plus d’un tiers de leur temps</a> au travail, et d’autre part, il contribue à la performance organisationnelle des entreprises.</p>
<p>Comprendre le succès de carrière permet donc aux organisations de mieux cerner les attentes de leurs employés.</p>
<h2>Réussir objectivement et/ou subjectivement ?</h2>
<p>Le succès de carrière a été depuis longtemps étudié sous sa dimension objective à travers la position hiérarchique, le niveau de rémunération et les promotions obtenues. Ces dernières années, les travaux de recherche s’intéressent de plus en plus au succès de carrière subjectif qui renvoie aux utilités identifiables uniquement par introspection. Mesuré par la satisfaction au travail, le succès subjectif fait référence à l’évaluation que fait un individu de sa carrière et des perspectives futures par rapport à ses objectifs personnels.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/281196/original/file-20190625-81762-13ef81h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/281196/original/file-20190625-81762-13ef81h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/281196/original/file-20190625-81762-13ef81h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/281196/original/file-20190625-81762-13ef81h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/281196/original/file-20190625-81762-13ef81h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/281196/original/file-20190625-81762-13ef81h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/281196/original/file-20190625-81762-13ef81h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/281196/original/file-20190625-81762-13ef81h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Un cadre français passe en moyenne un tiers de son temps au travail.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nd3000/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Conformément à la <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/job.295">métaphore du voyageur</a>, la carrière subjective est assimilée au voyage interne et au monde expérientiel du voyageur, alors que la position occupée par le voyageur et les caractéristiques identifiables du paysage renvoient à la carrière objective.</p>
<p>Cette distinction est importante dans le sens où une même carrière objective peut être interprétée différemment par deux personnes. En ce sens, le « succès de carrière perçu » constitue une dimension importante de la carrière subjective. Il renvoie à la perception, par un individu, du fait que sa carrière peut être considérée comme un succès, comme un parcours « normal » ou comme un échec, soit dans l’absolu, soit par rapport à des objectifs initiaux qu’il s’était fixés, ou encore par comparaison à des personnes de référence. Ainsi, gagner un salaire élevé et progresser rapidement dans la hiérarchie par rapport à ses collègues peut renforcer le sentiment du succès de carrière. Il existe donc une carrière pour chaque personne qu’elle doit individuellement interpréter et évaluer.</p>
<h2>L’argent ne fait pas le bonheur… mais y contribue !</h2>
<p>Le succès prend différentes facettes. La richesse matérielle ne constitue que l’une d’entre elles. La réussite est bien plus qu’une destination, elle est l’expérience même du voyage. Certes, ce dernier est plus agréable en présence d’éléments matériels. Cependant, la réussite se réalise également à travers le bien-être et la satisfaction.</p>
<p>Selon l’étude <a href="https://cadres.apec.fr/Emploi/Marche-Emploi/Les-Etudes-Apec/Les-etudes-Apec-par-annee/Etudes-Apec-2016/Le-succes-de-carriere-des-cadres/Reussie-ou-pas--quelle-perception-les-cadres-ont-ils-de-leur-carriere">Apec 2017</a> conduite en partenariat avec l’<a href="http://www.irgo.fr">IRGO</a>, institut de recherche de l’Université de Bordeaux, plus les cadres ont des salaires et statuts élevés et bénéficient de plusieurs promotions, plus ils sont satisfaits de leur carrière. Ce résultat confirme l’interdépendance entre les deux dimensions du succès de carrière. De plus, les cadres interviewés étaient généralement assez satisfaits de leur carrière. Cependant, une partie importante manifestait une insatisfaction vis-à-vis de la rémunération et l’avancement hiérarchique.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/281187/original/file-20190625-81733-ypdqej.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/281187/original/file-20190625-81733-ypdqej.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/281187/original/file-20190625-81733-ypdqej.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=199&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/281187/original/file-20190625-81733-ypdqej.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=199&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/281187/original/file-20190625-81733-ypdqej.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=199&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/281187/original/file-20190625-81733-ypdqej.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=250&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/281187/original/file-20190625-81733-ypdqej.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=250&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/281187/original/file-20190625-81733-ypdqej.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=250&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Extrait de l’étude Apec 2017.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://cadres.apec.fr/files/live/mounts/media/medias_delia/documents_a_telecharger/etudes_apec/Le%20succès%20de%20carrière%20des%20cadres.pdf">Apec</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Par ailleurs, les cadres évaluent leur succès selon un processus comparatif. Ils comparent leurs réalisations de carrière par rapport à des standards internes, tels que les objectifs personnels et les aspirations professionnelles. De même, ils comparent leur situation actuelle par rapport à celle de leurs collègues. L’étude a montré que la satisfaction de carrière semble influencer plus les perceptions de réussite que le succès objectif. En d’autres termes, réussir sa carrière dépendrait plus de la satisfaction de carrière que des critères extrinsèques, tels que la rémunération et le statut hiérarchique.</p>
<h2>Une dominance des cadres « heureux perdants »</h2>
<p>L’analyse typologique effectuée sur un échantillon de 376 cadres français a fait apparaître trois catégories :</p>
<ul>
<li><p>Les « heureux gagnants » : cette catégorie est composée des cadres qui ont atteint le succès de carrière tant objectif que subjectif. Outre leur satisfaction de carrière élevée, ces cadres ont atteint des niveaux élevés en termes de rémunération, de statuts hiérarchiques et de promotions.</p></li>
<li><p>Les « heureux perdants » : constituant une majorité, ce groupe est constitué d’individus portant plus d’intérêt aux critères subjectifs du succès de carrière qu’aux éléments objectifs. Malgré leur faible niveau de revenu, statut et promotions, les cadres de cette catégorie semblent plus satisfaits de leurs carrières.</p></li>
<li><p>Les « malheureux perdants » : cette catégorie regroupe les cadres qui ont moins réussi leurs carrières soit en termes objectif ou subjectif. Ces cadres semblent insatisfaits de leurs carrières et de leurs vies personnelles.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/281188/original/file-20190625-81737-ph3t9z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/281188/original/file-20190625-81737-ph3t9z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/281188/original/file-20190625-81737-ph3t9z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/281188/original/file-20190625-81737-ph3t9z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/281188/original/file-20190625-81737-ph3t9z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/281188/original/file-20190625-81737-ph3t9z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=365&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/281188/original/file-20190625-81737-ph3t9z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=365&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/281188/original/file-20190625-81737-ph3t9z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=365&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Extrait de l’étude Apec 2017.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://cadres.apec.fr/files/live/mounts/media/medias_delia/documents_a_telecharger/etudes_apec/Le%20succès%20de%20carrière%20des%20cadres.pdf">Apec.</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En conclusion, le succès de carrière perçu est plus lié au succès de carrière subjectif qu’au succès de carrière objectif. Selon un processus comparatif, les cadres considérant leurs carrières comme étant mieux réussies accordent plus d’importance à la réalisation de leurs objectifs personnels. Le concept de <em>career with a heart</em> (« faire carrière avec son cœur ») devient de plus en plus important aux yeux des employés visant un équilibre dans leur vie.</p>
<p>Ayant des ressources limitées, les entreprises ne peuvent pas toujours offrir à l’ensemble de leurs cadres des augmentations de salaire et des promotions pour leur assurer un succès objectif. En revanche, elles peuvent faire en sorte que les cadres aient la perception d’avoir réussi leur carrière. Sans pour autant tomber dans le <a href="https://theconversation.com/qualite-de-vie-au-travail-bienvenue-dans-lere-du-greatwashing-115241">« greatwashing »</a> le <a href="https://www.blog-emploi.com/bienveillance-travail-happy-washing/">« happy washing »</a>. En outre, les organisations ont intérêt à proposer des parcours professionnels alternatifs basés sur des éléments subjectifs, compte tenu des faibles opportunités de promotions.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1116490900774039552"}"></div></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119433/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Khalil Aït Saïd ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les critères subjectifs, comme la comparaison aux autres, pèsent davantage que les éléments objectifs de rémunération ou de statut.Khalil Aït Saïd, Chercheur en sciences de gestion - IRGO IAE de Bordeaux, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1192392019-06-23T20:19:21Z2019-06-23T20:19:21ZAssurance-chômage, les discrètes manœuvres financières derrière la réforme<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/280674/original/file-20190621-61767-15ibhlb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C1001%2C669&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La ministre du travail Muriel Penicaud (à gauche) et le premier ministre Édouard Philippe lors de l'annonce de la nouvelle réforme de l'assurance chômage, le 18 juin 2019.</span> <span class="attribution"><span class="source">Lucas Barioulet/AFP</span></span></figcaption></figure><p>Sur le <a href="https://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/muriel-penicaud-si-on-ne-fait-pas-d-economies-dans-10-ans-on-n-aura-plus-de-quoi-indemniser-les-chomeurs-1169449.html">plateau de BFM TV</a>, face à Jean‑Jacques Bourdin, la ministre du travail Muriel Pénicaud a déclaré le 19 juin : « Si on ne fait pas d’économies, dans 10 ans on n’aura plus de quoi indemniser les chômeurs ». Cette phrase-choc fait suite à <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/03/29/non-m-le-premier-ministre-le-chomage-ne-paye-jamais-plus-que-le-travail_5443218_3232.html">plusieurs discours approximatifs</a> qui ont pour objectif de légitimer un plan de réduction des droits des chômeurs (à hauteur de 3,4 milliards d’euros).</p>
<p>La réforme annoncée touche en effet en premier lieu les allocataires, alors que plus de la moitié des inscrits à Pôle emploi <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/chomeurs-indemnises-non-indemnises-2016-selon-categorie-nombre-montant-moyen-net-percu-euros-0110201780971.html">ne perçoivent déjà aucune indemnisation</a>. Elle rehausse de 4 à 6 mois de la durée minimale d’activité requise pour être indemnisé, dans les 24 derniers mois au lieu des 28 derniers mois. Par exemple, une personne qui a occupé un emploi entre janvier et mai 2017 ne pourra plus prétendre être indemnisée, bien qu’elle ait cotisé à l’assurance-chômage. La reprise d’un emploi de courte durée durant la période de chômage ne permettra plus de prolonger la durée d’indemnisation, sauf si le contrat excède 6 mois.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1141237475249139713"}"></div></p>
<p>Autre mesure prévue : les indemnités-chômage seront <a href="https://www.lexpress.fr/emploi/conseils-emploi/chomage-les-sept-changements-a-venir-expliques_2084796.html">comptées d’une nouvelle façon</a>. Au lieu de prendre les salaires journaliers en référence (multipliant les salaires perçus chaque jour de travail par le nombre de jours du mois, ce qui protège les personnes avec des contrats courts ou émiettés), le gouvernement entend prendre le salaire mensuel pour base (la moyenne des salaires par jour, en comptant les jours sans salaire).</p>
<p>Ainsi, une personne qui a travaillé 10 journées pour 500 euros, soit 50 euros quotidiens, est indemnisée sur la base des 50 euros multipliés par 30 jours dans le mois. Sa base fictive d’indemnisation est à 1 500 euros, pour une durée bien sûr très réduite. Désormais, elle touchera une allocation calculée à partir de 500 euros pour le mois entier, quel que soit le nombre de jours travaillés, c’est-à-dire divisée par trois.</p>
<p>Ces orientations sont rapportées par la ministre à un impératif budgétaire. Qu’en est-il vraiment ?</p>
<h2>Un rapport de force bouleversé</h2>
<p>Avant tout, qu’est-ce que l’assurance-chômage ? Il s’agit d’une institution qui récolte des fonds auprès d’actifs chaque mois, afin d’indemniser ceux qui ont perdu un emploi. À sa tête, l’Unédic assure la gestion quotidienne. L’assurance-chômage repose sur une logique de risque (chacun participe un peu au cas où il perdrait son emploi), de mutualisation (les secteurs en expansion aident les secteurs en difficulté), de contribution (le niveau d’indemnisation dépend des derniers salaires) et de redistribution (les faibles salaires sont mieux indemnisés que les hauts salaires).</p>
<p>L’allocation d’aide au retour à l’emploi n’est pas un secours payé par la collectivité aux chômeurs, mais un droit ouvert aux salariés une fois qu’ils ont mis une certaine somme au pot commun. En somme, c’est leur argent qui leur revient. Cependant, l’allocation médiane, c’est-à-dire que la moitié des chômeurs gagnent plus tandis que la moitié perçoivent moins, est de <a href="https://www.unedic.org/sites/default/files/2018-11/3%20-%20Les%20b%C3%A9n%C3%A9ficiaires%20de%20l%E2%80%99Assurance%20ch%C3%B4mage.pdf">950 euros</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1098736802087792642"}"></div></p>
<p>Les versements effectués aux chômeurs dans ce cadre proviennent de deux sources : la cotisation des employeurs prélevée sur les salaires (4,05 % du salaire brut) ainsi qu’une partie de la CSG activité (1,47 point). Cette dernière a remplacé au 1<sup>er</sup> janvier 2019 les cotisations salariées – à part pour quelques catégories comme les intermittents du spectacle ou les salariés monégasques. Le régime d’assurance-chômage est donc composé de flux financiers différents. L’un regroupe les cotisations patronales, assises sur les salaires. L’autre est voté chaque année par le parlement, via la loi de financement de la sécurité sociale.</p>
<p>Cependant, le remplacement des cotisations salariées par la CSG a bouleversé le rapport de force : désormais, seuls les employeurs (qui acquittent les cotisations) et l’État (qui gère la CSG) ont leur mot à dire. Les représentants des salariés ont été <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/social/le-dialogue-social-a-la-peine-1029971">placés en marge du processus</a>. Le statut des chômeurs se joue donc désormais essentiellement entre les organisations patronales et le gouvernement. Cette réforme de l’assurance-chômage est d’ailleurs la première <a href="https://www.lepoint.fr/politique/assurance-chomage-le-gouvernement-devoile-une-vaste-reforme-deja-critiquee-18-06-2019-2319424_20.php">depuis 1982</a> à être intégralement décidée par l’État seul.</p>
<h2>Manœuvres financières</h2>
<p>L’Unédic est-elle donc en crise ? Pas du tout ! Sa situation financière est même plus qu’équilibrée, si l’on retient uniquement la tâche d’assurance. En effet, pour 2019, les bilans comptables prévoient 2 milliards d’euros de manque dans les caisses de l’Unédic. Mais précisons que cette dernière est contrainte de verser 10 % des cotisations recueillies à Pôle emploi pour des <a href="https://www.unedic.org/indemnisation/vos-questions-sur-indemnisation-assurance-chomage/quel-est-le-role-de-lunedic-par">frais de fonctionnement</a>. Cela représente plus de 3 milliards d’euros annuels, transférés de l’assurance-chômage à Pôle emploi (55 % des frais de fonctionnement de ce dernier – les salariés financent deux fois plus Pôle emploi que l’État).</p>
<p>Cela correspond aussi exactement au montant que le gouvernement entend faire supporter aux chômeurs. En conséquence, sans cette ponction discutable et indépendante des chômeurs, le budget est excédentaire d’1 milliard. Au bout du compte, l’ensemble des contributions d’actifs suffit à couvrir l’ensemble des indemnités versées aux chômeurs. Le régime contributif fonctionne et se finance seul. En cessant d’imputer le financement de Pôle emploi à l’assurance-chômage, il y aurait même assez de ressources pour verser une prime exceptionnelle de 150 euros à chacun des 6 millions d’inscrits.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/280669/original/file-20190621-61751-1qm5bw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/280669/original/file-20190621-61751-1qm5bw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/280669/original/file-20190621-61751-1qm5bw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/280669/original/file-20190621-61751-1qm5bw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/280669/original/file-20190621-61751-1qm5bw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/280669/original/file-20190621-61751-1qm5bw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/280669/original/file-20190621-61751-1qm5bw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/280669/original/file-20190621-61751-1qm5bw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’amélioration du solde de l’Assurance chômage confirme que l’équilibre de moyen terme est assuré.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.unedic.org/espace-presse/actualites/lassurance-chomage-proche-de-lequilibre-en-2019">Unédic</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette situation structurelle s’ajoute à des manœuvres financières plus discrètes, comme la substitution décalée de la CSG et des cotisations-chômage. Ainsi, en 2018, la hausse de la CSG sur tous les revenus a été décrétée au mois de janvier, alors que les cotisations chômage n’ont été baissées d’un montant comparable qu’en octobre. Ces neuf mois d’intervalle ont permis de lever près de 6 milliards d’euros… qui ont été soustraits à l’Unédic pour financer le budget étatique. Cela représente près du double de la somme annuelle que veut récupérer le gouvernement avec sa réforme !</p>
<p>Dans l’état actuel de ses prérogatives, l’Unédic connaît un déficit depuis 2008. La grande récession économique, suscitée par la crise bancaire privée, a durablement bloqué le niveau des emplois et les salaires, amputant des ressources. L’assurance-chômage est en effet cyclique : lorsque la situation de l’emploi est favorable, elle provisionne des excédents, tandis qu’elle subit des pertes lorsque la situation de l’emploi est défavorable. Contrairement à une idée reçue, elle n’est <a href="https://theconversation.com/reforme-de-lassurance-chomage-la-tentation-de-luniversalite-112083">pas spécialement généreuse</a> par rapport autres pays européens. En Belgique, en Italie, au Portugal, au Luxembourg, en Suisse ou en Allemagne (avec enfant), le montant d’indemnisation-chômage à l’inscription est plus élevé qu’en France.</p>
<h2>« Politique des caisses vides »</h2>
<p>L’invitation à couper dans l’indemnité des chômeurs est toutefois contradictoire. D’un côté, le gouvernement annonce la diminution à 8 % du taux de chômage (au sens du BIT). Comment peut-il simultanément agiter le spectre d’une dégradation des comptes de l’assurance-chômage, malgré un surcroît d’emplois et, donc, de financement ? Ce paradoxe est renchéri par les prévisionnistes de l’Unédic, qui jugent probable un retour à l’excédent <a href="https://www.unedic.org/espace-presse/actualites/avec-le-ralentissement-de-la-croissance-le-retour-aux-excedents-de">pour 2021</a>. Où est l’urgence à rogner les droits des allocataires ? S’agirait-il plutôt de profiter du déficit maintenant pour comprimer les revenus des chômeurs, avant tout retour à l’équilibre ?</p>
<p>D’autant que plusieurs mesures politiques récentes ont accru les difficultés de financement de l’assurance-chômage. D’abord, une « politique des caisses vides » a largement réduit les cotisations disponibles, en jouant sur deux leviers. D’une part, la <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/fin-des-contrats-aides-quel-bilan-sur-l-emploi-761541.html">suppression des emplois aidés</a> et l’explosion du nombre de travailleurs français en <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/des-francais-travailleurs-detaches-en-france_1691663.html">situation de détachement</a> a réduit le nombre de cotisants, tandis que le recul de l’âge de la retraite a accru le nombre de chômeurs allocataires.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1110588997544411137"}"></div></p>
<p>D’autre part, le <a href="https://www.publicsenat.fr/article/politique/gel-du-point-d-indice-les-syndicats-decus-et-insatisfaits-142218">gel des salaires</a> dans la fonction publique (point d’indice) et le secteur privé (smic) ont bloqué le volume de cotisations. La facilitation du recours aux contrats hors CDI, via les ordonnances Pénicaud, est aussi venue renforcer les déséquilibres financiers de l’assurance-chômage. En 2015, les cotisations tirées d’emplois en CDI rapportaient <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/pourquoi-les-entreprises-privilegient-le-cdd-au-cdi-755885.html">29 milliards d’euros</a>, tandis que les chômeurs ayant perdu un CDI recevaient 19 milliards d’euros d’indemnisation. Le ratio s’inverse totalement pour les détenteurs de CDD ou d’intérim, qui reçoivent bien plus d’allocations qu’ils n’ont le temps d’en verser durant leurs emplois temporaires.</p>
<p>Dans ces conditions, la résilience de l’Unédic est plutôt flatteuse… et les mesures gouvernementales qui figurent dans la réforme pour tenter de juguler les contrats courts apparaissent non seulement contradictoires, mais légères. L’ajout d’une <a href="https://www.lexpress.fr/emploi/bonus-malus-taxe-sur-les-cdd-d-usage-ce-qu-il-faut-retenir-des-annonces-du-gouvernement_2084758.html">taxe de 10 euros sur les CDD d’usage</a> ne représente jamais qu’une heure de smic brut en plus sur un contrat de plusieurs semaines… surtout avec l’exonération prévue de deux gros secteurs pourvoyeurs, le <a href="https://www.liberation.fr/france/2019/06/20/assurance-chomage-pour-les-cdd-un-bonus-malus-surtout-symbolique_1735170">bâtiment et la santé</a>.</p>
<h2>Les profits du déficit</h2>
<p>De plus, les 3,4 milliards d’économies sur les chômeurs feront sans doute l’objet de vases communicants. Une partie des individus exclus de l’assurance-chômage s’adresseront aux départements ou au régime d’assistance pour faire valoir leur éligibilité à des prestations de survie. Alors que le nombre de chômeurs représente plus de 20 fois le nombre d’emplois disponibles, l’inéligibilité aux indemnités-chômage va les conduire soit à la paupérisation, soit à l’assistance publique, soit aux deux.</p>
<p>Mais le débat achoppe aussi sur la notion de déficit. Un déficit désigne une situation où les dépenses d’argent excèdent les recettes. Or, les discours publics actuels focalisent uniquement sur le volet « dépenses » (trop élevées), en oubliant le volet « recettes ». Pourtant, les cotisations patronales n’ont presque pas évolué depuis 2003, fixées alors à 4 % du salaire brut. Elles pourraient même baisser encore bientôt, puisque la <a href="https://blogs.alternatives-economiques.fr/abherve/2017/03/29/005-pour-tenter-de-sauver-la-gestion-paritaire-de-l-unedic">contribution patronale exceptionnelle</a> de 0,05 % instaurée en octobre 2017, est censée expirer avant le 30 septembre 2020. Les chômeurs paient-ils aujourd’hui un futur cadeau fiscal offert à certains employeurs ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1041838244105781248"}"></div></p>
<p>Les déficits de l’Unédic sont-ils un problème pour tout le monde ? Non, bien sûr. Au lieu de passer par la dette publique, l’Unédic a émis ses propres titres financiers afin de lever les fonds nécessaires dans les années de pénurie. Un montant de 35 milliards d’euros s’est ainsi accumulé, au terme de plusieurs années de crise de l’emploi. Forte de ce fonds, l’<a href="https://static.mediapart.fr/files/2018/04/30/audit-dette-assurance-chomage-2.pdf">Unédic est entrée sur les marchés financiers</a>. Dans ce système opaque, le directeur de l’Unédic lui-même explique ignorer <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/cr-soc/14-15/c1415043.pdf">« qui sont les vendeurs et les acheteurs »</a> des produits financiers.</p>
<p>Au bilan, certains ménages ou sociétés ont acheté de la dette Unédic et se sont enrichis par l’argent des cotisations sociales ou de la CSG, à hauteur de 400 millions d’euros annuels d’intérêts. C’est le cas de <a href="https://static.mediapart.fr/files/2018/04/30/audit-dette-assurance-chomage-2.pdf">Sicav-Fis</a>, fonds luxembourgeois qui détient environ 8 millions d’euros en titres de l’Unédic… et pratique l’optimisation fiscale dans son pays d’origine. L’assurance-chômage est donc aussi devenue un terrain d’investissement lucratif. Ce que les employeurs ne versent pas en cotisation est donc payé, au prix fort, sous forme de taux d’intérêt.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119239/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dans le cadre de projets de recherche sur l'assurance-chômage, Hadrien Clouet a reçu des financements du CIERA et de Sciences Po pour des séjours de recherche.</span></em></p>Avec les mesures prévues, l’État transfère notamment sur les actifs le financement du fonctionnement de Pôle emploi.Hadrien Clouet, Chercheur postdoctorant, CENTRE DE SOCIOLOGIE DES ORGANISATIONS, associé au LABORATOIRE INTERDISCIPLINAIRE POUR LA SOCIOLOGIE ECONOMIQUE, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1182912019-06-05T20:48:50Z2019-06-05T20:48:50ZVotre métier est-il vraiment pénible ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/277901/original/file-20190604-69095-1d8dftm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C10%2C988%2C640&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les métiers du bâtiment sont généralement considérés comme pénibles. </span> <span class="attribution"><span class="source">Welcomia / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Vous vous sentez fatigué après votre journée de travail ? Vous avez des douleurs dans le dos ou dans les articulations ? Peut-être avez-vous un travail pénible qui occasionne ces douleurs et cette lassitude ? Mais qu’est-ce qu’un travail pénible ? Un travail considéré comme « non pénible » peut-il quand même être « pénible » ?</p>
<p>Une <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/travail_et_bien-etre_tc_vd_2.pdf">étude</a> publiée par la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) en 2018 permet de publier un « hit parade » des métiers les moins favorables au bien-être psychologique (et non les plus pénibles !) à savoir dans l’ordre : </p>
<ol>
<li>cuisiniers</li>
<li>employés et agents de maîtrise de l’hôtellerie et de la restauration</li>
<li>aides-soignants</li>
<li>métiers de bouches (boucher, charcutier, boulanger)</li>
<li>employés de banque/assurance</li>
<li>ouvriers non qualifiés de la mécanique</li>
<li>ouvriers qualifiés des travaux publics, du béton et de l’extraction</li>
<li>ouvriers non qualifiés du second-œuvre du bâtiment</li>
<li>infirmiers/sages-femmes</li>
<li>agents de gardiennage et de sécurité.</li>
</ol>
<h2>Ce que dit la loi</h2>
<p>Mais s’agit-il pour autant des métiers les plus pénibles ? Après plusieurs évolutions réglementaires, l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=D156DF9E115A065A6E74972817AF917B.tplgfr22s_1?cidTexte=JORFTEXT000035607482&dateTexte=20190214">ordonnance n°2017-1389 du 22 septembre 2017</a> a retenu 10 facteurs de risques, regroupé en trois grandes catégories, pour qualifier cette pénibilité : ils dépendent de l’environnement du poste de travail et de la nature des tâches.</p>
<ul>
<li><p>Les contraintes physiques marquées : il s’agit des métiers avec de la manutention (1), des métiers soumis à des vibrations (2) ou qui nécessitent une posture pénible (3) ;</p></li>
<li><p>l’environnement physique agressif : l’exposition aux agents chimiques dangereux, y compris les poussières et les fumées (4), les activités exercées en milieu hyperbare (5), les températures extrêmes (6) et le bruit (7) ;</p></li>
<li><p>certains rythmes de travail : on parle ici du travail de nuit (8), le travail en alternance (les fameux 3/8) (9) et enfin les gestes répétitifs (10).</p></li>
</ul>
<p>Au regard des fameux 10 critères de pénibilité, certains métiers présents dans ce classement interpellent : les employés de banque/assurance et à un degré moindre, les agents de gardiennage et de sécurité ne semblent pas être exposés aux facteurs de risques énoncés dans la loi. À l’inverse, certains métiers (éboueur/ripeur ou agent de conditionnement dans l’agroalimentaire) semblent remplir ces critères, mais ne figurent pas dans la liste.</p>
<p>Un autre élément est déterminant pour connaître la pénibilité d’un métier : l’espérance de vie à 35 ans selon la catégorie socio-professionnelle. L’Observatoire des seniors précise qu’il existe un <a href="http://observatoire-des-seniors.com/lesperance-de-vie-a-35-ou-65-ans-en-fonction-de-la-categorie-socio-professionnelle/">lien direct</a> entre espérance de vie et pénibilité. Mais cette réalité est également à nuancer. Par exemple, un homme-cadre a une espérance de vie à 35 ans de 49 ans contre 49,8 ans pour une femme ouvrière.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/277899/original/file-20190604-69083-u9qei.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/277899/original/file-20190604-69083-u9qei.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/277899/original/file-20190604-69083-u9qei.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/277899/original/file-20190604-69083-u9qei.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/277899/original/file-20190604-69083-u9qei.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/277899/original/file-20190604-69083-u9qei.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=460&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/277899/original/file-20190604-69083-u9qei.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=460&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/277899/original/file-20190604-69083-u9qei.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=460&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://observatoire-des-seniors.com/lesperance-de-vie-a-35-ou-65-ans-en-fonction-de-la-categorie-socio-professionnelle/">Observatoire des seniors</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Intégrer la notion de « bien-être »</h2>
<p>On voit ici que la notion de métier « pénible » repose prioritairement sur critères endogènes. Mais de nombreux autres facteurs entrent en ligne de compte liés au travail (durée du travail, conditions de travail, ambiance de travail, rémunération) ou au mode de vie personnel (alimentation, consommation d’alcool) ou aux deux (conciliation vie personnelle et professionnelle, temps de transport).</p>
<p>Les facteurs psychologiques sont également prépondérants. On peut citer notamment quatre situations qui influent sur l’environnement psychologique des salariés :</p>
<ul>
<li><p>Modèle « situation de travail tendue » ou <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/dares-karasek.pdf">« job train » de Karasek</a> : le questionnaire issu de ses travaux est l’un des outils les plus connus pour évaluer les facteurs de risques psychosociaux. Il permet de mettre en évidence que le déséquilibre entre de fortes exigences et un manque d’autonomie, appelé « job strain » (« situation de travail tendue »), est un facteur de stress. S’il permet dans certains cas d’identifier les facteurs de risque propres à un contexte de travail donné, il n’est pas adapté à toutes les situations. Ainsi, les employés et les femmes sont plus exposés à la tension au travail.</p></li>
<li><p>Modèle du <a href="http://www.inrs.fr/media.html?refINRS=FRPS%203">« déséquilibre efforts/récompenses » de Siegrest</a> : il repose sur la distorsion pouvant exister entre l’effort requis pour un travail et la reconnaissance ou la récompense. Rappelons-nous ce devoir réalisé avec sérieux, volonté et rigueur élevés, mais qui ne vaudra de la part de notre professeur un commentaire succinct : « c’est médiocre ! » Le sentiment de reconnaissance/non reconnaissance est donc un facteur fort de bien-être/mal-être.</p></li>
<li><p>Théorie de la <a href="https://www.observatoire-management.org/single-post/2016/11/02/Th%C3%A9orie-de-la-justice-organisationnelle">justice organisationnelle</a> de Greenberg : ce concept est utilisé pour décrire le rôle de l’équité quand elle est directement liée au monde du travail. Il repose sur le sentiment de chaque salarié par rapport à son collègue : suis-je aussi bien payé que lui, suis-je autant reconnu, ma charge de travail est-elle la même ? Un sentiment d’inéquité influe alors négativement sur la perception du salarié et sur son bien-être.</p></li>
<li><p>Le sentiment d’insécurité au travail : un <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000022909525">arrêt de la Cour de cassation de 2010</a> rappelle la responsabilité des employeurs qui découle de l’obligation de sécurité. Cela traduit la reconnaissance du lien direct pouvant exister entre le sentiment d’insécurité aux causes diverses (relations avec des clients agressifs et violents, incertitudes sur sa situation personnelle).</p></li>
</ul>
<p>Les enseignements sont donc nombreux. À côté de critères objectifs définis par la loi, on voit que les facteurs subjectifs influent fortement sur la pénibilité des métiers. On constate aussi que l’équilibre vie personnelle/vie professionnelle impacte fortement le ressenti des salariés. Ainsi, parmi les métiers considérés comme apportant le moins de bien-être, les rythmes de travail (cuisinier, aide-soignant, infirmier) apparaissent comme un critère décisif.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1068408280752537602"}"></div></p>
<p>La capacité de se « réaliser » dans son travail ou d’exercer un travail utile est également un facteur atténuant de la pénibilité : l’autonomie, la responsabilité, transmission de savoirs. Enfin, les questions de valeurs, d’interactions sociales et d’ambiance de travail sont également prépondérantes dans cette évaluation de la pénibilité des métiers. Autant de paramètres à prendre en compte par les managers… à défaut de réglementation en la matière.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118291/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hubert Jaspard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les critères retenus par la loi restent insuffisants pour définir précisément la pénibilité d’un métier, notamment car ils ne retiennent pas la dimension « bien-être ».Hubert Jaspard, Enseignant vacataire, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1107242019-03-24T23:37:22Z2019-03-24T23:37:22ZComment crédibiliser davantage les responsables diversité dans l’entreprise<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/262388/original/file-20190306-100796-6v9jni.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C7%2C982%2C657&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les professionnels de la diversité éprouvent parfois un sentiment d’impuissance dans leur action.</span> <span class="attribution"><span class="source">Wavebreakmedia/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Une simple recherche sur les réseaux sociaux ou sur les sites des entreprises confirme la présence de plus en plus affirmée de nouvelles fonctions dans les grandes entreprises privées et publiques, les grandes écoles ou encore les universités : responsable diversité, chargé de mission diversité, responsable RH diversité et mission handicap, chargée de projets RSE-diversité, etc. Titres divers, mais toujours avec mission de promouvoir la diversité et de mettre en place des initiatives visant l’inclusion des catégories de personnes sous-représentées auparavant.</p>
<p>La gestion de la diversité est en effet devenue la philosophie managériale dominante, centrée à la fois sur le respect d’une législation grandissante et <a href="https://theconversation.com/relations-humaines-la-diversite-une-evidence-et-un-defi-69865">sur les bénéfices stratégiques</a> pour les entreprises. Elle a été lancée aux États-Unis dans les années 1980 pour atteindre l’Europe dans les années 2000. Cette philosophie revendique la célébration de talents divers, qu’ils soient hommes ou femmes, issues de minorités ethniques, d’origines variées, ou encore handicapés, pour que tout le monde puisse trouver sa place dans l’entreprise.</p>
<p>En France, la <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F19448">législation</a> – croissante – se voit renforcer par des <a href="https://www.charte-diversite.com/">initiatives volontaires</a>, telles la Charte et le Label Diversité. Ces développements, ainsi que l’existence de <a href="https://recruteurs.apec.fr/files/live/mounts/media/medias_delia/documents_a_telecharger/referentiel_metiers/referentiel_des_metiers_de_la_fonction_ressources_humaines/c6911d997b403501425ff898dbfbd92b.pdf">catégories professionnelles</a> officiellement reconnues, favorisent l’émergence de <a href="https://www.afmd.fr/la-fonction-diversite-enjeux-competences-et-trajectoires-livre">métiers spécifiques</a> dans le domaine pour permettre aux entreprises de répondre à la nouvelle conjoncture de façon adéquate. En 2013, la fonction de « responsable diversité » a même été inscrite dans le <a href="https://cadres.apec.fr/Emploi/Marche-Emploi/Les-Etudes-Apec/Les-etudes-Apec-par-annee/Les-archives-des-etudes-Apec/Referentiel-des-metiers-cadres-de-la-fonction-ressources-humaines">référentiel</a> des métiers de la fonction RH de l’Association pour l’emploi des cadres (Apec).</p>
<h2>Caractéristiques distinctes</h2>
<p>La traduction dans les faits de ces initiatives destinées à promouvoir et renforcer la diversité, encore relativement récentes, dépend maintenant en grande partie du degré de légitimité de ces métiers à conduire un véritable changement des mentalités et des pratiques organisationnelles.</p>
<p>Un certain nombre de facteurs positifs favorisent aujourd’hui le travail des professionnels, aussi bien en interne qu’auprès des parties prenantes dans la société au sens large. D’abord, de véritables réseaux d’acteurs et de passionnés par ces sujets se sont mis en place sur tout le territoire français : mairies, préfectures, ministère du Travail, ou encore un grand nombre d’<a href="https://article-1.eu/qui-sommes-nous/">associations</a>, des <a href="https://uimm.lafabriquedelavenir.fr/industrie/">fédérations</a> d’entreprises, des <a href="http://www.ellesbougent.com/partenaires/institutionnels/">institutionnels</a>, des <a href="http://alternego.com/mediation-gestion-conflits-negociation/">cabinets de conseil</a> et des <a href="http://www.ellesbougent.com/partenaires/enseignement-superieur/">établissements d’enseignement supérieur</a>.</p>
<p>Comme pour d’autres métiers émergents, il y a une certaine « informalité ». Dans les limites de leur mandat et leur budget, les professionnels de la diversité font appel « à la carte » à des experts de ces réseaux selon les initiatives qu’ils souhaitent mettre en place. La légitimité des acteurs est également renforcée par leur appartenance à une <a href="https://www.afmd.fr">communauté de professionnels</a> aux caractéristiques distinctes dans les ressources humaines. Ce positionnement rend leur travail singulier et difficile à répliquer.</p>
<h2>Sentiment d’impuissance</h2>
<p>Or, des <a href="https://valeursetdeveloppement.com/responsable-diversite-une-fonction-a-risque/">études récentes</a> ont démontré que les professionnels de la diversité perçoivent des limitations dans leur entreprise pour mener à bien leurs missions et faire évoluer les mentalités et les pratiques de manière durable. Ils éprouvent parfois un sentiment d’impuissance et d’épuisement face à des résistances à tous niveaux. Certains s’angoissent même pour leur carrière car ils appréhendent être « casés » dans une fonction sans véritable pouvoir ou autonomie ni futurs débouchés.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/262389/original/file-20190306-100802-1ojrgbp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/262389/original/file-20190306-100802-1ojrgbp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/262389/original/file-20190306-100802-1ojrgbp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/262389/original/file-20190306-100802-1ojrgbp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/262389/original/file-20190306-100802-1ojrgbp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/262389/original/file-20190306-100802-1ojrgbp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/262389/original/file-20190306-100802-1ojrgbp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les études confirment que les organisations qui favorisent la diversité sont plus performances que les autres.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rawpixel/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces frustrations relèvent d’une part de la lutte pour obtenir des ressources et contre les structures existantes. Dans encore bien des entreprises, la fonction diversité n’est pas considérée comme stratégique. Elle est davantage établie sous la pression légale à traiter le sujet. La mission clé des professionnels de la diversité est de transformer les entreprises en remettant en cause leurs structures et leurs fonctionnements ainsi que les individus, ce qui suscite des tensions et des résistances. </p>
<p>Lorsque le management n’est pas pleinement impliqué et n’octroie pas les moyens financiers et autres pour cette transformation, les responsables diversité doivent relever seuls les défis. D’autre part, étant souvent des passionnés des sujets sur la diversité, ces professionnels ont tendance à se surinvestir. Le décalage entre leurs responsabilités et leur réel pouvoir à déclencher et faire perdurer de réels changements peut résulter en « charge mentale » lourde et le sentiment d’être comme des <a href="https://valeursetdeveloppement.com/responsable-diversite-une-fonction-a-risque/">« hamsters dans leur roue »</a>.</p>
<p>La résistance au changement est une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/14697017.2014.969755">réaction humaine normale</a> aux forces extérieures susceptibles de modifier les relations existantes, même lorsque ces situations ne sont pas nécessairement optimales. Cette résistance provient aussi bien des individus que des structures organisationnelles existantes, de la culture organisationnelle, ou encore de l’incompatibilité des objectifs des différents décisionnaires et parties prenantes.</p>
<h2>Comment lever les freins ?</h2>
<p>Pour promouvoir de tels changements et lever les freins qui les bloquent au quotidien, les responsables diversité peuvent agir de plusieurs manières. Ils peuvent s’appliquer à convaincre la hiérarchie de l’importance de leur mission pour le succès de l’entreprise, ainsi que travailler sur l’étendue de leurs propres ambitions, le temps nécessaire pour changer le statu quo, et leurs approches transformationnelles.</p>
<p>L’appui de la direction est <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/009102600002900106">important</a>, car elle valide les initiatives diversité et fournit l’accès aux ressources. Les responsables diversité peuvent ainsi construire un <a href="https://valeursetdeveloppement.com/responsable-diversite-une-fonction-a-risque/">« business case de la diversité »</a> qui à la fois s’aligne avec la stratégie de l’entreprise et met en évidence des dysfonctionnements auxquels leurs initiatives pourraient remédier. Ils peuvent aussi présenter des exemples de succès de leurs initiatives ou s’appuyer sur des bonnes pratiques déjà testées.</p>
<p>D’autre part, les responsables diversité peuvent revoir le contenu de leurs missions et les échéances qu’ils se sont fixées afin de les rendre plus réalistes et adaptés au stade d’avancement de leur entreprise dans ces thématiques. Ainsi, ils se repositionneraient plus en phase avec la structure et ses dirigeants, et pourraient ainsi obtenir des gains probablement plus modestes mais tout de même tangibles.</p>
<p>Enfin, les responsables diversité pourraient envisager les sujets à traiter, non comme concernant des groupes spécifiques d’employés, mais de manière <a href="https://www.afmd.fr/linclusion-dans-les-organisations-de-la-posture-la-pratique-synthese">transversale</a> afin d’identifier des problématiques communes. À cela s’ajouteraient une stimulation par les responsables diversité de la coopération et l’interdépendance des employés dans leurs projets ainsi que la recherche d’un équilibre entre respect pour les individus et culture commune. Des <a href="https://www.afmd.fr/linclusion-dans-les-organisations-de-la-posture-la-pratique-synthese">indicateurs</a> quantitatifs et qualitatifs pourraient mesurer les perceptions vis-à-vis de l’inclusion et le sentiment d’appartenance.</p>
<p>Pour qu’ils réussissent, les organisations devraient offrir aux responsables diversité reconnaissance et des moyens pour y parvenir, d’autant plus que le discours a déjà changé dans la société et que la diversité et l’inclusion sont devenues incontournables pour les entreprises de l’avenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110724/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Si les retombées des politiques de diversité ne sont plus à démontrer, ceux qui se chargent de les appliquer doivent encore lever certaines limites dans leur action.Maria Gribling, Assistant Professor of Management, SKEMA Business SchoolMark Smith, Dean of Faculty & Professor of Human Resource Management, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1107262019-02-10T23:22:09Z2019-02-10T23:22:09ZLes sept défis de la mobilité internationale<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/257472/original/file-20190206-174861-1nms94r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C10%2C980%2C655&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une expérience à l'étranger présente un certain nombre de risques qui peuvent compromettre son succès.</span> <span class="attribution"><span class="source">Zodiacphoto / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les entreprises multinationales et globales proposent fréquemment une expérience internationale à leurs gestionnaires talentueux, en mettant en avant des perspectives d’évolution de carrière. Pour ces entreprises, la mobilité internationale constitue un levier essentiel pour transmettre les valeurs de la firme et accompagner les acteurs locaux (filiales) dans le développement de leurs activités (transfert de compétences, expertises, contrôle des opérations, coordination).</p>
<p>Pourtant, en dépit d’avantages réciproques, la question de la mobilité internationale <a href="https://journals.openedition.org/formationemploi/3172">continue de diviser</a>, tant dans ses fondements que dans son impact réel sur la gestion de carrière des cadres ayant fait le choix de l’international. Une telle opportunité présente en effet un certain nombre de risques qui peuvent compromettre le succès de l’expérience.</p>
<p>Pour contourner ces obstacles et réussir cette expérience, nous avons identifié sept défis à relever pour tout collaborateur engagé dans une mobilité internationale, ainsi que les actions à prévoir pour chacune de ces dimensions. Voici les éléments de cette grille d’analyse.</p>
<p><strong>Variable contextuelle</strong></p>
<p>La première variable à prendre en compte est la variable contextuelle que l’on a trop souvent tendance à associer à la dimension culturelle (présentée ci-après), alors même qu’elle relève de caractéristiques distinctives. Cette variable se rapporte au contexte du pays d’accueil, au moment où le candidat à une mobilité internationale va y vivre et y travailler : stabilité/instabilité politique, niveau de richesse, conjoncture économique, moyens de transport et de communication, etc.</p>
<p><strong>Variable organisationnelle</strong></p>
<p>La variable organisationnelle s’intéresse quant à elle à la situation stratégique et managériale de l’entreprise et à ses liens avec le pays d’accueil (relation siège-filiales, collaborations antérieures, niveau de performance attendue, attentes du personnel local, etc.).</p>
<p>Sous-estimées, ces deux dimensions qui opèrent à différents niveaux peuvent fortement modifier la portée et la valeur d’une mobilité internationale, en pouvant annihiler les performances du candidat en proie à une situation potentiellement délicate. On voit par exemple que <a href="https://theconversation.com/chute-de-carlos-ghosn-les-raisons-de-la-colere-107536">« l’affaire Carlos Ghosn »</a> est en train de profondément changer la <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/0600197953872-renault-nissan-ou-la-crise-des-nationalismes-2224001.php">gestion internationale des ressources humaines</a> du groupe Renault (réorganisation interne et changement d’affectations).</p>
<p>Ainsi, les variables contextuelle et organisationnelle demandent une analyse méthodique et précise de la situation du pays et des relations siège-filiale. Dans ce domaine, une plus forte sensibilisation aux risques constitue le meilleur moyen d’établir un <a href="https://promettreenentreprise.wordpress.com/2016/01/19/la-notion-de-contrat-psychologique/">contrat psychologique</a> fiable entre l’employeur et son salarié (c’est-à-dire fondé sur les attentes implicites des deux parties), notamment en ce qui concerne les questions de sécurité et de protection sociale (couverture retraite, santé, prévoyance). Elle doit également donner lieu à une veille sur les caractéristiques du pays (géographie, histoire, contexte politique, conditions de travail et de vie, modes de vie, etc.), ainsi qu’à une analyse du rôle de la filiale dans la stratégie du groupe. Dans cette optique, des études et des visites sur site avant affectation peuvent se révéler efficaces.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/257475/original/file-20190206-174883-m9fgms.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/257475/original/file-20190206-174883-m9fgms.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/257475/original/file-20190206-174883-m9fgms.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/257475/original/file-20190206-174883-m9fgms.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/257475/original/file-20190206-174883-m9fgms.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/257475/original/file-20190206-174883-m9fgms.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/257475/original/file-20190206-174883-m9fgms.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les candidats à la mobilité doivent être sensibilisés aux risques à gérer dans le pays d’accueil.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Halfpoint/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><strong>Variable personnelle</strong></p>
<p>Le troisième défi à relever concerne la variable personnelle, c’est-à-dire les caractéristiques physiques et mentales d’une personne, qu’il s’agisse de sa personnalité (écoute, empathie, aisance relationnelle), de ses qualités physiques (énergie, résistance, santé), de ses attentes (réalisations, reconnaissance) ou de ses dispositions psychologiques (peur, angoisse, inhibitions), qui, si elles sont mal évaluées, peuvent transformer une opportunité en déconvenue. Il serait par exemple périlleux d’envoyer un collaborateur sujet au stress dans une zone à risques pour cause de révolution, d’attentats ou d’épidémies.</p>
<p><strong>Variable expérientielle</strong></p>
<p>La quatrième variable, expérientielle (histoire et vécu de l’individu), revient à apprécier de quelle manière les expériences du candidat peuvent éclairer sur sa capacité à s’adapter et à agir dans le cas d’une mobilité internationale.</p>
<p>La variable expérientielle peut ici être analysée à deux niveaux : d’abord sur un plan général, en étudiant le comportement de la personne dans certaines situations critiques (rapport aux risques, tolérance à l’incertitude, relation à la complexité, etc.) ; puis sur un plan plus spécifique, en lien avec le pays concerné (expérience antérieure, connaissance du pays, degré de proximité).</p>
<p>Concernant les variables personnelle et expérientielle, au-delà des formations classiques, le recours au coaching personnel (à distance ou en présentiel) peut être une solution pertinente en termes de suivi et d’accompagnement. De même, le mentoring, en tant qu’intervention d’un prédécesseur pouvant rendre compte de son vécu, de son expérience, de ses difficultés et mieux ressentir les appréhensions ou problèmes du candidat, peut s’avérer fort utile. Le coaching et le mentoring peuvent également être une aide précieuse pour sensibiliser le candidat à la « gestion du retour », facteur fréquent d’insatisfaction.</p>
<p><strong>Variable familiale</strong></p>
<p>La variable familiale est directement associée à la sphère intime du candidat (situation maritale, enfants, carrière du conjoint, soutien psychologique de l’entourage). Elle constitue un enjeu essentiel, qui a fait l’objet d’une attention accrue ces dernières années, face au défi des couples à double carrière (où chacun des conjoints souhaite mener une carrière prometteuse). La variable familiale pose aussi la question cruciale du logement, des soins de santé et d’éducation des enfants qui, en fonction du pays, peuvent s’avérer un problème.</p>
<p>Cette dimension doit donc être traitée avec le plus grand soin, en mettant en place une assistance logistique et administrative au service du collaborateur et de sa famille (agence de relocation, mise en relation avec des organismes et associations, démarches d’inscription, etc.), à l’instar de ce que pratique par exemple l’<a href="https://www.myrhline.com/actualite-rh/quels-outils-rh-pour-preparer-ses-equipes-a-la-mobilite-internationale.html">enseigne Leroy Merlin</a>.</p>
<p><strong>Variable culturelle</strong></p>
<p>Une autre variable sur laquelle nombre d’experts insistent à juste titre est la dimension culturelle. En effet, comme l’ont montré des chercheurs éminents (à l’instar d’<a href="https://www.hofstede-insights.com/product/compare-countries/">Hofstede</a> ou de <a href="https://www.mindtools.com/pages/article/seven-dimensions.htm">Trompenaars</a>), elle témoigne de la difficulté pour tout nouvel arrivant à s’adapter à une nouvelle culture, que cela soit pour des raisons de représentation du monde (rapport au temps et à l’espace), de traditions, de modes de vie, de pratiques religieuses, de relation à la société (distance hiérarchique, système de valeur, relation à l’autre).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/257474/original/file-20190206-174873-15o13v1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/257474/original/file-20190206-174873-15o13v1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/257474/original/file-20190206-174873-15o13v1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/257474/original/file-20190206-174873-15o13v1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/257474/original/file-20190206-174873-15o13v1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/257474/original/file-20190206-174873-15o13v1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/257474/original/file-20190206-174873-15o13v1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Certaines expériences demandent de se conformer à codes de communication bien particuliers.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Imtmphoto/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><strong>Variable linguistique</strong></p>
<p>La variable culturelle doit être enrichie et complétée par une septième variable qui mérite d’être étudiée en tant que telle : la variable linguistique. Là encore, ce serait une erreur de confondre ces variables qui renvoient fondamentalement à des logiques et à des considérations différentes. Alors que la variable culturelle permet d’étudier les proximités en termes de croyances, de valeurs et de comportements, la variable linguistique va davantage apprécier la capacité du candidat à maîtriser les subtilités d’une communication au quotidien (humour, connotations, ironie, références historiques ou cinématographiques), qui va bien au-delà du simple langage (idiomes, expressions, intonations, accents, choix des mots, etc.) et favorise l’intégration du collaborateur.</p>
<p>En ce qui concerne ces questions culturelles et linguistiques, la mise en place de formations sous forme de simulation/mise en situation, sont particulièrement importante, pour dépasser la barrière de la langue et faire face au choc culturel. Ces formations peuvent à la fois s’opérer en amont mais également pendant la mobilité (formations séquentielles), afin de véritablement accompagner les cadres dans leurs missions.</p>
<p>Il existe donc des solutions face aux sept grandes difficultés que peut rencontrer un candidat à la mobilité internationale. Des difficultés qu’il s’agit de considérer dans leur ensemble. En effet, l’agrégation en elle-même de ces défis constitue un obstacle de taille à une mobilité internationale, et la difficulté majeure reste sans doute avant tout le caractère multidimensionnel de ces politiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110726/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Meier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Cet article récapitule les sept principales difficultés que peut rencontrer un cadre engagé dans une mobilité internationale, ainsi que les actions à prévoir pour les surmonter.Olivier Meier, PROFESSEUR DES UNIVERSITES, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1088982019-01-03T00:22:45Z2019-01-03T00:22:45ZQuand des cadres réparent l’ascenseur social<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/250800/original/file-20181216-185237-hqi5iz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C25%2C1920%2C1204&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">Matthew Oliver, NQT Centquatre </span></span></figcaption></figure><p><em><strong>Un entrepreneur, Yazid Chir, choqué face à la résignation et la honte des diplômés des quartiers difficiles devant qui toutes les portes se ferment, lance une idée : pourquoi ne pas faire parrainer ces jeunes par des cadres ? L’ampleur du succès de cette initiative montre comment les entreprenants peuvent réinventer notre monde.</strong></em></p>
<h2>L’école de la honte</h2>
<p>Le diagnostic est connu depuis longtemps. En France, l’ascenseur social est cassé et poursuivre des études ne garantit pas de s’élever dans la société. Pire, pour les diplômés des universités issus des quartiers, cela ne garantit même pas une insertion digne dans la société. Fabrique-t-on trop de diplômés ? Les entreprises pratiquent-elles une ségrégation sur des critères inavouables ? Les diplômes des universités sont-ils à ce point sans valeur par rapport à ceux des grandes écoles ?</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/250799/original/file-20181216-185264-1p7q1ao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/250799/original/file-20181216-185264-1p7q1ao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/250799/original/file-20181216-185264-1p7q1ao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/250799/original/file-20181216-185264-1p7q1ao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/250799/original/file-20181216-185264-1p7q1ao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/250799/original/file-20181216-185264-1p7q1ao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/250799/original/file-20181216-185264-1p7q1ao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Matthew Oliver, NQT Centquatre.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce gâchis conduit bien entendu à des situations humaines dramatiques. C’est ce que découvre en 2005 Yazid Chir, entrepreneur et président du Medef 93, lorsqu’il rencontre un jeune Français d’origine centrafricaine né à Saint-Denis et titulaire de deux masters. Ne trouvant rien à son niveau, il cache ses diplômes pour postuler à des jobs alimentaires. <a href="https://www.lajauneetlarouge.com/article/une-rencontre-avec-yazid-chir-president-de-nqt#.XA0RJydCdT1">Cela choque Yazid Chir</a>, né à Saint-Ouen d’un père chauffeur de taxi et d’une mère qui gardait des enfants, et qui après un BTS de micromécanique, a occupé différents emplois dans l’industrie avant de créer son entreprise.</p>
<blockquote>
<p>« Quand je l’ai rencontré, il avait perdu toute confiance en lui. Il avait honte devant les amis de son quartier et devant sa famille qui s’était saignée pour lui payer des études supérieures ».</p>
</blockquote>
<p>L’installation de grandes entreprises près du Stade de France, après la Coupe du Monde de football 1998 n’arrange rien : elles n’embauchent guère dans le bassin d’emploi qui leur tend les bras. À quoi cela sert-il de poursuivre des études si les meilleurs élèves n’ont pas accès à ces entreprises ? Que reste-t-il comme espoir ?</p>
<h2>Le refus de la fatalité</h2>
<p>Yazid Chir et Raynald Rimbault, délégué général du Medef 93, lancent alors une expérience de parrainage. Un jeune diplômé est pris en charge par un cadre d’entreprise, non pas pour le recruter, mais pour le conseiller et lui faire bénéficier de son réseau. Ils font un test avec 200 jeunes de niveau bac +4 et plus, en mobilisant les entreprises du département. Les résultats dépassent leurs espérances, avec 60 % de recrutements en six mois. Les bénéfices en matière d’estime de soi, de fierté de leur famille et d’espoir retrouvé sont considérables.</p>
<p>Début 2006, encouragés par le préfet de Seine-Saint-Denis et Laurence Parisot, présidente du Medef, ils créent l’association Nos Quartiers ont des Talents, qui propose à des entreprises mécènes de mettre à disposition des cadres pour parrainer ces jeunes dans leur recherche d’emploi, sans engagement de recrutement direct.</p>
<h2>L’art du parrainage</h2>
<p>L’association développe progressivement un savoir-faire du parrainage. Elle s’attache à assortir les jeunes et les parrains ou marraines. Elle prépare ces derniers à leur rôle : améliorer les CV des jeunes, les aider à préparer un entretien, ouvrir leur réseau, travailler à la confiance en soi, etc. Elle a élaboré un guide du parrainage, mis en place une plate-forme en ligne et une équipe permanente pour aider les parrains. Des réunions de lancement sont organisées pour répondre aux questions des nouveaux.</p>
<p>L’association prépare également les jeunes en organisant des visites d’entreprises, des sessions de découverte de métiers ou de secteurs, des ateliers sur les méthodes de recherche d’emploi, etc. Elle est attentive à la régularité et à la qualité de la relation entre les parrains et les jeunes, qu’elle rencontre régulièrement séparément.</p>
<p>Aux dires de <a href="https://www.lajauneetlarouge.com/article/nqt-le-reseau-des-entreprises-pour-legalite-des-chances#.XAkGGBNKg0Q">chercheurs en gestion de l’École polytechnique</a>, ce dispositif a réussi à faire quelque chose de très difficile : réaliser du sur-mesure à grande échelle. La singularité de chacun est en effet traitée avec soin. Rebaptisée <a href="http://www.nqt.fr/">NQT</a>, l’association ne se limite plus aux quartiers difficiles. Elle étend son périmètre aux territoires ruraux isolés et essaime dans toute la France et outre-mer. Depuis 2006, 45 705 diplômés ont été accompagnés par 11 710 parrains et 930 entreprises et partenaires adhérents. 70 % des jeunes trouvent un emploi dans les six mois. Sur le site de NQT, de nombreux témoignages de jeunes et de parrains montrent l’étonnante énergie qui anime cette association.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/CGc78QKzDhY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<h2>Des relations qui font sens</h2>
<p>Un phénomène frappe dans cette expérience : l’engouement qu’elle rencontre chez les cadres, ce qui peut étonner pour des personnes qui se plaignent de leur surcharge d’activité. Ainsi, l’opération permet-elle aux entreprises partenaires d’afficher une activité valorisante dans leur bilan social et environnemental, mais aussi d’offrir à leurs cadres, que les études décrivent comme étant de plus en plus désabusés, une gratification inattendue et inestimable.</p>
<p>Au fil des rencontres, ils nouent des relations avec un jeune, souvent d’une origine très différente de la leur. Ils développent une empathie, se passionnent pour ses projets et pour son avenir. L’émotion qui les saisit lorsque le jeune trouve une issue à sa galère montre à quel point les parrains trouvent du sens à cette relation.</p>
<h2>Un investissement en capital social ?</h2>
<p>Comment expliquer que des cadres d’entreprises parviennent à donner aux diplômés les clés d’un emploi que ni les enseignants ni les conseillers de Pôle emploi n’ont réussi à leur donner ? Les jeunes sont des virtuoses des réseaux sociaux, mais n’ont comme « amis » que ceux qui leur ressemblent. Ce réseau ne leur permet donc pas de s’insérer dans le monde économique. Leurs enseignants leur ont transmis des connaissances théoriques, mais n’ont pas partagé avec eux leurs réseaux de relations (d’ailleurs, probablement aussi peu utiles). Plus le candidat est éloigné des schémas mentaux des recruteurs, plus le travail de connexion doit être axé sur la mise en confiance.</p>
<p>Il est important que le jeune diplômé ait davantage confiance en lui et qu’il connaisse les codes sociaux, mais ce qui est déterminant est le fait que son parcours d’entraide lui procure des références rassurant l’employeur potentiel. Il s’agit finalement ici d’un petit « pécule de capital social », qui selon <a href="http://www.sietmanagement.fr/theories-du-capital-social-le-capital-symbolique-p-bourdieu/">Bourdieu</a> ouvre bien des portes. À l’heure où les entreprises investissent à l’envi dans les start-up, les cadres parrains de NQT investissent, eux, un peu de leur capital social et en retirent une gratification personnelle et sociale pleine de sens.</p>
<h2>Économique et social : même combat</h2>
<p>L’aventure NQT illustre <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/entendez-vous-leco/entendez-vous-leco-du-jeudi-17-janvier-2019">plusieurs aspects de l’entrepreneuriat réinventé</a> que nous cherchons à faire connaître à l’École de Paris du management et dans cette chronique. Devant une situation insupportable, l’entrepreneur Yazid Chir a fait ce qu’il sait faire le mieux : refuser la fatalité, mobiliser ses réseaux, trouver le chemin. Il a fait sur le terrain social ce qu’il sait faire sur le terrain économique. Une telle envie de changer le monde est communicative et, rapidement, fleurissent de nouveaux entreprenants sur des terrains jusque-là stériles. La surprise est toujours la même. Comment ne pas y avoir pensé plus tôt ? Pourquoi ne pas essayer ailleurs ?</p>
<p>Pour en savoir plus, voir <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/1169-nos-quartiers-ont-des-talents-une-association-nous-le-prouve">Nos quartiers ont des talents, une association nous le prouve</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108898/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et animateur du Jardin des entreprenants</span></em></p>Yazid Chir, choqué par la résignation et la honte des diplômés des quartiers difficiles devant qui les portes se ferment, lance avec succès un parrainage des diplômés par des cadres.Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.