tag:theconversation.com,2011:/us/topics/climatoscepticisme-61749/articlesclimatoscepticisme – The Conversation2024-01-10T18:59:43Ztag:theconversation.com,2011:article/2186392024-01-10T18:59:43Z2024-01-10T18:59:43ZPourquoi le climatoscepticisme séduit-il encore ?<p>C’est un paradoxe de notre époque : alors que les effets du changement climatique sont de plus en plus couverts par les médias et n’ont jamais été aussi saillants pour les populations, le climatoscepticisme reprend lui des forces au gré de l’actualité climatique. D’après un sondage mené par Ipsos et le Cevipof en 2023, ce sont <a href="https://vert.eco/articles/la-france-compte-desormais-plus-de-40-de-climatosceptiques-et-cest-une-catastrophe">43 % de Français</a> qui refusent de « croire » au réchauffement du climat.</p>
<p>Plusieurs fois annoncé comme dépassé ou cantonné à des sphères complotistes, le climatoscepticisme n’en finit pas de se régénérer. Si les origines de ce courant remontent aux États-Unis, il prospère chez nous aujourd’hui via des incarnations bien françaises, comme l’a montré le <a href="https://www.france.tv/france-5/la-fabrique-du-mensonge/la-fabrique-du-mensonge-saison-3/5359662-au-c%C3%BAur-du-deni-climatique.html">récent documentaire</a> La Fabrique du mensonge sur le sujet. Tâchons-donc de revenir un peu en arrière pour comprendre le succès actuel de ces discours niant le dérèglement climatique.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/_NhyGHon198?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Extrait du plateau télévisé suivant la diffusion du documentaire La Fabrique du Mensonge : au cœur du déni climatique.</span></figcaption>
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<h2>L’éternel retour du climatoscepticisme</h2>
<p>Dans les années 1980, aux États-Unis, l’émergence et la propagation d’une « contre-science » du climat ont résulté de la <a href="https://academic.oup.com/socpro/article-abstract/47/4/499/1678313?redirectedFrom=fulltext">mobilisation de think tanks</a> liés au parti républicain et au lobbying de grandes entreprises, principalement dans le secteur de la production pétrolière, en s’inspirant par ailleurs des <a href="https://philpapers.org/rec/OREMOD">pratiques de l’industrie du tabac</a>.</p>
<p>Le terme de « climatoscepticisme » est, à cet égard, lui-même aussi trompeur que révélateur : en liant « climat » et « scepticisme », le terme donne l’impression d’une posture philosophique vertueuse (notamment la remise en question critique et informée), et induit en erreur. Car il s’agit ici bien moins de scepticisme que de déni, voire de cécité absolue vis-à-vis de faits scientifiques et de leurs conséquences, comme le rappelle le <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/19/le-climatoscepticisme-n-a-rien-a-voir-avec-le-scepticisme_6201047_3232.html">philosophe Gilles Barroux</a>.</p>
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<p>Mais qu’importe : au moment de l'accord de Paris et du consensus de plus en plus large sur le climat, le climatoscepticisme semblait réduit à portion congrue : en France, en 2019, la Convention citoyenne pour le climat montrait que le sujet pouvait être pris au sérieux tout en donnant lieu à des expérimentations démocratiques. Puis en août 2021, la loi « Climat et résilience » semblait ancrer un acte politique symbolique important, bien qu’insuffisant.</p>
<p>Pourtant, malgré ces évolutions politiques, le climatoscepticisme prospère aujourd’hui en s’éloignant de son incarnation et champ originel, puisqu’il constitue désormais une forme de discours, avec ses codes, <a href="https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2012-2-page-47.htm">ses représentations et ses récits</a>. C’est précisément en cela qu’il est si dangereux : du point de vue linguistique, narratif et sémantique, il utilise des ressorts hélas efficaces, qui ont pour objectif d’instiller le doute (a minima) ou l’inaction (a maxima).</p>
<p>Plus clairement, les sphères climatosceptiques vont par exemple utiliser des termes aux charges sémantiques équivoques (climatorassurisme, climatoréalisme…), remettre en question la véracité des travaux du GIEC, mettre en exergue les variations du climat à l’échelle du temps géologique (la Terre ayant toujours connu des périodes plus ou moins chaudes ou froides), ou bien encore expliquer que toute action mise en œuvre pour lutter contre le changement climatique relèverait en fait de l’autoritarisme liberticide. En d’autres termes, le doute est jeté sur tous les domaines, sans distinction.</p>
<p>De ce point de vue, il est important de noter que le climatoscepticisme peut prendre <a href="https://www.cairn.info/revue-mots-2021-3.htm">plusieurs formes</a> : déni de l’origine anthropique du réchauffement, mise en exergue de prétendus cycles climatiques, remise en cause du rôle du CO<sub>2</sub> ou technosolutionnisme chevronné sont autant de variables qui donnent sa redoutable vitalité au climatoscepticisme.</p>
<p>Mais que cachent les discours climatosceptiques ? Outre les intérêts économiques, on retrouve également la préservation d’un ordre social et de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0191886916302732">systèmes de domination spécifiques</a> : domination de l’Homme sur ce que l’on appelle abusivement la « Nature » (incluant les autres espèces, l’intégralité de la biodiversité et les ressources), exploitation des ressources nécessaires à l’activité industrielle et économique, mais aussi domination de certaines communautés sur d’autres – notamment parce que les <a href="https://wires.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/wcc.232">femmes</a> ou les <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/hypatia/article/abs/indigenous-women-climate-change-impacts-and-collective-action/3BADDAE0666754D0BDFDCEEA5B8505AF">populations indigènes</a> sont plus vulnérables au changement climatique, tout en représentant également les populations les plus promptes à proposer des innovations pour contrer ses impacts.</p>
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<img alt="Tag de l’artiste Banksy à Camden en Grande-Bretagne,dénonçant le réchauffement climatique, où l’on peut voir les lettres " src="https://images.theconversation.com/files/561900/original/file-20231127-26-qku3yz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/561900/original/file-20231127-26-qku3yz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/561900/original/file-20231127-26-qku3yz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/561900/original/file-20231127-26-qku3yz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/561900/original/file-20231127-26-qku3yz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/561900/original/file-20231127-26-qku3yz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/561900/original/file-20231127-26-qku3yz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tag de l’artiste Banksy à Camden en Grande-Bretagne,dénonçant le réchauffement climatique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/dullhunk/14205015878">Dunk/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<h2>L’efficacité du climatoscepticisme : le secret de sa longévité ?</h2>
<p>Au-delà de sa pérennité, les recherches ont montré à quel point le climatoscepticisme restait efficace pour <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09644016.2018.1439353">retarder l’action politique</a>. Il ne s’agit pas ici de dire que la classe politique est climatosceptique, mais qu’un certain nombre d’acteurs climatosceptiques finissent par diffuser des discours qui font hésiter les décideurs, retardent leurs actions ou font douter quant aux solutions ou alternatives à mettre en place. La France n’échappe pas à <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/1461670X.2011.646395">cette tendance</a> : entre les coups médiatiques de Claude Allègre, <a href="https://journals.openedition.org/aad/4747">l’accueil de Greta Thunberg</a> à l’Assemblée nationale ou encore les incursions de divers acteurs climatosceptiques (se désignant eux-mêmes comme <a href="https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2012-2-page-47.htm">climatoréalistes ou climatorassuristes</a>), le paysage médiatique, politique et citoyen se retrouve régulièrement pollué par ce type de discours.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1153614733720858624"}"></div></p>
<p>Doté de solides ressources financières, ce mouvement a pu contester les résultats scientifiques dans la sphère publique, afin de maintenir ses objectifs économiques et financiers. Le GIEC en a, par ailleurs, fait les frais de <a href="https://centaur.reading.ac.uk/65823/">manière assez importante</a> – et encore aujourd’hui ; régulièrement en effet, des scientifiques du GIEC comme Jean Jouzel ou Valérie Masson-Delmotte, qui se sont engagés pour porter de manière pédagogique les travaux collectifs dans l’espace médiatique, se sont retrouvés la cible de critiques, notamment sur la véracité des données traitées, ou la raison d’être financière du groupement scientifique mondial. Cela est notamment régulièrement le cas sur les réseaux sociaux, comme le montrent les <a href="https://hal.science/hal-03986798/">travaux de David Chavalarias</a>.</p>
<h2>Climatoscepticisme : les raisons d’un succès</h2>
<p>Au-delà de ces constats informatifs, une question émerge : pourquoi sommes-nous si prompts à embrasser, de près ou de loin, certaines thèses climatosceptiques ? Pourquoi cette forme de déni, souvent mâtinée de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/2053168017743105">relents complotistes</a>, parvient-elle à se frayer un chemin dans les sphères médiatiques et politiques ?</p>
<p>Pour mieux comprendre cet impact, il faut prendre en considération les enjeux sociaux liés au réchauffement climatique. En effet, cette dimension sociale, voire anthropologique est capitale pour comprendre les freins de résistance au changement ; si la réaction au changement climatique n’était qu’affaire de chiffres et de solutions techniques, il y a longtemps que certaines décisions auraient été prises.</p>
<p>En réalité, nous avons ici affaire à une difficulté d’ordre culturel, puisque c’est toute notre vie qui doit être réorganisée : <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0959378001000280">habitudes de consommation</a> ou <a href="https://wires.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/wcc.327">pratiques quotidiennes</a> sont concernées dans leur grande diversité, qu’il s’agisse de l’utilisation du plastique, de la production de gaz à effet de serre, du transport, du logement ou de l’alimentation, pour ne citer que ces exemples.</p>
<p>Le changement est immense, et nous n’avons pas toujours les ressources collectives pour pouvoir y <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10584-008-9520-z">répondre</a>. De plus, comme le rappelle le <a href="https://www.degruyter.com/document/doi/10.1515/arcadia-2023-2008/html">philosophe Paul B. Preciado</a>, nous sommes dans une situation d’addiction vis-à-vis du système économique et industriel qui alimente le changement climatique ; et pour faire une analogie avec l’addiction au tabac, ce ne sont jamais la conscience des chiffres qui mettent fin à une addiction, mais des expériences ou des récits qui font prendre conscience de la nécessité d’arrêter, pour aller vite. Cela étant, le problème est ici beaucoup plus structurel : s’il est aisé de se passer du tabac à titre individuel, il est beaucoup plus compliqué de faire une croix sur le pétrole, à tous les niveaux.</p>
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<img alt="Manifestation où l’on peut voir une pancarte : System change not climate change." src="https://images.theconversation.com/files/561907/original/file-20231127-29-7z7zkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/561907/original/file-20231127-29-7z7zkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/561907/original/file-20231127-29-7z7zkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/561907/original/file-20231127-29-7z7zkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/561907/original/file-20231127-29-7z7zkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/561907/original/file-20231127-29-7z7zkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/561907/original/file-20231127-29-7z7zkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La peur de changement systémique, notamment mis en avant par les militants écologiques, raison d’être du climatosceptisme ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/doucy/48806738211">Chris Yakimov/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<p>Paradoxalement, c’est au moment où les effets du changement climatique sont de plus en plus couverts par les médias que le climatoscepticisme reprend des forces, avec une <a href="https://vert.eco/articles/la-france-compte-desormais-plus-de-40-de-climatosceptiques-et-cest-une-catastrophe">population de plus en plus dubitative</a>. Ce qui paraît paradoxal pourrait en réalité être assez compréhensible : c’est peut-être précisément parce que les effets sont de plus en plus visibles, et que l’ensemble paraît de plus en plus insurmontable, que le déni devient une valeur refuge de plus en plus commode. Il s’agirait alors d’une <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/12/2/9/14558/A-General-Theory-of-Climate-Denial">forme d’instinct de protection</a>, qui permettrait d’éviter de regarder les choses en face et de préserver un mode de vie que l’on refuse de perdre.</p>
<p>Si le climatoscepticisme nous informe sur nos propres peurs et fragilités, il est aussi symptomatique du manque de récits alternatifs qui permettraient d’envisager l’avenir d’une toute autre manière. En effet, pour le moment, nous semblons penser la question du changement climatique avec le logiciel politique et économique du XXè siècle. Résultat : des récits comme le climatoscepticisme, le greenwashing, le technosolutionnisme (le fait de croire que le progrès technique règlera le problème climatique), la collapsologie ou encore le colibrisme (le fait de tout faire reposer sur l’individu) nous piègent dans un archipel narratif confus, qui repose plus sur nos croyances et notre besoin d’être rassurés, que sur un avenir à bâtir.</p>
<p>De fait, le climatoscepticisme prospère encore car il est le symptôme d’autodéfense d’un vieux monde qui refuse de mourir. Sans alternative désirable ou réaliste, alors que nos sociétés et nos économies sont pieds et poings liés par la dépendance aux énergies fossiles, nos récits sont condamnés à tourner en rond entre déni, faux espoirs et évidences trompeuses.</p>
<p>C’est bien là tout le problème : si les chiffres sont importants pour se rendre compte de l’importance du changement et de ses conséquences (y compris pour mesurer les fameux franchissements des limites planétaires), ce n’est pas avec des chiffres seuls que l’on met en mouvement les sociétés et les politiques. Les tenants du climatoscepticisme ont parfaitement compris cette limite, en nous proposant les certitudes confortables d’un vieux monde inadapté, face aux incertitudes paralysantes d’un avenir qui sera radicalement différent du monde que nous connaissons, mais que nous avons le choix de pouvoir écrire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218639/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Albin Wagener ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À l'heure où les effets du dérèglement climatique n'ont jamais été aussi prégnants, le climatoscepticisme prospère. Comment expliquer cet apparent paradoxe ?Albin Wagener, Chercheur associé l'INALCO (PLIDAM) et au laboratoire PREFICS, Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2188672023-12-06T17:42:10Z2023-12-06T17:42:10ZDérèglement climatique : une fracture générationnelle, vraiment ?<p>Le <a href="https://www.la-croix.com/planete/mobilisation-climat-est-elle-affaire-jeunes-2023-09-12-1201282361">discours commun</a> dépeint les <a href="https://theconversation.com/topics/jeunes-21920">jeunes</a> comme très largement mobilisés pour le <a href="https://theconversation.com/topics/environnement-21017">climat et l’écologie</a> tandis que les plus âgés poursuivraient leurs actions polluantes et se désintéresseraient du <a href="https://theconversation.com/topics/changement-climatique-21171">dérèglement climatique</a>. Vraiment ?</p>
<p>La dernière livraison de l’étude <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/fractures-francaises-2023-tableau-dune-france-en-colere">« Fractures françaises »</a>, déjà évoquée dans un <a href="https://theconversation.com/si-la-societe-francaise-deprime-est-ce-vraiment-la-faute-aux-vieux-217106">précédent article</a>, montre que 57 % de la population est consciente de la réalité du changement climatique dû à l’activité humaine. Cela reste assez modeste au regard du consensus scientifique et médiatique et de ce que le pays a traversé comme événements météorologiques ces dernières années. Ce taux tend même à diminuer, puisqu’en 2022, on comptait 61 % de convaincus.</p>
<p>En termes d’âge, les écarts sont significativement peu significatifs en la matière, contrairement au niveau d’éducation. La formulation de la question est toujours un élément à prendre en compte pour comparer les réponses données par les sondeurs. Aussi, dans une <a href="https://www.institut-viavoice.com/dereglement-climatique-et-societe-enquete-viavoice-septembre-2023/">autre étude</a>, à la question très fermée « Diriez-vous que le réchauffement climatique est un fait scientifique incontestable ? », 70 % des Français répondent par l’affirmative. Ce score n’est que de 59 % pour ceux qui ont niveau de formation inférieur au bac et 76 % pour ceux qui disposent d’un niveau au-delà du bac. 17 points d’écart.</p>
<p>De même si 10 % de la population ne sait pas répondre à cette question, le chiffre passe de 5 % dans les catégories supérieures à 15 % chez les CSP-. Surtout, parmi les 70 % ayant répondu par l’affirmative, 55 % déclarent que c’est « avant tout lié aux activités humaines ». Là encore, l’effet formation est prégnant : le taux de réponse positive passe de 46 % à 60 %, selon le niveau scolaire.</p>
<p>Sur de nombreux autres thèmes, l’effet âge ne semble pas toujours le facteur explicatif le plus percutant.</p>
<h2>Qui doit agir ?</h2>
<p>Au-delà de la prise de conscience, la question se pose de qui doit faire des efforts. Selon l’étude <em>Fractures Françaises</em>, 67 % des Français sont d’accord avec l’idée de « modifier en profondeur les modes de vie », les moins de 35 ans étant un peu plus convaincus avec 71 % d’accord contre 66 % chez les seniors. En revanche, les écarts sont plus forts s’il s’agit de « demander des sacrifices financiers ». Si 56 % des moins de 35 ans se disent en accord avec cette proposition, on chute à 41 % chez les plus de 60 ans.</p>
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<p>À la question de savoir quel est le levier le plus efficace pour limiter le changement climatique, les « changements dans les modes de production des entreprises » sont mis en avant par 36 % de la population. Avec à nouveau des différences très notables en termes d’âge et de catégorie sociale : 40 % des moins de 35 ans sont de cet avis contre seulement 31 % des seniors. 38 % des cadres et 43 % des professions intermédiaires partagent cet avis, contre seulement 32 % des ouvriers et 29 % des retraités.</p>
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<p><iframe id="oH6Ge" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/oH6Ge/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’espoir mis dans la science reste très réduit avec 15 % de la population « votant » pour le progrès technique. Les jeunes un peu plus, à 18 % et les 35-59 ans, bien moins, à 13 %. Les seniors étant à 15 %. À noter qu’en termes de catégorie sociale, les plus confiants dans les capacités d’innovation scientifique sont les ouvriers (18 %).</p>
<h2>Points de convergence</h2>
<p>Si des différences entre <a href="https://theconversation.com/fr/topics/generations-39137">générations</a> existent parfois, elles restent néanmoins peu significatives sur un grand nombre de questions. Ainsi à propos de l’idée de changer ses modes de vie, pour 68 % de la population, « ce n’est pas aux Français de faire des efforts », mais aux entreprises ou à l’État. Notons que 70 % des moins de 35 ans défendent cette ligne contre 66 % des seniors. Quel que soit l’âge, c’est mieux si c’est le voisin, l’État ou les entreprises qui se bougent…</p>
<p>Pour autant, selon l’étude <a href="https://www.lecese.fr/actualites/le-rapport-annuel-sur-letat-de-la-france-le-cese-adopte-lavis">« État de la France »</a> du Conseil économique social et environnemental (Cese), 80 % de la population déclarent que « minimiser son impact personnel est une réelle préoccupation » ; 33 % affirment même qu’elle est très importante. Les moins de 35 ans s’accordent à 83 % sur cette affirmation (32 % très important), les plus de 60 ans, sont à 82 % sur la même ligne (34 % très important).</p>
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<p>La vraie distinction réside entre hommes et femmes, ces dernières étant 84 % à être préoccupées contre 76 % chez les hommes. Un écart de 8 points.</p>
<p>Certes, les actions les plus prisées pour minimiser son impact personnel restent celles les moins coûteuses (90 % disent avoir adopté, ou pensent le faire, des gestes de l’économie circulaire ou encore 81 % ont modifié ou vont le faire leurs habitudes de consommation).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1702688573340753958"}"></div></p>
<p>Concernant des actions plus onéreuses, l’âge prend largement le dessus par rapport aux différences de sexe ou de catégories sociales, mais dans des directions diverses. Ainsi, si 64 % de la population affirment avoir ou prévoir des travaux de rénovation thermique, les seniors sont 67 % dans ce cas et les moins de 35 ans, 52 %. Une différence de 15 points. Le fait d’être ou non propriétaire de son logement – qui est fortement corrélé à l’âge – joue cependant certainement dans la réponse.</p>
<p>À l’inverse, si 34 % des Français disent disposer ou souhaiter acquérir un véhicule électrique, les moins de 35 ans s’inscrivent à 41 % dans cette optique, contre seulement 26 % des seniors. Encore un écart de 15 points. Sans doute que, la situation géographique et l’éloignement des centres urbains – plus prononcés chez les seniors que chez les moins de 35 ans-influence-t-elle la réponse.</p>
<h2>Des facteurs plus puissants que l’âge</h2>
<p>Selon l’étude ViaVoice, si 63 % de la population s’estime bien informée à propos du dérèglement climatique, il y a une différence de 31 points entre les cadres (80 %) et les ouvriers qui sont seulement 49 % de cet avis. Le niveau de formation influe aussi très directement sur le sentiment d’être bien informé : 52 % pour les personnes disposant d’un diplôme inférieur au bac et 70 % pour ceux qui ont plus que le bac. Rappelons que les anciennes générations ont vécu à un moment où l’accès au bac restait fort limité.</p>
<p>Au-delà, si 80 % de la population se dit à titre personnel intéressés par les questions liées au dérèglement climatique, seulement 37 % se disent très intéressés, 47 % pour les plus de 65 ans. Notons aussi que 79 % de la population s’inquiète des conséquences du dérèglement climatique, c’est-à-dire plus que les gens qui estiment que ce phénomène est prouvé scientifiquement… L’écart en termes d’inquiétude ne relève pas de l’âge mais d’abord de la catégorie sociale : les cadres sont 89 % dans ce cas, contre 76 % des CSP-. Une différence de 13 points.</p>
<p>Par ailleurs, chez ceux qui reconnaissent l’existence du dérèglement climatique, 44 % estiment savoir ce qu’ils pourraient faire à leur niveau pour « lutter encore plus contre le dérèglement climatique ». Si 31 % des plus de 65 ans sont de cet avis, les plus jeunes ont beaucoup moins de doutes. Ils sont 52 % à être convaincus de ce qu’il faut faire. Un écart de 21 points.</p>
<p><iframe id="87bD3" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/87bD3/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Est-ce la traduction d’une plus grande compétence et implication des plus jeunes, ou le témoignage d’une plus grande modestie des plus âgés ? Différentes études ont montré que les différentes générations ne donnent pas nécessairement la même valeur écologique aux mêmes gestes.</p>
<p>Le plastique est par exemple bien plus <a href="https://www.mysweetplanete.com/2019/12/27/91-des-moins-de-35-ans-se-disent-inquiets-a-cause-de-la-pollution-plastique/">mal vu par les jeunes</a> que par les anciennes générations pour qui ce fut un gain d’usage et un symbole de modernité. Autre exemple, se déplacer en trottinette électrique apparaît pour les moins de 35 ans à la fois comme un acte fort en termes de symbolique écologique et une manière de se déplacer moderne et facile. Pour les plus âgés, elle est vue comme un danger pour le piéton et une <a href="https://www.leparisien.fr/info-paris-ile-de-france-oise/transports/trottinettes-en-libre-service-a-paris-les-jeunes-les-plebiscitent-les-plus-de-45-ans-sen-mefient-27-09-2022-FRAQBXLVD5HQZFOMZ6JNQ3VGEA.php">prise de risque dans l’usage</a>, pour un bénéfice environnemental discutable comparé à la marche à pied ou au transport en commun. L’imaginaire joue bien son rôle.</p>
<p>Savoir ou faire ? Selon ViaVoice, ceux qui reconnaissent la réalité du dérèglement climatique sont 65 %, seulement, à vouloir agir davantage, dont 16 % à répondre « oui tout à fait ». La variable formation apparaît discriminante puisque ce volontarisme passe de 56 % pour les « bac – » à 70 % pour les « bac + ».</p>
<p>L’âge joue assez sensiblement sur les imaginaires liés aux questions climatiques mais le niveau d’éducation, la situation sociale et le sexe sont, en fonction des thèmes, des critères souvent bien plus puissants. La réussite de la transition énergétique ne passera pas par un imaginaire d’opposition entre les générations, mais de la capacité à proposer, à la fois un récit commun, et des politiques de soutien adaptées aux conditions sociales et aux modes de vie des personnes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218867/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Serge Guérin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le facteur âge ne joue pas toujours dans la direction que l’on imagine spontanément pour expliquer les comportements environnementaux. Ce n’est d’ailleurs souvent pas la variable la plus puissante.Serge Guérin, Professeur INSEEC GE. Sociologue, directeur de MSc « Directeur des établissements de santé », INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2138172023-10-19T13:21:38Z2023-10-19T13:21:38ZChangements climatiques, pandémie : les scientifiques devraient pouvoir informer le public librement<p><a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/09/06/l-ete-2023-le-plus-chaud-jamais-mesure-marque-par-une-litanie-impressionnante-d-evenements-climatiques-extremes_6188157_3244.html">Les évènements climatiques récents</a> et la pandémie ont mis en lumière le besoin de mettre en œuvre des politiques préventives et d’adaptation. Comment s’y prendre ? Notamment, en s’appuyant sur les preuves scientifiques disponibles. L’annonce par Québec le 11 septembre dernier de la création d’un comité d’experts sur l’adaptation aux changements climatiques <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2009380/adaptation-changements-climatiques-comite-experts?depuisRecherche=true">s’inscrit dans un tel objectif</a>.</p>
<p>Toutefois, plusieurs obstacles empêchent une meilleure contribution des scientifiques à la formulation de ces politiques. S’il va de soi que la science se doit d’informer l’assentiment populaire sans toutefois le remplacer, celle-ci devrait toutefois disposer d’une place de choix dans le débat politique. Pourtant, la science est souvent subordonnée à la parole politique, voire instrumentalisée. <a href="https://theconversation.com/decrochage-de-la-population-aux-mesures-sanitaires-une-sante-publique-plus-autonome-est-necessaire-176629">La pandémie</a>, les <a href="https://theconversation.com/climat-comment-lindustrie-petroliere-veut-nous-faire-porter-le-chapeau-213142">changements climatiques</a>, ou les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2009928/environnement-doug-ford-rapport-chaleur-feux?depuisRecherche=true">récents déboires du gouvernement Ford en Ontario le démontrent</a>.</p>
<p>L’absence d’institutions scientifiques publiques autonomes en est l’une des raisons principales. En effet, le modèle démocratique de contrôle de l’administration implique dans la pratique que les organisations scientifiques publiques agissent sous le contrôle des représentants élus. Concrètement, cela signifie que des institutions comme l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) ne peuvent pas librement communiquer leurs recommandations au public, et donc participer pleinement au débat politique.</p>
<p>Doctorants en science politique, nos recherches portent sur l’utilisation de la science dans les politiques publiques. Dans cet article, nous apportons un éclairage sur les conséquences découlant de l’absence d’autonomie de la part des institutions scientifiques publiques, tant au Québec qu’aux États-Unis. Nous argumentons en conséquence pour la mise en place de procédures simples qui pourraient y remédier.</p>
<h2>L’influence de l’organisation du conseil scientifique sur les choix politiques</h2>
<p>Dans un premier temps, nos recherches sur la pandémie démontrent que l’organisation du conseil scientifique – c’est-à-dire la sélection des experts, leurs disciplines, et leur niveau de transparence et d’autonomie – a des implications concrètes sur la formulation des politiques publiques. En effet, une discipline scientifique dispose d’une vision encadrée par les méthodes, et les valeurs, de cette discipline. Et il en va de même pour les scientifiques. </p>
<p>Par exemple, durant la pandémie, le conseil scientifique suédois a été organisé autour de l’agence de santé publique, laquelle disposait d’une forte autonomie dans la formulation des politiques sanitaires. Or, le chef épidémiologiste de l’agence, A. Tegnell, avait lui-même participé à des publications, plusieurs années auparavant, dans lesquelles il <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19628172/">reconnaissait les incertitudes entourant des mesures sévères comme la fermeture des écoles dans un contexte de pandémie</a>.</p>
<p>L’approche d’A. Tegnell consistait à trouver un équilibre, en termes de santé publique, entre les effets délétères de politiques extrêmes, et ceux du virus sur la population ; ce qui a impliqué des mesures moins sévères qu’ailleurs dans le monde. <a href="https://www.cirst.uqam.ca/nouvelles/2021/ecouter-la-science-dans-la-conception-des-politiques-publiques-de-lutte-contre-la-Covid-19-le-cas-de-la-fermeture-des-ecoles-au-quebec-et-en-suede/">Pour Tegnell, davantage de preuves scientifiques étaient nécessaires pour justifier une telle sévérité</a>. On voit ici que l’organisation du conseil scientifique autour de Tegnell, et l’autonomie dont jouissait son agence, n’a pas été sans conséquence sur le choix politique. </p>
<p>Or, la création d’un groupe d’experts au Québec sur les changements climatiques pourrait avoir des implications similaires. D’une part, qui seront ces scientifiques ? On parle des « meilleurs experts reconnus en la matière », alors que <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2009380/adaptation-changements-climatiques-comite-experts?depuisRecherche=true">l’identité de ces derniers n’est pas encore connue</a>. Et d’autre part, quel niveau d’autonomie caractérisera ce groupe ? Pourra-t-il communiquer librement au grand public ? Ces points méritent d’être éclaircis.</p>
<p>Dans les faits, le secret politique pèse lourd. L’Ontario a par exemple été récemment accusé d’avoir passé sous silence un rapport scientifique sur les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2009928/environnement-doug-ford-rapport-chaleur-feux?depuisRecherche=true">conséquences des changements climatiques</a>. Durant la pandémie, les recommandations de la Santé publique du Québec ont manqué de transparence, et ont <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1851196/msss-revue-editeur-predateur-publication-scientifique">parfois difficilement justifié certaines mesures comme le couvre-feu</a>. Ceci implique de repenser nos institutions. </p>
<h2>L’utilisation de la science au service des intérêts privés</h2>
<p>Du côté des États-Unis, nos recherches soulignent l’impact des intérêts économiques sur les politiques d’adaptation. En Louisiane, un état républicain et conservateur, les dirigeants politiques au Sénat et à la Chambre des représentants se gardent de reconnaître l’existence des changements climatiques et leur impact sur l’immense perte de territoire et l’intensification des phénomènes climatiques extrêmes (inondations, sécheresses, incendies de forêt). </p>
<p>Les politiques actuelles visent plutôt à rétablir les processus naturels de sédimentation pour ralentir l’érosion des côtes de <a href="https://climatoscope.ca/article/reconstruire-ou-partir-les-defis-de-ladaptation-en-louisiane/">manière à préserver leur capacité à soutenir la production de pétrole et de gaz</a>. La légitimation de cette stratégie d’adaptation – la <a href="https://revuelespritlibre.org/le-controle-de-leau-en-louisiane-entre-repere-identitaire-et-menace-existentielle">restauration</a> – se fait par l’utilisation d’un discours scientifique et technique axé exclusivement sur les processus naturels du delta. Par ce biais, on ignore la science climatique et ses causes, en particulier le rôle des énergies fossiles dans l’accélération des dérèglements environnementaux et climatiques. </p>
<p>Cette sélectivité scientifique empêche l’évocation <a href="https://www.wwno.org/coastal-desk/2022-03-03/climate-change-could-prove-more-deadly-in-louisiana-without-immediate-action-report-says">d’autres options</a> d’adaptation, comme la relocalisation des populations côtières ou l’atténuation des changements climatiques. La compréhension du public quant aux effets à long terme des changements climatiques se voit ainsi brimée. </p>
<h2>Un déni partisan</h2>
<p>En argumentant que « la science » est de leur côté, même si elle ignore celle des changements climatiques, les décideurs empêchent le questionnement de leurs politiques. « La science montre que c’est la seule manière de nous sauver », proclame régulièrement le président de l’agence environnementale louisianaise. </p>
<p>Cette agence utilise un discours scientifique biaisé de manière à obtenir le soutien des républicains climatosceptiques au Sénat et à la Chambre des représentants. En évitant de contester l’influence des énergies fossiles dans le problème climatique, l’objectif est de dépolitiser l’adaptation et de la soustraire du débat public en brandissant le caractère rationnel de leurs politiques. </p>
<p>La recherche montre que le déni du changement climatique aux États-Unis <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1111/j.1533-8525.2011.01198.x">est fortement partisan</a> et qu’il s’appuie sur une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09644016.2016.1189233">« chambre d’écho » antiréflexive</a> d’outils politico-culturels conservateurs et néolibéraux. L’anti-réflexivité est <a href="https://doi.org/10.1177/0263276409356001">définie par les chercheurs Aaron McCright et Riley Dunlap</a> comme un contre-mouvement des républicains et conservateurs américains visant à préserver le système capitaliste productiviste de sa remise en question par la science climatique et les mouvements environnementaux.</p>
<p>Ces discours scientifiques antiréflexifs entretiennent l’ambiguïté sur la science climatique et sur l’impact de la production des énergies fossiles. Pire encore, ils encouragent l’ignorance et l’inaction et provoquent une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/03623319.2020.1848294">« adaptation agnostique »</a>, à savoir une adaptation dénuée de toute croyance dans les changements climatiques. </p>
<h2>Pour la création d’institutions scientifiques publiques autonomes</h2>
<p>Le public devrait pouvoir être librement informé par les scientifiques.</p>
<p>Or, l’inexistence dans le paysage politique d’institutions scientifiques publiques autonomes l’en empêche, et non sans conséquences. Durant la pandémie, elle a eu un <a href="https://theconversation.com/decrochage-de-la-population-aux-mesures-sanitaires-une-sante-publique-plus-autonome-est-necessaire-176629">effet négatif sur l’adhésion de la population, qui a commencé à questionner la légitimité des experts</a>. Dans le cas des changements climatiques, l’instrumentalisation du discours scientifique restreint le débat public, et dépolitise les enjeux climatiques au profit de la satisfaction d’intérêts privés. </p>
<p>Nous proposons donc d’étendre l’autonomie d’institutions scientifiques publiques comme l’INSPQ. D’une part, en instaurant la possibilité de communiquer librement leurs recommandations au public, en dehors de toute tutelle. Et d’autre part, en permettant la formulation de demandes citoyennes de rapports ou de recommandations scientifiques de la part du public sous la forme de pétitions. </p>
<p>Ceci permettrait d’ajouter une « troisième voix » au débat politique, qui informerait le débat en permettant au public de faire un choix libre et éclairé. Mais cela permettrait également d’apporter un discours alternatif au discours partisan et à la polarisation, sans pour autant le remplacer. </p>
<p>Des auteurs comme Zynep Pamuk proposent également la création de <a href="https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691218939/politics-and-expertise">« tribunaux scientifiques » composés d’experts et de citoyens</a>. Ces tribunaux saisis par initiative citoyenne statueraient sur des problèmes publics mobilisant des connaissances scientifiques, comme la pandémie ou les changements climatiques. Suivant le modèle judiciaire, un jury composé de citoyens voterait sur une proposition de politiques publiques – par exemple, devrions-nous interdire la voiture à essence en ville ? – au terme d’une procédure contradictoire impliquant des vues opposées d’experts dans le domaine. </p>
<p>Si ces solutions ne sont pas à écarter, bâtir sur des institutions préexistantes et leurs solides expertises en leur offrant une place plus importante dans le débat apparaît une solution réalisable à court terme, et qui étendrait à la science le principe démocratique. </p>
<p>Une solution qui tirerait les leçons des crises récentes, dont la pandémie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213817/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Lemor a reçu un financement du Fond de recherche du Québec société et culture (FRQSC) dans le cadre de sa thèse de doctorat.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sarah Munoz ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il n’existe pas d’institution scientifique publique autonome dans le débat politique. Quelles en sont les conséquences, en contexte de pandémie et de changements climatiques ?Antoine Lemor, Candidat au doctorat en science politique et chargé de cours / Political science PhD candidate and lecturer, Université de MontréalSarah M. Munoz, Doctoral researcher in political science / Doctorante en science politique, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2149882023-10-05T08:23:10Z2023-10-05T08:23:10ZLa désobéissance civile climatique : les États face à un nouveau défi démocratique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/552066/original/file-20231004-23-zkgz2e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=179%2C62%2C5811%2C3925&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« La désobéissance civile marche » assure sur cette pancarte cette militante australienne d'Extinction Rebellion. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/rebellion-day-brisbane-australia-july-2009-1487980760">Ramji Creations/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le 28 août 1963, Martin Luther King prononçait son célèbre discours à la suite d’une marche à Washington pour les droits civiques des Noirs américains, dont l’histoire a gardé la formule « I have a dream ». La mémoire collective a principalement conservé des images de marches, de boycotts de bus voire d’occupations illégales d’espaces d’exclusion des personnes dites de couleur de cette pratique de la désobéissance civile. Une expression forgée par le philosophe précurseur de l’écologie Henry David Thoreau qui renvoie à des registres de mobilisations variées allant du refus d’appliquer la loi à celle de la transgresser voire à l’interpeller pour montrer son caractère injuste.</p>
<p>Mais pour les acteurs de ces mouvements, pour ces personnes revendiquant leur citoyenneté pour pratiquer des illégalismes sans recourir à une remise en cause du récit démocratique, la désobéissance civile, avant de fournir de possibles symboles marquants, s’appuie d’abord sur un corpus de pensée et de théories qui les autorisent, aux yeux de l’opinion publique, d’enfreindre la loi en toute conscience, de s’opposer avec leur détermination voire de se mettre en danger tout en acceptant la répression.</p>
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<img alt="Photographie de Martin Luther King incarcéré en 1963 suite à sa participation à une manifestation pacifique pour les droits civiques des Noirs Américains" src="https://images.theconversation.com/files/552091/original/file-20231004-17-9ypi1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552091/original/file-20231004-17-9ypi1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552091/original/file-20231004-17-9ypi1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552091/original/file-20231004-17-9ypi1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552091/original/file-20231004-17-9ypi1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552091/original/file-20231004-17-9ypi1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552091/original/file-20231004-17-9ypi1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">photographie de Martin Luther King incarcéré en 1963 suite à sa participation à une manifestation pacifique pour les droits civiques des Noirs Américains.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>La pratique de la désobéissance civile contemporaine des écologistes s’inscrit clairement dans cette lignée de « I have a dream ». Car il s’agit de faire advenir un monde nouveau, de pousser les lignes du récit démocratique en le renouvelant par de nouvelles générations, de nouveaux enjeux. Le caractère idéaliste voire révolutionnaire de transformation est au cœur de la pratique même si, en France, cet aspect-là a longtemps pu seulement renvoyer à des épisodes de « violence » ou de recours à des actions de confrontations, avec par exemple la vague d’attentats anarchistes à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle ou l’extrême gauche des années 1970.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Mais à l’heure où les effets du dérèglement climatiques sont de plus en plus tangibles, et où l’inaction des gouvernants est de plus en plus pointée du doigt, en quoi la désobéissance civile peut-elle ou non permettre de mobiliser en faveur du climat ? Sous fond de crise sociale et démocratique, avec une abstention croissante et des institutions malmenées, on voit les militants climatiques interpeller via divers biais les pouvoirs étatiques.</p>
<p>Le mouvement de désobéissance civile est un canal d’action et d’expression possible, qui demeure cependant au carrefour d’un risque de répression d’une part, et de banalisation d’autre part. Depuis son émergence, jusqu’aux rassemblements récents et l’organisation des Soulèvements de la Terre, la désobéissance civile climatique a, de surcroît, dû se réinventer face à un contexte paradoxal mêlant la reconnaissance de l’urgence, l’accroissement du climatoscepticisme et de la répression. Voyons comment nous en sommes arrivés là.</p>
<h2>De la « paix verte » à la génération Climat en colère</h2>
<p>La désobéissance civile en France a connu ses premières armes sur le plateau du Larzac dans les années 1970, même si les militants parlaient alors plutôt de résistance civile. Cette lutte locale, dont le soutien dépassera rapidement les frontières nationales, est née du refus de voir l’extension d’un camp militaire sur plateau du Larzac qui risquait notamment de provoquer l’expropriation d’un certain nombre de paysans et s’achèvera par l’abandon du projet d’extension avec l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir, en 1981.</p>
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<img alt="Des gendarmes mobiles en action" src="https://images.theconversation.com/files/552083/original/file-20231004-29-cxlds9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552083/original/file-20231004-29-cxlds9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552083/original/file-20231004-29-cxlds9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552083/original/file-20231004-29-cxlds9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552083/original/file-20231004-29-cxlds9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552083/original/file-20231004-29-cxlds9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552083/original/file-20231004-29-cxlds9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La lutte du Larzac, un combat pas exempt de répression policière, ici avec la mobilisation de gendarmes mobiles.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Lutte_du_Larzac#/media/Fichier:Crs_larzac2.jpg">Community of the Ark of Lanza del Vasto/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Une des premières applications de la désobéissance civile de cette lutte fut l’abandon du service militaire, à une époque où l’objection de conscience, c’est-à-dire le refus de faire son service militaire ou de rejoindre des conflits n’était pas reconnue, et où la question de la désobéissance civile rejoignait celle de l’éthique humaniste face à des États qui réclamaient de leurs citoyens masculins le prix du sang.</p>
<p>Loin d’être anecdotique, cette réalité rappelle combien l’écologie française et nord-américaine, avec, outre-Atlantique, un pareil refus d’être enrôlé pour la guerre du Vietnam est né autant de la volonté de protéger la nature que de l’exigence morale de ne pas attenter à la vie humaine. Parmi les premiers militants de l’ONG Greenpeace, on retrouve ainsi des quakers (puritains fondateurs d’un mouvement pacifiste et non violent) et étudiants refusant de se battre pour des guerres lointaines à l’heure de la nucléarisation des moyens de destruction.</p>
<p>L’exigence morale d’une paix verte (<em>green peace</em> en anglais) surgit ainsi de ce lien fait entre le vivant et l’humain. Dans cette dynamique, il n’est pas étonnant de voir l’écologie choisir peu à peu des moyens de pression de la non-violence et se distancer ainsi des groupes plus révolutionnaires recourant à des actions plus violentes voire ou s’y opposant pas frontalement comme les maoïstes qui utilisaient l’opportunité du service militaire pour soit créer des comités de soldats, soit se socialiser aux maniements des armes.</p>
<p>La désobéissance civile a ensuite réémergé au moment des vagues d’altermondialisme de la fin des années 1990 pour contester contre les OGM puis contre l’exploitation des gaz de schiste en insistant, cette fois-ci, sur la protection de la biodiversité ou du vivant. Dans cette époque post-effondrement du bloc soviétique, les écologistes se sont attachés à rappeler les limites du récit néo-libéral et de la brevetabilité du vivant ou encore, se sont appliqués à mettre les paysans au cœur de l’activité agricole face aux grands groupes, à expliciter les effets néfastes pour l’environnement de l’exploitation du <a href="https://theconversation.com/la-guerre-du-gaz-de-schiste-naura-sans-doute-pas-lieu-181535">gaz de schiste</a>.</p>
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<img alt="Rassemblement anti-OGM en 2008" src="https://images.theconversation.com/files/552086/original/file-20231004-17-s39a9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552086/original/file-20231004-17-s39a9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552086/original/file-20231004-17-s39a9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552086/original/file-20231004-17-s39a9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552086/original/file-20231004-17-s39a9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552086/original/file-20231004-17-s39a9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552086/original/file-20231004-17-s39a9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Rassemblement anti-OGM en 2008.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/ernest-morales/2493604466">Ernest Morales/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Comme pour le Larzac, l’émergence de ces luttes est souvent le fruit d’un engagement local, via par exemple une opposition à des projets futurs, en Ardèche par exemple avec des projets d’extraction de gaz de schiste, avant d’émerger comme une question de société. Les actions de certains militants (fauchage de champs d’OGM, « démontage » du McDonald’s de Millau) ont pu être <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2013/03/27/jose-bove-et-sept-autres-faucheurs-volontaires-definitivement-condamnes_3148824_3244.html">sanctionnées par la loi</a>, mais <a href="https://www.lepoint.fr/societe/gaz-de-schiste-la-porte-fermee-a-double-tour-selon-jose-bove-11-10-2013-1742630_23.php">l’interdiction de l’exploitation du gaz de schiste</a> sur le territoire français, validée par le Conseil constitutionnel en 2014, et l’interdiction de la première génération d’OGM en France ont pu permettre aux <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/bistroscopie/bistroscopie-du-samedi-30-septembre-2023-1040939">figures de ces luttes</a> de considérer leur combat et leurs moyens comme légitimes et utiles.</p>
<p>Ces dernières années, la génération des années 2020 et la figure de Greta Thunberg ont de nouveau convoqué la notion de désobéissance civile pour lutter contre le dérèglement climatique, en dérangeant au passage autant les États, les groupes multinationaux voire, depuis 2022, à force de coups médiatiques, de rassemblements ou de menace de sabotage.</p>
<p>Sommes-nous ainsi passés d’une écologie qui voulait éviter le pire à celle qui veut gérer la catastrophe annoncée et reconnue par les États en y employant tous les moyens ?</p>
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<p><em>L’article que vous parcourez vous est proposé en partenariat avec <a href="https://shows.acast.com/64c3b1758e16bd0011b77c44/episodes/64f885b7b20f810011c5577f?">« Sur la Terre »</a>, un podcast de l’AFP audio. Une création pour explorer des initiatives en faveur de la transition écologique, partout sur la planète. <a href="https://smartlink.ausha.co/sur-la-terre">Abonnez-vous !</a></em></p>
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<h2>La génération Climat, exigence écologiste et impatience démocratique</h2>
<p>Par commodité, nous appellerons la génération Climat celle qui a suivi les appels à la grève scolaire de Greta Thunberg de la fin des années 2010 et qui a été socialisée au développement durable et aux problèmes environnementaux dès leur enfance. Une génération qui a ensuite pu grandir et s’informer sur le dérèglement climatique au gré de la publication, de plus en plus médiatique, des rapports successifs du GIEC et de divers ONG. Sous ces influences, le cadre des luttes environnementales a pu sensiblement évoluer en se focalisant sur le dérèglement climatique comme un problème global qui rend par exemple vain de protéger telle ou telle espèce ou espace, si, en parallèle, le climat ou la planète se trouve dans un tel état que l’ensemble de l’écosystème serait irrémédiablement modifié ou en péril.</p>
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<p>Si cette mobilisation a débuté avant l’arrivée du Covid-19, ses militants ont cependant tâché, durant la pandémie, et les mois de mise à l’arrêt total de notre système social, de maintenir le cap de l’alerte maximale sur les questions de réchauffement climatique, et de réfléchir au « monde d’après » sans pourtant réussir à ce que le système redémarre en y incluant centralement cette préoccupation dite de « survie » de la planète et ses effets sur les populations les plus vulnérables.</p>
<p>Dans un contexte de plus en plus inquiétant, la désobéissance civile a pu d’abord être pratiquée dans le registre de l’alerte. On peut y rassembler les manifestations d’<a href="https://theconversation.com/extinction-rebellion-a-la-clusaz-quand-la-zad-gagne-la-montagne-174358">Extinction Rebellion</a>, les perturbations de Dernière Rénovation ou encore les actions directes médiatiques de Just Stop Oil. Au-delà de leurs actions symboliques, les écologistes ont également commencé à s’organiser en réseau, avec des interconnexions transnationales comme les Soulèvements de la Terre.</p>
<p>Leurs discours réclament, dès lors d’être entendus, écoutés au nom de victimes du Climat présentes voire futures et expriment une impatience à l’égard des élus, des institutions qui ne prendraient pas les mesures adaptées à l’enjeu mondial. Dans le temps comme dans l’espace, les enjeux de ces luttes s’éloignent de seules questions locales et revendiquent de façon explicite la nécessité d’un changement de paradigme global.</p>
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<img alt="Docteur membre d’Extinction Rebellion arrêté après le blocage d’un pont de Londres en avril 2022" src="https://images.theconversation.com/files/552102/original/file-20231004-23-glcnhr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552102/original/file-20231004-23-glcnhr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552102/original/file-20231004-23-glcnhr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552102/original/file-20231004-23-glcnhr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552102/original/file-20231004-23-glcnhr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552102/original/file-20231004-23-glcnhr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552102/original/file-20231004-23-glcnhr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Docteur membre d’Extinction Rebellion arrêté après le blocage d’un pont de Londres en avril 2022.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/alisdare/51995882398/in/photolist-2ndGuk1-2ndJVaQ-2neoi2N-2ndHAvg-24ZFRrv-2fhcBAB-2ndK2xu-2neqR9g-2neo7Sz-2nei56Z-2neqXF1-2ndPvDy-2ndPuh7-2ne6D4m-2nepxWZ-2ndG4Re-2nepvyh-2nenVEV-24ECPez-2neodui-2nehJ49-2neov5h-2nenYve-2hseZbb-2nehPGt-2nehZBZ-2nehVYM-RvQJjK-2nehT36-2neocwK-2neoteD-2ng1GBZ-2nepvWm-2nei2W8-2kNspFM-2hseVkk-2hsepYo-2nehGVT-2fhc55R-2hsdZ1Y-2hsmwZA-2fhc3VB-2fcvLAq-2nci77E-2fhcqvF-RvQunB-2ebihEq-RvQwct-2fcw2af-2dTiZRM/">Alisdare Hickson/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Mus par une dynamique de colère, d’impatience, de demandes de politiques actives, ces militants commencent à mobiliser dans le registre de la désobéissance civile non seulement le répertoire pacifique avec arrestation ou procès, mais également celui dit du désarmement, c’est-à-dire le sabotage préventif avant que les atteintes à l’environnement soient majeures et irréparables. Or, les États, garant de l’ordre public et les groupes d’intérêts mis en cause réagissent en travaillant l’opinion publique, voire en créant des catégories pour stigmatiser la mobilisation qui ciblent autant l’espace public que les propriétés privées (golf, piscine, entreprises, banques…).</p>
<p>L’opinion publique peut s’en étonner, car elle a en mémoire les grandes marches de Gandhi ou Martin Luther King en oubliant que la désobéissance civile a visé des intérêts privés dès sa naissance avec l’appel à boycott d’entreprise. Ainsi, par le passé, la ségrégation passait également par des espaces privés comme les bus, les cafés, les toilettes ou les magasins ; hier, José Bové s’attaquait à des enseignes mondialisées comme McDonald ou Monsanto. C’est peut-être plus finalement le contexte qui a changé, avec des États et en particulier la France, depuis les attentats de 2015, qui ont adopté des législations de plus en plus restrictives dans un souci de prévention des radicalisations au point que des militants peuvent se sentir « criminalisés », et réajuster leur militantisme dans ce contexte avec une culture du secret.</p>
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<p>De plus, la répression de citoyens désarmés est un véritable défi des appareils d’État démocratique qui jouent sur la crête de l’autoritarisme et de l’illibéralisme. Dans ce cadre, le jeu de polarité entre contestataires désobéissants et appareil répressif se tend en faisant augmenter le coût de l’engagement du côté des manifestants et le coût de l’image et de la répression au nom de la violence légitime de l’autre. Comme un symbole de ce jeu d’équilibrisme inédit, on a ainsi pu voir en août 2023 le Conseil d’Etat désavouer une partie de l’analyse de l’État qui rangeait les Soulèvements de la Terre comme une organisation « terroriste » alors que les associations restaient confortées par la légitimité de leurs combats. Pour preuve, au nom de la sous-estimation des effets environnementaux et de l’enjeu du réchauffement climatique, le juge administratif annule des projets de retenues d’eau de substitution, dites les méga-bassines, et renforce ce paradoxe : celui d’un engagement réprimé et pourtant légitime.</p>
<p>Cette nouvelle désobéissance civile transnationale s’immisce ainsi au cœur d’un malentendu entre des États qui ont la volonté d’être les seuls maîtres de leur agenda concernant les mesures à prendre contre le réchauffement climatique et une génération Climat porteuse, avec des ONG et des associations, d’un sentiment d’urgence qui ne serait pas pris en compte. Une ignorance perçue également comme une injustice au vu de la non-considération de leur demande démocratique et de mesures d’intérêt général planétaire. L’Europe et les pays industrialisés se retrouvent de ce fait face à un double défi : celui d’un enjeu écologique majeur et d’un récit démocratique à réinventer dans un siècle traversé par le renouveau des pandémies et des crises environnementales mondialisées.</p>
<p><em>Why we can’t wait</em>, traduit en Français par <em>La Révolution non violente</em>, est le titre d’un ouvrage de référence que Martin Luther King a écrit en prison à Birmingham et qui fait étrangement écho aux justifications de ces nouvelles causes de la Désobéissance civile. Dans ce texte publié quatre ans avant son assassinat, le militant <em>in fine</em> récompensé du prix Nobel de la Paix explicite l’urgence de transformation de la société américaine, l’importance de la reconnaissance d’égalité réelle des droits des populations afro-américaines. Ce sentiment d’urgence au cœur de la désobéissance civile nous le retrouvons intact dans les justifications climatiques après près de 40 ans de lutte et d’alerte. Cette bascule marque l’impatience de groupes de citoyens qui sont prêts à entrer dans l’illégalité et à accepter la répression dans un cadre qui se veut celui des droits.</p>
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<p><em>Cet article s’inscrit dans le cadre d’un projet associant The Conversation France et l’AFP audio. Il a bénéficié de l’appui financier du Centre européen de journalisme, dans le cadre du programme « Solutions Journalism Accelerator » soutenu par la Fondation Bill et Melinda Gates. L’AFP et The Conversation France ont conservé leur indépendance éditoriale à chaque étape du projet.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214988/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvie Ollitrault ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des plateaux du Larzac jusqu’à Ste-Soline, la désobéissance civile climatique a dû se réinventer face à un contexte paradoxal mêlant la reconnaissance de l’urgence et l’accroissement de la répression.Sylvie Ollitrault, Directrice de recherche en sciences politiques, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1787652022-03-15T14:08:58Z2022-03-15T14:08:58ZLe pétropopulisme freine la transition énergétique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/451994/original/file-20220314-133396-rbnfcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C0%2C997%2C666&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le pétropopulisme est un discours binaire qui conduit à la démonisation des «environnementalistes», soupçonnés d’association avec des puissances étrangères.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-working-group-ii/">Le dernier rapport du GIEC</a>, consacré aux impacts et à l’adaptation au changement climatique, paru en février 2022, <a href="https://theconversation.com/nouveau-rapport-du-giec-toujours-plus-documente-plus-precis-et-plus-alarmant-178378">est alarmant</a>. Des transformations sociales, politiques, économiques sont nécessaires pour que l’humanité puisse survivre aux bouleversements attendus.</p>
<p>Dans les obstacles au changement, les experts du GIEC pointent spécifiquement la <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/environnement/2022-02-28/nouveau-rapport-du-giec/la-desinformation-fait-mal-en-amerique-du-nord.php">désinformation en Amérique du Nord</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/nouveau-rapport-du-giec-toujours-plus-documente-plus-precis-et-plus-alarmant-178378">Nouveau rapport du GIEC : toujours plus documenté, plus précis et plus alarmant</a>
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<p>Le Canada est le <a href="https://www.rncan.gc.ca/energie/sources-denergie-et-reseau-de-distribution/petrole-brut/survol-de-lindustrie-du-petrole-brut/18148">5ᵉ producteur mondial de pétrole</a>. Les Canadiens sont aussi <a href="https://www.cer-rec.gc.ca/fr/donnees-analyse/marches-energetiques/profils-energetiques-provinces-territoires/profils-energetiques-provinces-territoires-canada.html">parmi les plus gros consommateurs</a> de pétrole au monde. Depuis la découverte des premiers gisements de pétrole en 1947, les économies de l’Ouest canadien se sont profondément transformées, passant d’un modèle agraire à une dépendance structurelle à l’extraction.</p>
<p><a href="https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/indicateurs-environnementaux/emissions-gaz-effet-serre.html">Premier secteur émetteur de CO₂ au pays</a>, l’industrie extractive devrait être au cœur des réflexions politiques sur l’adaptation au changement climatique. Or, le changement est encore limité.</p>
<p>En tant que doctorante en sociologie politique, intéressée par les populismes et régionalismes canadiens, je cherche à comprendre les tenants sociopolitiques et sociohistoriques du changement social au Canada.</p>
<h2>Un discours politique populiste</h2>
<p>Sur ce sujet, le climatoscepticisme n’explique pas la résistance au changement, ce qui ajoute à l’énigme. La réalité du réchauffement climatique est en effet admise par les Canadiens : <a href="https://climatecommunication.yale.edu/visualizations-data/ccom/">83 % d’entre eux reconnaissent que « la planète se réchauffe »</a>, dont 70 % des Albertains. De surcroît, <a href="https://climatecommunication.yale.edu/visualizations-data/ccom/">60 %</a> des Canadiens estiment que ce réchauffement est dû au moins en partie à « l’activité humaine ». Enfin, en 2021, un Canadien sur deux était en faveur d’une <a href="https://cwf.ca/wp-content/uploads/2021/06/cot2021-report3-final_jun-18c83cfe0dd49c4cfc936522ae59fb396b.pdf">élimination progressive de l’utilisation des combustibles fossiles</a>.</p>
<p>En réalité, l’un des obstacles majeurs à la mise en place de politiques ambitieuses en matière environnementale tient à la mobilisation d’un discours politique populiste, clivant et réducteur. On a pu parler de pétronationalisme (des <a href="http://www.iaee.org/en/publications/ejarticle.aspx?id=2662">pays consommateurs</a>, comme <a href="https://www.utpjournals.press/doi/abs/10.3138/jcs.2019-0033">producteurs</a>), tant la question du contrôle des ressources est liée à la construction nationale. D’autres ont évoqué l’émergence d’un <a href="https://www.macleans.ca/news/canada/the-rise-of-albertas-unapologetic-petro-patriots/">pétropatriotisme</a>. Dans le contexte canadien contemporain, je préfère parler de pétropopulisme.</p>
<p>Le populisme est partie intégrante de la <a href="https://theconversation.com/canadian-populism-got-shut-out-this-election-but-its-still-a-growing-movement-168133">culture politique</a> historique canadienne. Cette <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/00323217211002669">stratégie</a> rhétorique suppose la construction et la consolidation d’une <a href="https://www.researchgate.net/publication/345743715_1_What_is_populism">opposition d’ordre moral</a>, entre un peuple pur et des élites corrompues. Depuis les débuts de la fédération, populisme et protestation politique au Canada ont été arrimés à la question de la libre exploitation des ressources (ainsi du <a href="https://www.jstor.org/stable/25143525">populisme agraire</a>, porté par les fermiers de l’Ouest canadien contre les politiques nationales du gouvernement fédéral).</p>
<h2>La crise ukrainienne en renfort</h2>
<p>Le pétropopulisme – en anglais, <a href="https://policyalternatives.ca/publications/monitor/extractive-populism-and-future-canada"><em>extractive populism</em></a> est la forme contemporaine d’un mode politique historique. Articulé aux questions pétrolières, il s’agit d’une stratégie rhétorique qui <a href="https://www.researchgate.net/publication/350746148_Challenging_Petro-Nationalism_Another_Canada_Is_Possible">associe le pétrole canadien au « bien », voire au « sens commun »</a>. Inversement, il « diabolise » les politiques environnementales, associées aux élites déconnectées. Mobilisé autant par des acteurs politiques conventionnels que par les représentants de l’industrie extractive, le pétropopulisme, forme de <a href="https://www.ubcpress.ca/code-politics">« code politique »</a>, permet de cadrer le débat acceptable dans un espace politique donné et de limiter l’opposition, disqualifiée comme ennemie de la communauté politique.</p>
<p>Récemment, on a entendu le premier ministre albertain <a href="https://edmonton.ctvnews.ca/kenney-denounces-putin-s-aggression-as-he-renews-calls-to-build-keystone-xl-1.5792901">Jason Kenney</a> et des lobbys du secteur, associer leur soutien aux projets de pipelines à une <a href="https://www.canadianenergycentre.ca/yager-will-ukraines-crisis-finally-force-canada-to-rethink-its-energy-policies/">forme d’aide humanitaire</a> auprès des populations européennes dans le conflit russo-ukrainien. Le pétrole canadien serait en fait <a href="https://financialpost.com/commodities/energy/oil-gas/eric-nuttall-what-canadian-policymakers-can-learn-from-europes-energy-woes">« éthique »</a>, contrairement à celui extrait dans d’autres régions du monde, en Arabie saoudite (<a href="https://friendlyenergy.com/">« tyranny oil »</a>), ou en Russie. L’appel à l’extractivisme redouble ainsi un discours nationaliste, opposant les « bons » pays aux « mauvais », desquels on devrait se défendre par l’extraction.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/451992/original/file-20220314-19-1uluu3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="extraction de pétrole en Alberta, ciel dramatique" src="https://images.theconversation.com/files/451992/original/file-20220314-19-1uluu3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451992/original/file-20220314-19-1uluu3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451992/original/file-20220314-19-1uluu3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451992/original/file-20220314-19-1uluu3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451992/original/file-20220314-19-1uluu3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451992/original/file-20220314-19-1uluu3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451992/original/file-20220314-19-1uluu3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le pétropopulisme au Canada est un discours porté par une morale particulière, défendant l’expansion des activités extractives.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Inversement, le pétropopulisme consolide une opposition de type guerrière aux « environnementalistes » <a href="https://www.nytimes.com/2021/10/22/world/canada/alberta-energy-inquiry.html">soupçonnés</a>, entre autres, d’être <a href="https://www.alberta.ca/public-inquiry-into-anti-alberta-energy-campaigns.aspx">opposés aux intérêts de la Province</a>, à la solde de puissances étrangères.</p>
<h2>Une extraction pétrolière éthique et réconciliatrice ?</h2>
<p>L’exploitation participerait aussi de la « réconciliation » avec les communautés autochtones. Selon l’<a href="https://www.capp.ca/explore/reconciliation-with-indigenous-peoples/">Association canadienne des producteurs pétroliers (ACPP, CAPP en anglais)</a>, qui représente les intérêts de l’industrie et 80 % de la production gazière et pétrolière au Canada, l’extraction offre des emplois de qualité et des opportunités commerciales aux communautés autochtones. Leur <a href="https://www.nationalobserver.com/2019/11/06/features/when-it-comes-oil-and-gas-western-canada-it-divides-indigenous-communities-too">division</a> interne complexifie cette réalité. En pratique, <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/11-627-m/11-627-m2021063-fra.htm">seuls 6 %</a> des travailleurs du secteur extractif s’identifient comme autochtones : une <a href="https://www.fraserinstitute.org/sites/default/files/first-nations-and-the-petroleum-industry-from-conflict-to-cooperation.pdf">« coopération »</a> encore limitée, donc.</p>
<p>Dans cette perspective pétropopuliste, l’industrie extractive est également systématiquement associée à la production d’emplois. Pourtant, les revenus nets de l’industrie sont <a href="https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/tv.action?pid=2510006501">déficitaires</a> et le nombre d’emplois dans la dernière décennie est <a href="https://www.parklandinstitute.ca/the_future_of_albertas_oil_sands_industry">à la baisse</a>. Ils représentent une part décroissante dans l’ensemble des emplois du secteur de l’énergie au pays. Ce sont aussi, en <a href="https://open.alberta.ca/dataset/f4f39b9e-48cb-4f6a-b491-25ee6f9c281e/resource/8db15e6c-5826-4ac5-b804-675e95867e9e/download/lbr-alberta-mining-and-oil-and-gas-extraction-industry-profile-2020.pdf">Alberta</a>, des emplois moins qualitatifs même si plus rémunérés. Ils sont moins syndiqués, moins durables et impliquent plus d’heures travaillées que la moyenne provinciale.</p>
<h2>Le pétropopulisme nuit à l’environnement et à la démocratie</h2>
<p>Le pétropopulisme est aussi porté des mouvements sociaux issus de la « société civile », favorables aux intérêts de l’industrie. C’est le cas des <a href="https://www.energycitizens.ca/about/">« Energy Citizens »</a> directement financés par le CAPP ; ou de <a href="https://www.canadaaction.ca/about">« Canada Action »</a>, <a href="https://thenarwhal.ca/canada-action-received-100-thousand-from-arc-resources/">soutenu</a> par les industries du secteur. Encore peu instruits par la littérature académique francophone, ces mouvements sociaux se sont multipliés ces dernières années. On pense ainsi, dans la dernière décennie, aux <a href="https://www.theguardian.com/world/2018/dec/20/canada-yellow-vest-protests-gilets-jaunes">« Yellow Vests »</a> et à leur défense des sables bitumineux, aux convois de <a href="https://www.thestar.com/news/canada/2019/02/14/one-convoy-to-pool-them-all-pro-oil-caravan-sets-course-for-ottawa.html">« United We Roll »</a> (opposés à la taxe carbone) ou au <a href="https://theconversation.com/convoi-des-camionneurs-aux-origines-dun-mouvement-en-pleine-derive-176833">« Convoi de la liberté »</a>. Les trois mouvements partagent des organisateurs, un programme idéologique et pour les convoyeurs, sont proches des mouvements séparatistes de l’Ouest canadien.</p>
<p>La transition énergétique semble inévitable. L’Agence internationale de l’énergie a appelé les pays producteurs à <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1794032/aie-exploration-petrole-gaz-neutralite-carbone">renoncer</a> à tout projet pétrolier ou gazier pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Enfin, le Gouvernement canadien, lié par ses engagements internationaux, a annoncé en 2020 le lancement d’un <a href="https://www.canada.ca/content/dam/eccc/documents/pdf/climate-change/climate-plan/plan_environnement_sain_economie_saine.pdf">plan climatique</a> renforçant sa cible de zéro émission nette d’ici 2050.</p>
<p>Dans ce contexte, le pétropopulisme pose des problèmes environnementaux et démocratiques. En <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/anti.12179">réduisant</a> les politiques environnementales à un rapport de force défavorable à l’amélioration du territoire national, ce discours restreint considérablement l’espace du dialogue. Il consolide une clôture symbolique entre ce qui est bon et favorable à la nation d’une part ; ce qui ne l’est pas de l’autre : la préservation de l’environnement. Le pétropopulisme nuit à une information éclairée sur le changement climatique en Amérique du Nord et bride les possibilités de négociation collective pour une sortie graduelle des énergies fossiles, protectrice de l’emploi. En servant les intérêts de l’énergie extractive associée au bien commun, le pétropopulisme satisfait avant tout des intérêts privés.</p>
<p>De manière plus inquiétante, le pétropopulisme pave la voie à des mouvements sociaux aux financements diffus, aux tactiques problématiques (siège, occupation), qui, au nom de la défense de l’extraction pétrolière, abîment les institutions démocratiques. Ces mouvements sociaux débordent les industries qu’ils soutiennent, jusqu’à mettre en danger les institutions canadiennes. Le <a href="https://theconversation.com/convoi-des-camionneurs-aux-origines-dun-mouvement-en-pleine-derive-176833">Convoi de la liberté</a> l’a bien montré.</p>
<p>Le contexte énergétique, climatique et géopolitique actuel est probablement déterminant pour la transition énergétique au Canada. Souligner les liens entre certains discours et le maintien d’une dépendance énergétique aux énergies fossiles est essentiel pour construire une <a href="https://policyalternatives.ca/publications/reports/canada %e2 %80 %99s-energy-sector">autre politique énergétique</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178765/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Djamila Mones ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Articulé aux questions pétrolières, porté par des politiques comme les lobbys extractivistes, le pétropopulisme associe le pétrole canadien au « bien », voire au « bien commun ».Djamila Mones, Doctorante en Sociologie | PhD Candidate in Sociology, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1427432020-08-18T17:53:59Z2020-08-18T17:53:59ZLe scepticisme de la Russie vis-à-vis du changement climatique expliqué par son histoire scientifique<p>Selon la dernière <a href="https://bellona.org/news/climate-change/2020-05-poll-finds-russia-wants-environmentally-sustainable-solutions-to-covid-19-downturn">enquête Ipsos</a>, seuls 13 % des Russes pensent que le changement climatique devrait être la principale préoccupation environnementale de leur gouvernement. Il s’agit du taux le plus bas parmi les 29 pays sondés.</p>
<p>En outre, 37 % des personnes interrogées ne pensaient pas que le changement climatique était dû à l’action humaine, mais à une évolution naturelle du climat.</p>
<p>Parmi les sondés, les Russes se classaient ainsi deuxièmes en termes de scepticisme sur l’origine anthropogénique du changement climatique, derrière les Japonais (47 %) et tout juste devant les Américains (34 %).</p>
<p>Cette proportion très élevée de sceptiques sur l’origine humaine du changement climatique est souvent interprétée comme la conséquence d’un positionnement récent de Vladimir Poutine lié aux intérêts de l’État pétrolier. Le président semble en effet <a href="https://www.climatescorecard.org/2020/02/president-putin-admits-climate-change-is-happening-and-the-russian-government-unveils-a-climate-adaptation-plan">sous-estimer</a> la nécessité, pour son gouvernement, de réagir à ce phénomène.</p>
<p>L’origine du scepticisme russe sur les causes humaines du changement climatique remonte au moins à la découverte de ce phénomène dans les années 1960 et s’est consolidée tout au long de la guerre froide.</p>
<h2>Les scientifiques soviétiques pionniers sur le réchauffement climatique</h2>
<p>La recherche sur le climat a occupé une place importante dans les sciences physiques en Union soviétique, principalement pour des raisons stratégiques et économiques.</p>
<p>Ainsi, le géographe américain Paul E. Lydolph <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00385417.1971.10770283">notait-il</a> en 1971 que :</p>
<blockquote>
<p>« La moitié de la littérature climatologique publiée dans le monde aujourd’hui est écrite par des climatologues soviétiques […], le reste du monde ne peut guère se permettre d’ignorer cette énorme masse d’information. »</p>
</blockquote>
<p>L’Union soviétique disposait en effet d’une solide base d’études climatologiques héritée des scientifiques de l’empire russe et constituée, déjà, avant tout pour des raisons militaires et économiques.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/348979/original/file-20200722-26-2kbj4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/348979/original/file-20200722-26-2kbj4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=797&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/348979/original/file-20200722-26-2kbj4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=797&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/348979/original/file-20200722-26-2kbj4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=797&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/348979/original/file-20200722-26-2kbj4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1002&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/348979/original/file-20200722-26-2kbj4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1002&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/348979/original/file-20200722-26-2kbj4o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1002&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Mikhaïl Budyko (1920-2001).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://ru.wikipedia.org/wiki/%D0%91%D1%83%D0%B4%D1%8B%D0%BA%D0%BE,_%D0%9C%D0%B8%D1%85%D0%B0%D0%B8%D0%BB_%D0%98%D0%B2%D0%B0%D0%BD%D0%BE%D0%B2%D0%B8%D1%87#/media/%D0%A4%D0%B0%D0%B9%D0%BB:%D0%91%D1%83%D0%B4%D1%8B%D0%BA%D0%BE,_%D0%9C%D0%B8%D1%85%D0%B0%D0%B8%D0%BB_%D0%98%D0%B2%D0%B0%D0%BD%D0%BE%D0%B2%D0%B8%D1%87.jpg">Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À partir des années 1960, cependant, le pouvoir soviétique s’est intéressé de plus près au climat. En pleine guerre froide, Moscou (comme Washington) a massivement investi dans la recherche sur ce que nous appelons aujourd’hui la géo-ingénierie.</p>
<p>Les pistes explorées concernaient principalement la possibilité de modifier le <a href="https://books.google.de/books?id=czdsDwAAQBAJ">climat de l’Arctique</a>, par exemple en couvrant la glace de poussière noire ou de papier d’aluminium, ou encore en fermant le détroit de Béring pour empêcher l’eau froide de rejoindre l’océan Arctique. Grâce à l’augmentation des moyens financiers consacrés à ces recherches dans les années 1970, les scientifiques soviétiques ont commencé à explorer les causes du changement climatique, ainsi que les moyens technologiques de le prévenir.</p>
<p>En 1971, le climatologue soviétique <a href="https://public.wmo.int/en/about-us/awards/international-meteorological-organization-imo-prize/mikhail-ivanovich-budyko">Mikhaïl Budyko</a> (1920-2001) a ainsi été l’un des premiers au monde à affirmer le caractère inévitable du réchauffement climatique d’origine anthropique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1131558152724459522"}"></div></p>
<p><a href="https://www.researchgate.net/publication/304456338_Mikhail_Budyko%E2%80%99s_1920-2001_contributions_to_Global_Climate_Science_from_heat_balances_to_climate_change_and_global_ecology">Pendant les trente années suivantes</a>, Budyko et son équipe ont observé et étudié le changement climatique d’origine anthropique. S’appuyant principalement sur des données paléo-climatologiques, ils ont recherché des conditions climatiques analogues dans les ères géologiques remontant jusqu’à 3 à 5 millions d’années afin de faire des projections pour l’avenir. Cette méthode paléo-analogique a suscité la critique des scientifiques occidentaux rencontrés dans le cadre de <a href="https://journals.ametsoc.org/bams/article/65/1/11/52029/The-U-S-U-S-S-R-Agreement-on-Protection-of-the">l’Accord environnemental de 1972 entre les États-Unis et l’URSS</a>. Notamment au motif que le taux de CO<sub>2</sub> similaire au Pliocène avait des causes très différentes.</p>
<p>En d’autres termes, ces critiques rejetaient la signification d’une comparaison entre le climat d’une ère antérieure où le genre humain n’existait pas encore avec les conditions actuelles, comparaison qui faisait donc disparaître le facteur humain des paramètres.</p>
<p>Les scientifiques soviétiques ont également travaillé sur les modèles de circulation générale (MCG). Il s’agit d’un type de modélisation climatique qui intègre les processus physiques à l’œuvre dans l’atmosphère, les océans, les calottes glaciaires et à la surface terrestre et qui est utilisé pour simuler la façon dont le système climatique global réagit aux concentrations croissantes de gaz à effet de serre. Mais la recherche sur ce type de modèle climatique numérique n’a repris qu’au milieu des années 1990 en raison d’un accès limité aux nouvelles technologies.</p>
<h2>Une valorisation de l’action humaine pour éviter la glaciation</h2>
<p>La climatologie soviétique a progressé de pair avec son homologue occidentale, que ce soit sur la modification des conditions météorologiques, la circulation atmosphérique, la modélisation des climats passés ou l’étude du climat arctique, avec néanmoins d’importantes différences de perspective. Reconnaissant les risques liés au changement climatique, Budyko soutenait ainsi en 1973 dans un article intitulé « Dioxyde de carbone atmosphérique et climat », que :</p>
<blockquote>
<p>« l’impact des humains sur le climat a une importance majeure pour la prévention d’une future glaciation… Il est évident qu’avec le maintien de l’impact actuel sur l’atmosphère, la glaciation pourrait être évitée. »</p>
</blockquote>
<p>Cette idée venait de ses études sur le bilan thermique de la Terre qui ont façonné plus tard sa théorie de <a href="http://www.cea.fr/multimedia/pages/animations/climat-environnement/effet-albedo.aspx">l’effet albédo</a>, qui explique le refroidissement suscité par la réflexion du rayonnement solaire sur la glace.</p>
<p>Cette théorie impliquait également un moindre dégagement de chaleur en raison de la diminution du taux de CO<sub>2</sub> dans l’atmosphère, donc une production accrue de glace et, in fine, de réflexion du rayonnement solaire. Avec à terme pour horizon inexorable, selon Budyko, une <a href="https://www.sciencemag.org/news/2000/05/refuge-life-snowball-earth">« Terre blanche »</a> (<a href="https://www.elsevier.com/books/climate-and-life/budyko/978-0-12-139450-9"><em>Climat et vie</em></a>, 1971).</p>
<p>Un deuxième argument soutenu au cours des années 1980 concernait le CO<sub>2</sub>.</p>
<p>Un consensus international avait émergé sur les effets de serre du CO<sub>2</sub> sur l’atmosphère, mais les scientifiques soviétiques ont surtout retenu et démontré l’impact positif de ce phénomène sur le processus de photosynthèse et la croissance conséquente de la production agricole (<a href="https://www.cambridge.org/core/journals/american-antiquity/article/anthropogenic-climatic-change-m-i-budyko-and-yu-a-izrael-editors-university-of-arizona-press-tucson-1991-russian-edition-1987-xiv-485-pp-figures-tables-bibliography-6000-cloth/232C6C8D7AB74A3A89CECAD108315470">Budyko & Izrael, <em>Anthropogenic Climate Change</em>, 1991</a>).</p>
<p>Ils prédisaient que les sécheresses et les moindres précipitations ne seraient que <a href="https://www.newscientist.com/article/mg12316791-200-soviet-climatologist-predicts-greenhouse-paradise/">temporaires</a> et suivies d’effets plus bénéfiques.</p>
<p>Pour la Russie, cela signifierait un allongement des saisons agricoles et un accroissement des terres arables grâce au décalage des zones climatiques vers le nord. Certaines des conclusions de Budyko et de son équipe ont été confirmées par la suite par une <a href="https://www.springer.com/gp/book/9789027727015">étude</a> entreprise en 1988 à l’Institut international d’analyse des systèmes appliqués (IIASA) en Autriche.</p>
<p>Par conséquent, l’impact humain sur le changement climatique était considéré comme bénéfique et son niveau appelé à demeurer constant. Budyko aurait d’ailleurs qualifié toute réduction de CO<sub>2</sub> de « crime contre l’humanité » lors d’une conférence à Hambourg en 1988. Par-delà l’exagération, on retrouve bien une approche positive cohérente avec ses conclusions sur le bilan thermique de la Terre.</p>
<h2>Politique climatique</h2>
<p>La question du changement climatique, si elle était connue, ne s’est retrouvée <a href="https://www.clisap.de/research/c:-climate-change-and-social-dynamics/crg-media-constructions-of-climate-change/completed-projects/international-climate-communication/global-media-map-on-climate-change-3/">au cœur des préoccupations de l’opinion publique soviétique puis russe qu’en 2010</a>. Ce <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/09668136.2012.701388">regain d’intérêt</a> pendant la présidence Medvedev s’explique par un effort d’investissement dans l’introduction de nouvelles technologies, de gains en efficacité énergétique et de stimulation de la croissance économique.</p>
<p>En revanche, elle était beaucoup plus importante pour les responsables participant aux débats environnementaux internationaux, par exemple Yuri Izrael, le chef des services hydrométéorologiques soviétiques ou Viktor Danilov-Danilyan, ministre de l’Environnement (1991-1996). D’où quelques incohérences.</p>
<p>D’un côté, la couverture médiatique grand public sur le sujet est apparue beaucoup plus tôt qu’en Occident. Alors qu’en Union soviétique les lecteurs des journaux nationaux tels que <em>Pravda</em> et <em>Izvestia</em> connaissaient déjà l’effet de serre en 1972, l’hebdomadaire allemand <em>Der Spiegel</em> n’en a fait mention pour la première fois qu’en <a href="https://www.spiegel.de/spiegel/print/d-40606131.html">1978</a>.</p>
<p>Mais, à la suite de la Conférence mondiale sur le climat de Genève en 1979, tandis qu’une quantité croissante d’articles publiés dans la presse occidentale pointaient le lien entre la consommation de combustibles fossiles et le changement climatique, la responsabilité du dioxyde de carbone a en revanche lentement disparu des déclarations officielles et de la couverture médiatique soviétiques.</p>
<h2>Climat post-soviétique</h2>
<p>Ces positions divergentes ont évolué depuis l’effondrement de l’Union soviétique.</p>
<p>Alors que les climatologues russes n’appellent désormais plus à l’inaction, les réalisations soviétiques dans ce domaine ont été distordues, presque oubliées et la politisation de la question est montée en flèche en Russie comme aux États-Unis. Lors des discussions au sujet de la <a href="https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2005-4-page-37.htm">ratification par la Russie du protocole de Kyoto en 2004</a>, la majorité des scientifiques se sont prononcés contre, arguant qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour justifier la mise en œuvre de mesures politiques. Compte tenu de la masse de savoir scientifique produite à l’époque soviétique, y compris sur les preuves de l’impact anthropique sur le climat, il est assez surprenant que cet argument soit venu de la part des scientifiques.</p>
<p>Quinze ans plus tard, lors de la Semaine de l’éducation environnementale organisée à Moscou en mai 2020, les intervenants du panel sur le changement climatique soulignaient toujours <a href="http://rosekoakademia.ru/news/globalnye-ekologicheskie-problemy-izmenenie-klimata-chetvertyj-den-nedeli-ekologicheskogo-obrazovaniya/">l’incertitude scientifique entourant la question</a>.</p>
<p>Un examen plus approfondi révèle cependant que ces déclarations publiques, ainsi que le vote du Conseil scientifique russe sur le protocole de Kyoto, n’impliquaient que très peu de véritables experts en matière de changement climatique.</p>
<p>L’organisation du vote par l’ancien chef des Services hydrométéorologiques Yuri Izrael en est souvent présentée comme la cause, du fait de ses positions bien connues – <a href="https://www.theguardian.com/environment/2013/sep/24/why-geoengineering-suits-russias-carbon-agenda">ce promoteur de la géo-ingénierie niait l’existence du changement climatique</a>. Très peu de climatologues ont donc participé à ce vote mais, parmi les rares présents, le physicien atmosphérique <a href="http://ecosovetnik-pskovreg.ru/wp-content/uploads/2018/06/Istoriya-ohrany-prirody-v-Rossii.pdf">Georgiy Golitsyn a voté pour la ratification</a> et a ensuite signé une pétition avec quatre autres scientifiques, dont l’ancien ministre de l’Environnement Viktor Danilov-Danilyan.</p>
<p>Les experts climatiques russes sont néanmoins les premiers à vouloir être consultés. En janvier 2019, 22 climatologues russes ont signé une pétition adressée au chef de l’Académie russe des sciences et <a href="https://nplus1.ru/blog/2019/01/25/ras-climate">ont demandé à être davantage inclus dans les décisions gouvernementales</a> sur les actions contre le changement climatique. Ils ont critiqué le fait que les déclarations officielles faisaient référence non pas à leur expertise climatologique mais à des « experts » et « scientifiques » non identifiés lorsqu’il s’agissait de prétexter un manque de preuves scientifiques sur le changement climatique. Les signataires ont affirmé qu’aucun d’eux n’avait jamais été consulté.</p>
<h2>Réalités climatiques</h2>
<p>Comme dans d’autres débats, se superposent donc plusieurs couches de « vérités » climatiques – celles des climatologues actuels, des soi-disant experts et des fonctionnaires de l’État eux-mêmes. Alors qu’à l’époque de l’Union soviétique les résultats scientifiques publiés sur le changement climatique étaient souvent, mais pas toujours, conformes à l’agenda politique, aujourd’hui la science du climat et la politique nationale semblent déconnectées.</p>
<p>Les scientifiques n’ont plus besoin de soutenir les industries extractives en Russie comme ils le faisaient à l’époque soviétique. Mais ceux d’entre eux qui poursuivent l’œuvre de Budyko et misent encore sur les avantages du changement climatique mondial fournissent aux bénéficiaires de la manne pétrolière un cadre de référence pour prôner l’inaction.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/142743/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Katja Doose ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le changement climatique, amplement étudié en Russie depuis l’époque soviétique, y est souvent perçu de façon positive, car le réchauffement semble favoriser les intérêts économiques du pays…Katja Doose, Chercheuse post-doctorale au CERCEC (EHESS) Visiting fellow, Centre for Environmental Studies, Graduate Institute – Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1290172020-01-09T20:41:57Z2020-01-09T20:41:57ZPourquoi le climatoscepticisme a-t-il tant de succès aux États-Unis ?<p>Avec son statut de <a href="https://global-climat.com/2020/01/03/temperature-mondiale-2019-deuxieme-annee-la-plus-chaude-dapres-ncep-ncar/">seconde année la plus chaude</a> des annales <a href="https://www.ncep.noaa.gov/">NCEP</a>-<a href="https://ncar.ucar.edu/">NCAR</a> (après 2016), 2019 a conclu la <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1414886/record-chaleur-onu-nations-unies-madrid">décennie la plus chaude</a> jamais enregistrée.</p>
<p>Ce ne fut pourtant pas l’année qui aura vu le monde s’unir pour sauver la planète : malgré des manifestations et une prise de conscience globales, la <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/environnement/201912/15/01-5253833-la-cop25-un-echec-cuisant-selon-des-ecologistes.php">COP25 a échoué</a> de façon spectaculaire, une poignée de pays ayant bloqué toute action significative.</p>
<p>Les États-Unis, le Brésil, l’Australie et l’Arabie saoudite auront été <a href="https://www.lefigaro.fr/sciences/cop25-ces-pays-qui-refusent-encore-de-prendre-des-engagements-significatifs-20191215">particulièrement actifs</a> dans ce blocage, tandis que la Chine et l’Inde justifiaient leur inaction en se retranchant derrière la responsabilité historique des pays riches.</p>
<h2>Un indéniable « effet Trump »</h2>
<p>Parce que les États-Unis demeurent le pays le plus puissant au monde, avec un président ultra médiatisé, il existe un <a href="https://www.iiea.com/publication/the-paris-climate-agreement-versus-the-trump-effect-countervailing-forces-for-decarbonisation/">« effet Trump »</a> qui affaiblit la crédibilité de tout nouvel engagement international et encourage ceux qui veulent s’exonérer de leur responsabilité, particulièrement les populistes nationalistes.</p>
<p>Un mois avant la COP25 de Madrid, le président américain avait formellement confirmé la <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/retrait-americain-de-l-accord-de-paris/les-etats-unis-officialisent-leur-sortie-de-l-accord-de-paris-sur-le-climat_3689371.html">sortie des États-Unis</a> de l’accord de Paris ; ce n’est là qu’un des 90 changements de politique de l’administration Trump remettant en cause la réglementation environnementale.</p>
<p>Mais en quoi exactement la politique de ce <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-droit-constitutionnel-2017-3-page-601.htm">président minoritaire</a> reflète-t-elle l’opinion publique américaine ?</p>
<h2>Plus climatosceptiques que les autres</h2>
<p>Selon les statistiques du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pew_Research_Center">Pew Research Center</a>, Les Américains ont tendance à être moins inquiets du changement climatique que le reste du monde (de <a href="https://www.pewresearch.org/fact-tank/2019/04/18/a-look-at-how-people-around-the-world-view-climate-change/">10 à 20 points d’écart</a>).</p>
<p>Cela étant dit, une majorité d’entre eux (59 %) considère toutefois qu’il s’agit d’une menace sérieuse, avec une augmentation de <a href="https://www.pewresearch.org/fact-tank/2019/04/18/a-look-at-how-people-around-the-world-view-climate-change/">17 points en 6 ans</a>.</p>
<p>Le diable se cache pourtant dans les détails : seuls 27 % des Républicains disent que le changement climatique est une menace majeure, contre 83 % des Démocrates, une différence de 56 points !</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308489/original/file-20200104-11946-1pfgce4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308489/original/file-20200104-11946-1pfgce4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=669&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308489/original/file-20200104-11946-1pfgce4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=669&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308489/original/file-20200104-11946-1pfgce4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=669&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308489/original/file-20200104-11946-1pfgce4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=840&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308489/original/file-20200104-11946-1pfgce4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=840&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308489/original/file-20200104-11946-1pfgce4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=840&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">FT ClimateChangeGlobal Concernsaboutclimatechange.</span>
<span class="attribution"><span class="source">//www.pewresearch.org/fact-tank/2019/04/18/a-look-at-how-people-around-the-world-view-climate-change</span></span>
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<p>Le climatoscepticisme existe bien dans d’autres pays occidentaux, chez les populistes de droite principalement. Mais les Républicains américains restent les <a href="https://www.pewresearch.org/global/2019/02/10/climate-change-still-seen-as-the-top-global-threat-but-cyberattacks-a-rising-concern/">moins susceptibles</a> de voir le changement climatique <a href="https://www.ft.com/content/e5374b6c-d628-11e9-8367-807ebd53ab77">comme une menace majeure</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308490/original/file-20200104-11914-1daxcyr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308490/original/file-20200104-11914-1daxcyr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308490/original/file-20200104-11914-1daxcyr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308490/original/file-20200104-11914-1daxcyr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308490/original/file-20200104-11914-1daxcyr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308490/original/file-20200104-11914-1daxcyr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308490/original/file-20200104-11914-1daxcyr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">PG Global Threats.</span>
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<p>Cela amène une nouvelle interrogation : pourquoi les Républicains américains sont-ils plus climatosceptiques que les électeurs de droite d’autres pays ? Un premier élément de réponse concerne un contexte de polarisation politique grandissante aux États-Unis.</p>
<h2>À l’ère de la « guerre culturelle »</h2>
<p>Cette polarisation trouve sa source dans des divisions raciales, religieuses et idéologiques relatives à la <a href="https://www.foreignaffairs.com/articles/united-states/2019-09-25/how-americans-were-driven-extremes">réaction des conservateurs</a> face aux transformations culturelles, sociales et politiques des années 1960-1970. Elle a fini par atteindre le monde politique dans les années 1980, et surtout 1990, quand elle a été appréhendée comme étant une véritable « guerre culturelle ».</p>
<p>Nouvelle préoccupation, le changement climatique s’est ajouté <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2017/09/18/climat-la-guerre-culturelle-des-villes-contre-trump_5187500_3222.html">à ces sujets sensibles</a>, venant alimenter cette « guerre » au même titre que l’avortement, le contrôle des armes, les soins médicaux, les questions raciales ou encore les droits des femmes et des LGBTQ.</p>
<p>Le fait que des démocrates progressistes se soient attaqués très tôt au réchauffement climatique (voir <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Une_v%C3%A9rit%C3%A9_qui_d%C3%A9range">l’engagement du vice-président Al-Gore</a> sur la question) et que les solutions proposées soient liées à des mesures étatiques (comme la taxe carbone, les quotas d’émission cessibles ou les économies d’énergie) n’ont fait que <a href="https://www.cairn.info/controverses-climatiques-sciences-et-politique--9782724612394-page-173.htm">politiser un peu plus le sujet</a>.</p>
<p>Il ne fait pas de doute que les mesures nécessaires pour réduire les émissions des gaz à effet de serre impliquent davantage d’intervention étatique et des traités internationaux contraignants, allant <a href="http://news.msu.edu/media/documents/2011/04/593fe28b-fbc7-4a86-850a-2fe029dbeb41.pdf">à l’encontre des idéaux conservateurs</a> de liberté, d’un engagement limité de l’État et du marché.</p>
<p>En 2001, le président Bush sort du protocole de Kyoto qu’il juge <a href="https://www.universalis.fr/evenement/28-mars-2001-rejet-du-protocole-de-kyoto-par-le-president-george-w-bush/">« injuste et trop coûteux »</a> à l’économie américaine. En 2010, le <a href="https://www.lapresse.ca/international/201805/08/01-5175818-le-tea-party-et-le-rechauffement-climatique.php">mouvement du Tea Party</a> viendra renforcer le climatoscepticisme des Républicains.</p>
<p>C’est dans ce contexte très polarisé que Donald Trump peut déclarer que le réchauffement climatique est un « concept créé par les Chinois » pour rendre l’industrie américaine « non compétitive », sans entamer sa crédibilité.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308520/original/file-20200105-11904-tpusl6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308520/original/file-20200105-11904-tpusl6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308520/original/file-20200105-11904-tpusl6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308520/original/file-20200105-11904-tpusl6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308520/original/file-20200105-11904-tpusl6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308520/original/file-20200105-11904-tpusl6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308520/original/file-20200105-11904-tpusl6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Trump Climate Change Chinese Comment.</span>
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</figure>
<p>Ses critiques de l’accord de Paris comme étant « très, très cher », « injuste », « destructeur d’emplois » et de « revenus » (comme <a href="https://factba.se/transcript/donald-trump-speech-political-rally-maga-las-vegas-september-20-2018">ici</a> et <a href="https://factba.se/transcript/donald-trump-speech-maga-rally-wheeling-wv-september-29-2018">là</a>) ravit son électorat. En gouvernant uniquement par rapport à sa base électorale, Donald Trump a intensifié la polarisation étasunienne. Il en est toutefois davantage le symptôme que la cause profonde.</p>
<h2>Une question de confiance</h2>
<p>Plus que pour d’autres sujets, notre acceptation de l’impact de l’homme sur le changement climatique dépend de la crédibilité que nous accordons à la science environnementale et aux scientifiques. Ce n’est donc pas tant une question d’intelligence que de confiance, la plupart d’entre nous n’ayant pas les connaissances suffisantes pour porter un regard expert sur la question.</p>
<p>Les Américains font ainsi généralement <a href="https://www.pewresearch.org/science/2019/08/02/trust-and-mistrust-in-americans-views-of-scientific-experts/">confiance aux scientifiques (à 86 %)</a>, à l’exception notoire de la recherche environnementale, où il existe, là encore, une différence de <a href="https://www.pewresearch.org/science/2019/08/02/a-majority-of-americans-have-positive-views-of-environmental-scientists-but-trust-in-them-varies-by-politics/">plus de 30 points</a> entre Républicains et Démocrates.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308529/original/file-20200105-11924-1tb8l74.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308529/original/file-20200105-11924-1tb8l74.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=778&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308529/original/file-20200105-11924-1tb8l74.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=778&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308529/original/file-20200105-11924-1tb8l74.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=778&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308529/original/file-20200105-11924-1tb8l74.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=977&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308529/original/file-20200105-11924-1tb8l74.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=977&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308529/original/file-20200105-11924-1tb8l74.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=977&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">PS trust in scientists.</span>
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</figure>
<p>Un tel fossé se retrouve de façon surprenante chez les sondés ayant des connaissances scientifiques.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308492/original/file-20200104-11909-i12kve.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308492/original/file-20200104-11909-i12kve.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1260&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308492/original/file-20200104-11909-i12kve.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1260&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308492/original/file-20200104-11909-i12kve.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1260&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308492/original/file-20200104-11909-i12kve.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1583&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308492/original/file-20200104-11909-i12kve.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1583&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308492/original/file-20200104-11909-i12kve.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1583&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">PS trust in scientists.</span>
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</figure>
<p>La méfiance historique des Américains envers l’État fédéral constitue un autre facteur important à prendre en compte ici ; elle est <a href="https://www.people-press.org/2019/04/11/public-trust-in-government-1958-2019/">également très partisane</a>, expliquant la défiance singulière des Républicains envers les données de leur propre gouvernement.</p>
<h2>Anti-mondialisme, anti-intellectualisme, antiscience</h2>
<p>Les Républicains ont également tendance à être très méfiants envers les institutions internationales. Ils ne sont <a href="https://www.pewresearch.org/fact-tank/2016/09/20/favorable-views-of-the-un-prevail-in-europe-asia-and-u-s/">ainsi que 43 %</a> à avoir un point de vue favorable sur les Nations unies, contre 80 % pour les Démocrates.</p>
<p>Et certains Républicains très à droite veulent tout simplement quitter l’ONU, comme l’influente <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Birch_Society">association John Birch</a>, le complotiste Alex Jones ou, plus généralement, la droite dite <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Alt-right">« alternative »</a>.</p>
<p>De bien des manières, le slogan « America First » de Donald Trump fait référence à ce rejet des institutions internationales, de <a href="https://www.lepoint.fr/monde/trump-metamorphose-le-role-des-etats-unis-dans-le-monde-29-10-2018-2266880_24.php#">l’internationalisme et du cosmopolitisme</a>. Un point de vue clairement exposé par le président étasunien lors de la 73<sup>e</sup> Assemblée générale des Nations unies, le 25 septembre 2018.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/iOB0Qj82Q78?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<blockquote>
<p>« L’Amérique choisira toujours l’indépendance et la coopération contre la gouvernance mondiale, le contrôle et la domination. Nous n’abandonnerons jamais la souveraineté américaine à une bureaucratie mondiale non élue et irresponsable. L’Amérique est gouvernée par les Américains. Nous rejetons l’idéologie du mondialisme et nous adhérons à la doctrine du patriotisme. Partout dans le monde, les nations responsables doivent se défendre contre des menaces à leur souveraineté, qui viennent non seulement de la gouvernance mondiale, mais aussi d’autres formes nouvelles de contraintes et de domination. »</p>
</blockquote>
<p>Les Américains ont toujours eu tendance à se méfier des autorités et des élites. Dans son célèbre essai <a href="https://books.google.fr/books/about/Anti_intellectualism_in_American_Life.html?id=32rnqpOdlxQC&redir_esc=y"><em>Anti-Intellectualism in American Life</em></a>, prix Pulitzer de 1964, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Richard_Hofstadter">Richard Hofstadter</a> identifiait deux sources de cet anti-intellectualisme : d’un côté, les affaires et le commerce ; de l’autre, la religion, et tout particulièrement l’évangélisme.</p>
<p>Dans le contexte de la « guerre culturelle » et avec un programme économiquement libéral et pro-religieux, le parti républicain est naturellement plus méfiant à l’égard des milieux intellectuels, universitaires et scientifiques.</p>
<h2>Des think-tanks à Fox News</h2>
<p>Tout cela constitue une terre fertile pour les groupes de pression et d’influence industriels qui sèment le doute dans l’esprit de conservateurs déjà porteurs d’un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Biais_cognitif">biais cognitif</a> contre le changement climatique. Les think-tanks et lobbys sont légion dans ce domaine : citons la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Global_Climate_Coalition">Global Climate Coalition</a>, l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cato_Institute#cite_note- :0-17">Institut Cato</a>, l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Heritage_Foundation">Heritage Foundation</a>, l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Institut_Heartland">Institut Heartland</a>, sans oublier les <a href="https://ricochet.media/fr/2334/youri-chassin-la-caq-et-le-lobby-du-petrole">lobbies pétroliers</a>.</p>
<p>Comme l’ont montré Naomi Oreskes et Erik M. Conway dans <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Marchands_de_doute"><em>Les Marchands de doute</em></a>, ces groupes recourent à une stratégie de remise en cause de la recherche scientifique, équivalente à celle utilisée par l’industrie du tabac dans les années 1970-1980.</p>
<p>Ils ont eu pendant longtemps des alliés dans une presse américaine encline à présenter la science du climat <a href="http://news.msu.edu/media/documents/2011/04/593fe28b-fbc7-4a86-850a-2fe029dbeb41.pdf">comme « incertaine »</a>.</p>
<p>Dans le paysage médiatique, c’est surtout <a href="https://www.citizen.org/article/foxic-fox-news-networks-dangerous-climate-denial-2019/">Fox News qui s’est fait l’écho des climatosceptiques</a>. Résultat attendu, les spectateurs de cette chaîne sont <a href="https://woodsinstitute.stanford.edu/system/files/publications/Global-Warming-Fox-News.pdf">moins susceptibles de croire</a> la science sur le changement climatique (voir également à ce propos le rapport <em><a href="https://www.ucsusa.org/sites/default/files/2019-09/Science-or-Spin-report.pdf">Science or Spin ? Assessing the Accuracy of Cable News</a></em>).</p>
<p>À tout cela s’ajoute l’omniprésence des réseaux sociaux. Une <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fcomm.2019.00036/full">étude récente</a> a ainsi montré que les vidéos soutenant le consensus scientifique sur le changement climatique sont moins nombreuses en ligne que celles présentant l’opinion contraire.</p>
<p>Le président Trump a enfin beaucoup œuvré à attaquer les scientifiques de sa propre administration, censurant leurs résultats, <a href="https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/ladministration-trump-tue-discretement-un-programme-de-la-nasa-sur-le-climat-132470">supprimant des programmes publics de recherche</a>, faisant des <a href="https://usbeketrica.com/article/trump-en-guerre-contre-la-recherche-scientifique">coupes budgétaires</a>.</p>
<p>Confrontés à la réalité des désastres naturels et à l’augmentation des températures, la plupart des Républicains ne nient plus aujourd’hui le réchauffement climatique ; mais ils <a href="https://www.theguardian.com/environment/climate-consensus-97-per-cent/2018/oct/17/republican-lawmakers-react-to-the-ipcc-report-we-have-scientists-too">nient en revanche la responsabilité humaine</a>.</p>
<h2>Le mythe de l’aubaine économique</h2>
<p>Si la déclaration d’amour de Donald Trump au <a href="https://www.lci.fr/planete/donald-trump-vante-son-magnifique-charbon-propre-de-quoi-s-agit-il-2136842.html">« magnifique charbon propre »</a> séduit ses électeurs des États miniers du Wyoming, de Virginie-Occidentale ou du Kentucky, il fait également référence à cette croyance en une nature pourvoyeuse de richesse, qui doit contribuer à la prospérité de l’Amérique. De l’<a href="https://www.nytimes.com/2019/08/31/opinion/trump-nature-minnesota-alaska.html">Alaska au Minnesota</a>, l’administration Trump se soucie de la nature dans l’objectif d’en exploiter les ressources.</p>
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<p>Cette idée d’une nature offrant de vastes réserves inexploitées, socle d’une richesse perpétuelle et aisée renvoie aux travaux de l’historien <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Richard_Slotkin">Richard Slotkin</a>, et notamment à son ouvrage <a href="https://oupress.com/books/9780611/gunfighter-nation"><em>Gunfighter Nation : The Myth of the Frontier in 20th-century America</em></a> où il évoque « l’aubaine économique » (<a href="https://books.google.ca/books ?id=-9XOsW7YwJ4C&printsec=frontcover&dq=gunfighter+nation&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwifj9C42ezmAhUb8uAKHW46CdwQ6AEILDAA#v=onepage&q=bonanza %20economics&f=false"><em>bonanza economics</em></a>).</p>
<p>Cette vision de l’histoire des États-Unis remonte aux puritains : celle d’une nature sauvage qui doit être conquise et transformée, d’une race anglo-saxonne définie par sa capacité de l’exploiter, justifiant le déplacement des peuples autochtones qui, eux, ne travaillaient pas la terre.</p>
<p>Le président Trump, en se présentant comme le héros osant s’aventurer dans les contrées sauvages de la nature et de la politique, se replace dans ce récit ; il insiste, par exemple, sur le fait d’être le <a href="https://www.youtube.com/watch ?v=moaSvRuc4AE">seul président</a> à avoir réussi à faire approuver par le Congrès l’exploitation minière dans refuge national de la faune arctique en Alaska. Reagan lui-même, icône héroïque par excellence de la droite américaine, n’y était pas parvenu, souligne-t-il.</p>
<p>Il existe pourtant un tout autre récit des grands espaces de l’Ouest ; différent et tout aussi typiquement américain. Celui qui voit la nature comme une création divine et reconnaît sa fragilité. On la trouve dans les <a href="http://nationalhumanitiescenter.org/tserve/nattrans/ntwilderness/essays/preserva.htm">écrits de Ralph Waldo Emerson, de Henry David Thoreau</a>, dans l’art de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hudson_River_School">Hudson River School</a>, dans l’activisme de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Muir">John Muir</a> et dans la présidence de <a href="https://www.pbs.org/wgbh/americanexperience/features/tr-environment/">Théodore Roosevelt</a>, qui eut recours au mythe de la « Frontière » pour servir sa <a href="https://www.nps.gov/thro/learn/historyculture/theodore-roosevelt-and-conservation.htm">politique de conservation</a>.</p>
<p>Si les valeurs comptent davantage que les faits, peut-être est-ce là le récit mythique de l’Amérique que les conservateurs américains devraient aujourd’hui adopter.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129017/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Viala-Gaudefroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Décryptage du socle politique et historique du déni climatique outre-Atlantique, dont Trump est le digne héritier.Jérôme Viala-Gaudefroy, Assistant lecturer, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1294792020-01-09T20:41:56Z2020-01-09T20:41:56ZLe changement climatique, adversaire le plus dangereux de l’armée américaine<p>Sous l’impulsion de la <a href="https://insideclimatenews.org/news/19122019/trump-climate-policy-record-rollback-fossil-energy-history-candidate-profile">présidence Trump</a>, les différentes administrations américaines ont adopté une <a href="https://www.scientificamerican.com/article/skeptics-are-being-recruited-for-an-adversarial-review-of-climate-science/">posture climatosceptique</a>, à l’exception d’une, et pas des moindres : le Département de la défense (DOD ou Department of Defense). Ce ministère est pourtant le plus gros <a href="https://theconversation.com/us-military-is-a-bigger-polluter-than-as-many-as-140-countries-shrinking-this-war-machine-is-a-must-119269">émetteur institutionnel mondial de gaz à effet de serre</a>, sans que cette contradiction n’émeuve ses responsables.</p>
<h2>Prévoir le réchauffement climatique sans froisser les sceptiques</h2>
<p><a href="https://livre.fnac.com/a4774169/Jean%E2%80%91Michel-Valantin-Guerre-et-nature">Dès le début des années 2000</a>, sous la présidence du climato-sceptique convaincu G. W. Bush, un influent bureau du Pentagone, l’<a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Office_of_Net_Assessment">Office of Net Assessment</a>, organise la « fuite » d’un rapport sur les <a href="https://apps.dtic.mil/docs/citations/ADA469325">conséquences du réchauffement climatique</a> (l’administration Bush étant climatosceptique, il était difficile pour le Pentagone de publier ce texte « officiellement »). Ce document rédigé en 2003 envisage pour 2020 une interruption de la circulation océanique du Gulf Stream liée à l’échauffement des eaux de l’Atlantique. Cela aurait pour effet d’engendrer une ère glaciaire au nord de l’Europe et de l’Amérique, concomitante à un réchauffement et à un assèchement des zones situées plus au Sud. Si, avec le recul, la naïveté de ce document très officiel peut surprendre, elle ne fait que refléter la méconnaissance relative du phénomène climatique par leurs auteurs, les <em>Green Hawks</em>, des militaires s’intéressant à ce type de problèmes.</p>
<p>En 2007, le <a href="https://www.csis.org/">Center for Strategic and International Studies</a>, un influent <em>think tank</em> américain, publie son rapport fondateur : <a href="https://www.csis.org/analysis/age-consequences"><em>The Age of Consequences</em></a>. Beaucoup plus solide en termes scientifiques, il envisage trois scénarios, du plus léger au plus catastrophique. Avec le recul, il est étonnant de remarquer que le scénario le plus bénin, considéré à l’époque comme le plus réaliste, est déjà dépassé aujourd’hui. En ces temps de présidence Bush, le rapport préfère ne pas trop s’attarder sur les causes du réchauffement climatique et insiste surtout sur ses conséquences… tout en montrant son accord avec les prévisions du <a href="https://www.ipcc.ch/news/">GIEC</a>, qu’il juge même trop prudentes.</p>
<p>Il s’agit là d’un jeu d’équilibrisme subtil que l’on retrouve dans le <a href="https://climateandsecurity.org/2019/08/01/army-war-college-the-u-s-military-is-precariously-underprepared-for-climate-change/">dernier rapport de l’USAWC</a> (United States Army War College) publié en août 2019 : ce texte se concentre sur les effets du réchauffement, sans insister sur l’origine humaine de ce phénomène, car il ne saurait être question de <a href="https://www.militarytimes.com/news/your-military/2017/09/12/pentagon-is-still-preparing-for-global-warming-even-though-trump-said-to-stop/">contredire le climatoscepticisme</a> de la présidence Trump.</p>
<p>L’USAWC exprime les préoccupations de l’armée américaine et se concentre sur trois domaines : les dangers pour les installations militaires américaines ; les risques qui pèsent sur le système logistique et énergétique américain ; et la montée des menaces dans le monde.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/defense-et-changement-climatique-quel-modele-pour-les-armees-de-demain-128641">Ce rapport</a> envisage une rupture du réseau électrique, ce qui ne serait pas loin de conduire à un effondrement du système productif américain. Au niveau mondial, le cas emblématique du Bangladesh est cité comme l’exemple des catastrophes à venir. Dans ce pays où près de la moitié de la population réside dans des espaces situés au niveau de la mer, la montée des eaux provoquerait la migration de près de 70 millions de personnes. L’Inde ne voulant absolument pas les accueillir, cela ne manquerait pas d’entraîner un conflit majeur.</p>
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<h2>La part de responsabilité de l’armée</h2>
<p>Ces constats catastrophiques ne peuvent néanmoins cacher un fait majeur : l’armée américaine est un <a href="https://www.athena21.org/securite-ecologique/dereglements-climatiques/291-urgence-climatique-les-forces-armees-us-en-ligne-de-mire">acteur majeur du processus de réchauffement climatique</a>. Le Pentagone est ainsi, on l’a dit, le premier émetteur institutionnel mondial de gaz à effet de serre : il en rejette <a href="https://watson.brown.edu/costsofwar/papers/ClimateChangeandCostofWar">autant que des pays comme la Suède ou le Danemark</a>. Les trois quarts de cette « production » sont liés à sa consommation de carburant d’aviation.</p>
<p>Face à cette évidence, l’armée américaine a dans un premier temps exigé d’être exemptée de toute obligation de faire des efforts dans ce domaine. C’est ainsi que le protocole de Kyoto de 1997 la dispense de tout effort de réduction d’émissions dans le cadre de ses interventions militaires, qui représentent l’essentiel de sa consommation.</p>
<h2>L’armée fait des économies d’énergie</h2>
<p>Néanmoins, s’il y a un aspect auquel l’armée américaine est très sensible, c’est son approvisionnement en pétrole. Elle est bien consciente que celui-ci dépend de circuits logistiques complexes et fragiles, car les <a href="https://www.csis.org/analysis/myth-us-energy-independence-and-realities-burden-sharing">États-Unis ne sont pas autosuffisants</a> dans ce domaine, malgré l’exploitation intensive de pétrole de schiste. Elle a pu constater cette fragilité lors des guerres d’Irak et d’Afghanistan. Les insurgés ont vite compris que les convois d’approvisionnement étaient le point faible de l’armée américaine. En Irak, son efficacité reposait sur un <a href="https://livre.fnac.com/a4774169/Jean%E2%80%91Michel-Valantin-Guerre-et-nature">composant essentiel : le climatiseur</a>, les soldats supportant très mal le climat local. Ces appareils consommaient jusqu’aux deux tiers du carburant nécessaire au fonctionnement des bases américaines.</p>
<p>Face à cette situation, l’US Army <a href="https://alaingrandjean.fr/2016/03/29/guerres-de-lanthropocene-larmee-americaine-sadapte-a-longue-urgence/">fit un premier effort significatif d’économie d’énergie fossile</a> grâce à l’utilisation massive de panneaux photovoltaïques et à une meilleure aération et isolation des bâtiments. Dans certains cas, la <a href="https://watson.brown.edu/costsofwar/papers/ClimateChangeandCostofWar">consommation a pu être réduite de 90 %</a>. À la suite de ces résultats, l’US Navy décida d’expérimenter l’utilisation de biocarburants en créant une flotte de combat, la <a href="https://www.navy.mil/submit/display.asp?story_id=95398"><em>Great Green Fleet</em></a>. Il reste que, en y incluant le processus de production, les biocarburants émettent <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Z4teA8ciuRU">quasiment autant de gaz à effet de serre</a> que les dérivés du pétrole ; dès lors, on peut douter de l’intérêt de cette expérience en termes de lutte contre le réchauffement climatique.</p>
<p>L’armée américaine est bien consciente qu’elle doit aller au-delà de la question de sa consommation de carburant et faire, aussi, des efforts pour lutter contre le réchauffement climatique. Le dernier rapport de l’USAWC le montre clairement. Il envisage un futur dans lequel l’US Army se verrait contrainte de réduire sa consommation d’énergie fossile pour ses besoins quotidiens, sous la pression de l’opinion publique (néanmoins, ses interventions militaires continueraient à être exemptées de ces restrictions). Pour cela, le rapport envisage de développer l’usage de simulateurs pour l’entraînement et d’utiliser de l’électricité produite par des microcentrales nucléaires ou des installations à base de panneaux solaires.</p>
<h2>La sobriété énergétique est-elle compatible avec la guerre ?</h2>
<p>Mais une armée énergétiquement sobre est-elle possible ? Peut-on maintenir le même niveau d’efficacité avec moins, voire beaucoup moins d’énergie fossile ?</p>
<p>Au-delà des solutions technologiques, il serait intéressant de se référer à des cas historiques. L’Allemagne nazie en constitue le seul exemple : elle a réussi à maintenir un haut niveau d’efficacité opérationnelle tant que la contrainte énergétique ne dépassait pas un certain seuil.</p>
<p>Dès les années 1930, le général Heinz Gudérian s’inquiétait des <a href="https://www.amazon.fr/Achtung-Panzer-Heinz-Guderian/dp/0304352853">restrictions en matière d’approvisionnement en carburant</a>. Au-delà d’un gigantesque programme de construction d’usines d’essence synthétique, les Allemands décidèrent de concevoir des engins légers et économes.</p>
<p>L’excellence tactique permettant de maximiser l’utilisation d’appareils moins armés et protégés que ceux de leurs adversaires. Dans le domaine des véhicules de transport, le <a href="https://de.wikipedia.org/wiki/Z%C3%BCndapp_KS_750_Gespann">side-car Zündapp</a>, qui permettait de transporter trois soldats, en est l’exemple le plus représentatif avec sa consommation de <a href="http://www.wehrmachtsgespann.de/zuendappdeutsch/">7 litres aux 100 km</a>. Le véhicule tout-terrain allemand ou <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Volkswagen_K%C3%BCbelwagen">Kubelwagen</a> est plutôt médiocre si on le compare à la Jeep américaine : si on prend en compte sa faible consommation (8 litres aux 100 km), on ne peut être qu’étonné par ses exceptionnelles performances. D’autre part, la Wehrmacht, la première à mener la <em>Blitzkrieg</em>, est plutôt une <a href="https://www.avions-bateaux.com/produit/mushroom-mmp-stratus/3354">armée hippomobile</a>. Car contrairement à une légende tenace, l’infanterie constitue le cœur de cette armée.</p>
<p>Dans le domaine aérien, il fut beaucoup plus difficile de suppléer à l’insuffisance de carburant. Cela eut des conséquences fâcheuses en termes d’entraînement des jeunes pilotes. En 1945, les Allemands expérimentèrent un avion-fusée utilisant un combustible non dérivé du pétrole : le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Messerschmitt_Me_163">Messerschmitt Me 163 Komet</a>. Les résultats furent décevants. Plus prometteuses furent leurs recherches tardives sur un <a href="http://aerostories.free.fr/dossiers/raketen/page5.html">système anti-aérien</a> à base de missiles à poudre. Mais ces engins ne dépassèrent jamais l’état de prototypes. À partir de 1944, les <a href="https://www.amazon.com/Oil-Factor-German-Effort-1933-1945/dp/1780399057">contraintes énergétiques</a> devinrent telles que l’armée allemande s’effondra, incapable d’assumer l’effort logistique nécessaire à son approvisionnement.</p>
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<h2>Quelles pistes pour l’avenir ?</h2>
<p>Concevoir des engins plus économes n’est pas la tendance que suit l’armée américaine. Si le <a href="https://www.treehugger.com/cars/7-gas-guzzling-military-combat-vehicles.html">Humvee</a>, son véhicule utilitaire de référence, consomme entre 23 et 40 litres aux 100 km – à comparer aux 8 litres du vénérable Kubelwagen –, son successeur, le <a href="https://www.motortrend.com/news/oshkosh-jltv-first-drive/">Oshkosh</a>, ne devrait pas faire mieux, bien au contraire, en raison de son poids.</p>
<p>En termes technologiques, deux pistes complémentaires permettraient de diminuer cette consommation de carburant. Des <a href="https://climateandsecurity.org/2019/08/01/army-war-college-the-u-s-military-is-precariously-underprepared-for-climate-change/">microcentrales nucléaires</a> établies dans chaque base américaine permettraient ainsi de fournir de l’électricité à des engins robotisés mobiles, donc beaucoup plus petits que les véhicules actuels. Au-delà, s’il est possible d’équiper les bateaux de mini-réacteurs nucléaires, il en va autrement des véhicules terrestres et aériens. <a href="https://theconversation.com/les-nouveaux-missiles-russes-signent-ils-la-fin-de-la-domination-americaine-123294">Expérimentés dans les années 1950</a> par les Américains et les Russes, principalement <a href="https://www.youtube.com/watch ?v=9Jt924xjaJo&t=593s">dans le domaine aérien</a>, leur dangerosité est rédhibitoire.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/defense-et-changement-climatique-quel-modele-pour-les-armees-de-demain-128641">La robotisation est également une voie prometteuse</a>, bien qu’elle suppose un changement complet de doctrine militaire. Les contraintes en termes de taille des batteries sont telles que les engins létaux du futur seront petits, voire très petits, bien loin des véhicules blindés et avions de combat actuels. Paradoxalement, les plus enclins à réfléchir à de nouvelles doctrines de combat économes sont des acteurs disposant de faibles moyens. L’attaque des <a href="https://www.lepoint.fr/monde/sites-petroliers-frappes-en-arabie-saoudite-une-attaque-de-drones-16-09-2019-2336029_24.php">installations pétrolières saoudiennes</a> par des drones en septembre dernier nous donne un aperçu de cette possible guerre du futur. Comme pour l’Allemagne nazie, la contrainte reste ainsi le meilleur stimulant de l’innovation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129479/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Martel-Porchier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En dépit du climatoscepticisme de la présidence Trump, l’armée américaine cherche à s’adapter au changement climatique – un phénomène qu’elle alimente elle-même par son immense demande en carburant.Eric Martel-Porchier, Docteur en Sciences de Gestion/Chercheur associé au LIRSA, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1295752020-01-08T23:17:47Z2020-01-08T23:17:47ZIncendies en Australie : catastrophe naturelle, catastrophe politique<p>Les méga-feux qui ont consumé ces derniers mois d’énormes étendues du territoire australien ont provoqué une catastrophe naturelle sans précédent mais aussi un cuisant échec du gouvernement australien.</p>
<p>Si, dans un système fédéral, une grande part de la responsabilité quant aux services et aux urgences incombe aux différents États, les incendies ne connaissent eux pas de frontières.</p>
<p>Les chefs des pompiers avaient prévenu <a href="https://www.canberratimes.com.au/story/6014638/ex-emergency-chiefs-sound-climate-alarm/?cs=14231">dès avril 2019</a> qu’un tel drame guettait le pays. Il y a deux ans de cela, ils avaient plaidé pour une augmentation des ressources fédérales pour prévenir et répondre à la menace des feux. Mais leurs appels en faveur d’un leadership et d’une coordination au niveau national <a href="https://www.theguardian.com/australia-news/live/2020/jan/06/nsw-fires-live-updates-victoria-bushfires-south-australia-fire-sa-australian-bushfire-near-me-rfs-cfa-latest-news-morrison?page=with:block-5e12762b8f08c397226455b0">sont restés lettre morte</a>.</p>
<p>Maintenant que le cauchemar est devenu réalité, le premier ministre Scott Morrison et son équipe brillent <a href="https://www.theage.com.au/politics/federal/scott-morrison-starts-bushfire-repair-with-states-after-weekend-of-confusion-20200105-p53p0s.html">par leur incapacité à gérer la situation</a>. Ils se sont montrés lents à répondre, réactifs et non proactifs, plus occupés à soigner leur image et qu’à agir. En matière de communication, ils ont en outre répondu aux critiques de façon totalement inappropriée.</p>
<p>En conséquence de quoi, les commentateurs ont <a href="https://insidestory.org.au/the-summer-that-scott-morrisons-leadership-broke/">pointé</a> le manque d’autorité politique, de jugement et de sensibilité de Scott Morrison à l’égard l’opinion publique, et s’interrogent aujourd’hui : l’« homme miracle » de l’élection de 2019 peut-il reprendre pied ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1212720360078168065"}"></div></p>
<h2>Scott Morrison face aux autres dirigeants</h2>
<p>Comment un leadership national digne de ce nom devrait-il fonctionner dans des situations si dramatiques ?</p>
<p>Examinons la manière dont d’autres dirigeants ont pu réagir dans des situations complexes. À ce titre, la capacité de la première ministre néo-zélandaise, Jacinda Adern, à agir immédiatement, à faire preuve de compassion et à se montrer inclusive suite au massacre de Christchurch en 2019 fournit un <a href="https://www.newyorker.com/culture/culture-desk/what-jacinda-arderns-leadership-means-to-new-zealand-and-to-the-world">modèle</a> dont le premier ministre australien est aujourd’hui bien loin.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308768/original/file-20200107-123399-1cr6mem.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308768/original/file-20200107-123399-1cr6mem.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308768/original/file-20200107-123399-1cr6mem.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308768/original/file-20200107-123399-1cr6mem.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308768/original/file-20200107-123399-1cr6mem.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308768/original/file-20200107-123399-1cr6mem.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308768/original/file-20200107-123399-1cr6mem.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Fresque murale représentant Jacinda Ardern, la première ministre néo-zélandaise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">James Ross/AAP</span></span>
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</figure>
<p>Après la fusillade de Port Arthur en 1996 en Tasmanie, qui fit 35 victimes, l’ancien premier ministre <a href="https://www.theguardian.com/australia-news/2019/jan/01/john-howard-port-arthur-gun-control-1996-cabinet-papers">John Howard</a> s’était lui aussi montré exemplaire, renforçant courageusement le contrôle sur les armes malgré une forte opposition au sein de ses propres rangs.</p>
<p>Confronté ces dernières semaines aux représentants des petites villes et des régions en détresse – ceux-là même qui lui ont assuré <a href="https://www.themonthly.com.au/issue/2019/june/1559397600/george-megalogenis/2019-election-shock-new-normal">sa mince victoire électorale</a> en mai 2019 – Scott Morrisson n’aura pas trouvé l’humilité nécessaire pour écouter leurs demandes. En esquivant les questions des victimes de Cobargo, une localité de Nouvelle-Galles-du-Sud ravagée par le feu, il a provoqué l’indignation des habitants pourtant réputés tranquilles dans le pays comme à l’étranger.</p>
<p>L’obstination du premier ministre australien à mener des politiques de réduction des émissions de CO<sub>2</sub> manifestement inadéquates et son refus de faire face aux réalités des changements climatiques – pourtant présentées par les chefs des pompiers – ont également mis en lumière son manque de courage.</p>
<h2>Un échec de l’action collective</h2>
<p>L’aspect le plus significatif mis exergue par cette crise concerne l’incapacité de Morrison à encourager l’action collective.</p>
<p>Une crise nationale dans un État fédéral exige un leadership fort, une capacité à prendre des décisions. Mais elle exige aussi une action collective. Cela implique une volonté de rechercher et d’écouter les conseils avisés, ainsi qu’une capacité à créer un consensus bipartite pour relever des défis inédits. Cela requiert également une aptitude à orchestrer les différentes strates de gouvernement, une variété d’organismes, les ONG, les branches adéquates de la fonction publique et, dans le cas présent, l’armée australienne.</p>
<p>Nous savons que la Coalition au pouvoir, et le premier ministre lui-même, ont été informés depuis bien longtemps de la probabilité d’une aggravation des feux de brousse, et de leur lien inextricable avec le réchauffement de la planète.</p>
<p>Le changement climatique s’est ainsi invité dans le débat sur la <a href="https://www.theguardian.com/australia-news/2018/sep/08/scott-morrison-says-national-energy-guarantee-is-dead">garantie énergétique nationale</a>, un projet finalement abandonné. Et les facteurs de risque – comme les feux de brousse, les cyclones et les inondations – tout comme la nécessité de s’adapter au climat, ont été au cœur du <a href="https://www.homeaffairs.gov.au/emergency/files/national-disaster-risk-reduction-framework.pdf">Cadre national de réduction des risques de catastrophe</a> établi par le ministère de l’Intérieur australien en 2018.</p>
<p>Il est difficile de croire que <a href="https://www.canberratimes.com.au/story/6292467/plaudits-start-flowing-for-parkinsons-storied-aps-career/">Martin Parkinson</a>, le secrétaire ministériel de Scott Morrison jusqu’en août dernier, ne lui ait pas donné une évaluation honnête des orientations politiques nécessaires. Peu après avoir quitté son poste, il avait d’ailleurs exprimé ses regrets <a href="https://www.theguardian.com/australia-news/audio/2019/dec/19/martin-parkinson-on-australias-decade-of-climate-inaction-australian-politics-live-podcast">face à une décennie d’inaction</a> en matière de changement climatique.</p>
<p>Rappelons à nouveau que les experts en incendie avaient réclamé des ressources fédérales supplémentaires il y a deux ans et averti sur les risques dès avril dernier.</p>
<p>Scott Morrison n’a pas eu le courage de prendre les décisions difficiles qui s’imposaient ni de prendre le risque d’affronter les dissidents rancuniers de son camp. Sa victoire « miracle » lui conférait pourtant l’autorité nécessaire pour le faire.</p>
<h2>Des attaques partisanes plutôt qu’un vrai leadership</h2>
<p>Ces échecs sont aggravés par la tendance du gouvernement de la Coalition à traiter comme des questions « politiques » les urgences nationales, <a href="https://www.afr.com/politics/federal/in-the-line-of-fire-it-s-about-survival-not-politics-20200104-p53osz">alors que sur le terrain, on tente de survivre</a>.</p>
<p>Or c’est tout l’opposé qu’exige l’action collective. Dans cette crise, Scott Morrison a eu du mal à faire passer l’intérêt national avant les intérêts des partis. Trop souvent, la communication a prévalu sur l’action – jusqu’à ce que certains chefs d’État, à l’image de Gladys Berejiklian et Daniel Andrews, le <a href="https://www.theage.com.au/politics/federal/scott-morrison-starts-bushfire-repair-with-states-after-weekend-of-confusion-20200105-p53p0s.html">fassent remarquer</a>.</p>
<p>Ceux qui ont émis des critiques ont été dénigrés, <a href="https://www.theguardian.com/australia-news/2019/nov/12/is-there-really-a-green-conspiracy-to-stop-bushfire-hazard-reduction">taxés d’écolos conspirationnistes</a> qui auraient soi-disant entravé les stratégies de réduction des risques. Les spécialistes en matière d’incendie ont démonté ces rumeurs, suggérant qu’il s’agissait d’une façon de détourner l’attention du véritable problème, à savoir l’échec du gouvernement à faire face à la situation.</p>
<p>Par ailleurs, le choix du premier ministre de communiquer sur les réseaux sociaux à propos de sa décision de mobiliser l’armée, en utilisant un en-tête du Parti libéral, a été perçu comme un acte politique <a href="https://www.abc.net.au/news/2020-01-05/scott-morrison-criticised-for-political-ads-during-bushfires/11841458">très déplacé</a>. Traditionnellement, ce type d’information est diffusé par la radio nationale, ABC, vers laquelle la plupart des gens se tournent pour les alertes d’urgence.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1213330419044638722"}"></div></p>
<p>Dès le début de la crise, le gouvernement Morrison a négligé les moyens conventionnels de gestion de crise : consultation adéquate avec les organismes d’État, canaux prévus pour la diffusion de l’information et rassemblement efficace des acteurs pour travailler ensemble sur une action collective. Ce n’est qu’après avoir pris conscience de ses multiples faux pas que le dirigeant a consenti à financer des mesures qui auraient pu être prises bien avant la saison des feux.</p>
<p>On peut aujourd’hui espérer que le lancement (tardif) de <a href="https://www.pm.gov.au/media/national-bushfire-recovery-agency">l’Agence nationale de récupération des feux de brousse</a> constituera une initiative instructive, montrant la nécessité d’éloigner les réfractaires et de dépasser les clivages partisans pour soutenir l’action collective.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129575/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>James Walter ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Du courage et de la préparation, voici ce qui aura manqué au premier ministre Scott Morrison pour répondre au défi des incendies hors norme qui ravagent l’Australie depuis des mois.James Walter, Professor of Political Science, Monash UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1236492019-09-19T14:48:18Z2019-09-19T14:48:18ZCinq idées fausses sur les changements climatiques – démystifiées<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/292698/original/file-20190916-19072-15zcox0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La désinformation et les mensonges sont régulièrement utilisés pour miner la science du changement climatique - voici comment voir à travers le brouillard.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.iqcarbone.org/enjeux/science-des-changements-climatiques/">La science des changements climatiques a plus de 150 ans</a> et c'est probablement <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar5/wg1/">le domaine le plus étudié de la science moderne </a>. Cependant, le secteur de l'énergie, les lobbyistes politiques et d'autres ont passé les 30 dernières années à semer le doute sur cette science, là où pourtant, ces doutes ne devraient pas exister. </p>
<p>Selon les dernières estimations, les cinq plus grandes compagnies pétrolières et gazières publiques du monde dépensent <a href="https://www.forbes.com/sites/niallmccarthy/2019/03/25/oil-and-gas-giants-spend-millions-lobbying-to-block-climate-change-policies-infographic/#240bf72b7c4f">environ 200 millions de dollars par an</a> pour faire pression afin de contrôler, retarder ou bloquer des politiques contraignantes motivées par le climat.</p>
<p>Ce déni organisé et orchestré de la science des changements climatiques a contribué à l'absence de progrès dans la réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), au point <a href="https://theconversation.com/uk-becomes-first-country-to-declare-a-climate-emergency-116428">où nous sommes confrontés à une urgence climatique mondiale</a>. Et lorsque les négationnistes du changement climatique utilisent certains mythes - au mieux des fausses nouvelles et au pire des mensonges - pour miner la science des changements climatiques, <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-019-02637-x">les gens ordinaires</a> peuvent trouver difficile de démêler le vrai du faux. </p>
<p>Voici cinq mythes couramment véhiculés, et ce que la science en dit.</p>
<h2>1. Les changements climatiques font partie du cycle naturel</h2>
<p>Le climat de la Terre a toujours changé, mais l'étude de la <a href="https://serc.carleton.edu/microbelife/topics/proxies/paleoclimate.html">paléoclimatologie</a> ou « climats passés » nous montre que les changements <a href="https://www.pnas.org/content/115/52/13288" title=" ">des 150 dernières années</a> - depuis le début de la révolution industrielle - ont été exceptionnels et ne peuvent être naturels. Les modélisations suggèrent que le futur réchauffement prévu pourrait être sans précédent par rapport aux cinq millions d'années précédentes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/290677/original/file-20190903-175682-18z7pu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/290677/original/file-20190903-175682-18z7pu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/290677/original/file-20190903-175682-18z7pu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=242&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/290677/original/file-20190903-175682-18z7pu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=242&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/290677/original/file-20190903-175682-18z7pu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=242&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/290677/original/file-20190903-175682-18z7pu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=304&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/290677/original/file-20190903-175682-18z7pu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=304&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/290677/original/file-20190903-175682-18z7pu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=304&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Températures de la planète depuis 65 millions d'années et réchauffement futur possible de la planète en fonction de la quantité de gaz à effet de serre que nous émettons.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pnas.org/content/115/52/13288">Burke et al (2018)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L'argument des « changements naturels » est conforté par la théorie selon laquelle le climat de la Terre se remet à peine des températures plus fraîches du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Petit_%C3%82ge_glaciaire">Petit Âge glaciaire</a> (1300-1850) et que les températures actuelles sont les mêmes que celles de la période de réchauffement médiéval (900-1300). Le problème est que le Petit Âge glaciaire et la période de réchauffement médiéval n'étaient pas des changements globaux mais <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-019-1401-2" title=" "">régionaux</a> dans le climat affectant l'Europe du Nord-Ouest, l'Amérique orientale, le Groenland et l'Islande. </p>
<p>Une étude utilisant <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-019-1401-2" title=" "">700 relevés climatiques</a> a montré qu'au cours des 2 000 dernières années, un seul changement climatique dans le monde a eu lieu en même temps et dans la même direction, et il s'est produit au cours des 150 dernières années: plus de 98 pour cent de la surface de la planète s'est réchauffée.</p>
<h2>2. Les changements sont causés par des rayons cosmiques galactiques</h2>
<p>Les <a href="https://www.scientificamerican.com/article/sun-spots-and-climate-change/">taches solaires</a> sont des tempêtes à la surface du soleil qui s'accompagnent d'une activité magnétique intense et parfois, d'éruptions solaires. Ces taches solaires ont le pouvoir de modifier le climat de la Terre. Les scientifiques qui utilisent des capteurs sur <a href="https://climate.nasa.gov/climate_resources/189/graphic-temperature-vs-solar-activity/">les satellites enregistrent la quantité d'énergie solaire qui frappe la Terre</a>. Depuis 1978, il n'y a pas eu de tendance à la hausse. Ils ne peuvent donc pas être à l'origine du récent réchauffement climatique.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/290679/original/file-20190903-175673-1piz2a7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/290679/original/file-20190903-175673-1piz2a7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/290679/original/file-20190903-175673-1piz2a7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/290679/original/file-20190903-175673-1piz2a7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/290679/original/file-20190903-175673-1piz2a7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/290679/original/file-20190903-175673-1piz2a7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/290679/original/file-20190903-175673-1piz2a7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/290679/original/file-20190903-175673-1piz2a7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Comparaison des variations de la température de la surface du globe (ligne rouge) et de l'énergie solaire reçue par la Terre (ligne jaune) en watts (unités d'énergie) par mètre carré depuis 1880.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://climate.nasa.gov/climate_resources/189/graphic-temperature-vs-solar-activity/">NASA</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://www.swpc.noaa.gov/phenomena/galactic-cosmic-rays">Les rayons cosmiques galactiques</a> sont des rayonnements à haute énergie qui proviennent de l'extérieur de notre système solaire et parfois même de galaxies éloignées. <a href="https://www.nature.com/news/2011/110824/full/news.2011.504.html">Il a été suggéré</a> qu'ils peuvent aider à « faire » des nuages. Ainsi, une réduction de ces rayons frappant la Terre signifierait moins de nuages, ce qui réfléchirait moins de lumière solaire dans l'espace et provoquerait un réchauffement de la Terre. </p>
<p>Mais il y a deux problèmes avec cette idée. Tout d'abord, les preuves scientifiques montrent que ces rayons <a href="https://skepticalscience.com/cosmic-rays-and-global-warming-advanced.htm" title=" "">ne sont pas très efficaces pour créer des nuages</a>. Deuxièmement, au cours des 50 dernières années, le nombre de ces rayons a en fait augmenté, atteignant des niveaux records au cours des dernières années. Si cette idée était correcte, <a href="https://skepticalscience.com/cosmic-rays-and-global-warming-advanced.htm" title=" ">les rayons cosmiques devraient refroidir la Terre</a>, ce qui n'est pas le cas.</p>
<h2>3. Le CO₂ ne forme qu'une petite partie de l'atmosphère - il ne peut donc pas avoir d'effet sur elle</h2>
<p>Il s'agit d'une tentative de jouer la carte du « gros bon sens », mais elle est complètement fausse. En 1856, un scientifique américain <a href="https://time.com/5626806/eunice-foote-women-climate-science/" title=" "">Eunice Newton Foote</a> a mené une expérience avec une pompe à air, deux cylindres de verre et quatre thermomètres. <a href="https://www.climate.gov/news-features/features/happy-200th-birthday-eunice-foote-hidden-climate-science-pioneer">Il a montré </a> qu'un cylindre contenant du dioxyde de carbone et placé au soleil emprisonnait plus de chaleur et restait plus chaud plus longtemps qu'un cylindre avec de l'air normal. Les scientifiques ont répété ces expériences en laboratoire et dans l'atmosphère, démontrant encore et encore l'effet de serre du dioxyde de carbone. </p>
<p>Quant à l'argument de l'échelle du « bon sens » selon lequel une très petite partie de quelque chose ne peut pas avoir beaucoup d'effet sur elle, il suffit de 0,1 gramme de <a href="https://www.canada.ca/en/health-canada/services/publications/healthy-living/guidelines-canadian-drinking-water-quality-guideline-technical-document-cyanide.html" title=" ">cyanure</a> pour tuer un adulte, ce qui représente environ 0,0001 pour cent de votre poids corporel. Comparez cela avec le dioxyde de carbone, qui constitue actuellement <a href="https://www.esrl.noaa.gov/gmd/ccgg/trends/">0,04 pour cent</a> de l'atmosphère et qui est un gaz à effet de serre important. Pendant ce temps, l'azote représente 78 pour cent de l'atmosphère et pourtant, il est très peu réactif.</p>
<h2>4. Les scientifiques manipulent les données pour montrer une tendance au réchauffement</h2>
<p>Ce n'est pas vrai et c'est un argument simpliste utilisé pour attaquer la crédibilité des climatologues. Il faudrait une conspiration couvrant des milliers de scientifiques dans plus de 100 pays pour atteindre l'échelle nécessaire à cette fin.</p>
<p>Les scientifiques corrigent et valident des données tout le temps. Par exemple, nous devons <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-019-1349-2">corriger les enregistrements de température à travers le temps</a> car la façon dont ils ont été mesurés a changé. Entre 1856 et 1941, la plupart des températures de la mer ont été mesurées à l'aide d'eau hissée sur le pont dans un seau. Même cela n'était pas constant, car les seaux en bois ont été changés pour des seaux en toile et les voiliers, pour des navires à vapeur, ce qui a modifié la hauteur du pont du navire. Ces changements ont à leur tour modifié la quantité de refroidissement causée par l'évaporation lorsque le seau était soulevé sur le pont. Depuis 1941, la plupart des mesures ont été effectuées aux prises d'eau des moteurs du navire, de sorte qu'on n'a pas à tenir compte d'un refroidissement par évaporation. </p>
<p>Nous devons également tenir compte du fait que de nombreuses villes se sont développées et que les stations météorologiques qui se trouvaient dans les zones rurales sont désormais dans des zones urbaines, généralement beaucoup plus chaudes que la campagne environnante.</p>
<p>Si nous n'avions pas apporté ces changements aux mesures initiales, le réchauffement de la Terre au cours des 150 dernières années aurait semblé encore plus important que celui qui a été observé, <a href="https://climate.nasa.gov/scientific-consensus/">qui est maintenant d'environ 1˚C</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/290910/original/file-20190904-175673-1s3azep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/290910/original/file-20190904-175673-1s3azep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/290910/original/file-20190904-175673-1s3azep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/290910/original/file-20190904-175673-1s3azep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/290910/original/file-20190904-175673-1s3azep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/290910/original/file-20190904-175673-1s3azep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/290910/original/file-20190904-175673-1s3azep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/290910/original/file-20190904-175673-1s3azep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Reconstitution des températures mondiales de 1880 à 2018 par cinq groupes internationaux indépendants de scientifiques.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://climate.nasa.gov/scientific-consensus/">NASA</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>5. Les modèles climatiques ne sont pas fiables et sont trop sensibles au dioxyde de carbone</h2>
<p>C'est inexact et c'est une mauvaise compréhension de la façon dont les modèles fonctionnent. C'est une façon de minimiser la gravité des futurs changements climatiques. Il existe une vaste gamme de <a href="https://www.carbonbrief.org/timeline-history-climate-modelling" title=" ">modèles climatiques</a>, allant de ceux qui visent des mécanismes spécifiques tels que la compréhension des nuages, aux modèles de circulation générale (MCG) qui sont utilisés pour prédire le climat futur de notre planète.</p>
<p>Il y a <a href="https://www.carbonbrief.org/qa-how-do-climate-models-work" title=" "">plus de 20 grands centres internationaux</a> où des équipes composées de personnes parmi les plus intelligentes du monde ont construit et exploité des MCG contenant des millions de lignes de code représentant les toutes dernières connaissances sur le système climatique. Ces modèles sont continuellement testés par rapport aux données historiques et paléoclimatiques ainsi qu'aux événements climatiques tels que les grandes éruptions volcaniques.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/290681/original/file-20190903-175668-1q82qoo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/290681/original/file-20190903-175668-1q82qoo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/290681/original/file-20190903-175668-1q82qoo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/290681/original/file-20190903-175668-1q82qoo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/290681/original/file-20190903-175668-1q82qoo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/290681/original/file-20190903-175668-1q82qoo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/290681/original/file-20190903-175668-1q82qoo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/290681/original/file-20190903-175668-1q82qoo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Reconstitution de la température globale depuis 1970, moyenne des modèles en noir avec gamme de modèles en gris par rapport aux enregistrements de température d'observation de la NASA, NOAA, HadCRUT, Cowtan and Way, et Berkeley Earth.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.carbonbrief.org/qa-how-do-climate-models-work">Carbon Brief</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Aucun modèle ne devrait jamais être considéré comme correct, car il représente un système climatique mondial très complexe. Mais avoir autant de modèles différents construits et calibrés indépendamment signifie que nous pouvons avoir <a href="https://rgs-ibg.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1475-4959.2012.00494.x" title=" "">confiance lorsqu'ils sont en accord </a>.<br>
Si l'on considère l'ensemble des modèles climatiques, un doublement du dioxyde de carbone pourrait réchauffer la planète de <a href="https://www.carbonbrief.org/explainer-how-scientists-estimate-climate-sensitivity">2˚C à 4,5˚C</a>, avec une moyenne de 3,1˚C. </p>
<p>Tous les modèles montrent un réchauffement important lorsque du dioxyde de carbone supplémentaire est ajouté à l'atmosphère. L'ampleur du réchauffement prévu est restée très similaire au cours des 30 dernières années malgré l'énorme augmentation de la complexité des modèles, ce qui montre qu'il s'agit d'un solide résultat scientifique. </p>
<p>En combinant toutes nos connaissances scientifiques sur les facteurs naturels (solaire, volcanique, aérosols et ozone) et anthropiques (gaz à effet de serre et changements d'affectation des sols) de réchauffement et de refroidissement, le climat montre que <a href="https://www.carbonbrief.org/analysis-why-scientists-think-100-of-global-warming-is-due-to-humans">100 pour cent du réchauffement</a> observé depuis 150 ans est dû aux humains.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/290687/original/file-20190903-175705-iuqnxv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/290687/original/file-20190903-175705-iuqnxv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/290687/original/file-20190903-175705-iuqnxv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=464&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/290687/original/file-20190903-175705-iuqnxv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=464&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/290687/original/file-20190903-175705-iuqnxv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=464&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/290687/original/file-20190903-175705-iuqnxv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=584&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/290687/original/file-20190903-175705-iuqnxv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=584&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/290687/original/file-20190903-175705-iuqnxv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=584&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Influences naturelles et humaines sur les températures mondiales depuis 1850.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.carbonbrief.org/analysis-why-scientists-think-100-of-global-warming-is-due-to-humans">Carbon Brief</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Il n'y a aucune preuve scientifique pour appuyer le déni continu des changements climatiques. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (<a href="https://www.ipcc.ch/">GIEC</a>), créé par les Nations Unies pour donner les derniers résultats scientifiques de manière ouverte et transparente, fournit <a href="https://theconversation.com/explainer-how-scientists-know-climate-change-is-happening-51421">six sources de données claires sur le changement climatique</a>. À mesure que les phénomènes météorologiques extrêmes deviennent de plus en plus fréquents, les gens se rendent compte qu'ils n'ont pas besoin de scientifiques pour leur dire que le climat est en train de changer - ils le voient et le vivent de première main.</p>
<p><em>Ne manquez aucun de nos articles écrits par nos experts universitaires.</em> <a href="https://theconversation.com/ca-fr/newsletters?utm_source=TCCA-FR&utm_medium=inline-link&utm_campaign=newsletter-text&utm_content=expert">Abonnez-vous à notre infolettre hebdomadaire</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/123649/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mark Maslin est l'un des directeurs fondateurs de Rezatec Ltd, directeur de The London NERC Doctoral Training Partnership et membre du Cheltenham Science Festival Advisory Committee. Il est membre du CR Advisory Board de Sopra Steria (Corporate Responsibility Advisory Board). Dans le passé, il a reçu des subventions du NERC, de l'EPSRC, de l'ESRC, de la Royal Society, du DIFD, du DECC, du FCO, d'Innovate UK, du Carbon Trust, de l'Agence spatiale britannique, de l'Agence spatiale européenne, du Wellcome Trust, du Leverhulme Trust et du British Council. Il a reçu des fonds de recherche de The Lancet, Laithwaites, Seventh Generation, Channel 4, JLT Re, WWF, Hermes, CAFOD et Royal Institute of Chartered Surveyors.</span></em></p>La désinformation et les mensonges sont régulièrement utilisés pour miner la science des changements climatiques. Comment démêler le vrai du faux?Mark Maslin, Professor of Earth System Science, UCLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1162172019-05-02T21:38:17Z2019-05-02T21:38:17Z« Warming is coming » : « Game of Thrones » est aussi une fable sur la menace climatique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/272099/original/file-20190501-113855-n9i5q4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Greta Thunberg (Suède) et Arya Stark (Game of Thrones) : jeunes, frondeuses et déterminées, envers la menace du réchauffement climatique pour Greta et envers la menace venue du froid pour Arya.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/stockholm-sweden-march-22-2019-16yearold-1346536685?src=oPzUxA2FUCm1Yc8HI0J_xQ-1-2">Per Grunditz/Shutterstock et Fandom</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>La dernière saison du phénomène mondial <em>Game of Thrones</em> était attendue par des millions de fans. La série n’est pas qu’un monde d’<em>heroic fantasy</em> survitaminé par un budget hollywoodien et des personnages complexes (féminins notamment), ce sont aussi des références qui nous parlent, historiques notamment : les familles Stark et Lannister renvoient ainsi aux <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Conflit_entre_Cap%C3%A9tiens_et_Plantagen%C3%AAt">Capétiens et Plantagenêts</a> de la guerre de Cent Ans et Aerys Targaryen – dit « le roi fou » – au roi anglais Henri VI dont la mort a provoqué la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_des_Deux-Roses">guerre des Deux-Roses</a>.</p>
<p>Même les scènes les plus marquantes de la série sont inspirées de faits historiques : la mort inattendue du Lord Commandant de la Garde de nuit rappelle Brutus et Jules César ; les traumatisantes Noces pourpres reproduisent le Dîner noir du roi d’Écosse ; et la troublante Marche de la honte de Cercei Lannister retrace l’histoire de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jane_Shore">Jane Shore</a> condamnée pour libertinage dans les années 1480.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-historiennes-et-historiens-sinteressent-ils-a-game-of-thrones-115434">Pourquoi historiennes et historiens s’intéressent-ils à « Game of Thrones » ?</a>
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<h2>Face à la menace climatique</h2>
<p>Mais <em>Game of Thrones</em> n’est pas qu’un passionnant cours d’histoire : ce sont des thèmes universels (amour, religion, pouvoir, etc.) et des luttes de la société moderne qui se rejouent. Il décrit un monde multipolaire dans lequel l’unité politique s’est effondrée, faisant écho à notre réalité contemporaine depuis la fin de la guerre froide. La thématique du réchauffement climatique y est également bien présente.</p>
<p>« Winter is coming ». La célèbre devise de la maison Stark trouve son origine dans les hivers froids qui rythmèrent, à Chicago, l’enfance de George R.R. Martin, le créateur de la série. Mais pas que : en octobre 2018, ce dernier révélait dans une interview au <a href="https://www.nytimes.com/2018/10/16/t-magazine/george-rr-martin-qanda-game-of-thrones.html"><em>New York Times</em></a> les connotations politiques et les références au réchauffement climatique de son récit :</p>
<blockquote>
<p>« Les gens, à Westeros, livrent leurs batailles individuelles pour le pouvoir, leur position sociale et leur prospérité. Et ils sont tellement focalisés là-dessus qu’ils ignorent la menace du “Winter is coming”, qui a le potentiel de les faire disparaître et de détruire leur monde. »</p>
</blockquote>
<p>De 6 000 à 8 000 ans avant les événements qui agitent le Trône de fer, un hiver apparemment sans fin s’abattit sur le continent Westeros, faisant émerger des spectres (les Marcheurs blancs) qui auront presque anéanti le royaume des vivants lors de la longue nuit. Mais pour les héros de la fiction, ces Marcheurs blancs ne sont qu’un mythe. Pas de raison pour eux de s’en alarmer outre mesure, ni de se laisser détourner de la quête du Trône de Fer !</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/272043/original/file-20190501-113852-1luns8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/272043/original/file-20190501-113852-1luns8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/272043/original/file-20190501-113852-1luns8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/272043/original/file-20190501-113852-1luns8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/272043/original/file-20190501-113852-1luns8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/272043/original/file-20190501-113852-1luns8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/272043/original/file-20190501-113852-1luns8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dans <em>Game of Thrones</em>, la menace vient du froid, au nord du continent Westeros. Mais les rois et les reines mettent sept saisons de la série à prendre au sérieux les terribles Marcheurs blancs…</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/download/confirm/543528610?src=nEXw_yT55F9my4OA8vHgDw-1-5&size=medium_jpg">Abel Halasz/Shutterstock</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Sur Terre, il y a 56 millions d’années, lors de l’événement dit du <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ldLBoErAhz4">maximum thermique</a> au Paléocène-Ecocène, un afflux massif de carbone a fait grimper en flèche les températures et provoqua des sécheresses, des inondations, des invasions d’insectes et des extinctions d’espèces. Les scientifiques estiment que nous en dégageons aujourd’hui à peu près autant en brûlant toutes les réserves supposées de charbon, de pétrole et de gaz naturel de la planète : depuis l’ère industrielle, la température a augmenté de <a href="https://www.lemonde.fr/mmpub/edt/zip/2018/08/21/094421081-99fda0a5539ab3ee86fa2963a45d7c2eacf1fa35/index.html">1 degré</a>.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/272080/original/file-20190501-113846-1ekhbo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/272080/original/file-20190501-113846-1ekhbo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=953&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/272080/original/file-20190501-113846-1ekhbo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=953&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/272080/original/file-20190501-113846-1ekhbo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=953&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/272080/original/file-20190501-113846-1ekhbo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1197&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/272080/original/file-20190501-113846-1ekhbo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1197&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/272080/original/file-20190501-113846-1ekhbo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1197&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Cersei Lannister, égoïste et sourde à la menace venant du froid.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://gameofthrones.fandom.com/wiki/Cersei_Lannister?file=Cersei_on_Throne_Winterfell_Ep_s8.jpg">Fandom</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Quels parallèles peut-on dresser entre notre situation et celle de la série ? Et quelles raisons poussent ces deux mondes à ignorer la gravité de la situation ?</p>
<h2>Ennemis sans État et « tragédie des communs »</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/272105/original/file-20190501-117570-oa67at.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/272105/original/file-20190501-117570-oa67at.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=960&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/272105/original/file-20190501-117570-oa67at.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=960&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/272105/original/file-20190501-117570-oa67at.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=960&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/272105/original/file-20190501-117570-oa67at.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1206&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/272105/original/file-20190501-117570-oa67at.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1206&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/272105/original/file-20190501-117570-oa67at.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1206&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Donald Trump, protectionniste et sourd à la menace climatique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/washington-dc-april-27-2018-us-1081476917?src=sTDwAIBG7MC0BboLqoB4Aw-2-26">Nicole Glass/Shutterstock</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La menace des Marcheurs blancs (dans la série) et celle du réchauffement climatique (dans le monde réel) concernent tout le monde et il est dans l’intérêt de tous de faire les efforts nécessaires pour écarter le danger. Malheureusement, l’intérêt individuel entre en conflit avec l’intérêt général : il est plus avantageux de laisser faire les autres et de rester soi-même un « passager clandestin » profitant des efforts fournis par la communauté sans y contribuer. C’est la <a href="https://laviedesidees.fr/Elinor-Ostrom-par-dela-la-tragedie-des-communs.html">tragédie des communs</a> qui aboutit, en théorie économique, à un échec de la coopération et à un résultat perdant-perdant.</p>
<p>Au nord de Westeros, un gigantesque mur de glace régenté par l’ordre des Gardes de nuit défend le royaume des Sept Couronnes. Autrefois, les grandes familles pourvoyaient l’ordre en y envoyant leurs fils. Aujourd’hui, c’est l’endroit où l’on expédie voleurs, violeurs et vauriens. L’ordre se trouve ainsi décrédibilisé et fragilisé.</p>
<p>Sur Terre, des politiques publiques climatiques sont (théoriquement) mises en place pour réduire les gaz à effet de serre et lutter contre le réchauffement climatique. L’investissement dans les énergies décarbonées et l’efficacité énergétique font l’objet de conférences mondiales – les COP – et d’accords qui représentent autant d’actions coûteuses. Ces accords volontaires sont eux aussi fragiles et ont récemment été mis à mal avec par exemple le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris. Donald Trump défait la politique climatique d’Obama et met fin « à la guerre contre le charbon ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/explaining-the-increase-in-coal-consumption-worldwide-111045">Explaining the increase in coal consumption worldwide</a>
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<p>Cette action, selon lui, permettra de « protéger les travailleurs américains et les entreprises américaines » de cet accord qu’il juge contraire à la souveraineté nationale. Donald Trump est la Cercei Lannister de <em>Game of Thrones</em> qui refuse d’envoyer ses troupes au Mur de glace.</p>
<h2>Les sauvageons, nos réfugiés climatiques</h2>
<p>Certaines régions du monde sont et seront de plus en plus touchées par le réchauffement climatique qui cause des exodes de populations entières particulièrement exposées et dépendantes de l’agriculture : l’Afrique subsaharienne, qui subit des sécheresses extrêmes et la dégradation des sols, l’Asie du Sud et du Sud-Est, région la plus exposée aux typhons et autres tempêtes, et les petits États insulaires, comme ceux des archipels du Pacifique, en première ligne face à la montée du niveau de la mer.</p>
<p>Selon l’ONU, d’ici 2050, le nombre de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0959378011001403?via%3Dihub">réfugiés climatiques</a> pourrait atteindre entre 150 et 300 millions d’individus.</p>
<p>Aujourd’hui, ces personnes n’ont aucun statut au regard du droit international ; elles ne bénéficient donc pas de la même protection garantie à ceux qui fuient les guerres et les persécutions, par exemple. Pourtant, cette migration est déjà prise en compte dans les négociations internationales, comme dans le cadre de la <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/fidji/cop23-aux-fidji-la-premiere-ecole-refugiee-climatique-5361407">COP23 de Bonn en 2017</a> ou de l’<a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1068/c1209j">Accord de Cancun</a> de 2010.</p>
<p>La métaphore des crises de migrants est également reprise dans <em>Game of Thrones</em>. Elle met en scène les Sauvageons qui vivent au-delà du Mur de glace, fuyant vers le sud pour échapper aux Marcheurs blancs.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/272112/original/file-20190501-117598-jyq6sz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/272112/original/file-20190501-117598-jyq6sz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/272112/original/file-20190501-117598-jyq6sz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/272112/original/file-20190501-117598-jyq6sz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/272112/original/file-20190501-117598-jyq6sz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/272112/original/file-20190501-117598-jyq6sz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/272112/original/file-20190501-117598-jyq6sz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les sauvageons de <em>Game of Thrones</em>, exilés au-delà du Mur de glace.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://vignette.wikia.nocookie.net/game-of-thrones-le-trone-de-fer/images/7/77/Camp_du_Peuple_libre.jpg/revision/latest?cb=20170609110451&path-prefix=fr">Fandom</a></span>
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</figure>
<p>L’histoire récente a montré que le populisme est la rançon de l’impuissance européenne face à la crise des migrants. Incapable de gérer efficacement la <a href="https://www.lepoint.fr/europe/crise-des-migrants-angela-merkel-isolee-en-europe-14-02-2016-2017815_2626.php">pression migratoire de l’été 2015</a>, l’Union européenne voit des <a href="https://www.liberation.fr/planete/2018/06/04/le-populisme-rancon-de-l-impuissance-europeenne-face-a-la-crise-migratoire_1656627">politiques protectionnistes</a> fleurir au sein des États membres. Ce désir de rendre les frontières étanches se retrouve de l’autre côté de l’Atlantique, au Brésil et aux États-Unis.</p>
<p>Et pourtant, cette pression migratoire n’est sans doute rien à côté de celle que pourront provoquer les conséquences désastreuses du changement climatique à moyen et long termes…</p>
<h2>Happy-end ou un désastre humanitaire ?</h2>
<p>Si les politiques climatiques internationales affichent leur bonne volonté, elles ne parviennent cependant pas à embarquer les États les plus importants dans une lutte efficace. Parviendra-t-on à mettre en place des mesures communes capables de changer à la fois notre manière de produire et de consommer l’énergie pour lutter contre cette menace planétaire ?</p>
<p>La réponse est peut-être à chercher du côté de la dernière saison de <em>Game of Thrones</em> – les Marcheurs blancs vont-ils régner et occuper le trône de fer à tout jamais ? Le salut viendra-t-il de la jeunesse frondeuse et déterminée, incarnée par Arya Stark (et Greta Thunberg dans la vraie vie) ? Les différents royaumes parviendront-ils à s’unir pour combattre ensemble la menace ? – ou dans cette sentence pleine de sagesse et de courage que l’instructeur Syrio Farel fit à Arya Stark, la jeune héroïne de la série :</p>
<blockquote>
<p>« Il n’existe qu’un seul dieu, et il s’appelle la mort. Et nous ne disons qu’une seule chose à la mort : Pas aujourd’hui. »</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/116217/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Lutte contre le danger venu du froid pour eux, venant du chaud pour nous. Entre la série et notre réalité, les enjeux se croisent : ouvrir ou fermer les yeux, s’unir ou non, agir ou retarder l’action.Carine Sebi, Assistant Professor - Economics, Grenoble École de Management (GEM)Laurent Muller, Directeur de recherche à l'INRAE au laboratoire GAEL - spécialiste en économie expérimentale et économie comportementale, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1105822019-01-28T20:38:03Z2019-01-28T20:38:03ZNeige et changement climatique : connaissez-vous la différence entre météo et climat ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/255795/original/file-20190128-108367-h5o37s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=22%2C98%2C5048%2C2858&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’épaisse couche de neige à Washington intéresse le bulletin météo, un peu moins les climatologues…</span> <span class="attribution"><span class="source">Erik S. Lesser/EPA-EFE</span></span></figcaption></figure><p>Alors que le mois de janvier touche à sa fin, la neige a recouvert de larges étendues en <a href="https://www.lesoir.be/200608/article/2019-01-15/les-images-des-impressionnantes-chutes-de-neige-en-europe">Europe</a> et aux États-Unis, où des avis de tempêtes hivernales ont été lancées dans plusieurs États. Le président nord-américain Donald Trump, qui affiche allègrement <a href="https://www.bbc.com/news/world-us-canada-46351940">son climatoscepticisme</a>, a suggéré sur Twitter « qu’une petite dose de ce bon vieux réchauffement climatique » serait bienvenue.</p>
<p>Trump tombe ici dans le même piège que beaucoup d’entre nous : confondre « climat » et « météo ». Les tempêtes de neige et la vague de froid qui s’abattent en ce moment sur les États-Unis relèvent de la météo – ils vont durer de quelques jours à quelques semaines au maximum, mais finiront par s’arrêter pour laisser le champ aux ciels bleus et plus tard à un été chaud.</p>
<p>Cette confusion est récurrente. Où se situe donc la différence entre « météo » et « climat » ?</p>
<p>De manière très simple, la « météo » fait référence aux conditions quotidiennes de l’atmosphère – la température maximale, la quantité de couverture nuageuse, la vitesse et la direction du vent, ainsi que les précipitations. Le « climat », quant à lui, décrit les conditions atmosphériques moyennes sur de plusieurs années – la quantité annuelle moyenne de pluie, la direction du vent prédominante, ou la saison au cours de laquelle la pluie est susceptible de tomber. Calculer un record « climatique » <a href="https://library.wmo.int/doc_num.php?explnum_id=4166">requiert au minimum</a> 30 ans de données, selon l’Organisation météorologique mondiale.</p>
<p>Cela signifie-t-il que la pluie, le soleil, le vent, les jours chauds et les nuits froides des 29 dernières années se réduisent à de la « météo » ? Pas vraiment.</p>
<p>Notre garde-robe fournit une analogie utile pour bien comprendre cette distinction.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1086971499725160448"}"></div></p>
<h2>Comment vais-je m’habiller ?</h2>
<p>Dans cette comparaison, la météo peut-être comparée aux vêtements que l’on choisit de porter un jour donné. J’écris cet article d’Afrique du Sud, où janvier et février constituent les mois de l’été les plus chauds de l’année. À cette période, les Sud-Africains portent des shorts, des t-shirts, des robes d’été, des sandales, des tongs ou encore des chapeaux. Il apparaît très peu probable que je porte aujourd’hui un chaud manteau d’hiver, des bottes, une écharpe ou un bonnet.</p>
<p>De tels vêtements conviendront en revanche à l’hiver sud-africain – j’y ajouterai un pantalon chaud, un T-shirt à manches longues et peut-être même un Damart à la mi-juillet.</p>
<p>Si le temps s’adoucit demain, avec un risque de pluie, je porterai des chaussures fermées et un léger chandail. S’il fait plus chaud, je pourrai aller à la plage ou à la piscine vêtue d’un maillot de bain et d’une serviette. Bref, ce que nous portons varie d’un jour à l’autre.</p>
<p>Le climat, pour sa part, peut être envisagé comme le contenu de notre garde-robe. Celle-ci est formée d’une multiplicité de vêtements, certains adaptés à l’été, d’autres à l’hiver. Elle représente ainsi l’ensemble des conditions météorologiques que l’on est susceptible de rencontrer dans l’année, et ce pour chaque année que nous vivons dans un lieu donné.</p>
<p>Ce lieu est de première importance : la garde-robe d’une personne vivant à Johannesburg, en Afrique du Sud, diffère considérablement de la collection de vêtements d’un habitant d’Helsinki, en Finlande. Les Sud-Africains n’auront certainement pas besoin de vêtements thermiques pour des températures inférieures à – 20°C, quand les Finlandais n’auront que faire de robes d’été et de shorts – si ce n’est pour partir en vacances !</p>
<p>C’est la même chose pour la météo et le climat. Les conditions expérimentées à un endroit diffèrent nécessairement de celles expérimentées à une autre distance des pôles.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"821634270443819009"}"></div></p>
<h2>Prévisions et projections climatiques</h2>
<p>Que cela implique-t-il pour notre compréhension des projections et prévisions climatiques ?</p>
<p>Une prévision correspond à ce que le bulletin météo nous raconte tous les soirs à la télévision ou sur notre application mobile. Elle donne les températures minimales et maximales probables, ainsi que les risques de précipitations – et inclut également des alertes en cas d’événements extrêmes susceptibles de se produire dans les 24 à 72 prochaines heures. La prévision météorologique nous aide ainsi à prévoir ce que nous allons porter demain.</p>
<p>Les projections climatiques, qu’elles proviennent de modèles climatiques régionaux ou globaux ou encore d’une analyse de tendance statistique des fluctuations sur les dernières décennies, nous permettent d’anticiper le climat, des prochaines décennies aux cent prochaines années. Elles nous aident à déterminer bien à l’avance comment faire évoluer le contenu de notre garde-robe, pour aller peut-être vers moins de manteaux épais et davantage de shorts étant donné le contexte de réchauffement global en cours.</p>
<p>Selon l’endroit où nous vivons, certains auront besoin d’un parapluie plus robuste ou d’un vêtement de pluie plus résistant, tandis que d’autres installeront un réservoir d’eau dans leur jardin. Il ne s’agit pas de dépenser notre dernier salaire pour renouveler intégralement notre garde-robe et jeter du jour au lendemain tout ce que nous avons – mais progressivement, au cours des années, des décennies, de se préparer et s’adapter à un monde que les changements en cours risquent de transformer profondément.</p>
<hr>
<p><em>Traduit de l’anglais par <a href="https://theconversation.com/profiles/nolwenn-jaumouille-578077">Nolwenn Jaumouillé</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110582/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jennifer Fitchett a reçu des financements de la Society of South African Geographer’s Centenary Award for Emerging Career Researchers, et du DST-NRF Centre of Excellence for Palaeoscience.</span></em></p>Si la « météo » renvoie aux conditions quotidiennes, le « climat » décrit leur tendance sur de nombreuses années.Jennifer Fitchett, Senior Lecturer in Physical Geography, University of the WitwatersrandLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1078252018-12-05T22:10:23Z2018-12-05T22:10:23ZScience ouverte et citoyenne : pourquoi l’université doit s’impliquer<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/248476/original/file-20181203-194956-12bxf4e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Image de science.</span> <span class="attribution"><span class="source">Martin Clavey</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Science ouverte, première ! Les <a href="https://jnso2018.sciencesconf.org/">journées nationales</a> issues du <a href="http://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Actus/67/2/PLAN_NATIONAL_SCIENCE_OUVERTE_978672.pdf">plan national pour la science ouverte</a> se tiennent cette semaine à Paris. Il s’agit pour ses acteurs de promouvoir l’accès libre et gratuit aux publications et aux données de la recherche. Une excellente chose, mais, en matière d’ouverture des sciences à la société, ce n’est peut-être pas suffisant.</p>
<h2>Tous concernés</h2>
<p>Nucléaire, gaz de schiste, OGM, réchauffement climatique, protection de la vie privée, PMA (assistance médicale à la procréation) sont autant de « sujets brûlants » au sein même de la communauté des chercheurs, de la société et dans l’espace médiatique. Ces sujets, parce qu’ils portent de forts enjeux scientifiques et qu’ils concernent des enjeux sociétaux majeurs, nécessitent un engagement public des chercheurs. Pourquoi ? Parce que certains lobbies, qu’ils soient industriels, politiques ou religieux, instrumentalisent les débats scientifiques et/ou éthiques pour en tirer une partie de leur pouvoir de conviction.</p>
<p>Il n’y a pas que les personnes mal informées qui succombent aux sirènes des climato-sceptiques ou des créationnistes, qui croient que la terre est plate ou que la vaccination est nuisible. Prenons ce dernier sujet. L’intérêt de se vacciner n’est plus objet de controverse scientifique. Et pourtant, la polémique sociétale ne cesse d’être ravivée, semant le doute dans la société. Dans ce contexte, l’impact d’un Robert De Niro qui se fait le porte-parole du mouvement anti-vaccin, film de propagande à l’appui, est énorme.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/248461/original/file-20181203-194938-1dmdcqc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/248461/original/file-20181203-194938-1dmdcqc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/248461/original/file-20181203-194938-1dmdcqc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/248461/original/file-20181203-194938-1dmdcqc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/248461/original/file-20181203-194938-1dmdcqc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=439&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/248461/original/file-20181203-194938-1dmdcqc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=439&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/248461/original/file-20181203-194938-1dmdcqc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=439&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’opposition aux vaccins ne date pas d’hier.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Anti-Vaccination Society of America</span></span>
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<h2>La montée de l’anti-science</h2>
<p>La montée en puissance des positions antisciences et le déversement des <em>fake news</em> sur les réseaux sociaux pervertissent ainsi bon nombre de débats publics pourtant essentiels pour notre avenir. Le climat ainsi créé place les décideurs politiques et, plus largement, la démocratie, en position délicate.</p>
<p>Si nous sommes tous concernés, la communauté scientifique est en première ligne. Est-ce pour cela qu’en 2017, de nombreux chercheurs ont décidé de descendre dans la rue aux côtés de milliers de citoyens afin de marcher « pour la science » ? Parti des États-Unis dans le contexte de l’élection de Donald Trump, ce mouvement a pris une ampleur inédite pour concerner plus de 600 villes et un million de marcheurs dans le monde. Quel est leur message ? L’urgence de rappeler que les faits scientifiques ne peuvent pas être ramenés à une opinion et qu’il est risqué de vouloir les ignorer lorsqu’ils dérangent des intérêts économiques.</p>
<p>Reste que la mobilisation en faveur de la science ne va plus de soi pour une partie de la société. Le pacte de confiance semble rompu. Il faut le renouer. On sent clairement monter les demandes adressées aux scientifiques de sortir de leur laboratoire, de se présenter à un large public afin de montrer et d’expliquer ce qu’ils font et, ce faisant, d’instaurer un dialogue permanent avec la société. Pour répondre à ces exigences, les structures de médiation des sciences (dont les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Centre_de_culture_scientifique,_technique_et_industrielle">Centres de culture scientifique technique et industrielle</a>) travaillent, tout comme se développent les initiatives médiatiques (dont ce site) ou citoyennes. Le Café des Sciences, qui réunit des blogs « amateurs » de scientifiques, ou les universités qui ouvrent leurs portes, sont d’autres exemples d’implication. Les évènements comme la Fête de la science ou la Nuit européenne des chercheurs sont des succès, en terme de public et d’initiatives.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/248463/original/file-20181203-194953-kvmgdu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/248463/original/file-20181203-194953-kvmgdu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/248463/original/file-20181203-194953-kvmgdu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/248463/original/file-20181203-194953-kvmgdu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/248463/original/file-20181203-194953-kvmgdu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/248463/original/file-20181203-194953-kvmgdu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/248463/original/file-20181203-194953-kvmgdu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Fête de la science.</span>
<span class="attribution"><span class="source">EnseignementSup-Recherche-Innovation</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Remettre la science au cœur de la démocratie</h2>
<p>Mais le « besoin de science » ne s’adresse plus seulement aux « scientifiques-experts » reconnus et habilités par telle ou telle instance. Il dépasse les actions de « vulgarisation » de la science, il va au-delà de la demande d’expertise. Il s’adresse à l’ensemble du monde académique, pour l’ensemble de la société. Y répondre suppose de remettre les « sciences » au cœur du débat politique et démocratique. Comment faire ?</p>
<p>Le mouvement de la marche pour les sciences de 2017 a pointé plusieurs nécessités. Celle, d’abord, de promouvoir la rigueur de la démarche scientifique (à l’inverse des opinions, les résultats issus de cette démarche sont reproductibles et réfutables) qui est le rempart contre la facilité (« une étude a dit que ») et l’irrationnel. Celle, ensuite, de faciliter l’accès à la connaissance, en aidant le citoyen à s’interroger, en rendant la science populaire, accessible et non intimidante. Celle, surtout, de redonner au doute ses lettres de noblesse afin de lutter contre son instrumentalisation.</p>
<p>Un nouvel engagement des chercheurs, avec les citoyens, semble nécessaire. La science n’est pas simplement un dispositif de dévoilement de l’ordre caché de la nature, elle n’est pas la position du « sachant ». Il faut aller au-delà du modèle de l’instruction publique pour construire des modèles de co-production des savoirs. Ceux-là même qui donneraient la possibilité aux citoyens d’exercer une influence sur les choix techniques et scientifiques.</p>
<p><a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Callon">Michel Callon</a> le proposait, il y a vingt ans déjà. À l’exigence de scientificité s’ajoute ici celle d’une coordination science-société, initiée dès l’amont du processus de production des savoirs, sur le modèle des sciences participatives ou des forums hybrides (proposés cette fois par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bruno_Latour">Bruno Latour</a>). L’exemple du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’evolution du climat) illustre bien les bénéfices que l’on peut retirer d’une bonne communication, et ses limites. Car si les travaux du GIEC permettent de dire qu’« à plus de 90 % », le réchauffement climatique est bien le fait de l’action humaine, reste la manipulation des 10 % restants. La terre, ronde, plate ou cubique, s’en remettra. L’humain, c’est moins sûr.</p>
<p>Ne serait-ce pas à l’Université de réinvestir et de se réapproprier les rapports entre science et société ? Il faudrait alors repenser le modèle social de cette institution. Afin d’assumer pleinement ce rôle, l’Université doit faire des relations science-société l’un de ses piliers, au même titre que l’enseignement et la recherche. Cela suppose deux choses.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/248473/original/file-20181203-194947-vr6m39.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/248473/original/file-20181203-194947-vr6m39.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/248473/original/file-20181203-194947-vr6m39.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/248473/original/file-20181203-194947-vr6m39.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/248473/original/file-20181203-194947-vr6m39.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/248473/original/file-20181203-194947-vr6m39.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/248473/original/file-20181203-194947-vr6m39.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Cours au labo.</span>
<span class="attribution"><span class="source">StFX/Wikimedia</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Premièrement, il faut reconnaître cette mission parmi celles que doivent assumer les enseignants-chercheurs. Par exemple, travailler main dans la main avec les médias, en gardant à l’esprit que, dans ce processus, le coupable, celui qui « tord » les résultats scientifiques n’est pas toujours le journaliste. Dans le domaine des publications scientifiques, il faut relativiser l’injonction du <em>publish or perish</em> adressée au chercheur car le risque de cette course au « nouveau résultat » est celui de ne plus prendre le temps nécessaire à la « validation » des énoncés scientifiques avant de les publier. Une dérive qui sape encore plus le pacte de confiance.</p>
<h2>L’université doit s’engager</h2>
<p>Deuxièmement, l’Université devrait se doter (ou être dotée) d’un véritable engagement pour la médiation scientifique, dépassant les seules actions de « communication ». Or, à l’Université comme partout ailleurs (à l’hôpital, à la SNCF, à la Poste, etc.) la notion de modèle économique a progressivement remplacé celle de modèle social. La société a fait son entrée à l’Université, c’est vrai. Mais cette ouverture est surtout perceptible à travers le « transfert », entendu dans sa seule acception économique (nombre de brevets, de start-up et de plates-formes créées). Témoin de cette orientation, la création, au sein des universités, des SATT (Société d’Accélération du Transfert de Technologies).</p>
<p>Loin d’être antinomiques, les deux modèles, économique et social, ne sont pourtant pas équivalents. Les critères de rentabilité ne doivent pas forcement s’appliquer partout et toujours, ne serait-ce parce que les retombées ne sont pas toujours immédiates. Voire même prévisibles. Lorsqu’il élabore la théorie de la relativité générale en 1915, Albert Einstein n’aurait pu prédire que certaines de ses équations seraient un jour nécessaire au bon fonctionnement du GPS.</p>
<p>Repenser le modèle social de l’Université nécessite un engagement d’envergure, tangible dans les services et visible dans les plans stratégiques des universités. À l’heure où la France se dote d’un plan national pour la science ouverte, nous saisissons l’occasion de rappeler cet enjeu majeur pour réinventer le pacte de confiance entre science et société.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107825/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les journées de la science ouverte, en ce moment à Paris, mobilisent acteurs publics et scientifiques. Il faut faire plus. L’université, lieu de savoir, doit largement s’ouvrir à la science citoyenne.Marie Coris, Enseignant-chercheur économie de l’innovation, laboratoire GREThA, Université de BordeauxPierre Dos Santos, Professeur des Universités en physiologie à l'Université de Bordeaux et Praticien Hospitalier en Cardiologie au CHU, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1061162018-11-08T21:09:12Z2018-11-08T21:09:12ZQuoi qu’en disent les sceptiques, manger moins de viande est une priorité climatique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/243640/original/file-20181102-83626-17ck9dn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C13%2C4594%2C3435&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">1,9 % des ménages français comportaient au moins un végétarien en 2017, selon une étude Kantar Worldpanel. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/FlmXvqlD-nI">Niklas Rhöse/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Nous y revoilà. Bjorn Lomborg, cet universitaire danois devenu mondialement célèbre grâce à son best-seller <em>L’Écologiste sceptique</em> (2004), est à nouveau monté au créneau, le 22 octobre dernier dans une <a href="https://nypost.com/2018/10/22/no-giving-up-burgers-wont-actually-save-the-planet/">tribune au <em>New York Post</em></a>, contre les excès de l’imminente dictature verte qui nous menace. Sa nouvelle crainte : que l’on nous prive de burgers !</p>
<p>Oui, vous avez bien lu. Aux yeux de Lomborg, « les Nations unies vont finir par dicter aux gens ce qu’ils doivent manger ».</p>
<h2>Anticonformisme médiatique</h2>
<p>Provocateur bien connu à la tête du think tank « Consensus de Copenhague », Lomborg s’est d’abord fait remarquer dans les années 2000 pour une série d’attaques virulentes contre le courant dominant de l’écologisme. Argumentant que le climat changeait, mais <a href="https://www.theguardian.com/education/2001/aug/15/highereducation.climatechange">moins dramatiquement que beaucoup l’affirmaient</a>, il remettait en cause l’urgence d’agir. Il avait aussi déclaré que la déforestation n’existait pas et que les extinctions d’espèces étaient <a href="https://www.theguardian.com/environment/2001/aug/16/g2.globalwarming">largement surestimées</a>.</p>
<p>Lomborg navigue entre une pensée libérale mesurée et un déni pur et simple, en détournant ou en décontextualisant les données statistiques qu’il utilise. S’il <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/19438150903533730">s’attire les foudres</a> de la plupart des scientifiques, Lomborg jouit encore malgré tout d’une large audience.</p>
<p>C’est la raison pour laquelle ses positions anticonformistes sur l’alimentation et le changement climatique drainent une telle attention. Cela vaut donc la peine de répondre à ses arguments.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1054736764546568192"}"></div></p>
<h2>Réductions des émissions</h2>
<p>Lui-même végétarien, pour des raisons relatives au bien-être animal, Lomborg affirme que « les articles suggèrent presque tous unanimement que devenir végétarien permettrait des réductions d’émissions de gaz à effet de serre de 50 % ou plus ». Or, selon lui, ces prévisions sont exagérées et personne n’a assez pris le temps de « creuser plus profondément » la question.</p>
<p>En tant que chercheurs qui analysons les impacts environnementaux, nous sommes pleinement conscients des limites que présentent les études sur « l’empreinte carbone de l’alimentation » et du danger de les prendre au pied de la lettre.</p>
<p>Creusons donc ces affirmations.</p>
<p>Prenons la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959652614012931?via%3Dihub">revue de littérature</a> sur laquelle s’appuie Lomborg, avançant que devenir végétarien ne diminue les émissions individuelles que de 5 % et non de 50 %. S’il a raison de préciser qu’éliminer la viande de son alimentation est loin de diviser par deux l’empreinte carbone d’une personne, il existe toutefois de bonnes raisons d’affirmer que cela peut la réduit deux fois plus que Lomborg le prétend.</p>
<h2>Déforestation et consommation de viande</h2>
<p>D’une part, seules deux des études apparaissant dans sa revue analysent l’effet majeur de la consommation de viande sur les émissions issues de la déforestation ; et ce quand bien même des <a href="http://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/10/12/125012">millions d’hectares</a> de forêt sont éliminés chaque année pour satisfaire l’appétence mondiale pour le bœuf. Les forêts agissant comme un puits de carbone, et les fermes bovines émettant des quantités considérables de gaz à effet de serre (du méthane tout particulièrement), la production de viande a sans aucun doute un impact colossal sur les émissions nettes.</p>
<p>La consommation de viande <a href="https://www.nature.com/articles/ncomms11382">implique nécessairement</a> de la déforestation ; son empiétement sur les sols naturels est donc inévitable. Par conséquent, nous devons tenir compte des émissions de cette déforestation à l’heure de mesurer l’impact environnemental provoqué par la consommation de viande.</p>
<p>En prenant le scénario le plus réaliste parmi les études citées par Lomborg, devenir végétarien entraîne une réduction d’au moins <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0301421513009701?via%3Dihub">10 % de nos émissions individuelles</a>. Cela équivaut à retirer 8 millions de voitures de la circulation au Royaume-Uni – soit un quart des automobiles britanniques.</p>
<h2>Remplacer le steak par les carottes</h2>
<p>Qu’en est-il du deuxième argument de Lomborg ? Pour l’auteur danois, l’argent économisé par les végétariens en remplaçant leur « steak par des carottes » serait réaffecté à d’autres dépenses, ayant elles-mêmes un impact environnemental. Ce mécanisme compenserait donc négativement les bénéfices obtenus par l’abandon de la viande.</p>
<p>En creusant cette affirmation, nous avons découvert que l’<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921800915002153?via%3Dihub">article auquel il se réfère</a> repose sur des <a href="https://www.foi.se/report-search/pdf?fileName=D%3A%5CReportSearch%5CFiles%5Cd9da78fd-ab76-4e35-9fb5-f4c1f2436ebd.pdf">données de 2006</a> et ne tient pas compte des émissions issues de la réaffectation des terres, après la déforestation. Effectuée en Suède, cette analyse microéconomique se penche sur la façon dont les consommateurs dépenseraient les économies qu’ils réaliseraient s’ils devenaient végétariens.</p>
<p>L’auteur avertit lui-même que la portée de son travail doit être « interprétée dans un cadre temporel relativement étroit », et que ses hypothèses de marché concernant l’offre, les prix et la demande, si elles s’avéraient irréalistes, mèneraient à des conclusions complètement différentes.</p>
<p>Lomborg extrapole pourtant les résultats de l’étude, allant à l’encontre des précautions prises par l’auteur, cela afin de minimiser les conséquences du végétarianisme sur les émissions de gaz à effet de serre dans les pays industrialisés.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/242970/original/file-20181030-76408-q4qw2k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/242970/original/file-20181030-76408-q4qw2k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/242970/original/file-20181030-76408-q4qw2k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/242970/original/file-20181030-76408-q4qw2k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/242970/original/file-20181030-76408-q4qw2k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/242970/original/file-20181030-76408-q4qw2k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/242970/original/file-20181030-76408-q4qw2k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/242970/original/file-20181030-76408-q4qw2k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La déforestation et la réaffectation des terres sont une cause majeure des émissions causées par l’élevage.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rich Carey/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Aberration socio-environnementale</h2>
<p>Chez Lomborg, il ne s’agit clairement pas simplement d’environnement, mais avant tout de notre liberté de choisir. L’auteur donne la priorité au droit à manger de la viande, par rapport à notre responsabilité collective de ne pas le faire. À ses yeux, beaucoup des plus pauvres sur la planète sont des végétariens involontaires. Notre devoir, estime-t-il, est donc de soutenir leur « droit à la viande ».</p>
<p>Les États les plus pauvres réclament pourtant l’adoption à l’échelle mondiale d’une alimentation végétale. La mortalité liée aux AVC, aux maladies cardiaques, au diabète et au cancer pourrait chuter pour être diminuée d’un million chaque année. Et des billions de dollars seraient économisés en coûts de santé et gains de productivité.</p>
<p>En réalité, produire de la viande s’avère terriblement inefficace, puisque le rendement des animaux se révèle bien inférieur à la nourriture qu’ils consomment. Si nous cultivions pour la consommation humaine et non pour nourrir les animaux, nous augmenterions de 70 % les calories alimentaires disponibles, ce qui permettrait de nourrir 4 milliards de personnes en plus. Nous éradiquerions donc la faim dans le monde en réduisant les émissions.</p>
<p>Lomborg résume ainsi son argument : « Le changement climatique est à la fois banalisé et entravé par l’exagération de son importance, et par l’idée idiote selon laquelle nos actions peuvent transformer la planète ».</p>
<p>Affirmer que nous ne pouvons rien faire contre le réchauffement climatique est profondément défaitiste. Et ce défaitisme climatique n’est rien d’autre qu’un nouveau climatoscepticisme. Pour Lomborg, les solutions sont avant tout technologiques ; or des mesures efficaces existent déjà ! Et si Lomborg sait bien que les consommateurs auront détruit la planète avant d’avoir croqué dans des burgers conçus en laboratoire, brandir la viande artificielle comme solution lui permet d’ignorer les décisions qui s’imposent à nous.</p>
<p>Nous avons besoin d’un changement systémique, et notre futur climatique est aujourd’hui entre nos mains. La seule contribution significative de Lomborg contre le réchauffement est peut-être de préférer les carottes aux steaks…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106116/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs remercient Makoto Takahasi, de l'Université de Cambridge, pour ses commentaires et suggestions.
Olivier Taherzadeh ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son poste universitaire.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Benedict Probst ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si l’impact de la viande sur le réchauffement climatique est souvent remis en cause, réduire notre consommation est pourtant essentiel à la baisse des émissions de gaz à effet de serre.Oliver Taherzadeh, PhD Researcher, Department of Geography, University of CambridgeBenedict Probst, PhD researcher at Cambridge Centre for Environment, Energy and Natural Resource Governance, University of CambridgeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1063492018-11-06T21:05:12Z2018-11-06T21:05:12ZAux États-Unis, la résistance des défenseurs de l’environnement s’organise<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/244116/original/file-20181106-74763-1f6f70v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C5%2C1189%2C795&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une militante écologiste américaine lors du sommet srur le climat de San Francisco (Californie), en septembre 2018.</span> <span class="attribution"><span class="source">Josh Edelson/AFP</span></span></figcaption></figure><p>Les questions environnementales n’ont certes pas été au centre de la campagne des midterms au États-Unis. Mais cette réalité ne signifie pas que le déni de Donald Trump concernant le dérèglement climatique et le démantèlement des règles établies par Barack Obama n’ont pas suscité dans le pays une riposte vigoureuse, et souvent efficace, voire une forme de résistance.</p>
<p>Ces élections aux enjeux pleinement nationaux, transformées en référendum pour ou contre Donald Trump, ont été dominées par les questions idéologiques qui amplifient les divisions de la nation américaine alimentées par la rhétorique démagogique et incendiaire du Président, tout en exacerbant la polarisation des deux camps.</p>
<p>Du psychodrame entourant la <a href="https://theconversation.com/aux-etats-unis-le-temps-des-femmes-104355">nomination du juge Brett Kavanaugh</a> à la Cour suprême aux actes de violence qui ont culminé avec l’<a href="https://theconversation.com/aux-etats-unis-la-haine-raciste-et-antisemite-alimentee-par-les-theses-du-post-nazisme-105882">attaque sanglante de la synagogue de Pittsburgh (11 morts)</a>, en passant par la polémique sur la <a href="https://theconversation.com/toujours-plus-de-refugies-centramericains-au-mexique-89057">caravane de migrants centraméricains</a> tentant de rallier la frontière mexico-américaine, les débats et l’information en continu se sont presque exclusivement focalisées sur les sujets d’intérêt national. Cette campagne a ainsi confirmé que tout le débat politique aux États-Unis était happé, de manière inexorable et toxique, par la figure de Trump.</p>
<h2>L’activisme anti-environnement de Donald Trump</h2>
<p>Rarement mentionnés – par les médias, par ses opposants et par le Président lui-même –, l’adhésion profonde à une philosophie anti-environnementaliste et l’adoption qui s’en est suivie d’une série de mesures destinées à annuler une grande partie des politiques mises en place lors de la décennie précédente sont pourtant des faits marquants du mandat de Trump.</p>
<p>Son gouvernement, par le biais de décrets ou de directives envoyées aux administrations fédérales sur l’interprétation et la mise en œuvre de la législation, a de fait démantelé la plupart des règles et politiques établies par son prédécesseur.</p>
<p>Donald Trump a levé les obstacles sur les forages off-shore et dans les parcs naturels, abrogé le plan Obama de réduction des émissions de gaz, opéré le retrait des États-Unis de la COP21, désigné de nombreux magistrats climato-sceptiques, baissé drastiquement les fonds alloués à l’Agence de proctection de l’environnement, tout en nommant à des postes clés au sein de son administration des personnalités très liées aux industries fossiles.</p>
<p>Donald Trump est souvent moqué pour son incapacité à tenir ses engagements extrêmement ambitieux. Depuis le début de son mandat, il a subi de nombreux revers, politiques et législatifs, parfois humiliants. Mais dans le domaine de l’environnement, il peut certainement se targuer d’avoir réussi à inverser la tendance, aussi bien sur le plan domestique qu’international.</p>
<h2>Des démocrates sous la pression de l’opinion</h2>
<p>Toutefois, si l’on gratte un peu la surface pour regarder plus attentivement ce qui se passe dans le pays, l’image devient alors plus complexe, plus nuancée. L’offensive anti-environnementale menée par Donald Trump a en effet généré une large résistance, non dénuée d’efficacité. Les gouvernements et assemblées locales ont adopté de nombreuses mesures destinées à endiguer, voire à bloquer de multiples initiatives prises par son administration dans ce domaine.</p>
<p>Par ailleurs, durant cette campagne électorale centrée sur Trump, ses adversaires ont adopté des propositions et des programmes résolument tournés vers la défense de l’environnement, qui pour beaucoup étaient rejetés jusqu’alors par de nombreux démocrates.</p>
<p>Aujourd’hui, il est même devenu compliqué d’être candidat dans les rangs démocrates si il ou elle ne soutient pas clairement le plan de réduction de CO<sub>2</sub>1, l’investissement dans les énergies renouvelables et la protection des zones vulnérables.</p>
<h2>Une opinion mobilisée au-delà des clivages partisans</h2>
<p>Dans le même temps, de nombreuses enquêtes d’opinion révèlent, parfois au-delà des clivages politiques traditionnels, une large opposition à la philosophie et aux idées politiques qui sous-tendent les actions de Trump dans le domaine de l’environnement. Confortés par la bonne situation économique du pays et par la hausse de la production des énergies renouvelables, les Américains ne se montrent pas particulièrement préoccupés par la rareté et le coût de l’énergie – l’un des principaux arguments avancés par Trump pour justifier sa frénésie de dérégulation agressive.</p>
<p>Selon un <a href="https://news.gallup.com/poll/232028/energy-concerns-low-increasing-supply-not-priority.aspx">sondage Gallup</a>, ceux qui s’inquiètent d’un deal sur les prix de l’énergie et de sa rareté potentielle représentent moins de 25 % de l’opinion – le taux le plus bas depuis 2002 (date à laquelle Gallup a démarré ce type d’enquête), et près de la moitié du pourcentage de 2012. Le changement climatique demeure une question très clivante et l’inexorable mouvement de <a href="https://theconversation.com/avant-de-nettoyer-le-bourbier-de-washington-trump-a-lessive-le-parti-republicain-86360">« trumpisation » du Parti républicain</a> a aggravé les divisions sur ce dossier.</p>
<p>Les <a href="https://news.gallup.com/poll/231530/global-warming-concern-steady-despite-partisan-shifts.aspx">sondages l’attestent clairement</a> : moins de 5 % des électeurs démocrates revendiqués pensent que les experts exagèrent la menace, tandis que 70 % des républicains pensent que c’est fort probable. En revanche, une large majorité des électeurs « indépendants » partagent l’opinion des démocrates. La plupart des Américains adhèrent donc à l’idée d’un dérèglement climatique causé par l’homme, et les jeunes le perçoivent comme une forte menace qui requiert un net changement de politique.</p>
<p>Au-delà des différences liées à l’âge, les contrastes régionaux sont très marqués aux États-Unis. Dans les États qui pèsent lourd politiquement et économiquement, cette sensibilité aux questions d’environnement est très aiguisée. La Californie, à cet égard, est un exemple type. Les enquêtes y témoignent d’une large opposition à toutes les mesures prises par Trump, des forages off-shore à l’abrogation des seuils d’émission de gaz d’échappement. Jamais les Californiens ne se sont montrés <a href="http://www.ppic.org/blog/environmental-priorities-and-the-midterm-election/">aussi concernés qu’en 2018</a> par les positions des candidats en matière environnementale. Ce schéma est aussi valable pour de nombreux autres États.</p>
<p>Or dans cette séquence électorale des midterms, les Américains n’étaient pas appelés seulement à voter pour renouveler les 435 sièges de la Chambre des représentants et 35 au Sénat, mais aussi à élire 36 gouverneurs, 87 assemblées législatives des États (sur 99) et les conseils municipaux de nombreuses villes importantes. De même, certains d’entre eux étaient appelés à <a href="https://www.nytimes.com/2018/10/31/climate/climate-change-vote-midterms.html">participer à plusieurs référendums locaux</a>, allant de la protection du saumon sauvage en Alaska aux critères à respecter pour mener de nouveaux forages dans le Colorado.</p>
<h2>Une multitude de contre-mesures</h2>
<p>De ces presque deux années de pouvoir de Trump, on peut tirer un enseignement très important : la résistance aux décisions de son administration ont été mises en œuvre sur un plan à la fois local, horizontal et transnational. De nombreux villes et États ont poursuivi leur action, voire l’ont même intensifiée, renouvelant leur engagement à respecter les objectifs de la COP21, tout en lançant de nouvelles initiatives.</p>
<p>Une coalition bipartisane de gouverneurs – baptisée <a href="https://www.usclimatealliance.org/">« l’Alliance des États-Unis pour le climat »</a> – a été constituée pour tenir les engagements de cet accord. La Californie a adopté une déclaration prévoyant d’atteindre une production électrique intégralement propre à l’horizon 2045. D’autres États ont renouvelé leurs propres engagements dans le domaine environnemental. Plusieurs villes ont montré la voie, mettant en œuvre des projets-pilotes ou créant des forums – à l’échelon national ou global – au sein desquels les expériences, les politiques et l’expertise peuvent être échangés.</p>
<p>Les États-Unis demeurent le principal acteur dans le système international. Leurs actes et leurs choix ont un poids fondamental dans la montée en puissance ou l’affaiblissement d’une gouvernance mondiale encore en gestation. Dans le domaine de l’environnement, il est certes très difficile d’estimer les dégâts causés par l’administration Trump sur les efforts consentis au niveau national et international pour tenter d’apporter une réponse concertée au dérèglement climatique. Mais le scrutin des midterms montre bien que des actions politiques sont menées à différents niveaux du pays. Et bien qu’elles manquent de visibilité et de médiatisation, des contre-mesures efficaces sont prises, et seront mises en œuvre dans les années qui viennent.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte a été traduit par Thomas Hofnung, The Conversation France.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106349/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mario Del Pero ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Lors des midterms du 4 novembre, les candidats ont dû tenir compte de l'inquiétude grandissante de nombre d'électeurs, au-delà des clivages partisans, à propos du dérèglement climatique.Mario Del Pero, Professeur d’histoire internationale, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/909752018-02-01T05:39:29Z2018-02-01T05:39:29ZAprès Bocuse, quelles incarnations de la haute cuisine ?<p>Avec 1 500 chefs présents lors de ses obsèques du 26 janvier, la France et le monde ont unanimement <a href="http://www.huffingtonpost.fr/2018/01/20/mort-de-paul-bocuse-les-grands-chefs-rendent-hommage-a-monsieur-paul_a_23338760/">pleuré la disparition de Paul Bocuse</a>.</p>
<p>À l’annonce de sa mort, Emmanuel Macron twittait un éloge funèbre instantané :</p>
<blockquote>
<p>« Les chefs pleurent dans leur cuisine, à l’Élysée et partout en France ».</p>
</blockquote>
<p>Ultime hommage lacrymal au souverain pontife de la soupe gratinée à l’oignon, du boeuf bourguignon et de la poularde aux morilles. La force du culte collectif tant hexagonal qu’international au pape de la cuisine française ne laisse planer aucun doute sur la pérennité et l’universalité du testament de cet homme né au pays dont la gastronomie est inscrite sur la <a href="https://www.nytimes.com/2018/01/20/obituaries/paul-bocuse-dead.html">liste du patrimoine mondial de l’Unesco</a>.</p>
<h2>Une cuisine qui célèbre la viande</h2>
<p>L’édifice érigé par Paul Bocuse, « cuisinier du siècle » est l’héritage de traditions immémoriales dont la clé de voûte est la viande (la création d’un set de couteaux à gibier ornés du sceau bocusien n’est pas un hasard). Mais la viande a peut-être vécu. S’il semble périlleux de pratiquer la futurologie en un domaine aussi patrimonial que la haute cuisine française, un fait culinaire nouveau semble incontournable : le désaveu croissant de l’alimentation carnée en France et dans l’aire occidentale. Cette tendance constitue l’éperon d’une possible mutation d’envergure de la gastronomie. À quoi ressembleront les toques fabuleuses de demain, et surtout, quelles seront leurs offrandes à des assiettes de plus en plus <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/l-humanite-carnivore-florence-burgat/9782021332902">rétives aux chairs de la cuisine carnophile</a> ?</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/204059/original/file-20180130-107676-ajvx9b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/204059/original/file-20180130-107676-ajvx9b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/204059/original/file-20180130-107676-ajvx9b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/204059/original/file-20180130-107676-ajvx9b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/204059/original/file-20180130-107676-ajvx9b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/204059/original/file-20180130-107676-ajvx9b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/204059/original/file-20180130-107676-ajvx9b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans le livre « Institut Paul Bocuse, l’école de l’excellence culinaire »</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.aureliejeannette.com/portfolio/institut-paul-bocuse-lecole-lexcellence-culinaire-larousse/">Larousse</a></span>
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<p>Selon une <a href="https://doi.org/10.1016/j.appet.2016.06.039">étude menée par Meike Janssen</a>, de l’université de Kassel en Allemagne, l’abandon de la viande résulte chez les consommateurs de trois grandes catégories de motivations :</p>
<p>La <a href="http://www.who.int/features/qa/cancer-red-meat/fr/">prise de conscience des conséquences</a> sanitaires nocives de la viande rouge, <a href="https://www.actes-sud.fr/catalogue/litterature/bidoche">son incidence</a> aussi spectaculaire qu’irrationnelle <a href="https://blogs.mediapart.fr/edition/il-etait-une-fois-le-climat/article/080915/l-elevage-emet-plus-de-gaz-effet-de-serre-que-les-transports">sur l’environnement</a> (produire 1 kilo de steak exige 15 000 litres d’eau) et des conditions d’élevage et d’abattage des animaux que les vidéos de l’association L214 ont <a href="http://www.lemonde.fr/planete/video/2015/10/15/la-video-choquante-de-l-abattoir-municipal-d-ales_4789927_3244.html">contribué à faire connaître au grand public</a>.</p>
<p>Tout ceci concourt à faire de la consommation de viande une anomalie que les Français parviennent de moins en moins à éclipser. Quotidiennement, trois millions d’animaux terrestres sont abattus en France pour remplir nos assiettes. Parallèlement, les signaux économiques et sociologiques se multiplient pour accréditer la prophétie de <a href="http://journals.openedition.org/etudesrurales/27">Claude Levi-Strauss</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Un jour viendra où l’idée que, pour se nourrir, les hommes du passé élevaient et massacraient des êtres vivants et exposaient complaisamment leur chair en lambeaux dans des vitrines, inspirera sans doute la même répulsion qu’aux voyageurs du XVI<sup>e</sup> siècle ou du XVII<sup>e</sup> siècle, les repas cannibales des sauvages américains, océaniens ou africains. »</p>
</blockquote>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/rFMxXQvPKTU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Cuisiniers, inventez de nouveaux plaisirs gustatifs</h2>
<p>L’alimentation carnée a probablement ses beaux jours derrière elle, ce qui n’empêche pas l’industrie de promouvoir activement la « viande racée » auprès de consommateurs encore <a href="https://www.psychologicalscience.org/news/were-only-human/the-meat-paradox-how-carnivores-think-about-dinner.html">loin de déserter le tartare</a> malgré leur dissonance cognitive.</p>
<p>Aujourd’hui, certains dressent un parallèle accusateur entre le climatoscepticisme et l’aveuglement quant à la sensibilité des animaux dont nous faisons nos ingrédients. Tout comme le climatoscepticisme (et l’encouragement des énergies fossiles qui l’accompagne souvent) nous semble aujourd’hui cacochyme, l’"animaloscepticisme", contestation de la <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/04/07/une-republique-du-vivant-au-secours-des-animaux_4897672_3244.html">part commune</a> <a href="https://www.franceculture.fr/oeuvre-l-animal-est-il-une-personne-de-yves-christen.html">entre l’humain et l’animal</a>, est de plus en plus difficile à gober.</p>
<p>Emmanuel Macron a brocardé un Donald Trump « has been » en inventant le slogan <a href="http://www.huffingtonpost.fr/2017/12/11/make-our-planet-great-again-macron-devoile-les-18-laureats-de-son-initiative-contre-le-rechauffement-climatique_a_23304209/">« make our planet great again »</a> afin d’attirer les scientifiques du climat en France, en écho au gimmick de campagne du milliardaire « make America great again ».</p>
<p>Pourra-t-on bientôt affirmer que la viande est à l’éthique ce que le pétrole est à l’écologie ? Par déclinaison de ce qui précède, l’on pourrait demander aux chefs, invités à une créativité post-carnée inédite : « make our plate great again ».</p>
<p>On peut certes faire confiance aux consommateurs pour mobiliser d’ingénieuses contorsions mentales <a href="https://global.oup.com/academic/product/the-psychology-of-good-and-evil-9780190250669">afin de préserver de confortables habitudes</a>.</p>
<p>Par exemple, des chercheurs australiens ont proposé à des volontaires de goûter un échantillon de morceaux de boeuf séché ou de noix de cajou, puis leur ont fait remplir un questionnaire mesurant subtilement leurs représentations envers divers animaux comme le poisson, le kangourou ou… la vache. Il a été observé que ceux qui avaient avalé de la viande bovine étaient curieusement moins enclins à attribuer des états mentaux aux vaches, et <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20488214">leur niaient volontiers tout statut moral</a>…</p>
<p>Cependant, ces rationalisations ou d’autres (comme celle de la <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/09/01/la-viande-heureuse_4742612_3232.html">« viande heureuse</a> ») n’empêcheront probablement pas la haute gastronomie de demain d’être confrontée à une équation impliquant l’éthique. En 2017, 37 % des Français refusaient d’acheter du foie gras, soit deux fois plus que 8 ans plus tôt.</p>
<p>La même désaffection <a href="http://www.lemonde.fr/festival/article/2017/09/11/pourquoi-nous-consommons-de-moins-en-moins-de-viande_5184067_4415198.html">touche la consommation de viande</a> depuis la fin des années 90.</p>
<p>Et par delà la viande, c’est <a href="https://www.20minutes.fr/planete/2166547-20171109-poules-oeufs-batterie-vraiment-bientot-fini">toute la chaîne</a> lacto-ovo-carnée qui est <a href="https://www.l214.com/faq/pourquoi-refuser-de-consommer-du-lait-et-des-fromages">interrogée</a> aujourd’hui.</p>
<p><a href="http://voyage.tv5monde.com/fr/les-grands-chefs-francais-parient-sur-le-vegetarisme-pour-faire-voyager-nos-papilles">Les chefs français commencent à mesurer ces mutations</a>, mais le pays de la gastronomie n’anticipe pas autant les nouvelles sensibilités alimentaires de ses contemporains que ses étoiles l’exigeraient.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/204062/original/file-20180130-107700-sov95q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/204062/original/file-20180130-107700-sov95q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/204062/original/file-20180130-107700-sov95q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/204062/original/file-20180130-107700-sov95q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/204062/original/file-20180130-107700-sov95q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/204062/original/file-20180130-107700-sov95q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/204062/original/file-20180130-107700-sov95q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Endive confite aux pommes, sauce clémentine.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.facebook.com/a.passard/">Page Facebook du chef Alain Passard</a></span>
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<p><a href="https://www.reportbuyer.com/product/4959853/top-trends-in-prepared-foods-2017-exploring-trends-in-meat-fish-and-seafood-pasta-noodles-and-rice-prepared-meals-savory-deli-food-soup-and-meat-substitutes.html">Aux États-Unis</a>, le nombre de personnes déclarant une alimentation végane a été multiplié par 6 entre 2014 et 2017.</p>
<p>Il est difficile de croire que la France restera à l’écart de cette évolution. Pour un nombre croissant d’omnivores, les conséquences de la prise de conscience de ce que <a href="https://theconversation.com/souffrance-animale-dans-les-abattoirs-le-poids-des-mots-et-des-non-dits-58194">coûtent à d’autres animaux</a> les plaisirs cuisiniers qu’elle a inventés rendront d’autant plus digeste ses assiettes. « Make our plate great again » ? Pour ne pas se griller, la haute cuisine ne pourra éviter d’incarner ces transformations historiques… en se décarnant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/90975/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Bègue-Shankland ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La disparition du grand chef augure peut-être d’une autre disparition : celle de l’alimentation carnée.Laurent Bègue-Shankland, Professeur de psychologie sociale, Membre de l'Institut universitaire de France (IUF), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/875372018-01-11T20:49:37Z2018-01-11T20:49:37ZLa « cli-fi », une nouvelle façon de parler du changement climatique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/201612/original/file-20180111-60751-1nbzji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C114%2C1599%2C1022&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">À quoi ressemble un monde ravagé par la hausse des températures ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/129440207@N08/16296648887/in/photolist-qQ5zWX-aEoo3Y-6q7njt-dfGHeb-ethpeF-bzJGwf-atSQCK-etkAhQ-dR34NA-pMM7p-eDdC2T-a5RnJd-aXHkQ6-czvAdh-eQsavd-7acDcw-a7PFk3-zTqzfQ-etkAbj-c3LJPY-2DPAnA-4dhMD2-aBZrUM-ed9DQz-5MaHcK-2DPyoj-d5WgZd-23krjD-bUUffh-XiqC5C-5Kb1Ca-daA9To-6e9UC2-8Kbn6p-6WipeL-6XJ8qa-5qU56Y-24zMEG-aG2TT6-eQsauA-aG2TPz-dRKNCd-dPwy2m-aG2TRt-bnnMs3-a5Nwxi-aRa5JT-87Y7at-FhNHqi-bA2ApL">Kevin Rheese/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Au tournant des années 2010, la presse américaine relatait l’apparition d’un nouveau genre littéraire, la « cli-fi » (pour <em>climate fiction</em>), terme inventé en 2008 par l’écrivain et blogueur Dan Bloom. Les romans de « fiction climatique » prennent généralement la forme de récits post-apocalyptiques où des personnages évoluent dans un monde ravagé par les effets du changement climatique.</p>
<p>Si les romans de cli-fi sont encensés par la presse américaine aux sympathies écologistes, ils restent cantonnés en France à un public de niche.</p>
<h2>Du « nature writing » à la « climate fiction »</h2>
<p>Aux États-Unis, la popularité et le nombre des romans de cli-fi s’expliquent d’abord par l’importance culturelle de la nature dans ce pays. Citons ici le poète Walt Whitman et les philosophes Henry David Thoreau et Ralph Waldo Emerson, qui ont parmi les premiers contribué à faire de la nature le personnage principal du roman national américain.</p>
<p>Par contraste, la littérature française s’est passionnée pour la ville : chez Victor Hugo, Honoré de Balzac ou Charles Baudelaire, c’est Paris, les intérieurs, les arts, bref tout ce qui relève de la « culture » et de la « civilisation » qui semble digne de fiction. La nature et la campagne – que ce soit dans <em>Aux Champs</em> de Guy de Maupassant ou bien dans <em>Madame Bovary</em> de Gustave Flaubert – sont le théâtre de l’avilissement moral.</p>
<p>Si la nature redevient un sujet d’intérêt pour les lecteurs français, ce dont témoigne le retour en vogue des œuvres de Henry David Thoreau, le sujet semble rester cantonné à la littérature d’essai ou aux récits de voyage comme chez Sylvain Tesson.</p>
<p>L’arrivée tardive de la cli-fi en France peut aussi s’expliquer par un certain élitisme littéraire dédaignant encore largement la science-fiction, dont se rapproche tout naturellement ce nouveau genre.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/201613/original/file-20180111-60744-nf3goe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/201613/original/file-20180111-60744-nf3goe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/201613/original/file-20180111-60744-nf3goe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=823&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/201613/original/file-20180111-60744-nf3goe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=823&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/201613/original/file-20180111-60744-nf3goe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=823&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/201613/original/file-20180111-60744-nf3goe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1034&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/201613/original/file-20180111-60744-nf3goe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1034&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/201613/original/file-20180111-60744-nf3goe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1034&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">DR</span></span>
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<p>La question des dangers d’une surexploitation de la nature et du rêve de terraformation d’autres planètes est en effet au cœur de nombreux romans de science-fiction, à l’image de <em>Dune</em> (1965) de Frank Herbert. Citons aussi J.G. Ballard qui publia un an avant le classique d’Herbert <em>Sécheresse</em>, le troisième volet de sa quadrilogie des mondes dévastés ; il y dépeint une apocalypse provoquée par la disparition des eaux terrestres sous l’effet de la pollution industrielle des océans.</p>
<p>Mais il est possible de faire remonter la fiction climatique encore plus loin. Avec <em>Les Raisins de la colère</em> de John Steinbeck (1939), par exemple. On y découvre les conséquences sociales de l’épisode climatique du « Dust Bowl » des années 1930 au cours duquel des tempêtes de poussière s’abattirent sur les Grandes Plaines américaines. Climatologues et historiens de l’environnement s’accordent aujourd’hui pour dire que le Dust Bowl fut la conséquence directe de techniques agricoles délétères.</p>
<h2>Contre les rêves fous de la géo-ingénierie</h2>
<p>Une autre caractéristique de la science-fiction consiste à dénoncer des sociétés grisées par leurs capacités d’innovation, de contrôle de la nature, de progrès scientifique et technologique. Dérivée de la Sci-Fi, la cli-fi n’échappe pas à la règle.</p>
<p>L’un des exemples les plus frappants se trouve chez l’Américain Paolo Bacigalupi. Couronné en 2010 par les prix Nebula et Hugo pour son premier ouvrage <em>La Fille automate</em>, Paolo Bacigalupi fut longtemps journaliste au sein de la revue écologiste <em>High Country News</em>. L’auteur dépeint dans son roman un monde frappé par une pénurie des ressources pétrolières et une montée des niveaux des océans due au réchauffement climatique.</p>
<p>En 2015, Paolo Bacigalupi publie un second roman de cli-fi, <em>The Water Knife</em>. Il y décrit, dans un contexte de sécheresse apocalyptique liée aux activités humaines, la lutte qui oppose les États du Sud-Ouest américain pour l’accès à l’eau de la rivière Colorado. Sous le soleil écrasant du désert de l’Arizona, les habitants de Phoenix en sont réduits à boire leur urine recyclée…</p>
<p>Les plus fortunés, quant à eux, survivent confortablement sous des dômes recréant artificiellement des écosystèmes paradisiaques. Ce type de construction, en <a href="http://www.wired.co.uk/article/paolo-soleri-arcologies">projet</a> dans plusieurs <a href="http://www.wired.co.uk/article/paolo-soleri-arcologies">grandes villes du monde</a> pose pour Bacigalupi plusieurs questions essentielles : qui y aura accès ? Et quid de la nature à l’extérieur de ces structures ?</p>
<p>Dénonçant à la fois le capitalisme et les rêves de géo-ingénierie des firmes multinationales, les romans de Paolo Bacigalupi illustrent la frange de la cli-fi la plus politisée et la plus investie par la question des responsabilités humaines dans les dérèglements climatiques.</p>
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<figcaption><span class="caption">Rencontre avec Paolo Bacigalupi (Laurence Honnorat/YouTube, 2016).</span></figcaption>
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<h2>Une réponse au climatoscepticisme</h2>
<p>Dans un contexte où des personnalités climatosceptiques occupent aux États-Unis les <a href="http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2016/12/08/etats-unis-un-climatosceptique-a-la-tete-de-l-agence-de-protection-de-l-environnement_5045253_3222.html">plus hautes fonctions</a>, un genre littéraire tel que la cli-fi peut véritablement faire œuvre de résistance.</p>
<p>En cherchant à éveiller les consciences à l’aide de récits apocalyptiques, la cli-fi rejoint ainsi la rhétorique des écologistes américains et européens dénonçant la surexploitation de la nature et l’absence de réaction adaptée face aux changements climatiques.</p>
<p>Ces accents eschatologiques exposent toutefois les romanciers à la critique d’écologistes plus modérés : représenter le réchauffement climatique comme un phénomène apocalyptique revient à se couper l’herbe sous le pied en risquant de désintéresser le public de la question, convaincu par ces œuvres qu’il n’y a plus rien à faire.</p>
<h2>Des histoires plutôt que des courbes de CO<sub>2</sub></h2>
<p>Si la cli-fi est bien souvent catastrophiste, elle ne se limite pas à des récits d’apocalypses préfabriquées.</p>
<p>En 2017, paraît en français <em>Les Sables de l’Amargosa</em> de la Californienne Claire Vaye Watkins. Alors que les changements climatiques composaient le sujet central du roman de Paolo Bacigalupi, ils figurent ici comme un arrière-plan réaliste du récit mettant en scène un couple de Californiens tentant de survivre à la sécheresse en se ralliant aux adeptes d’un gourou sourcier et manipulateur.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/201615/original/file-20180111-60721-tjxbey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/201615/original/file-20180111-60721-tjxbey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/201615/original/file-20180111-60721-tjxbey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/201615/original/file-20180111-60721-tjxbey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/201615/original/file-20180111-60721-tjxbey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/201615/original/file-20180111-60721-tjxbey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/201615/original/file-20180111-60721-tjxbey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/201615/original/file-20180111-60721-tjxbey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">DR</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Autre aspect étonnant, Claire Vaye Watkins répertorie, dans des chapitres pastichant les grands naturalistes et explorateurs américains, les nouvelles espèces animales apparues avec les changements climatiques.</p>
<p>Pour ce qui est de la cli-fi française, on peut citer le roman <em>Terre Lointaine</em> de Pierre-Yves Touzot. Post-apocalyptique sans verser dans le sensationnalisme, ce roman débute sur l’éveil d’un personnage, ne connaissant ni son identité ni son passé, dans un environnement peuplé de créatures étranges et familières à la fois, dans lequel il tentera de survivre et de comprendre ce qui s’est passé durant son sommeil. Sur 300 pages, Pierre-Yves Touzot présente de façon précise et accessible toutes les théories et données scientifiques permettant de prendre la mesure de la crise environnementale.</p>
<h2>Atteindre les imaginaires</h2>
<p>C’est là tout l’enjeu de la fiction climatique : exposer l’ampleur de la crise environnementale et civilisationnelle pour mobiliser les consciences. Le point commun entre les œuvres de cli-fi n’est pas tant la place accordée à l’environnement que ce lien direct qu’ils tracent entre activités humaines et changements climatiques.</p>
<p>La fiction climatique peut aujourd’hui constituer une arme efficace pour les défenseurs de l’environnement : après avoir entendu les multiples cris d’alarme des chercheurs, lu avec effroi les rapports du GIEC et suivi toutes les campagnes de sensibilisation à la question du climat, on peut s’étonner – avec Bruno Latour (<em>Face à Gaïa</em>), Clive Hamilton (<em>Requiem pour l’espèce humaine</em>) et tous les autres penseurs de la question environnementale – que rien n’ait encore été fait qui soit à la mesure du problème. En utilisant le médium du récit et celui de la littérature, il faut espérer que les auteurs de cli-fi apporteront leur pierre à cette nécessaire prise de conscience.</p>
<p>S’il est fort possible que ceux qui lisent de la cli-fi soient déjà sensibles à ces questions, on peut espérer que des lecteurs de science-fiction encore peu réceptifs aux dangers du changement climatique changeront d’avis en se plongeant dans un roman de Paolo Bacigalupi, Claire Vaye Watkins ou Pierre-Yves Touzot.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, on doit se réjouir de la présence grandissante de la question climatique dans toutes formes d’art. En peuplant désormais les imaginaires, elle devient de plus en plus difficile à ignorer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/87537/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claire Perrin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Reconnue aux États-Unis, la « fiction climatique » reste encore discrète en France. Passer par le récit semble pourtant efficace pour éveiller les consciences aux dangers climatiques.Claire Perrin, Doctorante en littérature américaine, Université de PerpignanLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/844822017-09-26T22:00:44Z2017-09-26T22:00:44ZClimat et médias : l’enjeu de la formation des journalistes<p>L’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et l’École supérieure de journalisme de Lille ont développé un <a href="https://www.universite-paris-saclay.fr/fr/education/master/m2-apprehender-les-changements-climatiques-environnementaux-et-societaux-acces-0#presentation-m2">projet de master 2ᵉ année</a> à distance sur les liens entre climat et médias ; les cours dispensés dans le cadre de ce SPOC (<em>small private online course</em>) démarreront le 3 octobre prochain. Son objectif principal est de fournir aux journalistes et aux communicants les clefs pour comprendre l’information climatique et mieux l’intégrer dans leur traitement de l’information.</p>
<p>Ce projet est né d’une discussion entre un journaliste de l’ESJ-Lille et un climatologue de l’<a href="http://www/ipsl.fr">Institut Pierre-Simon Laplace</a>, suite à la vague de <a href="https://theconversation.com/le-climatoscepticisme-quest-ce-que-cest-50414">climatoscepticisme</a> qui a balayé la France en 2009-2010. Ils faisaient ensemble le constat du faible niveau de collaboration entre journalistes et experts pour expliquer au grand public et aux décideurs les changements climatiques et environnementaux en cours ; des changements qui vont devenir de <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/05/09/tous-les-indicateurs-du-rechauffement-climatique-sont-au-rouge_5124694_3244.html">plus en plus prégnants</a>.</p>
<h2>Polémiques contre-productives</h2>
<p>Les journalistes ont pu se sentir ballottés, et un peu perdus, entre climatologues et climatosceptiques. Les premiers produisent en continu un <a href="http://icmc.ipsl.fr/index.php/icmc-projects/icmc-international-projects/international-project-cmip">flot de résultats et d’incertitudes</a> dans le cadre d’une <a href="http://archive.mcxapc.org/docs/conseilscient/megie0204.pdf">science jeune</a> et pluridisciplinaire. Les seconds forment un <a href="http://www.slate.fr/story/18809/qui-sont-les-climatosceptiques-giec-allegre-courtillot">ensemble disparate</a> aux motivations variables et parfois cachées, incluant des groupes de pression conservateurs, des scientifiques non spécialistes de la question (on peut penser en France à des géophysiciens comme Vincent Courtillot ou à des physiciens comme François Gervais), ou encore des politiciens opportunistes (l’actuel président américain Trump en est un exemple parmi d’autres).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"665094893400940544"}"></div></p>
<p>En réponse, les médias ont pu être <a href="https://www.theguardian.com/environment/2012/jul/24/greenland-ice-sheet-thaw-nasa">parfois catastrophistes et triviaux</a>, au risque de lasser un public ; ils ont aussi souvent provoqué des confrontations et des polémiques en mettant sur le même plan climatologues et climatosceptiques, notamment dans des <a href="http://www.lemonde.fr/sciences/article/2013/10/21/faut-il-debattre-avec-les-climato-sceptiques_3500408_1650684.html">débats télévisés stériles</a> qui ont abouti chez les climatologues à se poser la question de l’intérêt de répondre à ce genre d’invitation par les médias. Polémiques et confrontations peuvent être vendeuses à court terme mais ont eu pour conséquence, au fil des années, d’installer l’impression qu’on ne sait pas bien, que c’est compliqué, que chacun défend ses propres intérêts. Au final, on n’a pas trop envie de s’intéresser de trop près à l’épée de Damoclès du changement climatique.</p>
<h2>Le rôle central des journalistes</h2>
<p>Il n’est pourtant désormais <a href="https://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/syr/AR5_SYR_FINAL_SPM_fr.pdf">plus possible</a> de nier rationnellement le rôle des activités humaines dans le changement climatique des dernières décennies. Les climatosceptiques eux-mêmes ont adapté leurs discours à cette réalité ; leur discours est ainsi passé de : « Il n’y a <a href="https://www.youtube.com/watch?v=RkdbSxyXftc">pas de changement climatique</a> » puis « Le changement climatique n’est pas dû à l’homme » (voir à ce propos l’ouvrage <em>L’Innocence du carbone : l’effet de serre remis en question</em> de François Gervais, paru en septembre 2013) et aujourd’hui « Le changement climatique est peut-être dû à l’homme mais nous avons <a href="http://www.realclearscience.com/authors/alex_b_berezow/">d’autres problèmes plus importants à régler</a> au niveau sociétal ».</p>
<p>Nous ne sommes pas condamnés au sujet du changement climatique à choisir entre faire l’autruche et crier au loup. Dans ce contexte, les journalistes et les communicants peuvent, et doivent, jouer un rôle majeur et éclairant ; être un relais sociétal entre les scientifiques d’une part et les décideurs et le grand public d’autres part. Deux conditions semblent aujourd’hui nécessaires <em>a minima</em> pour s’attaquer efficacement à cet enjeu.</p>
<h2>Se former pour bien informer</h2>
<p>La première condition est de considérer les informations climatiques et environnementales comme une composante à part entière des différentes rubriques de l’actualité. L’apparition de rubriques « environnement » ou « Terre » dans les grands médias a été une première étape de reconnaissance de ces questions. Il faut aujourd’hui passer au niveau supérieur, et intégrer, dès que cela est pertinent, une contribution climatique et environnementale au traitement de l’information sur les questions économiques, politiques, sociétales, ou internationales…</p>
<p>La séparation actuelle entre questions climatiques et autres questions conduit à de fréquentes contradictions. Un exemple parmi tant d’autres : la mise en avant permanente par les gouvernements et les médias du PIB comme indicateur de la croissance. <a href="http://editions.flammarion.com/Catalogue/champs-actuel/au-dela-du-pib">Cela n’est pas cohérent</a> avec les accords de Paris sur le climat – encore récemment mis en avant par le président Macron devant les Nations unies – puisque le PIB considère comme positif toute consommation d’énergie, même si elle constitue un gaspillage de ressources et entraîne une forte émission de gaz à effet de serre.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"770154117020856320"}"></div></p>
<p>La seconde condition est de former des journalistes et des communicants, le plus souvent issus des sciences humaines et sociales, pour qu’ils s’approprient des connaissances de base sur les changements climatiques et environnementaux afin de pouvoir se repérer dans les différents niveaux d’impact et d’intégrer le changement climatique dans le traitement de l’information générale.</p>
<p>C’est le sens de cette nouvelle formation qui abordera avec cet objectif les différents enjeux et impacts du changement climatique concernant l’économie, l’énergie, le vivant, la politique, ou encore le droit. La formation est co-construite et animée par des journalistes professionnels (dont Sylvestre Huet, Yves Sciama, Yves Renard, Lise Barnéoud, Simon Roger, Denis Sergent, ou Thibault Lescuyer) et des scientifiques spécialistes des différentes questions traitées (dont Gilles Ramstein, Bruno Lansard, Jean‑Paul Vanderlinden, Laurent Neyret, Valérie Masson-Delmotte, Jean Jouzel ou Philippe Bousquet).</p>
<p>Elle est proposée à distance et en français pour tenir compte de la situation des professionnels mais aussi pour toucher plus efficacement la francophonie à travers le monde, dont certaines zones, comme l’Afrique subsaharienne et les états insulaires, seront plus durement impactés par les changements climatiques et environnementaux que l’Europe.</p>
<hr>
<p><em>Sylvestre Huet (journaliste), Gilles Ramstein (ingénieur-chercheur au CEA), Yves Renard (journaliste et directeur adjoint de l’ESJ-Lille) et Éric Hamonou (journaliste, chef de projet) ont apporté leurs contributions à cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84482/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Bousquet est le responsable universitaire du master 2 « Appréhender les changements climatiques, environnementaux et sociétaux ». </span></em></p>Comment bien former les journalistes pour bien informer le grand public sur les implications et les conséquences des changements climatiques ?Philippe Bousquet, Professeur, chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE), membre de l’Institut Universitaire de France, auteur contributif d’un chapitre des deux derniers rapports du GIEC, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/786892017-06-01T10:58:04Z2017-06-01T10:58:04ZSortie de l’Accord de Paris : Trump ou la politique du coup d’éclat<p>C’est certainement la promesse de campagne sur laquelle Donald Trump était le plus attendu par la communauté internationale et aussi celle sur laquelle il a le plus hésité. Après des semaines d’intenses négociations entre ses conseillers pro et anti–Accord de Paris, le président américain a donc tranché, ce 1<sup>er</sup> juin 2017, en annonçant le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris.</p>
<p>Ce traité <a href="http://www.leparisien.fr/international/climat-en-se-retirant-de-l-accord-de-paris-les-etats-unis-rejoindraient-deux-pays-sulfureux-31-05-2017-7002990.php">signé par 195 pays</a> à l’occasion de la <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/planete/cop21/20151212.OBS1245/en-direct-cop21-un-projet-d-accord-presente-a-11h30-hollande-se-rend-au-bourget.html">COP21 de 2015</a> fixe un engagement international à limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C d’ici à 2050.</p>
<h2>En accord avec lui-même</h2>
<p>On pourra reconnaître à Donald Trump de se montrer ainsi très cohérent avec ses propres déclarations : <a href="https://blogs.wsj.com/washwire/2015/09/24/donald-trump-i-dont-believe-in-climate-change/">dès septembre 2015</a>, par exemple, il avait témoigné son désaccord avec le pape François qui <a href="https://www.ecowatch.com/trump-bush-attack-popes-call-to-climate-action-1882100925.html">venait d’appeler</a> les candidats à l’élection présidentielle américaine à agir en faveur du climat.</p>
<p>Pour le 45<sup>e</sup> président des États-Unis, le changement climatique est une <a href="https://blogs.wsj.com/washwire/2015/09/24/donald-trump-i-dont-believe-in-climate-change/">vaste blague</a> :</p>
<blockquote>
<p>« La propreté de l’air est un problème pressant. On veut un air et une eau propres. C’est très important pour moi, et j’ai gagné des prix environnementaux. Mais je ne crois pas au changement climatique. On a appelé ça le réchauffement de la planète, le changement climatique, maintenant ils appellent ça une météo extrême, c’est nouveau, car la météo semble être un peu plus extrême. C’est juste la météo. Ça a toujours été comme ça, le temps change, il y a des tempêtes, de la pluie, et des belles journées. Mais je ne pense pas qu’on doive mettre les gens de notre pays en danger. »</p>
</blockquote>
<h2>Un position partagée</h2>
<p>Aucune surprise donc dans une telle prise de position, qui correspond d’ailleurs assez largement à l’orthodoxie républicaine. Les conservateurs se sont montrés en effet <a href="https://www.usnews.com/news/business/articles/2015/10/26/gop-led-congress-moves-to-block-obamas-clean-power-plan">très fermement opposés</a> à l’agenda environnemental de Barack Obama, notamment à propos des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.</p>
<p>On se rappellera ainsi que cette question fut très sensible en début de campagne, avec une bataille féroce menée au Congrès par des hommes comme <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ed_Whitfield">Ed Whitfield</a> ou <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mitch_McConnell">Mitch McConnell</a>. Certains républicains reconnaissent très ouvertement ne pas croire que le climat se réchauffe ; les autres se bornant le plus souvent à expliquer qu’ils ne sont pas des scientifiques et qu’ils sont donc incapables de se prononcer sur la question de la responsabilité des activités humaines.</p>
<h2>Espoirs de courte durée</h2>
<p>S’il n’est pas non plus un scientifique, Donald Trump ne s’embarrasse pas de telles précautions : dans un désormais célèbre <a href="http://www.climatechangenews.com/2012/11/07/trump-says-china-created-global-warming/">tweet du 6 novembre 2012</a>, le futur président américain déclarait :</p>
<blockquote>
<p>« Le changement climatique est un concept créé par et pour les Chinois pour porter atteinte à la compétitivité des entreprises américaines. »</p>
</blockquote>
<p>Mais quatre ans plus tard, alors qu’il venait tout juste d’être élu, il reconnaissait dans une interview accordée au <a href="https://www.nytimes.com/2016/11/23/us/politics/trump-new-york-times-interview-transcript.html"><em>New York Times</em></a> l’existence de « connexions » entre le changement climatique et les activités humaines.</p>
<p>Beaucoup ont cru voir dans ses déclarations une volte-face. On a parlé de real-politique, de prise en compte pragmatique des problèmes. Mais une série de décisions est rapidement venue anéantir ces espoirs naissants : tout particulièrement la nomination de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Scott_Pruitt">Scott Pruitt</a> à la tête de l’Agence américaine de protection de l’environnement (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Environmental_Protection_Agency">EPA</a>).</p>
<p>Il est difficile en réalité de connaître les convictions profondes du président sur le sujet. Il n’est même pas exclu qu’il n’en ait aucune. On doit donc se contenter des remarques formulées par son entourage – très largement composé de climatosceptiques assumés – et d’extrapoler que ce sont eux qui fixent la ligne à tenir pour le locataire de la Maison-Blanche.</p>
<p><a href="http://orbi.ulg.ac.be/handle/2268/182516">Certaines analyses</a> voient dans la posture de Donald Trump sur ce sujet la volonté d’être perçu comme une personnalité anti-système, opposée aux élites traditionnelles corrompues.</p>
<h2>Détricoter les années Obama</h2>
<p>Au-delà des postures du président, la priorité de ce début de mandat consiste à détricoter les actions de Barack Obama, notamment sur la question de la protection de l’environnement. Le président Trump s’est engagé dans la voie de la démolition, éliminant une à une les politiques qu’il estime non nécessaires et nuisibles.</p>
<p>Le <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Clean_Power_Plan">Clean Power Plan</a>, proposé en juin 2014 par l’EPA, s’est ainsi très vite retrouvé dans son viseur. Les Républicains étaient vent debout contre cette régulation, clé de voûte de l’héritage des années Obama et qui prévoit de faire passer de 39 % en 2014 à 27 % en 2030 la part du charbon dans la génération d’électricité, entre autres via le recours aux énergies renouvelables et en contraignant les États de l’Union à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. « Lever toutes ces restrictions va aider énormément les travailleurs américains », a répété Donald Trump et il le redira certainement ce soir.</p>
<p>Rien ne pouvait donc laisser croire à un <a href="https://theconversation.com/climatoscepticisme-energies-fossiles-sortie-de-laccord-de-paris-trump-affole-la-planete-69296">infléchissement</a> de sa position. L’heure est désormais au symbole et à la mise en scène, et Donald Trump fait de cette question une célébration de sa présidence. Il la met en scène jusqu’à l’outrance, multipliant annonces et tweets depuis quelques jours, comme une maison de production fait du <em>teasing</em> pour sa dernière création !</p>
<p>En sacrifiant les questions environnementales sur l’autel de l’action d’éclat et de l’audimat, il devrait satisfaire pour un temps son électorat le plus fidèle. Mais à quel prix ? On nous avait dit que <a href="https://www.washingtonpost.com/blogs/plum-line/wp/2017/05/02/how-much-influence-does-ivanka-trump-really-have-over-her-father/?utm_term=.f1873050f2ea">sa fille Ivanka</a> cherchait à le convaincre de prendre une autre voie. Pourquoi a-t-elle échoué ? Ivanka donnait déjà des éléments de réponse lors d’une interview accordée l’été dernier pendant la convention républicaine de Cleveland en confiant : « Il ne m’écoute pas toujours. »</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/78689/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Éric Branaa ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le retrait de Washington du traité qui fixe la gouvernance climatique mondiale constitue une nouvelle étape du détricotage des années Obama.Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/757852017-04-13T19:43:22Z2017-04-13T19:43:22ZClimat, vaccins, OGM… les Français acceptent la science quand ça leur plaît<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/164717/original/image-20170410-31886-1rhf23g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sans un réel effort pour faire preuve d'esprit critique, on aura facilement tendance à considérer la science comme un buffet, où l'on peut se servir selon ses préférences.</span> <span class="attribution"><span class="source">Tony Derbomez</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Le <a href="http://www.lemonde.fr/donald-trump/article/2017/03/28/trump-signe-un-decret-abrogeant-des-mesures-d-obama-sur-le-climat_5102223_4853715.html">récent décret</a> du président Trump n’a fait que confirmer les craintes des scientifiques et de la société civile sur sa politique climatique. Son investiture avait d’ailleurs suscité de vives réactions, qui ont notamment pris corps à travers l’organisation d’une <a href="https://www.marchforscience.com/satellite-marches">Marche pour la science</a>, prévue le 22 avril un peu partout dans le monde, y compris en France.</p>
<p>Les Français sont souvent prompts à pointer du doigt les Américains au sujet de leur relation tumultueuse avec la science, en particulier en ce qui concerne le changement climatique et l’évolution des espèces. Et pour cause, ils sont <a href="http://climatecommunication.yale.edu/visualizations-data/ycom-us-2016/">à peine plus d’une moitié</a> à attribuer le changement climatique aux activités humaines et <a href="http://www.pewforum.org/2015/11/03/chapter-4-social-and-political-attitudes/">seulement un tiers</a> à considérer que les êtres vivants ont évolué par sélection naturelle. </p>
<p>D’où viennent de <a href="http://www.pewinternet.org/2015/01/29/public-and-scientists-views-on-science-and-society/">tels décalages</a> entre la perception du public et l’opinion de la communauté scientifique ? On pourra invoquer entre autres l’attachement des Américains au libéralisme économique pour le rejet des sciences du climat, ou à certaines croyances religieuses concernant la théorie de l’évolution. Cependant, l’influence des convictions personnelles dans l’acceptation de la science est toujours plus facile à identifier chez les autres. Car si nous faisons mieux que les Américains dans notre manière d’appréhender climat et évolution, sur d’autres questions au carrefour entre science et société, nous sommes bel et bien les derniers de la classe.</p>
<h2>Déni de science au pays de Descartes</h2>
<p>En France aussi, des croyances en nette contradiction avec les connaissances scientifiques sont très répandues. Une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S235239641630398X">enquête récente</a> sur la perception de la vaccination dans 67 pays indique que c’est en France que la méfiance est la plus élevée, et de loin. Étant donné l’<a href="http://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=369">absence</a> <a href="http://ansm.sante.fr/S-informer/Points-d-information-Points-d-information/Vaccination-contre-les-infections-a-HPV-et-risque-de-maladies-auto-immunes-une-etude-Cnamts-ANSM-rassurante-Point-d-information">de</a> <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0140673699012398">fondement</a> <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0264410X05003506">scientifique</a> derrière les craintes souvent évoquées, constater un niveau de confiance si faible est frappant. On pourra également citer la <a href="http://www.leem.org/sites/default/files/100questions_Leem_Fiche-18.pdf">popularité</a> de l’homéopathie dans l’Hexagone en dépit de <a href="http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(05)%2067177-2/abstract">ses échecs cuisants</a> et <a href="https://www.mja.com.au/journal/2010/192/8/homeopathy-what-does-best-evidence-tell-us">systématiques</a> lors des essais cliniques, ou encore l’influence toujours vivace de la psychanalyse malgré les incertitudes sur <a href="https://books.google.fr/books?id=IENmxiVBaSoC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false">son statut épistémologique</a> et <a href="http://www.ipubli.inserm.fr/handle/10608/57">son efficacité thérapeutique</a>. Ceci dit, la bête noire des Français reste la question de l’innocuité des OGM dans l’alimentation.</p>
<p>Dans ce cas extrême, un véritable <a href="http://barometre.irsn.fr/wp-content/uploads/2017/07/IRSN_barometre_2017.pdf">consensus populaire</a> s’est formé, en opposition manifeste avec le <a href="http://www.pewinternet.org/2015/07/23/an-elaboration-of-aaas-scientists-views/">consensus scientifique</a> selon lequel les OGM commercialisés ne semblent pas poser de risque spécifique pour la santé humaine et animale. Ce consensus international, appuyé par <a href="http://pubs.acs.org/doi/full/10.1021/jf400135r">une</a> <a href="https://www.animalsciencepublications.org/publications/jas/abstracts/92/10/4255">grande</a> <a href="http://www.tandfonline.com/doi/full/10.3109/10408444.2013.842956">quantité</a> <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0278691508000884">de</a> <a href="http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.3109/07388551.2013.823595">publications</a> <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0278691511006399">scientifiques</a>, est illustré par les déclarations <a href="https://academic.oup.com/toxsci/article/71/1/2/1639537/The-Safety-of-Genetically-Modified-Foods-Produced">de</a> <a href="http://www.aaas.org/sites/default/files/AAAS_GM_statement.pdf">nombreuses</a> <a href="http://www.academie-medecine.fr/ogm-et-sante-rapport-bi-academique-academie-nationale-de-medecine-academie-nationale-de-pharmacie/">sociétés</a> <a href="http://www.fbae.org/2009/FBAE/website/special-topics_are_there_health_hazards.html">savantes</a>, <a href="http://www.who.int/foodsafety/areas_work/food-technology/faq-genetically-modified-food/fr/">institutions</a> <a href="https://www.efsa.europa.eu/fr/press/news/afc030710">publiques</a> et <a href="http://supportprecisionagriculture.org/view-signatures_rjr.html">personnalités scientifiques</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/217322/original/file-20180502-153884-1fiqw0e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/217322/original/file-20180502-153884-1fiqw0e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/217322/original/file-20180502-153884-1fiqw0e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/217322/original/file-20180502-153884-1fiqw0e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/217322/original/file-20180502-153884-1fiqw0e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/217322/original/file-20180502-153884-1fiqw0e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/217322/original/file-20180502-153884-1fiqw0e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Au sujet des OGM, l’écart entre l’opinion des Français et celle de la communauté des chercheurs spécialistes est considérable.</span>
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<p>Chez nous aussi, des préjugés favorisent l’acceptation ou le rejet de la science. Notre jugement est notamment biaisé par une méfiance plus ou moins justifiée à l’égard des grands industriels. Naturellement, la réalité du changement climatique fait bon ménage avec ces préjugés. À l’inverse, pour préserver nos convictions face au consensus scientifique sur les OGM – dont beaucoup ignorent l’existence – on ira jusqu’à s’approcher d’une forme de <a href="http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0075637">pensée conspirationniste</a> en voyant ce consensus comme une fabrication du lobby des semenciers OGM. À ce stade, on pourra rappeler que le lobby largement plus puissant des combustibles fossiles est lui <a href="http://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/11/4/048002">manifestement incapable</a> d’affecter le consensus sur le climat, sans même parler de l’inverser.</p>
<h2>Tendances naturelles de l’humain</h2>
<p>En France comme aux États-Unis, de vives controverses sociétales persistent donc sur des questions ne faisant pourtant plus débat au sein de la communauté scientifique. On pourra s’en étonner, étant donnée la facilité avec laquelle on accède de nos jours à l’information scientifique, ne serait-ce que par les médias traditionnels. Hélas, ces derniers échouent souvent à rendre compte de la nuance propre au discours scientifique, en exagérant ou détournant les conclusions <a href="https://theconversation.com/dapres-une-etude-cet-imparable-argument-dautorite-74413">d’études isolées</a>, quand ils ne contribuent pas tout simplement à propager des idées fausses. Sur les réseaux sociaux, devenus une <a href="http://reutersinstitute.politics.ox.ac.uk/sites/default/files/Digital-News-Report-2016.pdf">source majeure d’information</a>, le succès d’un contenu ne dépend que de son attrait, ce qui ne dit rien de sa qualité. Dans ce déluge d’informations, on aura <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Biais_de_confirmation">naturellement tendance</a> à accepter et retenir ce qui flatte nos a priori, et à rejeter ou oublier ce qui les dérange. Mécaniquement, on constate une <a href="http://www.pnas.org/content/114/12/3035">ségrégation des utilisateurs</a> en groupes de personnes partageant les mêmes idées et qui ne sont exposés qu’à des contenus qui les confortent.</p>
<p>Au-delà des questions scientifiques, chacun peut en somme se fabriquer une « réalité » sur-mesure. C’est bien ce que décrit la fameuse notion de <em>post-vérité</em>, dont les mécanismes reposent sur <a href="http://www.psychomedia.qc.ca/psychologie/biais-cognitifs">des travers humains</a> qui n’ont rien de nouveau, mais dont l’effet trouve aujourd’hui une ampleur <a href="https://theconversation.com/conversation-avec-gerald-bronner-ce-nest-pas-la-post-verite-qui-nous-menace-mais-lextension-de-notre-credulite-73089">sans précédent</a> du fait de la révolution du marché des idées portée par Internet.</p>
<h2>Remettre la science au cœur des débats</h2>
<p>Le souci, c’est que dans la mesure où la réalité scientifique n’a évidemment rien à faire de nos convictions personnelles, il y a un vrai coût à considérer la science comme un buffet où l’on pourrait choisir uniquement ce qui nous intéresse. Le recul de la couverture vaccinale expose la population à la réapparition de maladies <a href="http://jamanetwork.com/journals/jamapediatrics/fullarticle/2203906">comme la rougeole</a>, avec décès évitables à la clé. De même, l’interdiction inconditionnelle des OGM décourage la recherche et ferme la porte à toutes les applications potentielles de la technologie, même si c’est pour <a href="http://ajcn.nutrition.org/content/89/6/1776.short">améliorer la qualité nutritive</a> des aliments, les rendre <a href="http://www.nature.com/nbt/journal/v33/n1/full/nbt0115-12.html?WT">moins</a> <a href="http://advances.sciencemag.org/content/3/3/e1602382">toxiques</a>, réduire l’usage <a href="http://www.nature.com/nature/journal/v487/n7407/abs/nature11153.html">d’insecticides</a> ou <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1467-7652.2008.00351.x/abstract;jsessionid=70A242E85DFB5E639D8E094EA2B13D6B.f03t04">d’engrais</a>, mieux protéger les récoltes <a href="http://www.plantcell.org/content/23/1/412.short">des aléas climatiques</a>, etc.</p>
<p>Qu’ils soient de nature environnementale, sanitaire ou socio-économique, les problèmes auxquels l’humanité doit faire face sont trop graves et urgents pour perdre du temps et des ressources avec des mesures contre-productives. La science est le seul outil permettant d’identifier ces problèmes, leurs causes et les solutions potentielles. Dans une démocratie, il est donc essentiel que la meilleure information scientifique disponible constitue le point de départ du débat public et soit partagée par tous les citoyens : on peut débattre de la façon de lutter (ou non) contre le changement climatique, mais on n’a pas à débattre de son existence.</p>
<p>La chose <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion4417.asp">est bien comprise</a> au niveau du parlement, et malgré la complexité de la tâche, des pistes d’amélioration peuvent être envisagées. Par l’enseignement de la méthode scientifique, de l’<a href="https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs11191-017-9878-2">esprit critique</a> et de l’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=__DVwG9oiuU&t=374s">usage des médias</a>, l’école constitue naturellement un premier levier d’action. L’implication du monde académique dans la discussion citoyenne, un <a href="https://theconversation.com/fr/charter">des objectifs</a> de The Conversation France, apparaît profitable, et l’initiative de Marche pour la science a le mérite de provoquer une <a href="http://www.sciencepresse.qc.ca/actualite/2017/04/06/marche-pour-science-reflete-peur-scientifique-face-public">discussion nécessaire</a> sur l’épineuse question des modalités de cette implication. Par ailleurs, une <a href="https://theconversation.com/how-to-stop-the-media-reporting-science-fiction-as-fact-10252">amélioration</a> du traitement médiatique de l’information scientifique est également cruciale. Sur la toile, Google et Facebook commencent à prendre <a href="http://www.latribune.fr/technos-medias/Internet/fake-news-Facebook-et-google-lancent-de-nouveaux-outils-en-france-636552.html">des mesures</a> pour lutter contre la désinformation, et on recense une <a href="http://laelith.fr/Zet/Galaxie-Sceptique-Francophone/">multitude</a> de ressources francophones, des <a href="http://www.scepticisme-scientifique.com/">podcasts</a>, <a href="https://www.youtube.com/user/TroncheEnBiais">chaînes</a> <a href="https://www.youtube.com/user/fauxsceptique">YouTube</a> et <a href="http://www.sceptiques.qc.ca/blogs">blogs</a> (dont le <a href="https://sciencepop.fr/">mien</a>) visant à promouvoir l’esprit critique.</p>
<p>À la veille de l’élection présidentielle, on remarquera avec intérêt que les candidats ont été <a href="https://theconversation.com/les-presidentielles-et-la-science-nous-interpellons-les-candidats-74633">invités à se prononcer</a> sur les questions de société à dimension scientifique, trop peu présentes dans les débats. Étant donnés les enjeux, il reste à espérer que la France soit à la hauteur de l’héritage de l’esprit des Lumières auquel elle est tant attachée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/75785/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Théo Mathurin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les convictions personnelles influent sur notre perception des questions scientifiques. En fonction des cas, elles peuvent entraîner l’acceptation ou le rejet du consensus scientifique.Théo Mathurin, Docteur en physique des matériaux et nanotechnologie, École Centrale de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/692962016-11-24T20:41:32Z2016-11-24T20:41:32ZClimatoscepticisme, énergies fossiles, sortie de l’Accord de Paris : Trump affole la planète<p><em>Christophe Madrolle, élu de Marseille et Secrétaire national de l’Union des démocrates et des écologistes (UDE), est co-auteur de cet article.</em></p>
<hr>
<p>Alors que le monde attend la liste complète de ceux qui formeront son premier gouvernement pour entrevoir enfin le type de présidence qui va être mis en place, Donald Trump a précisé ce lundi 21 novembre 2016 dans une <a href="http://www.leparisien.fr/international/video-etats-unis-trump-devoile-ses-mesures-choc-pour-ses-100-premiers-jours-22-11-2016-6360150.php">courte vidéo</a> six mesures phares pour ses 100 premiers jours au pouvoir.</p>
<p>Une annonce qui aura douché les espoirs des plus optimistes. Ceux qui croyaient avoir vu un fléchissement de ses positions en sont pour leur frais : ses propositions restent fermement basées sur l’idée maîtresse de sa campagne : « l’Amérique d’abord ».</p>
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<figcaption><span class="caption">Donald Trump donne un aperçu du programme politique qu’il souhaite mettre en œuvre (Transition 2017, 2016).</span></figcaption>
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<p>L’abandon <a href="http://www.courrierinternational.com/article/commerce-le-retrait-americain-du-tpp-voulu-par-trump-ouvrirait-la-voie-pekin">du traité TPP</a> et l’annonce des premières <a href="http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2016/11/17/20002-20161117ARTFIG00163-petrole-charbon-pourquoi-trump-fait-trembler-les-defenseurs-de-l-environnement.php">décisions sur l’énergie</a> font aujourd’hui craindre le pire pour l’avenir de l’engagement américain dans la lutte contre le réchauffement climatique.</p>
<p>Que <a href="https://theconversation.com/climat-linconnue-americaine-68541">restera-t-il</a> dans ce contexte inédit de l’Accord de Paris ? Faut-il rappeler la belle victoire que ce traité a constituée et l’implication de Washington ? Il aura fallu moins d’un an en effet pour que le texte reçoive les soutiens suffisants et qu’il entre en vigueur (114 États, représentant 78 % des émissions de gaz à effet de serre l’ont à ce jour ratifié). La Chine figure parmi les signataires et l’<a href="http://www.lenergietoutcompris.fr/actualites-et-informations/politique-energetique/accord-de-paris-l-inde-se-range-du-cote-de-la-france-48041">Inde lui a emboîté le pas</a>. Rappelons que les États-Unis comptent pour 18 % de ces émissions au niveau mondial.</p>
<h2>Une victoire pour les climatosceptiques</h2>
<p>Pour Trump, le concept de réchauffement climatique a été créé par et pour les Chinois dans le but de rendre l’industrie américaine moins compétitive. Il l’avait déclaré dès le 6 novembre 2012 dans un tweet. Et il l’a ensuite répété inlassablement durant toute sa campagne, pour la plus grande joie de ses supporters. Ces derniers ont alors imaginé le retrait de leur pays de ce traité et en ont fait une étape absolument nécessaire à la restauration de leur puissance.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"265895292191248385"}"></div></p>
<p>Donald Trump s’est d’autre part entouré de <a href="http://www.actu-environnement.com/ae/news/election-americaine-climatosceptique-donald-trump-27836.php4">climatosceptiques</a> et cette thématique anti-environnementale s’est transformée en ritournelle dans ses meetings, destinée à fédérer contre l’ennemi extérieur et l’élite bobo de l’intérieur, soupçonnés de vouloir imposer de nouveaux modes de vie (« Les ampoules LED donnent le cancer, » a-t-il par exemple déclaré).</p>
<p>La nomination de Myron Ebell pour réfléchir au futur de <a href="http://www.actu-environnement.com/ae/news/election-americaine-climatosceptique-donald-trump-27836.php4">l’EPA</a> (Environmental Protection Agency) est à ce titre hautement symbolique. Ebell préside la <a href="http://www.globalwarming.org/about/">Cooler Heads Coalition</a>, une association qui prétend que le réchauffement climatique est une farce. Dénoncé par Greenpeace pour ses prises de position, ce dernier ne connaît aucune limite : <a href="http://www.nytimes.com/2016/11/12/science/myron-ebell-trump-epa.html?mtrref=www.google.com&gwh=CF0E319FECC9919C55AF3B2156383EC7&gwt=pay">même le Pape</a> en a pris pour son grade après la publication de l’encyclique <em><a href="http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/encyclicals/documents/papa-francesco_20150524_enciclica-laudato-si.html">Laudato si</a></em> en 2015. Pour Ebell, le chef de l’Église catholique est « scientifiquement mal informé, économiquement analphabète, intellectuellement incohérent et moralement obtus ».</p>
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<figcaption><span class="caption">Myron Ebell, un climatosceptique à la tête du ministère de l’Environnement américain (NEWS4U, 2016).</span></figcaption>
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<p>Du point de vue de Trump, les restrictions imposées à l’industrie américaine en vue de la transition énergétique détruiraient les emplois (« Il faut les supprimer au plus vite », a-t-il proposé). Son idée est donc de relancer des programmes d’énergie et de créer des milliers d’emplois bien payés grâce au gaz, au pétrole de schiste et au charbon.</p>
<h2>Sortir de l’Accord de Paris</h2>
<p>Depuis son élection, l’inquiétude est générale et des voix s’élèvent pour multiplier les appels à la raison. Le président François Hollande s’est montré bien optimiste en prétendant que le <a href="http://fr.reuters.com/article/topNews/idFRKBN13A1SU">retrait était impossible</a> ; quant à Ségolène Royal, la ministre de l’Environnement, y croyait-elle vraiment lorsqu’elle a insisté sur les <a href="http://www.rtl.fr/actu/environnement/trump-ne-peut-pas-bloquer-l-accord-de-paris-sur-le-climat-mais-peut-le-freiner-7785673629">trois années d’engagement obligatoire</a> qui seraient déjà effectives, l’Accord ayant entré en vigueur le 4 novembre 2016 ?</p>
<p>Washington peut se retirer de l’Accord de Paris. La procédure est effectivement longue et compliquée, <a href="http://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/trump-denoncera-t-laccord-de-paris-37811/">comme le rappelait Ségolène Royal</a>, puisque le texte proscrit toute sortie de l’Accord sur une période de trois ans, à quoi il faut ajouter une année de préavis. Mais, dans les faits, l’Accord n’étant pas juridiquement contraignant, rien n’est prévu au cas où les États-Unis ne respecteraient pas leurs engagements.</p>
<p>Il reste enfin une solution toute simple pour cette sortie : celle du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ordre_ex%C3%A9cutif">décret présidentiel</a>. Car la signature d’un président peut annuler l’action d’un autre. C’est bien pour cela que la Constitution américaine prévoit qu’un traité doit être validé par le Sénat, ce qui lui donne force et résistance. Ce ne fut pas le cas pour l’Accord de Paris, car l’opposition républicaine n’aurait pas suivi. C’est fort dommage, car cela rend ce traité vulnérable.</p>
<h2>Priorité aux énergies fossiles</h2>
<p>Ses premières déclarations comme chef d’État indiquent que sa politique énergétique visera à augmenter l’extraction et la production des énergies fossiles et à assouplir les normes environnementales. Il a également pris la décision de relancer la construction du très controversé <a href="http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/814272/pipeline-keystone-xl-approbation-gouvernement-republicain-donald-trump">oléoduc Keystone XL</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">La controverse de l’oléoduc Keystone XL décryptée (Seeker Daily, 2015).</span></figcaption>
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<p>Pour Trump, il n’y a pas de choix à faire entre emploi et environnement. On attend logiquement qu’il décide de saborder le <a href="http://www.pv-tech.org/news/trump-confirms-plans-to-dismantle-the-clean-power-plan">Clean Power Plan</a> de Barack Obama. Fini la diminution des émissions de gaz à effet de serre des centrales électriques américaines. Les subventions accordées au développement des énergies renouvelables seront très certaines retirées.</p>
<p>Il y aura aussi ces 3 milliards de dollars à récupérer avec la privation de subventions au Fonds vert de l’Accord de Paris ; et pourquoi ne pas renoncer à tous les financements aux Nations unies pour la lutte contre le changement climatique ? Ceux qui veulent défendre la planète pourront toujours se tourner vers les investissements privés.</p>
<p>Donald Trump a toutefois indiqué à plusieurs reprises qu’il n’est pas contre le développement <a href="http://www.bioaddict.fr/article/trump-vs-clinton-quel-est-le-plus-ecolo-des-deux-a5481p1.html">d’une énergie propre</a>. Il veut juste en finir avec les normes et laisser le marché se réguler de lui-même. Ce sera là le travail des juges qu’il nommera à la Cour Suprême et dans les différentes Cours d’appel fédérales ; leur position sur ces questions influencera certainement le choix en faveur, ou non, de leur nomination.</p>
<h2>Peut-on rester optimiste ?</h2>
<p>Les plus combatifs soulignent la présence d’autres acteurs, non-étatiques, impliqués dans la transition énergétique.</p>
<p>365 chefs d’entreprises ont par exemple <a href="http://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/0211501255053-climat-trump-rappele-a-lordre-par-les-entreprises-americaines-2043333.php">signé une lettre</a> demandant à Trump de respecter l’Accord de Paris ; parmi les signataires figuraient les dirigeants d’entreprises aussi prestigieuses et puissantes que Dupont, General Mills, Hewlett-Packard, Hilton, Kellogg, Levi Strauss, Nike ou encore Unilever.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"798921109722656768"}"></div></p>
<p>La vraie question est : qu’est-ce qui peut contraindre Trump ? En réalité, rien. Et les premiers signes qu’il a adressés n’ont rien d’encourageants ; ils vont à rebours de la volonté mondiale et témoignent de sa volonté de proposer une nouvelle voie.</p>
<h2>Des lendemains imprévisibles</h2>
<p>Il est actuellement impossible d’estimer à quel point le nouveau président américain va mettre en place ce qu’il a annoncé pendant sa campagne. Il a le soutien des deux chambres, le Sénat et la Chambre des Représentants et, bientôt, de la Cour Suprême. On néglige souvent cet aspect des choses, mais les gouverneurs sont également de son côté, du moins dans 33 États sur 50.</p>
<p>Le monde entier est à l’affût de la moindre de ses déclarations et, pour le moment, il semble plus préoccupé par l’obsession de montrer à ses électeurs qu’il est différent de tous ceux qui ont été élus avant lui. Il devrait donc faire ce qu’il a promis, dut-il pour cela enterrer la planète.</p>
<p>Mais tout n’est peut-être pas aussi noir… Souvenons-nous que Trump n’est pas un homme politique : son réflexe de businessman peut reprendre le dessus et il pourrait même bien finir par voir un intérêt à suivre la voie collective. Ou peut-être tombera-t-il dans ce travers si classique qui consiste à vouloir marquer l’histoire, ce qui pourrait l’emmener sur un chemin moins tortueux.</p>
<p>Mais pour l’heure, on a l’impression qu’il est perdu face au poids de sa charge : il souffle le chaud et le froid, multiplie les déclarations contradictoires et ne semble pas encore avoir réussi à prendre conscience de l’énorme responsabilité qui pèse sur ses épaules. Mardi soir, 22 novembre 2016, il a ainsi déclaré dans une interview au <a href="http://nyti.ms/2gjl829"><em>New York Times</em></a> qu’il était « ouvert » aux accords sur le climat faisant renaître à nouveau l’espoir.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"801127947969015808"}"></div></p>
<p>Alors espérons ! Car s’il décide de changer à nouveau de cap, il y a fort à craindre qu’on ne puisse pas davantage l’arrêter aujourd’hui que durant sa campagne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/69296/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Éric Branaa ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Nominations controversées, relance du charbon et fin possible du soutien américain à la gouvernance climatique mondiale… Avec Trump, les mauvaises nouvelles s’accumulent pour l’environnement.Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/655992016-09-23T04:43:54Z2016-09-23T04:43:54ZClimat : la science, la politique et l’expertise<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/138295/original/image-20160919-11100-1cjutyd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/cop21/22837267274/">A. Bouissou/Flickr</a></span></figcaption></figure><p>Le débat sur le changement climatique s’organise depuis longtemps autour des « réchauffistes » et des « climatosceptiques ». Au cœur de cette dispute, la vérité scientifique. Les uns arguent de ce que la science est consensuelle, et que le doute n’est plus permis, les autres s’épouvantent face à tant de dogmatisme, vantant le doute vertueux.</p>
<p>Face au doute régulièrement distillé par certains responsables politiques sur ce qui apparaît certain, la notion de « populisme climatique » a été employée par Stéphane Foucart dans son ouvrage <a href="http://www.denoel.fr/Catalogue/DENOEL/Impacts/Le-Populisme-climatique"><em>Le Populisme climatique</em></a> et plus récemment dans <a href="https://theconversation.com/sarkozy-trump-le-populisme-climatosceptique-comme-strategie-de-campagne-65484">The Conversation France</a>. Mais le débat est-il bien posé ?</p>
<p>Dans les argumentaires cités, la notion de populisme est mobilisée pour trois opérations distinctes. La première vise à séparer la science de la politique. La seconde consiste à démasquer les politiques visés (dernièrement, Nicolas Sarkozy et Donald Trump) en montrant qu’ils agissent pour leur propre profit. La troisième vise à restaurer l’autorité de la science.</p>
<h2>Science et politique</h2>
<p>Se réclamer de la vérité de la science peut-il suffire à clore le débat sur le climat ? On peut en douter, car sur le plan strictement scientifique, des débats existent, sur les causes et les conséquences du réchauffement climatique. L’histoire des sciences montre en outre que quand bien même 99 % des scientifiques seraient convaincus par la thèse réchauffiste, le 1 % pourrait bien avoir raison, comme <a href="http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/actu-un-debat-entre-bohr-et-einstein-enfin-tranche-33634.php">Bohr l’a emporté contre Einstein</a>.</p>
<p>Ce qui est à souligner cependant est que nous ne raisonnons pas dans l’absolu. Ce qui est en jeu, c’est la décision publique : doit-on émettre des <a href="https://theconversation.com/gaz-a-effet-de-serre-50156">gaz à effet de serre</a> ou les réduire ? Que la science n’apporte que des éclairages partiels et contradictoires, n’aboutissant pas à « une certitude », n’empêche pas qu’ils soient précieux. La question est de savoir comment traiter de l’énorme masse de données existantes, partiellement contradictoires : c’est une question qui relève de l’expertise, et non de la science. Celle-ci sait très bien « faire avec » un grand pluralisme de thèses en présence : elle se donne le temps de les confronter. Un temps dont la décision publique ne dispose pas, car pour elle la non-décision n’est pas une option possible, étant déjà une décision.</p>
<h2>La nécessité d’une expertise pluraliste</h2>
<p>On trouvera toujours des <a href="https://theconversation.com/climatoscepticisme-50414">« climatosceptiques »</a> que seule l’expérience d’un réchauffement effectif de 6 °C de la planète Terre pourrait convaincre. La question est de savoir si les autres habitants de la Terre ont envie de les suivre. Quiconque a une petite connaissance des enjeux politiques autour des changements climatiques sait que la réponse est très largement négative, et qu’elle se manifeste de diverses manières : positions des délégations des pays vulnérables, et souvent peu pollueurs, positions des ONG, syndicats, etc.</p>
<p>La critique qui vient alors est que cette expertise est déficiente. On peut l’entendre en effet. Comment faire mieux ? L’expertise consiste à donner au public non-spécialiste les éléments qui sont nécessaires pour prendre une décision. Pour que le débat public soit de qualité, la science doit rester science, c’est-à-dire à la fois pourvoyeuse de connaissances et d’incertitudes, et la politique dans son champ, celui de la décision publique. La condition réelle est que l’expertise soit exemplaire.</p>
<p>Que serait une bonne expertise ? <a href="http://www.participation-et-democratie.fr">De nombreux travaux</a> ont été réalisés sur la question. Un premier critère concerne l’indépendance de l’expertise, au sens où les personnes qui en sont membres ne doivent pas avoir de liens directs ou indirects avec les enjeux de la décision en cause. C’est ici que le populisme, au sens de désir de plaire, peut être mis en cause. Et en piétinant les conclusions d’expertises solides, <a href="http://www.liberation.fr/debats/2016/09/16/climat-nicolas-sarkozy-dangereux-marchand-de-doute_1499625">Nicolas Sarkozy</a> s’y adonne pleinement. Son intérêt est évident : flatter ceux que la question climatique dérange.</p>
<p>Un second critère de qualité de l’expertise est son pluralisme, qui s’entend de deux manières. La première renvoie aux différentes dimensions du problème, en l’occurrence climatique, économique, etc. La complexité du changement climatique explique que l’expertise sur ce sujet soit plus difficile à organiser, car il faut faire discuter de nombreuses composantes hétérogènes. La seconde a trait aux enjeux de la décision. Il convient alors que les intérêts ou « parties prenantes » soient représentés. Et plus généralement que la question de la représentation soit prise au sérieux.</p>
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<figcaption><span class="caption">Comment fonctionne le GIEC ? (IPSL, 2013)</span></figcaption>
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<h2>Le GIEC n’est pas « la science »</h2>
<p>Eu égard à ces deux critères, constatons que les positions des réchauffistes comme des sceptiques sont fragiles. De l’expertise, ils ne disent rien, ou si peu. Ils confondent souvent le <a href="https://www.ipcc.ch/home_languages_main_french.shtml">(GIEC)</a> avec « la science », alors que c’est un organisme expert. Il ne publie pas, mais s’informe des publications et en propose des synthèses. Le GIEC se prononce sur les causes et les conséquences en situation d’incertitude, c’est-à-dire de savoir incomplet ou controversé. Il ne décide pas à la place des politiques, d’où son refus répété de se prononcer sur le niveau de danger, qui est une question normative, cela alors que les gouvernements n’ont cessé de le solliciter pour trancher.</p>
<p>La vraie source de fiabilité du GIEC est précisément de ne pas être « la science ». Son degré d’indépendance et son pluralisme sont relativement élevés. Il est composé de 200 à 2 000 scientifiques pour la plupart nommés par des États tels que les États-Unis qui n’ont aucunement envie de reconnaître la gravité du problème. Rien n’est parfait et l’on pourrait faire quelques reproches au GIEC, comme la domination excessive des sciences économiques ou le fait d’éluder les scénarios les plus catastrophiques, au nom du « réalisme », ou de ne pas compter suffisamment de représentants du pays du Sud. Si le GIEC ne paraît pas assez fiable, c’est à des progrès dans l’expertise auxquels les associations devraient appeler, plutôt que de s’arc-bouter sur « la science a dit », « les experts sont formels », reproduisant de la sorte l’attitude qu’elles reprochent à leurs adversaires.</p>
<h2>Quelle autorité ?</h2>
<p>Opposer une théorie scientifique à une autre dans l’espace public n’a guère de chances d’être conclusif. La pierre de touche réside dans la qualité de l’expertise. Pour écarter les Nicolas Sarkozy et les Donald Trump, il convient plutôt d’utiliser la même méthode que celle qui a défait les thèses de <a href="http://www.plon.fr/ouvrage/l-imposture-climatique/9782259209854">Claude Allègre</a> ou de Vincent Courtillot, en leur demandant de rendre compte de leur positionnement devant un panel expert exemplaire.</p>
<p>Les scientifiques qui ne connaissent qu’un aspect du problème ne peuvent en tirer une légitimité pour s’ériger en experts devant faire autorité : leur opinion a même valeur que celle des simples citoyens. Les politiques ne cherchant qu’à séduire doivent aussi rendre compte de leurs affirmations, comme c’est le cas dans d’autres domaines tels que le « trou de la sécu » ou « les bonnes » politiques économiques. La qualité de l’expertise est l’une des pierres angulaires de la démocratie.</p>
<p><em>Ce texte est tiré d’une <a href="http://www.participation-et-democratie.fr/node/1807">communication</a> donnée avec Federico Tarragoni en 2015 dans le cadre du congrès annuel du GIS Démocratie et Participation.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/65599/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Flipo a reçu des financements de la caisse des dépots et de la Fondation Mines Télécom pour des recherches sur les déchets électroniques et d'autres sur les "TIC vertes".</span></em></p>Après les récents propos de Nicolas Sarkozy sur les changements climatiques, se repose la question de la vérité et de l’expertise dans la dispute qui oppose les climatosceptiques aux réchauffistes.Fabrice Flipo, Maitre de conférences en philosophie, Institut Mines-Télécom Business School Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/525972015-12-23T05:42:07Z2015-12-23T05:42:07ZUn an après : L’accord de Paris à la COP21 ou le choix de la méthode douce<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/151457/original/image-20161223-17301-e1tvzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption"></span> <span class="attribution"><span class="source">Remi Malingrëy</span></span></figcaption></figure><p><em>Un an après, <a href="http://www.remimalingrey.com/">Rémi Malingrëy</a> porte un regard graphique et personnel sur l’article de Yves Petit. La COP21 s’était achevée le 12 décembre 2015 dans la liesse avec l’adoption de l’accord de Paris sur le climat. La COP22, qui s’est déroulée du 7 au 18 novembre 2016 à Marrakech – et dont l’objectif principal était de préciser sur plusieurs points l’accord de Paris –, s’est au contraire achevée dans une ambiance plutôt morose, ne parvenant à adopter qu’une feuille de route climatique plutôt floue.</em></p>
<hr>
<p>Sans exagération, il est juste d’affirmer que l’accord de Paris – qualifié de manière quasi unanime d’« historique » – a été conclu dans la liesse et beaucoup d’émotion. Pour le président François Hollande, il constitue « le premier accord universel de l’histoire des changements climatiques » ; pour Laurent Fabius, qui a assuré la présidence de la COP21, il s’agit d’« un accord différencié, juste, durable, équilibré et juridiquement contraignant, qui reconnaît les principes de justice climatique, de responsabilités et capacités différenciées ». </p>
<p>Après de multiples compromis permettant de rallier l’ensemble des Parties (les pays signataires), l’accord de Paris a sans doute perdu en consistance juridique, mais il est assurément le meilleur possible.</p>
<p>Depuis <a href="http://unfccc.int/resource/docs/2011/cop17/fre/09a01f.pdf">la création</a> du groupe de travail spécial de la plate-forme de Durban pour une action renforcée, un processus a été lancé pour élaborer dans le cadre de <a href="http://unfccc.int/resource/docs/convkp/convfr.pdf">la CCNUCC de 1992</a> « un protocole, un autre instrument juridique ou un texte convenu d’un commun accord ayant valeur juridique, applicable à toutes les Parties ». Sur la base de cette formule souple et relativement imprécise, la COP21 a adopté l’accord de Paris le 12 décembre 2015. Ce <a href="http://unfccc.int/resource/docs/2015/cop21/fre/l09r01f.pdf">texte</a> de 18 pages figure en annexe à une « décision de la COP » de 22 pages qui n’est, contrairement à l’accord, pas soumise à la ratification des Parties. </p>
<p>La structure retenue oblige à jongler entre la décision et le texte de l’accord, car ils se complètent et comportent tous deux des dispositions sur les mêmes questions. À titre d’illustration, l’article 9 de l’accord est relatif aux ressources financières et les paragraphes 53 à 65 de la décision sont regroupés sous le titre « Financement ».</p>
<h2>En rien du « droit mou »</h2>
<p>Contrairement à ce que l’on a pu lire, l’accord de Paris n’est pas un accord historique fondé sur un <a href="http://www.lemonde.fr/cop21/article/2015/12/14/cop21-un-accord-historique-mais-fonde-sur-un-droit-mou_4831521_4527432.html">« droit mou »</a>, car ce texte et la décision de la COP, qui lui sert en quelque sorte de support, sont d’égale importance et contiennent tous deux à la fois des éléments contraignants et d’autres qui le sont moins. </p>
<p>Il n’est pas contestable que l’accord de Paris soit un traité multilatéral, tout comme <a href="http://unfccc.int/portal_francophone/essential_background/kyoto_protocol/items/3274.php">le protocole de Kyoto</a>, et qu’il deviendra juridiquement obligatoire pour les États qui auront décidé de le ratifier. Après son entrée en vigueur, comme n’importe quel traité, il devra être exécuté de bonne foi par les États-Parties, ainsi que le prévoit <a href="https://treaties.un.org/doc/Publication/UNTS/Volume%201155/volume-1155-I-18232-French.pdf">la Convention de Vienne</a> du 23 mai 1969 sur le droit des traités (article 26 <em>« Pacte sunt servanda »</em>). </p>
<p>Si certaines dispositions de la décision de la COP et de l’accord de Paris entrent dans la catégorie du « droit mou », emblématique du droit international de l’environnement, l’accord de Paris est contraignant à de nombreux égards, et ce en dépit de l’absence d’un mécanisme coercitif ou de sanction. En droit international, en effet, la contrainte ne va pas systématiquement de pair avec ce genre de dispositions, afin de s’assurer que les États respectent leur engagements. </p>
<h2>La nouveauté de la « dénonciation »</h2>
<p>Par rapport au protocole de Kyoto, l’accord de Paris innove : non seulement il comporte, comme c’est la règle, un article sur son entrée en vigueur, mais également un article sur sa dénonciation.</p>
<p>L’article 21 de l’accord de Paris retient les mêmes pourcentages que le protocole de Kyoto : à partir du 22 avril 2016, 55 Parties à la CCNUCC représentant « au total au moins un pourcentage estimé à 55 % du total des émissions mondiales de gaz à effet de serre » devront avoir déposé leurs instruments de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion, l’accord entrant en vigueur trente jours après ce dépôt. <a href="http://unfccc.int/files/ghg_data/application/pdf/table.pdf">Un tableau</a> précise le « poids climatique » de chaque Partie dans cette ratification : la Chine compte pour 20,09 %, les États-Unis pour 17,89 %, l’Union européenne pour 12,10 %, la Russie pour 7,53 %, l’Inde pour 4,10 %, et ainsi de suite. Par comparaison avec celui qui a servi à la ratification du protocole de Kyoto, les États-Unis comptaient alors pour 36,1 % des émissions.</p>
<p>Malgré leur poids qui est en diminution, tout a été fait pour s’assurer de leur ratification. <a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-cop21-contributions-nationales-50286">Les contributions nationales</a> (CPDN), qui forment dorénavant l’ossature du dispositif climatique, sont seulement consignées dans un registre public qui sera tenu par le Secrétariat de la CCNUCC (article 4-12), ce qui ne leur confère pas un caractère obligatoire, les États-Unis ne souhaitant pas lier leur CPDN à un engagement juridiquement contraignant. </p>
<p>Le financement plancher de <a href="https://theconversation.com/apres-la-cop21-la-solidarite-climatique-a-lheure-des-comptes-52452">100 milliards d’euros</a> se trouve ainsi dans la décision de la COP, et non dans l’accord, afin d’éviter une ratification devant le Congrès des États-Unis, où les climatosceptiques dominent. Le désormais <a href="http://www.lemonde.fr/cop21/article/2015/12/13/cop21-les-six-lettres-qui-ont-sauve-l-accord-sur-le-climat_4830715_4527432.html">célèbre épisode</a> relatif au remplacement du mot <em>« shall »</em> (doit), qui est synonyme de juridiquement contraignant, par <em>« should »</em> (devrait, qui n’est donc plus contraignant) à l’article 4-4 de l’accord s’explique également par l’enjeu lié à la ratification américaine. Cet article ne devait pas créer une nouvelle obligation juridique internationale pour les États-Unis ; il est destiné à permettre au président Obama d’opter pour la voie d’un <em>executive agreement</em> et d’éviter ainsi l’obstacle du Sénat. Il en effet fort probable que si les États-Unis ne ratifient pas l’accord de Paris, la Chine fasse de même !</p>
<p>Semblant en quelque sorte tirer les enseignements de l’échec du protocole de Kyoto et du « retrait » du <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2011/12/13/le-canada-quitte-le-protocole-de-kyoto_1617695_3244.html">Canada</a> et du <a href="http://www.lefigaro.fr/environnement/2010/12/02/01029-20101202ARTFIG00689-protocole-de-kyotole-japon-se-desengage.php">Japon</a>, l’article 28 de l’accord de Paris introduit une clause de dénonciation, celle-ci pouvant intervenir « à l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la date d’entrée en vigueur du présent accord », donc en principe à partir de 2023. Un État-Partie qui le désire pourra donc se délier de ses engagements et se retirer de l’accord de Paris, ce qui évitera les errements rencontrés par le protocole de Kyoto. L’accord de Paris pourrait ainsi perdre son caractère universel.</p>
<h2>Réviser pour mieux contraindre ?</h2>
<p>186 Parties à la CCNUCC ont déposé des contributions nationales qui, au total, représentent 98 % des émissions mondiales de GES, ce qui constitue indiscutablement un succès, mais dessine toutefois une trajectoire de réchauffement de 3 °C, voire davantage. Une première difficulté découle par conséquent du fait qu’elles sont largement insuffisantes pour respecter le seuil de 2° C – encore moins l’objectif de 1,5 °C – ce que reconnaît le paragraphe 17 de la décision de la COP, selon lequel « des efforts de réduction des émissions beaucoup plus importants que ceux associés aux CPDN seront nécessaires ». </p>
<p>Une seconde provient de leur « positionnement », car elles n’ont trouvé de vraie place ni dans la décision ni dans l’accord, en dépit des dispositions qui leur sont consacrées (décision, points 12-21 et accord, articles 3 et 4), mais simplement dans un registre extérieur. Malgré leur portée décisive, elles n’ont donc pas à première vue une valeur contraignante.</p>
<p>Afin de remédier à cette absence de portée contraignante des CPDN, une clause de rendez-vous ou de révision quinquennale a été prévue au paragraphe 9 de l’article 4 de l’accord. Le paragraphe 3 du même article précise fort à propos que « la CPDN suivante de chaque Partie représentera une progression par rapport à la CPDN antérieure et correspondra à son niveau d’ambition le plus élevé possible ». Les CPDN devront donc être revue systématiquement à la hausse, ce qui équivaut à leur redonner un potentiel contraignant, d’autant plus qu’un bilan collectif des progrès devra être réalisé en 2018, grâce à l’organisation d’un dialogue de facilitation entre les Parties. </p>
<p>Ce principe d’une revue tous les cinq ans des progrès accomplis en vue d’atteindre les objectifs à long terme retenus avait fait l’objet d’un accord entre la France et la Chine dans <a href="http://www.elysee.fr/declarations/article/declaration-presidentielle-commune-de-la-france-et-de-la-chine-sur-le-changement-climatique/">la déclaration présidentielle</a> commune sur le changement climatique signée le 2 novembre 2015. </p>
<p>Cette solution tout de même un peu baroque, laissant les CPDN en orbite si l’on peut dire, évite de mettre le président Barack Obama en difficulté devant le Congrès. Leur caractère non contraignant s’explique donc, mais il est compensé par le fait que le cadre de transparence de l’article 13, et la procédure de non-respect de l’article 15, destinés à garantir la crédibilité des efforts des Parties, sont en revanche contraignants. </p>
<p>Un sentiment mitigé demeure cependant, car la première révision n’a vocation à intervenir qu’en 2025, puisque l’accord est censé entrer en vigueur en 2020. De plus, selon Jean Tirole, le mécanisme quinquennal de révision des ambitions <a href="https://theconversation.com/accord-de-paris-encore-un-long-chemin-52338">« ignore ce que les économistes appellent l’effet de cliquet »</a>, ce qui n’assure pas forcément une révision à la hausse des ambitions, car on a tendance à demander « toujours plus au bon élève ». L’UE, rejointe notamment par les États-Unis et le Brésil, qui a joué un rôle de pionnier dans la mise sur pied de la coalition pour une ambition élevée, semble bien consciente de ce risque.</p>
<h2>Ni intrusion, ni judiciarisation</h2>
<p>Dans le but de garantir le respect d’engagements permettant la gestion d’intérêts communs à l’ensemble des Parties, les rédacteurs du protocole de Kyoto, ayant pour modèle <a href="http://www.un.org/fr/events/ozoneday/montreal.shtml">le protocole de Montréal</a> relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone, ont prévu un mécanisme d’observance. Ce genre de mécanisme, que l’on considère comme un substitut à l’application des principes de la responsabilité internationale que les États ne souhaitent pas mettre en œuvre dans le domaine de l’environnement, est appréhendé comme un remède au mal chronique dont souffre le droit international de l’environnement, à savoir son absence d’effectivité. La procédure hybride prévue, oscillant entre incitations et sanctions, n’a pas été mise en œuvre, ce qui n’est pas sans répercussions dans l’accord de Paris.</p>
<p>L’accord de Paris n’a, en effet, pas retenu un système d’observance, mais un système MRV <em>(Monitoring, reporting and verification</em> ou <em>measurable, reportable and verifiable)</em> applicable à l’ensemble des Parties. D’une part, le cadre de transparence comprend une obligation d’inventaire des émissions anthropiques par les sources et des absorptions anthropiques par les puits de GES, ainsi que « les informations nécessaires au suivi des progrès accomplis » (accord, art. 13-7). </p>
<p>D’autre part, un examen technique par les experts permettra de mettre « en évidence les domaines se prêtant à des améliorations chez la Partie concernée », ce qui aura pour effet de l’obliger à respecter l’accord de Paris et renforce la contrainte à son égard (accord, art. 13-12). Il contient également une procédure de non-respect à l’article 15, qui doit faciliter sa mise en œuvre et promouvoir son respect. Cet article prévoit la constitution d’un comité d’experts dont le travail sera axé uniquement sur la facilitation (et non plus sur la facilitation et l’exécution comme <a href="http://www.decitre.fr/livres/changements-climatiques-les-enjeux-du-controle-international-9782110067302.html">prévu</a> par le protocole de Kyoto). Il fonctionnera « d’une manière qui est transparente, non accusatoire et non punitive » et en tenant compte de la situation et des capacités respectives des États parties.</p>
<p>Comme le président de la COP21 l’a répété à de nombreuses reprises, l’enjeu de la transparence et de la procédure de l’article 15 est d’établir confiance et dialogue entre des Parties, qui ont des intérêts fort divergents. Sachant que la transparence permet de mettre en jeu la réputation d’un État, il n’est aucunement question dans le domaine de l’environnement d’opter pour des procédures et des mesures de vérification intrusives, comme en matière d’armement, ou bien de s’engager sur la voie d’une judiciarisation avec condamnation des États défaillants, même si aux Pays-Bas <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/06/24/l-etat-neerlandais-condamne-en-justice-a-reduire-ses-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre_4660674_3244.html">un tribunal a ordonné</a> à l’État de réduire ses émissions de GES. Le droit de l’environnement n’est pas encore prêt pour un tel <em>aggiornamento</em> ; les souverainetés étatiques restent sur leurs gardes !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/52597/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yves Petit ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Tirant les leçons des ratés du protocole de Kyoto, le texte adopté à la COP21 a banni le mot « sanctions » de son vocabulaire, optant pour une approche qui favorise la révision et la transparence.Yves Petit, Professeur de droit public, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/504142015-11-13T05:45:05Z2015-11-13T05:45:05ZLe climatoscepticisme, qu’est-ce que c’est ?<p>Ce courant de pensée désigne une forme de déni radical de l’existence d’un problème – en l’occurrence le dérèglement climatique – en même temps que la mise en cause personnelle de ceux (scientifiques, ONG, politiques, membres de l’administration ou élus) qui invitent la société à agir pour prémunir l’humanité des manifestations les plus graves de ce dérèglement. L’attaque sur la scientificité des travaux sur le climat ne constitue pas ici la motivation, mais seulement l’instrument. Le point commun à toutes les démarches climatosceptiques consiste à vouloir bloquer l’action collective face au risque climatique, action que certains considèrent comme une menace pour leurs intérêts, leurs modes de vie ou leur conception des libertés.</p>
<p>En France, il est d’abord apparu au début des années 1990 (voir <a href="https://www.librairie-obliques.fr/livre/960794-la-verite-sur-l-effet-de-serre-le-dossier-d-un--yves-lenoir-ed-la-decouverte">l’ouvrage</a> d’Yves Lenoir), dans la perspective du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro (1992) et notamment de l’adoption de la Convention-cadre sur le changement climatique (<a href="http://unfccc.int/portal_francophone/items/3072.php">CCNUCC</a>). En 2000, ce sont les conclusions du 3<sup>e</sup> rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) qui essuient les critiques. Puis, à partir du moment où, en 2006, la négociation internationale s’est portée sur l’après 2012, terme des engagements pris dans le cadre du <a href="http://unfccc.int/portal_francophone/essential_background/feeling_the_heat/items/3294.php">Protocole de Kyoto,</a> la France s’est trouvée affectée par un nouvel épisode d’expression médiatique climatosceptique qui a enflé jusqu’à la Conférence de Copenhague (2009). Une récente vague s’est formée ces derniers mois à l’approche de la COP21.</p>
<h2>Jouer sur plusieurs tableaux</h2>
<p>Du point de vue des thèmes mobilisés, le noyau du climatoscepticisme consiste en une contestation radicale de l’existence d’une menace planétaire grave due au dérèglement climatique d’origine anthropique. Les climatosceptiques y voient une thèse ou une <a href="http://www.plon.fr/ouvrage/l-imposture-climatique/9782259209854">idéologie « réchauffiste »</a> dangereuse et sans fondement. Selon les moments historiques et les intervenants, le point d’application du rejet varie : aux yeux de certains, le dérèglement climatique n’existe pas ; on observe seulement des variations naturelles analogues à celles que le climat a déjà montré dans le passé historique de l’humanité, comme durant <a href="http://www.larecherche.fr/savoirs/climatologie/fonte-glaces-au-moyen-age-01-06-2001-78674">l’optimum climatique médiéval</a> (du X<sup>e</sup> au XIX<sup>e</sup> siècle). </p>
<p>Pour d’autres, le changement climatique existe bel et bien, mais n’est pas attribuable à l’homme, <a href="http://www.albin-michel.fr/L-Innocence-du-carbone-EAN=9782226209160">bien incapable</a> d’avoir une telle influence sur des processus aussi puissants que ceux qui régissent le climat de la planète ; l’évolution de l’activité du soleil serait en cause. D’autres encore soulignent que le changement en question aura globalement <a href="http://www.ring.fr/livre/livre.php/livre/climat-investigation">des effets positifs</a>, notamment sur l’agriculture et l’exploitation forestière, sur les transports maritimes (<a href="http://www.franceculture.fr/emission-tout-un-monde-la-route-du-nord-est-ouverte-2015-01-06">la route du Nord</a>) ou sur le tourisme. Certains objectent que de vrais scientifiques s’interdiraient de dire quoi que ce soit sur l’état futur du climat dans plusieurs décennies, car l’approche par <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/03/27/la-religion-de-la-catastrophe-par-henri-atlan_1325086_3232.html">la modélisation</a> est intrinsèquement défaillante à fournir des prévisions à cette échéance. D’autres enfin, sans aborder le fond des diagnostics scientifiques, se moquent d’une nouvelle forme de <a href="http://www.seuil.com/livre-9782021011326.htm">millénarisme</a> ou croient repérer tous les ingrédients d’une idéologie totalitaire.</p>
<p>À s’en tenir aux thèses avancées, on pourrait croire avoir affaire à une discussion scientifique légitime sur des points de controverse que la démarche scientifique devrait savoir dénouer. Le scepticisme des climatosceptiques ne serait qu’un doute scientifique de bon aloi. En fait, il se positionne à l’interface des sciences et des enjeux d’action collective, mais en subvertissant les relations usuelles entre ces deux pôles. </p>
<p>Le climatoscepticisme lance des polémiques qui, non seulement ne se déroulent ni sur le seul terrain du développement scientifique ni exclusivement sur celui de l’agir collectif, mais agencent les arguments de façon à contourner les épreuves constitutives de chaque terrain : les énoncés ou diagnostics scientifiques ne sont pas soumis à un examen critique relevant de l’administration d’une preuve scientifique, mais sont récusés en prenant pour cibles les scientifiques, individuellement ou collectivement, comme dans le cas du GIEC accusé d’ourdir un complot mondial et d’agencer une manipulation opérée par une coalition de grands intérêts. Pareillement, la discussion sur l’agir collectif – que faire ? – est sabotée en mobilisant abusivement l’autorité de la science, allant d’une généralisation infondée de données partielles ou locales aux affirmations sans preuves et aux mensonges (voir le chapitre sur « Les controverses climatiques en France : la logique du trouble » dans l’ouvrage collectif <em><a href="http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/livre/?GCOI=27246100760680">Controverses climatiques, sciences et politique</a></em>).</p>
<h2>Semer la confusion dans les esprits</h2>
<p>À quoi reconnaître empiriquement le discours climatosceptique ? Bien qu’ils nous parlent de science, <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-actuel/L-avenir-du-climat-enquete-sur-les-climato-sceptiques">les climatosceptiques</a> ont en commun de ne pas participer aux recherches scientifiques concernant le climat : ils n’ont pas publié (ou presque) de travaux originaux ou critiques dans les revues scientifiques reconnues dans ce champ ; ils ne participent pas aux congrès et colloques qui réunissent les spécialistes du domaine. En revanche, ils écrivent des livres pour le grand public, tiennent des blogs où ils font feu de tout bois sans tri préalable, font des conférences devant des auditoires cultivés mais incompétents, vont de plateaux de télévision en émissions de radio, sans dédaigner les colonnes que leur offrent des journaux au nom de l’équilibre dans la représentation des « points de vue ». Le discours climatosceptique est en outre insensible à la dynamique de la discussion scientifique, autiste à la réfutation de ses énoncés et joue de la répétition des mêmes arguments victorieux, à ses yeux, des « dogmes réchauffistes ».</p>
<p>Dans son expression médiatique, le climatoscepticisme mobilise différents moyens rhétoriques. Il vise d’abord à diffuser <a href="http://www.editions-lepommier.fr/ouvrage.asp?IDLivre=509">le doute</a>, jeter le trouble. De ce point de vue, le caractère brouillon, polymorphe, tous azimuts d’une argumentation contradictoire n’est pas un défaut, car cela entretient la confusion et accrédite l’idée qu’on ne connaît quasiment rien au sujet. </p>
<p>La seconde ficelle consiste à détourner les idéaux démocratiques de l’ordre politique pour les appliquer à la présentation publique des connaissances scientifiques. Les climatosceptiques demandent la mise en débat public des sciences du climat, un débat dans lequel, naturellement, une égalité de traitement doit être assurée à toutes les « hypothèses » en présence. Or dans les conditions d’un débat médiatique, il est impossible aux spécialistes de démonter, avec des moyens suffisants pour être immédiatement compréhensibles par le public, les assertions erronées professées par les climatosceptiques. Reste dès lors pour le public l’impression que les scientifiques ne sont pas d’accord entre eux, que tout cela est confus et ne justifie pas qu’on se précipite dans l’action. Cette conclusion est précisément celle que veulent obtenir les climatosceptiques. </p>
<p>Troisième technique, la victimisation. Le « calvaire » des climatosceptiques doit être révélé au public : on leur refuse l’accès aux données, on n’admet pas leurs articles dans les revues scientifiques, présentées comme aux mains des « réchauffistes », on leur fait perdre leurs moyens budgétaires et leur emploi, on voudrait leur interdire de révéler que « le roi est nu »… Tout cela fonctionne médiatiquement, car les climatosceptiques offrent aux médias une actualité animée et qu’ils leur donnent le beau rôle : la dénonciation et la controverse font de l’audience et, de plus, placent les journalistes en arbitres des débats, position flatteuse et recherchée, confirmant symboliquement le statut de pouvoir suprême que le milieu politique a déjà concédé aux médias. </p>
<p>Il existe enfin une demande sociale importante pour un message expliquant qu’il n’y a pas lieu de changer de modes de vie ni de projet de société pour affronter le XXI<sup>e</sup> siècle. Sous prétexte de rompre avec la pensée unique dominante, le climatoscepticisme flatte le conservatisme le plus borné.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/50414/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Godard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Avec la récente victoire de Donald Trump à la présidence des États-Unis, le climatoscepticisme refait parler de lui. Quels sont les arguments de ceux qui dénoncent le « complot réchauffiste » ?Olivier Godard, Directeur de recherche honoraire au CNRS, chercheur associé au département d’économie, École polytechniqueLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/505382015-11-12T05:44:56Z2015-11-12T05:44:56ZClimat et OGM : hostilité de principe contre questionnement critique (3)<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/101629/original/image-20151111-9400-8xu1uj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manifestation pour le climat, 2011.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/esdanitoff/6448493645/in/photostream/">Michel van Reysen/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Dans un précédent article, nous mettions en relief les failles du raisonnement des climatosceptiques, d’une part, des adversaires des OGM d’autre part, et nous osions nous poser la question de les qualifier de la même manière d’opposants à la science. Si l’on regarde les choses en détail, cette impression va (heureusement) s’estomper. Le consensus d’experts sur le réchauffement climatique est, dit-on, robuste ; cela signifie qu’il y a plusieurs manières de le tester, à commencer par le simple <a href="http://www.sciencemag.org/content/306/5702/1686.full">examen</a> d’un millier de résumés d’articles comme l’historienne des sciences Naomi Oreskes l’a fait dans la revue <em>Science</em> dès 2004. L’une d’elles est très instructive.</p>
<p>Dans une <a href="http://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/es501998e">étude récente</a>, Verheggen et ses collègues ont étudié la distribution des opinions sur le réchauffement climatique, en fonction, en gros, de la force de l’expertise des experts. Cette intensité se mesure par le nombre d’articles que l’on a soi-même publiés sur le changement climatique ; il s’agit donc de se demander dans quelle mesure, plus on publie sur ce thème, plus on soutient une certaine opinion. La conclusion ? La confiance dans l’idée que le climat se réchauffe en conséquence de l’activité humaine augmente proportionnellement au nombre d’articles publiés sur la question. En gros, plus on sait (le nombre de publications est un indicateur raisonnable de cela), plus on confirme la thèse du changement climatique (voir la figure ci-dessous).</p>
<p>Ce travail met en relief un second aspect très important de l’éthos de la recherche : l’expert n’est expert que sur une toute petite zone de la réalité ; pour le reste, il est comme à peu près tout le monde. Aussi dès lors qu’il y a consensus d’experts, on peut toujours tenter une mesure plus fine de ce consensus en regardant le détail de sa distribution.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/101602/original/image-20151111-9379-10h5gha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/101602/original/image-20151111-9379-10h5gha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/101602/original/image-20151111-9379-10h5gha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/101602/original/image-20151111-9379-10h5gha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/101602/original/image-20151111-9379-10h5gha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/101602/original/image-20151111-9379-10h5gha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/101602/original/image-20151111-9379-10h5gha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Ceux, parmi les chercheurs, qui mettent le plus en garde contre les changements climatiques sont aussi ceux qui ont publié le plus sur le sujet.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/es501998e">Verheggen, B. et al.</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Ainsi le climatosceptique peut bien jouer certains experts contre le consensus du GIEC ; l’ennui, c’est que ce ne sont pas les meilleurs dans le domaine du climat. On retrouve là un aspect essentiel de l’antiscience, patent pour tout ce qui touche à l’évolution (ou aux théories du complot) : jouer « ses » experts contre les experts. C’est ainsi que la plupart des scientifiques soutenant le créationnisme ou l’<em>intelligent design</em> sont souvent des chimistes, rarement des biologistes, et jamais des biologistes de l’évolution (ce sont des généticiens ou des biologistes moléculaires, qui n’ont pas de raison d’être aussi des spécialistes de la sélection naturelle ou de la systématique).</p>
<p>La manoeuvre est souvent payante, car l’opinion, en général, se soucie peu de ces nuances : Claude Allègre, géologue, sera spontanément mis sur le même pied qu’un paléoclimatologue du GIEC, alors que seul le second est un expert du climat… De fait, géologues et météorologues fournissent le plus gros contingent de climatosceptiques parmi les scientifiques, alors que ces disciplines ne concernent pas directement le climat, son estimation, ses projections, ses causes (la météorologie se joue sur une échelle de temps beaucoup plus courte, et l’échelle est toujours un paramètre scientifique fondamental : comment pourrait-on extrapoler de la vie d’une fourmi à l’histoire de la vie sur Terre ?).</p>
<h2>Risques pour la biodiversité</h2>
<p>Qu’en est-il alors du militant anti-OGM ? Doit-il lui aussi jouer la carte de pseudo-experts pour contester un vrai consensus scientifique ? Il nous faut ici préciser la question, car les risques potentiels des OGM sont multiples et ne relèvent pas tous du même champ d’expertise. Il y a certes les risques à long terme sur la santé humaine, via l’ingestion d’aliments OGM, ou bien via l’usage d’OGM pour nourrir les animaux d’élevage. Mais il existe aussi des risques essentiels pour les écosystèmes.</p>
<p>Les plants génétiquement modifiés, de fait, peuvent constituer une menace pour la biodiversité : l’existence généralisée de flux de gènes entre les diverses cultures, les qualités de résistance des OGM, et une caractéristique économique des semences GM (elles sont brevetées, ce qui veut dire que leur présence, même involontaire, sur une culture quelconque implique de payer la semence et de l’utiliser massivement), impliquent, pris tous ensemble, la possibilité de voir la biodiversité se réduire. Un appauvrissement que l’agriculture traditionnelle savait éviter par diverses pratiques de croisement, alternance, jachère, etc.</p>
<p>Ce risque a été bien montré par les évolutionnistes et les écologues, et présenté en France avec force aux pouvoirs publics et à l’opinion publique par des biologistes comme <a href="http://www.les-ernest.fr/la-biodiversite/">Pierre Henri Gouyon</a>, du Museum d’Histoire Naturelle. La compétence pour modéliser et analyser un tel risque ne relève en effet pas de la médecine, de la génétique ou bien de la biologie moléculaire, qui sont les disciplines concernées par l’évaluation du risque alimentaire. Comme l’historien des sciences Christophe Bonneuil l’a <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/hal-00140594/document">montré</a>, il existe en France entre deux pans disciplinaires de la biologie une fracture quant à leur appréhension et leur opinion sur les OGM : là où l’écologie et la biologie de l’évolution freinent des quatre fers, à propos de ces considérations relatives à la biodiversité, les biologistes moléculaires ont tendance à encourager les OGM.</p>
<p>Cette fracture est d’ailleurs visible à l’échelle internationale : les 255 pages d’un des rapports majeurs sur l’évaluation des risques des OGM, parrainé par l’Institute of Medicine et le National Research Council of the National Academies des États-Unis en 2004 et intitulé <a href="http://nas-sites.org/teachers/files/2012/05/ge_foods_final.pdf">Safety of Genetically Engineered Foods : Approaches to Assessing Unintended Health Effects</a> ne contiennent aucune mention des mots « écologie », « biodiversité » – contre une cinquantaine d’occurrence du terme « moléculaire » !</p>
<p>Qu’est-ce à dire ? En fait, l’opposant aux OGM, dès qu’il insiste sur le problème écologique posé par ces organismes, ne s’inscrit pas dans une logique de déni de l’expertise scientifique en tant que telle : au contraire, il peut s’appuyer, précisément, sur une autre expertise scientifique que celle qui est présentée comme dominante sur ce sujet précis par la plupart des instances publiques (en particulier aux USA).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/101605/original/image-20151111-9393-1u4cf9f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/101605/original/image-20151111-9393-1u4cf9f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/101605/original/image-20151111-9393-1u4cf9f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/101605/original/image-20151111-9393-1u4cf9f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/101605/original/image-20151111-9393-1u4cf9f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/101605/original/image-20151111-9393-1u4cf9f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/101605/original/image-20151111-9393-1u4cf9f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cultures de soja génétiquement modifié aux États-Unis.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Soybean#/media/File:Multicolor_soybeans_in_Hale_Township.jpg">Nyttend/Wikimedia</a></span>
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<p>Par ailleurs, le problème écologique peut évidemment devenir un problème de santé publique, puisqu’une perte massive de biodiversité expose à des risques accrus de famine. Il est en effet plus probable de perdre toutes ses sources de nourriture si on cultive très peu de variétés que si on dispose de beaucoup d’entre elles. Ce simple fait autorise à juger très contestable l’absence totale de considérations écologiques dans le rapport que je viens de citer sur les risques pour la santé.</p>
<p>Par voie de conséquence, on mesure combien les défenseurs des OGM ont intérêt à porter le débat sur le thème des risques médicaux : ils pourront ainsi plus facilement faire passer leurs adversaires pour des adversaires de la raison scientifique, et les mettre dans le même sac que des conspirationnistes, des créationnistes ou des… climatosceptiques. Celui qui souhaite questionner l’usage des OGM doit donc plutôt mener la controverse sur le terrain écologique… Quitte à ensuite se lancer dans une analyse sociologique, en questionnant les corrélations possibles entre provenance des fonds de recherche et avis sur les OGM…</p>
<p>Pour conclure, la défiance envers les experts, si elle peut difficilement être justifiée, n’est en tout cas pas tout d’un bloc. Il y a une différence de nature entre, premièrement, contester par principe l’expert, parce qu’il représente des intérêts capitalistes (comme disent certains opposants à la vaccination), ou bien est le serviteur d’une frange d’intellectuels gauchistes coalisés (comme disent les républicains), ou encore représente la croyance aveugle en une rationalité occidentale au fondement suspect (comme diraient des partisans de la médecine dite védantique) ; et, deuxièmement, contester ce que dit un expert du champ A au sujet du champ X, inclus dans le champ A, en s’appuyant soi-même sur des experts du champ B, incluant lui aussi le champ X… </p>
<p>Il y a, entre ces attitudes – celle du climatosceptique et celle de l’écologiste opposant aux OGM – toute la distance entre une hostilité de principe envers la science et un questionnement critique sur les usages de la science et de la technologie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/50538/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Huneman ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans le troisième volet de sa contribution sur climatoscepticisme et opposition aux OGM, Philippe Huneman montre comment la défiance envers les experts n’est pas une posture tout d’un bloc.Philippe Huneman, Directeur de recherche l'Institut d'histoire et de philosophie des sciences et des techniques, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.