tag:theconversation.com,2011:/us/topics/competitivite-21451/articlescompétitivité – The Conversation2024-03-14T18:59:25Ztag:theconversation.com,2011:article/2237752024-03-14T18:59:25Z2024-03-14T18:59:25ZL’e-sport, facteur d’inclusion et d’ascension sociale ?<p>Le jeu vidéo est la plus jeune industrie culturelle, mais aussi la plus importante, avec un marché <a href="https://www.leparisien.fr/economie/le-jeu-video-un-marche-plus-important-que-ceux-du-cinema-et-la-musique-reunis-22-10-2023-O544EA2EZ5AVTCHNL5IJOKY4FM.php">supérieur à ceux de la musique et du cinéma réunis</a>. La professionnalisation de ce divertissement a donné lieu à une nouvelle activité économique : l’e-sport.</p>
<p>Les compétitions internationales de jeux vidéo attirent une audience considérable, que ce soit via le streaming online ou lors d’événements physiques. En France, <a href="https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2023-05-19/plus-de-10-millions-de-personnes-pratiquent-ou-regardent-l-e-sport-mais-est-ce-vraiment-un-sport-a12f0d93-5b15-45ff-892e-366b10faa39d">10,8 millions de personnes pratiquent ou regardent l’e-sport</a>, en faisant un <a href="https://theconversation.com/le-jeu-video-counter-strike-un-eldorado-pour-investisseur-193885">secteur prometteur pour les investisseurs</a> et les annonceurs. <a href="https://www.sports.gouv.fr/faire-de-la-france-une-grande-nation-de-l-esport-et-donner-une-nouvelle-impulsion-la-strategie-1639">La France souhaite renforcer sa présence</a> en soutenant l’écosystème national et en créant de nouvelles grandes compétitions.</p>
<p>Cependant, la <a href="https://theconversation.com/le-sport-discipline-populaire-mais-en-crise-214331">pratique de l’e-sport</a> garde une image élitiste et excluante. Le coût et la qualité du matériel nécessaire en font une discipline réservée aux classes sociales les plus élevées – un PC de gamer coûte plusieurs milliers d’euros, sans parler du clavier, du micro, de la caméra… Mais depuis 2020, l’e-sport sur mobile, bien plus accessible, <a href="https://www.weforum.org/agenda/2020/11/gaming-games-consels-xbox-play-station-fun/">a atteint plus de 51 % du marché mondial</a>, dépassant à lui seul tous les autres supports réunis : PC, console, arcade, cloud et réalité virtuelle. Bien qu’<a href="https://afjv.com/news/11292_etude-mediametrie-2023-francais-jeux-video.htm">elles représentent 53 % des pratiquants réguliers de jeux vidéo en France</a>, seulement 10 % des joueurs professionnels sont des femmes, dans un <a href="https://www.lefigaro.fr/sports/autres-sports/e-sport-malgre-le-sexisme-les-femmes-plus-que-jamais-pretes-a-s-imposer-20230704">environnement qui peut parfois s’avérer sexiste</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">CS :GO, LoL, Fortnite : pourquoi il y a si peu de femmes dans l’e-sport ?</span></figcaption>
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<p>Pourtant, dans certains pays en développement, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0148296323007415">l’e-sport est un moyen de favoriser la diversité</a>, de valoriser les communautés, et de permettre l’ascension sociale. Bien que les ressources et les infrastructures y soient moins importantes, <a href="https://www.esportsearnings.com/countries">neuf des vingt pays qui dominent l’e-sport en termes de revenus sont des pays émergents</a> : la Chine, la Russie, le Brésil, l’Ukraine, la Thaïlande, la Pologne, Taïwan, les Philippines, et la Malaisie. Près de la moitié des revenus mondiaux de l’e-sport proviennent de ces pays émergents. Cet article se focalise sur les pratiques au Brésil et en Inde.</p>
<h2>L’e-sport mobile dans les favelas du Brésil</h2>
<p>Au Brésil, l’accès à Internet est à la fois coûteux et très rudimentaire en périphérie des grandes villes et le matériel informatique coûte plus cher que dans les pays occidentaux avec un salaire minimum proche de 200 euros. Grâce au jeu mobile, le Brésil est le deuxième pays au monde juste après les États-Unis qui a le <a href="https://worldpopulationreview.com/country-rankings/twitch-users-by-country">plus de spectateurs uniques mensuels sur Twitch avec 16,9 millions</a>. Les adolescents des favelas et des quartiers populaires voient dans l’e-sport un moyen de sortir de la pauvreté. Ils forment des communautés de joueurs où ils s’entraident pour progresser et s’efforcent de créer un écosystème favorable dans lequel ils pourront générer des revenus.</p>
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<p>Le <a href="https://ff.garena.com/en/">jeu <em>Free Fire</em></a> qui rassemble 71 % des joueurs brésiliens est le <a href="https://sambadigital.com/free-fire-brazils-hottest-video-game/">plus populaire car son fonctionnement ne nécessite qu’un smartphone ordinaire</a> et une connexion Internet stable. Ce jeu de <em>battle royale</em> qui mêle survie et tir selon la mécanique du <em>last man standing</em> (dernier survivant) et qui <a href="https://theconversation.com/fortnite-un-phenomene-economique-social-sportif-et-culturel-124543">ressemble beaucoup à <em>Fortnite</em></a> s’appuie sur une base de <a href="https://afkgaming.com/mobileesports/guide/how-many-fans-does-free-fire-have-in-the-world">plus de 196 millions de joueurs actifs mensuels</a> et 13 millions quotidiens pour concurrencer des jeux puissants sur mobile comme <em>Call of Duty</em> et <em>PUBG</em> (anciennement <em>PlayerUnknown’s Battlegrounds</em>).</p>
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<figcaption><span class="caption">Trailer des championnats du monde de <em>Free Fire</em> 2023.</span></figcaption>
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<p><a href="https://liquipedia.net/freefire/Liga_Brasileira_de_Free_Fire">La ligue professionnelle brésilienne de <em>Free Fire</em></a> est très active et produit de nombreux champions, dont le <a href="https://liquipedia.net/freefire/Nobru">streamer Nobru</a>, vainqueur du championnat du monde en 2019, qui compte <a href="https://www.instagram.com/nobru/">15 millions de followers sur Instagram</a> et <a href="https://www.youtube.com/@NobruTV">autant sur YouTube</a>. Cerol, autre célèbre joueur de <em>Free Fire</em>, a été élu meilleur streamer du pays en 2019. Mais les nouveaux rois de <em>Free Fire</em> sont les membres de <a href="https://loud.gg/">l’équipe brésilienne Loud</a>, qui en plus d’être leader sur Twitch, est le premier collectif e-sport au monde à atteindre le milliard de vues sur YouTube. Cette entreprise qui a connu une croissance fulgurante a été créée par le champion <a href="https://www.linkedin.com/in/brunobcoliveira/">Bruno « PlayHard » Bittencourt</a>, <a href="https://www.linkedin.com/in/jean-ortega-296303118/">Jean Ortega</a>, et <a href="https://www.linkedin.com/in/matthew-h-130990185/">Matthew Ho</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1735314056746013103"}"></div></p>
<p>PlayHard a recruté les meilleurs jeunes joueurs de <em>Free Fire</em> et convaincu les parents et les marques du potentiel de l’e-sport pour développer Loud. PlayHard souhaite favoriser une meilleure visibilité de la population noire sous-représentée parmi les streamers et créateurs de contenus. Il a particulièrement <a href="https://ge.globo.com/esports/valorant/noticia/2023/01/04/c-valorant-loud-entrara-no-cenario-feminino-com-quarteto-ex-b4.ghtml">encouragé les jeunes femmes à devenir pro-gameuses</a>, ayant perçu le fort potentiel commercial de l’e-sport féminin. En 2023, Loud a annoncé la <a href="https://www.meioemensagem.com.br/marketing/organizacoes-esports-inclusao">formation d’une équipe inclusive</a> composée de femmes cisgenres et transgenres, et de personnes non binaires. Loud est aussi à l’initiative de nombreuses actions humanitaires dans les favelas pour fournir du matériel informatique aux enfants et aux jeunes et leur proposer des formations aux nouvelles technologies numériques.</p>
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<figcaption><span class="caption">Au Brésil, l’e-sport détrône le football dans les favelas.</span></figcaption>
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<p>Avec la même vision, <a href="https://www.dazeddigital.com/life-culture/article/60998/1/afrogames-the-worlds-first-favela-e-sports-organisation-brazil">AfroGames est le premier centre d’entraînement pour athlètes e-sport au monde à être basé dans une favela</a>. Dans la zone nord de Rio de Janeiro, des centaines de jeunes vont se former pour devenir streamers et pro-gamers. Exclus de la société et immergés dans un environnement où la criminalité est la norme, ils voient dans l’e-sport un <a href="https://www.dazeddigital.com/life-culture/article/60998/1/afrogames-the-worlds-first-favela-e-sports-organisation-brazil">moyen de gagner leur vie honnêtement et de retrouver espoir dans l’avenir</a>. <a href="https://forbes.com.br/forbes-tech/2023/05/com-foco-em-integrar-jovens-da-periferia-aos-games-afrogames-expande-alem-do-rio/">AfroGames est soutenue par plusieurs marques</a> comme la compagnie aérienne GOL, la boutique de jeux en ligne Nuuvem et le fabriquant de mémoire informatique Kingston. Plusieurs autres associations et académies d’e-sport se sont développées pour détecter et accompagner les meilleurs talents de l’e-sport brésiliens comme <a href="https://loja.fluxo.gg/">Fluxo</a>, <a href="https://neverest.gg/">Neverest</a>, et <a href="https://intz.com.br/">INTZ</a>.</p>
<h2>Le défi de l’inclusion par le jeu vidéo en Inde</h2>
<p>L’Inde est aujourd’hui le <a href="https://economictimes.indiatimes.com/news/economy/indicators/india-becomes-the-most-populated-a-dividend-or-a-damper/articleshow/99619028.cms">pays le plus peuplé du monde</a>, ayant dépassé la Chine en 2022, avec 1,4 milliard d’habitants, dont plus de 370 millions de jeunes entre 10 et 25 ans. L’Inde souffre d’un niveau élevé de pauvreté et d’analphabétisme. <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/08/31/c-est-une-perte-de-temps-desillusionnes-et-frustres-nombre-d-indiens-quittent-le-marche-du-travail_6139659_3234.html">Le taux de chômage des jeunes dépasse 40 %</a>. Même les titulaires d’un master ont du mal à trouver un emploi et, lorsqu’ils y parviennent, le salaire est très bas, ce qui les empêche de subvenir à leurs besoins. Les taux d’équipement en ordinateurs et consoles sont très faible, mais il y a <a href="https://tech.hindustantimes.com/tech/news/india-to-have-over-800-million-smartphone-users-by-2022-cisco-study-story-nnYnDOiY6nulyiKRaZRsDP.html">800 millions d’utilisateurs de smartphones</a>, ce qui explique que l’e-sport soit essentiellement mobile.</p>
<p>Comme au Brésil, les <a href="https://esportsinsider.com/2023/06/esports-around-the-world-india">jeux de battle royale tels que <em>Free Fire</em>, <em>Fortnite</em> et <em>PUBG Mobile</em>, sont les plus populaires</a>, ainsi que <em>Call of Duty</em>, <em>Valorant</em>, <em>DOTA 2</em> et <em>League of Legends</em>. La pandémie de Covid-19 a stimulé l’usage des smartphones et le recours aux jeux vidéo comme passe-temps. De nombreux jeunes ayant perdu leur job étudiant ont transformé cette épreuve en opportunité en devenant entrepreneurs ou champions d’e-sport. Ainsi, en Inde les <a href="https://www.statista.com/statistics/1263250/india-esports-revenue-by-category/">revenus de l’e-sport ont plus que doublé entre 2021 et 2023</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Free Fire India, la version spécialement conçue pour l’Inde.</span></figcaption>
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<p>L’un des avantages de l’Inde dans le domaine de l’e-sport est que le coût de l’accès à Internet est l’un des plus bas au monde. YouTube y est très puissant avec environ 450 millions d’utilisateurs actifs. En plus des <a href="https://fr.babbel.com/fr/magazine/guide-des-langues-parlees-en-inde">22 langues officielles, plus de 200 langues autochtones</a> et des milliers de dialectes y sont parlés. Les marques souhaitent accéder à des ambassadeurs capables de promouvoir leurs produits dans les principales langues et à travers différentes communautés. Cela rend les streamers et les champions d’e-sports particulièrement intéressants d’un point de vue marketing, car ils peuvent <a href="https://www.game-insiders.com/blog/diversite-et-inclusion-dans-le-marketing-de-jeux-video-quelles-strategies-pour-un-marche-plus-inclusif">générer un taux d’engagement très élevé de manière inclusive</a> en termes de genre, de caste, de religion, et d’origine sociale.</p>
<p>C’est ce que propose <a href="https://www.youtube.com/watch?v=7R4rzPBvlYU">Tushaar Garg, le fondateur et PDG de StreamO</a> et Irony Esports. Expert en marketing sportif, il a travaillé pour plusieurs institutions, dont l’<em>Indian Premier League Cricket</em>, la plus grande ligue sportive d’Inde. En août 2020, il crée StreamO, une entreprise visant à développer de <a href="https://timesofindia.indiatimes.com/blogs/voices/gender-inclusivity-in-the-gaming-sector-for-a-healthy-workplace-culture/">nouveaux espaces de rencontre inclusifs</a> centrés sur le jeu vidéo, à faciliter la formation de communautés de super fans de champions d’e-sport, à aider à monétiser le contenu des créateurs dédiés au jeu vidéo et à connecter les marques avec des publics jeunes ayant un haut niveau d’engagement.</p>
<p><a href="https://www.streamo.media/brands">Ces marques incluent</a> Amazon Prime, Netflix, Hyudai, Intel, Sony, Spotify et Puma. Plus de 5200 youtubeurs travaillent avec StreamO, ce qui représente plus de 100 millions d’abonnés. Grâce à StreamO, les streamers peuvent multiplier leur monétisation entre 10 et 20, selon la taille de leur communauté, ce qui leur permet de devenir eux-mêmes entrepreneurs, de développer leur structure, et d’avoir un impact positif sur la société et l’économie.</p>
<h2>Des modèles à suivre</h2>
<p>Bien que l’e-sport ne soit pas un exemple d’inclusivité en France et plus généralement dans les pays occidentaux, il est remarquable de constater que dans des pays comme le Brésil et l’Inde, des entrepreneurs audacieux utilisent le jeu vidéo comme un levier pour favoriser le développement social et la diversité. Malgré un manque de moyens et une maturité moins élevée, les efforts qui sont menés pour mettre en œuvre ces bonnes pratiques favorisent une société plus juste et plus inclusive dans ce secteur en plein essor.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223775/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Oihab Allal-Chérif ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La pratique de l’e-sport peut paraître élitiste et excluante. Pourtant, les initiatives inclusives en faveur de la diversité se multiplient, surtout dans les pays émergents.Oihab Allal-Chérif, Business Professor, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2222932024-01-31T15:56:55Z2024-01-31T15:56:55ZCe que la crise agricole révèle des contradictions entre objectifs socio-écologiques et compétitivité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/572129/original/file-20240130-23-8baqqc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=32%2C14%2C1964%2C1227&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manifestation des agriculteurs français en Occitanie, en janvier 2024.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Blocage_de_la_N124_par_les_paysans_occitans_%C3%A0_L%27Isle-Jourdain_%2802%29.jpg">Wikimedia commons/Raymond Trencavel</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En 1960, décennie où la modernisation et l’industrialisation agricole bat son plein, l’économiste canadien Robert Mundell proposait de représenter les nouvelles contraintes qui s’appliquent aux économies nationales dans un contexte mondialisé.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/572116/original/file-20240130-27-d8rplh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Triangle d’incompatibilité de Robert Mundell (1960)" src="https://images.theconversation.com/files/572116/original/file-20240130-27-d8rplh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572116/original/file-20240130-27-d8rplh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572116/original/file-20240130-27-d8rplh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572116/original/file-20240130-27-d8rplh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572116/original/file-20240130-27-d8rplh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572116/original/file-20240130-27-d8rplh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572116/original/file-20240130-27-d8rplh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Triangle d’incompatibilité de Robert Mundell (1960).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Triangle_d%27incompatibilit%C3%A9#/media/Fichier:Triangle_d'incompatibilit%C3%A9.svg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Selon le <a href="https://academic.oup.com/qje/article-abstract/74/2/227/1864456?redirectedFrom=fulltext">triangle d’incompatibilité</a> qu’il formule, une économie ne peut concilier :</p>
<ul>
<li><p>un régime de change fixe ;</p></li>
<li><p>l’indépendance de sa politique monétaire ;</p></li>
<li><p>une mobilité parfaite des capitaux.</p></li>
</ul>
<p>Ces dimensions sont compatibles deux à deux mais l’introduction du troisième élément vient nécessairement contrevenir aux deux autres ; toute tentative de maintenir les trois mène à des crises.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/572115/original/file-20240130-18-wwpd2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/572115/original/file-20240130-18-wwpd2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572115/original/file-20240130-18-wwpd2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572115/original/file-20240130-18-wwpd2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572115/original/file-20240130-18-wwpd2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572115/original/file-20240130-18-wwpd2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572115/original/file-20240130-18-wwpd2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572115/original/file-20240130-18-wwpd2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Triangle d’incompatibilité de Dani Rodrik (2002).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Triangle_d%27incompatibilit%C3%A9_de_Rodrik#/media/Fichier:Trilemme_Rodrik_1992.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>En 2002, l’économiste turc Dani Rodrik formulait un <a href="https://www.nber.org/system/files/working_papers/w9129/w9129.pdf">autre triangle d’incompatibilité</a>, soulignant cette fois les contraintes politiques découlant de la globalisation capitaliste et pesant sur l’action des États et/ou les institutions démocratiques.</p>
<p>Ces deux triangles, s’appliquant pour l’un à la dimension macrofinancière et pour l’autre à la dimension institutionnelle et politique des effets de la mondialisation, soulignent les contraintes structurelles nées de l’ouverture tous azimuts des économies nationales, la <a href="https://journals.openedition.org/lectures/17161?lang=en">perte de capacité d’action qu’il en coûte aux États</a> et le <a href="https://press.princeton.edu/books/paperback/9781935408543/undoing-the-demos">risque pour les démocraties</a> qui en découle.</p>
<h2>Dilemme socio-écologique</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/572120/original/file-20240130-25-d8rplh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/572120/original/file-20240130-25-d8rplh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572120/original/file-20240130-25-d8rplh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=315&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572120/original/file-20240130-25-d8rplh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=315&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572120/original/file-20240130-25-d8rplh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=315&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572120/original/file-20240130-25-d8rplh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=396&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572120/original/file-20240130-25-d8rplh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=396&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572120/original/file-20240130-25-d8rplh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=396&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Trilemme d’incompatibilité « de l’Anthropo-capitalocène ».</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La crise agricole qui se déroule actuellement en France comme dans le reste de l’Europe révèle un triangle d’incompatibilité plus fondamental encore : celui de l’Anthropo-capitalocène. Dans ce trilemme, on ne peut tenir ensemble (a) la bifurcation écologique et les transformations profondes qu’elle implique, (b) la satisfaction des besoins sociaux (c) le capitalisme mondialisé et l’impératif de compétitivité qu’il impose.</p>
<ul>
<li><p>Le <strong>modèle productiviste (I)</strong> allie la satisfaction (sur un mode consumériste) des besoins sociaux (a) et le capitalisme mondialisé (c), mais de manière extrêmement inégale et très manifestement non pérenne. Ce modèle s’est imposé à l’agriculture française entre 1940 et 1970 et a accompagné <a href="https://www.terrestres.org/2021/07/29/la-modernisation-agricole-comme-prise-de-terre-par-le-capitalisme-industriel/">l’essor de la grande distribution et de l’agrobusiness</a>. Ce mode de développement a amené le système alimentaire mondial à devenir <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/03066150.2017.1381602">l’un des principaux responsables de la dégradation du climat</a>, contribuant directement à la <a href="https://theconversation.com/la-sixieme-extinction-aura-t-elle-lieu-116864">sixième extinction massive</a> de la faune et de la flore.</p></li>
<li><p>Le <strong>capitalisme vert (II)</strong> de son côté peut partiellement et temporairement allier des formes plus ou moins profondes de décarbonation (b) et les structures d’accumulation du capitalisme (c) mais se heurte à des limites : le « découplage » entre niveau de croissance et émissions de gaz à effet de serre <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13563467.2019.1598964">n’est pas assuré</a>, et les tensions sociales liées à une décarbonation sans objectifs redistributifs risquent de générer de <a href="https://www.bruegel.org/sites/default/files/wp-content/uploads/2018/11/Bruegel_Blueprint_28_final1.pdf">nouvelles inégalités</a>.</p></li>
</ul>
<p>La <a href="https://www.worldbank.org/en/topic/climate-smart-agriculture">Banque mondiale</a> ou encore l’Union européenne (UE) via son <a href="https://environment.ec.europa.eu/strategy/biodiversity-strategy-2030_en">« Pacte vert »</a> proposent des mesures pour décarboner l’agriculture et protéger mieux la biodiversité. Néanmoins, ces programmes demeurent cadrés en termes de compétitivité et de transformation de la nature en « capital ». Dans le programme « <em>Farm to Fork</em> » de la Commission européenne, il est ainsi question de « créer de la valeur actionnariale » et d’acquérir un <a href="https://food.ec.europa.eu/system/files/2020-06/comm_oc_20200617_pres1.pdf">« avantage compétitif »</a>, des « gains de productivité » et des « coûts réduits pour les entreprises » : la difficulté à résoudre le dilemme socio-écologique à partir d’un raisonnement « toutes choses égales par ailleurs », encore aligné avec la rationalité néolibérale, explique au moins en partie <a href="https://www.iddri.org/sites/default/files/PDF/Publications/Catalogue%20Iddri/Autre%20Publication/eco%20pol-F2F-Aubert.pdf.pdf">l’échec de ce programme</a> lu pourtant par certains comme une volonté de changer profondément le modèle agricole.</p>
<p>Pour <a href="https://environment.ec.europa.eu/strategy/biodiversity-strategy-2030_en">protéger la biodiversité</a>, il est question d’« investissement dans le capital naturel » qui offre « des multiplicateurs économiques importants ». Ajoutons à cela le maintien des processus de signature d’accords de libre-échange (avec la <a href="https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/libre-echange-le-parlement-europeen-approuve-l-accord-avec-la-nouvelle-zelande/">Nouvelle-Zélande</a> encore récemment), et se dessine un tableau où l’agro-industrie (« verdie » seulement à la marge et selon des logiques de valorisation capitaliste) et la globalisation agricole ne sont nullement remises en question.</p>
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<p>Dans ces deux cas, le poids de la compétition mondiale et la pression à l’accumulation pèsent de tout leur poids, soit principalement sur la nature, les sols, le vivant, soit principalement sur les travailleuses et travailleurs agricoles – le plus souvent sur les deux conjointement – et mettent rapidement des limites aux gains sociaux ou écologiques envisageables : le modèle productiviste (I) a débouché sur un <a href="https://www.oxfamfrance.org/rapports/multinationales-et-inegalites-multiples/">monde plus fracturé que jamais</a> et où <a href="https://www.stockholmresilience.org/download/18.8615c78125078c8d3380002197/ES-2009-3180.pdf">six des neuf limites planétaires sont dépassées</a> ; le capitalisme vert (II) <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/sans-transition-jean-baptiste-fressoz/9782021538557">n’annonce pas pour autant la fin du capitalisme fossile</a> ni celui des inégalités.</p>
<h2>La bifurcation écologique sacrifiée</h2>
<p>Les annonces du gouvernement français formulées le 26 janvier dernier, à la suite des actions du mouvement des agriculteurs en colère, indiquent clairement que le pôle du trilemme sacrifié sera majoritairement celui de la bifurcation agroécologique : <a href="https://www.bfmtv.com/economie/gabriel-attal-annonce-l-annulation-de-la-hausse-de-la-taxe-sur-le-gazole-non-routier-gnr_AV-202401260760.html">annulation de la hausse de la taxe sur le gasoil non routier</a> (GNR) ; <a href="https://fr.news.yahoo.com/taxe-gazole-concurrence-lois-egalim-172307761.html">remise sur la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques</a> (TICPE) ; mais surtout <a href="https://vert.eco/articles/crise-des-agriculteurs-ce-que-le-gouvernement-a-deja-lache">« choc de simplification »</a> sur les normes environnementales.</p>
<p>Ces mesures ne font que renforcer le trilemme de l’Anthropo-capitalocène, en ajustant à la marge ses conditions et ses contraintes et en passant nécessairement par des compromis, soit sociaux soit écologiques, sans remettre en cause les coordonnées du système dans lesquelles les crises émergent. Elles illustrent aussi l’essoufflement d’un mode de gestion des contradictions du capitalisme par ajustements ponctuels et bricolages stabilisateurs.</p>
<p>Le trilemme de l’Anthropocène se noue sur un sol mouvant, à mesure que <a href="https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-cycle/">l’urgence s’accentue</a> et que les crises s’accélèrent. Il signifie aussi que séparer, même analytiquement, coût social et coût écologique fait de moins en moins sens : les rétributions « sociales » du modèle productiviste (I) ont en fin de compte non seulement des coûts écologiques mais aussi coûts sociaux systémiques incommensurables. Il n’y a qu’en jouant sur le haut du triangle (sur les coordonnées capitalistes de notre système agricole) qu’on peut résoudre le dilemme socio-écologique et <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/crise/blocus-des-agriculteurs/colere-des-agriculteurs-plus-de-50-organisations-ecologistes-appellent-a-rejoindre-les-mobilisations_6330921.html">unifier les intérêts de la terre et du travail</a>.</p>
<p>Le caractère intenable de ce trilemme appelle donc un changement plus structurel : celui des règles du jeu de l’économie mondiale et européenne, et la récupération par les États de capacités de planification stratégique pour organiser proactivement la bifurcation agroécologique selon des principes de justice sociale.</p>
<p>Déjà la pandémie avait produit un réveil, démontrant la <a href="https://adamtooze.com/shutdown/">vulnérabilité d’une économie</a> organisée autour de chaînes de production étendues mondialement. L’idée de <a href="https://www.cairn.info/un-systeme-alimentaire-a-transformer--9782849509937-page-31.htm?ora.z_ref=li-18099209-pub">souveraineté alimentaire</a> fait d’ailleurs son chemin et les mesures protectionnistes prises dans le cadre de l’Inflation Reduction Act (IRA) aux États-Unis et du « Pacte vert » européen montrent que les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), hier gravées dans du marbre, ne sont aujourd’hui plus qu’<a href="https://www.eliamep.gr/wp-content/uploads/2023/01/Policy-paper-123-Pagoulatos-and-Kritikos-draft-EN-final.pdf">écrites sur du sable mouvant</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560">Une vraie souveraineté alimentaire pour la France</a>
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<p>La crise agricole peut donc cristalliser une bascule, avec une résolution du dilemme socio-écologique par une sortie du trilemme de l’Anthropo-capitalocène : défaire les règles du capitalisme mondialisé, sa gestion néolibérale et son impératif de compétitivité, plutôt que de rogner sur nos sols, nos vies, nos santés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222293/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claire Lejeune ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La bifurcation écologique, la satisfaction des besoins sociaux et le libre-échange constituent un trilemme dont il n'est possible de sortir qu'en abandonnant les règles du capitalisme globalisé.Claire Lejeune, Doctorante en théorie politique sur la planification écologique et les politiques climatiques, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2183672023-11-28T17:11:35Z2023-11-28T17:11:35ZLes pays de l’Est européen enregistrent de fortes pertes de compétitivité<p>Pour les multinationales, les pays d’Europe de l’Est deviennent de moins en moins attractifs. En effet, on observe une forte perte de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/competitivite-21451">compétitivité</a> coût dans la plupart de ces pays depuis 2015 par rapport à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/zone-euro-54680">zone euro</a>. Cette tendance s’observe à la fois dans les pays membres de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/union-europeenne-ue-20281">l’Union européenne</a> (UE) qui ont adopté la monnaie commune et dans ceux qui ont conservé leur monnaie nationale.</p>
<p>Parmi les pays entrés dans l’euro, à part le cas de la <a href="https://theconversation.com/la-croatie-dans-la-zone-euro-laboutissement-de-30-ans-de-redressement-economique-202764">Croatie</a> qui n’a adopté que récemment la devise européenne, la croissance du coût salarial unitaire a été très supérieure à celle observée dans l’ensemble de la zone euro. L’augmentation du coût salarial par unité produite, du 1<sup>er</sup> trimestre 2015 au 2<sup>e</sup> trimestre 2023, a en effet été de 73 % en Lituanie, 59 % en Lettonie, 55 % en Estonie, 38 % en Slovaquie et 34 % en Slovénie.</p>
<p><iframe id="YPqL6" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/YPqL6/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Mais si les règles de fonctionnement de la monnaie unique, qui prive notamment les États de la possibilité de dévaluer leur monnaie pour regagner en compétitivité, ont empêché les pays de l’Est de la zone euro de compenser la hausse des salaires induite par une forte inflation, ceux qui ont gardé une monnaie nationale sont quand même confrontés aussi à une augmentation incontrôlée du coût du travail en euros.</p>
<h2>L’impact du taux de change</h2>
<p>En effet, le coût salarial par unité produite dans les pays hors zone monétaire, converti en euros, a augmenté de 67 % en Bulgarie, de 62 % en République tchèque, de 46 % en Roumanie, de 25 % en Pologne et de 19 % en Hongrie entre le 1<sup>er</sup> trimestre 2015 et le 2<sup>e</sup> trimestre 2023.</p>
<p><iframe id="eAko4" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/eAko4/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Sur cette période, la couronne tchèque s’est appréciée de presque 14 % contre l’euro. Le forint hongrois s’est déprécié de 19,7 %. Le zloty polonais s’est déprécié de 7 %. Le leu de la Roumanie s’est déprécié de 9 %. Quant à la Bulgarie, elle pratique un régime de <em>currency board</em>, ou directoire monétaire, avec un taux de change fixe contre l’euro. Le pays a gardé ce régime même après avoir rejoint le mécanisme européen de taux de change, qui aurait permis une certaine volatilité.</p>
<p>Certes, le taux de change par rapport à l’euro a pu aggraver ou réduire les différences de hausse des coûts salariaux en monnaie nationale, une fois convertis en euros. Toutefois, au bilan, on observe bien une perte de compétitivité de ces économies quand bien même leurs États disposaient du levier de la dévaluation.</p>
<h2>Une menace pour l’industrie allemande</h2>
<p>Comme les coûts salariaux unitaires de la plupart des pays de l’Est de l’UE ont augmenté avec une intensité supérieure à ceux de la zone euro, leur attractivité relative s’est quelque peu réduite pour les investissements étrangers. Aussi, les prix de vente en euros des biens et services produits par ces pays sont amenés à être moins inférieurs qu’avant aux prix de vente de ce qui est produit par la zone euro. Comme cette perte de compétitivité est susceptible de déprimer les exportations et de doper les importations des pays concernés, la balance commerciale de ces pays pourrait se dégrader.</p>
<p>Jusqu’à présent, c’est essentiellement en Roumanie que la balance commerciale des biens (hors énergie) s’est continument détériorée depuis 2015, avec une aggravation du déficit. Mais la situation pourrait vite concerner d’autres pays de la région.</p>
<p>Cette situation pose également problème aux partenaires commerciaux européens de cas pays, et surtout à l’Allemagne. En effet, l’industrie allemande a longtemps sous-traité massivement dans les pays de l’Est de l’UE, à bas salaires, ce qui lui permettait de réduire ses coûts. L’augmentation des coûts salariaux réduit cette aubaine dont l’Allemagne a beaucoup profité. Après la perte de l’approvisionnement en gaz russe à bas prix, une autre menace apparaît pour les fondements de la compétitivité de l’industrie de l’Allemagne. Bien sûr, les salaires des pays de l’Est de l’Union européenne sont encore inférieurs à ceux de l’Ouest, mais ils sont à corriger de la productivité, et les écarts se réduisent.</p>
<p><iframe id="6mE9N" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/6mE9N/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218367/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Dor ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis 2015, les coûts salariaux ont augmenté plus rapidement que dans l’ensemble de la zone euro – que les États aient adopté la monnaie unique ou pas.Eric Dor, Director of Economic Studies, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2175762023-11-19T16:33:00Z2023-11-19T16:33:00ZLa suppression de la CVAE, une mesure de relance de l’industrie française mal ciblée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559046/original/file-20231113-23-5mabib.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=32%2C39%2C1138%2C738&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La Contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ne concerne actuellement qu’environ 400&nbsp;000 entreprises sur les près de 5&nbsp;millions recensées.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/pe_wu/15394754783">Pe_Wu/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>La loi de finances pour 2023 a prévu la <a href="https://entreprendre.service-public.fr/actualites/A16251">suppression de la Contribution sur la valeur ajoutée des entreprises</a> (CVAE), dans l’objectif de soutien à l’activité économique et de reconquête industrielle. La contribution des entreprises a été diminuée de moitié en 2023 et devait être intégralement supprimée en 2024, date <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/la-cvae-ne-sera-finalement-supprimee-dans-son-integralite-quen-2027">finalement décalée à 2027</a>, mais ce report n’aura pas d’effet pour les collectivités locales.</p>
<p>La suppression de cette taxe s’inscrit dans le cadre de la politique <em>pro-business</em> du gouvernement consistant à <a href="https://www.cae-eco.fr/Les-impots-sur-ou-contre-la-production">renforcer la compétitivité des entreprises</a> à travers la diminution des impôts dits « de production ». À ce stade, elle se traduit surtout par la suppression d’une ressource fiscale régulièrement critiquée ces dernières années alors que, lors de son instauration en 2008, elle était considérée comme particulièrement bien conçue.</p>
<p>Les représentants d’entreprises se sont félicités de cette politique mise en œuvre sans aucune étude d’impact préalable, étape pourtant obligatoire d’après la constitution. Elle a d’ailleurs été décidée rapidement et sans réelle consultation des collectivités locales dont la CVAE constitue une ressource non négligeable. </p>
<p>On peut se demander quels sont les principaux bénéficiaires de cette politique ? Et quels sont les implications et enjeux pour les collectivités locales ?</p>
<h2>L’industrie et les ETI, grandes gagnantes ?</h2>
<p>À quelques <a href="https://shs.hal.science/halshs-03795061/document">exceptions</a> près, la littérature scientifique ne s’est que peu penchée sur la CVAE. Toutefois, un <a href="http://www.rexecode.fr/public/Analyses-et-previsions/Documents-de-travail/La-fiscalite-locale-de-production-un-facteur-d-ecart-de-competitivite-entre-la-France-et-les-autres-pays-europeens">rapport</a> récent (septembre 2023) de <a href="http://www.rexecode.fr/public">Rexecode</a>, institut privé d’analyse et de prévision de conjoncture économique, a tenté d’identifier les principaux bénéficiaires. Selon les calculs effectués, les grands gagnants seraient :</p>
<p>1/L’industrie manufacturière et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui représentent respectivement 22 et 39 % des recettes de CVAE ;</p>
<p>2/Les ETI qui bénéficieraient davantage de la réforme que les très petites entreprises (TPE) et les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/petites-et-moyennes-entreprises-pme-21112">petites et moyennes entreprises</a> (PME).</p>
<p>Il est trivial de conclure que les ETI sont plus avantagées que les PME et TPE car la CVAE reste très concentrée ; elle ne concerne en effet que 400 000 entreprises environ sur les près de 5 millions enregistrées. En effet, seules les entreprises dont le chiffre d’affaires (CA) annuel hors taxe est supérieur à 500 000 euros y sont soumises, ce qui exclut la très grande majorité des TPE et PME.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1722256848878027103"}"></div></p>
<p>De plus, le <a href="https://entreprendre.service-public.fr/vosdroits/F23546">taux de CVAE est progressif</a> en fonction du CA de l’entreprise, ce qui accroît mécaniquement la part des ETI dans les recettes de CVAE. Une comparaison avec les grandes entreprises offrirait une perspective différente. Ainsi, les premiers résultats de nos recherches, dans le cadre d’un projet pour le réseau Finances locales (réseau FiL), indiquent que les grandes entreprises, contribuant pour plus de 50 % des recettes de CVAE, sont les grandes gagnantes de cette réforme et non les autres catégories d’entreprises.</p>
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<p>Les conclusions sur l’industrie manufacturière interrogent également. En effet, en ne représentant que 22 % des recettes de CVAE, les autres secteurs bénéficient pour presque 80 % de la suppression, dont une partie relève d’un pur effet d’aubaine. Par ailleurs, nos premiers résultats suggèrent que le commerce et la finance sont les plus avantagés. Les effets à attendre sur la balance commerciale et l’emploi risquent alors d’être modestes, car les entreprises opérant dans ces secteurs n’exportent quasiment pas mais préfèrent créer des filiales à l’étranger.</p>
<p>Au-delà de ces résultats sur le tissu productif, la suppression de la CVAE interroge la situation et les capacités financières des collectivités dans le futur.</p>
<h2>Des pertes pour les collectivités locales</h2>
<p>L’impact de la réforme sur les finances des collectivités locales pourrait être non négligeable : par rapport à 2022, la disparition partielle de cet impôt engendre un manque à gagner de <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/826539/supprimer-la-cvae-doit-il-concerner-les-collectivites-avant-2025/">4,99 milliards d’euros pour les intercommunalités et 3,7 pour les départements</a>.</p>
<p>La question de la compensation de ces pertes de ressources fiscales a fait l’objet de nombreux débats. L’accord de principe retenu est l’affectation d’une partie du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en 2023, avec une compensation « à l’euro près ». La question reste toutefois de savoir qui va compenser le manque à gagner pour l’État. En effet, cette suppression représente pour ce dernier une dépense nette de l’ordre de 4,5 milliards d’euros.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1573264977925922818"}"></div></p>
<p>Cette nouvelle exonération totale d’un impôt sur les entreprises va accroître le déséquilibre de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/fiscalite-23513">fiscalité</a> entre ménages et <a href="https://theconversation.com/fr/topics/entreprises-20563">entreprises</a>. Les ménages contribuent déjà majoritairement aux recettes fiscales et sont soumis à une <a href="http://www.ires.fr/index.php/etudes-recherches-ouvrages/etudes-des-organisations-syndicales/item/6572-un-capitalisme-sous-perfusion-mesure-theories-et-effets-macroeconomiques-des-aides-publiques-aux-entreprises-francaises">pression fiscale supérieure à celle des entreprises</a>. La compensation prévue pour la suppression de la CVAE accentue donc la tendance à la croissance de la contribution des ménages au budget des collectivités locales.</p>
<p>Cette suppression pourrait également entraîner des conséquences importantes sur les équilibres territoriaux. La compensation est en effet calculée sur la base de la situation actuelle. Or rien ne garantit que l’évolution du montant perçu soit cohérente avec celle du tissu local d’entreprises. De plus, le remplacement de la CVAE par la TVA érode davantage l’autonomie fiscale des collectivités. Ces dernières perdent ainsi les quelques marges de manœuvre dont elles disposaient pour accroître l’assiette fiscale en accueillant de nouveaux projets d’entreprises.</p>
<h2>Le débat sur l’autonomie fiscale ravivé</h2>
<p>Les associations représentatives des collectivités locales considèrent que la suppression de la CVAE était inopportune au regard même de l’action sur le développement économique et des politiques d’attractivité des entreprises. Cela pourrait en effet désinciter les intercommunalités à investir pour attirer des entreprises et créer un contexte local favorable à l’emploi et à la création de richesses.</p>
<p>Cette idée, héritée de l’économiste américano-canadien John Kenneth Galbraith dans <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Tel/Le-Nouvel-%C3%89tat-industriel"><em>Le Nouvel État Industriel</em></a> (1967), que les services publics bénéficient aux entreprises s’applique également à l’échelle locale. C’est pourquoi les collectivités locales s’attachent à créer un environnement <em>pro-business</em>. Or, à court ou moyen terme, les dépenses d’investissement des collectivités locales pourraient diminuer en raison de la baisse des ressources financières potentielles liée à la déconnexion entre les montants de TVA réaffectés et le développement économique local.</p>
<p>Par ailleurs, les collectivités locales doivent faire des économies pour atteindre l’équilibre budgétaire. Ce recul des dépenses d’équipement en faveur de la création d’un environnement favorable à l’activité des entreprises aurait des effets délétères sur ces dernières dont la croissance reste plus sensible à l’investissement public qu’à la pression fiscale, lorsque celle-ci est plafonnée.</p>
<p>Contrairement aux objectifs visés par la suppression de la CVAE, les plus grands bénéficiaires ne semblent donc pas être forcément ceux espérés. Par ailleurs, au-delà de l’identification des principaux gagnants, la réforme a ravivé le débat sur le principe d’autonomie fiscale, pendant de l’autonomie financière des collectivités selon de nombreux élus. Enfin, considérer qu’il y a des marges de manœuvre sur les dépenses est discutable car beaucoup de dépenses sont contraintes ou hors de la maîtrise des collectivités locales.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217576/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nadine Levratto a reçu des financements de Réseau Finances Locales dans le cadre de l'Appel à Manifestations d'Intérêt n°3.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Philippe Poinsot a reçu des financements de Réseau Finances Locales dans le cadre de l'Appel à Manifestations d'Intérêt n°3.</span></em></p>L’allègement fiscal prévu dans le projet de loi finances 2023 renforce la compétitivité des grandes entreprises mais ne concerne qu’une minorité du tissu économique. Décryptage.Nadine Levratto, Directrice de Recherche au CNRS, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresPhilippe Poinsot, Maître de conférences, Université Gustave EiffelLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2165522023-11-05T18:21:55Z2023-11-05T18:21:55ZLicornes européennes et Gafam : concurrents ou partenaires ?<p>Licornes, gazelles, <a href="https://theconversation.com/topics/start-up-23076">start-up</a> : voici comment sont parfois désignées les entreprises dont le taux de croissance est très rapide. Elles suscitent un intérêt certain des pouvoirs publics en raison de leur rôle dans la <a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-entrepreneuriat-2019-2-page-7.htm">création d’emplois</a> et la souveraineté économique. En témoigne l’<a href="https://twitter.com/EmmanuelMacron/status/1482963796629012482">engouement du président de la République</a> à chaque « naissance ». Ces entreprises valorisées chacune à plus d’un milliard de dollars sans être cotées en Bourse s’appellent par exemple Blablacar, Deliveroo, Backmarket, Doctolib, Qonto ou Lydia. Ces dernières recherchent la croissance avant la rentabilité, à <a href="https://theconversation.com/les-25-licornes-de-macron-une-dangereuse-fascination-179071">leurs dépens parfois</a>.</p>
<p>Depuis de nombreuses années, les licornes européennes tentent de rattraper leur retard par rapport aux <a href="https://theconversation.com/topics/gafam-45037">Gafam</a>. Les américains Google (Alphabet), Apple, Facebook (Meta), Amazon et Microsoft dominent le secteur technologique européen. Le cumul de leurs valorisations boursières <a href="https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/finance-et-societe/nouvelles-economies/gafa-gafam-ou-natu-les-nouveaux-maitres-du-monde/">dépasse le PIB du Japon, le troisième au monde en 2022</a>. Sans cesse ces cinq géants recherchent à étendre leurs services et à acquérir des start-up innovantes. Actuellement, sur la scène internationale, seule la Chine a véritablement réussi à développer des concurrents, que l’on regroupe sous l’étiquette BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi). Vouloir les concurrencer semble aujourd’hui particulièrement ambitieux pour les licornes européennes ; en revanche, la collaboration avec ces plates-formes reste incontournable.</p>
<p>Ce sont les liens entre ces deux entités qui ont fait l’objet de nos <a href="https://atlasafmi2023.sciencesconf.org/data/pages/Programme_Atlas_AFMI_Bordeaux_3_4_5_juillet_2023_Final_2.pdf">recherches</a> présentées lors de la 13<sup>e</sup> conférence annuelle d’ATLAS – AFMI, colloque international en stratégie. Concurrents ou partenaires ? La relation est parfois très paradoxale.</p>
<h2>Quatre stratégies pour les licornes</h2>
<p><a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/quelles-sont-les-prochaines-licornes-europeennes_AV-202206150305.html">125 nouvelles licornes européennes</a> ont émergé entre avril 2022 et fin mars 2022, contre 52 l’année précédente. Elles n’ont en revanche été que <a href="https://www.maddyness.com/2023/06/14/france-futures-licornes/">34 l’année suivante</a> portant le <a href="https://www.latribune.fr/technos-medias/innovation-et-start-up/la-france-a-le-plus-grand-reservoir-de-futures-licornes-europeennes-967101.html">total à 311</a>. Le <a href="https://hbr.org/2016/03/what-big-companies-can-learn-from-the-success-of-the-unicorns">succès des licornes</a> est lié à leur petite taille qui facilite les prises de décisions et leurs mises en œuvre rapides. En outre, leurs fondateurs et dirigeants sont généralement des entrepreneurs expérimentés. Elles proposent des plates-formes numériques bien diffusées par les réseaux sociaux qui permettent une communication bien plus rapide que pour les entreprises traditionnelles.</p>
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<p>De l’autre côté, les Gafam bénéficient de vastes effets de réseaux. Leurs dépenses en recherche et développement sont impressionnantes (près de <a href="https://fr.statista.com/infographie/16120/entreprises-qui-depensent-le-plus-en-r-d/">127 milliards de dollars en 2020</a>). Facebook et Google génèrent des revenus publicitaires à partir des données collectées par les cookies, même si ces entreprises sont régulièrement <a href="https://www.blogdumoderateur.com/google-facebook-lourdement-sanctionnes-cnil/">rappelées à l’ordre</a> sur le sujet. Leurs revenus proviennent aussi des start-up et concurrents qu’ils <a href="https://www.lesnumeriques.com/pro/microsoft-google-et-amazon-ont-realise-un-nombre-record-d-acquisitions-en-2021-n175483.html">acquièrent en grand nombre</a>. Rien qu’en 2021, Alphabet, la maison mère de Google, a acquis <a href="https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/les-gafam-n-ont-jamais-fait-autant-d-acquisitions-qu-en-2021-20220125">120 sociétés</a>, rejoignant ainsi l’univers dans lequel gravitaient YouTube, HTC Pixel Phone ou les montres connectées Fossil. Par le passé, Facebook, devenu Meta, a mis la main sur WhatsApp et Instagram, Apple sur Intel ou Shazam. Microsoft a acquis Skype et LinkedIn ; enfin Amazon a racheté Whole Foods et la Métro-Goldwyn-Mayer.</p>
<p>Face aux titans du numérique, <a href="https://www.cairn.info/revue-gerer-et-comprendre-2019-3-page-16.htm?ora.z_ref=li-69858169-pub">quatre approches stratégiques</a> ont été adoptées par les licornes : l’affrontement, l’évitement, la négociation et la vassalisation. La société suédoise Spotify illustre parfaitement la première en se lançant en rivalité directe avec Apple Music grâce à son service de streaming musical. En ce qui concerne l’évitement, c’est le fait de proposer un service qui n’est pas encore inclus à l’univers des Gafam comme le fait Doctolib avec ses services de réservations médicales et paramédicales en ligne. La négociation se rapporte à tout accord de collaboration, <a href="https://www.lesnumeriques.com/telephone-portable/back-market-vend-iphone-reconditionnes-par-apple-n65053.html">Back Market</a>, par exemple, qui commence à vendre des smartphones reconditionnés par Apple en 2017. Devenir un vassal, enfin, équivaut à se laisser acquérir par l’un des géants.</p>
<h2>Des opportunités à saisir</h2>
<p>Les résultats de l’étude menée auprès des licornes européennes révèlent que leurs collaborateurs ne sont pas fatalistes : non, le marché numérique européen n’est pas l’exclusivité de Gafam. Un <em>business developper</em> parisien nous explique ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Sur le marché français par exemple, il y a des opportunités pour les licornes au point que les parts de marché d’Amazon diminuent au profit des entreprises de l’hexagone. »</p>
</blockquote>
<p>À son image, la majorité des intervenants sollicités considère qu’il est plus judicieux d’appréhender les Gafam comme des pourvoyeurs d’opportunités de développement plutôt que comme des menaces. Ce co-fondateur d’une licorne française adopte le point de vue suivant :</p>
<blockquote>
<p>« Je pense qu’ il est préférable de les voir comme des partenaires plutôt que comme des concurrents »</p>
</blockquote>
<p>Les Gafam, ce seraient ainsi des exemples à suivre, traçant une voie vers des secteurs intéressants où il faut s’installer. Un autre <em>business developper</em>, localisé, lui, à Roubaix, nous confie :</p>
<blockquote>
<p>« Leur succès nous stimule et nous fait découvrir des opportunités et où il faut s’installer. Cela nous pousse à nous dépasser pour devenir une grande entreprise numérique européenne. »</p>
</blockquote>
<p>Enfin, le fait d’être acquis par une Gafam est parfois perçu comme un tremplin pour l’entreprise acquise, puisqu’elle va pouvoir jouir de financement et de la mise à disposition de moyens technologiques bien plus importants :</p>
<blockquote>
<p>« Pour moi c’est un accélérateur d’innovation »</p>
</blockquote>
<h2>Des menaces à éviter</h2>
<p>Tous les discours ne s’avèrent pas aussi positifs. Beaucoup, à l’instar de ce vice-président d’une licorne parisienne, redoutent une dépendance relative aux bases de données et aux technologies qu’elles développent :</p>
<blockquote>
<p>« Il est, pour cela, très compliqué de faire émerger une souveraineté européenne car toutes les bases des données et technologies leur appartiennent »</p>
</blockquote>
<p>Un responsable marketing ajoute :</p>
<blockquote>
<p>« Les Gafam neutralisent la concurrence car leur offre est déjà super complète et très qualitative. »</p>
</blockquote>
<p>Un business developper considère lui aussi les cinq géantes comme des tueurs de concurrence :</p>
<blockquote>
<p>« Elles sont devenues tellement grandes et puissantes qu’il est désormais très difficile de les concurrencer. Facebook, par exemple, a su forcer WhatsApp et Instagram à vendre par peur. »</p>
</blockquote>
<p>Les GAFAM sont ainsi perçues de manière ambivalente par les collaborateurs des licornes européennes. Beaucoup attendent de l’Europe qu’elle intervienne afin de mieux cadrer cette relation.</p>
<hr>
<p><em>Marine Sabathe a également contribué à la collecte des données d’entretiens.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216552/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Pour les salariés des licornes européennes, les Gafam semblent autant des prédateurs dont il faut se méfier que des alliés pouvant les propulser vers le haut.Kaouther Ben Jemaa Boubaya, Enseignant Chercheur en stratégie, EDC Paris Business SchoolRhita Sabri, Enseignante chercheuse à l'ENCG - Kénitra , Université Ibn Tofail.Vesselina Tossan, maître de conférences HDR en sciences de gestion , Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2129272023-09-06T17:29:21Z2023-09-06T17:29:21ZConcilier ambition climatique et concurrence mondiale : quel rôle pour le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ?<p>Que des entreprises fortement émettrices de gaz à effet de serre choisissent de <a href="https://theconversation.com/topics/delocalisation-34291">produire hors</a> de l’<a href="https://theconversation.com/topics/union-europeenne-ue-20281">Union européenne (UE)</a> pour contourner ses <a href="https://theconversation.com/topics/environnement-21017">normes environnementales</a>, tel est le phénomène que veut endiguer un <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:L:2023:130:FULL">règlement européen</a> paru en mai 2023. Face à ces « fuites de carbone » est établi un <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/mecanisme-dajustement-carbone-aux-frontieres-macf">Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières</a> (MACF) afin de renforcer les ambitions des 27 en matière de transition verte.</p>
<p>Il a vocation à compléter l’EU-ETS (pour <em>European Union Emission Trading System</em>) qui constitue la clé de voute de la politique climatique de l’UE. Est fixé un plafond annuel global d’émissions pour l’ensemble des entreprises, qui bénéficient, elles, de droits à polluer ou « quotas ». À chaque tonne de carbone émise, elles doivent rendre un quota. Ce mécanisme, en effet, présente certaines limites qui s’accentuent dans un contexte où le <a href="https://theconversation.com/topics/marche-du-carbone-23006">prix du carbone</a> croît fortement en Europe.</p>
<h2>Un prix du carbone en pointe au sein de l’UE</h2>
<p>Les quotas étaient initialement distribués gratuitement aux entreprises sur une base historique, puis l’ont été plus récemment selon des critères de performance. Aujourd’hui l’allocation par mise aux enchères est privilégiée. L’idée est que chaque unité de carbone émise ait un prix. Aux enchères il est fixé immédiatement. Cela fonctionne également pour une allocation gratuite car un prix apparaît sur le marché secondaire : si une entreprise émet plus que ce qu’elle a reçu en quotas, elle peut en acquérir auprès d’autres entreprises, qui, en émettant moins, peuvent, elles, revendre un excédent.</p>
<p>La tarification n’est, certes pas homogène au sein de l’Union car chaque pays membre peut compléter le dispositif. C’est le cas en France avec la <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/questions-et-reponses-energies/quel-est-le-montant-de-la-taxe-carbone-en-france#:%7E:text=Le%20montant%20de%20la%20%C2%AB%20taxe%20carbone%20%C2%BB,des%20%C3%89nergies%29%20derni%C3%A8re%20modification%20le%2015%20novembre%202019">Contribution Climat Énergie</a> introduite en 2014 et parfois qualifiée de « taxe carbone ». Il n’en reste pas moins que la tarification <em>via</em> l’EU-ETS est la composante majeure et commune du signal prix du carbone pour les pays de l’UE.</p>
<p>Or, ce dernier s’avère bien plus élevé au sein des pays de l’UE qu’en dehors, hormis peut-être au Royaume-Uni avec lequel néanmoins l’écart de prix se creuse.</p>
<p><iframe id="9M9BQ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/9M9BQ/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Sur le marché national chinois par exemple, en 2023, le prix stagne à environ 7€ la tonne là où il avoisine les 85€ en Europe. Un certain nombre de mesures ou d’annonces de la Commission européenne (<em>Market Stability Reserve</em>, <em>Green Deal</em>) explique une forte hausse de prix depuis quatre ans.</p>
<p><iframe id="gciCR" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/gciCR/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="iS7TG" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/iS7TG/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cette hausse n’est pas sans soulever des défis majeurs. En effet, si les 27 vivaient en autarcie, l’accroissement de coût serait commun à toutes les entreprises et serait répercuté en aval sur leurs clients. C’est ce qu’on appelle le « pass through » du coût du carbone. La répercussion tout au long d’une chaîne de valeur, en cumulant les émissions directes et indirectes de chaque maillon, transmet le signal prix au consommateur final et l’incite à changer de comportement.</p>
<p>Dans une économie ouverte néanmoins, il est à craindre que ce <em>pass through</em> ne soit pas fonctionnel, car tout client en aval a la possibilité de se reporter sur des produits importés et donc non soumis à un prix du carbone.</p>
<h2>Des raisons de s’inquiéter</h2>
<p>La menace de délocalisation ou de substitution par des importations pèse ainsi sur les industries concernées par le dispositif. Outre la perte d’activité préjudiciable pour l’UE, le bilan environnemental ne serait pas positif avec des émissions qui ne seraient que déplacées, souvent vers des pays dont l’industrie est plus polluante.</p>
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<p>Il apparaît alors crucial de rétablir les conditions d’une concurrence « juste » entre entreprises de l’UE et hors UE. C’est ce que vise le MACF : pour tout produit importé relevant de secteurs couverts par l’EU-ETS, ce mécanisme impose que chaque tonne de carbone émise fasse l’objet de l’achat d’un certificat à un prix fixé à la moyenne hebdomadaire du prix d’un quota sur l’EU-ETS. La mise en place du MACF se fera progressivement, le temps que les partenaires commerciaux établissent la comptabilité carbone de leurs produits. Le signal prix du carbone sur les importations sera ainsi ajusté à celui envoyé aux entreprises de l’UE, rétablissant les possibilités de <em>pass through</em> et l’efficacité de l’EU-ETS.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une mise en place progressive du MACF.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Tout cela présuppose l’existence de fuites de carbone. Pourtant, des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/joes.12356">études empiriques</a> mettent en doute la réalité de ces fuites. Certains <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0140988320302231">travaux</a> montrent même que les industries européennes ont pratiqué un <em>pass through</em> élevé du coût du carbone. Ces recherches se fondent néanmoins sur des données antérieures à la forte remontée du prix du carbone.</p>
<p>Si l’on n’observe pas de fuites de carbone par le passé, ce pourrait être aussi parce que les firmes se sont adaptées en différenciant leur produit. L’existence d’un commerce intrabranche, c’est-à-dire l’échange de produits similaires, ne s’explique qu’en admettant que la concurrence soit imparfaite. Dans cette situation, les entreprises bénéficient d’un pouvoir de marché, qui permet de pratiquer des prix supérieurs à celui que l’on observe théoriquement en situation de concurrence parfaite (leur coût marginal). Ce pouvoir peut provenir d’une différenciation des produits. Cela conditionne le degré de substituabilité avec les produits concurrents, donc les fuites de carbone, mais également la capacité à pratiquer le <em>pass through</em>.</p>
<p>Les gains de pouvoir de marché s’érodent néanmoins et les clients arbitrent plus facilement en faveur de substituts, même imparfaits, quand le prix pratiqué s’élève. Ce phénomène fait référence au « <a href="https://www2.deloitte.com/content/dam/Deloitte/fr/Documents/financial-advisory/economicadvisory/Deloitte_%20Le%20concept%20d%20elasticite%20de%20la%20demande%20en%20economie%20de%20la%20concurrence.pdf#page=3"><em>paradoxe du cellophane</em></a> » (comme l’entreprise Dupont de Nemours en 1956, on peut être en monopole sur le marché du cellophane sans pour autant pouvoir accroître son pouvoir de marché car les consommateurs peuvent y voir un équivalent dans d’autres types d’emballages) et suggère que le <em>pass through</em> devient plus difficile quand le coût du carbone augmente. En ce sens, l’UE a raison de s’inquiéter de fuites de carbone à venir si elle ambitionne de maintenir un signal prix du carbone élevé.</p>
<h2>Vers un déplacement des émissions sur les chaînes de valeur ?</h2>
<p>Même avec le MACF, il reste toutefois possible d’éviter le <em>pass through</em> en important des substituts en aval des secteurs couverts par l’EU-ETS. Le MACF ne ferait alors que déplacer les fuites de carbone de l’amont à l’aval des chaînes de valeur, sauf à l’étendre à ces secteurs aval. C’est peut-être à ce dessein que le considérant 67 du règlement stipule d’étendre le dispositif aux « produits en aval qui contiennent une part importante d’au moins une des marchandises relevant du champ d’application du présent règlement ».</p>
<p>À quel prix néanmoins tarifer le contenu carbone de ces importations ? Le coût carbone pour les entreprises de l’UE dépend du degré de <em>pass through</em>, du degré avec lequel tout cela repose sur le consommateur. Or il ne s’observe pas : au mieux il s’estime avec une marge d’erreur, qui est d’autant plus grande que la chaîne de valeur s’allonge. Cette difficulté reste cependant réduite sur le périmètre actuel du MACF, cantonné à l’amont des chaînes de valeur où les émissions indirectes sont souvent limitées à celles de la consommation de <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/abs/10.1086/688486">l’électricité, dont le coût est relativement bien documenté</a>.</p>
<p>Pour éviter cet écueil, une norme sur l’empreinte carbone peut être mise en place. Ainsi, le <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CONSIL:PE_2_2023_INIT">nouveau règlement relatif aux batteries et aux déchets de batteries</a> prévoit-il à son considérant 27 des seuils maximaux d’empreinte carbone pour la commercialisation, écartant de facto la concurrence d’importations intensives en carbone.</p>
<p>Encore faut-il sélectionner les produits soumis à une telle norme sur des bases objectives et que la norme ne soit pas instrumentalisée. La définition des <a href="https://climate.ec.europa.eu/system/files/2018-03/disaggregated_framework_outline_en.pdf">secteurs « à risque de fuite de carbone » utilisée par la Commission européenne</a> peut servir d’exemple sur le premier point. Quant au second, le calcul de <em>benchmark</em> sur la base des 10 % d’entreprises européennes les plus performantes comme le prévoit le <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32018L0410">considérant 11 de la directive européenne pour l’allocation gratuite de quotas sur l’EU-ETS</a> pourrait constituer une piste à suivre.</p>
<hr>
<p><em>La Chaire Économie du Climat de l’université Paris Dauphine-PSL organise, en partenariat avec l’École d’Économie de Toulouse et le Muséum national d’histoire naturelle, la 24<sup>e</sup> Conférence mondiale sur la fiscalité environnementale mondiale (<a href="https://www.gcet24.fr/">24th Global Conference on Environmental Taxation</a>), qui se déroule du 6 au 8 septembre 2023 et qui a pour thème « Climat et biodiversité : une empreinte écologique mondiale » (Climate and Biodiversity : Tackling Global Footprints)</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212927/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>La thèse d'Aliénor Cameron est financée par l'ADEME et la Chaire Economie du Climat. Elle a aussi effectué une visite de recherche de 5 mois à la Commission Européenne en 2023.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anna Creti et Marc Baudry ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières peut-il faire en sorte que les entreprises ne choisissent pas d’aller polluer ailleurs qu’en Europe où le prix du carbone est en forte hausse ?Anna Creti, Professeur, Directrice de la Chaire Economie du Climat, Université Paris Dauphine – PSLAliénor Cameron, Doctorante en économie à la Chaire Economie du Climat et EconomiX, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresMarc Baudry, Professeur des Universités en Sciences Economiques, Responsable du pôle "tarification du CO2 et innovation bas carbone" à la Chaire Economie du Climat, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2119582023-08-30T16:30:24Z2023-08-30T16:30:24ZAutomobile : est-il devenu moins coûteux d’opter pour une voiture électrique ?<p>En avril 2023, La Commission européenne a adopté un <a href="https://climate.ec.europa.eu/eu-action/transport-emissions/road-transport-reducing-co2-emissions-vehicles/co2-emission-performance-standards-cars-and-vans_fr">règlement</a> interdisant à partir de 2035 la vente de voitures particulières neuves émettant du CO<sub>2</sub>. En réponse, le gouvernement français encourage l’acquisition de <a href="https://theconversation.com/topics/voitures-electriques-31974">véhicules électriques</a> en offrant des subventions à l’achat et en conservant des taxes sur l’électricité moins élevées que celles équivalentes sur l’essence et le diesel. Il accorde également à leurs conducteurs des privilèges, tels que l’accès à des zones à émissions nulles dans les centres-villes ou des places de stationnement réservées.</p>
<p>L’ampleur de la <a href="https://theconversation.com/topics/transition-ecologique-66536">transition</a> à opérer est impressionnante. En 2022, la France représentait à elle seule environ <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/recherche?text=nouveau+v%C3%A9hicules+automobiles">1,5 million de véhicules neufs vendus</a>. Pour l’ensemble de l’<a href="https://theconversation.com/topics/union-europeenne-ue-20281">Union européenne</a> (UE), le nombre de véhicules neufs a atteint <a href="https://www.oica.net/category/sales-statistics/">11,2 millions</a> soit environ 17 % de la production mondiale de voitures.</p>
<p>En supposant que le parc total de véhicules en France reste constant à son niveau de 2021 (37,9 millions), le temps que les véhicules thermiques en circulation arrivent en fin de vie, la part des électriques devrait atteindre environ 45 % en 2035 et 95 % en 2050, année visée par l’UE pour atteindre la <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/society/20180305STO99003/reduction-des-emissions-de-co2-objectifs-et-actions-de-l-union-europeenne">neutralité carbone</a>.</p>
<p><iframe id="1GSlQ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/1GSlQ/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le taux d’évolution des émissions de CO<sub>2</sub> diminuerait en parallèle assez régulièrement, partant de 139 g/CO<sub>2</sub>/km en 2023 à la moitié en 2035, pour atteindre plus lentement 5 g/CO<sub>2</sub>/km en 2050, avec peu d’automobiles thermiques encore en circulation.</p>
<p><iframe id="L4p2C" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/L4p2C/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>D’ici la fin de l’année 2034, du point de vue de l’économiste, c’est le <a href="https://theconversation.com/topics/cout-49465">coût</a> relatif des véhicules électriques par rapport aux thermiques qui fondera la décision d’opter pour l’un ou l’autre. Ce coût comprend deux éléments : celui de son acquisition et le coût annuel d’utilisation (rechargement en énergie et entretien). Nos calculs mettent ici en avant une marge de progression importante à combler pour les véhicules électriques qui semblent aujourd’hui encore assez peu <a href="https://theconversation.com/topics/competitivite-21451">compétitifs</a>.</p>
<h2>L’électrique peu attrayant en zone non urbaine</h2>
<p>Le coût d’acquisition intègre ce que l’on va payer pour acquérir le véhicule, son prix net de toute subvention plus les frais d’immatriculation. On le rapportera au nombre d’années d’utilisation et en déduira la valeur de revente. Il y a pour chacun des dépenses spécifiques à additionner : pour un véhicule thermique, il faudra ajouter toute pénalité sur les émissions de CO<sub>2</sub> ; pour un électrique, le coût d’achat et l’installation d’un chargeur à domicile.</p>
<p>Les coûts d’exploitation comprennent, eux, ceux de l’énergie (essence, diesel ou électricité), de l’entretien et l’assurance. Pour un véhicule électrique, il faudra aussi compter les frais éventuels d’abonnement à un chargeur hors domicile.</p>
<p>Afin de procéder à une comparaison, nous avons recueilli les données sur un échantillon représentatif de véhicules de chaque type fabriqués par Peugeot, Renault, Dacia et Mercedes-AMG dont nous avons tiré des moyennes suivant les parts de marché. Les coûts ont ensuite été calculés selon la <a href="https://www.transportpolicy.net/standard/international-light-duty-worldwide-harmonized-light-vehicles-test-procedure-wltp/">méthodologie</a> utilisée par l’UE, qui fait intervenir le fait de conduire uniquement en ville ou non et la distance annuelle parcourue.</p>
<p>En moyenne, le coût d’acquisition d’un véhicule électrique moyen est plus élevé que celui d’une voiture thermique. Son coût d’exploitation reste néanmoins plus faible. Nous calculons alors qu’en utilisation 100 % urbaine, il reste au total moins cher s’il effectue plus de 9 000 km par an.</p>
<p><iframe id="CmFmY" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/CmFmY/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ce seuil est néanmoins de 27 000 km par an pour une utilisation combinée, un chiffre plutôt élevé étant donné que la moyenne française est de 12 000 km par an.</p>
<p><iframe id="wFnce" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/wFnce/6/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si le point de rupture est beaucoup plus élevé pour l’utilisation combinée que pour l’urbaine, c’est parce que les véhicules thermiques y fonctionnent plus efficacement. Avec un plus petit nombre d’arrêts et de départs, les récupérations d’énergie au freinage, un des atouts des véhicules électriques, s’y font plus rares. Actuellement, un véhicule électrique ne constitue donc pas un choix économique plus attrayant pour une conduite très majoritairement non urbaine.</p>
<h2>Le consommateur en manque d’alternatives</h2>
<p>Les résultats moyens des figures précédentes ne fournissent pas une image universelle du parc, mais ils ne cachent que des exceptions relativement marginales. Le segment « sportif » pour lesquels la voiture électrique est moins chère sur toutes les distances parce que la voiture thermique est fortement pénalisée du fait de ses fortes émissions de CO<sub>2</sub>. On retrouve également le segment « luxe » dans ses versions économes en carburant pour lesquelles la voiture électrique est plus chère car elle est équipée d’une batterie de grande capacité, donc coûteuse.</p>
<p>La comparaison des coûts ne tient pas compte, non plus, des écarts sur la commodité et le confort de conduite qui résultent de leurs différences d’accélération, d’autonomie ou de temps nécessaire pour faire le plein ou recharger le véhicule. Elle se fonde de plus sur les données actuelles des véhicules que ce soit en termes de technologie, de prix d’achat des véhicules et des chargeurs, des niveaux de subvention, des coûts d’immatriculation, des pénalités sur les émissions de CO<sub>2</sub> ou des taux de dépréciation des véhicules. Chacun de ces paramètres est susceptible d’évoluer au fil du temps.</p>
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<p>Ces résultats apportent néanmoins du grain à moudre au débat quant aux enjeux soulevés par la directive européenne qui sont de divers ordres. Des défis logistiques et financiers majeurs sont posés à l’industrie automobile, notamment construire ou réaménager des usines pour fabriquer les batteries et les systèmes électroniques, reclasser nombre d’employés des usines de fabrication ou des secteurs de vente et d’entretien des voitures et assurer l’approvisionnement en métaux rares et autres matières premières. En raison des contraintes d’approvisionnement, des modèles électriques équivalents aux thermiques pourraient ne pas être disponibles avant un certain temps, ce qui nuit à la concurrence.</p>
<p>La directive entraîne également des coûts à moyen terme pour les consommateurs du fait que les véhicules électriques, malgré les subventions et taxations favorables, restent bien moins compétitifs hors des villes. En outre, qui ne peut ou ne veut pas payer pour un électrique neuf aura peu d’alternatives moins chères jusqu’à ce qu’un marché des véhicules d’occasion se développe suffisamment.</p>
<h2>Les retrofits comme solutions ?</h2>
<p>Qui dit arrêt des ventes ne dit pas d’ailleurs que les véhicules en circulation ne continueront pas à émettre du CO<sub>2</sub> (et d’autres polluants) pendant de nombreuses années après l’échéance de 2035. Les avantages environnementaux de la directive au niveau mondial seront également compromis si les volumes de vente des véhicules thermiques (neufs ou d’occasion) se déplacent de l’Europe vers des régions qui ne disposent pas d’une législation environnementale similaire.</p>
<p>Une piste de solution pourrait être de transformer des véhicules thermiques en électriques. Cela demande de retirer le moteur, la boîte de vitesses et le système de contrôle électronique du véhicule pour y installer un petit moteur électrique, une batterie et un système de contrôle adéquat. On nomme cette opération « retrofit ».</p>
<p>Elle coûterait approximativement entre 10 000 et 15 000 euros, en fonction de la capacité de la batterie : c’est moins que le prix d’une voiture électrique neuve. Avec des usines dimensionnées à 150 000 retrofits/an, il y aurait moyen d’accélérer la transition vers un parc de véhicules entièrement électriques, d’offrir un plus grand choix aux consommateurs, d’accélérer la réduction des émissions et de réduire le risque d’exportation des thermiques usagés hors Europe. C’est aussi un moyen de reclasser une partie des effectifs actuels.</p>
<h2>Une réussite environnementale ?</h2>
<p>La mutation du parc automobile ne réduira par ailleurs considérablement les émissions de CO<sub>2</sub> des véhicules particuliers qu’à condition que l’électricité soit produite à partir de sources d’énergie propres. En Europe, les <a href="https://app.electricitymaps.com/map">émissions varient considérablement d’un pays à l’autre</a>, de 28 g/CO<sub>2</sub>/kWh dans le centre de la Suède, 72g/CO<sub>2</sub>/kWh en France, à 469 g/CO<sub>2</sub>/kWh en Allemagne et jusqu’à 826 g/CO<sub>2</sub>/kWh en Pologne.</p>
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<p>En France, en raison de l’usage du nucléaire et d’autres sources d’énergie sans carbone les émissions liées aux véhicules électriques sont ainsi largement plus faibles que celles des thermiques. Néanmoins, pour le segment populaire des petites voitures, la subvention à l’achat, la taxe sur l’électricité inférieure à celle de l’essence ou du gazole et les émissions de CO<sub>2</sub> plus élevées produites par la fabrication des batteries conduisent à un coût final de 300€/t d’émissions de CO<sub>2</sub> gagnés par rapport à un moteur thermique équivalent. Ce montant est bien plus élevé que le coût social du carbone par tonne recommandé officiellement dans le <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2019-rapport-la-valeur-de-laction-pour-le-climat_0.pdf">rapport Quinet</a>. Il ne tient de plus pas compte de l’évolution des polluants autres que le CO<sub>2</sub> produits par la fabrication des batteries, la construction du véhicule et par le recyclage de leurs composants en fin de vie.</p>
<p>En Pologne en revanche, les émissions de CO<sub>2</sub> d’un véhicule électrique sont actuellement similaires à celles d’un véhicule thermique comparable, sans même tenir compte des émissions liées à la fabrication et au recyclage des batteries.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211958/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Un véhicule électrique est aujourd’hui plus intéressant qu’un thermique en ville au-delà de 9 000 kilomètres parcourus par an. Ailleurs, il peine encore à se montrer compétitif.André de Palma, Professeur émérite en Économie, CY Cergy Paris UniversitéRobin Lindsey, CN Chair in Transportation and International Logistics, University of British ColumbiaYannik Riou, Chercheur Associé en Economie, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2105032023-07-31T16:18:39Z2023-07-31T16:18:39ZUnion européenne et marché de l'électricité : des principes à revoir pour rester compétitive<p>La modification du contexte géopolitique et la perspective d’un monde moins ouvert ont remis sur le devant de la scène le concept de <a href="https://theconversation.com/batteries-lue-cherche-lequilibre-entre-ouverture-aux-marches-et-souverainete-technologique-210005">souveraineté</a>. <a href="https://theconversation.com/topics/reindustrialisation-86098">Relocaliser</a> de nombreuses <a href="https://theconversation.com/topics/industrie-21143">productions industrielles</a>, considérées comme stratégiques (molécules pharmaceutiques ou chimiques, semi-conducteurs, construction automobile, voire certaines matières premières comme le lithium par exemple) fait partie de l’agenda public. Les groupes industriels concernés ne seront cependant enclins à rapatrier leur production que dans la mesure où les investissements permettent de rester <a href="https://theconversation.com/topics/competitivite-21451">compétitif</a> sur leurs marchés.</p>
<p>Stabilité de l’environnement règlementaire, qualité des infrastructures, niveau d’éducation de la population, possibilité de disposer de subventions, tous ces paramètres entrent en ligne de compte au moment de prendre pareille décision. D’autres facteurs sont de nature plus économique, parmi lesquels, dans le cas précis de l’industrie, le coût de l’<a href="https://theconversation.com/topics/electricite-23762">électricité</a> et sa maîtrise sur le long terme.</p>
<p>La France et l’Allemagne l’avaient bien compris en optant chacun pour une solution garantissant sur plus de 20 ans, des prix bas de l’électricité via la construction du parc électro nucléaire en France et l’accès au gaz russe en Allemagne. Cet équilibre a été brutalement rompu par le déclenchement de la guerre en Ukraine.</p>
<p>Or, le conflit ne semble pas une simple parenthèse : deux tendances de fond sont en effet d’ores et déjà à l’œuvre. D’une part, la transition écologique accélérée dans laquelle s’est engagée l’<a href="https://theconversation.com/topics/union-europeenne-ue-20281">Europe</a> va entrainer une <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/pourquoi-la-demande-delectricite-devrait-exploser-dici-a-2050-1358134">hausse de 35 % environ de la demande au-delà de 2030</a>, ce qui suppose à la fois une augmentation des capacités, le passage à une production décarbonée, et une adaptation du réseau de transport.</p>
<p>D’autre part, les concurrents économiques de l’Europe investissent massivement pour garantir la compétitivité de leurs industries. Les États-Unis ont, par exemple, opté pour l’option la plus simple qui consiste à attribuer des subventions massives, dans le cadre notamment de <a href="https://theconversation.com/inflation-reduction-act-comment-lunion-europeenne-peut-elle-repondre-aux-incitations-fiscales-americaines-201425">l’<em>Inflation Reduction Act</em></a>. Pour rester dans le jeu, l’Union européenne est donc aujourd’hui contrainte de réagir.</p>
<h2>Plusieurs composantes de prix</h2>
<p>Plusieurs facteurs déterminent le prix de l’électricité. Une partie a trait aux infrastructures. On note, par exemple, un effet d’expérience en cas de passage du prototype à un ensemble d’unités. Dans le cas des réacteurs pressurisés européens (EPR), l’Ademe estime le coût du mégawattheure à <a href="https://www.europeanscientist.com/fr/opinion/nucleaire-vs-eolien-offshore-quest-ce-qui-coute-le-moins-cher/">110-120 euros pour le seul site de Flamanville</a>, susceptible d’être ramené à 70 euros à compter de la 4<sup>e</sup> unité mise en service.</p>
<p>L’innovation intervient également. Par exemple, l’évolution technologique des éoliennes a permis de multiplier leur puissance par 60 entre 1985 et 2015. Il en résulte une baisse régulière du prix de production moyen de <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/etat-des-lieux-du-marche-de-leolien-offshore-220218">130-190 euros en 2000 à 60-110 euros actuellement</a>.</p>
<p>Outre le coût des matières premières, l’état de santé financière des opérateurs joue également. Ce sont néanmoins des évolutions de nature fiscale qui ont le plus fait varier le prix du mégawattheure au cours de la dernière décennie.</p>
<p><iframe id="8H6i6" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/8H6i6/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>À 15 ans, les <a href="https://www.europarl.europa.eu/ftu/pdf/fr/FTU_2.1.9.pdf">différents scénarios</a> anticipent une accélération de la croissance de la demande en électricité résultant d’une part de la transition énergique (habitat, transport) et d’autre part de la relocalisation industrielle. De là résulterait une inadéquation durable entre l’offre et la demande compte tenu des incertitudes inhérentes au déploiement des nouvelles infrastructures (en termes de coûts et de délais), d’autant plus que la transition énergétique requiert principalement de l’électricité décarbonée.</p>
<h2>Limiter la volatilité</h2>
<p>Ces scénarios laissent anticiper à la fois une hausse tendancielle des prix mais également une forte augmentation de la volatilité. Mettre en place les conditions d’une offre d’électricité durablement compétitive suppose donc de maîtriser ces deux risques.</p>
<p>Une faible volatilité des prix permet aux producteurs de pouvoir garantir sur le très long terme le remboursement des dettes destinées à financer les infrastructures. Il s’agirait donc d’une invitation à investir, notamment pour une transition verte. Pour les clients consommateurs, cela permet de mieux prévoir et donc de maîtriser leurs dépenses.</p>
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<p>Pour la limiter, plusieurs options sont ouvertes : diversifier le mix de production en faveur des capacités dont la part de coût variable est la plus faible possible, développer des solutions de « stockage » de l’électricité, ou surdimensionner la capacité de production par rapport à la demande attendue. Toutes ont en commun une mise en œuvre longue et complexe, et le risque d’accroitre sensiblement les coûts de production. La meilleure solution consiste donc à améliorer les mécanismes du marché actuel, en particulier avec le développement sa composante à long terme (maturités supérieures à 2 ans)</p>
<h2>Deux postulats à revoir</h2>
<p>Pour ce qui est du niveau des prix, deux aspects nous paraissent source de réflexion. Le premier a trait à l’<a href="http://ses.ens-lyon.fr/articles/une-analyse-de-la-politique-europeenne-de-la-concurrence-i-du-traite-de-rome-au-marche-unique">ouverture à la concurrence</a>, impulsée par une directive de 1996. Le postulat consiste à considérer qu’une concurrence accrue présente un impact positif sur les prix à long terme. Il a poussé à réduire la position des opérateurs historiques pour faire place à de nouveaux entrants. En France, par exemple, avec <a href="https://theconversation.com/electricite-pourquoi-une-telle-flambee-des-prix-malgre-louverture-a-la-concurrence-183751">« l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique »</a> (Arenh), les concurrents d’EDF peuvent accéder à la rente issue de la production des centrales nucléaires à des conditions fixées par l’administration.</p>
<p>Le bilan s’avère globalement négatif. En premier lieu, l’évolution du prix moyen de vente du mégawattheure à l’industrie en Europe depuis 1991 démontre qu’il n’y a pas de relation significative entre niveau de la concurrence et prix, puisque ce dernier reste avant tout conditionné par des facteurs de nature conjoncturelle. Ensuite, en cas de crise, la volatilité est hors de contrôle. Enfin, la situation financière de l’opérateur historique est fortement pénalisée et handicape d’autant sa capacité à investir.</p>
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<p>L’autre postulat suppose une optimisation de la capacité de production, donc que la réponse à une demande supplémentaire provienne de la dernière unité mise en production – en l’espèce pour des raisons techniques, des centrales thermiques et soit donc valorisée sur la base du coût marginal de cette dernière unité. Or c’est justement ce mode de calcul qui est à l’original de l’envolée du prix du mégawattheure et de l’explosion de la volatilité. Il convient donc de mettre en œuvre un autre mode de calcul à défaut de quoi le coût de la volatilité viendra gonfler de manière disproportionnée, l’inflation induite par la hausse de la demande.</p>
<h2>Pour une rémunération au coût réel</h2>
<p>Parmi les solutions envisageables, outre les changements relatifs à l’organisation de la production décrits précédemment, certains acteurs ont formulé des propositions au moment de l’invasion de l’Ukraine. Le gouvernement grec, notamment, a soumis en juillet 2022 à l’Union européenne, un modèle visant à <a href="https://www.euractiv.fr/section/energie-climat/news/les-grecs-proposent-un-nouveau-modele-de-marche-europeen-de-lelectricite/">segmenter le marché de gros en deux compartiments distincts</a>.</p>
<p>D’un côté, il y aurait les centrales à coûts marginaux faibles mais à coûts fixes élevés, produisant lorsqu’elles sont disponibles (nucléaires et énergie renouvelables). De l’autre côté, les centrales à coûts variables élevés (qui produisent à partir des combustibles fossiles), qui produiraient à la demande et contribueraient à équilibrer le marché en complément des productions évoquées précédemment. Les premières ne seraient plus rémunérées sur la base des coûts marginaux, mais recevraient un prix couvrant leur coût moyen de long terme, appelé Levelized Cost of Electricity. Le prix payé par le consommateur résulterait d’une moyenne pondérée des prix observés dans chacun des deux compartiments du marché.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/batteries-lue-cherche-lequilibre-entre-ouverture-aux-marches-et-souverainete-technologique-210005">Batteries : l’UE cherche l’équilibre entre ouverture aux marchés et souveraineté technologique</a>
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<p>Ce système présente l’avantage de rémunérer les producteurs en fonction de leur coût réel de production, plutôt que de se baser sur le coût des centrales fossiles et provoquer ainsi une baisse du coût moyen de l’électricité. De plus, en lissant les anticipations des prix futurs, elle devrait mécaniquement réduire la volatilité potentielle.</p>
<p>Voilà pourquoi, pour faire de la maîtrise du prix de l’énergie un socle de la compétitivité industrielle, il parait nécessaire de remettre en cause des postulats qui ont prévalu à l’organisation de la production sur les 20 dernières années et qui ont eu pour effet d’affaiblir les anciens monopoles sans véritable contrepartie mesurable sur le plan économique. Et ce alors que le défi de la transition énergétique passe par un effort d’investissement colossal, dont le succès repose, au-delà du cadre que nous venons de décrire, sur une parfaite coordination sur les plans technique, industriel et institutionnel. Si les acteurs privés ont leur place dans le dispositif, le rôle du maître d’œuvre sera déterminant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210503/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Attirer des industriels requiert des prix de l’électricité stables et peu élevés, ce que la libéralisation et la tarification au coût marginal, piliers de la politique de l’UE, ne garantissent pas.Jean Pascal Brivady, Professeur, EM Lyon Business SchoolAbdel Mokhtari, Economiste, Chargé de cours, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2060142023-06-16T12:56:57Z2023-06-16T12:56:57ZIndustrie spatiale : comment réguler le « New space » ?<p>ClearSpace, Loft Orbital, ShareMySpace… Ces noms ne vous disent peut-être rien : ils font pourtant partie d’une constellation de start-up liées aux technologies spatiales dont le nombre a presque <a href="https://www.nasa.gov/sites/default/files/files/SEINSI.pdf">quintuplé sur une période de 10 ans</a>. Le chiffre d’affaires du secteur, en 2019, pèse pour près de <a href="https://www.oecd.org/innovation/the-space-economy-in-figures-c5996201-en.htm">300 milliards de dollars</a> en 2019.</p>
<p>Elle dessine ce qu’est le « New Space », qui lui-même complète un « Old Space » dans lequel les activités spatiales étaient essentiellement gouvernées par des acteurs publics tels que les États. Le lancement du satellite soviétique Sputnik l’avait incarné dès 1957.</p>
<p>Depuis le début des années 2000, c’est ainsi à un fort développement de l’entrepreneuriat que l’on assiste dans le secteur. L’évolution s’est produite sous l’influence conjointe de facteurs culturels, économiques, politiques et technologiques, qui ont permis une <a href="https://theconversation.com/le-rover-emirati-rashid-doit-se-poser-sur-la-lune-pour-une-mission-ephemere-204283">facilité d’accès à l’espace extra-atmosphérique pour les entrepreneurs</a>. De nouveaux entrants dans cet écosystème <a href="https://theconversation.com/lindustrie-spatiale-mondiale-a-laube-dune-decennie-de-bouleversements-majeurs-152338">ont bouleversé le fonctionnement traditionnel du secteur</a> à plusieurs niveaux. Cela appelle de nouvelles régulations auxquelles les jeunes pousses ne sont pas toujours bien préparées.</p>
<h2>Le spatial, un secteur chamboulé au tournant des années 2000</h2>
<p>Les dynamiques entrepreneuriales récentes sont fortement corrélées à un changement culturel et économique promu par les entrepreneurs de la Silicon Valley dans le <a href="https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/nardon_new_space_2017_p.pdf">domaine des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC)</a>. Ces derniers ont exercé une pression toute particulière sur le secteur spatial, de plus en plus demandeurs de services reposant sur ses technologies, ce qui a ouvert de nouvelles opportunités en matière de modèles commerciaux. La start-up franco-américaine <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/qui-est-loft-orbital-cette-start-up-spatiale-franco-americaine-qui-a-leve-125-millions-d-euros.N1166892">Loft Orbital</a> propose aujourd’hui, par exemple, de louer des satellites afin que les entreprises ne soient plus contraintes de posséder et d’exploiter le leur.</p>
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<p>Qui dit nouveaux entrepreneurs dit aussi nouveaux besoins de financement. Le développement d’investisseurs privés tels que <a href="https://seraphim.vc/">Seraphim Space IT</a> est alors venu en réponse à des <a href="https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2002-2-page-205.htm">problèmes de légitimité politique</a> sur le développement des activités spatiales à la fin des années 1990, alors que la guerre froide et les rivalités spatiales liées touchaient à leur fin. Les fonds provenaient alors surtout des États, autrement dit des contribuables. Le contexte devient alors propice pour voir apparaître les <a href="https://www.nasa.gov/content/cots-commercial-partners">premiers partenariats public-privé opérés par la National Aeronautics and Space Administration (NASA)</a>, avec SpaceX notamment.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/spacex-vers-une-nouvelle-ere-de-la-conquete-spatiale-139591">SpaceX : vers une nouvelle ère de la conquête spatiale</a>
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<p>Outre ces facteurs économiques et politiques, l’accessibilité croissante et la baisse des coûts des technologies et des infrastructures spatiales ont également joué un rôle important dans l’essor du <em>New Space</em>. On peut citer des avancées telles que l’impression 3D, les fusées réutilisables et les <a href="https://theconversation.com/les-cubesats-un-exemple-dinnovation-low-cost-dans-lindustrie-spatiale-129375">nanosatellites ou « cubesats »</a>, plus petits et moins coûteux. Elles ont permis aux entreprises privées d’entrer dans le secteur grâce à des coûts de production qui ont <a href="https://youtu.be/7a4UJnJJnJs">facilité l’accès à l’espace</a>.</p>
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<a href="https://theconversation.com/retour-des-humains-sur-la-lune-artemis-figure-de-proue-dune-competition-globale-150153">Retour des humains sur la Lune: Artemis, figure de proue d’une compétition globale</a>
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<p>L’ensemble a fait basculer les acteurs du spatial vers des logiques nouvelles. Ils ont notamment dû repenser leurs activités en fonction des besoins des utilisateurs finaux, et moins selon des impératifs de défense ou des objectifs scientifiques. Les principales agences spatiales du monde, telles que la NASA, l’Agence spatiale européenne (ESA) ou le CNES, ont mis en place d’importantes mesures d’incitation à l’entrepreneuriat. <a href="https://www.spaceappschallenge.org/">Challenges</a>, <a href="https://entreprises.cnes.fr/fr/actinspace">hackathons</a>, <a href="https://commercialisation.esa.int/esa-business-incubation-centres/">incubateurs</a> et <a href="https://air-cosmos.com/article/cosmicapital-un-fonds-ddi-aux-technologies-du-new-space-en-france-et-en-europe-25472">financements</a> en capital-risque ont ainsi vu le jour.</p>
<p><iframe id="BYfhf" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/BYfhf/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les récents plans d’investissement public, à l’image du <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2021/10/12/presentation-du-plan-france-2030">plan national d’investissement France 2030</a>, indiquent qu’une « attention particulière sera accordée aux projets portés par les acteurs émergents (start-up et PME-ETI innovantes) » dans <a href="https://www.bpifrance.fr/nos-appels-a-projets-concours/appel-a-projets-spatial-developpement-et-industrialisation-de-constellations-de-satellites-et-de-leurs-technologies-habilitantes">l’appel à projets opéré la BPI</a> sur le développement et l’industrialisation de constellations de satellites et les technologies associées.</p>
<h2>Quelle place pour la soutenabilité ?</h2>
<p>Ce développement doit aussi répondre de ses conséquences. Un défi majeur réside ainsi dans la gestion des déchets spatiaux, provoqués par le nombre croissant d’objets lancés en orbite autour de la Terre et dont la fin de vie demeure problématique. Plus de débris, c’est potentiellement plus de collisions avec des objets fonctionnels, donc plus de débris avec des effets en chaîne : c’est ce que l’on appelle le <a href="https://www.cite-espace.com/centre_ressources/le-syndrome-de-kessler/">syndrome de Kessler</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/q7IerRMAcno?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Pour pallier un <a href="https://theconversation.com/pollution-dans-lespace-et-si-on-taxait-144744">manque de régulation</a>, la communauté spatiale internationale se concerte ainsi dans le cadre de diverses initiatives telles que l’<a href="https://www.iadc-home.org/"><em>Inter-Agency Space Debris Coordination Committee</em></a> et le <a href="https://moonvillageassociation.org/"><em>Moon Village Association</em></a> qui proposent des directives de bonne conduite. Plusieurs start-up proposent aussi de répondre à la problématique des débris spatiaux, telle que <a href="https://clearspace.today/">Clearspace</a>, qui ambitionne de devenir le prochain <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/air-defense/spatial-clearspace-en-piste-pour-devenir-le-premier-eboueur-du-ciel-1269956">« éboueur du spatial »</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/destruction-dun-satellite-russe-de-nouveaux-debris-menacent-la-station-spatiale-internationale-151789">Destruction d’un satellite russe : de nouveaux débris menacent la Station Spatiale Internationale</a>
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<p>Les <a href="https://theconversation.com/les-satellites-starlink-nous-empecheront-bientot-dobserver-les-etoiles-150410">États</a> tentent également de répondre à ces enjeux de <a href="https://theconversation.com/comment-les-activites-spatiales-peuvent-elles-evoluer-vers-plus-de-durabilite-200396">soutenabilité</a>, en fixant des <a href="https://theconversation.com/quel-cadre-juridique-pour-les-conflits-spatiaux-de-demain-153244">normes contraignantes</a>. On peut citer notamment la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000018931380">loi française de 2008 relative aux opérations spatiales (loi LOS)</a>, <a href="https://entreprises.cnes.fr/fr/consultation-actualisation-los-2023">actuellement en cours d’actualisation</a>. Elle a la particularité en droit spatial d’obliger les opérateurs de satellites français à libérer les orbites utilisées dans les 25 ans qui suivent la fin de leur mission par désintégration dans l’atmosphère terrestre ou placement sur une orbite cimetière. Elle fixe en outre des <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX%3A52021XC0218%2801%29">critères d’impacts socio-environnementaux dans les appels à projets publics</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pollution-dans-lespace-et-si-on-taxait-144744">Pollution dans l’espace : et si on taxait ?</a>
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<p>Les <a href="https://www.unoosa.org/oosa/en/ourwork/access2space4all/index.html">questions d’impacts sociaux</a> méritent tout autant d’être pris en compte dans le développement des activités entrepreneuriales spatiales. Un travail pour les identifier est à poursuivre mais le bureau des affaires spatiales des Nations unies a déjà défini un certain nombre de <a href="https://www.unoosa.org/oosa/en/ourwork/space4sdgs/index.html">thématiques</a> s’inspirant des 17 objectifs de développement durable de l’ONU. On peut notamment citer l’accès aux données spatiales pour tous auquel la start-up française <a href="https://www.sharemyspace.space/">ShareMySpace</a> s’attelle.</p>
<h2>Légiférer sans entraver la compétitivité ?</h2>
<p>Néanmoins, qui dit régulation dit aussi enjeu de compétitivité lorsque l’on touche à un secteur mondialisé. Les critères posés semblent aujourd’hui trop différer d’un pays à l’autre, ce qui peut conduire à un phénomène dit de « forum shopping » : les entreprises vont tenter de profiter de la juridiction la plus susceptible de donner raison à leurs propres intérêts.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-chine-tient-tant-a-gagner-la-nouvelle-course-aux-etoiles-155581">La Chine</a>, les <a href="https://theconversation.com/le-rover-emirati-rashid-doit-se-poser-sur-la-lune-pour-une-mission-ephemere-204283">Émirats arabes unis</a>, les <a href="https://theconversation.com/retour-des-humains-sur-la-lune-artemis-figure-de-proue-dune-competition-globale-150153">États-Unis</a>, <a href="https://www.lefigaro.fr/societes/l-inde-s-impose-comme-une-grande-nation-spatiale-20221118">l’Inde</a> et le <a href="https://www.lexpress.fr/sciences-sante/sciences/l-exploitation-privee-des-ressources-de-l-espace-autorisee-au-luxembourg_1932344.html">Luxembourg</a> contribuent ainsi à un marché spatial international hautement compétitif avec des cadres légaux flexibles, en plus d’offrir parfois des solutions techniques et commerciales souvent moins chères qu’en France. C’est ce qu’a souligné Stanislas Maximin, PDG de la start-up Latitude lors des Assises du <em>New Space</em> à Paris, le 7 juillet 2022 à propos de la loi LOS :</p>
<blockquote>
<p>« Le problème c’est qu’on est un tout petit pays. Il y a aussi les États-Unis, la Chine, l’Allemagne… Que toute l’Europe légifère ? Pourquoi pas : ça ferait plus ou moins entre 20 et 30 % de l’économie spatiale mondiale. La France seule ? Je le vois surtout comme un risque ».</p>
</blockquote>
<p>Dans le contexte international hautement concurrentiel du <em>New Space</em>, les résultats de nos <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/radm.12547">travaux de recherche</a> indiquent que multiplier des critères socio-environnementaux sans accompagnement dédié spécialisé sur le sujet semble aller à l’encontre du développement de l’entrepreneuriat spatial. Cela peut réduire la compétitivité des nouveaux entrants, et plus particulièrement des start-up.</p>
<p>Cela n’implique pas que ces critères de soutenabilité doivent être absents du cahier des charges des appels à projets ou des normes juridiques en vigueur. Néanmoins, nous pensons qu’il est plus pertinent de les introduire de les adapter à la maturité des entreprises qui ne sont pas toutes en mesure de répondre aux mêmes contraintes. Plusieurs start-up ont pu nous l’indiquer, comme ce dirigeant :</p>
<blockquote>
<p>« Aujourd’hui, on ne va pas se mentir, on essaie d’abord de développer un produit. Quand on en fera 5 000 par an, on lancera plus sérieusement la réflexion sur ces sujets qui sont intéressants, mais il faudra que cela intervienne au bon moment ».</p>
</blockquote>
<p>Nous avons également remarqué dans nos recherches qu’il existe un fossé entre les attentes institutionnelles envers les start-up et les moyens à disposition pour accompagner ces jeunes pousses vers un développement soutenable. L’accompagnement entrepreneurial des nouveaux entrants en matière de soutenabilité demeure marginal et ne prépare pas suffisamment ces derniers à répondre aux contrats et appels à projets en matière d’impacts socio-environnementaux ainsi qu’à leur ouverture à de nouveaux marchés. Renforcer cet accompagnement permettrait de développer des activités spatiales plus compétitives et plus soutenables, sans pour autant réduire l’attractivité des territoires et des organisations orchestrant ces activités.</p>
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<p><em>La Chaire academico-industrielle Sirius, portée par Airbus Defence and Space, le Centre national d’études spatiales (CNES), Thales Alenia Space ainsi que par TBS Education et l’Université Toulouse 1 Capitole s’attache dans ses <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/radm.12547">travaux</a> à analyser les aspects légaux et managériaux du « New Space »</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206014/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aveline Cloitre a reçu des financements de la Chaire SIRIUS portée par Airbus Defence and Space, le Centre national d’études spatiales (CNES), Thales Alenia Space ainsi que par TBS Education et l’Université Toulouse 1 Capitole</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Victor Dos Santos Paulino a reçu des financements de la Chaire SIRIUS portée par Airbus Defence and Space, le Centre national d’études spatiales (CNES), Thales Alenia Space ainsi que par TBS Education et l’Université Toulouse 1 Capitole</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christina Theodoraki ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le secteur spatial a connu un vaste bouleversement depuis le début des années 2000 avec l’arrivée massive d’acteurs privés. Comment organiser ce marché pour éviter les externalités négatives ?Aveline Cloitre, PhD student, space entrepreneurship, TBS EducationChristina Theodoraki, Professeur Associé en Entrepreneuriat et Stratégie, TBS EducationVictor Dos Santos Paulino, Professeur associé en management de l'innovation et stratégie, Chaire Sirius, TBS EducationLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1848652022-06-13T19:13:03Z2022-06-13T19:13:03ZQuelles seraient les conséquences d’une hausse du smic ?<p>Quelles seraient les conséquences d’une hausse du smic?
Depuis 2021, dans un contexte d’amélioration du marché du travail et de sortie de la crise sanitaire, de <a href="https://theconversation.com/inflation-croissance-nulle-et-plein-emploi-bienvenue-dans-la-stagflation-2-0-182780">reprise des tensions inflationnistes</a> et d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/pouvoir-dachat-33467">érosion du pouvoir d’achat</a>, l’idée d’une hausse du salaire minimum de croissance (smic) connait un retour en force dans le débat public. Véritable marqueur des partis de gauche, revendication constante et historique des syndicats ouvriers, le projet figure au premier chapitre du « programme partagé de gouvernement » publié par la Nouvelle union populaire économique et sociale (Nupes), arrivée <a href="https://www.ladepeche.fr/2022/06/13/resultats-definitifs-legislatives-2022-decouvrez-les-resultats-officiels-du-premier-tour-10362078.php">deuxième du premier tour des élections législatives</a> (25,66 %), le 12 juin, juste derrière la majorité présidentielle (25,75 %).</p>
<p>La Nupes prévoit de <a href="https://www.leparisien.fr/politique/melenchon-propose-le-smic-a-1500-euros-et-la-hausse-du-point-dindice-des-fontionnaires-15-05-2022-NX3BTELA4BFVTOEACYMEPANEKE.php">porter le smic à 1500 euros net par mois</a>, soit une hausse de plus de 15 %. La même idée figurait aussi dans les programmes de tous les candidats de gauche à l’élection présidentielle.</p>
<p>La perspective d’une forte hausse du smic contredirait la stratégie française de modération salariale, en œuvre depuis plus de quinze ans, qui se traduit par l’absence de « coup de pouce » donné au salaire minimum. La seule exception à cette règle a été l’<a href="https://www.aefinfo.fr/depeche/211890-urgent-le-smic-porte-a-940-euros-brut-au-1er-juillet-2012-soit-une-augmentation-de-2-incluant-un-coup-de-pouce-de-06-point">augmentation discrétionnaire de 0,6 % du 1ᵉʳ juillet 2012</a>, décidée à la suite à l’élection de François Hollande à la présidence de la République. Depuis la création du groupe d’experts sur le smic en 2009, tous les gouvernements successifs ont suivi à la lettre les préconisations de ses <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/284b121f-b187-4280-b327-05f18064c3fa/files/36296c31-5b87-4e8c-a4ac-62a9c63d5ae1">rapports annuels</a>, conseillant de s’abstenir de tout coup de pouce afin de privilégier la compétitivité et l’emploi.</p>
<p>Le débat entre en résonnance avec un projet de directive européenne visant à harmoniser les minima salariaux en Europe, où 22 pays parmi les 27 disposent d’un salaire minimum, de <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Minimum_wage_statistics">332 euros bruts en Bulgarie à 2 257 euros au Luxembourg</a>, selon des données 2022 publiées par Eurostat.</p>
<p><iframe id="UjxSd" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/UjxSd/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’harmonisation n’ira pas nécessairement dans le sens d’une augmentation dans les pays tels que la France où le salaire minimum est initialement élevé, mais la perspective d’une plus grande coordination européenne en matière salariale pose en des termes renouvelés la question de la gestion du salaire minimum. Dans ce nouveau contexte, quels arguments plaident pour augmenter le salaire minimum et quels en seraient les effets ?</p>
<h2>La mauvaise excuse de l’inflation</h2>
<p>La préservation du pouvoir d’achat dans un environnement de retour de l’inflation, désormais <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6443339">proche de 5 % en rythme annuel</a>, ne constitue pas un argument satisfaisant pour plaider pour une hausse supplémentaire du salaire minimum en France. En effet, le smic augmente d’ores et déjà mécaniquement avec les prix, de façon à maintenir au moins constant son pouvoir d’achat. Les revalorisations sont encadrées de façon précise par la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000693898/">loi n°70-7 du 2 janvier 1970</a> « portant réforme du salaire minimum garanti et création d’un salaire minimum de croissance ».</p>
<p>Depuis sa création en 1950, dans le contexte de tension sur les prix des matières premières à la suite de la guerre de Corée, le salaire minimum interprofessionnel garanti (smig) garantissait déjà une stricte indexation sur l’inflation. Il en va de même pour le smic, indexé depuis plus de cinquante ans de façon automatique sur l’indice des prix à la consommation (hors tabac depuis 1992).</p>
<p><iframe id="S1T3s" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/S1T3s/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’article 31 xc de la loi de 1970 prévoit que :</p>
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<p>« Lorsque cet indice atteint un niveau correspondant à une hausse d’au moins 2 p. 100 par rapport à l’indice constaté lors de l’établissement du salaire minimum de croissance immédiatement antérieur, le salaire minimum de croissance est relevé dans la même proportion à compter du premier jour du mois qui suit la publication de l’indice entraînant ce relèvement ».</p>
</blockquote>
<p>C’est la raison pour laquelle le smic a automatiquement <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/archives/archives-presse/archives-communiques-de-presse/presse-2017-2022/article/smic-revalorisation-de-2-65-a-compter-du-1er-mai-2022">augmenté de 2,45 % au 1ᵉʳ mai 2022</a>, soit environ 34 euros nets par mois, après deux autres augmentations en sept mois. Le smic brut mensuel atteint aujourd’hui 1 645,58 euros sur la base de 35 heures de travail hebdomadaires (soit 1 302,64 en euros net et 10,85 euros brut par heure travaillée).</p>
<h2>Une arme contre les inégalités salariales</h2>
<p>Le meilleur argument des tenants d’une hausse du smic réside sans doute dans la lutte contre les inégalités de salaires. Certes, les disparités salariales ne contribuent que pour une faible part à l’ensemble des inégalités de revenus, mais elles n’en constituent pas moins une composante sur laquelle l’État peut agir au travers des ajustements du smic.</p>
<p>En rendant illégaux les niveaux de salaires les plus faibles, le salaire minimum joue un rôle puissant de compression des hiérarchies salariales. Il tronque sur leur gauche les distributions de salaires, ce qui réduit le volume d’emploi mais diminue mécaniquement aussi les disparités de rémunération. Ce double effet du salaire minimum, <a href="https://www.jstor.org/stable/1801842">négatif sur l’emploi mais positif sur les inégalités</a>, est connu dans la littérature économique depuis l’étude séminale publiée par George Stigler en 1946 dans l’<em>American Economic Review.</em></p>
<p>En France, il est clair que les clauses d’augmentation du smic ne permettent pas à elles seules de lutter contre les inégalités salariales. Le salaire minimum est seulement demi-indexé sur les salaires horaires moyens, avec le taux de salaire horaire de base ouvrier et employé (SHBOE) comme indice de référence.</p>
<p>Depuis quinze ans, si l’on met à part la hausse post-électorale de 2012, l’absence répétée de « coup de pouce » donné au smic paraît donc en rupture avec l’esprit de la loi de 1970. Selon les données de l’Insee, le pouvoir d’achat des salariés rémunérés au smic s’est en effet écarté de celui des ouvriers et employés, dont l’indice de référence est le salaire horaire de base (SHBOE). Depuis le coup de pouce de 2006, la <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1375188">différence cumulée atteint au total 3,6 %</a> malgré la revalorisation de 2012.</p>
<h2>Quels effets sur l’emploi ?</h2>
<p>Dans le modèle de Stigler, la réduction des inégalités salariales après une hausse du salaire minimum a pour contrepartie une baisse du volume d’emploi. Cette prédiction a été l’une des plus étudiées par les économistes : une recherche « minimum wage » donne 2,5 millions d’entrées sur <em>Google Scholar</em>. Il est pourtant extrêmement difficile de confirmer empiriquement cette relation puisque le propre d’un dispositif de salaire minimum est qu’il s’applique de façon extrêmement large.</p>
<p>Dans le cas de la France, dans la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000693160">loi du 12 février 1950</a>, le « i » du « smig » signifiait « interprofessionnel » et il s’imposait déjà à toutes les branches. Dans la loi de 1970 qui a instauré le « salaire minimum de croissance », le caractère interprofessionnel n’a pas été remis en cause. Cette grande généralité d’application interdit aux évaluateurs l’accès à un contre-factuel satisfaisant qui leur permettrait d’évaluer l’impact d’une hausse du salaire minimum en comparant un groupe traité et un groupe de contrôle, ce qui limite considérablement la portée de leurs évaluations et incite à la prudence.</p>
<p>L’une des études les plus citées en économie, avec plus de 3000 citations, est celle de David Card et Alan Krueger (<a href="https://davidcard.berkeley.edu/papers/njmin-aer.pdf">1993</a> puis mise à jour en <a href="https://press.princeton.edu/books/paperback/9780691169125/myth-and-measurement">2015</a>) qui analyse les effets d’une hausse du salaire minimum dans le New Jersey en comparant l’emploi dans les fast-foods dans cet État et dans celui de Pennsylvanie. Cette recherche a d’ailleurs été évoquée par le jury du prix de la banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel, co-attribué à David Card en 2021. Elle conclut à l’absence d’effets sur l’emploi d’une hausse du salaire minimum.</p>
<p>En France, les évidences empiriques portent surtout sur les effets du coût du travail peu qualifié sur l’emploi. De nombreux travaux ont évalué l’impact des dispositifs d’exonérations de cotisations sociales déployés successivement depuis le début des années 1990. Ces dispositifs représentent aujourd’hui, depuis la bascule du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en exonérations réalisée en 2019, plus de 50 milliards d’euros.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/468189/original/file-20220610-15-3v5piz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/468189/original/file-20220610-15-3v5piz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468189/original/file-20220610-15-3v5piz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468189/original/file-20220610-15-3v5piz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468189/original/file-20220610-15-3v5piz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468189/original/file-20220610-15-3v5piz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468189/original/file-20220610-15-3v5piz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468189/original/file-20220610-15-3v5piz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Historique des allégements de cotisations.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-note049v4.pdf">CAE (2019)</a></span>
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<p>La synthèse de ces travaux réalisée par le <a href="https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-note049v4.pdf">Conseil d’analyse économique</a> (CAE) confirme que l’emploi est très sensible au coût du travail lorsque ses hausses ont lieu au voisinage du smic. Une forte hausse du salaire minimum contribuerait donc à augmenter le chômage. C’est aussi la raison pour laquelle les hausses du smic ont été compensées par des exonérations dans le passé. Mais cette stratégie trouve désormais ces limites avec la suppression de l’ensemble des exonérations, désormais acquise au niveau du smic.</p>
<p>Aujourd’hui, les pénuries de main-d’œuvre dans certains secteurs d’activité et la perspective d’un retour au plein-emploi changent toutefois la donne. Ces évolutions semblent en effet de nature à modifier les priorités accordées à l’emploi et à la compétitivité qui ont conduit à une expansion continue des exonérations sociales sur les bas et moyens salaires. Dans ce contexte nouveau, les effets des hausses du smic sur l’emploi mériteraient d’être mieux documentés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184865/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yannick L’Horty ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une revalorisation du salaire minimum constitue un outil peu efficace pour préserver le pouvoir d’achat des ménages. Quant à ses effets sur l’emploi, ils restent difficiles à mesurer.Yannick L’Horty, Économiste, professeur des universités, Université Gustave EiffelLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1613852021-06-14T17:16:24Z2021-06-14T17:16:24ZBatteries « vertes », un avantage compétitif pour l’Europe<p>Dans sa transition vers l’électromobilité, l’Europe fait face à un double défi : combler son retard industriel dans les batteries et réduire l’incidence environnementale de leur fabrication.</p>
<p>En clair, les batteries doivent être européennes et vertes pour que la bascule du moteur thermique vers l’électrique soit à la fois conforme aux intérêts stratégiques et aux valeurs de l’Europe. Telle sera la double condition de son acceptabilité politique et sociale.</p>
<p>L’alignement entre objectifs climatiques et industriels est au cœur du projet de Pacte vert européen (<em>Green Deal</em>). C’est même devenu un impératif pour réussir la relance économique et s’extraire de la rivalité sino-américaine pour le contrôle des technologies.</p>
<p>Sans verser dans le protectionnisme vert, l’Europe entend jouer à armes égales avec ses concurrents en s’intéressant aux conditions de fabrication des produits commercialisés sur son territoire. Pour y parvenir, l’outil le plus débattu est celui de la taxation du carbone aux frontières, mais l’approche normative est tout aussi prometteuse et le nouveau projet de <a href="https://eur-lex.europa.eu/resource.html">règlement européen sur les batteries</a> devrait en faire la démonstration.</p>
<h2>Concevoir dans la transparence</h2>
<p>Forte de son expérience réussie en matière d’étiquetage énergétique, la Commission européenne veut encourager l’écoconception des batteries pour véhicules électriques en exigeant la transparence sur des indicateurs clés comme l’empreinte carbone, la proportion de contenu recyclé ou la durée de vie.</p>
<p>Dans un second temps, des « classes de performance » seraient introduites pour faciliter l’appropriation de ces informations par le consommateur, puis des seuils obligatoires seraient fixés pour accéder au marché intérieur européen.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1336343593196400644"}"></div></p>
<p>L’enjeu n’est pas de faire obstacle à la montée en puissance du véhicule électrique. Au périmètre européen, ses émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble du cycle de vie <a href="https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/1f494180-bc0e-11ea-811c-01aa75ed71a1=#12">sont en moyenne inférieures de 55 %</a> à un équivalent thermique.</p>
<p>Cette réduction <a href="https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/1f494180-bc0e-11ea-811c-01aa75ed71a1">atteint 75 %</a> si le véhicule est utilisé dans un État membre au mix électrique hautement décarboné comme la Suède, et elle reste tout de même de <a href="https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/1f494180-bc0e-11ea-811c-01aa75ed71a1">17 % en Pologne</a> où les centrales au charbon dominent l’approvisionnement électrique.</p>
<h2>Optimiser le cycle de vie</h2>
<p>Toutefois, l’électromobilité doit s’inscrire dans une perspective à long terme de neutralité climatique et il faut pour cela viser les processus de fabrication des batteries, qui compterait pour <a href="https://group.volvocars.com/news/sustainability/2020/%7E/media/ccs/Volvo_carbonfootprintreport.pdf=#24">plus d’un quart de l’empreinte carbone des modèles les plus récents</a>.</p>
<p>Bien qu’incomplète, la littérature académique permet d’identifier les étapes les plus énergivores de leur production. Elle appelle en particulier à innover pour réduire les consommations énergétiques associées à la fabrication des cellules et des matériaux actifs, et à mobiliser des sources d’électricité décarbonées pour couvrir les besoins incompressibles.</p>
<p>Moins explorés à ce jour, l’extraction et le raffinage des matières premières minérales offrent également un grand potentiel de différenciation verte.</p>
<p>Couplées à la prévention des risques locaux de nature environnementale et sociale, les considérations d’empreinte carbone pourraient influencer le choix des chimies de batteries, des gisements et évidemment des opérateurs miniers et des raffineurs en fonction de leurs pratiques et de leurs sources d’approvisionnement énergétique.</p>
<h2>Encourager la différenciation verte</h2>
<p>La transparence devenant une exigence réglementaire, la batterie ne sera plus une boîte noire du point de vue de son incidence environnementale. Les constructeurs automobiles devront rendre des comptes sur le processus de sélection de leurs fournisseurs de modules et cellules de batteries, avec des conséquences en cascade sur tous les segments de la chaîne de valeur.</p>
<p>Ce n’est pas une injonction à localiser l’ensemble des étapes de production en Europe car, relativement aux autres facteurs, le transport longue distance aurait une empreinte carbone négligeable. Néanmoins, la réglementation peut jouer à l’avantage des porteurs de projets européens étant donnée leur longueur d’avance dans la mesure et la maîtrise des implications environnementales de leurs activités.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1075569925786402816"}"></div></p>
<p>Les leaders asiatiques sont davantage dans la réaction face aux demandes grandissantes des constructeurs automobiles européens, mais ils étoffent aussi progressivement leur expertise sur la pensée cycle de vie.</p>
<p>Enfin, la quête d’une batterie plus « verte » est un argument supplémentaire pour les partenariats et autres stratégies d’intégration verticale, car elle exige une approche globale et cohérente des différents segments de la chaîne de valeur.</p>
<p>L’influence sur les dynamiques industrielles est potentiellement considérable et les Européens peuvent tirer leur épingle du jeu.</p>
<h2>Comptabiliser l’empreinte carbone des batteries</h2>
<p>Le bénéfice théorique est clair, mais la mise en œuvre de ce règlement fait face à de sérieux obstacles. En effet, il n’y a pas à ce jour de méthodologie de calcul suffisamment détaillée et consensuelle pour soutenir des exercices de comparaison de l’empreinte carbone des batteries vendues sur le marché européen. Celle-ci devra être définie ultérieurement dans un acte d’exécution du règlement annoncé pour juillet 2023.</p>
<p>Elle devra notamment préciser pour quelles étapes de leur fabrication il convient de mobiliser des données primaires, c’est-à-dire réellement mesurées, et quelles bases de données secondaires doivent être utilisées en complément.</p>
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<figcaption><span class="caption">La voiture électrique est-elle vraiment plus écologique ? (<em>Le Monde</em>, le 10 décembre 2018).</span></figcaption>
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<p>Autre sujet de controverse : la comptabilisation des émissions attribuables aux approvisionnements électriques. Lorsqu’ils s’implantent dans un pays dont le mix électrique est carboné, les industriels souscrivent dorénavant à des contrats d’approvisionnement en électricité d’origine renouvelable mais les arrangements existants ne garantissent pas toujours l’additionalité de la production renouvelable dans une zone de marché donnée.</p>
<p>Cela pose une question de cohérence avec l’objectif global de décarbonation et risque aussi d’ouvrir la voie à des manipulations comptables visant spécifiquement les exportations vers l’Europe.</p>
<h2>Limiter l’usage des ressources minérales</h2>
<p>L’utilisation efficace des ressources minérales est l’autre impératif environnemental associé au développement des batteries mais il n’y a pas à ce jour d’indicateur suffisamment mature pour faire l’objet d’une traduction réglementaire, en complément de l’empreinte carbone.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1339672650881396736"}"></div></p>
<p>Cela doit être un <a href="https://theconversation.com/sobriete-a-quand-un-yuka-pour-comparer-les-materiaux-dans-nos-produits-151775">objectif de moyen-terme</a> et d’ici là, la réglementation doit exiger la transparence sur les deux principaux leviers d’une utilisation efficace des ressources, à savoir le taux d’incorporation de matériaux recyclés et la durée de vie des batteries.</p>
<h2>Contrôler efficacement le respect des normes</h2>
<p>Enfin, la clarté des règles de calcul devra aller de pair avec des moyens crédibles pour vérifier la fiabilité des déclarations. Le <em>dieselgate</em> a donné une illustration saisissante de la faiblesse structurelle de l’Europe en matière de suivi de l’application de ses normes. Le défi sera d’une tout autre ampleur lorsqu’il s’agira d’enquête sur les conditions de fabrication des produits, en Europe et hors d’Europe.</p>
<p>Le risque de fraude réduirait considérablement la portée du règlement, sans parler des dommages sur la confiance des consommateurs. Les solutions numériques de traçabilité sont une partie de la réponse, mais la vérification des déclarations restera de la responsabilité ultime des autorités nationales, qui doivent disposer de moyens suffisants pour conduire leurs missions.</p>
<h2>Fixer un calendrier ambitieux</h2>
<p>Ces défis ne doivent pas être un obstacle à l’adoption d’un calendrier ambitieux, au moins pour les obligations de transparence qui pourront aiguiller le choix des consommateurs et sur lesquelles pourra s’appuyer la commande publique de véhicules et en particulier de bus électriques.</p>
<p>Le meilleur gage de fiabilité des règles de mise en œuvre est d’associer étroitement l’industrie au processus de rédaction, or cette dernière doit voir l’urgence de mettre à disposition son expertise.</p>
<p>En ciblant un horizon proche, le législateur européen pourrait aussi convaincre les constructeurs automobiles d’anticiper l’adoption finale du règlement, en donnant dès maintenant une importance plus forte à la dimension environnementale dans la sélection de leurs fournisseurs.</p>
<p>Tous revoient à la hausse leurs plans de déploiement du VE pour faire face au boom de demande, il y a donc une fenêtre d’opportunité à ne pas manquer. L’importance du signal est déterminante car une offre de batteries vertes ne peut émerger du jour au lendemain : il faut au moins trois ans pour déployer une usine de fabrication de cellules à grande échelle, et souvent au moins 5 ans pour développer de nouvelles activités minières.</p>
<h2>Miser sur la mobilisation</h2>
<p>Espérons donc qu’émerge une forte mobilisation politique et citoyenne autour du règlement sur les batteries.</p>
<p>Ce texte fait d’ailleurs écho au chapitre 1<sup>er</sup> <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3875_projet-loi">(Informer, former, sensibiliser)</a> du projet de loi climat et résilience et devrait être une priorité de la présidence française de l’UE qui débute en janvier 2022.</p>
<p>Il en va de l’avenir de l’industrie européenne du véhicule électrique et c’est aussi l’occasion de démontrer la pertinence d’une politique industrielle verte, aisément réplicable ensuite pour d’autres produits et secteurs stratégiques.</p>
<hr>
<p><em>L’auteure vient de publier <a href="https://www.ifri.org/en/publications/etudes-de-lifri/green-batteries-competitive-advantage-europes-electric-vehicle-value">« Green Batteries : a Competitive Advantage for Europe’s Electric Vehicle Value Chain ? »</a>, Études de l’Ifri (avril 2021)</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161385/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Carole Mathieu est chercheure au Centre énergie et climat de l'Institut français des relations internationales (Ifri). </span></em></p>Dans la course à l’électromobilité, l’Europe a tout intérêt à miser sur la fabrication de batteries vertes et locales.Carole Mathieu, Chercheure en géopolitique de l'énergie, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1521852021-01-08T10:34:00Z2021-01-08T10:34:00ZVendée Globe : quand les femmes prennent la barre<p><a href="https://www.vendeeglobe.org/">Le Vendée Globe</a> est souvent décrit dans les médias comme étant la dernière épopée sportive du monde moderne. Une aventure sportive exceptionnelle où navigatrices et navigateurs réalisent pendant trois mois un tour du monde à la voile en solitaire, sans escale et sans assistance. Le milieu marin est dangereux et regorge d’imprévus. Lors de la traversée des océans du globe, les capacités d’adaptation, de débrouillardise, d’endurance ainsi que les compétences météorologiques et techniques des navigateur·trice·s sont mises à rude épreuve. Les accidents et les avaries y sont fréquents et exigent des navigateur·trice·s de conserver leur sang-froid, à faire preuve de courage, de méthode et d’ingéniosité. Cela conditionne leur réussite mais aussi leur prestige.</p>
<p>Le Vendée Globe est aussi une régate où la victoire constitue un réel accomplissement dans la carrière d’un marin. C’est une course à risque où les skippeur·euse·s naviguent héroïquement, au gré des intempéries et parfois au péril de leur vie, pour espérer boucler le plus rapidement possible un tour du monde.</p>
<p>Parmi ces marins, peu de femmes ont accompli cet exploit, laissant deviner une construction difficile de leur légitimité en tant que navigatrices de course au large.</p>
<h2>Les femmes et la navigation, une histoire récente</h2>
<p>Les femmes navigatrices ont longtemps été <a href="https://www.cairn.info/journal-travail-genre-et-societes-2016-2-page-79.htm">exclues</a> du monde de la navigation. C’est à partir des années 1970 que la course au large se féminise avec une réelle bascule lorsque <a href="https://www.sudouest.fr/2020/11/17/il-y-a-30-ans-florence-arthaud-remporte-la-4e-route-du-rhum-8086947-5022.php">Florence Arthaud</a> remporte la <a href="https://www.routedurhum.com/fr/page/histoire">route du Rhum</a> en 1990. « La petite fiancée de l’Atlantique » fait alors la une des médias comme le Parisien qui félicite la navigatrice : « Flo t’es un vrai mec ». Avec cette victoire, « la petite fiancée de l’Atlantique » se mue en un « vrai mec », laissant supposer que ce sont bien des capacités et des compétences masculines qui ont permis cet exploit.</p>
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<figcaption><span class="caption">Hommage à Florence Arthaud (Thalassa).</span></figcaption>
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<p>La navigation hauturière fait ainsi partie des « fiefs de la virilité » où se produisent, se renforcent des <a href="https://www.persee.fr/doc/genes_1155-3219_1996_num_23_1_1728_t1_0164_0000_1">valeurs masculines</a>. En effet, le danger du milieu marin, la dimension technique et mécanique de la discipline et le contexte compétitif font écho à des valeurs masculines ayant tendance à exclure les femmes. Les récents évènements de l’édition 2020 confirment la dangerosité de la course au large à l’image du <a href="https://www.francetvinfo.fr/sports/voile/vendee-globe/vendee-globe-le-sauvetage-epique-de-kevin-escoffier_4202601.html">sauvetage périlleux</a> de Kevin Escoffier par Jean Le Cam. De plus, les nombreuses avaries mobilisent quotidiennement les skipper.euse.s afin de poursuivre la course en sécurité. La course au large est donc un sport majoritairement pratiqué par les hommes, uniquement 13 participations de femmes sont comptabilisées depuis la première édition en 1989.</p>
<h2>Les navigatrices contre vents, marées et préjugés</h2>
<p>Cette année, le Vendée Globe 2020 connaît une participation record des femmes où <a href="https://www.vendee-tourisme.com/grands-evenements/vendee-globe-2020/les-femmes-lhonneur">six concurrentes</a> tentent de réaliser cet exploit. Ces navigatrices, au même titre que les navigateurs brillent par leurs compétences tout en poursuivant des objectifs compétitifs. Ces dernières prouvent leur légitimité dans le monde de la navigation en usant de leur compétences marines jugées comme étant masculines. La maîtrise de celles-ci conditionne la performance sportive et est une étape indispensable à la construction de la légitimité des femmes dans le sport de haut niveau.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les femmes à l’assaut du tour du monde à la voile (Franceinfo INA).</span></figcaption>
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<p>Toutefois, ces femmes performantes maîtrisant à la perfection des techniques sportives impliquant un usage du corps jugé masculin, attirent l’attention. Leur corps fait alors régulièrement l’objet d’une <a href="https://journals.openedition.org/clio/11114">injonction à la féminité</a> conduisant les sportives à gérer en permanence un équilibre antinomique, entre performance sportive et <a href="https://www.cairn.info/journal-societes-contemporaines-2004-3-page-69.htm">identification féminine</a>. Ce contrôle des corps des sportives s’exprime également dans la navigation hauturière et notamment dans la constitution des équipages.</p>
<p>Dans un équipage il existe une division sexuée des tâches. Les équipières ont tendance à occuper des postes en conformité avec les représentations sociales des corps féminins. À ce titre, lors des régates, le poste de numéro un est souvent occupé par des femmes. Ce poste nécessite d’être agile, rapide et souple lors des manœuvres et des changements de voile, des caractéristiques physiques associées aux corps féminins.</p>
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<figcaption><span class="caption">Séance entrainement pour Sam Davies et Paul Meilhat.</span></figcaption>
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<p>À contrario, les postes nécessitant de la force physique sont réservés aux équipiers. De plus, il est aussi plus laborieux pour les femmes d’accéder aux postes prestigieux et les skippeuses et barreuses d’équipage sont rares. De façon plus générale, il est très difficile pour une navigatrice d’entrer dans un équipage. Or, les courses en équipage sont nombreuses et essentielles pour que les navigateur.trice.s puissent vivre de leur sport et progresser.</p>
<p>Toutefois, les discours des navigateurs essentialisent les caractéristiques physiques et psychologiques <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0193723599234005">jugées féminines</a> et les femmes sont considérées comme étant plus fragiles et inadaptées aux conditions rudes de navigation. Dès lors, le supposé manque de force physique des corps féminins demeure un facteur d’exclusion des femmes des équipages professionnels. Dès lors, la navigation hauturière en solitaire apparaît comme un échappatoire.</p>
<h2>Naviguer en solitaire, une stratégie pour être légitime</h2>
<p>Ces obstacles conduisent les femmes à s’investir dans « des stratégies de contournement et de dépassement ». Les navigatrices ont donc deux options. À l’image de la <a href="https://voilesetvoiliers.ouest-france.fr/skipper/samantha-davies/sam-davies-aider-les-filles-a-naviguer-a-haut-niveau-b27a0a7d-4259-dd4b-8c6c-a5a8bc02753d">Volvo Ocean Race</a> de 2014-2015, certaines navigatrices intègrent des équipages uniquement composés de femmes. D’autres optent pour la course au large en solitaire. Dans ces configurations, les navigatrices investissent des postes auxquelles elles ont plus difficilement accès dans les équipages mixtes.</p>
<p>De surcroît, une femme qui s’engage dans une course au large en solitaire bénéficie d’avantages. En effet, le caractère jugé « exotique » de ces femmes leur confère un accès plus facile au sponsoring. La course au large et le Vendée Globe 2020 semblent prendre les formes d’un espace d’émancipation des navigatrices où ces dernières sont seules maîtresses à bord et endossent tous les rôles. En solitaire elles exposent leurs talents de navigatrices à travers la gestion de situations risquées, comme <a href="https://www.lequipe.fr/Voile/Actualites/Samantha-davies-actuelle-8e-du-vendee-globe-une-nuit-blanche-dans-le-pot-au-noir/1195780">Samantha Davis</a> lors de son passage au pot au noir. Mais aussi de bricoleuse, à l’image <a href="https://www.instagram.com/tv/CIHEVYOo_lD/">d’Isabelle Joschke</a> réparant son balcon arrière pour pouvoir à nouveau se déplacer sur le pont en sécurité. Et également de compétitrice acharnée comme <a href="https://www.vendeeglobe.org/fr/actualites/20888/clarisse-cremer-j-ai-l-impression-d-etre-arrivee-dans-le-grand-bain">Clarisse Crémer</a>, qui ne ménage pas ses efforts pour progresser chaque semaine dans le classement provisoire. Une démonstration de leurs compétences de marin qui rompt avec les représentations des corps féminins dans le milieu de la navigation.</p>
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<figcaption><span class="caption">Vendée Globe – Isabelle Joschke – Balcon arrière réparé !</span></figcaption>
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<p>De plus, la navigation hauturière marque leur corps. La fatigue, les embruns, le soleil mais aussi les <a href="https://www.letelegramme.fr/voile/vendee-globe/davies-je-me-suis-arretee-net-03-12-2020-12666707.php">blessures</a> et les <a href="https://www.instagram.com/p/CILRSyhgmvA/">travaux</a> <a href="https://www.vendeeglobe.org/fr/photos">techniques</a> sur leur bateau, laissent leurs traces sur la peau, la chair et les os des navigatrices. Isolées en mer, les compétences de marin nécessaires à la survie prennent indubitablement le dessus sur les injonctions sociales à la féminité des corps des sportives.</p>
<p>Toutefois, ces navigatrices semblent également soumises à la nécessité de faire leurs preuves. La navigation à voile demeurant un bastion de masculinité, échouer apparaît comme un danger. En effet, un naufrage pourrait être rapidement associé à leur identité de femme et ainsi renforcer les discours essentialisants sur les corps et les caractéristiques des navigatrices.</p>
<h2>Ces skippeuses qui inspirent les jeunes navigatrices</h2>
<p>Depuis les années 1990, les exploits des navigatrices ont marqué les esprits. Cependant, force est de constater que les valeurs masculines qui prédominent dans le monde de la navigation continuent d’impacter la pratique de la navigation à voile, notamment chez les plus <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02965204/document">jeunes</a>. En voile légère, ces représentations symboliques et hiérarchisées des postes de barreur et d’équipiers conduisent les garçons à prendre la barre, à endosser le rôle de capitaine et de « décidant » à bord.</p>
<p>Le poste de barreur devient alors un lieu d’expression d’une masculinité conquérante. La tête haute, la barre à la main, le regard orienté vers l’extérieur pour surveiller les bateaux concurrents. Les filles, quant à elles, anxieuses à l’idée de prendre la barre et les responsabilités qu’elle incombe, s’autoéliminent de ce poste. Elles ont alors tendance à se cantonner au rôle d’équipière, sous les ordres du barreur, elles sont davantage concentrées sur les éléments internes du bateau. Leur attention fixée sur une tâche simple et non décisionnaire (gestion de l’écoute de <a href="https://blog.cannesyachtingfestival.com/quest-ce-quun-foc-pour-voilier/">foc</a>)(Le foc est la petite voile à l’avant des embarcations de voile légère (dériveur, catamaran) qui nécessite d’être manœuvrée lors des virements de bord et des empannages.), elles se font les plus légères et petites possible pour ne pas perturber <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1012690219897549">l’équilibre du bateau</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1339813645472194563"}"></div></p>
<p>Cependant, cette hiérarchie entre les rôles de barreur et d’équipier, ayant tendance à perpétuer les inégalités sexuées, n’est pas immuable. En effet, certaines navigatrices sont capables de renverser les rapports de pouvoir entre barreur et équipier. En élevant la voix pour se faire entendre, en s’engageant physiquement lors des conditions de navigation intenses et en usant de leurs compétences tactiques et techniques, ces navigatrices occupent un <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1012690219897549">rôle décisionnaire</a> de première importance dans l’équipage, qu’elles soient équipières ou barreuses.</p>
<p>Il est probable que les exploits de Florence Arthaud, <a href="https://www.francetvinfo.fr/sports/voile/vendee-globe/video-ellen-macarthur-une-vie-devouee-a-locean_3042329.html">Ellen Mac Arthur</a> et <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/12/24/isabelle-autissier-j-ai-ignore-les-limites-de-genre_6023941_3246.html">Isabelle Autissier</a> ont probablement favoriser les stratégies d’affirmation des jeunes navigatrices dans les équipages. Toutefois, la tendance majoritaire reste encore l’autoélimination des filles des postes prestigieux de skipper.euse et de barreur.euse. Dès lors, il semble que les participations d’<a href="https://www.alexiasailingteam.com/">Alexia Barrier</a>, de Clarisse Crémer, Samantha Davis, Isabelle Joschke, <a href="https://www.piphare.com/">Pip Hare</a> et <a href="https://www.vendeeglobe.org/fr/skippers/104/miranda-merron">Miranda Merron</a> permettent d’aller à l’encontre de la domination masculine dans le monde nautique et inciteront davantage de navigatrices en herbe à prendre la barre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152185/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Schmitt ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Cette année, six femmes participent au Vendée Globe, un record. Revenons sur les préjugés et les problématiques que rencontrent les femmes navigatrices.Anne Schmitt, Maîtresse de conférences, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1467962020-09-28T18:20:32Z2020-09-28T18:20:32ZL’absence de zones franches portuaires, un handicap pour la compétitivité française<p>Les zones franches logistiques remontent à l’Antiquité, selon les auteurs et les définitions, elles ont été développées par les Phéniciens, les Grecs ou les Romains. Plus tard, nombre de villes françaises médiévales se sont développées grâce à des foires franches de droits et taxes ou grâce à un statut de ville franche, dont certaines communes ont gardé l’appellation éponyme. La plupart des ports français étaient alors francs. Pourtant les zones franches logistiques restent au mieux méconnues au pire honnies en France.</p>
<p>Ces zones souffrent d’abord d’une mauvaise réputation qui n’est pas tout à fait méritée. En effet, elles sont confondues avec des paradis fiscaux, car certains pays utilisent des entrepôts francs pour stocker à peu de frais et de manière opaque des marchandises. Ainsi, on retrouve régulièrement des articles sur les œuvres d’art volées qui sont stockées <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-les-ports-francs-symptomes-des-faiblesses-de-lue-dans-la-lutte-contre-levasion-fiscale-1031693">au port franc du Luxembourg</a>, l’argent de la drogue dissimulé dans le <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-des-sciences-sociales-2001-3-page-457.htm">port franc de Macao</a> voire le trésor des nazis dissimulé dans le <a href="https://www.letemps.ch/suisse/perquisition-aux-ports-francs-genevois">port franc de Genève</a>.</p>
<p>Pourtant, lorsqu’on parle avec des logisticiens, les zones franches portuaires évoquent pour eux l’excellence de la gestion des chaînes logistiques internationales. La <a href="https://www.uaefreezones.com/fz_dubai_flower_center.html">zone franche de Jebel Ali à Dubaï</a> importe des fleurs du Kenya pour les reconditionner et les exporter toujours fraîches à Amsterdam. La zone franche portuaire de <a href="http://www.mauport.com/seafood">Port Louis à l’île Maurice</a> alimente les marchés aux poissons européens dans le respect le plus strict des normes de chaîne du froid. La zone franche du port de Jacksonville en Floride accueille <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/saft-complete-son-usine-de-batteries-lithium-ion-de-jacksonville-en-floride.N295920">l’industriel français SAFT</a> qui y conditionne des piles au lithium pour <a href="https://www.saftbatteries.com/fr/m%C3%A9dias-et-ressources/communiqu%C3%A9s-de-presse/saft-america-le-pr%C3%A9sident-obama-visite-le-site-de/">l’industrie aérospatiale</a>.</p>
<h2>Des zones logistiques d’excellence</h2>
<p>En fait, une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/12507970.2019.1645625?journalCode=tlam20">zone franche portuaire</a>, c’est une zone logistique, accolée à un port, souvent port maritime, parfois aéroport, et de plus en plus souvent port fluvial et port sec. Cette zone logistique bénéficie d’une extra-territorialité douanière, ce qui signifie que les produits qui y sont entreposés ne sont pas sujets à des droits de douane tant qu’ils n’entrent pas définitivement sur le marché. Ils peuvent ainsi être transformés et réexpédier sans que l’industriel ne paie de droits de douane ou bien ne payer ces droits que lorsque les produits sont vendus sur le territoire.</p>
<p>Contrairement aux entrepôts sous douane, les zones franches permettent, au sein de <a href="https://www.dalloz.fr/documentation/Document?id=CODE_CDUN_ARTI_243&scrll=CDUN002167&FromId=CODES_SECS_DOUA&ed=enseignants">l’Union européenne</a>, de stocker les produits sans limites de temps. C’est un avantage important en matière d’attractivité pour certaines industries et en matière de trésorerie pour les entreprises.</p>
<p>Au-delà de l’aspect douanier, les zones franches peuvent aussi faire bénéficier à leurs opérateurs d’avantages fiscaux. Ces avantages fiscaux ne sont pas obligatoires dans la conception d’une zone franche, mais c’est souvent un argument invoqué contre la création de ces zones. Pourtant dans d’autres secteurs d’activité, de nombreuses industries bénéficient en France d’avantages fiscaux.</p>
<p>Pour ne prendre que deux exemples bien distincts, c’est le cas du <a href="https://www.lesinrocks.com/2010/10/09/cinema/actualite-cinema/avantages-fiscaux-sur-les-tournages-hollywood-redecouvre-la-france/">cinéma d’animation à la française</a> qui fait le bonheur d’Hollywood comme du <a href="https://www.entreprises.gouv.fr/fr/actualites/presentation-du-plan-de-soutien-l-automobile">secteur automobile</a> qui souffre à chaque crise. La logistique, secteur qu’on a redécouvert avec la crise du Covid-19 pourrait également en bénéficier, tant c’est un <a href="https://www.linkedin.com/posts/jean-philippe-guillaume-26627217_la-logistique-recrute-a-d%C3%A9pass%C3%A9-les-180000-activity-6708702959850659840-AMbW">secteur stratégique</a>.</p>
<h2>Menace britannique</h2>
<p>D’ailleurs, en Europe, quasiment tous les pays possèdent des zones franches logistiques avec des avantages fiscaux. Seuls l’Albanie, la Suède, la France et la Belgique n’en ont pas. La plupart des grands ports ont une zone franche qui leur est accolée.</p>
<p>En outre, le <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/brexit-le-royaume-uni-veut-creer-une-dizaine-de-ports-francs-1170795">Royaume-Uni se prépare à créer dix ports francs</a> à la suite du Brexit. L’objectif est pour les Anglais d’attirer des flux qui normalement iraient en Europe et d’y effectuer des transformations à valeur ajoutée proche du marché. Ces ports francs sont une menace pour les ports européens et surtout les ports français.</p>
<p>La réponse à cette menace n’est pour autant pas la copie. En effet, le positionnement du Royaume-Uni, à cheval entre le Commonwealth, l’Amérique du Nord et l’Europe, lui confère un avantage que la France n’a pas. Londres cherche à travers ces ports francs à se positionner comme hub, à la manière de Dubaï, Hongkong, Tanger-Med ou Singapour. Une sorte d’eldorado logistique et industriel aux portes du marché européen.</p>
<p>La France, au contraire, doit être une porte de l’Europe qui propose des services à très forte valeur ajoutée, car une simple logistique à bas coût ne suffit pas à être compétitif en Méditerranée occidentale ou sur la Rangée Nord, espace maritime entre Le Havre et Hambourg. Pourtant la menace est là.</p>
<h2>Silicon Valley logistique</h2>
<p>La solution qui serait envisageable, c’est celle qui fût déjà adoptée au Moyen-âge par la France : innover en matière de zones franches ; appliquer une <a href="https://youtu.be/P4wvggjPOdo">stratégie « océan bleu »</a>, c’est-à-dire éviter d’affronter ses concurrents sur leur terrain, mais plutôt créer un espace à forte croissance et forte valeur ajoutée en créant une nouvelle demande dans un espace stratégique non contesté.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/P4wvggjPOdo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Comprendre la stratégie Océan bleu (Xerfi canal, 2016).</span></figcaption>
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<p>L’avenir de la logistique s’inscrit sur trois piliers : les réseaux, l’excellence opérationnelle et le développement durable. Si les ports français veulent éviter d’être relégués au statut de ports secondaires de la mondialisation, ils doivent s’inscrire dans cette dynamique. Les zones franches logistiques en tant que projets disruptifs du paysage maritime et portuaire actuel sont une opportunité de construire l’avenir maritime et portuaire français. C’est d’ailleurs ce que préfigure le conseil national de la mer et des littoraux dans son <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-mer-et-littoral">orientation stratégique</a> de juillet dernier.</p>
<p>Les zones franches portuaires françaises du XXIe siècle doivent donc s’inscrire dans un réseau de zones franches logistiques. Il faut créer des partenariats avec les zones franches qui comptent sur les routes maritimes visées par les ports hôtes français. L’objectif est de faciliter le transit. D’offrir une sorte de corridor aux opérateurs de transport international et ainsi réduire les frictions administratives au maximum. Il faut également des liens entre les zones en France, comme c’est le cas à Tanger par exemple.</p>
<p>Ensuite, il faut que les zones franches portuaires françaises soient des zones d’excellence de la logistique mondiale, des Silicon Valley de la logistique.</p>
<p>Ceci comprend tous les services liés à l’optimisation des flux : physiques (entrepôts du futur, usines flexibles, industrie 4.0), organisationnels (fluidité, dématérialisation, guichet unique, sécurité, contrôles), informatiques (blockchain, traçabilité, cybersécurité, production de data, hackathons), ressources humaines (attirer les meilleurs managers et les meilleurs opérateurs, former l’élite logistique, avoir une R&D à la pointe, partager les savoir-faire) et financiers (soutiens des projets innovants).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/359840/original/file-20200924-18-1q1l9qp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/359840/original/file-20200924-18-1q1l9qp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/359840/original/file-20200924-18-1q1l9qp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/359840/original/file-20200924-18-1q1l9qp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/359840/original/file-20200924-18-1q1l9qp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=478&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/359840/original/file-20200924-18-1q1l9qp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=478&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/359840/original/file-20200924-18-1q1l9qp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=478&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Zone franche de Port Louis à l’île Maurice, située derrière le port.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur</span></span>
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<p>Enfin, il faut créer des zones durables. Pour attirer les investissements et les forces vives, il faut proposer un modèle durable. Non seulement économiquement sain, mais écologiquement positif et socialement équitable. La France logistique compte parmi les leaders en matière de Responsabilité sociétale des entreprises (RSE), avec entre autres son référentiel RSE dédié au secteur.</p>
<p>En outre, la recherche sur ces aspects est très développée en France et les liens entre secteur portuaire et recherche peuvent être plus resserrés. Il faut décliner et activer ces forces vives dans le secteur logistico-portuaire. Si la zone franche portuaire est un vecteur, pourquoi s’en priver ?</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été rédigé avec <a href="https://www.linkedin.com/in/rudyberto/">Rudy Berto</a> qui a fait son mémoire sur le sujet.</em></p>
<p><em>Cette contribution est tirée de l’article de recherche « <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/12507970.2019.1645625?journalCode=tlam20">L’opportunité des ports francs en France</a> » publié dans le journal « Logistique & Management » en août 2019</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146796/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandre Lavissière est membre du Think Tank Region Normandie initié par Hervé Morin pour le développement de la région.</span></em></p>Les logisticiens estiment que ces zones, malgré leur mauvaise réputation, constituent un maillon essentiel des chaînes logistiques internationales.Alexandre Lavissière, Professeur de Logistique, CESIT - Centre d'Excellence Supply Chain - KEDGE, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1429162020-07-21T17:46:31Z2020-07-21T17:46:31ZL’investissement privé, un levier capital de la reprise industrielle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/348100/original/file-20200717-27-5277fn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C5120%2C2866&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Seulement 15&nbsp;% des entreprises manufacturières ont un investissement immatériel non nul chaque année et près de 40&nbsp;% de cet investissement est réalisé par les grandes entreprises.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://image.shutterstock.com/image-photo/factory-female-mechanical-engineer-designs-600w-1335833930.jpg">Gorodenkoff / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>En avril, la production industrielle <a href="https://www.franceindustrie.org/tableau-de-bord-mensuel/">a chuté d’un tiers</a> par rapport à son niveau d’avant-crise, une baisse historique qui a marqué durablement l’activité économique de notre pays.</p>
<p>La reprise se confirme au fur et à mesure du reflux de l’épidémie mais pour certains secteurs, plus touchés que d’autres comme les industries automobile et aéronautique, il paraît pour l’instant compliqué de prédire quand aura lieu le retour à la normale.</p>
<p>Une <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/conjoncture/coronavirus-pres-dun-demi-million-demplois-industriels-menaces-dici-2022-1218639">étude</a> récente du cabinet PwC pour l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) estime même que la part des entreprises ayant un excédent brut d’exploitation négatif, c’est-à-dire dont le chiffre d’affaires n’a pas suffi à couvrir les charges liées à sa réalisation, pourrait doubler en 2021.</p>
<p>Cette situation entraîne le report voire l’annulation de nombreux projets d’investissement, qui sont pourtant des leviers nécessaires à l’activité de demain.</p>
<p>L’industrie française doit au contraire pouvoir préparer son avenir.</p>
<h2>Un effort plus limité qu’il n’y paraît</h2>
<p>Selon les comptes nationaux, les industriels français investissent plus que leurs partenaires européens, cet écart en faveur de la France étant particulièrement élevé dans les logiciels et bases de données : le secteur manufacturier français investirait 6,3 % de sa valeur ajoutée dans les logiciels et bases de données contre 1 % en Allemagne en 2017.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/348095/original/file-20200717-37-1e4yn8a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/348095/original/file-20200717-37-1e4yn8a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/348095/original/file-20200717-37-1e4yn8a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/348095/original/file-20200717-37-1e4yn8a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/348095/original/file-20200717-37-1e4yn8a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/348095/original/file-20200717-37-1e4yn8a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/348095/original/file-20200717-37-1e4yn8a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/348095/original/file-20200717-37-1e4yn8a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Analyse de l’investissement de l’industrie française. La Fabrique de l’industrie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.la-fabrique.fr/fr/publication/a-la-recherche-de-limmateriel-comprendre-linvestissement-de-lindustrie-francaise-2/">données EU KLEMS</a></span>
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<p>De quoi préparer sa compétitivité de demain et prendre une revanche sur des décennies douloureuses ? En apparence seulement…</p>
<p>Ce surplus d’investissement en logiciels est en réalité moins important. En effet, comme le révèle notre dernière <a href="https://www.la-fabrique.fr/wp-content/uploads/2019/11/LFI_Note-31-web.pdf">note</a> réalisée en partenariat avec l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), cet écart est dû en grande partie à un traitement comptable différent des dépenses en logiciels dans la comptabilité nationale française.</p>
<p>Elles y sont plus souvent immobilisées, c’est-à-dire inscrites comme étant utilisées de façon durable dans le processus de fabrication, alors qu’elles sont plus souvent identifiées comme des consommations intermédiaires dans les autres pays.</p>
<p>Si on met de côté cette différence de pratiques, les dépenses en logiciels et services informatiques des industriels français seraient à peine plus élevées que celles de leurs voisins, soit un surplus de l’ordre de 2 milliards d’euros par an.</p>
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<figcaption><span class="caption">Comprendre l’investissement des entreprises françaises.</span></figcaption>
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<p>Comment les industriels français se préparent-ils donc à la transition numérique et écologique ? L’analyse de l’investissement au niveau micro des entreprises permet d’en savoir plus.</p>
<h2>Investir pour accélérer la transition écologique</h2>
<p>L’investissement immatériel (logiciels, bases de données, recherche et développement) est, en France comme ailleurs, concentré au sein des grandes entreprises et dans quelques secteurs.</p>
<p>Selon nos estimations, seulement 15 % des entreprises manufacturières ont un investissement immatériel non nul chaque année et près de 40 % de cet investissement est réalisé par les grandes entreprises.</p>
<p>Cela traduit un moindre investissement de la part des entreprises de plus petite taille, qui ont pourtant un rôle essentiel à jouer dans l’offre de solutions innovantes pour répondre aux enjeux de demain, et notamment dans le domaine de la transition bas carbone.</p>
<p>Ajoutons que le secteur manufacturier français souffre depuis plusieurs années d’un sous-investissement dans les machines et équipements : en effet, le taux d’investissement en machines et équipements était de 7,6 % en France en 2017, contre 8,4 % en Allemagne, selon nos calculs réalisés à partir des <a href="https://euklems.eu/download/">données 2019</a> du projet de recherche EU KLEMS.</p>
<p>Or, l’acquisition de nouvelles machines plus performantes, émettant moins de dioxyde de carbone (CO<sub>2</sub>) par unité produite, est un moyen pour les industriels de réduire leur empreinte carbone.</p>
<p>Pour accélérer la transition écologique, des investissements importants doivent être réalisés en ce moment précis où les industriels manquent de marges et doivent gérer l’impact de la crise sur leur trésorerie. Le soutien à l’investissement – autant dans les actifs matériels que dans la numérisation de l’appareil productif – pourrait ainsi faire l’objet des mesures de relance à venir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/142916/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Caroline Mini travaille pour le Think Tank La Fabrique de l'industrie. </span></em></p>Les chefs d’entreprise français revoient à la baisse des projets pourtant indispensables à la transition numérique et énergétique, au risque de perdre encore plus en compétitivité.Caroline Mini, Chercheur associé à l'Ecole des Mines parisTech et chef de projet à La Fabrique de l'industrie, Mines ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1261332019-11-17T20:40:36Z2019-11-17T20:40:36ZLes fonds souverains ne sont pas qu’une question de prestige international<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/299511/original/file-20191030-17924-18s70ik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C0%2C1075%2C656&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">On dénombre aujourd'hui 78 fonds souverains dans le monde.</span> <span class="attribution"><span class="source">Florian Wehde/Unsplash</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Il y aurait aujourd’hui environ 78 fonds souverains – des fonds de placements financiers détenus par des États –, représentant pas moins de 7,4 trillions de dollars (soit l’équivalent de près de 10 % de la capitalisation boursière mondiale). Quelles sont les raisons d’un tel engouement, qui a été particulièrement marqué dans les années 2000 ? Dans un <a href="https://hal-amu.archives-ouvertes.fr/hal-01897050/document">article de recherche</a>, nous avons étudié 43 fonds, établis par 37 États sur la période 2005-2014 pour le savoir.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/299454/original/file-20191030-17878-1hh9mit.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/299454/original/file-20191030-17878-1hh9mit.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/299454/original/file-20191030-17878-1hh9mit.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/299454/original/file-20191030-17878-1hh9mit.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/299454/original/file-20191030-17878-1hh9mit.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/299454/original/file-20191030-17878-1hh9mit.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/299454/original/file-20191030-17878-1hh9mit.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/299454/original/file-20191030-17878-1hh9mit.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Répartition des fonds souverains par années d’établissement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs.</span></span>
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<h2>Une volonté politique ?</h2>
<p>Le sujet a fait naître de nombreuses polémiques. Les plus sceptiques dénoncent la perte d’indépendance nationale et les immiscions étrangères, y voyant non seulement l’intérêt économique mais aussi les enjeux politiques et symboliques. Il en est ainsi des rachats multiples orchestré par le Qatar en France. De la même façon, beaucoup ont fustigé la mainmise progressive des sociétés européennes par les fonds souverains du Moyen-Orient.</p>
<p>Le fonds est une entité à lui seul géré indépendamment de la banque centrale. Il peut s’agir d’actions, d’obligations ou encore de titres immobiliers détenus par un État, dont l’objectif est de gérer l’épargne nationale en l’investissant dans le pays ou à l’étranger. C’est donc une institution d’État qui décide d’établir ses investissements à l’étranger, ce qui explique les craintes qu’il génère.</p>
<p>Mais au-delà du poids symbolique, d’autres facteurs, liés aux caractéristiques des pays émetteurs influencent leur création. Pour les déterminer, nous avons comparé les 37 États qui ont créé un fonds entre 2004 et 2015 à 53 pays sélectionnés aléatoirement parmi ceux qui n’en ont pas créé.</p>
<h2>Ressources abondantes et réserves excédantes</h2>
<p>D’après les auteurs, l’excès de réserves étrangères est une des causes principales à la création de ces fonds. Il permet d’éviter la mauvaise gestion de cette nouvelle manne d’argent en privilégiant les retours sur investissement de long terme et moins risqués.</p>
<p>L’excès de réserves étrangères est un phénomène observé dans les pays qui ont d’abondantes réserves naturelles ou un excédent commercial. Dans l’échantillon étudié, 60 % des fonds sont créés à la suite de l’augmentation du prix des matières premières.</p>
<p>Baser ses recettes sur l’abondance de ces ressources naturelles n’est pas une solution pérenne. Les revers, tels que l’épuisement des ressources ou la volatilité des prix déstabilisent l’économie. Pour minimiser l’impact négatif, le fonds souverain permet de conserver les excès de réserves et de faire face aux possibles coups durs futurs. C’est ce qu’a fait le Mexique en créant le Fonds de stabilisation et de développement du pétrole mexicain en 2014.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/299512/original/file-20191030-17873-b1x77m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/299512/original/file-20191030-17873-b1x77m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/299512/original/file-20191030-17873-b1x77m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/299512/original/file-20191030-17873-b1x77m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/299512/original/file-20191030-17873-b1x77m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/299512/original/file-20191030-17873-b1x77m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/299512/original/file-20191030-17873-b1x77m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">60 % des fonds sont créés à la suite de l’augmentation du prix des matières premières.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Roman Kraft/Unsplash</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>C’est aussi un remède contre les dangers de la « maladie hollandaise », encore appelée « malédiction des ressources naturelles ». L’accroissement des recettes d’exportation issues de l’augmentation de la rente des ressources naturelles entraîne l’appréciation de la devise, ce qui finit par nuire à la compétitivité-prix des exportations du pays et à scléroser toute l’économie du pays. La mise en place d’un fonds souverain pourrait être une solution pour réduire ces effets néfastes en réinvestissant les recettes issues de la rente des ressources naturelles à l’étranger et non dans le pays.</p>
<h2>Corruption et fonds souverains font bon ménage</h2>
<p>Parmi les 37 pays qui ont créé un fonds souverain, 77 % présentent un niveau élevé de corruption, contre seulement 2 % parmi ceux qui n’en ont pas. Curieusement, la mauvaise gouvernance pousse certains gouvernements à créer un fonds d’État par lequel l’argent échappe aux réseaux mafieux ou corrompus. C’est un moyen efficace de vérifier la traçabilité des profits tirés des ressources naturelles et d’éviter qu’ils nourrissent l’économie souterraine.</p>
<p>Dans une <a href="https://www.imf.org/en/Publications/WP/Issues/2016/12/30/Addressing-the-Natural-Resource-Curse-An-Illustration-From-Nigeria-16582">étude</a> de 2003, les chercheurs Arvind Subramanian et Xavier Sala-i-Martin montrent que le Nigeria a souffert d’une mauvaise gouvernance et du gaspillage des rentes, entraînant ainsi une faible croissance sur le long terme. Une des solutions trouvées par le gouvernement a été la création d’un fonds souverain en 2012. Un bon nombre de gouvernements autoritaires ont suivi cet exemple.</p>
<p>Beaucoup sont des « fonds de développement » dont l’objectif diffère de ceux de « stabilisation » vu précédemment. Ils utilisent les rentes pour développer les infrastructures nationales tout en évitant la corruption qui gangrène les institutions en place. Le fonds d’investissement du Nigeria a ainsi pour objectif de faire profiter aux générations futures de Nigérians les rentes de pétrole obtenues.</p>
<h2>Une carte inégale</h2>
<p>Si les fonds souverains proviennent majoritairement de pays émergents, ils se destinent pour la plupart vers les pays développés. Dans un <a href="https://ideas.repec.org/a/eee/ecmode/v80y2019icp34-48.html">autre article</a> scientifique, nous avons montré que 26,6 % d’entre eux se destinaient à l’Europe de l’Ouest tandis que 18,2 % étaient orientés vers les États-Unis sur la période 2000-2015.</p>
<p>Ce choix est guidé par des raisons multiples. Selon certaines recherches, une forme de « biais de l’habitat » explique que l’État investit vers des pays voisins ou qui partagent la même culture ou religion. Or, pour les auteurs, d’autres raisons président et expliquent cette géographie inégale.</p>
<p>Les fonds visent la stabilité et, comme il s’agit de l’épargne du pays, il faut prendre le moins de risques possible. Ils privilégient donc des pays où la bonne gouvernance assure la stabilité économique. Pour le montrer, les auteurs étudient la distance séparant les pays émetteurs de fonds de ceux auxquels ils le destinent à travers plusieurs indicateurs (géographie, corruption, inflation, stabilité gouvernementale ou encore religion). Les États ont tendance à investir dans des contextes différents des leurs puisque la majeure partie des pays ont une faible gouvernance ou un faible niveau de démocratie.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/299515/original/file-20191030-17930-1ohvc0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/299515/original/file-20191030-17930-1ohvc0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/299515/original/file-20191030-17930-1ohvc0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/299515/original/file-20191030-17930-1ohvc0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/299515/original/file-20191030-17930-1ohvc0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/299515/original/file-20191030-17930-1ohvc0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/299515/original/file-20191030-17930-1ohvc0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/299515/original/file-20191030-17930-1ohvc0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Depuis le début des années 2000, les investissements des fonds souverains se destinent pour environ 26 % vers l’Europe de l’Ouest et 18 % vers les États-Unis.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Van Veen Jf/Unsplash</span></span>
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<h2>Des montants plutôt risqués ?</h2>
<p>De façon surprenante, ce n’est plus la bonne gouvernance qui fait fluctuer le montant investi. Il augmente selon le degré d’ouverture financière du pays, peu importe qu’il s’agisse d’une démocratie ou non. Nous avons pu déceler cette différence en étudiant séparément les décisions d’investissement liées au montant et à la destination.</p>
<p>À propos du montant alloué, choisi de façon opportuniste et risqué, le comportement des investisseurs va parfois à l’encontre de l’objectif de stabilité du fond souverain. Cette attitude relève principalement des pays du Moyen-Orient, qui influencent ainsi le résultat obtenu. Leur prise de participation est plus active et davantage opportuniste.</p>
<h2>Restrictions et garde-fous</h2>
<p>Les fonds souverains sont souvent accusés d’incursions politiques. C’est d’autant plus le cas que la majeure partie sont émis du Moyen-Orient ou d’États autoritaires et se dirigent vers les pays occidentaux. Cette asymétrie a tendance à produire un effet de loupe qui ferait oublier les déterminants sous-jacents à l’existence des fonds souverains.</p>
<p>Si les prises de participations majoritaires et les rachats d’actions font peur, parce qu’ils ont de fortes significations symboliques et politiques, les États disposent de garde-fous. Chaque pays établit ses propres limites à l’aide de restrictions légales sur les investissements directs à l’étranger (dont les fonds souverains font partie). Même si la France est apparue dans le <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/investissements-etrangers-la-france-dans-le-top-5-des-pays-les-plus-attractifs-du-monde-816878.html">top 5</a> des pays les plus attractifs de la planète, elle a récemment renforcé son contrôle sur certains secteurs stratégiques. La sécurité publique, l’énergie, l’eau, les transports ou encore la défense faisaient déjà l’objet d’un contrôle plus étroit, puisque soumis à autorisation préalable du ministère de l’Économie. En janvier 2019 sont venues s’ajouter, notamment, les opérations spatiales, la cybersécurité, l’intelligence artificielle, etc.</p>
<p>De par leur nouveauté et leur multiplication, les fonds souverains suscitent curiosité et défiance. Plus qu’un phénomène de mode, ils révèlent aussi la nécessité de multiplier les actifs sûrs pour les pays à faible gouvernance.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/256813/original/file-20190201-127151-1h8ld7q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/256813/original/file-20190201-127151-1h8ld7q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=283&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/256813/original/file-20190201-127151-1h8ld7q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=283&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/256813/original/file-20190201-127151-1h8ld7q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=283&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/256813/original/file-20190201-127151-1h8ld7q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/256813/original/file-20190201-127151-1h8ld7q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/256813/original/file-20190201-127151-1h8ld7q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article a été rédigé par Claire Lapique en collaboration avec Christelle Lecourt, et publié dans la revue <a href="https://www.amse-aixmarseille.fr/fr/dialogeco">« Dialogues économiques »</a> de l’AMSE, l’école d’économie d’Aix-Marseille, en partenariat avec The Conversation France.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/126133/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christelle Lecourt ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Stabilité, lutte contre la corruption… au-delà des enjeux d’influence, de multiples raisons poussent les États à créer des institutions pour piloter leurs investissements à l’étranger.Christelle Lecourt, Professeur de finance, IMéRALicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1239012019-09-22T17:57:30Z2019-09-22T17:57:30ZRecherche en Île-de-France : le défi de la visibilité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/293356/original/file-20190920-50928-kw6x6x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1695%2C0%2C7855%2C4132&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">On compte plus de 100 000 chercheurs et 30 000 doctorants en Île-de-France.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-vector/science-lab-laboratory-assistants-work-scientific-1192323886?src=I6e-J1QGdFwKotnx1TwZLw-1-15">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>En matière d’enseignement supérieur et de recherche, l’Île-de-France se présente comme un territoire de superlatifs et de records. S’y concentrent 150 000 personnels de recherche dont <a href="https://www.iledefrance.fr/recherche">plus de 100 000 chercheurs</a>, ce qui la positionne en tête du peloton des régions européennes.</p>
<p>Cette place de choix, elle la tient aussi pour la publication de brevets, tandis qu’elle se classe au troisième rang mondial pour la production scientifique. La relève y est assurée par plus de 30 000 doctorants, soit environ 40 % des effectifs de l’Hexagone, et environ 20 milliards sont investis chaque année en recherche et développement.</p>
<p>Bref, on peut assurer, sans vantardise aucune, qu’il s’agit d’un territoire hors normes. Toutefois, cette place est-elle correctement perçue par ses acteurs comme ses concurrents ? Si le potentiel est là, la <a href="http://www.fnau.org/fr/publication/recherche-et-innovation-lile-de-france-en-quete-de-reconnaissance-mondiale/">reconnaissance</a> n’est-elle pas encore en gestation ? Quand on parle d’innovation surgissent les noms de métropoles comme Shanghai, Pékin, Londres ou encore la <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/etats-unis-espaces-de-la-puissance-espaces-en-crises/articles-scientifiques/silicon-valley-territoire-productif-innovation">Silicon Valley</a>. Envisage-t-on l’Île-de-France sous le même angle ?</p>
<h2>Densité de l’innovation</h2>
<p>Derrière cette salve de chiffres se cache en fait un écosystème à la fois très dense et très complexe, qui brouille la <a href="https://www.iledefrance.fr/politique-educative-le-nouveau-schema-regional-de-lenseignement-superieur-et-de-linnovation-adopte">lisibilité</a> du territoire. Entre universités, écoles, organismes, équipes de recherche, <a href="http://www.fcuni.com/archives/2017/06/26/35418942.html">RTRA</a>, <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid138927/annonce-des-103-laboratoires-d-excellence-labex-prolonges-pour-une-duree-de-5-ans.html">LAbex</a>, <a href="https://anr.fr/fr/investissements-davenir/les-investissements-davenir/">Equipex</a>, <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid56375/les-instituts-de-recherche-technologique-i.r.t.html">IRT</a>, <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid77131/institut-pour-la-transition-energetique-i.t.e.-signature-du-nouveau-projet-vedecom.html">ITE</a>, <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid67054/www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid67054/les-satt-societes-d-acceleration-du-transfert-de-technologies.html">SATT</a>, instituts Carnot, pôles de compétitivité et R&D d’entreprises, les intitulés et acronymes foisonnent, les organisations se multiplient. En 2017, on ne dénombrait pas moins de 1281 structures publiques de recherche (chiffres <a href="https://www.eiseverywhere.com/ehome/iau2017/484502/">IAU 2017</a>).</p>
<p>Tout cela concourt bien entendu à la considérable activité de la région et à son positionnement international, mais soulève des questions d’identité et de stratégie. Qu’entend-on vraiment par Île-de-France sur le plan géographique ? Quels sont ses domaines phares ? Qui sont les acteurs qui les portent ?</p>
<p>D’abord, il faut voir que la région est un territoire, composé lui-même de plusieurs territoires. Une double échelle importante à considérer. Car même les systèmes de recherche et développement, même les clusters internationaux les plus prestigieux, ont besoin de s’incarner géographiquement.</p>
<p>L’Île-de-France est une terre d’innovation qui a besoin plus que jamais de se révéler à travers des clusters bien identifiés autour d’une marque et d’une dynamique, comme sur le terrain. Ainsi, la région cherche de plus en plus à « donner à voir » la richesse et l’impact qu’elle représente autour de campus explicites qui se repèrent « de loin ».</p>
<p>« De loin » signifie tout autant depuis l’Europe, de l’Asie, de l’Amérique, que depuis les entreprises implantées en région, ou encore du point de vue des contribuables. Cela aussi est important, et ce notamment à l’heure où se prépare une grande <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid138611/vers-une-loi-de-programmation-pluriannuelle-de-la-recherche.html">loi de programmation pluri-annuelle</a> de la recherche. Car le sentiment d’éloignement n’est pas fonction de la distance géographique à l’objet en question. Un manque de lisibilité freine l’accessibilité.</p>
<h2>Nouvelles marques</h2>
<p>On voit bien la limite de l’exercice qui consisterait à énumérer les 1 281 structures de recherche (et rien que pour le public) dès lors que votre interlocuteur vous demanderait qui sont les acteurs qui font la recherche et l’innovation de Île-de-France.</p>
<p>C’est la raison pour laquelle de nouvelles universités de dimension internationale émergent, porteuses de toute leur dynamique locale <a href="http://www.sorbonne-universite.fr/">Sorbonne Université</a> (issue de la fusion d’établissements en 2018) et Grands Établissements dits « expérimentaux » lancés en 2019 – Université de Paris, Institut Polytechnique de Paris, Université PSL, Université Paris-Saclay, Université Gustave Eiffel, CY Cergy Paris Université.</p>
<p>Les territoires s’organisent ainsi autour de nouvelles marques universitaires et de campus forts. Les acteurs, y compris publics et privés, se regroupent pour constituer l’équation gagnante : formation + recherche + innovation + territoire (ou campus) = marque universitaire forte, fédératrice, lisible et donc visible.</p>
<p>Fédérer tous ces outils mentionnés plus haut et incarner cela dans des territoires, voilà l’enjeu des grandes évolutions en cours. Ce mouvement structure petit à petit la région, pour en faire émerger une carte plus lisible de l’innovation, et ainsi gagner en impact au niveau mondial. La guerre des talents et des financements se joue là. Au-delà de la lisibilité de l’Île-de-France, c’est sa compétitivité qui est en jeu.</p>
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<p><em>La Région Ile-de-France finance des projets de recherche relevant de Domaines d’intérêt majeur et s’engage à travers le dispositif Paris Région Phd pour le développement du doctorat et de la formation par la recherche en cofinançant 100 contrats doctoraux d’ici 2022. Pour en savoir plus, visitez <a href="https://www.iledefrance.fr/des-aides-la-recherche-pour-13-domaines-dinteret-majeur">iledefrance.fr/education-recherche</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/123901/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Germinet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quand on parle d’innovation surgissent les noms de métropoles comme Shanghai, Pékin, Londres ou encore la Silicon Valley. Quid de l’Île-de-France ?François Germinet, Président de l'Université Cergy-Pontoise, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1208722019-08-21T20:05:49Z2019-08-21T20:05:49ZConcilier taxe carbone et compétitivité européenne, c’est possible ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/285567/original/file-20190724-110162-cipdsz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=75%2C81%2C3655%2C2409&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les dépenses énergétiques ne représentent qu’une proportion faible des coûts de production de l’industrie.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/success?u=http%3A%2F%2Fdownload.shutterstock.com%2Fgatekeeper%2FW3siZSI6MTU2NDAwNTk2MywiYyI6Il9waG90b19zZXNzaW9uX2lkIiwiZGMiOiJpZGxfNTExNzYyMzkiLCJrIjoicGhvdG8vNTExNzYyMzkvaHVnZS5qcGciLCJtIjoxLCJkIjoic2h1dHRlcnN0b2NrLW1lZGlhIn0sImNMcTY3UGVpRFVrdURxUTRaSjZMT2YzcFdWTSJd%2Fshutterstock_51176239.jpg&pi=33421636&m=51176239&src=Jb22s0U4bvCFujNyUWwEYw-2-96">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Depuis une vingtaine d’années, la compétitivité européenne se dégrade, notamment du fait de coûts de production qui augmentent davantage que chez les autres grandes puissances mondiales. Rester compétitif devient un enjeu crucial pour préserver l’emploi et l’activité au sein de l’industrie européenne</p>
<p>Dans ce contexte, la taxe carbone, instrument économique de lutte contre les émissions de CO₂, n’a pas réussi à voir le jour au niveau européen, en dépit de plusieurs années de tractations. Elle reste donc aujourd’hui à la discrétion des États-membres (la France et l’Irlande ayant mis en place la leur ces dernières années), la crainte qu’elle affecte la compétitivité nationale demeurant forte. D’autant plus en ce moment alors que la tendance inspirée par les États-Unis est au renforcement du protectionnisme pour préserver les industries nationales de la concurrence internationale.</p>
<h2>Une part dérisoire dans les dépenses industrielles</h2>
<p>Une taxation du carbone fait croître les dépenses énergétiques en fonction de la quantité de CO<sub>2</sub> contenue dans l’énergie utilisée. Nous constatons cependant qu’en dehors des industries électro-intensives, les dépenses énergétiques ne représentent qu’une très faible part des dépenses industrielles. Et ce <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/dtravail/WP2009-37.pdf">aussi bien aujourd’hui</a> qu’<a href="https://www.jstor.org/stable/1923910?seq=1#page_scan_tab_contents">avant les premiers chocs pétroliers</a>.</p>
<p>La part de l’énergie ne représente en <a href="https://www.chaireeconomieduclimat.org/wp-content/uploads/2019/01/These_DUFAU_Bastien-maj.pdf">moyenne que 4 % des coûts de production</a>. Ce montant correspond donc aussi à l’assiette maximale sur laquelle peut reposer la taxation. Si la taxe carbone vient augmenter les dépenses énergétiques des entreprises, celles-ci se révèlent très faibles au regard des autres principaux postes de dépense.</p>
<p>On peut donc questionner la crainte que la taxe carbone n’affecte violemment la compétitivité-coût des entreprises les plus émettrices. Une redistribution appropriée du produit de la taxe, tenant compte de la proportion des dépenses énergétique de chacun, ne suffirait-elle pas à changer les comportements tout en préservant la compétitivité ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/taxer-le-carbone-sans-nuire-a-notre-competitivite-50372">Taxer le carbone sans nuire à notre compétitivité</a>
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<h2>Énergie d’origine indirecte et directe</h2>
<p>Raisonner sur les seules dépenses énergétiques d’origine dite « directe » est toutefois insuffisant. En ne s’intéressant qu’au CO<sub>2</sub> directement émis par cette entreprise (autrement dit lié à la quantité d’énergie qu’elle consomme), on néglige l’énergie dite « indirecte », c’est-à-dire contenue dans les consommations intermédiaires.</p>
<p>Pour y voir plus clair, intéressons-nous à la chaîne de production en amont d’une entreprise moyenne. Les dépenses de notre entreprise moyenne sont donc, d’après les <a href="https://www.chaireeconomieduclimat.org/wp-content/uploads/2019/01/These_DUFAU_Bastien-maj.pdf">données utilisées</a>, de 4 % en énergie et de 60 % en consommations intermédiaires – achats aux fournisseurs, situés en amont de la chaîne de production.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"940098176060493824"}"></div></p>
<p>Si ces fournisseurs agissent comme notre entreprise moyenne, cela signifie que 4 % de leurs dépenses sont aussi des dépenses énergétiques. Ainsi, sur les 60 % de dépenses en consommations intermédiaires, 4 % sont consacrées à financer les dépenses énergétiques des fournisseurs. Sur l’ensemble des dépenses de notre entreprise, celles qui concernent l’énergie indirecte en représentent donc 2,4 %.</p>
<p>Le raisonnement peut se prolonger aux fournisseurs de nos fournisseurs qui ont aussi des dépenses énergétiques. Celles-ci occupent 4 % du coût des dépenses énergétiques de nos fournisseurs, ce qui équivaut à 1,4 % de nos coûts de production. On peut répéter le calcul indéfiniment en remontant le long de la chaîne de production. L’énergie indirecte représente alors plus de 6 % des dépenses totales tandis que l’énergie directe n’en représente que 4 %.</p>
<p>Une hausse des coûts de l’énergie au niveau international se répercute donc naturellement sur le prix des consommations intermédiaires. Or ces dernières représentent souvent plus de la moitié des dépenses totales d’une entreprise : l’impact de leur augmentation n’est donc pas négligeable sur la compétitivité-coût.</p>
<h2>Des effets difficiles à mesurer</h2>
<p>À la lueur de ces mécanismes, ré-intéressons nous aux effets d’une taxe carbone sur les coûts de production : l’assiette directement affectée par la taxe est de 4 %, mais une moyenne de 6 % des achats de consommations intermédiaires est donc aussi touchée indirectement.</p>
<p>Cette part indirecte illustre la difficulté des calculs nécessaires pour concilier fiscalité carbone et compétitivité-coût. Les chaînes de valeur étant aujourd’hui internationales, cette complexité est aussi valable <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0301421512000146">si la taxe est appliquée au niveau international qu’au niveau national</a>.</p>
<p>Dans le cadre d’un <a href="https://www.chaireeconomieduclimat.org/theses/theses-soutenues/evolution-des-prix-de-lenergie-et-impact-sur-la-competitivite-etude-retrospective-et-prospective-sur-la-france-et-ses-principaux-partenaires-bastien-dufau/">projet de recherche</a> menée entre l’institut Rexecode et la Chaire Économie du Climat, les effets d’une taxe carbone de 80€/tCO<sub>2</sub> sur les coûts unitaires de production ont été simulés sous la forme de différents scénarios.</p>
<p>De façon générale, on peut s’attendre à une substitution des achats de consommation intermédiaire vers les fournisseurs les moins carbonés dont les coûts de production auront moins augmenté que ceux de leurs concurrents.</p>
<h2>La France grande gagnante d’une taxe européenne ?</h2>
<p>Les simulations d’une taxe de 80€/tCO<sub>2</sub> appliquée au niveau européen est sans équivoque : la Pologne et l’Espagne voient leurs coûts de production exploser relativement aux autres pays – jusqu’à une hausse de 24 % en Pologne. Cela peut expliquer qu’ils furent les <a href="https://www.touteleurope.eu/actualite/une-taxe-carbone-europeenne-pour-penaliser-diesel-et-charbon.html">plus farouches opposants à la taxe carbone européenne</a>.</p>
<p>L’Allemagne, avec un mix énergétique assez carboné et de fortes relations commerciales avec la Pologne, verrait les coûts unitaires de production de son industrie augmenter de 4 %. La France serait pour sa part un des pays européens les moins impactés avec une hausse d’1.5 % seulement des coûts de production dans son industrie.</p>
<p>Deux raisons à cela : d’une part, le mix énergétique français est moins carboné que celui de la plupart des autres pays européens. D’autre part, les exportations françaises vers ces pays portent sur des produits à forte teneur en CO<sub>2</sub> qui viennent augmenter leurs coûts de production alors que les importations françaises, en provenance des partenaires européens sont faiblement carbonées (produits chimiques, équipements depuis l’Allemagne) et donc relativement épargnées par les effets de la taxe.</p>
<p>D’une façon générale, la perte de compétitivité de la France vis-à-vis des pays extra-européens serait compensée par son gain de compétitivité vis-à-vis des pays européens.</p>
<h2>Une hausse des coûts contagieuse</h2>
<p>Lorsque que la taxe est seulement appliquée au niveau national, on remarque de fortes différences entre les secteurs d’un même pays ou pour un même secteur entre différents pays.</p>
<p>Comme dans le cas d’une taxe européenne, l’industrie française résiste plutôt bien à une taxe nationale du CO<sub>2</sub> – environ 1 % de hausse des coûts de production dans l’industrie manufacturière – et en diffuse principalement les effets en Allemagne.</p>
<p>Même si la France applique seule une taxe carbone, la hausse des coûts de consommations intermédiaires d’origine française engendre une augmentation similaire (proche de 1 %) des coûts de production de l’industrie allemande. A contrario, une taxe limitée à l’Allemagne provoque une hausse des coûts dans son industrie supérieure à 3 %. Avec des conséquences limitées sur les coûts en France : +0.5 % contre 2 % en Pologne.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"928915476452904960"}"></div></p>
<h2>Redistribuer le produit de la taxe</h2>
<p>Une fiscalité carbone nationale a l’avantage de soutenir la lutte contre le changement climatique tout étant adaptable à la politique économique, en particulier via le soutien aux industries exposées. Si chaque pays européen applique sa propre taxation carbone, il contrôlera la hausse des coûts consécutive pour ses entreprises nationales.</p>
<p>Pour autant, l’action individuelle d’un pays ne permet pas de contrôler les effets de diffusion de la fiscalité carbone de ses partenaires commerciaux sur sa propre économie. Le risque de dégradation de la compétitivité serait donc peut-être plus contenu si tous les pays agissaient de concert.</p>
<p>Un pays comme la France sortirait en Europe gagnante d’une taxe carbone à l’échelle européenne, mais ce n’est pas le cas de la Pologne ou de l’Espagne. Pour s’entendre sur un accord européen, un important travail d’étude de la redistribution de la taxe s’impose. Il s’agira de tenir compte des spécificités nationales mais aussi des spécificités propres à chaque industrie.</p>
<p>Les bénéficiaires d’une taxation carbone européenne devront ensuite accepter une redistribution du produit de la taxe en leur défaveur, exercice politiquement compliqué pour les gouvernements nationaux.</p>
<p>Si et seulement si tous ces paramètres sont pris en compte, les pays européens pourront s’attaquer efficacement à la préservation d’un intérêt au-delà de l’intérêt national. Une fiscalité carbone unifiée reste de loin une des meilleures réponses économiques à adopter dans la lutte contre le réchauffement climatique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/120872/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bastien Dufau a reçu des financements de l'ANRT afin de réaliser sa thèse au sein de l'institut Rexecode. Il est membre de la Chaire "Economie du Climat". </span></em></p>Depuis des années, l’Europe freine des quatre fers devant l’instauration d'une taxation carbone, craignant pour sa compétitivité. Il y aurait pourtant des façons d’en limiter l’impact.Bastien Dufau, Docteur en économie, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1141082019-03-29T00:47:26Z2019-03-29T00:47:26ZVidéo : Entrepreneuriat et légitimité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/265409/original/file-20190323-36276-1tum0dp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C1%2C611%2C344&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Emmanuel Josserand, « Entrepreneuriat et légitimité », dans l'émission « Fenêtres Ouvertes sur la Gestion ».</span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Dans la lettre <a href="http://t.crm.xerfi.com/nl/jsp/m.jsp?c=%400brO%2FeKMROOK2uA4NBm8cQ8mv3oK6omtW4N2aLLfy70%3D&utm_source=Mod%E8le%20diffusion%20Xerfi%20Canal&utm_medium=email&utm_campaign=">« Fenêtres ouvertes sur la gestion »</a>, datée du 23 mars, Jean‑Philippe Denis, professeur de sciences de gestion à la <a href="http://www.jm.u-psud.fr/fr/index.html">faculté Jean Monnet</a> de l’<a href="http://www.u-psud.fr/fr/index.html">Université Paris-Sud</a> et rédacteur en chef de la <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion.htm">Revue Française de Gestion</a>, reçoit Emmanuel Josserand, Directeur du Centre for Business and Social Innovation et professeur à l’<a href="https://www.uts.edu.au">Université Technologique de Sydney</a>, pour évoquer les relations entre entrepreneuriat et légitimité.</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/318993388" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Toutes les émissions <a href="https://www.xerficanal.com/fog/">« Fenêtres ouvertes sur la gestion »</a> peuvent être consultées sur <a href="https://www.xerficanal.com/fog/">Xerfi canal</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/114108/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le Business Science Institute, évoqué dans cette émission, est membre du cercle des partenaires académiques de l'émission "Fenêtres Ouvertes sur la Gestion".</span></em></p>L’activité entrepreneuriale est trop souvent associée à de strictes considérations de compétitivité. L’activité entrepreneuriale, par nature disruptive, pose aussi des questions de légitimité.Jean-Philippe Denis, Professeur de gestion, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1143172019-03-27T21:38:39Z2019-03-27T21:38:39Z« Nudge » ou « sludge », que faire du crédit d’impôt recherche ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/265852/original/file-20190326-36279-url8h2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C4%2C977%2C555&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le CIR coûte à l’État environ 6 milliards d’euros par an.</span> <span class="attribution"><span class="source">Gorodenkoff/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>En France, pour les entreprises, la question des incitations non strictement monétaires à développer de la R&D apparaît comme une question centrale mais trop peu documentée. Pour reprendre les <a href="https://faculty.chicagobooth.edu/richard.thaler/assets/files/sludge.pdf">concepts de l’économie comportementale</a>, la question de savoir si le crédit d’impôt recherche (CIR) est un <em>nudge</em> (c’est-à-dire un dispositif dans l’intérêt des entreprises investissant dans la R&D) ou un <em>sludge</em> (c’est-à-dire un dispositif qui incite au renoncement et à l’abandon du fait de sa complexité) au moins pour certaines d’entre elles, se pose. C’est pour répondre à cette interrogation ainsi qu’à d’autres que l’EDHEC lance, fin mars l’<a href="https://www.edhec.edu/fr/news/lancement-de-lobservatoire-de-la-rd-en-entreprise-de-ledhec">Observatoire de la R&D en entreprise</a> (ORDE-EDHEC).</p>
<p>Dans une économie des savoirs et de la connaissance, la R&D des entreprises est un élément stratégique pour soutenir la croissance. Les gouvernements de nombreux pays, conscients de cet enjeu, cherchent à favoriser son développement en mettant en place divers dispositifs de soutien public à la R&D privée. En France, le crédit impôt recherche (CIR) est un élément central de cette panoplie de dispositifs. Il coûte à l’État environ <a href="https://www.edhec.edu/fr/publications/quel-est-le-rendement-du-credit-impot-recherche-pour-les-entreprises">6 milliards d’euros par an</a> et permet aux entreprises de déduire de leur impôt sur les sociétés 30 % du montant des dépenses de R&D déclarées dans le cadre de ce dispositif.</p>
<h2>Pas « d’effet multiplicateur » puissant</h2>
<p>Le CIR n’a pas toujours « bonne presse ». Il n’est pas rare que les médias pointent du doigt des <a href="https://www.zdnet.fr/actualites/credit-impot-recherche-cir-alors-abus-ou-non-dans-le-numerique-39814758.htm">pratiques abusives</a> de déclaration de R&D au CIR par des entreprises dont la « réelle » activité de recherche peut poser question. Dans ce contexte, on peut se demander comme le pôle économie de l’EDHEC, si le CIR n’est pas <a href="https://www.edhec.edu/fr/news/lancement-de-lobservatoire-de-la-rd-en-entreprise-de-ledhec">« une vraie fausse bonne idée »</a> et si en conséquence le dispositif ne devait pas être mis sur la liste des niches fiscales à supprimer. Mais on peut tout autant se demander si au contraire, en faisant cela on ne risque pas de « jeter le bébé avec l’eau du bain » et si la forte médiatisation des « mauvaises pratiques » de certaines entreprises ne masque pas un engagement plus fondamental dans la recherche de nombreuses entreprises.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/265855/original/file-20190326-36283-hf204x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/265855/original/file-20190326-36283-hf204x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/265855/original/file-20190326-36283-hf204x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/265855/original/file-20190326-36283-hf204x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/265855/original/file-20190326-36283-hf204x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/265855/original/file-20190326-36283-hf204x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/265855/original/file-20190326-36283-hf204x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les études montrent qu’un euro de rentrée fiscale en moins ne correspond qu’à un euro de dépense de R&D en plus.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ktasimar/Shutterstock</span></span>
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<p>Les conclusions du récent <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/limpact-credit-dimpot-recherche">rapport publié par France Stratégie</a> (Harfi et Lallemant, 2019), qui synthétise les résultats de plusieurs études sur le CIR commandées dans le cadre de son évaluation par la Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation (CNEPI), indiquent que le CIR a « atteint sa première cible : la croissance des dépenses de recherche et développement de ses bénéficiaires ». </p>
<p>Mais la lecture de ce rapport ne permet pas d’accorder un blanc-seing au dispositif. En effet, les principaux résultats des études, qui confirment en cela un certain nombre d’études réalisées sur le sujet ces dernières années, sont que, grosso modo, 1 euro de rentrée fiscale en moins ne correspond qu’à 1 euro de dépense de R&D en plus. Dans un contexte de forte tension budgétaire, ces résultats posent question sur les choix d’orientation des politiques publiques. S’il n’y a pas « d’effet multiplicateur » puissant du dispositif, est-ce que l’État n’a pas intérêt à renoncer au CIR et à récolter directement l’impôt pour financer ensuite la recherche publique et/ou privée par des subventions ?</p>
<h2>Un dispositif « mal calibré »</h2>
<p>Mais cet impact, finalement assez faible du CIR sur les dépenses de recherche, peut aussi s’expliquer par des problèmes de calibrage général et de mise en œuvre effective du dispositif qui sont pour le moment très peu documentés.</p>
<p>De ce point de vue, la <a href="https://www.edhec.edu/fr/publications/quel-est-le-rendement-du-credit-impot-recherche-pour-les-entreprises">récente étude</a> publiée par l’EDHEC (Courtioux et coll., 2019) tend à montrer que le dispositif est plutôt « mal calibré » et qu’il touche en fait des entreprises qui font de la R&D de manière très différente, voire qu’il ne les touche pas du tout ! En effet, cette étude montre que 16 % des entreprises françaises qui font régulièrement de la R&D n’ont pas recours au dispositif alors qu’elles ont effectivement engagé des dépenses de R&D dans l’année (voir tableau ci-dessous). De plus, les entreprises qui déclarent des dépenses au titre du CIR ne déclarent pas l’intégralité de leurs dépenses puisque l’étude estime que 34 % des dépenses de R&D réalisées ne sont pas déclarées au titre du CIR.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/265845/original/file-20190326-36276-1uojnnb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/265845/original/file-20190326-36276-1uojnnb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/265845/original/file-20190326-36276-1uojnnb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=257&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/265845/original/file-20190326-36276-1uojnnb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=257&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/265845/original/file-20190326-36276-1uojnnb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=257&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/265845/original/file-20190326-36276-1uojnnb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=323&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/265845/original/file-20190326-36276-1uojnnb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=323&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/265845/original/file-20190326-36276-1uojnnb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=323&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Note : (*) Entreprise dont aucune des sociétés qui la composent n’est agréée pour les dépenses de sous-traitance du CIR.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.edhec.edu/fr/publications/quel-est-le-rendement-du-credit-impot-recherche-pour-les-entreprises">ERD 2013 (MESRI), GECIR (MESRI, DGFiP), calculs des auteurs.</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Certains éléments de la mise en œuvre, que l’étude discute à partir d’une enquête qualitative exploratoire réalisée par des étudiants de l’EDHEC, peuvent expliquer ces décalages. En effet, cette partie de l’étude permet de mettre en évidence l’existence de coûts administratifs importants qui s’expliquent par la nécessité d’avoir un document de présentation du projet de recherche à même de convaincre l’administration fiscale, et un processus efficient de traçabilité des dépenses internes dédiées à la R&D : on ne s’improvise pas entreprise centrée sur la recherche ! À cela s’ajoute potentiellement un contrôle de conformité de l’administration fiscale, dont la différence avec un contrôle fiscal (qu’il peut en partie annoncer…) n’est pas toujours claire pour les petites entreprises. Ces éléments peuvent conduire les entreprises à une certaine « prudence » dans la déclaration de leurs dépenses au titre du CIR, c’est-à-dire à déclarer moins que ce qu’elles font effectivement… voire à ne rien déclarer du tout ! Pourtant, le retour fiscal que les entreprises peuvent attendre du CIR n’est pas négligeable : l’étude montre que ce montant de la créance par chercheur a une médiane qui se situe à environ 42 000 euros, et que pour 25 % des entreprises ce montant est supérieur à 72 000 euros, comme indiqué dans le tableau ci-dessous.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/265848/original/file-20190326-36264-vuee7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/265848/original/file-20190326-36264-vuee7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/265848/original/file-20190326-36264-vuee7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=273&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/265848/original/file-20190326-36264-vuee7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=273&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/265848/original/file-20190326-36264-vuee7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=273&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/265848/original/file-20190326-36264-vuee7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=343&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/265848/original/file-20190326-36264-vuee7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=343&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/265848/original/file-20190326-36264-vuee7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=343&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Note : (*) équivalent temps plein ; (nd) non divulgué afin de respecter les règles du secret statistique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.edhec.edu/sites/www.edhec-portail.pprod.net/files/pp_rendement_cir_janvier_2019_version_finale.pdf"> ERD 2013 (MESRI), GECIR (MESRI, DGFiP), calculs des auteurs.</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les dangers d’une mauvaise anticipation</h2>
<p>Par ailleurs, l’étude publiée par l’EDHEC montre qu’une partie des entreprises faisant de la R&D et déclarant de la R&D au CIR ne sont pas couvertes par l’enquête du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI), qui sert de référence pour mesurer les dépenses totales de R&D au niveau national. En effet, certaines entreprises sortent du champ de l’enquête, soit parce qu’elles n’effectuent de la R&D (et ne la déclarent au titre du CIR) que de manière ponctuelle, soit parce qu’elles ont cessé leur activité (liquidation, etc.).</p>
<p>Pour ce qui est de celles qui déclarent un recours « ponctuel » au CIR, il est difficile de savoir exactement pourquoi elles ont cessé de le demander. Ces entreprises peuvent soit avoir été découragées par les « contrôles de conformité », voire les « contrôles fiscaux », mais il peut également s’agir d’une mauvaise anticipation des coûts administratifs induits par la déclaration des dépenses de R&D au titre du CIR. Cette mauvaise anticipation risque même parfois de mettre l’entreprise en péril : les start-up relativement fragiles peuvent avoir des difficultés sérieuses à mobiliser les ressources nécessaires pour faire face à un contrôle fiscal ! Les auteurs de l’étude estiment qu’il s’agit d’environ 6 600 sociétés qui ont déclaré « ponctuellement » 109 000 euros de dépenses de R&D en moyenne. Mais plus que le montant de R&D déclaré qui sort des radars de la statistique publique, c’est bien les stratégies des entreprises et de leurs pratiques de R&D, « bonnes » ou « mauvaises », qu’il importe maintenant de comprendre pour mener une évaluation complète du CIR.</p>
<hr>
<p><em>Le vendredi 29 mars, l’EDHEC organise sur son campus parisien un workshop intitulé : <a href="https://www.edhec.edu/fr/news/lancement-de-lobservatoire-de-la-rd-en-entreprise-de-ledhec">« Le Crédit Impôt Recherche : une vraie fausse bonne idée ? »</a>. Retrouvez le Position paper de l’EDHEC intitulé « Quel est le rendement du crédit d’impôt recherche ? » <a href="https://www.edhec.edu/fr/publications/quel-est-le-rendement-du-credit-impot-recherche-pour-les-entreprises">ici</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/114317/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Courtioux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des économistes de l’EDHEC soulignent les erreurs de calibrage qui nuisent à l’efficacité de ce dispositif de soutien public à la R&D privée.Pierre Courtioux, Economiste,, EDHEC Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1132792019-03-18T20:35:27Z2019-03-18T20:35:27ZLa TVA est-elle un impôt juste ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/263125/original/file-20190311-86707-1qw7j8s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=29%2C85%2C956%2C576&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La taxe sur la valeur ajoutée, première source de revenus des finances publiques en France.</span> <span class="attribution"><span class="source">Lisa S./Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le système de Maurice Lauré, fiscaliste reconnu comme étant le <a href="https://www.contribuables.org/2008/05/1954-maurice-laure-un-inspecteur-des-finances-inventait-la-tva/">« père de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) »</a>, fut mis en place le 10 avril 1954 et toucha d’abord les grandes entreprises. Le 6 janvier 1966, sur proposition de Valéry Giscard d’Estaing alors ministre des Finances, la TVA est étendue <a href="http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2013/08/04/20002-20130804ARTFIG00143-tva-une-reforme-preparee-dans-la-douleur.php">au commerce de détail</a>. Depuis, une grande partie des pays dans le monde ont adopté cette invention française, réputée être un outil particulièrement efficace – même s’il existe des disparités.</p>
<p>Mais la TVA est-elle juste ? Par définition, elle pèse d’autant plus sur un agent économique qu’il consomme une fraction plus importante de son revenu. Les ménages aux revenus modestes ayant une plus forte propension marginale à consommer, ils sont davantage frappés par la TVA. Le taux d’effort (montant de TVA acquitté par rapport au revenu total) est donc décroissant avec le niveau de vie, en partie parce que les revenus élevés consacrent une part plus importante à l’épargne que les plus modestes.</p>
<p>Il existe néanmoins des mesures permettant de limiter ces effets en introduisant une certaine progressivité : la plupart des pays, comme la France, imposent des taux réduits de TVA sur les biens de <a href="https://www.cacomptepourmoi.fr/fiches-conseils/etablir-mes-declarations-fiscales/quels-sont-les-principaux-taux-de-tva-applicables-en-france/">première nécessité</a>. Toutefois, les impacts en termes de régressivité ou progressivité sont très disparates d’un pays à l’autre, comme le montre le tableau ci-dessous :</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/263121/original/file-20190311-86678-1g50i5t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/263121/original/file-20190311-86678-1g50i5t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/263121/original/file-20190311-86678-1g50i5t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=549&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/263121/original/file-20190311-86678-1g50i5t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=549&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/263121/original/file-20190311-86678-1g50i5t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=549&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/263121/original/file-20190311-86678-1g50i5t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=690&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/263121/original/file-20190311-86678-1g50i5t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=690&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/263121/original/file-20190311-86678-1g50i5t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=690&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Éléments favorisant la justice et progressivité de la TVA : synthèse des recherches empiriques à travers différents pays.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Fort rendement</h2>
<p>Du point de vue du consommateur, la TVA semble donc relativement injuste. Mais le débat sur le caractère juste de la taxe peut difficilement s’extraire de celui sur son efficacité, qui apparaît à plusieurs niveaux.</p>
<p>D’abord, la difficulté à frauder cette taxe (si on excepte certaines stratégies transfrontalières comme le <a href="https://www.legifiscal.fr/impots-entreprises/lutte-contre-fraude-fiscale/fraude-tva/les-fraudes-la-tva-de-type-carrousel.html">carrousel</a>) participe à sa « justice ». Plus largement, cet impôt limiterait même le développement de l’économie souterraine. L’assiette large de la TVA peut en effet venir réduire la distorsion avec les activités informelles, car les agents opérant exclusivement dans cette sphère ces n’y échappent pas lorsqu’ils achètent des biens de consommation ou des inputs pour leurs activités non référencées.</p>
<p>Autre source d’efficacité : le fort rendement de la TVA, puisque tout le monde y est plus ou moins soumis d’une façon ou d’une autre, et pour un coût de collecte très faible, puisque ce sont les entreprises qui la collectent pour l’État. En France, la TVA est ainsi la première source de revenus des finances publiques, où elle représente plus de la moitié de l’ensemble des recettes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/263123/original/file-20190311-86699-326l91.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/263123/original/file-20190311-86699-326l91.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/263123/original/file-20190311-86699-326l91.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/263123/original/file-20190311-86699-326l91.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/263123/original/file-20190311-86699-326l91.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/263123/original/file-20190311-86699-326l91.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/263123/original/file-20190311-86699-326l91.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/263123/original/file-20190311-86699-326l91.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La TVA représente plus de la moitié des revenus annuels de l’État français.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/finances-publiques/ressources-depenses-etat/ressources/quels-sont-differents-impots-percus-par-etat.html">Vie-publique.fr</a></span>
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<p>La TVA peut également être un instrument de compétitivité pour un pays. Les économistes ont coutume de dire que c’est le seul impôt qui favorise la compétitivité lorsqu’il est augmenté. En effet, la TVA étant un impôt « territorial », c’est-à-dire frappant la consommation d’un territoire (pays) donné, les exportations se voient exonérées, alors que les importations sont taxées. Autrement dit, augmenter la TVA surenchérit le coût des importations et réduit le coût des exportations, ce qui peut stimuler la demande de biens produits localement face à la concurrence étrangère.</p>
<h2>Déstabilisateur macroéconomique</h2>
<p>Elle devient alors un instrument de justice pour les entreprises implantées localement. Mais d’un point de vue agrégé et international, la TVA peut aussi être perçue comme l’arme d’un « jeu non coopératif », impliquant une recherche « inéquitable » de compétitivité au détriment du voisin (la bien nommée <em>beggar thy neighbour</em> policy). Étudier la « justesse » de cet impôt avec une perspective internationale complexifie donc l’analyse.</p>
<p>Par ailleurs, les recettes de TVA sont fortement corrélées à l’activité économique. Cela peut également s’avérer déstabilisant car les finances publiques s’exposent aux cycles de l’activité économique. Autrement dit, les revenus de la TVA sont supposés croître au même taux que l’économie. Par opposition aux impôts sur les formes de revenus, la TVA pèse donc davantage sur la demande macroéconomique, ce qui en fait un impôt délicat dont l’augmentation peut faire prendre le risque d’une récession économique selon la théorie keynésienne. Avec toutes les conséquences sociales qu’elle peut comporter.</p>
<p>Encore un argument qui montre que l’efficacité et la « justesse » de cet impôt est à évaluer sur de multiples dimensions… qui ne font pas consensus.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"856748637728247809"}"></div></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/263178/original/file-20190311-86713-r7jde3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/263178/original/file-20190311-86713-r7jde3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/263178/original/file-20190311-86713-r7jde3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/263178/original/file-20190311-86713-r7jde3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/263178/original/file-20190311-86713-r7jde3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/263178/original/file-20190311-86713-r7jde3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1133&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/263178/original/file-20190311-86713-r7jde3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1133&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/263178/original/file-20190311-86713-r7jde3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1133&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Michel-Henry Bouchet et Amaury Goguel sont les auteurs, avec Charles A. Fishkin, de l’ouvrage <a href="https://www.palgrave.com/la/book/9783319897516">« Managing Country Risk in an Age of Globalization »</a> publié aux Éditions Palgrave en 2018.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/113279/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Du point de vue du consommateur, la taxe sur la valeur ajoutée apparaît relativement injuste. Mais d’autres dimensions doivent venir compléter l’analyse.Amaury Goguel, Economist & Academic Dean of the MSc Financial Markets & Investments., SKEMA Business SchoolMichel-Henry Bouchet, Professeur distingué de Finance, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1097082019-01-17T20:31:26Z2019-01-17T20:31:26ZLa French Tech, agile mais encore fragile<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/254082/original/file-20190116-163274-ox31xd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=36%2C0%2C2008%2C1364&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Emmanuel Macron, à l'époque ministre de l'Économie, lors de la French Tech Night du CES 2016.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/christophe_pelletier/">Christophe Pelletier / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Sébastien Bourdin et Fabien Nadou sont les auteurs de l’article de recherche <a href="https://www.researchgate.net/publication/327581558_La_French_Tech_une_nouvelle_forme_de_mobilisation_des_territoires_pour_faire_face_a_la_competition_mondiale">« La French Tech : une nouvelle forme de mobilisation des territoires pour faire face à la compétition mondiale ? »</a>, publié dans les <a href="https://www.cairn.info/revue-annales-de-geographie-2018-5-page-612.html">« Annales de géographies »</a> 2018.</em></p>
<hr>
<p>Du 8 au 11 janvier 2019 s'est tenu à Las Vegas le <a href="https://www.ces.tech/">salon International CES</a> (Consummer Electronic Show). Consacré aux produits high-tech, cet évènement annuel est désormais bien connu de bon nombre d’entreprises du secteur. Au total, <a href="https://www.maddyness.com/2019/01/07/ces-160-startups-francaises-trop/">360 startups françaises</a> se sont déplacées outre-Atlantique pour présenter leurs produits et se faire connaître à l’international… et les politiques publiques de soutien aux nouvelles entreprises du numérique n’y sont peut-être pas étrangères.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/zArPDtfT36s?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Reportage du site Presse Citron sur la présence des startups française au CES 2019.</span></figcaption>
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<h2>Développement international</h2>
<p>Pour accompagner les startups dans la mondialisation, les territoires se sont mis en « ordre de bataille » depuis de quelques années. De nombreux dispositifs ont été développés sous de multiples formes (accélérateurs, incubateurs, pépinières d’entreprises, club open innovation, etc.). À ce jour, en France, la forme la plus aboutie d’une politique publique <a href="https://theconversation.com/des-ecosystemes-daffaires-aux-ecosystemes-dinnovation-75329">au service des écosystèmes d’innovation</a> est celle des pôles de compétitivité, qui ont été créés en 2004. Le but était de restructurer des filières industrielles sur les territoires et de pouvoir favoriser l’accès aux marchés, et à l’international notamment, des productions des entreprises membres.</p>
<p>En 2014, le ministère de l’Économie et des Finances – alors dirigé par le futur président Emmanuel Macron – engage une initiative d’ampleur nationale appelée <a href="https://www.lafrenchtech.com/fr/">« French Tech »</a>, pour le développement de startups et d’entreprises du digital et du numérique. Les pilotes du projet sont partis du constat que la France occupait seulement la <a href="https://www.wipo.int/pressroom/fr/articles/2018/article_0005.html">15ᵉ place du classement mondial de l’innovation</a> et possédait donc une marge de progrès importante. Le sens de la démarche fait écho à celle des pôles de compétitivité, mais se veut plus souple.</p>
<p>Ce dispositif de la French Tech prend la forme d’un label dont le but est de mobiliser les écosystèmes métropolitains pour faire émerger des startups à succès, susceptibles de générer du développement économique et de l’emploi. Cette initiative est dotée d’un budget de <a href="https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2015/01/ami_french_tech_acceleration.pdf">200 millions d’euros</a> investis par l’État dans les accélérateurs et 15 autres millions pour renforcer le rayonnement de la France à l’international sur les questions numériques.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/BrsA-0ns2mk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« La French Tech, c’est quoi ? », reportage de France 3 Bretagne, janvier 2016.</span></figcaption>
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<p>D’autres établissements viennent compléter les financements/investissements avec, entre autres, <a href="https://www.bpifrance.fr/A-la-une/Dossiers/La-Bourse-French-Tech-un-outil-pour-le-developpement-des-entreprises-innovantes/La-Bourse-French-Tech-soutient-la-creation-d-entreprises-innovantes-41976">Bpifrance</a>, <a href="http://www.businessfrance-tech.fr/">Business France</a>, la <a href="https://www.caissedesdepots.fr/pia-french-tech-appel-manifestation-dinterets-ami-destine-identifier-et-soutenir-des-accelerateurs">Caisse des dépôts et consignations</a> ou encore la <a href="https://www.entreprises.gouv.fr/agence-du-numerique/la-french-tech">Direction générale des entreprises</a>.</p>
<p>Le label se veut plus flexible, ancré localement et a pour objectif principal d’améliorer la visibilité internationale des jeunes entreprises françaises qui souhaitent conquérir le marché mondial. Il rassemble sous une même entité les startups françaises, l’écosystème des grands groupes et les acteurs publics, selon une logique collective initiée et poussée par l’État. L’initiative, pilotée au sein de l’<a href="https://agencedunumerique.gouv.fr">Agence du numérique</a> et rattachée au ministère de l’Économie, vise à fédérer tout un écosystème français du numérique et du digital, en incitant les entreprises à créer des réseaux de coopérations. À ce jour, on dénombre <a href="https://www.bpifrance.fr/A-la-une/Dossiers/La-French-Tech/13-metropoles-French-Tech">13 métropoles</a> French Tech en dehors de la capitale qui ont le label.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/254075/original/file-20190116-163259-1s41d5q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/254075/original/file-20190116-163259-1s41d5q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/254075/original/file-20190116-163259-1s41d5q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=518&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/254075/original/file-20190116-163259-1s41d5q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=518&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/254075/original/file-20190116-163259-1s41d5q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=518&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/254075/original/file-20190116-163259-1s41d5q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=651&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/254075/original/file-20190116-163259-1s41d5q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=651&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/254075/original/file-20190116-163259-1s41d5q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=651&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Carte des 13 métropoles labellisées French Tech.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.bpifrance.fr/A-la-une/Dossiers/La-French-Tech/13-metropoles-French-Tech">Bpifrance</a></span>
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</figure>
<h2>Jouer collectif</h2>
<p>Avec moins de cinq ans d’existence, le dispositif de la French Tech est encore très jeune, opérationnalisé différemment en fonction des territoires (compte tenu de la plus ou moins grande ampleur des moyens humains et financiers déployés par les métropoles labellisées). On remarque néanmoins que le leitmotiv est bien de « jouer collectif » en fédérant les entreprises, les collectivités territoriales, la recherche et les organismes de développement économique en région. Il s’agit de faciliter et d’accélérer l’internationalisation de l’<a href="https://theconversation.com/repenser-les-politiques-dinnovation-en-france-67755">innovation dans les PME high-tech</a> en réduisant les difficultés évidentes telles que des ressources limitées, le manque de masse critique, l’expertise internationale, etc.</p>
<p>Avec la French Tech, l’idée est donc de créer une culture commune et de « chasser en meute » à l’international tout en n’excluant pas pour autant, à d’autres niveaux, d’être en concurrence sur les marchés. De ce point de vue, l’exemple du dynamisme des <a href="https://www.latribune.fr/technos-medias/innovation-et-start-up/la-french-tech-va-t-elle-enfin-engendrer-des-licornes-774474.html">PME allemandes exportatrices</a> peut présenter des éléments forts à intégrer et à copier.</p>
<p>En outre, la combinaison de la coopération et de la concurrence permet aux entreprises de produire une qualité supérieure à un prix inférieur, et donc de gagner en compétitivité. Avec la French Tech, il ne s’agit pas seulement de mettre en relation les entreprises entre elles, mais aussi de fédérer les acteurs sur les territoires et de développer un langage commun au travers de la multiplication des rencontres territoire-entreprises-recherche.</p>
<p>Ce déplacement à Las Vegas au CES est stratégique pour les start-ups car il vise à leur faire gagner en visibilité et en crédibilité, à nouer des partenariats commerciaux, stratégiques et financiers et à confronter leur innovation à la réalité du marché. Bien souvent, en amont, les <a href="https://www.usine-digitale.fr/french-tech/">pépites entrepreneuriales françaises</a> ont été préparées pour ce grand rendez-vous… C’est par exemple le cas de la start-up de Meurthe-et-Moselle <a href="https://www.losange-fibre.fr/actualites/2019-01-10-15-startups-du-grand-est-au-ces-de-las-vegas">Monfoxy</a>, accompagnée par la Région Grand Est, qui travaille sur la chaussette intelligente. Ou encore de la jeune entreprise Eveia, qui développe des produits et des solutions de santé connectée, et qui a bénéficié pour l’édition 2018 du <a href="https://www.devup-centrevaldeloire.fr/actualites/startup-ces-las-vegas-2019-devup-region-centre-val-de-loire-68.html">soutien de Région Centre-Val de Loire</a>.</p>
<h2>Disparités entre territoires</h2>
<p>Malgré tout, on relève une certaine fragilité dans la démarche, qui n’enlève bien sûr en rien à la motivation générale des différentes parties prenantes pour accompagner les entreprises du numérique et du digital. Cela tient au fait que certaines entreprises y voient seulement un simple outil de communication et de promotion, mais aussi parce que le dispositif en local ne dispose, bien souvent, que de très peu de moyens humains et financiers pour exister, organiser, coordonner, animer l’écosystème.</p>
<p>C’est un problème important et qui met les territoires dans des situations inégales : certains, en fonction de leur statut (association, structure liée à une métropole et à son périmètre, etc.), disposent d’une ingénierie non négligeable, tandis que d’autres ne tiennent que sur une seule personne…</p>
<p>La crainte est alors de voir progresser les disparités entre territoires, entre ceux qui sont mieux dotés en moyens ou qui ont des capacités plus grandes pour les mobiliser, et ceux qui peinent davantage à le faire. Dans ce contexte, il est légitime de se poser des questions sur la durabilité de la marque French Tech alors même qu’elle constitue un moyen agile de faire la promotion de l’écosystème entrepreneurial innovant français, qu’elle est susceptible d’améliorer l’attractivité des territoires, et qu’elle est à l’origine de nouvelles proximités et coopérations entre acteurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/109708/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le label mis en place par le gouvernement en 2014 vise à faire émerger les startups à succès. Mais il pourrait, dans la durée, accroître les disparités entre les territoires. Explications.Sebastien Bourdin, Enseignant-chercheur en géographie-économie, Laboratoire Métis, EM NormandieFabien Nadou, Enseignant-chercheur en Développement Territorial et Economie régionale, EM Normandie,Laboratoire Métis, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1088352019-01-03T00:22:26Z2019-01-03T00:22:26ZLa coopétition entre individus, des interactions encore mal connues<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/250632/original/file-20181214-185240-1w3l4hk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C1%2C995%2C645&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La coopétition entre individus peut provoquer des dégâts mais elle est également porteuse de nombreuses opportunités.</span> <span class="attribution"><span class="source">ASDF_MEDIA / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La coopétition est un concept en sciences de gestion (notamment en <a href="https://theconversation.com/la-coopetition-et-si-votre-concurrent-devenait-votre-meilleur-allie-79704">stratégie</a>), qui décrit à l’origine les situations où les organisations (entreprises, associations…) sont à la fois en coopération et en compétition, aussi paradoxal que cela puisse paraître. Un récent <a href="https://theconversation.com/la-coopetition-moteur-de-levolution-des-especes-106264">article</a> paru dans The Conversation met d’ailleurs en avant le rôle potentiel de la coopétition dans l’évolution, en soulignant qu’elle peut se trouver tant dans le monde animal (pour expliquer l’évolution des espèces) qu’au niveau des entreprises et des organisations.</p>
<p>Nous souhaitons ici apporter une perspective complémentaire en soulignant que la coopétition s’observe au niveau des relations entre les individus, ce qui ouvre un large champ d’applications potentielles.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-coopetition-moteur-de-levolution-des-especes-106264">La coopétition, moteur de l’évolution des espèces</a>
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<h2>Quelques exemples</h2>
<p>De nombreuses situations peuvent être considérées comme de la coopétition entre individus. Par exemple, dans les entreprises, combien de collègues coopèrent, sachant qu’un seul d’entre eux deviendra le chef en cas de promotion ? Lorsqu’il était ministre de l’Économie sous François Hollande, tout en préparant sa candidature en secret, Emmanuel Macron n’était-il pas en coopétition avec le président de la République d’alors, puisqu’il devait coopérer avec son rival ?</p>
<p>Les relations entre individus sont rarement archétypales (purement coopératives ou purement compétitives). Elles sont bien souvent mixtes, hybrides, simultanément coopératives et compétitives. La coopétition interindividuelle est même une technique de recrutement en gestion des ressources humaines : certains <a href="https://www.keljob.com/articles/entretien-en-groupe-pensez-collectif">recruteurs</a> mènent des entretiens d’embauche en demandant à des candidats de coopérer sur un projet pour ne retenir que certains d’entre eux par la suite.</p>
<p>La coopétition interindividuelle s’observe aussi dans le monde <a href="https://www.inderscienceonline.com/doi/abs/10.1504/IJTM.2001.002991">scientifique</a>, où il est fréquent que des chercheurs coopèrent avec d’autres pour mener une étude, alors qu’ils sont en compétition en termes de carrière ou de prestige. Sur Internet, de nombreuses plates-formes (par exemple dans le <a href="https://rfg.revuesonline.com/articles/lvrfg/abs/2017/06/rfg00151/rfg00151.html">crowdsourcing d’idées</a>) cherchent à favoriser à la fois la coopération entre les internautes tout en les faisant concourir pour identifier, par exemple, « les meilleurs contributeurs ». La coopétition concerne aussi le monde du sport. Dans le <a href="https://www.strategie-aims.com/events/conferences/28-xxvieme-conference-de-l-aims/communications/4656-la-coopetition-entre-les-individus-dans-les-equipes-le-cas-du-football-professionnel/download">football</a> ou le <a href="https://dspace.stir.ac.uk/bitstream/1893/25704/1/PDF_Proof.pdf">cyclisme</a>, les sportifs doivent parfois coopérer pour gagner, tout en étant en compétition pour devenir la « star » de la partie. En basket, le célèbre duo Shaquille O’Neal–Kobe Bryant a permis à l’équipe des Lakers de gagner trois titres consécutifs entre 1999 et 2003, malgré une <a href="https://www.washingtonpost.com/news/early-lead/wp/2018/02/17/i-owe-you-an-apology-shaquille-oneal-explains-why-he-loves-kobe-bryant-years-after-feud/">rivalité</a> entre les deux joueurs.</p>
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<figcaption><span class="caption">La rivalité entre les deux joueurs perdure d’ailleurs encore aujourd’hui… .</span></figcaption>
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<p>Mais la coopétition n’est pas un type d’interdépendance réservé aux univers « impitoyables » de l’entreprise, de la politique, de la recherche, des concours d’idées ou des compétitions sportives. Prenez le cas des amateurs de champignons. Nombre d’entre eux communiquent sur des forums ou sur les réseaux sociaux. Dans ces communautés virtuelles, les membres s’échangent des conseils (par exemple des avis sur la toxicité des champignons) mais aussi des informations importantes sur la localisation très convoitée des poussées. Si les mycologues amateurs ou expérimentés collaborent pour identifier les zones d’intérêt, les informations échangées sont volontairement imprécises. Les membres indiquent le secteur géographique, mais précisent rarement le versant, l’altitude, et encore moins les coordonnées GPS ! Les informations échangées suffisent pour aider les autres sans pour autant dévoiler le « pot aux champignons ».</p>
<h2>Une modalité oubliée</h2>
<p>La coopétition, au même titre que la coopération ou que la compétition, apparaît donc comme un phénomène observable dans une très grande variété de situations sociales. Il ne s’agit pas d’une nouvelle chimère idéologique mais plutôt d’une modalité « oubliée » de l’action collective. Elle n’est pas non plus propre aux sociétés occidentales contemporaines, car les travaux de l’anthropologue <a href="https://books.google.fr/books/about/Cooperation_and_Competition_Among_Primit.html?id=fZka5w4AxnMC&redir_esc=y">Margaret Mead</a> ont montré que certaines tribus autochtones sont fondées sur des degrés « intermédiaires » de coopération et de compétition.</p>
<p>Il est surprenant de constater qu’en recherche, cette possibilité est restée relativement inaperçue. Comme le soulignent <a href="https://theconversation.com/la-coopetition-et-si-votre-concurrent-devenait-votre-meilleur-allie-79704">Paul Chiambaretto et Anne-Sophie Fernandez</a> ou <a href="https://theconversation.com/la-coopetition-moteur-de-levolution-des-especes-106264">Julien Granata</a> dans The Conversation, cela peut s’expliquer par une approche culturelle, propre au monde occidental, ancrée sur des visions philosophiques qui considèrent la coopération et la compétition comme des opposés.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-coopetition-moteur-de-levolution-des-especes-106264">La coopétition, moteur de l’évolution des espèces</a>
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<p>Ainsi, en psychologie sociale – l’un des domaines de prédilection des études sur la coopération et la compétition entre individus –, les travaux de Morton Deutsch ont permis d’élaborer en 1949 la <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/001872674900200204">théorie de l’interdépendance sociale</a>, considérée aujourd’hui comme la <a href="https://www.amazon.fr/Cooperation-Competition-Research-David-Johnson/dp/0939603101/h">théorie de référence</a> sur la coopération et la compétition entre individus. L’un des postulats de cette théorie structuraliste est que les situations mixtes sont fréquentes mais disposent d’un faible intérêt théorique, dans la mesure où elles seraient toujours guidées par un mécanisme dominant (coopération ou compétition).</p>
<p>Deutsch ajoute que ces situations sont, de toute manière, généralement sous-optimales. En conséquence, les études sur la coopération et la compétition en psychologie ont essentiellement adopté l’approche dichotomique coopération/compétition. Pourtant, l’opposition supposée par Morton Deutsch n’a pas été formellement démontrée, et pour de nombreux chercheurs en psychologie, son postulat doit être remis en question. Si cette limite a été soulevée dès les années 60, il faudra attendre plusieurs décennies avant que les chercheurs en sciences sociales ne s’emparent de la question, en montrant en quoi la coopétition entre individus diffère des deux modèles classiques.</p>
<h2>Ce que l’on sait</h2>
<p>Les études émergentes sur la coopétition interindividuelle portent essentiellement sur les salariés des entreprises, sur les plates-formes virtuelles, ou ont fait l’objet d’expérimentations en laboratoire. Elles montrent que la coopétition entre individus renforce leur créativité, dans des contextes variés, en situations de <a href="http://psycnet.apa.org/record/2016-49285-001">face-à-face</a> ou en <a href="https://www.worldscientific.com/doi/abs/10.1142/S1363919616400028">ligne</a>. Loin d’être contreproductive, cette simultanéité présente donc certains bénéfices.</p>
<p>Les recherches menées dans les <a href="https://www.taylorfrancis.com/books/e/9781351734721">entreprises</a> montrent que la coopétition interindividuelle ne détériore pas l’apprentissage des équipes. Même si l’on connaît encore mal les impacts de ce mode d’organisation particulier sur les individus, il a été montré que les salariés ne réagissent pas tous de la même face à la coopétition : certains intègrent facilement la situation dans laquelle ils sont et savent « jouer le jeu » avec habileté, tandis que d’autres ont plus de mal et « choisissent leur camp » : coopérer ou se montrer compétitif. La coopétition interindividuelle peut aussi générer des tensions et des problèmes de gouvernance, qui peuvent être en partie résolus grâce à un style de management nouveau et plus adapté aux équipes « coopétitives ».</p>
<h2>Les risques de la coopétition interindividuelle</h2>
<p>L’enthousiasme envers ces situations peu étudiées ne doit pas occulter les risques de la coopétition interindividuelle. Elle pose en effet d’importantes questions :</p>
<ul>
<li><p>N’est-ce pas la porte ouverte à la méfiance généralisée, à la paranoïa ? La coopétition entre individus ne rend-elle pas l’ambiance délétère ? Comment gérer les tensions, l’ambivalence ?</p></li>
<li><p>La coopétition n’est-elle pas propice aux conflits d’intérêts, préjudiciables à la dynamique collective ? Ne s’agit-il pas d’injonctions paradoxales susceptibles de produire de l’anxiété et des troubles psychosomatiques ? Et quelle place pour le machiavélisme dans ces situations ?</p></li>
<li><p>Finalement, dans quels cas le résultat de la coopétition est-il pire que ce qu’on aurait obtenu par une démarche purement coopérative et/ou purement compétitive ?</p></li>
</ul>
<p>En d’autres termes, il reste à identifier quelles sont les conditions d’une coopétition réellement constructive et socialement positive, qui ne soit préjudiciable ni à la santé des individus ni à la dynamique de groupe.</p>
<h2>Changement de perspective radical</h2>
<p>Reste que les situations hybrides sont fréquentes et qu’elles se révèlent dans certains cas fertiles. Pour le philosophe Pierre Lévy, qui parle de « coopération compétitive » et de « compétition coopérative », la coopétition interindividuelle serait même « le <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/philosophie/world-philosophie_9782738107749.php">mode d’organisation privilégié</a> de l’intelligence collective » ! Ce sujet de recherche jeune et prometteur nécessite de poursuivre les études, afin de confirmer l’intérêt des systèmes interindividuels coopétitifs en étudiant plus en profondeur leurs bénéfices et leurs effets potentiellement néfastes.</p>
<p>Plus fondamentalement, l’idée de coopétition entre individus propose un changement de perspective radical : la compétition n’est pas l’opposé de la coopération et ces deux types d’interdépendance peuvent se combiner. Cet angle permet d’éclairer d’un jour nouveau nos fonctionnements individuels et collectifs, suggérant de porter un regard plus nuancé sur les relations humaines. Il est stimulant sur le plan intellectuel et constitue une potentielle source d’innovations dans des domaines comme le management, l’éducation ou le numérique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108835/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mehdi Elmoukhliss a reçu des financements du Programme Investissements d'Avenir pour le projet Innovagora à l'origine de plusieurs recherches sur la coopétition menées à l'Institut Mines Télécom Business School.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christine Balagué et Mehdi Elmoukhliss avons reçu des financements du Programme Investissements d'Avenir pour le projet Innovagora à l'origine de plusieurs recherches sur la coopétition menées à l'Institut Mines Télécom Business School </span></em></p>La recherche s’intéresse généralement aux organisations qui se trouvent dans des situations qui mêlent coopération et compétition. Mais l’étude au niveau de l’individu est aussi riche d’enseignements.Mehdi Elmoukhliss, PhD., Docteur en Sciences de gestion, expert en systèmes d'intelligence collective, Institut Mines-Télécom Business School Christine Balagué, Professeur, titulaire de la chaire objets connectés et réseaux sociaux, Institut Mines-Télécom Business School Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1086212018-12-11T21:49:21Z2018-12-11T21:49:21ZISF et « gilets jaunes » : pourquoi Macron ne peut pas céder<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/250025/original/file-20181211-76968-8ogjiy.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C899%2C624&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Capture d'écran de l'allocution télévisée d'Emmanuel Macron, le lundi 10 décembre 2018.</span> </figcaption></figure><p>Le gouvernement, indique le « prix Nobel » d’économie 1993 Douglass North, détient le monopole de l’<a href="https://rationalitelimitee.wordpress.com/2009/07/05/note-de-lecture-violence-and-social-orders-de-d-north-j-wallis-et-b-weingast/">usage de la force</a>. Il est le seul à pouvoir saisir et disposer des ressources individuelles des citoyens. Ainsi, la taxation est l’un de ses instruments d’action principaux. Mais c’est également l’un des instruments les plus compliqués à utiliser, notamment parce que l’ensemble des citoyens y est soumis et que, par conséquent, toute variation dans l’utilisation de cet instrument est instantanément ressentie au cœur du pays.</p>
<p>Une taxe en particulier fait aujourd’hui grand bruit du fait des <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/prix-des-carburants/revendications-des-gilets-jaunes-vers-un-retour-de-l-isf_3085845.html">revendications</a> exprimées par les « gilets jaunes ». Il s’agit de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), substitué en 2017 sur décision du président de la République Emmanuel Macron, qui l’avait annoncé dans son programme de campagne, par un autre impôt : l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) dont l’assiette est différente en ce sens qu’elle ne prend plus en compte que les biens immobiliers (excluant ainsi du calcul biens mobiliers et actifs financiers) des contribuables. Dans son allocution télévisée du 10 décembre, Emmanuel Macron a énoncé toute une série de mesures visant à apaiser le mouvement de colère, parmi lesquelles le <a href="https://www.leprogres.fr/france-monde/2018/12/10/gilets-jaunes-smic-csg-isf-les-annonces-d-emmanuel-macron">rétablissement de l’ISF ne figure pas</a>.</p>
<h2>Un impôt chargé de sens</h2>
<p>L’ISF porte avec lui une certaine image de la société. Imposer les grosses fortunes renvoie aux citoyens l’image d’une volonté de redistribution et de lissage des dotations au sein du pays. Le supprimer renvoie une image tout à fait contraire, perçue par beaucoup comme une volonté affichée de maintenir les inégalités et de favoriser les plus aisés. S’attaquer à cet impôt, dans un sens ou dans l’autre, revient à se mettre à dos une partie de la société. </p>
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<figcaption><span class="caption">Le président de la République Emmanuel Macron affirme qu’il ne reviendra pas sur la suppression de l’ISF (à partir de 8 :40).</span></figcaption>
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<p>Dans le premier cas, les classes aisées se sentent lésées de façon injuste, avec une impression de sanction de leur réussite ; dans le second cas, les classes populaires et moyennes ont l’impression que le jeu de la redistribution n’est pas joué par ceux qui pourtant pourraient le plus y participer. En choisissant de supprimer l’ISF pour le remplacer par l’IFI, Emmanuel Macron a fait le choix de lancer un message positif aux classes aisées et aux investisseurs. Le fameux <a href="http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/citations/2017/09/20/25002-20170920ARTFIG00045-macron-aux-expatries-revenez-la-terre-de-conquete-c-est-la-france.php">appel</a> lancé par le président nouvellement élu aux entrepreneurs et investisseurs français partis à l’étranger repose en partie sur des actes forts, qui marquent les esprits. La suppression de l’ISF – ou plutôt sa mutation – en est une.</p>
<h2>La survie politique par la conservation des « followers »</h2>
<p>Les <a href="https://www.lepoint.fr/politique/emmanuel-berretta/qui-sont-les-electeurs-d-emmanuel-macron-08-05-2017-2125665_1897.php">électeurs qui ont voté pour Emmanuel Macron</a> lors de la dernière élection présidentielle ne l’ont pas tous fait pas conviction – nombre d’électeurs ont voté par stratégie. Mais certains ont construit leur choix sur les annonces visant à redorer l’image de la France, de sorte à attirer les investisseurs étrangers et par là même des richesses et de l’emploi. D’autres, évidemment, ont été séduits par la suppression de l’ISF en elle-même pour des raisons fiscales personnelles.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/249980/original/file-20181211-76983-1tcuvaj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/249980/original/file-20181211-76983-1tcuvaj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=920&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/249980/original/file-20181211-76983-1tcuvaj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=920&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/249980/original/file-20181211-76983-1tcuvaj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=920&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/249980/original/file-20181211-76983-1tcuvaj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1157&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/249980/original/file-20181211-76983-1tcuvaj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1157&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/249980/original/file-20181211-76983-1tcuvaj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1157&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>Quoi qu’il en soit, le candidat Macron n’aurait pas pu se saisir seul du pouvoir. Comme le note Gaetano Mosca dès 1939 dans son ouvrage <em>The Ruling Class</em>, « un individu seul ne peut commander un groupe sans trouver dans le groupe une minorité pour le soutenir ». De fait, Emmanuel Macron se doit et doit à ses électeurs convaincus, ses « followers », de faire le choix de la cohérence et de la fidélité. S’il souhaite conserver ses soutiens et assurer sa survie politique, Emmanuel Macron n’a donc d’autre choix que de maintenir la suppression de l’ISF.</p>
<p>Si les « followers » d’Emmanuel Macron semblent aujourd’hui <a href="https://www.lepoint.fr/politique/la-cote-de-popularite-de-macron-et-philippe-en-chute-libre-06-12-2018-2277031_20.php">former une minorité</a>, il faut noter que la majorité est <a href="https://theconversation.com/les-gilets-jaunes-quest-ce-que-cest-108213">très désorganisée</a> entre « gilets jaunes » sans réels leaders, récupération politique de tous bords, citoyens silencieux, citoyens apportant leur sympathie aux « gilets jaunes » sans y adhérer, ou encore citoyens s’opposant au mouvement sans pour autant se satisfaire de la politique du gouvernement. Or, comme le souligne également Mosca, « la domination d’une minorité organisée, obéissant à un seul élan, sur une majorité désorganisée est inévitable ». L’intérêt du président Macron est donc de maintenir cette unité le temps que la tempête baisse d’intensité.</p>
<h2>La théorie économique comme appui : survol historique</h2>
<p>Emmanuel Macron peut par ailleurs s’appuyer sur la théorie économique pour justifier son choix. En effet, depuis près de sept siècles, divers économistes expliquent qu’il existe une relation inverse entre les taux d’imposition élevés et les recettes fiscales publiques.</p>
<p>Il est possible de faire remonter cette théorie fiscale au XIV<sup>e</sup> siècle, avec <a href="http://concept-economique.blogspot.com/2017/05/la-theorie-fiscale-chez-ibn-khaldoun.html">Ibn Khaldoun</a>. Au XVI<sup>e</sup> siècle, l’économiste et conseiller du roi Henri IV, <a href="https://www.lesechos.fr/20/09/2013/LesEchos/21526-045-ECH_la-proportionnalite-de-l-impot--voila-l-avenir.htm">Barthélémy de Laffemas</a>, constate déjà que, plus on taxe les riches, moins ils paient d’impôts. L’Ancien Régime français affirme que « l’expérience, cette leçon souvent tardive, a démontré une vérité dont il n’est pas permis de douter : c’est que les impôts ont des bornes au-delà desquelles ils se nuisent réciproquement ; c’est que, ces bornes passées, ils ne sont plus qu’une charge pour les peuples et une ressource faible, quelquefois même illusoire pour l’État » (Arrêté du parlement, 1782). Au même moment, Adam Smith souligne dans le livre V de <a href="http://classiques.uqac.ca/classiques/Smith_adam/richesse_des_nations/livre_5/richesse_des_nations_5.pdf"><em>La richesse des nations</em></a> (1776) que l’impôt pouvait « entraver l’industrie du peuple et le détourner de s’adonner à certaines branches de commerce ou de travail ».</p>
<p>Après la Révolution française, Jean‑Baptiste Say, dans son <em>Traité d’économie politique</em> (Livre III), indique quant à lui qu’un « impôt exagéré <a href="https://www.librairal.org/wiki/Jean%E2%80%91Baptiste_Say:Trait%C3%A9_d%27%C3%A9conomie_politique_-_Livre_III_-_Chapitre_IX">détruit la base</a> sur laquelle il porte ». Say explique qu’une diminution d’impôt augmente les recettes fiscales et fait voir aux gouvernements ce qu’ils gagnent à être modérés.</p>
<p>À son tour, l’ingénieur-économiste français <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/jules-dupuit/">Jules Dupuit</a> observe le même phénomène fiscal en 1844. C’est <a href="https://books.google.fr/books?id=YJwVCwAAQBAJ&pg=PT380&lpg=PT380&dq=Les+hauts+taux+tuent+les+totaux+joseph+barthelemy&source=bl&ots=vLYt630llO&sig=P_-g67fGBuNgBoTpS8PvwtMJ9sk&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjsudr15pffAhUm-YUKHfSeDQUQ6AEwA3oECAcQAQ#v=onepage&q=Les%20hauts%20taux%20tuent%20les%20totaux%20joseph%20barthelemy&f=false">Joseph Barthélemy</a>, défenseur de la démocratie libérale avant son tournant réactionnaire, qui formule ainsi ses observations : « les hauts taux tuent les totaux ».</p>
<h2>La courbe de Laffer et ses bases empiriques</h2>
<p>En 1974, Arthur Laffer, économiste américain, au cours d’un dîner dont les économistes connaissent bien l’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=4yBgTN5JT-Y">histoire</a>, dessine sur la nappe du restaurant dans lequel il mange avec des membres de l’administration du président Gérald Ford une courbe sommaire qui sera rendue célèbre sous le nom de courbe de Laffer grâce à un article du <em>Wall Street Journal</em>, dont un journaliste, en l’occurrence Jude Wanniski, est présent au dîner.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/249986/original/file-20181211-76962-8x9q9a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/249986/original/file-20181211-76962-8x9q9a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/249986/original/file-20181211-76962-8x9q9a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/249986/original/file-20181211-76962-8x9q9a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/249986/original/file-20181211-76962-8x9q9a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/249986/original/file-20181211-76962-8x9q9a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/249986/original/file-20181211-76962-8x9q9a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Courbe de Laffer.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>À l’origine de la courbe, l’État ne gagne rien car le taux d’imposition est de 0. Progressivement, les recettes de l’État augmentent suivant le taux d’imposition jusqu’à un optimum. Cet optimum est le taux d’imposition maximum accepté et payé par les contribuables. Au-delà de cet optimum, si l’État augmente le taux d’imposition, ses recettes fiscales diminuent. Il y a trois causes à cette diminution : </p>
<ul>
<li><p>une partie des agents économiques ne voit pas l’intérêt de travailler davantage, considérant que leur surcroît de travail va être capté par l’administration fiscale ; </p></li>
<li><p>une autre partie des agents économiques décide de travailler de façon informelle (familièrement, le travail « au noir ») pour échapper à l’impôt ; </p></li>
<li><p>une dernière partie, la plus entreprenante, va chercher une imposition plus clémente et des investissements plus rentables à l’étranger.</p></li>
</ul>
<p>Ainsi, Laffer montre par le biais de sa courbe que trop d’impôt a tendance à décourager la volonté de gagner de l’argent. Les travailleurs ne veulent plus travailler, les investisseurs ne veulent plus investir ce qui, de fil en aiguille, ralentit l’économie. « Trop d’impôt tue l’impôt », disait-il.</p>
<p>Une myriade de chefs d’État, parmi lesquels Ronald Reagan ou Margaret Thatcher, ont opté pour la baisse des impôts pendant des années. Moins d’impôt aboutit à plus d’investissement, ce qui augmente l’emploi ainsi que la croissance et, <em>in fine</em>, réalise l’intérêt général, comme tente de le démontrer l’ancien maire de New York Rudolph Giuliani dans la vidéo ci-dessous :</p>
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<figcaption><span class="caption">Discours de soutien à la candidature de Donald Trump de Rudy Giuliani en Caroline du Nord lors de la campagne présidentielle américaine 2016 (à écouter à partir de 7 :54).</span></figcaption>
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<p>Même si la courbe de Laffer n’a pas d’échelle précise, des mesures empiriques de l’effet de la diminution de la pression fiscale ont été mises en évidence à diverses occasions, comme l’illustrent les deux exemples qui suivent.</p>
<p>Ainsi, l’économiste Florin Aftalion cite l’<a href="http://www.etudes-fiscales-internationales.com/archive/2012/05/05/laffer-va-t-il-revenir.html">exemple américain</a> : en 2004-2005, les recettes fiscales du gouvernement ont augmenté de 8 % et 9 % dès l’entrée en vigueur de mesures de réduction d’impôt. En avril 2006, le Trésor américain a annoncé que les recettes fiscales avaient ainsi atteint leur second point le plus haut de l’Histoire à la suite des baisses d’impôts de 2003.</p>
<p>En 2010, le Royaume-Uni augmente le <a href="https://impot-sur-le-revenu.ooreka.fr/astuce/voir/511523/taux-marginal-d-imposition">taux marginal</a> à 50 %. Loin de rapporter ce qui a été prévu, cette mesure rapporte au mieux 45 % du montant attendu et aurait même pu <a href="https://webarchive.nationalarchives.gov.uk/20140206181159/http://www.hmrc.gov.uk/budget2012/excheq-income-tax-2042.pdf">réduire les recettes fiscales</a>, selon le Trésor.</p>
<h2>Maintenir le cap</h2>
<p>Outre la théorie économique, Emmanuel Macron peut s’appuyer sur les premiers résultats positifs connus depuis son ascension à la tête du pays. Divers arguments ont été avancés par le gouvernement pour justifier la réforme de l’ISF : une <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/04/l-impossible-evaluation-de-l-isf_5392462_823448.html">hausse des investissements</a> dans l’économie productive française (Christophe Castaner, porte-parole du gouvernement en 2017), une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=owPbN_GxcKI">stimulation du marché des actions</a> et du CAC 40 (Bruno Le Maire, ministre de l’Économie en 2017), une limitation des <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/gerald-darmanin-l-etat-n-a-pas-su-former-les-agents-publics-775773.html">départs à l’étranger</a> de la part des plus grosses fortunes pour échapper à l’impôt (Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des comptes publics en 2017).</p>
<iframe src="https://www.ultimedia.com/deliver/generic/iframe/mdtk/01578907/src/lrls5l/zone/1/showtitle/1/" frameborder="0" scrolling="no" marginwidth="0" marginheight="0" hspace="0" vspace="0" webkitallowfullscreen="true" mozallowfullscreen="true" allowfullscreen="true" width="100%" height="250" allow="autoplay; fullscreen"></iframe>
<p>« L’infographie du jour : ISF, un impôt en voie de réforme », <em>Les Echos</em>.</p>
<p>Il semblerait justement que ces arguments commencent à s’avérer dans la réalité. Ainsi, le <a href="https://www.businessfrance.fr/Media/Production/PROCOM/M%C3%A9diath%C3%A8que/Rapport-2017-sur-l-internationalisation-de-l-%C3%A9conomie-fran%C3%A7aise.pdf">rapport annuel</a> de l’agence Business France fait état d’une hausse remarquable des investissements étrangers sur le territoire national pour l’année 2017. En effet, cette étude relève le fait que 54 % des décideurs étrangers estiment que la France est plus attractive, ou encore que le nombre de projets d’investissement étrangers a augmenté de 16 % par rapport à 2016, ce qui a conduit à la création ou au maintien de plus de 30 000 emplois. Certes, la disparition de l’ISF n’est pas forcément directement liée à ce bilan positif mais elle fait partie d’un ensemble de réformes qui, comme nous l’avons indiqué, lance des signaux positifs auprès des investisseurs.</p>
<p>Survie politique, théorie économique et premiers résultats positifs sont donc autant d’éléments qui poussent le président Macron à laisser les demandes des « gilets jaunes » concernant l’ISF insatisfaites. Mais un autre débat, philosophique celui-là, peut s’ouvrir. La politique fiscale a d’autres enjeux qui ne sont pas sans rappeler les théories de la justice sociale. Par exemple, John Rawls, dans son livre le plus commenté du XX<sup>e</sup> siècle <a href="https://books.google.fr/books/about/A_Theory_of_Justice.html?hl=fr&id=vcVEPc30ut0C&redir_esc=y"><em>A Theory of Justice</em></a> (1971), explique que l’adéquation justice/équité entre la taxation du capital des ménages aisés et la contribution des ménages modestes/moyens est un enjeu majeur de politique fiscale.</p>
<p>Bien qu’économiquement, politiquement et historiquement fondée, la suppression de l’ISF au profit de l’IFI pourrait paraître injuste pour certains, inéquitable pour d’autres, stimulante pour les investissements et efficace pour l’économie, c’est sûrement ce débat qui risque d’animer encore politiques et citoyens pour longtemps.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108621/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Si les « gilets jaunes » demandent le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune, Emmanuel Macron a fait le choix de ne pas céder. Une décision économiquement prévisible. Explications.Georges Laforge, Doctorant en Sciences Économiques et Attaché d'Enseignement et de Recherche (ATER) à la Faculté de Droit, Sciences Économiques et Gestion de Nancy. Membre du Conseil Scientifique, Université de LorraineJulien Grandjean, Attaché temporaire d'enseignement et de recherche en sciences économiques au Bureau d'économie théorique et appliquée - Faculté de Droit, Sciences économiques et Gestion de Nancy - Faculté de Droit, Économie et Administration de Metz, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1081892018-12-04T14:25:34Z2018-12-04T14:25:34ZLes étroites marges de manœuvre pour atténuer le « ras-le-bol fiscal »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/248701/original/file-20181204-34142-cfxqze.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=287%2C556%2C5523%2C3422&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le haut niveau de taxes en France trouve sa source dans des dépenses publiques supérieures à celles constatées chez nos voisins européens.</span> <span class="attribution"><span class="source">Birdog Vasile-Radu / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L'annulation de la hausse de la taxe carbone, annoncée le 5 décembre par l'Élysée, suffira-t-il à calmer la colère des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/gilets-jaunes-62467">gilets jaunes</a> ? Rien n’est moins sûr. En effet, le mouvement s’alimente plus généralement d’un « ras-le-bol fiscal » en France. Mais ce sentiment d’exaspération se fonde-t-il sur une réalité ? Et, si oui, quelles pistes pour y remédier alors que les revendications restent pour le moins <a href="https://www.republicain-lorrain.fr/france-monde/2018/11/29/gilets-jaunes-doleances-disparates">disparates</a> ?</p>
<h2>Un niveau de taxes inédit au niveau international</h2>
<p>Comme le montre très clairement le graphique ci-dessous, le taux des prélèvements obligatoires (impôts et cotisations sociales) français est le plus élevé d’Europe. De fait, les gilets jaunes ont raison lorsqu’ils dénoncent le poids excessif des taxes en France.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/248703/original/file-20181204-34157-1o44tph.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/248703/original/file-20181204-34157-1o44tph.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1022&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/248703/original/file-20181204-34157-1o44tph.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1022&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/248703/original/file-20181204-34157-1o44tph.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1022&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/248703/original/file-20181204-34157-1o44tph.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1284&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/248703/original/file-20181204-34157-1o44tph.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1284&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/248703/original/file-20181204-34157-1o44tph.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1284&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>La raison principale du niveau de taxes excessif trouve logiquement sa source dans des dépenses publiques, elles-mêmes très supérieures à celles constatées chez nos voisins européens.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/248704/original/file-20181204-34134-13dpnay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/248704/original/file-20181204-34134-13dpnay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=997&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/248704/original/file-20181204-34134-13dpnay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=997&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/248704/original/file-20181204-34134-13dpnay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=997&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/248704/original/file-20181204-34134-13dpnay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1253&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/248704/original/file-20181204-34134-13dpnay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1253&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/248704/original/file-20181204-34134-13dpnay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1253&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>Si l’on souhaite réduire le poids des taxes en France, il faut donc d’abord réduire le poids des dépenses publiques sur le PIB (la richesse créée par l’économie française). Dès lors, deux options complémentaires s’offrent au gouvernement : soit agir sur le dénominateur, le PIB, pour qu’il augmente plus rapidement que les dépenses ; soit agir sur le numérateur en réduisant ces dépenses publiques.</p>
<h2>La voie de l’accroissement du PIB</h2>
<p>Depuis l’élection du président Emmanuel Macron, le gouvernement privilégie la première option, comme semblent l’indiquer des éléments incantatoires comme la <a href="https://theconversation.com/la-start-up-nation-un-symptome-mais-de-quoi-105599">« start-up nation »</a>, ou plus fondamentaux comme l’<a href="https://www.village-justice.com/articles/reforme-code-travail-assouplissement-notable-procedure-licenciement-majoration,25785.html">assouplissement du droit du travail</a>. Le problème de cette option, c’est que la croissance ne se décrète pas : le gouvernement peut simplement essayer de créer des conditions favorables au dynamisme entrepreneurial.</p>
<p>La croissance dépend également d’éléments exogènes comme la <a href="https://www.un.org/development/desa/dpad/publication/situation-et-perspectives-de-leconomie-mondiale-2018-resume/">conjoncture économique internationale</a>. Par ailleurs, les réformes conduites par le gouvernement ne peuvent produire des résultats que sur le temps long, d’autant plus que l’instabilité traditionnelle des politiques fiscales françaises à la faveur des changements de majorité ou d’orientation en cours de mandat rend les destinataires des réformes <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2016/11/10/l-instabilite-fiscale-un-fleau-de-longue-date-pour-les-entreprises_5028947_3232.html">méfiants et prudents</a>.</p>
<p>Par rapport aux revendications pour le moins diverses des gilets jaunes, des mesures isolées comme l’augmentation du smic, comme le <a href="https://www.francebleu.fr/infos/economie-social/gilets-jaunes-le-medef-envisage-une-baisse-du-smic-et-reclame-un-moratoire-sur-les-augmentations-de-1543907225">propose le Medef</a>, iraient en outre à l’encontre de l’objectif visé d’accroissement de la compétitivité des entreprises françaises et conforteraient les entrepreneurs dans leur méfiance vis-à-vis de l’instabilité des politiques publiques si elle ne sont pas compensées par une baisse des charges. Voilà sans doute pourquoi, pour le moment, le gouvernement ne l’envisage pas.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1067687912559521792"}"></div></p>
<h2>L’équation délicate de la réduction des dépenses publiques</h2>
<p>Sujet pourtant <a href="https://www.challenges.fr/election-presidentielle-2017/depenses-publiques-les-economies-d-emmanuel-macron-et-francois-fillon_459901">phare</a> de la dernière campagne présidentielle, la réduction des dépenses publiques n’a pour l’heure pas été au cœur de l’action du gouvernement, celles-ci <a href="https://www.lci.fr/politique/baisse-des-depenses-une-promesse-de-campagne-d-emmanuel-macron-2105949.html">continuant à progresser</a>.</p>
<p>Si l’on adopte une posture rationnelle, ce sont les postes de dépenses les plus importants qui doivent faire l’objet d’une attention plus marquée. Certes, pour répondre symboliquement à la demande populaire, on pourrait supprimer les nombreux « hauts comités Théodule », ou le Conseil Economique Social et Environnemental (CESE) et ses avatars régionaux dont les rapports ne sont lus par personne. Mais le compte n’y serait pas, comme on peut le constater en étudiant la structure de la dépense publique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/248705/original/file-20181204-34145-153mctd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/248705/original/file-20181204-34145-153mctd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=462&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/248705/original/file-20181204-34145-153mctd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=462&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/248705/original/file-20181204-34145-153mctd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=462&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/248705/original/file-20181204-34145-153mctd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=581&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/248705/original/file-20181204-34145-153mctd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=581&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/248705/original/file-20181204-34145-153mctd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=581&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<h2>Comment compenser une baisse de la fiscalité ?</h2>
<p>Le premier poste de dépenses publiques concerne de loin les prestations sociales et la santé, c’est-à-dire principalement les retraites, la dépendance, la maternité-famille, la santé, la perte d’emploi, le logement, la pauvreté et l’exclusion sociale. En l’absence de croissance suffisante du PIB pour répondre aux objectifs gouvernementaux, c’est donc là qu’il faudrait aller chercher des économies pour compenser une baisse du niveau de fiscalité.</p>
<p>On se retrouve ici au cœur d’une des contradictions des gilets jaunes qui dénoncent, à juste titre comme on l’a vu, le poids excessif des taxes, mais en même temps se plaignent des <a href="https://www.europe1.fr/societe/smic-sdf-et-taxations-les-revendications-des-gilets-jaunes-sont-elles-realistes-3811325">aides insuffisantes</a> qu’ils reçoivent. En effet, un effort en direction des personnes aux revenus du travail faibles qui payent l’impôt se ferait nécessairement au détriment de la population active sans travail.</p>
<p>Faut-il alors augmenter l’imposition de nos concitoyens les plus aisés ? La solution serait non seulement inefficace économiquement, mais aussi contradictoire avec un appel à une baisse des taxes. Elle pourrait même froisser une frange des gilets jaunes. En effet, pour qu’un impôt soit efficace, il est nécessaire que la base soit <a href="https://www.lecercledesfiscalistes.com/publication/un-bon-impot-a-une-assiette-large-peu-dexceptions-et-des-taux-faibles/165">suffisamment large</a> pour que les ressources générées soit suffisantes. Or, de nombreuses personnes, y compris des gilets jaunes, risquent de constater à leur grande surprise qu’ils ont de hauts revenus ou qu’ils sont « riches ». Rappelons simplement que moins de 50 % des Français payent déjà l’<a href="https://www.latribune.fr/economie/france/qui-paie-l-impot-sur-le-revenu-746211.html">impôt sur le revenu</a> (Un taux par ailleurs en diminution). Toute augmentation des taxes se traduira donc certainement par une augmentation des prélèvements sur les classes moyennes et supérieures, qui sont également les principaux pourvoyeurs de charges sociales.</p>
<p>Il semble donc difficile d’accroître encore la pression fiscale sur ces classes moyennes, d’autant plus que ces dernières ont connu ces récemment une baisse de leur niveau de vie comme l’illustre le tableau ci-dessous. Cette baisse du niveau de vie a bénéficié surtout aux catégories les plus pauvres, tandis que celles qui perçoivent un bas salaire et peu d’aides sociales (la population a priori la plus représentée chez les gilets jaunes) n’en ont que très peu bénéficié.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/248706/original/file-20181204-34122-1n9s10y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/248706/original/file-20181204-34122-1n9s10y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/248706/original/file-20181204-34122-1n9s10y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/248706/original/file-20181204-34122-1n9s10y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/248706/original/file-20181204-34122-1n9s10y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/248706/original/file-20181204-34122-1n9s10y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/248706/original/file-20181204-34122-1n9s10y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>Une autre solution pour résoudre l’équation budgétaire pourrait être une refonte drastique du système de protection sociale français, avec par exemple un allongement important de l’âge de départ à la retraite, la définition d’un socle forcément restreint des prestations de santé qui sont prises en charge par la solidarité nationale, une remise à plat du maquis de l’ensemble des aides pour s’assurer de leur efficacité pour le retour à l’emploi et de leur équité, etc. Mais cet immense chantier, peu consensuel, ne répondra pas à court terme aux demandes des gilets jaunes et la réelle détresse de certains d’entre eux.</p>
<h2>Face à un mur ?</h2>
<p>Si l’on écarte les dépenses militaires ou liés aux forces de sécurité dans une période marquée par une instabilité géopolitique internationale et le terrorisme, ou d’autres fonctions régaliennes comme la justice, on ne peut donc que constater l’étroitesse des marges de manœuvre.</p>
<p>On pourrait dès lors sombrer dans le pessimisme en se disant que nous sommes face à un mur où à la fois tout le monde a de bonnes raisons de se plaindre et où tout le monde cultive son intérêt personnel (pour ne pas dire son égoïsme) de façon parfois inconséquente (« j’ai travaillé au <em>noir</em> et je n’ai pas suffisamment cotisé pour ma retraite, mais je veux une retraite comme les autres », ou encore « je pars en retraite au Portugal pour ne pas payer d’impôts, mais je veux bénéficier du service public français de santé ») au détriment de l’intérêt général.</p>
<p>On peut aussi conserver l’espoir que l’intérêt général l’emporte sur les intérêts particuliers, en étudiant par exemple le <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2013/01/10/vive-le-modele-suedois_1815026_3232.html">cas de la Suède</a>, qui a réduit drastiquement son taux de prélèvements obligatoires tout en demeurant un des pays au niveau d’équité après redistribution sociale les plus performants.</p>
<p>Si, pour calmer à court terme la vindicte populaire et répondre aux situations légitimes de détresse, le gouvernement décide de mesures à destination des gilets jaunes qui se traduisent par une augmentation des dépenses publiques ou des salaires, il devra de façon urgente et prioritaire s’attacher à réduire les dépenses publiques pour ne pas poursuivre sur la trajectoire mortifère de leur augmentation qui, in fine, <a href="http://www.oecd.org/eco/the-effect-of-the-size-and-mix-of-public-spending-on-growth-and-inequality.htm">pénalise la croissance du PIB</a>, c’est-à-dire de la richesse collective.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108189/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Caby ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une baisse de la fiscalité pour répondre aux revendications des gilets jaunes aurait forcément des conséquences budgétaires et sociales que le gouvernement devra traiter à long terme.Jérôme Caby, Professeur des Universités, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/965682018-07-05T02:37:50Z2018-07-05T02:37:50ZÉvaluation : sens et contresens<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/226148/original/file-20180704-73335-o3xdp3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=18%2C100%2C4148%2C1905&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Comment bien évaluer ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/businesspeople-sitting-conference-room-holding-question-174328208?src=_FdtumlP0fDnbGOmleJKeA-1-2">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>L’évaluation est un outil majeur. Elle est utilisée afin de valoriser actions et décisions, de rendre compte du chemin parcouru et de celui qu’il reste à parcourir, d’indiquer si les objectifs sont atteints et de permettre leur négociation. Importante pour la discipline « contrôle de gestion », elle lui emprunte des outils, des techniques, des procédures. L’évaluation essuie néanmoins également de nombreuses critiques : elle est accusée de simplifications, de représentations caricaturales, voire de mener à des prises de décision absurdes. Derrière tous ces reproches se cache une question centrale, celle du « sens » de l’évaluation.</p>
<h2>Gare aux « mythes rationnels »</h2>
<p>Une évaluation qui fait sens est une évaluation qui n’est pas mobilisée comme un <a href="https://books.google.fr/books?id=OPocCwAAQBAJ&pg=PP7&lpg=PP7&dq=%22mythe+rationnel%22+Meyer+et+Rowan&source=bl&ots=0QT3DSR6xi&sig=-_ypbbGXm5K5VzbeQDmZG1-2Jnc&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiigLXkjIXcAhXLalAKHbTsAm0Q6AEIaDAN#v=onepage&q=%22mythe%20rationnel%22%20Meyer%20et%20Rowan&f=false">« mythe rationnel »</a>. Ces derniers sont des structures institutionnalisées qui donnent l’illusion de la rationalité car reposant sur des indicateurs, présentés abusivement comme des mesures, alors qu’ils résultent d’un processus de « quantification ». L’évaluation n’implique pas que les indicateurs chiffrés soient une garantie de vérité et d’objectivité.</p>
<p>Prenons l’exemple d’un indicateur de performance très fréquemment utilisé pour estimer la performance d’un point de vente (et de ses vendeurs) : le chiffre d’affaires divisé par le nombre de vendeurs. Cet indicateur est facile à calculer et à comprendre. Néanmoins, il fait supporter la responsabilité de la génération du chiffre d’affaires aux vendeurs. Or le chiffre d’affaires peut dépendre également de l’assortiment et de la qualité des produits, de la zone de chalandise et de son accessibilité, de l’intensité de la concurrence… Autant de facteurs qui ne relèvent pas de l’engagement, des compétences et de la motivation des vendeurs, lesquels ne devraient donc pas être évalués au prisme de cet (ou de ce seul) indicateur.</p>
<p>Dans un tout autre domaine, considérer que l’activité d’un médecin hospitalier est plus performante lorsque le nombre de malades qu’il fait hospitaliser s’accroît, parce que cette activité permet à l’hôpital d’augmenter ses ressources, c’est toucher à l’absurdité d’un indicateur qui déconnecte le sens de l’activité de sa mesure. De nombreuses recherches en entreprise ont montré que ce type de dispositifs pouvait être porteur d’effets pervers et risquait d’orienter les comportements dans un sens inadapté.</p>
<h2>Être utile aux évalués</h2>
<p>Une évaluation qui fait sens c’est aussi une évaluation utile en tout premier lieu à ceux qui sont évalués. L’un de ses rôles premiers est en effet d’estimer la pertinence des actions et des décisions prises au regard d’une mission déclinée en objectifs. Ainsi l’évaluation vise-t-elle l’amélioration continue, l’identification des bonnes pratiques, le partage d’expérience et l’apprentissage organisationnel.</p>
<p>Pourtant, dans bon nombre de nos structures (unités de recherche, universités, hôpitaux, entreprises, etc.), les points d’attention de l’évaluation portent avant tout sur la conformité à une norme ou un référentiel (<a href="https://acpr.banque-france.fr/europe-et-international/cadre-comptable/standards-internationaux/normes-comptables-internationales-ifrs">normes IAS/IFRS</a>, <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/referentiel-responsabilite-societale-des-entreprises-rse-en-logistique">référentiel RSE</a>, indicateurs de qualité et de sécurité des soins, etc.). Or ce référentiel est souvent implicitement porteur de valeurs. Il peut donc renforcer ou transformer le système de valeurs de l’organisation, et modifier la répartition du pouvoir entre les parties prenantes internes et externes. Par ailleurs, il oblige à structurer les aspects à valoriser en fonction de leur conformité à une norme administrative. Il risque de ce fait d’aboutir à une uniformisation et une perte d’innovation.</p>
<p>La question posée est donc la suivante : <em>in fine</em> l’évaluation n’est-elle pas souvent conçue pour faciliter le travail des évaluateurs davantage qu’aider les évalués ?</p>
<h2>L’importance du sens de l’évaluation</h2>
<p>L’évaluation est déterminante pour éclairer toutes les parties prenantes engagées dans une organisation, et de cet éclairage dépend l’engagement et la mobilisation des compétences. Il est donc important de s’interroger sur le « sens » de l’évaluation, car elle peut être un moteur pour aller mieux et plus haut… Ou tout le contraire !</p>
<p>Plusieurs chercheurs se sont penchés sur cette question dans le numéro du <a href="http://lelibellio.com/wp-content/uploads/2013/01/Le-Libellio-d-volume-14-num%C3%A9ro-1-Printemps-2018.pdf">printemps 2018 du Libellio d’Aegis</a>, revue électronique créée en 2005 par <a href="https://www.polytechnique.edu/annuaire/fr/user/8609/herve.dumez">Hervé Dumez</a>. Espace de débat interdisciplinaire libre et ouvert, cette revue traite de grandes questions scientifiques, notamment en gestion.</p>
<p>Parmi les questions traitées : comment les notions d’<em>accountability</em> et de <em>valuation</em> interrogent-elles la question de l’évaluation ? En quoi le phénomène de financiarisation bouleverse-t-il les modes d’évaluation des entreprises ? Que nous disent l’obsession instrumentaliste, la quantophrénie, et les dispositifs d’évaluation des agents du sens du contrôle dans les organisations publiques ? Pourquoi la réflexion sur ce qu’est l’évaluation est-elle relancée par la discussion critique des possibilités de contrôle engendrées par le <em>big data</em> ?</p>
<p>Ces éclairages précieux apportent des éléments de réponse à la question que tous les auteurs de ce numéro posent en filigrane : « et si évaluer, au sens où on l’entend habituellement, ne servait finalement à rien ? »</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/96568/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Production des chercheurs, prise en charge des patients, performance des organisations, niveau des élèves… L’évaluation est présente dans presque toutes nos activités. Mais est-elle utile ?Stéphanie Chatelain-Ponroy, Professeur des universités, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Alain Burlaud, Professor emeritus, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Aude Deville, Professeur des Universités à l’IAE de Nice, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.