tag:theconversation.com,2011:/us/topics/concours-32605/articlesconcours – The Conversation2023-06-07T19:48:08Ztag:theconversation.com,2011:article/2070432023-06-07T19:48:08Z2023-06-07T19:48:08ZFace à Parcoursup, le bac a-t-il encore une valeur ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/530123/original/file-20230605-21-plyave.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=35%2C2%2C1561%2C795&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Image extraite du film «&nbsp;Chante ton bac d'abord&nbsp;», qui suit une bande d'adolescents arrivés en fin de lycée.</span> <span class="attribution"><span class="source">Copyright Bodega Films (Allociné)</span></span></figcaption></figure><p>Le baccalauréat a-t-il toujours une valeur ? Et sert-il encore à quelque chose ? Nombreuses sont les <a href="https://theconversation.com/bac-2020-a-t-on-fait-le-bon-choix-135606">péripéties</a> ayant marqué la réforme du bac actée en 2019, instaurant <a href="https://eduscol.education.fr/725/presentation-du-baccalaureat-general">40 % de contrôle continu</a> et la fin des séries de bac général S (scientifique), ES (économique et social) et L (littéraire) au profit d’une combinaison de spécialités – maths, histoire-géographie, langues, humanités, etc. – dont les <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/03/21/j-ai-du-mal-a-realiser-que-c-est-vraiment-le-bac-alors-qu-on-est-au-milieu-de-l-annee-la-grande-premiere-des-epreuves-de-specialites_6166320_3224.html">épreuves finales sont organisées dès le mois de mars en terminale</a>.</p>
<p>La mise en place de cette nouvelle formule a été secouée tant par la <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/03/09/le-Covid-met-la-reforme-du-bac-a-l-epreuve_6072418_3224.html">crise du Covid-19</a> que par des résistances d’ordre syndical, ou idéologique, conduisant à interroger le sens de l’examen lui-même. La hauteur des derniers taux de réussite, jugés excessifs par beaucoup, ne conforte-t-elle pas l’idée que cet examen ne vaut plus rien ? Et la place prise par Parcoursup, et son calendrier, à conclure qu’il ne sert plus à rien ?</p>
<p>Pour trancher, il nous faut comprendre ce qui est en jeu, et être attentifs à la confrontation entre plusieurs logiques, de nature conflictuelle. En passant ainsi d’une vision statique à une vision dynamique du problème.</p>
<h2>La montée de la logique du concours</h2>
<p>Le baccalauréat n’est pas un concours. Dans son travail consacré à <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-societe-du-concours-annabelle-allouch/9782021350258"><em>La société du concours</em></a>, Annabelle Allouch fait observer que, d’une façon générale, le renforcement du poids des concours s’accompagne d’une « dévalorisation du diplôme ». Le bac est un examen, qui atteste, en tant que diplôme, que l’on a suivi avec succès des études secondaires. Il témoigne de la réussite à une série d’épreuves de contrôle. Un concours est une modalité de sélection, qui permet de classer les candidats à un poste, ou une fonction, dans le cadre d’une politique de numerus clausus.</p>
<p>Le concours et l’examen diplômant imposent donc tous les deux le recours à des épreuves, mais avec des finalités différentes. Le diplôme <a href="https://www.esf-scienceshumaines.fr/accueil/380-le-defi-d-une-evaluation-a-visage-humain.html">certifie un niveau d’études</a>. D’une certaine façon, il départage les reçus et les recalés, ceux qui atteignent le niveau requis et ceux qui ne l’atteignent pas. Mais il n’a pas pour fin de sélectionner. Le tri opéré par le concours est beaucoup plus sévère, car sa fin propre est de sélectionner, pour un nombre de places limité dès le départ. À l’examen, il faut réussir. Au concours, <a href="https://www.puf.com/content/L%C3%A9valuation_une_menace">« réussir mieux que les autres »</a>. Ce n’est pas du tout la même chose…</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/loCIlDLQ97I?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bac 2022 : les épreuves écrites des spécialités, une première (France 3 Grand Est).</span></figcaption>
</figure>
<p>Dans ces conditions, on peut se demander si <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/07/04/parcoursup-risque-de-tuer-le-bac_6133266_3232.html">l’entrée en jeu de Parcoursup ne chamboule pas les règles du jeu</a>, au point de « tuer » le baccalauréat, selon un titre du <em>Monde</em> en juillet 2022. Ce qui marquerait le triomphe du concours sur le diplôme. Car Parcoursup a été créé pour ajuster des souhaits individuels avec des offres institutionnelles de formation, ce qui impose une analyse en termes de rencontre. Or, en fin du secondaire, la correspondance entre les demandes des élèves et l’offre de places disponibles est loin d’être harmonieuse.</p>
<p>De facto, la sélection se trouve placée au cœur du système, en tout cas pour les « filières de prestige, ou bien « en tension ». Dans un contexte, qui plus est, d’inflation des taux de réussite au bac, l’essentiel, pour les lycéens, n’est pas d’obtenir son bac, mais de voir ses vœux satisfaits sur Parcoursup. C’est la logique de concours qui finit par l’emporter, au détriment de la logique du diplôme dans laquelle s’inscrit le bac.</p>
<h2>Un visa pour l’enseignement supérieur ?</h2>
<p>Le risque de voir <a href="https://theconversation.com/sur-parcoursup-les-emotions-des-lyceens-influencent-leurs-choix-179432">Parcoursup</a> venir « tuer » le bac est d’autant plus fort que, précisément, la logique des concours vient rencontrer et renforcer (conforter) la logique de construction de parcours qui est à l’œuvre dans toute histoire scolaire.</p>
<p>La société s’efforce de réguler les flux d’élèves en structurant le système scolaire de façon à offrir différentes possibilités de parcours, débouchant sur des diplômes qui sont, pour différentes raisons, de valeur inégale. Le jeu de la reconnaissance sociale se traduit ainsi par la mise sur le « marché » d’un ensemble de diplômes hiérarchisé, parmi lesquels le bac. Dans ce système, chacun s’efforce, en fonction de ses conditions matérielles d’existence, et de certaines dispositions d’origine individuelle, ou sociale, de s’inscrire dans un parcours de réussite conforme à ses aspirations.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/parcoursup-les-adolescents-face-au-stress-des-choix-dorientation-203018">Parcoursup : les adolescents face au stress des choix d’orientation</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Dans l’idéal, les logiques de développement individuel se déploient harmonieusement au sein d’un système scolaire rationnellement structuré. Dans la réalité, certaines ambitions entrent en collision. Il y a des points de passage où l’on se bouscule. Et c’est là qu’il s’avère particulièrement nécessaire de réussir mieux que les autres.</p>
<p>Apparaissent ainsi des moments cruciaux où le flux des élèves tentant de s’orienter au mieux de leurs intérêts vient buter contre les écluses et les digues mises en place par la société pour canaliser les parcours de formation. L’entrée dans l’enseignement supérieur, après le bac (et grâce à lui), est l’un de ces principaux moments. Car le bac est à la fois un diplôme, valant reconnaissance sociale de son niveau, et un passeport, permettant d’accéder au territoire des formations supérieures.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Dans une logique de distribution de diplômes, la reconnaissance sociale dont leur possession témoigne ne manque pas d’importance. De nombreuses études ont souligné <a href="https://theconversation.com/une-jeunesse-des-jeunesses-des-diplomes-pour-imaginer-lavenir-171223">leur rôle protecteur en matière de chômage</a> et d’insertion sociale. Mais, en tant que passeport, le bac s’est démonétisé, car il ne comporte pas les « visas » qui permettraient de s’orienter vers l’espace d’études de son choix. Visas que, désormais, Parcoursup est seule à délivrer…</p>
<p>C’est pourquoi la logique individuelle de construction d’un parcours de réussite passe aujourd’hui beaucoup moins par l’obtention du bac, d’ailleurs pratiquement à la portée de tous (<a href="https://www.education.gouv.fr/resultats-definitifs-de-la-session-2022-du-baccalaureat-des-resultats-en-baisse-apres-deux.tricesions-357740">91 % de réussite en 2022</a>) que par des stratégies de positionnement sur Parcoursup, et la recherche des offres de formation jugées les plus « payantes » en matière de construction d’un capital culturel, et de future insertion socioéconomique.</p>
<h2>Les défis de l’orientation scolaire</h2>
<p>Finalement, pour celui qui s’inscrit dans un parcours scolaire, le problème principal, et récurrent, est de savoir bien s’orienter. En ce sens, le Chef de l’État a sans doute eu raison d’affirmer qu’il nous faut <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/01/14/au-congres-de-france-universites-emmanuel-macron-presente-sa-version-de-l-universite-de-demain_6109546_3224.html">« repenser profondément l’orientation de nos adolescents et de nos jeunes »</a>. Mais une chose est d’éclairer les choix. Autre chose de mettre concrètement tous les choix à la portée de tous.</p>
<p>Tant qu’il y aura une hiérarchisation sociale des formations et des filières, et tant que tous n’auront pas accès à tous les choix (société idéale que postulent ceux qui réclament la suppression sans remplacement de Parcoursup), les ambitions viendront buter sur des points de passage où, de fait, une sélection s’impose. Ces points de passage sont ainsi des lieux où une dynamique de formation se heurte à une exigence de sélection. En tout cas, tant que le nombre de places disponibles dans les unités de formation ne sera pas significativement supérieur au nombre de candidats…</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/debat-le-bac-a-t-il-encore-un-avenir-163323">Débat : Le bac a-t-il encore un avenir ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Le problème est donc, pour les individus, comme pour la société, d’optimiser la rencontre entre des dynamiques d’orientation pilotées individuellement, et des mécanismes de tri dont la présence et le jeu sont imposés par l’organisation, et par l’état, du système social de formation.</p>
<p>Dans ces conditions, on comprend que l’on puisse raisonner en termes de bonne ou de fausse monnaie. Du point de vue de l’accès aux filières « lucratives » du supérieur, le bac est devenu de la fausse monnaie. Il est un diplôme dont la valeur utilitaire est désormais minime. C’est Parcoursup, où se joue l’accès aux formations à plus forte plus-value (classes préparatoires, Sciences Po), qui impose son agenda.</p>
<p>Faut-il alors conserver le bac ? Oui, sans doute, comme rituel symbolique d’accession à la « maturité » (son nom dans la plupart des autres pays). Mais en prenant acte du fait, aujourd’hui fondamental, que <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-societe-du-concours-annabelle-allouch/9782021350258">« la sélection compte comme une certification symboliquement et monétairement plus forte que le diplôme »</a>.</p>
<p>Le bac remplit toujours, très formellement, la fonction d’écluse qu’il faut passer pour accéder à la haute mer des formations du supérieur. Dans la réalité, cette fonction d’écluse, à double valeur de sélection et d’orientation, est désormais dévolue à un mécanisme de type Parcoursup qui, dans l’état actuel des choses, signifie bien le crépuscule du baccalauréat…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207043/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Hadji ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans un système où une grande part du bac se joue en contrôle continu et où Parcoursup régule l’accès à l’enseignement supérieur, le bac a-t-il encore un sens ?Charles Hadji, Professeur honoraire (Sciences de l’éducation), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2053382023-05-11T18:15:17Z2023-05-11T18:15:17ZEurovision : fausses notes au concert des nations<p>La 67<sup>e</sup> édition du Concours Eurovision de la Chanson (CEC) se tient à Liverpool, jusqu’au 13 mai 2023. Pays vainqueur en 2022, l’Ukraine a été contrainte de renoncer à l’organisation de l’événement en raison de son conflit militaire avec la Russie.</p>
<p>Aujourd’hui, le CEC dépasse largement le cadre culturel qu’il s’est officiellement et originellement construit. Tout <a href="https://www.liberation.fr/politique/le-sport-nest-pas-politique-macron-prouve-que-si-20221219_RQ564VXJNRE2JHZ2ZBUW5G37ZQ/">comme la Coupe du Monde de football</a>, dont la dernière édition au Qatar a fait l’objet de <a href="https://theconversation.com/coupe-du-monde-au-qatar-shell-danone-ou-nike-les-questions-que-soulevent-les-boycotts-191815">nombreuses controverses</a>, le CEC est une <a href="https://theconversation.com/leurovision-song-contest-un-laboratoire-politique-continental-182245">caisse de résonance continentale</a> où intérêts nationaux et enjeux économiques sous-jacents se multiplient et se diversifient au fil des éditions.</p>
<h2>Un événement incontournable</h2>
<p>Il a ses fans et ses détracteurs, mais une chose est sûre : le CEC, suivi par 200 millions de téléspectateurs, est devenu incontournable. Tout le monde y va de son avis sur la qualité des candidats. Ainsi certains aficionados déroulent leur théorie du complot – comme <a href="https://journals.openedition.org/cybergeo/23451">celle des « blocs »</a>, c’est-à-dire l’idée qu’il existerait des blocs de pays voisins votant massivement les uns pour les autres.</p>
<p>D’autres spectateurs accusent les délégations concurrentes de dopage (<a href="https://www.parismatch.com/Culture/Medias/Eurovision-2021-le-vainqueur-italien-a-t-il-pris-de-la-cocaine-en-direct-1739079">« les rockers cocaïnés »</a>, comme les footballeurs argentins, seraient toujours avantagés ; et, toujours selon certains, les <a href="https://eurovision-quotidien.com/eurovision-2022-votes-invalides-pour-6-jurys-nationaux/">jurys de l’Est</a> seraient aussi « pourris » que les arbitres de foot soviétiques)…</p>
<p>Même ceux qui détestent l’élan libertaire du CEC ne peuvent en faire abstraction : Bilal Hassani est – malheureusement pour les luttes contre les discriminations – <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/homophobie/concert-annule-a-metz-bilal-hassani-a-porte-plainte_5766239.html">d’autant plus attaqué</a> qu’il a acquis une envergure internationale et un statut d’icône LGBT+ depuis sa participation au concours en 2019.</p>
<h2>Instrumentalisation à tous les étages</h2>
<p>Le CEC, événement pan-européen annuel, mérite bien son surnom de <a href="https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/musique/amir-l-eurovision-c-est-les-jeux-olympiques-de-la-chanson-10-05-2016-5783859.php">Jeux olympiques de la chanson</a> – et pas seulement en raison du prix prohibitif <a href="https://www.huffingtonpost.fr/culture/article/eurovision-2023-il-va-falloir-payer-tres-cher-pour-dormir-a-liverpool-le-soir-de-la-finale_208803.html">pour qui voudrait assister au live en logeant sur place</a>.</p>
<p>Dans cette compétition, tous les télédiffuseurs nationaux (et les États qui les pilotent) ne jouent néanmoins pas le même jeu. Certains font acte de présence (comme la <a href="https://www.slate.fr/story/101947/eurovision-france-haine">France jusqu’en 2015</a>) avec un <a href="https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/tv/ordre-de-perdre-quand-la-france-ne-voulait-surtout-pas-gagner-leurovision-07-05-2023-PZGC2SG5VFB7XEQRO3VMLBPMT4.php">télédiffuseur qui n’investit pas financièrement et médiatiquement autour du candidat national</a>. Les autres y voient une opportunité, parfois la seule de l’année, de faire connaître et rayonner leur pays, leur folklore, langue et culture, quitte à <a href="https://escxtra.com/2018/09/10/celebrating-diversity-or-perpetuating-old-stereotypes/">surjouer des stéréotypes</a> : c’est le cas par exemple du Monténégro, du Portugal ou de la Macédoine du Nord.</p>
<p>Certains pays participent pour soutenir leur industrie musicale florissante, à l’image de la <a href="https://www.20minutes.fr/culture/4027534-20230312-eurovision-2023-melodifestivalen-feu-camp-2-0-suede-designe-artiste-concours">Suède</a>, tandis que d’autres tentent d’européaniser leur image, <a href="https://www.francetvinfo.fr/culture/musique/la-turquie-va-maintenir-son-boycott-de-l-eurovision_3279371.html">comme la Turquie</a>, qui dès 1987 a fait correspondre sa présence au CEC avec sa candidature à l’UE, jusqu’à son retrait du concours en 2013.</p>
<p>D’autres espèrent afficher une modernité sociale factice, comme l’Azerbaïdjan qui, à travers cette <a href="https://www.lefigaro.fr/mon-figaro/2012/05/24/10001-20120524ARTFIG00772--bakou-l-eurovision-danse-sur-un-volcan.ph">« vitrine clinquante »</a> masque un <a href="https://theconversation.com/trente-ans-apres-leffondrement-de-lurss-ces-etats-fantomes-qui-hantent-lespace-post-sovietique-174140">régime dictatorial</a>. Ce même pays avait d’ailleurs, en 2020, transformé le concours en faire-valoir pour <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/comment-les-tensions-autour-du-haut-karabakh-se-sont-deja-fait-remarquer-au-concours-de-l-eurovision-2325047">revendiquer le territoire du Haut-Karabagh</a> dans le conflit militaire l’opposant à l’Arménie.</p>
<p>Il y a aussi ceux qui <a href="https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2022/05/13/eurovision-sous-le-kitsch-le-strass-et-les-paillettes-le-poids-de-la-geopolitique_6124945_4500056.html">veulent redorer leur image internationale</a>, comme Israël <a href="https://www.independent.co.uk/voices/eurovision-israel-lgbt-rights-pinkwashing-palestine-a8804851.html">et son recours au pinkwashing</a>, se donnant une image progressiste et engagée pour les droits LGBT+ malgré une tendance <a href="https://www.courrierinternational.com/article/droits-humains-en-israel-la-crainte-d-une-montee-de-l-homophobie">homophobe</a> de plus en plus marquée parmi les nouveaux membres du gouvernement.</p>
<h2>Un marketing territorial opportun</h2>
<p>Depuis quelques années, une nouvelle dynamique est à l’œuvre avec une forme de <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/marketing-territorial">marketing territorial</a>, afin d’attirer des populations jugées désirables, des investissements, des entreprises, ou tout cela à la fois.</p>
<p>Au-delà du <em>nation-branding</em>, d’échelle internationale, quand un pays remporte le concours et l’organise l’année suivante, une véritable bataille politique interne se déclenche. En effet, le télédiffuseur national doit sélectionner une ville hôte qui doit remplir de multiples conditions : une énorme salle, des hôtels en nombre, un aéroport international ou à défaut un réseau de transports performant, des garanties financières, etc.</p>
<p>Un lobbying féroce oppose alors les villes techniquement aptes à recevoir l’événement puisque celle qui est sélectionnée bénéficie d’une publicité inespérée (notamment via les « cartes postales », des vidéos diffusées entre chaque chanson participante), avec pour conséquence immédiate de booster le tourisme à court terme… et de courte durée, sous forme d’escapades de 72 heures en vols low-cost. La compagnie aérienne anglaise EasyJet est d’ailleurs le partenaire du CEC 2023 à Liverpool : tout un symbole.</p>
<p>Pour s’assurer la victoire – sept villes étaient en lice – la ville et la région de Liverpool ont déboursé <a href="https://www.bbc.com/news/uk-england-merseyside-63906938">2 millions de livres</a>. Une somme considérable mais soutenable lorsqu’on souhaite <a href="https://www.transformmagazine.net/articles/2019/place-branding-liverpool/">changer son image de ville industrielle auprès du grand public européen</a> et confirme une reconversion dans le secteur tertiaire des services initiée avec l’obtention du label <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/2008-decouverte-de-liverpool-capitale-europeenne-de-la-culture">Capitale européenne de la culture en 2008</a>.</p>
<h2>Une sérénade patriotique</h2>
<p>Un peu comme pour la Coupe du monde de foot, on confond les ambitions des délégations et d’artistes associés – mandatés par une chaîne de télévision publique – avec l’avenir d’une nation. C’est certes une fausse guerre, où les armes font place aux paillettes, mais la compétition est réelle, et les boucs émissaires vite désignés en cas de débâcle.</p>
<p>Lorsqu’il manque un but, <a href="https://theconversation.com/debat-de-zizou-a-mbappe-la-victoire-masque-le-spectre-du-racisme-99798">Mbappé, comme Zidane jadis</a>, n’est jamais assez français… De même <a href="http://www.chartsinfrance.net/La-Zarra/news-123714.html">La Zarra</a> (artiste choisie par France TV en 2023) est déjà ramenée, sur les réseaux sociaux, à ses origines québécoises et marocaines, avant même d’avoir performé.</p>
<p>De fait, on va <a href="https://www.ladepeche.fr/2023/05/08/video-eurovision-on-avait-pour-ordre-de-perdre-on-sait-pourquoi-la-france-ne-gagne-jamais-11182183.php">désormais</a> à l’Eurovision pour <a href="https://eurovision-quotidien.com/interview-alexandra-redde-amiel-on-est-determine-a-gagner-leurovision/">ramener la coupe à la maison</a>.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/corps-a-corps-a-leurovision-161365">Corps à corps à l’Eurovision</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Elle semble loin, l’époque où Sébastien Tellier acceptait mollement d’<a href="https://www.liberation.fr/ecrans/2008/05/24/eurovision-c-est-dinde_72502/">ajouter une phrase en français dans son morceau électronique</a>, alors qu’aujourd’hui c’est « la grande France » (R roulé, s’il vous plaît !) qui fait vibrer les foules, surtout à l’étranger – le syndrome <em>Emily in Paris</em>. En 2021, Barbara Pravi avait ouvert la voie du <em>french flair</em> nostalgique de la môme Piaf avec <a href="https://www.francebleu.fr/infos/culture-loisirs/finale-de-l-eurovision-2021-samedi-la-francaise-barbara-pravi-favorite-avec-voila-1621604033"><em>Voilà</em></a> ;</p>
<p>La Zarra, <a href="https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/tv/une-tour-eiffel-humaine-avant-leurovision-2023-la-zarra-devoile-le-debut-de-sa-performance-07-05-2023-AG7QWIIPMREVPAZ6YD5P76GHJQ.php">« tour Eiffel humaine »</a>, enfonce le clou en 2023.</p>
<p>Ce patriotisme pop mais un peu inquiétant est un dommage collatéral d’une nationalisation extrême de l’effervescence inhérente à l’épreuve. Et il finit, immanquablement, par déborder aussi sur des communautés – LGBT+ en tête – qui trouvent pourtant dans l’Eurovision moderne un <a href="https://www.lalibre.be/culture/musique/2019/05/18/eurovision-le-royaume-de-la-communaute-lgbt-videos-IFT2VTBEKJEWTGGSC4RWCELPPQ">terrain d’expression rare et précieux</a>.</p>
<p>Par exemple, on voit apparaître sur les réseaux sociaux des stories agressives qui questionnent la validité nationale des concurrents. Dans ce grand maelström, chacun veut sa part du gâteau et y va de sa déclaration, gageure pour une victoire possible ou excuse visible en cas de déroute.</p>
<p>Petit concours devenu grand, l’Eurovision a changé de format, d’échelle et de cadre, et ses enjeux sont devenus globaux, pluriels et interconnectés. Et en cela, forcément sociopolitiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205338/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le concours de l’Eurovision est une caisse de résonance continentale où intérêts nationaux et enjeux économiques sous-jacents se multiplient et se diversifient au fil des éditions.Stéphane Resche, PRAG (PhD) / Associate researcher, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Quentin Mauduit, Enseignant-chercheur en politiques européennes, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1980362023-01-24T19:09:20Z2023-01-24T19:09:20ZGrandes écoles : 80 fois plus de chances d’admission quand on est enfant d’ancien diplômé<p>En France, un diplôme d’une très grande école est, sinon un prérequis, au moins un fort accélérateur aux postes de direction les plus prestigieux. Tous les <a href="https://www.elysee.fr/la-presidence/les-presidents-de-la-republique">présidents de la Vᵉ République</a> sont passés par leurs bancs, de même qu’une <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/quelle-formation-faut-il-suivre-pour-devenir-un-patron-du-cac-40.N723539">majorité de PDG du CAC40</a>, dont une dizaine a été formée par la seule École Polytechnique.</p>
<p>Toutefois, les chances d’admission dans ces écoles apparaissent particulièrement inégales. Et, même une fois le précieux diplôme acquis, les carrières des diplômés restent influencées par leur origine sociale. C’est le constat qui ressort de la <a href="https://www.theses.fr/2021AIXM0576">thèse de doctorat</a> que j’ai menée sur le rôle central des grandes écoles dans la stabilité des élites françaises depuis la fin du XIX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Alors que s’ouvre pour <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/parcoursup-2022-936-000-candidats-ont-confirme-au-moins-un-voeu-85310">près d’un million de candidats</a> la <a href="https://www.education.gouv.fr/parcoursup-2023-ouverture-de-la-phase-d-inscription-et-de-formulation-des-voeux-344173">première phase d’inscription sur Parcoursup</a>, où lycéens et étudiants peuvent enregistrer leurs vœux d’orientation ou de réorientation dans l’enseignement supérieur, notamment vers les classes préparatoires aux grandes écoles, revenons sur cet envers du discours méritocratique.</p>
<h2>Partir des registres nominatifs</h2>
<p>Pour mener cette étude, la première étape a été de collecter les annuaires d’une douzaine de grandes écoles parmi les plus prestigieuses, recensant près de 400 000 diplômés entre 1886 et 2015, ce qui représente près d’un Français sur trois cents sur la période. Ces données ont ensuite été appariées aux carrières de 5 528 représentants politiques et de 42 074 membres de conseils d’administration.</p>
<p>Un certain nombre de caractéristiques ont été étudiées de manière indirecte à partir des noms de famille et des informations qu’ils peuvent intrinsèquement véhiculer, comme une ascendance noble ou une origine géographique particulière.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Les patronymes, hors exceptions, reflètent aussi le lien des enfants avec leurs pères, le choix du nom de la mère n’étant possible que pour les individus nés depuis 2005 et n’ayant été élargie aux adultes qu’en 2022.</p>
<p>À partir de la distribution des patronymes dans le recensement de la population, dans les écoles et dans l’élite politico-économique à travers les générations, il est ainsi possible de construire la probabilité pour un garçon ou une fille que son père soit diplômé d’une grande école, ou qu’il appartienne à l’élite politique ou économique. Cela constitue un lien intergénérationnel entre un pseudo-père et un pseudo-enfant.</p>
<p>Si les porteurs d’un nom de famille comme <em>Martin</em> sont relativement nombreux, représentant environ 0,4 % de la population, la majorité des patronymes est suffisamment rare pour informer sur les lignées. Par ailleurs, si la méthodologie a pour inconvénient de ne pas suivre la transmission maternelle, les diplômées des grandes écoles et les dirigeantes politiques et économiques étaient historiquement très minoritaires (et le restent, dans une moindre mesure).</p>
<h2>Noblesse d’État et centralisme français</h2>
<p>Dans sa table des familles, <a href="https://anf.asso.fr/">l’Association d’entraide de la noblesse française</a> recense la plupart des familles d’ascendance aristocratique. Environ un siècle après la Révolution française, elles avaient 15 fois plus de chances que le reste de la population d’intégrer les grandes écoles les plus cotées, et encore 9 fois plus de chances sur la période récente, plus de deux siècles après la Révolution.</p>
<p>Cela souligne la rémanence du niveau d’éducation des descendants de la noblesse. Leur surreprésentation est encore plus marquée dans les écoles de commerce, où ces familles semblent par ailleurs privilégier l’admission de leurs fils plutôt que de leurs filles.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/x-ena-la-puissance-du-reseau-un-obstacle-au-controle-du-dirigeant-aux-effets-deleteres-159824">X, ENA… La puissance du réseau, un obstacle au contrôle du dirigeant aux effets délétères</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>On observe aussi une évolution de l’origine géographique des diplômés des écoles les plus prestigieuses. Les individus nés dans les régions situées au nord-ouest d’un axe Strasbourg-Toulouse ont connu une baisse de leur représentation parmi les diplômés. À titre illustratif, alors que les Picards y étaient admis sensiblement comme la moyenne nationale au début du XX<sup>e</sup> siècle, ils avaient 5 fois moins de chances d’admission que le reste de la population entre 1991 et 2015. À l’inverse, les personnes nées dans les régions du sud-est de la France et en Alsace ont vu leurs chances d’admission augmenter.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-merite-est-il-encore-un-ideal-democratique-159488">Le mérite est-il encore un idéal démocratique ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Mais la disparité la plus frappante concerne la capitale. Alors que Paris accueillait selon les générations entre 4 et 7 % des naissances nationales sur le siècle passé, les Parisiens représentaient entre un tiers et la moitié des effectifs des grandes écoles les plus prestigieuses. Si la plupart de ces écoles sont situées en région parisienne, la surreprésentation des Parisiens est sans commune mesure avec celle des Franciliens, et l’hégémonie parisienne a même eu tendance à s’accentuer depuis la fin du XX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>L’étude s’intéresse par ailleurs à la reproduction sociale entre générations de diplômés des grandes écoles. Les enfants de diplômés nés entre 1891 et 1915 avaient 154 fois plus de chances d’être admis dans ces prestigieuses écoles. Cet avantage est divisé par deux pour la génération suivante et reste ensuite stable avec environ 80 fois plus de chances d’admission pour un enfant de diplômé né entre 1916 et 1995.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/505246/original/file-20230118-7884-iwfw2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505246/original/file-20230118-7884-iwfw2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505246/original/file-20230118-7884-iwfw2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505246/original/file-20230118-7884-iwfw2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505246/original/file-20230118-7884-iwfw2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505246/original/file-20230118-7884-iwfw2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505246/original/file-20230118-7884-iwfw2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505246/original/file-20230118-7884-iwfw2w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Taux d’admission selon différentes caractéristiques (approchées par le patronyme) relativement au reste de la population, par cohorte de naissance. Intervalles de confiance à 95 % renseignés entre crochets.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Avoir un grand-père ou même un arrière-arrière-grand-père diplômé d’une grande école est aussi associé à une probabilité significativement supérieure d’admission. Cela représente un « plancher de verre » multigénérationnel pour les enfants de l’élite.</p>
<p>Par ailleurs, une analyse d’hétérogénéité montre que les enfants de diplômés tendent à étudier exactement dans la même école que leurs aïeux, ce qui conduit à des taux d’admissions relatifs plus élevés, bien que ces petits sous-échantillons produisent des estimations moins précises. Par exemple, les enfants de polytechniciens nés entre 1971 et 1995 avaient 296 fois plus de chances d’être admis à Polytechnique (intervalle de confiance à 95 % : de 209 à 420).</p>
<h2>« Double dividende »</h2>
<p>L’étape suivante consiste à examiner le devenir professionnel des étudiants de ces très grandes écoles nés entre 1931 et 1975. Ce travail met en évidence la <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/lsd-la-serie-documentaire/les-ecoles-du-pouvoir-8427054">présence de dynasties</a>, dès lors que les enfants des élites politique et économique ont davantage de chances que leurs pairs diplômés d’atteindre ces mêmes positions, au conseil d’administration d’entreprises ou comme personnalité politique nationale.</p>
<p>Les dynasties politiques sont particulièrement importantes : un diplômé de grande école a 37 fois plus de chances qu’un de ses camarades de promotion de devenir parlementaire ou ministre si son père l’a aussi été. L’importance de ces dynasties politiques est toutefois en recul progressif, corroborant en France des résultats précédemment identifiés <a href="https://academic.oup.com/restud/article-abstract/76/1/115/1574319">aux États-Unis</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Nk4qB5fj3iQ?wmode=transparent&start=58" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les élites et la tyrannie méritocratique (Lecture du livre de Michael Sandel par Ghislain Deslandes, Xerfi Canal).</span></figcaption>
</figure>
<p>En définitive, en plus de meilleurs taux d’admission dans les grandes écoles, les enfants de l’élite bénéficient d’un « double dividende », avec de meilleures perspectives de carrières que leurs camarades de promotion.</p>
<p>Bien que les admissions aux grandes écoles par voie de concours s’inscrivent dans une promesse d’égalité des chances, les résultats présentés ici en soulignent les limites. Le fait que la rhétorique méritocratique fasse généralement abstraction d’un large faisceau de résultats en sciences sociales soulignant des inégalités significatives a ainsi conduit certains chercheurs à parler d’<a href="https://www.seuil.com/ouvrage/le-capital-au-XXIe-si%C3%A8cle-thomas-piketty/9782021082289">« extrémisme méritocratique »</a> (Thomas Piketty) ou de <a href="https://us.macmillan.com/books/9780374289980/thetyrannyofmerit">« tyrannie du mérite »</a> (Michael Sandel).</p>
<p>Le terme « méritocratie » a d’ailleurs pour origine une <a href="https://openlibrary.org/books/OL9304912M/The_Rise_of_the_Meritocracy_1870-2033_%28Pelican%29">dystopie de Michael Young</a> dans laquelle le mérite (supposé) servait à justifier la confiscation du pouvoir. Dans les grandes écoles françaises, nous décrivons plutôt le produit d’une forme d’<a href="https://www.editionsladecouverte.fr/heritocratie-9782348042683">« héritocratie »</a>, telle que le sociologue Paul Pasquali qualifie la résistance de ces institutions aux transformations. En effet, la réforme de l’ENA, provoquée par la <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2019-4-page-143.htm">dénonciation de la déconnexion des élites</a> par le mouvement des « gilets jaunes », apparaît minime pour répondre à de telles inégalités.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198036/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Benveniste ne conseille pas et ne possède pas de parts d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article. En complément de ses deux affiliations, il est chargé d’enseignement à Sciences Po Paris. Stéphane Benveniste a bénéficié d'une aide de l'État opérée par l'Agence Nationale de la Recherche au titre du plan d'investissement France 2030 portant la référence ANR-17-EURE-0020, de l'Initiative d'Excellence d'Aix-Marseille Université - A* MIDEX, ainsi que du programme de recherche transnational NORFACE Dynamics of Inequality Across the Life-course.</span></em></p>Les origines sociales influencent-elles encore plus qu’on ne l’imagine les chances d’intégrer une grande école ? Quelques résultats de recherche alors que s’ouvre Parcoursup.Stéphane Benveniste, Post-doctorant à l'INED, chercheur associé à Aix-Marseille School of Economics (AMSE), Institut National d'Études Démographiques (INED)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1913962022-10-04T17:53:58Z2022-10-04T17:53:58ZBonnes feuilles : « Les nouvelles portes des grandes écoles »<p><em>Régulièrement critiquées pour le manque de diversité de leurs promotions, les grandes écoles développent depuis les années 2000 des programmes d’égalité des chances afin d’ouvrir leurs recrutements. Quels sont les effets réels de ces politiques ? La sociologue Annabelle Allouch propose de plonger dans leurs arcanes avec <a href="https://www.puf.com/content/Les_nouvelles_portes_des_grandes_%C3%A9coles">« Les nouvelles portes des grandes écoles »</a> (éd. Presses universitaires de France), une enquête au sein de trois institutions de prestige, en France et au Royaume-Uni (Sciences Po, l’ESSEC et l’université d’Oxford), dont nous vous proposons de lire un extrait des premières pages.</em></p>
<hr>
<p>Le 4 mai 2005, la « péniche », surnom donné au hall d’entrée de Sciences‑Po, accueille une foule bigarrée d’étudiants, de personnels administratifs et d’enseignants. Ils sont venus écouter Richard Descoings – leur directeur – qui inaugure ce jour les nouvelles portes d’entrée du 27, rue Saint‑Guillaume. Installées grâce au financement d’une entreprise du CAC 40 dans le cadre de sa politique de diversité sociale, les nouvelles portes – d’immenses baies vitrées coulissantes – doivent désormais faciliter l’accès de tous les étudiants, y compris ceux en situation de handicap. Elles suppléent ici d’immenses propylées en fer forgé et de style Art déco. Tous les anciens se souviennent de ces portes battantes, qu’il fallait chaque jour pousser de toutes ses forces pour entrer, tout en évitant d’être emporté par leur poids. La sensation physique du passage du seuil.</p>
<p>Cinq ans plus tôt, le programme des « Conventions d’éducation prioritaire » de Sciences Po inaugurait, à grand renfort de trompettes et de tambours médiatiques, l’ère de l’ouverture sociale dans les grandes écoles françaises. Mais l’ouverture sociale a‑t‑elle modifié le visage de l’enseignement supérieur sélectif ?</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/RcMeQgw-szA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les limites des dispositifs d’ouverture sociale des grandes écoles (Interview d’Annabelle Allouch sur Xerfi Canal, 2019).</span></figcaption>
</figure>
<p>Pour comprendre les effets de ces dispositifs, les analystes tentent en général de se pencher sur le parcours de quelques étudiants défavorisés qui parviennent à se hisser dans les grandes écoles. Cette lecture repose sans doute sur un certain goût pour ces trajectoires spectaculaires, à l’image de la littérature dite des « transfuges de classe », qui confortent notre croyance dans l’existence d’une méritocratie « malgré tout ». On peut également y voir un effet des modes de financement par projet des dispositifs qui fixent souvent des objectifs quantifiés en termes de diversité des publics. À rebours de ces approches, cet ouvrage repose sur un parti‑pris différent : pour comprendre le poids de l’ouverture sociale sur les filières d’élite (le terme de filières d’élite désigne les filières qui mènent aux positions sociales les plus élevées d’une société donnée), il faut également se pencher sur les changements engendrés dans l’organisation et le fonctionnement de ces établissements et sur leur manière de sélectionner les étudiants.</p>
<p>Cet ouvrage étudie donc la « figure » du concours d’entrée dans les filières d’élite et la manière dont l’ouverture sociale a affecté son organisation. Dans quelle mesure les grandes écoles, prises dans leur mission de formation et de sélection des élites, s’ajustent‑ elles aux nouvelles contraintes qui pèsent sur elles ? Comment parviennent‑elles à adapter leurs modes de fonctionnement habituels à un nouveau public dont les caractéristiques scolaires et sociodémographiques s’avèrent parfois radicalement opposées à celles de leurs publics traditionnels ?</p>
<p>[…]</p>
<p>Le concours fait l’objet d’un intérêt médiatique remarquable, en France comme à l’étranger, et la presse s’approprie également l’image de la porte pour <a href="https://nieman.harvard.edu/books/the-gates-of-harvard-yard/">désigner le concours d’entrée</a>. Cela tient au fait que ce dernier s’impose dans de nombreux pays comme une forme institutionnelle politiquement et <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-societe-du-concours-annabelle-allouch/9782021350258">socialement légitime</a> qui incarne le principe du mérite comme principe d’organisation de l’ordre social. Dans les États modernes et démocratiques, on considère en effet que l’exercice du pouvoir politique doit ainsi être attribué aux « meilleurs », qu’ils aient été désignés comme tels par des électeurs, ou qu’ils aient démontré leur mérite ou leur talent lors d’une compétition prenant une forme bureaucratique.</p>
<p>[…]</p>
<p>La sociologie s’est donné pour but depuis une soixantaine d’années de comprendre le rôle de l’institution scolaire dans les trajectoires sociales des individus (d’ascension ou de déclassement), mais aussi ses manques et ses effets pervers. Cette littérature, extrêmement vaste, s’est développée à la faveur des différentes <a href="https://www.puf.com/content/Culture_de_masse_et_soci%C3%A9t%C3%A9_de_classes">vagues de massification scolaire</a> et universitaire. Si les études soulignent l’importance du capital culturel institutionnalisé sous la force d’un diplôme dans les parcours de mobilité, elles s’accordent de manière tout aussi unanime – et ce quel que soit le système envisagé – sur l’emprise de l’expérience scolaire sur les trajectoires sociales, amoureuses et professionnelles des individus. Le travail de classement et de catégorisation des individus selon leurs caractéristiques sociodémographiques traduites sous une forme scolaire (une note, un commentaire, une orientation), puis celui de relégation vers certains types de filières, amplifie les inégalités sociales d’origine, mais aussi les <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782804150556-l-ecole-l-epreuve-de-la-sociologie">inégalités genrées</a>. C’est dans cette tension entre une école qui socialise et une école qui classe, entre une école au service du public ou au service des élites, que s’est construite la sociologie de l’éducation européenne et américaine contemporaine.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-culture-de-masse-et-societe-de-classes-le-gout-de-lalterite-172438">Bonnes feuilles : « Culture de masse et société de classes. Le goût de l’altérité »</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Notre ouvrage prend place dans cet ensemble à partir d’une hypothèse simple : pour comprendre le rôle de l’école dans les trajectoires des individus aujourd’hui, et en particulier celui de ses institutions les plus légitimes, il faut prendre en compte non seulement le parcours de ces élèves, mais aussi la manière dont la structure institutionnelle de ces établissements, leurs routines de sélection, leurs liens avec des lycées et d’autres institutions du supérieur rendent possibles (ou impossibles) ces trajectoires.</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>On s’éloigne donc d’une approche par « le bas », fondée sur la manière dont les élèves passent d’un statut ou d’un groupe social à un autre (à la manière d’une émission télévisée qui suivrait les épreuves d’un candidat jusqu’à la victoire), pour se saisir du lent travail d’identification et de classement des individus par l’école. Dans un contexte où les établissements s’ajustent à de nouvelles formes d’injonctions en faveur de « l’égalité des chances » ou de la « diversité » (en fait très anciennes), le cas de l’ouverture sociale permet de révéler des pratiques institutionnelles routinières de clôture symbolique qui restent souvent dans l’ombre, à la fois pour des raisons stratégiques (conserver le contrôle du <a href="https://www.researchgate.net/publication/327866914_If_they%E2%80%99ve_had_a_middle_class_upbringing_that%E2%80%99s_not_their_fault_the_professional_practices_and_personal_identities_of_admissions_staff_at_selective_universities_in_England">choix de ses publics</a> assure l’autonomie de l’établissement), mais également parce que préserver une aura de mystère autour de la sélection revient à en renforcer le caractère sacré et la force symbolique aux yeux de l’élu, qui pourra l’investir comme telle dans son parcours.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/une-jeunesse-des-jeunesses-peut-on-vraiment-parler-de-generation-covid-171165">« Une jeunesse, des jeunesses » : peut-on vraiment parler de « Génération Covid » ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Le cas des filières d’élite peut paraître <em>a priori</em> très spécifique, d’autant plus qu’il ne représente qu’une minorité d’étudiants (sur les 2,8 millions d’étudiants scolarisés dans l’enseignement supérieur français, 85 000 sont scolarisés en CPGE et la <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/previsions-des-effectifs-dans-l-enseignement-superieur-rentrees-2021-et-2022-50825#:%7E:text=XLSX%20%7C%2018.57%20Ko-,Pr%C3%A9sentation,soit%2059%20400%20%C3%A9tudiants%20suppl%C3%A9mentaires.">taille des promotions</a> de ces écoles peut varier d’une centaine à 1 500 personnes par exemple à Sciences‑Po Paris). C’est d’autant plus vrai pour les dispositifs d’ouverture sociale qui ne permettent d’accueillir que quelques dizaines ou centaines d’étudiants par an, <a href="https://www.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2010-3-page-69.htm">selon les modèles défendus</a>. Par exemple, pour l’année 2010, 366 élèves sont admissibles par cette voie à Sciences‑Po, et 128 sont admis. L’ESSEC accueille 160 lycéens sur trois ans cette même année. Pourtant, ces filières d’élite se démarquent des autres, non seulement par l’investissement politique, symbolique et même financier dont elles font l’objet (de la part de l’État, des familles, etc.), mais aussi parce que, dans les sociétés bureaucratiques fondées sur des hiérarchies scolaires légitimes, ce sont souvent celles qui donnent accès aux biens et aux positions sociales les plus prisés.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/486748/original/file-20220927-16-ufreft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486748/original/file-20220927-16-ufreft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=913&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486748/original/file-20220927-16-ufreft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=913&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486748/original/file-20220927-16-ufreft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=913&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486748/original/file-20220927-16-ufreft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1148&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486748/original/file-20220927-16-ufreft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1148&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486748/original/file-20220927-16-ufreft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1148&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.puf.com/content/Les_nouvelles_portes_des_grandes_%C3%A9coles">PUF</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Notre ouvrage s’inscrit dans une perspective doublement comparatiste, à la fois parce qu’il offre une comparaison entre plusieurs établissements d’élite « en configuration » de diversité, et parce qu’il confronte des établissements français et étrangers. On rompt ainsi avec un sens commun qui inscrit ces questions dans un cadre national, angle national qui demeure prégnant sur les questions relatives à la formation des élites politico‑administratives dans les champs politiques ou médiatiques. </p>
<p>Ici, la comparaison systématique des dispositifs et de leurs effets entre des établissements français et anglais permet de souligner l’importance de ces questions dans de très nombreuses sociétés où les inégalités salariales et statutaires se fondent sur des hiérarchies scolaires et un discours méritocratique qui amplifient la <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/le-destin-au-berceau-camille-peugny/9782021096088">valeur des diplômes</a>. De ce point de vue, l’accès au supérieur ne nourrit pas seulement les inégalités scolaires, il entretient aussi la division et la <a href="http://www.worldcat.org/fr/title/187502">spécialisation des tâches</a> et des professions dans les économies postindustrielles. C’est l’ensemble de ces enjeux politiques, économiques et symboliques qui semblent être bousculés par l’émergence des dispositifs d’ouverture sociale. L’introduction se donne la chance de planter le décor de ce contexte singulier de manière très approfondie, à partir de la notion de diversité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191396/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Annabelle Allouch ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans sa dernière enquête, « Les nouvelles portes des grandes écoles », la sociologue Annabelle Allouch se penche sur les programmes d’égalité des chances et leurs effets. Extraits.Annabelle Allouch, Enseignante, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1846902022-06-15T18:27:31Z2022-06-15T18:27:31ZTémoignage : Des jurys tirés au sort pour mieux recruter les enseignants-chercheurs ?<p>Le recrutement des enseignants-chercheurs a été <a href="https://kiosque.bercy.gouv.fr/alyas/search/print/lettre-daj/3433">qualifié de concours</a> par le Conseil d’État (CE, 25 février 2015, Université de Nice Sophia-Antipolis, Req n°374002). Dès lors, le principe d’égalité des candidats à un concours, découlant lui-même du principe constitutionnel d’égal accès aux emplois publics, implique que les candidats doivent être traités de manière identique tout au long du processus de sélection.</p>
<p>Par-delà des modalités dérogatoires encore embryonnaires, il s’agit de se demander si les procédures nationales permettent de garantir la qualité scientifique des recrutements d’enseignants-chercheurs mais aussi l’égalité des candidats devant des concours de la fonction publique et donc questionner l’endo-recrutement.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/recrutements-academiques-les-quotas-de-genre-tremplins-pour-legalite-115592">Recrutements académiques : les quotas de genre, tremplins pour l’égalité ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Les enseignants-chercheurs sont des fonctionnaires recrutés par les universités au terme d’un processus exigeant. Leur parcours est d’abord soumis à l’évaluation et la validation préalable du <a href="https://theconversation.com/les-universites-en-france-et-leurs-sections-disciplinaires-liberte-ou-contrainte-scientifique-97843">CNU</a> (conseil national des universités), instance collégiale de professeurs d’université et maîtres de conférences qui jugent si le profil du candidat répond bien aux critères définis sur le plan national. Puis, celui-ci peut postuler auprès des universités en fonction des besoins que celles-ci expriment, à travers la publication de fiche de postes.</p>
<p>Des comités de sélection (COS) sont alors élaborés par un président de COS, professeur de l’université qui recrute, et validés par les instances de l’Université. Les membres du COS sont des enseignants-chercheurs de la discipline ou des disciplines requises par le poste. Les règles de constitution de ces COS imposent des impératifs de quorum de genre et des impératifs de quorum de rattachement (la moitié au moins des membres du COS ne doivent pas être membres de l’université qui recrute).</p>
<p>Ces règles ont pour objectif de limiter le « localisme » (tendance à privilégier les candidats venant de l’université qui recrute) et le clientélisme cooptatif des recrutements. Le COS procède à une pré-sélection sur dossiers puis à des auditions des candidats présélectionnés. Sur le papier, tout semble réuni pour une équité des recrutements. Le CNU apparait comme un garant de la qualité des parcours et le COS garant de l’adaptation du candidat aux besoins. Mais le diable est dans les détails et plusieurs questions demandent à être ouvertes : qui définit la fiche de poste ? Qui choisit les membres du COS ?</p>
<h2>Des failles aux garanties d’égalité</h2>
<p>Les postes mis au recrutement sont supposés répondre aux besoins de formation des composantes et aux besoins de recherche des laboratoires, matérialisés par la fiche de poste.</p>
<p>Les présidents de COS ont des moyens d’action importants : définir les membres du COS, composition ensuite validée par une instance de l’Université, pluridisciplinaire par définition, et donc éloignée des enjeux de pouvoir de la discipline. Ils attribuent à chaque membre du COS les candidats sur lesquels ils doivent rédiger un rapport au regard du dossier envoyé par le candidat.</p>
<p>Dans une session première, le COS décide alors des candidats retenus pour audition. A l’issue des auditions, le COS dresse un classement des candidats pouvant prétendre à occuper le poste. L’instance décisionnaire de l’université entérine ou pas cette liste. Il est assez rare qu’elle ne soit pas entérinée.</p>
<p>Les garanties d’égalité des candidats sont-elles respectées ?</p>
<p>Des failles existent. Ainsi, pour créer un écran de respectabilité à des pratiques non éthiques, un des moyens le simple est d’utiliser la définition des besoins grâce à une fiche de poste correspondant à un seul candidat. La fiche de poste est alors tellement spécifique que seul un candidat local prédéfini pourra y satisfaire : les postes que le jargon universitaire appelle les « postes à moustache ».</p>
<p>La seconde faille tient aux moyens d’action importants des présidents de COS : la définition des membres du COS, composition généralement validée par une instance de l’université, pluridisciplinaire par définition, et donc éloignée des enjeux de pouvoir de la discipline. Le choix des membres du COS mais aussi le pouvoir d’attribution des rapports de chacun des candidats à deux rapporteurs, membres du COS deviennent alors des moyens opaques d’infléchir la décision finale du jury.</p>
<h2>Des « endo-recrutements »</h2>
<p>L’ambition de la réforme de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (loi LRU) était de s’attaquer à la variante locale du clientélisme en prévoyant la condition d’extériorité posée à l’article L. 952-6-1. Le principe de cooptation collégiale par les pairs, règle universitaire, devrait-il être mieux encadré ? L’esprit de la loi est-il respecté ?</p>
<p>Selon le professeur Charles Fortier dans <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-02224783/"><em>Recrutement universitaire : accélérer le changement (AJFP 2015)</em></a> reste caractérisé par une « fermeture du marché » et une « domination des pratiques clientélistes, qui portent atteinte non seulement à l’égalité entre les candidats, mais à l’objectivité du recrutement (pour reprendre le critère wébérien du bon recrutement) ». Il indique que l’une des dysfonctions tient au fait que les membres extérieurs sont proposés, pour chaque concours, par les ressortissants locaux de la discipline considérée, et que dès lors « rien ne pouvait exclure qu’ils fussent choisis au gré des relations personnelles selon les enjeux en cause. » Le dispositif s’avère <a href="https://docplayer.fr/37886335-Charles-fortier-dir-universite-universites-coll-themes-et-commentaires-serie-actes-dalloz-2010-461-pages.html">au mieux « insuffisant et au pire contre-productif »</a></p>
<p>Son argumentaire résonne avec <a href="https://www.cairn.info/revue-cites-2012-2-page-126.htm">celui d’Olivier Beaud</a> : avec une commission ad hoc, le fameux comité de sélection, rien ne peut empêcher que l’on compose un comité en fonction du résultat que l’on veut obtenir : après les profils de postes dits « à moustache », voici désormais les « comités de sélection à moustache ». Tout est donc calibré pour recruter la personne déjà identifiée que l’on veut recruter, sur un profil prédéterminé. Cette personne étant, comme par hasard, issue soit de l’université ou de l’établissement qui recrute… sans compter sur les réseaux et <a href="https://www.village-justice.com/articles/contentieux-recrutement-des-universitaires-responsabilite-des-universites,35743.html">conflits de territoire de pouvoirs</a> au sein des laboratoires.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/jusquou-peut-on-invoquer-la-liberte-academique-174623">Jusqu’où peut-on invoquer la liberté académique ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Selon une <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/trajectoire-professionnelle-des-enseignants-chercheurs-recrutes-en-2016-83230">note d’information de la DGRH</a> du ministère de l’enseignement supérieur, publiée en juin 2017, respectivement 20 % des maîtres de conférences (MCF) et 44 % des professeurs des universités (PR) ont été endo-recrutés et les données n’ont que peu évolué depuis 2000 : il s’agit de MCF qui ont passé leur thèse dans l’établissement où ils sont recrutés et, pour les professeurs, il s’agit de MCF exerçant préalablement au moment du recrutement, déjà en fonction dans ce même établissement.</p>
<p>Mais ces données masquent une partie importante des pratiques… et la question de la définition de la notion et donc des chiffres de l’endo-recrutement des universités mériterait une vraie analyse approfondie. Certes, les formes de détournement de pouvoir sont parfois difficiles à prouver mais il est de la mission des universitaires de penser cette question… En tout état de cause, la liberté universitaire ne peut pas être un paravent derrière lequel se cacheraient ceux qui ne respectent pas la déontologie universitaire.</p>
<h2>Tirer au sort le jury de recrutement ?</h2>
<p>Face aux deux facteurs principaux d’opacité, que peut-on faire ? Le <a href="https://www.cyu.fr/bonheurs-bien-etre-organisation-numerique-habitabilite-education-universalite-relations-savoirs">laboratoire BONHEURS-EA 7517</a> de CY PARIS Université a décidé une procédure expérimentale pour recruter un MCF. Tout d’abord, la définition de la fiche poste a été large, pour permettre à de nombreux candidats de postuler : ce qui était requis était d’enrichir par ses travaux le projet scientifique du laboratoire, ce qui permettait à des candidats de disciplines différentes, d’objets de recherche différents de poser sa candidature en argumentant sur ce qu’il pourrait apporter l’équipe de recherche. Aucun « profil à moustache », donc et de fait 68 candidats ont postulé pour ce poste.</p>
<p>Ensuite le second levier était la constitution du COS. Nous avons donc :</p>
<ul>
<li><p>intégré plus de membres extérieurs qu’intérieurs dans le COS (en l’espèce 6 intérieurs et 10 extérieurs)</p></li>
<li><p>tiré au sort les membres extérieurs du COS</p></li>
<li><p>attribué les dossiers aux rapporteurs selon une règle alphabétique</p></li>
</ul>
<p>Ce tirage au sort avait pour enjeu d’éviter que le COS ne soit constitué de « proches » du président ou du laboratoire.</p>
<p>La première difficulté était d’établir une base de tirage au sort à savoir les universitaires des disciplines cernées par le recrutement. Aucune institution (ministères, Conseil national des universités, Direction générale de l’enseignement scolaire) n’a pu nous la communiquer.</p>
<p>Nous avons donc dû établir cette base de tirage au sort par nos moyens de recherche une liste de d’enseignants-chercheurs (EC), constituée à partir des sites des laboratoires français de sciences de l’éducation en y intégrant tous les membres sauf en ôtant les émérites et les MCF stagiaires qui ne peuvent pas être membres de COS. Elle n’était pas exhaustive, faute d’avoir accès à une telle liste nationale, notamment les enseignants-chercheurs dans des laboratoires d’autres disciplines, introuvables par des moyens « artisanaux » mais elle était conséquente (730 noms d’enseignants-chercheurs).</p>
<p>Nous avons aussi intégré une collègue d’une université étrangère (roumaine) que nous ne connaissions pas, dont la thématique de travail était la même que celle de note laboratoire et dont l’université est partenaire de la nôtre, collègue repérée par le service relations internationale de notre université.</p>
<p>Le tirage au sort à proprement parler a été réalisé par le vice-président de la recherche de notre université. Il a nécessité deux étapes : un premier tirage au sort n’a pas obtenu assez d’acception de participation des enseignants-chercheurs (trois, seulement un PR et deux MCF ont accepté immédiatement) : ce taux de refus important par les « tirés au sort » mériterait à analyse.</p>
<p>Le COS définitif a été constitué par un second tirage identique. Le recrutement a ensuite eu lieu selon la modalité d’une audition avec leçon.</p>
<p>Aucun système de recrutement n’est parfait. Le label européen HRS 4R (« Human Resources Strategy for Researcher ») vise notamment à améliorer les pratiques des organismes et établissements de recherche en matière de recrutement. Ce label impose des conditions d’ouverture des concours et d’équité des candidats notamment un code de conduite pour le recrutement des chercheurs et en appellent aux États membres pour assurer que les employeurs des chercheurs améliorent les méthodes de recrutement. Il s’agit de créer un système de recrutement qui soit plus transparent, ouvert, équitable et reconnu au niveau international, en tant que condition préalable à un véritable marché européen du travail pour les chercheurs.</p>
<p>Le tirage au sort des membres du COS pourrait-il se généraliser ? La toute nouvelle ministre de l’enseignement supérieur pourrait peut-être s’emparer de cette question.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184690/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Beatrice Mabilon-Bonfils ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour lutter contre les biais de sélection pour les postes d’enseignants-chercheurs, un laboratoire de recherche vient de tester de nouvelles modalités de recrutement. Explications.Beatrice Mabilon-Bonfils, Sociologue, Directrice du laboratoire BONHEURS, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1762802022-03-29T19:27:36Z2022-03-29T19:27:36ZLe concours d’agrégation du CAMES, un modèle institutionnel pour l’Afrique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/455037/original/file-20220329-21-7y23m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=35%2C1%2C987%2C680&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Cérémonie d’ouverture du CAMES le 4&nbsp;novembre 2021 à Cotonou (Bénin).
</span> <span class="attribution"><span class="source">Présidence du Bénin</span></span></figcaption></figure><p>Le concours d’agrégation du <a href="https://www.lecames.org/">Conseil africain et malgache pour l’Enseignement supérieur (CAMES)</a> est un événement universitaire et institutionnel d’importance. Nous l’abordons ici via quelques faits et échanges entre candidats et membres du jury dans la discipline des sciences de gestion.</p>
<h2>Quelques mots sur le CAMES et sa genèse</h2>
<p>Le Conseil est une institution internationale qui se concentre sur cinq <a href="https://www.lecames.org/missions/">missions principales</a>. Insistons tout d’abord sur <a href="https://www.lecames.org/historique/">l’histoire du CAMES</a>, qui fut pensé comme un organisme de coordination de l’Enseignement supérieur dans les pays d’expression française d’Afrique et de Madagascar.</p>
<p>L’idée de sa création remonte aux premières années des indépendances. Lors de la Conférence de Niamey, les 22 et 23 janvier 1968, les chefs d’État de <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/1966/08/DECRAENE/27385">l’L’Organisation commune africaine et malgache (OCAM</a> vont décider de la création du Conseil africain et malgache pour l’Enseignement supérieur afin, notamment, de développer la <a href="http://udsmed.u-strasbg.fr/aufemo/PDF/actualites/Presentation_CAMES.pdf">francophonie, la solidarité et la coopération interafricaine</a>.</p>
<p>Le Conseil rassemble une vingtaine d’États francophones d’Afrique et de l’océan Indien. Ses statuts ont été adoptés le 26 avril 1972 à Lomé. Les textes furent ensuite actualisés – notamment <a href="https://www.lecames.org/wp-content/uploads/2019/10/AccordAgregSJPEG.pdf">sur l’agrégation</a> – pour que le Conseil des ministres du CAMES les adopte en avril 2000 lors de sa 17<sup>e</sup> Session à Antananarivo.</p>
<h2>Quelques mots sur l’agrégation et ses concours</h2>
<p>Il existe deux familles de concours. Nous abordons dans ce papier non pas celle des <a href="https://www.lecames.org/documents-concours-dagregation-mpomv/">Concours d’agrégation de médecine humaine, pharmacie, odontostomatologie, médecine vétérinaire et productions animales</a> mais plutôt celle des Concours d’agrégation des Sciences juridiques, politiques, économiques et de gestion. Cette dernière <a href="https://www.lecames.org/programmes/agreg-sjpeg/">existe depuis 1983</a>. Les épreuves s’adressent à des enseignants-chercheurs en poste sur le continent. Depuis 2017, ils doivent être inscrits sur la Liste d’aptitude aux fonctions de maitre-assistant (LAFMA).</p>
<p>Son organisation est spectaculaire. Il n’existe en effet pas d’évènement académique comparable en Sciences juridiques, politiques, économiques et de gestion qui réunisse en un seul lieu et une seule quinzaine autant de pays, de candidats, de jurés, de coachs, de collègues et d’administratifs. Cette dimension internationale et institutionnelle ne se retrouve guère ailleurs, ni en Afrique, ni en Europe.</p>
<p>Cet événement a lieu tous les deux ans en novembre. En novembre 2019, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=m1w1g6Kepy0">c’était à Ouagadougou</a>. Du 4 au 17 novembre 2021, ce fut à Cotonou. À l’issue des trois épreuves, <a href="https://www.lecames.org/wp-content/uploads/2021/11/Palmares_SJPEG_2021_vf.pdf">77 candidats ont obtenu l’agrégation</a> sur 198 candidats inscrits. L’Afrique compte donc 77 « maîtres de conférences agrégés » supplémentaires.</p>
<p>Notons qu’en sciences de gestion, les <a href="https://www.msn.com/fr-xl/afrique-de-l-ouest/senegal-actualite/concours-cames-2021-onze-universitaires-s%C3%A9n%C3%A9galais-agr%C3%A9g%C3%A9s/ar-AAQWY4W">Sénégalais</a>, les <a href="https://www.actu-cameroun.com/actu/20me-concours-dagrgation-cames-rsultats-connus-ortb/">Camerounais</a>, les Malgaches et les Burkinabé ont plutôt bien réussi, avec un bon ratio inscrits/agrégés.</p>
<h2>Quelques échanges entre trois candidats et deux jurés</h2>
<p>Trois candidats et deux membres du jury, tous en sciences de gestion, répondent ici à de simples questions et ouvrent leur « carnet de notes ».</p>
<h3># Quelles sont vos principales impressions ?</h3>
<p><em>Réponses des deux professeurs (Roger-Jules Feudjo et Marc Bidan)</em></p>
<p>Après quelques jours de repos, nos impressions sont à la fois d’ordre opérationnel et académique. D’un point de vue opérationnel tout d’abord, c’est pour les membres du jury beaucoup de travail en amont, notamment en matière de préparation et d’expertise par binôme, sur chacun des 44 dossiers d’agrégatifs déposés sur la plate-forme du CAMES pour que tout se passe au mieux le jour J, et surtout lors de la leçon 1, celle dite « sur travaux », qui nous mobilise pendant une heure avec le candidat ou la candidate. Ensuite, ce travail continue sur place, notamment à partir de la sous-admissibilité ce qui correspondait, à Cotonou, <a href="https://www.lecames.org/section-sciences-de-gestion-deliberations-du-jury-en-vue-de-la-sous-admissibilite/">à 27 candidats</a>.</p>
<p>D’un point de vue académique ensuite, c’est surtout la sensation de passer dix jours en immersion totale – nous dirions presque nuit et jour – dans le cadre d’un événement majeur qui draine des candidats, des coaches et des collègues venant de Dakar à Antananarivo.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ug6u6aDmBcg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p><em>Réponses des trois candidats (Angélique Ngaha Bah, Robert Bationo et Abdou-Karim Faye)</em></p>
<p>Après deux années de préparation, le 4 novembre marque officiellement le lancement du concours pour dix jours. Durant cette période nous avons d’abord été impressionnés par, l’incroyable solidarité, l’entre-aide et la fraternité entre candidats, quel que soit le pays de provenance. En effet, rien ne se fait seul : le partage d’informations et de documents, les déplacements pour se rendre au centre d’examen, faire des courses, aller au restaurant, etc.</p>
<p>Ensuite, la puissance institutionnelle du CAMES (dont le <a href="https://actucameroun.com/2021/09/26/mort-du-pr-bertrand-mbatchi-secretaire-general-du-cames/">secrétaire général venait de décéder</a> quelques jours avant le concours) nous a beaucoup marqués. En effet, sa capacité à mobiliser 17 pays avec une organisation logistique sans faille a été exemplaire.</p>
<p>Enfin, la ténacité du jury nous a épatés ! Nous présumions une fatigue générale de celui-ci dès la fin de la première épreuve eu égard au nombre pléthorique de candidats et à la longueur des épreuves. Mais, à aucun moment du concours, une baisse d’attention de leur part n’a été ressentie, au contraire ! Ce sentiment est partagé par l’ensemble des candidats. Durant toutes les épreuves nous étions toujours surpris par leur vivacité, quelle que soit l’heure de passage du candidat…</p>
<h3># Quels furent les points forts de ce concours ?</h3>
<p><em>Réponse des deux professeurs</em></p>
<p>Tout d’abord, le nombre de candidats inscrits en sciences de gestion – 44 dossiers déposés et un seul candidat absent à Cotonou – met en évidence l’attractivité de la discipline.</p>
<p>L’un des points forts, c’est que l’ensemble des dossiers a pu être traité qualitativement. À la fois techniquement, grâce à une plate-forme <a href="https://www.cames.online/">informatique intuitive</a> et bien documentée, et académiquement, grâce à la mobilisation des sept membres du jury efficacement présidé par le <a href="https://alumni.lecames.org/groupe/sciences-economiques-et-gestion-18">Pr. Augustin Anassé</a> de Bouaké en Côte d’Ivoire. Grâce à la diversité des membres du jury, chaque dossier a pu être expertisé par deux membres dont l’un au moins était de la sous-spécialité du candidat.</p>
<p>Un autre point fort fut l’organisation matérielle du concours à Cotonou avec des conditions de travail de bonne qualité (salle, calme, climatisation, wifi, rafraîchissement, documentation, etc.) – et ce malgré le contexte sanitaire et le nombre important de candidats.</p>
<p>Un dernier point fort – et non des moindres – était l’ampleur, la diversité et le niveau des débats lors des délibérations. Les débats sur la notation de la qualité des publications, la qualité des supports de publication, la pugnacité du candidat dans la défense de ses travaux, étaient parfois délicats, d’où l’importance du président de jury pour mener les débats et parvenir à une note consensuelle.</p>
<p><em>Réponses des trois candidats</em></p>
<p>D’abord, le nombre d’admis en <a href="https://www.lecames.org/benin-lancement-du-20e-concours-dagregation-des-sciences-juridiques-politiques-economiques-et-de-gestion-sjpeg/">sciences de gestion</a>, comparativement aux autres spécialités, constitue un motif de satisfaction. Ensuite, l’accompagnement institutionnel dont ont bénéficié certains candidats, comme les Sénégalais ou les Camerounais, a été un atout de taille. Le soutien indéfectible des coachs et de la famille à distance a aussi été déterminant. Après, nous notons l’environnement général du concours au sein de la faculté de médecine, propre, bien aérée, avec une bonne ambiance et un soutient permanent des accompagnateurs.</p>
<p>La diffusion rapide des informations sur le déroulement du concours, des résultats des épreuves en ligne via le site du CAMES est aussi à saluer. Enfin, la bienveillance du jury, qui prenait souvent le temps de mettre à l’aise le candidat juste avant sa prestation est particulièrement appréciable. Le temps entre le tirage et la découverte du sujet tiré, tu as l’impression d’être en enfer. Ce qui est touchant, c’est que le jury vous encourage par le regard comme s’il voulait vous dire « vas-y, tu peux y arriver » !</p>
<h3># Quels furent vos moments de difficulté lors de ce concours ?</h3>
<p><em>Réponses des deux professeurs</em></p>
<p>Tout d’abord, nous noterons, même si cela peut paraître anecdotique, la chaleur et l’humidité du littoral béninois. Ces conditions nous ont en effet obligés à nous installer dans les salles climatisées de la faculté de pharmacie durant de longues journées afin de ne pas trop se dépenser et se fatiguer pour rester éveillés en termes intellectuels et physiques tout au long des passages des candidats. De plus, les hôtels étaient dispersés et parfois éloignés du site, ce qui a impacté nos temps de trajet. Enfin, le nombre de candidats en gestion (44 à la première épreuve et 27 à partir de la seconde) nous a mécaniquement interdit toute escapade touristique en dehors de la route des Pêches et du riche et original village artisanal… mais nous reviendrons !</p>
<p><em>Réponses des trois candidats</em></p>
<p>À quelques jours du départ sur Cotonou, il fallait partir à l’aéroport avec un test PCR négatif au Covid-19. Ce fut un moment compliqué à gérer. Mais, tout au long de ce concours, le plus difficile a été la gestion du stress et du sommeil. En effet, les veilles du tirage de la lettre qui détermine l’ordre de passage des candidats, de chaque épreuve et de chaque délibération, nous n’arrivions pas à fermer l’œil. On les appelle désormais les « 7 nuits sans sommeil du concours d’agrégation ». En outre, le stress était permanent et encore plus dense au centre d’examen, et particulièrement en loge. Cet endroit, avec ses tables rapprochées et des tas de livres qui y sont superposés pêle-mêle, était appelé « le stressodrôme ».</p>
<p>Certains candidats pratiquaient du sport pendant que d’autres méditaient ou encore consommaient des vitamines C ou des somnifères. À la fin du processus, c’est un « ouf » de soulagement : le retour dans nos foyers est imminent. Nous allons enfin pouvoir relâcher la pression et nous reposer !</p>
<h3># Quelles sont vos prochaines étapes désormais ?</h3>
<p><em>Réponses des deux professeurs</em></p>
<p>Nous devons inciter les agrégés à ne pas stopper leurs efforts et à publier, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=-qxnLVgW8IY">à s’impliquer, à encadrer</a>, etc. Nous avons un travail de suivi à assurer. De plus, nous devons aussi inciter les non-agrégés à ne pas baisser les bras. Nous les avons reçus en face à face et nous restons disponibles, car le concours est sélectif. Il faut qu’ils se représentent dans deux ans, après avoir étoffé leur dossier avec des publications et du rayonnement dans la discipline. Ne pas négliger non plus de s’entraîner pour chacune des épreuves comme un sportif de haut niveau le ferait… Il faut arriver en forme intellectuelle et physique le jour J.</p>
<p>Enfin, en tant que membres du jury, nous sommes à la disposition du président – s’il a besoin de nous en novembre 2023 – et nous devons donc rester en éveil, sur le plan académique bien sûr mais aussi institutionnel car nos écosystèmes évoluent vite et le CAMES en est le reflet interrégional. En tous cas, ce fut un beau concours et une <a href="https://bj.l-frii.com/cames-le-20%E1%B5%89-concours-dagregation-officiellement-cloture-a-cotonou/">belle cérémonie de clôture à Cotonou</a>.</p>
<p><em>Réponses des trois candidats</em></p>
<p>L’admission au concours d’agrégation <a href="https://www.laprimeur.net/2021/11/16/cames-un-beninois-parmi-les-14-nouveaux-agreges-en-droit-prive/">est un événement majeur</a>. Elle fait naître de nouvelles responsabilités pour le néo-agrégé notamment, dans l’accompagnement et l’encadrement de jeunes collègues doctorants. Cette immense responsabilité doit aller de pair avec une amélioration qualitative et quantitative de nos publications et productions pédagogiques. C’est ainsi que nous nous sommes inscrits dans une logique de recherche en réseaux entre collègues de même pays <a href="https://www.lecames.org/category/opportunites/">mais également de pays différents liés au CAMES</a>.</p>
<p>La rédaction de ce court récit entre deux jurés et trois candidats entre dans ce cadre. De même, un groupe WhatsApp regroupant tous les admis en gestion a été créé pour permettre aux collègues de mieux se connaître, de partager et de développer des <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-des-sciences-de-l-organisation-2021-1-page-9.htm">initiatives et travaux de recherche d’intérêt commun</a>. Dans cette dynamique, nous centrons actuellement nos réflexions sur un projet d’ouvrage collectif en lien avec nos thématiques de recherche. On est ensemble !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176280/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Angelique Ngaha Bah a participé, comme candidat, au dernier concours d'agrégation du Cames à Cotonou en novembre 2021.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Abdou Karim Faye a participé, comme candidat, au dernier concours d'agrégation du Cames à Cotonou en novembre 2021.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marc Bidan fut membre du jury lors des concours d'agrégation du cames de 2019 et 2021 en sciences de gestion </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Roger Bationo a participé, comme candidat, au dernier concours d'agrégation du Cames à Cotonou en novembre 2021.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Roger Jules Feudjo a participé, comme membre du jury, au dernier concours d'agrégation du Cames à Cotonou en novembre 2021</span></em></p>Quelques données, faits et témoignages sur l’original et dense concours d’agrégation organisé à Cotonou en novembre 2021 par le Conseil africain et malgache pour l’Enseignement Supérieur.Angelique Ngaha Bah, professeur agrégé en sciences de gestion, Université Alioune Diop de BambeyAbdou Karim Faye, Enseignant-chercheur, Université Cheikh Anta Diop de DakarMarc Bidan, Directeur du laboratoire LEMNA - Professeur en Management des systèmes d’information - Polytech Nantes, Auteurs historiques The Conversation FranceRobert Bationo, Chercheur en sciences de gestion/gestion comptable, Université Joseph Ki-ZerboRoger Jules Feudjo, Professeur Agrégé en Sciences de Gestion, Vice-doyen chargé de la Recherche et de la coopération à la FSEG de l'Université de Dschang, Université de DschangLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1679522021-09-19T18:42:49Z2021-09-19T18:42:49ZDébat : Le mérite, un mythe à revisiter à l’heure de Parcoursup ?<p>Qu’il s’agisse de promouvoir un programme électoral ou de mobiliser leurs concitoyens dans un contexte difficile, les politiques recourent fréquemment à la rhétorique du mérite : contre l’assistanat et pour la juste récompense de chacun, <a href="https://www.cairn.info/le-merite-contre-la-justice--9782724611304-page-9.htm">comme Nicolas Sarkozy en 2007</a>, ou pour féliciter <a href="https://www.lejdd.fr/Politique/a-lelysee-emmanuel-macron-tente-lexplication-de-texte-sur-les-premiers-de-cordee-3713504">« les premiers de cordées »</a>, qui réussissent par leurs talents, comme Emmanuel Macron en 2017.</p>
<p>Dans le même temps, de très nombreux essais sont publiés avec des titres évocateurs : <a href="https://www.albin-michel.fr/ouvrages/la-tyrannie-du-merite-9782226445599"><em>La tyrannie du mérite</em></a>, de Michael Sandel, <a href="https://www.franceculture.fr/oeuvre/lillusion-meritocratique"><em>L’illusion méritocratique</em></a>, de David Guilbaud, <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/heritocratie-9782348042683"><em>Héritocratie</em></a>, de Paul Pasquali ou encore <a href="http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?GCOI=27246100169330"><em>Le mérite contre la justice</em></a>. Dans une collection récente de textes courts analysant de manière critique des mots « dévoyés par la langue au pouvoir » (selon la présentation des <a href="https://anamosa.fr/">éditions Anamosa</a>), l’ouvrage intitulé <em>Mérite</em> <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2021/09/02/le-merite-est-un-mode-de-justification-des-inegalites-tres-commode_6093097_4401467.html">que publie la sociologue Annabelle Allouch</a> en cette rentrée 2021 s’inscrit donc dans une perspective critique qui n’a rien d’une mode.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-merite-est-il-encore-un-ideal-democratique-159488">Le mérite est-il encore un idéal démocratique ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Il vise, fidèle à l’orientation de la collection, à démontrer l’usage idéologique de cette notion, sans pour autant prétendre en renouveler l’analyse critique, ce qui serait une gageure vu l’abondance de travaux sur ce sujet et aussi bien sûr le format court du livre. L’auteure se centre sur le mérite tel qu’on le parle aujourd’hui, tel qu’on s’y réfère constamment, en insistant sur l’obsession contemporaine de la comparaison et de l’évaluation des personnes qu’il entraîne, quand des enjeux d’accès à un bien sont à la clé.</p>
<h2>Les grandes écoles et leurs concours</h2>
<p>L’ouvrage est émaillé d’anecdotes et de références personnelles et Annabelle Allouch va y donner beaucoup de place à l’utilisation de ces classements (prétendument) au mérite dans l’enseignement supérieur et notamment à Sciences Po. L’objectif est de comprendre non seulement « les usages de la rhétorique méritocratique mais aussi la manière dont son sens se transforme au fil du temps, du mérite républicain au mérite néo-libéral, du mérite des Grandes écoles à celui de Parcoursup »…</p>
<p>Ce premier parallèle donne le ton de l’ouvrage : le mérite républicain (celui des Grandes écoles ?) est connoté positivement, par opposition au mérite néo-libéral de Parcoursup…</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/orientation-post-bac-linevitable-stress-de-parcoursup-161036">Orientation post-bac : l’inévitable stress de Parcoursup ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>L’auteure dégage, dans les Grandes écoles (de fait essentiellement à Sciences Po), « les 3 âges du mérite », en se centrant donc sur un cas très particulier : à une sélection faisant tout pour exclure les femmes (à Sciences Po, dans les années 1940) et fondée davantage sur la cooptation va succéder, avec la massification scolaire, une prise en compte des résultats scolaires comme la forme de justice la plus évidente.</p>
<p>Un concours remplace une sélection sur dossier qui pouvait écarter les indésirables (ce fut un certain temps le cas des femmes). C’est la standardisation d’un mode de sélection académique qui semble alors la voie la plus correcte pour démocratiser l’accès à cette filière d’excellence.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-science-m-comme-merite-167551">« Les mots de la science » : M comme mérite</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Mais, petit à petit, les analyses sociologiques font prendre conscience que l’évaluation de la valeur scolaire est biaisée par des critères sociaux et penche souvent en faveur des « héritiers », c’est-à-dire des jeunes disposant des références culturelles et du soutien économique familial. Ce sont à présent (à partir des années 1980, note l’auteure), les capacités de l’étudiant (son « potentiel ») qu’on veut tenter d’évaluer.</p>
<p>Les <a href="https://hal-sciencespo.archives-ouvertes.fr/hal-01064424/">« conventions d’éducation prioritaires »</a> sont mises en place, visant les jeunes « méritants » des zones populaires au nom du principe d’égalité des chances, et ouvrant une nouvelle voie d’accès à Sciences Po. Ainsi, on donne plus de poids à l’oral comme mode de sélection, non sans débats, puisque, comme le souligne l’auteure, les personnes en charge du recrutement n’ont pas forcément les mêmes lectures, tant la notion de mérite est plastique ! Tout en exigeant d’être justifiée : au-delà des élites ainsi sélectionnées, tout le monde doit y croire.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/8B9xK4Ec3SU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">INA Sciences, reportage en 2006 sur une diplômée de Sciences Po issue de la voie d’admission par les Conventions d’éducation prioritaire.</span></figcaption>
</figure>
<p>Annabelle Allouch souligne avec raison que les choix des grandes écoles ont une portée symbolique puisqu’ils rendent publique la définition (actualisée) du mérite attendu de nos élites. En revanche, elle ne s’interroge pas sur le fait que cette évolution a touché très inégalement les différentes grandes écoles, celles à orientation scientifique ayant continué à donner (et donnent encore aujourd’hui, même si elles s’efforcent de démocratiser la préparation d’un concours inchangé) un poids très prééminent aux critères purement scolaires : savoir s’exprimer, savoir se vendre n’est guère utile pour réussir en maths ou en physique…</p>
<h2>La sélection post-bac</h2>
<p>Le jugement de l’auteure est sans appel : il y a une tendance profonde à une « dérégulation progressive d’une lecture traditionnelle du mérite scolaire (et des instruments qui sont censés l’incarner, comme la note à l’examen) en faveur d’une lecture néo-libérale », des facteurs comme la motivation ou les qualités d’expression prenant le pas sur les verdicts scolaires. Est-ce à dire que « c’était mieux avant » ?</p>
<p>L’étiquette globale de « néo-libéral » caractérise sans doute davantage une conception que l’on peut effectivement étiqueter libérale de l’éducation – une éducation qui doit servir la croissance économique –, avec à la clé une logique de compétition entre les diplômés pour les « meilleurs » emplois. Mais quand l’auteure écrit que la valeur des individus se calerait à présent sur leur productivité et non plus sur leur moralité, on peut se demander à quel âge d’or elle fait référence.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/HxfRTEhzTkc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Interview d’Annabelle Allouch sur la « société du concours » (Xerfi Canal, 2019).</span></figcaption>
</figure>
<p>En fait, ce sont avant tout les procédures Parcoursup que vise Annabelle Allouch, quand on intègre dans les critères de sélection des éléments subjectifs comme les projets personnels des étudiants. Mais peut-on considérer que ce souci du « potentiel » efface la perspective d’« émancipation individuelle sous-jacente aux lectures socio-démocrates du mérite » ? C’est sans doute là plus une hypothèse qu’autre chose…</p>
<p>Le « mérite républicain » porteur d’idéaux comme l’« excellence pour tous », ou « l’ascenseur social pour tous », serait-il si exemplaire ? Il constitue pourtant une aporie si tant est que l’on considère, comme les étudiants d’ailleurs, que les diplômes doivent « servir » à quelque chose, et tant que les emplois sont inégaux. Car en arrière-plan de ce recours insistant au mérite, il y a la nécessité cruciale, pour toutes les sociétés qui ont rejeté le principe aristocratique pour répartir les emplois, de fonder cette répartition entre des positions sociales inégales sur un critère apparemment efficace et équitable.</p>
<p>Même si la critique du mérite est largement diffusée, peu se hasardent (y compris chez les sociologues les plus critiques) à contester radicalement l’articulation étroite entre formations et emplois qui existe en France…</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/democratiser-les-grandes-ecoles-pourquoi-ca-coince-154247">Démocratiser les grandes écoles : pourquoi ça coince ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>En fait, la polarisation de l’ouvrage sur Parcoursup, plus encore que sur l’évolution dite « néolibérale » des critères de sélection, se fonde sur la sélection elle-même. Ce dispositif « organise la pénurie de places à l’université », note l’auteure, et « relève de l’idée d’une régulation des flux d’étudiants », avec in fine l’affirmation selon laquelle le mérite est ici ce qui « légitime et justifie non seulement la sélection mais aussi la pénurie ». Un jugement discutable : serait-il plus juste de laisser (de manière libérale) les étudiants choisir librement leurs études et fermer les yeux (tout aussi libéralement) sur les aléas de leur réussite et de leur insertion ultérieures ?</p>
<h2>Réfléchir à la définition du mérite</h2>
<p>Certes, il faut contester l’optique technocratique qui domine aujourd’hui, bien loin des racines religieuses et morales du mérite que rappelle l’auteure. À l’opposé de cette définition actuelle du mérite comme ce qui va rendre les personnes efficaces dans la vie économique, faut-il revenir à un modèle autant scolaire que sélectif, à l’instar des grandes écoles de jadis ?</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/YIAyUIxLoEs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Comment changer l’école dans une société compétitive ? (Observatoire des inégalités, 2019).</span></figcaption>
</figure>
<p>Ne passe-t-on pas alors à côté de ce qui peut apparaître comme massivement plus injuste dans ce règne du mérite ? Car le mérite actuel ne souffre pas (ou pas seulement) de son caractère « néo-libéral » mais plutôt de ce qu’il disqualifie précocement toute une gamme de qualités moins classiquement scolaires. Parmi celles-ci, la créativité, certaines habiletés manuelles ou artistiques, l’aisance dans les rapports avec les autres, des intérêts ouverts qui débordent les programmes scolaires…</p>
<p>Et cela débouche sur la relégation de tous les jeunes – au moins la moitié d’une classe d’âge – qui n’entreront jamais dans l’enseignement supérieur et qui ne sont pourtant pas sans qualités (et que le monde du travail cherchera parfois comme des pépites pour des apprentissages.</p>
<p>L’ouvrage se clôt en soulignant la nécessité de débattre sur la définition du mérite que l’on s’accorde à faire prévaloir (dans la vraie vie et pas seulement quand il s’agit d’accéder à une classe préparatoire, pourrait-on ajouter), ainsi que sur la place que l’on peut donner à ce principe par rapport à d’autres principes de justice comme l’égalité et la solidarité.</p>
<p>L’ouvrage pose donc (à nouveau et avant tout au prisme de Parcourssup) la question des effets de cette enflure du mérite scolaire dans une société où les inégalités alimentent des enjeux de compétition sans fin ; et ce non sans effets psychologiques, sur les personnes elles-mêmes chez qui l’invocation du mérite est souvent très chargée émotionnellement : « malgré la faiblesse de son existence statistique, le mérite tire sa force sociale de son efficacité émotionnelle ». C’est ce qui explique notre attachement à cette notion, et ce qui justifie, encore et encore, de s’y intéresser !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/167952/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie Duru-Bellat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les illusions de la méritocratie sont au cœur de nombreux ouvrages en librairie. Retour sur les questions soulevées par le travail de la sociologue Annabelle Allouch autour des concours.Marie Duru-Bellat, Professeure des universités émérite en sociologie, Observatoire sociologique du changement, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1675512021-09-09T19:09:51Z2021-09-09T19:09:51Z« Les mots de la science » : M comme mérite<iframe src="https://embed.acast.com/5f63618a37b1a24c4ff25896/6139b5791a643a001226c898" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
<p><iframe id="tc-infographic-580" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/580/79c5a87fdceb1b0efb535b241695d9bb89f1bb67/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Anthropocène, intersectionnalité, décroissance… Ce jargon vous dit quelque chose, bien sûr ! Mais parfois, nous utilisons ces mots sans bien savoir ce qu’ils veulent dire. Dans les Mots de la Science, on revient donc sur l’histoire et le sens de ces mots clés avec des chercheuses et chercheurs capables de nous éclairer.</p>
<p>L’épisode du jour est dédié à la notion de mérite, l’une des valeurs clés de la République française qui se dit « méritocratique ». Dans ce contexte, l’enjeu, pour la recherche, consiste à analyser l’écart entre le discours et la réalité, de mesurer les failles, ou encore de comprendre comment la rhétorique sur le mérite évolue au fil de l’histoire. C’est précisément le sens des travaux de la sociologue Annabelle Allouch, dont les recherches portent sur l’enseignement supérieur, les concours et les « classements scolaires ». Maîtresse de conférences de sociologie à l’université de Picardie Jules Verne, enseignante au sein de la classe préparatoire à l’agrégation de Sciences Po Lille, elle est l’autrice de l’ouvrage <em>La société des concours : l’empire des classements scolaires</em> (aux éditions du Seuil, 2017).</p>
<p>Elle publie en cette rentrée <em>Mérite</em> aux éditions Anamosa (septembre 2021). Ce court ouvrage destiné au grand public s’intéresse aux coulisses de la rhétorique méritocratique : comment se fabriquent les fictions individuelles et collectives autour du mérite et de la méritocratie au fil de l’histoire et pourquoi nous nous accrochons à ce mythe malgré les inégalités structurelles mises en évidence par la recherche, notamment à l’école. Dans cet épisode, Annabelle Allouch nous transmet ses clés d’analyse.</p>
<p>Vous y entendez également deux extraits : le premier issu des <em>Noces de Figaro</em>, comédie de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais datant de 1778 ; le second du titre <em>Banlieusards</em> du rappeur Kery James, sorti en 2008 sur l’album <em>À l’ombre du show business</em>.</p>
<p>Bonne écoute !</p>
<hr>
<p><em>Conception et réalisation, Iris Deroeux</em><br> <em>Production, Rayane Meguenni</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/167551/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Annabelle Allouch a reçu des financements de recherche du Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et du Ministère de la Justice (Mission de recherche Droit/Justice). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Iris Deroeux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Cet épisode s’aventure dans les coulisses du mythe méritocratique. On y apprend comment se fabriquent les fictions individuelles et collectives autour du mérite et pourquoi ce mythe persiste.Annabelle Allouch, Enseignante, Sciences Po LilleIris Deroeux, journaliste, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1665862021-09-01T19:08:18Z2021-09-01T19:08:18ZLa compétition a-t-elle une vertu éducative ?<p>Le constat des <a href="https://www.editionsartilleur.fr/produit/a-la-sueur-de-ton-front-les-vraies-consequences-de-la-mondialisation/">effets délétères</a> d’un capitalisme financier privilégiant la réussite individuelle <a href="https://www.esf-scienceshumaines.fr/accueil/380-le-defi-d-une-evaluation-a-visage-humain.html">nous met aujourd’hui au défi</a> de « dépasser les limites de la société de performance ». Cependant, faut-il jeter la compétition avec l’eau du bain capitaliste ? La recherche de la performance n’est-elle pas une puissante motivation pour le développement, aussi bien des individus, que des sociétés ? Et, en particulier, la compétition n’est-elle pas un outil éducatif sinon indispensable, du moins très précieux ?</p>
<h2>La compétition a bien des vertus</h2>
<p>Par essence, la compétition est confrontation avec d’autres sur des tâches spécifiques, qu’elles soient purement motrices (ou psychomotrices) : courir, sauter, lancer, nager, etc. Ou bien ludiques (jouer avec des ballons), voire cognitives (jouer aux échecs). Dans tous les cas, il s’agit d’être plus fort, ou meilleur, que les autres, qui ont accepté de faire face au même défi compétitif. La règle d’or est bien : « que le meilleur gagne ».</p>
<p>Du point de vue éducatif, elle présente alors un triple intérêt. Tout d’abord, elle implique une préparation, tant physique que mentale, qui contribue à armer les individus pour les combats de la vie, qui exigeront force, courage, et persévérance. Réalisant le souhait formulé par <a href="https://theconversation.com/aider-un-enfant-a-prendre-confiance-en-lui-les-conseils-de-trois-grands-philosophes-158590">Kant</a>, elle donne l’occasion de fortifier et d’endurcir son corps, par l’exercice et l’entraînement.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/aider-un-enfant-a-prendre-confiance-en-lui-les-conseils-de-trois-grands-philosophes-158590">Aider un enfant à prendre confiance en lui : les conseils de trois grands philosophes</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>En second lieu, l’engagement dans un calendrier de rencontres ou d’épreuves exige que l’on s’inscrive dans un projet, se donne des objectifs, et organise ses efforts de façon rationnelle. La compétition est alors un puissant outil d’autorégulation, pouvant jouer un rôle capital dans le développement de l’autonomie des sujets, en particulier au moment de leur adolescence.</p>
<p>Enfin, comme l’a souligné le philosophe Alain, la victoire contribue à donner au vainqueur « une haute idée de sa puissance ». Chaque victoire fortifie le sentiment de « puissance » personnelle qui est le socle de toute réussite future. Pour gagner, il faut d’abord s’en croire capable !</p>
<h2>Mais la médaille a un revers</h2>
<p>Cependant, la compétition n’a pas que des effets positifs. D’une part, la défaite est souvent cruelle, et il est parfois très difficile de s’en relever. Si l’on n’apprend pas aussi à l’accepter, pour trouver, dans son analyse, la force et les moyens de la surmonter, la compétition peut s’avérer contre-éducative. Elle ne deviendra paradoxalement éducative que si elle s’accompagne de <a href="https://theconversation.com/etudiants-trois-cles-de-philosophes-pour-apprendre-a-surmonter-un-echec-162043">l’apprentissage d’un « savoir perdre »</a>.</p>
<p>D’autre part, la recherche de la victoire à tout prix peut entraîner la mise en œuvre de moyens condamnables (triche, dopage), et déboucher sur la haine de l’autre, toujours destructrice, comme nous l’a appris <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Baruch_Spinoza">Spinoza</a>. Quand l’adversaire à combattre devient un ennemi à abattre, la formation d’un guerrier implacable ne peut prétendre au statut d’idéal éducatif.</p>
<p>Enfin, et surtout, les lendemains de victoire peuvent s’avérer amers, comme en témoigne l’histoire de champions qui n’ont su finalement que gagner, sans mettre leurs triomphes au service de la construction d’une personnalité solide et résiliente. Il ne suffit pas d’apprendre à gagner pour réussir sa vie. Encore faut-il que les victoires contribuent à conforter une personnalité capable de résister aux aléas, et de viser le Bien. Battre les autres n’est jamais une fin en soi.</p>
<h2>Sur le plan éducatif, l’essentiel n’est pas de vaincre les autres, mais de s’améliorer soi-même</h2>
<p>L’important est finalement moins d’être le meilleur, contre les autres, que de tendre vers le mieux, dans un perpétuel effort de dépassement de soi. Performance rime avec concurrence, et réduit le combat pour le développement à la confrontation interpersonnelle. Alors que le combat éducatif essentiel est celui que chacun est appelé à mener par rapport à lui-même ; et, d’une certaine façon, contre lui-même.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/trois-cles-de-philosophes-pour-apprendre-a-surmonter-un-echec-162043">Trois clés de philosophes pour apprendre à surmonter un échec</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>En tant que confrontation avec les autres, la compétition ne débouche que sur des classements, en désignant des vainqueurs et, par le fait même, des vaincus. Elle engage dans une évaluation « normative », où la valeur d’un individu n’est appréciée que par rapport à celle des autres, alors que le travail éducatif vise pour l’essentiel la progression personnelle, par rapport à soi, et non aux autres. La valeur des individus qu’il touche ne peut être appréciée que par une évaluation « critériée », qui prend pour valeur cible un modèle idéal de développement.</p>
<p>L’éducation ne concerne que chaque individu pris à part. Ce qui compte est de s’améliorer, en tirant parti à la fois de ses potentialités, et de ses acquis. Le combat est d’abord entre soi et soi, pour tendre vers cet « homme divin » dont, selon Kant, chacun porte en lui le modèle.</p>
<p>Il n’y a d’éducation que si l’on fait ressentir l’exigence de faire effort pour réduire l’écart entre l’existence et la valeur. L’existence situe dans l’ordre des faits : ce que je suis actuellement capable de comprendre et de faire. Et la valeur, dans l’ordre de l’idéal (de l’"esprit", dira Alain) : ce que je me sens appelé à être et à réaliser en raison de la capacité de perfectionnement qui caractérise ma nature d’être humain. Plus que la réussite, c’est donc la progression qui compte.</p>
<h2>Pour une éducation « humaniste »</h2>
<p>Le travail éducatif m’inscrit dans une histoire. Son mérite est de me faire comprendre que rien n’est définitif, et qu’une progression, bien que n’étant jamais assurée, est cependant toujours possible. En même temps, et par là même, ce travail me donne le sens de la Valeur. Je comprends qu’un « mieux » est toujours à rechercher, du côté de ce qui peut donner « valeur » à l’existence humaine.</p>
<p>Certes, il restera à définir le « Bien », et à tracer le portrait de l’« homme divin » susceptible de servir de cible pertinente. Mais il est certain que l’être humain « bien éduqué » n’est pas celui qui s’efforce d’être toujours devant les autres – sauf, peut-être, à la manière du <a href="https://www.youtube.com/watch?v=_srFL6xXsQ0">« petit cheval blanc »</a> chanté par Georges Brassens : pour mieux les servir – mais celui qui s’efforce de toujours tendre vers le meilleur, par rapport à soi, et à ce qui fait sa valeur en tant que personne humaine.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-merite-est-il-encore-un-ideal-democratique-159488">Le mérite est-il encore un idéal démocratique ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Ainsi, en privilégiant l’historicité, et en donnant le sens de la valeur, l’acte éducatif sauvegarde la « perfectibilité » de chacun, au sens que Rousseau a donné à ce terme dans son Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes : « faculté de se perfectionner ; faculté qui à l’aide des circonstances développe toutes les autres et réside parmi nous tant dans l’espèce que dans l’individu ».</p>
<p>L’éducation n’est pas autre chose que l’effort fait pour permettre à la perfectibilité de jouer, et d’accomplir son œuvre. La compétition n’est, au mieux, qu’un moyen parmi d’autres, à condition d’être mise au service d’un mouvement de dépassement de soi.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/166586/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Hadji ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La performance rime avec concurrence, réduisant les enjeux à une confrontation interpersonnelle. Alors que le combat éducatif essentiel est celui que chacun est appelé à mener par rapport à lui-même.Charles Hadji, Professeur honoraire (Sciences de l’éducation), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1647342021-07-25T16:25:42Z2021-07-25T16:25:42ZVaccination dans les pays du Sud : et si on réhabilitait les concours d’innovation ?<blockquote>
<p>« Nous continuerons d’agir pour éviter l’apparition de variants qui pourrait être plus dangereux encore que le variant Delta. Cela passe par un projet immense mais indispensable et désormais à notre portée : vacciner le monde. »</p>
</blockquote>
<p>Au cours de <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2021/07/12/adresse-aux-francais-12-juillet-2021">son allocution du 12 juillet</a> dernier, le président de la République, Emmanuel Macron, appelait à davantage de solidarité avec les pays les plus pauvres, promettant par ailleurs que la France donnerait « d’ici la fin de l’année plusieurs dizaines de millions de doses de vaccins ».</p>
<p>Les données recueillies à ce sujet par la base ouverte <a href="https://www.nature.com/articles/s41562-021-01122-8">Our world in data</a> donnent un aperçu des gigantesques inégalités qui demeurent sur le sujet.</p>
<iframe title="L’accès à la vaccination reste très inégal entre les pays" aria-label="Carte" id="datawrapper-chart-5FGC2" src="https://datawrapper.dwcdn.net/5FGC2/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width : 0 ; min-width : 100 % !important ; border : none ;" height="412" width="100%"></iframe>
<p>Soutenir les pays en développement face aux épidémies, la question n’est pas apparue avec le nouveau coronavirus. Durant la pandémie de VIH/Sida, la question du prix des antirétroviraux avait été au centre des débats et de nombreux chercheurs avaient milité pour la suspension des brevets, vus comme une entrave à <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/dewb.12124?casa_token=BGW3pcqSy2UAAAAA:7O5OiWOSzEAxXpelrOtP6rM2ZqP3zoMcRmbv-a2dBgqhknBKGJmC4DILdnoq8hd4LLlHetXYlXKXWg">l’accessibilité des traitements dans les pays du Sud</a>. En pleine pandémie de Covid-19, la controverse sur les brevets ressurgit avec la demande de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) <a href="https://www.un.org/press/fr/2021/ecosoc7039.doc.htm">pour un accès aux vaccins brevetés à tous</a>, mettant en garde contre le risque d’un « apartheid médical ».</p>
<p>Si la question d’une révision du mécanisme du droit de propriété intellectuelle semble aujourd’hui de nouveau incontournable, il est selon nous nécessaire de dépasser le débat « faut-il breveter ou pas ? », afin de réfléchir à un mécanisme d’incitation à l’innovation, qui serait alternatif et/ou complémentaire au brevet, et qui favoriserait l’innovation thérapeutique dans les pays du Sud.</p>
<h2>Ce que permettent les brevets (ou pas)</h2>
<p>Entre ces deux pandémies, les critiques ont été <a href="https://pubs.aeaweb.org/doi/pdfplus/10.1257/jep.27.1.3">sévères vis-à-vis du brevet</a>. Pour la théorie économique, ce dispositif est nécessaire pour récompenser l’innovateur pour les risques pris et empêcher ainsi un sous-investissement en R&D. Le brevet octroie un monopole temporaire d’exploitation d’une durée de 20 ans qui peut amener son détenteur à opter pour des stratégies afin de maximiser ses profits. Ce peut être fixer un prix élevé ou fournir des quantités limitées d’une innovation sur un marché.</p>
<p>Cela se fait cependant au détriment de l’accès pour certaines populations à l’innovation. En outre, avec le système des brevets, les acteurs choisissent les domaines rentables dans lesquels ils souhaitent orienter leur R&D et présentent une tendance à sous-investir, voire à ignorer les autres moins profitables. Les faibles moyens pour la recherche sur les maladies rares, affectant des populations pauvres du Sud, l’illustrent parfaitement.</p>
<p>Le brevet ne remédie de plus que très imparfaitement à la question du transfert de technologies vers les pays en développement qui demeurent dépendants des pays du Nord pour la fourniture d’innovations thérapeutiques.</p>
<h2>Covid-19, les derniers enseignements</h2>
<p>Dès les premiers mois de la pandémie de Covid-19, les <a href="https://www.healthaffairs.org/doi/10.1377/hlthaff.2020.02097">investissements publics ont été considérables</a> (de l’ordre de milliards de dollars et d’euros), mettant en lumière le <a href="https://www.ineteconomics.org/perspectives/blog/world-war-ii-to-covid-19">rôle incontournable des États</a>.</p>
<p>Ces investissements ont, d’une part, financé une recherche clinique destinée à la mise au point rapide de médicaments pour soigner les personnes infectées et hospitalisées. Cela a mis en lumière un cas de <a href="https://journals.openedition.org/regulation/17621">capture réglementaire aux États-Unis</a> ainsi que nous l’avons documenté. D’autre part, ces investissements se sont dirigés vers le développement de vaccins pour prévenir l’infection et ses formes graves.</p>
<p>On recense aujourd’hui 6 000 essais cliniques dans le champ de la Covid-19. À ce jour, <a href="https://www.gavi.org/sites/default/files/covid/covid-19-vaccines-development-phases.png">ce sont plus de 300 vaccins</a> et plus de <a href="https://clinicaltrials.gov/ct2/results?cond=COVID19&age_v=&gndr=&type=Intr&rslt=&Search=Apply">3400 médicaments</a> qui ont été <a href="https://clinicaltrials.gov/ct2/results/map?type=Intr&cond=Covid-19&fund=013&map">développés ou sont en développement</a> sur la base de fonds publics.</p>
<p>Malgré ce soutien massif, le nombre de vaccins administrés dans les pays du Sud <a href="https://www.who.int/southeastasia/health-topics/immunization/covid-19-vaccination">se révèle aujourd’hui encore largement insuffisant</a>.</p>
<p>Au premier abord, annuler les brevets apparaît comme le moyen de lever les monopoles et d’autoriser la production la plus large possible de vaccins. Cela vise à permettre la vaccination de 20 % de la population dans chaque pays comme le prévoit le <a href="https://www.who.int/fr/initiatives/act-accelerator/covax">mécanisme Covax</a> en faveur d’un accès équitable aux vaccins. Mais est-ce suffisant pour assurer aux pays du Sud un système d’innovation de santé pérenne et apte à faire face à de futures crises sanitaires ?</p>
<h2>De la conservation des aliments aux vaccins…</h2>
<p>Au cours du temps, le système de droits de propriété intellectuelle comme mécanisme d’incitation à l’innovation n’a pas toujours été dominant et unique. Parmi les <a href="https://www.cairn.info/revue-economique-2013-1-page-5.html">dispositifs qui ont jalonné l’histoire</a>, les concours ont joué un <a href="https://www.thebalanceeveryday.com/contests-that-changed-history-904482">rôle majeur notamment à partir du XVIIIe siècle</a>.</p>
<p>C’est lors d’un concours qu’Antoine-Augustin Parmentier a proposé la pomme de terre pour lutter contre les famines, alors que l’on considérait jusqu’alors le tubercule comme un poison et que le parlement en interdisait la culture. C’est encore lors d’un concours lancé par Napoléon 1<sup>er</sup> pour lutter contre le scorbut qu’est apparue la boite de conserve. C’est toujours un concours qui a motivé Charles Lindbergh à entreprendre la première traversée de l’Atlantique en avion.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/411935/original/file-20210719-23-17b5zzn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/411935/original/file-20210719-23-17b5zzn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/411935/original/file-20210719-23-17b5zzn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=693&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/411935/original/file-20210719-23-17b5zzn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=693&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/411935/original/file-20210719-23-17b5zzn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=693&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/411935/original/file-20210719-23-17b5zzn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=871&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/411935/original/file-20210719-23-17b5zzn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=871&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/411935/original/file-20210719-23-17b5zzn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=871&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">C’est dans le cadre d’un concours que Charles Lindbergh réalise en avion la première traversée de l’Atlantique sans escale et en solitaire les 20 et 21 mai 1927.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce mode d’innovation a fait une percée remarquable depuis les années 2010, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0040162517309265">grâce au web 2.0 comme nous l’avons montré</a> récemment dans une étude.</p>
<p>Un concours consiste pour un sponsor privé ou public à lancer un défi d’innovation sur une durée donnée, et à récompenser le vainqueur le plus souvent par une prime monétaire. Des entreprises privées et des acteurs publics mobilisent régulièrement cet outil pour stimuler des innovations particulières.</p>
<p>Dès 2008, le prix « Nobel » d’économie Joseph Stiglitz avait lancé un <a href="https://www.keionline.org/misc-docs/giveprizesnotpatents.pdf">premier plaidoyer en faveur des concours</a> dans le domaine de la santé, réflexion à prolonger dans le contexte de la crise sanitaire actuelle.</p>
<h2>Complémentaire au brevet</h2>
<p>Les concours se différencient tout d’abord des brevets par <a href="https://journals.openedition.org/rei/6296">leur caractère flexible et polymorphe</a>. Ils peuvent en effet être conçus sur mesure, selon les besoins, en faisant varier les règles et le cahier des charges.</p>
<p>Pour les pays du Sud, ce mécanisme offre de nombreux atouts. Premièrement, il permet d’orienter la recherche vers certaines directions jugées cruciales déterminées par le ou les sponsors. En outre, le sponsor s’il est public peut s’adjoindre l’aide d’acteurs privés dans la définition et l’implémentation du concours.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/411939/original/file-20210719-13-18g9pho.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/411939/original/file-20210719-13-18g9pho.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/411939/original/file-20210719-13-18g9pho.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/411939/original/file-20210719-13-18g9pho.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/411939/original/file-20210719-13-18g9pho.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/411939/original/file-20210719-13-18g9pho.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/411939/original/file-20210719-13-18g9pho.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/411939/original/file-20210719-13-18g9pho.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">C’est à l’occasion d’un concours qu’Antoine-Augustin Parmentier, statufié ici dans la Somme, démontre que la pomme de terre n’est pas un poison.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/antoine-augustin-parmentier-2063059/">Decarpentrie/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Deuxièmement, il est possible d’intégrer ex ante un ensemble d’exigences et de critères variés. Par exemple, le succès d’une solution peut être évalué non seulement au travers de l’innovation médicale, mais également via les conditions de sa diffusion, de son accès, de son transfert, et de la formation scientifique, technique et industrielle des acteurs impliqués.</p>
<p>Troisièmement, le prix de l’innovation peut être prédéfini afin que l’innovation soit accessible aux populations visées, ou bien envisagé de manière variable et dynamique, en fonction du taux de diffusion de l’innovation.</p>
<p>Quatrièmement, le mécanisme des prix peut être conçu de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1002/pam.21638?casa_token=c9sa_Hr-yVoAAAAA:CRz0MqtfRXEIHl3hbG66C2MzIrYtxZrdxBCY5XUCnGqX8-Mc8AjMkISOjut9ZRpZKzrV9Wm4jkpQSA">manière complémentaire au brevet</a>. Par exemple, un accord peut spécifier que les brevets ne seront actifs qu’au terme d’un certain nombre d’années, ou encore que les brevets n’affecteront qu’une partie des innovations.</p>
<h2>Les motivations, défi essentiel</h2>
<p>Enfin, un atout primordial du concours porte sur son caractère inclusif. Des parties prenantes variées, internationales, locales, chercheurs, membres de la société civile et fondations peuvent intervenir à toutes les étapes du processus, de la conception du concours à l’évaluation finale.</p>
<p>En impliquant un grand nombre de parties prenantes, ce dispositif permettrait d’orienter les innovations dans des directions jugées cruciales par les pays du Sud, de les conduire vers l’autosuffisance sanitaire, et plus globalement vers un rattrapage technologique.</p>
<p>La diffusion de ce type de mécanisme d’incitation rencontre néanmoins un certain <a href="https://heatinformatics.com/sites/default/files/images-videosFileContent/hlthaff.2020.01548.pdf">nombre d’obstacles à surmonter</a> et notamment la question de leur mise en œuvre. La nature des partenariats afin d’organiser et de financer des concours demeure ainsi une question cruciale.</p>
<p>Des gouvernements des pays du Nord, des organisations internationales, des entreprises privées et des fondations pourraient-elles s’associer avec des représentants des pays du Sud ? Sous quelles conditions, selon quels modes de gouvernance et <a href="https://www.mercatus.org/publications/covid-19-crisis-response/grand-innovation-prizes-address-pandemics-primer">pour quelle crédibilité</a> ?</p>
<p>Comment inciter les laboratoires privés à participer à de tels défis ?</p>
<p>Si le concours peut être perçu un mécanisme incitatif complémentaire au brevet, il reste à inventer de nouveaux dispositifs incitatifs en adéquation avec l’évolution de nos sociétés et les grands enjeux futurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/164734/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les difficultés du programme Covax poussent à envisager de nouveaux dispositifs, à l’image des défis lancés par des sponsors privés ou publics qui ont joué un rôle majeur au XXVIIIe siècle.Valérie Revest, Professeure des universités en sciences économiques, centre de recherche Magellan, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3Isabelle Liotard, Maître de Conférences en économie de l'innovation et économie des réseaux, Université Sorbonne Paris NordSamira Guennif, Maître de conférences et chercheur en économie industrielle, Université Sorbonne Paris NordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1636072021-07-05T18:11:57Z2021-07-05T18:11:57ZDébat : À quoi sert l’agrégation ?<p>Avec la création d’une spécialité en numérique et sciences informatiques au lycée, l’Éducation nationale a lancé en 2020 une filière de Capes dédiée au recrutement des enseignants chargés de ces cours. Et voilà qu’à partir de 2021, les étudiants qui le souhaitent pourront aussi se préparer à l’agrégation externe en informatique, donc la première session sera organisée en 2022. Consécration pour cette discipline nouvelle ? Et signe que cette institution vénérable qu’est l’agrégation sait se renouveler selon les exigences de l’époque ?</p>
<p>Le concours de l’agrégation a en effet une <a href="https://www.belin-editeur.com/les-agreges-histoire-dune-exception-francaise#anchor2">longue histoire</a> sur laquelle il convient de revenir pour mieux comprendre les débats actuels sur le recrutement des enseignants du secondaire. Créé une première fois en 1766, ce concours a été recréé en 1821. Originellement, il avait pour but de recruter des professeurs remplaçants, destinés à succéder aux professeurs titulaires. Mais, par la suite, les agrégés sont devenus les professeurs de référence de l’enseignement secondaire, et même, pendant longtemps, les candidats privilégiés à des postes dans l’enseignement supérieur.</p>
<p>Avant 1950 et la <a href="https://www.cairn.info/revue-carrefours-de-l-education-2016-1-page-81.htm">création du CAPES</a>, l’agrégation était le seul concours de recrutement des professeurs de l’enseignement secondaire (excepté en langues vivantes et dans l’enseignement secondaire féminin). Elle pouvait donc être valorisée en tant que concours fondant une certaine indépendance des professeurs par rapport à l’« arbitraire » administratif. Les autres professeurs étaient en effet recrutés sur la base de la licence, au choix de l’administration.</p>
<h2>Académisme en question</h2>
<p>De fait, l’agrégation n’a jamais suffi à assurer le recrutement des professeurs du secondaire car, dès le XIX<sup>e</sup> siècle, les jurys ont tenu à lui donner un haut niveau scientifique. Ce système permettait d’encourager les professeurs non agrégés à renforcer leurs compétences en préparant le concours, condition pour acquérir les avantages octroyés aux <a href="https://journals.openedition.org/histoire-education/2918">agrégés</a> (temps de service inférieur, mais traitement supérieur).</p>
<p>La création du CAPES n’a pas fondamentalement modifié cette situation. Elle l’a au contraire rendue plus visible, puisqu’il existe dès lors deux concours pour la même fonction. Depuis 1988, le concours de l’agrégation interne, en particulier, joue ce rôle incitatif. Seul changement : ce ne sont plus complètement les mêmes compétences que doivent acquérir les candidats, puisque l’agrégation interne comprend des épreuves de didactique.</p>
<p>Pour sa part, l’agrégation externe continue d’être de nature exclusivement scientifique. Mais ses partisans considèrent que les qualités dont ont dû faire preuve ses lauréats, tant à l’écrit qu’à l’oral, fondent les compétences qui permettent de devenir un bon professeur.</p>
<p>Ce point de vue n’a jamais fait l’unanimité. À la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, par exemple, l’historien Ernest Lavisse trouve le concours de l’agrégation trop académique, insuffisamment professionnel. Est-il vraiment adapté à sa fonction ? Ne recrute-t-on pas des conférenciers plus que des pédagogues ? Le niveau scientifique de l’agrégation ne relève-t-il pas davantage de l’enseignement supérieur que de l’enseignement secondaire, sa véritable destination ?</p>
<h2>Entre secondaire et supérieur</h2>
<p>Certains vont plus loin : trop savants, les agrégés seraient incapables de se mettre à la portée de leur public d’élèves du secondaire, surtout dans les petites classes. Cette critique a été renforcée par la démocratisation/massification de l’enseignement du second degré. Archaïque et élitiste, l’agrégation ne serait plus adaptée aux nouveaux publics scolaires.</p>
<p>Pire : la figure de référence que continuent de représenter les agrégés ralentirait l’indispensable processus de professionnalisation des concours de recrutement des enseignants du second degré (l’agrégation externe est d’ailleurs épargnée par les réformes qui concernent le CAPES). Elle maintiendrait l’idée que le meilleur professeur est celui qui maîtrise le mieux sa discipline, alors que bien d’autres compétences sont nécessaires, notamment l’aptitude à travailler en équipe.</p>
<p>Au demeurant, n’est-ce pas sur le terrain, et non à la suite d’un concours, que l’on prouve sa compétence ? Croire que l’on est un bon professeur parce que l’on est agrégé, ce serait comme croire que l’essence précède l’existence.</p>
<p>Ces critiques profitent évidemment aux revendications des professeurs non agrégés, qui peuvent s’appuyer sur le principe « à travail égal, salaire égal ». <a href="https://www.societedesagreges.net/wp-content/uploads/2020/03/Agr%C3%A9gation-hors-s%C3%A9rie-N%C2%B02.pdf">« Le Comité anti-agrégation »</a> né après mai 1968 estimait au reste que la fonction de l’agrégation, en créant une hiérarchie entre les professeurs et en semblant la légitimer, était de permettre de sous-payer les non agrégés.</p>
<p>La place des agrégés serait-elle dans l’enseignement supérieur ? Certainement pas, estiment ceux qui considèrent que l’enseignement dans le supérieur doit être fécondé par des travaux de recherche. De fait, la légitimité des « prag » est aujourd’hui contestée : elle serait source de « secondarisation » de l’enseignement supérieur, et le recrutement des Prag servirait seulement des motifs d’économies (un Prag doit un service deux fois supérieur à celui d’un enseignant-chercheur).</p>
<h2>Avenir en question</h2>
<p>Trop savant pour le second degré, lauréat d’un concours n’accordant pas de place à la recherche, l’agrégé, au fond, n’aurait de place nulle part. Il faudrait donc supprimer l’agrégation. C’est d’ailleurs l’opinion du SGEN depuis 1989.</p>
<p>Évidemment, les partisans de l’agrégation ne sont pas d’accord. Ils déplorent que l’on compare toujours le mauvais professeur agrégé et le bon professeur non agrégé. Trop savants, les agrégés ? Il faut savoir beaucoup pour enseigner même les bases, car c’est la hauteur de vues qui permet de donner du sens aux enseignements. Incapables d’interdisciplinarité ? Assimiler haut savoir disciplinaire et enfermement disciplinaire est un sophisme.</p>
<p>Pas assez formé du point de vue pédagogique ? Mais après le concours, les agrégés suivent la même formation que les certifiés dans les INSPE (instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation) : ils ont juste prouvé en plus leur excellence disciplinaire. Comment considérer que cela puisse être un élément négatif ? L’agrégé n’est nulle part à sa place ? Mais qui peut le remplacer en CPGE ? Et comment peut-on à la fois mettre en doute la compétence des agrégés dans le second degré et régulièrement dénoncer le fait que les agrégés seraient concentrés dans les « meilleurs » établissements, pas assez présents dans ceux de banlieue ?</p>
<p>Le problème de l’agrégation est qu’elle a une triple fonction : recrutement de professeurs du second degré, promotion interne et parfois critère de sélection (aujourd’hui encore dans les disciplines littéraires) pour un poste en université. Comment trancher ce nœud gordien ? Comment concilier l’existence, depuis 1972, d’un mode d’accès sur liste d’aptitude (donc sans concours) au corps des agrégés (un septième du corps) et l’institution, en 2016, d’un « concours externe spécial » réservé aux titulaires du doctorat ?</p>
<p>Avec ses épreuves de didactique, l’agrégation interne tend à secondariser le concours, alors que l’horizon d’attente de nombreux lauréats du concours externe est l’enseignement supérieur. La menace ? C’est… la désagrégation. Statutairement, les agrégés doivent assurer leur service dans les CPGE, dans les classes de lycée, et, exceptionnellement, dans les classes de collège. Mais un sur cinq enseigne en collège. Sont-ce les mêmes compétences qui sont exigées d’un professeur de collège et d’un Prag ? Est-ce la même chose d’être agrégé sur liste d’aptitude exerçant en collège et titulaire de l’agrégation externe exerçant en CPGE ?</p>
<p>La solution réside sans doute dans un resserrement de la place des agrégés, des classes terminales des lycées au niveau licence. Ce serait conforme à l’objectif officiel du continuum bac-3/bac+3. Mais les syndicats du second degré s’opposent au retrait total des agrégés des collèges, craignant que la dissociation des fonctions entre agrégés et certifiés ne nuise à la progressive acquisition des avantages des agrégés par les non agrégés. C’est donc le statu quo. Mais aussi, parallèlement, la disjonction progressive entre les épreuves du CAPES, de plus en plus « professionnelles », et celles de l’agrégation externe, restées scientifiques. Et cela pour une fonction à peu près identique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163607/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yves Verneuil ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que vient d’être créée une agrégation d’informatique, retour sur l’histoire de ce concours de recrutement des enseignants et les enjeux qui se posent à lui aujourd’hui.Yves Verneuil, Professeur des Universités en sciences de l'éducation, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1620432021-06-03T19:50:38Z2021-06-03T19:50:38ZTrois clés de philosophes pour apprendre à surmonter un échec<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/404081/original/file-20210602-15-1g75ke5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=32%2C19%2C4288%2C2777&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Si l'obstacle, comme l'échec, force à un temps d'arrêt, il ne stoppe pas définitivement une trajectoire.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Avec les premiers verdicts du site d’orientation post-bac <a href="https://theconversation.com/orientation-post-bac-linevitable-stress-de-parcoursup-161036">Parcoursup</a>, voilà que commence la période des résultats de concours et d’examens. Beaucoup de jeunes verront leurs souhaits se réaliser. Mais beaucoup d’autres seront déçus. L’impossibilité d’intégrer l’école pour laquelle ils se préparaient, ou la filière qui leur semblait idéale pour réaliser leurs projets personnels représente un échec, parfois difficile à supporter.</p>
<p>Est-il alors possible d’apprendre à ses enfants à surmonter ce type de déception ? Trois grands philosophes peuvent nous éclairer, en nous donnant des éléments pour une économie rationnelle du désir.</p>
<h2>Avec Descartes, cerner les limites de ses désirs</h2>
<p>Dans le dictionnaire, l’échec est tout simplement défini comme l’opposé de la réussite. Mais, au-delà de cette évidence, que signifie réussir, sinon précisément obtenir le résultat que l’on espérait ? Il n’y aurait donc de réussite que par référence à une attente. Si bien que l’échec n’existe pas dans l’absolu. Comme la réussite, il est toujours relatif à un but particulier, préalablement valorisé.</p>
<p>On peut donc déjà s’interroger sur la pertinence de cette valorisation, en fonction des ressources (de tous ordres) dont on dispose, et de la probabilité objective d’atteindre le but. Il ne s’agit nullement de s’interdire tout rêve, ou toute ambition. Mais tous nos désirs peuvent-ils être satisfaits ?</p>
<p>Car l’échec est d’une certaine façon l’horizon de l’action humaine, dans la mesure où la réussite met en jeu beaucoup de choses qui ne dépendent pas de nous. Il faut savoir faire son deuil de l’omnipotence, et se délivrer de l’illusion que tout est possible. Telle est la sagesse, d’inspiration stoïcienne, que <a href="http://www.la-pleiade.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-de-la-Pleiade/OEuvres-et-lettres">Descartes</a> préconise dans la « troisième maxime » de sa « morale par provision », dans le <em>Discours de la méthode</em> :</p>
<blockquote>
<p>« Ma troisième maxime était de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs que l’ordre du monde… en sorte qu’après que nous avons fait notre mieux touchant les choses qui nous sont extérieures, tout ce qui manque de nous réussir est au regard de nous absolument impossible. »</p>
</blockquote>
<p>Pour celui qui a fait de son mieux, l’échec n’est jamais qu’un événement, certes malheureux, en tant que contraire à ses espoirs, mais dont il n’y a pas lieu d’être soi-même malheureux. L’essentiel est d’avoir fait tout son possible. Cela suffit pour connaître ce que Spinoza nommera le « contentement de l’âme », synonyme de « béatitude ».</p>
<h2>Avec Pascal, hiérarchiser ses rêves</h2>
<p>Certains échecs ne sont-ils pas plus graves que d’autres ? On pourra apprécier la gravité à l’aune de la valeur accordée au but. Mais cette valeur peut être jugée soit à la lumière de simples préférences subjectives (je serais si heureux de devenir membre du prestigieux « Grand Corps » des Inspecteurs des finances !) ; soit dans le cadre d’une échelle hiérarchisée, définissant des « ordres » de réussite, plus ou moins importants selon un principe clair et défendable.</p>
<p>La gravité de l’échec, comme l’importance de la réussite, sera alors fonction de la valeur propre de « l’espace de réussite » où ils surviennent. C’est ce que Pascal, dans ses <a href="http://www.penseesdepascal.fr/"><em>Pensées</em></a>, nous invite à comprendre avec sa distinction des <a href="https://www.cairn.info/revue-l-enseignement-philosophique-2015-1-page-7.htm">« trois ordres »</a> : « L’ordre des corps, l’ordre des esprits, l’ordre de la charité. ». Chaque « ordre » a sa grandeur propre :</p>
<blockquote>
<p>« La grandeur des gens d’esprit est invisible aux rois, aux riches, aux capitaines, à tous ces grands de chair.</p>
<p>La grandeur de la sagesse… est invisible aux charnels, et aux gens d’esprit. Ce sont trois ordres différents de genre. » (Pensées)</p>
</blockquote>
<p>Les « grands de chair » voient par les yeux du corps ; les « grands génies », par les yeux de l’esprit ; les sages et les saints, par les « yeux du cœur ». Qu’est-ce qu’un échec à un concours de grande école, aux yeux de l’esprit ? Et, bien plus encore, aux « yeux du cœur » ?</p>
<p>« Grandeurs charnelles », grandeurs « spirituelles », « sagesse » : il faut savoir ce que l’on « admire », dans quel “ordre” on souhaite se situer, et donc apprendre à voir les choses avec les bons yeux.</p>
<h2>Avec Spinoza, apprendre à se réinventer</h2>
<p>Mais un échec, même dans l’ordre de la charité, n’en reste-t-il pas moins un échec ? L’échec, en quelque sorte, ralentit le cours du désir. N’est-il pas, pour cela, mauvais en soi ? Nous sommes invités à mieux définir le désir. Avec son <em>Ethique</em>, Spinoza va nous aider à progresser dans sa connaissance.</p>
<p>Pour lui, « le désir est la tendance accompagnée de la conscience de cette même tendance ». La « tendance (appetitus) » n’est « rien d’autre que l’essence même de l’homme ». Si bien que « Le désir est l’essence même de l’homme… c’est-à-dire l’effort par lequel l’homme persévère dans son être ».</p>
<p>L’essentiel est donc de préserver le « conatus », ou effort de l’être pour <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance/l-ethique-de-spinoza-34-parties-iii-et-iv-affects">persévérer dans son être</a>. Le désir est toujours, en soi, positif, à tel point que « le bonheur consiste pour l’homme à pouvoir conserver son être ». Que nous recommande alors la raison ?</p>
<blockquote>
<p>« La raison demande que chacun s’aime soi-même, qu’il cherche ce qui est réellement utile pour lui, qu’il désire tout ce qui conduit réellement l’homme à une perfection plus grande, et, d’une manière générale, que chacun, selon son pouvoir, s’efforce de conserver son être. »</p>
</blockquote>
<p>Mais alors, aucun échec ne doit pouvoir éteindre le désir. L’échec n’est qu’un coup de frein passager. S’il marque un temps d’arrêt sur une ligne particulière de développement, il ne signifie nullement un arrêt du développement lui-même. Celui-ci se poursuivra en contournant l’obstacle, comme le cours d’eau contourne et dépasse le rocher qui ne le retarde qu’un court instant.</p>
<p>L’essentiel est de vivre, et d’aller de l’avant, avec le souci de se perfectionner (dans un « ordre » digne d’être valorisé). Il faut apprendre à son enfant à conserver l’envie d’avoir envie, pour tenter de se dépasser toujours, et connaître ainsi un bonheur durable…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162043/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Hadji ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comme la réussite, l’échec est toujours relatif à un but particulier, préalablement valorisé. En période de résultats de concours et d’examens, quelques pistes pour aider un enfant ou un proche déçu.Charles Hadji, Professeur honoraire (Sciences de l’éducation), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1400002020-06-04T18:13:55Z2020-06-04T18:13:55ZClasses prépas : un modèle bouleversé par la crise du Covid-19<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/339511/original/file-20200603-130929-1al5lxr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C11%2C1911%2C1264&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Habitués à l’émulation, les élèves de prépa se sont trouvés privés des séances classiques de travail de groupe.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/photos/computer-pc-workplace-home-office-1185626/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La crise du Covid-19 redéfinit le déroulement des études, notamment dans les <a href="http://www.onisep.fr/Choisir-mes-etudes/Apres-le-bac/Organisation-des-etudes-superieures/Les-classes-preparatoires-aux-grandes-ecoles-CPGE">classes préparatoires</a> aux grandes écoles – ces formations où des bacheliers viennent préparer en deux ou trois ans les concours d’écoles d’ingénieurs, de management, d’Écoles normales supérieures et d’autres, selon leurs spécialités. La crise change les méthodes d’enseignement, avec la classe à distance et la suppression des interrogations orales régulières. Elle affecte aussi <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Y0hLwRFC3Lg">l’organisation des concours</a>.</p>
<p>Alors que les CPGE exigent un engagement complet jusqu’au concours, la motivation des préparationnaires est affectée par les incertitudes liées au contexte sanitaire, malgré la persévérance des professeurs pour assurer la « continuité pédagogique ».</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/covid-19-heurs-et-malheurs-de-la-continuite-pedagogique-a-la-francaise-133820">Covid-19 : heurs et malheurs de la continuité pédagogique à la française</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Retour sur quatre théories traditionnelles de la motivation qui permettent de comprendre comment, dans ces filières, celle-ci est mise à l’épreuve de la pandémie.</p>
<h2>Besoins d’appartenance et d’estime</h2>
<p>Les cours en classe satisfont plusieurs besoins sur la <a href="https://psycnet.apa.org/record/1943-03751-001">pyramide de Maslow</a> (1943) :</p>
<ul>
<li><p>un besoin de sécurité, car l’étudiant est dans un environnement rassurant, sous l’œil bienveillant des professeurs, entouré de camarades devenus des amis ;</p></li>
<li><p>un besoin d’appartenance, grâce aux synergies d’un groupe soudé qui avance vers un objectif commun ;</p></li>
<li><p>les besoins d’estime et d’accomplissement de soi, grâce à l’acquisition de savoirs qui aident à façonner le projet professionnel et aux encouragements des professeurs. (Pour beaucoup, ce besoin ne sera satisfait qu’à l’intégration en école, le système de notation et la charge de travail importante en CPGE pouvant nuire au moral des étudiants.)</p></li>
</ul>
<p>La satisfaction des besoins est altérée par l’enseignement à distance. Bien que certains jeunes de prépa aient rejoint des familles où ils sont choyés, ils se sont retrouvés privés de l’émulation de groupe, des séances de travail collectif, des échanges informels en dehors des cours, que les objets connectés ne remplacent pas toujours.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1257119191649394689"}"></div></p>
<p>Par ailleurs, les moins chanceux ne bénéficient pas de conditions propices au rythme soutenu de la CPGE : la fermeture des lycées les prive d’un espace de travail. En outre, ceux qui n’ont pas pu rejoindre leurs proches sont privés d’un soutien familial et amical.</p>
<p>Le besoin d’estime et d’accomplissement de soi est aussi mis à mal, notamment pour les étudiants de deuxième année, avec la lassitude et la perte de sens liées à l’éloignement de la date des concours, et la nécessité de travailler seuls sur une période plus longue que prévue.</p>
<p>Les regroupements en ligne pallient en partie l’insatisfaction de ces besoins. Cependant, ils ne remplacent ni la chaleur humaine ni les interactions permises par un enseignement classique. S’adresser à des appareils désincarnés semble dégrader la satisfaction du besoin d’appartenance, ce qui explique en partie la moindre d’implication en ligne.</p>
<h2>Arbitrages</h2>
<p>En 1964, <a href="https://psycnet.apa.org/record/1964-35027-000">Vroom</a> montre que la motivation résulte de trois forces conjointes : l’expectation, l’instrumentalité, la valence.</p>
<p>En présentiel, les étudiants qui « survivent en prépa » répondent simultanément à ces critères :</p>
<ul>
<li><p>leur objectif est d’intégrer une école (instrumentalité) ;</p></li>
<li><p>ils pensent que la CPGE leur donne les chances de l’atteindre (expectation) ;</p></li>
<li><p>cet objectif a suffisamment de valeur pour que le sacrifice en vaille la peine (valence).</p></li>
</ul>
<p>Cet équilibre est précaire. Les sacrifices considérables, en matière de travail ou de restriction de la vie sociale, dégradent la valence. De plus, la notation sévère, le volume de connaissances à ingérer et l’exigence des professeurs pèsent sur l’expectation : l’étudiant ne se sent plus capable de réussir dans cette voie. Il doute alors de ses capacités et peut revoir ses prétentions d’intégration à la baisse, diminuant ainsi l’instrumentalité.</p>
<p>À distance, cet arbitrage est modifié suivant le profil du candidat, les préparationnaires étant dépourvus de leurs repères habituels. Pour les plus optimistes, l’expectation est renforcée, car leur mise au travail et leur résistance au stress constituent des chances supplémentaires.</p>
<p>Cependant, les candidats plus fragiles considèrent que les événements de l’année écoulée (grèves, épidémie) ont amenuisé leurs chances d’intégrer un bon établissement, dégradant ainsi l’expectation et l’instrumentalité.</p>
<p>La marge de manœuvre des professeurs est faible, car elle implique un soutien individualisé difficile à mettre en place du fait du nombre élevé d’étudiants par classe.</p>
<h2>Vision du professeur</h2>
<p>En 1960, <a href="https://www.worldcat.org/title/human-side-of-enterprise/oclc/173969">Douglas McGregor</a> montre que la vision des managers influence la motivation de leurs subalternes. Ce constat peut être dressé en CPGE.</p>
<p>En classe, les méthodes des professeurs découlent de leur vision des préparationnaires. Pour certains, les étudiants, bien qu’inscrits en prépa, n’ont pas de goût pour l’effort et doivent être contrôlés et poussés au travail. C’est la vision X de McGregor.</p>
<p>Pour d’autres, le préparationnaire est responsable, car il poursuit un objectif d’accomplissement personnel : il faut donc lui faire confiance. C’est la vision Y de McGregor.</p>
<p>Les professeurs empruntent à McGregor un mélange des visions X et Y suivant de multiples facteurs tels que la personnalité de l’étudiant, la période de l’année ou la discipline enseignée. Ils oscillent donc entre un fort contrôle des étudiants, des récompenses ou sanctions par la note, et plus de responsabilisation et d’incitations à l’autonomie.</p>
<p>Les enseignants considèrent aussi leurs étudiants suivant la <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/105960118100600316">théorie Z</a>, qui postule que l’individu est autonome, digne de confiance, désireux de coopérer, respectueux des compétences de ses pairs et ouvert au dialogue. La vision Z incite à préconiser le travail en équipe et l’entraide au sein de la prépa.</p>
<p>Quand les préparationnaires sont « cachés » derrière leurs écrans, les enseignants s’interrogent légitimement sur leur niveau d’attention, la qualité de leur travail personnel ou de potentielles tricheries aux devoirs. L’enseignant est plus que jamais tiraillé entre les visions X, Y et Z.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1264677314346070018"}"></div></p>
<p>Suivant la théorie X, l’asymétrie d’information conduit les enseignants à renforcer le contrôle en exigeant plus fréquemment le rendu de devoirs, en multipliant les apostrophes aux étudiants pour s’assurer qu’ils suivent, ou en indexant le passage en deuxième année sur l’assiduité.</p>
<p>On peut s’interroger sur l’efficacité de ces efforts : obligent-ils les réfractaires à suivre ? Ne dégradent-ils pas la relation de confiance entre les étudiants sérieux et les professeurs ? N’impliquent-ils pas des sacrifices importants en termes de temps et de logistique pour le professeur ?</p>
<p>Selon la théorie Y, l’enseignant peut être encouragé à donner plus d’autonomie aux étudiants. Très positive de prime abord, cette réaction peut aussi déstabiliser ceux qui sont plus fragiles psychologiquement. Suivant la thèse de Vroom, un étudiant qui s’estime incapable d’être responsabilisé verra son expectation dégradée.</p>
<p>Enfin, selon la théorie Z, les professeurs multiplient les initiatives de travail collectif. Vu les exigences en matière de distanciation sociale, cela implique pour les étudiants une utilisation accrue des écrans. La question de la nocivité de telles pratiques sur leur santé se pose alors.</p>
<h2>Se comparer aux autres</h2>
<p>En 1963, <a href="https://psycnet.apa.org/record/1964-04111-001">J.S. Adams</a> a montré que les individus se comparent aux autres personnes de l’organisation par le calcul pour les autres et pour eux-mêmes d’un ratio d’équité (rétribution/contribution). Une trop grande différence entre les ratios incite les individus à rétablir l’équité.</p>
<p>Les classes préparatoires ne font pas exception. Les étudiants sont prompts à estimer les contributions de leurs camarades, notamment par le travail fourni. Ils guettent aussi les rétributions par les notes et la considération des professeurs.</p>
<p>Un étudiant considérant qu’il est inéquitablement rétribué par rapport à sa contribution peut :</p>
<ul>
<li><p>travailler plus pour améliorer ses rétributions ;</p></li>
<li><p>diminuer ses contributions, ce qui mène à de l’absentéisme, moins de travail ;</p></li>
<li><p>agir sur les étudiants qui ont un meilleur ratio d’équité en sabotant leur travail ou en refusant de coopérer avec eux.</p></li>
</ul>
<p>La crise sanitaire amplifie les comparaisons, à la fois entre préparationnaires d’un même établissement et de lycées différents. Elles portent sur la mise en place de l’enseignement à distance, le degré d’implication (bénévole ou non) des professeurs, les conditions de travail des autres étudiants, etc.</p>
<p>L’accroissement des inégalités perçues – que cette perception soit fondée ou non – affecte la motivation des étudiants. Ceux qui s’estiment privilégiés s’impliquent dans leurs révisions. Ceux qui se sentent lésés choisissent une des options évoquées plus haut.</p>
<p>La classe à distance a donc considérablement affecté la motivation des préparationnaires, et bouleverse la manière dont les enseignants devraient les soutenir. Il est important de s’inspirer dès maintenant des bonnes pratiques identifiées, puisqu’une place importante pourrait encore être donnée aux cours à distance à l’avenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140000/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Johanna Volpert est professeur en classe préparatoire aux grandes écoles. </span></em></p>Organisées autour des concours aux grandes écoles, les classes préparatoires post-bac misent sur un fort encadrement et un rythme intensif. Que devient cette pédagogie avec l’enseignement à distance ?Johanna Volpert, Docteure en sciences de gestion, professeure agrégée en CPGE, membre de la chaire "Marques & Valeurs" de l'IAE de Paris, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1371492020-05-01T15:05:59Z2020-05-01T15:05:59ZVoilà comment j'ai décrypté « Déroule le rebord » et gagné (presque) à chaque fois<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/330223/original/file-20200423-47799-3vze71.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un professeur de statistiques a utilisé son expertise en calcul de probabilités pour parvenir à un pourcentage de gain de 98 % au populaire concours « Déroule le rebord » de Tim Hortons</span> <span class="attribution"><span class="source">Photo Illustration/The Conversation)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>En 2003, le géostatisticien Mohan Srivastava a réussi à décrypter un jeu de loterie canadien. Après avoir reçu en cadeau un billet à gratter, il a repéré une faille dans le jeu. En mettant à profit ses compétences en matière de probabilité, <a href="https://www.sudinfo.be/art/177104/article/actualite/belgique/2011-06-24/il-serait-possible-de-reperer-les-billets-gagnants-du-bingo-avant-grattage">il a découvert comment déceler les billets gagnants avant même de les acheter</a>. Ça ne l’a pas rendu riche : « Ce n’était pas rentable pour moi de passer du temps à battre le jeu », a-t-il dit, mais son expérience a démontré qu’il était très difficile de faire en sorte qu’un jeu soit réellement aléatoire.</p>
<p>Tim Hortons a lancé son concours annuel <a href="https://www.timhortons.ca/roll-up-the-rim-to-win">« Déroule le rebord »</a> à la mi-mars. Pandémie de coronavirus oblige, les gobelets physiques ont été remplacés par un jeu numérique sur l’application de fidélité de l’entreprise. Ce changement a grandement influencé la manière dont les prix étaient attribués. Cela a également permis de faire basculer les chances en faveur des joueurs.</p>
<p>Selon l’ancien mode, la mécanique du jeu était simple. Tim Hortons imprimait des millions de gobelets promotionnels, et il y en avait environ un sur six qui comportait un prix sous le rebord en papier. Si l’entreprise s’attendait à vendre 180 millions de cafés pendant la durée du concours, elle fabriquait 180 millions de gobelets promotionnels, dont environ 30 millions de gagnants. Les restaurants les vendaient jusqu’à épuisement des stocks.</p>
<p>Cela signifie que si Tim Hortons ne pouvait prédire avec exactitude le nombre de cafés vendus pendant la durée du concours, les chances restaient les mêmes. Si les ventes étaient plus élevées que prévu, on était plus rapidement à court de gobelets. Si les ventes étaient faibles, le jeu durait plus longtemps. D’une façon ou d’une d’autre, le nombre de prix remportés et le nombre de gobelets distribués (le numérateur et le dénominateur de l’équation de probabilité) étaient fixes.</p>
<h2>« Les rebords à dérouler numériques » ont changé la donne</h2>
<p>Cette année, avec le jeu numérique, tout a changé. Plutôt que des gobelets physiques, les joueurs obtenaient avec leurs achats des « rebords numériques » qu’ils pouvaient dérouler en tout temps en cliquant sur un gobelet de café virtuel dans l’application.</p>
<p>Cependant, cette fois, Tim Horton ne pouvait prévoir le nombre de rebords numériques distribués, car cela dépendait des ventes réelles pendant les quatre semaines du concours. Le nombre de prix (le numérateur) était toujours fixe, mais le nombre de participations (le dénominateur) échappait au contrôle de l’entreprise. Il fallait donc trouver une nouvelle façon de distribuer les prix.</p>
<p>La solution, dont <a href="https://theconversation.com/roll-up-the-rim-how-covid-19-has-changed-the-contest-and-maybe-your-odds-of-winning-133134">j’ai parlé avant le début du concours</a>, était que « Déroule le rebord » devienne une sorte de machine à sous.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/329851/original/file-20200422-47820-rftjsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/329851/original/file-20200422-47820-rftjsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/329851/original/file-20200422-47820-rftjsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/329851/original/file-20200422-47820-rftjsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/329851/original/file-20200422-47820-rftjsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/329851/original/file-20200422-47820-rftjsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/329851/original/file-20200422-47820-rftjsb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les changements apportés au concours « Déroule le rebord » ont rendu le jeu semblable à une machine à sous.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Photo Illustration/The Conversation</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Chaque prix (du café à la voiture) s’est vu attribuer une « période de prix à gagner », un court laps de temps pendant lequel il pouvait être remporté. Si on était le premier à utiliser l’application pendant ce délai, on gagnait le prix. Tim Hortons pouvait alors distribuer tous les prix annoncés pendant la durée du concours, et chacun de ces prix pouvait être remporté, du moins, en théorie.</p>
<p>Dans la mesure où certains de ces délais gagnants n’étaient que de 0,1 seconde, il était possible que personne ne déroule de rebord pendant ce temps. Pour compenser, Tim Hortons <a href="https://timhortons.sfo2.digitaloceanspaces.com/crm/rutr/RUTR_2020_Official_Rules_and_Regulations%20_FR.pdf">a inclus une règle</a> selon laquelle tout prix non réclamé au cours du premier laps de temps était reporté à une journée subséquente du concours, et ce, jusqu’au dernier jour du concours. On considérait comme non distribué tout prix qui n’avait pas été gagné avant la date limite du concours numérique, le 21 avril à minuit. Bien que le concours en restaurant ait pris fin le 7 avril, les joueurs disposaient de deux semaines supplémentaires pour dérouler leurs rebords numériques.</p>
<h2>Prix reportés</h2>
<p>Selon ce nouveau format du jeu, les chances de gagner dépendaient non seulement du nombre de rebords numériques obtenus, mais aussi du nombre de participants. Si les ventes étaient faibles, moins de gens jouaient, et un plus grand nombre de délais gagnants s’écoulaient sans que le prix soit réclamé. Ces prix étaient reportés, et continuaient à l’être, jusqu’à la date limite du concours.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/329853/original/file-20200422-47847-3f41gk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/329853/original/file-20200422-47847-3f41gk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/329853/original/file-20200422-47847-3f41gk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/329853/original/file-20200422-47847-3f41gk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/329853/original/file-20200422-47847-3f41gk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/329853/original/file-20200422-47847-3f41gk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/329853/original/file-20200422-47847-3f41gk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">On ne sait pas si l’isolement social a eu un impact sur le nombre de personnes qui ont joué à « Déroule le rebord » cette année.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Nathan Denette</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On ne peut pas en avoir la certitude dans la mesure où Tim Hortons n’a pas annoncé ses chiffres de vente pendant le concours, mais il est raisonnable de penser que les <a href="https://www.reuters.com/article/us-health-coronavirus-starbucks/starbucks-sees-47-drop-in-second-quarter-earnings-on-coronavirus-hit-idUSKCN21Q3BG">ventes de café ont baissé pendant la période de confinement en raison du coronavirus</a>. La diminution des ventes pouvait théoriquement augmenter les chances de gagner un prix grâce à l’application, mais seulement si on savait quand participer.</p>
<p>À titre de professeur de statistiques, il me semblait approprié de mener une petite expérience. Je savais qu’il y avait peu de chances de gagner un gros prix (plus de 99 % des prix du concours étaient des cafés et des beignets), mais j’étais curieux sur le plan statistique.</p>
<p>Il y avait d’autres facteurs à prendre en compte. Dans quelle mesure les prix étaient-ils distribués de façon aléatoire ? Y avait-il plus de chances de les remporter au début du concours ? À quelle heure les gens jouaient-ils ? Avais-je plus de chances en pleine nuit ? Il n’y avait aucun moyen de le savoir avec certitude, mais j’ai fait quelques suppositions et je me suis mis au travail.</p>
<h2>Avalanche de prix non réclamés</h2>
<p>En profitant des différentes façons d’obtenir des rebords numériques supplémentaires (comme se servir d’une tasse réutilisable ou faire un achat au moyen de l’application), j’ai accumulé 96 participations. J’ai ensuite attendu le dernier jour du concours pour les utiliser. Si ma théorie était bonne, selon les modèles statistiques que j’avais élaborés avant de jouer, il y aurait alors une avalanche de prix non réclamés à remporter.</p>
<p>Debout à 5 h du matin (je voulais minimiser les chances de jouer en même temps que quelqu’un d’autre), j’étais prêt à dérouler.</p>
<p>Le premier coup, j’ai gagné un café gratuit. Bon début, mais c’était peut-être de la chance.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/329854/original/file-20200422-47784-j7cfr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/329854/original/file-20200422-47784-j7cfr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1192&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/329854/original/file-20200422-47784-j7cfr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1192&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/329854/original/file-20200422-47784-j7cfr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1192&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/329854/original/file-20200422-47784-j7cfr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/329854/original/file-20200422-47784-j7cfr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/329854/original/file-20200422-47784-j7cfr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’auteur Michael Wallace a gagné 67 cafés et 27 beignes en quelques minutes en calculant le meilleur moment pour jouer à Déroule le rebord.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>J’ai rejoué. Un autre café. Puis un beigne. Puis un autre café. Il m’a fallu environ 15 minutes pour dérouler mes 96 rebords numériques.</p>
<p>J’ai perdu deux fois.</p>
<p>Je n’ai remporté ni voiture ni téléviseur, ni même de carte Tim de 25 $, mais je m’y attendais. J’ai gagné 67 cafés et 27 beignes, et mes modèles statistiques prédisaient que j’en gagnerais respectivement 66 et 28.</p>
<p>Avec 94 victoires sur 96 participations, j’avais un taux de réussite de 98 %. Avant le concours, Tim Hortons estimait que les chances de gagner n’étaient que d’une sur neuf, soit d’environ 11 %. En trouvant des éléments prévisibles dans un processus apparemment aléatoire, j’ai pu augmenter radicalement ces chances. Je vais en parler à mes étudiants en probabilité pendant des années.</p>
<p>À l’instar de Mohan Srivastava, je savais qu’il n’était pas question de s’enrichir rapidement. Les chances de remporter un gros lot, même quand presque chaque rebord à dérouler est gagnant, demeurent infimes.</p>
<p>Les règlements du concours suggèrent que la valeur de mes prix, si je choisis les cafés et les beignes les plus chers possible, est d’environ 500 $. Ce n’est pas un mauvais retour sur investissement, mais je vais voir si Tim Hortons peut faire don de ces prix à mon hôpital local à la place.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137149/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michael Wallace ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Tim Hortons a modifié son jeu pour y inclure un élément numérique. Un statisticien a prédit que le fait de jouer le dernier jour du concours augmenterait considérablement les chances de gagner.Michael Wallace, Assistant Professor, Department of Statistics and Actuarial Science, University of WaterlooLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1351292020-04-13T19:42:21Z2020-04-13T19:42:21ZQue peuvent les chansons au temps du confinement ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/327453/original/file-20200413-97481-3kc5xk.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=25%2C0%2C2444%2C1581&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Inspiré de l'Eurovision, le concours européen de la chanson philosophique invite à réfléchir sur fond de divertissement. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.theatre-contemporain.net/video/Concours-Eurovision-de-la-chanson-philosophique-extraits">Site de theatrecontemporain.net</a></span></figcaption></figure><p>La chanson nous réserve quelquefois d’étonnants parallélismes. En 1993 sortait le single <a href="https://www.youtube.com/watch?v=44xCsGzbTUg">« Rhythm of the Night »</a> porté par l’inimitable chanteuse italo-brésilienne Corona. Ah… l’été, l’éveil des sens, l’ivresse des boîtes de nuit, les tresses, l’odeur du sable mouillé, les prises du vue obliques du vidéo-clip qui passait sur MTV, le son à la « dance machine » du clavier Bontempi, en sachant que Corona avait été lancée sur les ondes par le producteur-dj-chanteur-dénicheur de talents transalpin, Francesco… Bontempi. Littéralement, et à double titre, c’était le bon vieux temps !</p>
<h2>Chansons de circonstance</h2>
<p>Vingt-sept ans plus tard, le coronavirus Covid-19 impose à nos existences une cadence bien nocturne. Le jour se comporte comme la nuit, <em>rhythm of the night</em> pour tous : silence dans les rues à toute heure, devantures closes et clause libératoire pour la promenade de Médor, silhouettes spectrales aux carrefours et visages fantomatiques au dernier Franprix de ravitaillement, supérettes transformées en dépanneurs nord-américains où il ne reste parfois que des chips cheap et du mauvais mousseux, masques aux allures carnavalesques pour une bonne frange des très rares passants rencontrés. Ça sent la gueule de bois globale. Alors on chante pour se donner du courage (<a href="https://www.teamworld.it/musica/coronavirus-italia-canta-in-quarantena/">voyez les Italiens, chaque soir, au balcon</a>), pour se changer les idées, et pour se relier au monde qui respire d’un même souffle court.</p>
<p>Chaque jour, une multitude de chanteurs plus ou moins confirmés ou expérimentés y vont de leur hommage mondial à la lutte contre l’ennemi invisible. Il s’agit à la fois d’une illustration du phénomène « chantons ensemble » (les <a href="https://jointspeech.ucd.ie/"><em>joint speech studies</em></a> tiennent un nouveau corpus !) et une invitation à y prendre part. Il y va de notre santé aurale, puisque l’oral, infesté comme il est de divers germes, va très mal. Ainsi, Bono sort de son train-train et laisse dérailler sa voix sur les réseaux sociaux : j’aime… ou pas. La Grande Sophie nous gratifie d’un bel <a href="https://www.facebook.com/LGSOfficiel/videos/3120342304858118/">Ensemble</a>, écrit en une soirée, celle du 16 mars, la première à la maison pour quelques dizaines de millions de personnes de France et d’outre-mer, inaugurant à l’échelle nationale une longue série de sorties interdites : on écoute ? Tryo nous offre un live dans un Bercy étonnamment vide le soir d’un vendredi 13. Quelle chance : on entonnerait bien avec eux l’Hymne de nos campagnes depuis notre salon (quoi ? 22 ans déjà ?). Des artistes québécois parviennent à transformer l’hymne du banc public de Brassens en une ode <a href="https://www.youtube.com/watch?v=qVUxPC8qfsQ">« Sans public »</a> aussi virale qu’hilarante : et si on se lançait aussi ? </p>
<p>De même, Pierre-François, le guitareux du 5<sup>e</sup> – profitant de l’inopportun lancement du groupe WhatsApp des voisins confinés du 36 quai des heures-fièvres – nous fait l’hommage vidéo d’une reprise inattendue de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=XFkzRNyygfk"><em>I am a creep</em></a>, de Radiohead : « I am a griiiippe, I am a viruuus, What ze hell I am doing heeere I don’t belong here ». La version goguette passe mal, j’ai mal au crâne et je suspends mon projet de composition au mélodica jusqu’à nouvel ordre. En guise de bouquet final, une vidéo avec un cacatoès blanc inonde mon flux Telegram. Il swingue sur les notes de son fan-des-beatles de maître, puis ouvre grand ses ailes, et me laisse sans voix. Les chanteurs du dimanche passent encore, mais les gargarismes animaliers, non. Cette fois ç’en est trop.</p>
<h2>Un air d’entre-soi</h2>
<p>Autant on aime la musique, et plus spécifiquement la chanson (populaire, d’auteur, étrangère, humoristique), autant la profusion des tentatives de prière chantée, enjouée ou mélancolique, risque d’avoir l’effet opposé à l’objectif qu’elle tenait pourtant pour acquis. À vouloir trop communier l’universel par l’expérience particulière, on se renferme sur sa propre discothèque, ses propres goûts, son entre-soi. Les nouveautés ne prennent pas plus à l’hameçon (à l’âme son) dans un salon : il manque l’expérience collective, que les concerts, les cours d’école et les salles de sport accueillent si bien. </p>
<p>Le Covid-19 a suspendu les groupes et le temps avec lui. C’est comme si la chanson avait du mal à marquer, comme avant, nos vies de balises mémorielles. En réalité, il est seulement trop tôt pour le dire, car lorsque tout cela sera terminé, ou du moins apaisé, on réentendra probablement différemment le dernier <a href="https://www.youtube.com/watch?v=PHWQmV0p8UI">Billie Eilish</a> ou la piste 5 du CD de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=_rmruS5e8t0">comptines</a> écoutée en boucle par nos filleul·e·s, définitivement associés à ce confinement partagé avec un bon tiers de la planète.</p>
<p>Ce qui est évident, c’est que le Covid-19 a ouvert une brèche. Assis, couchés ou en train de grignoter, on pense à ceux qui turbinent pour les autres (<a href="https://www.facebook.com/rts.ch/videos/le-slam-de-narcisse-ils-soignent/210484860271828/">et, comme Narcisse, on les applaudit</a>), puis à l’avenir, à nos enfants, à nos parents, aux réformes abandonnées comme à celles qui nous attendent, à la santé de la planète comme aux prochaines canicules, à la guerre qui en fait n’en est pas une, même si tout ça fait mal aussi.</p>
<p>Notre cerveau est animé d’une énergie rénovatrice et révolutionnaire tout aussi inattendue que ponctuelle. L’œil étant endormi par la vision répétée de notre espace de vie limité (sans parler de l’odorat et du goût, qui ont pu s’amenuiser à cause de la cochonnerie qui circule), l’oreille suppléante, et toujours béante, devient la porte d’entrée/sortie privilégiée de notre ressentir et de notre devenir. Ce mouvement de l’oreille, externe et interne, est bien sûr propice à l’établissement du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ver_d%E2%80%99oreille">ver d’oreille</a> (air obsédant et mentalement irrépressible, en anglais <em>earworm</em>). À moins que ce ne soit justement ce ver, qui tend imperceptiblement vers un avenir plus vert, qui n’ait creusé le sillon du renouveau, pour notre pomme et pour le monde, profitant à sa guise du silence général à la campagne comme à la ville.</p>
<p>Alors bien sûr, les chansons en mesure de se faire l’écho du changement qui nous pend aux lèvres sont légion (ressortons nos vieilles K7, les DCC, les vinyles et les rouleaux de cire). Et puis elles résonnent pour chacun d’une manière particulière. Ainsi, un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=V_SNDGwwGFM">air de Souchon</a> pour les uns, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Oh0Dqp8AzL0"><em>Partir un jour</em></a> des 2B3 pour les autres, un Orelsan parfumé au hashtag <a href="https://www.youtube.com/watch?v=dq6G2YWoRqA">#toutirabien</a> pour les plus anxieux, un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=YltjliK0ZeA">Nekfeu</a> enfin pour accompagner le passage des sirènes de pompiers ?</p>
<h2>Le baume des chansons philosophiques</h2>
<p>Tout de même, il est des produits musicaux récents qui combinent à la fois pensée introspective, réflexion constructive et apaisement cantologique. Et ils ont l’avantage de ne pas avoir été pensés en temps de grippe. Parmi ceux-ci, les chansons du spectacle Concours européen de la chanson philosophique, imaginé par Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre.</p>
<p>Le spectacle, qui tourne sur le continent européen depuis fin 2019, reprend le format du populaire Concours Eurovision de la chanson (RIP pour 2020… enfin, pour la version compétitive, car un <a href="https://eurovision.tv/story/eurovision-europe-shine-a-light-will-bring-audiences-together-on-16-may">événement planétaire aura bien lieu</a>). Le metteur en scène et la dramaturge « ont confié à onze philosophes européens l’écriture de chansons populaires qui [sont] interprétées et jouées sur scène. Un jury local comment[e] chaque prestation et vot[e] avec le public pour désigner la chanson gagnante. Au sein d’une cérémonie ludique et chaloupée présentée par Nina Negri et Massimo Furlan, la chanson et l’humour participent alors au partage des idées et remettent la réflexion intellectuelle au centre du débat public. Une soirée enfiévrée où paillettes, rythmes cadencés et voix suaves invitent à débattre de politique, de questions de société et du vivre-ensemble. » (présentation de la <a href="https://www.scenenationaledebesancon.fr/spectacles/concours-europeen-chanson-philosophique">Scène nationale de Besançon</a>).</p>
<p>Toutes les chansons ont été mises gratuitement à disposition sur le site <a href="https://europhilo.eu/">europhilo.eu</a>. Elles suscitent autant de questions qu’elles n’ouvrent des horizons fertiles, le tout en musique et avec brio. La <a href="https://soundcloud.com/user-884437543/espagne">romance de l’être et du non-être</a> (chanson espagnole) nous emmène sur les rives du fleuve du temps qui passe. La <a href="https://soundcloud.com/user-884437543/france">ballade</a> du français Philippe Artières nous rappelle qu’il ne faut pas, il ne faudra plus, oublier les démunis. La <a href="https://soundcloud.com/user-884437543/portugal">chanson portugaise</a> nous invite quant à elle à épouser le naturel pour mieux vivre ensemble, alors que l’entraînant <a href="https://soundcloud.com/user-884437543/flamand">rock flamand</a> matérialise, par l’invocation du paradoxe de Zénon d’Elée, la relativité du temps et des certitudes. Le duo <a href="https://soundcloud.com/user-884437543/italie">Le nostre fragilità</a>, de l’italienne Michela Marzano, met l’accent sur le désir de complétude qui nous habite : « Nos vides ne se traversent pas seuls ». </p>
<p>Avons-nous donc perdu le Nord, comme nous le soufflent les suaves <a href="https://soundcloud.com/user-884437543/norvege">percussions norvégiennes</a> ? Pourrons-nous dépasser l’héritage qui nous pousse sans cesse à nous différencier des autres, à nous hiérarchiser, comme le sous-entend la <a href="https://soundcloud.com/user-884437543/slovenie">chanson slovène</a> ? Aussi, notre mépris de la situation écologique nous mènera-t-il tout droit vers le Chtulucène en nous transformant en ectoplasmes plastiques ? (C’est le fond du <a href="https://soundcloud.com/user-884437543/slovenie">titre pop du Lituanien Kristupas Sabolius</a>). En somme, « nous reste-t-il assez d’incertitudes pour garder aux possibles un peu d’espoir ? Nous reste-t-il de l’imagination, (assez l’habitude) pour voir des lucioles briller dans le noir » ? (<a href="https://soundcloud.com/user-884437543/wallonie">groove belge</a>). Nécessairement. </p>
<p>Autrement, il ne nous restera plus rien à nous mettre sous nos dents de cannibales si ce n’est nos propres désillusions (<a href="https://soundcloud.com/user-884437543/suisse">chanson suisse</a>), pendant que nos Dieux, quels qu’ils soient, joueront avec notre planète comme on tape dans un ballon (<a href="https://soundcloud.com/user-884437543/allemagne">chanson allemande</a>).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135129/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Resche ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À la faveur du confinement, les chansons envahissent le web et les balcons. Mais connaissez-vous le Concours européen de la chanson philosophique ?Stéphane Resche, PRAG (PhD) / Associate researcher, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1253492019-10-16T09:55:48Z2019-10-16T09:55:48ZLa petite musique du genre, ou comment combattre le sexisme dans la musique classique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/297180/original/file-20191015-98653-1yk4pfa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C6%2C2035%2C1355&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les cheffes d'orchestre sont encore rares. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/uofdenver/4038330800">Flickr</a></span></figcaption></figure><p>Est-ce une petite musique de fond, gentillette ? Une rengaine lancinante ? Un nouvel air à la mode ? Au sein des pratiques artistiques aujourd’hui, une voix commune se fait entendre pour demander plus d’égalité. Plus d’égalité dans l’accès à la scène, à tous les métiers de la scène ; plus d’égalité dans le déroulement des carrières professionnelles, dans l’accès à la reconnaissance ; plus d’égalité aussi pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles.</p>
<p><a href="http://www.iremus.cnrs.fr/fr/projets-de-recherche/prodige-projet-de-recherche-sur-les-orchestres-les-discriminations-et-le-genre">La musique n’est pas en reste</a>. Domaine professionnel le moins féminisé des métiers de l’interprétation artistique au regard du théâtre et de la danse, la pratique musicale est pourtant une pratique mixte de longue date et un apprentissage largement féminisé au sein des établissements de formation. Mais les rôles et les fonctions occupées ne sont souvent pas les mêmes entre femmes et hommes en musique.</p>
<p>1997, une <a href="https://www.francemusique.fr/emissions/au-coeur-de-l-orchestre/les-femmes-dans-l-orchestre-69731">première femme</a>, Anna Lelkes, est acceptée officiellement au sein du Philharmonique de Vienne au poste de harpiste. Elle y était présente comme non-titulaire depuis 20 ans. Le Philharmonique de Vienne, c’est l’orchestre du bal du Nouvel An retransmis chaque année à la télévision. Tout un symbole.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/HBIir3_xB0c?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<h2>Le sexe des instruments</h2>
<p>En France, 30 orchestres permanents professionnels – symphoniques, lyriques ou orchestres de chambre – emploient des musiciens et des musiciennes sur contrat à durée indéterminée à l’issue d’un concours en plusieurs tours. Dans les années 1970, quasiment aucune femme n’exerçait dans un tel orchestre. Aujourd’hui, les femmes représentent un tiers des effectifs en moyenne. Mais elles ne sont pas présentes encore à tous les pupitres. Nombreuses parmi les instruments à cordes, de plus en plus souvent présentes parmi les « bois », notamment à la flûte, elles sont quelques-unes à accéder aux pupitres des cuivres, parmi les cors et les trompettes, mais pas parmi les trombones et les tubas, les instruments les plus graves.</p>
<p>C’est pour cela que l’on peut parler du « sexe des instruments ». En fait, de leur genre, puisque ces outils de musique ne disposent bien entendu pas de tels organes par nature. Les représentations genrées infusent toutes les pratiques musicales, associant tel geste (le toucher médié par l’archet versus le souffle ou la frappe percussive) ou telle sonorité (de l’aigu au grave) tantôt au « féminin », tantôt au « masculin ». La harpe serait gracieuse et volubile, la trompette, puissante et guerrière. On pourrait décliner à l’envi ces représentations, lesquelles ne sont pas immuables dans le temps : la harpe – en raison de la position de l’instrumentiste qui bascule l’instrument entre les jambes – et la flûte – mobilisant le souffle – ont été perçues à certaines époques comme des instruments « masculins », dont la pratique n’était pas convenable pour les femmes.</p>
<h2>Auditions « à l’aveugle »</h2>
<p>Les pionnières, premières femmes à accéder au jeu professionnel au sein de ces ensembles, l’ont été à la harpe (« la harpiste » était alors la seule femme de l’orchestre), puis au violon. Quelques-unes ensuite sont devenues violoncelliste solo, bassoniste ou flûtiste. C’était au tournant des années 1970 et bien souvent… on a cru alors recruter un homme. Ces musiciennes ont souvent <a href="https://www.nber.org/papers/w5903">joué du paravent</a> (ou du rideau qui masque la candidate ou le candidat lors des auditions instrumentales au moment du recrutement). </p>
<p>Certaines racontent ainsi que sur le conseil de leur professeur – le plus souvent un homme, à l’époque – elles ont mis en œuvre des stratégies : « gros godillots », ne pas dire « bonjour », etc. La surprise a été souvent de taille une fois le paravent enlevé, entraînant parfois des situations difficiles pour la nouvelle recrue (dont la demande de collègues au sein du pupitre d’annuler le concours). Depuis, le paravent a été adopté pour un ou deux tours, retiré ou remis, selon les concours et selon les orchestres.</p>
<iframe src="https://www.facebook.com/plugins/post.php?href=https%3A%2F%2Fwww.facebook.com%2Fgarde.republicaine%2Fposts%2F760207144185233&width=500" width="100%" height="814" style="border:none;overflow:hidden" scrolling="no" frameborder="0" allowtransparency="true" allow="encrypted-media"></iframe>
<p>Depuis peu, pour tous les recrutements des orchestres permanents français, il est présent lors du premier tour. Rares sont ceux qui le conservent de bout en bout du recrutement. Nous menons actuellement une enquête avec des collègues pour analyser les effets de ce dispositif et voir si les résultats corroborent ceux d’une équipe de recherche américaine. Cette dernière a montré que la présence du paravent double les chances des femmes d’accéder au tour suivant des concours étudiés et que ce dispositif explique une progression de 25 % du recrutement des femmes dans orchestres américains entre 1970 et 1996.</p>
<h2>Les femmes, moins visibles dans l’orchestre</h2>
<p>À quoi cela est-il dû ? Les représentations sociales et culturelles associées aux instruments rencontrent celles attachées aux postes à responsabilité, y compris sur le plan esthétique. Qu’il s’agisse de la responsabilité de la direction d’un pupitre ou de tout un orchestre, des processus de « plafond de verre » ou « de plancher collant » jouent à plein. Des processus de ségrégation horizontale conduisent les femmes à jouer certains instruments plutôt que d’autres : le jeu d’un instrument à cordes conduit le plus souvent vers des postes de « tuttistes », qui ne jouent jamais une note en solo. Alors que les instruments à vent sont solistes par définition des postes (1<sup>er</sup>, 2<sup>e</sup> ou 3<sup>e</sup> soliste, pas de tuttiste). Si les femmes représentent un tiers des instrumentistes, huit solistes d’orchestre sur dix sont des hommes (1<sup>er</sup> violon, 2<sup>e</sup> hautbois, etc.). La position la plus masculinisée reste celle de chef d’orchestre. Des processus de ségrégation verticale, de difficile accès aux postes à pouvoir, se retrouvent comme dans toutes les sphères de la vie sociale.</p>
<p>Et pourtant, les femmes qui s’engagent dans des études puis une carrière de cheffe, notamment, <a href="https://www.francemusique.fr/actualite-musicale/femmes-chefs-d-orchestre-une-evolution-petits-pas-685">sont de plus en plus nombreuses</a>. Cependant, les obstacles demeurent, souvent difficiles à franchir : se faire accepter, convaincre de sa légitimité, trouver la manière d’exercer cette fonction d’autorité. Les cheffes racontent les chausse-trapes, le manque de modèles, la concurrence lorsqu’elles ne sont plus « l’exception qui confirme la règle », les attentes différenciées par rapport à leurs collègues hommes, l’accent mis sur leur apparence corporelle, l’autorité remise en question…</p>
<p>Toutefois, les professions orchestrales semblent se saisir en partie maintenant de ces questions, en témoigne par exemple la <a href="http://www.france-orchestres.com/wp-content/uploads/2018/12/AFO_LFM_Charte_EgaliteF-H.pdf">Charte pour l’égalité entre les femmes et les hommes au sein des orchestres et des opéras</a> adoptée en juillet 2018 par l’Association française des orchestres. Une conscience se fait jour aussi du côté de la diffusion des compositrices. Il a souvent été dit qu’il n’en existait pas. On redécouvre aujourd’hui des œuvres et des parcours. Beaucoup reste à faire, en matière de connaissance et de reconnaissance, de diffusion mais aussi de formation. C’est tout ensemble l’environnement, les pratiques et les représentations qu’il convient en effet de considérer.</p>
<h2>La figure de l’artiste</h2>
<p>Mais la voix alors ? Car les figures de chanteuses sont nombreuses et emblématiques, dira-t-on. À raison. En France, notamment, les femmes se sont fait reconnaître comme cantatrices dès la naissance de l’opéra au début du XVII<sup>e</sup> siècle. Les voix de femmes ont été appréciées pour elles-mêmes et certaines cantatrices ont été adulées, portées aux nues. Sans une certaine ambiguïté quant à leur statut social. La figure de la courtisane n’était alors jamais très loin.</p>
<p>Et dans les musiques autres que les musiques orchestrales évoquées plus avant, c’est souvent au travers de la voix que les musiciennes s’expriment et se font entendre. <a href="https://journals.openedition.org/lectures/573">Dans le jazz</a>, le nom de grandes divas, tel celui de Billie Holiday ou d’Ella Fitzgerald, viennent immédiatement à l’esprit. Mais, là encore, une répartition des rôles est sous-jacente : aux femmes, le chant ; aux hommes, les instruments. Les femmes représentent seulement 4 % des instrumentistes de jazz en France. Or le jazz réputé le plus créateur, nourri d’improvisation « pure », n’est pas le jazz vocal, réputé plus commercial, mais le jazz instrumental…</p>
<p>On touche ici au nœud de l’affaire en art : dans les imaginaires, la figure de l’artiste, du créateur, demeure largement androcentrée, portée par un homme blanc. Que faire alors ? Adopter des dispositifs volontaristes ? Du paravent – utilisé à l’origine pour éviter les recrutements trop consanguins, des élèves par leurs professeurs – aux quotas, des débats se tiennent avec pour toile de fond une conviction élaborée depuis quelque 200 ans : l’excellence ou le génie appartiendrait en propre à la personne. C’est souvent oublier que des conditions sociales favorisent – ou non – leur émergence et leur développement. L’égalité se construit pas à pas. Elle se travaille au corps et dans les têtes. Comme dirait la philosophe Geneviève Fraisse, elle ne pousse pas comme l’herbe verte…</p>
<hr>
<p><em>Hyacinthe Ravet participe au premier <a href="https://www.sorbonne-universite.fr/newsroom/evenements/femmes-en-scene">Apéro d’idées</a> organisé ce mercredi 16 octobre par Sorbonne Université, sur le thème « Enquêter, chanter, jouer, danser… Quelle place prennent les femmes dans les pratiques artistiques ? », animé par Victoire Tuaillon. Elle est l’auteure de « Musiciennes. Enquête sur les femmes et la musique » (Autrement, 2011) et de « L’orchestre au travail. Interactions, négociations, coopération » (Vrin, 2015).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/125349/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hyacinthe Ravet est Vice-doyenne égalité-lutte contre les discriminations de la Faculté des Lettres.</span></em></p>Est-ce une petite musique de fond, gentillette ? Une rengaine lancinante ? Un nouvel air à la mode ? Au sein des pratiques artistiques, une voix commune se fait entendre pour demander plus d’égalité.Hyacinthe Ravet, Professeure de sociologie de la musique, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1177242019-05-28T23:44:25Z2019-05-28T23:44:25ZStress des examens : cinq conseils pour en faire un atout<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/276763/original/file-20190528-42551-1ahtrsl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1000%2C658&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La recherche montre qu'accepter son stress aide à se protéger des émotions négatives.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/beautiful-female-stressing-out-due-exam-145257037">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Dernier tremplin vers les examens, l’obtention d'un diplôme - ou même l’entrée dans la vie active, pour les plus âgés d’entre eux - la fin du semestre représente pour les étudiants l’une des périodes les plus stressantes de l’année.</p>
<p>Selon une étude menée aux États-Unis, 60 % des étudiants de premier cycle déclarent ressentir un niveau de stress supérieur à la moyenne durant cette période. Plus d’un tiers disent que cela a tiré leurs performances scolaires <a href="https://www.acha.org/documents/ncha/NCHA-II_Spring_2018_Reference_Group_Executive_Summary.pdf">vers le bas</a>. Bien que le stress puisse avoir des effets négatifs, en tant que spécialiste de la gestion du stress, je sais qu’il existe pourtant des moyens d’en faire un <a href="https://doi.org/10.1177/0963721412461500">atout</a>.</p>
<p>Voici quelques pistes pour aider les jeunes à veiller sur leur propre bien-être dans la dernière ligne droite de l’année.</p>
<h2>Accepter son stress</h2>
<p>Il est arrivé que des écoles et des universités encouragent leurs étudiants à profiter d’un <a href="https://www.binghamton.edu/dean-of-students/programs-services/stress-free-spring.html">« printemps sans stress »</a>. Si l’envoi de ce genre de message part d’une bonne intention, il peut leur donner des espérances irréalistes.</p>
<p>La fin du semestre est bel et bien une période stressante. Essayer d’échapper à cette réalité peut donc faire plus de mal que de bien. C’est le cas si les élèves s’inquiètent du fait même de ressentir du stress. Cela va les conduire à éviter les situations stressantes pour ne pas amplifier ces sensations. Pour réduire leur niveau de stress, ils seront tentés de reporter à plus tard leurs révisions ou leurs devoirs.</p>
<p>Ce genre d’évitement peut en contrepartie générer plus de pression, vu que les causes de stress ne vont pas se dissiper pour autant. Cela va créer de nouveaux problèmes, comme le fait de <a href="https://doi.org/10.1037/0022-006X.73.4.658">se sentir déprimé</a>. Si la stratégie d’évitement semble instinctive, la recherche montre qu’accepter ce stress permettrait en fait à certains étudiants de <a href="https://doi.org/10.1016/j.brat.2010.05.025">se protéger</a> d’émotions négatives comme la peur.</p>
<h2>Changer de point de vue</h2>
<p>Le stress peut être nocif mais il peut aussi rendre les gens plus productifs et concentrés, et favoriser une <a href="https://doi.org/10.1207/s15327965pli1501_01">progression personnelle</a>.</p>
<p>La manière dont vous envisagez le stress est importante aussi. Certaines recherches montrent même que vos croyances à ce sujet pourraient devenir des <a href="https://doi.org/10.1037/a0026743">prophéties autoréalisatrices</a>. Cela signifie que, si vous pensez que les effets du stress sont dangereux, ils peuvent l’être davantage. Inversement, si vous pensez qu’ils sont <a href="https://www0.gsb.columbia.edu/mygsb/faculty/research/pubfiles/6010/II%2043%20Crum%20Lyddy.pdf">utiles</a>, vous obtiendrez des résultats plus positifs selon Alia Crum, professeure de psychologie à Stanford.</p>
<p>Adopter un point de vue positif sur le stress ne peut être que bénéfique.</p>
<h2>Donner un sens au stress</h2>
<p>La recherche montre que le fait de rattacher une <a href="http://dx.doi.org/10.1037/0003-066X.55.6.647">signification</a> aux facteurs de stress de votre vie peut vous aider à mieux les gérer.</p>
<p>Dans son livre <a href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/316675/the-upside-of-stress-by-kelly-mcgonigal/9781101982938/"><em>Le bon côté du stress</em></a>, la psychologue Kelly McGonigal soutient qu’une vie qui a du sens est une vie stressante. En d’autres termes, les sources de stress les plus importantes de nos vie recoupent les principales sources de sens. En ce qui concerne les étudiants, il faut bien voir que toutes les obligations auxquelles ils doivent se soumettre – devoirs, tests et projets – sont une étape incontournable dans la réalisation de leurs objectifs, de leurs rêves, et l’accomplissement de leurs passions.</p>
<h2>Solliciter son réseau</h2>
<p>C’est important que les étudiants se tournent vers leur réseau social et les personnes en lesquelles ils ont le plus confiance pour partager ce qu’ils vivent.</p>
<p>La recherche montre que les liens sociaux sont importants pour <a href="https://www.oxfordclinicalpsych.com/view/10.1093/med:psych/9780195126709.001.0001/med-9780195126709">gérer le stress</a> et le <a href="http://dx.doi.org/10.1037/0033-2909.98.2.310">surmonter</a>.</p>
<p>Faire appel à son entourage peut aider à affronter les difficultés et changer la façon dont on évalue les facteurs de stress. En bref, les situations stressantes sembleront moins menaçantes et moins négatives. Il a été <a href="http://dx.doi.org/10.1007/s10865-006-9056-5">démontré</a> que le recours à ses ressources sociales favorise la santé physique et mentale, procure un sentiment de contrôle et aide même à renforcer le système immunitaire.</p>
<h2>Savoir être reconnaissant</h2>
<p>Quand les étudiants sont stressés, le pessimisme se glisse plus facilement dans leur quotidien. Dans ces cas-là, ils peuvent avoir tendance à négliger les choses positives qui leur arrivent. S’ils s’appuient sur les événements justes qui se produisent et savent exprimer avec sincérité leur reconnaissance, malgré le stress qu’ils subissent, ils remarqueront <a href="https://doi.org/10.1016/j.jrp.2007.11.003">des changements intéressants</a>, en particulier une baisse de ce même stress.</p>
<p>La gratitude peut améliorer la <a href="https://doi.org/10.1080/10503307.2016.1169332">santé mentale</a> et le bien-être en général. Allez donc de l’avant et tirez profit de cette émotion positive. Le stress ne disparaîtra pas complètement mais les étudiants seront mieux armés face aux pressions qui subsistent malgré tout.</p>
<hr>
<p><em>Texte traduit de l’anglais par Aurélie Djavadi.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117724/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jennifer Wegmann ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La fin du semestre est bel et bien une période stressante. Essayer d’échapper à cette réalité peut faire plus de mal que de bien. Quelques pistes pour l’affronter et transformer la pression en force.Jennifer Wegmann, Professor of Health and Wellness Studies, Binghamton University, State University of New YorkLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1168562019-05-13T19:14:56Z2019-05-13T19:14:56ZÉtudes de santé : à qui profite la réforme de la première année ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/273832/original/file-20190510-183109-bafkxx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C904%2C550&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le nombre de places dans les cursus médicaux est par conséquent directement lié aux capacités d’encadrement de stagiaires dans les services hospitaliers.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La réforme des études de médecine fait partie des mesures phares du projet de loi <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/ma-sante-2022-un-engagement-collectif/article/ma-sante-2022-mise-en-oeuvre#Le-projet-de-loi-Ma-Sante-2022">« Ma santé 2022 »</a> qui devrait être adopté en juillet 2019. Son ambition est de favoriser une meilleure adéquation entre la formation des médecins et les besoins des populations. Parmi les différentes mesures, on trouve la suppression d’ici 2020 du numerus clausus et celle du concours organisé à la fin de la première année de médecine (mais aussi d’odontologie, pharmacie et sage-femme).</p>
<p>Voilà qui laisserait chaque université déterminer ses capacités d’accueil, « au regard des capacités de formation et des besoins des territoires ». Les étudiants se destinant à la médecine auront désormais plusieurs voies d’accès.</p>
<p>Certains s’inscriront à un « portail santé », en remplacement de l’actuelle première année commune aux études de santé (PACES), avec des enseignements pluridisciplinaires et un système d’évaluation revisité, privilégiant la réflexion à la mémorisation. D’autres opteront pour une licence dans la discipline de leur choix, doublée d’une « mineure santé » qui permettrait d’intégrer la filière santé à la fin de la deuxième ou de la troisième année.</p>
<p>Ce nouveau système, <a href="http://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Reforme_des_etudes_de_Sante/56/2/Annexe_5_Bilan_experimentations_PACES_1050562.pdf">déjà expérimenté</a> dans seize universités depuis 2014, entend généraliser et institutionnaliser des passerelles entre le cursus de médecine et les licences universitaires. Son objectif est double : diversifier les formations et donc les profils des futurs médecins, mais aussi proposer une réorientation valorisante aux étudiants non-admis en médecine (représentant aujourd’hui environ 80 % des inscrits en première année).</p>
<h2>Une sélectivité incontournable</h2>
<p>Annoncées comme « révolutionnaires » en termes d’impact sur le système de santé, les nouvelles modalités d’accès aux études de médecine s’inscrivent pourtant dans la continuité des évolutions de ces dernières décennies. En effet, en dépit de l’existence formelle d’un <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000853891">numerus clausus</a> fixé au niveau national, le nombre de places offertes en fin de la première année <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/fiche11-3.pdf">n’a cessé d’augmenter</a> depuis le milieu des années 1990.</p>
<p>Répartie sur les quatre filières (médecine, odontologie, pharmacie et sage-femme), la hausse a été particulièrement marquée pour le nombre de places en médecine, passé de 3 500 en 1993 à 9 314 en 2019 (+166 %). Vu la structure des études médicales, la disparition du concours à la fin de la première année n’entraînera pas la fin de la sélectivité.</p>
<p>Depuis la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000886688">réforme Debré</a> de 1958, la formation des médecins est organisée autour des Centres hospitaliers universitaires (CHU), à la fois lieux de soins, d’enseignement et de recherche. Cela en fait une exception dans le paysage de l’enseignement supérieur français, qui, jusqu’à une époque récente, a nettement séparé enseignement, recherche et pratique professionnelle. </p>
<p>Les études de médecine sont en effet indissociables de la pratique clinique et de la recherche. Le nombre de places dans ces cursus est par conséquent directement lié aux capacités d’encadrement de stagiaires dans les services des établissements hospitaliers.</p>
<h2>Des réorientations facilitées</h2>
<p>Pour ce qui est de la diversification des parcours de formation initiale et du développement de nouvelles aptitudes, la réforme prolonge des réflexions anciennes pour répondre à des inquiétudes nouvelles. Dans un monde vieillissant et confronté à des bouleversements technologiques, l’intensification des attentes sociétales vis-à-vis de la médecine questionne de nouveau les contenus et les méthodes de formation des futurs professionnels. </p>
<p>Déjà, en 1973, le <a href="https://www.chu-toulouse.fr/IMG/pdf/debre.pdf">professeur Robert Debré</a> appelait de ses vœux une formation médicale mobilisant d’autres disciplines (santé publique, statistique, psychologie, économie, sociologie) et développant des compétences dans les domaines du médicament, de la présence, de la parole.</p>
<p>Plus récemment, dans un <a href="https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2018-01/20180117-role-des-CHU.pdf">rapport</a> présenté au Sénat en 2017, la Cour des comptes réaffirmait la nécessaire intégration dans la formation médicale d’enseignements interdisciplinaires. L’association de savoirs et de compétences issues de traditions de recherche différentes, telles que les sciences de l’ingénieur, la philosophie et les sciences de l’environnement, est considérée comme indispensable pour outiller les professionnels de santé face aux évolutions des métiers et pour préparer « la médecine de demain ».</p>
<p>Plus que le système de santé, c’est sans doute l’enseignement supérieur français qui peut tirer profit de cette réforme. Les passerelles et les dispositifs de réorientation cherchent à retenir les étudiants au sein d’un même établissement, redonnant ainsi une nouvelle attractivité aux licences universitaires.</p>
<p>La <a href="https://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2010-2-page-71.htm">désaffection</a> des bacheliers, notamment ceux qui ont les meilleurs résultats au bac, pour les licences universitaires au profit des classes préparatoires aux grandes écoles ou des établissements privés s’accentue depuis vingt ans. C’est dans le même esprit que peut être comprise la politique récente d’« universitarisation des formations de santé » qui vise à ramener dans le giron des universités les formations paramédicales, notamment les instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) qui comptent parmi les cursus les plus demandés à la sortie du bac (en 2019 9,6 % des vœux confirmés via la plate-forme Parcoursup).</p>
<p>Ainsi, par la diversification des modalités d’accès aux études de médecine et à défaut de pouvoir relever le défi des déserts médicaux, le gouvernement pourrait insuffler une nouvelle dynamique aux universités françaises à l’instar de ce qui se pratique dans les « Bachelors of Liberal Arts » des campus nord-américains, véritables creusets de l’inter-professionnalité. Reste à savoir si les étudiants accepteront les <a href="https://www.cairn.info/revue-anthropologie-des-connaissances-2019-1-page-225.htm">réorientations proposées</a> et la logique qui les sous-tend.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116856/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alessia Lefébure ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Annoncées comme « révolutionnaires » en termes d’impact sur le système de santé, les nouvelles modalités d’accès aux études de médecine s’inscriraient plutôt dans la lignée des dernières évolutions.Alessia Lefébure, Directrice adjointe, directrice des études, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1035752018-10-25T22:10:12Z2018-10-25T22:10:12ZPénurie de généralistes : la faute aux études de santé ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/241449/original/file-20181019-105773-17yrfk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=282%2C47%2C705%2C535&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">etudes medecine shutterstock</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>« Vous avez intérêt à retenir ce point pour vos examens, sinon vous finirez médecin généraliste dans la Creuse ! » Interrogez autour de vous toute personne passée par une fac de médecine : il y a de fortes chances qu’elle ait entendu cette phrase – ou d’autres injonctions du même genre – au fil de son cursus.</p>
<p>Pour expliquer ces clichés, il faut d’abord revenir sur l’histoire des études de santé. Ce sont la réforme de 1958 et les <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000886688">ordonnances Debré</a> qui ont créé les Centres hospitalo-universitaires (CHU) et conduit à l’émergence et l’excellence de la médecine universitaire française, que beaucoup de pays nous envient. Des évolutions positives qui ont néanmoins laissé dans l’ombre la médecine générale : après un tronc commun d’études permettant d’exercer en tant que généraliste, il fallait s’engager dans quelques années supplémentaires de formation pour devenir spécialiste. De là est née la hiérarchie qui perdure encore dans certains esprits : les meilleurs devenaient spécialistes, les autres étaient « seulement » généralistes.</p>
<p>Les études ont évolué et, peu à peu, la médecine générale a été instituée en une vraie spécialité. Pas juste pour faire joli, ou soigner un supposé complexe d’infériorité de ceux qui l’exercent, mais surtout parce qu’être médecin généraliste, c’est remplir des tâches bien particulières que d’autres spécialités ne font pas. Mais, tout au long des études, à coups d'allusions ou de pseudo bons mots, l’image d’un choix par défaut persiste.</p>
<h2>Le réflexe du zèbre</h2>
<p>La formation médicale est ainsi faite que les six premières années sont dévolues à l’apprentissage de pathologies qui peuvent être rarissimes. Il existe un aphorisme que l’on prête à Théodore Woodward à la fin des années 1940. Ce professeur de l’Université du Maryland enseignait à ses internes la chose suivante : « Si vous entendez des bruits de sabots, pensez d’abord à un cheval avant de penser à un zèbre ». Cet aphorisme est désormais la formule résumant le mieux l’enseignement de la médecine générale, notamment en Angleterre.</p>
<p>Cependant, dans leur organisation actuelle, les cursus de L’Hexagone renversent implicitement cette approche. L’examen de fin de sixième année consiste en une série d’épreuves que tous les étudiants en médecine passent au même moment. La note globale obtenue par chaque étudiant lui affecte un rang permettant de <a href="https://www.lequotidiendumedecin.fr/actualites/article/2018/09/29/internat-les-specialites-les-plus-prisees-sont-aussi-les-mieux-remunerees_861290">choisir sa spécialité future</a> et son CHU de rattachement. Ce sont les <a href="https://www.cng.sante.fr/concours-examens/epreuves-classantes-nationales-ecn">épreuves nationales classantes</a> (ECN) dont le gouvernement a annoncé l’<a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2018/07/05/etudes-de-sante-fin-des-epreuves-classantes-nationales-pour-les-futurs-medecins_5326636_4401467.html">abrogation prochaine</a>, lors du congrès de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) le 5 juillet 2018.</p>
<p><strong>Le choix de postes, 2018</strong></p>
<iframe src="https://infogram.com/choix-de-postes-2018-1hnq411wddkk43z" height="770" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen="" width="100%"></iframe>
<p><br></p>
<p><em>Source : Le Quotidien du Médecin.</em></p>
<p>En effet, en France aujourd’hui, nous transmettons la médecine en enseignant, au mieux, tous les zèbres existants, au pire, en disant que tout ce qui n’est pas zèbre n’est pas digne d’intérêt. Ainsi, une douleur thoracique évoque aussitôt un infarctus, tandis qu’un mal de tête peut être le signe d’une grave pathologie cérébrale. Alors que, le plus souvent en médecine générale, il s’agira dans le premier cas d’une douleur musculaire intercostale et, dans le second, d’une pathologie migraineuse.</p>
<h2>Une hiérarchie de prestige</h2>
<p>Le raccourci est donc vite fait : les pathologies bénignes et fréquentes (les chevaux) seraient l’apanage de la médecine générale, alors que les pathologies plus nobles (les zèbres) seraient le lot quotidien des autres spécialités. Pas besoin de beaucoup plus pour instaurer une hiérarchie et un dénigrement de la médecine générale, qui ne serait en somme qu’une spécialité soignant la bobologie, là où les autres spécialités exerceraient la « vraie » médecine.</p>
<p>C’est occulter complètement l’enjeu majeur du médecin qui exerce la médecine générale : soigner des « chevaux » en ne ratant pas les « zèbres » qui se cacheraient dans le troupeau. En 1957, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1070165/">Kerr White</a> s’est intéressé au recours des patients pour un motif de santé donné. Il a conclu que pour 1 000 patients exposés à un problème de santé, un seul finirait par être adressé dans un CHU.</p>
<p>Une étude similaire a été de nouveau menée en 1996 par <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJM200106283442611">Larry A. Green</a>, et aboutissait à des résultats équivalents : la prévalence des pathologies en médecine générale (ou plus largement en « soins premiers », vocable désormais retenu pour le premier maillon de la chaîne de soins), est différente de la prévalence des pathologies retrouvées dans les centres hospitaliers périphériques ou les CHU.</p>
<p>Dans la mesure où l’enseignement de la médecine se fait quasi exclusivement par des professeurs des universités de spécialités exercées dans un CHU, la vision de la médecine transmise passe par le prisme de ce « 1 pour 1 000 patients ». Sans parler de ces nombreux sujets d’examens commençant par des cas de prises en charge à l’hôpital de patients mal diagnostiqués dans un cabinet en ville…</p>
<h2>Le sens du diagnostic</h2>
<p>C’est occulter complètement certaines des <a href="https://www.exercer.fr/numero/125/page/132/pdf/">compétences spécifiques</a> du métier de médecin généraliste comme la prise de décision en situation d’incertitude. Exemple avec une situation banale : un patient venant pour une fièvre, une toux sèche et des courbatures, sortant de consultation avec un diagnostic de syndrome grippal. S’agit-il bien de façon formelle de la grippe ? Aucun moyen de le savoir, sauf à réaliser un prélèvement à la recherche du virus grippal.</p>
<p>Pourtant le traitement sera prescrit à bon escient et permettra au patient de cheminer sur la voie de la guérison. Les spécialités exercées en CHU auront un accès rapide et facile à un plateau technique fourni, permettant la réalisation d’examens complémentaires laissant moins la place à l’incertitude. A contrario, la médecine générale est donc l’une des spécialités les plus sémiologiques, et nécessite donc une aptitude prononcée à la reconnaissance et l’interprétation des symptômes.</p>
<p>Il faut sensibiliser très tôt les étudiants aux caractéristiques de chacune des spécialités. Car toutes ont un objectif commun : soigner. Il s’agit des mêmes patients mais consultant pour des pathologies différentes, ou à des stades d’évolution différents, débutant ou avancé. Il est nécessaire que la recherche et les enseignants-chercheurs en médecine générale se fassent mieux connaître de leurs collègues et valorisent leurs travaux.</p>
<p>Pour permettre aux étudiants de s’identifier à ces professionnels de santé et de leur poser des questions sur leur exercice au quotidien, il serait utile de faire intervenir des enseignants de médecine générale dès le début du cursus. Mais aussi pour ne pas hésiter à leur dire qu’il existe des généralistes heureux dans la Creuse…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103575/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Matthieu Calafiore est membre du Collège National des Généralistes Enseignants (CNGE)</span></em></p>La médecine générale fait partie des spécialités les moins demandées par les étudiants en fac de santé. Une situation qui peut s’expliquer par la structure du cursus et des clichés persistants.Matthieu Calafiore, Maître de conférences, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1051492018-10-21T19:33:31Z2018-10-21T19:33:31ZUne nouvelle ère pour la formation des profs ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/241096/original/file-20181017-41150-uw63bb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=25%2C7%2C958%2C658&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour faire leurs premiers pas sur le terrain, les futurs enseignants doivent pouvoir s'appuyer sur des tuteurs expérimentés.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Dans son <a href="https://www.lepoint.fr/education/ce-que-prevoit-la-loi-pour-une-ecole-de-la-confiance-15-10-2018-2263096_3584.php">« projet de loi pour une école de la confiance »</a>, le ministère de l’Éducation nationale vient de préciser sa réforme de la formation des enseignants, qui devrait être mise en œuvre dès la rentrée 2019. La nécessité d’une réforme ne fait aucun doute tant les futurs profs sont aujourd’hui <a href="https://theconversation.com/des-enseignants-toujours-aussi-mal-formes-que-faire-face-a-ce-scandale-tranquille-73721">mal préparés aux missions qui les attendent</a>. Ainsi, les deux tiers des lauréats du concours de recrutement se retrouvent d’emblée en alternance dans des classes, sans être suffisamment épaulés face aux difficultés du terrain, comme nous le rappelions dans un <a href="https://theconversation.com/un-scandale-tranquille-des-enseignants-toujours-aussi-mal-formes-73216">diagnostic de la situation</a> publié l’an dernier.</p>
<p>Mais les propositions du ministère sont-elles à la hauteur du défi ? Car, faut-il le rappeler, le recrutement et la formation des enseignants sont des enjeux politiques majeurs face aux mutations majeures que vit l’école aujourd’hui. La question scolaire est la question sociale du XXI<sup>e</sup> siècle.</p>
<h2>Professionnaliser les cursus</h2>
<p>Le projet prévoit de pré-recruter les professeurs dès la L3 (troisième année d’université). Après les Écoles normales et les Instituts de formation des maîtres (IUFM), remplacés en 2013 par les <a href="http://www.education.gouv.fr/cid72796/espe-les-ecoles-superieures-du-professorat-et-de-l-education.html">ESPE</a> (écoles supérieures du professorat et de l’éducation), voici venus les « Instituts nationaux supérieurs du professorat ». Les directeurs de ces nouveaux instituts, au nombre de 13 contre <a href="http://www.reseau-espe.fr/">32 ESPE</a> aujourd’hui, seraient sélectionnés par des comités pilotés par les recteurs.</p>
<p>Le projet prévoit aussi de renforcer dès la rentrée 2019 dès la rentrée 2019 le cadrage par l’employeur (l’Éducation nationale) des contenus et volumes des masters « Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation » (MEEF) – portés par les universités et dédiés aux futurs profs. La formation des stagiaires serait réservée à des formateurs eux-mêmes en responsabilité de classe.</p>
<p>Récemment, la Cour des comptes avait d’ailleurs appelé à <a href="https://www.vousnousils.fr/2018/06/14/formation-des-profs-la-cour-des-comptes-conseille-de-revoir-le-fonctionnement-des-espe-614955">renforcer la professionnalisation de ces cursus</a> encore trop centrés sur des compétences disciplinaires. Et avec raison, car les connaissances en français, maths, histoire ou encore géographie ne sont que des pré-requis, certes indispensables, mais non suffisants pour répondre aux nouveaux enjeux, supposant des compétences et savoirs en pédagogie, sciences de l’education, sociologie…</p>
<h2>Corriger les inégalités</h2>
<p>Les réformes successives précédentes ont surtout abouti à la remise en cause du travail des personnels sans vraiment s’attaquer aux racines des difficultés. Comme l’ont mis en évidence les <a href="http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2017/12/06122017Article636481656404997556.aspx">enquêtes Pisa</a>, la France est l’un des pays les moins bien classés en matière d’inégalités sociales. Cela sera-t-il corrigé par ces nouveaux Instituts ?</p>
<p>Si l’école ne parvient pas à lutter contre les inégalités à l’école maternelle et l’école primaire, puis dans le secondaire, c’est avant tout à cause de l’inégalité territoriale. Celle-ci a d’ailleurs été mise en évidence par la tentative de <a href="https://www.la-croix.com/Famille/Education/Philippe-Meirieu-La-reforme-des-rythmes-scolaires-risque-d-introduire-des-inegalites-2013-09-02-1005390">réforme des rythmes scolaires</a>, puisque selon la richesse de la commune les activités périscolaires proposées étaient forts différentes. Avaient plus ceux qui ont déjà plus chez eux ! A l’image de la ségrégation sociale des établissements…</p>
<p>Pour s’engager réellement face à ce problème, l’État devrait reprendre à son compte la pleine et entière responsabilité des écoles maternelles et primaires. Les laisser à la charge des collectivités territoriales, c’est acter qu’il ne sera jamais possible de réguler les inégalités de moyens. La formation des enseignants ne peut changer la donne de ce point de vue.</p>
<h2>Revoir les affectations</h2>
<p>De la même façon, dans le premier degré, les <a href="https://www.lemonde.fr/etudes-superieures/article/2015/09/21/concours-des-professeurs-des-ecoles-le-grand-ecart-de-la-selection_4765929_4468191.html">inégalités de recrutement entre les différentes académies</a> ne se légitiment que par l’histoire. Comme pour les enseignants du secondaire, le concours doit être national et faire en sorte que les affectations soient tirées au sort. C’est la seule solution pour que les meilleurs puissent être affectés sur tout le territoire.</p>
<p>On sait aujourd’hui que les élèves scolarisés en éducation prioritaire ne bénéficient pas d’une qualité d’enseignement identique à celle dont bénéficient les autres. Le temps dédié aux apprentissages scolaires y est notablement raccourci et le recours à des enseignants contractuels et débutants s’est accru sur la dernière décennie. Le système de « points » liés à l’ancienneté pour les affectations transfère mécaniquement les professeurs les plus chevronnés dans les établissements à composition sociale favorisée.</p>
<p>Les primes ne suffisent pas à modifier la ségrégation des professeurs dans les établissements à l’image de la ségrégation sociale des Écoles, collèges et lycées. Seul le tirage au sort pourrait donner plus à ceux qui ont moins. En outre, des modules de préparation aux métiers de l’enseignement depuis le premier semestre universitaire de L1 pourraient drainer de nombreuses compétences vers les concours de recrutement.</p>
<h2>Mieux encadrer les stagiaires</h2>
<p>Pour que la réforme en cours soit de grande ampleur, encore faudra-t-il que les questions sensibles qui engagent notre vivre-ensemble y soient abordées de front. En ce qui concerne la formation des enseignants, la nouvelle mouture devra garantir une véritable alternance :</p>
<ul>
<li><p>avec de vrais tuteurs de proximité formés, reconnus et rémunérés pour leurs tâches d’accompagnement.</p></li>
<li><p>avec un investissement de l’employeur qui ne considère pas les stagiaires comme une main-d’œuvre bon marché, mais comme un potentiel d’avenir qu’il faut absolument préserver.</p></li>
<li><p>avec une formation des stagiaires basée sur de réelles pratiques pédagogiques innovantes et non sur les cours magistraux d’une forme scolaire dépassée.</p></li>
<li><p>avec un éclairage sur les résultats des recherches universitaires pour assurer aux futurs enseignants une solide maîtrise du fonctionnement du cerveau, de l’importance des déterminations sociales, grâce à des savoirs pédagogiques, historiques, psychologiques et sociologiques, intégrés dans les concours autant que dans la formation.</p></li>
</ul>
<p>Dans le même temps, il est nécessaire d’avoir une attention fine au contexte d’ensemble. Les personnels du premier et second degré affectés dans les anciennes ESPE doivent avoir une vision claire de leur futur. Si la formation est davantage pilotée par l’employeur Education Nationale, cela ne saurait se faire au prix de l’abandon des compétences de ces personnels.</p>
<p>Les enseignants-chercheurs affectés précédemment dans les ESPE doivent pouvoir trouver une place qui leur permet d’articuler compétences de recherche sur les apprentissages et l’École et implication dans la formation de base trop souvent anecdotique en ce qui concerne les disciplines fondamentales. Le pilotage des formations doit clairement s’appuyer sur les compétences attendues des enseignants. La formation des enseignants doit se concevoir dans un continuum, en faisant une vraie place à la formation continue, y compris dans le déroulement de carrière.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/105149/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le ministère vient de préciser les contours de sa réforme pour la formation des enseignants. Mais celle-ci s’attaquera-t-elle vraiment au problème majeur des inégalités territoriales ?Beatrice Mabilon-Bonfils, -Sociologue, Directrice du laboratoire BONHEURS - Université de Cergy-Pontoise, CY Cergy Paris UniversitéAlain Jaillet, Professeur des Universités, membre du Laboratoire BONHEURS (Bien-être, Organisations, Numérique,Habitabilité, Education, Universalité, Relation, Savoirs), CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1031712018-09-17T23:08:22Z2018-09-17T23:08:22ZL’accès aux sommets de l’enseignement supérieur : rareté, clubs et classements<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/236520/original/file-20180916-177962-cz3fxw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C187%2C1995%2C1152&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Diplômés à la Harvard University.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/noeluap/2681822046/">Pauleon Tan/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Les étudiants choisissent leurs universités et les universités choisissent leurs étudiants. Les classements et palmarès aident les premiers à formuler leurs préférences tandis que concours, dossiers de candidature ou tests d’aptitude président au choix des secondes.</p>
<p>Pour les meilleurs des deux comment se fait l’appariement et quel est son résultat ?</p>
<p>L’analyse économique de la formation élitaire est pour moi un exercice délicat. Le lecteur pourra légitimement se demander si l’auteur, professeur d’une grande école parisienne prestigieuse, ne porte pas un regard biaisé et partial, en particulier s’il parle de l’Université française. Que son établissement, l’École des Mines ParisTech, ait récemment rejoint une université nouvelle, celle de <a href="https://www.psl.eu/">Paris-Sciences-Lettres</a>, n’arrangera rien. Bien logiquement, sa visée d’occuper les premiers rangs n’est pas perçue avec bienveillance par ses consœurs.</p>
<h2>L’enseignement supérieur : un marché ?</h2>
<p>De plus, l’enseignement supérieur est une activité économique très éloignée de la place de marché et du monde de l’entreprise. Le prix ne règle en rien les admissions. Contrairement <a href="https://theconversation.com/leconomie-fantome-de-lopera-73819">aux maisons d’opéra</a>, il n’est pas le moyen utilisé pour attribuer les meilleures places. Ce serait les plus offrants et non les plus méritants et motivés qui rejoindraient alors les meilleurs rangs universitaires ! Même aux États-Unis où des entrées en premier cycle de grands établissements peuvent « s’acheter » via <a href="https://bit.ly/2pcZAcy">des dons de parents riches ou célèbres</a> (les deux c’est mieux), la chose n’est pas essentielle.</p>
<p>Même si cela leur est parfois reproché, les étudiants ne sont pas non plus des consommateurs. Ils doivent travailler, souvent d’arrache-pied, réussir examens et projets. Les universités ne sont pas non plus des entreprises. Il en existe bien de privées, à l’exemple des universités de Stanford aux États-Unis ou de Waseda au Japon, mais elles n’ont pas de but lucratif. De plus, les universités d’élite ne peuvent pas se développer en produisant toujours plus pour satisfaire la demande et grandir en taille à l’instar de n’importe quel constructeur automobile, fabricant d’ordinateurs ou chaîne de restauration rapide qui connaîtraient le succès.</p>
<p>Les écoles de commerce et d’administration des affaires sont celles qui se rapprochent le plus des modèles économiques du marché et de l’entreprise. Elles en restent encore cependant bien éloignées : il faut payer cher pour suivre leurs enseignements mais il ne suffit pas de payer pour y entrer ; les plus coûteuses ne sont pas forcément les plus cotées ; leurs administrateurs, souvent des anciens élèves, veillent à l’équilibre des comptes non au maintien d’une marge positive et ils sont attentifs à ce que la croissance n’entame pas le caractère très sélectif et prestigieux de leur établissement.</p>
<p>Mais n’oubliez pas que l’économie est une discipline qui s’intéresse à l’allocation des ressources rares et qui cherche à quantifier des effets et leurs déterminants, ce qui donne tout de même quelques clefs pour observer de près les sommets de l’enseignement supérieur.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/236521/original/file-20180916-177968-1u4dg7j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/236521/original/file-20180916-177968-1u4dg7j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/236521/original/file-20180916-177968-1u4dg7j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/236521/original/file-20180916-177968-1u4dg7j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/236521/original/file-20180916-177968-1u4dg7j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/236521/original/file-20180916-177968-1u4dg7j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/236521/original/file-20180916-177968-1u4dg7j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/236521/original/file-20180916-177968-1u4dg7j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Vie étudiante.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/sleatusf/13953873547/in/album-72157644169066227/">USF SLE/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les meilleures formations, des biens et services rares ?</h2>
<p>Les biens et services rares ne sont pas uniquement alloués à travers le mécanisme des prix. Pensez à l’échange d’organes entre donneurs et receveurs, par exemple. Ils ne sont pas attribués à ceux qui sont prêts et capables de proposer le plus d’argent. Les consentements à payer et recevoir ne jouent aucun rôle dans la répartition. En revanche, ils peuvent être attribués en recourant à un système de règles qui tient compte des préférences et des caractéristiques des offreurs et demandeurs et qui impose des <a href="https://web.stanford.edu/%7Ealroth/papers/kidney.qje.pdf">contraintes et des critères de choix</a>.</p>
<p>Ces systèmes d’appariement ont justement fait l’objet de nombreux travaux théoriques et pratiques de la part des économistes, notamment des meilleurs d’entre eux tant le problème est ardu (voir appendice). Il ne s’agit pas moins de concilier des principes d’efficacité et d’équité.</p>
<p>Plus près de vous que l’échange de rein ou de foie, je l’espère, vous pouvez aussi penser à <a href="https://bit.ly/2OpcNdi">Parcoursup</a>. Vous-même ou votre fille ou votre fils y étiez peut-être inscrits cette année. Souhaitons alors que les affres de l’attente des résultats n’aient pas été trop aiguës et que le candidat ait été admis dans son établissement préféré, ou pas loin.</p>
<h2>Des « biens de club » ou des « biens de position »</h2>
<p>Plus précisément, la formation supérieure élitaire s’apparente aux concepts économiques de bien de club et de bien de position.</p>
<p><strong>Au bien de club</strong> car, à l’image <a href="https://theconversation.com/les-abonnes-absents-des-salles-de-sport-61192">des salles de sport</a>, la satisfaction retirée des membres dépend de leur nombre, nombre qui ne doit être ni trop petit ni trop grand.</p>
<p>S’il est trop petit, les effets positifs de réseau sont insuffisants : manque de pairs à qui se confronter et auprès de qui apprendre ; association d’anciens clairsemée qui ne facilite ni le placement à la sortie ni l’entretien de la renommée.</p>
<p>S’il est trop grand, le prestige associé à l’appartenance au club devient moindre car partagé entre un plus grand nombre et dégradé par un taux de sélection à l’entrée moins drastique. Ce taux sera inévitablement interprété comme une baisse de qualité, ce qui entraînera une diminution de la demande auprès de ceux, sûrs de leur capacité, de leur mérite ou encore de leur statut, qui auraient autrement candidatés et dont le choix se portera désormais ailleurs.</p>
<p><strong>La notion de bien de position</strong>, ou bien positionnel (<em>positionnal goods</em>) complète cette idée. La formule est laide mais elle est parlante : la valeur d’un tel bien dépend en effet de son rang dans un classement ou une échelle reconnus par les personnes auxquelles l’on prête attention, voire par l’ensemble de la société.</p>
<p>En d’autres termes, la satisfaction n’est pas retirée du bien lui-même mais de sa position relative. Si la formation de haut niveau était un pur bien de position, cela voudrait dire, par exemple, que les élèves de l’École polytechnique ne retireraient leur satisfaction d’en être diplômés pour aucune part de l’enseignement reçu mais seulement de sa place au-dessus des écoles des mines, des ponts, des télécoms et d’autres encore moins cotées.</p>
<h2>La concurrence entre les offres</h2>
<p>Les positions étant chacune uniques, la concurrence pour l’accès à ces biens se caractérise par un jeu à somme nulle comme dans les compétitions sportives : si l’un gagne, l’autre perd ; si je suis admis à l’Université Paris Dauphine, une autre ou un autre ne l’est pas ; si le MIT est le cinquième du <a href="https://bit.ly/2BxdCPt">classement de Shanghai</a>, la place est prise et Princeton sixième ne l’a pas.</p>
<p><a href="https://academic.oup.com/ser/article/16/3/657/5067568">La concurrence entre les fournisseurs</a> de ces biens prend dès lors souvent la forme d’une course à des investissements de prestige coûteux. Au cours de ma carrière, j’ai pu assister à une impressionnante escalade dans le luxe des cafétérias des <em>law schools</em> américaines. Si vous avez l’occasion de visiter Cambridge (Massachusetts) faites un tour à celle de Harvard. On se croirait dans le salon d’un grand hôtel. Vous ne pourrez pas cependant visiter la cafétéria de la <em>school of law</em> de Princeton.</p>
<p>Dans une enquête, les étudiants américains classent cette faculté de droit <a href="https://www.jstor.org/stable/29735003?seq=1#metadata_info_tab_contents">parmi les dix meilleures des États-Unis</a>. Sa cafétéria doit donc être chouette. Le problème c’est qu’il n’y a pas de <em>school of law</em> à Princeton !</p>
<p>Ces dépenses de prestige contribuent à signaler la qualité des établissements. Mais elles ne sont pas les seules, ni même les principales. Le recrutement de chercheurs de haut niveau est par exemple devenu clef à cause de l’importance des publications dans les classements nationaux et mondiaux des universités. Idem pour les efforts d’internationalisation des cursus. Bref, des dépenses multiples car ce qui fait la qualité d’une université ou d’une école d’élite repose sur de multiples critères.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/236518/original/file-20180916-177938-1q8mfd9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/236518/original/file-20180916-177938-1q8mfd9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/236518/original/file-20180916-177938-1q8mfd9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/236518/original/file-20180916-177938-1q8mfd9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/236518/original/file-20180916-177938-1q8mfd9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/236518/original/file-20180916-177938-1q8mfd9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/236518/original/file-20180916-177938-1q8mfd9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/236518/original/file-20180916-177938-1q8mfd9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Combien vaut un étudiant ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/5346593937/6a9c5a8472/">eltpics/VisualHunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La valeur des étudiants… et leur prix</h2>
<p>Un des plus intéressants à discuter est la qualité des étudiants eux-mêmes. Elle est l’input principal du processus de production, dirait l’ingénieur qui observerait aussi que c’est en se frottant à leurs pairs qu’elle s’améliore. Elle détermine la qualité du service produit tout en étant apporté par les clients eux-mêmes, ajouterait l’économiste. Et</p>
<p><a href="https://www.jstor.org/stable/2138699?seq=1#page_scan_tab_contents">certains d’entre eux</a> d’en déduire qu’il convient de rétribuer les meilleurs étudiants pour faire la course en tête.</p>
<p>Cette caractéristique très particulière de la technologie de la formation supérieure permet d’expliquer qu’il arrive que les grandes universités coûtent moins cher à leurs élèves que les autres. Citons le cas des universités américaines dans les années 1990. Les frais de scolarité étaient en moyenne par étudiant de 3 800 dollars pour un coût total de 12 000 dollars, la différence étant comblée par des subventions (donations, aides publiques, etc.). Ces frais et ce coût étaient respectivement de 5 700 et 28 500 dollars pour les universités les plus riches et cotées et de 6 100 et 7 900 dollars pour les <a href="http://unionstats.gsu.edu/4960/Winston_1999.pdf">universités en bas de tableau</a>.</p>
<p>Observons également qu’en France, certains des établissements parmi les plus prestigieux tels l’X et les Écoles normales payent leurs étudiants en leur octroyant une solde ou un salaire. Vous pourriez objecter que ces émoluments sont la contrepartie d’un engagement de l’étudiant une fois diplômé de servir l’État. Mais jusque vers les années 2000 ils ont été rarement remboursés en cas de passage dans le privé. Passage d’ailleurs souvent mal vu, d’où le terme péjoratif de pantoufle pour désigner cette somme à rembourser par opposition à la botte des premiers classés. De façon générale, le coût de la formation par étudiant, c’est-à-dire les dépenses totales de l’établissement divisées par la taille de ses promotions est un signal de qualité.</p>
<h2>Salaire futur et « biais de capacité »</h2>
<p>Le salaire moyen à la sortie naturellement aussi. Sans surprise, il augmente avec le caractère sélectif de la formation. Ce phénomène a bien été démontré pour le premier cycle aux États-Unis : plus le collège est sélectif, que ceci soit mesuré par le score moyen obtenu au test <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/SAT">d’admission standard</a> ou par un ensemble <a href="https://www.thebestcolleges.org/rankings/top-50/">d’autres critères</a>, plus les étudiants qui en sont issus percevront un salaire élevé au cours de leur carrière. Ce résultat intuitif tient compte du poids que jouent également d’autres variables observables et renseignées sur les salaires comme le genre, l’origine ethnique ou encore le niveau d’étude des parents.</p>
<p>Mais n’est-il pas biaisé par des variables cachées ? Si cela se trouve l’écart de salaires ne reflète pas tant les différences des collèges que le talent et l’ambition des étudiants qui y entrent. Et bien, c’est grosso modo le cas, le recrutement prévaut sur les années de formation.</p>
<p>Un mathématicien, Stacy Berg Dale, et un économiste, Alan B. Krueger, ont les premiers mis en évidence ce biais de capacité. Ils ont recouru à une <a href="http://www.nber.org/papers/w17159">bien jolie astuce</a> : les candidats postulent en général à plusieurs collèges et certains ne choisissent pas toujours l’établissement le mieux classé (c.-à-d., le plus sélectif) prêt à les accueillir. Or, toutes choses égales par ailleurs, ces originaux seront une vingtaine d’années plus tard autant payés que leurs camarades conformistes qui ont eux choisi le collège qu’ils n’ont pas retenu (ils, c’est-à-dire les originaux).</p>
<p>Dit de façon journalistique et moins alambiquée,<strong>si l’étudiant est bon il réussira (financièrement s’entend) même s’il ne sort pas du meilleur collège.</strong> Et d’ajouter que Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook, a quitté Harvard en deuxième année ; Bill Gates de Microsoft aussi. Dans un autre registre, l’acteur Matt Damon n’y est resté que six mois.</p>
<p>En creux, l’étude de Dale et Krueger montre donc que les différences dans la qualité de l’enseignement entre établissements n’influent pas à long terme sur les niveaux de salaire et les carrières. Mais que les dirigeants d’universités et d’écoles d’élite et leur corps d’enseignants-chercheurs se rassurent. Les mêmes auteurs montrent également que le choix du collège importe pour les étudiants afro-américains et pour ceux dont les parents n’ont pas fait d’étude. Ces étudiants gagneront plus s’ils choisissent le plus sélectif de ceux auxquels ils sont admissibles et non un qui l’est moins. Par ailleurs, d’autres travaux fondés sur des données et des méthodes différentes présentent des résultats sur le biais de capacité moins tranchés. Caroline M. Hoxby, économiste renommée de l’éducation, avance que le collège pèse pour un quart dans la différence de salaire, les trois quarts s’expliquant <a href="https://www.brookings.edu/articles/who-needs-harvard/">par l’aptitude des élèves</a>.</p>
<p>Enfin, il s’agit de résultats qui portent sur le premier cycle. La formation en master et doctorat étant moins standardisée, se déroulant en plus petite classe et étant dispensée par des enseignants praticiens ou chercheurs plus chevronnés, le poids joué par l’établissement est sans doute plus important. En tout cas, c’est rassurant de le croire quand on enseigne à des étudiants gradués comme c’est mon cas…</p>
<p><em>François Lévêque vient de publier <a href="https://bit.ly/2fpHgf1">« Les habits neufs de la concurrence : ces entreprises qui innovent et raflent tout »</a> aux éditions Odile Jacob.</em></p>
<hr>
<h2>Appendice : Le mariage et Parcoursup</h2>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/236519/original/file-20180916-177962-12fn8i9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/236519/original/file-20180916-177962-12fn8i9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/236519/original/file-20180916-177962-12fn8i9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/236519/original/file-20180916-177962-12fn8i9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/236519/original/file-20180916-177962-12fn8i9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/236519/original/file-20180916-177962-12fn8i9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/236519/original/file-20180916-177962-12fn8i9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/236519/original/file-20180916-177962-12fn8i9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une affaire de sélection ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/92307413/454537575a/">Canadian Veggie/VisualHunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Recherche de l’âme sœur, entrée dans un établissement d’éducation supérieure, ou même don de reins peu importent les différences. Dans les trois cas, il s’agit d’un problème économique d’affectation qui n’est pas dénoué par l’argent. Puisque le prix ne règle pas la question, comment allouer ces ressources indivisibles et hétérogènes entre les individus ?</p>
<p>Vous n’allez pas me croire mais la première réponse à la fois pour la formation des couples et l’admission à l’université a été apportée <a href="http://www.dtic.mil/dtic/tr/fulltext/u2/251958.pdf">dans un rapport</a> pour le service de logistique du bureau de recherche navale américain publié ultérieurement dans une revue de mathématique. Son titre : « College admissions and the stability of marriage ». Il est signé par un mathématicien, David Gale, et un économiste, Lloyd Shapley.</p>
<p>Leur réponse porte le nom barbare d’algorithme avec acceptation différée. Son principe est le suivant. Soient n hommes et n femmes, chaque individu ayant classé tous les autres membres du sexe opposé selon un ordre de préférence, quel est le mécanisme qui permet de marier les uns aux autres de sorte que l’affectation soit stable ? Stable, c’est-à-dire qu’il n’existe pas un homme et une femme qui auraient préféré tous deux se mettre en couple l’un avec l’autre plutôt que de rester <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Stable_marriage_problem">chacun avec son conjoint respectif</a>.</p>
<p>En d’autres termes, si Monsieur Martin préfère Madame Petit à Madame Martin et si Madame Petit préfère Monsieur Martin à Monsieur Petit l’allocation est instable. Pour ce faire, l’algorithme prévoit une succession de rounds. Au premier chaque homme fait sa demande à la femme qu’il préfère et chaque femme répond « peut-être » au prétendant qu’elle préfère et répond « non » aux autres. Dans le premier cas, elle est alors engagée provisoirement à son prétendant ; de même pour celui-ci. Aux tours suivants, chaque homme non engagé fait sa demande à la femme qu’il préfère et auprès de laquelle il ne s’est pas déjà déclaré et chaque femme répond « non » si le prétendant n’est pas son préféré et « peut-être » dans le cas contraire. Comme il y a déjà eu des rounds, des femmes sont déjà engagées mais si elles préfèrent le nouveau prétendant à l’ancien elles laissent alors tomber l’ancien. Le prétendant largué rejoint en conséquence le groupe des non-engagés. La partie se termine quand plus aucune proposition n’est faite. Tout le monde est engagé et cette affectation est stable.</p>
<p>Il existe même une affectation optimale stable, c.-à-d. celle quand chaque homme aime au moins autant son conjoint que dans toutes les autres allocations stables possibles. Aïe aïe aïe, l’économie aggrave son cas, non seulement seuls les mariages hétérosexuels sont considérés mais ce sont les hommes qui proposent et les femmes qui disposent. Signalons des circonstances atténuantes. L’article de Gale et Shapley reflète les conventions de son époque, le début des années 1960. D’autre part, les deux auteurs ont étudiés aussi le cas où la femme propose et l’homme dispose. Ils montrent qu’il existe également une affectation optimale, c.-à-d. celle quand chaque femme aime au moins autant son conjoint que dans toutes les autres allocations stables. Et ils montrent alors que l’allocation optimale homme et l’allocation optimale femme ne sont pas les mêmes. Bref, encore une preuve des méfaits de la suprématie masculine.</p>
<p>Remplacez mari et femme par étudiant et établissements de premier cycle universitaire et vous pouvez utiliser le même algorithme pour procéder aux affectations. Le même <a href="https://web.stanford.edu/%7Ealroth/papers/roth.jet.1985.pdf">pas tout à fait équivalent</a> car les établissements admettent plusieurs étudiants ce qui complique un peu les choses. Mais les propriétés sont les mêmes, en particulier l’affectation optimale est différente selon que l’étudiant est le prétendant et le collège le choisisseur, ou l’inverse.</p>
<p>L’article de Gale et Shapley est purement théorique mais il a donné lieu par la suite à de multiples applications notamment dans l’enseignement. Par exemple pour l’entrée dans les lycées de New York et Boston, ou plus près de nous pour l’entrée post baccalauréat. APB, le prédécesseur de Parcoursup, utilisait un algorithme avec acceptation différée.</p>
<p>Parcoursup s’éloigne significativement de ce modèle car les lycéens n’établissent pas une liste hiérarchisée de leurs préférences mais déclarent simplement sans les classer les établissements qui les intéressent. Leurs préférences ne se révèlent partiellement qu’au fur et à mesure des propositions d’acceptation ou de refus qu’ils reçoivent. De leur côté, les établissements décident de leurs propositions à la main et non plus via une machine nourrie par leurs critères de sélection ainsi que par leur nombre de places pour les formations non-sélectives. Bref, c’est forcément plus long.</p>
<p>En outre, et c’est plus gênant, Parcoursup ne respecte pas la propriété de stabilité. Pour reprendre l’exemple déjà cité, Monsieur Martin et Madame Petit peuvent rester bloqués avec leur conjoint. Et les économistes <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/05/23/il-faudra-prendre-avec-beaucoup-de-prudence-les-resultats-affiches-par-parcoursup-a-la-fin-de-l-ete_5303260_3232.html">spécialistes des problèmes d’affectation de regretter</a> que les travaux théorique et pratique de leur discipline depuis près de 60 ans aient été ignorés par le ministère de l’Éducation nationale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103171/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Le laboratoire de François Lévêque reçoit des aides à la recherches de nombreuses entreprises, notamment au cours des 5 années passées d’EDF, Microsoft et Philips. Par ailleurs, François Lévêque est Conseiller de référence chez Deloitte France.</span></em></p>Analyse économique des « marchés » de l’enseignement supérieur, biens de clubs et « biens de position ».François Lévêque, Professeur d'économie, Mines ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/928152018-05-03T21:07:57Z2018-05-03T21:07:57ZDébat : Réforme du bac, compétences, méthode Singapour, formation des enseignants… tout est question d’évaluation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/217266/original/file-20180502-153888-p1cxjf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C125%2C2041%2C1229&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour une évaluation plus humaine et plus systémique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/8748144960/fa6c6ac136/">Anthony P Buce/VisualHunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>L’évolution du système éducatif français est indéniable et rapide. Les usages du numérique, les méthodes d’enseignement, l’introduction des compétences sont régulièrement mis sur le devant de la scène éducative. La pléthore de réformes apparaît parfois contradictoire, non cohérente et produit une fracture avec l’approche disciplinaire historique auxquels les enseignants sont habitués.</p>
<p>Quelques résistances aux changements sont assez significatives :</p>
<ul>
<li><p>résistance aux EPI (<a href="https://bit.ly/2j1GDKF">enseignement pratique interdisciplinaire</a>) pourtant efficaces pour donner du sens aux apprentissages et induire une approche problème. Le résultat en est <a href="https://bit.ly/2FBcnLz">leur quasi-suppression</a> ;</p></li>
<li><p>résistance aux CAPES-AGREG bi-disciplinaires comme <a href="https://bit.ly/2HIrYzb">Maths-Physique</a>, alors que la France est une exception internationale qui a normalisé les concours physique-chimie et histoire-géographie ;</p></li>
<li><p>résistance à l’approche par les <a href="https://bit.ly/2HNAicX">compétences</a>, pas seulement d’un point de vue idéologique, mais basé aussi sur des lieux communs : la compétence serait un concept mou, difficilement évaluable « sérieusement », c’est-à-dire en temps limité par un examen sur table, comme les connaissances disciplinaires ;</p></li>
<li><p>résistance à envisager des alternatives à la note, <a href="https://www.sudouest.fr/2012/06/10/les-notes-des-eleves-remises-en-cause-738771-4585.php">à la moyenne</a>.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/216713/original/file-20180428-135840-ww91p1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/216713/original/file-20180428-135840-ww91p1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=470&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/216713/original/file-20180428-135840-ww91p1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=470&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/216713/original/file-20180428-135840-ww91p1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=470&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/216713/original/file-20180428-135840-ww91p1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=591&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/216713/original/file-20180428-135840-ww91p1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=591&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/216713/original/file-20180428-135840-ww91p1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=591&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">sortir de la moyenne.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Sacro-sainte approche disciplinaire</h2>
<p>La formation des enseignants du secondaire reste disciplinaire, c’est-à-dire basée sur des corpus de connaissances organisées par matière. Une option au concours du CAPES ou de l’agrégation (<a href="https://bit.ly/2HJEpe3">lettres classiques-lettres modernes</a>), <a href="https://bit.ly/2jpJlWO">physique ou chimie</a>) produit des enseignants qui, souvent, se revendiquent d’une des deux disciplines et se disent incapables d’enseigner une matière voisine.</p>
<p>Très récemment, on a pu constater une focalisation sur l’organisation des enseignements : grand oral et contrôle continu au bac dictée quotidienne, calcul mental, utilisation de la <a href="http://www.lalibrairiedesecoles.com/methode-singapour/">méthode Singapour</a> qui plonge ses racines dans des méthodes utilisées il y a plus d’un demi-siècle : les bûchettes pour les longueurs, surfaces, volumes ; les problèmes de la vie courante et le bachotage.</p>
<p>Heureusement, la très vendeuse « innovation pédagogique » basée principalement sur l’application d’outils numériques connus à des techniques pédagogiques connues, commence à être remise à sa place : le bilan initialement triomphaliste des MOOCs est <a href="https://bit.ly/2FDL83m">remis en cause</a>.</p>
<p>À titre d’exemple, la <a href="http://lebrunremy.be/WordPress/?p=868">classe inversée est resituée</a> : elle a toujours existé par la préparation bibliographique des cours par les étudiants, demandée <a href="http://skhole.fr/la-pedagogie-inversee-une-pedagogie-archaique-par-alain-beitone-et-margaux-osenda">par les enseignants</a>.</p>
<h2>« Classiques » vs « pédagogistes », débats sans fin</h2>
<p>J’invite tous les enseignants à lire l’ouvrage de Durkheim (<a href="http://classiques.uqac.ca/classiques/Durkheim_emile/evolution_ped_france/evolution_ped_france.html"><em>L’évolution pédagogique en France</em></a>, PUF), ils y trouveront une critique et des propositions d’une actualité inquiétante, mais formulées au début du XX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>En effet, le projet initial des ESPE, qui devaient être un lieu d’échange entre formateurs et enseignants de tous horizons est redevenu disciplinaire, même si quelques thématiques sociétales transversales doivent y être abordées selon l’Arrêté du 27 août 2013 fixant le cadre national des formations dispensées au sein des masters « métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation » (JORF n°0200 du 29 août 2013 page 14627 texte n° 48).</p>
<p>Les « classiques » et les « pédagogistes » glosent et s’écharpent sur l’organisation de l’enseignement, le respect des disciplines, les méthodes, en s’appuyant sur des concepts et des analyses souvent purement théoriques, voire des images d’Épinal d’un âge d’or qui n’a jamais existé, où tout le monde savait lire, écrire, compter, raisonner parfaitement pour les uns et où personne ne savait enseigner pour les autres. On s’attache aux connaissances de la matière que l’on oppose aux compétences, notamment transversales, dont on ne veut pas entendre parler.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/216719/original/file-20180428-135830-1q2ij9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/216719/original/file-20180428-135830-1q2ij9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/216719/original/file-20180428-135830-1q2ij9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/216719/original/file-20180428-135830-1q2ij9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/216719/original/file-20180428-135830-1q2ij9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/216719/original/file-20180428-135830-1q2ij9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/216719/original/file-20180428-135830-1q2ij9h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">corrections.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Entrer dans la culture de l’évaluation</h2>
<p>Cependant, le concept de compétence apporte des éléments de réflexion sur le lien étroit entre évaluation et apprentissage. Évaluer une compétence c’est mesurer la possibilité qu’a l’élève ou l’étudiant de mobiliser ses connaissances et savoir-faire pour résoudre un problème concret, souvent mal posé, et à distance du moment d’apprentissage.</p>
<p>L’évaluation est rarement évoquée dans les réformes, bien qu’elle soit fondamentale, puisqu’elle conditionne l’apprentissage, la motivation et l’orientation des élèves et des étudiants. Elle n’est pas mentionnée dans l’<a href="https://bit.ly/2joiNoY">Arrêté du 27 août 2013</a>. Sur le terrain, on y consacre quelques heures au maximum dans les formations dispensées dans les ESPE.</p>
<p>L’évaluation serait-elle naturelle, évidente voire marginale ? La remise en cause des notes ne doit-elle rester qu’un <a href="https://bit.ly/2HPfTnS">enjeu politique</a> ? Nous sommes arrivés à un tournant, où l’évaluation, parent pauvre des formations d’enseignants, doit entrer dans la culture, quelle que soit la discipline. L’évaluation des élèves et des étudiants est l’unique moyen de valoriser et de soutenir l’apprentissage, dans une démarche positive (bienveillante ?), à condition de l’extraire d’un rôle purement sommatif.</p>
<p>Une formation efficace et en profondeur des enseignants et formateurs à la <a href="http://www.cnrtl.fr/definition/docimologie">docimologie</a> (sciences des examens, concours et notation) est nécessaire, du primaire au supérieur, surtout si on cherche à en faire un outil indissociable de progrès dans la discipline enseignée. La relativité des notations, l’élaboration de barèmes explicites, les effets de halo et Pygmalion, l’élaboration d’un questionnaire, la théorie du cygne noir, les différents types d’évaluation, la <a href="https://bit.ly/2JOFL3Q">constante macabre</a>… devraient constituer un pilier pour toutes les formations d’enseignants avec de nombreuses mises en pratique, tout au long de leur parcours didactique et pédagogique.</p>
<h2>Des évaluations avec une part d’humanité et de vision systémique</h2>
<p>Il faut changer la dogmatique vision de la moyenne sacralisée, basée sur des évaluations en temps limité sur table, organisées à la fin d’un chapitre. Développons les outils d’apprentissage en profondeur. Intégrer toutes les compétences enrichit à la fois la démarche pédagogique et la prise en compte des élèves et des étudiants dans la complexité de leur humanité. Les points de présentation, d’orthographe, dans toutes les matières doivent s’accompagner d’une remédiation organisée pour être utiles.</p>
<p>Évaluons sérieusement, c’est-à-dire en y introduisant une part d’humanité et de vision systémique. Et puis, servons-nous de cette véritable culture de l’évaluation pour évaluer les projets, les enseignements, les dispositifs pédagogiques en prenant en compte l’adaptation aux publics, les progrès de la connaissance, les évolutions sociétales, économiques et politiques.</p>
<p>Évaluer c’est également un moyen d’amélioration de nos pratiques car des indicateurs de leur efficacité sont riches en information, indisponibles autrement. La culture de l’évaluation disciplinaire et transdisciplinaire pourrait-elle briser les résistances au changement ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/92815/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dominique Barchiesi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Plaidoyer pour une véritable culture de l’évaluation disciplinaire et transdisciplinaire.Dominique Barchiesi, Professeur des Universités en optique et nanotechnologie, métrologie, design, innovation, Université de Technologie de Troyes (UTT)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/939262018-03-25T19:29:31Z2018-03-25T19:29:31ZDevenir professeur des universités en sciences de gestion : retour sur quatre années de qualifications<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/211816/original/file-20180325-54887-1kw35yx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C160%2C2794%2C1719&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Unité de formation et de recherche de droit, d’économie et des sciences sociales (Université de Tours)</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Facult%C3%A9_Tours_2.JPG">Guillaume70/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Depuis 2015, les voies d’accès aux postes de professeur des universités en sciences de gestion ont évolué. Jusqu’à cette date 3 voies d’accès principales étaient proposées : l’agrégation du supérieur (interne ou externe), le recrutement sur des postes 46.3 appelée également « voie longue » (avec des conditions d’âge et d’ancienneté) et le recrutement sur des postes 46.4 appelée aussi « voie professionnelle » (plus rare, avec des conditions d’expérience professionnelle), ces recrutements sont soumis à un avis du conseil national des universités.</p>
<p>Le Conseil national des universités (CNU), est composé de 18 professeurs et 18 maîtres de conférences, il se prononce sur les mesures individuelles relatives à la qualification, au recrutement et à la carrière des professeurs des universités et des maîtres de conférences.</p>
<p>L’agrégation devait représenter jusqu’en 2015 au moins la moitié du nombre total de postes de professeurs, ce qu’on appelle « le contingentement », la répartition des postes ouverts entre les différentes voies de recrutement étaient donc contrainte.</p>
<p>Désormais les sciences de gestion (mais également les sciences économiques et le droit) peuvent recruter leurs professeurs par la voie de la qualification (postes dits 46.1) à l’image des autres sections qui n’ont pas de concours d’agrégation du supérieur et le contingentement a été supprimé jusqu’en 2020 dans notre discipline.</p>
<p>Cette nouvelle voie prend une importance croissante alors que le concours de l’agrégation est toujours présent (cette année dépôt des candidatures possible jusqu’au 30 mars 2018). La concurrence entre les voies d’accès est vive pour les universités et les candidats.</p>
<p>Les universités doivent décider du type de recrutement pour leurs futurs professeurs en sciences de gestion et les présidents d’université sont réticents vis-à-vis d’un concours qui constitue pour eux une entorse à leur autonomie de recrutement. De leur côté, les candidats se posent la question de construire un dossier exigeant qui sera soumis à une qualification par le CNU ou de préparer un concours pendant de longs mois sans savoir à l’avance dans quelle université ce concours pourrait les conduire.</p>
<p>Il n’est pas question ici de rappeler les critères choisis par le CNU pour qualifier les candidats, ces éléments peuvent être consultés dans le dernier rapport de la session que l’on trouve sur le site Internet de la <a href="http://www.cpcnu.fr/web/section-06">section sciences de gestion du CNU</a>. Les titulaires d’une habilitation à diriger des recherches, qualifiés aux fonctions de professeur des universités ont montré qu’ils étaient des chercheurs de très grande qualité, et fortement investis dans la communauté scientifique, capables d’assumer les responsabilités attendues d’un professeur en sciences de gestion.</p>
<p><strong>Quatre années après la mise en place de cette qualification,</strong> quelques chiffres peuvent être cités : <strong>167 personnes ont été qualifiées depuis 2015 **(61 en 2015, 37 en 2016, 44 en 2017, 25 en 2018) **sur 533 candidatures examinées sur ces quatre années</strong> (plus de 200 en 2015 et seulement 95 en 2018, dont certains ont candidaté plusieurs fois), soit 32 % (ce taux est équivalent au taux moyen des sections du CNU ayant un concours de l’agrégation – groupes 1 et 2).</p>
<p>Deux questions peuvent être soulevées : que sont devenus les candidats qualifiés aux fonctions de professeur des universités par le CNU et comment l’offre de postes et la demande de postes se rencontrent elles ?</p>
<h2>Que sont devenus ces candidats qualifiés par le CNU aux fonctions de professeur ?</h2>
<p>Un graphique présente, par année de qualification, la proportion de qualifiés devenus professeurs au fil des années ainsi que le nombre de qualifiés restant encore sans poste de professeur des universités en ce début d’année 2018. Le nombre de candidats recrutés au sein de leur propre université (endo-recrutement) est précisé.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/211847/original/file-20180325-54884-mwojd1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/211847/original/file-20180325-54884-mwojd1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/211847/original/file-20180325-54884-mwojd1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/211847/original/file-20180325-54884-mwojd1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/211847/original/file-20180325-54884-mwojd1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/211847/original/file-20180325-54884-mwojd1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/211847/original/file-20180325-54884-mwojd1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/211847/original/file-20180325-54884-mwojd1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les chiffres sont issus des statistiques publiées par le ministère et par un suivi du parcours professionnel de chacun des 167 qualifiés.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le graphique a été construit à partir d’un suivi individuel des qualifiés depuis 2015. La suite logique d’une qualification 46.1 prononcée par la section sciences de gestion, section 06 du CNU, étant une candidature à un recrutement à un poste de professeur des universités en section 06, certains qualifiés ayant choisi des carrières hors université ou hors section 06 ont été distingués des autres qualifiés pour chacune des années.</p>
<p>On constate ainsi que <strong>plus de 25 % des qualifiés de la première vague de qualification n’a pas de poste de professeur début 2018</strong>. Or si la qualification est valable jusqu’au 31 décembre de la 4<sup>e</sup> année, laissant aux candidats le temps de choisir au mieux le poste de leur choix, les <strong>16 candidats qualifiés depuis 2015 mais toujours maîtres de conférences se doivent d’obtenir un poste cette année ou l’an prochain sous peine de devoir demander un renouvellement de leur qualification.</strong></p>
<p>On remarque également l’importance des <strong>endo-recrutements</strong>. Ces recrutements endogènes bénéficient en premier lieu aux candidats qualifiés l’année précédant le recrutement laissant supposer qu’un certain nombre d’universités sont encouragées à ouvrir au recrutement des postes dès lors qu’elles ont des candidats qu’elles savent qualifiés.</p>
<p>A contrario l’année de la qualification le candidat a plus de chances de bénéficier d’un recrutement exogène. Si cet endo-recrutement était équivalent aux autres sections du CNU les premières années de la période analysée (de l’ordre de 30 %) il a été particulièrement important en 2017, les universités choisissant les excellents candidats dont ils connaissent les qualités et qui ont pour seul défaut d’être locaux…</p>
<p>Le filtre imposé par les critères mis en place par le CNU permet aux équipes en place de se consolider avec des collègues dont les compétences sont reconnues tant au niveau national qu’au niveau local. Cet endo-recrutement est consubstantiel à la qualification 46.1 toutes sections confondues mais peut soulever des difficultés pour des collègues dont les universités présentent peu de perspectives de postes de professeur.</p>
<p>Après les premières années d’ajustement dans cette voie de recrutement, on devrait retrouver des pratiques d’endo-recrutement proches des autres sections pour les 46.1, voie à laquelle nous n’étions pas habitués du fait de la place du concours de l’agrégation jusque-là importante.</p>
<h2>Comment l’offre de postes et la demande de postes se rencontrent elles ?</h2>
<p>Le devenir des 46.1 est à mettre en perspective avec les postes ouverts au recrutement et le nombre de candidats en attente d’un poste de professeur par une analyse de l’offre et de la demande au sein des universités.</p>
<p>2015 n’a vu l’ouverture que de 11 postes spécifiquement 46.1 (pour mémoire, 61 qualifiés en 2015…), mais les candidats pouvaient également présenter l’agrégation ou candidater sur un poste 46.3, ce qui a permis à 14 qualifiés de devenir professeur (dont 2 agrégés).</p>
<p>2016 a été une année importante avec 54 postes proposés (et 37 nouveaux qualifiés), les années suivantes voient l’offre diminuer avec 44 postes en 2017 (année de concours d’agrégation avec 7 places) et seulement 34 en 2018.</p>
<p>On constate que le nombre de qualifiés en attente d’un poste est toujours important et que le nombre de candidats potentiels par poste augmente de 2016 à 2018 (passant de 1,46 à 2,14 candidats par poste).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/211848/original/file-20180325-54875-5zc2xk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/211848/original/file-20180325-54875-5zc2xk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/211848/original/file-20180325-54875-5zc2xk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=309&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/211848/original/file-20180325-54875-5zc2xk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=309&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/211848/original/file-20180325-54875-5zc2xk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=309&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/211848/original/file-20180325-54875-5zc2xk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=388&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/211848/original/file-20180325-54875-5zc2xk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=388&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/211848/original/file-20180325-54875-5zc2xk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=388&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Malgré ces chiffres, les postes de professeur ne sont pas tous pourvus (3 en 2015, 19 en 2016 et 10 en 2017 sont restés vacants) ce nombre est particulièrement important dans notre section sciences de gestion (dans les autres sections de l’ordre de 15 % des postes non pourvus).</p>
<p>Deux raisons peuvent être notamment invoquées pour expliquer qu’il reste des qualifiés sans postes de professeur malgré des postes vacants : des disciplines ou des champs spécifiques qui ont un trop faible nombre de qualifiés au regard des besoins des universités, des candidats qui espèrent un poste dans leur université ou une université donnée ou qui ont défini une zone géographique très précise pour leurs candidatures.</p>
<p>Sur les 142 qualifiés des sessions 2015, 2016 et 2017 qui sont donc susceptibles d’être professeur, 48 sont encore maîtres de conférences en 2018 (soit 33 %), et 25 personnes ont été qualifiées en 2018 augmentant ainsi le nombre de candidats potentiels à 73 personnes en 2018 pour les 34 postes annoncés 46.1 (soit au mieux 46 % des candidats maîtres de conférences susceptibles d’être candidats deviendront cette année professeur).</p>
<p>On peut penser que, si les tendances précédentes persistent, un certain nombre de qualifiés de 2017 seront recrutés cette année, et pour beaucoup dans leur université, mais les qualifiés des années précédentes doivent élargir leur cible de candidatures.</p>
<h2>Quelques conséquences pour les universités et les enseignants-chercheurs</h2>
<p><strong>Quels autres enseignements peut-on retirer de ces quelques données</strong> : d’abord une évidence, que certains ont oublié lors de leur candidature auprès du CNU : <strong>la qualification 46.1 ne garantit pas un poste de professeur</strong> (contrairement à l’agrégation qui est un concours de recrutement), elle n’est donc pas incompatible avec une candidature à l’agrégation.</p>
<p>Second enseignement, contrairement à l’agrégation <strong>le recrutement par la voie du 46.1 n’encourage pas la mobilité</strong>. Cette mobilité, parfois redoutée, est pourtant riche pour les enseignants-chercheurs et pour l’équipe qui accueille un nouveau collègue, car elle permet un renouvellement des pratiques pédagogiques et des échanges nourris en matière de recherche.</p>
<p>Ces chiffres montrent également qu’il est important que l’ensemble des voies de recrutement demeurent, 46.1, 46.3, agrégation, voire 46.4 et qu’elles assurent la diversité des profils des collègues au sein d’une équipe.</p>
<p>Si le 46.1 a pu créer des frustrations et des déceptions chez certains collègues, il apporte également beaucoup d’espoir pour de nombreux collègues et est un stimulant pour la production de recherches de qualité et la prise de responsabilités collectives.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/93926/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Véronique des Garets ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La qualification 46.1 aux fonctions de professeur des universités : retour sur 4 années de pratiques au sein des sciences de gestion.Véronique des Garets, Professeur des universités, Présidente de la section Sciences de Gestion (06) du Conseil national des universités, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/925672018-03-04T21:03:34Z2018-03-04T21:03:34ZLe concours d’agrégation du supérieur de sciences de gestion : conversation avec Nathalie Fabbe-Costes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/208166/original/file-20180227-36674-1ytm8ji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=98%2C7%2C534%2C340&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Nathalie Fabbe Costes Comprendre les épreuves du concours d agrégation en gestion.</span> <span class="attribution"><span class="source">Xerfi Canal</span></span></figcaption></figure><p>Les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Agr%C3%A9gation_de_l%27enseignement_sup%C3%A9rieur_fran%C3%A7ais">concours nationaux d’agrégation de l’enseignement supérieur</a> pour le recrutement de professeurs des universités en droit privé et sciences criminelles, science politique et sciences de gestion 2018-2019 ont été officiellement ouverts par <a href="http://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Personnels_enseignants_chercheurs/16/6/Arrete_du_15_janvier_2018_JO_10_fevrier_2018_ouverture_concours_896166.pdf">arrêté en date du 15 janvier 2018</a> publié au <em>Journal officiel</em>.</p>
<p>Rappelons que dans les disciplines juridiques, ce concours reste la voie « royale » – pour ne pas dire presque exclusive – pour accéder au corps des professeurs des universités. Et qu’à l’inverse, en sciences économiques, le concours d’agrégation a été pour la seconde fois <a href="http://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Personnels_enseignants_chercheurs/60/4/Note_sur_le_site_arret_du_concours_794604.pdf">annulé</a> en 2017, faute d’un nombre suffisant de candidats…</p>
<p>Pas inutile dans ce contexte de rappeler ce qui fait la singularité et la richesse de cette « exception culturelle » que constitue cette voie de recrutement. Éclairage donc avec Nathalie Fabbe-Costes, présidente du concours 2016-2017 en sciences de gestion et dont le <a href="http://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Personnels_enseignants_chercheurs/25/1/Rapport_Mme_Fabbe-Costes_ccs_2016_2017_880251.pdf">rapport officiel</a> retrace l’ensemble du déroulé.</p>
<p>Pour mémoire, il suffit d’être titulaire d’un Doctorat (ou titre jugé équivalent, voir <a href="http://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Personnels_enseignants_chercheurs/16/6/Arrete_du_15_janvier_2018_JO_10_fevrier_2018_ouverture_concours_896166.pdf">art. 2</a>) pour adresser sa <a href="http://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Personnels_enseignants_chercheurs/27/9/ADRESSE_D_ENVOI_DES_DOSSIERS_AUX_RECTORATS_2018-2019_899279.pdf">candidature</a>.</p>
<p><strong>Présentation de Nathalie Fabbe-Costes</strong></p>
<p><em>Ingénieur civil de l’École Nationale des Ponts et Chaussées (1984), Docteur nouveau régime ès Sciences Économiques (1989), habilitée à la Direction des recherches en Sciences de Gestion (1992), agrégée des Universités en Sciences de Gestion (1993), <a href="http://prof.fabbe-costes.pagesperso-orange.fr/page1/page1.html">Nathalie Fabbe-Costes</a> est professeur à l’Université d’Aix Marseille où elle dirige le <a href="https://cret-log.univ-amu.fr">laboratoire CRET-LOG</a> (Centre de REcherche sur le Transport et la LOGistique). Elle a présidé le concours national d’agrégation de l’enseignement supérieur de sciences de gestion 2016-2017</em>.</p>
<p><strong>L’interview de Nathalie Fabbe-Costes</strong></p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/5oKWDSMEcBk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/92567/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Alors que s’ouvre le concours 2018-2019, retour sur le sens et les modalités de recrutement des professeurs des universités par la voie d’un concours national d’agrégation.Jean-Philippe Denis, Professeur de gestion, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/740882017-03-12T20:25:14Z2017-03-12T20:25:14ZRédiger un CV attractif pour les oraux d’admission en école de commerce<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/160196/original/image-20170309-21022-ra3cj7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Curriculum Vitae sur le mur de Berlin…</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/biccc/59031479/in/photolist-6dy18-bWs1vc-47mQ7e-dWZADL-nGbqn1-aeGSsD-9KBih3-6U2HY8-6U2HHR-9EwPuo-5jvyur-9sqtn-9squ4-9squP-xfVBS-4LPdt9-4LK2yD-aTaTTF-4LPSu9-ahkCCL-6U2HRX-cEgXt5-9iRn3L-7x73jp-dUs4RP-8gfkmK-HSw3q5-7d6RRp-w67LrA-GnFjAg-wMZmeT-GtCzWr-R5bPkG-Snh7Cy-SHbyLa-NLADJm-Pu2bzG-NLACtq-Pu2bb5-NLAD7E-NLACYd-NLABtj-NLACPf-Pu2caQ-NLADxj-aq1tUs-NvtKhD-NGpVVz-Pw8QkE-Pxxibq">Fabrizio Morroia/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Chaque année, de plus en plus d’étudiants tentent les concours d’admission en école de commerce, qui se déclinent en deux temps : les écrits, et en cas de succès, les oraux, dont l’épreuve de l’oral de motivation qui s’articule pour partie autour du CV que l’étudiant fournit aux examinateurs. Ce document est donc primordial pour réussir. Mais comment le rédiger lorsque l’on a peu – voire pas – d’expérience professionnelle ? Que mettre d’autre en avant pour convaincre ? Comment en faire un atout ?</p>
<p>C’est pour avoir travaillé successivement dans sept écoles de commerce (des établissements après prépa comme des post-bac) où, tous les ans, j’étais jury lors des oraux de motivation, que je mesure la difficulté à laquelle sont confrontés les étudiants lorsqu’ils doivent rédiger leur CV.</p>
<p>Si jeunes, ils n’ont naturellement pas le parcours professionnel suffisant pour se plier aux exigences de l’exercice et meubler ainsi une page entière. Ce CV est pourtant primordial : c’est sur lui que les examinateurs vont s’appuyer pour orienter leurs questions. Pour les membres du jury, l’enjeu est également de taille car il faut, dans un temps limité, cerner les principaux traits de personnalité du candidat, savoir si la philosophie de l’école lui conviendra (et réciproquement !), évaluer son ouverture sur le monde, sa culture générale, et s’assurer enfin que l’enseignement dispensé correspond bien à ses ambitions.</p>
<p>Tâchons donc d’orienter le CV étudiant dans le sens de ces interrogations.</p>
<p>Au cours de ma carrière, j’ai eu l’occasion de voir des CV d’étudiants particulièrement convaincants : en voici les principales caractéristiques qui permettront, à coup sûr, de passer l’oral de motivation dans de bonnes conditions.</p>
<h2>Commencez par les informations générales</h2>
<p>Comme pour tous les CV, vous devez faire apparaître vos prénom, nom, adresse, e-mail, numéro de téléphone. Photo ou pas photo ? À vous de voir, néanmoins si vous choisissez d’en mettre une, pensez professionnel : pas de photo de vacances (mal) recadrée, pas de photo de vous à 12 ans ou dans un mauvais jour, mais un portrait où vous souriez et où votre présentation est sérieuse.</p>
<h2>Aucun petit job n’est insignifiant</h2>
<p>Étudiants : ne sous-estimez aucune de vos expériences, même celles qui sont – à vos yeux – négligeables. Avez-vous fait du baby-sitting ? Voici ce que vous pourriez mettre en avant : « en charge de la garde d’enfant(s) de XX ans. Mise en place d’activités ludiques, aide aux devoirs, supervision des repas », etc. Du côté des examinateurs, une telle expérience signifie que vous êtes digne de confiance et que vous avez le sens des responsabilités. De la même façon, avoir travaillé dans la restauration rapide, même le temps d’un été, démontre votre résistance au stress et votre capacité à travailler dur, aussi pensez bien à détailler les tâches qui vous incomb(ai)ent.</p>
<h2>Sport ? Art ? Vie associative ? Action citoyenne ?</h2>
<p>Si vous avez une activité extrascolaire, valorisez-la également. Que ce soit dans le sport, dans un domaine artistique ou encore pour une action citoyenne : quel rôle y jouez-vous ? Depuis combien de temps ? Quels ont été les moments forts en termes de victoires, de classements, d’exposition, et de résultats ? Même s’il s’agit d’un événement ponctuel, comme l’organisation d’un fundraising ou d’une action caritative pilotée par votre lycée, présentez cela comme une activité professionnelle (responsabilités/compétences mobilisées).</p>
<p>Pour ceux qui liront votre CV, cela laissera transparaître la richesse de vos connaissances, votre goût de l’engagement, mais aussi ce que vous pouvez concrètement apporter à la vie de votre future école où la vie associative – humanitaire, sociale, sportive ou artistique – y est grandement encouragée.</p>
<h2>Séjours linguistiques ? Culture étrangère ?</h2>
<p>Avez-vous une double culture du fait de parents d’origine étrangère ou pour avoir vécu ailleurs, y compris pour des séjours ? C’est très positif en école de commerce, listez donc les atouts qui en découlent, notamment linguistiques. Pour nous, il s’agit de saisir votre ouverture sur le monde, et ce qui vous rend unique.</p>
<h2>Mettez en avant votre culture personnelle</h2>
<p>Il n’y a pas de sous-culture : Si vous adorez les jeux vidéo et en tirez une certaine expertise, soulignez-le (« connaissance du marché du jeu vidéo/maîtrise de jeux tels que XX ») : il s’agit en effet d’un secteur en pleine ébullition, qui génère un chiffre d’affaires colossal, ce n’est donc pas une industrie que l’on ignore en école de commerce.</p>
<p>En revanche, attention aux mensonges et exagérations : les membres du jury peuvent aisément sonder vos limites avec des questions piège, alors ne mentionnez pas la littérature dans vos centres d’intérêt si vous n’avez pas lu plus de dix livres…</p>
<h2>Génération réseaux sociaux</h2>
<p>Animation d’une chaîne YouTube ? Beaucoup de followers sur Twitter ? Blog ? Site personnel ? Chroniques régulières publiées sur des sites spécialisés ? Une fois de plus, même si le sujet dont vous traitez sur ces canaux de communication vous semble trivial, ce qui compte finalement c’est de montrer votre maîtrise des réseaux sociaux, puisque ces derniers sont de plus en plus pourvoyeurs d’opportunités professionnelles pour nos étudiants.</p>
<h2>Montrez vos compétences avec un CV parfait !</h2>
<p>L’à-peu-près ne convient pas dans l’exercice du CV étudiant. Faites-vous relire, même si vous êtes sûr de vous. Offrez à voir une mise en page épurée au graphisme travaillé qui dévoilera vos capacités informatiques. Enfin, gardez en tête qu’un CV n’est pas une autobiographie mais un document fait pour convaincre, alors mettez toutes les chances de votre côté !</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/160195/original/image-20170309-21050-17qbx1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/160195/original/image-20170309-21050-17qbx1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/160195/original/image-20170309-21050-17qbx1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/160195/original/image-20170309-21050-17qbx1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/160195/original/image-20170309-21050-17qbx1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/160195/original/image-20170309-21050-17qbx1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/160195/original/image-20170309-21050-17qbx1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/160195/original/image-20170309-21050-17qbx1u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/desiitaly/2304874364/in/photolist-4vF5Rb-Dnx7t-7fp3e4-6dy18-bWs1vc-47mQ7e-dWZADL-nGbqn1-aeGSsD-9KBih3-6U2HY8-6U2HHR-9EwPuo-5jvyur-9sqtn-9squ4-9squP-xfVBS-4LPdt9-4LK2yD-aTaTTF-4LPSu9-ahkCCL-6U2HRX-cEgXt5-9iRn3L-7x73jp-dUs4RP-8gfkmK-HSw3q5-7d6RRp-w67LrA-GnFjAg-wMZmeT-GtCzWr-R5bPkG-Snh7Cy-SHbyLa-NLADJm-Pu2bzG-NLACtq-Pu2bb5-NLAD7E-NLACYd-NLABtj-NLACPf-Pu2caQ-NLADxj-aq1tUs-NvtKhD">Desi/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/74088/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Delphine Minchella ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Écrire un CV convaincant ? En voici les principales caractéristiques qui permettront, à coup sûr, de passer l’oral de motivation dans de bonnes conditions.Delphine Minchella, Enseignant-chercheur en Management stratégique - Laboratoire Métis EM Normandie, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.