tag:theconversation.com,2011:/us/topics/conseil-de-securite-67461/articlesConseil de sécurité – The Conversation2024-01-11T14:27:15Ztag:theconversation.com,2011:article/2207272024-01-11T14:27:15Z2024-01-11T14:27:15ZIsraël devant la Cour internationale de justice : celle-ci est-elle devenue un substitut à un Conseil de sécurité dysfonctionnel ?<p>Le 29 décembre, l’Afrique du Sud a déposé devant la <a href="https://www.icj-cij.org/fr/accueil">Cour internationale de justice</a> (CIJ), une <a href="https://www.icj-cij.org/sites/default/files/case-related/192/192-20231228-app-01-00-en.pdf">Requête introductive d’instance</a> contre l’État d’Israël. </p>
<p>La Requête stipule que ses actions dans la bande de Gaza, initiées au nom de son droit à la légitime défense, dans la foulée des attaques menées par le Hamas le 7 octobre 2023, revêtaient « un caractère génocidaire ».</p>
<p>La CIJ a tenu des audiences publiques sur la requête le 11 et 12 janvier à La Haye. </p>
<p>Le fait que <a href="https://theconversation.com/south-africas-genocide-case-against-israel-expert-sets-out-what-to-expect-from-the-international-court-of-justice-220692">l’Afrique du Sud ait choisi de déposer sa requête devant la CIJ</a> n’est pas anodin. En effet, non seulement le bureau du procureur de la <a href="https://www.icc-cpi.int/fr">Cour pénale internationale</a>, qui enquête sur la situation en Palestine depuis plusieurs années, <a href="https://theconversation.com/la-guerre-a-gaza-la-cour-penale-internationale-et-la-lutte-contre-limpunite-219523">n’aboutit pas à des résultats concrets</a>, mais le Conseil de sécurité, l’organe qui devrait être le principal garant du maintien de la paix et de la sécurité internationale, apparaît foncièrement <a href="https://theconversation.com/gaza-war-deadlock-in-the-security-council-shows-that-the-un-is-no-longer-fit-for-purpose-219772">dysfonctionnel</a>. </p>
<p>À l’inverse, la CIJ en est venue à jouer un rôle de plus en plus diligent. <a href="https://www.ejiltalk.org/provisional-but-not-always-pointless-compliance-with-icj-provisional-measures/">Au cours des 10 dernières années</a>, la Cour a ainsi prononcé plus d’ordonnances (11) que durant ses cinquante premières années d’existence (10).</p>
<p>Mes travaux sur la <a href="https://www.pulaval.com/livres/de-la-responsabilite-de-proteger-les-populations-menacees-l-emploi-de-la-force-et-la-possibilite-de-la-justice">responsabilité de protéger</a> et sur le <a href="https://www.cairn.info/annuaire-francais-de-relations--9782376510550-page-95.htm">droit de la guerre</a> m’ont conduit à porter une attention particulière aux modes alternatifs de règlement des différends, notamment par l’intermédiaire des tribunaux internationaux. Deux organes sont fréquemment mentionnés : la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale (CPI).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Des personnes sont assises de chaque côté dans une vaste pièce" src="https://images.theconversation.com/files/568670/original/file-20240110-30-2p1xe4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568670/original/file-20240110-30-2p1xe4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568670/original/file-20240110-30-2p1xe4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568670/original/file-20240110-30-2p1xe4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568670/original/file-20240110-30-2p1xe4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568670/original/file-20240110-30-2p1xe4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568670/original/file-20240110-30-2p1xe4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La Cour internationale de justice lors d’une audience.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(UN Photo/CIJ-ICJ/Frank van Beek)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des compétences différentes</h2>
<p>La CIJ est le principal organe judiciaire de l’Organisation des Nations unies (ONU). Elle dispose d’une compétence universelle sur les différends d’ordre juridique pouvant survenir entre États. </p>
<p>De son côté, la CPI tire sa compétence d’un traité entré en vigueur en 2002, et dont Israël n’est pas signataire. Ses responsabilités sont d’enquêter et de poursuivre des personnes physiques pour crimes graves de droit international (crimes contre l’humanité, crimes de guerre, génocides et crimes d’agression).</p>
<p>Alors que la CIJ doit être sollicitée par un État avant de pouvoir se saisir d’un contentieux, comme c’est le cas avec la démarche engagée par l’Afrique du Sud, la CPI dispose de l’autorité pour ouvrir une enquête et éventuellement déposer une accusation contre un individu.</p>
<h2>Avant Israël, la Russie</h2>
<p>Dans sa requête contre Israël, l’Afrique du Sud avance que les actions de l’État hébreu (et son défaut de prendre des mesures pour contrecarrer les incitations « directes et publiques » à commettre de telles actions) témoigneraient « de l’intention spécifique… d’entraîner la destruction d’une partie substantielle de la population palestinienne en tant que partie d’un groupe national, racial et ethnique plus large de Palestiniens dans la Bande de Gaza ». </p>
<p>De ce fait, avance l’Afrique du Sud, Israël contreviendrait aux « obligations » lui incombant en vertu de la <a href="https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/convention-prevention-and-punishment-crime-genocide">Convention pour la prévention et la Répression du Crime de Génocide</a>, dont elle est signataire. </p>
<p>La question que la CIJ est appelée à trancher consiste uniquement, selon l’Afrique du Sud, à déterminer si les actions qui sont identifiées dans la Requête sont ou non « susceptibles de relever des dispositions » de la Convention. La Cour n’a pas à se prononcer sur le fond à ce stade. Le cas échéant, cela pourrait prendre des années. </p>
<p>On se rappellera qu’une <a href="https://icj-cij.org/sites/default/files/case-related/182/182-20220227-APP-01-00-FR.pdf">Requête</a> similaire avait également été déposée par l’Ukraine contre la Russie dans la foulée de l’« opération militaire spéciale » initiée par cette dernière le 24 février 2022. </p>
<p>La Russie était alors accusée d’avoir mensongèrement allégué « que des actes de génocide avaient été commis dans les oblasts ukrainiens de Louhansk et de Donetsk » afin de lui permettre de justifier une intervention armée. L’Ukraine affirmait que cette intervention avait engendré « des violations graves et généralisées des droits de la personne de la population ukrainienne ». Dès le 16 mars 2022, la CIJ rendait son <a href="https://www.icj-cij.org/sites/default/files/case-related/182/182-20220316-ord-01-00-fr.pdf">Ordonnance</a> et intimait à la Russie de « suspendre immédiatement les opérations militaires ».</p>
<h2>Les limites de la CIJ</h2>
<p>Dans le cas de la requête de l’Afrique du Sud, une ordonnance de la CIJ pourrait suivre au cours des prochaines semaines étant donné l’urgence de la situation.</p>
<p>Or, il ne faut pas faire preuve de trop d’optimisme. Car même dans le cas où la Cour indiquerait comme mesure conservatoire la suspension immédiate des opérations militaires, comme elle l’a fait dans le cas de l’Ukraine, et même si cette ordonnance avait bel et bien un « caractère obligatoire », comme l’a avancé la Cour en 2001 dans une autre <a href="https://icj-cij.org/sites/default/files/case-related/104/104-20010627-JUD-01-00-FR.pdf">affaire</a>, cela ne signifierait pas que la situation sur le terrain soit appelée à changer. </p>
<p>Malgré leur caractère obligatoire, les mesures d’exécution sont souvent difficiles à mettre en œuvre dans des situations hautement sensibles et controversées.</p>
<h2>Le nouveau rôle des pays tiers</h2>
<p>Ce qui est relativement nouveau, c’est que la Cour internationale de justice accepte désormais d’entendre des requêtes, telle celle parrainée par l’Afrique du Sud, présentées par un État partie à un traité ou une convention, qui allèguent un manquement à ses obligations <em>erga omnes partes</em>. De telles obligations reposent en effet sur les valeurs que les États partagent en commun et que tout État a donc un intérêt à faire respecter, sans égard au fait d’avoir ou non soi-même subi les conséquences d’un manquement.</p>
<p>Ainsi, en 2019, la Gambie a déposé une <a href="https://icj-cij.org/sites/default/files/case-related/178/178-20191111-APP-01-00-FR.pdf">Requête</a> contre le Myanmar, concernant ses actions envers les membres de la communauté rohingya. C’est aussi sur cette base d’obligations <em>erga omnes partes</em> que le Canada et les Pays-Bas ont déposé en juin 2023 une <a href="https://www.icj-cij.org/sites/default/files/case-related/188/188-20230608-req-01-00-fr.pdf">Requête</a> contre la Syrie l’accusant de contrevenir à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.</p>
<p>La reconnaissance par la CIJ de telles obligations <em>erga omnes partes</em> revendiquées par un État n’étant pas directement impliqué apparaît comme une innovation majeure. Elle permet, à défaut d’empêcher en amont qu’un État ne contrevienne à ses obligations, de lui rappeler en aval et publiquement ses obligations. </p>
<h2>Assumer un rôle émergent en maintien de la paix</h2>
<p>Au-delà de la question qu’aura à trancher la Cour, le plus important reste le rôle que les États semblent désormais vouloir lui faire jouer en lui soumettant de telles requêtes. La CIJ a compétence en matière de règlement pacifique des différends et, par extension, elle a un rôle à jouer dans le maintien de la paix et de la sécurité internationale. Mais si ses ordonnances ne sont pas suivies d’effets, sont-elles seulement destinées à marquer les esprits, ce qui contribuerait à politiser la justice internationale ?</p>
<p>S’il est certes douteux qu’une ordonnance incite un État à mettre un terme à sa conduite et à ses activités sur le terrain, la procédure elle-même demeure toutefois importante. Elle peut permettre de documenter une situation et d’établir les faits d’une manière telle qu’il pourrait être plus difficile d’en faire abstraction par la suite. </p>
<p>Ainsi, dans le cas de la Syrie, l’<a href="https://www.icj-cij.org/sites/default/files/case-related/188/188-20231116-ord-01-00-fr.pdf">Ordonnance</a> rendue par la Cour la sommait de prendre « toutes les mesures en son pouvoir afin de prévenir les actes de torture et autres… traitements cruels, inhumains ou dégradants », et lui intimait de « prendre des mesures effectives pour prévenir la destruction et assurer la conservation de tous les éléments de preuve relatifs aux allégations ». Ces éléments pourraient ultérieurement être utilisés dans le cadre de procédures judiciaires ou afin de justifier des réparations.</p>
<p>À cet égard, la Cour pourrait également faciliter la création et l’accès au terrain d’une mission visant à établir les faits et à documenter les circonstances. Il s’agit là d’un aspect important du règlement des différends qui peut contribuer au maintien de la paix et de la sécurité internationale. </p>
<p>Le défi pour la Cour consistera à assumer ce rôle émergent en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationale et à naviguer à travers ces questions d’interprétation qui demeurent éminemment politiques. Les décisions que les juges ont à prendre seront capitales pour le futur d’un ordre international qui apparaît pour le moment bien désordonné.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220727/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-François Thibault ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Cour internationale de justice élargit de plus en plus son mandat, palliant au dysfonctionnement du Conseil de sécurité, qui devrait être le principal garant du maintien de la paix dans le monde.Jean-François Thibault, Professeur en relations internationales, École des hautes études publiques, Université de MonctonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2197802023-12-14T18:58:13Z2023-12-14T18:58:13ZDevrait-on envisager une administration transitoire pour Gaza ?<p>Le massacre perpétré contre Israël par le Hamas le 7 octobre dernier constitue un nouveau chapitre de la tragédie qu’est le conflit israélo-palestinien.</p>
<p>Depuis plus de 75 ans, on a vu trop d’occasions de parvenir à une paix durable être gâchées, que ce soit par l’intransigeance des uns, les excès extrémistes des autres, l’engagement asymétrique d’une tierce partie ou même le désintérêt mondial pour le conflit.</p>
<p>Le 12 décembre, 153 membres de l’Assemblée générale des Nations unies, dont le <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/politique/2023-12-12/israel-et-le-hamas-en-guerre/le-canada-vote-pour-un-cessez-le-feu-aux-nations-unies.php">Canada</a>, ont voté en faveur d’une <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2034516/cessez-feu-guerre-gaza-israel-onu">résolution pour un cessez-le-feu</a>. <a href="https://www.bbc.com/news/live/world-middle-east-67687628?ns_mchannel=social&ns_source=twitter&ns_campaign=bbc_live&ns_linkname=6578d92a87855b2dac7d421c%26US%20votes%20against%20resolution%2C%20UK%20abstains%262023-12-12T22%3A05%3A31.507Z&ns_fee=0&pinned_post_locator=urn:asset:2e285aa8-1cc6-4cc4-a867-38f595685178&pinned_post_asset_id=6578d92a87855b2dac7d421c&pinned_post_type=share">Dix membres ont voté contre la résolution</a>, dont Israël et les États-Unis. Vendredi,les <a href="https://www.ledevoir.com/monde/803492/etats-unis-bloquent-onu-appel-cessez-feu-humanitaire-immediat-gaza">États-Unis ont opposé leur veto</a> à une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies réclamant un cessez-le-feu.</p>
<p>Pourtant, le président américain Joe Biden <a href="https://www.washingtonpost.com/opinions/2023/11/18/joe-biden-gaza-hamas-putin/">a exprimé récemment son intention de résoudre le conflit</a> :</p>
<blockquote>
<p>otre objectif ne doit pas être simplement d’arrêter la guerre en cours, mais d’y mettre un terme définitif. </p>
</blockquote>
<p>Ces développements, qui comprennent la détermination apparente des États-Unis à reprendre leurs efforts pour instaurer une paix durable entre Israéliens et Palestiniens pendant que des milliers de personnes meurent dans le conflit, nécessitent une réflexion sur ce que serait la ligne de conduite la plus efficace.</p>
<h2>La moins mauvaise solution</h2>
<p>Il est évident que les chances de succès peuvent sembler faibles. Mais y a-t-il d’autres options ? Un retour au statu quo d’avant le 7 octobre consisterait à accepter la répétition à plus ou moins long terme d’un nouveau cycle de violence effroyable.</p>
<p>L’élimination de la menace posée par le Hamas ne peut se faire par une nouvelle occupation de la bande de Gaza par Israël, et encore moins par la disparition de tous les Palestiniens de l’enclave, comme le <a href="https://www.washingtonpost.com/world/2023/11/17/israel-government-right-gaza-endgame-conquest/">suggèrent</a> les éléments les plus radicaux de la scène politique israélienne.</p>
<p><a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2023-12-08/palestinian-authority-working-with-us-on-postwar-plan-for-gaza">Le retour</a> d’une <a href="https://pune.news/international/unpopular-ineffective-palestinian-authority-cant-drive-two-state-solution-97139/">autorité palestinienne inefficace</a> et moribonde à la suite des opérations militaires des Forces de défense israéliennes à Gaza n’est pas crédible et est voué à l’échec.</p>
<p>Les pays arabes de la région <a href="https://carnegieendowment.org/2023/11/03/there-might-be-no-day-after-in-gaza-pub-90920">ne veulent pas prendre en charge</a> la sécurité et l’administration de Gaza, et l’ingérence d’une seule grande puissance étrangère comme les États-Unis constituerait une forme d’impérialisme.</p>
<p>Devant ces options inenvisageables, la meilleure solution – ou la moins mauvaise – semble être de mettre en place une administration transitoire à Gaza avec trois objectifs : assurer la sécurité, œuvrer à la reconstruction et jeter les bases d’une stabilité politique et d’un développement économique.</p>
<p>Ce modèle a fait ses preuves lors de la mission de pacification et de reconstruction au <a href="https://peacekeeping.un.org/mission/past/unmiset/background.html">Timor oriental</a> en 1999 <a href="https://unmik.unmissions.org/mandate">et au Kosovo</a> la même année. Les Nations unies pourraient même envisager de réactiver leur <a href="https://www.un.org/fr/about-us/trusteeship-council">Conseil de tutelle</a>, inactif depuis 1994.</p>
<h2>Conditions nécessaires</h2>
<p>Pour garantir sa légitimité et disposer d’un mandat, une telle administration devrait reposer sur deux piliers impliquant le Conseil de sécurité des Nations unies : un accord régional en vertu du chapitre VIII de la <a href="https://www.un.org/fr/about-us/un-charter/chapter-8">Charte des Nations unies</a> et la mise en œuvre d’une force d’imposition de la paix en vertu du chapitre VII afin de rétablir l’ordre et d’assurer la sécurité.</p>
<p>Une telle approche multinationale donnerait de l’espoir aux Gazaouis et rassurerait le gouvernement israélien sur le fait que le Hamas et d’autres groupes extrémistes ne pourront revenir.</p>
<p>À long terme, elle pourrait même favoriser l’émergence d’une administration du territoire pleine et fonctionnelle, offrant la perspective concrète d’une solution politique à ce vieux conflit avec la création d’un État palestinien (qui commencerait par Gaza et s’étendrait à la Cisjordanie).</p>
<p>Le succès d’une telle approche, comme ce fut le cas par le passé en Bosnie et au Kosovo (avec la participation de l’OTAN et de l’Union européenne), repose sur l’instauration d’une force de maintien de la paix dotée d’un mandat fort du Conseil de sécurité de l’ONU.</p>
<p>Cette force devrait être suffisamment importante pour assurer la sécurité et, si nécessaire, imposer la paix – ce qui signifie au moins 50 000 soldats de l’ONU bien armés, bien coordonnés, avec des règles d’engagement claires, fournis par les pays participants (sans la Russie, pour des raisons évidentes) et placés sous un commandement unique désigné par le Conseil, comme cela a été le cas pendant la <a href="https://www.unc.mil/About/About-Us/">guerre de Corée</a>.</p>
<p>Cette dernière exigence est primordiale pour empêcher que ne se reproduise le scénario catastrophique de <a href="https://academic.oup.com/book/276/chapter-abstract/134840604?redirectedFrom=fulltext">l’intervention ratée en Somalie</a> en 1993. La création d’une telle structure militaire bien intégrée et bien organisée est absolument essentielle pour éviter toute paralysie décisionnelle.</p>
<h2>Perspectives économiques</h2>
<p>Reconstruire Gaza et offrir des perspectives économiques à ses habitants nécessitera évidemment des ressources financières considérables.</p>
<p>Une administration transitoire, ou même un <a href="https://research.un.org/en/docs/tc/reform">Conseil de tutelle remanié</a>, devraient amasser des sommes importantes et rendre compte régulièrement de l’utilisation de ces fonds (ainsi que de l’évolution de la sécurité dans la région).</p>
<p>Les fonds pourraient être fournis par les puissances occidentales habituelles, mais aussi les riches pays du Golfe, qui seraient peut-être disposés à aider financièrement les Palestiniens sans avoir à s’impliquer outre mesure sur le plan politique, afin de ne pas nuire à l’amélioration de leurs relations avec Israël.</p>
<p>Des institutions internationales telles que le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et le <a href="https://www.undp.org/fr">Programme des Nations unies pour le développement</a> devraient également participer – une tâche plus facile si elle s’inscrit dans un cadre et une mission sous l’égide des Nations unies.</p>
<h2>Le retour du Canada ?</h2>
<p>Les plus cyniques ou les plus pessimistes diront que la mise en place d’une telle initiative est trop complexe et vouée à l’échec.</p>
<p>Nous suggérons au premier ministre Justin Trudeau qu’il se porte à la défense d’une telle administration transitoire, qu’il parcoure le monde pour en vanter les mérites, s’engage à ce que le Canada participe activement à la création d’une force internationale de maintien de la paix et propose au Conseil de sécurité la relance du Conseil de tutelle pour Gaza.</p>
<p>Il devrait solliciter le soutien de notre puissant voisin et convaincre les États-Unis d’investir dans l’infrastructure de commandement de cette nouvelle mission, ce qui contribuerait probablement à rassurer Israël sur le sérieux d’une telle approche.</p>
<p>M. Trudeau pourrait obtenir l’appui de l’Europe et tenter de rallier les dirigeants des pays du Sud, notamment le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva et le premier ministre indien Narendra Modi (ce qui pourrait aussi servir à apaiser les tensions entre le Canada et l’Inde).</p>
<p><a href="https://musee-clemenceau.fr/clemenceau/biographie/">Georges Clemenceau, chef du gouvernement français à la fin de la Première Guerre mondiale</a>, a affirmé qu’il était plus facile de faire la guerre que la paix. La durée du conflit israélo-palestinien en témoigne.</p>
<p>Mais compte tenu de l’ampleur de la violence qui a enflammé la région à partir du 7 octobre, il est urgent que le monde trouve un moyen d’instaurer une paix durable entre Israéliens et Palestiniens.</p>
<p>Les pertes horribles et incessantes de vies humaines nous obligent à faire preuve d’ambition. La sécurité de l’ensemble du Moyen-Orient est en jeu, et le fait de passer à l’action pourrait contribuer à apaiser les tensions au sein des sociétés occidentales, de plus en plus divisées par le conflit.</p>
<p>C’est aussi l’occasion pour le Canada de <a href="https://www.cbc.ca/player/play/2677447276">faire un véritable « retour » sur la scène internationale</a>. Participer à la résolution du conflit correspond parfaitement aux valeurs canadiennes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219780/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La meilleure solution - ou la moins mauvaise - pour résoudre le conflit israélo-palestinien passe par la mise en place d'une administration transitoire à Gaza. Voici comment cela pourrait fonctionner.Julien Tourreille, Chargé de cours en science politique et chercheur à la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques, Université du Québec à Montréal (UQAM)Charles-Philippe David, Président de l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand et professeur de science politique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2130312023-09-11T13:56:41Z2023-09-11T13:56:41ZVoici comment contenir la Chine et la Russie, superpuissances frappées d’allégations d’atrocités<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/546710/original/file-20230831-27-66cu2d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C0%2C3051%2C2018&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le président chinois Xi Jinping et son homologue russe Vladimir Poutine portent un toast lors de leur dîner au Kremlin, à Moscou, en mars 2023. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Pavel Byrkin, Sputnik, Kremlin Pool Photo via AP)</span></span></figcaption></figure><p>En Afrique du Sud, lors de la dernière réunion des BRICS, un groupe de puissances économiques comprenant le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, le président russe <a href="https://www.cnn.com/2023/08/20/europe/putin-brics-no-show-analysis-hnk-intl/index.html">Vladimir Poutine brillait par son absence</a>.</p>
<p>Parce que la Cour pénale internationale a émis un <a href="https://www.theguardian.com/world/2023/mar/17/icc-arrest-warrant-vladimir-putin-explainer">mandat d’arrêt</a> contre lui plus tôt cette année en raison d’atrocités présumées sur des enfants ukrainiens, Moscou s’inquiétait visiblement que Poutine soit <a href="https://www.euronews.com/2023/08/21/putin-was-meant-to-be-at-a-summit-in-south-africa-this-week-why-was-he-asked-to-stay-away">arrêté</a> s’il se rendait à Johannesburg.</p>
<p>Les atrocités de masse comprennent les génocides, les crimes contre l’humanité, le nettoyage ethnique et les crimes de guerre. Parmi tous les défis du monde actuel, l’urgence de prévenir les atrocités de masse s’impose.</p>
<p>En 2023, nous faisons face à un nombre sans précédent de personnes déplacées de force, <a href="https://www.unhcr.org/refugee-statistics/insights/explainers/100-million-forcibly-displaced.html">plus de 100 millions</a>, phénomène attribuable en partie <a href="https://www.unrefugees.org/emergencies/ukraine/">à un flot</a> exacerbé par l’invasion russe en Ukraine.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-chine-ne-doit-pas-faconner-lavenir-des-droits-de-la-personne-a-lonu-137043">La Chine ne doit pas façonner l’avenir des droits de la personne à l’ONU</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Stagnation du progrès</h2>
<p>Bien qu’il y ait eu des réussites en matière de réduction des violations des droits de la personne, comme l’adoption de la doctrine <a href="https://www.un.org/fr/genocideprevention/">Responsabilité de protéger</a> des Nations unies et la création de la <a href="https://www.cfr.org/backgrounder/role-international-criminal-court">Cour pénale internationale</a>, de récents événements préoccupants indiquent non seulement une stagnation du progrès, mais une régression.</p>
<p>Le fait de voir deux membres du Conseil de sécurité de l’ONU, la Chine et la Russie, être accusés d’atrocités de masse est particulièrement troublant.</p>
<p>La Chine est devenue de plus en plus <a href="https://www.dw.com/en/how-are-chinas-neighbors-viewing-beijings-military-plans/a-64921927">belliqueuse et agressive</a>, menaçant ses voisins et persécutant ses minorités. Les mesures de Beijing contre sa population musulmane ouïghoure ont soulevé l’indignation mondiale, <a href="https://www.ushmm.org/genocide-prevention/countries/china/case-study/current-risks/chinese-persecution-of-the-uyghurs">à la suite d’allégations</a> de génocide, de travail forcé, de détentions de masse, de répression culturelle et de destruction de mosquées.</p>
<p>De façon similaire, l’invasion russe de l’Ukraine a soulevé de graves préoccupations en matière de violation des droits de la personne. De nombreux <a href="https://www.raoulwallenbergcentre.org/images/reports/2023-07-26-Genocide-Ukraine-Report.pdf">chercheurs et experts</a> prêtent une intention génocidaire à l’armée russe en raison du massacre de civils dans des villes ukrainiennes <a href="https://www.nytimes.com/2022/12/22/video/russia-ukraine-bucha-massacre-takeaways.html">comme à Boutcha</a>, des cas généralisés de torture confirmés par les <a href="https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/06/widespread-use-torture-russian-military-ukraine-appears-deliberate-un-expert">Nations unies</a> et des <a href="https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/02/targeted-destruction-ukraines-culture-must-stop-un-experts">tentatives continues qui semblent destinées à détruire</a> la culture ukrainienne.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une femme vêtue d’une robe bleue à motifs regarde un grand mur commémoratif sur lequel sont gravés des noms d’Ukrainiens" src="https://images.theconversation.com/files/545781/original/file-20230831-8940-rglzfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/545781/original/file-20230831-8940-rglzfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/545781/original/file-20230831-8940-rglzfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/545781/original/file-20230831-8940-rglzfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/545781/original/file-20230831-8940-rglzfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/545781/original/file-20230831-8940-rglzfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/545781/original/file-20230831-8940-rglzfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une femme dans une robe aux motifs bleus devant une murale honorant les gens tués par les troupes russes à Boutcha, en Ukraine. Boutcha a été occupée par les forces russes pendant environ un mois au début de l’invasion.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Jae C. Hong)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les liens entre la Chine et la Russie</h2>
<p>L’alliance émergente entre les régimes autoritaires de Chine et de Russie est très préoccupante. Le président chinois Xi Jinping, lors de son récent voyage à Moscou, <a href="https://www.nbcnews.com/news/world/xi-putin-pledge-new-world-order-chinese-leader-leaves-russia-rcna76048">a dit à Poutine</a> :</p>
<blockquote>
<p>Il y a des changements qui ne sont pas arrivés depuis 100 ans. Ensemble, nous provoquons ces changements. </p>
</blockquote>
<p>L’idée d’un futur ordre mondial façonné par ces deux autocrates donne une nouvelle profondeur <a href="https://www.sparknotes.com/lit/1984/quotes/character/obrien/">à cette célèbre citation</a> du romancier anglais George Orwell : « Si vous voulez un portrait de l’avenir, imaginez une botte écrasant un visage humain, à jamais. »</p>
<p>Alors que Poutine et Xi s’efforcent de transformer l’ordre international, chaque pays doit réfléchir à la grave menace qui pèse sur les droits de la personne, les normes démocratiques et l’essence même de la <a href="https://www.un.org/en/about-us/un-charter">Charte de l’ONU</a>, particulièrement à l’égard des actes d’agression</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1637828614879150082"}"></div></p>
<p>Le fait de voir de grandes puissances se comporter ainsi confirme l’effritement de l’engagement mondial à prévenir ces atrocités.</p>
<p>La situation actuelle souligne l’urgence de raviver les flammes du progrès et de veiller au maintien des normes et des institutions des droits de la personne.</p>
<p>Il incombe à la communauté internationale de réaffirmer son engagement à prévenir les atrocités de masse, peu importe le statut géopolitique et la puissance économique des coupables. Cela passera par quatre piliers.</p>
<h2>Quatre moyens de faire respecter les droits de la personne</h2>
<ol>
<li><p>La sensibilisation et l’éducation doivent être améliorées pour amplifier la voix des populations présumément ciblées par la Russie et la Chine. Les populations informées peuvent faire pression sur leur gouvernement pour faire respecter les droits de la personne et obliger les criminels à rendre des comptes. Elles peuvent également exiger que les <a href="https://www.business-humanrights.org/en/latest-news/china-83-major-brands-implicated-in-report-on-forced-labour-of-ethnic-minorities-from-xinjiang-assigned-to-factories-across-provinces-includes-company-responses/">entreprises arrêtent de faire affaire</a> avec les deux pays jusqu’à ce que leurs politiques et leurs comportements changent. Moscou et Beijing font tout leur possible <a href="https://www.nytimes.com/interactive/2021/06/22/technology/xinjiang-uyghurs-china-propaganda.html">pour diffuser de la propagande</a> <a href="https://press.un.org/en/2023/sc15226.doc.htm">et de la désinformation</a> à l’échelle mondiale.</p></li>
<li><p>Des initiatives diplomatiques doivent être lancées pour veiller à ce que les <a href="https://time.com/6160282/arab-world-complicit-china-repression-uighurs/">intérêts économiques</a> n’éclipsent pas la nécessité de prévenir les atrocités de masse. Les pays doivent se regrouper pour contrer les plans d’hégémonie mondiale de Moscou et de Beijing, qui sonneraient le glas des droits de la personne et de la démocratie.</p></li>
<li><p>L’importance de renforcer les mécanismes de justice est capitale. La Cour pénale internationale doit avoir le pouvoir d’enquêter et de poursuivre tous les responsables, peu importe leur statut. Cela inclut l’exploration de moyens que la Cour pourrait utiliser même lorsqu’elle fait face à des <a href="https://www.reuters.com/world/europe/icc-member-states-say-russia-putting-prosecutor-wanted-list-is-deplorable-2023-05-20/">sanctions et à des menaces</a>.</p></li>
<li><p>Les pays doivent continuer de faire respecter <a href="https://legal.un.org/repertory/art51.shtml">l’article 51</a> de la Charte de l’ONU, « le droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un membre des Nations unies est l’objet d’une agression armée » et soutenir l’Ukraine dans ses efforts pour stopper l’invasion génocidaire russe. De fausses déclarations de négociations de paix masquent <a href="https://www.newyorker.com/news/essay/the-war-in-ukraine-is-a-colonial-war">l’intention russe de recoloniser</a> l’Ukraine, ce qui se produira seulement par la violence de masse et la destruction de l’identité ukrainienne. Cela enverra également un message à Beijing que <a href="https://www.telegraph.co.uk/world-news/2023/08/19/china-helping-arm-russia-helicopters-drones-metals-xi-putin/">son soutien</a> à l’invasion russe de l’Ukraine, sans parler d’une potentielle <a href="https://www.scmp.com/news/china/military/article/3230014/mainland-china-airs-documentary-signalling-military-preparation-taiwan-attack-and-willingness">attaque chinoise</a> sur Taïwan, s’accompagnera de conséquences.</p></li>
</ol>
<p>La communauté internationale doit reconnaître que des superpuissances commettent des atrocités et que cela fait peser une menace concrète sur la paix et la sécurité dans le monde.</p>
<p>Les pays qui commettent des génocides à l’intérieur et à l’extérieur de leurs frontières, sans oublier <a href="https://www.washingtonpost.com/world/2021/12/08/china-detains-journalists-dangers-2021-report/">l’emprisonnement de journalistes</a>, de <a href="https://www.bbc.com/news/world-europe-66408444">leaders de l’opposition politique</a> et de <a href="https://www.hrw.org/russia-government-against-rights-groups-battle-chronicle">groupes de la société civile</a>, représentent un danger pour l’humanité.</p>
<p>Lorsqu’ils sont membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et qu’ils se concertent, ils représentent une menace totalitaire à prendre au sérieux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213031/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kyle Matthews a reçu des fonds du gouvernement du Canada (ministère du Patrimoine canadien) et de la Konrad Adenauer Stiftung. Il est affilié au Canadian Global Affairs Institute, au Conseil international du Canada et à la Fondation BMW.</span></em></p>Deux membres du Conseil de sécurité des Nations unies – la Chine et la Russie – sont soupçonnés d’avoir perpétré de graves atrocités. Voici comment la communauté internationale doit agir.Kyle Matthews, Executive Director, The Montréal Institute for Genocide and Human Rights Studies, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2083362023-07-04T20:09:43Z2023-07-04T20:09:43ZL’ONU est-elle une organisation démocratique ?<p>S’il est toujours délicat d’affirmer qu’un pays est démocratique ou non, et dans quelle mesure, de nombreuses organisations s’efforcent de classer les États du monde selon leur niveau de démocratie. Ces classements diffèrent légèrement l’un de l’autre, mais l’on constate globalement que, sur les <a href="https://www.un.org/fr/about-us/member-states">193 membres de l’ONU</a>, environ la moitié sont généralement <a href="https://www.democracymatrix.com/ranking">considérés comme étant non démocratiques</a>.</p>
<p>Parmi ces régimes non démocratiques, certains jouent, de façon constante ou plus ponctuelle, un rôle majeur au sein des Nations unies : la Russie et la Chine, bien sûr, membres permanents du Conseil de sécurité, mais aussi, par exemple, l’Arabie saoudite, qui a pu il y a quelques années placer un de ses diplomates <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/onu-l-arabie-saoudite-prend-la-tete-du-conseil-des-droits-de-l-homme-et-provoque-la-colere-des-associations_1093837.html">à la tête du panel du Conseil des droits de l’homme</a>, ou l’Iran, qui a été <a href="https://www.lefigaro.fr/international/l-iran-elue-a-la-commission-de-la-condition-de-la-femme-de-l-onu-20210422">élu en 2021 à la Commission de la condition de la femme</a>, avant d’en être <a href="https://news.un.org/fr/story/2022/12/1130617">exclu en décembre 2022</a>, du fait du déchaînement de violence du régime contre un mouvement de contestation interne qui exigeait notamment davantage de liberté pour les Iraniennes.</p>
<p>Aujourd’hui, le <a href="https://www.ohchr.org/fr/hr-bodies/hrc/about-council">Conseil des droits de l’homme de l’ONU</a>, organe dont on pourrait s’attendre à ce qu’il n’accueille que des pays exemplaires en matière de droits humains, compte parmi ses <a href="https://www.ohchr.org/en/hr-bodies/hrc/membership">47 États membres</a>, élus par l’Assemblée générale pour des périodes de trois ans, la Chine, Cuba, le Gabon, la Russie, l’Érythrée, le Qatar ou encore les Émirats arabes unis…</p>
<p>Est-ce à dire que l’ONU et ses organes ne sont pas démocratiques ?</p>
<h2>Le Conseil des droits de l’homme est-il crédible ?</h2>
<p>Le système de vote pour être élu au Conseil des droits de l’homme fait l’objet de nombreuses critiques, car les pays négocient et se mettent d’accord pour décider qui se présente, souvent sans rencontrer d’opposition.</p>
<p>En octobre 2020, l’ONU a certes <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/10/14/l-onu-refuse-l-entree-de-l-arabie-saoudite-a-son-conseil-des-droits-de-l-homme_6055977_3210.html">refusé l’entrée de l’Arabie saoudite à son Conseil des droits de l’homme</a>, mais la Chine et la Russie, régimes autoritaires, ont, quant à elles, été élues.</p>
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<p>Plus récemment, en octobre 2022, le Conseil des droits de l’homme a renoncé à organiser un <a href="https://news.un.org/fr/story/2022/10/1128597">débat sur la situation des droits de l’homme dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang</a> (Chine), débat qui avait été réclamé par une dizaine d’États démocratiques, dont les États-Unis, le Canada, l’Australie, le Royaume-Uni, la France et plusieurs autres pays européens. Cette discussion devait constituer un suivi du <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2022/09/03/pourquoi-le-rapport-de-lonu-sur-les-violations-des-droits-de-lhomme-au-xinjiang-est-il-crucial/">rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’homme</a> (HCDH), qui avait dénoncé de possibles crimes contre l’humanité contre les Ouïghours et d’autres minorités musulmanes au Xinjiang.</p>
<p>Le vote, par 19 voix contre, 17 pour et 11 abstentions, a décidé que ce débat n’aurait pas lieu. La République populaire de Chine a voté contre, bien entendu, suivi par plusieurs pays d’Afrique et d’Asie, ainsi que par des pétromonarchies comme le Qatar et les Émirats arabes unis. C’est historique : c’est seulement la deuxième fois en 16 ans d’histoire du Conseil qu’une motion est rejetée.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1578033384580079616"}"></div></p>
<p>Le Conseil est, en effet, une <a href="https://www.cairn.info/revue-relations-internationales-2008-4-page-91.htm">instance assez récente</a>, au regard des presque 78 ans d’existence de l’ONU : créé en 2006, il <a href="https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_2006_num_52_1_3946">succède</a> à l’ancienne <a href="https://www.ohchr.org/fr/hr-bodies/sc/sub-commission">Commission des droits de l’homme</a>, qui s’était déjà discréditée par sa passivité et son indulgence envers les dictatures. En effet, de nombreux États dictatoriaux, notamment africains, tiraient profit de ce qu’ils étaient membres de cette commission pour échapper aux critiques et aux rapports dénonçant leurs manquements.</p>
<p>Le Conseil des droits de l’homme apparaît largement impuissant face aux dictatures, notamment du fait du caractère non contraignant des mesures qu’il adopte. En effet, le Conseil n’adresse que des recommandations, qui peuvent être suivies par les États ou non.</p>
<p>Toutefois, le Conseil se défend en indiquant que le simple fait de dénoncer un État pour ses pratiques contraires aux droits humains aurait un impact international : ce procédé de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0022343313510014">« naming and shaming »</a> pousserait les États à se conformer aux règles internationales pour préserver leur réputation. Il organise régulièrement, pour chaque État, un <a href="https://www.ohchr.org/fr/hr-bodies/upr/upr-main">examen périodique universel</a> qui contraint chaque pays à présenter un bilan de son respect des droits humains et à répondre aux critiques adressées sur ce point par les autres membres.</p>
<p>Certains États, <a href="https://www.whitehouse.gov/briefings-statements/president-donald-j-trump-standing-human-rights-u-n/">à commencer par les États-Unis</a>, militent pour une réforme du Conseil qui <a href="https://theconversation.com/le-conseil-des-droits-de-lhomme-de-lonu-instance-utile-ou-coquille-vide-146618">exclurait les États coupables de violations flagrantes des droits humains</a>. Toutefois, une telle réforme n’est pas près d’aboutir. En effet, quelle serait la légitimité d’une institution qui adopterait des recommandations contre des États qui ne pourraient jamais y siéger ? Et sur quels critères un État serait-il désigné comme <a href="https://asiepacifique.fr/conseil-des-droits-de-homme-onu/">« respectant les droits de l’homme »</a> et donc digne d’être membre du Conseil ?</p>
<p>Il n’empêche que le 7 avril 2022, la Russie a été <a href="https://news.un.org/fr/story/2022/04/1117912">suspendue du Conseil des droits de l’homme de l’ONU</a>, par 93 votes à l’Assemblée générale, contre 24 dans le sens opposé et 58 abstentions. Du fait de la résolution de 2006 qui a créé le Conseil des droits de l’homme, l’Assemblée générale peut suspendre un pays s’il commet des violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme. Ce n’est que la deuxième fois, après la <a href="https://press.un.org/fr/2011/AG11050.doc.htm">Libye en 2011</a> qu’un membre est exclu de l’organe onusien chargé des droits humains.</p>
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<h2>Supprimer le droit de veto ?</h2>
<p>Moscou, qui use et abuse de son droit de veto (elle l’a utilisé 152 fois au total depuis 1946, soit presque autant que les quatre autres membres du Conseil de sécurité) devrait-elle en être privée ? En avril 2022, Volodymyr Zelensky a réclamé qu’elle soit <a href="https://www.bfmtv.com/international/asie/russie/guerre-en-ukraine-la-russie-pourrait-elle-etre-exclue-de-l-onu-comme-le-demande-kiev_AN-202212270192.html">exclue du Conseil de sécurité de l’ONU</a>, et qu’elle perde donc son droit de veto. L’Ukraine fait valoir que la Russie occuperait illégalement le siège permanent au Conseil de sécurité qui avait été attribué en 1945 à l’URSS (laquelle n’existe plus). Pourtant, il n’existe aucune procédure de confiscation du droit de veto ou d’exclusion d’un membre permanent du Conseil de sécurité. En effet, il faudrait que la Russie elle-même soit d’accord…</p>
<p>Selon la <a href="https://www.un.org/fr/about-us/un-charter/full-text">Charte des Nations unies</a>, « si un membre de l’Organisation enfreint de manière persistante les principes énoncés dans la présente Charte, il peut être exclu de l’Organisation par l’Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité ». Toutefois, cette disposition ne concerne pas les membres du Conseil de sécurité.</p>
<p>L’unique solution pour qu’un membre quitte le Conseil de sécurité serait qu’il se retire de lui-même. Une option inenvisageable ne serait-ce parce que, grâce au droit de veto, la <a href="https://www.bfmtv.com/international/asie/russie/guerre-en-ukraine-la-russie-pourrait-elle-etre-exclue-de-l-onu-comme-le-demande-kiev_AN-202212270192.html">Russie s’évite notamment une saisine par le Conseil de sécurité de la Cour pénale internationale</a> pour les <a href="https://www.bfmtv.com/international/europe/angleterre/crimes-de-guerre-le-royaume-uni-forme-des-juges-ukrainiens_AN-202212140428.html">« crimes de guerre »</a> dont ses dirigeants sont accusés.</p>
<p>On l’aura compris : l’Assemblée générale, où chacun des États membres dispose d’une voix, est un organe démocratique, mais le Conseil de sécurité, composé de 15 États dont les 5 membres permanents dotés du droit de veto, l’est moins.</p>
<p>Le droit de veto, qui a été utilisé 265 fois depuis la création de l’ONU, <a href="https://ledrenche.fr/veto-conseil-de-securite-onu/">paralyse l’institution et nuit à son efficacité</a>. De plus, il n’est pas justifié que cinq pays, qui ne représentent que 30 % de la population mondiale, disposent du pouvoir exorbitant de <a href="https://www.nouvelobs.com/debat/20220507.OBS58127/guerre-en-ukraine-faut-il-supprimer-le-droit-de-veto-a-l-onu.html">dire non à une décision prise par la majorité</a> des 193 États membres.</p>
<p>Mais est-il possible de réformer l’ONU pour rendre son fonctionnement plus démocratique ? C’est le Conseil de sécurité qui dispose du pouvoir exécutif, l’Assemblée générale n’ayant en réalité qu’un pouvoir consultatif. Pour démocratiser l’ONU, il faudrait donc donner plus de pouvoir à l’Assemblée générale.</p>
<p>Depuis quelques années, des voix s’élèvent pour réclamer une réforme du droit de veto. Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU de 1997 à 2006, a proposé à la fin de son mandat une suspension du droit de veto quand sont discutées des situations où des crimes de masse sont en cours. <a href="https://onu.delegfrance.org/5-choses-a-savoir-sur-la-france-et-le-veto">La France a elle-même porté officiellement cette proposition depuis 2013</a>. Cette initiative est soutenue aujourd’hui par une centaine de pays, soit la majorité des États membres de l’ONU.</p>
<h2>Malgré tout, l’ONU est porteuse des valeurs universelles de la démocratie</h2>
<p>Le caractère démocratique de l’ONU tient surtout aux valeurs qu’elle véhicule, dans ses grands textes normatifs.</p>
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<p>Lorsque les fondateurs de l’ONU ont rédigé la Charte des Nations unies en 1945, <a href="https://www.un.org/fr/global-issues/democracy">ils n’y ont pas inclus le mot « démocratie »</a>. Et pour cause : pour ne prendre que les cinq membres du Conseil de sécurité, il aurait été compliqué de considérer comme démocratiques l’URSS de Staline, la Chine de Mao, mais aussi les États-Unis ségrégationnistes et la France et le Royaume-Uni colonialistes…</p>
<p>Cependant, l’ONU a adopté par la suite de grands textes qui affirment clairement les valeurs démocratiques : la <a href="https://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/">Déclaration universelle des droits de l’homme</a> en 1948, et en 1966 le <a href="https://www.ohchr.org/fr/treaty-bodies/ccpr/background-international-covenant-civil-and-political-rights-and-optional-protocols">Pacte international relatif aux droits civils et politiques</a>, qui proclame la liberté d’expression (Article 19), la liberté de réunion pacifique (Article 21) et la liberté d’association (Article 22) ; ou encore la <a href="http://www.un.org/womenwatch/daw/cedaw/text/fconvention.htm">Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes</a> (1979) qui proclame les droits des femmes, et impose aux États parties de les respecter.</p>
<p>De plus, le <a href="https://www.ohchr.org/fr/ohchr_homepage">HCDH</a>, créé en 1993, a vocation à défendre les droits humains, et a soutenu des programmes de justice transitionnelle dans plus de 20 pays au cours des années 2010. L’ONU fournit également chaque année une <a href="https://www.un.org/fr/global-issues/democracy">assistance électorale à environ 60 pays</a> pour organiser des élections libres et démocratiques. Enfin, le <a href="http://www.un.org/democracyfund/">Fonds des Nations unies pour la démocratie</a> (FNUD) soutient des projets qui visent à renforcer le libre jeu de la démocratie dans le monde.</p>
<p>L’ONU n’hésite pas, en outre, à rappeler à l’ordre certains de ses États membres les plus puissants pour leur attitude par rapport aux droits humains : ainsi, à plusieurs reprises récemment, l’Organisation a critiqué la France pour son <a href="https://www.cgt.fr/comm-de-presse/lonu-critique-la-france-sur-sa-politique-dimmigration">non-respect des droits des migrants et réfugiés</a> et des <a href="https://www.ohchr.org/fr/2019/02/france-un-experts-denounce-severe-rights-restrictions-gilets-jaunes-protesters">droits des manifestants</a>. Le 30 juin 2023, la porte-parole du HCDH, Ravina Shamdasani, a appelé la France à « s’attaquer sérieusement aux <a href="https://news.un.org/fr/story/2023/06/1136572">profonds problèmes de racisme et de discrimination</a> parmi les forces de l’ordre », suite à la mort du jeune Nahel abattu par un policier.</p>
<p>Malgré ses limites et ses insuffisances, <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/09/26/non-l-onu-ne-sert-pas-a-rien_5360561_3232.html">l’ONU reste l’organisation internationale la plus à même de diffuser la démocratie</a> et de défendre les droits humains, et doit être soutenue et respectée pour pouvoir mener son action pacificatrice et progressiste.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208336/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chloé Maurel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le poids écrasant des cinq membres du Conseil de sécurité rend difficile de qualifier l’ONU d’organisation démocratique. Mais elle a adopté des textes dont il ne faut pas sous-estimer l’importance.Chloé Maurel, SIRICE (Université Paris 1/Paris IV), Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1995712023-02-16T20:28:10Z2023-02-16T20:28:10ZL’ONU peut-elle contribuer à mettre fin à la guerre en Ukraine ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/509570/original/file-20230211-20-8306e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C35%2C5946%2C3925&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">25&nbsp;février 2022&nbsp;: le Conseil de sécurité se réunit pour voter sur une résolution exigeant le retrait immédiat d’Ukraine des troupes russes, qui ont attaqué la veille. Le texte sera rejeté en raison du veto opposé par Moscou.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/new-york-ny-february-25-2022-2129406371">lev radin/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le 24 février 2022, la Russie envahissait l’Ukraine. Un an plus tard, le <a href="https://www.lepoint.fr/monde/ukraine-180-000-soldats-russes-et-100-000-ukrainiens-morts-ou-blesses-22-01-2023-2505731_24.php">bilan est dramatique</a> et rien n’indique que le conflit prendra fin de sitôt, les deux parties affichant des exigences qui semblent inconciliables, tandis que sur le terrain la détermination russe se heurte à une résistance ukrainienne acharnée et soutenue par de nombreux États occidentaux.</p>
<p>Dans ce contexte mortifère, l’Organisation des Nations unies peut-elle agir de façon à ramener la paix ? Ce qui est sûr, c’est que si elle y a échoué depuis un an, elle ne relâche pas ses efforts pour autant…</p>
<h2>La paix, raison d’être de l’ONU</h2>
<p>Rappelons que la paix est le but premier de l’ONU, créée en 1945, au lendemain de la guerre la plus sanglante de l’histoire de l’humanité. Sa Charte affirme dès la première phrase de son préambule que le but de l’ONU est de <a href="https://www.un.org/fr/about-us/un-charter">« préserver les générations futures du fléau de la guerre »</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Ukraine – L’ONU : un modèle à bout de souffle ? – Le Dessous des cartes – L’essentiel | Arte, 13 avril 2022.</span></figcaption>
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<p>L’Assemblée générale de l’ONU, où chacun des États membres (aujourd’hui au nombre de <a href="https://www.un.org/fr/about-us/member-states">193</a>) dispose d’une voix, a adopté, au cours de l’année écoulée, plusieurs résolutions visant à stopper la guerre et à condamner la Russie pour son invasion de l’Ukraine. Ces résolutions ne sont pas contraignantes, à l’inverse de celles votées par le <a href="https://unric.org/fr/ressources/lonu-en-bref/competences-et-prises-de-decision-de-lonu/">Conseil de sécurité</a>. Ces dernières doivent être adoptées par au moins neuf voix, sur les quinze membres (les cinq permanents, et dix membres élus par l’Assemblée générale pour un mandat de deux ans selon un principe de rotation).</p>
<p>Or, le Conseil de sécurité est paralysé car la Russie oppose systématiquement son veto à toute résolution du Conseil la condamnant, comme elle l’a fait le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/02/26/l-onu-impuissante-a-voter-une-resolution-contre-l-agression-russe_6115350_3210.html">25 février</a> (sur la résolution « déplorant l’agression russe ») et le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/10/01/au-conseil-de-securite-de-l-onu-la-russie-met-son-veto-a-la-resolution-condamnant-ses-annexions_6143916_3210.html">30 septembre</a> (sur celle condamnant l’annexion de quatre régions ukrainiennes).</p>
<h2>Une multitude d’actions depuis un an</h2>
<p>En dépit du blocage du Conseil de sécurité par Moscou, l’Assemblée générale a pu se faire entendre à de nombreuses reprises.</p>
<p>Le 2 mars, elle adopte une résolution <a href="https://news.un.org/fr/story/2022/03/1115472">exigeant le retrait des troupes russes</a>. Le 7 avril, une autre résolution <a href="https://news.un.org/fr/story/2022/04/1117912">suspend la Russie du Conseil des droits de l’homme</a> – une instance onusienne qui <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/271175-quest-ce-que-le-conseil-des-droits-de-lhomme-onu">compte 47 États membres</a> répartis par zone géographique, élus à bulletin secret et à la majorité absolue par l’Assemblée générale pour trois ans.</p>
<p>En mai, le Conseil des droits de l’homme vote une <a href="https://news.un.org/fr/story/2022/05/1119902">résolution demandant l’ouverture d’une enquête sur les atrocités reprochées aux troupes d’occupation russes</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-crimes-commis-en-ukraine-pourront-ils-un-jour-faire-lobjet-dun-proces-international-181021">Les crimes commis en Ukraine pourront-ils un jour faire l’objet d’un procès international ?</a>
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<p>En juillet, l’ONU contribue à l’adoption d’un <a href="https://news.un.org/fr/story/2022/10/1129012">accord</a> pour permettre la reprise des exportations de céréales ukrainiennes.</p>
<p>En novembre, l’Assemblée générale adopte une <a href="https://news.un.org/fr/story/2022/11/1129817">résolution appelant la Russie à verser des réparations de guerre à l’Ukraine</a>. Mais cette résolution est restée lettre morte, la Russie n’y répondant pas.</p>
<p>Ce qui ne veut pas dire que l’ONU ne fait rien de concret pour l’Ukraine : avec ses programmes et ses agences spécialisées comme l’<a href="https://www.unesco.org/fr/articles/ukraine-lunesco-lance-un-nouveau-programme-de-soutien-aux-journalistes-ukrainiens">Unesco</a>, l’<a href="https://www.who.int/europe/fr/news/item/16-12-2022-who-supported-emergency-medical-teams-begin-work-in-newly-regained-areas-in-ukraine">OMS</a>, la (<a href="https://www.fao.org/in-focus/fr">FAO</a>), l’<a href="https://www.unicef.org/fr/urgences/la-guerre-en-ukraine-constitue-une-menace-immediate-pour-les-enfants">Unicef</a>, le <a href="https://fr.wfp.org/urgences/urgence-en-urkaine#:">PAM</a> et les autres, elle a, depuis février, aidé plus de 14 millions d’Ukrainiens sur le plan humanitaire. <a href="https://unric.org/fr/onu-et-la-guerre-en-ukraine-les-principales-informations/">Plus de 1 400 membres du personnel de l’ONU sont présents en Ukraine</a>, apportant de la nourriture, des abris, des couvertures, des médicaments et de l’eau aux habitants démunis.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1624077031938920449"}"></div></p>
<p>La situation humanitaire est en effet très grave : le Haut commissariat aux réfugiés a mesuré que <a href="https://unric.org/fr/onu-et-la-guerre-en-ukraine-les-principales-informations/#:%7E:text=Le%20texte%20de%20la%20r%C3%A9solution,de%20guerre%20%C3%A0%20l%E2%80%99Ukraine.">plus de 17 millions de personnes ont fui le pays</a>. Il s’agit du mouvement de population forcé le plus rapide depuis la Seconde Guerre mondiale.</p>
<h2>Toujours plus d’outils pour œuvrer en faveur de la paix</h2>
<p>L’ONU a à sa disposition de nombreux <a href="https://journals.openedition.org/chrhc/5296">outils</a>, aussi bien en matière de <em>peacekeeping</em> (« maintien de la paix », c’est-à-dire interposition des Casques bleus dans des conflits armés) que de <em>peacebuilding</em> (« consolidation de la paix » c’est-à-dire action post-conflit, par exemple organisation d’élections libres). Elle dispose depuis 1948 d’un <a href="https://peacekeeping.un.org/fr/department-of-peace-operations">Département des opérations de maintien de la paix</a>.</p>
<p>Les responsables de l’ONU ont développé depuis cette date de nombreuses réflexions pour rendre cette action plus efficace. Avec le rapport « <a href="https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1992_num_38_1_3062">Agenda pour la paix</a> » du secrétaire général Boutros-Ghali en 1992, l’ONU s’est mise en capacité de déployer plus rapidement ses unités de <a href="https://peacekeeping.un.org/fr/our-peacekeepers">Casques bleus (civils, militaires et policiers travaillant ensemble)</a>, de faire de la diplomatie préventive (essayer d’empêcher la violence d’éclore) et du <em>post-conflict peacebuilding</em> (construire une paix durable sur le long terme en traitant les problèmes économiques, sociaux, culturels et humanitaires).</p>
<p>Avec le « <a href="https://press.un.org/fr/2000/20001205.sgsm7639.doc.html">rapport Brahimi</a> » en 2000, a émergé l’idée de pouvoir <a href="http://www.irenees.net/bdf_fiche-documentation-187_fr.html">déployer des Casques bleus encore plus rapidement, en 30 jours, et la totalité d’une mission en 90 jours</a>. Il s’agit aussi de développer une approche multidimensionnelle incluant à la fois le <em>peacekeeping</em> et le <em>peacebuilding</em>, ce qui avait déjà été demandé par le rapport <em>Agenda pour la paix</em> mais pas vraiment réalisé en pratique.</p>
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<p>En 2008, l’ONU a lancé la <a href="https://www.unocha.org/sites/dms/Documents/DPKO%20Capstone%20doctrine%20(2008).pdf">« doctrine Capstone »</a>, dont il ressort que l’ONU doit se concentrer sur <a href="https://langloishg.fr/documents/les-operations-de-paix-des-nations-unies-dans-la-capstone-doctrine-2008/">l’avant-conflit (prévention des conflits) et surtout sur l’après-conflit (rétablissement de la paix et de la démocratie)</a>.</p>
<p>En 2015, le <a href="https://undocs.org/fr/S/2015/446">rapport HIPPO (High-Level Independent Panel on Peace Operations)</a> préconise des OMP mieux adaptées aux complexités du terrain et aux besoins des populations. Les OMP contribuent désormais, par exemple, à la réinsertion des anciens combattants et à l’organisation d’élections démocratiques : <a href="https://dppa.un.org/fr/elections">plus de 100 pays ont demandé et obtenu une assistance électorale de la part de l’ONU depuis 1991</a>.</p>
<p>En 2018, enfin le secrétaire général Antonio Guterres a lancé l’initiative <a href="https://peacekeeping.un.org/fr/action-for-peacekeeping-a4p">« Action pour le maintien de la paix » (A4P) et sa stratégie de mise en œuvre A4P+</a> autour de 8 grands thèmes clés : la promotion de solutions politiques aux conflits ; la protection des civils ; la protection des Casques bleus ; l’amélioration des performances des opérations de maintien de la paix ; la pérennisation de la paix ; le renforcement des partenariats régionaux et le l’amélioration de la conduite des opérations.</p>
<h2>Une intervention des Casques bleus ?</h2>
<p>Concrètement, en Ukraine, les Casques bleus pourraient-ils faire plier la Russie ? Au-delà de la question de la faisabilité politique d’une telle opération, il faudrait pour cela un déploiement colossal d’hommes et de matériels. Est-il seulement envisageable que les Casques bleus – dont les effectifs sont <a href="https://peacekeeping.un.org/fr/our-peacekeepers">issus de 97 pays différents, aux premiers rangs desquels le Pakistan, l’Inde, le Ghana, le Bangladesh et l’Éthiopie</a>, ce qui pose un problème de dilution des responsabilités – soient déployés en si grand nombre, avec une telle quantité et qualité d’armements sophistiqués ? Dans l’histoire, seule l’opération de l’ONU au Congo (ONUC), de 1960 à 1964, a mobilisé un très grand nombre de Casques bleus : à son apogée, <a href="https://www.cairn.info/revue-relations-internationales-2006-3-page-53.htm">l’ONUC comptait 93 000 hommes de l’ONU, issus de 34 pays</a>. Et malgré cela, cette opération n’a pas été un succès…</p>
<p>Rappelons par ailleurs que, s’ils sont absents en Ukraine, les Casques bleus, dont l’action a été saluée par le <a href="https://www.un.org/fr/about-us/nobel-peace-prize/un-peacekeeping-1988">Prix Nobel de la Paix en 1988</a>, agissent sur le terrain, un peu partout dans le monde : ils ont, depuis leur création en 1948, œuvré dans <a href="https://www.un.org/fr/observances/peacekeepers-day">72 opérations de maintien de la paix</a> dans de nombreux pays. Leur nombre est en augmentation : <a href="https://onu.delegfrance.org/Maintien-de-la-paix-10174">alors qu’ils étaient 12 000 en 1996, ils sont plus de 75 000 aujourd’hui</a>. Actuellement, ils sont présents dans <a href="https://peacekeeping.un.org/fr/where-we-operate">12 opérations de maintien de la paix</a>, dont 6 en Afrique et 4 au Moyen-Orient.</p>
<p>Si, aujourd’hui en Ukraine, une force de Casques bleus était envoyée en tant que force d’interposition, sa présence pourrait peut-être contribuer à dissuader la Russie de mener des attaques trop destructrices, mais cela n’est pas certain.</p>
<p>Il n’en reste pas moins qu’une telle présence peut être utile. Mais pour cela, il faudrait que le Conseil de sécurité vote à l’unanimité en faveur d’un tel envoi, ce qui est inenvisageable, la Russie s’y opposant.</p>
<h2>Le droit de veto, un blocage permanent ?</h2>
<p>Pour que l’ONU puisse agir plus efficacement pour promouvoir la paix, il est urgent de suspendre, voire supprimer le droit de veto, qui la paralyse.</p>
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<p>Nous l’avons dit : cinq États, considérés comme les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale – France, États-Unis, Russie, Royaume-Uni et Chine – détiennent ce privilège, qui apparaît de plus en plus anachronique et injustifié aujourd’hui. Il ne fait que paralyser l’ONU, et l’a empêchée, par exemple, <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/guerre-en-syrie-la-russie-a-exerce-14-fois-son-droit-de-veto-20191221">d’agir concrètement en Syrie depuis 2011</a>.</p>
<p>La France, qui n’a pas utilisé son veto depuis plus de 25 ans, a proposé, dès 2014, un encadrement, voire une <a href="https://onu.delegfrance.org/5-choses-a-savoir-sur-la-France-et-le-veto">suspension de ce droit</a>, lorsque l’ONU traite de situations où des violences de masse sont en cours. Cette initiative a été soutenue par plus de 106 pays.</p>
<p>Comment supprimer le droit de veto, sachant que la Russie, qui dispose de ce droit, peut l’utiliser pour s’opposer à une telle réforme ? Un pas en avant a été effectué en avril 2022, lorsque l’AG a adopté une <a href="https://unric.org/fr/droit-de-veto-ce-qui-va-changer/">résolution demandant aux cinq membres permanents du Conseil de sécurité de justifier leur recours au veto</a>. Cela permet au moins d’encadrer ce droit, de le rendre plus difficile à exercer.</p>
<p>L’Assemblée générale convoquera désormais une séance dans les dix jours ouvrables suivant l’exercice du droit de veto par un ou plusieurs membres permanents du Conseil de sécurité, afin de tenir un débat sur la situation au sujet de laquelle le veto a été opposé. Tous les membres des Nations unies pourront examiner et commenter le veto.</p>
<p>Aujourd’hui, un an après le début de l’attaque russe en Ukraine, il apparaît clairement que l’ONU a besoin d’être revitalisée afin de pouvoir jouer son indispensable rôle pacificateur de manière efficace. Ce débat <a href="https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2004-2-page-61.htm">dure depuis longtemps</a>. La tragédie ukrainienne permettra-t-elle de le faire progresser ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie les 28 et 29 septembre 2023 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199571/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chloé Maurel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’ONU a multiplié les initiatives depuis le début de la guerre en Ukraine. Mais tant que subsistera le droit de veto, la marge de manœuvre des Nations unies restera très étroite.Chloé Maurel, SIRICE (Université Paris 1/Paris IV), Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1797402022-03-29T19:29:57Z2022-03-29T19:29:57ZGuerre en Ukraine : la Cour internationale de Justice peut-elle contribuer à désarmer la Russie ?<p>On pourra regretter que la <a href="https://www.icj-cij.org/public/files/case-related/182/182-20220316-ORD-01-00-FR.pdf">décision</a> de la Cour internationale de Justice (CIJ) du 16 mars 2022 n’ait pas été adoptée à l’unanimité, les juges russe et chinoise ayant voté contre la partie du dispositif qui ordonne à la Russie de « suspendre immédiatement les opérations militaires qu’elle a commencées le 24 février 2022 sur le territoire de l’Ukraine » et de « veiller à ce qu’aucune des unités militaires ou unités armées irrégulières qui pourraient agir sous sa direction ou bénéficier de son appui, ni aucune organisation ou personne qui pourrait se trouver sous son contrôle ou sa direction, ne commette d’actes tendant à la poursuite des opérations militaires ».</p>
<p>On pourra également regretter que la Cour se soit crue obligée d’ajouter que « les deux Parties doivent s’abstenir de tout acte qui risquerait d’aggraver ou d’étendre le différend dont la Cour est saisie ou d’en rendre le règlement plus difficile ». Comme l’a parfaitement expliqué dans sa déclaration le <a href="https://www.icj-cij.org/fr/juges-ad-hoc">juge <em>ad hoc</em></a> Yves Daudet, il n’y a aucune raison d’adresser cette injonction à l’Ukraine, dont on voit mal comment elle pourrait aggraver la situation en exerçant son droit à la légitime défense. L’explication se trouve probablement dans le fait que cette formulation permettait au moins d’obtenir l’unanimité des juges sur un point, tout en contrebalançant un peu le ton particulièrement grave du reste de l’ordonnance.</p>
<p>Non, le droit international n’a pas permis d’éviter l’attaque brutale d’un État souverain en ce début de XXI<sup>e</sup> siècle. Non, l’ordonnance de la Cour n’arrêtera pas les chars russes à court terme, comme l’a démontré la <a href="https://information.tv5monde.com/info/guerre-en-ukraine-que-peut-attendre-de-la-justice-internationale-449053">réaction</a> immédiate de la Russie, qui a considéré qu’elle ne peut pas l’appliquer. Il n’en reste pas moins que cette décision n’est pas dénuée d’intérêt face à un chef d’État qui utilise largement le droit international comme élément de son arsenal au soutien de la seule façon qu’il connaisse de se confronter aux autres, le rapport de force.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1504171772047941634"}"></div></p>
<h2>L’argumentation juridique de la Russie</h2>
<p>Contrairement à ce qui est parfois affirmé, le président russe n’ignore pas purement et simplement le droit international. Au contraire, il le convoque expressément pour tenter de légitimer son entreprise belliqueuse. Depuis le début de l’agression de l’Ukraine, Vladimir Poutine prend soin de <a href="https://information.tv5monde.com/info/comment-poutine-justifie-l-invasion-de-l-ukraine-446209">s’efforcer de justifier</a> ce qu’il dénomme <a href="https://www.youtube.com/watch?v=uEbDp44LA1o">« opération militaire spéciale »</a> par deux arguments juridiques.</p>
<p>Il affirme, en premier lieu, que la Russie protège la population des deux régions séparatistes du Donbass contre un « génocide » prétendument commis à son encontre par les autorités ukrainiennes. Non seulement le président russe a invoqué cet argument dans son <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/ukraine-vladimir-poutine-annonce-une-operation-militaire-dans-le-pays-joe-biden-fustige-une-attaque-injustifiee_4978860.html">discours officiel</a> précédant le début de l’invasion de l’Ukraine, mais Moscou l’emploie régulièrement depuis 2014. Le représentant permanent russe aux Nations unies l’a encore fait <a href="https://www.icj-cij.org/public/files/case-related/182/182-20220307-OTH-01-00-FR.pdf">tout récemment</a>.</p>
<p>En second lieu, après avoir <a href="https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/vu-dukraine-la-russie-reconnait-lindependance-des-separatistes-ukrainiens-un-casus">reconnu l’indépendance</a> des oblasts de Lougansk et Donetsk le 21 février 2022, la Russie a prétendu intervenir en Ukraine pour défendre ces nouveaux États conformément à un accord passé avec eux.</p>
<p>À ces deux arguments se superpose celui de la légitime défense qui serait exercée par la Russie à l’égard de l’Ukraine. Cet argument est défendu dans la <a href="https://www.icj-cij.org/public/files/case-related/182/182-20220307-OTH-01-00-FR.pdf">lettre</a> envoyée par la Russie – qui a en revanche refusé de comparaître à l’audience – à la CIJ, sans que l’on sache en quoi consiste l’agression armée à laquelle cet État est censé répondre.</p>
<p>Quel que soit leur niveau d’invraisemblance, ces arguments mûrement réfléchis visent à tenter de légitimer la guerre menée par la Russie sur le terrain du droit, quitte à modifier radicalement l’interprétation des principales règles du droit international.</p>
<p>Par ailleurs, Vladimir Poutine n’hésite pas à mettre en exergue les violations du droit international effectivement commises par d’autres États, en dénonçant régulièrement l’invasion de l’Irak par les États-Unis en 2003, en dehors de tout fondement légal, ou encore l’intervention militaire au sol des États membres de l’OTAN en Libye en 2011, qui a outrepassé le mandat du Conseil de sécurité. Dans une guerre où la communication est largement mise à contribution, y compris sur le droit, ce type d’argumentation n’est pas anodin.</p>
<h2>Les dits et non-dits de l’ordonnance de la Cour internationale de Justice</h2>
<p>À ce stade, la CIJ s’est prononcée uniquement sur une demande de <a href="https://eurasiabusinessnews.com/2020/08/18/les-mesures-conservatoires-et-la-cour-internationale-de-justice/">mesures conservatoires</a> (d’urgence) de la part de l’Ukraine, qui fonde sa compétence sur <a href="https://treaties.un.org/doc/Treaties/1951/01/19510112%2008-12%20PM/Ch_IV_1p.pdf">l’article IX</a> de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Bien que le véritable différend porte évidemment sur la question du recours à la force par la Russie, cet État n’a pas reconnu de manière générale la compétence de la CIJ, ce qui oblige à rechercher une clause compromissoire dans un traité qu’il a ratifié. Or c’est précisément le cas de la <a href="https://www.un.org/fr/genocideprevention/genocide-convention.shtml">Convention sur le génocide</a> à laquelle sont parties les deux États en cause.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/GOHKgauuoHc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>L’argumentation du président Poutine a en effet fourni un bon élément d’ancrage à l’Ukraine, selon laquelle il existe un différend relatif à l’interprétation de cette Convention entre ces deux États. Ce différend concerne un éventuel abus de la Convention par la Russie, en raison de l’invocation d’un génocide qui serait inexistant. Il concerne aussi la possibilité de prévenir ou de punir un éventuel génocide au moyen d’une agression armée.</p>
<p>La Cour a suivi cette argumentation en reconnaissant sa compétence <a href="https://www.dictionnaire-juridique.com/definition/prima-facie.php"><em>prima facie</em></a>, avant de considérer que les conditions d’indication des mesures conservatoires étaient réunies :</p>
<ul>
<li><p>la reconnaissance d’un droit plausible de l’Ukraine de ne pas faire l’objet d’opérations militaires par la Russie visant à prévenir et punir un génocide allégué sur son territoire ;</p></li>
<li><p>le caractère nécessairement irréparable du préjudice qui pourrait lui être causé – ainsi que des préjudices actuels ;</p></li>
<li><p>l’urgence.</p></li>
</ul>
<p>Cela conduit la CIJ à indiquer les mesures conservatoires – obligatoires – mentionnées <em>supra</em>.</p>
<p>La CIJ fait toujours preuve d’une grande prudence dans ce type de procédure d’urgence afin de ne pas préjuger de ses éventuelles réponses aux arguments des parties qu’elle pourrait examiner au fond et afin de rester dans les limites de sa compétence. Il est donc remarquable qu’en l’espèce elle semble dépasser cette attitude de retenue, à plusieurs égards.</p>
<p>C’est tout d’abord à la Russie que la présidente de la CIJ a <a href="https://www.icj-cij.org/public/files/case-related/182/182-20220301-PRE-02-00-FR.pdf">demandé</a> dès le 1<sup>er</sup> mars 2022 d’agir de manière à ne pas priver son ordonnance d’effets. De plus, bien qu’elle n’ait pas à se prononcer sur le fond du différend, la Cour a néanmoins affirmé dans son ordonnance :</p>
<blockquote>
<p>« Il est douteux que la Convention, au vu de son objet et de son but, autorise l’emploi unilatéral de la force par une partie contractante sur le territoire d’un autre État, aux fins de prévenir ou de punir un génocide allégué. »</p>
</blockquote>
<p>Dès l’introduction, elle se dit :</p>
<blockquote>
<p>« profondément préoccupée par l’emploi de la force par la Fédération de Russie en Ukraine, qui soulève des problèmes très graves de droit international. La Cour garde présents à l’esprit les buts et les principes de la Charte des Nations unies, de même que les responsabilités qui lui incombent, en vertu de ladite Charte et du Statut de la Cour, en ce qui concerne le maintien de la paix et de la sécurité internationales, ainsi que le règlement pacifique des différends. Elle estime nécessaire de souligner que tous les États doivent agir conformément à leurs obligations en vertu de la Charte des Nations unies et des autres règles du droit international, y compris du droit international humanitaire ».</p>
</blockquote>
<p>Elle prend ensuite soin d’énumérer précisément les dommages déjà causés à la population ukrainienne (§§ 74-75), avant de se référer expressément à la résolution <a href="https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/LTD/N22/272/28/PDF/N2227228.pdf">A/RES/ES-11/1</a> du 2 mars 2022 adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies à une écrasante majorité de 141 États et intitulée « agression contre l’Ukraine ».</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/SLLRe5BlhOg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Si la CIJ cite expressément les passages déplorant les attaques contre les populations civiles – qui, si elles étaient confirmées, seraient constitutives de crimes de guerre –, elle mentionne aussi le terme de « guerre » utilisé par l’Assemblée générale. Or, sur le fondement de sa <a href="https://legal.un.org/avl/pdf/ha/ufp/ufp_f.pdf">résolution 377 A (V) du 3 novembre 1950</a>, et considérant que l’absence d’unanimité des membres permanents du Conseil de sécurité empêche celui-ci d’exercer sa responsabilité principale en matière de paix et de sécurité internationales – le Conseil a été empêché par le veto russe d’adopter un <a href="https://www.un.org/press/en/2022/sc14808.doc.htm">projet de résolution</a> le 25 février condamnant la reconnaissance de l’indépendance des régions séparatistes ukrainiennes –, l’Assemblée générale y « déplore dans les termes les plus énergiques l’agression commise par la Fédération de Russie contre l’Ukraine en violation du paragraphe 4 de l’Article 2 de la Charte ».</p>
<p>Bien sûr, l’Assemblée générale est un organe politique. On peut néanmoins considérer que dans cette qualification juridique elle exprime l’opinion de la majorité des États. Si la CIJ ne confirme en aucun cas l’existence d’une agression, elle renvoie malgré tout à un texte qu’elle n’était pas obligée de mentionner dans sa motivation.</p>
<h2>Les conséquences immédiates et les conséquences indirectes</h2>
<p>Les conséquences de l’ordonnance de la CIJ pour la Russie sont claires dans la mesure où ce type de décision est obligatoire. Il faut rappeler à cet égard que la CIJ est l’organe judiciaire principal des Nations unies. Elle bénéficie d’une autorité remarquable pour dire l’état du droit international et ses décisions sont exécutées par les États dans la très grande majorité des cas.</p>
<p>Bien qu’elle ne se soit pas prononcée sur les arguments de fond des parties, son ordonnance prive temporairement d’efficacité l’argumentation juridique de la Russie. En attendant un éventuel arrêt au fond, aucune allégation de légitime défense ou de prévention du génocide ne permet à la Russie de poursuivre légalement sa guerre. Cet État est ainsi privé de son argumentation par l’organe international qui a qualité pour dire le droit international.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1506333534541299712"}"></div></p>
<p>La deuxième conséquence immédiate concerne indirectement les autres États. Si la Russie a l’obligation de mettre fin au recours à la force en Ukraine, nul ne saurait de façon licite l’aider à poursuivre cette entreprise, par exemple par la fourniture d’armes ou d’un soutien financier. Il faut d’ailleurs rappeler à cet égard que, conformément à la qualification d’agression armée retenue par l’Assemblée générale, la Russie commet actuellement une violation grave d’une règle impérative de droit international.</p>
<p>La Russie engage automatiquement sa responsabilité internationale ; nul besoin en théorie qu’une juridiction se prononce en ce sens. Pour les autres États, cela entraîne une double obligation : ne pas reconnaître la situation ainsi créée et coopérer pour y mettre fin. Par ailleurs, la résolution implique aussi que l’Ukraine exerce son droit à la légitime défense conformément à l’article 51 de la Charte et que les autres États peuvent lui apporter leur soutien, notamment par la livraison d’armes.</p>
<p>À plus long terme, il importe aussi d’avoir à l’esprit le précédent qui pourrait être généré par l’éventuel succès de l’argumentation d’un État, fût-elle en apparence déraisonnable. Dans son <a href="https://www.lepoint.fr/debats/poutine-croit-a-un-choc-des-civilisations-entre-l-occident-et-la-russie-24-02-2022-2466100_2.php">opposition frontale</a> à la civilisation occidentale, Vladimir Poutine peut avoir la prétention de proposer une nouvelle lecture du droit international qui remet en cause l’architecture héritée de 1945 et que pourraient être tentés de défendre d’autres États envisageant de commettre des actions similaires.</p>
<p>Si les organes principaux des Nations unies ayant l’un compétence – bien que subsidiaire – en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales et l’autre en matière de droit international donnent leur interprétation de ce droit et indiquent les obligations qu’il convient de suivre, toute autre prétention juridique devient illégitime. En privant au moins temporairement Vladimir Poutine de son arsenal juridique, la CIJ aura démontré qu’il est un seul point sur lequel le président russe n’a peut-être pas entièrement tort : le droit peut aussi être une arme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179740/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sarah Cassella ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En ordonnant à la Russie de mettre fin à sa guerre en Ukraine, la Cour Internationale de Justice prive Vladimir Poutine de la possibilité d’affirmer que l’opération militaire russe serait légale.Sarah Cassella, Professeur de droit public, Le Mans UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1758692022-01-28T12:15:04Z2022-01-28T12:15:04ZQuels sont les accords qui encadrent les interventions militaires au Mali ?<p>Le 9 janvier dernier, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) annonçait une <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/01/10/les-dirigeants-de-la-cedeao-placent-le-mali-sous-embargo-pour-sanctionner-le-maintien-de-la-junte-au-pouvoir_6108802_3212.html">série de sanctions sévères</a> contre le Mali, suite à la proposition par le gouvernement de transition d’un chronogramme prévoyant que des élections seraient tenues « dans un délai de quatre ans ». Aux yeux de la Cédéao, cette proposition revient à permettre à la junte qui <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/05/31/au-mali-la-semaine-ou-le-colonel-goita-s-est-couronne-president_6082131_3212.html">s’est emparée du pouvoir en mai 2021</a> de prolonger pour plusieurs années sa présence au pouvoir.</p>
<p>Dans la nuit même, le colonel Maïga, porte-parole du gouvernement, intervenait à la télévision nationale pour dénoncer des sanctions « illégales et illégitimes » et annoncer un « plan de riposte » des autorités maliennes comprenant des mesures de réciprocité.</p>
<p>Quelques semaines plus tard, on constate que ce plan comprend une importante dimension juridique, puisque le gouvernement malien a multiplié les offensives sur ce point.</p>
<h2>La bataille des arguments juridiques</h2>
<p>Le premier ministre Choguel Maïga a d’abord annoncé qu’une <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20220116-le-premier-ministre-malien-annonce-une-plainte-contre-les-sanctions-de-la-c%C3%A9d%C3%A9ao">série de plaintes</a> pourraient être déposées devant des juridictions internationales contre les sanctions promulguées par la Cédéao.</p>
<p>Ensuite, les tensions diplomatiques se sont succédé autour des accords militaires existants entre le Mali, la France et, plus largement, les pays européens : dénonciation d’une <a href="https://www.france24.com/fr/afrique/20220113-le-mali-d%C3%A9nonce-une-violation-de-son-espace-a%C3%A9rien-par-un-avion-militaire-fran%C3%A7ais">violation de l’espace aérien</a> par un avion militaire français le 12 janvier, <a href="https://www.aa.com.tr/fr/afrique/le-mali-refuse-le-survol-de-son-territoire-%C3%A0-un-avion-militaire-allemand/2480741">refus de survol du territoire</a> pour un avion allemand le 20 janvier, annonce d’une demande de <a href="https://malijet.com/a_la_une_du_mali/266089-discours-a-la-nation-du-61eme-anniversaire-de-l-armee-malienne-d.html">« relecture de certains accords de coopération militaire »</a> par le président de la transition, Assimi Goïta.</p>
<p>Enfin, le 24 janvier, un <a href="https://www.facebook.com/matdmali/photos/a.378838225881471/1385779478520669/">communiqué du gouvernement malien</a> demande le départ du contingent danois de la Force Takuba, qui serait présent au Mali sans base juridique et sans consentement de la partie malienne. Un départ obtenu le 27 janvier, malgré les protestations des pays européens.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1486463525585399809"}"></div></p>
<p>Il est évident que, de part et d’autre, les arguments juridiques sont facilement instrumentalisés dans un contexte politique devenu très tendu. En témoigne le fait que ces accusations soient publiques et évitent volontairement les canaux diplomatiques. En invoquant la légalité des interventions internationales, c’est aussi et surtout leur légitimité que le gouvernement malien cherche à dénoncer.</p>
<p>En cela, il se place sur le même terrain que la France et les pays européens, qui ont toujours fondé leur légitimité en se réclamant de la légalité internationale et se retrouvent pris au piège de leurs propres arguments. Surtout, cela met en lumière la dimension complexe et peu transparente de ce cadre juridique inédit, qui nécessite d’être mieux compris pour analyser la situation actuelle.</p>
<h2>L’Opération Serval et les différentes bases légales invoquées</h2>
<p>Le 11 janvier 2013, près d’un an après le début des hostilités dans le Nord du Mali et la prise des principales villes par une coalition composée de groupes djihadistes affiliés à <a href="https://www.franceculture.fr/theme/aqmi">AQMI</a> et de groupes indépendantistes touarègues, la France lance une opération militaire d’urgence à travers des frappes aériennes et la mobilisation de forces spéciales, auxquelles viendront s’ajouter 4 000 hommes au sol.</p>
<p>Sans préjuger de sa légitimité, revenons sur les arguments juridiques avancés pour justifier l’opération Serval, qui sont importants dans le cadre des tensions actuelles. En droit international, le recours à la force est clairement interdit par la <a href="https://www.un.org/fr/about-us/un-charter">Charte des Nations unies</a>. Une intervention militaire sur un territoire étranger est toutefois permise à travers deux exceptions (autorisation du Conseil de sécurité, exercice de la légitime défense), ou bien si cette intervention est effectuée à la demande de l’État concerné. Pour justifier son intervention au Mali en 2013, la France a successivement invoqué ces trois raisons.</p>
<p>En effet, dès le lendemain de l’intervention, le <a href="https://www.elysee.fr/francois-hollande/2013/01/12/declaration-de-m-francois-hollande-president-de-la-republique-sur-lintervention-militaire-francaise-au-mali-a-paris-le-12-janvier-2013">président Hollande indique</a> que celle-ci s’effectue « à la demande du président du Mali et dans le respect de la Charte des Nations unies ». Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/186790-conference-de-presse-de-m-laurent-fabius-ministre-des-affaires-etrange">mentionne</a> quant à lui une situation de « légitime défense » tirée de l’article 51 de la Charte des Nations unies, avant de corriger son propos <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/186791-extraits-dun-entretien-de-m-laurent-fabius-ministre-des-affaires-etra">deux jours plus tard</a> et de s’appuyer sur la <a href="https://www.un.org/press/fr/2012/CS10870.doc.htm">résolution 2085</a>, adoptée en décembre 2012 et prévoyant la mise en œuvre de la <a href="http://www.au-misahel.org/historique-de-loperation-misma/">Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA)</a>. Le 14 janvier, l’ambassadeur de France auprès des Nations unies <a href="https://undocs.org/fr/S/2013/17">transmet un courrier</a> au Conseil de sécurité indiquant que « la France a répondu […] à une demande d’aide formulée par le Président par intérim de la République du Mali, M. Dioncounda Traoré » pour lutter contre les groupes terroristes dans le pays.</p>
<p>Aucun État n’a contesté la légalité de l’intervention française, pas plus que les <a href="https://www.ejiltalk.org/french-military-intervention-in-mali-its-legal-but-why-part-i/">spécialistes du <em>jus ad bellum</em></a>. En revanche, les arguments soulevés ont provoqué d’importants débats, voire des controverses.</p>
<p>En premier lieu, l’argument de la légitime défense a été rejeté de manière quasi unanime, en l’absence d’agression <a href="https://dictionnaire-droit-humanitaire.org/content/article/2/agression/">au sens du droit international</a>. Plusieurs chercheurs ont ensuite <a href="http://www.afdsd.fr/wp-content/uploads/2019/07/AFDSDactes13-Traversac.pdf">critiqué</a> le fait que la France s’appuie sur une autorisation donnée par le Conseil de sécurité : cette justification relève d’une lecture très extensive de la résolution 2085, puisque celle-ci autorisait le déploiement d’une force militaire, mais sous conduite africaine.</p>
<p>Ainsi, un <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2604235">consensus est apparu</a> pour considérer la demande des autorités maliennes comme base légale de l’intervention, <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9781315796307-18/french-military-intervention-mali-exactly-fran%C3%A7afrique-definitely-postcolonial-isaline-bergamaschi-mahamadou-diawara">malgré quelques critiques</a> portant sur la légitimité du président de l’époque (Diocounda Traoré était président par intérim depuis le <a href="https://www.lefigaro.fr/international/2012/03/22/01003-20120322ARTFIG00511-mali-le-president-renverse-par-un-coup-d-etat-militaire.php">coup d’État</a> ayant renversé Amadou Toumani Touré en mars 2012).</p>
<p>En avril 2013, à travers l’adoption de la <a href="https://undocs.org/S/RES/2100(2013)">résolution 2100</a> créant la <a href="https://minusma.unmissions.org/">Minusma</a>, le Conseil de sécurité reconnaît implicitement la légalité de l’intervention en saluant la « célérité des forces françaises » et en soulignant que celle-ci est conduite « à la demande » des autorités maliennes. Depuis, que ce soit sur le plan juridique ou politique, la présence française a été constamment justifiée par cet argument, rappelé avec vigueur lors <a href="https://information.tv5monde.com/afrique/pau-emmanuel-macron-reunit-les-chefs-d-etat-du-g5-sahel-340941">du sommet du G5 Sahel</a> à Pau en 2020.</p>
<p>La France, pourtant active sur le dossier malien au sein du Conseil de sécurité, n’a pas voulu (ou n’a pas pu) faire adopter un mandat du Conseil de sécurité pour encadrer son intervention. Cela rompt avec la politique poursuivie depuis la fin des années 2000 en matière d’opérations extérieures, qui cherchait systématiquement <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9781315796307-18/french-military-intervention-mali-exactly-fran%C3%A7afrique-definitely-postcolonial-isaline-bergamaschi-mahamadou-diawara">l’obtention d’un mandat des Nations unies</a> pour renforcer le cadre légal et la légitimité de l’opération.</p>
<h2>La conclusion postérieure d’accords dits SOFA</h2>
<p>Le cadre juridique de l’intervention militaire française a depuis évolué et s’est fortement épaissi et complexifié, du fait des transformations du dispositif et de l’adoption de plusieurs accords relatifs au statut des forces armées.</p>
<p>Tout d’abord, un <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000027376103">accord sous forme d’échanges de lettres</a> est publié en avril 2013 pour fixer le « statut du détachement français dans le cadre de ses missions au Mali ».</p>
<p>Communément appelé SOFA (<em>Status of Forces Agreement</em>), ce type d’accord est courant et généralement conclu de manière bilatérale ou multilatéral afin de fixer le cadre juridique applicable à un détachement militaire présent à l’étranger : liberté de circulation, compétence juridictionnelle en cas de faute, dispositions en matière de douanes, taxes, etc. Ainsi, un SOFA n’a pas vocation à justifier la légalité d’une intervention militaire, mais plutôt à encadrer son déploiement. D’ailleurs, de nombreux SOFA sont conclus entre États sans existence d’intervention militaire.</p>
<p>Pourtant, l’accord conclu entre la France et le Mali en 2013 mentionne plusieurs aspects concernant la base légale de cette intervention, en rappelant l’existence des résolutions du Conseil de sécurité et en soulignant à nouveau « la demande expresse » du gouvernement malien. Là encore, cela rompt avec la <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/14/rapports/r3860.asp">pratique initiée après 2008 et la révision des accords de défense</a> avec les pays africains, où les SOFA sont systématiquement distingués des accords d’assistance militaire. Le <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/projets/pl3498-ai.pdf">nouveau traité de coopération</a> signé en 2014 entre la France et le Mali n’y changera rien. Bien que sa signature soit concomitante au lancement de l’opération Barkhane, il est sans préjudice de l’accord conclu en 2013, qui <a href="http://www.senat.fr/rap/l15-358/l15-3586.html">continue à s’appliquer</a> aux contingents de la nouvelle opération.</p>
<p>Ce choix de mêler justification légale de l’intervention et encadrement juridique des forces au Mali est d’autant plus surprenant que la même année, la France a signé deux accords distincts avec le Niger pour le déploiement de ses opérations, l’un relatif « au régime juridique de l’intervention », l’autre concernant le statut des forces.</p>
<h2>Takuba : un objet juridique non identifié</h2>
<p>Une nouvelle évolution intervient en 2020 avec la mise en œuvre du groupement de forces spéciales <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/06/11/takuba-l-embryon-d-une-force-europeenne_6083722_3212.html">Takuba</a>. Sans lien avec l’Union européenne, ce dispositif repose sur une structure juridique complexe, mêlant là aussi justification légale de l’intervention et statut des forces, accords bilatéraux et multilatéraux.</p>
<p>Tout d’abord, dans une lettre adressée le 27 novembre 2019 à plusieurs pays européens, Ibrahim Boubacar Keita, alors président, sollicite une « assistance militaire » au sein de la force Takuba, encore en gestation et dont l’existence sera officialisée quelques mois plus tard. En février 2020, la France soumet au Mali un projet de protocole additionnel à l’accord de 2013, qui prévoit l’application d’un SOFA type contenant les mêmes dispositions à l’ensemble des contingents européens déployés.</p>
<p>Entériné par un échange de lettres en mars 2020, ce protocole prévoit que chaque pays contributeur de Takuba doit conclure un accord spécifique avec le Mali et solliciter l’accord de la France pour intégrer la nouvelle force. Il fixe donc un cadre général, au sein duquel des relations bilatérales doivent être nouées entre le Mali et chaque État contributeur. La conclusion de ces accords bilatéraux est très simple sur la forme : un échange de lettres entre le pays contributeur et le Mali, contenant en annexe le SOFA, puis une notification à la partie française.</p>
<p>Ainsi, si Takuba est une opération présentée comme multilatérale, elle est juridiquement une juxtaposition de coopérations bilatérales, inscrites toutefois dans un cadre commun et homogène. La même année, un protocole similaire est signé avec le Niger. Toutefois, aucun accord bilatéral entre un pays contributeur de Takuba et le Niger n’a été publié à ce jour.</p>
<p>Le cadre juridique de Takuba est donc une réplique de celui adopté en 2013 pour Serval puis Barkhane. La légitimité de l’intervention des pays européens est alors fondée sur sa légalité, matérialisée par la demande de la partie malienne, qui est exprimée à travers la conclusion bilatérale d’un SOFA. Ce choix est aujourd’hui lourd de conséquences du fait des changements politiques ayant eu lieu au Mali, et des volontés de renégociations des accords.</p>
<hr>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-decision-de-la-france-de-retirer-ses-troupes-du-sahel-appelle-a-une-approche-moins-militaire-163874">La décision de la France de retirer ses troupes du Sahel appelle à une approche moins militaire</a>
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<p>Au-delà de ces aspects juridiques, la situation présente doit conduire à réfléchir à l’efficacité de ces dispositifs, plus de neuf ans après le début de l’intervention française. En s’attaquant à la base légale de la présence danoise, c’est la légitimité de l’ensemble de Takuba que le gouvernement malien <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/01/26/mali-la-task-force-takuba-victime-collaterale-de-la-defiance-de-la-junte-envers-la-france_6111057_3212.html">remet en cause</a>.</p>
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<p>Du fait de la structure juridique de ces accords, construits autour d’un texte unique mêlant demande d’assistance et statut des forces, la renégociation de termes et dispositions techniques est aujourd’hui impossible sans une nouvelle discussion sur la base légale des interventions et l’invitation de la partie malienne, sur lesquelles se fonde la légitimité des interventions européennes. Cette discussion, même sur des points très techniques, conduirait <em>in fine</em> le gouvernement de transition à confirmer ou à retirer clairement sa demande d’assistance, au-delà des postures et joutes verbales, forçant ainsi les pays contributeurs à en tirer les conséquences.</p>
<p>Enfin en cas de poursuite de la coopération militaire, toujours officiellement souhaitée par les différentes parties, une plus grande transparence sera nécessaire. En partie dévoilés par la brouille diplomatique avec le Danemark, ces accords étaient jusque-là réservés aux initiés et certains sont toujours confidentiels.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175869/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Antouly ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le Mali accueille sur son territoire plusieurs contingents de militaires étrangers. Après l’annonce du départ forcé des troupes danoises, le cadre juridique de ces interventions interroge.Julien Antouly, Doctorant en droit international (CEDIN) et Coordinateur de projets (LMI MaCoTer), Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1414292020-06-26T14:36:34Z2020-06-26T14:36:34ZLe Canada, un mauvais joueur sur la scène internationale<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/344162/original/file-20200625-33519-8fzio.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=36%2C0%2C6077%2C4069&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le nombre de membres des Forces canadiennes de maintien de la paix déployées dans le monde entier est à son niveau le plus bas. </span> <span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Lars Hagberg</span></span></figcaption></figure><p>Le gouvernement de Justin Trudeau est dans l’embarras suite à une <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/national/2020-06-17/le-canada-echoue-a-obtenir-un-siege-au-conseil-de-securite-de-l-onu">défaite dévastatrice</a> dans son effort pour tenter d’obtenir un siège au Conseil de sécurité des Nations unies.</p>
<p>Aussitôt qu’il a affirmé, en 2015, que le Canada était « de <a href="https://www.tvanouvelles.ca/2015/11/30/le-canada-est-de-retour-dit-trudeau">retour</a> », le premier ministre en a fait un engagement phare du succès de son mandat. En bout de course, la candidature du Canada sous Justin Trudeau a recueilli encore moins de votes que celle, également perdante, présentée par Stephen Harper en 2010.</p>
<p>Fait à noter : cette fois-ci, un phénomène sans précédent est survenu. La campagne du gouvernement a été confrontée à une autre, vigoureuse, contre sa candidature de la part de groupes de la société civile. Une centaine d’organismes, de même que plusieurs militants et militantes d’importance de la gauche, ont co-signé une <a href="https://www.foreignpolicy.ca/lettre">lettre ouverte</a> déposée contre la candidature canadienne.</p>
<p>Autrefois, ces voix auraient été de celles appuyant la candidature canadienne. Ce changement de cap signifie un revirement de grande portée. Le ministre des Affaires étrangères, François-Philippe Champagne, offre peu de réponses convaincantes aux critiques des secteurs les plus internationalistes de la société civile canadienne.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-conseil-de-securite-est-depasse-a-quand-une-reforme-en-profondeur-139356">Le Conseil de sécurité est dépassé. À quand une réforme en profondeur ?</a>
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<h2>Peu de Casques bleus en devoir</h2>
<p>Le Canada a l’habitude de gagner. Son autoportrait diplomatique le dépeint comme un pays gardien de la paix, un généreux donateur, une voix indépendante et responsable sur la scène mondiale. Le problème : vue de l’extérieur et d’une part de plus en plus importante d’acteurs clés au sein même du Canada, cette perception du pays est totalement fausse.</p>
<p>Les faits sont les suivants. Le Canada ne compte plus que <a href="https://peacekeeping.un.org/fr/troop-and-police-contributors">43 Casques bleus</a> au service de l’Organisation des Nations unies (ONU). L’Irlande, l’une des deux candidates gagnantes, en compte quant à elle 52.</p>
<p>De plus, le Canada consacre à peine 0,26 % de son revenu national brut au développement international, <a href="https://plus.lapresse.ca/screens/084408bf-1056-4cfe-abc0-5505e9bcfcd9__7C___0.html">loin derrière</a> la cible de 0,7 % telle que fixée par les Nations-Unies — il s’agit d’un recul important compte tenu de la longue histoire de <a href="https://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/livres/qui-aide-qui-1644.html">solidarité internationale québécoise</a> et <a href="https://thephilanthropist.ca/2015/05/decades-of-change-a-short-history-of-international-development-organizations-in-canada/">canadienne</a>. L’autre candidate gagnante, la <a href="https://www.cooperation.uqam.ca/IMG/pdf/2012-04_Norvege.pdf">Norvège</a>, est un <a href="http://monde68.brebeuf.qc.ca/2018/03/15/les-pays-nordiques-comme-etats-modeles-en-aide-internationale/">modèle international</a>, qui consacre plus de 1 % de son PIB au développement international.</p>
<h2>L’écart entre la parole et les actes</h2>
<p>De nos jours, le Canada est peu souvent sollicité comme médiateur. Il est plutôt fréquemment considéré comme <a href="https://www.sttp.ca/fr/le-sttp-condamne-l%E2%80%99appui-du-canada-au-coup-d%E2%80%99%C3%A9tat-au-venezuela-orchestr%C3%A9-par-les-%C3%A9tats-unis">partisan</a> de la politique étrangère américaine.</p>
<p>Un vaste fossé sépare la rhétorique canadienne des actions canadiennes. Prenons le cas de l’Arabie saoudite, à qui le Canada <a href="https://www.lapresse.ca/debats/editoriaux/2019-08-13/exportations-d-armes-vers-l-arabie-saoudite-un-silence-genant">fournit des armes</a> à grande échelle. En fait, le Canada aide et encourage la <a href="https://pulitzercenter.org/event/journalist-krithika-varagur-inside-global-saudi-religious-project">politique étrangère misogyne</a> de l’Arabie saoudite, tout en vantant sa propre « <a href="https://www.devp.org/fr/articles/le-gouvernement-trudeau-propose-une-vision-feministe-ambitieuse-de-la-politique-etrangere">politique étrangère féministe</a> ». Des slogans tels que « le monde a besoin du Canada » ne constituent en réalité jamais des arguments puissants.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/343298/original/file-20200622-55001-162eis5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/343298/original/file-20200622-55001-162eis5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/343298/original/file-20200622-55001-162eis5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/343298/original/file-20200622-55001-162eis5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/343298/original/file-20200622-55001-162eis5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/343298/original/file-20200622-55001-162eis5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/343298/original/file-20200622-55001-162eis5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’ambassadrice de Norvège auprès des Nations unies, Mona Juul, vote lors des élections pour un siège au Conseil de sécurité de l’ONU. La Norvège et l’Irlande ont battu le Canada.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Eskinder Debebe/ONU Photo via AP</span></span>
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<p>Le Canada a maintenant perdu trois campagnes incluant cette dernière pour le siège au Conseil de sécurité. En 1946, les dirigeants canadiens comptaient obtenir le siège réservé à un état membre du Commonwealth. Toutefois c’est l’Australie, reconnue comme voix forte au nom des petits pays, qui a remporté la victoire.</p>
<h2>Recherche d’une position mitoyenne</h2>
<p>Le Canada a occupé le siège du Commonwealth en 1948-1949. Au cours de ce premier mandat, le pays a surtout cherché à se positionner ni pour ni contre sur des questions clé, par exemple la lutte indonésienne pour l’indépendance. Dans ce cas, le Canada a rejeté la position adoptée par l’Australie, optant plutôt pour un <a href="https://www.researchgate.net/publication/304252780_Eyeing_the_Indies_Canadian_Relations_with_Indonesia_1945-1999">effort de réconcilier deux positions</a> : celle des États-Unis, en faveur de l’indépendance indonésienne, et celle des Pays-Bas qui visait à poursuivre sa domination coloniale.</p>
<p>Le Canada voulait en effet empêcher un conflit américano-néerlandais de se produire — et ce, parce que les dirigeants canadiens craignaient qu’une différence d’opinions prenne forme entre ses alliés, provoquant le déraillement de la naissance de l’OTAN en 1949. Le Canada a même tenté de bloquer la <a href="https://www.ledevoir.com/opinion/idees/543249/il-y-a-70-ans-la-declaration-universelle-des-droits-de-l-homme">Déclaration universelle des droits de l’homme</a> en 1948.</p>
<p>Bref, le Canada s’est comporté pendant ce mandat, et au cours des <a href="https://books.google.ca/books/about/Canada_on_the_United_Nations_Security_Co.html?id=_khKxAEACAAJ&redir_esc=y">mandats qui ont suivi</a>, comme allié plutôt que comme défenseur de la paix et du développement.</p>
<h2>Traité sur les mines antipersonnel</h2>
<p>La fin de la guerre froide a fourni au Canada la latitude nécessaire lui permettant d’adopter une position plus indépendante. Lors d’une consultation nationale en 1995, il est devenu apparent que de nombreux groupes de la société civile souhaitaient une politique étrangère axée sur les droits de la personne.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/343301/original/file-20200622-54997-b0370h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/343301/original/file-20200622-54997-b0370h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/343301/original/file-20200622-54997-b0370h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/343301/original/file-20200622-54997-b0370h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/343301/original/file-20200622-54997-b0370h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/343301/original/file-20200622-54997-b0370h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/343301/original/file-20200622-54997-b0370h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le ministre canadien des Affaires étrangères, François-Philippe Champagne, a dirigé la campagne infructueuse du Canada pour obtenir un siège au Conseil de sécurité des Nations unies.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Adrian Wyld</span></span>
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<p>Sous la direction du ministre des Affaires étrangères Lloyd Axworthy, le Canada a occupé un siège au Conseil de sécurité en 1999-2000. Il en a profité pour faire la promotion d’une politique qu’il a appelée la « <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/ei/2000-v31-n4-ei3083/704224ar.pdf">sécurité humaine</a> ». Axworthy s’est montré disposé à s’écarter quelque peu de la politique étrangère américaine et à s’allier avec certaines voix provenant de la société civile. Il a participé à la conclusion d’un <a href="https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/convention-dottawa">traité visant à interdire les mines</a> antipersonnel, à aider des pays comme le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelles/dossiers/timor/timor.htm">Timor-Leste</a> à sortir de la domination coloniale et à la <a href="https://notesdelacolline.ca/2018/12/18/vingt-ans-plus-tard-le-statut-de-rome-de-la-cour-penale-internationale/">naissance de la Cour pénale internationale</a> (CPI).</p>
<p>Ces politiques sont disparues par la suite, principalement sous la gouverne de Stephen Harper. Peut-être encore plus surprenant, elles n’ont pas fait « de retour » sous Justin Trudeau. Le ton a changé, bien sûr, mais les <a href="https://www.ledevoir.com/politique/canada/561337/blindes-vendus-a-l-arabie-saoudite">politiques de Harper continuent</a> en grande partie.</p>
<p>La leçon que le Canada devrait tirer de son dernier mandat sur le Conseil de sécurité est à l’effet qu’il est plus efficace lorsqu’il forge des liens avec la société civile. Vingt ans plus tard, le fossé entre la rhétorique et les actions est plus vaste que jamais. Il devient apparent que de nombreuses voix de la société civile se soient positionnées contre la politique canadienne actuelle à l’échelle mondiale.</p>
<p>Tout comme l’écart rhétorique continue de se creuser, un écart a pris forme entre « l’<em>establishment</em> » des affaires mondiales du Canada et les groupes internationalistes de la société civile canadienne. Cet écart se creuse, lui aussi. Au moment où le gouvernement est à reconsidérer sa politique étrangère, il devrait se pencher sur pourquoi et comment il a perdu la confiance d’une grande partie de la société civile canadienne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141429/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Webster receives funding from le Conseil de recherches en sciences humaines</span></em></p>Le Canada se décrit comme un pays gardien de la paix, généreux donateur, voix indépendante et responsable sur la scène mondiale. Le problème : vu de l’extérieur, cette perception est fausse.David Webster, Associate Professor of History / Professeur Agrégé, Département d’Histoire, Bishop's UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1393562020-06-18T14:33:13Z2020-06-18T14:33:13ZLe Conseil de sécurité est dépassé. À quand une réforme en profondeur ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/342742/original/file-20200618-41209-1au1a20.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Conseil de sécurité se réunit sur la situation en Syrie, le 24 octobre 2019 au siège des Nations Unies. Sur cette question, comme sur bien d'autres, la paralysie du Conseil de sécurité a des conséquences tragiques.</span> <span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/AP, Mary Altaffer</span></span></figcaption></figure><p>Hier se tenait le vote au Conseil de sécurité de l’ONU. Malheureusement pour le Canada, les membres de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies ont choisi la Norvège (130 votes) et l’Irlande (128 votes).</p>
<p>Avec 108 votes en sa faveur, le message devrait être clair pour le Canada : il pourrait et devrait en faire plus. Mais au-delà de cette déception, l’ensemble du système de sécurité collective se doit sans doute d’être repensé, en commençant par le Conseil de sécurité.</p>
<p>Créée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il y aura soixante-quinze ans le 24 octobre 1945, l’ONU a comme but premier de maintenir la paix et la sécurité internationales. Afin d’assurer une « <a href="https://www.un.org/fr/sections/un-charter/chapter-v/index.html">action rapide et efficace</a> » en la matière, les États signataires de la Charte ont mis en place un organe central, le Conseil de sécurité, dont c’était la responsabilité principale.</p>
<p>Le Conseil de sécurité était à l’origine conçu sur une logique de responsabilité et de capacité plutôt que sur un principe de représentativité. Il était composé de cinq membres permanents, les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni et Russie), et de six membres non permanents élus par l’Assemblée générale pour des mandats de deux ans.</p>
<p>Soixante-quinze ans plus tard, le Conseil de sécurité est-il toujours pertinent dans sa forme actuelle ? Comment parvenir à le transformer en profondeur afin qu’il puisse véritablement assumer son rôle ? En tant qu’observateur de la scène internationale et onusienne, et attentif aux enjeux de gouvernance et de sécurité internationales, je ne suis guère optimiste. Mes travaux sur le <a href="https://www.pulaval.com/produit/lester-b-pearson-le-realisme-eclaire">réalisme éclairé</a> qui animait les efforts diplomatiques de Lester B. Pearson viennent accentuer ce sentiment que le monde a profondément changé et que le Conseil de sécurité apparaît, crise après crise, de moins en moins adapté à la situation.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/342747/original/file-20200618-41226-mqanac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/342747/original/file-20200618-41226-mqanac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/342747/original/file-20200618-41226-mqanac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/342747/original/file-20200618-41226-mqanac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/342747/original/file-20200618-41226-mqanac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/342747/original/file-20200618-41226-mqanac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/342747/original/file-20200618-41226-mqanac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le ministre des Affaires étrangères François-Philippe Champagne répond à une question lors d’une conférence de presse à Ottawa, le 2 avril. Il s’est rendu à New York afin de faire campagne pour que le Canada obtienne un siège au Conseil de sécurité des Nations unies.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Adrian Wyld</span></span>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-canada-a-peu-de-chance-detre-elu-au-conseil-de-securite-de-lonu-131881">Le Canada a peu de chance d’être élu au Conseil de sécurité de l’ONU</a>
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<h2>Assurer une meilleure représentativité</h2>
<p>Alors que le nombre d’États membres de l’Organisation passe de <a href="https://www.un.org/fr/sections/member-states/growth-united-nations-membership-1945-present/index.html">51 en 1945 à 99 en 1960</a>, de longues tractations permettent finalement de faire passer le nombre de membres non permanents de six à dix et de répartir ces membres en fonction d’une logique géographique. Mais le ton était déjà donné : si la <a href="https://www.undocs.org/fr/A/RES/1991(XVIII)">résolution</a> est adoptée à l’Assemblée générale par 96 voix pour, plusieurs pays sont contre (notamment celles de la France et de l’Union soviétique) ou s’abstiennent (les États-Unis et le Royaume-Uni).</p>
<p>L’Organisation compte aujourd’hui 193 États membres et l’évolution du système international met clairement en évidence la nécessité d’une meilleure représentativité. Les cinq membres permanents représentaient en 1945 plus de 50 % de la population mondiale, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_par_population">mais ils en représentent 26 % aujourd’hui, dont plus des deux-tiers pour la seule Chine</a>. Sans ce pays, les quatre autres États membres permanents représentent tout juste 7,8 % de la population mondiale.</p>
<p>Qui plus est, la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Groupes_r%C3%A9gionaux_des_Nations_unies">répartition géographique</a> adoptée au début des années 1960 donne aujourd’hui aux 52 États membres des Groupes d’Europe occidentale, d’Europe orientale (plus Australie, Canada, États-Unis, Israël, Nouvelle-Zélande et Turquie) qui représentent environ 17,1 % de la population mondiale, 47 % des sièges ; aux 53 États du Groupe d’Asie-Pacifique qui représentent 58,6 % de la population mondiale, 20 % des sièges ; aux 54 États du Groupe africain qui représentent 15,8 % de la population mondiale, 20 % des sièges ; et aux 33 États du Groupe latino-américains et caraïbes qui représentent 8,5 % de la population mondiale, 13 % des sièges.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/342745/original/file-20200618-41200-11zk46e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/342745/original/file-20200618-41200-11zk46e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/342745/original/file-20200618-41200-11zk46e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/342745/original/file-20200618-41200-11zk46e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/342745/original/file-20200618-41200-11zk46e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/342745/original/file-20200618-41200-11zk46e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/342745/original/file-20200618-41200-11zk46e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’ambassadrice de Norvège aux Nations unies, Mona Juul, vote lors des élections à l’ONU, mercredi 17 juin 2020, au siège de l’ONU à New York. La Norvège et l’Irlande ont remporté les sièges contestés au sein du puissant Conseil de sécurité de l’ONU mercredi.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Eskinder Debebe/UN Photo via AP</span></span>
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<p>Cette question d’une meilleure représentativité est, sans grande surprise, au cœur des débats que soulève depuis la réforme du Conseil de sécurité. C’est à l’occasion d’une autre importante augmentation du nombre de membres (159 membres en 1990, 184 en 1993), que ces débats sont relancés. 30 ans plus tard, le consensus sur un modèle de réforme n’est toujours pas en vue.</p>
<h2>Des propositions de réforme</h2>
<p>Plusieurs propositions sont sur la table. La plus significative est celle avancée par le Groupe des quatre (Allemagne, Brésil, Inde et Japon). Les membres de ce Groupe souhaitent élargir la composition du Conseil afin de pouvoir eux-mêmes, ainsi que deux États du Groupe africain, dont l’Afrique du Sud, accéder à un siège permanent disposant des mêmes privilèges que ceux des membres actuels. Le nombre de sièges non permanents serait également augmenté jusqu’à 14 pour un Conseil composé de 25 membres.</p>
<p>En contre-réaction à cette proposition, celle des membres du <a href="https://news.un.org/fr/story/2005/07/76882">Groupe « Uni pour le consensus » (anciennement <em>Coffee club</em>)</a>, créé au milieu des années 1990, privilégie plutôt un simple élargissement du nombre de sièges occupés par les membres non permanents qui passeraient de 10 à 20. Les membres de ce groupe – auquel sont entre autres aujourd’hui associés le Canada, l’Espagne, l’Italie, l’Argentine, le Pakistan, le Mexique, la Nouvelle-Zélande et la Suède – jonglent aussi avec l’idée d’imaginer une nouvelle catégorie de membres semi-permanents et de limiter, en fonction des dossiers traités, le droit de veto des membres permanents.</p>
<p>En 2004, le <a href="https://www.un.org/en/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/59/565&Lang=F">rapport</a> du Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement créé par le Secrétaire général présentait deux possibilités de réforme dans la composition du Conseil de sécurité. La première (Formule A), proposait la création de six sièges permanents sans droit de veto et trois nouveaux sièges non permanents avec mandat de deux ans, répartis entre les régions afin que chacune dispose de six sièges au Conseil, dont deux à l’Afrique, trois à l’Asie-Pacifique (dont celui de la Chine), quatre à l’Europe (dont ceux de la France, du Royaume-Uni et de la Russie) et deux à l’Amérique (dont celui des États-Unis).</p>
<p>La seconde (Formule B) verrait la création d’une nouvelle catégorie de membres non permanents avec mandat renouvelable de quatre ans cette fois. Deux sièges seraient ainsi attribués à chacune des quatre régions et un nouveau siège non permanent avec mandat de deux ans serait aussi créé. Chacune des quatre régions disposerait ainsi de six voix dans un Conseil composé de 24 membres.</p>
<p>Enfin, anticipant un élargissement du Conseil et réclamant d’être « pleinement représentée », la proposition commune de l’Afrique s’appuie sur « <a href="https://www.un.org/fr/africa/osaa/pdf/au/cap_screform_2005f.pdf">Le consensus d’Ezulwini</a> » adopté par l’Union africaine en 2005 qui demande « au moins deux sièges permanents » avec droit de veto (du moins « tant qu’il existera ») et cinq sièges non permanents.</p>
<h2>Loin de l’unanimité</h2>
<p>Toutes ces propositions laissent entrevoir qu’un consensus existe bel et bien au sein des États membres sur la nécessité d’une réforme du Conseil de sécurité. Toutefois, les débats et résistances qu’elles soulèvent font qu’un consensus n’existe toutefois pas quant à nature de cette réforme et, surtout, quant à la forme qu’elle pourrait plus concrètement prendre.</p>
<p>Aucune des propositions n’obtient l’appui unanime des membres permanents et ne serait à même de recueillir l’appui des deux tiers des États membres.</p>
<p>Entre temps, l’impasse contribue à affaiblir l’autorité, la légitimité et l’efficacité du Conseil dont la paralysie entraîne parfois des conséquences tragiques, en Syrie par exemple. Ou encore, dans le cas de la pandémie de la Covid-19 : les membres du Conseil ne sont pas parvenus à s’entendre sur une résolution puisque la Chine et les États-Unis n'étaient pas d'accord sur la question de l’Organisation mondiale de la santé.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est republié dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139356/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-François Thibault ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Créé il y a 75 ans, le Conseil de sécurité des Nations unies a besoin d’une refonte en profondeur afin d’assumer son rôle de maintenir la paix et la sécurité mondiale.Jean-François Thibault, Professeur en relations internationales, École des hautes études publiques, Université de MonctonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1318812020-05-21T13:56:24Z2020-05-21T13:56:24ZLe Canada a peu de chance d’être élu au Conseil de sécurité de l’ONU<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/336549/original/file-20200520-152338-a7vl8o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Premier ministre Justin Trudeau tient une conférence de presse de clôture à la suite de la Conférence de Munich sur la sécurité, le 14 février. Il tentait d'y obtenir des appuis en vue de la candidature du Canada au Conseil de sécurité des Nations unies. Obtenir ce siège ne sera pas chose facile.</span> <span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Sean Kilpatrick</span></span></figcaption></figure><p>À quelques semaines du vote qui se tiendra à New York le 8 juin prochain, tout laisse penser que malgré les efforts de dernière minute, le Canada a peu de chance d’être élu au Conseil de sécurité de l’ONU.</p>
<p>Outre les embûches au niveau international, le premier ministre Justin Trudeau, qui en est le principal promoteur <a href="https://www.journaldemontreal.com/2020/02/06/conseil-de-securite-de-lonu-trudeau-tentera-de-mousser-la-candidature-du-canada">et fait campagne depuis plusieurs mois</a>, vient de subir un revers au Canada : une <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1704308/canada-merite-pas-siege-conseil-securite-onu-trudeau-petition-khadir-suzuki">pétition signée par près de 150 personnes et organisations</a>, dont Amir Khadir, David Suzuki,l’ex-député fédéral Romeo Saganash et la Confédération des syndicats nationaux (CSN), invite les Nations unies à ne pas accorder au Canada ce siège convoité. « Malgré sa réputation pacifique, le Canada n’agit pas comme un acteur international bienveillant », écrivent les signataires au début de la pétition mise en ligne par le Canadian Foreign Policy Institute.</p>
<h2>Une annonce surprenante</h2>
<p>En mars 2016, quelques mois après avoir remporté les élections, le <a href="https://www.macleans.ca/politics/ottawa/justin-trudeau-announces-canadian-bid-for-seat-on-uns-security-council/">premier ministre Justin Trudeau annonçait</a> en grande pompe que le Canada sollicitait un siège comme membre non permanent au Conseil de sécurité des Nations unies pour un mandat de deux ans (2021-2022).</p>
<p>L’annonce pouvait surprendre, malgré le fait que le Parti libéral ait fait grand cas de l’humiliant échec subit en 2010 alors que, sous la houlette du gouvernement conservateur de Stephen Harper, le Canada tentait d’obtenir un siège.</p>
<p>Après tout, aucune mention n’avait été faite durant la campagne électorale de 2015 et la lettre de mandat du ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, n’évoquait pas non plus cet objectif. Plusieurs États du groupe régional informel, dont le Canada est membre, avaient déjà annoncé, depuis plusieurs années d’ailleurs, leur intention de solliciter un siège : l’Irlande, la Norvège et le micro-État de Saint-Marin. Alors que ce dernier retirait sa candidature au profit du Canada dès le lendemain, l’annonce par le premier ministre pouvait paraître comme une tentative un peu lourde de forcer le jeu et de demander un siège comme si celui-ci revenait d’office à un État dont la réputation était positive.</p>
<p>Cette annonce de la part du gouvernement canadien apparaissait d’autant plus surprenante que tant l’Irlande que la Norvège bénéficiaient d’une excellente réputation sur la scène internationale et avaient annoncé depuis plusieurs années déjà leur intention de solliciter ces sièges. Ayant l’expérience du Conseil de sécurité pour y avoir déjà siégé à trois reprises dans le cas de l’Irlande et à quatre reprises pour la Norvège, l’un et l’autre présentent également une feuille de route plus convaincante que le Canada dans deux dossiers importants : l’aide au développement et le maintien de la paix.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/336711/original/file-20200521-102678-54vvqo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/336711/original/file-20200521-102678-54vvqo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/336711/original/file-20200521-102678-54vvqo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/336711/original/file-20200521-102678-54vvqo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/336711/original/file-20200521-102678-54vvqo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/336711/original/file-20200521-102678-54vvqo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/336711/original/file-20200521-102678-54vvqo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La salle du Conseil de sécurité au siège de l’Organisation des Nations unies, à New York.</span>
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<h2>Une belle image mais peu d’actions</h2>
<p>En matière d’aide au développement, le <a href="https://www2.compareyourcountry.org/aid-statistics?cr=oecd&lg=en">Canada fait toujours piètre figure</a> parmi la trentaine d’États les plus riches en consacrant 0,26 % de son revenu national brut (RNB). L’objectif fixé par les Nations unies est de 0,7 %. De son côté, l’Irlande consacre déjà 0,35 % de son RNB à cet effort et <a href="https://www.irishaid.ie/media/irishaid/aboutus/abetterworldirelandspolicyforinternationaldevelopment/A-Better-World-Irelands-Policy-for-International-Development.pdf">s’est engagée</a> à l’augmenter à 0,7 % d’ici 2030. La Norvège y consacre quant à elle quatre fois plus de ressources que le Canada avec une contribution qui atteint 1,1 % de son RNB.</p>
<p>En matière de maintien de la paix, le Canada est également bien loin de <a href="https://www.cbc.ca/news/politics/trudeau-united-nations-wherry-1.3494541">l’image qu’il aime projeter</a> et des <a href="http://lautjournal.info/20190828/trudeau-et-les-casques-bleus">engagements qu’il fait</a> avec un faible <a href="https://peacekeeping.un.org/en/troop-and-police-contributors">45 soldats ou policiers actuellement déployés</a>. Le retrait canadien de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) à l’été 2019 n’a guère contribué à cette image et a certainement déçu ceux qui ont cru à « ce retour » du Canada.</p>
<p>En fait, les actions du Canada sur la scène internationale ne correspondent guère à cette image et à la rhétorique d’une nation <a href="https://d3n8a8pro7vhmx.cloudfront.net/cdfai/pages/4347/attachments/original/1578949270/Prime_Minister_Justin_Trudeau_A_Foreign_Policy_Assessment_2015-2019.pdf">« compatissante et constructive »</a> que le gouvernement libéral cherche à projeter depuis 2015. En fait, à certains égards, la contribution du gouvernement de Justin Trudeau est même en deçà de celle du gouvernement de Stephen Harper.</p>
<p>Le Canada s’est d’ailleurs fait rappeler à l’ordre par l’<a href="http://www.oecd.org/fr/canada/le-canada-doit-accroitre-ses-apports-d-aide-exterieure-en-coherence-avec-son-engagement-renouvele.htm">Organisation de coopération et de développement économiques</a> (OCDE) qui notait à l’automne 2018 une diminution de l’aide au développement « malgré une croissance économique vigoureuse ».</p>
<h2>Une arène éminemment politisée</h2>
<p>À quelques semaines du vote qui se tiendra à New York, tout laisse penser que malgré ses efforts de dernière minute <a href="https://www.cbc.ca/radio/frontburner/trudeau-s-un-charm-offensive-in-africa-1.5460235">sur le continent africain</a> ou au sein du <a href="https://www.cbc.ca/news/politics/un-palestinian-vote-canada-israel-us-1.5365637">monde arabe</a>, le Canada a cette fois encore assez peu de chance de parvenir à ses fins. Il devra pour ce faire convaincre 129 États parmi les 33 votes de l’Amérique latine et des Caraïbes, les 54 votes de l’Afrique, les 53 votes de l’Asie et du Pacifique, les 23 votes de l’Europe de l’Est et les 28 votes de son propre groupe formé par les États d’Europe occidentale et quelques autres pays similaires.</p>
<p>Ces votes seront d’autant plus difficiles à obtenir que le Canada entretient, pour diverses raisons, des relations passablement tendues avec trois États membres permanents du Conseil de sécurité, les États-Unis, la Chine et la Russie. S’il ne s’agit là que de trois votes sur les 129 qui sont nécessaires, ceux-ci pourraient toutefois jouer de leur influence pour contrer la candidature du Canada. Cela, dans une arène éminemment politisée où les promesses de votes sont fréquemment rompues, notamment à l’occasion d’un second tour de scrutin, et où la logique du donnant-donnant est fondamentale.</p>
<p>Tout bien considéré, et alors que la pandémie de Covid-19 a considérablement ralenti les efforts et diminué leur efficacité, le Canada a peu de chance d’obtenir un siège.</p>
<p>Si c’est un échec — le deuxième consécutif et le troisième dans l’histoire — le Canada se trouvera dans une situation certainement très embarrassante et il devra prendre toute la mesure et <a href="https://www.international.gc.ca/campaign-campagne/unsc-csnu/index.aspx?lang=fra">honorer les engagements</a> qu’il prend. Si, contre toute attente, le Canada obtient l’un de ces deux sièges, il aura à naviguer en eaux très troubles en s’assurant, espérons-le, de ne pas perdre de vue les objectifs qui étaient les siens.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/131881/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-François Thibault ne travaille pas, ne conseille pas et ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son poste universitaire.</span></em></p>Malgré les efforts de dernière minute de Justin Trudeau, le Canada pourrait subir un deuxième échec consécutif – et le troisième de son histoire – dans l’obtention d’un siège au Conseil de sécurité.Jean-François Thibault, Professeur en relations internationales, école des hautes études publiques, Université de MonctonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1310922020-02-05T17:27:43Z2020-02-05T17:27:43ZConflit israélo-palestinien : le cavalier seul de Donald Trump<p>Annoncé peu après l’entrée en fonctions de Donald Trump en 2017, l’<a href="https://www.whitehouse.gov/peacetoprosperity/">« Accord du siècle »</a> (appelé « la Vision » dans sa version officielle) supposé mettre fin au conflit israélo-palestinien a été rendu public ce 28 janvier.</p>
<p>Les États-Unis avaient déjà adopté une série de décisions et mesures – <a href="https://www.whitehouse.gov/briefings-statements/statement-president-trump-jerusalem/">reconnaissance de Jérusalem</a> comme capitale indivisible de l’État d’Israël, <a href="https://apnews.com/7b65dce9c2be482bb8873bb54f3e8592/Palestinians-say-informed-US-shutting-PLO-delegation-office">fermeture des locaux de la délégation palestinienne à Washington</a>, cessation du <a href="https://www.state.gov/on-u-s-assistance-to-unrwa/">financement de l’UNRWA (agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens)</a> et, dernièrement, <a href="https://www.state.gov/secretary-michael-r-pompeo-remarks-to-the-press/">reconnaissance de la légalité des colonies israéliennes installées en territoire palestinien</a> – qui laissaient entendre que la conception des paramètres d’une solution de règlement épouserait très largement les positions israéliennes.</p>
<p>La lecture attentive du « Plan » dans tous ses aspects ne fait que conforter ce pressentiment. Les propositions que contient le texte appuient les principales revendications du gouvernement Nétanyahou, en mettant de côté les droits internationalement reconnus du peuple palestinien. Cela se vérifie dans la manière dont y sont réglés les principaux points de litige : la détermination des frontières, le statut de Jérusalem, les contours d’un État de Palestine à créer et la question des réfugiés palestiniens.</p>
<h2>Une « solution » qui ne se préoccupe guère du droit international</h2>
<p>D’emblée, le « Plan » postule la mise à l’écart de l’ensemble du droit international, tel qu’il découle notamment des résolutions de l’ONU, comme point de référence pour établir les contours de la solution au conflit israélo-palestinien.</p>
<p>Il est ainsi affirmé que les « résolutions des Nations unies sont parfois incohérentes », « n’ont pas apporté la paix » et font même l’objet d’« interprétations contradictoires […], notamment la résolution 242 du Conseil de sécurité ». En conséquence, le « Plan » annonce qu’il ne consistera pas en « une énumération des résolutions de l’Assemblée générale, du Conseil de sécurité et d’autres résolutions internationales sur ce sujet, car ces résolutions n’ont pas permis et ne permettront pas de résoudre le conflit ».</p>
<p>Et en effet, à une rare exception, la suite du texte ne mentionnera plus les résolutions de l’ONU pour fonder ou expliquer les solutions proposées. Pourtant, et contrairement à ce que prétend le « Plan », les résolutions de l’ONU énoncent bien l’ensemble des principes qui permettent de guider la résolution du conflit israélo-palestinien : droit à l’autodétermination du peuple palestinien (résolution <a href="https://undocs.org/fr/A/RES/74/139">74/139</a> du 18 décembre 2019) ; obligation de retrait par Israël des territoires occupés au cours de la guerre de juin 1967 (résolutions <a href="https://undocs.org/fr/S/RES/242">242</a> (1967) et <a href="https://undocs.org/fr/S/RES/338">338</a> (1973) du Conseil de sécurité) ; désignation de Gaza, de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est comme « territoires palestiniens occupés » (résolution <a href="https://undocs.org/fr/S/RES/478">478</a> (1980) du Conseil de sécurité) ; illégalité des colonies israéliennes (résolutions <a href="https://undocs.org/fr/S/RES/446">446</a> (1979) et <a href="https://undocs.org/fr/S/RES/2334">2334</a> (2016) du Conseil de sécurité) ; illégalité de l’annexion de Jérusalem-Est (résolution <a href="http://unscr.com/en/resolutions/478">478</a> (1980) ; droit au retour des réfugiés palestiniens dans leur foyer ou droit à une juste indemnité (résolution <a href="https://undocs.org/fr/A/RES/194(III)">194</a> de l’Assemblée générale (1948)).</p>
<p>Le « Plan » n’applique, ni même ne mentionne, aucun de ces principes, et en prend généralement le contre-pied pour définir les critères de solution des principaux points de litige, en s’appuyant sur deux éléments qui seront prépondérants : la sécurité d’Israël et la reconnaissance de ses « revendications juridiques et historiques légitimes ».</p>
<h2>La fixation des frontières : validation de l’annexion et de la colonisation</h2>
<p>La question territoriale et la fixation des frontières entre l’État d’Israël et un État de Palestine est un aspect fondamental du conflit. Depuis 1967 et la conquête de Gaza, de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, Israël a mené une politique d’annexion (de jure ou de facto), se traduisant par la colonisation et le morcellement du territoire palestinien – politiques déclarées illégales par de nombreuses résolutions des Nations unies, la dernière en date étant la résolution 2334 adoptée par le Conseil de sécurité en décembre 2016.</p>
<p>Le « Plan » prévoit l’annexion par Israël d’environ 30 % de la Cisjordanie, comprenant la quasi-totalité des colonies existantes et une grande partie de la vallée du Jourdain. L’octroi de ces territoires est justifié par le fait qu’ils feraient partie de la « la patrie ancestrale du peuple juif », tout en étant « essentiels pour la sécurité nationale d’Israël ». À titre compensatoire, l’État de Palestine se voit pour sa part allouer des zones actuellement situées en Israël, au sud de la Cisjordanie et à l’ouest du désert du Neguev, dont la nature est très éloignée de la fertilité propre à la Vallée du Jourdain (voir la carte indiquant les annexions réciproques ci-dessous).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/313695/original/file-20200205-149738-15mencc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/313695/original/file-20200205-149738-15mencc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=579&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/313695/original/file-20200205-149738-15mencc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=579&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/313695/original/file-20200205-149738-15mencc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=579&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/313695/original/file-20200205-149738-15mencc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=727&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/313695/original/file-20200205-149738-15mencc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=727&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/313695/original/file-20200205-149738-15mencc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=727&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Haaretz</span></span>
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<p>Au final, au vu des cartes annexées au « Plan » (voir cartes ci-dessous), la Cisjordanie apparaîtrait comme un ensemble d’îlots fragmentés, entourés d’enclaves israéliennes constituées par les colonies, reliés entre eux par un système routier très complexe, soumis à la responsabilité sécuritaire d’Israël. De plus, la Cisjordanie serait elle-même enclavée en territoire israélien, sans contiguïté avec la frontière jordanienne, ni accès aux eaux du Jourdain et de la mer Morte. Le « Plan » a donc pour effet de valider l’ensemble des colonies israéliennes, en ignorant totalement leur caractère illégal au regard du droit international.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/313696/original/file-20200205-149796-6z1b12.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/313696/original/file-20200205-149796-6z1b12.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=976&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/313696/original/file-20200205-149796-6z1b12.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=976&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/313696/original/file-20200205-149796-6z1b12.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=976&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/313696/original/file-20200205-149796-6z1b12.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1227&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/313696/original/file-20200205-149796-6z1b12.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1227&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/313696/original/file-20200205-149796-6z1b12.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1227&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Whitehouse.gov</span></span>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/313697/original/file-20200205-149802-1g52zyn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/313697/original/file-20200205-149802-1g52zyn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=986&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/313697/original/file-20200205-149802-1g52zyn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=986&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/313697/original/file-20200205-149802-1g52zyn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=986&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/313697/original/file-20200205-149802-1g52zyn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1239&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/313697/original/file-20200205-149802-1g52zyn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1239&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/313697/original/file-20200205-149802-1g52zyn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1239&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="source">Whitehouse.gov</span></span>
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<h2>Le statut de Jérusalem : confirmation de l’annexion israélienne</h2>
<p>Dans la continuité des positions récentes adoptées par l’administration Trump, le « Plan » confirme que Jérusalem demeure la capitale indivisible de l’État d’Israël. Par un jeu sémantique, le « Plan » annonce que la capitale de l’État palestinien sera également située à Jérusalem, mais elle ne comprendrait en réalité que quelques quartiers et villages arabes déjà séparés de la ville par le Mur construit par Israël, et la petite ville périphérique d’Abou Dis : « La capitale de l’État de Palestine devrait se trouver dans la partie de Jérusalem-Est située dans toutes les zones à l’est et au nord de la barrière de sécurité existante, y compris Kafr Aqab, la partie orientale de Chouafat et Abou Dis, et pourrait être appelée Al Quds ou un autre nom déterminé par l’État de Palestine ».</p>
<p>Il s’agit là à nouveau du rejet total de l’une des revendications fondamentales des Palestiniens, inhérentes à leurs revendications nationales, et de la confirmation de l’annexion israélienne, pourtant condamnée par plusieurs résolutions des Nations unies qui l’ont déclarée « nulle et non avenue » et qui ont qualifié Jérusalem-Est de « territoire palestinien » (résolution <a href="https://undocs.org/fr/S/RES/476">476</a> du Conseil de sécurité (1980)).</p>
<h2>La création d’un État de Palestine vide de toute souveraineté effective</h2>
<p>L’apport supposé le plus favorable aux Palestiniens, et la principale concession israélienne, est la création d’un État palestinien traduisant « le désir légitime de se gouverner et de tracer son propre destin ». À l’analyse, il s’avère que l’entité palestinienne envisagée par le « Plan » voit ses pouvoirs tellement limités qu’elle peut difficilement être considérée comme possédant les attributs classiquement associés au concept d’État souverain, comme l’illustrent différents éléments.</p>
<p>C’est Israël qui disposera des prérogatives prépondérantes pour toutes les questions de sécurité en territoire palestinien. À cette fin, il exercera le contrôle opérationnel de tout l’espace aérien de la Palestine, détiendra la souveraineté sur les eaux territoriales palestiniennes, assurera les compétences sécuritaires sur les routes reliant les différentes enclaves, pourra faire usage de drones et d’autres équipements aériens. Israël maintiendra également son contrôle sur toutes les entrées de personnes et de biens en territoire palestinien, que ce soit à la frontière jordanienne ou égyptienne.</p>
<p>Toutes ces limitations, auxquelles il faut ajouter le fait que l’État de Palestine ne pourrait voir le jour qu’après avoir rempli de nombreuses conditions préalables, montrent à quel point la création promise d’une nouvelle entité souveraine se révèle purement théorique.</p>
<h2>La question des réfugiés palestiniens : rejet du droit au retour et du droit à indemnisation</h2>
<p>L’un des autres aspects centraux du conflit israélo-palestinien est la question des réfugiés palestiniens, qui ont dû fuir leur foyer à la suite de la guerre de 1948 ou de celle de 1967. Ils sont aujourd’hui plusieurs millions, disséminés un peu partout dans le monde, en particulier dans les États arabes, en Cisjordanie et à Gaza. La résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations unies, adoptée en 1948 et réaffirmée de nombreuses fois, à énoncé un droit au retour en décidant qu’« il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins », et que « des indemnités doivent être payées à titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans leurs foyers ».</p>
<p>Le « Plan » annonce qu’« il n’y aura pas de droit de retour ni d’absorption d’un seul réfugié palestinien dans l’État d’Israël ». Trois options sont alors avancées : l’absorption dans l’État palestinien, l’intégration dans les pays d’accueil actuels, ou enfin l’installation dans l’un des pays membres de l’Organisation de la coopération islamique. Il faut relever que le retour des réfugiés en territoire palestinien serait néanmoins soumis à de sérieuses restrictions, sujettes à l’appréciation d’Israël, « de sorte que le taux d’entrée ne dépasse pas ou ne submerge pas le développement des infrastructures et de l’économie de l’État de Palestine, ni n’augmente les risques pour la sécurité de l’État d’Israël ». En ce qui concerne la question des compensations pour les biens perdus suite à l’exode palestinien, aucun droit n’est formellement reconnu, seule la création d’un fonds étant envisagée, selon des modalités très vagues.</p>
<h2>Rejet palestinien, satisfaction du gouvernement israélien</h2>
<p>Force est de constater que le « Plan » publié par Donald Trump consiste principalement en une validation des politiques d’occupation et de colonisation menées par Israël sur le terrain, considérées comme illégales par de multiples résolutions des Nations unies et par l’écrasante majorité des États.</p>
<p>En réalité, il s’agit d’une perpétuation de l’occupation et du système d’autonomie limitée d’Oslo sous un autre nom, Israël conservant entre ses mains les éléments prépondérants de l’administration des territoires palestiniens et de la population y résidant. L’État de Palestine qui serait créé serait largement fictif, sans contrôle de ses frontières, sa sécurité, sa population, avec une assise territoriale complètement fragmentée et diminuée, perdant Jérusalem-Est et la vallée du Jourdain.</p>
<p>Le « Plan » n’a évidemment aucune chance d’être accepté ou même discuté par les Palestiniens, tant il constitue la négation de leurs droits. Il n’en a pas moins été compris par le gouvernement israélien comme un feu vert donné à la formalisation rapide de l’annexion unilatérale de la vallée du Jourdain et des colonies. Il est également une preuve supplémentaire du mépris exprimé par l’administration Trump pour le respect des règles les plus élémentaires du droit international et du multilatéralisme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/131092/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Dubuisson ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le plan de règlement du conflit israélo-palestinien proposé par Donald Trump ne tient aucun compte du droit international et s’aligne totalement sur les positions du gouvernement Nétanyahou.François Dubuisson, Chercheur au Centre de droit international et directeur du Master spécialisé en droit international, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1298182020-01-14T21:09:11Z2020-01-14T21:09:11ZLa crise entre les États-Unis, l’Iran et l’Irak : la fin du droit international ?<p>Depuis une dizaine de jours, le conflit larvé entre les États-Unis
et l’Iran a connu une inquiétante escalade, avec un raid meurtrier le 3 janvier qui a notamment causé la mort d’un haut responsable du régime iranien, Ghassem Soleimani, puis une action militaire le 8 contre deux bases de l’armée américaine stationnées en Irak. À ce moment précis, beaucoup ont craint un embrasement de la région, au vu de la force des armées en présence, et c’est avec un certain soulagement que les <a href="https://www.journaldemontreal.com/2020/01/07/iran-trump-fera-une-declaration-mercredi-matin">propos plus apaisants du président Trump</a> ont été accueillis.</p>
<p>Comme on pouvait s’y attendre, ces événements ont suscité des réticences, pour ne pas dire des critiques très vives, de divers spécialistes du droit international (comme <a href="https://www.ejiltalk.org/the-killing-of-soleimani-and-international-law/">Mary Ellen O’Connell, de l’Université de Notre-Dame</a>, <a href="https://www.ejiltalk.org/the-soleimani-strike-and-self-defence-against-an-imminent-armed-attack/">Marko Milanovic, de l’Université de Nottingham</a>, ou <a href="https://www.bbc.com/news/world-51007961">Ralph Wilde, de l’University College London</a>), dont certains ont tout simplement annoncé la mort (comme <a href="https://francais.rt.com/magazines/interdit-d-interdire/69993-iran-usa-la-guerre-est-elle-declaree">Stéphane Rials, de l’Université Paris 2</a>). Pourtant, les États-Unis comme l’Iran ont envoyé une lettre au Conseil de sécurité pour développer une argumentation juridique relativement précise, tournant autour de la légitime défense au sens de <a href="https://www.lawfareblog.com/us-and-iran-submit-article-51-letters-use-force">l’article 51 de la Charte des Nations unies</a>. Ces arguments sont-ils fondés ? Ou ne masquent-ils pas tout simplement une politique de force qui tend à éroder, si non à saper, la Charte ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1215374196987060224"}"></div></p>
<h2>Les arguments américains…</h2>
<p>Dans leur lettre du 8 janvier, les États-Unis dénoncent une « série d’attaques » qui auraient préalablement été menées par l’Iran et affirment qu’ils avaient, dès lors, la possibilité de le frapper afin de le « dissuader » d’en mener de nouvelles. L’aspect purement préventif de l’exécution de Soleimani, dont on a prétendu qu’il planifiait des actions meurtrières contre les États-Unis, a été dénoncé par plusieurs spécialistes de droit international, à la fois en raison du manque de preuves avancées à son appui et de sa fragilité sur le plan juridique.</p>
<p>Absente de la Charte ou de la jurisprudence existante, la « guerre » ou la « légitime défense préventive » a en effet été fermement condamnée par l’immense majorité des États, en particulier <a href="https://www.lgdj.fr/le-droit-contre-la-guerre-9782233007001.html">après l’invasion de l’Irak en 2003</a>. Quant aux attaques iraniennes antérieures dénoncées par les États-Unis, un examen attentif des faits allégués laisse pour le moins perplexe. Les incidents qui ont touché leur ambassade le 31 décembre 2019 à Bagdad (aucun mort ni blessé parmi le personnel diplomatique) ainsi que l’action menée par une milice liée à l’Iran le 27 décembre 2019 contre une de leurs bases militaires (un sous-traitant mort et quatre soldats blessés) semblent bien loin d’atteindre le seuil d’une « agression armée » qui, selon le texte de l’article 51 de la Charte, conditionne le déclenchement d’une légitime défense.</p>
<p>Selon la jurisprudence existante, cette notion doit s’entendre assez strictement, précisément pour éviter un engrenage belliqueux : il ne suffit donc pas de pointer un incident ou un accrochage, mais de montrer que l’on est devant l’une des « formes les plus graves de l’emploi de la force » (<a href="https://www.icj-cij.org/fr/affaire/70">Cour internationale de Justice, Affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua</a>, Recueil 1986, p. 101, par. 191).</p>
<p>L’administration Trump se réfère encore à des incidents antérieurs, tels <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/06/20/l-iran-a-abattu-un-drone-americain-au-dessus-du-golfe_5478900_3210.html">l’interception d’un drone américain en juin 2019</a> dans l’espace aérien iranien (selon l’Iran) ou international (selon les États-Unis) ou des accrochages avec des navires de diverses nationalités dans le Golfe. Mais, là encore, ces actes isolés (et qui ne visent pas tous les États-Unis, ce qui empêche ces derniers de s’en prévaloir pour fonder une légitime défense individuelle) peuvent difficilement être assimilés à une agression armée.</p>
<p>On rappellera en ce sens que la Cour internationale de Justice a déjà été amenée à se prononcer sur une série d’incidents dans le Golfe arabo-persique, au début des années 2000. Prenant en compte une série d’entre eux, qui avaient été invoqués par les États-Unis pour <a href="https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_2003_num_49_1_3752">bombarder des plates-formes pétrolières iraniennes</a> en légitime défense, la Cour constate que « même pris conjointement […] ces incidents ne semblent pas à la Cour constituer une agression armée contre les États-Unis […] » (<a href="https://www.icj-cij.org/fr/affaire/90">C.I.J., Affaire des Plates-formes pétrolières (Iran/États-Unis), Recueil 2003, p. 192, par. 64</a>). En transposant ces propos aux événements plus récents, il est manifeste que la « légitime défense » peut difficilement fonder l’action militaire menée contre l’Iran le 3 janvier dernier.</p>
<h2>… et les arguments iraniens</h2>
<p>Est-ce à dire que l’Iran était en droit de riposter en lançant des frappes contres les bases des États-Unis en Irak, le 8 janvier ? Il est permis d’en douter. Certes, on peut sans doute estimer que le raid qui a abouti à la mort de Soleimani, l’un des plus hauts responsables militaires de l’État iranien, est suffisamment grave pour atteindre le seuil d’une agression armée. Cependant, et en tout état de cause, rien ne peut justifier le bombardement d’un État comme l’Irak, lequel n’a donné son consentement ni aux frappes iraniennes, ni aux actions militaires des États-Unis.</p>
<p>On touche ici à l’un des problèmes les plus aigus soulevés par ces événements. Les deux États en conflit font comme s’ils étaient habilités à utiliser le territoire irakien comme un champ de bataille, en le bombardant à plusieurs reprises : rappelons à cet égard une action militaire des <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/12/29/apres-la-mort-d-un-de-ses-ressortissants-washington-frappe-cinq-bases-du-hezbollah-irakien_6024345_3210.html">États-Unis le 29 décembre dernier, qui a fait une trentaine de victimes irakiennes</a>. Or, pour que les armées américaine ou iranienne soient en mesure de viser l’Irak conformément au droit international, il faudrait démontrer que ce dernier a été directement impliqué soit dans les attaques iraniennes contre les États-Unis, soit dans l’action de ces derniers contre le général Soleimani. Une tâche qui s’avère plus que délicate à accomplir au vu des protestations récurrentes de Bagdad, et que ni les États-Unis ni l’Iran n’ont d’ailleurs même envisagées dans leurs lettres adressées à l’ONU.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1215733120365932546"}"></div></p>
<p>C’est dans ce contexte que certains ont annoncé la « mort du droit international », les États s’estimant libres de lancer des actions militaires sur le territoire d’États souverains, sans même chercher à se justifier. L’avenir dira si ce précédent, qui s’ajoute à d’autres (il suffit de penser aux attaques menées par la Turquie contre les Kurdes en Syrie ou en Irak, par exemple), est de nature à rendre obsolète l’instrument élaboré en 1945 en vue d’éloigner les perspectives d’une Troisième Guerre mondiale…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129818/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Corten ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les États-Unis ont tué Ghassem Soleimani sur le territoire irakien, et l’Iran a réagi en visant des bases américaines situées en Irak. Victime collatérale de cette affaire : le droit international…Olivier Corten, Professeur de droit international, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1228442019-09-03T19:03:54Z2019-09-03T19:03:54ZComment sortir de la crise meurtrière qui déchire le Cameroun ?<p><em>Felix Agbor Balla Nkongho, avocat camerounais de premier plan et militant reconnu pour son combat en faveur des droits humains, a été incarcéré neuf mois pour avoir pris part à des manifestations contre la marginalisation du système judiciaire et éducatif dans les régions anglophones du Cameroun, auquel le gouvernement francophone a réagi par un déchaînement de violence meurtrière. M. Nkongho, 49 ans, s’est rendu en Afrique du Sud au mois d’août afin de sensibiliser l’opinion à la crise qui secoue son pays. Il a répondu aux questions de Cheryl Hendricks et Gabriel Ngah.</em></p>
<hr>
<p><strong>The Conversation : Quelles sont la nature et les causes du conflit qui fait rage dans les régions anglophones du Cameroun ?</strong></p>
<p><strong>Felix Agbor Balla Nkongho</strong> : La cause principale du conflit est l’insatisfaction de la population du sud-ouest et du nord-ouest du pays vis-à-vis de l’état de l’Union entre la République du Cameroun et le Cameroun du Sud britannique. Cette union est entrée en vigueur en <a href="https://www.parisschoolofeconomics.eu/IMG/pdf/jobmarket-paper-dupraz-pse.pdf">1961</a>, quand le Cameroun du Sud britannique a choisi d’être rattaché à la République du Cameroun, plutôt qu’à la République Fédérale du Nigéria. </p>
<p>Depuis, la population anglophone a subi une marginalisation intolérable dans tous les domaines. Elle a été traitéé comme des citoyens de seconde zone par le gouvernement francophone de Yaoundé.</p>
<p>En 2016, ce mécontentement a viré au <a href="https://theconversation.com/history-explains-why-cameroon-is-at-war-with-itself-over-language-and-culture-85401">conflit ouvert</a>. Cette escalade a eu lieu après que le gouvernement a fait la sourde oreille aux récriminations des avocats et des enseignants anglophones, qui dénonçaient l’érosion des systèmes éducatif et judiciaire anglophones au profit de systèmes et pratiques francophones.</p>
<p>Au fil des ans, l’administration francophone a tenté d’effacer la structure fédérale de l’État et d’assimiler – voire d’annihiler – les régions anglophones.</p>
<p>L’arrestation des dirigeants de l’Anglophone Consortium, une organisation issue de la société civile, en <a href="https://allafrica.com/stories/201701200502.html">2017</a>, n’a fait qu’envenimer les choses. Les habitants des régions anglophones ont manifesté pour exiger leur libération, ainsi que la fin de la marginalisation des anglophones.</p>
<p>La réaction du gouvernement de Paul Biya a été marquée par des exécutions de masse et des arrestations arbitraires. Les civils ont riposté en créant des groupes armés d’autodéfense. Ceux-ci sont devenus les <a href="https://bbc.in/2P8FDCy">Forces de restauration de l’Ambazonie</a>, qui réclament aujourd’hui l’indépendance ou la séparation d’avec la République du Cameroun.</p>
<p><strong>The Conversation : Quelles sont leurs principales revendications, et que leur répond le gouvernement ?</strong></p>
<p><strong>Felix Agbor Balla Nkongho</strong> : Les activistes du Cameroun du Sud réclament avant tout un retour à une fédération de deux États, comme en 1961, ou l’obtention d’une totale indépendance. L’ONU, qui a rejeté leur demande d’autonomie en 1961, leur a accordé une <a href="https://www.postnewsline.com/2017/10/un-secretary-general-urges-correction-of-southern-cameroons-problems.html">indépendance sous conditions</a> en leur donnant le choix d’être rattachés soit à la République du Cameroun, soit à la République fédérale du Nigéria. Pourtant, cette proposition était contraire à la loi <a href="https://www.un.org/en/sections/about-un/trusteeship-council/">relative aux États placés sous la tutelle de l’ONU</a>.</p>
<p>La création du Conseil national du Cameroun du Sud <a href="https://thescnc.org/">dans les années 1990</a> a ravivé le désir d’indépendance du Cameroun du Sud, conformément à son statut de 1961.</p>
<p>Le gouvernement rejette toute demande de séparation et maintient que la décentralisation est la meilleure solution, pour un Cameroun uni et indivisible.</p>
<p>Les dirigeants du pays ont répondu aux exigences des enseignants et des avocats en créant une section de droit commun (Common Law) à l’École Nationale de la Mgistrature, et en mutant certains professeurs francophones jusqu’alors en poste dans des écoles anglophones. Le gouvernement a aussi annoncé le recrutement d’un millier de professeurs bilingues, lancé un timide processus de réattributions des postes de magistrats occupés par des francophones dans les cours de justice des régions anglophone, et mis en place une Commission afin de <a href="https://allafrica.com/stories/201804110625.html">promouvoir</a> le respect du bilinguisme et les principes du multiculturalisme ainsi que les dispositions des services gouvernementaux relatives à la langue.</p>
<p>Ces mesures n'ont pas réussi à s'attaquer aux causes profondes de la crise et restent insatisfaisantes.</p>
<p><strong>The Conversation : Comment réagit la communauté internationale ?</strong></p>
<p><strong>Felix Agbor Balla Nkongho</strong> : Aucune mesure significative n’a été prise au niveau régional ou international face aux violations flagrantes des droits humains. Des personnes continuent donc d’être tuées, et leurs biens et leurs maisons détruits en toute impunité par les forces de sécurité. Les déplacements forcés de populations se poursuivent à grande échelle.</p>
<p>La crise anglophone reste l’un des conflits les plus négligés de ce début de XXI<sup>e</sup> siècle, avec plus de 2 000 morts et des centaines de maisons brûlées. On s’attend à recenser plus de 50 000 réfugiés camerounais <a href="https://www.trtworld.com/magazine/cameroonian-refugees-in-daily-struggle-for-survival-in-nigeria-26106">au Nigéria</a> d’ici à la fin de l’année. Les écoles sont fermées <a href="https://www.cameroonintelligencereport.com/category/life/education-life/">depuis maintenant trois ans</a>.</p>
<p>Heureusement, les organisations humanitaires, y compris les institutions de l’ONU, offrent une assistance absolument vitale aux personnes déplacées et dans le besoin. Mais l'assistance humanitaire n'a pas abordé les causes de la crise. </p>
<p>Récemment, l’Union européenne a pris l’initiative <a href="http://www.europarl.europa.eu/doceo/document/RC-8-2019-0245_EN.html">d’une résolution</a> pour encourager les parties adverses à ouvrir le dialogue.</p>
<p>La Commissaire des Nations unies pour les droits humains s’est également rendue au Cameroun en <a href="https://www.journalducameroun.com/en/cameroon-what-kah-walla-told-visiting-un-human-rights-chief/">mai</a>. Elle a réclamé l’ouverture d’une enquête sur les <a href="https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=24265&LangID=E">violations des droits humains</a> commises dans le pays, et expressément recommandé la mise en place d’un dialogue inclusif qui prenne en considération les origines du conflit. En outre, le Congrès américain a adopté une résolution en faveur du <a href="https://www.cardin.senate.gov/imo/media/doc/Cameroon%20res_final.pdf">retour au fédéralisme au Cameroun</a>.</p>
<p>Par ailleurs, les États-Unis et l’Allemagne ont mis un terme à leur coopération militaire avec le Cameroun en <a href="https://www.dw.com/en/end-of-a-secret-german-military-mission-in-cameroon/a-49610889">signe de désaccord</a> face aux violations des droits humains.</p>
<p>Malheureusement, une <a href="https://www.journalducameroun.com/en/cameroon-switzerland-to-facilitate-talks-to-end-anglophone-crisis/">tentative de médiation</a> entre le gouvernement et les séparatistes, chapeautée par une organisation humanitaire suisse, semble avoir échoué à apaiser la situation. De manière générale, les appels à un dialogue inclusif et sans condition préalable n’ont pas été entendus.</p>
<p><strong>The Conversation : Que faudrait-il faire pour parvenir à une résolution pacifique du conflit ?</strong></p>
<p><strong>Felix Agbor Balla Nkongho</strong> : Avant tout, le gouvernement doit cantonner ses troupes dans leurs baraquements et faire cesser la violence. Ensuite, il faut instaurer un cessez-le-feu et inciter les séparatistes à cesser leurs attaques contre les postes militaires dans les régions anglophones. Le gouvernement doit aussi faire libérer toutes les personnes détenues arbitrairement.</p>
<p>Ensuite, les puissances régionales et internationales doivent faire pression sur le gouvernement de Paul Biya pour créer un environnement propice au dialogue par des voies diplomatiques. Si cela échoue, des sanctions économiques et autres devront être prises à l'égard du gouvernement.</p>
<p>Enfin, les Nations unies doivent mettre en place une mission politique afin de résoudre la crise anglophone au Cameroun.</p>
<p><strong>Quel rôle l'Afrique du Sud, en tant que membre non-permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies, peut-elle jouer?</strong></p>
<p>L’Afrique du Sud peut apporter sa contribution en parrainant une résolution demandant au Conseil de sécurité de déclencher une intervention directe de l’ONU en vertu de sa charte.
L’Afrique du Sud pourrait également demander à la Cour Internationale de Justice de se prononcer sur la question de savoir si l'octroi de l’indépendance au Cameroun du Sud, sous certaines conditions, était conforme au régime international de tutelle des Nations unies, et de corriger toute faille à ce sujet.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été traduit de l’anglais par Iris Le Guinio pour <a href="http://www.fastforword.fr">Fast ForWord</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/122844/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cheryl Hendricks est Directrice exécutive de l'Africa Institute of South Africa au Human Science Research Council, qui reçoit des fonds provenant de sources diverses.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Gabriel Ngah Kiven est un boursier de l'Université de Johannesburg (UJ). Je suis actuellement étudiant à plein temps à l'UJ en tant que doctorant en sciences politiques.</span></em></p>Les anglophones du Cameroun souffrent d’une marginalisation flagrante et sont traités comme des citoyens de seconde zone par le gouvernement francophone.Cheryl Hendricks, Executive director, Africa Institute of South Africa, Human Sciences Research CouncilGabriel Ngah Kiven, PhD candidate in Political Studies at the Department of Politics and International Relations, University of JohannesburgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1128102019-03-06T18:50:19Z2019-03-06T18:50:19ZLe Conseil de sécurité de l’ONU à l’heure franco-allemande<p>Le 1<sup>er</sup> mars 2019, la France a commencé à assurer la présidence du Conseil de sécurité des Nations unies (CSUN). Cela se produit tous les quinze mois, puisque la présidence change tous les mois entre les quinze membres du Conseil, en suivant l’ordre alphabétique du nom des membres en anglais. Cependant, pour la première fois de l’histoire, la France présidera avec l’aide de l’Allemagne – qui est actuellement un membre non permanent élu pour la période 2019-2020 – l’un des organes les plus importants de l’ONU. Cette expérience historique sera renouvelée le mois prochain lorsque l’Allemagne exercera à son tour la présidence.</p>
<h2>Les trois priorités d’une « présidence jumelée »</h2>
<p>Il est important de comprendre qu’il s’agira d’une « présidence jumelée », et <a href="https://onu.delegfrance.org/Mars-2019-Presidence-francaise-du-Conseil-de-securite">non pas une « co-présidence »</a> ou « présidence commune ». Qu’est-ce que cela signifie ? Une co-présidence aurait impliqué de modifier les règles de fonctionnement du Conseil de sécurité, qui stipulent qu’un État est chargé de définir le programme du Conseil, ainsi que d’organiser et de présider ses réunions.</p>
<p>Au lieu de cela, la France en mars – et l’Allemagne en avril – resteront chacune présidente, mais les deux pays ont convenu de coordonner leurs programmes de travail. Ils ont défini <a href="https://onu.delegfrance.org/Mars-2019-Presidence-francaise-du-Conseil-de-securite">trois priorités</a> :</p>
<ul>
<li><p>la protection des personnels humanitaires et du respect du droit international humanitaire ;</p></li>
<li><p>la résolution des conflits et l’engagement pour la paix ;</p></li>
<li><p>la défense des femmes et leur participation accrue aux processus de paix.</p></li>
</ul>
<p>La France préconise l’élargissement du Conseil de sécurité à l’Allemagne, mais également à d’autres puissances régionales telles que le Japon ou le Brésil, depuis les années 90.</p>
<p>Alors pourquoi cette initiative a-t-elle lieu maintenant ? La réponse la plus évidente est, bien évidemment, que l’Allemagne siège en ce moment au Conseil de sécurité et ce, jusqu’au 31 décembre 2020 – ce qui n’est pas arrivé depuis son mandat en 2011-2012. Cependant, si cela explique pourquoi cette présidence jumelée est possible, cela ne nous dit pas pourquoi elle a lieu.</p>
<h2>« Plus qu’une puissance moyenne »</h2>
<p>Afin de comprendre cette décision, nous devons examiner le contexte dans lequel a pris place cette décision et, plus spécifiquement, il convient de prendre en compte l’influence du Brexit. La décision du Royaume-Uni de quitter l’Union européenne a en effet joué un double rôle.</p>
<p>Premièrement, si le Royaume-Uni quitte l’Union européenne, cela signifiera que la France sera le seul membre permanent européen au Conseil et, par conséquent, certains ont affirmé qu’elle devrait céder son siège permanent afin de permettre qu’il devienne un siège européen. <a href="https://www.france24.com/en/20181128-paris-france-german-proposal-un-eu-macron-merkel-security-council-nations">Cette proposition a notamment été faite par le ministre allemand des Finances</a>, Olaf Scholz, en novembre 2018.</p>
<p>Le siège permanent de la France à l’ONU est un élément essentiel de sa politique étrangère, mais également de son identité. Aux yeux des différents présidents français, c’est l’un des facteurs depuis la fin de la Guerre froide permettant à leur pays de rester « plus qu’une puissance moyenne », qui l’aide à promouvoir son « rang » et sa « grandeur ».</p>
<p>Par conséquent, cette présidence jumelée permet à Paris de contrer ce qui était perçu comme une proposition inconcevable, tout en l’aidant à rendre plus légitime son siège permanent, à un moment où elle se sentait une nouvelle fois contrainte de le justifier.</p>
<h2>« L’Allemagne et la France doivent assumer leurs responsabilités… »</h2>
<p>Deuxièmement, l’influence de Brexit se lit dans le moment où la décision de cette présidence jumelée a été prise. C’était en effet l’une des mesures approuvées par le président français Macron et la chancelière allemande Merkel lors du <a href="http://www.lefigaro.fr/international/2019/01/21/01003-20190121ARTFIG00257-ce-que-prevoit-le-traite-d-aix-la-chapelle.php">traité d’Aix-La-Chapelle</a>. Ce dernier fut signé en janvier 2019 afin d’approfondir la coopération franco-allemande en vue de bâtir une Europe plus forte.</p>
<p><a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2019/01/22/signature-du-traite-franco-allemand-d-aix-la-chapelle">Comme le soulignait Emmanuel Macron</a> lors de la signature du traité :</p>
<blockquote>
<p>« Au moment où notre Europe est menacée par les nationalismes qui se développent en son sein, où notre Europe est bousculée par un Brexit douloureux, où notre Europe est inquiète des grands changements internationaux… dans ce monde et cette Europe, l’Allemagne et la France doivent assumer leurs responsabilités et montrer la voie. »</p>
</blockquote>
<p>Bien que cette décision soit une <a href="https://onu.delegfrance.org/Mars-2019-Presidence-francaise-du-Conseil-de-securite">bonne nouvelle pour l’Union européenne</a>, puisque « ces deux mois permettront de porter les priorités et valeurs de nos deux pays, ainsi que celles de l’Union européenne », on ne peut en dire autant pour le Royaume-Uni.</p>
<p>Cela ne fera que contribuer à isoler encore plus le pays au sein du Conseil, à un moment où des experts ont déjà fait valoir dans leur rapport <a href="https://www.una.org.uk/sites/default/files/UNA-UK_GlobalBritain_20190207d.pdf"><em>Global Britain in the United Nations</em></a> que l’influence du pays à l’ONU avait d’ores et déjà souffert de sa décision de quitter l’UE.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/112810/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dr Eglantine Staunton ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Première dans l’Histoire, la présidence jumelée de la France et l’Allemagne du Conseil de sécurité des Nations unies a démarré le 1ᵉʳ mars. Une des rares conséquences positives du Brexit pour l’UE ?Dr Eglantine Staunton, Research fellow, University of LeedsLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.