tag:theconversation.com,2011:/us/topics/conseil-europeen-25167/articlesConseil européen – The Conversation2022-11-15T16:52:12Ztag:theconversation.com,2011:article/1942162022-11-15T16:52:12Z2022-11-15T16:52:12ZL’extrême droite au Parlement européen, ou le renard dans le poulailler<p>Plusieurs pays de l’Union européenne sont actuellement gouvernés par des partis politiques d’extrême droite.</p>
<p>En Hongrie, le parti <em>Fidesz</em> du premier ministre Viktor Orban <a href="https://www.journalofdemocracy.org/articles/how-viktor-orban-wins/">démantèle progressivement</a> les protections constitutionnelles de l’État de droit et des institutions démocratiques du pays. La Pologne, sous la houlette du parti Droit et Justice au pouvoir, a montré des <a href="https://www.dw.com/en/eu-fines-poland-1-million-per-day-over-judicial-reforms/a-59635269">tendances tout aussi inquiétantes</a>. Plus récemment, Giorgia Meloni et le parti Frères d’Italie viennent de remporter les élections législatives italiennes de septembre 2022 et ont <a href="https://theconversation.com/des-vertus-de-linstabilite-gouvernementale-en-italie-192431">formé une coalition</a> gouvernementale avec le parti d’extrême droite <em>Lega</em> de Matteo Salvini et le parti <em>Forza Italia</em> de Silvio Berlusconi. En Suède, le gouvernement minoritaire nouvellement élu dépend du soutien des <a href="https://www.theguardian.com/world/2022/oct/14/swedish-parties-agree-coalition-with-backing-of-far-right">Démocrates de Suède, un parti d’extrême droite</a>.</p>
<p>Les partis d’extrême droite sont présents sur la scène politique européenne depuis longtemps, mais les partis libéraux et démocrates peinent toujours à élaborer une ligne de conduite claire à leur égard.</p>
<p>Le Parlement européen est un lieu approprié pour observer les dilemmes auxquels les partis traditionnels sont confrontés face aux partis d’extrême droite. En particulier lorsque ces derniers ont été élus démocratiquement et font partie d’une institution démocratique telle qu’un Parlement supranational. Rappelons que le Parlement européen, seul organe directement élu de l’UE, accueille <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/BRIE/2022/698880/EPRS_BRI(2022)698880_FR.pdf">705 membres élus, issus de 206 partis politiques nationaux</a>. La plupart d’entre eux se rassemblent dans différents groupes politiques partageant des idéologies similaires. L’extrême droite est présente dans plusieurs de ces groupes, ce qui montre à quel point elle est devenue partie intégrante du système.</p>
<h2>Des partis présents dans plusieurs groupes au Parlement européen</h2>
<p>En 2015, Marine Le Pen et son Rassemblement national ont réussi à créer leur propre groupe politique d’extrême droite et se sont associés à Matteo Salvini et sa <em>Lega</em>. Aujourd’hui, ce groupe au Parlement européen s’appelle <a href="https://fr.idgroup.eu/">Identité et démocratie (ID)</a>. Il constitue le cinquième groupe politique le plus important (sur sept). Parmi les autres partis qui y siègent, citons Alternative pour l’Allemagne (AFD) en Allemagne, le Parti de la liberté (FPO) en Autriche, l’Intérêt flamand (Vlaams Belang) en Belgique et le Parti populaire danois.</p>
<p>Bien qu’elles aient été jusqu’ici des acteurs plutôt passifs au sein des commissions du Parlement européen, ces formations disposent d’une influence réelle au plus haut niveau. Au sein de la <a href="https://www.europarl.europa.eu/committees/fr/about/conference-of-committee-chairs">Conférence des présidents</a>, chaque groupe politique dispose d’une voix, quelle que soit sa taille. Si les grands groupes tels que les chrétiens-démocrates et les sociaux-démocrates ne parviennent pas à un consensus, ils peuvent parfois avoir besoin du soutien de l’extrême droite pour obtenir une majorité.</p>
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<p>Le parti polonais Droit et Justice dirige également un groupe politique, connu sous le nom de <a href="https://www.touteleurope.eu/institutions/les-groupes-au-parlement-europeen-les-conservateurs-et-reformistes-europeens-cre/">Conservateurs et Réformistes européens (CRE)</a>. Ce groupe, qui comprend également, parmi ses membres les plus notables, les Démocrates de Suède, les Frères d’Italie et le parti espagnol <em>Vox</em>, représente la <a href="https://www.europarl.europa.eu/erpl-public/hemicycle/index.htm">quatrième force au Parlement européen</a>.</p>
<p>En revanche, le parti hongrois <em>Fidesz</em> a fait partie de 2004 et jusqu’en 2021 du plus grand groupe politique, celui des chrétiens-démocrates (<a href="https://www.eppgroup.eu/fr">Parti populaire européen, PPE</a>). Viktor Orban a longtemps été protégé par des responsables politiques puissants tels que l’ancienne chancelière allemande Angela Merkel et l’ancien président du Conseil européen Donald Tusk. Le Fidesz a toutefois <a href="https://www.institutmontaigne.org/analyses/la-sortie-du-ppe-de-fidesz-reduira-linfluence-hongroise-au-sein-de-lue">quitté le PPE au début de l’année 2021</a>, lorsque les pressions internes liées à la remise en cause de l’État de droit en Hongrie sont devenues trop fortes pour justifier son appartenance. Aujourd’hui, ses membres n’appartiennent à aucun groupe politique au Parlement européen, ce qui les prive de pouvoir politique et de visibilité.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/492977/original/file-20221102-16-rteo33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/492977/original/file-20221102-16-rteo33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=309&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/492977/original/file-20221102-16-rteo33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=309&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/492977/original/file-20221102-16-rteo33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=309&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/492977/original/file-20221102-16-rteo33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=388&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/492977/original/file-20221102-16-rteo33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=388&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/492977/original/file-20221102-16-rteo33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=388&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Répartition des sièges au Parlement européen (17 October 2022).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.europarl.europa.eu/erpl-public/hemicycle/index.htm?lang=en&loc=str">europarl.europa.eu</a></span>
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<p>Leur statut au sein des groupes politiques du Parlement européen a permis aux partis d’extrême droite non seulement de gagner en visibilité et en pouvoir, mais aussi de récolter <a href="https://eu.boell.org/en/2016/01/14/enf-new-right-wing-force-european-parliament-and-how-deal-it">d’importants bénéfices financiers</a>. En 2017, Marine Le Pen a été accusée d’avoir embauché de <a href="https://euobserver.com/eu-political/136944">« faux assistants »</a>, et en avril de cette année, elle-même et d’autres membres de son parti ont été accusés d’avoir détourné <a href="https://www.theguardian.com/world/2022/apr/17/eu-anti-fraud-body-accuses-marine-le-pen-france-election">620 000 euros de fonds européens</a>.</p>
<p>En janvier, Morten Messerschmidt, du Parti populaire danois, a été condamné pour avoir utilisé des fonds européens pour une <a href="https://www.euractiv.com/section/politics/short_news/danish-mp-convicted-of-eu-funds-fraud-elected-to-head-far-right-party/">campagne politique au Danemark</a>. Grâce aux ressources européennes, de nombreux partis d’extrême droite ont pu croître et étendre leur influence dans leur pays tout en s’attaquant au projet européen.</p>
<h2>Un cordon sanitaire peu étanche</h2>
<p>Les groupes politiques traditionnels du Parlement européen, notamment les chrétiens-démocrates, les sociaux-démocrates, les libéraux et les Verts, ont depuis longtemps conclu un <a href="https://www.euractiv.com/section/future-eu/news/the-brief-the-costs-of-a-cordon-sanitaire/">accord informel</a> connu sous le nom de « cordon sanitaire » qui empêche les membres de l’extrême droite d’obtenir des postes clés au Parlement.</p>
<p>Les sociaux-démocrates et les Verts ont chacun adopté des politiques propres de non-coopération avec l’extrême droite. Les sociaux-démocrates ont pour principe formel de ne pas coopérer avec le groupe Identité et Démocratie de Marine Le Pen. Les Verts ont une politique similaire, mais un peu plus souple : leurs membres peuvent voter en faveur de propositions législatives présentées par Identité et Démocratie si le contenu est jugé de nature technique. Les Verts laissent également la question de la définition de l’appartenance à l’extrême droite assez ouverte. Ainsi, leurs membres peuvent choisir s’ils souhaitent ou non boycotter certains partis membres d’autres groupes au Parlement européen, comme Droit et Justice ou Frères d’Italie, membres du groupe CRE. Le cordon sanitaire est donc poreux et dépendant du contexte.</p>
<p>En outre, comme les chrétiens-démocrates ont réussi à protéger le Fidesz de toute pression politique, il a longtemps été épargné par les mesures du « cordon sanitaire ». Cela a changé en septembre 2018, lorsque le <a href="https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-8-2018-0340_EN.html">Parlement européen a lancé une procédure de sanctions formelles</a>, en vertu de <a href="https://eur-lex.europa.eu/FR/legal-content/summary/promoting-and-safeguarding-the-eu-s-values.html">l’article 7 du Traité sur l’Union européenne</a>, en raison de préoccupations liées au recul démocratique de la Hongrie. La plupart des chrétiens-démocrates ont alors voté en faveur de la résolution. Après que le PPE a modifié ses règles internes pour permettre l’expulsion d’un parti entier, <a href="https://www.politico.eu/article/epp-suspension-rules-fidesz-european-parliament-viktor-orban-hungary/">Fidesz a choisi de le quitter</a>, début 2021.</p>
<p>Ces exemples démontrent la complexité et l’ambiguïté inhérentes à la présence de l’extrême droite au Parlement européen. Ils mettent également en lumière les circonstances dans lesquelles les partis traditionnels – malgré leurs convictions – peuvent <a href="https://www.graduateinstitute.ch/communications/news/european-union-and-far-right-letting-wolf-fold">soutenir l’extrême droite</a>.</p>
<h2>Les affaires courantes continuent</h2>
<p>Après la victoire des Frères d’Italie à l’intérieur du pays, peu de choses ont changé au Parlement européen. Au sein des chrétiens-démocrates, il y a eu des <a href="https://www.politico.eu/article/call-boot-berlusconi-party-forza-italia-eu-parliament-epp-back-meloni-brothers-italy/">appels à bannir <em>Forza Italia</em></a> du groupe PPE si ce parti continuait, sur le plan domestique, à soutenir Giorgia Meloni, mais cela ne s’est pas encore produit.</p>
<p>Manfred Weber, le chef du PPE, a soutenu <em>Forza Italia</em> lors des élections italiennes et, bien qu’il ait été <a href="https://www.sueddeutsche.de/politik/eu-weber-wegen-wahlkampfhilfe-fuer-berlusconi-in-der-kritik-dpa.urn-newsml-dpa-com-20090101-220909-99-693826">fortement critiqué</a> pour cela, cet épisode fut une illustration supplémentaire de la façon dont les partis traditionnels peuvent directement ou indirectement soutenir les partis d’extrême droite.</p>
<p>Des spéculations ont été faites sur une <a href="https://www.euractiv.com/section/eu-priorities-2020/news/brothers-of-italy-mep-no-way-for-ecr-and-id-to-merge-in-one-group/">possible fusion</a> entre d’une part ECR (de Droit et Justice et des Frères d’Italie) et d’autre part ID (du Rassemblement national et de la <em>Lega</em>). En termes de puissance numérique, cela changerait la donne politique au Parlement européen – combinés, ces deux groupes deviendraient la troisième force la plus importante derrière les chrétiens-démocrates et les sociaux-démocrates. Pourtant, une fusion est peu probable étant donné leurs <a href="https://www.euractiv.com/section/eu-priorities-2020/news/brothers-of-italy-mep-no-way-for-ecr-and-id-to-merge-in-one-group/">positions divergentes</a> concernant l’invasion de l’Ukraine par la Russie. ECR soutient les sanctions contre la Russie, alors que la majorité d’ID s’y est opposée. Il y a au moins une question sur laquelle les Frères d’Italie et la <em>Lega</em> sont d’accord : tous deux ont <a href="https://www.euractiv.com/section/politics/news/italys-meloni-backs-orban-says-hungary-is-democratic/">voté contre</a> une résolution du Parlement européen déclarant que la Hongrie ne constitue plus une démocratie.</p>
<p>Complication supplémentaire : le cycle électoral du Parlement européen n’est pas aligné sur les élections nationales. Même si Meloni a gagné au niveau national, cela ne change pas la représentation numérique des Frères d’Italie au Parlement européen, et les prochaines élections européennes n’auront pas lieu avant mai 2024. Mais une plus grande influence de l’extrême droite pourrait se faire sentir au Conseil, où le <em>Fidesz</em> et Droit et Justice ont déjà <a href="https://www.liberties.eu/fr/stories/pis-fidesz-weakness/18955">réussi à bloquer</a> plusieurs décisions importantes, comme le budget de l’UE…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194216/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christin Tonne est est chercheuse affiliée au Centre Albert Hirschman sur la démocratie de l'Institut universitaire de Genève (IHEID). Cet article est basé sur les recherches qu'elle a menées pour sa thèse de doctorat. Elle reçoit actuellement un financement de l'IHEID pour un projet pilote de suivi sur les défenses démocratiques contre l'extrême droite dans les institutions européennes.
</span></em></p>Au Parlement européen, les divers partis d’extrême droite font désormais partie intégrante du paysage.Christin Tonne, Research associate at the Albert Hirschman Centre On Democracy, Graduate Institute – Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1801112022-03-28T18:30:14Z2022-03-28T18:30:14ZPrésidence française de l’UE et sommet du 25 mars : l’éveil de l’Europe à la souveraineté<p>Le <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2022/03/25/european-council-conclusions-24-25-march-2022/">Conseil européen des 24 et 25 mars 2022</a> a été consacré, pour l’essentiel, à la souveraineté des Européens, c’est-à-dire à leur capacité à ne dépendre que d’eux-mêmes et à être indépendants.</p>
<p>La vulnérabilité éprouvée par l’UE face au Covid avait <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/souverainete-europeenne-comment-bruxelles-defend-les-interets-economiques-des-etats-membres-899050.html">commencé d’en faire un sujet de préoccupation</a>. L’invasion de l’Ukraine par la Russie achève d’en faire, pour les Européens, un objectif politique global.</p>
<h2>Réglementer le numérique</h2>
<p>Premièrement, le Conseil européen a <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2022/03/25/council-and-european-parliament-reach-agreement-on-the-digital-markets-act/">confirmé</a> que la loi sur le marché digital (DMA) était prête à être adoptée.</p>
<p>Finalisée avec célérité sous la houlette des commissaires Vestager et Breton depuis une année, son adoption était une priorité de la présidence française de l’UE (PFUE). Dans le domaine des données numériques (datas), l’Europe non seulement <a href="https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/concurrence-l-ue-trouve-un-accord-pour-encadrer-les-geants-du-numerique-20220325">s’affranchit des GAFAM</a> (et de leurs homologues chinois et russes) mais aussi fixe les règles du jeu : en ne laissant plus le champ libre aux porteurs d’accès (« gate keepers ») et en les encadrant strictement, l’UE consolide la protection des données (<a href="https://www.economie.gouv.fr/entreprises/reglement-general-sur-protection-des-donnees-rgpd">loi RGPD de 2018</a>), crée les conditions du pluralisme et du libre choix dans ce domaine, et tend à empêcher l’écrasement de l’innovation par un oligopole.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1507114731215237122"}"></div></p>
<p>Il s’agit rien moins que de chercher à donner à l’espace numérique les caractères d’un espace public, en n’y laissant pas aux firmes qui l’ont construit de facto – les GAFAM – le monopole de l’exercice du pouvoir.</p>
<h2>Maintenir la pression sur Moscou</h2>
<p>Deuxièmement, les 24 et 25 mars 2022, les dirigeants de l’UE ont confirmé le cap de leur <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/sanctions/restrictive-measures-ukraine-crisis/">politique de sanctions</a> contre la Russie et sur leurs livraisons d’armes à l’Ukraine. Ce faisant, ils confirment ce qu’ils réalisent depuis le 28 février : leur capacité à faire face ensemble à un État dont la politique impérialiste et belliciste constitue une menace pour eux, et à se mobiliser aux côtés d’un pays très proche avec lequel ils ont contracté un <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2017/07/11/ukraine-association-agreement/">accord d’association</a> en 2017.</p>
<p>Par les sanctions contre la Russie et les livraisons d’armes à l’Ukraine, les Européens agissent pour peser sur le cours des événements en employant, sinon la force militaire, les leviers de la contrainte et du rapport de force.</p>
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<p>L’histoire dira si cette politique d’« intervention sans intervention » produira les effets escomptés – stopper l’invasion de l’Ukraine par la Russie, préserver l’intégrité territoriale de l’Ukraine et favoriser la fierté des Européens – ou si (par analogie avec la guerre d’Espagne) elle ne permettra pas d’atteindre ces objectifs et se soldera donc par un échec qui pèsera durablement sur la mémoire collective et le moral des Européens.</p>
<h2>La boussole stratégique et la question du rapport à l’OTAN</h2>
<p>Troisièmement, les dirigeants de l’UE ont adopté leur « <a href="https://www.defense.gouv.fr/actualites/europe-defense-boussole-strategique-adoptee">boussole stratégique</a> » : fruit de deux ans d’élaboration, cette doctrine a été pilotée par le vice-président Josep Borrell et son <a href="https://eeas.europa.eu/headquarters/headquarters-homepage_fr">Service européen d’action extérieure</a> (le SEAE est pour l’UE l’équivalent d’un ministère des Affaires étrangères).</p>
<p>Ce <a href="https://www.touteleurope.eu/l-ue-dans-le-monde/securite-et-defense-qu-est-ce-que-la-boussole-strategique-de-l-union-europeenne/">document</a> vise à définir les intérêts vitaux et stratégiques de l’UE en tant que telle ainsi que les dispositifs industriels et militaires à même d’en garantir plusieurs de façon autonome par rapport aux États-Unis. Paris avait fait de ce pas supplémentaire dans la longue marche vers l’Europe de la défense une <a href="https://presidence-francaise.consilium.europa.eu/fr/actualites/conference-de-presse-une-boussole-strategique-pour-renforcer-la-securite-et-la-defense-de-l-ue-au-cours-de-la-prochaine-decennie">priorité</a> de sa PFUE. La donne géopolitique de la fin de la décennie 2010 donnait en effet un <a href="https://theconversation.com/latout-de-la-puissance-militaire-francaise-dans-lue-173814">poids croissant</a> aux arguments comme à l’expérience de la France.</p>
<p>L’invasion de l’Ukraine a eu deux conséquences contradictoires sur ce projet.</p>
<p>La guerre déclenchée par la Russie a éprouvé la vigueur de l’OTAN et de l’engagement américain sur le territoire européen. Par le passé, l’une comme l’autre ont convaincu la très grande majorité des pays européens du caractère accessoire d’une défense européenne. Et ce d’autant plus facilement que l’industrie de défense est, en Europe, fragmentée.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lindustrie-de-defense-en-europe-la-cooperation-ou-le-declassement-151454">L’industrie de défense en Europe : la coopération ou le déclassement ?</a>
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<p>En effet, les appareils d’État nationaux promeuvent leurs <a href="https://www.cairn.info/revue-defense-nationale-2020-7-page-61.htm">champions</a> industriels de défense au nom de l’indépendance, des intérêts stratégiques, de l’emploi et de la balance commerciale. Dans le même temps, ces capacités et ces savoir-faire convergent dans plusieurs projets européens civils ou de défense, comme la <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/air-defense/airbus-defense-and-space-veut-revenir-dans-la-course-1360771">branche militaire d’Airbus</a>, le système de navigation par satellite <a href="https://www.esa.int/Space_in_Member_States/France/Qu_est-ce_que_Galileo">Galileo</a>, les lanceurs de <a href="https://www.esa.int/">l’Agence spatiale européenne (ESA)</a>, le <a href="https://www.touteleurope.eu/l-ue-dans-le-monde/qu-est-ce-que-le-fonds-europeen-de-defense/">fonds européen de défense</a> (FED), et le projet d’avion <a href="http://www.opex360.com/2022/01/28/scaf-un-accord-entre-dassault-aviation-et-airbus-sur-le-futur-avion-de-combat-est-il-possible/">Système de combat aérien du futur (Scaf)</a>.</p>
<p>Les membres les plus récents de l’UE, qui ont été assujettis à l’empire soviétique, préfèrent d’autant plus l’OTAN et les États-Unis pour être défendus qu’ils ne sont que marginalement concernés par les problématiques industrielles de défense. L’effet Biden ayant effacé l’effet Trump, les Européens sont-ils repartis pour <a href="https://www.lepoint.fr/politique/emmanuel-berretta/arnaud-danjean-la-defense-europeenne-est-un-complement-de-l-otan-25-03-2022-2469553_1897.php">confier à l’OTAN l’exclusivité de la défense du territoire de l’UE</a> comme c’est le cas depuis 1949 ?</p>
<p>Dans le même temps, toutefois, l’agression russe a convaincu les <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2022/02/28/le-jour-ou-la-politique-etrangere-allemande-a-change/">Allemands</a> du caractère prioritaire pour les Européens de se doter de capacités de défense et de politiques militaires ; une <a href="https://theconversation.com/guerre-en-ukraine-vers-une-defense-europeenne-178261">Europe de la défense</a> promue par le couple franco-allemand et dorénavant soutenue par la quasi-totalité de l’UE 15 devrait s’édifier plus vite et plus profondément qu’une Europe de la défense portée traditionnellement par la France seule avec le soutien de la Grèce et de l’Espagne. L’histoire est en train de s’écrire…</p>
<h2>Garantir la souveraineté alimentaire de l’Union</h2>
<p>Quatrièmement, le Conseil européen a pris des décisions de politique agricole qui s’inscrivent dans la continuité de l’une des toutes premières missions et raisons d’être de la construction européenne : la souveraineté alimentaire – lors du <a href="https://www.touteleurope.eu/histoire/histoire-de-la-politique-agricole-commune/">lancement de la PAC (1958-1962)</a>, on l’appelait indépendance agricole.</p>
<p>Dans les faits, l’UE étant une <a href="https://agriculture.gouv.fr/infographie-lunion-europeenne-1re-puissance-agricole-mondiale">puissance agricole exportatrice mondiale</a>, sa souveraineté alimentaire n’est pas du tout menacée par la guerre ; mais celle-ci <a href="https://www.euractiv.fr/section/agriculture-alimentation/news/hausse-des-prix-des-produits-agricoles-les-ministres-et-les-legislateurs-de-lue-sinquietent/">renchérit</a> considérablement le prix des intrants agricoles utilisés en Europe, et pourrait provoquer pénuries et instabilité au voisinage de l’UE dans plusieurs pays d’Afrique et du Moyen-Orient.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-impacts-de-la-guerre-en-ukraine-sur-les-marches-agricoles-et-la-securite-alimentaire-178628">Les impacts de la guerre en Ukraine sur les marchés agricoles et la sécurité alimentaire</a>
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<p>Les dirigeants européens ont <a href="https://www.eupoliticalreport.eu/eu-to-increase-food-production/">décidé</a> de favoriser une augmentation de la production agricole européenne à des fins exportatrices. Cela perpétue un levier d’influence dans l’espace mondial et fera contrepoids dans la balance commerciale de l’UE à l’augmentation de sa facture d’énergie. Mais cette décision <a href="https://www.novethic.fr/actualite/environnement/agriculture/isr-rse/la-guerre-en-ukraine-relance-l-agriculture-productiviste-en-europe-mettant-a-mal-le-green-deal-150674.html">fait douter</a> de la détermination des dirigeants européens à basculer vers une agriculture durable, à en faire un modèle dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, et de leur <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/03/22/la-guerre-en-ukraine-fragilise-la-transition-europeenne-vers-une-agriculture-plus-verte_6118569_3234.html">capacité à rester fermes</a> face aux corporations du secteur agricole qui bataillent dur contre le Pacte vert adopté en 2019 et la politique dite de la Ferme à l’assiette (<a href="https://ec.europa.eu/food/horizontal-topics/farm-fork-strategy_fr">Farm to fork</a>).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1506883735643463684"}"></div></p>
<h2>Régler le problème de la dépendance énergétique à l’égard de Moscou</h2>
<p>Le Conseil européen et la Commission ont enfin acté leur prise de conscience du principal talon d’Achille des Européens : leur dépendance énergétique. Il est désormais clair pour tous – y compris ceux qui en Allemagne en doutaient – que cette dépendance énergétique est une vulnérabilité géopolitique : 43,6 % du gaz, 25 % du pétrole et 46 % du charbon importés par l’UE sont <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/guerre-en-ukraine-quelles-sont-les-matieres-premieres-que-la-france-importe-de-russie_4990518.html">achetés à la Russie</a>. Par cécité, facilité, idéalisme ou avidité (l’ex-chancelier allemand <a href="https://www.lepoint.fr/monde/la-descente-aux-enfers-de-gerhard-schroder-l-ami-de-poutine-07-03-2022-2467226_24.php">Gerhard Schröder</a> incarnant les quatre à lui tout seul), cette proportion n’a fait qu’augmenter au cours des vingt dernières années !</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comprendre-la-dependance-des-etats-europeens-vis-a-vis-du-gaz-russe-178843">Comprendre la dépendance des États européens vis-à-vis du gaz russe</a>
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<p>Les objectifs fixés lors du sommet du 25 mars visent dans l’urgence à <a href="https://www.la-croix.com/Monde/LEurope-cherche-reduire-dependance-lenergie-russe-2022-03-26-1201207066">réduire</a> puis à éteindre cette dépendance vis-à-vis de la Russie… et à lui substituer une dépendance diversifiée à d’autres producteurs d’énergie fossile. Les moyens envisagés, comme les <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/gaz-la-commission-europeenne-aura-mandat-pour-un-achat-commun-et-faire-baisser-les-prix-1432188">achats groupés</a>, laissent <a href="https://www.lopinion.fr/international/lachat-commun-de-gaz-resultat-a-minima-du-sommet-europeen-sur-lenergie">dubitatifs</a> les professionnels du secteur. Les citoyens européens payent clairement ici les pots cassés de quarante années de nationalisme industriel et de chacun pour soi dans le secteur énergétique de tous les gouvernements qui se sont succédé dans la totalité des pays de l’UE depuis le choc pétrolier de 1973.</p>
<p>Les dirigeants européens ont également évoqué leur volonté de <a href="https://www.challenges.fr/top-news/l-ue-s-entend-sur-des-achats-communs-de-produits-energetiques-dit-macron_806486">réformer</a> en profondeur le mécanisme de fixation des prix de marché de l’électricité pour faire face à leur <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/02/01/comprendre-d-ou-vient-la-hausse-de-4-de-l-electricite-et-pourquoi-elle-aurait-du-etre-bien-plus-elevee_6111808_4355770.html">envolée</a>.</p>
<p>Le pourront-ils dans l’urgence, et pour quels résultats ? On connaît depuis des années les effets pervers du <a href="https://institutdelors.eu/publications/flambee-des-prix-de-lenergie-en-europe/">« marché européen de l’électricité »</a> : au motif d’éviter les black-out, le prix de celle-ci y est en dernière instance <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/energie/flambee-des-prix-de-l-energie-comment-fonctionne-le-marche-europeen-de-l-electricite-c7c2eb58-283e-11ec-991c-dac596d5a249">indexé</a> sur le prix du gaz ou du charbon utilisés en bout de chaîne de la production électrique ; les producteurs historiques dominants (EDF et ses équivalents), capables d’exporter leur production sur celui-ci, n’ont pas intérêt au changement Toutefois, mieux vaut tard que jamais, d’autant que les politiques de transition énergétique de l’UE vont d’ores et déjà dans ce sens.</p>
<p>Le sommet européen des 24 et 25 mars pourrait bien rester dans l’histoire comme celui de l’éveil de l’Europe à sa souveraineté. Dans cette hypothèse, la postérité pourrait en attribuer le mérite à la présidence française de l’UE et à Emmanuel Macron, qui <a href="https://www.euractiv.fr/section/election-presidentielle-2022/news/la-souverainete-au-c%C5%93ur-de-la-vision-pour-leurope-demmanuel-macron/">poursuit cet objectif</a> depuis 2017. Mais l’histoire et les générations futures retiendront aussi à quel point certaines politiques, lestées par des réflexes nationaux et corporatistes, ont retardé et contrarié cet éveil durant un demi-siècle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180111/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvain Kahn ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le dernier Conseil de l’UE fera date : sur le numérique, l’énergie, l’agriculture, la défense et la guerre en Ukraine, les Européens ont su parler d’une seule voix.Sylvain Kahn, Professeur agrégé d'histoire, docteur en géographie, Centre d'histoire de Sciences Po, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1738142022-01-05T11:22:32Z2022-01-05T11:22:32ZL’atout de la puissance militaire française dans l’UE<p>Les candidates et candidats à l’élection présidentielle française ont pris l’habitude d’annoncer aux électeurs les lois et les décisions qu’ils feront adopter par l’UE sitôt élus.</p>
<p>Cette attitude relève de la pensée magique.</p>
<p>En effet, l’UE est un régime politique qui se caractérise par un pouvoir réparti entre une pluralité d’acteurs et de centres de décision. Les institutions qui regroupent les dirigeants des gouvernements nationaux doivent ainsi composer avec cette sorte de pouvoir exécutif européen qu’est la <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/20330-quest-ce-que-la-commission-europeenne">Commission européenne</a>.</p>
<p>En outre, le <a href="https://www.europarl.europa.eu/portal/fr">Parlement européen</a> est bien plus indépendant que ne le sont les assemblées nationales, dont les majorités parlementaires sont dépendantes des chefs de gouvernement et des ministres issus de leurs rangs. Quant à l’autre assemblée qu’est le <a href="https://www.touteleurope.eu/institutions/le-conseil-de-l-union-europeenne/">Conseil de l’Union européenne</a>, ce parlement des vingt-sept États membres, le droit de veto y a presque disparu et les accords se font à la majorité qualifiée. Enfin, le président français, comme ses homologues, ne représente à Bruxelles qu’un 27<sup>e</sup> du temps de parole dans la définition des orientations du <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/european-council/">Conseil européen</a> (qui réunit les chefs d’État et de gouvernement).</p>
<p>La capacité d’un président français à imprimer sa marque sur la vie politique de l’UE est donc proportionnelle à sa capacité à convaincre ses homologues et à fabriquer des majorités politiques. Une politique européenne n’adviendra que lorsque le Parlement européen (assemblée des 705 députés élus au suffrage universel qui se regroupent par familles politiques et non par nationalités) se sera mis d’accord avec le Conseil de l’UE et avec la Commission (en charge de l’exécution des dites politiques et de l’intérêt général européen transcendant les intérêts nationaux et catégoriels). Un tel accord suppose en amont que se dégagent deux majorités en sa faveur : au sein du Parlement européen, et au sein du Conseil de l’UE.</p>
<h2>L’UE et l’« arrogance » française</h2>
<p>On pourrait penser que la capacité du dirigeant d’un État membre à peser sur les décisions de l’UE est proportionnelle au poids de son pays au sein de l’ensemble européen. Ce n’est pas si simple.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’Union européenne : comment ça marche ?</span></figcaption>
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<p>Depuis 1950 (<a href="https://www.herodote.net/9_mai_1950-evenement-19500509.php">création de la CECA</a>) et 1957 (<a href="https://www.touteleurope.eu/fonctionnement-de-l-ue/les-traites-de-rome-1957/">traité de Rome</a> instituant la Communauté économique européenne), le système politique européen a été voulu et conçu comme antithèse du fameux « concert des nations » dont les congrès de Vienne (1815) et de Versailles (1919) auront été deux des manifestations les plus parlantes. L’Europe politique ne carbure ni au rapport de force, ni à la domination, ni à la hiérarchie entre les nations. Elle fonctionne à l’égale dignité de ses membres, quel que soit leur poids ; à la prise en compte de la pluralité des points de vue et des intérêts ; et donc à la délibération qui produit du compromis et de l’intérêt général.</p>
<p>Corporatismes et intérêts particuliers cherchent à se faire entendre et à peser, de même (et c’est heureux !) que les représentations idéologiques. Il y a parfois des arrangements contraires à la morale publique. Bien sûr. Mais, dans l’ensemble, l’Europe est un régime démocratique. La France y est influente lorsqu’elle sait convaincre et qu’elle sait écouter. Or, la façon pyramidale et solitaire qu’ont les présidents français de la V<sup>e</sup> République d’exercer le pouvoir et de mettre en scène leurs certitudes limite l’influence française au sein du système politique européen.</p>
<p>Les nombreuses <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/12/09/presidence-francaise-de-l-ue-emmanuel-macron-souhaite-une-europe-puissante-dans-le-monde-pleinement-souveraine_6105392_823448.html">propositions d’approfondissement</a> de l’UE avancées par Emmanuel Macron ne sont ainsi pas parvenues à dissiper le traditionnel cliché d’arrogance française. Au contraire, seule la crise pandémique du Covid-19 et ses graves conséquences économiques et sociales ont convaincu les dirigeants européens de relancer la construction européenne au moyen de politiques disruptives et inédites, dont plusieurs, comme le financement d’investissements communs <a href="https://investir.lesechos.fr/marches/actualites/des-bons-du-tresor-de-la-zone-euro-projet-sense-mais-sensible-1840186.php">par l’émission de bons du Trésor européens</a>, étaient proposées par le président français depuis le début de son mandat.</p>
<p>Le cliché de l’arrogance française sur la scène politique européenne se nourrit d’une double représentation : d’une part, les dirigeants français prétendent <a href="https://www.liberation.fr/evenement/2003/02/19/jacques-chirac-jette-un-froid-a-l-est_431400/">mieux savoir que les autres</a> ce qui est bon pour l’Europe – c’est l’impression qu’ils donnent ; d’autre part, les dirigeants français ne sauraient ni réformer ni moderniser leur pays, et leurs certitudes ne seraient donc pas crédibles.</p>
<p>Ainsi, la constance des dirigeants français du XXI<sup>e</sup> siècle (de Chirac à Macron) à <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/la-france-a-l-offensive-pour-lancer-la-reforme-des-regles-europeennes-sur-la-dette-et-le-deficit-20210414">vouloir réformer</a>, voire supprimer, les critères de Maastricht va de pair avec des dépenses et un endettement publics français élevés et en progrès constants, un déficit commercial structurel, une désindustrialisation accélérée ces dix dernières années et un chômage persistant.</p>
<p>En conséquence de quoi, la France n’est pas considérée comme un modèle dont s’inspirer en matière de politiques publiques en Europe.</p>
<p>Pour ces différentes raisons, les propositions de Paris n’ont de chances d’être influentes que portées par un gouvernement français en étroite liaison avec ceux d’un ou plusieurs autres pays, notamment de l’Allemagne. Le <a href="https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/plan-de-relance-europeen-quelles-sont-les-prochaines-etapes/">plan de relance</a> a beau résonner avec une certaine vision française des politiques publiques européennes, il est devenu concevable lorsque dix pays l’ont proposé en principe, que le Conseil européen a demandé à la Commission de le rédiger, et que le <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/05/18/la-france-et-l-allemagne-proposent-un-plan-de-relance-europeen-de-500-milliards-d-euros_6040040_3234.html">couple franco-allemand en a proposé une version possible</a>.</p>
<h2>La géopolitique, atout inattendu de la France dans l’UE…</h2>
<p>Pour autant, l’influence de la France dans l’UE est aujourd’hui grandissante dans un registre inattendu : celui de la résolution des crises et des défis géopolitiques. Avec <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/06/12/l-europe-en-quete-d-une-autonomie-strategique-encore-contestee-et-peu-tangible_6083824_3210.html">son antienne de l’Europe-puissance</a> (aujourd’hui rebaptisée autonomie stratégique), la classe politique française a longtemps été soupçonnée de chercher à utiliser l’Europe pour déployer une politique mondiale dont la France n’aurait plus seule les moyens.</p>
<p>Il se trouve que depuis le début des années 2010, de plus en plus d’Européens s’accordent à considérer que l’environnement international est porteur de menaces : la Russie (et, dans une moindre mesure, la Turquie) cherche à <a href="https://www.lefigaro.fr/international/l-europe-peine-a-riposter-aux-tentatives-de-destabilisation-russes-20210318">déstabiliser plusieurs pays de l’UE</a> et <a href="https://theconversation.com/faut-il-salarmer-des-nouveaux-bruits-de-bottes-a-la-frontiere-russo-ukrainienne-173224">entretient des conflits à ses frontières</a> ; la Chine communiste considère l’Europe comme un vaste gisement de ressources de différentes sortes qu’elle <a href="https://www.robert-schuman.eu/fr/doc/questions-d-europe/qe-569-fr.pdf">cherche à capter</a> au profit de son économie et de sa puissance ; avec le trumpisme, les États-Unis <a href="https://theconversation.com/diplomatie-de-quoi-lamerique-de-joe-biden-est-elle-le-nom-168880">ne peuvent plus être considérés</a> comme un allié indéfectible et fiable dans la durée ; le djihadisme, en essor, cible tout particulièrement l’Europe.</p>
<p>Dans ce nouveau contexte, la situation de la France, puissance militaire moyenne à vocation mondiale (force de frappe nucléaire, industrie de défense parmi les premières au monde, première armée de l’UE, cinq bases militaires à l’étranger, expérience certaine des opérations extérieures, deuxième domaine maritime mondial) est regardée dans l’UE avec un œil neuf.</p>
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<p>Quelles que soient <a href="https://theconversation.com/limpasse-du-contre-terrorisme-au-sahel-52171">ses limites et ses lacunes</a>, la politique française de lutte contre le djihadisme au Sahel (Serval puis Barkhane ; impulsion du G5 Sahel) s’est européanisée. D’une part avec la force Takuba, qui regroupe des forces spéciales de <a href="https://www.defense.gouv.fr/operations/actualites2/barkhane-task-force-takuba-la-france-passe-le-commandement-a-la-suede">dix États membres de l’UE</a> ; d’autre part, avec l’implication des Européens dans la <a href="https://www.coalition-sahel.org/coalition-pour-le-sahel/">Coalition internationale pour le Sahel</a>, dont le siège est à Bruxelles. Cette dernière rassemble des ressources humaines et financières de pays européens, africains et américains pour l’aide au développement et au renforcement des services et des politiques publics. Ce sont deux signaux faibles qu’à l’invitation de la France, les Européens seraient en train de considérer le Sahel comme la frontière sud de l’UE.</p>
<p>De façon comparable, la perception de l’implication de la France en Libye a changé. Elle était classiquement perçue par les autres pays de l’Union comme une facette de l’interventionnisme post-colonial d’une France « gendarme de l’Afrique ». Après avoir été <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/06/26/en-libye-le-pari-perdu-de-la-france_6044218_3212.html">critiquée</a> pour son interventionnisme en échec dans la guerre civile, la France est dorénavant un peu plus vue par l’UE comme porteuse d’une expérience spécifique mobilisable au service des intérêts des Européens : ramener la paix civile et à la stabilité politique aux portes de l’Europe tout en y endiguant l’immixtion des États turc et russe. <a href="https://www.france24.com/fr/afrique/20211111-libye-une-conf%C3%A9rence-internationale-%C3%A0-paris-pour-soutenir-le-fragile-processus-%C3%A9lectoral">La conférence de Paris sur la Libye</a> de novembre 2021 a été conçue comme le prolongement de <a href="https://www.auswaertiges-amt.de/fr/newsroom-/-/2467900">celle de Berlin</a> du mois de juin précédent. Français, Allemands et Italiens convergent dorénavant plus qu’ils ne rivalisent dans leur appréhension de la crise libyenne.</p>
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<p>Cette convergence se nourrit notamment d’un diagnostic partagé sur une Russie et une Turquie dont les menées déstabilisent les politiques européennes dans la région méditerranéenne. En Libye, donc, où la Turquie et la Russie sont devenues deux acteurs influents à la faveur de l’absence de politique commune des Européens dans la guerre civile. En Syrie, où la Russie a soutenu avec succès le régime de Bachar Al-Assad, adversaire des Européens, tandis que la Turquie a attaqué et affaibli les Kurdes, alliés des Européens contre Daech. À Chypre, la Turquie occupe militairement la partie nord de cet État membre de l’UE. En République centrafricaine et au Mali, la Russie cherche à perturber, voire à saper, les politiques françaises et européennes en Afrique centrale et au Sahel. Moscou déploie dans ces deux pays un dispositif hybride qui mêle l’implantation cœur du pouvoir de la <a href="https://www.lefigaro.fr/international/au-mali-la-france-resiste-aux-mercenaires-de-wagner-20211205">compagnie de mercenaires russe Wagner</a> et la diffusion d’une propagande très hostile à la présence française.</p>
<p>Le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/08/13/tensions-entre-la-grece-et-la-turquie-la-france-envoie-deux-rafale-et-deux-batiments-de-la-marine-nationale_6048868_3210.html">vigoureux soutien</a> de la marine française à la Grèce durant les quelques semaines où la marine turque a pénétré son espace maritime pour en contester la souveraineté hellène et européenne a montré de façon inédite que l’UE comptait sur la spécificité militaire française pour faire face à des menaces extérieures.</p>
<p>Face aux agressions de l’administration Poutine (déstabilisation et morcellement de l’Ukraine pour punir les Ukrainiens de se rapprocher de l’UE ; <a href="https://theconversation.com/la-bielorussie-detat-pivot-a-nouveau-rideau-de-fer-en-europe-165454">instrumentalisation de la dictature biélorusse</a> pour provoquer une crise des réfugiés sur la frontière orientale de l’UE ; <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/deux-navires-militaires-russes-violent-lespace-maritime-de-la-suede-1381647">viol des espaces maritimes</a>, <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/le-danemark-denonce-la-violation-de-son-espace-aerien-par-deux-avions-russes-20210611">aériens</a> et <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/l-union-europeenne-denonce-le-cyberespionnage-russe-et-menace-de-sanctions-20210924">cyber</a> des États membres de l’UE riverains de la Baltique…), la force de dissuasion nucléaire de la France n’apparaît plus seulement comme une bizarrerie ou un particularisme.</p>
<p>Le <a href="https://euradio.fr/2019/12/09/dou-ca-vient-le-format-normandie/">format Normandie</a> (forum quadripartite de gestion du conflit de l’Est ukrainien) initié par les autorités françaises et allemandes, peut être perçu comme la mise au service de l’intérêt général européen de la tradition diplomatique française de gestion des crises militaires. Cela d’autant plus qu’il s’agit d’une démarche qui n’est pas solitaire mais menée avec l’Allemagne. Il y a certes débat entre, d’un côté, le couple franco-allemand, et, de l’autre, la Pologne et les États baltes sur l’opportunité de dialoguer ou non avec les autorités russes ; pour autant, tous s’accordent à considérer qu’il y a une menace russe et qu’il convient de la parer ensemble.</p>
<h2>… et de son plaidoyer pour l’Europe de la défense</h2>
<p>Le classique plaidoyer des dirigeants français pour une Europe de la défense, quels qu’en soient les contours, est désormais considéré avec plus d’attention et d’intérêt. Puisque l’administration Biden <a href="https://www.lesoir.be/405750/article/2021-11-10/europe-de-la-defense-avec-la-benediction-du-president-biden">semble encourager</a> les progrès de cette dernière dans le cadre de sa réassurance de l’Alliance atlantique, le chantier de l’Europe de la défense pourrait bien être la plus féconde des nombreuses priorités de la <a href="https://www.touteleurope.eu/presidence-du-conseil-de-l-union-europeenne/qu-est-ce-que-la-pfue-la-presidence-francaise-du-conseil-de-l-union-europeenne/">présidence française du conseil de l’UE</a> du premier semestre 2022.</p>
<p>L’UE, <a href="https://www.lemonde.fr/prix-nobel/article/2012/10/12/le-prix-nobel-de-la-paix-est-decerne-a-l-union-europeenne_1774412_1772031.html">prix Nobel de la paix en 2012</a>, s’est en sept décennies édifiée en dehors du (voire en opposition au) paradigme de la puissance et du rapport de force. Face au retour de la géopolitique qui bouscule ce fondement de la construction européenne, l’aptitude persistante de la France à l’autonomie stratégique et aux interventions militaires offre à sa classe politique une chance d’être écoutée par ses homologues européennes. En ce sens, la présidence semestrielle du Conseil de l’UE par la France en 2022 est pour le président Macron une opportunité d’en finir avec le stéréotype de l’arrogance française.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173814/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvain Kahn ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Unique puissance nucléaire de l’UE, forte de son expérience militaire, la France a l’opportunité d’être écoutée par des Européens qui doivent faire face à des menaces géopolitiques.Sylvain Kahn, Professeur agrégé d'histoire, docteur en géographie, Centre d'histoire de Sciences Po, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1685962021-09-23T20:18:05Z2021-09-23T20:18:05ZLe couple franco-allemand sous Angela Merkel : quatre mariages sans enterrement<p>Autant commencer par la fin : il y a seize mois, en mai 2020, la chancelière réveillait le couple franco-allemand d’un long sommeil avec la désormais fameuse <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2020/05/18/initiative-franco-allemande-pour-la-relance-europeenne-face-a-la-crise-du-coronavirus#:%7E:text=Pour%20soutenir%20une%20reprise%20durable,concentr%C3%A9e%20sur%20ses%20premi%C3%A8res%20ann%C3%A9es.">initiative franco-allemande pour une relance européenne</a> de l’économie frappée par la pandémie de Covid-19. Ce faisant, avec son homologue français Emmanuel Macron, elle relançait une construction européenne lestée depuis une décennie d’un empilement de crises…</p>
<p>Deux mois plus tard, elle <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/elections-en-allemagne/apres-un-nouveau-revers-electoral-angela-merkel-annonce-qu-elle-ne-se-representera-pas-a-la-presidence-du-parti-cdu_3008913.html">annonçait</a> qu’elle ne briguerait pas un cinquième mandat et se concentrait sur « sa » <a href="https://www.eu2020.de/eu2020-fr">présidence allemande de l’UE</a> (1er juillet-31 décembre 2020). Lors des Conseils européens de juillet puis de décembre 2020, elle joua, avec le président du Conseil européen Charles Michel et la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, un rôle éminent dans l’élaboration des compromis entre les pays « frugaux » et tous les autres, puis entre les gouvernements illibéraux et tous les autres, pour que le plan de relance soit définitivement rédigé, adopté et lancé.</p>
<p>Avec un grand sens du timing et de l’opportunisme politique, Angela Merkel (2005-2021) s’est donc inscrite <em>in extremis</em> dans la tradition de la démocratie chrétienne qui fait des grands chanceliers des bâtisseurs franco-allemands de l’Europe.</p>
<h2>Rechercher le compromis avec Paris pour préserver l’UE…</h2>
<p>Jusqu’alors, elle s’était contentée de tenir la boutique de la construction européenne. Elle a maintenu la maison européenne solide sur ses fondations, mais n’a eu l’idée ni l’audace (ni l’envie ?) de la développer ni de la mettre en chantier. Durant seize années, elle s’est ingéniée, avec talent et réussite, à ne jamais froisser son partenaire français, à éviter un déchirement de l’UE, à faire accoucher les Conseils européens des chefs d’État et de gouvernement de compromis opérationnels.</p>
<p>En juillet 2015, en pleine crise grecque, elle a ainsi fait, avec François Hollande (2012-2017), la <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/07/13/20002-20150713LIVWWW00007-grece-hollande-tsipras-merkel-et-trusk-proposent-un-projet-de-compromis.php">synthèse</a> entre les dirigeants exaspérés – dont son propre ministre des Finances Wolfgang Schaüble – qui envisageaient un Grexit, et les dirigeants qui privilégiaient la poursuite des plans d’aide à la Grèce alors dirigée par le gouvernement de gauche radicale d’Alexis Tsipras.</p>
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<figcaption><span class="caption">Angela Merkel : 16 ans de pouvoir, quatre présidents français • France 24, 17 septembre 2021.</span></figcaption>
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<p>En octobre 2011, elle s’était finalement entendue avec Nicolas Sarkozy (2007-2012) sur un effacement partiel de la dette grecque détenue par les créanciers privés, principalement des banques, <a href="http://www.slate.fr/story/45589/fesf-europe-dette-accord">convoquées à Bruxelles dans la nuit du 27 octobre</a> par Angela Merkel, Nicolas Sarkozy, Herman Van Rompuy (président du Conseil européen à l’époque) et Christine Lagarde (alors directrice du FMI). Suivraient la création d’un fonds monétaire européen permanent (le <a href="https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/qu-est-ce-que-le-mecanisme-europeen-de-stabilite-mes/">MES, mécanisme européen de stabilité</a>) et le <a href="https://www.consilium.europa.eu/media/20386/st00tscg26-fr-12.pdf">TSCG (traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de la zone euro)</a> appelé « pacte budgétaire ».</p>
<p>Ces dispositifs portent la marque du compromis entre l’approche française, favorable à un endettement public européen plus souple et mutualisé d’une part ; et l’approche de la majorité des pays de l’UE et de la société allemande d’autre part, peu enclines à la générosité avec les États en difficulté en raison de politiques budgétaires qu’elles estimaient trop laxistes. Au final, la solidarité européenne prend alors la forme de prêts à taux bas et de garanties bancaires en contrepartie de réformes nationales structurelles et d’un examen mutualisé à l’échelle européenne de chaque budget national annuel.</p>
<h2>… et les intérêts bien compris des Allemands</h2>
<p>Ce faisant, Angela Merkel a édulcoré l’ordo-libéralisme allemand. Pourtant, on a <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-philosophiques1-2014-2-page-118.htm">surtout retenu</a> que c’était elle-même qui avait imposé, pour prix du sauvetage de la zone euro, des plans de rigueur <a href="https://www.telos-eu.com/fr/politique-francaise-et-internationale/pourquoi-au-juste-angela-merkel-est-elle-admiree.html">aux conséquences très douloureuses</a> aux pays bénéficiaires de ces « aides », notamment la Grèce.</p>
<p>Dans les faits, elle a, comme son prédécesseur immédiat Gerhard Schröder (1998-2005), le premier avant elle, normalisé la politique européenne de l’Allemagne : à l’image de ses homologues européens, et tout particulièrement Jacques Chirac (1995-2007), Angela Merkel a considéré que la construction européenne et la recherche d’un intérêt général européen ne devaient jamais être une fin en soi et primer sur les intérêts bien compris du pays qu’elle dirigeait et de l’état de son opinion publique. Ses gouvernements successifs ont ainsi été particulièrement attentifs à préserver <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2017/09/24/comprendre-lexcedent-allemand/">l’excédent commercial</a> et les capacités industrielles de l’Allemagne, ainsi que les revenus des <em>insiders</em> allemands (salariés couverts par les accords de branche, retraités, épargnants).</p>
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<figcaption><span class="caption">Allemagne : une puissance nommée Merkel ? – Le dessous des cartes, Arte, 17 février 2021.</span></figcaption>
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<p>Les prédécesseurs de Merkel et Schröder (Konrad Adenauer, Willy Brandt, Helmut Schmidt, Helmut Kohl) ne fonctionnaient pas ainsi. Tout en étant à l’écoute des groupes d’intérêts au sein de leur pays, et tout en prenant parfois des décisions sans trop sacrifier à la concertation (<a href="https://www.cvce.eu/education/unit-content/-/unit/55c09dcc-a9f2-45e9-b240-eaef64452cae/b3f1bdcb-928a-497d-96bc-e85a4c77cab8">Ostpolitik</a> de Brandt, <a href="https://books.openedition.org/septentrion/8960?lang=fr">refus du SME jusqu’en 1978 par Schmidt</a>, réunification allemande et reconnaissance de la Croatie par Kohl), ces chanceliers du second XX<sup>e</sup> siècle considéraient que faire émerger l’intérêt général européen était l’une des raisons d’être de l’Allemagne démocratique, humaniste et fédérale née en 1949.</p>
<p>Conséquents dans leur volonté d’approfondir la construction européenne, ces prédécesseurs d’Angela Merkel étaient très sensibles aux initiatives franco-allemandes propres à dynamiser l’UE : SME et élection du Parlement européen des années 1970 ; déploiement des euromissiles, franc soutenu par la Bundesbank, nouveau budget communautaire et marché unique dans les années 1980 ; monnaie unique et élargissements des années 1990. C’est bien pourquoi la mise en scène du couple franco-allemand a produit des souvenirs iconiques, comme la poignée de mains de Verdun entre Helmut Kohl et François Mitterrand devant l’ossuaire de Douaumont en 1984. La classe politique allemande accordait bien volontiers sa confiance aux instances supranationales européennes (Commission, Parlement).</p>
<h2>Un bilan franco-allemand modeste, relevé in extremis par le plan de relance…</h2>
<p>Angela Merkel a pour sa part constamment privilégié le Conseil européen comme lieu dominant du pouvoir européen. Elle ne soutint pas Jean‑Claude Juncker, dont elle fut pourtant si proche quand il dirigeait le Luxembourg et la zone euro, lorsqu’il proposa, en sa qualité de président de la Commission (2014-2019), un plan de relance de l’économie européenne que piloterait celle-ci.</p>
<p>Comme chancelière, Angela Merkel a même pris de façon unilatérale plusieurs décisions aux conséquences très importantes pour l’UE, comme la <a href="https://allemagne-energies.com/sortie-du-nucleaire/">sortie du nucléaire en 2011</a> (qui a considérablement augmenté la dépendance des Européens au charbon et au gaz russe), ou <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Europe/Le-31-aout-2015-Angela-Merkel-ouvre-frontieres-allemandes-refugies-2019-04-12-1201015262">l’accueil d’un million de personnes migrantes en 2015</a> suivi d’un <a href="https://www.senat.fr/rap/r16-038/r16-038_mono.html">accord</a> par lequel la Turquie retient les migrants sur son territoire moyennant finances.</p>
<p>Pendant ce temps, elle n’a pas proposé à ses quatre homologues français de plans visionnaires ou de dispositifs innovants, et n’a que peu saisi les propositions de ce type qu’ils lui ont adressées, que ce soit les eurobonds sous Sarkozy puis Hollande, ou <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/le-degre-dambition-de-macron-est-trop-eleve-pour-ses-partenaires-europeens-1163254">l’ambitieux catalogue d’initiatives nouvelles d’Emmanuel Macron</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Sommet européen : consensus sur la Grèce, mais pas sur les eurobonds, Euronews, 24 mai 2012.</span></figcaption>
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<p>À l’exception du plan de relance pour faire face aux conséquences du Covid, le bilan européen et franco-allemand de Merkel est donc plutôt discret. Mais il est vrai que ce seul plan restera très probablement comme un tournant majeur de la construction européenne, une relance de celle-ci à l’image de celles enclenchées par le projet de Marché commun en 1956 et par le <a href="https://www.consilium.europa.eu/media/20670/1984_juin_-_fontainebleau__fr_.pdf">Conseil européen de Fontainebleau en 1984</a>.</p>
<p>Avec ce plan de relance, Merkel a <a href="https://www.lepoint.fr/europe/plan-de-relance-europeen-la-cour-de-karlsruhe-donne-son-feu-vert-21-04-2021-2423268_2626.php">remis à sa place</a> le tribunal fédéral constitutionnel de Karlsruhe qui menaçait de rendre des arrêts entravant l’action déterminante de la BCE (conduite par Mario Draghi puis Christine Lagarde) et contestait la primauté du droit européen. Plus encore, en bifurquant à 180 degrés vers un endettement de l’UE finançant des dons aux États membres, elle a brisé l’idole des critères de Maastricht et de <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/04/10/coronavirus-l-ordoliberalisme-allemand-semble-se-fissurer_6036242_3232.html">l’ordo-libéralisme</a> qui étaient son repère européen depuis 2005.</p>
<p>Elle l’a fait pour plusieurs raisons : être en phase avec son opinion publique bouleversée par les drames de la pandémie en Italie et dans toute l’Europe ; se débarrasser de son costume de mère fouettarde incarnant la rigueur dont l’affublait une bonne partie de l’opinion publique européenne ; prendre pour une fois et enfin par la main un de ses maris français, le quatrième ; et, bien sûr, comme elle l’indiqua elle-même, parce qu’il était dans l’intérêt de l’Allemagne que l’économie et la société de l’UE ne s’effondrent pas, résistent et se relancent.</p>
<h2>… et la nomination surprise d’Ursula von der Leyen</h2>
<p>À cette aune, le legs le plus déterminant du couple franco-allemand de l’ère Merkel pourrait bien être la nomination d’Ursula von der Leyen à la présidence de la Commission européenne en juillet 2019. Fidèle d’entre les fidèles de la chancelière, sa nomination imposée conjointement par Macron et Merkel (suivie d’une investiture par le Parlement européen avec <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/l-allemande-von-der-leyen-premiere-femme-elue-la-tete-de-la-commission-europeenne-6447564">9 voix de majorité seulement</a> !) est un peu le pendant de celle de Jacques Delors imposée 35 ans plus tôt par Kohl et Mitterrand : un « coup » du couple franco-allemand. Or, il y a aujourd’hui un nombre certain de signaux faibles que le ou les Commission(s) von der Leyen auront une portée aussi décisive que les mandats Delors (1985-1995).</p>
<p>Comme Delors, von der Leyen déroule depuis son entrée en fonction un programme politique impressionnant. On l’a déjà oublié : c’est bien la Commission qui, dès le mois de mars 2020, en connivence avec le Parlement européen, a soufflé au Conseil européen l’idée d’un plan de relance XXL, pour que ledit Conseil lui demande du haut de sa majestueuse centralité de bien vouloir lui présenter un plan de relance européen pour la fin mai 2020. Dans le même temps, la Commission a abattu un travail intense et déterminant en <a href="https://www.touteleurope.eu/societe/covid-19-chronologie-de-la-pandemie-en-europe/">mobilisant</a> dès la mi-mars 2020 un maximum de ressources juridiques, politiques et financières pour lancer une politique européenne de santé anti-Covid et soutenir les économies et les sociétés mises à l’arrêt par le confinement généralisé.</p>
<p>C’est la Commission qui lança le processus de suspension des critères de Maastricht et de la législation sur les aides d’État ; qui mobilisa les fonds disponibles dans le budget ordinaire tout en s’alliant avec la BEI pour un premier plan de relance qui n’en portait pas le nom ; qui détourna les dispositifs existants de leur destination première aux fins de la lutte contre le Covid (Sure et Fonds de solidarité, par exemple) ; qui lança des appels d’offres européens inédits pour le matériel médical (masques, respirateurs) puis les vaccins tout en organisant la production et la répartition des doses dans l’UE ; qui stoppa net les premières manifestations de protectionnisme sanitaire au sein de l’UE.</p>
<p>La Commission von der Leyen s’est enfin saisie du plan de relance pour amplifier et accélérer la politique européenne de transition énergétique (<a href="https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/european-green-deal_fr">« pacte vert »</a>). Cette Commission est en train d’en faire l’instrument d’une politique d’orientation des économies européennes par l’investissement. Avec le soutien d’une grande partie de l’opinion publique, la Commission se sert également de la manne du plan de relance pour exercer une pression inédite sur les gouvernements qui s’affranchissent de l’État de droit et favorisent la corruption (principalement ceux d’Orban et de Morawiecki).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1419733096342097924"}"></div></p>
<p>Bien entendu, tout cela n’est possible que parce que les États acceptent d’être mobilisés ; mais encore faut-il oser les mobiliser, et le faire avec doigté, tant les dirigeants étatiques sont soucieux du respect de l’étiquette et des signes de leur prééminence.</p>
<p>La Commission actuelle a senti la demande d’Europe produite dans les sociétés civiles par l’ampleur de la crise sanitaire qui a dévoilé les pesanteurs des appareils d’États et de sociétés politiques dépassés ou démunis. Merkel et Macron ont su recouvrir ces défaillances et ces pesanteurs par la geste renouvelée de ce <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/les-idees-claires-de-sylvain-kahn/le-couple-franco-allemand-un-mythe-operatoire">mythe opératoire</a> que demeure le <em>couple franco-allemand moteur de l’Europe</em>. Le <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/haut-rhin/mulhouse/coronavirus-nouveau-transfert-malades-tgv-mulhouse-1808254.html">transfert</a> des malades français sous respirateurs et en réanimation vers des hôpitaux allemands en TGV médicalisés siglés SNCF restera dans les annales.</p>
<p>En nommant pour la première fois une femme à la tête de la Commission, Merkel et Macron ont eu la détermination et l’habileté de faire accepter aux partis politiques la mise à l’écart des <em>spitzenkandidät</em>, dont le chrétien-démocrate allemand arrivé en tête (Manfred Weber) ne présentait qu’un honnête CV d’apparatchik parlementaire. En même temps, ils prenaient en compte les demandes sociales les plus actuelles des vingtenaires et des trentenaires, que le résultat des élections européennes de juin 2019 avaient cristallisées de façon inattendue. Sans doute seule Merkel pouvait-elle imposer à cette classe de dirigeants politiques européens si virils et sûrs d’eux même une femme politique polyglotte et au moins aussi intelligente et brillante qu’eux.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1268112943759138816"}"></div></p>
<p>Elle l’a fait en fin de carrière politique : est-ce une manière de se prolonger et de se dépasser, d’être là sans y être, elle qui a tout fait pour étouffer l’émergence d’un grand successeur chrétien-démocrate en Allemagne ? Elle qui assure ne plus vouloir jouer aucun rôle européen quand tant lui demandent déjà de prendre la présidence du Conseil ou de la Commission en 2024 ? Est-ce une manière, au final et sans en avoir l’air, d’accorder au programme européen très allant de son partenaire français Emmanuel Macron une chance de se réaliser enfin par la grâce et la volonté d’une Commission entreprenante, dynamique et à l’écoute du Parlement européen élu en 2019 ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168596/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvain Kahn ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au cours de ses seize années au pouvoir, Angela Merkel a toujours cherché à entretenir le couple franco-allemand, tout en promouvant constamment les intérêts de son pays. Un délicat jeu d’équilibre…Sylvain Kahn, Professeur agrégé d'histoire, docteur en géographie, Centre d'histoire de Sciences Po, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1586382021-04-08T14:44:48Z2021-04-08T14:44:48ZLe « sofagate » ou la faillite de la politique étrangère de l’Union européenne<p>Depuis le matin du mercredi 7 avril, une vidéo de la rencontre entre Recep Tayyip Erdogan et Ursula von der Leyen et Charles Michel <a href="https://www.politico.eu/article/sofagate-ursula-von-der-leyen-turkey-sofa-charles-michel-recep-tayyip-erdogan/">met en émoi les réseaux sociaux</a>.</p>
<p>On y voit le président du Conseil européen et le président turc, suivis de la présidente de la Commission européenne et du ministre des Affaires étrangères turc, marcher de concert, comme de vieux amis, du pas énergique qui sied aux hommes de pouvoir, et s’installer sur les deux fauteuils préparés à leur intention dans l’immense salon d’un palais gouvernemental.</p>
<p>Ce faisant, comme dans le jeu des chaises musicales, ils laissent la présidente de la Commission en retrait, seule, debout, incrédule : il n’y a pas de fauteuil pour elle. Aucun d’eux ne fait mine de se préoccuper de son sort ou de se lever. Celle-ci n’a d’autre choix que de s’asseoir sur un canapé, en face de Mevlüt Çavuşoğlu, le ministre turc des Affaires étrangères.</p>
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<figcaption><span class="caption">Une rencontre avec le président turc qui frôle l’incident diplomatique ? YouTube, Huffington Post.</span></figcaption>
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<h2>Un dispositif très calculé</h2>
<p>Chacun pouvait s’attendre à pareille provocation de la part des autorités turques. Car ce n’est pas une gaffe du service du protocole de la présidence : ce serait leur faire insulte que de leur prêter tant d’amateurisme. C’est au contraire un dispositif très calculé, destiné à humilier publiquement la présidente de la Commission, dans un contexte chargé en jouant sur les ambiguïtés du protocole européen.</p>
<p>La Turquie s’est en effet <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/03/22/violences-contre-les-femmes-erdogan-retire-la-turquie-de-la-convention-d-istanbul_6074029_3210.html">retirée</a> le 19 mars dernier de la Convention européenne dite « d’Istanbul », relative à la lutte contre les violences faites aux femmes. Et Madame Von der Leyen ne s’est pas montrée très complaisante avec les autorités turques depuis son élection à la tête de la Commission, en juillet 2019. Elle s’était notamment élevée, en octobre 2020, contre les violations des eaux territoriales chypriotes par la Turquie, déclenchant <a href="https://www.leparisien.fr/international/mediterranee-orientale-l-ue-donne-trois-mois-a-la-turquie-pour-stopper-les-provocations-02-10-2020-8395542.php">l’ire du président Erdogan</a>.</p>
<p>La présidente de la Commission a appliqué, depuis, une stratégie de la carotte et du bâton, évoquant tout à la fois une modernisation de l’union douanière avec la Turquie, pour faciliter les échanges commerciaux, et une meilleure coopération sur la question migratoire – c’est-à-dire davantage d’argent – mais également de possibles sanctions de l’Union européenne à l’encontre d’Ankara. Quant à Recep Tayyip Erdogan, c’est un fin stratège, qui sait créer de tels incidents et <a href="https://www.liberation.fr/planete/2017/03/13/apres-la-division-l-union-europeenne-resserre-les-rangs_1555452">diviser pour régner</a>, et ne craint pas les situations tendues.</p>
<p>On pourrait y voir une péripétie sans importance, considérer que les visites d’État ne sont qu’un barnum sans intérêt, et que ces histoires de chaises, de canapés et de protocole sont secondaires. Mais ce serait ignorer que ces rencontres hautement médiatisées ne sont qu’affaires de symboles : le contenu des échanges importe moins que les signes d’entente et de bonne volonté ou, au contraire, de défiance et de crispation qui sont émis durant ces courtes séquences.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1380074124924583947"}"></div></p>
<p>Il faut faire ici le parallèle avec la <a href="https://www.franceculture.fr/geopolitique/le-haut-representant-de-lue-naurait-pas-du-se-laisser-humilier-a-moscou">manière très rude</a> dont les autorités russes avaient reçu le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères, Josep Borrell, à Moscou le 5 février dernier. On a évoqué des maladresses de sa part, mais il est plus juste de considérer qu’il a été la cible d’une <a href="https://www.france24.com/fr/%C3%A9missions/ici-l-europe/20210330-josep-borrell-sur-sa-visite-%C3%A0-moscou-humili%C3%A9-non-j-ai-%C3%A9t%C3%A9-agress%C3%A9-par-les-russes">stratégie d’humiliation</a> en bonne et due forme, orchestrée par le ministre russe des Affaires étrangères, le très aguerri Sergueï Lavrov. Borrel était en visite officielle à Moscou quand les autorités russes ont expulsé trois diplomates européens, accusés de soutien à l’opposant Alexeï Navalny. Il a aussi dû subir une conférence de presse réunissant des journalistes peu hostiles au Kremlin.</p>
<h2>Une guerre froide</h2>
<p>Ce qui s’est joué à Ankara, comme à Moscou, n’est pas du registre de la courtoisie ou de la manifestation d’une humeur, bonne ou mauvaise : ce sont des manifestations de guerre froide. La Turquie – comme la Russie, la Chine ou l’Inde – se revendique désormais avec force comme un <a href="https://www.ft.com/content/b6bc9ac2-3e5b-11e9-9bee-efab61506f44">« État de civilisation »</a>.</p>
<p>Recep Tayyip Erdogan affirme sans détour aux leaders des pays dits occidentaux qu’il ne partage pas leurs valeurs, n’entend pas s’y rallier, et veut au contraire affirmer les siennes, qu’il juge tout aussi légitimes, car fondées sur <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/11/13/turquie-les-nouveaux-habits-historiques-du-president-erdogan_6059559_3232.html">« une longue et glorieuse histoire »</a>, et un fort <a href="https://www.lefigaro.fr/vox/monde/erdogan-mene-un-projet-panislamiste-et-neo-ottoman-qu-il-faut-combattre-de-toute-urgence-20200303">attachement à des convictions religieuses</a>.</p>
<p>De même que Vladimir Poutine ou Xi Jinping, le président turc <a href="https://www.la-croix.com/Debats/Turquie-agenda-positif-prix-labdication-valeurs-europeennes-2021-02-10-1201139994">récuse</a> la prétention universelle des perceptions européennes de la démocratie, des droits de l’homme et du progrès social, et leur croyance dans des relations internationales fondées sur le règne de la coopération et du droit. Il refuse de faire siennes les conceptions sociétales promues à Bruxelles, en particulier en ce qui concerne les rapports entre hommes et femmes, les droits des minorités sexuelles ou ceux des minorités ethniques.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1377635861014188040"}"></div></p>
<p>Cette manœuvre n’est pas surprenante de la part de ce leader nationaliste, dont l’agenda est connu et qui sait parfaitement ce qu’il fait.</p>
<p>Que la présidente de la Commission ait eu à subir un tel traitement n’est pas constitutif en soi d’une faillite de la politique étrangère de l’Union. Elle a fait face, a manifesté son déplaisir avec tact, et ne s’est pas laissée piéger par la provocation. Elle a pris pleinement part à la discussion, qui devait porter – ce n’est pas un hasard – sur les droits de l’homme. Rentrée à Bruxelles, elle a officiellement protesté contre ce traitement, et donné des instructions à ses équipes pour que cela n’arrive plus.</p>
<p>Si faillite de la politique étrangère de l’Union il y a eu, c’est en raison de l’attitude de Charles Michel, le président du Conseil européen. Comment, en effet, expliquer que celui-ci se soit assis sans se préoccuper du sort d’Ursula von der Leyen ? On aurait pu imaginer qu’il se lève pour lui céder son fauteuil ou exige d’être assis à côté de la présidente de la Commission européenne, mais il n’en a rien fait. Il s’est contenté, de retour à Bruxelles, de <a href="https://www.politico.eu/article/charles-michel-on-sofagate-not-my-fault-ursula-von-der-leyen-recep-tayyip-erdogan/">faire valoir</a> qu’il n’était pas responsable des dispositions protocolaires et que les images de la réunion donnaient une fausse impression de la situation.</p>
<p>Certains soulignent que ce dispositif a forcément été validé par les services du protocole de la Commission, et que l’on fait donc un mauvais procès aux autorités turques, mais ces services n’étaient pas sur place, en raison de la situation sanitaire. Le chef du protocole de la Commission, Éric Mamer, a <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/04/07/a-ankara-ursula-von-der-leyen-fait-les-frais-d-une-tres-sexiste-faute-de-protocole_6075893_3210.html">confirmé</a> que, lors d’une visite à l’étranger à laquelle les deux présidents prennent part, ils doivent être traités de la même manière.</p>
<p>Cette interprétation est contestée, certains estimant qu’à l’étranger, le président du Conseil européen a <a href="https://www.liberation.fr/international/europe/recep-tayyip-erdogan-a-t-il-humilie-ursula-von-der-leyen-20210407_ZSQXDPRAYVAE7C6E2LFJBBDZYA/">rang de préséance sur son homologue de la Commission</a>. Jean‑Claude Juncker, ancien président de la Commission, <a href="https://www.politico.eu/article/juncker-tries-to-take-the-sting-out-of-sofagate/">laisse entendre</a> que Mme Von der Leyen est bien susceptible, et qu’il lui arrivait également de se retrouver au second plan. Il reste que Charles Michel n’est pas le supérieur hiérarchique de la présidente de la Commission, comme Recep Tayyip Erdogan l’est de son ministre. En outre, les médias abondent de photos montrant que, lors de la précédente visite officielle des responsables européens à Ankara, le président du Conseil européen Donald Tusk et celui de la Commission Jean‑Claude Juncker étaient installés tous deux aux côtés de M. Erdogan, sur un pied d’égalité.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1379867787783458816"}"></div></p>
<p>Quoi qu’il en soit, l’incident marque les limites de l’action extérieure de l’Union. Depuis les dernières élections européennes (mai 2019), les leaders européens (ceux des institutions l’Union comme ceux des États membres) n’en finissent plus d’évoquer la <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2020/12/03/conversation-avec-clement-beaune/">« puissance »</a> et <a href="https://www.ifri.org/fr/publications/editoriaux-de-lifri/leurope-etre-strategiquement-autonome">« l’autonomie stratégique »</a> de l’Union, son rôle « géopolitique », voire sa <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2021/01/08/comment-definir-les-contours-de-leurope-puissance/">« souveraineté »</a>.</p>
<p>Un consensus émerge parmi eux pour reconnaître que l’UE ne peut plus s’en tenir à la promotion pacifique et angélique de ses valeurs, et que la convergence globale vers le modèle de l’État-nation occidental, <a href="https://www.franceculture.fr/histoire/lhistoire-de-la-fin-de-lhistoire">prédite au lendemain de la chute du bloc soviétique</a>, n’aura pas lieu. En conséquence, l’Union doit <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/la-fin-de-la-naivete-1229485">cesser de faire preuve de naïveté dans son action internationale</a>. Dans ce contexte, l’incapacité de Charles Michel à comprendre la situation créée par le président turc et à s’en saisir est assez désastreuse.</p>
<h2>Naïveté européenne</h2>
<p>L’attitude du président du Conseil européen est en effet symptomatique de l’incapacité de l’UE à définir et à mettre en œuvre une ligne politique claire à l’échelle internationale, et à parler d’une seule voix avec ses interlocuteurs. Elle illustre parfaitement la situation qu’engendre la <a href="https://www.touteleurope.eu/l-ue-dans-le-monde/maxime-lefebvre-le-traite-de-lisbonne-ne-met-pas-fin-aux-risques-de-cacophonie/amp/">polyarchie</a> européenne en matière de relations extérieures, qui voit la responsabilité de sa politique étrangère divisée entre de multiples leaders qui se trouvent dans une situation de concurrence objective : les présidents du Conseil européen et de la Commission européenne, le Haut Représentant de l’Union, ainsi que la « présidence semestrielle » du Conseil.</p>
<p>Il faut, bien entendu, compter également avec les responsables politiques des 27 États membres, qui restent libres de définir leur politique étrangère pour tout ce qui ne relève pas des compétences centrales de l’Union (commerce, environnement, agriculture…). Cette situation engendre une concurrence et une cacophonie persistantes, dont le manque de solidarité de Charles Michel à l’endroit d’Ursula von der Leyen est la parfaite illustration.</p>
<p>Il faut rappeler ici l’importance stratégique que revêtait la visite à Ankara, qui visait à <a href="https://www.france24.com/fr/europe/20210406-les-dirigeants-de-l-union-europ%C3%A9enne-en-turquie-pour-apaiser-les-tensions">réchauffer des relations</a> entre l’UE et la Turquie au point mort. Le président Erdogan souffle désormais le chaud et le froid, contrarié par l’élection de Joe Biden, qui n’est plus aussi conciliant que ne l’était Donald Trump. L’année 2020 a été difficile entre les deux blocs, avec une série de déclarations belliqueuses du président turc, qui avait notamment <a href="https://www.challenges.fr/monde/erdogan-interroge-la-sante-mentale-de-macron_734206">mis en doute la santé mentale d’Emmanuel Macron</a> et qualifié la France de pays <a href="https://www.aa.com.tr/fr/politique/erdogan-en-france-on-est-face-%C3%A0-un-racisme-institutionnel/2161087">« raciste »</a>.</p>
<p>Les dirigeants de l’Union voulaient sonner l’heure du rapprochement, la Turquie étant toujours officiellement candidate à l’adhésion. Cette rencontre devait leur permettre d’exposer leur point de vue sur l’avenir de la région, à travers des discussions sur la coopération économique, les questions de mobilité et les migrations. Le nœud des relations entre la Turquie et l’Union reste en effet la <a href="https://www.touteleurope.eu/societe/crise-migratoire-qu-est-devenu-l-accord-entre-l-union-europeenne-et-la-turquie/">question migratoire</a>. En la matière, l’Union fait miroiter à Ankara des financements – il est question de 6 milliards d’euros – en échange du maintien sur le sol turc des 4 millions de migrants syriens qui espèrent venir en Europe.</p>
<p>Le « sofagate » créé délibérément par Recep Tayyip Erdogan augure mal de la capacité de l’Union à parler d’une seule voix à l’étranger et de défendre ses intérêts dans une relation équilibrée avec les autres grandes puissances. Espérons qu’il sera l’occasion d’un sursaut de lucidité au sein des institutions européennes.</p>
<hr>
<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie le 30 septembre et le 1er octobre 2021 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/158638/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Costa ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’incident diplomatique survenu lors de la visite à Ankara d’Ursula von der Leyen et Charles Michel illustre la faiblesse de l’Union face à la Turquie de Recep Tayyip Erdogan.Olivier Costa, Directeur de recherche au CNRS, CEVIPOF / Directeur des Etudes politiques au Collège d'Europe, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1281412019-12-05T19:27:23Z2019-12-05T19:27:23ZBrexit et agences européennes : pourquoi l’EMA va à Amsterdam et l’EBE à Paris<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/304686/original/file-20191202-67002-75c5jj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C14%2C962%2C625&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La procédure de désignation retenue par le Conseil européen a pu avoir une influence décisive sur le résultat du vote. </span> <span class="attribution"><span class="source">Alexandros Michailidisr / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>À la suite d’un référendum le 23 juin 2016, les Britanniques ont choisi à une majorité de 51,89 % (avec un taux de participation de 72,21 %) de quitter l’Union européenne (UE). Cela a mécaniquement conduit le gouvernement du Royaume-Uni à mettre en œuvre <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/20367-retrait-volontaire-de-lue-article-50-tue-issu-du-traite-de-lisbonne">l’article 50 du Traité sur l’UE</a> et à notifier au Conseil européen le 29 mars 2017 la décision du Londres de quitter les Vingt-Huit : ce que l’on appelle depuis le « Brexit ». Il s’agit là d’un évènement historique sans précédent, aux conséquences incertaines, tant pour le Royaume-Uni que pour les 27 autres pays de l’UE.</p>
<p>Les problèmes à résoudre sont gigantesques et d’autant plus délicats que les positions défendues par les différentes parties prenantes au sein du Royaume-Uni sont très hétérogènes. Le <a href="https://www.senat.fr/notice-rapport/2019/r19-049-notice.html">rapport</a> d’information du Sénat du 10 octobre 2019 réalisé par les sénateurs Jean Bizet et Christian Cambon au nom du « Groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et sur la refondation de l’Union européenne » offre une belle analyse de la situation, de ses risques, ainsi que des évolutions possibles.</p>
<p>Parmi les très nombreuses questions liées au changement de statut du Royaume-Uni, qui passera du statut d’État membre à celui d’État tiers, figure celle du devenir des <a href="https://europa.eu/european-union/about-eu/agencies_fr">agences européennes</a> implantées outre-Manche. Il n’est en effet pas possible de laisser des agences européennes sur le territoire d’un État tiers. Concrètement, en l’espèce, il s’agissait de savoir où allaient être réimplantées sur le territoire européen l’Agence européenne des médicaments (<a href="https://europa.eu/european-union/about-eu/agencies/ema_fr">EMA</a>) et l’Autorité bancaire européenne (<a href="https://europa.eu/european-union/about-eu/agencies/eba_fr">EBA</a>).</p>
<p>L’objet de cette note est d’expliquer la manière dont ce problème a été résolu en mettant en évidence le fait qu’il s’agissait de résoudre ce que les économistes appellent un problème de <a href="https://crese.univ-fcomte.fr/uploads/documents/89c5f8346db8ab6327abef6d9696729a.pdf">choix social</a>, c’est-à-dire un problème consistant à regrouper les choix ou classements d’au moins deux individus (personnes physiques, juges, entreprises, associations, partis politiques, ou États) pour en faire un classement ou un choix collectif.</p>
<h2>Le choix crucial de la procédure</h2>
<p>Face au retrait du Royaume-Uni de l’UE, les autres États membres ont dû choisir une méthode pour relocaliser ces deux agences européennes. Reprenant la tripartition proposée en 1944 par l’économiste américain Frank Knight en matière de choix sociaux, ils devaient donc choisir entre : l’autorité, la coutume et le consensus. La première solution envisageable, l’autorité, aurait consisté à ce qu’un (ou plusieurs) État(s) membre(s) ait (aient) suffisamment de pouvoir au sein du Conseil européen pour imposer aux autres membres deux localisations, puisqu’il avait été convenu que les deux agences ne pourraient être relocalisées dans un même pays. À l’évidence une telle option était à la fois juridiquement et démocratiquement impossible.</p>
<p>La deuxième solution envisageable, la coutume, était elle aussi impossible, pour les mêmes raisons, mais également car il n’y a jamais eu auparavant de sortie d’un État de l’UE. Il ne restait donc que la troisième solution : le consensus.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/304667/original/file-20191202-67007-h72qnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304667/original/file-20191202-67007-h72qnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304667/original/file-20191202-67007-h72qnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304667/original/file-20191202-67007-h72qnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304667/original/file-20191202-67007-h72qnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304667/original/file-20191202-67007-h72qnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304667/original/file-20191202-67007-h72qnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304667/original/file-20191202-67007-h72qnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’ancien siège de l’EMA, à Londres.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Lubo Ivanko/Shutterstock</span></span>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/304668/original/file-20191202-67002-1bc3go3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304668/original/file-20191202-67002-1bc3go3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304668/original/file-20191202-67002-1bc3go3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304668/original/file-20191202-67002-1bc3go3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304668/original/file-20191202-67002-1bc3go3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304668/original/file-20191202-67002-1bc3go3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304668/original/file-20191202-67002-1bc3go3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304668/original/file-20191202-67002-1bc3go3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le nouveau siège de l’EMA, à Amsterdam.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Aerovista Luchtfotografie/Shutterstock</span></span>
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</figure>
<p>Depuis les travaux de Kenneth Arrow, les économistes conviennent que la solution du consensus comprend elle-même deux possibilités : le marché et le vote. La solution du marché aurait par exemple consisté à mettre aux enchères entre les pays membres la nouvelle localisation de ces agences. Ainsi chaque pays intéressé (voir même chaque ville intéressée) par recevoir une agence aurait proposé une somme d’argent et les gagnants auraient payé cette somme pour, par exemple, alimenter le budget européen. Il existe là encore de très nombreuses manières d’organiser concrètement des enchères et la théorie économique propose une analyse fine de ces questions. Mais le Conseil européen a choisi de ne pas retenir cette option et de procéder à un vote.</p>
<p>À notre connaissance les éléments qui ont conduit le Conseil européen à ce choix social d’une procédure de vote parmi les procédures que nous venons de rappeler n’ont pas été rendus publics.</p>
<p>Arrivé à l’idée que la relocalisation des agences européennes devait se faire grâce à un vote, le problème était posé mais non résolu. En effet, la théorie du choix social a démontré que le choix d’un système de vote n’était pas nécessairement neutre quant au résultat du vote. Autrement dit, la théorie du choix social a démontré qu’en prenant les mêmes classements (c’est-à-dire les mêmes préférences dans le jargon des économistes), le choix d’une procédure de vote peut influer sur l’identité du gagnant du vote. Se pose donc à nouveau un problème de choix social, lequel concerne cette fois-ci le choix entre les différents systèmes de vote existants. Là encore, à notre connaissance, il n’est pas possible de savoir comment fut choisi le système de vote appliqué que nous allons maintenant présenter.</p>
<h2>Trois tours de vote</h2>
<p>La <a href="https://www.consilium.europa.eu/media/31502/sn05194fr17.pdf">procédure</a> retenue par le Conseil européen a les huit caractéristiques suivantes :</p>
<ul>
<li><p>il y a 27 votants (l’ensemble des États membres de l’UE à l’exception du Royaume-Uni),</p></li>
<li><p>il n’y a pas de procuration possible,</p></li>
<li><p>il n’y a pas de quorum,</p></li>
<li><p>le vote blanc et le vote nul sont possibles,</p></li>
<li><p>chaque votant dispose de 6 points à répartir sur ceux qu’il estime être les 3 meilleurs candidats (3 points pour le premier, 2 points pour le deuxième, et 1 point pour le troisième) (tous les autres candidats recevant 0 points),</p></li>
<li><p>il y a au minimum 1 tour et au maximum 3 tours pour choisir le gagnant,</p></li>
<li><p>un vote est effectué pour chaque agence,</p></li>
<li><p>les candidats pour recevoir une agence correspondent aux villes qui en ont fait la demande (il y a eu 19 villes candidates pour recevoir l’Agence européenne des médicaments et 8 villes candidates pour recevoir l’Autorité bancaire européenne).</p></li>
</ul>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/304665/original/file-20191202-67028-nh0s3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304665/original/file-20191202-67028-nh0s3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304665/original/file-20191202-67028-nh0s3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=599&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304665/original/file-20191202-67028-nh0s3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=599&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304665/original/file-20191202-67028-nh0s3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=599&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304665/original/file-20191202-67028-nh0s3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=753&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304665/original/file-20191202-67028-nh0s3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=753&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304665/original/file-20191202-67028-nh0s3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=753&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les villes candidates à l’accueil des agences de l’UE établies au Royaume-Uni.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.consilium.europa.eu/media/31502/sn05194fr17.pdf">Europa.eu</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les tours de vote furent organisés de la manière suivante :</p>
<ul>
<li><p>Premier tour : il y a un gagnant si et seulement si une ville obtient 14 fois la première place (cela correspond à la majorité absolue sur 27 votants). En l’absence de gagnant on passe à un deuxième tour.</p></li>
<li><p>Deuxième tour : ne sont qualifiées au deuxième tour que les trois villes qui ont obtenu au premier tour le plus de points (ce qui correspond à ce que les économistes considèrent être une version particulière des règles d’élimination à scores). En cas d’ex aequo il peut y avoir plus de trois villes qualifiées pour le deuxième tour. Pour ce deuxième tour, chacun des 27 votants choisi un gagnant et si une ville est placée 14 fois gagnante alors la procédure s’arrête et elle est déclarée gagnante. Sinon, on passe au troisième et dernier tour.</p></li>
<li><p>Troisième tour : ne sont qualifiées au troisième tour que les deux villes ayant obtenu au deuxième tour le plus de points). En cas d’ex aequo il peut y avoir trois villes. Pour ce dernier tour, chacun des 27 votants donne 1 point à son favori et la ville gagnante est celle qui obtient le plus de points. En cas d’égalité entre des villes, le président effectue un tirage au sort.</p></li>
</ul>
<p>Comme on peut le voir, chacun des éléments précédents mérite réflexion et n’est ni naturel, ni incontestable. Parmi les caractéristiques qu’il est possible de relever, on peut noter que pour le premier tour il n’est pas tenu compte des écarts relatifs des différentes villes. En effet on peut imaginer un cas où les 27 votants ont les préférences suivantes : 14 pays classent la ville A en premier et la ville B en seconde position et 13 pays classent la ville B en première position et la ville A en dernière position. Dans la procédure retenue, c’est la ville A qui est gagnante malgré le fait que tous les votants classent la ville B soit en première position, soit en deuxième position, alors que 13 votants classent la ville A en dernière position.</p>
<p>Au bilan, c’est Paris qui gagna le vote pour accueillir l’Autorité bancaire européenne et Amsterdam qui gagna le vote pour accueillir l’Agence européenne des médicaments. Un bel exemple supplémentaire de choix social dont il sera intéressant d’analyser la sensibilité des résultats à la procédure de vote choisie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128141/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Décryptage de la méthode qui a conduit à la relocalisation de ces deux agences européennes sises jusqu’à présent au Royaume-Uni.Marc Deschamps, Chercheur, membre associé du Bureau d’économie théorique et appliquée (BETA), Université de LorraineMostapha Diss, Professeur des Universités en sciences économiques, Université de Franche-Comté – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1121742019-02-24T20:03:28Z2019-02-24T20:03:28ZPeut-on faire confiance à la Roumanie à la tête du Conseil de l’Union européenne?<p>Attardons-nous un moment sur la situation de l’Union européenne : le Royaume-Uni a <a href="https://www.nytimes.com/interactive/2019/01/15/world/europe/may-brexit-vote-fail.html">du mal</a> à partir ; une nouvelle récession économique est en <a href="https://www.forbes.com/sites/raulelizalde/2018/12/17/another-warning-that-a-2019-recession-is-coming/">vue</a> ; les États membres d’Europe du Sud <a href="http://www.hrw.org/news/2018/09/26/new-low-italian-migration-policies">doivent encore trouver des moyens durables</a> d’accueillir les migrants et les réfugiés qui arrivent sur leurs côtes ; et le domaine énergétique européen reste un sujet sensible, l’Allemagne et la Russie poursuivant leur projet de <a href="https://www.reuters.com/article/us-germany-russia-pipeline/tough-to-stop-nord-stream-2-now-its-being-built-eus-oettinger-idUSKCN1OR0YF">gazoduc Nord Stream 2</a>.</p>
<p>De nombreux États font face à la montée du populisme et de l’euroscepticisme, tendances qui se sont infiltrées dans les parlements et même les gouvernements, et donc au sein de structures décisionnelles de l’UE. Bref, un climat de tension règne au moment où la <a href="https://www.consilium.europa.eu/en/council-eu/presidency-council-eu/">Roumanie s’installe à la présidence du Conseil de l’UE</a>. Plusieurs dirigeants européens craignent que, compte tenu de son climat politique interne, le <a href="https://www.theguardian.com/world/2018/dec/30/romania-to-take-over-eu-presidency-amid-fears-for-rule-of-law">leadership de la Roumanie nuise</a> au projet européen. À quoi devons-nous nous attendre ?</p>
<h2>Quelques leaders pro-européens…</h2>
<p>Il convient d’examiner de plus près la politique et la société roumaines dans son ensemble. Le régime est <a href="https://portal.cor.europa.eu/divisionpowers/countries/MembersNLP/Romania/Pages/default.aspx">semi-présidentiel</a> avec un président élu au suffrage universel qui jouit de prérogatives importantes dans la politique étrangère du pays. Il est notamment le principal interlocuteur lors des sommets de l’UE ou de l’OTAN. C’est pourquoi de nombreux Européens connaissent probablement Klaus Iohannis, issu de la minorité allemande de Transylvanie, qui a remporté les élections présidentielles de 2014 et brigue un nouveau mandat cette année.</p>
<p>Il y a quelques mois, il a été retenu comme successeur potentiel de Donald Tusk à la tête du Conseil européen, en raison de ses origines de l’Est, de sa position pro-européenne et de son allégeance aux valeurs fondamentales de l’UE. Plus récemment, il a été l’<a href="https://www.nineoclock.ro/2019/01/22/president-iohannis-in-aachen-romania-to-stay-close-to-france-and-germany-in-strengthening-european/">invité spécial</a> d’Emmanuel Macron et de la <a href="https://m.bundeskanzlerin.de/bkinm-en/news/speech-by-federal-chancellor-dr-angela-merkel-at-the-signing-of-the-treaty-between-the-federal-republic-of-germany-and-the-french-republic-on-franco-german-cooperation-and-integration-in-aachen-on-22-january-2019-1572746">chancelière Angela Merkel</a> à Aix-la-Chapelle, symbole du pro-européanisme dans l’Europe postcommuniste.</p>
<p>Mais il est plutôt une exception dans les hautes sphères de la politique roumaine.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/4A2Lnw3xV2Q?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Klaus Iohannis à la Commission européenne.</span></figcaption>
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<h2>… dans un gouvernement problématique</h2>
<p>Le Parlement et le gouvernement sont contrôlés par le Parti social-démocrate (PSD) dirigé par Liviu Dragnea et Viorica Dancila, considérée comme une protégée de Dragnea, au poste de Premier ministre. Pour de nombreux observateurs, Liviu Dragnea est un <a href="https://www.theguardian.com/world/2018/jun/21/leader-of-romanias-ruling-party-sentenced-for-corruption">symbole de la corruption</a> et du clientélisme érigés en politique d’État. Le gouvernement de Viorica Dancila est jugé inefficace, voire incompétent, en raison de multiples revirements, qu’il s’agisse de sa <a href="http://business-review.eu/news/romanias-government-approves-controversed-changes-to-fiscal-code-amid-protests-152178">politique budgétaire</a> ou des nombreuses <a href="https://balkaninsight.com/2018/08/01/romanians-fear-pm-s-gaffes-are-damaging-country-s-credibility-07-31-2018/">gaffes publiques</a> de la première ministre.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/257892/original/file-20190208-174867-4b4ihu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/257892/original/file-20190208-174867-4b4ihu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=757&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/257892/original/file-20190208-174867-4b4ihu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=757&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/257892/original/file-20190208-174867-4b4ihu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=757&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/257892/original/file-20190208-174867-4b4ihu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=951&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/257892/original/file-20190208-174867-4b4ihu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=951&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/257892/original/file-20190208-174867-4b4ihu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=951&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Liviu Dragnea, en 2014, est à la tête du parti social-démocrate roumain et est accusé de diriger un État dans l’État.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Liviu_Dragnea#/media/File:Victor_Ponta_la_semnarea_declaratiei_politice_privind_infiintarea_USL_2.0_-_14.11_(3)_(15621867427)_(cropped).jpg">Partidul Social Democrat/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Cependant, le PSD <a href="https://www.theguardian.com/world/2016/dec/11/romanias-left-takes-big-lead-in-parliamentary-election-exit-polls">a confortablement gagné</a> les élections législatives de 2016 et remportera probablement la majorité des sièges en mai ainsi que les élections locales et générales de 2020, compte tenu de l’opposition plutôt fragile et de l’électorat fidèle du PSD.</p>
<p>En revanche, le parti n’est pas ouvertement <a href="https://fr.euronews.com/2018/05/09/un-euroscepticisme-croissant">eurosceptique</a> comme le PiS en Pologne ou le Fidesz en Hongrie. Liviu Dragnea ne prétend pas que la Roumanie est une sorte de berceau de la civilisation européenne, actuellement menacée, voire détruite, par les <a href="https://www.bbc.co.uk/news/resources/idt-sh/Viktor_Orban">migrants</a>. Il ne flirte pas non plus de trop près avec la Russie.</p>
<h2>Quand l’Europe de l’Ouest effraie</h2>
<p>Mais le PSD n’hésite pas à tester des <a href="https://www.romania-insider.com/liviu-dragnea-multinationals-rising-inflation/">slogans plus agressifs</a> à l’égard des étrangers : des Occidentaux. Ces derniers pourraient constituer une menace pour la souveraineté ou l’économie roumaine. De plus, le solide soutien électoral dont il jouit lui permet de neutraliser toute critique, <a href="https://www.euractiv.com/section/elections/news/facing-criticism-romanias-strongman-dragnea-denounces-assassination-plot/">interne</a> ou <a href="https://www.romania-insider.com/liviu-dragnea-false-information/">externe</a></p>
<p><a href="https://www.governmenteuropa.eu/romanian-judicial-reform-europarl/91135/">Cette attitude</a> témoigne d’une approche problématique du système judiciaire.</p>
<p>La quasi-totalité des initiatives du parti sont prises pour entraver la lutte contre la corruption. C’est en fait le principal <a href="https://english.hotnews.ro/stiri-top_news-22113749-european-commission-report-romanian-justice-monitoring-continue-2018-proposed-changes-national-law-would-harm-independence-judiciary-romanian-officials-react.htm">point de friction avec la Commission européenne</a> et certains des plus importants gouvernements occidentaux. C’est pourquoi <a href="https://www.schengenvisainfo.com/news/dutch-pm-says-not-yet-to-romanias-accession-to-schengen/">certains États comme les Pays-Bas</a> hésitent à permettre à la Roumanie de rejoindre l’espace Schengen.</p>
<h2>Une question de coordination et non de leadership</h2>
<p>Le gouvernement social-démocrate de Viorica Dancila assure aujourd’hui la présidence tournante de l’UE. De nombreuses voix au sein de l’Union, au sein de l’opposition politique au PSD ou de la société civile et le <a href="https://www.rferl.org/a/romanian-president-says-country-unprepared-for-eu-presidency/29596673.html">président Iohannis lui-même</a> ont publiquement affirmé que le gouvernement était incapable de faire son travail correctement ce semestre.</p>
<p>Mais cette critique est simplement politique et sans fondement réel. La présidence tournante est une affaire relativement technique, une question de coordination, de gestion, dirons-nous, pas de leadership au sens visionnaire du terme.</p>
<p>De plus, les <a href="https://www.foreignaffairs.com/articles/europe/2018-12-10/broken-europe">problèmes</a> que la Roumanie devra affronter pendant son mandat se sont accumulés au cours des dernières années. Le pays n’en est pas responsable et personne ne pense qu’elle va aggraver la situation ou la résoudre. En outre, les grandes questions à l’ordre du jour dépendent de Jean‑Claude Junker, Donald Tusk, Angela Merkel ou Emmanuel Macron, et non de Klaus Iohannis, Liviu Dragnea ou Viorica Dancila.</p>
<h2>Le manque de confiance est un gros défi à relever</h2>
<p>Le début des négociations pour la prochaine période budgétaire de sept ans, qui débutera en 2021, est sans doute la question la plus importante à l’ordre du jour de la présidence roumaine. De par sa position, la Roumanie peut jouer un rôle dans le <a href="https://euobserver.com/opinion/141757">débat</a> sur la règle de droit comme critère d’admissibilité au financement de l’UE, elle peut aussi mettre davantage l’accent sur les questions de développement spécifiques aux États membres d’Europe centrale et orientale, ou sur le financement de pays voisins de l’UE dans la région, notamment la Moldavie, un allié dans cette partie de l’Europe.</p>
<p>La Roumanie entretient de bonnes relations avec tous ses voisins, quelle que soit leur position vis-à-vis de l’UE. N’oublions pas que les Roumains forment la nation la plus pro-européenne de l’Europe centrale et orientale, et que nombre des manifestations anti-gouvernementales de ces dernières années ont intégré une <a href="https://www.reuters.com/article/us-romania-protests/thousands-of-romanians-form-eu-flag-at-anti-government-rally-idUSKBN1650WU">forte composante pro-UE</a>. En effet, 65 % des Roumains s’opposeraient <a href="https://www.express.co.uk/news/world/1026369/romania-leave-european-union-roexit-daniel-dragomir-brexit">à un « Roexit »</a> en cas de référendum, selon les dernières données Eurostat.</p>
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<figcaption><span class="caption">Manifestations contre le gouvernement social-démocrate et les affaires de corruption en 2017, Euronews.</span></figcaption>
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<p>Ce qui reste néanmoins problématique avec la démocratie roumaine, c’est le très faible niveau de confiance des citoyens envers les institutions fondamentales de toute démocratie représentative. La confiance dans les partis politiques et le Parlement tourne généralement autour de 10 %, souvent moins. Cela se reflète dans le très faible taux de participation à toute élection impliquant un vote de parti. La <a href="https://ourworldindata.org/trust">confiance horizontale</a> – le taux de confiance entre les personnes – est également très faible.</p>
<p>Globalement, le soutien durable à la démocratie représentative et, implicitement, à l’UE fait défaut. Et, sans une base solide, toute construction, même celle qui s’est faite sur plusieurs décennies, comme dans le cas de l’UE, risque de s’effondrer. C’est peut-être le plus grand défi auquel l’Europe est actuellement confrontée.</p>
<p>Cependant, étant donné l’orientation largement pro-européenne de la population roumaine, qui empêche probablement les politiciens de faire fausse route, la Roumanie est davantage un atout pour l’Union européenne qu’un problème.</p>
<hr>
<p><em>Traduit de l’anglais par Karine Degliame-O’Keeffe pour <a href="http://www.fastforword.fr">Fast for Word</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/112174/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>George Jiglau reçoit des fonds du Conseil national roumain pour la recherche scientifique, de la Fondation Romania One aux États-Unis, de la Fondation Hanns Seidel, de l'Open Society Institute. Il est affilié au Centre pour l'étude de la démocratie, un groupe de réflexion basé à Cluj, associé à la Faculté des sciences politiques de l'Université Babes-Bolyai.</span></em></p>Avec la Roumanie à la barre de l’UE, certains redoutent une période chaotique. Mais il n’y a pas de raison de (trop) s’inquiéter.George Jiglau, Lecturer in Political Science, Babes Bolyai University Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1078202018-12-02T20:40:50Z2018-12-02T20:40:50ZLe budget de la zone euro, une initiative utile mais déjà bien compromise<p>Le 19 novembre 2018, les ministres des Finances de l’Eurogroupe se sont réunis pour examiner les modalités d’un budget de la zone euro <a href="https://www.euractiv.fr/section/economie/news/eurozone-budget-to-be-ready-by-2021-say-france-and-germany/">proposées par la France et l’Allemagne</a>. Celles-ci ont été l’objet d’un communiqué publié avant la réunion. Il est opportun de préciser le contexte et d’apprécier quelle serait l’efficacité réelle de ces mesures pour régler les problèmes de la zone euro.</p>
<h2>Les propositions de Meseberg</h2>
<p>La démarche s’inscrit dans le contexte d’une initiative commencée il y a quelques mois. Les propositions franco-allemandes de <a href="https://pt.ambafrance.org/IMG/pdf/declarationmesebergfr.pdf?6577/5ff0316f0c874c10f8c89126636c822f341886b0">Meseberg</a> du 19 juin 2018, se donnaient pour objectif « d’établir un budget de la zone euro, dans le cadre de l’Union européenne, afin de promouvoir la compétitivité, la convergence et la stabilisation dans la zone euro, à partir de 2021 ». Il était précisé que les « décisions sur le financement devraient prendre en compte les négociations sur le prochain cadre financier pluriannuel » et que les ressources proviendraient à la fois des contributions nationales, de l’affectation de recettes fiscales, et de ressources européennes. </p>
<p>D’après les gouvernements concernés, le « but du budget de la zone euro est la compétitivité et la convergence, qui seraient assurées à travers des investissements dans l’innovation et le capital humain ». Le communiqué expliquait également que le budget de la zone euro pourrait financer de nouveaux investissements en remplacement de dépenses nationales. La France et l’Allemagne proposaient également l’installation du fonds de <a href="https://investir.lesechos.fr/actions/rumeurs/paris-berlin-presentent-leur-projet-de-budget-pour-la-zone-euro-lundi-sces-1806602.php">stabilisation de l’assurance chômage</a>, pour l’éventualité de graves crises économiques, mais entièrement basé sur le principe de prêts, avec obligation pour les pays en crise de rendre l’argent ultérieurement. Il avait été décidé que la France et l’Allemagne travailleraient ensuite à des modalités précises. C’est donc le résultat de cet effort qui a été présenté, quelques mois après, à l’Eurogroupe.</p>
<h2>Les conséquences d’une erreur essentielle de construction de la zone euro</h2>
<p>L’idée d’un budget de la zone euro est présentée comme une manière de réparer une erreur essentielle de construction de la zone euro. Presque tous les experts admettent maintenant que l’<a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-180550-lincompletude-de-leuro-sans-union-fiscale-2162609.php">absence d’un minimum de fédéralisme fiscal</a> est un défaut essentiel de construction de la zone euro. La perte de l’instrument de la dépréciation compétitive de la devise nationale aurait dû être compensée par un partage des risques avec des versements automatiques au bénéfice de pays qui subissent un choc asymétrique, en provenance des autres. Il eût fallu également organiser d’emblée l’émission d’un actif sans risque commun à toute l’union monétaire, sous la forme d’obligations émises conjointement par les pays de la zone euro, et que leurs banques auraient pu acquérir, au lieu de rester exposées spécifiquement au risque des dettes de leur propre gouvernement national.</p>
<p>Cette objection avait <a href="https://pdfs.semanticscholar.org/f07d/74b3a2b4dd77365b0ac38beec4f430bfae61.pdf">déjà été soulevée</a> lorsque l’on préparait le lancement de l’euro, sans qu’on en tienne compte, et fut ensuite largement confirmée par la crise financière qui, après le premier effondrement de 2009, commun à tous les pays avancés du monde, a entraîné une deuxième récession pour la zone euro, contrairement aux États-Unis.</p>
<p>Une autre erreur s’est ajoutée à l’absence de fédéralisme fiscal, et fut inspirée par les mêmes conceptions erronées : l’<a href="https://www.fondation-res-publica.org/Les-quatre-talons-d-Achille-du-systeme-de-l-euro_a87.html">absence de prêteur en dernier recours</a> dans la zone euro, puisque le traité de Maastricht interdit le principe du financement monétaire des dettes publiques des pays de l’union monétaire sur le marché primaire. Un règlement du Conseil interdit également que les achats d’obligations publiques sur le marché secondaire soient utilisés pour contourner les objectifs de la clause du traité, évoquée ci-dessus.</p>
<p>Bien sûr, tout le monde admet que le financement monétaire doit être utilisé avec une prudence et une parcimonie extrêmes pour éviter l’inflation excessive et la dépréciation de la monnaie. Mais l’existence de la possibilité légale d’un financement monétaire suffit à empêcher la spéculation sur un défaut des gouvernements sur leur dette, sans qu’il soit nécessaire de l’utiliser réellement. Au contraire, tout se passe comme si les pays de l’union monétaire qui empruntent en euros s’endettaient en monnaie étrangère, et cela ouvre la porte à la spéculation. Ironiquement, le président de la BCE a été obligé d’admettre lui-même cette erreur de construction puisqu’il n’a pu sauver l’euro en 2012 qu’en proclamant le <a href="https://abc-economie.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/l-eco-en-bref_2017-02-16_les-politiques-monetaires-non-conventionnelles.pdf">principe des OMT</a> (programme d’achats « illimité » de titres de dette publique – <em>outright monetary transactions</em>), et donc que, quoi qu’en dise le traité et les règlements, il était prêt à acheter sélectivement et massivement, sur le marché secondaire, les obligations de pays en détresse, sous certaines conditions. </p>
<p>Il fallait donc bien un prêteur en dernier recours ! Il n’y a même pas eu besoin d’activer les OMT pour arrêter la spéculation en 2012. Le problème est que, par la suite, les conditions mises par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et la Cour de Karlsruhe (cour constitutionnelle allemande) ont été telles qu’elles rendraient très difficile d’appliquer les OMT si on en avait besoin, ce qui réduit la crédibilité du mécanisme pour affronter la spéculation.</p>
<h2>Quelle serait l’efficacité des nouvelles propositions franco-allemandes ?</h2>
<p>L’objectif affiché par les propositions franco-allemandes à l’Eurogroupe est de promouvoir la convergence et la compétitivité des pays de la zone euro, et de stabiliser ceux-ci. Le budget de la zone euro renforcerait la convergence et inciterait aux réformes, par un cofinancement de dépenses publiques qui favorisent la croissance, comme les investissements, la recherche, l’innovation et le capital humain.</p>
<p>Clairement, l’accent est mis bien davantage sur les aspects structurels, avec le renforcement du potentiel de croissance à long terme, que sur l’objectif de stabiliser les économies par un partage des risques en cas de chocs. C’est une concession évidente de la France à l’Allemagne. Il est bien sûr nécessaire d’investir pour promouvoir la croissance potentielle à long terme, mais il y a déjà des outils communautaires pour cela, comme les <a href="https://ec.europa.eu/info/funding-tenders/funding-opportunities/funding-programmes/overview-funding-programmes/european-structural-and-investment-funds_fr">fonds structurels</a> et le plan d’investissement de la Commission, plan Juncker, lancé récemment. Il y a donc moins besoin d’un outil pour cela. En revanche, le problème d’absence d’un mécanisme de solidarité pour stabiliser à court terme des pays qui subissent une récession ou un choc asymétrique se pose toujours.</p>
<p>La <a href="https://www.consilium.europa.eu/media/37011/proposal-on-the-architecture-of-a-eurozone-budget.pdf">note publiée par la</a> France et l’Allemagne juste avant la réunion de l’Eurogroupe se défend vaguement sur ce point en expliquant que les mesures proposées renforcent également la stabilité dans la mesure où les dépenses publiques d’investissement ont tendance à être toujours réduites lorsque leur situation budgétaire se dégrade à la suite d’un choc récessif. Le budget de la zone euro permettrait ainsi à un pays en récession de continuer à réaliser des investissements publics, ce qui soutiendrait la demande domestique. C’est vrai, mais c’est très loin de suffire si l’on veut vraiment être à même de stabiliser les pays de la zone euro en cas de nouvelle crise.</p>
<p>Il convient d’observer que l’idée d’un budget de la zone euro, à condition d’être suffisamment ambitieuse, ce qui est loin d’être le cas, pourrait apporter une solution à la nécessité d’un certain partage des risques budgétaires, mais que l’absence de prêteur en dernier recours reste sans solution.</p>
<p>Les propositions de la France et de l’Allemagne indiquent que le soutien du budget de la zone euro aux pays membres et à leurs programmes serait conditionnel à la poursuite par ceux-ci de politiques en conformité avec leurs obligations qui résultent de la coordination européenne des politiques économiques, y compris la régulation budgétaire. Cette concession à l’Allemagne exclut donc toute possibilité que le budget de la zone euro puisse permettre à certains pays en crise de se libérer des contraintes du <a href="https://www.lemonde.fr/revision-du-bac/annales-bac/sciences-economiques-terminale-es/pacte-de-stabilite-et-de-croissance_sex397.html">pacte de stabilité</a>. La France et l’Allemagne estiment donc que, contrairement à ce qu’affirme l’Italie par exemple, la réforme du pacte de stabilité, qui se concentre maintenant sur le déficit structurel, qui tient compte du cycle de l’activité, apporte une flexibilité suffisante. Le problème est que la réforme a diminué quelque peu le caractère <a href="https://www.edubourse.com/lexique/procyclique.php">procyclique</a> des contraintes du pacte de stabilité, mais qu’il garde quand même encore des propriétés procycliques. Il est donc illusoire d’espérer pouvoir stabiliser entièrement les pays de la zone euro en cas de nouvelle crise.</p>
<h2>Obstacles politiques</h2>
<p>D’autres problèmes se posent du point de vue du financement et de la gouvernance du budget de la zone euro. La France et l’Allemagne proposent que le budget de la zone euro soit d’abord alimenté par des revenus externes dédiés, qui seraient des contributions des pays de l’union monétaire, collectées et versées au budget de l’Union européenne d’après un accord intergouvernemental à sceller. Cet accord intergouvernemental serait conclu entre les pays de la zone euro et comprendrait les modalités qui régiraient la détermination des contributions des différents pays et leur plafond, ainsi que les principes qui guideraient le mécanisme de décision pour l’affectation de ce budget. Les revenus externes pourraient provenir en partie de nouvelles taxes comme celle sur les transactions financières <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/09/29/la-taxe-sur-les-transactions-financieres-en-europe-une-vieille-idee-qui-peine-a-aboutir_5193397_4355770.html">souhaitée par la France</a>. En complément à ces ressources externes, le budget de la zone euro pourrait aussi être alimenté par des ressources européennes, comme celles de l’outil d’<a href="http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-18-3971_fr.htm">aide à la mise en place de réformes</a> proposé par la Commission en mai 2018, qui porterait sur 22 milliards d’euros accessibles à tous les pays de l’UE. On peut supposer que l’idée soit que les pays de l’union monétaire dirigent ce à quoi ils auraient droit dans le cadre de ce mécanisme, vers le budget de la zone euro.</p>
<p>Le budget de la zone euro serait donc une partie du budget de l’Union européenne. La note de la France et de l’Allemagne justifie ce choix par un souci de cohérence avec l’ensemble de la politique de l’UE et la nécessité d’une bonne gestion, avec un contrôle budgétaire et une supervision parlementaire. Ce choix entraîne cependant de gros problèmes liés à l’implication des pays de l’UE hors zone euro. Le budget de la zone euro serait un instrument limité aux 19 pays de l’union monétaire. Toutefois, tous les 27 pays de l’UE, après le Brexit, voteraient au Conseil sur les propositions législatives ayant pour objet d’établir un budget de la zone euro. L’Eurogroupe proposerait ensuite des programmes à financer par le budget de la zone euro. Ces programmes auraient à être approuvés par la Commission où siègent des représentants issus de pays hors zone euro. Tout cela ouvre la voie à beaucoup d’obstacles politiques. La négociation sur le budget de la zone euro va s’intégrer à celle sur l’ensemble du prochain budget de l’UE, qui va être très difficile suite à la réduction des ressources en conséquence du Brexit. Il faudrait des années avant qu’un accord permette que le budget de la zone euro puisse être mis en place.</p>
<p>Les nouvelles propositions franco-allemandes ont été, de toute manière, reçues avec beaucoup de <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2018/11/22/97002-20181122FILWWW00307-budget-de-la-zone-euro-les-pays-bas-toujours-pas-convaincus.php">réserves</a> par une partie des pays qui participent à l’Eurogroupe, lors de la réunion où elles ont été présentées. Il a été décidé que du travail restait à réaliser à ce propos et que le sujet continuerait à être abordé ultérieurement à l’Eurogroupe. Ce manque d’enthousiasme illustre l’immobilisme de la zone euro alors que ses défauts de construction restent encore à corriger.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107820/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Dor ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les propositions franco-allemandes relèguent au second plan l’objectif de stabiliser les économies par un partage des risques entre les pays membres en cas de choc.Eric Dor, Director of Economic Studies, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1071522018-11-18T21:11:27Z2018-11-18T21:11:27ZLe Brexit, une tragédie shakespearienne<p>Tragédie shakespearienne ! Cette appréciation revient presque comme une antienne depuis quelques jours, car le Brexit pourrait bien s’achever par la mort politique de Theresa May et le renversement du gouvernement qu’elle dirige ! <a href="http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-18-6422_en.htm">Un projet complet d’accord de retrait ordonné</a> du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE) a en effet été agréé par les négociateurs européens et britanniques le <a href="http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-18-6426_fr.htm">14 novembre 2018</a>. Son sort dépend de nombreux paramètres.</p>
<p>Après de longues et complexes négociations, une étape décisive a enfin été franchie. Il est malheureusement impossible de s’en réjouir car, dès le lendemain, cet accord technique de retrait a fait l’objet de critiques multiples et virulentes, de la part de nombreux « hard Brexiters », du parti unioniste DUP, du Parti travailliste, ou encore de la première ministre écossaise, Nicola Sturgeon, sans que cette liste soit exhaustive. La crise politique menace !</p>
<p>Après une présentation détaillée et pénible du projet complet d’accord à son gouvernement, puis à la Chambre de communes – qui doit l’approuver tout comme le Parlement européen –, ainsi que la démission de cinq ministres, Theresa May a opté pour une posture gaullienne – « May ou le chaos » –, car le projet d’accord scellé se révèle être le seul scénario envisageable. Les « Brexiters » semblent avoir conduit le Royaume-Uni au bord du précipice, le « cliff edge » (« saut de la falaise ») se rapprochant dangereusement !</p>
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<p>Le spectre d’un « no deal », redouté par et redoutable pour les milieux économiques britanniques, se profile ainsi. D’autant plus qu’il est fort improbable que la négociation soit rouverte. Le Conseil européen extraordinaire prévu le 25 novembre 2018 donnera son approbation au projet d’accord et considérera certainement que <a href="https://journal.lemonde.fr/data/370/reader/reader.html?t=1542476394105">« la négociation est close »</a>.</p>
<p>En dépit des réactions de stupeur provoquées par le projet d’accord, celui-ci est, comme il se doit, un <a href="https://ec.europa.eu/commission/sites/beta-political/files/draft_withdrawal_agreement_0.pdf">accord international précis et détaillé</a>, d’un volume de 585 pages, comprenant 185 articles, ainsi que trois protocoles comportant de nombreuses annexes. Si les négociateurs sont parvenus à s’entendre sur la question de la frontière irlandaise, <a href="http://www.senat.fr/rap/r17-660-1/r17-660-1.html">« nœud gordien »</a> des négociations, pour le moment, le cadre de la relation future n’est qu’un <a href="http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-18-6426_fr.htm">« plan commenté »</a>. A l’aune de cette laborieuse première mise en œuvre de l’<a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:12016M050">article 50 du TUE</a>, il n’est pas faux d’affirmer que le retrait de l’Union européenne semble, à bien des égards, quasiment impossible.</p>
<h2>Un accord à l’opposé des souhaits des « hard Brexiters »</h2>
<p>En se référant aux principaux domaines de l’accord de retrait <a href="http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-18-6426_fr.htm">présentés par Michel Barnier</a>, il est évident que son contenu est à l’opposé des promesses (mensongères) des « hard Brexiters ». Ceux-ci voulaient que le Royaume-Uni quitte le marché unique et l’union douanière, s’affranchisse de la jurisprudence de la Cour de justice, ou encore reprenne le contrôle de sa politique migratoire. Ils affirmaient également que le Royaume-Uni ferait d’importantes économies, et n’aurait rien à payer en quittant l’UE. Bref, « Take back control » était leur leitmotiv, afin que le Royaume-Uni retrouve sa souveraineté, et ne soit plus un « État vassal » de l’Union, selon Boris Johnson.</p>
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<p>Les droits des citoyens ayant été depuis le début de la négociation une priorité commune, les citoyens européens installés au Royaume-Uni et les Britanniques établis dans un État membre pourront continuer à y résider, étudier, travailler, percevoir comme auparavant des allocations et faire venir leur famille. Les engagements financiers pris à 28 États membres seront honorés – ce qui signifie que le Royaume-Uni versera à l’UE une somme comprise entre 40 et 45 milliards d’euros (soit 35 à 39 milliards de livres).</p>
<p>Les derniers sujets pendants – Euratom, droits de propriété intellectuelle, protection des données personnelles – ont été réglés. Il en va de même à propos de la gouvernance de l’accord pour assurer sa bonne mise en œuvre. L’arbitrage et, pour toute question concernant l’interprétation du droit de l’Union, la compétence de la CJUE, s’appliquent. Les deux Protocoles, <a href="https://theconversation.com/brexit-les-sujets-de-la-discorde-80619">portant respectivement sur Gibraltar et les bases militaires souveraines du Royaume-Uni à Chypre</a> vont éviter le retour de conflits européens « gelés ».</p>
<p>L’accord prévoit également une période de transition, qui va s’étendre sur 21 mois – du 30 mars 2019 au 31 décembre 2020. Sa prolongation pour un an par accord conjoint est possible, mais elle accroîtrait la facture du divorce. Le Royaume-Uni aura toujours accès au marché unique et à l’union douanière, et les droits et obligations liées aux politiques de l’Union resteront inchangés. Mais il sera exclu de la vie institutionnelle de l’UE, et ne pourra pas conclure d’accords de libre-échange (ALE) avec des pays tiers – ce qui fait plus qu’exaspérer les « hard Brexiters » ! <a href="https://journal.lemonde.fr/data/368/reader/reader.html?t=1542492683797">Ce « Brexit en douceur »</a> est très éloigné de la rupture totale qu’ils souhaitaient.</p>
<h2>L’Irlande du Nord, trop européenne ?</h2>
<p>Le refus de rétablir une frontière physique (dure) entre la République d’Irlande (l’Eire) et l’Irlande du Nord a été le principal point de blocage depuis le début des négociations. Une solution de dernier recours, qui n’a pas vocation à être utilisée, figure dans le projet d’accord de retrait. Elle reste hypothétique car, si un ALE est conclu d’ici la fin de la période de transition en décembre 2020, le problème irlandais sera définitivement réglé.</p>
<p>Le <em>deal</em> a pu être conclu, car la première ministre Theresa May a renoncé à une de ses « lignes rouges » : elle a accepté que le Royaume-Uni reste dans sa totalité dans l’union douanière, afin que les échanges de marchandises et la libre circulation des personnes demeurent aussi fluides qu’actuellement – ce qui le prive toutefois de toute liberté commerciale avec les pays tiers. Un Brexit adouci est à ce prix.</p>
<p>En l’absence d’accord sur le cadre des relations futures, <a href="http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-18-6426_fr.htm">« un territoire douanier unique UE-Royaume-Uni »</a> sera constitué, ce qui implique que l’Irlande du Nord demeurera alors dans le même territoire douanier que le Royaume-Uni. Afin de garantir des conditions de concurrence équitables, le Royaume-Uni, qui aura accès au marché unique sans droits de douane ni quotas, a été contraint d’accepter le respect de certaines règles en matière d’aides d’État, de concurrence, de fiscalité, et de normes sociales et environnementales.</p>
<p>Cette solution dite du « backstop » (filet de sécurité) évite la création d’une frontière physique entre les deux Irlande, mais impose à l’Irlande du Nord de continuer à s’aligner sur les règles du marché unique. Le code communautaire des douanes continuant à s’appliquer, ses obligations douanières demeureront plus strictes que celles du reste du Royaume-Uni.</p>
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<p>L’Irlande du Nord se voit ainsi accorder un statut particulier, très (trop ?) européen. Non seulement il instaure une frontière réglementaire en mer d’Irlande – ce que dénonce le DUP – au nom de l’intégrité économique et constitutionnelle du Royaume-Uni, mais également la première ministre écossaise, qui estime que l’accord favorise l’Irlande du Nord en lui permettant de maintenir des liens étroits avec l’UE, et porte atteinte à l’union des nations formant le Royaume-Uni.</p>
<h2>L’esquisse de la relation future</h2>
<p>En complément du projet d’accord, les négociateurs se sont accordés sur les grandes lignes de la déclaration politique <a href="https://ec.europa.eu/commission/sites/beta-political/files/outline_of_the_political_declaration.pdf">sur les relations futures entre l’UE et le Royaume-Uni</a>, ce cadre ayant vocation à s’appliquer après la sortie effective du Royaume-Uni à l’expiration de la période de transition.</p>
<p>Il pose un ensemble de principes destinés à fournir les bases de la coopération, et précise les domaines du futur partenariat, qui sont en conformité avec ceux que l’UE inclut dans ses ALE de nouvelle génération. Ce partenariat ambitieux met l’accent sur l’absence de droits de douane et de quotas pour tous les biens.</p>
<p>La Zone de libre-échange (ZLE) prévue sera <a href="http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-18-6426_fr.htm">« fondée sur une coopération réglementaire et douanière approfondie et sur un <em>level playing field</em> »</a>, ce qui signifie une concurrence équitable évitant tout dumping fiscal, social et environnemental, à nouveau contrairement à un désir des « hard Brexiters », qui n’auront donc pas l’heur de se réjouir d’un « Singapour sur Manche ». L’attachement à des valeurs communes, à la protection des données, à la Charte des droits fondamentaux de l’Union et à la Convention européenne des droits de l’homme constituent également des principes de base.</p>
<p>Une longue liste de domaines de coopération fournit une esquisse de la nature de la relation future : transport et énergie ; coopération policière et judiciaire ; politique étrangère, de sécurité extérieure et de défense. La partie « Service et investissement » du document préliminaire prône l’instauration de « dispositions ambitieuses, globales et équilibrées ». Mais le Royaume-Uni perdra son « passeport financier », ce qui sera tout de même préjudiciable pour la City. Des dispositions spécifiques sont consacrées au secteur de la pêche, car le Royaume-Uni entend retrouver davantage de souveraineté et de contrôle sur ses zones de pêche.</p>
<h2>Un Brexit impossible ?</h2>
<p>L’accord de retrait est – quoi qu’on en dise – le miroir des contradictions britanniques depuis que le Royaume-Uni est entré dans la CEE en 1973. Ses innombrables divisions exprimées lors de la négociation de sortie n’ont pas pesé lourd dans la balance face à la <a href="https://www.consilium.europa.eu/media/36955/st14099-fr18.pdf">« détermination à préserver l’unité de l’UE à 27 »</a>, les États membres étant en revanche divisés sur d’autres sujets tout aussi cruciaux.</p>
<p>Malgré une participation calibrée grâce à l’obtention de nombreuses exemptions, les liens économiques et politiques tissés durant de plus de 40 ans d’intégration européenne apparaissent ainsi potentiellement impossible à dénouer. Dès lors, il est logique de croire que les rédacteurs de la clause de retrait l’avaient conçue comme une disposition virtuelle, et impossible à activer, ce qui plaide en faveur du caractère irréversible de l’appartenance à l’Union européenne et du projet qu’elle porte.</p>
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<p>Finalement, avec un peu de recul, le référendum du 23 juin 2016 était bien un <a href="https://theconversation.com/brexit-or-brexin-le-perfide-referendum-du-23-juin-2016-60993">« perfide référendum »</a>. Les promesses fallacieuses et la mauvaise foi des « hard Brexiters » ont vraisemblablement entraîné le Royaume-Uni sur une voie sans issue. De toute façon, comme l’a déclaré le Président du Conseil européen, Donald Tusk, <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2018/11/15/remarks-by-president-donald-tusk-after-his-meeting-with-brexit-eu-chief-negotiator-michel-barnier/pdf">« le Brexit conduit à une situation dans laquelle tout le monde est perdant »</a>. Ce qui, en définitive, n’est guère surprenant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107152/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yves Petit ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La pluie de critiques qui s’est abattue sur Theresa May depuis l’annonce de l’accord avec Bruxelles montre qu’à bien des égards le retrait de l’Union est quasi-impossible.Yves Petit, Professeur de droit public, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/763332017-04-18T20:05:33Z2017-04-18T20:05:33ZBrexit : quel avenir pour Gibraltar ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/165573/original/image-20170418-32716-khk8ds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Gibraltar et son rocher.</span> <span class="attribution"><span class="source">Pixabay</span></span></figcaption></figure><p>Tout au bout de l’Andalousie, face au Maroc, un imposant rocher d’un peu plus de six kilomètres carrés au sommet duquel gambadent de <a href="http://bit.ly/2oHr4Yp">petits singes</a> est, depuis le début du XVIII<sup>e</sup> siècle, à l’origine de tensions diplomatiques quasi-permanentes entre le Royaume-Uni et l’Espagne. <a href="http://bit.ly/2oHfElL">Gibraltar</a>, accordé en 1713 à la Couronne britannique lors de la signature du <a href="http://bit.ly/2pwyhcm">Traité d’Utrecht</a>, a longtemps été considérée par celle-ci comme enjeu stratégique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/165579/original/image-20170418-32696-etowqw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/165579/original/image-20170418-32696-etowqw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/165579/original/image-20170418-32696-etowqw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=896&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/165579/original/image-20170418-32696-etowqw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=896&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/165579/original/image-20170418-32696-etowqw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=896&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/165579/original/image-20170418-32696-etowqw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1127&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/165579/original/image-20170418-32696-etowqw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1127&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/165579/original/image-20170418-32696-etowqw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1127&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Sige de Gibraltar.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pixabay</span></span>
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<p>Base militaire, garnison avec ses fortifications, la ville s’est progressivement convertie à d’autres activités. Profitant d’une fiscalité avantageuse qui ne comporte ni TVA, ni impôt sur les sociétés, celles-ci se sont multipliées.</p>
<p>Entre 14 000 et 28 000, plus particulièrement financières, selon que les sources soient locales ou espagnoles, y ont leur siège social. Une certaine opacité bancaire est dénoncée, de même qu’une trop grande tolérance à l’endroit de la contrebande de cigarettes.</p>
<h2>Fiscalité avantageuse et jeux en ligne</h2>
<p>Récemment, l’économie de Gibraltar a largement profité du développement des <a href="http://bit.ly/2ooHOAf">jeux en ligne</a>. Cette prospérité – la croissance y est insolente, environ 10 % en 2014 et 2015 – comparée au marasme économique de la région environnante, attire tout naturellement des Espagnols en quête d’emploi. 10 à 12 000 travailleurs frontaliers traversent ainsi régulièrement, parfois après une longue attente si la situation est tendue entre les deux pays, la <a href="http://bit.ly/2oHuFnT">frontière</a>.</p>
<p>Ces Espagnols redoutent les conséquences du Brexit. Ils craignent, en effet, de perdre les avantages de l’un des rares bassins d’emplois de la région. Le gouvernement espagnol y voit, au contraire, l’occasion de récupérer ce petit morceau de territoire qu’il convoite depuis plus de trois siècles. Pour les quelque 33 000 habitants de la petite péninsule qui, le 23 juin 2016, ont voté à 96 % contre le Brexit, la situation est complexe, tant leur attachement à la Grande-Bretagne est fort. Ils rejettent donc toute idée de souveraineté partagée avec l’Espagne, qui ferait d’eux des citoyens espagnols détenteurs d’un passeport de l’Union européenne. Les Gibraltariens semblent vouloir à la fois « le beurre et l’argent du beurre », c’est-à-dire vivre des fruits du marché espagnol tout en conservant leur statut privilégié et leurs liens historiques avec le Royaume-Uni.</p>
<h2>Une Angleterre de carte postale</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/165580/original/image-20170418-32700-953fht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/165580/original/image-20170418-32700-953fht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/165580/original/image-20170418-32700-953fht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/165580/original/image-20170418-32700-953fht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/165580/original/image-20170418-32700-953fht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/165580/original/image-20170418-32700-953fht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/165580/original/image-20170418-32700-953fht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/165580/original/image-20170418-32700-953fht.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Royal Mail à Gibraltar.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pixabay</span></span>
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<p>Cette minuscule presqu’île qui transporte le visiteur, sitôt la frontière franchie, dans une Angleterre de carte postale avec ses pubs et ses salons de thé, présente pourtant quelques caractéristiques très particulières. La communauté juive qui, dans les dernières décennies du XIX<sup>e</sup> siècle comptait quelques 1 500 membres, est très bien intégrée. Aujourd’hui, bien que réduite de plus de moitié, elle occupe toujours une <a href="http://bit.ly/2ooytsq">place importante</a>. Investis dans le commerce depuis des générations, ses membres ont le choix entre quatre synagogues, à leur disposition des écoles hébraïques, ainsi que des restaurants et des magasins d’alimentation casher.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/165581/original/image-20170418-32700-1r0e6oy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/165581/original/image-20170418-32700-1r0e6oy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/165581/original/image-20170418-32700-1r0e6oy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=530&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/165581/original/image-20170418-32700-1r0e6oy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=530&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/165581/original/image-20170418-32700-1r0e6oy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=530&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/165581/original/image-20170418-32700-1r0e6oy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=665&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/165581/original/image-20170418-32700-1r0e6oy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=665&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/165581/original/image-20170418-32700-1r0e6oy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=665&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Journal <em>Gibraltar Chronicle</em>.</span>
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<p>D’une grande tolérance, Gibraltar présente une autre particularité : l’ancienneté de sa presse. Le <em>Gibraltar Chronicle</em>, <a href="http://bit.ly/2oHCYBL">fondé en 1801</a>, est à l’origine destiné aux hommes de la garnison. Devenu quotidien en 1821, il se revendique être le deuxième plus vieil organe en anglais encore en vie. Fabriqué, à ses débuts, selon la bonne vieille méthode du coupé-collé à partir d’articles puisés dans d’autres publications périodiques, il est dans les premiers temps piloté par un certain Charles Buisson, un Français installé à Gibraltar en mai 1801. Successivement dirigé par des civils et des militaires, il fait office d’organe officiel du gouvernement local. Dans ce territoire d’outre-mer, Sa Majesté la Reine est représentée par un gouverneur. Le <a href="http://bit.ly/2nXTSgE">Parlement</a> est composé d’une seule chambre comprenant 18 « Members of Parliament ». Le gouvernement est dirigé par un « ministre en chef » désigné par le gouverneur. Le cabinet ne comprend que quelques membres choisis parmi les députés.</p>
<h2>Gibraltar enjeu diplomatique délicat</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/165582/original/image-20170418-32689-m6klqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/165582/original/image-20170418-32689-m6klqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/165582/original/image-20170418-32689-m6klqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=780&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/165582/original/image-20170418-32689-m6klqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=780&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/165582/original/image-20170418-32689-m6klqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=780&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/165582/original/image-20170418-32689-m6klqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=981&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/165582/original/image-20170418-32689-m6klqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=981&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/165582/original/image-20170418-32689-m6klqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=981&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Campagne du Sun sur Gibraltar.</span>
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<p>Cette toute petite enclave, que l’on ne peut atteindre de La Linea de la Conception qu’en traversant, à pied ou en voiture, l’unique piste de l’aéroport de Gibraltar qui assure essentiellement la liaison avec Londres, « n’est pas à vendre », assure le ministre des Affaires étrangères du Gouvernement de Theresa May, <a href="http://bit.ly/2nXtqlV">Boris Johnson</a>. Elle est pourrait même être au cœur d’une crise diplomatique comparable à celle provoquée par les visées de l’Argentine sur les <a href="http://lemde.fr/2oR5nWm">Îles Malouines, en 1982</a>.</p>
<p>Le 29 avril 2017, les vingt-sept membres de l’Union européenne devront <a href="http://bit.ly/1UrUJyv">se prononcer</a> sur une proposition de Donald Tusk, Président du Conseil européen. Ce dernier estime que dans les négociations à venir avec l’Angleterre, l’Espagne doit avoir son mot à dire au sujet de Gibraltar. Michel Barnier, négociateur principal en charge du Brexit, considère que Gibraltar ne doit en aucun cas bénéficier de clauses spéciales. Il est défavorable à l’ouverture de sa frontière avec l’Espagne, aux touristes qui s’y rendent très nombreux chaque année, et sont une source de revenus importants, de même qu’aux travailleurs transfrontaliers. Pas question non plus, pour ce commissaire européen, de permettre aux sociétés de Gibraltar d’avoir accès au marché unique.</p>
<p>Comme les Anglais de France, les habitants de Gibraltar s’inquiètent de l’avenir.</p>
<p>Pourront-ils continuer à profiter des avantages conférés, par la Couronne, à ce confetti de son ancien empire, ainsi qu’à ceux émanant de sa proximité avec un pays de l’Union européenne ? <em>That is the question</em> !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76333/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Diana Cooper-Richet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Gibraltar se trouve au centre d’une polémique avec l’Union européenne (et l’Espagne) après la décision du Brexit. Analyse de l’enjeu de cette polémique.Diana Cooper-Richet, Chercheur au Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/752482017-04-10T19:22:23Z2017-04-10T19:22:23ZTGV Max : la stratégie marketing de la SNCF est-elle sur de bons rails ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/164353/original/image-20170406-16669-2s2827.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un TGV route la nuit.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/ralf_wimmer/25828542074/in/photolist-Fmo2GW-ErpcQj-8H9SQA-Ey9XBV-DArGJQ-EyaCdn-Pme61c-HEDYiK-SBS8Gq-FY9sac-G194UY-FY9vrT-F9qtrC-69RFq2-Hc2xGG-JWrDRx-C8iuuK-JASou4-QAkzkg-Gx3Xfb-CZ6SrT-QZHujs-C9GVbY-KDBG7d-Gac7av-PHfVLx-MZEfvt-REiXmn-QnK9wh-KTgLwL-QqxNHn-Mbm6wo-LjzY7Z-LcMz6n-NEWcwP-MZEgFV-NttiKb-DX6mwK-MyXsaC-KbBX93-QkJ76Y-EqRXfq-LK2RmC-EvzN3H-KMtkXY-C4kA8P-HEV6sJ-QJKJdv-KPx8i9-G7icGo">Ralf Wimmer/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Fin janvier 2017, la SNCF a présenté les contours de sa nouvelle offre destinée aux jeunes de 16 à 27 ans. Cet abonnement permet de réserver des trajets sur les lignes TGV ou Intercités pour un coût mensuel fixe de 79 euros. L’offre est donc présentée comme étant « à volonté » mais les conditions générales de vente (CGV) égrènent les limitations.</p>
<p>Par exemple, l’abonné ne peut pas effectuer de réservations de trajets plus de 30 jours à l’avance, ni en réaliser plus de six, simultanément. La SNCF annonce également qu’un « quota » de places (non précisé) accessibles aux abonnés est fixé pour chaque train. Au-delà de ce quota, la réservation via TGV Max n’est plus possible. Les commentaires laissés par les internautes sur <a href="https://Twitter.com/SNCF">Twitter</a>, l’<a href="http://coconstruire.tgvmax.com/">espace de co-construction de l’offre</a> et l’<a href="http://questions.sncf.com/">espace relation client</a> informent sur leurs retours d’expérience, bons ou mauvais, et indiquent que l’offre sur certaines lignes fortement empruntées semble atteindre rapidement saturation.</p>
<p>Le client qui souscrit à cette offre comprend rapidement que TGV Max n’est pas, à proprement parler, une offre « illimitée ». Pourquoi la SNCF a-t-elle misé sur un telle stratégie marketing ?</p>
<h2>Pérenniser la compétitivité du train</h2>
<p>Cette offre apparaît dans un contexte particulier pour l’opérateur. L’année 2016 a vu une baisse du chiffre d’affaires du transport ferroviaire des voyageurs (moins 4,5 % par rapport à 2015), particulièrement sur les lignes Intercités et TER, concurrencées directement par d’autres modes de transports, dont le <a href="https://theconversation.com/lautocar-blablacar-et-le-chemin-de-fer-57892">covoiturage et les liaisons par autocars</a> développées suite à la loi « Macron » du 6 août 2015. De plus, un accord passé entre le Parlement et le Conseil européen ont récemment entériné une ouverture du transport ferroviaire de voyageurs à la concurrence pour 2020, annonçant la fin inéluctable du monopole de la SNCF sur ce marché.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/164354/original/image-20170406-16654-174kzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/164354/original/image-20170406-16654-174kzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/164354/original/image-20170406-16654-174kzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/164354/original/image-20170406-16654-174kzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/164354/original/image-20170406-16654-174kzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/164354/original/image-20170406-16654-174kzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/164354/original/image-20170406-16654-174kzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/164354/original/image-20170406-16654-174kzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">TGV.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/xurde/30213026990/in/photolist-C9GVbY-KDBG7d-F9qtrC-Gac7av-G194UY-QkJ76Y-PHfVLx-EqRXfq-MZEfvt-LK2RmC-REiXmn-EvzN3H-QnK9wh-KTgLwL-QqxNHn-Mbm6wo-LjzY7Z-LcMz6n-KMtkXY-NEWcwP-MZEgFV-NttiKb-C4kA8P-HEV6sJ-QJKJdv-DX6mwK-KPx8i9-MyXsaC-G7icGo-KbBX93-Fbffzq-GgEQAo-MZoAio-Q7hNnj-GTqY1y-G8mwRi-NAyJ9Z-PsMAsF-MVq5tU-Mvzs6T-NgAFco-N2PEjs-MdeUo2-K1SWU9-LgFtCw-MoeXfn-MoeXcM-KTh12G-MYnyn7-KDmKiZ">Jorge Díaz/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>L’opérateur historique cherche donc à élargir son offre à destination des jeunes voyageant pour les loisirs, à l’heure où ceux-ci substituent des modes de transport alternatifs (autocars, covoiturage) au train. En fidélisant une clientèle particulièrement volage par le biais d’un abonnement à prix modéré, la SNCF entend faire en sorte que le train ancre durablement sa présence dans les combinaisons intermodales des jeunes voyageurs.</p>
<p>En tant que premier fournisseur d’un tel service, la SNCF bénéficiera d’un avantage sur les futurs nouveaux entrants du secteur de par sa connaissance des désirs des consommateurs. Le choix du terme « illimité » et le design de l’offre commerciale ne sont donc pas innocents : ils sont directement orientés vers le segment ciblé des voyageurs loisirs de 16 à 27 ans.</p>
<p>Tout d’abord, cette tranche d’âge <a href="http://www.credoc.fr/pdf/4p/190.pdf">particulièrement sensible aux prix</a> a pu être séduite par cette offre par abonnement où le tarif ne varie pas suivant la quantité de bien consommée. La décorrélation des deux facteurs permet de réduire la perception du TGV comme d’un moyen de transport onéreux. Le train revient ainsi dans l’éventail des « options acceptables », à l’heure où les trajets en autocars ou en covoiturage pratiquent des tarifs plus avantageux.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/164355/original/image-20170406-16665-c7c8go.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/164355/original/image-20170406-16665-c7c8go.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/164355/original/image-20170406-16665-c7c8go.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/164355/original/image-20170406-16665-c7c8go.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/164355/original/image-20170406-16665-c7c8go.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/164355/original/image-20170406-16665-c7c8go.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/164355/original/image-20170406-16665-c7c8go.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/164355/original/image-20170406-16665-c7c8go.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Sur le quai.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/marsupilami92/27351013642/in/photolist-C9GVbY-KDBG7d-F9qtrC-Gac7av-G194UY-QkJ76Y-PHfVLx-EqRXfq-MZEfvt-LK2RmC-REiXmn-EvzN3H-QnK9wh-KTgLwL-QqxNHn-Mbm6wo-LjzY7Z-LcMz6n-KMtkXY-NEWcwP-MZEgFV-NttiKb-C4kA8P-HEV6sJ-QJKJdv-DX6mwK-KPx8i9-MyXsaC-G7icGo-KbBX93-Fbffzq-GgEQAo-MZoAio-Q7hNnj-GTqY1y-G8mwRi-NAyJ9Z-PsMAsF-MVq5tU-Mvzs6T-NgAFco-N2PEjs-MdeUo2-K1SWU9-LgFtCw-MoeXfn-MoeXcM-KTh12G-MYnyn7-KDmKiZ">patrick janicek/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>La dépense préengagée que constitue l’offre – l’abonnement est payé tous les mois, quelle que soit la consommation – et l’absence de prix unitaire pour chaque trajet rendent plus difficile la comparaison avec d’autres moyens de transport. Cela contribue à faire en sorte que les usagers de TGV Max se tournent prioritairement vers le train dans la composition de leurs trajets.</p>
<p>À noter que cette offre vient compléter une offre commerciale existante qui tend vers le même objectif, la carte Jeune (30 % de réduction garantie sur tous les trajets nationaux) et les TGV Ouigo en tarif low-cost visant déjà à atténuer l’image du train comme étant un moyen de transport cher. L’avantage concurrentiel du train joue également en faveur de l’offre, en mettant en avant un marketing basé sur des éléments de compétitivité hors-prix. La rapidité et le confort du TGV se distinguent ainsi du caractère spartiate et fastidieux du transport en bus ou en voiture et peuvent fidéliser, à long terme, une clientèle « hédoniste ».</p>
<h2>L’illimité : une promesse marketing intenable</h2>
<p>Ce choix d’une « offre illimitée » s’inscrit dans un contexte culturel et économique particulier, <a href="http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-L_age_de_l_acces-9782707146083.html">celui de la primauté de l’accès sur la propriété</a>. Les consommateurs de la tranche d’âge ciblée par TGV Max sont nés et ont grandi avec la pratique commerciale des forfaits, où la <a href="http://www.credoc.fr/publications/abstract.php?ref=C251">capacité illimitée d’accès surpasse l’exclusivité de la jouissance</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/164357/original/image-20170406-16671-1ob8a9t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/164357/original/image-20170406-16671-1ob8a9t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/164357/original/image-20170406-16671-1ob8a9t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/164357/original/image-20170406-16671-1ob8a9t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/164357/original/image-20170406-16671-1ob8a9t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/164357/original/image-20170406-16671-1ob8a9t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/164357/original/image-20170406-16671-1ob8a9t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/164357/original/image-20170406-16671-1ob8a9t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Illimité ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/alper/13959236566/in/photolist-ngwJGw-id6wV5-4Ff6kq-292vVJ-pfoRh-eNAmEi-6xn4ym-7frHPd-oYZ6oc-ftU2-asvRSR-iv7ER-mJC7eo-ch95iU-9nFrrX-dTzpnf-bcr6u-cvmmxd-aDRWKh-9KAnqK-5KSQEB-2GjT15-cuMvem-dS6hfJ-qSccwP-emvHZP-2aC3Vh-bCPZ7z-681zAy-29W83d-2rA223-4eUdS-iWAgb8-89ENpt-2gQ9Mt-a1nR1E-ccUtu1-2aT8QR-PYWZs-61mgU3-3V9hy-3V8Th-4W3Rzw-RcVrEg-SrZEip-Hf2NEA-dRsGnv-RAC7nz-rt4i2D-qk2pA">Alper Çuğun/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>De nos jours, qui accepterait de payer à l’unité, par exemple, une heure d’accès à Internet par ADSL ou un titre musical en format numérique ? Dès lors, il n’apparaît pas opportun pour la SNCF de faire du TGV un bien de luxe, dont l’excellence technologique justifierait une tarification plus élevée excluant les jeunes voyageurs. Les consommateurs d’aujourd’hui veulent accès à « tout, tout de suite, tout le temps » et l’offre commerciale doit se plier à ce paradigme s’il elle veut conserver son avantage concurrentiel.</p>
<p>La transition numérique des industries culturelles a accéléré cette tendance à l’illimité, par le déploiement d’offres en ligne (exemple de Deezer pour la musique ou de Netflix pour les vidéos) rapidement adoptées par les jeunes générations. Mais ces biens dématérialisés n’ont pas les mêmes caractéristiques que le bien que constitue un trajet en train. Ils sont notamment dits « non-rivaux » (la consommation du bien ne réduit pas la capacité de consommation par d’autres) et ont un coût marginal de production négligeable (la production d’une unité supplémentaire représente un coût infime).</p>
<p>Procurer un accès illimité à ces biens n’engendre donc pas de coût supplémentaire pour le producteur, ce qui rend ces offres économiquement viables. Dans le cas d’un voyage en train, l’utilisation d’une place dans un wagon est restrictive, et la SNCF ne peut pas augmenter facilement le nombre de wagons sans subir de coûts importants. Une offre de trajets réellement illimitée serait donc illusoire.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/164356/original/image-20170406-16654-cxl4yx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/164356/original/image-20170406-16654-cxl4yx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/164356/original/image-20170406-16654-cxl4yx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/164356/original/image-20170406-16654-cxl4yx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/164356/original/image-20170406-16654-cxl4yx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/164356/original/image-20170406-16654-cxl4yx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/164356/original/image-20170406-16654-cxl4yx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/164356/original/image-20170406-16654-cxl4yx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/83015819@N00/31151892955/in/photolist-C9GVbY-KDBG7d-F9qtrC-Gac7av-G194UY-QkJ76Y-PHfVLx-EqRXfq-MZEfvt-LK2RmC-REiXmn-EvzN3H-QnK9wh-KTgLwL-QqxNHn-Mbm6wo-LjzY7Z-LcMz6n-KMtkXY-NEWcwP-MZEgFV-NttiKb-C4kA8P-HEV6sJ-QJKJdv-DX6mwK-KPx8i9-MyXsaC-G7icGo-KbBX93-Fbffzq-GgEQAo-MZoAio-Q7hNnj-GTqY1y-G8mwRi-NAyJ9Z-PsMAsF-MVq5tU-Mvzs6T-NgAFco-N2PEjs-MdeUo2-K1SWU9-LgFtCw-MoeXfn-MoeXcM-KTh12G-MYnyn7-KDmKiZ">Jon Worth/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>La stratégie marketing de l’offre TGV Max apparaît donc contre-productive à deux égards. D’une part, sa formulation créée la promesse d’un accès illimité au transport ferroviaire parmi les plus performants d’Europe. Mais ce fantasme d’évasion se heurte aux contraintes liées à la rareté des places disponibles.</p>
<p>Le consommateur qui perçoit la différence entre l’abondance promise et la pénurie de l’offre s’engage alors dans une <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-socio-economie-2011-2-page-85.htm">dynamique de contestation</a>, tel que cela s’observe sur les espaces de réclamation. Par ailleurs, la stratégie mise sur une rhétorique infondée, alors qu’elle s’adresse à une clientèle informée, rompue à l’intermodalité et experte en <em>benchmarking</em>.</p>
<p>Les nombreux clients séduits par l’offre TGV Max en font un usage avisé et réfléchi : ils mettent en balance le prix de l’abonnement avec celui des billets à l’unité, organisent leurs trajets en heures creuses pour être sûrs d’avoir des places, guettent l’ouverture des réservations à J-30 pour être les premiers et cumulent les autres cartes ou tarifs réduits pour choisir entre les différents avantages potentiels.</p>
<p>Bref, ils aiment le choix… illimité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/75248/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Théophile MEGALI reçoit un financement de l'entreprise Orange pour son doctorat.</span></em></p>« TGV Max : voyager à volonté ». La nouvelle offre d’abonnement pour les 16-27 ans a de quoi séduire, mais ne constitue pas réellement une offre illimitée. Éclairage sur un choix marketing.Théophile Megali, Doctorant en sciences de gestion, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/549782016-02-24T22:09:53Z2016-02-24T22:09:53ZEn économie, l’Union européenne fait-elle encore la force ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/112721/original/image-20160224-16425-lnt6vg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Parlement européen à Bruxelles.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/vin100_b/17110557880/in/photolist-s515JC-2viTz-6yhdPb-yHsya6-6ZcdDe-6ZgdrA-8BD8hn-8BD7UM-tQ6Tzn-6krmNf-uunLk7-uKh8Dj-uunMv3-uLXNP8-tPXb6s-uMchnK-uunP93-uMAGSz-uv1Hwu-uJDmq5-uM8XJj-jWTDRf-duXjXu-duXjqd-duXjjS-duXjhG-duXjy5-5WM517-duXjum-duRJiF-48jsdG-pibTBb-picDsz-pzFUsk-kY8ngQ-qrNH4u-kY6TQv-pWGU3x-pEVYC3-ponaPR-kY8mKu-qTu7MD-kY7xur-r6SCta-picgho-pzpKEZ-picB9M-piaTPg-picj4q-pzE5aY">Vin100_B/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Après près de soixante années, le chemin parcouru par l’Union européenne (UE) ne doit pas manquer de nous impressionner. Pourtant, de nombreuses interrogations demeurent quant à l’efficacité, voire à la pérennité, du projet européen d’intégration. Dans un ouvrage synthétique intitulé <a href="http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-L___conomie_europ__enne_2016-9782707188854.html"><em>L’économie européenne 2016</em></a>, des économistes de l’OFCE cherchent à éclairer les débats européens en cours, en les resituant dans leur contexte économique, financier et historique.</p>
<p>Il est bon de le rappeler : les accomplissements de l’UE sont nombreux. Les six nations fondatrices de la Communauté économique européenne ont été rejointes par pas moins de vingt-deux autres nations dont certaines étaient encore, dans les années quatre-vingt, des économies planifiées, intégrées dans la sphère d’influence soviétique. Le marché commun du charbon et de l’acier a été étendu à toutes les marchandises et à tous les services ; la liberté de circulation des capitaux est complète, celle des personnes, dans l’<a href="https://theconversation.com/leurope-de-la-securite-en-retard-sur-leurope-du-terrorisme-51219">espace Schengen, décrié aujourd’hui</a>, l’est presque autant.</p>
<p>L’UE est entrée <a href="http://www.strasbourg-europe.eu/l-europe-au-quotidien,46093,fr.html">dans la vie quotidienne</a> de tous les citoyens européens, non seulement au travers d’une libéralisation forte des économies dans lesquelles ils vivent, consomment et produisent, mais aussi par l’intermédiaire de règlements, de normes et de politiques publiques et économiques qui protègent, contraignent et influencent leurs activités. L’UE est donc partout et pourtant, elle reste parfois méconnue. En paraphrasant Henry Kissinger, on peut se demander : « L’Europe : quelle politique pour la croissance, la réduction du chômage, l’atténuation des inégalités et pour une économie plus soutenable ? ».</p>
<h2>Des obstacles de plus en plus nombreux</h2>
<p>La situation actuelle est particulièrement inquiétante pour l’avenir de l’UE et celle de l’euro. Les débats de politique intérieure viennent continuellement polluer le projet d’intégration européenne. Des exemples ? Le premier ministre britannique réclame et obtient des <a href="https://theconversation.com/le-bruxit-de-david-cameron-55115">petits arrangements avec les traités</a>, au-delà de ceux que son pays a déjà obtenus – le Royaume-Uni ne participe pas à l’accord de Schengen sur la libre circulation des personnes et est exempté d’euro, entre autres choses – au risque de provoquer la <a href="http://www.la-croix.com/Economie/Quelles-seraient-les-consequences-economiques-d-un-Brexit-2016-02-19-1200741363">dislocation de l’UE</a> ; et du Royaume-Uni lui-même : les Écossais souhaiteraient rester dans l’UE et menaceraient le Royaume-Uni de sécession en cas de Brexit.</p>
<p>La cour de justice de Karlsruhe se penche périodiquement sur la conformité d’un instrument de politique monétaire de la BCE, l’<a href="http://www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2012/html/pr120906_1.en.html">Outright Monetary Transaction</a> (OMT), avec la Loi fondamentale allemande, provoquant de nombreux débats en Allemagne et une certaine méfiance, ou une méfiance certaine, vis-à-vis de la BCE. Ironie de l’histoire, l’OMT n’a jamais été mis en œuvre depuis septembre 2012, date de sa « création ». La vague migratoire en provenance du Moyen-Orient, au lieu d’aboutir au renforcement d’une politique commune des États membres de l’espace Schengen, conduit plutôt, après des calculs de politique intérieure, à un morcellement de cet espace et au retour du chacun pour soi, sous la forme de contrôles aux frontières à l’intérieur des limites de l’espace Schengen…</p>
<h2>Une conjoncture économique fragile</h2>
<p>La conjoncture économique européenne est certainement pour quelque chose dans la montée des inquiétudes et d’un certain ressentiment vis-à-vis de l’UE. L’activité économique s’est reprise en 2015, mais elle est fragile. Confrontée à une crise économique et <a href="http://www.franceinter.fr/emission-un-jour-dans-le-monde-le-chomage-en-europe-avec-eric-heyer">sociale</a> qui se prolonge, dans un environnement international très incertain, l’UE peine à retrouver un nouveau souffle, à engager une nouvelle phase de développement, tant institutionnel <a href="http://www.cae-eco.fr/IMG/pdf/cae-note029.pdf">qu’économique</a>, pour dépasser ses divergences internes.</p>
<p>La crise financière internationale et la crise grecque sont passées par là. Celles-ci ont conduit certains États membres ou certaines opinions publiques à mettre en avant l’intérêt national plutôt qu’européen, au risque de mettre en péril l’une des réalisations phares de l’Union européenne : l’euro. La crise a catalysé les défauts originels de cette monnaie unique et commune : fruit d’une intégration inachevée, puisqu’elle ne s’est pas accompagnée d’une politique budgétaire fédérale ou d’une intégration plus grande des marchés du travail, l’intégration monétaire européenne a accru plutôt qu’atténué les divergences économiques, financières et sociales européennes. Pour relancer l’activité des entreprises, améliorer le bien-être des ménages, faut-il donc plus ou moins d’Europe, faut-il plus ou moins d’union ?</p>
<h2>Les défis de la zone euro</h2>
<p>Pour y répondre, il faut commencer par rappeler de quelles politiques communes l’UE a su se doter : politique de concurrence, politique agricole, politique commerciale, elles ont toutes façonné les institutions et le projet d’intégration européenne. La mobilité accrue des capitaux et des personnes, et les échanges commerciaux plus intenses entre les États membres de l’UE ont motivé le passage à l’euro. Ils ont aussi obligé les Européens à s’interroger sur les politiques fiscales et sociales : concurrence ou harmonisation, quel est le meilleur moyen pour rendre l’Union européenne attractive et compétitive ? Enfin, la montée des risques écologiques a mené l’UE à s’engager en faveur de l’environnement, de manière précoce par rapport à d’autres régions du monde au même stade de développement.</p>
<p>Ces accomplissements ne suffisent pas à assurer à l’euro un avenir solide. En effet, la crise a relancé les spéculations sur la pérennité de la monnaie unique et sur l’avenir du projet d’intégration européenne lui-même. Il est vrai que les erreurs économiques européennes ont été nombreuses : une politique budgétaire depuis longtemps sous contrainte, mais pas suffisamment sous contrôle ; des écarts de compétitivité et des divergences allant à vau-l’eau, jusqu’à une prise de conscience tardive, en 2011, de la nécessité d’y remédier ; et une financiarisation ayant contribué à renforcer la contagion à l’Europe d’une crise financière initialement américaine. Si un certain nombre d’instruments économiques – la politique monétaire non conventionnelle, le plan européen d’investissement public, dit « plan Juncker » – et d’objectifs – la stabilité financière – ont été créés ou renforcés durant cette crise, il reste à l’Union européenne à dépasser ses dissensions et divergences internes pour que le projet européen puisse être défini simplement comme un moteur de développement pour tous ses États membres, sans exception, sans séparation.</p>
<p>Davantage d’Europe, certainement, mais à condition de savoir mieux pour quoi faire ensemble : tel est l’enjeu des prochains mois.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/54978/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Creel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’Union européenne a de grandes réussites a son actif, mais se trouve aujourd’hui confrontée à des défis économiques cruciaux. Passage en revue.Jérôme Creel, Economiste, Directeur |Département des Etudes, OFCE, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.