tag:theconversation.com,2011:/us/topics/croissance-verte-33698/articlescroissance verte – The Conversation2024-02-07T15:42:30Ztag:theconversation.com,2011:article/2191512024-02-07T15:42:30Z2024-02-07T15:42:30ZUne croissance moins polluante ? Encore faut-il savoir ce que l'on entend par croissance…<p>À mesure que le changement climatique se fait une place dans le débat politique et économique, les discussions se polarisent de plus en plus autour de la possibilité ou non d’un « découplage ». Derrière ce terme, une question simple : la réduction des impacts environnementaux peut-elle avoir lieu en même temps que l’on continue à faire croître les systèmes économiques ? Un récent <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S092180092300263X">article de Gregor Semieniuk</a>, économiste à la Banque mondiale en aborde un aspect crucial et sous-discuté : mesurons-nous correctement l’activité économique ?</p>
<p>Le « découplage » est celui de deux courbes, dont on veut savoir si elles peuvent se séparer, voire évoluer, de manière contraire : celle des <a href="https://theconversation.com/topics/emissions-de-co2-63765">émissions de gaz à effet de serre</a>, et celle de la croissance économique, c’est-à-dire la variation du <a href="https://theconversation.com/topics/produit-interieur-brut-pib-48857">produit intérieur brut</a> (PIB) réel : peut-on voir croître la courbe du PIB réel dans le temps, tandis que celle des émissions augmente moins vite (« découplage relatif »), voire baisse (« découplage absolu ») ? On considère ici le PIB réel car il rend les différentes années comparables en tenant compte de l’inflation (contrairement au PIB nominal). C’est toujours le PIB réel dont il est question lorsque l’on manipule des séries temporelles.</p>
<p>Le plus souvent dans le débat sur le découplage, la focale est portée sur la question des émissions de gaz à effet de serre (EGES) ou de l’énergie et donc sur le seul problème climatique. Or, il ne s’agit que d’une seule des <a href="https://www.stockholmresilience.org/research/planetary-boundaries.html">neuf limites planétaires</a> identifiées aujourd’hui par la communauté scientifique. Il y a théoriquement autant de débats sur le « découplage » que d’indicateurs environnementaux dont on regarde l’évolution dans le temps : consommation d’énergie, extraction de matière première, empreinte environnementale générale, etc.</p>
<p>Chacun de ces indicateurs environnementaux, il faut le souligner, fait l’objet de questionnements sur la pertinence de la mesure, sur sa fiabilité, sur sa construction. Les scientifiques cherchent à savoir si l’on mesure bien ce que l’on espère mesurer et si les phénomènes sont bien captés par la statistique. Entend-on, par exemple, par émissions d’un pays celles liées à ce qui est produit sur son territoire ou bien à ce qui est consommé par ses habitants, ce qui inclut les émissions liées aux biens importés ?</p>
<p>Le PIB, lui, est à l’inverse toujours pris comme allant de soi. L’usage de cet indicateur reste <a href="https://books.openedition.org/pressesmines/928">rarement interrogé</a>. Or, à quel point les séries de PIB donnent-elles une représentation « juste » de nos économies ? Le fait est que lorsque l’on prend en compte l’incertitude statistique liée à la « bonne » mesure de l’activité économique, la marge d’erreur sur l’identification d’un « découplage » augmente. Et avec elle, l’incertitude ou la prise de risque, liée aux stratégies de « croissance verte », par opposition aux <a href="https://www.dila.premier-ministre.gouv.fr/actualites/presse/communiques/faut-il-attendre-la-croissance-1500">paradigmes de sobriété, de post-croissance ou de décroissance</a>. L’article récemment publié par Gregor Semieniuk aborde justement la question de cette manière : mesure-t-on correctement l’activité économique ou, dit autrement, le PIB est-il un indicateur fiable pour cela ?</p>
<h2>Des conventions et des erreurs qui se cumulent</h2>
<p>On peut identifier différentes étapes critiques dans le calcul du PIB, qui pourraient mener à une incertitude quant à sa valeur dans le cadre du débat sur le découplage. Premièrement se pose la question du périmètre. Au fil du temps, les conventions comptables ont <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/les_nouveaux_indicateurs_de_richesse-9782707190635">élargi les domaines d’activités dans le calcul</a>, pour des raisons souvent techniques mais aussi sociopolitiques. Par exemple, les activités financières n’ont été ajoutées qu’en 1968 aux recommandations de calcul de comptabilité nationale. Avant cela, elles ne « comptaient » pas dans l’indicateur, car considérées comme improductives. De même en 1977, ce sont les services rendus par les administrations publiques qui ont été incluses au périmètre du PIB, témoignant de changements importants, en particulier dans l’idée que les activités publiques produisent des richesses.</p>
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<p>Deuxièmement, certaines productions n’ont pas de prix de marché, et leur valeur est, par convention, associée à leur coût de production. C’est le cas précisément de ces services non marchands fournis par les administrations publiques. Une production assurée par un service public vaut ainsi en général moins que la même production assurée par une entreprise privée, le coût de production étant inférieur au prix de marché, qui intègre, quant à lui, le profit.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/563372/original/file-20231204-21-ms2mxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/563372/original/file-20231204-21-ms2mxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/563372/original/file-20231204-21-ms2mxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=956&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/563372/original/file-20231204-21-ms2mxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=956&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/563372/original/file-20231204-21-ms2mxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=956&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/563372/original/file-20231204-21-ms2mxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1201&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/563372/original/file-20231204-21-ms2mxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1201&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/563372/original/file-20231204-21-ms2mxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1201&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Troisièmement, et c’est une étape absolument décisive, on calcule le PIB « réel », aussi appelé « en volume », en le corrigeant de l’évolution des prix pour permettre une analyse dans le temps. En France, l’Insee reste relativement <a href="https://laviedesidees.fr/Derriere-les-chiffres-de-l-inflation">discret sur ses méthodes de calcul de l’inflation</a>. Les biens et services composant le panier sur lequel l’indicateur des prix est construit sont, par exemple, toujours secrets. Cela est notamment l’héritage d’enjeux et de pressions politiques très fortes sur sa valeur : le lecteur ou la lectrice imagineront sans peine l’intérêt que pourrait avoir un gouvernement à mesurer une inflation faible quand les prestations sociales, les pensions ou autres salaires minimums y sont indexés.</p>
<p>La philosophie elle-même du calcul de l’inflation a drastiquement évolué dans le temps, passant d’un indicateur représentatif d’une famille ouvrière « type » de la région parisienne, à un indicateur qui ambitionne de représenter le coût de la vie pour un consommateur « moyen » théorique. Ces conventions ont chacune leur légitimité, mais il faut avoir conscience que l’inflation dans sa définition actuelle mesure une sorte de coût de la vie qui n’est ressenti par personne <em>stricto sensu</em>.</p>
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<p>Outre la composition du panier de biens et services, le calcul de l’inflation fait aussi l’objet de conventions quant à la manière de tenir compte de variations dans la composition du panier de biens et services, en particulier les variations de qualité. Les débats sont toujours actifs autour de sa « bonne » mesure, et certaines estimations varient, au niveau international, du simple au double, souvent à la baisse.</p>
<p>Imaginons bien ce que cela représente : si l’inflation est plus forte ou plus basse de X points de pourcentage, alors le PIB déflaté, celui que l’on manipule tous les jours et pour toutes les comparaisons historiques, accuse une erreur dans les mêmes proportions chaque année, et donc de manière cumulative ! Sans même mentionner le <a href="https://www.researchgate.net/publication/332798819_Real_GDP_The_Flawed_Metric_at_the_Heart_of_Macroeconomics">problème des prix relatifs</a> qui changent dans le temps et qui modifient sensiblement les valeurs des séries historiques selon le point de référence.</p>
<h2>Découplage ou recouplage ? Cela dépend en partie de la définition</h2>
<p>Dans cette discussion sur la confiance que l’on peut accorder au PIB dans le débat sur le découplage, les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S092180092300263X">travaux</a> de Gregor Semieniuk sont les premiers, à notre connaissance, à regarder l’impact des différentes définitions du PIB, élaborées au fil du temps, sur les résultats de découplage. L’auteur retrace ainsi les différentes séries de PIB proposées au fil du temps et les « révisions structurelles » adoptées, et qui concernent la méthode de calcul, son périmètre ou l’année de référence pour l’inflation.</p>
<p>La tendance est claire : plus les définitions sont récentes, plus le PIB actuel est élevé, et plus la croissance passée est forte (le graphique présenté plus haut dans l’article, tiré de l’étude de Semieniuk, en donne une illustration pour les définitions de 1978 et de 2018). Cela pose cependant la question redoutable de la « bonne » définition pour se représenter notre histoire économique : celle de 1950 ou celle de 2020 ? Celle de 1950 était assurément jugée plus pertinente à l’époque pour décrire l’économie. Chaque version est heuristique au moment où elle a été élaborée.</p>
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<p>Or, les résultats de « découplage » ou de « recouplage » varient grandement selon les séries de PIB utilisées. Avec les définitions récentes, la croissance historique est plus forte qu’avec une définition plus « industrielle » du PIB, et il est donc plus aisé pour la courbe associée de s’écarter de celle des impacts environnementaux. Ce second graphique, tiré aussi de l’étude de Semieniuk, illustre cela avec l’énergie : dans un cas, les statistiques renvoient l’image d’une économie qui a besoin de 50 % de moins d’énergie pour produire une unité de richesse. Dans l’autre, le progrès n’a été que de 30 %. Le seul changement est la définition de l’indicateur de mesure de l’économie – le PIB.</p>
<p>On peut ainsi comparer les différents résultats de « découplage » selon les définitions du PIB dans le temps. En changeant simplement la mesure de l’activité économique, que l’on prend d’habitude pour évidente, Semieniuk transforme pour certains pays des découplages en recouplages, et vice-versa (!). Plus la définition est ancienne, plus les pays passant à la situation de découplage sont nombreux, mais en moyenne ce sont 10 à 30 pays qui passent d’une situation à son opposé en termes de découplage lorsque l’on change la définition du PIB, alors qu’on peut considérer qu’il s’agit là d’un artefact statistique.</p>
<h2>Comparer dans le temps et dans l’espace</h2>
<p>Un degré supplémentaire de confusion s’ajoute lorsque l’on souhaite comparer différents pays. Idéalement, les séries de PIB doivent être comparables d’un pays à l’autre et ne pas dépendre des différences induites par les monnaies nationales. L’idée est qu’un même PIB par habitant représente un même niveau de vie, c’est-à-dire l’accès à un même ensemble de biens et services « types ». Pour cela, on recourt aux données en « parité de pouvoir d’achat » (PPA), dont la méthodologie est encore plus délicate que celle de la mesure de l’inflation : comment comparer rigoureusement les « pouvoirs d’achat » dans tous les pays du monde, alors que les cultures de consommation sont peu comparables ?</p>
<p>À nouveau, on retrouvera différentes mesures dont les conventions ont évolué au fil du temps. Et lorsque l’on analyse les données pour un même pays, les taux de croissance et la valeur du PIB en PPA dans leurs différentes versions produisent des résultats parfois sensiblement éloignés. A priori, le principe de la PPA est plus juste pour les comparaisons internationales qu’une simple conversion des monnaies nationales en dollar car les taux de change varient selon les années et pour des raisons parfois simplement spéculatives. Cependant, il demande un certain numéro d’équilibrisme méthodologique.</p>
<p>Cela nous amène à une autre conséquence, notamment pour les pays où les statistiques sont fragiles : si les taux de croissance des pays du Sud sont sur ou sous-estimés, cela implique des changements majeurs dans la crédibilité des réductions d’émissions qu’on leur demande dans les scénarii de lutte contre le changement climatique. Un PIB surévalué porte un regard très optimiste sur les tendances passées de performance environnementale comparée à la performance économique, et les tendances vont être prolongées dans les modèles de transition, utilisés notamment par le GIEC.</p>
<p>Rappelons, pour finir, que l’étude de Gregor Semieniuk ne regarde qu’un seul des différents aspects de la définition du PIB (celui des prix relatifs). Mettre sur la table la question de la crédibilité du calcul du PIB et, surtout, celle de sa nécessaire et si délaissée interprétation, ouvre la porte à davantage de remises en question de la manière dont on se représente le chemin parcouru par nos économies, et celui qui nous reste à parcourir vers l’atténuation du changement climatique. Sa signification, si souvent présentée comme évidente, est en réalité un délicat problème. Plus généralement encore se pose la question de ce que la croissance du PIB peut réellement dire sur la santé et l’évolution de l’activité économique. Dans quelle mesure nous racontons-nous des histoires ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219151/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Que les émissions de CO₂ ne suivent plus l’évolution du PIB, pourquoi pas ? Les conclusions en la matière varient néanmoins du tout au tout selon la façon dont on appréhende cet indicateur économique.Albert Bouffange, Doctorant en économie, Sciences Po LyonBaptiste Andrieu, Doctorant en sciences de la terre et de l'environnement, Université Grenoble Alpes (UGA)Florence Jany-Catrice, Professeur d'économie à l'Université de Lille, co-titulaire de la chaire Reconversion écologique, travail, emploi et politiques sociales du Collège d'études mondiales, FMSH., Fondation Maison des Sciences de l'Homme (FMSH)Pierre-Yves Longaretti, Chercheur CNRS dans l'équipe "Soutenabilité, Territoires, Environnement, Économie et Politique", InriaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2139652023-09-20T15:46:36Z2023-09-20T15:46:36ZLa croissance verte de moins en moins crédible pour les universitaires<p>Pour son <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/ov/speech_23_4426">discours sur l’état de l’Union Européenne</a> la semaine dernière, Ursula von der Leyen, cheffe de la Commission européenne, n’a pas dévié de sa ligne habituelle. Décrivant sa vision d’une Europe économiquement dynamique et durable à l’ère du changement climatique, elle a appelé l’UE à accélérer le développement du secteur des technologies propres, « de l’éolien à l’acier, des batteries aux véhicules électriques ». « En ce qui concerne le Green Deal européen, nous nous en tenons à notre stratégie de croissance », a-t-elle conclu. </p>
<p>Rien de très révolutionnaire, en somme. La notion de croissance verte, c’est-à-dire l’idée que les objectifs environnementaux peuvent être alignés sur une croissance économique continue – reste l’orthodoxie économique commune à de grandes institutions telles que la <a href="https://elibrary.worldbank.org/doi/abs/10.1596/978-0-8213-9551-6">Banque mondiale</a> et l’<a href="https://www.oecd.org/greengrowth/48012345.pdf">Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)</a>.</p>
<p>L’OCDE a quant à elle promis de « renforcer leurs efforts pour poursuivre des stratégies de croissance verte […], en reconnaissant que la croissance verte et la croissance peuvent aller de pair », tandis que la Banque mondiale a appelé à une « croissance verte inclusive » où « l’écologisation de la croissance est nécessaire, efficace et abordable ».</p>
<p>Dans son Green Deal européen, l’UE a défini la <a href="https://www.eea.europa.eu/publications/reflecting-on-green-growth">croissance verte</a> comme « une base pour soutenir les niveaux d’emploi et garantir les ressources nécessaires à l’augmentation du bien-être public […] en transformant la production et la consommation de manière à concilier l’augmentation du PIB avec les limites environnementales. »</p>
<p>En dépit de ce consensus au niveau des organisations, <a href="https://www.nature.com/articles/s41893-023-01198-2">notre nouvelle enquête</a> menée auprès de près de 800 chercheurs en politique du Climat du monde entier révèle, elle, un scepticisme généralisé à l’égard de ce concept de croissance verte dans les pays à revenu élevé, avec notamment de plus en plus d’ouvrages affirmant que ce principe n’est ni viable ni souhaitable. Au lieu de cela, d’autres paradigmes post-croissance, dont la « <a href="https://theconversation.com/fr/topics/decroissance-34260">décroissance</a> » et l’« acroissance » ( <em>agrowth</em> en Anglais ) gagnent du terrain.</p>
<h2>Différencier la croissance verte de l’acroissance et de la décroissance</h2>
<p>Mais que signifient ces termes ?</p>
<p>La <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0921800910005021">« Décroissance »</a> est une école de pensée proposant une réduction planifiée de la consommation matérielle dans les pays riches afin de créer des sociétés plus durables et plus équitables. De leur côté, les partisans de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0921800910004209">« l’acroissance »</a> choisissent d’adopter une vision neutre de la croissance économique, et de se concentrer sur la réalisation de la durabilité indépendamment des fluctuations du PIB. </p>
<p>Pour résumer, les deux positions se montrent donc sceptiques à l’égard du paradigme prédominant de la « croissance verte », la décroissance représentant cependant une vision plus critique de la croissance économique.</p>
<p>Une grande partie du débat porte sur le concept de « <a href="https://www.carbone4.com/publication-decouplage">découplage</a> » (<em>decoupling</em> en anglais), c’est-à-dire sur la question de savoir si l’économie peut croître sans que la dégradation de l’environnement ou les émissions de gaz à effet de serre n’augmentent en conséquence. Il s’agit d’une rupture du lien historique entre la croissance du PIB et ses effets néfastes sur l’environnement. Pour que la croissance verte soit réussie, il faut un découplage <em>absolu</em> plutôt <em>relatif</em>. En d’autres termes, les émissions doivent diminuer au cours de la croissance économique, et non simplement croître plus lentement.</p>
<p>Les <a href="https://academic.oup.com/oxrep/article-abstract/30/3/407/552020?login=false">partisans de la croissance verte</a> affirment que le découplage absolu est réalisable à long terme, bien que les avis soient partagés sur la question de savoir si la croissance économique sera affectée à court terme. Les <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13563467.2019.1598964">partisans de la décroissance</a> critiquent le fait que le découplage absolu est réalisable à l’échelle mondiale et peut être atteint au rythme rapide requis pour rester dans les limites des objectifs de l’Accord de Paris. Une <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanplh/article/PIIS2542-5196(23)0 0174-2/fulltext">étude récente</a> a révélé que les taux actuels de découplage dans les pays à revenu élevé sont loin d’être suffisants pour limiter le réchauffement de la planète à un niveau nettement inférieur à 2 °C, comme le prévoit l’accord de Paris. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/peut-on-concilier-capitalisme-et-ecologie-les-enseignements-dignacy-sachs-103652">Peut-on concilier capitalisme et écologie ? Les enseignements d'Ignacy Sachs</a>
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<p>La position des partisans de l’accroissance se traduit elle par des points de vue plus mitigés et intermédiaires sur le débat sur le découplage. <a href="https://nyaspubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/nyas.14900">Certains affirment</a> que le découplage est potentiellement plausible avec les bonnes politiques, mais qu’il faut se concentrer sur les politiques plutôt que sur les objectifs, car cela revient à confondre les moyens et les fins. D’autres soutiennent que le débat est largement hors de propos car le PIB est un mauvais indicateur du progrès sociétal – il existe à cet égard un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0167487008001141">« paradoxe du PIB »</a> s’étonnant du fait que l’indicateur continue d’être dominant en économie et en politique malgré ses défaillances largement reconnues.</p>
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<h2>7 experts climatiques sur 10 sont sceptiques à l’égard de la croissance verte</h2>
<p>Parmi les universitaires, quelle école de pensée domine ? </p>
<p>Dans le cadre d’une enquête récente menée auprès de 789 chercheurs internationaux ayant publié sur les politiques d’atténuation du changement climatique, <a href="https://rdcu.be/diKl4">nous avons pu interroger leurs positions vis-à-vis du débat sur la croissance</a>. 73 % de tous les répondants ont exprimé des points de vue alignés sur les positions de « l’acroissance » ou de la « décroissance », la première étant la plus populaire. Nous avons constaté que les opinions variaient en fonction du pays et de la discipline du répondant (voir la figure ci-dessous).</p>
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<img alt="la croissance verte, la décroissance et l’acroissance se répartissent selon les disciplines scientifiques" src="https://images.theconversation.com/files/549105/original/file-20230919-21-12sur0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/549105/original/file-20230919-21-12sur0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/549105/original/file-20230919-21-12sur0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/549105/original/file-20230919-21-12sur0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/549105/original/file-20230919-21-12sur0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=469&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/549105/original/file-20230919-21-12sur0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=469&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/549105/original/file-20230919-21-12sur0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=469&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le graphique montre l’école de pensée adoptée par 789 chercheurs mondiaux, en fonction de l’origine géographique et de la discipline scientifique.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Alors que l’OCDE elle-même plaide fortement en faveur de la croissance verte, les chercheurs de l’UE et des autres pays de l’OCDE ont fait preuve d’un grand scepticisme. En revanche, plus de la moitié des chercheurs des pays non membres de l’OCDE, en particulier dans les économies émergentes telles que les BRICS, se sont montrés plus favorables à la croissance verte.</p>
<h2>Fractures disciplinaires</h2>
<p>En plus de ces divergences géographiques, il existe un fossé disciplinaire. Les chercheurs en sciences sociales, à l’exclusion des économistes orthodoxes, étaient les plus sceptiques à l’égard de la croissance verte. En revanche, les économistes et les ingénieurs se sont révélé les plus favorables au concept de croissance verte, possiblement du fait d’une confiance dans le progrès technologique et les modèles économiques conventionnels qui suggèrent que la croissance économique et les objectifs climatiques sont compatibles.</p>
<p>Notre analyse a également tâché d’évaluer les possibles liens entre ces différentes théories à propos de la croissance et le PIB par habitant du pays d’origine des chercheurs. Une tendance se dégage : plus le revenu national augmente, plus le scepticisme à l’égard de la croissance verte s’accroît. À des niveaux de revenus plus élevés, les experts soutiennent de plus en plus l’argument post-croissance selon lequel, au-delà d’un certain point, les coûts socio-environnementaux de la croissance peuvent l’emporter sur les bénéfices.</p>
<p>Les résultats étaient encore plus prononcés lorsque nous tenions compte de l’indice de développement humain ajusté aux inégalités (IDHI), un outil statistique visant à évaluer le niveau de développement des pays en tenant compte des inégalités en matière de santé, d’éducation, de genre, et de revenu. Les résultats montrent alors que d’autres critères que le strict revenu, tels que l’inégalité et le développement global, pourraient influencer ces points de vue.</p>
<p>Dans un monde en proie au dérèglement climatique comme aux disparités socio-économiques, ces résultats ne doivent pas être ignorés. Ils soulignent la nécessité d’un dialogue plus élargi sur le développement durable, allant au-delà du paradigme conventionnel de la croissance verte.</p>
<h2>La pensée post-croissance n’est plus une position marginale</h2>
<p>Bien qu’Ursula von der Leyen se soit clairement rangée dans le camp de la croissance verte, les positionnements des universitaires de plus en plus critiques de la croissance verte se fraient progressivement un chemin dans le débat politique. En mai 2023, le Parlement européen a accueilli une conférence sur le thème <a href="https://www.beyond-growth-2023.eu/">« Au-delà de la croissance »</a> à l’initiative de 20 députés européens issus de cinq groupes politiques différents et soutenus par plus de 50 organisations partenaires. Son principal objectif était de discuter de propositions politiques visant à dépasser l’approche selon laquelle la croissance du PIB national est la principale mesure du succès.</p>
<p>Six gouvernements nationaux et régionaux – l’Écosse, la Nouvelle-Zélande, l’Islande, le Pays de Galles, la Finlande et le Canada – ont rejoint le partenariat Wellbeing Economy Governments <a href="https://weall.org/wego">(WEGo)</a> dont l’objectif premier est de passer à “une économie conçue pour servir les gens et la planète, et non l’inverse”.</p>
<p>Il est clair que la pensée post-croissance n’est plus une position marginale et radicale au sein de ceux qui travaillent sur les solutions au changement climatique. Il convient dès lors d’accorder une plus grande attention aux raisons pour lesquelles certains experts jugent la croissance verte peu réaliste, ainsi qu’aux alternatives potentielles axées sur des concepts plus larges de bien-être sociétal plutôt que sur une réflexion limitée à la croissance du PIB.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213965/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ce travail contribue au programme "María de Maeztu" pour les unités d'excellence du ministère espagnol de la science et de l'innovation (CEX2019-000940-M). Ivan. Savin remercie également le programme de recherche et d'innovation Horizon Europe de l'Union européenne pour son financement dans le cadre de l'accord de subvention numéro 101056891, ClimAte Policy AcceptaBiLity Economic (CAPABLE). Ivan Savin remercie également le Conseil européen de la recherche (ERC) pour le soutien apporté dans le cadre du programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 de l'Union européenne (numéro de convention de subvention 741087).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Lewis King ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Sur les 800 chercheurs interrogés, 73 % demeurent sceptiques sur la croissance verte.
Les théories de la décroissance ou de l’accroissance leur semblent plus pertinentes.Ivan Savin, Associate Professor of Business Analytics at ESCP Business School, Madrid campus & Research Fellow at ICTA-UAB, ESCP Business SchoolLewis King, Lecturer in climate policy and green economics, Universitat Autònoma de BarcelonaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1780682022-05-08T16:57:57Z2022-05-08T16:57:57Z« L’économie circulaire », cette notion en perpétuelle évolution<p>L’économie circulaire domine aujourd’hui le discours industriel sur le développement durable et serait caractérisée par un triple objectif au regard des déchets : <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959652618324089">réduction, réemploi et recyclage</a>.</p>
<p>Les annonces des entreprises quant au respect de ces objectifs au sein de leurs procédés s’enchaînent. Des marques telles qu’Ikea, Carrefour, ou encore L’Oréal s’engagent de manière <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/01/02/comment-concilier-objectif-climatique-ambitieux-et-justice-sociale-le-defi-de-l-economie-circulaire_6107961_3234.html">plus ou moins ambitieuse</a>, et suivent les avancées juridiques.</p>
<p>Depuis le 1<sup>er</sup> janvier 2022, de <a href="https://www.lefigaro.fr/societes/2022-le-grand-bond-en-avant-de-l-economie-circulaire-20211229">nouvelles mesures</a> de la « loi anti-gaspillage pour une économie circulaire » (loi Agec) sont entrées en vigueur, interdisant notamment la destruction des invendus non alimentaires.</p>
<p>Sur le <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/loi-anti-gaspillage-economie-circulaire-0">site du ministère de la transition écologique</a>, cette loi est présentée comme visant « à transformer notre économie linéaire, produire, consommer, jeter, en une économie circulaire » et « accélérer le changement de modèle de production et de consommation afin de limiter les déchets et préserver les ressources naturelles, la biodiversité et le climat ».</p>
<p>L’économie circulaire est ainsi présentée comme « la » solution aux problèmes écologiques, renouvelant les perspectives de soutenabilité et proposant de transformer le lien entre nos activités économiques et les systèmes écologiques.</p>
<h2>Un concept flou et socialement construit</h2>
<p>Si ce concept est présent partout, mobilisé par des acteurs divers, c’est surtout que son <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0921800916300325">caractère flexible et flou lui permet d’être adapté</a> et de proposer des solutions « gagnantes-gagnantes », combinant économie et écologie.</p>
<p>L’économie circulaire prend ainsi une part importante du discours plus large sur la soutenabilité. Néanmoins, les réponses apportées aux problèmes écologiques sont liées à la façon dont ceux-ci sont interprétés mettant en jeu notre rapport à la « nature ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"917133621663846400"}"></div></p>
<p>Un ensemble de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/15239080500339646">recherches en sciences sociales</a> ont en effet montré que la « nature », et la relation qui nous lie à elle est contingente et construite socialement. La « nature » existe certes matériellement, mais notre rapport à elle est culturel, influençant alors les discours.</p>
<p>Par exemple, répondre à la perte de biodiversité sous le prisme de concepts tels que celui de « services écosystémiques » témoignerait d’une volonté de mise sur marché du vivant, et par là, <a href="https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2016-1-page-63.htm">d’une conception néolibérale de la nature</a>.</p>
<p>Dans cette perspective, le terme d’économie circulaire est lui aussi à considérer comme un concept historiquement situé.</p>
<h2>Croissance verte et découplage</h2>
<p>Bien qu’issue en premier lieu de travaux académiques, tels que celui de Kenneth E. Boulding qui, en 1966, opposait « l’économie de cow-boys » à celle du « vaisseau spatial Terre », soucieuse de la rareté des ressources, l’économie circulaire serait désormais principalement construite par ses praticiens (entreprises, institutions, ONG).</p>
<p>Les acceptions en sont <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/01/02/comment-concilier-objectif-climatique-ambitieux-et-justice-sociale-le-defi-de-l-economie-circulaire_6107961_3234.html">certes très diverses</a>, mais les chercheurs considèrent néanmoins qu’il en existe une définition « hégémonique », dans le sens où cette dernière viendrait à dominer et décrédibiliser les potentielles autres visions.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"958004820778078208"}"></div></p>
<p>Dans cette acception relativement consensuelle, l’objectif serait de « découpler » l’usage des ressources naturelles et les impacts environnementaux de la croissance économique, créant la possibilité d’une croissance infinie dans un monde fini. Le déchet devient une ressource supplémentaire dans les procédés de production, nécessaire à la réduction des coûts et à la création de valeur.</p>
<p>L’économie circulaire serait alors devenue un moyen de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/14759551.2020.1717733">protéger et normaliser les modes de production et de consommation actuels</a>, qui ne peuvent répondre aux enjeux écologiques, l’idée de découplage entre croissance et impacts environnementaux ayant été critiquée par de nombreuses études, qui <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ab8429">montrent son impossibilité</a>.</p>
<p>Néanmoins, de nombreuses interrogations ont émergé face à cette conceptualisation, et à la capacité très limitée d’une telle économie circulaire à répondre aux enjeux écologiques et sociaux. Par exemple, l’effet rebond ou la consommation énergétique de la filière recyclage <a href="https://theconversation.com/pourquoi-leconomie-circulaire-ne-doit-pas-remplacer-la-sobriete-119021?utm_term=Autofeed&utm_medium=Social&utm_source=Twitter">sont mises en avant</a> comme des obstacles à une véritable circularité.</p>
<h2>Questionner la croissance</h2>
<p>De nombreux chercheurs ont en effet mis en avant la nécessité de développer une approche systémique concernant la croissance et l’idée de découplage. Pour beaucoup, la croissance du PIB <a href="https://theconversation.com/entre-croissance-du-pib-et-respect-des-engagements-climat-il-faut-choisir-64343">est incompatible avec une réponse à nos enjeux écologiques</a>. Par l’incapacité d’un système comme le nôtre à échapper à la création de déchets, ces derniers ont cherché à développer de nouvelles compréhensions de l’économie circulaire, afin d’y intégrer notamment des questions de justice sociale.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1145592214686490624"}"></div></p>
<p>Par exemple, des chercheurs ont montré qu’il existerait aujourd’hui <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344920302354">quatre approches de la circularité</a>. Parmi celles-ci, une considérerait l’économie fossile incompatible avec la soutenabilité, et les réponses technologiques insuffisantes à un découplage absolu. Une telle approche favoriserait notamment de nouvelles formes de gouvernance.</p>
<h2>Une nouvelle conception de l’économie circulaire</h2>
<p>Une telle vision pourrait déjà être portée par certaines organisations dites « alternatives ». En France, elles feraient notamment partie du champ de <a href="https://theconversation.com/novembre-mois-de-leconomie-sociale-et-solidaire-donc-de-lutopie-106875">l’économie sociale et solidaire</a>. En promouvant la solidarité et la responsabilité, de telles initiatives pourraient, par leurs objectifs, construire de nouvelles représentations de l’économie circulaire.</p>
<p>Parce qu’elles auraient plus de capacités à innover, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0921800920313537">et à le faire de manière à questionner le paradigme existant</a>, elles auraient plus de marge de manœuvre et arriveraient à préfigurer un nouvel imaginaire de soutenabilité, répondant notamment à des enjeux de justice sociale et environnementale. Par exemple, en promouvant une gouvernance démocratique et une non-lucrativité ou lucrativité limitée, <a href="https://www.decitre.fr/livres/utopies-locales-9782363832870.html">l’ESS fournirait un cadre d’action pour une transition socio-écologique locale</a>.</p>
<p>C’est dans un tel contexte que le vaste projet européen de recherche <a href="https://www.channelmanche.com/fr/projets/projets/blueprint-to-a-circular-economy/">« BLUEPRINT pour une économie circulaire »</a> vient s’inscrire. L’un de ses objectifs sera de comprendre le lien entre entreprises sociales et solidaires, et le développement d’une économie circulaire, afin de fournir des outils et modèles adaptés à la transition.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178068/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lucie Wiart a reçu des financements de la chaire bioéconomie et développement soutenable de NEOMA Business School (NEOMA BS, Communauté Urbaine du Grand Reims, Fondation Paris-Reims, CCI Marne-en-Champagne) et du projet INTERREG Channel-Manche Blueprint (2021-2023). Le projet INTERREG est doté d'un budget total de 5,6 millions d'euros, dont 3,8 millions sont financés par le Fonds européen de développement régional (Feder) via le programme Interreg France (Channel) England.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nicolas Béfort a reçu des financements de la chaire bioéconomie et développement soutenable de NEOMA Business School (NEOMA BS, Communauté urbaine du Grand Reims, Fondation Paris-Reims, CCI Marne-en-Champagne) et du projet INTERREG Channel-Manche Blueprint (2021-2023).</span></em></p>La définition hégémonique de l’économie circulaire, comme moyen de découplage entre usage des ressources naturelles et croissance, commence à être remise en question.Lucie Wiart, Docteure en sciences de gestion, Neoma Business SchoolNicolas Béfort, Économie de la transition écologique, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1696682021-10-11T19:05:38Z2021-10-11T19:05:38ZBio-croissance ou bio-solidarité ? La Convention sur la diversité biologique à l’heure des choix<p>À quelques semaines de l’ouverture de la COP26, il faut rappeler que l’année 2021 n’est pas seulement un moment de vérité pour la réponse globale au dérèglement climatique. Elle l’est tout autant pour la préservation de la biodiversité mondiale, qui menace de s’effondrer alors même qu’elle sous-tend le bien-être humain.</p>
<p>Si un consensus large se dégage désormais sur la nécessité de réformer en profondeur des systèmes économiques devenus autodestructeurs, car visiblement occupés à saper leurs fondations écosystémiques, deux approches s’opposent quant au chemin à suivre.</p>
<p>Or il faut rapidement pouvoir y voir clair pour espérer faire les bons choix, dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique (CDB) et plus précisément de la COP15, qui se déroulera en deux temps, en ligne en ce mois d’octobre, puis en avril 2022.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1447361350724984834"}"></div></p>
<h2>L’approche séparatiste</h2>
<p>L’approche aujourd’hui dominante, que nous qualifions ici d’<em>approche séparatiste</em>, ne vise pas seulement à ériger une frontière étanche entre systèmes sociaux et naturels mais à fractionner et isoler les systèmes naturels eux-mêmes en les instrumentalisant, en les réifiant et en les monétisant afin de les mettre à contribution pour nourrir une nouvelle forme de croissance économique, parfois qualifiée de « croissance verte », mais qu’il paraît plus juste de nommer « bio-croissance » : la croissance du produit intérieur brut (PIB) tirée de l’exploitation du vivant.</p>
<p>Cette approche, qui a sa cohérence, répond à deux logiques imbriquées.</p>
<p>D’une part, il s’agit de prendre acte de la domination des impératifs économiques (revenu, profit, croissance) sur les dynamiques naturelles et sociales pour les généraliser à toutes les interactions humaines, y compris les transactions non marchandes, de loin les plus nombreuses.</p>
<p>D’autre part, dans ce cadre, il importe de chercher des solutions pratiques au problème censé être la clé de voûte de la crise de la biodiversité : la valeur de la nature.</p>
<p>L’approche séparatiste repose ainsi sur un triptyque : séparer le monde vivant du monde social en faisant de la croissance économique une boussole, pétrifier le monde vivant au moyen du « capital naturel » et le fragmenter en tarifiant les espèces non humaines sous prétexte de les préserver (en traitant le vivant comme une externalité).</p>
<h2>Le rapport Dasgupta</h2>
<p>Cette option a imprimé sa marque sur le débat public ces derniers mois avec la publication coup sur coup du <a href="https://www.gov.uk/government/publications/final-report-the-economics-of-biodiversity-the-dasgupta-review">rapport Dasgupta sur « l’économie de la biodiversité »</a> et du <a href="https://unstats.un.org/unsd/statcom/52nd-session/documents/BG-3f-SEEA-EA_Final_draft-E.pdf">nouveau cadre de comptabilité « économique et écologique »</a> adopté sous l’égide des Nations unies.</p>
<p>Le rapport Dasgupta (2021) proclame ainsi sans détour dès ses premières pages que la crise de la biodiversité résulte d’un défaut d’optimalité dans la « gestion de portefeuille des actifs naturels » dont l’humanité a la charge. « Les trois caractéristiques omniprésentes du monde naturel – mobilité, silence et invisibilité – empêchent les marchés d’enregistrer de manière adéquate l’utilisation que nous faisons des biens et services de la nature ».</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/yRw5BqH611w?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vidéo portant sur le rapport Dasgupta en présence de l’auteur (GreenAllianceUK/Youtube, 2020).</span></figcaption>
</figure>
<p>Il faut donc, selon le rapport, y remédier à l’aide des instruments économiques qui peuvent aboutir à figer par les prix l’information économique que les marchés vont ensuite rendre publique. La nature, rendue à sa vocation économique, sera alors immobile, bruyante et tangible.</p>
<p>L’approche séparatiste qui irrigue le rapport Dasgupta débouche logiquement sur le projet de bio-croissance, explicité par Boris Johnson, Premier ministre du Royaume-Uni, qui fut le commanditaire de ce travail quand celui-ci lui fut remis : « la biodiversité n’est pas seulement un idéal, c’est un élément essentiel de notre croissance économique ».</p>
<p>Le <a href="https://seea.un.org/ecosystem-accounting">System of Environmental-Economic Accounting – Ecosystem Accounting</a> (2021) rend quant à lui explicite le lien entre fragmentation et monétarisation, en proposant de généraliser cinq comptes nationaux principaux en complément du PIB.</p>
<h2>Un second chemin</h2>
<p>Le second chemin que nous proposons, avec de nombreux autres, de suivre ici diverge radicalement de cette approche séparatiste.</p>
<p>Il consiste en une <em>approche holistique</em> des systèmes sociaux et naturels qui remet l’économie à sa juste place et repose sur une notion intuitive : la bio-solidarité. Car si le terme de biodiversité, inventée au milieu des années 1980, saisit bien la variabilité de la vie sur Terre, il traduit mal son principe essentiel : l’interdépendance des formes de vie. Le monde vivant est non seulement un agrégat de flux, mais plus encore un ensemble de liens – c’est un réseau dynamique de relations naturelles et sociales – aujourd’hui en danger.</p>
<p>La bio-solidarité désigne ainsi l’interdépendance des différentes formes du monde vivant, dont les humains, et se mesure par la vitalité des liens qui unissent à la fois les espèces non humaines entre elles et ces espèces à l’espèce humaine.</p>
<p>L’indicateur clé de la vitalité n’est pas la variété mais la solidarité. La bio-solidarité vise donc, non pas à comptabiliser ou inventorier des espèces mais à reconnaître et identifier des liens, naturels et sociaux. L’approche holistique de la préservation de la biodiversité fait donc de la santé la grande médiation entre espèces et souligne le <a href="http://www.fao.org/americas/informations/ver/fr/c/1380819/">rôle des liens sociaux dans cette « pleine santé »</a>, liens patiemment tissés depuis des siècles par les communautés indigènes du monde entier.</p>
<p>À nos yeux, la raison essentielle de la destruction de ces liens n’est pas <em>la valeur de la nature</em> ou son défaut supposé mais <em>la nature de la valeur</em>, étroitement économique, et ses excès.</p>
<p>Les écosystèmes et la biodiversité qui les sous-tend ne souffrent pas d’un manque de valorisation mais d’un conflit de valeurs qui tourne aujourd’hui à l’avantage de la valeur économique au détriment de toutes les autres. Car l’hypothèse de la valeur manquante est aussi douteuse que contestable et peut aisément être renversée.</p>
<p>La valeur économique des ressources naturelles est en réalité très bien comprise et assimilée par celles et ceux qui en bénéficient, c’est précisément la raison des asymétries de pouvoir qui s’exercent pour se l’approprier ; il est utile de consulter sur ce point <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/0921800994901988">l’article fondateur de l’économiste James Boyce</a> paru en 1994.</p>
<h2>Une confrontation nécessaire</h2>
<p>La confrontation de l’approche séparatiste et holistique de la biodiversité est à notre sens inévitable et même souhaitable : ces deux paradigmes s’opposent radicalement et depuis longtemps au demeurant sous des formes diverses (on pense ici à la controverse Buffon-Linné par exemple).</p>
<p>Cette opposition prend pour l’heure la forme d’une contradiction manifeste entre deux textes de la Convention sur la diversité biologique (CDB), l’un d’avril 2021, l’autre de juillet 2021.</p>
<p>Dans le premier texte, la CDB annonce la mise en chantier d’une <a href="https://www.cbd.int/doc/c/76f9/1b75/42e360ab3ae6e53d0762c449/sbstta-24-09-en.pdf">nouvelle stratégie santé-environnement</a> qui repose sur des bases conceptuelles très différentes conduisant à des politiques publiques informées par la santé humaine, le droit et la justice sociale. Mais, en juillet 2021, la même CDB promeut <a href="https://www.cbd.int/doc/c/abb5/591f/2e46096d3f0330b08ce87a45/wg2020-03-03-en.pdf">« un cadre global pour la biodiversité post-2020 »</a>, dans lequel la comptabilité économique du vivant fait figure d’objectifs prioritaires.</p>
<p>Il faut aujourd’hui trancher cette contradiction en faveur de l’approche holistique plutôt que de prolonger l’improbable compromis actuel, par lequel on proclame vouloir favoriser l’approche holistique pour dans les faits donner toujours plus la priorité à l’approche séparatiste.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169668/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Serge Morand a reçu des financements pour ses recherches de l’Agence nationale de la recherche (ANR).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Éloi Laurent ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si un consensus se dégage sur la nécessité de réformer des systèmes économiques destructeurs, deux approches s'opposent quant au chemin à suivre.Éloi Laurent, Enseignant à Sciences Po et à l’Université de Stanford, économiste senior à l’Observatoire français des conjonctures économiques, Sciences Po Serge Morand, Écologue de la santé, Université de Montpellier, CNRS, CiradLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1675492021-09-14T21:50:21Z2021-09-14T21:50:21ZPourquoi la loi climat ne rendra pas la commande publique forcément « plus verte »<p>Promulguée le 22 août 2021, la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000043957012">loi climat et résilience</a> comporte un article 35 relatif à la commande publique responsable. Il propose un ensemble de modifications et de nouveaux ajouts au code de cette commande, apparemment en faveur des sphères sociales et environnementales.</p>
<p>Cinq grandes thématiques se dégagent des modifications induites par cet article :</p>
<ul>
<li><p>L’obligation de mettre en place des critères techniques environnementaux, des clauses environnementales et des critères de sélection responsables dans les différentes formes de marché (marchés de prestation, partenariats et concession) ;</p></li>
<li><p>Le durcissement des obligations liées au schéma de promotion des achats publics socialement responsables ;</p></li>
<li><p>L’élargissement des clauses sociales et environnementales, de façon facultative, aux marchés de défense ou de sécurité ;</p></li>
<li><p>La mise en valeur de l’insertion par l’activité économique et du rôle de la commande publique dans le retour à l’emploi des publics fragiles ;</p></li>
<li><p>La possibilité d’exclure du processus de passation des offres un prestataire n’ayant pas honoré la production de son plan de vigilance quand celui-ci y est soumis par la loi sur le devoir de vigilance.</p></li>
</ul>
<p>Si <em>a priori</em> cette législation semble changer de nombreuses pratiques pour les acheteurs dans les collectivités locales, plusieurs limites sont à souligner.</p>
<h2>Les clauses environnementales, déjà obligatoires</h2>
<p>Tout d’abord, les clauses environnementales existent déjà depuis 2007, et sont devenues obligatoires dans les marchés de travaux avec la loi transition énergétique <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000031044385">pour une croissance verte</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1284137354291228680"}"></div></p>
<p>L’ensemble des clauses obligatoires liées à l’environnement sont déjà catégorisées par le gouvernement <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Plan_national_d_action_pour_les_achats_publics_durables_2015-2020.pdf">comme clauses environnementales</a>.</p>
<p>Ainsi, l’atteinte d’objectifs quantitatifs en nombre de clauses environnementales pourrait correspondre à une recatégorisation de clauses aujourd’hui considérées seulement comme obligatoires en clauses environnementales.</p>
<p>Par exemple, l’obligation de traitement des déchets générés lors des marchés de travaux, qui est légalement considéré comme une clause environnementale, est rarement considérée comme telle lors d’entretiens menés avec des acheteurs des collectivités locales. Ainsi, sa requalification en clause environnementale pourrait permettre d’atteindre des objectifs quantitatifs, s’ils sont calibrés pour correspondre uniquement à cette requalification.</p>
<h2>Des critères sociaux et d’emploi, sauf si…</h2>
<p>L’un des éléments les plus ambitieux de la loi est la possibilité de considérer dans les conditions d’exécution du marché, des aspects relatifs au domaine de l’emploi ou au domaine social.</p>
<p>Malheureusement, il apparaît fortement limité. Ces considérations demeurent d’une part à la discrétion des acheteurs, même si ces derniers doivent justifier de ne pas en tenir compte. Par ailleurs, cette « prise en compte » n’est pas obligatoire si le besoin peut être satisfait immédiatement ; si les liens entre les critères sociaux et d’emploi et l’objet du marché sont insuffisants ; si l’application de ces critères engendre une distorsion de la concurrence ou des complexités économiques ou pratiques dans le fonctionnement du marché ; et s’il s’agit d’un marché de travaux d’une durée inférieure à six mois.</p>
<p>Ainsi, les exceptions à la mise en place des clauses et des critères relatifs aux domaines du social ou de l’emploi sont nombreuses. Par ailleurs, les critères d’emploi et sociaux, s’ils sont rattachés au fonctionnement de l’entreprise, seront nécessairement considérés comme <a href="https://journals.openedition.org/developpementdurable/13666">éloignés de l’objet du marché</a></p>
<p>Ce faisant, la législation ne propose finalement que de développer les clauses sociales existant dans les marchés publics <a href="https://journals.openedition.org/formationemploi/4933">depuis les années 1990</a>.</p>
<h2>Le devoir de vigilance, motif d’exclusion ?</h2>
<p>L’autre innovation majeure apportée par cette législation est la liaison de la commande publique et de la <a href="https://www.vie-publique.fr/rapport/273894-loi-sur-la-vigilance-des-societes-meres-et-entreprises-donneuse-d-ordre">loi sur le devoir de vigilance</a>. Cette dernière impose aux sociétés de plus de 5 000 salariés directs ou indirects (filiales) dont le siège social est situé sur le territoire français, ou à celles de plus de 10 000 salariés directs ou indirects dans l’Hexagone (dont le siège est hors de France) d’établir un plan de vigilance.</p>
<p>Ce plan comporte des mesures de vigilance « raisonnable » relatives aux actions de l’entreprise, de ses filiales directes ou indirectes, de ses sous-traitants et de ses fournisseurs.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/4tQ47W-A4y8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Devoir de vigilance pour les grandes sociétés françaises (France 24, 3 janvier 2018).</span></figcaption>
</figure>
<p>L’objectif est de limiter les atteintes graves, qui pourraient résulter des actions susmentionnées, aux droits humains, aux libertés fondamentales, à la santé et la sécurité des personnes, <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000034290626?r=pVMKLHBtRF">ainsi qu’à l’environnement</a>.</p>
<p>La loi climat et résilience permet d’écarter du processus d’attribution des offres une société n’ayant pas rempli son devoir de vigilance l’année courante ou précédant le processus de sélection des offres.</p>
<h2>Le droit de la concurrence avant tout</h2>
<p>Cependant, il est interdit d’écarter un prestataire si cela entraîne un risque de distorsion de concurrence ou des complexités économiques ou pratiques dans la réalisation du marché.</p>
<p>Concrètement, cela signifie que dans un processus d’appel d’offres, si uniquement deux prestataires soumis à la loi sur le devoir de vigilance se positionnent, que l’un l’a honoré et l’autre non, l’acheteur ne pourra pas écarter le prestataire qui n’est pas en règle, car cela reviendrait à une distorsion de concurrence.</p>
<p>Par ailleurs, les très grosses sociétés – qui sont les seules à être contraintes à ce devoir – se placent principalement sur des marchés de grandes tailles pointés pour être <a href="https://www.cairn.info/revue-notes-du-conseil-d-analyse-economique-2015-3-page-1.htm">très peu concurrentiels</a>.</p>
<p>Ainsi, la possibilité d’écarter une entreprise n’ayant pas répondu à son devoir de vigilance semble difficile à mettre en œuvre sans risquer immédiatement la distorsion de concurrence.</p>
<h2>Le critère du prix continue de primer</h2>
<p>Enfin, à la lecture de l’ensemble de l’article 35 de la loi climat et résilience, on comprend que les critères sociaux et environnementaux sont systématiquement soumis aux impératifs de non-distorsion de la concurrence et de « bonne gestion » des deniers publics.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1181849815170375680"}"></div></p>
<p>Ces deux conditions se traduisent dans la pratique par une tendance des acheteurs à favoriser le critère prix au dépit des critères sociaux et environnementaux afin d’assurer la solidité juridique des achats publics.</p>
<p>Le meilleur exemple est sûrement la création de l’article L. 3-1 du code de la commande publique, qui conditionne la poursuite d’objectifs de développement durable à l’application des règles de concurrence et à la bonne gestion des deniers publics.</p>
<h2>Des effets très circonscrits</h2>
<p>Ainsi, si la loi climat et résilience semble plutôt audacieuse sur le papier, ses effets risquent, dans la pratique, d’être limités par les exceptions nombreuses à l’introduction de conditions d’exécutions sociales ou liées à l’emploi. Mais également par le fait que les critères sociaux, environnementaux ou liés à la loi sur le devoir de vigilance soient soumis aux règles de concurrence.</p>
<p>Et enfin par le conditionnement de la poursuite d’objectifs de développement durable au respect des règles de concurrence et à <a href="http://www.erudit.org/fr/revues/mi/2015-v20-n1-mi03638/1045357ar/">« une bonne gestion » des deniers publics</a> (qui n’est pas définie, mais renvoie généralement dans la pratique à la diminution des dépenses publiques).</p>
<p>Notons également la <a href="https://www.senat.fr/leg/pjl20-551.pdf">suppression entre la publication de la loi et son projet</a> de l’obligation d’utilisation de 25 % de matériaux biosourcés dans les marchés de travaux et la liaison des clauses environnementales et sociales dans une perspective d’approche systémique du développement durable.</p>
<p>La loi climat et résilience s’inscrit donc indéniablement, dans son article 35, dans une forme de <a href="https://www.cairn.info/l-evaluation-de-la-durabilite--9782759219049-page-23.htm">soutenabilité faible</a> du développement durable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/167549/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Gayot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les critères sociaux et environnementaux sont toujours soumis aux impératifs de non-distorsion de la concurrence et de « bonne gestion » des deniers publics.Olivier Gayot, doctorant en sciences économiques, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1488532020-11-04T08:38:39Z2020-11-04T08:38:39ZLa Covid-19, une étape décisive sur le chemin d’une écologie au service de la croissance<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/365779/original/file-20201027-20-hofz67.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3562%2C2355&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2018, le Bureau des Nations unies pour la réduction des risques de catastrophes estimait à 2&nbsp;908&nbsp;milliards de dollars le surcoût dû aux catastrophes climatiques entre 1998 et 2017.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/558805">PxHere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>« Les hommes » disait Jean Monnet « n’acceptent le changement que […] dans la crise ». Parce que tel est bien le cas, celle de la Covid-19 constitue une formidable opportunité pour concrétiser une transformation attendue de longue date : celle d’une écologie qui ne serait plus l’ennemi de l’économie mais bien le moteur de sa croissance.</p>
<p>Souffrance au travail, bruit, pollution… : si le fonctionnement de l’économie produit des effets défavorables dont la réparation n’est pas toujours spontanément assurée par les forces du marché, le constat est ancien. Déjà sous l’Ancien Régime, les enquêtes de commodo incommodo visaient à apprécier les nuisances de certaines activités (comme les tanneries) sur leur voisinage.</p>
<p>Sous le Premier Empire, le <a href="https://aida.ineris.fr/consultation_document/3377">décret du 15 octobre 1810</a> a créé une police des bâtiments dangereux, incommodes ou insalubres. Cette police permettait de soumettre à autorisation préalable la création des entreprises les plus polluantes avant que la France ne crée un ministère de l’environnement en 1971 et que le premier sommet de la Terre de Stockholm en 1972 n’invite les États du monde entier à « penser global, agir local » pour faire face aux défis du changement climatique.</p>
<p>Les difficultés des pays à déférer à cette invitation ont conduit en 1987 à la publication du rapport Brundtland de l’ONU sur <a href="http://www.ceres.ens.fr/IMG/pdf/rapport_brundtland.pdf"><em>Notre avenir à tous</em></a> leur rappelant la nécessité de promouvoir un développement durable (<em>sustainable development</em>), qui trouve un équilibre satisfaisant entre les contraintes économiques, sociales et environnementales. C’est dans ce contexte que la France s’est dotée en 1995 d’un Code de l’environnement avant d’adosser en 2005 une <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/contenu/menu/droit-national-en-vigueur/constitution/charte-de-l-environnement">Charte de l’environnement</a> à la Constitution, à l’initiative du président Chirac qui avait conscience des enjeux écologiques : « il y a péril en la demeure » ; « notre maison brûle et nous regardons ailleurs » !</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1308293621859246080"}"></div></p>
<p>Face à l’urgence climatique, « construire une nouvelle économie conciliant protection de l’environnement, progrès social et croissance économique » comme l’ambitionnait la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000020949548/">loi du 3 août 2009</a> de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, ne semble toutefois plus suffire.</p>
<p>Avant même la crise sanitaire, le constat était d’ailleurs alarmant : dans son rapport de 2018, intitulé <a href="https://www.preventionweb.net/files/61119_credeconomiclosses.pdf"><em>Economic losses, poverty and disasters</em></a>, le Bureau des Nations unies pour la réduction des risques de catastrophes (UNISDR) estimait à 2 908 milliards de dollars – soit + 251 % – le surcoût dû aux catastrophes climatiques entre 1998 et 2017. Les évènements actuels ne font ainsi qu’aggraver une situation déjà préoccupante.</p>
<h2>Interpénétrer écologie et économie</h2>
<p>Face à ce constat, trois scénarii sont envisageables : persévérer dans l’hypermondialisation ; faire le choix d’une démondialisation ou opter pour une voie médiane.</p>
<p>L’explosion de la pauvreté et de la grande pauvreté induite par la crise sanitaire montre les limites des deux premières alternatives. Toutes deux exposent, pour des raisons différentes, les entreprises et les salariés à un risque de faillite et de chômage.</p>
<p>Poursuivre sur le chemin de l’hypermondialisation ne peut que renforcer les faiblesses systémiques mises en lumière par les évènements tandis qu’une démondialisation soudaine pose la question du sort à réserver aux plus fragiles.</p>
<p>Peut-être cette option finira-t-elle par s’imposer sous la pression des évènements ? Mais, dans le doute, l’Union européenne et la France font le choix de la troisième voie : celui d’une économie décarbonée qui considère l’écologie comme le moteur de sa croissance.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/365791/original/file-20201027-14-iob0hs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/365791/original/file-20201027-14-iob0hs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/365791/original/file-20201027-14-iob0hs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/365791/original/file-20201027-14-iob0hs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/365791/original/file-20201027-14-iob0hs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/365791/original/file-20201027-14-iob0hs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/365791/original/file-20201027-14-iob0hs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Afin de mettre l’écologie au service de l’économie, la France et l’Union européenne ont fait le choix d’opter pour une voie médiane en fusionnant l’hypermondialisation à la démondialisation..</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1444091">PxHere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Plutôt que d’opposer les deux, il s’agit ainsi de les faire fusionner grâce à l’action conjuguée du marché, de l’État et de la société civile. Tandis que le premier peut contribuer à fournir la matière grise et les financements nécessaires à cette évolution, le deuxième peut l’orienter et ménager à la dernière l’espace de liberté qui lui est nécessaire pour assurer une gestion durable des biens communs à l’Humanité tout entière dont la préservation est incompatible avec l’idée même de propriété, comme l’a montré la politiste américaine <a href="https://iea.org.uk/themencode-pdf-viewer-sc/?file=/wp-content/uploads/2016/07/IEA%20Future%20of%20the%20Commons%20web%2029-1.10.12.pdf&settings=111111011&lang=en-GB#page=&zoom=75&pagemode=">Elinor Ostrom</a>.</p>
<h2>Un développement au service de l’« écolomie »</h2>
<p>Aux mécanismes unilatéraux traditionnels permettant à l’État d’imposer ses choix (lois, décrets, mesures de police) sont venus s’ajouter depuis les années 1970 des mécanismes moins coercitifs dont le redéploiement au service de cette « écolomie » s’annonce timidement et semble à terme inévitable.</p>
<p>Certains lui permettent déjà d’anticiper les problèmes futurs en orientant les actions, comme la planification – dont l’intérêt est illustré par la création d’un haut-commissaire au Plan –, la programmation – avec le fléchage prévisible d’une partie des 25 milliards d’euros sur 10 ans de la future loi de programmation pluriannuelle de la recherche vers l’innovation écologique – ou encore l’évaluation – qui permet d’apprécier l’opportunité d’une politique.</p>
<p>D’autres mécanismes permettent à l’État de mobiliser l’intelligence collective et la force de travail de tout un chacun (<em>crowdsourcing</em>) pour co-construire la décision ou faciliter son acceptation – comme dans le cas de la Convention citoyenne pour le climat ou des procédés de comitologie qui visent à associer les destinataires de la norme à son élaboration – ou simplement faciliter certaines réalisations concrètes – comme dans le cas du tri sélectif.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/365795/original/file-20201027-24-7sg9ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/365795/original/file-20201027-24-7sg9ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/365795/original/file-20201027-24-7sg9ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/365795/original/file-20201027-24-7sg9ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/365795/original/file-20201027-24-7sg9ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/365795/original/file-20201027-24-7sg9ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/365795/original/file-20201027-24-7sg9ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Certains mécanismes, comme le tri sélectif, permettent à l’État d’être au service de l’« écolomie » en mobilisant l’intelligence collective..</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/view-on-profil-one-person-performing-1485749633">Shutterstock</a></span>
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</figure>
<p>D’autres, enfin, lui permettent de modifier les comportements. Ces derniers outils sont déjà mobilisés afin d’y parvenir par l’incitation grâce – outre aux <a href="https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/plan-de-relance/annexe-fiche-mesures.pdf">34 milliards d’euros d’aides aux entreprises</a> du plan France relance visant à faire du pays « une grande Nation industrielle grâce et par l’écologie » – à la « fiscalité verte » (dont le rendement, déjà de 51 milliards en 2019, va s’accroître avec la décision du Conseil européen de financer une partie du plan de relance par une taxe carbone aux frontières et « une nouvelle ressource propre fondée sur les déchets plastiques non recyclés »).</p>
<p>Leur action est toutefois appelée à être complétée par des mécanismes de « droit mou » plus novateurs, pour certains inspirés de l’économie comportementale comme l’apparition de « <em>nudges</em> verts » (qui visent à inciter leurs opérateurs à adopter un comportement prédéterminé). Ces derniers précèdent sans doute celle d’un <em>name and shame environnemental</em> (qui consisterait à dénoncer publiquement les grands pollueurs pour les obliger à changer de comportement) – certaines entreprises comme Danone semblant d’ailleurs l’anticiper en se dotant d’une responsabilité sociale en matière environnementale comme l’article 61 de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000038496102/">loi Pacte</a> du 22 mai 2019 le leur permet désormais.</p>
<p>Utilisés à grande échelle, ces différents mécanismes pourraient donner naissance à un droit original, le droit de l’écolomie, qui pourrait contribuer à la réussite de la transition écologique. De sorte que la question se pose : et si le XXI<sup>e</sup> siècle était celui de « l’écolomie » ?</p>
<hr>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/366083/original/file-20201028-23-1264rn1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/366083/original/file-20201028-23-1264rn1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/366083/original/file-20201028-23-1264rn1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=898&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/366083/original/file-20201028-23-1264rn1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=898&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/366083/original/file-20201028-23-1264rn1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=898&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/366083/original/file-20201028-23-1264rn1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1129&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/366083/original/file-20201028-23-1264rn1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1129&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/366083/original/file-20201028-23-1264rn1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1129&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Cette contribution s’appuie sur les travaux du livre « <a href="http://www.lextenso-editions.fr/ouvrages/document/233819149">L’action économique des collectivités publiques</a> : ses enjeux, son droit, ses acteurs » co-édité par les éditions IFDJ-Legitech et publié en juin 2020</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/148853/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabien Bottini a reçu des financements de la Mission de recherche droit et justice et du LexFEIM de l'Université Le Havre-Normandie, le laboratoire de recherche en droit auquel il est affilié. Il est membre de la FondaFIP, le think thank des Finances publiques, et de l'Observatoire de l'éthique publique.</span></em></p>Les orientations des politiques de relance montrent que les gouvernements considèrent désormais la transition écologique plus comme un moteur qu’un frein à l’activité.Fabien Bottini, Qualifié aux fonctions de Professeur des Universités en droit public, Université Le Havre NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1457792020-09-22T20:51:08Z2020-09-22T20:51:08ZComment fonctionnent les voitures à hydrogène ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/357181/original/file-20200909-20-jc19ts.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=26%2C7%2C2494%2C1406&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une Toyota Mirai fonctionnant à l'hydrogène, à une station de ravitaillement.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/17/Toyota_Mirai_de_la_soci%C3%A9t%C3%A9_hype_taxi_%C3%A0_une_station_hydrog%C3%A8ne.jpg">NBKF / Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Vous souhaitez remiser votre moteur thermique ? Entre vélo, trottinette, voiture électrique ou hydrogène, les alternatives pour nos nouvelles mobilités ne manquent pas… même si les véhicules électriques sont encore aujourd’hui contraints par l’autonomie des batteries – distance limitée, temps de recharge important.</p>
<p>Dans cette offre grandissante de déplacements alternatifs, intéressons-nous plus spécifiquement aux technologies hydrogène. Ces dernières s’intègrent en fait dans des véhicules qui ont un moteur électrique – pas d’essence ou de diesel dans le réservoir – mais avec un rayon de déplacement et un temps de recharge similaire à ce que nous connaissons avec nos moteurs traditionnels.</p>
<h2>La propulsion à hydrogène est-elle une technologie nouvelle ?</h2>
<p>La <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pile_%C3%A0_combustible">« pile à combustible »</a> constitue le cœur d’une voiture hydrogène ; elle permet de transformer un combustible, comme de l’hydrogène, en électricité et en eau grâce à de l’oxygène. Dans la pile, une réaction d’oxydoréduction se produit permettant de créer l’électricité. Au niveau de l’anode, la molécule d’hydrogène, au contact d’un catalyseur, se décompose et libère protons et électrons qui vont créer le courant électrique. Côté cathode, l’eau est produite grâce à l’oxygène, aux protons et aux électrons.</p>
<p>Alors que cet effet a été découvert par William Grove en 1839, il n’a que peu intéressé les constructeurs d’automobiles pendant presque deux siècles : l’hydrogène est longtemps resté difficile à stocker, nécessairement sous pression (700 bars), et donc à transporter.</p>
<p>En 1994, Chrysler reprend le concept et développe un premier prototype ; en 2005, Mercedes propose la première voiture à hydrogène de série : la <a href="https://www.turbo.fr/smart/fortwo/essai-auto/mercedes-classe-b-f-cell-smart-fortwo-ed-4060">Classe B F-Cell</a> (pour <em>fuel cell</em>, en anglais).</p>
<p>Aujourd’hui, les projets de développement se multiplient pour des véhicules légers comme la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Toyota_Mirai">Toyota Mirai</a>, les utilitaires <a href="https://www.h2-mobile.fr/vehicules/utilitaire-hydrogene/renault-kangoo-hydrogene">Kangoo et Master Z.E. Hydrogen de Renault</a>, le SUV <a href="https://news.autojournal.fr/news/1547695/BMW-X5-i-Hydrogen-NEXT-Pile-%C3%A0-combustible-SUV">BMW I Hydrogène</a>, mais aussi les bus, avec par exemple la <a href="https://www.iledefrance.fr/les-2-premiers-bus-hydrogene-circulent-en-ile-de-france">ligne entre Jouy-en-Josas et Versailles</a> inaugurée en 2019, ou encore des poids lourds, avec le <a href="https://www.hyundai.news/fr/marque/hyundai-xcient-fuel-cell-le-premier-poids-lourd-hydrogene-arrive-en-europe/">Xcient Fuel Cell de Hyundai</a> prévu pour 2025.</p>
<p>Le véhicule à hydrogène connaît des contraintes d’autonomie similaires à celles d’un véhicule essence ou diesel : on peut faire 500 km avec un plein. Ensuite, on passe à la pompe, avec un temps de remplissage inférieur à cinq minutes. Au tarif d’une quinzaine d’euros le kilo (l’hydrogène se mesure en kilos), il faut compter entre 50€ et 70€ pour remplir son réservoir.</p>
<h2>Comment fonctionne une voiture à hydrogène ?</h2>
<p>L’utilisation de l’hydrogène dans le secteur automobile est une alternative prometteuse aux hydrocarbures pour réduire les émissions des gaz à effet de serre, puisque la pile à combustible ne rejette que de l’eau lors de son fonctionnement.</p>
<p>Mais comment transforme-t-on de l’hydrogène en électricité ?</p>
<p>Vous souvenez-vous de vos cours de chimie du lycée et de l’expérience de l’électrolyse de l’eau ? Celle qui, grâce à une alimentation électrique continue, deux électrodes et une solution saline permettait d’obtenir du dihydrogène et du dioxygène dans des éprouvettes ? Dans une voiture à hydrogène, il s’agit de la même opération… mais dans l’autre sens et avec des réactions chimiques légèrement différentes.</p>
<p>On prend de l’hydrogène et de l’oxygène, on crée un courant électrique et on rejette de l’eau. Si le principe s’énonce simplement, son développement technologique demeure cependant complexe.</p>
<h2>Principe de la production d’électricité à partir de l’hydrogène</h2>
<p>On l’a vu, l’architecture de la voiture à hydrogène est centrée autour de la pile à combustible. Ce n’est pas un moteur, mais un convertisseur d’énergie. Grâce à de l’énergie chimique fournie par le <em>combustible</em>, la pile va produire de l’électricité qui sera ensuite utilisée dans un circuit électrique extérieur : un moteur électrique, une batterie.</p>
<p>L’hydrogène permet en fait d’augmenter considérablement l’autonomie de véhicules électriques, grâce aux piles à combustible, en remplacement ou bien en complément des batteries.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/356990/original/file-20200908-20-tqpnbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/356990/original/file-20200908-20-tqpnbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/356990/original/file-20200908-20-tqpnbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/356990/original/file-20200908-20-tqpnbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/356990/original/file-20200908-20-tqpnbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/356990/original/file-20200908-20-tqpnbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/356990/original/file-20200908-20-tqpnbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/356990/original/file-20200908-20-tqpnbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une pile à combustible dite « à membrane échangeuse de protons » : l’hydrogène et l’oxygène se combinent, et l’eau sort de la pile.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rémi Bligny</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Différentes technologies de piles à combustible existent : le combustible en question peut être de l’hydrogène, bien sûr, mais aussi du méthanol ou du méthane. La technologie la plus utilisée dans l’industrie automobile est celle dite à <em>membrane échangeuse de protons</em> qui utilise de l’hydrogène gazeux.</p>
<p>Le gaz est stocké dans un réservoir à haute pression qui remplace votre réservoir à essence et peut supporter 2,5 fois la pression prévue de 700 bars. Sa structure composite lui <a href="http://www.afhypac.org/documents/tout-savoir/Fiche%204.2%20-%20Stockage%20hydrog%C3%A8ne%20comprim%C3%A9_rev%20aout%202019%20TA-PM.pdf">assure étanchéité, résistance à la pression et aux chocs</a>.</p>
<p>Dans un premier temps, l’hydrogène doit être transformé en électricité. Il est acheminé jusqu’à un catalyseur – très souvent du platine, où il se dissocie en protons et en électrons. Ces derniers sortent de la pile à combustible pour alimenter le circuit électrique. De l’autre côté, protons, électrons et oxygène de l’air se rencontrent pour former des molécules d’eau H<sub>2</sub>0. Cette eau est évacuée de la pile à combustible, puis sort par le pot d’échappement.</p>
<p>Pour obtenir une puissance suffisante afin d’alimenter les batteries et déplacer un véhicule, plusieurs piles à combustible sont utilisées simultanément, formant un empilement.</p>
<h2>Principe d’un système de propulsion des voitures à hydrogène</h2>
<p>Les véhicules à hydrogène sont classés dans la catégorie des véhicules électriques, malgré l’utilisation d’un carburant.</p>
<p>Dans certains modèles, l’électricité produite par la pile à combustible alimente un moteur électrique, semblable à celui présent dans une voiture électrique conventionnelle. Pour d’autres véhicules, la pile à combustible sert exclusivement à recharger la batterie qui alimente le moteur – c’est le cas du Renault Kangoo, par exemple.</p>
<p>Un véhicule à hydrogène comporte toujours une batterie tampon qui se comporte comme une « réserve de puissance » : la puissance est fournie à la demande, par exemple lors de fortes accélérations, puis la réserve est rechargée par la pile à combustible quand cette dernière prend le relais pour alimenter également le moteur électrique.</p>
<p>À l’instar des véhicules à batteries, il est possible de récupérer l’énergie de freinage pour recharger la batterie afin de la réutiliser lors du prochain démarrage.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/357162/original/file-20200909-16-13mt6im.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Toyota Mirai divisée dans la longueur, une partie où on voit l’habitacle, l’autre avec le système de propulsion" src="https://images.theconversation.com/files/357162/original/file-20200909-16-13mt6im.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/357162/original/file-20200909-16-13mt6im.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/357162/original/file-20200909-16-13mt6im.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/357162/original/file-20200909-16-13mt6im.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/357162/original/file-20200909-16-13mt6im.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/357162/original/file-20200909-16-13mt6im.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/357162/original/file-20200909-16-13mt6im.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’intérieur d’une Toyota Mirai, présenté en 2016 à São Paulo, Brazil. Les différentes parties du système de propulsion sont indiquées.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/b/b9/Toyota_Mirai_fuel_cell_stack_and_hydrogen_tank_SAO_2016_9028.jpg">Rémi Bligny (photo Mariordo)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>En fonction du mode d’entraînement des roues (traction, propulsion, quatre roues motrices), le nombre et la position des moteurs électriques varient. Il n’est pas rare de positionner le moteur électrique sur la partie motrice de la voiture, voire dans certains cas d’associer un moteur électrique par roue.</p>
<p>Au-delà de ne rejeter aucun polluant dans l’atmosphère lors de leur fonctionnement, les véhicules électriques sont silencieux, linéaires dans la délivrance de la puissance, moins coûteux à entretenir et plutôt économiques d’utilisation.</p>
<p>En contrepartie, la production et le recyclage des batteries posent d’importants <a href="https://www.challenges.fr/automobile/dossiers/et-si-la-voiture-electrique-etait-un-desastre-ecologique_575450">problèmes environnementaux et sociétaux</a> – comme l’extraction de métaux rares, l’épuisement des ressources en minerai, la quasi-impossibilité de recycler les composants d’une batterie usagée… sans parler du <a href="https://www.autoplus.fr/hyundai/actualite/Hyundai-hydrogene-pile-a-combustible-utilitaire-voiture-verte-1546292.html">coût d’achat</a> d’un tel véhicule.</p>
<p>Les voitures à hydrogène, en plus de bénéficier de normes de <a href="https://www.h2-mobile.fr/dossiers/securite-vehicules-hydrogene/">sécurité</a> déjà bien établies, semblent minimiser ces contraintes puisque la batterie n’est plus l’élément central de la voiture. Il reste cependant un défi de taille : la production de l’hydrogène.</p>
<h2>Quel avenir pour la propulsion à hydrogène ?</h2>
<p>Aujourd’hui, 96 % de la production mondiale d’hydrogène relâche du dioxyde de carbone. Le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Vaporeformage">vaporeformage</a> de ressources fossiles, comme le gaz naturel, restant le principal procédé utilisé pour cette production.</p>
<p>La part restante est issue de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lectrolyse_de_l%27eau">électrolyse de l’eau</a>, la réaction inverse de celle exploitée dans la pile à combustible : on utilise de l’eau pour générer dioxygène et dihydrogène.</p>
<p>Le bilan carbone ne peut donc être bon qu’à la condition d’utiliser de l’électricité <a href="https://theconversation.com/lhydrogene-sera-vraiment-revolutionnaire-si-il-est-produit-a-partir-des-renouvelables-145804">provenant de sources renouvelables</a>, éolien et photovoltaïque notamment, lors des pics de production par exemple. Le prix de cet hydrogène dit « vert » est encore très élevé par rapport à celui provenant de ressources fossiles.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/hydrogene-pour-la-transition-energetique-est-on-oblige-de-le-fabriquer-138843">Hydrogène pour la transition énergétique : est-on obligé de le fabriquer ?</a>
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<p>La mise en place de réseaux de stations-service à hydrogène dans plusieurs pays européens dont la France semble indiquer que la technologie passe progressivement le cap du démonstrateur pour entrer dans une phase commerciale.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/357177/original/file-20200909-22-7rqtlo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/357177/original/file-20200909-22-7rqtlo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=266&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/357177/original/file-20200909-22-7rqtlo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=266&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/357177/original/file-20200909-22-7rqtlo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=266&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/357177/original/file-20200909-22-7rqtlo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=335&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/357177/original/file-20200909-22-7rqtlo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=335&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/357177/original/file-20200909-22-7rqtlo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=335&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">2020 : Cartes Vig’HY des stations ouvertes (gauche) et en projet (droite).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.vighy-afhypac.org/">Robin Vivian (cartes Vig’HY)</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Toutefois, à ce stade, un certain nombre de défis restent à relever avant d’envisager un marché à grande échelle de la mobilité hydrogène. En 2020, 158 stations sont répertoriées en France : 86 ouvertes, ou en construction, et 71 en projet… donc hypothétiques. Ce décompte contraste avec le <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Plan_deploiement_hydrogene.pdf">plan national</a>, qui prévoit 100 stations en 2023, puis de 400 à 1000 en 2028, et qui permettrait de ne plus avoir à choisir son trajet en fonction des stations de ravitaillement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145779/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les voitures à hydrogène n’ont pas le problème d’autonomie des voitures électriques à batterie. Comment fonctionnent ces alternatives prometteuses pour réduire les émissions des gaz à effet de serre ?Rémi Bligny, Doctorant en Mécanique et Énergie, Université de LorraineRobin Vivian, Maitre de conférences, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1388432020-06-28T16:06:46Z2020-06-28T16:06:46ZHydrogène pour la transition énergétique : est-on obligé de le fabriquer ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/343962/original/file-20200625-33528-47ygzh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C3%2C828%2C632&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un «rond de sorcière», d'où s'échappe de l'hydrogène naturel, vu de drone.</span> <span class="attribution"><span class="source">Alain Prinzhofer</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>La mobilité hydrogène se développe et est affichée « verte ». Mais l’hydrogène, le dihydrogène en fait, H<sub>2</sub>, est fabriqué à 95 % en émettant du CO<sub>2</sub> à partir d’hydrocarbures ou en les brûlant. </p>
<p>Certains procédés consistent à séparer le carbone de l’hydrogène dans les hydrocarbures (CH<sub>4</sub> pour le gaz naturel) d’autres utilisent l’électrolyse pour séparer l’hydrogène de l’oxygène dans l’eau H<sub>2</sub>0, mais avec de l’électricité encore souvent carbonée. </p>
<p>À l’inverse, depuis quelques années, au Mali, un village est électrifié grâce à la production d’hydrogène « natif », ou « naturel » : celui qu’on trouve dans le sous-sol. </p>
<p>Cette source d’hydrogène pourrait-elle être une alternative généralisable ?</p>
<h2>L’hydrogène, une nouvelle ressource naturelle ?</h2>
<p>Au Mali, un puits foré pour chercher de l’eau s’est avéré sec, mais a fortuitement rencontré de l’hydrogène qui a été mis en production par la compagnie <a href="https://hydroma.ca">Hydroma</a>. </p>
<p>L’hydrogène natif, quasiment pur dans ce cas, est directement brûlé dans une turbine à gaz adaptée, et produit l’électricité pour un petit village. D’autres puits alentour ont été forés pour essayer de déterminer les réserves, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9serve_p%C3%A9troli%C3%A8re">au sens de l’<em>oil & gas</em></a>, et de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0360319918327861">changer d’échelle</a>. </p>
<p>Ce succès a fait voler en éclat nombre d’a priori : beaucoup croyaient en effet qu’aucune accumulation naturelle d’H<sub>2</sub> dans le sous-sol ne pouvait exister. Le puits initial produit depuis 4 ans sans baisse de pression, ce qui signifie qu’il se recharge en continu. </p>
<p>De plus, les mesures en surface du contenu des sols en H<sub>2</sub> ne montrent pas de fuites. Celles-ci étaient plutôt attendues, car la molécule d’H<sub>2</sub> est très petite et très réactive, et elle peut donc migrer facilement et se combiner avec d’autres espèces chimiques. Cette découverte au Mali montre qu’il y a des sources, mais aussi des réservoirs et des couvertures qui permettent une accumulation d’hydrogène dans le sous-sol.</p>
<h2>D’où vient cet hydrogène ?</h2>
<p>L’hydrogène est la molécule la plus commune dans l’univers, mais il n’existe qu’en très faible quantité dans l’atmosphère terrestre – moins d’une molécule sur un million. Sur Terre, on trouve l’hydrogène combiné à l’oxygène dans l’eau, au carbone dans tous les hydrocarbures et aussi sous forme libre : c’est cet H<sub>2</sub> qui pourrait être notre carburant de base de demain.</p>
<p>L’hydrogène est un carburant dont la combustion ne crée pas de CO<sub>2</sub>, mais de l’eau – un gros avantage pour la mobilité verte. Il est léger, mais par kilo il a une densité énergétique 3 fois supérieure à celle de l’essence, d’où son utilisation sous forme liquide pour le lancement d’Ariane par exemple. À pression et température ambiante, par unité de volume, il est au contraire peu dense énergétiquement. Dans les voitures, les bus ou les trains, l’H<sub>2</sub> il est donc employé comprimé.</p>
<p>Mais où trouver de l’H<sub>2</sub> vert en quantité ? Il y a différentes solutions techniques, l’électrolyse à partir d’électricité verte en est une, une gazéification de la biomasse favorisant l’H<sub>2</sub> au détriment du biométhane en est une autre, la production de l’H<sub>2</sub> natif pourrait s’avérer la plus efficace. Peut-on l’espérer à grande échelle ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-rendre-le-carburant-hydrogene-plus-ecologique-123981">Comment rendre le carburant hydrogène plus écologique ?</a>
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<p>Une bonne partie des questions scientifiques liées à la production d’hydrogène naturel restent à éclaircir, mais beaucoup de données suggèrent que l’H<sub>2</sub> natif vient des interactions entre l’eau et les roches. Les géologues appellent ça la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Diagen%C3%A8se">diagénèse</a>. Exemple de réaction, le fer ferreux (Fe<sup>2</sup>⁺) contenu dans des roches en contact avec de l’eau s’oxyde en fer ferrique (Fe<sup>3</sup>⁺), libérant l’H<sub>2</sub>. L’eau peut être celle de la mer, on observe ces réactions au niveau de toutes les dorsales médio-océaniques, ou celle de la pluie et c’est ce qu’on observe en Islande. </p>
<p>Ce type de réaction peut aussi se faire avec d’autres métaux comme le magnésium ; elle est rapide et efficace à haute température, vers 300 °C, mais est aussi possible à des températures plus basses d’une centaine de degrés. La cinétique de ces réactions fait l’objet de nombreuses recherches.</p>
<p>Autre <a href="https://www.nature.com/articles/nature14017">source de dihydrogène naturel</a> : la <a href="http://iramis.cea.fr/nimbe/Phocea/Vie_des_labos/Ast/ast_technique.php?id_ast=1067">radiolyse</a>, qui casse les molécules d’eau en hydrogène et oxygène, grâce à l’énergie de la radioactivité naturelle des roches.</p>
<p>Les estimations de la production d’H<sub>2</sub> par ces deux sources, diagenèse et radiolyse, sont importantes, mais encore peu précises : <a href="https://www.pnas.org/content/117/24/13283.short">selon les auteurs de quelques pour cent à la totalité de la consommation actuelle d’H₂</a>, soit 70 millions de tonnes par an.</p>
<p>D’autres sources, comme la friction sur les plans de faille et l’activité de certaines bactéries en présence d’une autre source d’énergie, libèrent aussi de l’H<sub>2</sub>, mais, a priori, en quantités moindres. Ce qu’il est important de noter est que dans tous ces cas, il s’agit d’un <em>flux</em> d’hydrogène, <a href="https://theconversation.com/penser-lapres-les-limites-physiques-de-la-planete-138842">c’est-à-dire une production continue</a>, et non d’une ressource fossile, qui n’existerait qu’en <em>stock fini à l’échelle humaine</em>.</p>
<p>Une autre hypothèse est avancée par certains chercheurs, de grandes quantités de l’hydrogène primordial – celui présent à la formation du système solaire et de la Terre – auraient pu être préservées dans le manteau, voire dans le noyau terrestre. Dans cette hypothèse, l’H<sub>2</sub> est un <em>stock</em> certes fossile <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0012825219304787">mais quasi infini</a>.</p>
<p>L’hydrogène existe donc <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/tribune-actualite-energies/lhydrogene-naturel-curiosite-geologique-ou-source-denergie-majeure-dans-le-futur">sur et sous terre</a>, son extraction directe <a href="https://www.belin-editeur.com/hydrogene-naturel-la-prochaine-revolution-energetique">commence à être sérieusement envisagée</a> pour un H<sub>2</sub> réellement vert et peu cher, <a href="https://pubs.geoscienceworld.org/msa/elements/article/16/1/8/582934">y compris du côté industriel</a>. </p>
<p>Par exemple, une compagnie d’exploration dédiée à l’hydrogène, <a href="http://nh2e.com/">NH₂E</a>, a été créée aux USA et y a foré un premier puits au Kansas fin 2019. En France, la <a href="http://www.458energy.com/">société 45-8</a> cherche de l’hélium et de l’H<sub>2</sub> – l’hélium est un gaz stratégique, car c’est un gaz rare nécessaire à beaucoup d’industries électroniques, beaucoup plus cher que l’H<sub>2</sub>. Comme ils sont parfois liés dans le sous-sol, la production d’hélium apparaît comme une priorité.</p>
<h2>Volcans sous-marins, fumerolles, chaînes de montagnes : où ces réactions se produisent-elles ?</h2>
<p>Comme déjà expliqué, les roches émises par les volcans des rides médio-océaniques réagissent au contact de l’eau, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0009254102001341">libérant de l’hydrogène</a>.</p>
<p>Ce type de volcan s’observe aussi là où les rides médio-océaniques affleurent à la surface de la Terre, soit parce qu’elles sont en train de se former comme aux Afars – le point triple entre les axes centraux de la mer Rouge, du Golfe d’Aden et du rift est-africain – soit parce qu’elles sont soulevées par des phénomènes plus profonds, par exemple en Islande. De fait, dans cette île, les fumerolles de l’axe central du rift contiennent toutes de l’hydrogène. Actuellement, seule la chaleur de ces fumerolles est récupérée dans les centrales électriques géothermiques, mais on pourrait envisager d’y coupler la récupération de l’hydrogène.</p>
<p>Dans les zones où se forment les montagnes, ces croûtes océaniques peuvent aussi arriver à proximité de la surface et s’oxyder, des émanations d’H<sub>2</sub> ont été remarquées dans ce contexte géologique en Oman, aux Philippines, en Nouvelle-Calédonie et même dans les Pyrénées.</p>
<p>D’autres émanations de surface sont observées en Russie (aux alentours de Moscou), aux USA (Caroline du Sud, Kansas), mais <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0883292719302811?via%3Dihub">aussi</a> <a href="https://hal-univ-pau.archives-ouvertes.fr/hal-02187461/document">au Brésil</a> et dans <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0012825219304787">beaucoup d’autres endroits</a>, toujours dans les régions où le socle est très ancien et riche en métaux : la source pourrait être relativement similaire, oxydation d’un matériel riche en fer et libération de l’hydrogène.</p>
<h2>Combien d’hydrogène pourrait-on trouver dans le sous-sol ?</h2>
<p>Certains voudraient connaître les réserves prouvées avant de se lancer dans une aventure d’exploration de l’H<sub>2</sub>. La question paraît loufoque aux géologues, car on ne connaît toujours pas les réserves d’hydrocarbures après plus de cent ans de forage et de travaux intensifs.</p>
<p>Il y a très peu de puits dédiés à l’exploration de l’hydrogène naturel, donc on ne sait pas, mais il y a des émanations de surface. Que nous indiquent-elles sur la probabilité que l’H<sub>2</sub> natif représente à moyen terme une part importante de l’H<sub>2</sub> consommé ?</p>
<p>En Russie, aux États-Unis, au Brésil, au Canada, en Australie, en Namibie, de légères dépressions plutôt circulaires sont bien visibles sur des photos aériennes : ce sont les « ronds de sorcières ». Souvent la végétation y meurt et si on y va avec un détecteur de gaz, on note que de l’<a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11053-014-9257-5">hydrogène s’en échappe</a>. </p>
<p>Pour tirer des conclusions sur la possibilité d’une production de cet hydrogène, il faut évidemment connaître le flux et non juste la concentration, ce que permettent de <a href="https://www.engie.com/sites/default/files/assets/documents/2020-06/PLS%20ENGIE%202020_Version%20Francaise_290520.pdf">nouveaux capteurs</a>. Prétendre que l’on comprend précisément le système serait un mensonge, mais les données convergent vers une production continue (sur des années) dans des quantités importantes. Les fuites que nous mesurons sont entre 50 et 1900 kg par km<sup>2</sup> et par jour, à comparer avec les 5 kg nécessaires au réservoir d’une voiture à hydrogène. </p>
<p>Sur un bassin entier, il y pourrait donc y avoir des productions en millions de tonnes par an. En additionnant les bassins, les dorsales et les zones géothermales, les chiffres sont encore plus grands, mais toujours incertains puisque les premières données sont seulement en train d’être acquises.</p>
<p>Nous savons donc désormais que de l’hydrogène est produit tous les jours en quantité « industrielle » par l’interaction eau/roche. Une partie s’échappe et nous la mesurons dans les gaz des sols des ronds de sorcières. L’autre partie doit s’accumuler dans des réservoirs, comme l’eau ou les hydrocarbures – c’est la partie trouvée au Mali. </p>
<p>Il reste à déterminer les endroits les plus prospectifs et, selon le contexte, soit le séparer des autres gaz présents dans les flux géothermaux qui arrivent jusqu’à la surface, soit forer. </p>
<p>Pour des raisons économiques, « le plus prospectif » va s’entendre en termes de réserves, c’est-à-dire de quantité d’H<sub>2</sub>, mais aussi de coût de production : un puits à 110 m de profondeur comme celui en service au Mali est peu onéreux et on fore aussi très facilement, mais avec un peu plus d’argent, sur plusieurs km dans l’industrie géothermale – il faut aussi penser en termes de proximité du consommateur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138843/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Moretti a reçu des financements des ministères de la recherche et de l'éduction nationale et d'Engie pour travailler sur l'hydrogène. Elle est membre de l'académie des technologies. Elle travaille pour l'UPPA et SU et enseigne en sus dans une douzaine de grandes écoles. </span></em></p>L’hydrogène est utilisé pour la mobilité « verte », mais sa production est loin de l’être. Pourtant, de l’hydrogène est généré continument à l'intérieur de la Terre et peut être capté.Isabelle Moretti, Membre de l'Académie des Technologies, chercheur associé E2S, Université de Pau et des Pays de l'Adour, et ISTEEP, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1397882020-06-02T17:36:49Z2020-06-02T17:36:49ZBelgique : Sophia, une déesse pour une relance durable ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/338872/original/file-20200601-95042-1jll2p9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5908%2C3944&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Statue de Sophia, personnification de la sagesse à la bibliothèque Celsus d'Éphèse, en Turquie.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/statue-sophia-wisdom-ephesus-historical-ancient-718679167">epic_images / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Comment concevoir une relance de la façon la plus pertinente possible vu la gravité de la crise du Covid-19 et ses conséquences ? L’exercice est complexe et de nombreux plans se dessinent pour l’instant.</p>
<p>En Belgique, le « Resilience Management Group », un groupe rassemblant plus de 100 scientifiques belges – dont je fais partie – et 182 entreprises de l’économie régénérative (la <a href="https://www.groupeone.be/pour-une-economie-regenerative-respectueuse-des-limites-planetaires/">coalition Kaya</a>) a ainsi élaboré un projet de relance durable post-Covid, le <a href="https://www.groupeone.be/plansophia/">plan Sophia</a> – du nom de la déesse grecque de la sagesse. Celui-ci s’articule autour de l’objectif de résilience économique.</p>
<p>Cette notion de résilience est sur toutes les lèvres depuis l’explosion de la pandémie du Covid-19. On l’a entendue aussi bien au sein de la Commission européenne qui propose un <a href="https://www.lefigaro.fr/international/pour-un-continent-plus-vert-et-plus-resilient-20200527">plan de relance</a> de 750 milliards d’euros pour « un futur, vert, numérique et résilient », de la part du directeur de la multinationale Royal Dutch Shell cherchant à justifier de <a href="https://fr.reuters.com/article/frEuroRpt/idFRL8N2CI2N8">sévères mesures économiques</a>, ou encore chez les <a href="https://www.lalibre.be/debats/opinions/ouvrons-rapidement-les-musees-5ea1ded49978e21833c3f76e">acteurs culturels</a> belges sollicitant une intervention publique au nom de leur « contribution à la résilience des communautés ».</p>
<p>L’objectif affiché du plan Sophia est d’éviter que les mesures d’urgence n’engagent la relance d’un modèle économique qui montre ses limites. Il vise donc à combiner redéploiement économique, résilience et cohérence avec les objectifs de transition que les différents niveaux de pouvoirs régionaux, nationaux et européens se sont fixés.</p>
<h2>200 mesures proposées</h2>
<p>Pour concevoir ce plan, le « Resilience Management Group » s’est appuyé sur une approche interdisciplinaire de notre société. Un groupe d’experts associant théorie et terrain s’est formé autour de 15 thèmes, tout en cherchant par une approche systémique les synergies entre l’ensemble des mesures : aide aux entreprises ; consommation durable ; production responsable/relocalisation ; agriculture et alimentation ; banque, assurance et fonds de placement ; fiscalité ; énergie ; bâtiment et aménagement du territoire ; mobilité ; démocratie, État et pouvoirs publics ; santé ; sécurité sociale/nouveau contrat social/emploi ; enseignement/éducation ; coopération au développement ; transition intérieure.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/338864/original/file-20200601-95059-1k1fx0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/338864/original/file-20200601-95059-1k1fx0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/338864/original/file-20200601-95059-1k1fx0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/338864/original/file-20200601-95059-1k1fx0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/338864/original/file-20200601-95059-1k1fx0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/338864/original/file-20200601-95059-1k1fx0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/338864/original/file-20200601-95059-1k1fx0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/338864/original/file-20200601-95059-1k1fx0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les 15 thèmes du plan Sophia.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.groupeone.be/plansophia/">Stéphanie Lefèvre/noirlavache</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les membres ont donc travaillé de manière collaborative afin de proposer plus de 200 mesures réparties dans différents domaines qui sont actuellement soumises aux autorités politiques régionales et fédérales.</p>
<p>Elles ont émergé d’un échange entre praticiens et académiques sur la base d’une méthodologie précise et rigoureuse validée par tous. Chaque membre du groupe a été invité à proposer une liste de mesures, un chargé de thématique les a rassemblé et elles ont ensuite fait l’objet de débat en groupe thématique.</p>
<p>L’intention n’est pas de décrire ici toutes les mesures proposées. Je m’arrêterai à quelques-unes, directement liées à mon expertise scientifique, celles du thème « aide aux entreprises ».</p>
<p>Notons trois lignes directrices les concernant. Tout d’abord, le plan Sophia propose de réorienter les aides aux entreprises afin de favoriser d’une part le développement ou le renforcement des activités respectueuses de l’environnement qu’elles concernent le climat, la biodiversité, les ressources naturelles, ainsi que d’autre part les activités créatrices d’emplois durables. En parallèle, le plan propose une suppression progressive des aides aux activités économiques insoutenables.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1245920390162964480"}"></div></p>
<p>Deuxièmement, les rédacteurs du plan Sophia suggèrent d’assurer le financement des aides par l’arrêt rapide de tous les soutiens directs et indirects aux combustibles fossiles.</p>
<p>Il semble ainsi que les aides aux entreprises aériennes comme Air France en France ou Brussels Airlines en Belgique doivent se concevoir en intégrant les alternatives à moyen terme, comme des fusions ou des partenariats stratégiques avec des compagnies ferroviaires.</p>
<p>Enfin, le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/12/11/climat-agriculture-transports-financements-le-green-deal-tous-azimuts-de-la-commission-europeenne_6022507_3210.html">« green deal » européen</a>, présenté fin 2019, devrait servir de cadre de référence à ce redéploiement, qui vise à accélérer la transition et la résilience.</p>
<h2>La résilience au cœur du plan</h2>
<p>Si la notion de résilience économique est omniprésente depuis le début de la crise du Covid-19, cette notion est souvent mal comprise. Loin d’être neuve, elle est d’usage aujourd’hui dans de nombreuses disciplines, en ce compris au niveau de l’analyse de l’économie régionale qui fournit une approche territoriale intéressante.</p>
<p>Même s’il n’y en a aujourd’hui aucune définition consensuelle, celle proposée par les géographes britanniques Ron Martin et Peter Sunley fait référence. Ceux-ci définissent la <a href="https://academic.oup.com/joeg/article-abstract/15/1/1/960842">résilience économique régionale</a> comme :</p>
<blockquote>
<p>« La capacité d’une économie régionale ou locale à résister aux chocs du marché, de la concurrence et de l’environnement ou à s’en relever, en adoptant, si nécessaire, des modifications de ses structures économiques et de ses arrangements sociaux et institutionnels, de façon à maintenir ou à rétablir son ancien mode de développement, ou à passer à un nouveau mode durable ».</p>
</blockquote>
<p>La complexité trouve en partie sa source au cœur de la <a href="https://www.oxfordhandbooks.com/view/10.1093/oxfordhb/9780198755609.001.0001/oxfordhb-9780198755609-e-43">caractéristique multidimensionnelle</a> du concept, qui recouvre à la fois des notions de vulnérabilité, de résistance, de réorientation et, enfin, de récupération.</p>
<p>L’analyse de la résilience économique régionale peut porter sur différents niveaux :</p>
<ul>
<li><p>les capacités du système économique lui-même ;</p></li>
<li><p>les capacité des entreprises ;</p></li>
<li><p>ou les capacités des individus (entrepreneurs ou employés, par exemple) à se transformer.</p></li>
</ul>
<p>Soulignons que l’on retrouve des critères assez similaires lorsque l’on analyse ou rend opérationnelle la notion de résilience dans le cadre d’une approche du système économique lui-même (niveau 1) ou des entreprises (niveau 2).</p>
<p>On parlera ainsi de leur « capacité d’absorption » des chocs, « de renouvellement » et « d’appropriation » permettant aux entreprises ou régions de <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2010-1-page-127.htm">devenir plus fortes</a> de leurs expériences.</p>
<p>Il peut être intéressant de regrouper les régions en différentes catégories sur la base de leur capacité de résistance aux chocs, ce qui permet par exemple d’aboutir à une <a href="https://rsa.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/17421772.2016.1129435">classification ou taxonomie</a> et ainsi identifier les spécificités des régions les plus résilientes.</p>
<p>Les apports de la psychologie et du management enrichissent l’application de la notion de résilience aux individus. Ainsi, la résilience d’un entrepreneur inclut une forme d’<a href="https://www.cairn.info/revue-management-2016-2-page-89.htm">habileté émotionnelle et cognitive</a> qui peut lui être utile pour faire face à des difficultés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1260797811668463617"}"></div></p>
<p>Le plan Sophia intègre notamment deux axes centraux de résilience identifiés dans la littérature. Tout d’abord, les petites et moyennes entreprises (PME) jouent un <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/JSBED-04-2013-0057/full/html">rôle crucial</a> dans la phase de reprise d’une crise comme celle du Covid-19. Il devient donc fondamental de les soutenir dans l’identification de sources alternatives de revenus et de nouveaux modèles économiques.</p>
<p>Par ailleurs, les régions ayant un <a href="https://theconversation.com/what-makes-one-economy-more-resilient-than-another-54374">écosystème économique diversifié</a>, avec des travailleurs plus expérimentés et davantage d’activités indépendantes semblent être plus résilientes aux chocs potentiels. En effet, en économie comme dans de nombreuses autres disciplines, la résilience passe le plus souvent par la diversité.</p>
<hr>
<p><em>Je remercie Cédric Chevalier, Ana Alicia Dipierri, Nathalie Gobbe, Laure Malchair, Roland Moreau et Ariane Reyns pour leurs commentaires et suggestions.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139788/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marek Hudon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le projet de plan de relance de l’économie belge s’appuie sur les entrepreneurs et les PME que la littérature désigne comme des acteurs majeurs de la résilience d’un territoire.Marek Hudon, Professeur, Co-directeur du CERMi / CEESE, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1388422020-05-29T17:13:54Z2020-05-29T17:13:54ZPenser l’après : Les limites physiques de la planète<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/338316/original/file-20200528-51445-7my5wn.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C150%2C1488%2C840&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La physique fixe des bornes à notre vie sur Terre.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/argonne/32229215831/in/photostream/">Sean M. Couch, MSU</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Les chercheuses et les chercheurs qui contribuent chaque jour à alimenter notre média en partageant leurs connaissances et leurs analyses éclairées jouent un rôle de premier plan pendant cette période si particulière. En leur compagnie, commençons à penser la vie post-crise, à nous outiller pour interroger les causes et les effets de la pandémie, et préparons-nous à inventer, ensemble, le monde d’après.</em></p>
<hr>
<p>Le confinement mis en place pour lutter contre la pandémie de Covid-19 a radicalement modifié nos vies en stoppant de nombreuses activités. Une des conséquences de cette crise sanitaire est la <a href="https://theconversation.com/covid-et-baisse-des-emissions-de-co-une-nouvelle-etude-fait-le-point-secteur-par-secteur-138971">diminution de nos émissions</a> de CO<sub>2</sub> la <a href="https://www.lemonde.fr/blog/huet/2020/05/11/covid-19-combien-de-co2-evite/">plus importante</a> depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale : <a href="https://arxiv.org/abs/2004.13614">7 % sur les quatre premiers mois de 2020</a>. Respecter l’objectif de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Accord_de_Paris_sur_le_climat">Accord de Paris</a> pour limiter le réchauffement à 1,5 °C nécessite une baisse des émissions équivalente à celle imposée par le Covid-19, mais <em>en continu</em> <a href="https://www.unenvironment.org/resources/emissions-gap-report-2019">durant les prochaines décennies</a>.</p>
<p>La pandémie a aussi révélé la fragilité de notre société. Quelles seraient les conséquences humaines d’une telle pandémie combinée avec un phénomène naturel extrême – <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/05/21/le-cyclone-amphan-devaste-l-inde-et-le-bangladesh_6040335_3244.html">ouragan</a>, <a href="https://www.franceculture.fr/environnement/2019-annee-sous-les-feux">incendie géant</a>, canicule – dont la probabilité et l’amplitude <a href="http://documents.irevues.inist.fr/handle/2042/56362">augmentent</a> à cause du réchauffement climatique ?</p>
<p>Il est grand temps de prendre des mesures face aux risques futurs – qui se cumuleront – et d’augmenter l’intensité des efforts consentis pour être en état d’y faire face. Deux oublis sont à l’origine de nos imprudences : l’oubli de principes de base de la physique et l’oubli des limites physiques de notre planète.</p>
<h2>La physique ne se laisse pas oublier</h2>
<p>L’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89nergie_(physique)">énergie</a> est une notion fondamentale de la physique, qui quantifie la capacité à transformer la matière. Déplacer un objet, le construire ou le détruire, le chauffer, et toute autre transformation, nécessitent de l’énergie, et d’autant plus d’énergie que la transformation est importante.</p>
<p>Depuis sa maîtrise du feu, l’humanité a domestiqué de nombreuses <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ressources_et_consommation_%C3%A9nerg%C3%A9tiques_mondiales">formes d’énergie</a>, classées en deux groupes : <a href="https://www.pourlascience.fr/sd/energie/energie-de-stock-ou-energie-de-flux-1973.php">énergies <em>de flux</em> et énergies <em>de stock</em></a>. Voici une analogie. En cas de soif, vous pouvez vous abreuver à une source – il est impossible de choisir son débit, mais elle coule en permanence. Avec une bouteille d’eau, l’eau peut être bue d’un coup ou progressivement, mais la quantité totale consommée est fixée par le stock initial – la taille de la bouteille.</p>
<p>Les énergies de flux sont le vent, le solaire, l’hydraulique au fil de l’eau, les courants marins et la géothermie. Elles ont une puissance limitée et nous devons l’accepter. Impossible de faire souffler le vent plus fort, ou de tirer du Soleil plus de lumière que la Terre n’en reçoit.</p>
<p>Les énergies de stocks sont les énergies fossiles – pétrole, gaz, charbon – et l’énergie nucléaire. Avec celles-ci, la contrainte est la quantité totale qui est disponible moyennant un effort considéré comme acceptable. En pratique, le débit d’énergie (la puissance) résultant de l’exploitation d’une énergie de stock est si grand que le rythme des transformations s’accroît considérablement tant que le stock n’atteint pas une valeur critique. À cause de la difficulté à estimer « ce qu’il reste dans le puits » (l’état du stock), il est fréquent d’être leurré par le mirage d’une source illimitée, alors qu’en réalité un stock utilisé finit par s’épuiser.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/338320/original/file-20200528-51509-ffvoww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/338320/original/file-20200528-51509-ffvoww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/338320/original/file-20200528-51509-ffvoww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/338320/original/file-20200528-51509-ffvoww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/338320/original/file-20200528-51509-ffvoww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/338320/original/file-20200528-51509-ffvoww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/338320/original/file-20200528-51509-ffvoww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Différents types d’énergie, différentes contraintes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-illustration/black-background-form-3d-illustration-rendering-797190190">Angelatriks/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les matériaux extraits de la croûte terrestre utiles à nos sociétés, comme les métaux, forment aussi un stock. Or des <a href="https://www.pnas.org/content/112/20/6295">métaux importants</a> sont dispersés dans la roche avec des teneurs parfois aussi faibles que quelques grammes par tonne. <a href="https://ecoinfo.cnrs.fr/2014/09/03/2-lenergie-des-metaux/">Concentrer la matière</a> est une étape clé qui utilise d’énormes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959652609003199">quantités d’énergie, souvent à haute puissance</a>. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959378017313031">90 milliards de tonnes de matériaux</a> sont extraits chaque année et l’état des stocks devient <a href="https://www.zeit.de/wissen/2015-06/ressourcen-rohstoffe.pdf">critique</a>. De plus, cette matière concentrée artificiellement n’est pas toujours bien recyclée : sur une soixantaine de métaux <a href="http://wedocs.unep.org/handle/20.500.11822/8702">34 ont un taux de recyclage inférieur à 1 %</a>, dont beaucoup sont demandés par les nouvelles technologies.</p>
<h2>Les trois limites de la planète : matière, énergie, environnement</h2>
<p>Matière, énergie et environnement forment un triptyque interconnecté et indissociable. Par exemple, transformer la matière grâce à l’énergie modifie l’environnement : directement par l’extraction et la production, indirectement par les déchets qui en résultent inéluctablement. Agir sur une seule des crises qui touchent ce triptyque aboutit souvent à aggraver les deux autres.</p>
<p>Il est désormais acquis que le <a href="https://ipbes.net/news/Media-Release-Global-Assessment-Fr">déclin rapide de la biodiversité</a> et le changement climatique menacent <a href="https://advances.sciencemag.org/content/6/19/eaaw1838">l’habitabilité de notre planète</a> et la survie à long terme de l’espèce humaine, requérant des <a href="https://theconversation.com/rapport-de-lipbes-sur-la-biodiversite-lheure-nest-plus-aux-demi-mesures-116473">actions urgentes</a>. <a href="http://vaclavsmil.com/2012/12/21/harvesting-the-biosphere-what-we-have-taken-from-nature/">L’empreinte de l’humanité sur la biosphère</a> prend de <a href="https://science.sciencemag.org/content/347/6223/1259855.abstract">multiples formes</a> et a considérablement augmenté depuis qu’aux énergies de flux utilisées traditionnellement se sont ajoutées les énergies de stock.</p>
<p>Nous entrons dans une période où nous disposerons sans doute de moins en moins d’énergie à cause de la <a href="https://www.lemonde.fr/blog/petrole/2019/02/04/pic-petrolier-probable-dici-a-2025-selon-lagence-internationale-de-lenergie/">raréfaction des stocks d’énergies fossiles</a>. Surtout, il est indispensable que nous en réduisions sensiblement notre consommation pour limiter le réchauffement climatique qui posera <a href="https://www.refletsdelaphysique.fr/articles/refdp/abs/2015/01/refdp201543p46/refdp201543p46.html">certainement des problèmes avant l’épuisement des stocks</a>. Développer le nucléaire pour compenser cette réduction <a href="https://www.refletsdelaphysique.fr/dossiers/255-l-electricite-nucleaire-questions-ouvertes-et-points-de-vue">n’est pas la solution idéale</a>, en particulier à cause des déchets.</p>
<p>Disposer de moins d’énergie, volontairement ou non, c’est effectuer des déplacements moins nombreux et moins rapides, produire moins d’objets manufacturés, réduire l’usage du numérique, altérer les services publics, bref avoir moins de capacités à affronter les catastrophes naturelles ou les effets de la société de consommation. Si l’on pense à la pandémie actuelle, cela veut dire moins de masques, et plus de difficulté à les laver.</p>
<p>On pourrait certes espérer que la solution passe par l’amélioration de l’efficacité de nos machines, les perfectionnant pour qu’elles rendent le même service en consommant moins d’énergie et de matière. Mais tant qu’on reste attaché aux énergies fossiles et aux hautes puissances, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_rebond_(%C3%A9conomie)">l’effet rebond</a> menace : un gain d’efficacité visant à réduire la consommation d’une machine en énergie ou en matière est souvent annulé par une augmentation de son usage et donc de sa consommation globale.</p>
<p>Certains rêvent d’aller chercher des <a href="https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/exploration-spacex-elon-musk-promet-million-personnes-mars-2050-79254/">régions habitables</a> ou des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Exploitation_mini%C3%A8re_des_ast%C3%A9ro%C3%AFdes">minerais</a> hors de notre planète. Une telle tentative détournerait à son profit des ressources d’énergie et de matière considérables, sans avoir démontré au préalable qu’elle rapporterait effectivement plus d’énergie qu’elle n’en consomme. On peut aussi craindre une exportation des problèmes environnementaux.</p>
<h2>De quels leviers disposons-nous ?</h2>
<p>Pour l’instant, notre société ne lance des projets et ne prend des décisions que sous l’angle du profit monétaire. Pourquoi ne pas faire preuve désormais de prévoyance, en calculant les coûts d’abord selon le triptyque matière-énergie-environnement et de ses limites ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/338321/original/file-20200528-51483-81nc2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/338321/original/file-20200528-51483-81nc2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/338321/original/file-20200528-51483-81nc2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/338321/original/file-20200528-51483-81nc2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/338321/original/file-20200528-51483-81nc2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/338321/original/file-20200528-51483-81nc2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/338321/original/file-20200528-51483-81nc2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Quels leviers pour faire avec moins ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-vector/vector-ink-swirling-water-isolated-cloud-204927085">Duvanova/Shutterstock</a></span>
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<p>Concernant la matière : le cycle entier de la production – extraction, fabrication, distribution, usage, fin de vie, retour à la fabrication ou à l’usage – doit être pensé pour diminuer la dégradation spontanée. En l’occurrence une triple dégradation : l’énergie se transforme en des formes de moins en moins utilisables, et se dilue <em>in fine</em> en chaleur ; les matières se mélangent et se diluent ; l’environnement est de moins en moins adapté à la vie. Le recyclage, tel qu’il est pratiqué, est <a href="https://theconversation.com/pourquoi-ne-recycle-t-on-que-22-des-plastiques-49626">limité</a> et n’est <a href="https://www.linkedin.com/pulse/la-d%C3%A9sillusion-dune-start-up-de-l%C3%A9conomie-circulaire-charles-dauzet/">pas la solution</a>. La robustesse, la modularité et la facilité de réparation permettraient de passer de l’obsolescence à la durabilité, et de l’irresponsabilité à la responsabilité vis-à-vis des objets que nous utilisons.</p>
<p>Constatant que les énergies de stocks ne sont pas durables, il serait judicieux de se tourner vers la seule source qui l’est : le Soleil, qui devrait encore briller pendant <a href="https://www.futura-sciences.com/sciences/questions-reponses/astronomie-soleil-notre-etoile-va-t-elle-mourir-9545/">5 milliards d’années</a>. Le flux solaire reçu par la Terre est directement ou indirectement à l’origine de nos énergies solaires, hydroélectrique, éolienne et alimentaire. Il a une puissance considérable : <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Irradiation_solaire">174 000 térawatts, à peu près dix mille fois</a> supérieure à la consommation de l’humanité entière. En effet, à titre de comparaison, notons que les ressources fossiles que nous avons brûlées en à peine deux siècles proviennent de l’accumulation de l’énergie solaire captée par la photosynthèse durant cent mille fois plus longtemps.</p>
<p>La puissance reçue du Soleil est distribuée sur toute la surface de la planète. La capter entièrement et la concentrer pour alimenter la société de consommation, par exemple sous forme de panneaux photovoltaïques ou de biocarburants, se heurte à des obstacles en <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Biocarburant#Possibilit%C3%A9_de_remplacement_des_%C3%A9nergies_fossiles">pratique</a>, tant en termes d’utilisation de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89nergie_solaire_photovolta%C3%AFque#Risques_environnementaux">matière première</a> que d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Biocarburant#Utilisation_de_terre_arable">utilisation des sols</a> et d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Biocarburant#Bilan_environnemental">environnement</a>.</p>
<p>Il serait donc judicieux de se restreindre à utiliser des technologies de basse puissance. C’est-à-dire limitées par ce qui arrive sur une surface donnée locale au cours de l’année : le flux solaire, le vent, la pluie et les fleuves, la géothermie, le bois et la végétation qui poussent. Du fait qu’on intègre ces limites, il ne peut y avoir d’effet rebond.</p>
<p>De telles technologies seraient-elles réalisables en pratique ? L’exemple de la vie depuis plusieurs milliards d’années montre qu’il est non seulement faisable, mais aussi durable, de n’utiliser que le flux d’énergie venant du Soleil, et surtout la matière disponible inlassablement recyclée à partir de sources diluées.</p>
<p>Qu’est-ce à dire ? Il y a des éléments dont nos cellules ne peuvent se passer, mais qu’elles emploient en toute petite quantité, le fer par exemple. Qu’ils proviennent de l’eau de mer ou d’une roche, ils y étaient très dilués. Jamais, dans toute la chaîne écologique, il n’y a l’équivalent d’un haut-fourneau qui les utilise sous forme pure avec un coût énergétique élevé. Ils restent plus ou moins dilués dans les cellules, à l’état de trace, et passant ainsi d’un organisme à l’autre. La biochimie fine des cellules limite la dégradation de l’énergie et la déperdition de matière.</p>
<p>Cependant, les leviers d’actions sont loin de se limiter à des choix technologiques. La <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Scientisme">foi inconsidérée en la science</a> ou la technique a montré ses limites. Est-il raisonnable d’espérer que la technologie, à elle seule, résoudra les problèmes qu’elle pose ? Qui oserait encore proclamer aujourd’hui que <a href="https://www.albin-michel.fr/ouvrages/homo-deus-9782226393876">« nous sommes parvenus à dominer la famine, les épidémies et la guerre »</a> ? Un premier levier d’action consisterait à forger les outils mentaux qui nous permettront de réagir à une situation encore jamais vue.</p>
<p>De la pandémie, nous pouvons tirer une leçon d’<a href="https://theconversation.com/face-au-mur-de-la-croissance-exponentielle-135331">anticipation</a>, <a href="https://editions-metailie.com/livre/histoire-dun-escargot-qui-decouvrit-limportance-de-la-lenteur/">sans confondre urgence et précipitation</a>. La prudence, vertu recommandable, consiste à imaginer les conséquences de nos actes, et aussi à admettre que certaines nous échappent. La pandémie rappelle crûment qu’il y a deux durées distinctes : celle de la prise de décision – brève – et celle au bout de laquelle les conséquences des décisions deviennent perceptibles – potentiellement longue. Les physiciens savent bien qu’une telle situation est difficilement pilotable et potentiellement <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9troaction#Boucle,_cha%C3%AEne_et_oscillation">instable</a>.</p>
<p>La pandémie a aussi changé notre perception de la mobilité incessante, réputée indispensable auparavant et désormais source de diffusion du danger. Le confinement nous a donné un exemple collectif d’autolimitation, d’une ampleur inédite dans l’histoire récente de l’humanité. La <a href="https://theconversation.com/pourquoi-leconomie-circulaire-ne-doit-pas-remplacer-la-sobriete-119021">sobriété</a>, vertu tout aussi recommandable que la prudence, dépend de nos capacités à nous limiter nous-mêmes.</p>
<p>À l’échelle de l’individu, viser plus de sobriété nécessite de rétablir le lien entre nos actions et la perception de leurs conséquences. Par exemple, dans les pays industrialisés, nous consommons l’eau du robinet sans prêter aucune attention à la somme colossale d’efforts individuels, collectifs, industriels, technologiques et scientifiques que requiert son arrivée apparemment miraculeuse. Expliquer, enseigner, persuader peut amener à changer nos comportements. Ici aussi, le confinement a contribué au <a href="https://theconversation.com/trier-reemployer-reparer-entretenir-confines-quatre-conseils-pour-une-consommation-plus-sobre-136915">changement d’attitude</a>.</p>
<p>À l’échelle collective, il existe des tentatives de répartir les contraintes concernant la pollution, comme le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Budget_carbone">budget carbone</a>. La subvention ou la taxe, le quota ou le rationnement, la norme ou la loi, bref tous les mécanismes collectifs de limitation peuvent être des leviers d’action s’ils sont justifiés et compris. L’enjeu, dans toute sa complexité, est bien sûr que ces contraintes soient équitables pour être acceptées : là encore, la pandémie a été un <a href="https://theconversation.com/dans-les-cites-le-sentiment-dinjustice-sintensifie-avec-le-confinement-137135">révélateur</a>.</p>
<h2>Leçons collectives à tirer</h2>
<p>Les termes de « croissance verte » ou de « développement durable » sont des <a href="https://reporterre.net/Les-mensonges-de-la-croissance">oxymores</a> : sans croissance de la consommation d’énergie <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01151590">pas de croissance</a> du flux formel d’échanges monétaires, aussi appelé PIB. Parce qu’il semble <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13563467.2019.1598964">impossible</a>, ou extrêmement difficile, de consommer moins d’énergie tout en maintenant la croissance économique telle qu’elle est définie actuellement, il est irresponsable de miser sur la perpétuation de cette dernière.</p>
<p>La <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9croissance">décroissance</a> n’est pas l’opposé de la croissance économique : elle se place sur un plan plus large, positif, aussi qualitatif que quantitatif. Considérant que la société de consommation apporte plus de nuisances que de bienfaits, elle invite à repenser l’économie, la culture et la politique afin de limiter tant la consommation d’énergie que l’empreinte écologique tout en réduisant les inégalités. Ce n’est donc pas une simple diminution quantitative : c’est un changement de structure. Si la société de consommation était comparée à une voiture, la croissance économique et énergétique serait son carburant. Passer à la décroissance ne consisterait pas à priver la voiture de carburant, mais plutôt à la remplacer par un vélo.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/338323/original/file-20200528-51477-sl7z16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/338323/original/file-20200528-51477-sl7z16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/338323/original/file-20200528-51477-sl7z16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/338323/original/file-20200528-51477-sl7z16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/338323/original/file-20200528-51477-sl7z16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/338323/original/file-20200528-51477-sl7z16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/338323/original/file-20200528-51477-sl7z16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La pandémie a montré que nous pouvons nous autolimiter, individuellement et collectivement, en nous réorganisant.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-illustration/smooth-curles-colorful-strings-on-white-1303569259">Evgeniy Zebolov/Shutterstock</a></span>
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<p>Longtemps confinée aux <a href="http://www.decroissance.org/">cercles militants</a>, la notion de décroissance est depuis un an reprise par les milieux <a href="https://www.pnas.org/content/113/22/6105">académiques</a> puis <a href="https://www.usinenouvelle.com/blogs/julien-fosse/la-croissance-verte-ideal-ou-illusion.N853460">économiques</a>. Elle suscite des remises en cause inattendues, <a href="https://www.linkedin.com/pulse/la-d%C3%A9sillusion-dune-start-up-de-l%C3%A9conomie-circulaire-charles-dauzet/">d’un startupper</a> comme de l’<a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/mon-probleme-avec-la-croissance-1158702">éditorialiste des Échos</a>. La réflexion gagne une frange de <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2019/11/03/ces-jeunes-ingenieurs-qui-choisissent-la-decroissance_6017843_4401467.html">jeunes ingénieurs</a>. Quand un sondage indique que <a href="http://www.odoxa.fr/sondage/barometre-economique-doctobre-francais-plus-ecolos-jamais/">54 % des Français préfèrent la décroissance à une croissance « verte »</a>, le journal <em>La Décroissance</em> titre ironiquement : <a href="http://www.ladecroissance.net/?chemin=journal&numero=165">« On a gagné ? ! »</a>.</p>
<p>La pandémie fait basculer le statut du débat croissance/décroissance, devenu un sujet <a href="https://lbbe.univ-lyon1.fr/Francois-Graner-Matiere-et-Systemes-Complexes-CNRS-Univ-de-Paris-Diderot.html">scientifique</a>. Il peut désormais être abordé dans les <a href="https://www.franceinter.fr/societe/agricultrice-entrepreneur-autrice-on-a-demande-aux-moins-de-35-ans-ce-qu-ils-veulent-pour-le-monde-d-apres">médias grand public</a>. Des <a href="https://labos1point5.org/nos-objectifs/">scientifiques</a> s’engagent – au nom des limites physiques de la planète – et œuvrent pour réorienter les politiques publiques de façon à s’affranchir du <a href="https://theshiftproject.org/article/crise-climat-plan-transformation-economie-chantier-urgence-crowdfunding/">pari incertain et périlleux de la croissance</a>.</p>
<h2>À quoi sommes-nous prêts pour survivre ?</h2>
<p>La pandémie frappe de manière très <a href="https://theconversation.com/logement-comment-la-crise-sanitaire-amplifie-les-inegalites-135762">inégalitaire</a>, et une crise économique frappe beaucoup plus violemment à mesure que l’on est moins riche. De la même façon, la crise écologique et énergétique qui s’annonce risque de frapper plus fortement les pays et les personnes les plus pauvres. Pour nous autolimiter dans un cadre de collaboration plutôt qu’en compétition, une réforme profonde de notre système politico-économique est nécessaire.</p>
<p>L’un des rares <a href="https://www.thomassankara.net/sankarisme-et-environnement-communication-de-meng-nere-fidele-kientega/">chefs d’État ayant commencé à implémenter une politique écologique</a> a été assassiné après quelques années. On peut imaginer qu’un changement profond vers une <a href="https://editions-libertaires.org/?p=885">écologie politique assumée</a> aurait à surmonter de fortes résistances. Pourtant, la pandémie met aussi en lumière que, même dans des sociétés basées sur la concurrence, les <a href="https://theconversation.com/dossier-la-solidarite-en-temps-de-crise-138670">solidarités</a> prennent parfois le dessus.</p>
<p>Elle apporte aussi la preuve que les États peuvent prendre, au nom de la survie, la décision d’arrêter la machine économique et industrielle. Bien sûr, la brutalité de cet arrêt a eu des conséquences très graves : en premier lieu, la faim, de l’<a href="https://www.la-croix.com/Monde/Asie-et-Oceanie/En-Inde-peur-faim-prevaut-celle-coronavirus-2020-04-05-1201087921">Inde</a> à la <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-la-pandemie-aggrave-la-crise-alimentaire_3934589.html">Colombie</a> en passant par les États-Unis où l’on peut voir des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=iWT9aOE0OGo">Mercedes dans une queue</a> pour recevoir de l’aide alimentaire gratuite. Dans le futur, mieux vaudrait étaler ces changements dans le temps, les anticiper et les piloter, plutôt que les subir.</p>
<p>Face à cette pandémie qui ne contient qu’un seul risque, certes très grave, une large frange de l’humanité a donné un coup de frein d’une ampleur encore jamais vue. Face à la crise globale énergétique, matérielle et environnementale, face aux risques bien plus nombreux, tout aussi certains, et au moins aussi <a href="https://advances.sciencemag.org/content/6/19/eaaw1838">mortels</a>, mais à une échéance plus étalée, consentirons-nous les efforts indispensables ?</p>
<hr>
<p><em>Cet article a bénéficié de discussions avec Emmanuelle Rio, Jean‑Manuel Traimond et Aurélien Ficot. Nous remercions aussi les nombreux relecteurs</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138842/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La pandémie confirme les limites de la croissance, incite à repenser nos relations aux technologies en tenant compte du triptyque énergie-matière-environnement, et ouvre le débat de la décroissance.Roland Lehoucq, Chercheur en astrophysique, Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)François Graner, Directeur de recherche CNRS, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1309632020-02-03T20:33:02Z2020-02-03T20:33:02ZDavos : un premier pas vers la guérison du capitalisme ?<p>« Le capitalisme tel que nous le connaissons est mort ». En prononçant ces mots lors de la 50<sup>e</sup> édition du <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/01/24/a-davos-le-gotha-des-entreprises-promet-un-nouveau-capitalisme_6027079_3234.html">Forum économique mondial de Davos</a>, en Suisse, Marc Benioff, PDG de Salesforce.com, s'inscrit dans une désormais longue liste de personnalités faisant le constat des limites du système capitaliste, et de sa nécessaire évolution.</p>
<p>Dès 2011, Michael Porter et Mark Kramer – deux célèbres professeurs de Harvard que nul ne saurait suspecter de défiance idéologique vis-à-vis de l'économie de marché – évoquaient déjà un <a href="https://hbr.org/2011/01/the-big-idea-creating-shared-value">«capitalisme en état de siège»</a>, entraîné par des entreprises dont les pratiques sont suspectées de «prospérer au prix d'un accroissement des problèmes sociaux, environnementaux et économiques».</p>
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<figcaption><span class="caption">« Le capitalisme tel que nous le connaissons est mort », a déclaré Marc Benioff, PDG de Salesforce.com, le 21 janvier dernier lors du Forum économique mondial (World Economic Forum).</span></figcaption>
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<p>Il n'y a donc rien de particulièrement novateur, prophétique ou révolutionnaire, à prédire (ou à souhaiter) l'extinction d'une forme de capitalisme fondé sur une surexploitation de ressources naturelles finies, générateur d'externalités négatives sur le plan environnemental, social et sur celui de la santé.</p>
<h2>Défaillance des marchés, impuissance des États</h2>
<p>À Davos, les grandes entreprises sont venues au chevet de ce grand malade. Face à elles, un défi homérique : celui d'inventer et de proposer dans la mesure du possible, un <a href="https://www.cairn.info/revue-mouvements-2010-3-page-99.htm">«capitalisme vert»</a> (et responsable), et à travers lui, tracer les sentiers d'une croissance soutenable.</p>
<p>Mais comment relever ce défi alors que, d'une part les mécanismes de marché semblent défaillants et d'autre part, que même la France – pays qui accueillait en 2015 la COP21 qui a enfanté des « accords de Paris sur le climat » et dont le président actuel s'était fait le premier des promoteurs (<a href="https://www.lemonde.fr/planete/video/2017/06/02/emmanuel-macron-make-our-planet-great-again_5137604_3244.html">«make our planet great again»</a>) – vient de <a href="https://reporterre.net/La-France-baisse-ses-ambitions-de-reduction-des-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre">réviser à la baisse</a> son plan de réduction des émissions de gaz à effet de serre à horizon 2023 ?</p>
<p>Si les grandes entreprises semblent à ce point désarmées face au problème de la transition, c'est qu'elles prennent peu à peu conscience de la défaillance structurelle des mécanismes de marché.</p>
<p>Tout d'abord, les progrès techniques, certes réels, reposent sur un processus long et incertain qui s'accorde mal avec l'urgence de la situation (nous y reviendrons).</p>
<p>Ensuite, les investisseurs continuent de privilégier la rentabilité de court terme, même lorsque cette rentabilité est à chercher auprès d'entreprises dont le bilan énergétique est pour le moins perfectible. Les <a href="https://fr.statista.com/infographie/20321/evolution-capitalisation-boursiere-des-gafam/">capitalisations records des géants du numérique</a> en sont un marqueur indéniable.</p>
<p><a href="https://fr.statista.com/infographie/20321/evolution-capitalisation-boursiere-des-gafam/" title="Infographie: Une décennie de montée en puissance pour les GAFAM | Statista"><img src="https://cdn.statcdn.com/Infographic/images/normal/20321.jpeg" alt="Infographie: Une décennie de montée en puissance pour les GAFAM | Statista" width="100%" height="auto"></a> Vous trouverez plus d'infographie sur <a href="https://fr.statista.com/graphique-du-jour/">Statista</a></p>
<p>Dans le même ordre d'idée, lors de son audition auprès de la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, Isabelle Kocher, directrice générale d'Engie, soulignait que le repositionnement du groupe industriel énergétique français, en tant qu'acteur de la transition énergétique, se faisait sous la pression des marchés pour qui une durée de trois ans était probablement le <a href="https://www.facebook.com/watch/?v=423678498321795">maximum acceptable</a>.</p>
<p>Enfin, la transition exige un <a href="https://www.frenchsif.org/isr-esg/wp-content/uploads/Article-173-Cahier-FIR-23sept-interactif.pdf">déclassement massif d'actifs productifs installés</a> dans les industries les plus émettrices (énergie, transport, bâtiment, etc.). Or, on imagine sans mal les effets qu'aurait un tel déclassement sur les marchés financiers et, à ce jeu, les gestionnaires d'actifs, mais aussi les fonds de retraite et d'assurance, se retrouveraient en première ligne.</p>
<p>Or, quand les mécanismes de marché sont défaillants, il est du ressort des États d'aiguiller les investissements, à travers les dépenses publiques, mais aussi les taxes comportementales (<a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/peages-urbains-quand-la-theorie-economique-se-heurte-au-principe-de-realite-796293.html">pigouviennes</a>), les mécanismes incitatifs, les normes, et la législation.</p>
<p>Problème : que reste-t-il des capacités réelles d'action des États quand ceux-ci sont <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/les-dettes-des-etats-explosent-cest-vraiment-grave-docteur-1348344">surendettés</a> et lorsque les taxes et autres mesures environnementales sont de <a href="https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/gilets-jaunes-le-rapport-a-l-impot-fracture-la-societe-francaise_2050462.html">moins en moins bien acceptées par les populations</a>, notamment les plus fragiles ? Car là réside le drame de la situation : l'effort qu'exige la transition semble inversement proportionnel au niveau de revenus. Et ce, que l'on se situe sur une base nationale ou internationale. Face à l'impuissance palpable des États, la tentation est alors forte de se tourner vers les instances internationales.</p>
<h2>Les ODD, un exemple d'insuffisance</h2>
<p>Au-delà du débat concernant leur <a href="https://www.un.org/press/fr/2019/ag12140.doc.htm">affaiblissement actuel</a> (présumé ou réel, conjoncturel ou durable), les institutions internationales paraissent être le niveau de décision le plus naturel compte tenu des enjeux que porte la transition. Le dérèglement climatique, les externalités négatives liées aux activités humaines, et leurs conséquences socio-économiques effectives et potentielles, ne connaissent pas de frontières.</p>
<p>C'est ce constat qui a poussé l'ONU à établir, en septembre 2015 (après deux années de négociations), 17 Objectifs de développement durable (ODD), donnant aux 193 pays signataires une «marche à suivre pour parvenir à un avenir meilleur et plus durable pour tous». Les différentes feuilles de route sont échelonnées à horizon 2030, notamment pour permettre au tissu productif une transition aussi graduelle que possible.</p>
<p>Or, une <a href="https://www.novethic.fr/fileadmin/user_upload/tx_ausynovethicetudes/pdf_complets/Novethic-ODD-un_rendez-vous_manqu%C3%A9_entre_entreprises_et_investisseurs-2019.pdf">récente étude</a> de Novethic et du cabinet B&L nous montre que, si les ODD ont manifestement fait leur chemin au sein des entreprises françaises (68 % du SBF 120 le mentionne dans ses documents), 71 % d'entre elles avouent essentiellement les mobiliser pour des raisons de mises en conformité vis-à-vis des attentes des agences de notation et des investisseurs. Ces mêmes investisseurs qui estiment malgré tout que ces données sont <a href="https://www.novethic.fr/finance-durable/publications/etude/odd-un-rendez-vous-manque-entre-entreprises-et-investisseurs.html">insuffisantes pour prendre des décisions</a>…</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/313247/original/file-20200203-41495-9r675e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/313247/original/file-20200203-41495-9r675e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/313247/original/file-20200203-41495-9r675e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=187&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/313247/original/file-20200203-41495-9r675e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=187&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/313247/original/file-20200203-41495-9r675e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=187&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/313247/original/file-20200203-41495-9r675e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=235&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/313247/original/file-20200203-41495-9r675e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=235&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/313247/original/file-20200203-41495-9r675e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=235&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les raisons motivant l'utilisation des ODD.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.novethic.fr/fileadmin/user_upload/tx_ausynovethicetudes/pdf_complets/Novethic-ODD-un_rendez-vous_manqu%C3%A9_entre_entreprises_et_investisseurs-2019.pdf">B&L évolution</a></span>
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<p>Traduction : la politique RSE (responsabilité sociétale des entreprises) de nombre d'entreprises – qui en reste souvent davantage à l'étape des mots qu'à celle des lourds chantiers de transformation – est une condition de plus en plus nécessaire pour dialoguer avec les investisseurs. Mais, c'est bien la question de la profitabilité qui reste largement prépondérante pour comprendre les décisions d'investissement. En cela, les ODD semblent insuffisantes pour infléchir réellement les stratégies, et <em>in fine</em> l'impact écologique et social, des entreprises.</p>
<h2>Innovation, pragmatisme et résilience</h2>
<p>Reste, enfin, la question de l'innovation. Parmi les éléments de réflexion à retenir de l'ouvrage <a href="https://www.ouishare.net/article/lere-de-la-bureaucratie-predatrice-entretien-avec-david-graeber?locale=en_us"><em>Bureaucratie</em></a> de l'anthropologue américain David Graeber, figure la question du temps que met le progrès technique à émerger et à se diffuser, ne serait-ce que parce qu'il bouscule les intérêts établis. Dès lors, le progrès technique souffre d'une lenteur relative face à l'urgence climatique et au risque d'une <a href="https://theconversation.com/la-sixieme-extinction-aura-t-elle-lieu-116864">6ᵉ extinction de masse</a>.</p>
<p>L'urgence climatique s'impose à tous – individus, entreprises et États – sans distinction. Ce qui implique que chacun doit prendre sa part. On attend des plus grandes entreprises – celles dont les activités émettent le plus de GES comme celles qui en dépendent de façon indirecte – un engagement qui aille au-delà de leur communication <em>corporate</em> ou de leurs inquiétudes médiatiques. Car si le mur climatique – et ses conséquences funestes – venait à nous heurter <a href="https://theconversation.com/en-2019-lobsession-budgetaire-prevaut-toujours-sur-les-enjeux-climatiques-123022">faute de n'avoir su arbitrer avec sagesse entre les intérêts immédiats et la préservation du temps long</a>, l'heure sera à la survie et à la reconstruction, non aux procès en hypocrisie ou en incompétence !</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1146695141651910658"}"></div></p>
<p>Face à cette sinistre situation, il n'y a point de fatalisme. Au-delà des propos de Marc Benioff dont nous nous faisions l'écho en introduction, l'observation des débats à Davos nous a permis de mesurer tout le chemin parcouru (sans occulter celui qui reste à parcourir) depuis une décennie pour faire infuser la nécessité d'intégrer l'environnement dans le discours des grandes entreprises mondialisées, à défaut – pour l'heure – de toujours les retrouver dans leurs pratiques.</p>
<p>Et si les remèdes aux maux structurels dont souffre l'économie mondiale sont complexes et nécessitent des consensus à la fois longs et douloureux, le patient semble enfin sorti du déni. Ne dit-on pas qu'il s'agit là du premier pas vers la guérison ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130963/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot est coordinateur du think tank trans-partisan "Le Jour d'Après" qui entend participer aux débats sur les réformes structurelles nécessaires à la modernisation et l'efficacité de notre modèle social, économique et institutionnel, en dépassant les clivages partisans.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Philippe Naccache ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Lors du dernier Forum économique mondial, les grandes entreprises semblent avoir pris conscience que les marchés, aujourd'hui défaillants, ne permettraient pas d'atteindre une croissance soutenable.Philippe Naccache, Professeur Associé, INSEEC Grande ÉcoleJulien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie et Stratégie (Inseec U.) / Pr. et Chercheur associé (U. Paris Saclay), INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1197732019-07-08T18:30:58Z2019-07-08T18:30:58ZEntre croissance verte et décroissance, enseigner l’économie circulaire en école de commerce<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/282484/original/file-20190703-126376-y4kx3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=75%2C37%2C4931%2C3381&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’économie circulaire est un concept qui polarise, entre les tenants d’une croissance verte qui l’instrumentalisent, et ceux de la décroissance qui la jugent contre-productive.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/success?u=http%3A%2F%2Fdownload.shutterstock.com%2Fgatekeeper%2FW3siZSI6MTU2MjE3OTQxOCwiYyI6Il9waG90b19zZXNzaW9uX2lkIiwiZGMiOiJpZGxfMzc4NjM0NjU0IiwiayI6InBob3RvLzM3ODYzNDY1NC9odWdlLmpwZyIsIm0iOjEsImQiOiJzaHV0dGVyc3RvY2stbWVkaWEifSwiVTB5N203eUFBZTAzQlhyZXFQdm9zQ3VrOGVFIl0%2Fshutterstock_378634654.jpg&pi=33421636&m=378634654&src=mYOrGtjpF9XERt6WW1iXwg-1-58">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le concept d’économie circulaire rencontre un très fort engouement ces dernières années auprès des acteurs publics, associations professionnelles, organisations non-gouvernementales et entreprises privées. En France, un <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/le-projet-de-loi-economie-circulaire-durcit-le-ton-face-aux-industriels-1025179">projet de loi est actuellement en discussion sur le sujet</a>, avec pour objectif de multiplier les filières de récupération et d’accentuer les démarches d’éco-conception afin de prévenir les déchets en amont.</p>
<p>Au vu de l’ampleur du défi écologique auquel nos sociétés sont confrontées, le pari de l’économie circulaire repose sur la nécessité et la possibilité de repenser l’économie en <a href="https://theconversation.com/the-circular-economy-building-an-economy-on-the-template-of-nature-115663">s’inspirant de la nature</a> : c’est ce qu’on appelle le biomimétisme. Il s’agit d’évoluer <a href="https://theconversation.com/the-circular-economy-four-million-business-models-and-counting-115664">vers des modèles plus soutenables</a> sans pour autant faire le deuil de l’économie de marché, en réduisant l’empreinte énergétique et environnementale, les pollutions, le gaspillage et les déchets, ou en rallongeant la durée de vie des produits.</p>
<h2>Les sirènes de la croissance verte</h2>
<p>En matière d’économie circulaire, on assiste à une polarisation des approches entre deux positions difficilement conciliables. Le vif succès rencontré par le concept d’économie circulaire dans les milieux d’affaires s’inscrit dans le paradigme de la « croissance verte », au risque de basculer dans une utilisation très instrumentale du concept.</p>
<p>Cette vision célèbre l’entrepreneur, moteur de l’innovation, du progrès technologique et de la « disruption », capable de dépasser les rigidités bureaucratiques établies par les acteurs en place.</p>
<p>Dans la même veine, le progrès technologique et le marché sont censés apporter les réponses les plus efficaces aux enjeux actuels. Les investissements en R&D et le fonctionnement libre du marché apparaissent comme les moteurs de l’innovation et du progrès. D’un point de vue politique, il s’agit alors de favoriser la main invisible du marché, en limitant l’État à un rôle de soutien aux secteurs entrepreneuriaux de la high et de la green tech. Il s’agit de prévenir toute intervention réglementaire contraignante, telle qu’une taxe.</p>
<p>Enfin, au sein des entreprises établies, les démarches d’économie circulaire restent conditionnées à une recherche de rentabilité économique ou de contribution stratégique. Malgré son intérêt managérial, cette vision comporte de nombreuses limites : le marché n’intègre que très imparfaitement les contraintes de disponibilité ou de renouvellement des ressources, ou dans une temporalité qui n’a rien à voir avec les rythmes de renouvellement des ressources naturelles. Lorsque la technologie offre une solution à certains problèmes environnementaux, elle tend aussi à en créer de nouveau, déplaçant les problèmes sans offrir une solution absolue.</p>
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<h2>Les apôtres de la décroissance</h2>
<p>Aux antipodes de cette vision optimiste, la perspective de la décroissance tend à considérer que le capitalisme est « par nature » incompatible avec le respect de l’environnement. Face aux risques d’effondrement, cette approche pointe le décalage extrême entre l’urgence environnementale d’une part, l’inertie réglementaire et la dictature du « business as usual » d’autre part.</p>
<p>Tandis que le <a href="https://www.lemonde.fr/climat/article/2018/10/08/ce-qu-il-faut-retenir-du-rapport-du-giec-sur-la-hausse-globale-des-temperatures_5366333_1652612.html">GIEC alerte sur le délai de 10 ans</a> pour contenir un réchauffement dans des proportions maîtrisables (c’est-à-dire au-dessous de deux degrés par rapport à l’ère préindustrielle), les réponses apportées par les entreprises et les acteurs politiques semblent en profond décalage.</p>
<p>Dans cette perspective, le concept même d’économie circulaire est un oxymore et participe d’une mystification. L’horizon apparaît globalement sombre, tant l’effondrement des écosystèmes qui supportent nos sociétés semble difficilement évitable au vu de l’inertie de nos systèmes sociaux, économiques et politiques.</p>
<p>L’issue résiderait dans le dépassement de la firme, du modèle capitaliste et de la société de consommation, via la décroissance et le retour vers des modèles non marchands plus locaux, ainsi que la redéfinition du progrès et du bien public.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"917133621663846400"}"></div></p>
<p>Devant cette polarisation des discours, comment enseigner l’économie circulaire en école de management ? S’agit-il d’embrasser sans retenue la posture managérialiste et de les orienter vers une vision apaisée qui concilie écologie et économie de marché ? Quelle place accorder aux discours résolument critiques à l’égard de l’entreprise et des technologies ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1145468595373322241"}"></div></p>
<h2>Une troisième voie est-elle possible ?</h2>
<p>Depuis quatre ans, nous avons développé des enseignements en économie circulaire au sein d’ESCP Europe. Notre parti pris pédagogique est de rendre compte mais aussi de dépasser ces deux postures, afin que les étudiants prennent conscience de la complexité de ces enjeux et du rôle des entreprises, des réglementations et des technologies. Nous avons souhaité tisser une passerelle entre ces deux visions opposées, en réintroduisant du débat, et en nous efforçant d’articuler le rôle du politique avec les dynamiques d’innovation.</p>
<p>Notre approche se caractérise par trois traits distinctifs. Tout d’abord, chaque édition du cours est construite autour d’un secteur particulier – le secteur agro-alimentaire et le gaspillage alimentaire en 2019, par exemple. Au-delà de la relation classique entre professeurs et étudiants, nous mobilisons au sein du cours un acteur privé (entreprise établie ou start-up) ainsi qu’un organisme institutionnel (ex : Ademe ou éco-organismes), afin de croiser les regards d’acteurs différents sur un même objet.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ZPRaw8iflwA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Ensuite, nous adoptons une approche résolument multidisciplinaire, en croisant les différents champs du management – stratégies, opérations, marketing, finance – mais en abordant aussi des débats d’ordre philosophique : le rapport au progrès, les relations homme/nature, le rôle social de la technique. Cette multiplicité d’ancrages disciplinaires permet aux étudiants de comprendre les différences de point de vue, les contradictions et la complexité de ces questions.</p>
<p>Enfin, nous cherchons à combiner cette démarche réflexive avec une approche tournée vers l’innovation et l’action. Pour ce faire, les partenaires de cet enseignement soumettent à nos étudiants des problématiques d’innovation. Sur 10 semaines, les étudiants décortiquent les différentes facettes d’un problème donné, interrogeant les choix stratégique ou opérationnel d’un entrepreneur, dressant une comparaison internationale d’un enjeu d’économie circulaire, ou questionnant les orientations réglementaires d’un état ou d’une collectivité locale. Au-delà du travail de diagnostic, les étudiants proposent des solutions, certes partielles, aux modèles linéaires et insoutenables largement généralisés.</p>
<p>Cette expérience pédagogique en cours, renforcée par la <a href="https://www.escpeurope.eu/circular-economy-sustainable-business-models-chair">chaire économie circulaire</a> tente de s’attaquer aux grands défis que doivent intégrer nos institutions académiques. Face au caractère collectif et multidisciplinaire de ces enjeux, ce témoignage est aussi un appel à des initiatives inter-institutions : à côté des gestionnaires, la mobilisation doit inclure des ingénieurs, des économistes, des politistes, des agronomes… pour transformer collectivement nos systèmes linéaires et court-termistes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119773/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’économie circulaire confronte des visions très différentes du progrès : croissance verte contre décroissance. Comment enseigner ce concept en tension ?Aurélien Acquier, Professor - Strategy, Organizations & Society - Scientific Co-Director of the Deloitte Chair "Circular Economy & Sutainable Business Models", ESCP Business SchoolValentina Carbone, Professor of Supply Chain Management and scientific co-director of the Deloitte Chair "Circular Economy & Sutainable Business Models", ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1088712018-12-14T20:03:20Z2018-12-14T20:03:20ZVidéo : Pourquoi les inégalités nuisent-elles au développement ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/250732/original/file-20181214-185240-1ththd5.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C2%2C1425%2C753&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Entretien avec Shanta Devarajan, économiste et directeur principal de l’économie du développement au Groupe de la Banque Mondiale, et Gaël Giraud, Chef économiste à l’AFD.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=ou4jFqbC7b4&list=PLWs6yE3bJ-3iX2sr-p7AfGc0mOJbHUarh">AFD</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>À l’occasion de la <a href="https://www.afd.fr/fr/conference-internationale-de-lafd-pas-de-fatalite-pour-les-inegalites">conférence AFD « Inégalités et lien social »</a> qui s’est déroulé le 7 décembre 2018 à Paris, The Conversation reçoit Shanta Devarajan, économiste et directeur principal de l’économie du développement au Groupe de la Banque Mondiale, et Gaël Giraud, Chef économiste à l’AFD, pour une conversation sur le lien entre inégalités et développement</p>
<p>La rencontre entre ces deux économistes s’est concentré sur trois questions :.</p>
<ul>
<li><p>Pourquoi les inégalités nuisent-elles au développement ?</p></li>
<li><p>Pourquoi l’égalité des chances est-elle un concept insuffisant ?</p></li>
<li><p>Que proposer à la place ?</p></li>
</ul>
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<figcaption><span class="caption">Shanta Devarajan, économiste et directeur principal de l’économie du développement au Groupe de la Banque Mondiale, et Gaël Giraud, Chef économiste à l’AFD.</span></figcaption>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/108871/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Pourquoi les inégalités nuisent-elles au développement ? Pourquoi l’égalité des chances est-elle un concept insuffisant ? Que proposer à la place ?Didier Pourquery, Président, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1064072018-11-13T23:09:10Z2018-11-13T23:09:10ZLes réseaux de gaz intelligents sauveront-ils le gaz ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/245274/original/file-20181113-194500-z8nx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C10%2C1194%2C668&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le gaz d’origine renouvelable représente 1 % de la consommation totale de gaz en France. </span> <span class="attribution"><span class="source">EnvironmentGuru</span></span></figcaption></figure><p>À travers la programmation pluriannuelle de l’énergie (<a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/programmations-pluriannuelles-lenergie-ppe">PPE</a>) – qui devrait être présentée d’ici décembre 2018 – la France s’apprête à fixer des choix déterminants en matière de politique énergétique pour la période 2018-2028. L’objectif principal la PPE visant à <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc">atteindre la neutralité carbone</a> à l’horizon 2050.</p>
<p>Outre la <a href="https://bit.ly/2AWXYut">place de l’énergie nucléaire</a>, l’une des thématiques centrales qui a animé les débats publics de la PPE en 2018 portait sur le rôle du gaz et la complémentarité des énergies.</p>
<h2>La pertinence du gaz remise en cause</h2>
<p>Actuellement, la <a href="https://bit.ly/2zOwENd">consommation d’énergie primaire</a> en France est composée à 40 % de production nucléaire, 29 % de pétrole, 16 % de gaz naturel, 11 % d’énergies renouvelables (hydraulique, photovoltaïque, éolien, biomasse, etc.) et 4 % de charbon. Il existe donc un fort potentiel – plus de 49 % – d’énergie primaire à décarboner.</p>
<p>Le gaz a longtemps été vu comme l’énergie fossile qui permettrait d’accompagner la <a href="https://www.tse-fr.eu/tse-mag-finance">transition</a> vers un système énergétique décarboné. Mais son extraction reste délicate : <a href="https://www.lesechos.fr/13/01/2017/LesEchos/22361-038-ECH_hollande---le-retour-de-la---malediction---du-gaz.htm">aux Pays-Bas</a>, des tremblements de terre causés par cette extraction ont incité les autorités à réduire leur dépendance à cette énergie. Le gouvernement néerlandais envisage d’arrêter d’<a href="https://www.rvo.nl/onderwerpen/duurzaam-ondernemen/duurzame-energie-opwekken/aardgasvrij">utiliser du gaz naturel d’ici à 2050</a>.</p>
<p>Or le gaz naturel, carboné, représente aujourd’hui 99 % du gaz consommé en France : sa pertinence pour accompagner la transition vers un système énergétique décarboné est donc remise en question. Les acteurs du secteur gaziers misent donc sur la diffusion du gaz vert, renouvelable, qui représente actuellement moins de 1 % de la consommation sur le territoire français.</p>
<p>Pour Dominique Auverlot et Étienne Beeker, experts de <a href="http://www.strategie.gouv.fr/">France Stratégie</a>, le recours au gaz dans le mix énergétique français doit être questionné, soulignent-ils dans leur dernière <a href="http://www.strategie.gouv.fr/publications/place-gaz-transition-energetique">note d’analyse</a>. Ils préconisent d’en restreindre au maximum l’usage.</p>
<p>Pour le secteur gazier français, la publication de la PPE est donc très attendue : elle pourrait annoncer le déclin de l’utilisation de cette énergie ou son maintien dans le bouquet énergétique français.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1049182787713097728"}"></div></p>
<h2>L’avenir du gaz, les réseaux intelligents ?</h2>
<p>Pour légitimer le gaz comme vecteur majeur de la transition énergétique, le secteur gazier tente de se réinventer pour devenir plus « propre ». De même que pour l’électricité, le gaz cherche à se structurer en un « réseau intelligent » (ou <em>smart grid</em>) : soit un réseau de distribution d’énergie qui favorise la circulation d’informations entre les fournisseurs et les consommateurs pour une gestion plus efficace.</p>
<p>Le concept de réseaux de gaz intelligents a initialement été <a href="https://www.lemondedelenergie.com/essor-smart-gas-grid/2017/12/05/">mis en avant par GRDF et GRTGaz</a> en 2017. Il est désormais accepté par la plupart des acteurs du secteur, qui s’accordent sur ses grandes caractéristiques.</p>
<p>Dans ce réseau, le gaz est d’abord produit localement, à partir de ressources renouvelables. Une récente étude de l’<a href="https://www.ademe.fr/mix-gaz-100-renouvelable-2050">Ademe</a> suggère par exemple qu’il est théoriquement possible d’obtenir un gaz 100 % renouvelable à l’horizon 2050.</p>
<p>Selon cette étude, le mix de gaz serait composé à 30 % de méthanisation – transformation de déchets organiques en biogaz ; à 40 % de pyrogazéification – gaz créé à partir du bois ; enfin, à 30 % de conversion des surplus d’électricité.</p>
<p>Ce réseau intelligent offre par ailleurs aux autres acteurs du secteur de l’énergie (électrique notamment) une complémentarité pour faciliter l’intégration des énergies renouvelables intermittentes.</p>
<p>Les réseaux de gaz intelligents intégreront enfin de nouvelles technologies – avec les compteurs de gaz communicants Gazpar, cousins des compteurs électriques Linky – qui doivent permettre au gestionnaire de réseau de le piloter efficacement et de réduire ses coûts d’exploitation et de maintenance.</p>
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<h2>Réduire de 80 % les émissions</h2>
<p>Pour devenir réalité, les réseaux de gaz intelligents <a href="https://www.xerfi.com/presentationetude/Le-marche-des-reseaux-intelligents-en-France_7SCO40/teaser">requièrent d’importants investissements</a>] ; l’ampleur de leur mise en œuvre dépendra aussi de l’évolution du contexte réglementaire et du montant des subventions qui leur seront accordées.</p>
<p>Pour s’assurer le soutien des régulateurs, les gaziers avancent trois grands arguments.</p>
<p>D’une part, passer d’un gaz naturel à un gaz issu de sources d’énergie renouvelable et produit localement : cela permettrait de réduire fortement les importations énergétiques (provenant de Norvège, Russie, Pays-Bas et Algérie) et aurait un effet très positif sur la balance commerciale et l’indépendance énergétique de la France.</p>
<p>D’un point de vue environnemental, les émissions de gaz à effet de serre seraient réduites jusqu’à 80 %. Selon l’étude de l’<a href="https://www.ademe.fr/mix-gaz-100-renouvelable-2050">Ademe</a>, la substitution du gaz naturel par du biométhane réduirait les émissions de 188 grammes de CO<sub>2</sub> pour chaque KWh produit.</p>
<p>D’autre part, le gaz serait complémentaire de l’électricité pour faciliter la décarbonation du mix énergétique : passer à un mix 100 % électrique avec une électricité produite de plus en plus intermittente – l’éolien et le solaire étant tributaires de la météo – est un pari hasardeux, tant sur le plan technique qu’économique.</p>
<p>Le gaz propose une solution de stockage inter-saisonnier qui viendrait en soutien du réseau électrique lorsque celui-ci est tendu.</p>
<p>En été, grâce à une consommation d’énergie plus faible et au déploiement des énergies renouvelables, il y aura probablement des périodes de production excédentaire d’électricité renouvelable – photovoltaïque et éolien. Cet excédent ne pourra pas être injecté sur le réseau électrique, déjà saturé : sa transformation en gaz, injecté ensuite dans les réseaux, permettra donc de valoriser des excédents d’électricité. En hiver, ce stock de gaz pourra venir en soutien du réseau électrique au moment des pics de consommation.</p>
<p>Enfin, le gaz fournirait des services à d’autres secteurs : dans l’agriculture, la production de biomasse pour le gaz vert offrirait une source de revenus supplémentaire aux agriculteurs. Dans le transport, le déploiement du gaz naturel vert permettrait de décarboner le parc de véhicules routiers de marchandises, pour lequel le tout électrique ne semble pas pertinent en raison de sa faible autonomie.</p>
<h2>Complémentarité entre les réseaux énergétiques</h2>
<p>Selon les acteurs gaziers, un réseau 100 % électrique souffrirait de son incapacité à stocker de l’énergie en grandes quantités, de manière économiquement viable. Ils estiment que le secteur électrique aura besoin de la flexibilité d’autres énergies stockables, comme le gaz.</p>
<p>Les gaziers appellent à prioriser les énergies en fonction des usages. Plutôt que de viser le tout électrique, ils préconisent de dédier cette énergie aux nouvelles utilisations, tels que la mobilité électrique, et de privilégier l’utilisation du gaz pour le chauffage ou le transport de marchandises.</p>
<p>Il est toutefois fort probable que certains fournisseurs d’électricité soient réticents : la stratégie d’EDF, par exemple, repose sur une <a href="https://www.edf.fr/mix-energetique">complémentarité nucléaire – énergie renouvelable</a> au sein de laquelle le gaz renouvelable n’a pas sa place.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"929367537007124480"}"></div></p>
<h2>Un modèle économique à définir</h2>
<p>Du point de vue technologique, la complémentarité des réseaux est faisable, mais le modèle économique reste encore à définir.</p>
<p>Les gaziers mettent en avant les bienfaits de la complémentarité et les différents services rendus – stockage, investissements évités sur le réseau électrique, décarbonation du secteur du transport de marchandise – par les réseaux de gaz intelligents qui, pris séparément, ne sont pas profitables.</p>
<p>Le gaz renouvelable aurait en effet un coût – production, réseau et stockage – compris entre 105 et 150€/MWh en fonction de la méthode de production ; c’est bien supérieur à celui du gaz naturel, mais comparable à celui d’une électricité <a href="https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/france-independante-mix-gaz-renouvelable-010503-synthese.pdf">100 % renouvelable – 120 à 130€/MWh</a> –, et à celui des nouvelles centrales nucléaires. L’électricité produite par les <a href="https://www.gov.uk/government/collections/hinkley-point-c">deux EPR d’Hinkley Point C</a> en Grande Bretagne sera vendue à <a href="https://www.gov.uk/government/collections/hinkley-point-c">92,5 £/MWh</a> soit environ 110 €/Mwh.</p>
<p>Outre ce coût de production, d’autres données économiques sont à considérer : la capacité de stockage des réseaux de gaz intelligents, la production de méthane synthétique et les investissements dédiés à l’extension du réseau électrique ou à la construction de nouvelles centrales qui seraient évités.</p>
<p>Il reste néanmoins à savoir qui paiera pour ces services rendus de flexibilité et de stockage du gaz. Les consommateurs ou les acteurs du monde électrique ? On ne connaît aujourd’hui pas la réponse.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106407/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Longtemps vu comme l’énergie fossile qui permettrait d’accompagner la transition vers un système énergétique décarboné, la place du gaz est aujourd’hui questionnée.Carine Sebi, Assistant Professor - Economics, Grenoble École de Management (GEM)Anne-Lorène Vernay, Chargée de cours en stratégie, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/851652017-10-08T19:01:02Z2017-10-08T19:01:02ZÊtes-vous Terriens ou Martiens ? Plaidoyer pour une économie permacirculaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/188972/original/file-20171005-15464-1evml6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/closeup-seedlings-eggshell-405672208">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Terriens ou Martiens ? La question peut paraître oiseuse. Elle semble pourtant avoir déjà été tranchée dans l’esprit des propagandistes de la fuite en avant technologique et des décideurs qu’ils hypnotisent.</p>
<p>Et nous ne cessons d’y répondre nous-mêmes par nos modes de vie, par leur effet global cumulé. En dépassant les capacités de charge de la planète (que l’on mesure avec l’<a href="https://le-cartographe.net/dossiers-carto-91/monde/176-lempreinte-ecologique">« empreinte écologique »</a>) ou en franchissant (pour considérer une autre batterie d’indicateurs globaux) les <a href="http://www.nature.com/nature/journal/v461/n7263/full/461472a.html">« limites planétaires »</a>, nous agissons quasiment tous comme si nous disposions d’une autre planète – comme si Mars s’apprêtait à nous accueillir ! Ce « nous » masque certes des inégalités dans la responsabilité, mais il s’agit ici d’aborder un autre aspect du problème.</p>
<p>Le niveau global où se situent les indicateurs pertinents pour évaluer l’impact de nos activités sur la planète est, pour nous autres humains, d’ordre purement scientifique. Il renvoie à une dimension de la réalité à laquelle nos sens ne nous donnent aucun accès et il n’est actuellement pris en charge par aucune instance politique.</p>
<p>Le Conseil de sécurité des Nations unies veille à la paix mondiale mais pas au non-franchissement des limites planétaires, même si les questions environnementales peuvent désormais y avoir droit de cité. L’Accord de Paris de 2015 a représenté à cet égard un réel progrès.</p>
<p>Dans un ouvrage qui vient de paraître (<em><a href="https://www.puf.com/content/Ecologie_integrale">Écologie intégrale : pour une société permacirculaire</a></em>, Éditions Puf), nous proposons de faire entrer cet horizon global dans l’arène démocratique. Nous proposons de transformer en objet de décision politique (en prenant l’échelle d’une nation particulière) la question du non-franchissement des limites planétaires. Et nous prétendons que la réponse à cette question conditionne la faisabilité d’une économie authentiquement circulaire. La seule qui nous permette de continuer à vivre sur Terre.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"902954081207152641"}"></div></p>
<h2>Des indicateurs dans le rouge</h2>
<p>Quel que soit l’indicateur choisi, nous avons déjà franchi les limites de la Terre. Nous consommons désormais à l’échelle mondiale 1,7 planète, c’est-à-dire <a href="https://open.library.ubc.ca/cIRcle/collections/ubctheses/831/items/1.0088048">plus de ressources</a> que la Terre n’est capable de nous en procurer sans dégradations. En 2017, le jour du dépassement des capacités terrestres a eu lieu dès le 2 août. Depuis, nous vivons à crédit.</p>
<p>De manière générale, les flux de matières mondiaux <a href="http://unep.org/documents/irp/16-00169_LW_GlobalMaterialFlowsUNEReport_FINAL_160701.pdf">croissent plus rapidement</a> que le PIB mondial, et ce depuis le début des années 2000. Dans l’article qu’il a rédigé pour l’ouvrage <a href="https://www.puf.com/content/Dictionnaire_de_la_pens%C3%A9e_%C3%A9cologique"><em>Dictionnaire de la pensée écologique</em></a> (2015), l’ingénieur François Grosse rappelle ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« La consommation mondiale d’acier pendant l’année 2011 – environ 1,5 milliard de tonnes – est supérieure à la production cumulée de fer de toute l’espèce humaine jusqu’à 1900, depuis les origines préhistoriques de la sidérurgie. Un paramètre déterminant de ce bouleversement est l’"invention" de la croissance économique : pendant les millénaires précédents, le PIB mondial a augmenté à un rythme inférieur à 0,1 % par an […], soit une augmentation cumulée de moins (voire beaucoup moins) de 10 % par siècle. À l’échelle de l’évolution des sociétés, la transformation de l’économie humaine depuis un ou deux siècles constitue donc un choc, auquel rien n’a préparé notre espèce. »</p>
</blockquote>
<p>Ce choc est perpétué par notre système économique, essentiellement pour deux raisons : les pays riches maintiennent coûte que coûte leur niveau de consommations matérielles et les classes moyennes des pays émergents accèdent aux modes de vie occidentaux.</p>
<p>Si l’on se tourne du côté de l’autre indicateur global, <a href="http://science.sciencemag.org/content/347/6223/1259855">celui des limites planétaires</a>, la situation n’est guère plus rassurante. Sur les neuf limites dont le franchissement ferait basculer le système-Terre dans un état inédit par rapport à celui que nous avons connu depuis la fin du précédent âge glaciaire, nous en avons déjà franchi quatre : dans le domaine du climat, de la biodiversité, de l’usage des sols et concernant les flux de phosphore et d’azote associés à nos activités agricoles.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"791544181093203968"}"></div></p>
<h2>Le piège environnemental</h2>
<p>Rien de bien visible ne se passe pourtant, objectera-t-on. Tel a longtemps été le cas, en effet. Mais plus maintenant. Il n’y a désormais guère de lieu sur Terre où, d’une manière ou d’une autre, on ne perçoive le changement climatique : qu’il s’agisse de la fonte rapide de nombreux glaciers ainsi que de celle du Larsen C dans l’Antarctique Ouest, de la hausse des températures en Arctique (20 °C au-dessus des moyennes saisonnières fin 2016 et début 2017), de l’élévation du niveau des mers dans l’océan Indien ou de vagues de chaleurs, d’inondations, de cyclones ou de typhons, en Asie comme en Amérique du Nord.</p>
<p>Nous touchons ici au cœur du piège environnemental : nous pouvons dégrader la planète longtemps sans conséquences visibles ; quand elles le deviennent, il est trop tard pour se prémunir des dommages associés au niveau de dégradation atteint. Nous en sommes là pour le climat au moins. Et même <a href="https://www.nature.com/nclimate/journal/v7/n9/full/nclimate3352.html">si nous parvenons</a>, quasiment par miracle, à ne pas trop excéder une augmentation de la température moyenne à la fin du siècle de 2 °C, ce n’est <a href="http://www.atmos-chem-phys.net/16/3761/2016/">pas une promenade climatique</a> qui nous attend !</p>
<p>Jusqu’où irons-nous sur la voie qui demeure encore celle de toutes les nations, poursuivant la croissance de leur PIB, laquelle se traduit immanquablement en consommation croissante de ressources ? Jusqu’à l’effondrement ? Nous ne nous aventurerons pas à répondre. Rappelons seulement que le fameux <a href="http://www.donellameadows.org/wp-content/userfiles/Limits-to-Growth-digital-scan-version.pdf">Rapport Meadows de 1972</a> sur les limites à la croissance prévoyait que, dans l’hypothèse alarmante où l’on ne ferait rien pour changer les choses, les courbes retraçant nos activités économiques et la démographie mondiale entre 2020 et 2040 s’inverseraient rapidement, sous la forme d’une profonde dégradation économique et sociale.</p>
<p>Bornons-nous à constater que la mollesse de nos réactions, le primat que nous accordons en tous points ou presque à notre modèle économique nous conduisent nécessairement, dans une <a href="http://www.worldbank.org/en/news/feature/2012/05/09/growth-to-inclusive-green-growth-economics-sustainable-development">course à l'uniformisation des pratiques</a> qui n’a jamais été officiellement approuvée par quelque instance démocratique ou scientifique que ce soit, à une fuite en avant technologique.</p>
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<figcaption><span class="caption">135 ans de réchauffement climatique en 30 secondes, une vidéo réalisée par la NASA (Climatecentraldotorg, 2015).</span></figcaption>
</figure>
<h2>Mars, l’impossible option</h2>
<p>Cette fuite en avant constitue de fait une fuite en avant spatiale. Continuer sur notre lancée suppose que nous allions, dans un avenir relativement proche, chercher des matériaux sur d’autres planètes et, au final, que nous changions de planète !</p>
<p>Tel est d’ailleurs bel et bien l’imaginaire qui sous-tend les activités d’une société comme <em>Space X</em> fondée par l’<a href="http://www.courrierinternational.com/article/technologie-et-elon-musk-traversera-le-monde-dos-de-dragons">entrepreneur Elon Musk</a>. La planète candidate la plus proche n’est autre que Mars. Or, il n’y a pas d’atmosphère sur Mars qui permette de respirer ou de se protéger des rayonnements cosmiques délétères. Sa surface est, semble-t-il, passablement chlorée.</p>
<p>Quant à <a href="http://nautil.us/issue/43/heroes/make-mars-great-again">« terraformer » Mars</a>, un temps presque infini serait nécessaire. Sans compter qu’il faudrait y transporter des milliards d’habitants… avec quelle énergie et quels matériaux ? Pour l’heure, Musk n’est à même de proposer à ses admirateurs qu’un aller simple. Soulignons encore que selon les calculs du physicien Gabriel Chardin, une horde humanoïde passant d’une planète analogue à la nôtre à la suivante – en y maintenant un taux de croissance annuel de 2 % – <a href="https://lejournal.cnrs.fr/billets/le-paradoxe-de-fermi-et-les-extraterrestres-invisibles">détruirait en 5 000 à 6 000 ans</a> l’univers dans un rayon de dix milliards d’années-lumière.</p>
<p>Il serait grand temps de sortir de ce rêve cauchemardesque et de se rendre à l’évidence : nous n’avons qu’une seule planète et guère d’autre issue que de composer avec ses limites.</p>
<p>Se rendre à cette évidence, c’est se donner pour objectif, à une échéance de grosso modo deux à trois décennies (comme le suggère notamment, parmi bien d’autres, la <a href="http://www.bfe.admin.ch/energiestrategie2050/06445/index.html?lang=fr">stratégie énergétique 2050</a> de la Confédération helvétique), le retour à une empreinte écologique d’une seule planète tout en cherchant à inverser les tendances en matière de dépassement des limites planétaires.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/S5V7R_se1Xc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Elon Musk présentant son projet de vie sur Mars le 28 septembre dernier (SpaceX, 2017).</span></figcaption>
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<h2>Recycler ne suffira pas</h2>
<p>Le retour à une seule planète, c’est précisément l’objectif qui a été proposé le 25 septembre 2016 au peuple suisse, lors d’une <a href="https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/votations/20160925/initiative-economie-verte.html">initiative populaire</a> intitulée « Pour une économie durable et fondée sur une gestion efficiente des ressources (économie verte) ». Si le « non » l’a largement emporté, le « oui » s’est imposé dans des villes comme Zurich, Genève ou Lausanne. Cette traduction politique des limites planétaires est la condition nécessaire d’une <a href="https://www.puf.com/content/Ecologie_integrale">économie circulaire qui répondrait réellement</a> aux enjeux qui sont désormais les nôtres.</p>
<p>C’est le taux de croissance de la consommation des ressources qui, rappelons-le, conditionne la circularité d’une économie. On ne recycle en effet différentes matières qu’après des temps de résidence dans l’économie qui sont variables, mais qui peuvent atteindre plusieurs décennies.</p>
<p>Avec un taux de croissance annuel supérieur à 1 %, la part recyclée finit par ne représenter <a href="https://www.futuribles.com/fr/revue/365/le-decouplage-croissance-matieres-premieres-de-lec/">qu'une portion assez faible</a> de la matière consommée au moment de la réintroduction de la matière recyclée dans le cycle des activités économiques.</p>
<p>Recycler <a href="https://sapiens.revues.org/906">ne suffit donc pas</a> : c’est à une véritable restauration de la planète qu’il convient de s’atteler, avec le retour à une empreinte d’une seule planète. D’où l’idée d’une économie régénérative, restaurant de fond en comble les sols, réduisant fortement les activités extractives, substituant massivement aux matières premières classiques <a href="http://www.lemonde.fr/tribunes/article/2017/07/09/economie-circulaire-imposer-des-matieres-recyclees-dans-les-produits-neufs_5158140_5027560.html">des matières recyclées ou biosourcées</a>, inversant les courbes de dégradation, redonnant un sens au travail, etc.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"861131757189574656"}"></div></p>
<h2>Pour une société permacirculaire</h2>
<p>C’est cette économie que nous qualifions de « permacirculaire ». Nous entendons par là une économie qui veille non seulement aux synergies locales entre usines et entreprises et aux arrangements « micro » de recyclage et de fonctionnalité, mais qui, contrairement à l’économie circulaire standard, se soucie également d’une réduction <em>globale</em> des flux de matière et des rythmes de croissance et d’un changement de fond dans la culture, allant vers davantage de sobriété vécue et des technologies plus simples.</p>
<p>La vision actuelle de l’« innovation » et de l’« écologisation » de l’industrie inscrit toute la réflexion au sein d’un seul paradigme : celui de la « croissance verte », réputée magique en ce qu’elle ne requiert pas de changement dans notre culture et dans nos modes de vie. Cette monomanie bloque les voies d’expérimentation autres – dans l’économie sociale et solidaire ou à travers des choix de vie plus radicaux de « suffisance ».</p>
<p>Une des thèses majeures que nous défendons est que la permacircularité peut être atteinte avec une <em>pluralité</em> de trajectoires économiques, allant des approches permacoles, enracinées et expérimentales (par exemple la <a href="http://www.schweibenalp.ch/">communauté de Schweibenalp</a> en Suisse) jusqu’à des productions très capitalistiques de services ou d’objets, utiles aux autres secteurs (par exemple le <a href="http://autorecyclers.ca/2017/high-tech-auto-recycling-leaders-green-economy/">recyclage des pièces automobiles</a>), en passant par une <a href="http://planeteviable.org/economie-sociale/">économie sociale, environnementale et solidaire</a> et des activités bancaires <a href="https://www.bas.ch/fr/a-propos-de-la-bas/la-bas-aujourdhui/actualites/news/2017/06/21/genuegend-ist-besser-eine-studie-ueber-suffizienz/">davantage orientées vers la « suffisance »</a>.</p>
<p>L’unique contrainte, mais elle est absolue, est que <em>chacune</em> de ces approches fasse ses preuves à l’intérieur d’un <em>même</em> cadre uniforme : celui du retour à une seule planète.</p>
<p>La « croissance verte », à elle seule, n’a aucune chance de nous permettre de réaliser cet objectif. Une société permacirculaire offrirait ainsi un cadre éminemment plus pluraliste et plus démocratique, mais aussi plus cohérent, que celui proposé actuellement par ceux qui ne jurent que par une seule et unique voie d’avenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/85165/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dominique Bourg est membre de la Fondation pour la Nature et l'Homme </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christian Arnsperger est conseiller scientifique de la Banque Alternative Suisse. </span></em></p>L'émergence d'une économie authentiquement circulaire réclame la prise en compte des limites planétaires. La croissance verte n'est qu'un mirage.Dominique Bourg, Philosophe, professeur à la Faculté des géosciences et de l’environnement, Université de LausanneChristian Arnsperger, Professeur en durabilité et anthropologie économique, Faculté des géosciences et de l’environnement, Université de LausanneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/712822017-01-30T21:22:48Z2017-01-30T21:22:48ZConversation avec Étienne Espagne : « Climatiser la finance pour financer le climat »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/154639/original/image-20170129-30385-llprgt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manifestants à l'Université du Michigan (School of Natural Ressources and Environment) pour le financement des engagements 2020 sur le changement climatique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/snre/8338228063/in/photolist-dGPAGP-9sFuSy-o9F4rk-9jKcst-gLDeJ-o7LSVm-9jK4vc-9jN2EW-dKdEmh-dKg3X3-o9EUV2-dKaJov-dKguZb-9jMYLd-oXCFSf-o9FqCt-dKg9Ah-dKb45H-772VDB-dKgmX9-av1XKL-dK8gHP-pf5Qk3-gLDiW-dKb3qD-atC8T5-gLDgP-pf7QYB-A9wNNX-gLDcw-yRd1Le-6R76zF-pf5QwL-oXC327-dKgeBf-gLDmr-z8HViv-FDNg3q-yB4znt-ybG7ZQ-qe2jev-z6qacG-HgLBJK-ybGisd-BFxNui-BDfyf3-BDfvcE-BLwCG9-BNQG2M-BLwCeq">Université of Michigan SNRE / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est publié dans le cadre de la série du CEPII « L’économie internationale en campagne », un partenariat CEPII–La Tribune–The Conversation–Xerfi–Canal. Étienne Espagne est économiste au CEPII. Il a publié de nombreux articles dans des journaux académiques dans les domaines du changement climatique et de l’économie de l’énergie. Il répond aux questions d’Isabelle Bensidoun et Jézabel Couppey-Soubeyran.</em></p>
<hr>
<p><strong>On en parle peu dans la campagne, pourtant la transition écologique est un enjeu majeur. Pour commencer, de quoi s’agit-il ?</strong></p>
<p>La transition écologique, c’est l’ensemble des actions à mener pour ne plus vivre à crédit sur les ressources en apparence gratuites de notre environnement. Si l’on se concentre sur le changement climatique, cela implique une limitation drastique des émissions de dioxyde de carbone (CO<sub>2</sub>) de tous les secteurs de l’économie, et notamment des secteurs de l’énergie, des transports et du bâtiment qui sont les plus gros émetteurs de CO<sub>2</sub>. D’après les estimations disponibles, si l’on ne fait rien à l’échelle globale, la concentration atmosphérique en CO<sub>2</sub> pourrait atteindre <a href="https://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/syr/AR5_SYR_FINAL_SPM.pdf">700 à 900 parties par million</a> (ppm) d’ici 2100, soit une augmentation de la température moyenne de 3 à 4 degrés (voire bien plus), contre une concentration actuelle de 440 ppm. Pour donner un ordre d’idée, les 800 000 dernières années n’ont jamais connu de concentrations supérieures à 300 ppm.</p>
<p><strong>Quels changements la transition écologique réclame-t-elle ?</strong></p>
<p>Des changements majeurs à n’en pas douter, mais que l’on peut voir aussi comme autant d’opportunités. Il s’agit à la fois de modifier en profondeur la structure productive existante et de redéfinir un cadre financier global qui puisse accompagner la transition vers un monde neutre en carbone, c’est-à-dire un monde qui réduit et, si possible, compense les gaz à effet de serre qu’il émet dans l’atmosphère. D’un point de vue économique et industriel, c’est l’occasion d’un nouveau mode de croissance de l’activité, dans des secteurs souvent intenses en emplois et dont les transformations se diffuseront aux autres secteurs.</p>
<p><strong>Quelle est l’ampleur de ces besoins d’investissement ?</strong></p>
<p>En France, les besoins d’investissements dans la seule rénovation thermique des bâtiments dépasseraient les <a href="http://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2013/2013_01_efficacite_energetique.pdf">10 milliards d’euros par an</a> à l’horizon de plusieurs décennies, si l’on s’en tient à l’objectif annuel fixé par le gouvernement depuis 2013 de 500 000 rénovations. Quant aux besoins de financement d’infrastructures de réseaux énergétiques en Europe, ils s’élèvent, d’après la Commission européenne, à près de <a href="http://www.economist.com/node/4408105">200 milliards d’euros d’ici à 2020</a> et les besoins d’investissements en infrastructures de transports transeuropéens à <a href="http://ec.europa.eu/economy_finance/financial_operations/investment/europe_2020/investment_needs_en.htm">1 500 milliards d’euros d’ici à 2030</a>. L’ampleur de ces besoins fait immédiatement réaliser le rôle que le secteur financier a à jouer : il doit porter la transition écologique et pour cela se transformer en profondeur. C’est là le sens de la finance-climat.</p>
<p><strong>Qu’est-ce que la finance-climat : de nouveaux actifs financiers, des actifs verts ?</strong></p>
<p>Cela va bien au-delà. La finance-climat doit s’entendre comme une « climatisation » de l’ensemble de la finance. Les instances de régulation financière britannique et européenne commencent à réaliser que le système financier et de l’assurance est particulièrement exposé aux conséquences du changement climatique. Par exemple, les coûts d’assurance de l’ouragan Katrina sont estimés, au bas mot, entre <a href="http://www.economist.com/node/4408105">40 et 60 milliards d’euros</a>.</p>
<p>Que se passerait-il si trois ou quatre Katrina survenaient la même année ? Cela deviendrait une crise qui toucherait l’ensemble du secteur financier, avec des répercussions en chaîne, économiques et sociales, bien au-delà du lieu initial du sinistre. Le système financier doit donc se transformer pour porter la transition écologique mais aussi pour parer aux risques que le réchauffement climatique lui fait courir. D’autant plus que son actuel aveuglement aux enjeux de long terme ne peut qu’accroître sa vulnérabilité aux conséquences du changement climatique.</p>
<p><strong>Cette transformation serait-elle l’occasion de reconnecter la finance à l’économie réelle et de réduire son instabilité ?</strong></p>
<p>Oui, et c’est tout l’enjeu de cette climatisation de la finance. Passant par une réorientation des flux financiers vers des investissements bas carbone, cette transformation bénéficiera à la transition écologique autant qu’à la stabilité financière, puisqu’elle conduira la finance vers une moindre exposition aux risques climatiques et vers moins d’activités spéculatives.</p>
<p><strong>Quelles actions entreprendre pour permettre à ces transformations de voir le jour ?</strong></p>
<p>Il faut tout d’abord mesurer et divulguer le « contenu en carbone » des titres financiers, ce qui a commencé. De la disponibilité et de la crédibilité de cette information dépendra la réorientation des flux financiers vers des investissements « climato-compatibles ». Il faudra aussi inciter les acteurs financiers à détenir des actifs bas carbone, ce qui pourrait passer par un ajustement des règles prudentielles avec des exigences de fonds propres moindres sur les actifs bas carbone et rehaussées sur les actifs carbonés. Une montée en puissance des banques publiques d’investissement et de développement serait aussi nécessaire pour allonger l’horizon temporel des investisseurs et signaler clairement l’engagement de la puissance publique dans la transformation de l’économie.</p>
<p>Les conclusions de la Commission Stiglitz-Stern, chargée de révéler la valeur du coût social du carbone et par conséquent les avantages collectifs à opérer la transition écologique, seront rendues à la veille de l’élection présidentielle française. Il reviendra donc au prochain Président de la République de se les approprier.</p>
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<figcaption><span class="caption">Entretien avec Étienne Espagne sur Xerfi Canal.</span></figcaption>
</figure>
<hr>
<p><em><strong>Pour aller plus loin</strong><br>
Aglietta M. et Espagne E. [2016], <a href="http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/wp/abstract.asp?NoDoc=9079">« Climate and Finance Systemic Risks, More than an Analogy? The Climate Fragility Hypothesis »</a>, CEPII working paper, n° 2016-10, avril.<br>
Espagne É. [2016], <a href="http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/em/abstract.asp?NoDoc=9252">« Après la COP21, comment climatiser la finance ? »</a>, L’économie mondiale 2017, La Découverte, « Repères », Paris.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71282/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le secteur financier doit porter la transition écologique et pour cela se transformer en profondeur. C’est là le sens de la finance-climat.Isabelle Bensidoun, Économiste, CEPIIÉtienne Espagne, Économiste, CEPIIJézabel Couppey-Soubeyran, Maître de conférences en économie à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et conseillère éditoriale, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/683822016-11-28T22:04:48Z2016-11-28T22:04:48ZLa Chine, dernière chance pour le climat ?<p>Trump élu président des États-Unis, qui pourrait prendre le <em>leadership</em> en matière de lutte contre le changement climatique ?</p>
<p>Premier émetteur mondial de gaz à effet de serre (avec <a href="http://www.cop21.gouv.fr/les-principaux-chiffres-du-rechauffement-climatique/">plus de 20 %</a> des émissions), la Chine connaît aujourd’hui des mutations économiques et environnementales importantes à même de structurer les évolutions climatiques. La concomitance du rééquilibrage économique du pays et de son nouveau plan quinquennal axé sur les thématiques environnementales est sûrement une chance pour la Chine… et pour bien d’autres.</p>
<h2>À l’heure du rééquilibrage</h2>
<p>La Chine a enregistré une <a href="http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GDP.MKTP.KD.ZG?end=2015&locations=CN&start=2015&view=bar">croissance annuelle de 6,7 %</a> pour l’année 2016 ; les prévisions pour 2017 montrent que l’économie chinoise devrait atteindre, environ 6,8 %.</p>
<p>Ces éléments conjoncturels confirment le ralentissement économique de l’empire du Milieu : après avoir culminé à plus de 14 % en 2007, le taux de croissance de son économie est passé de 10,6 % en 2010 à 6,9 % en 2015, son taux le plus faible depuis près de 25 ans.</p>
<p>Ce mouvement s’observe alors que le pays est en train de vivre l’un des plus importants changements de modèle de l’histoire économique mondiale, et ce dans un contexte international marqué par une croissance mondiale autour de 3,1 %, mais teintée de fragilités financières. La transformation économique du modèle chinois est, en outre, génératrice de multiples incertitudes quant à la croissance future des pays émergents (Brésil ou Russie), des pays producteurs de matières premières (les pays pétroliers notamment) et des pays développés.</p>
<p>Depuis début 2017, la situation semble toutefois moins volatile en Chine et le pays a enregistré une stabilisation de son activité traduite par une croissance nationale supérieure aux prévisions gouvernementales (6,8 % sur les deux derniers trimestres, contre un objectif de 6,5 %), le maintien de la croissance de sa production industrielle à environ 7 % et de bons chiffres sur les ventes au détail. Seule le niveau de la dette (250 % du PIB) suscite des inquiétudes au niveau international.</p>
<p>La Chine est ainsi entrée dans une véritable « décennie de transition » et elle fait face à de nombreux défis : avec un PIB par tête d’environ <a href="http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GDP.PCAP.CD?locations=CN">8 100 dollars courants en 2016</a>, le pays doit sortir de la trappe des pays à revenu intermédiaire en rééquilibrant sa croissance économique vers la consommation et les services, en réussissant la montée en gamme de ses chaînes de valeur, et en adoptant des politiques monétaires permettant de piloter plus efficacement le dégonflement des <a href="http://www.lessentiel.lu/fr/economie/story/19395394">bulles spéculatives immobilières</a> et boursières observées depuis quelques années.</p>
<p>La part du secteur tertiaire représente désormais la majorité du PIB chinois <a href="http://www.lemoci.com/fiche-pays/chine/">(51,5 %)</a>, contre environ 48 % en 2014 ; celle de la consommation privée est en forte progression et le commerce extérieur chinois, pivot de la croissance économique depuis près de 15 ans, voit son poids reculer.</p>
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<figcaption><span class="caption">Présentation de la fresque en trois volets «Chine, le nouvel empire» de Jean-Michel Carré disponible sur Arte VOD (rmcvalras rmc, 2015).</span></figcaption>
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<h2>1<sup>er</sup> consommateur de matières premières</h2>
<p>Représentant environ 15 % du PIB mondial en 2016, contre moins de 3 % en 1976, la Chine a connu une période de croissance ininterrompue supérieure à 10 % depuis près de 30 ans. Elle est devenue, en une décennie, le 1<sup>er</sup> consommateur mondial sur la majorité des marchés de matières premières et le principal importateur. Le pays a ainsi dépassé la moyenne mondiale de consommation pour un certain nombre de celles-ci et a même atteint un niveau de consommation par tête comparable aux États-Unis pour certains métaux non-ferreux.</p>
<p>Il représente aujourd’hui près de 54 % de la <a href="http://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/la-consommation-mondiale-daluminium-un-indicateur-du-dynamisme-de-leconomie-mondiale-1275/">consommation d’aluminium</a>, 50 % de celle de nickel, 48 % de celle de cuivre, et plus généralement, son poids dépasse 40 % dans la consommation mondiale sur les marchés de métaux non-ferreux. Sa part importante dans la demande mondiale de coton (30 %) ou dans celle de nombreuses matières premières alimentaires (30 % pour l’huile ou le tourteau de soja, 30 % pour le riz, 22 % pour le maïs, 17 % pour le blé…) en fait un acteur global sur les marchés. Au final, son poids dans la consommation mondiale de pétrole (environ 12 %) ou de gaz (5,5 %) est relativement plus faible que sur les autres segments de matières premières ; en revanche, sa part dans la demande mondiale de charbon dépasse les 50 %, en liaison notamment avec la structure de sa demande d’énergie primaire.</p>
<p>L’impact du ralentissement chinois se diffuse ainsi au premier abord à l’ensemble des pays producteurs de matières premières et engendre des conséquences sectorielles marquées à travers le canal du commerce international. Ainsi, le secteur du transport maritime connaît une déprime importante depuis 2010. Certes, le <em><a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Baltic_Dry_Index">Baltic Freight Index</a></em> (BFI/BDI) a enregistré un rebond depuis début 2016 mais il a été divisé par près de 4,5 depuis fin 2009 et reste toujours inférieur à son niveau initial de 1985 !</p>
<h2>Le salut économique dans la croissance verte ?</h2>
<p>Dans ce contexte, quelles conséquences peut-on envisager sur les émissions de gaz à effet de serre de la Chine ?</p>
<p>Géant énergétique, le pays a surpassé les États-Unis comme premier consommateur mondial d’énergie dès 2008. En outre, l’accélération de la consommation énergétique chinoise, qui a doublé entre 2003 et 2015, a permis un rattrapage du niveau mondial moyen par habitant et lui est désormais supérieur de près de 20 %.</p>
<p>La consommation énergétique du pays représente par ailleurs le tiers de la consommation moyenne américaine. Ce mouvement a eu pour conséquence une multiplication par trois entre 2001 et 2014 des émissions de CO<sub>2</sub> chinoises. L’empire du Milieu représente désormais plus de 26 % des émissions de CO<sub>2</sub> devenant ainsi le premier émetteur de la planète.</p>
<p>Le 13<sup>e</sup> plan chinois est particulièrement symptomatique de la volonté chinoise de prendre le <em>leadership</em> mondial sur les questions environnementales ; les autorités sont bien conscientes des risques associés aux questions de pollution – notamment les risques de déstabilisation et de contestation politique de la part des citoyens – ainsi que des enjeux économiques et financiers associés.</p>
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<figcaption><span class="caption">La vidéo de présentation pour le moins étonnante du 13e plan quinquennal (New China TV, 2016).</span></figcaption>
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<h2>Les trois axes pour la transition énergétique chinoise</h2>
<p>Le gouvernement chinois a mis en place, à travers son plan d’action stratégique en matière d’énergie (PASE 2014-2020) et son 13<sup>e</sup> plan quinquennal (2016-2020), un ensemble d’objectifs à atteindre en matière énergétique et environnementale.</p>
<p>Ainsi, parallèlement à l’établissement d’un véritable cadre structurel favorable à l’<a href="https://theconversation.com/en-investissant-pour-sauver-le-climat-les-banquiers-sauveront-ils-les-banques-67426">investissement vert</a> et d’une commission (<em>Green Finance Task Force</em>) dès 2014, la question centrale de la transition énergétique chinoise repose sur la limitation de la consommation énergétique, la décarbonation progressive du mix énergétique et les efforts d’efficacité énergétique.</p>
<p>En matière de consommation énergétique, le 13<sup>e</sup> plan fixe un plafond à environ 5 milliards de tonnes équivalent charbon (Gtec), contre 4,3 milliards actuellement, soit une hausse de seulement 16 % sur la période 2016-2020, pour une croissance annuelle du PIB de 6,5 % !</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/147726/original/image-20161128-22765-xzd4bm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/147726/original/image-20161128-22765-xzd4bm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/147726/original/image-20161128-22765-xzd4bm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/147726/original/image-20161128-22765-xzd4bm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/147726/original/image-20161128-22765-xzd4bm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/147726/original/image-20161128-22765-xzd4bm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=435&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/147726/original/image-20161128-22765-xzd4bm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=435&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/147726/original/image-20161128-22765-xzd4bm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=435&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Mix énérgétique chinois en 2013. Cliquer pour agrandir.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/la-chine/articles-scientifiques/defis-environnementaux">China Statistical Yearbook (2014)</a></span>
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<p>Si le charbon ne représentait plus que 58 % de la consommation d’énergie primaire en 2020, contre 64 % actuellement, plus globalement l’intensité carbone du PIB doit être réduite de 18 % par rapport à 2015, sachant que l’objectif du 12<sup>e</sup> plan (-17 % en 2015 par rapport à 2010) a été dépassé avec une baisse de près de 20 %.</p>
<p>L’atteinte de cet objectif en 2020 permettrait donc à la Chine de parvenir à une réduction de 48 % de ses émissions entre 2005 et 2020, soit un dépassement par rapport à son objectif fixé à Copenhague de réduction de 40 à 45 % de ses émissions et l’engagerait vers la réduction de 60 à 65 % des émissions acceptée lors de l’Accord de Paris en 2015.</p>
<p>La décarbonation du mix énergétique chinois passe par divers canaux : les investissements dans les capacités en énergies renouvelables (ENR) et le déclassement progressif des centrales à charbon. Si le gouvernement est particulièrement actif pour le premier point, le 13<sup>e</sup> plan reste plus silencieux pour le second. En effet, la Chine affirme son <em>leadership</em> dans les investissements dans les ENR (elle représente 36 % des investissements internationaux en 2015, soit 102,9 milliards de dollars, avec un taux de croissance annuel moyen de 38 % depuis 2004 !).</p>
<p>Toutefois, les efforts à venir de la Chine dans la limitation de sa consommation de charbon et le recul relatif de ce dernier dans le total de la consommation énergétique primaire (par exemple, l’objectif d’un poids des énergies non-fossiles de 15 % dans ce dernier total), affirmés dans le 13<sup>e</sup> plan sont des pas importants montrant cette volonté de changer de modèle.</p>
<h2>Vers une économie de services</h2>
<p>Les objectifs du 13<sup>e</sup> plan en matière énergétique et environnementale pourraient en outre bénéficier des transformations du modèle économique actuel chinois.</p>
<p>En effet, le rééquilibrage sectoriel en Chine permet de substituer progressivement le secteur des services, beaucoup moins intensif en matière d’émissions de CO<sub>2</sub>, à la production de biens manufacturés dans la composition du PIB. Le recul des exportations et des importations chinoises permet aussi d’envisager un net recul des émissions de GES liées à une certaine relocalisation des chaînes de production mondiale.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/147730/original/image-20161128-22727-y35xh2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/147730/original/image-20161128-22727-y35xh2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/147730/original/image-20161128-22727-y35xh2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/147730/original/image-20161128-22727-y35xh2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/147730/original/image-20161128-22727-y35xh2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/147730/original/image-20161128-22727-y35xh2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/147730/original/image-20161128-22727-y35xh2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/147730/original/image-20161128-22727-y35xh2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">Enerdata</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Une autre composante intéressante reste l’effort à réaliser dans le management de la demande énergétique. Souvent mis à l’arrière-plan des politiques énergétiques, la gestion efficace de la consommation trouve sa place dans la politique actuelle. Elle permet d’apporter un double dividende à la politique chinoise. En effet, si les créations d’emplois dans les ENR (fabrication, pose…) resteront importantes, il est probable que les systèmes de management de la demande énergétique seront créateurs d’emplois dans les années futures. Ils devraient permettre d’atteindre l’objectif de création de 25 millions d’emplois dans les années à venir.</p>
<p>Dynamique dans le contexte mondial de transition énergétique, la Chine espère imposer son <em>leadership</em> sur les questions environnementales et climatiques. On rappellera qu’elle a fait savoir à deux reprises <a href="http://www.latribune.fr/economie/international/climat-trump-desavoue-par-la-chine-612614.html">son opposition au candidat Trump</a> en matière environnementale lors de la campagne électorale américaine. Et Pékin souhaite bel et bien entraîner d’autres pays dans ce mouvement et, comme sur de nombreuses autres questions (investissement en Asie centrale dans les infrastructures à travers le projet de route de la soie, création de la Banque asiatique pour les investissements dans les infrastructures…), affirmer un nouveau mode de gouvernance.</p>
<hr>
<p><em>Clémence Bourcet, étudiante à Grenoble École de management (GEM) et à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), est co-auteure de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/68382/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Hache est professeur et chercheur associé à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS). </span></em></p>Avec le climatosceptique Trump à la Maison Blanche, tous les regards se tournent vers Pékin. L’empire du Milieu peut-il devenir le leader mondial dans la lutte contre le changement climatique ?Emmanuel Hache, Économiste et prospectiviste, IFP Énergies nouvelles, Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.