tag:theconversation.com,2011:/us/topics/ecole-des-hautes-etudes-en-sante-publique-ehesp-89851/articlesÉcole des hautes études en santé publique (EHESP) – The Conversation2021-01-07T20:14:56Ztag:theconversation.com,2011:article/1528452021-01-07T20:14:56Z2021-01-07T20:14:56Z« Les mots de la science » : P comme politique vaccinale<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/393253/original/file-20210402-15-1ylfo6i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=313%2C710%2C5193%2C2741&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">.</span> </figcaption></figure><p>Génétique, anthropocène, intersectionnalité, décroissance… </p>
<p>Ce jargon vous dit quelque chose, bien sûr ! Mais parfois, nous utilisons ces mots sans bien savoir ce qu’ils veulent dire. Dans les Mots de la science, on revient donc sur l’histoire et le sens de ces mots clés avec des chercheuses et chercheurs capables de nous éclairer.</p>
<p>L’épisode du jour est dédié à la <strong>politique vaccinale</strong>. L'expression a envahi le débat public, Covid-19 oblige, mais sans les éléments suffisants à sa compréhension : en quoi consiste une politique vaccinale ? Comment est-elle construite, avec quelles bases scientifiques, quelle part de jeu politique, quel recul historique ? </p>
<p>Pour nous éclairer, nous recevons avec Lionel Cavicchioli, chef de la rubrique Santé, Judith Mueller, médecin épidémiologiste affiliée à l’Institut Pasteur et enseignante chercheure à l'École des hautes études en santé publique. Ses travaux portent spécifiquement sur les maladies infectieuses et sur les stratégies vaccinales sous l’angle de la perception et l’acceptation des vaccins. Elle est en outre membre de la <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/c_2755844/fr/commission-technique-des-vaccinations">commission technique des vaccinations</a> à la Haute Autorité de santé, dont le rôle consultatif est crucial dans la définition des politiques vaccinales en France. </p>
<p>Avec le souci de la pédagogie et de la synthèse, Judith Mueller nous explique donc le cadre usuel de déploiement d'un programme vaccinal en France, les stratégies établies, les agences et acteurs impliqués (de la Haute autorité de santé au Ministère de la santé en passant par l'Organisation mondiale de la santé). Elle définit ensuite les spécificités de la crise sanitaire que nous vivons actuellement : le lancement d'un programme vaccinal contre la Covid dans l'urgence, avec un rythme de travail inédit pour tous les acteurs impliqués. </p>
<p>Bonne écoute ! </p>
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<p><a href="https://open.spotify.com/episode/1nABx56Ffx0VaXO5reg7eJ?si=KjYWn75JRwCCLUv1LIqeVA"><img src="https://images.theconversation.com/files/321535/original/file-20200319-22606-1l4copl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=183&fit=crop&dpr=1" width="268" height="70"></a>
<a href="https://soundcloud.com/theconversationfrance/p-comme-politique-vaccinale"><img src="https://images.theconversation.com/files/359064/original/file-20200921-24-prmcs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=218&fit=crop&dpr=2" alt="Listen on Soundcloud" width="268" height="80"></a>
<a href="https://podcasts.apple.com/fr/podcast/p-comme-politique-vaccinale/id1532724019?i=1000504615619"><img src="https://images.theconversation.com/files/321534/original/file-20200319-22606-q84y3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=182&fit=crop&dpr=1" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="68"></a></p>
<p><strong><em>Quelques liens pour en savoir plus :</em></strong></p>
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<li>Le site de la Haute Autorité de santé, où est exposée la <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/p_3221237/fr/vaccins-covid-19-quelle-strategie-de-priorisation-a-l-initiation-de-la-campagne">stratégie vaccinale contre la Covid-19</a>, les critères de priorisation <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/p_3225633/fr/vaccination-contre-la-covid-19-la-has-precise-ses-recommandations-sur-la-priorisation-des-publics-cibles">des publics ciblés</a>, les recommandations concernant <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/p_3227179/fr/vaccination-contre-la-covid-19-la-has-definit-la-strategie-d-utilisation-du-vaccin-comirnaty">l’utilisation du vaccin à ARN de Pfizer-BioNtech</a>, etc. ;</li>
<li>Le site d’information du gouvernement sur les vaccins, <a href="https://vaccination-info-service.fr/">vaccination-info-service</a> ;</li>
<li>La page <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/vaccination">consacrée à la vaccination</a> sur le site de Santé Publique France ;</li>
<li>Le site de l’Agence de sécurité des médicaments et produits de santé, en charge de la <a href="https://www.ansm.sante.fr/S-informer/Actualite/Premier-point-de-situation-sur-la-surveillance-des-vaccins-contre-la-COVID-19">pharmacovigilance de la campagne de vaccination en cours</a>.</li>
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<p><em>L’émission « Les mots de la science » est animée par Iris Deroeux, journaliste à The Conversation, notamment en charge de la rubrique Fact check US dédiée à la politique américaine.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152845/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Cet épisode est dédié aux politiques vaccinales afin de comprendre quels ingrédients les composent, quels acteurs les façonnent, et les défis spécifiques que pose la Covid-19.Judith Mueller, Professor in epidemiology, École des hautes études en santé publique (EHESP) Iris Deroeux, journaliste , The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1492472020-11-02T20:00:33Z2020-11-02T20:00:33ZCovid-19 : écoles et contaminations, que dit la science ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/367049/original/file-20201102-19-h6m7lq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C1198%2C795&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Comme ces élèves d’une école primaire de Bischwiller, en Alsace, les enfants de plus de 6 ans devront désormais porter le masque durant leur journée scolaire.</span> <span class="attribution"><span class="source">Patrick Hertzog / AFP</span></span></figcaption></figure><p><em>Le gouvernement a opté pour un scénario de reconfinement maintenant les établissements d’enseignement primaires et secondaires ouverts. Vittoria Colizza, directrice de recherche Inserm au sein de l’Institut Pierre Louis d’épidémiologie et de santé publique (Inserm/Sorbonne Université) et Pascal Crépey, Épidémiologiste et biostatisticien à l’École des Hautes Études en Santé Publique, font le point sur ce que l’on sait actuellement du rôle des enfants et adolescents dans la dynamique de l’épidémie.</em></p>
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<p><strong>The Conversation France : Certaines personnes s’inquiètent du fait que les établissements d’enseignements primaires et secondaires restent ouverts pendant le confinement. Qu’en penser ?</strong></p>
<p><strong>Pascal Crépey :</strong> Soyons clairs : les enfants s’infectent aussi, donc ils peuvent être infectés et infecter d’autres gens. Ils peuvent même être à la base de clusters. Cependant, on sait aujourd’hui que, comparativement à d’autres maladies respiratoires comme la grippe, le coronavirus SARS-CoV-2 infecte les enfants dans des proportions moins importantes que les adultes. En outre, les enfants sont non seulement moins susceptibles à la maladie que les adultes, mais aussi moins transmetteurs.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/rentree-scolaire-la-covid-19-nest-definitivement-pas-une-maladie-pediatrique-145287">Rentrée scolaire : « La Covid-19 n’est définitivement pas une maladie pédiatrique »</a>
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<p>Le problème est qu’en biologie, le risque zéro n’existe pas, ce qui est encore plus difficile à accepter pour ses enfants que pour soi-même. C’est probablement ce qui complique ce débat. Rappelons qu’en France, on a dénombré depuis le début de l’épidémie 4 décès chez les 10-19 ans, sur plus de 36 000 décès recensés. Cela n’enlève rien au fait que c’est évidemment 4 de trop.</p>
<p><strong>Vittoria Colizza :</strong> Ce point explique probablement en partie la polarisation du débat, effectivement. Il me semble également qu’il y a eu un problème de communication : dans les milieux scientifiques, la question de la susceptibilité des enfants et de leur rôle dans la dynamique de l’épidémie a été étudiée très tôt, ce n’est pas une nouveauté. <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMms2024920">De nombreuses preuves étaient disponibles dès le mois de mai</a>, et elles ont depuis été confirmées à plusieurs reprises.</p>
<p>Les études ont révélé deux choses importantes : avant 20 ans, on est <a href="https://science.sciencemag.org/content/368/6498/1481">moins susceptibles</a> <a href="https://arxiv.org/pdf/2006.08471.pdf">à la maladie</a> <a href="https://www.nature.com/articles/s41591-020-0962-9">que le reste de la population</a>, et la <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.04.18.20071134v1">contagiosité des enfants</a> en <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.06.25.20140178v2">bas âge</a> <a href="https://science.sciencemag.org/content/early/2020/09/29/science.abd7672">est réduite</a>.</p>
<p>Autrement dit, si un individu de moins de 20 ans et un adulte plus âgé sont exposés au virus dans les mêmes conditions, le plus jeune a moins de risque d’être infecté. Cette situation rend moins favorable la transmission de personne a personne en milieu scolaire, par rapport a d’autres contextes « entre adultes », par exemple sur les lieux de travail.</p>
<p><strong>TCF : C’est un des points qui revient souvent dans les discussions : si les enfants, surtout en dessous de 10 ans, sont peu contagieux, pourquoi les priver de voir leurs grands-parents ? Et pourquoi les contraindre à porter un masque ?</strong></p>
<p><strong>VC :</strong> Décider si les enfants peuvent rencontrer leurs grands-parents ou pas est essentiellement une question de choix individuel : il faut bien comprendre qu’il n’existe pas de risque nul, mais un risque réduit par rapport à d’autres risques. Les autorités devraient être très explicites sur ce point, tout en soulignant qu’on peut diminuer ledit risque par le port du masque, le respect des distances… En Corée du Sud, par exemple, le port du masque en famille, à la maison, est recommandé.</p>
<p>Concernant le degré de contagiosité des plus jeunes, et donc la nécessité de leur faire porter le masque, il existe une synthèse de preuves, mais pas encore d’estimation précise. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a conseillé le port du masque à partir de 11 ans, dans les mêmes contextes que pour les adultes. Concernant les enfants moins âgés, elle a émis des recommandations dépendamment de la <a href="https://www.who.int/news-room/q-a-detail/q-a-children-and-masks-related-to-covid-19">situation épidémique, de l’accès aux masques et de la possibilité de poursuivre l’apprentissage dans de bonnes conditions</a>.</p>
<p>Certains pays ont décidé de faire porter aux plus jeunes le masque dès la rentrée de septembre. C’est par exemple le cas de l’Italie, où le masque est recommandé dès 6 ans, non seulement à l’école, mais aussi en dehors. Aux États-Unis, dès avant l’été, les CDC le recommandaient pour les enfants à partir de l’âge de deux ans.</p>
<p>La question qui se pose est la suivante : le coût du port du masque pour les enfants, en vue de limiter le risque, si minime soit-il, d’avoir une source de transmission supplémentaire du virus, est-il acceptable ? De nombreuses discussions ont eu lieu à ce sujet, autour notamment des difficultés que les enfants en bas âge pourraient avoir pour communiquer, de l’impact du masque sur le bien-être des enfants, sur leur apprentissage… Mais le port du masque constitue sans doute un frein supplémentaire à la propagation.</p>
<p><strong>TCF : Que sait-on de la transmission par les adolescents, qui développent des formes de la maladie différentes de celles des jeunes enfants, parfois plus proches de celles de l’adulte ?</strong></p>
<p><strong>VC :</strong> On sait qu’une fois que les adolescents sont infectés, ils vont transmettre le virus de façon assez similaire aux adultes asymptomatiques. L’Institut Pasteur a fait une étude sur des données provenant de l’Oise, qui démontre <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.04.18.20071134v1">l’impact de la fermeture des écoles avant la mise en place des mesures d’interventions</a>. À l’époque, dans ce département, le virus circulait déjà dans les lycées et les écoles.</p>
<p>Des enquêtes a posteriori, s’appuyant sur des analyses sérologiques, ont révélé que le taux d’attaque sur les lycéens était assez similaire à celui des enseignants et du personnel scolaire. Cela démontre que le lycée avait été un endroit de transmission. Avec les vacances scolaires, qui ont équivalu à une décision de fermeture des établissements, la propagation a chuté. Les adolescents peuvent donc être contaminants.</p>
<p>D’autres travaux du même type menés <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.06.25.20140178v2">dans les écoles</a> ont montré que les enfants y étaient beaucoup moins infectés que dans les lycées, et que certains, bien que testés positifs, n’avaient pas propagé pas le virus.</p>
<p>Ces résultats sont cohérents avec les preuves accumulées durant les derniers mois. Donc si l’on doit, pour maîtriser davantage l’épidémie, limiter encore plus le <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.05.08.20095521v2">risque de transmission</a>, on pourrait envisager de fermer lycées et collèges, ou au moins de réfléchir à des enseignements à distance partiels avec des rotations, pour limiter le problème du présentiel.</p>
<p>Car même si les jeunes portent des masques pendant les cours, d’autres moments de transmission existent au cours de la journée, comme lors de l’attente dans la file de la cantine, ou au cours des repas par exemple.</p>
<p><strong>TCF : Certains évoquent le cas de ce lycée de Jérusalem qui a été le point de départ d’une contamination importante en mai comme argument pour fermer les écoles.</strong></p>
<p><strong>VC :</strong> En ce qui concerne ce cas, l’information principale lorsqu’il est cité est souvent omise : la <a href="https://www.eurosurveillance.org/content/10.2807/1560-7917.ES.2020.25.29.2001352?mc_source=MTExMDY2Ojo6OTgxM2NkZDM4OGRjNGFlM2JhY2RhNWIyZTNlODhkOTE6OnYzOjoxNTk2NDc1MjIzOjox">flambée de contaminations est survenue durant une canicule de plusieurs jours</a>. Les autorités avaient décidé de fermer les fenêtres du lycée, de mettre la climatisation, et les adolescents ont été exemptés de porter leur masque. Or on sait que ce sont les conditions parfaites pour la circulation du virus.</p>
<p>En outre, le contexte socioculturel a joué un rôle essentiel. Une très forte propagation du virus a été observée dans le milieu orthodoxe, probablement liée à une observation moins efficace des mesures barrières. Or, on sait qu’il n’existe pas de frontières étanches entre les communautés qui composent une population : le virus a donc ensuite pu se propager au reste du pays.</p>
<p><strong>PC :</strong> Il faut souligner que la France n’est pas le seul pays à avoir reconfiné en maintenant ses écoles ouvertes. C’est par exemple aussi le cas de l’Irlande ou du Pays de Galles, et bientôt du Royaume-Uni tout entier. La Suisse, qui vient de renforcer ses mesures de contrôle de l’épidémie, n’en applique pas de nouvelles sur les écoles.</p>
<p>L’évolution du nombre de reproduction de l’épidémie au cours de la période estivale et pendant le mois de septembre (calculé à partir des données de tests positifs publiées par Santé Publique France) tend à montrer que les écoles ne sont pas l’épine dorsale de l’épidémie (<em>ndlr : aussi appelé <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/maladies/maladies-infectieuses/coronavirus/tout-savoir-sur-la-covid-19/article/comprendre-le-nombre-de-reproduction-r">« R effectif »</a>, le nombre de reproduction est une estimation, sur les 7 derniers jours, du nombre moyen d’individus contaminés par une personne infectée</em>).</p>
<p>Ce nombre s’est élevé anormalement pendant l’été, alors que les écoles étaient fermées, puis a sérieusement baissé à la rentrée, pour arriver au niveau national à des valeurs très proches de 1 (seuil en dessous duquel l’épidémie régresse). À cette période les écoles avaient rouvert. Si elles avaient été des foyers de contamination importants, on aurait dû assister à une explosion des cas. Cela ne s’est pas passé. L’épidémie a plutôt été mieux contrôlée en septembre, jusqu’à l’arrivée du mauvais temps qui a contribué à dégrader la situation.</p>
<p>Pour revenir sur le cas d’Israël, la fermeture des écoles fut l’une des premières mesures à être prise lors de la première vague (le 13 mars 2020) mais aucune baisse du nombre de cas positifs n’a été observée avant début avril, soit une dizaine de jours après leur confinement, mis en place le 22 mars.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lepidemie-avance-et-notre-marge-de-manoeuvre-se-reduit-148893">« L’épidémie avance et notre marge de manœuvre se réduit »</a>
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<p><strong>TCF : Certaines publications ont révélé que les enfants ont une charge virale quasiment identique à celle des adultes. Comment expliquer qu’ils sont moins source de contamination ?</strong></p>
<p><strong>VC :</strong> Il faut toujours tenir compte du fait que la charge virale n’est pas la seule composante du risque de transmission. Une des premières études chinoises sur l’épidémie montrait que ce risque augmentait en <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.03.24.20042606v1.full.pdf">fonction de la présence de symptômes et de leur gravité</a>. C’est assez compréhensible : si deux personnes ont la même charge virale, celle qui tousse fortement et fréquemment a plus d’occasions de transmettre le virus.</p>
<p>Surtout, le type d’activité que l’on pratique est particulièrement important. L’exemple du rassemblement évangélique de Mulhouse, qui a fortement dégradé la situation dans le Grand Est, est emblématique : de nombreuses personnes se sont rassemblées pour chanter, sur de longues périodes, dans des lieux clos… Des conditions de transmission idéales. Au Japon, de nombreux clusters ont émergé dans les bars à karaoké, que les autorités ont fini par interdire. Pour ces raisons, certains protocoles sanitaires recommandent de proscrire le chant dans les écoles.</p>
<p>C’est aussi une des raisons qui ont motivé les autorités à limiter ou interdire l’accès aux stades : les chants, les cris, la proximité augmentent le risque de transmission.</p>
<p><strong>TCF : Que répondez-vous aux gens qui disent qu’on ne voit pas d’effet dans les écoles parce qu’on ne teste pas ?</strong></p>
<p><strong>PC :</strong> La première chose à répondre c’est que c’est inexact. Sur la troisième semaine d’octobre, près de 220 000 tests ont été effectués chez les moins de 20 ans (dont 44 000 chez les moins de 10 ans). Sur la même semaine, il y en a eu 165 000 chez les plus de 70 ans. Rapporté à la taille des populations, leur taux de test est donc rigoureusement similaire : environ 2 % de ces populations ont été testés par semaine. On constate que les taux de positivité (<a href="https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/indicateurs-de-suivi-de-lepidemie-de-covid-19/">nombre de personnes testées positives sur une semaine</a>) sont plus élevés chez les personnes âgées (plus de 20 %) que chez les enfants et adolescents (12 % et 16 %). Il est vrai qu’il y a certainement un biais de sélection, lié à la présence de symptômes.</p>
<p><strong>VC :</strong> Oui : la positivité étant détectée chez les personnes qui ont des symptômes (et donc se font tester), il est effectivement plus difficile de détecter des enfants positifs, puisque l’infection ne déclenche généralement chez eux que peu de symptômes, voire aucun. L’importation du virus dans une classe passe généralement inaperçue jusqu’au moment où un adulte attrape la maladie et présente des symptômes. En retraçant ses contacts, il arrive qu’on trouve des enfants infectés dans la classe.</p>
<p>Nous avions estimé les <a href="https://www.epicx-lab.com/uploads/9/6/9/4/9694133/risk_of_introduction_at_school.pdf">risques d’introduction du virus à l’école</a> durant les premières semaines après la rentrée. Nos calculs avaient montré que l’importation pouvait être sous-estimée, parfois jusqu’à un facteur 10. Cela démontre qu’il est effectivement difficile de suivre la positivité des enfants.</p>
<p>Cependant, comme le soulignait Pascal, durant la deuxième moitié de septembre nous avons observé un ralentissement des hospitalisations. Or, en raison de l’histoire naturelle du virus notamment, ainsi que du délai entre l’infection et l’entrée à l’hôpital dans les cas graves, les hospitalisations surviennent toujours avec un délai sur ce qui les a entraînées. Cela signifie que les hospitalisations de la seconde moitié de septembre correspondent au début de la rentrée. Si les écoles avaient joué un rôle important dans l’épidémie, leur nombre aurait donc dû exploser. Or, ça n’a pas été le cas. En outre, les données dans les pays qui ont rouvert les écoles n’ont pas révélé d’augmentation forte de la maladie chez les enseignants.</p>
<p>On connaît assez bien aujourd’hui la façon dont ce virus se transmet. On sait que tous les moments où l’on ne porte pas de masque, où l’on ne garde plus une distance suffisante avec les autres, constituent clairement des situations à risque, surtout dans des lieux clos et insuffisamment aérés. Il faut donc veiller à ces points, et mettre en place des modes d’organisation qui limitent les risques de transmission, en particulier dans les moments tels que celui de la cantine. L’aération des locaux est aussi essentielle, surtout maintenant que l’on passe plus de temps en intérieur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149247/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vittoria Colizza a reçu des financements de l'ANR, de la Commission européenne, et du consortium REACTing.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pascal Crépey a reçu des financements de la Haute Autorité de Santé (HAS). </span></em></p>La France vit un second confinement pour tenter de juguler l’épidémie de Covid-19. Différence majeure par rapport à celui de mars : écoles, collèges et lycées restent ouverts. Analyse de la situation.Vittoria Colizza, Directrice de recherche - Institut Pierre Louis d’épidémiologie et de santé publique (Inserm/Sorbonne Université), InsermPascal Crépey, Professeur, département Méthodes quantitatives en santé publique (METIS), EA 7449 REPERES, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1413902020-07-12T17:42:57Z2020-07-12T17:42:57ZCovid-19 et biais d'ancrage : quand notre cerveau nous empêche de prendre la mesure du risque<p><em>Christelle Quéro, Docteur en sciences de gestion et Professeur à l’ISTEC Paris, est co-rédactrice de cet article.</em></p>
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<p>« Avoir le dernier mot ». Cet adage bien connu sous-entend que la dernière personne qui s’exprime l’emporte dans la discussion. L’idée implicite est que la dernière information exposée va créer un souvenir plus récent et ainsi, peut-être, amener à réévaluer un jugement donné. </p>
<p>Cependant, les recherches menées en psychologie cognitive n’accréditent pas un tel bénéfice. Au contraire, elles suggèrent que l’ordre dans lequel les informations sont fournies peut devenir un véritable handicap dès lors qu’il s’agit de modifier une attitude ou un comportement. Les individus ont notamment une nette tendance à raccrocher leur jugement à la première information qu’ils ont reçue (l’ancre) lorsqu’ils doivent prendre une décision dans un contexte baigné d’incertitude : c’est l’effet dit « d’ancrage-ajustement » </p>
<p>Dans le cadre de nos recherches universitaires, nous nous sommes intéressés à cet effet et à son influence sur le risque perçu lié au coronavirus SARS-CoV-2 et au respect du #ResterChezSoi.</p>
<h2>Qu’est-ce que l’effet d’ancrage ?</h2>
<p>L’effet d’ancrage-ajustement a été décrit dans les années 1970 par Daniel Kahneman (prix Nobel d’économie 2002) et Amos Tversky. </p>
<p>Ces deux experts en psychologie cognitive et économie comportementale ont étudié la façon dont les individus font évoluer leur jugement face à des faits complexes et incertains, comment ils se réfèrent à une information récente, puis procèdent éventuellement à un ajustement de leurs attitudes et comportements à partir des informations passées qu’ils ont reçues (leur « valeur initiale »). </p>
<p>Sur la base de ces travaux, plusieurs études ont révélé que, même si un individu est exposé à de nouvelles informations qui démontrent que les données passées sont imparfaites, inexactes ou en inadéquation avec une nouvelle situation, il garde en mémoire la première information reçue ou ajuste son jugement à l’aune non seulement des messages actuels, mais aussi des messages passés, si imprécis soient-ils. </p>
<p>Nous avons pu voir à l’œuvre les mécanismes de ce biais d’ancrage au cours de la récente pandémie de Covid-19. </p>
<h2>Biais d’ancrage et pandémie de coronavirus</h2>
<p>Quand nous nous retrouvons dans l’obligation de gérer une information complexe, incomplète et en condition d’incertitude, nous avons tendance à chercher des raccourcis pour globaliser et simplifier le problème auquel nous faisons face. Si une métaphore facile est offerte, nous l’adopterons d’autant plus facilement qu’elle nous rassurera et confortera notre jugement antérieur. </p>
<p>L’épidémie de COVID-19 due au coronavirus SARS-CoV-2 est un parfait exemple d’une telle situation d’incertitude, largement favorable au développement de l’effet d’ancrage. Et celui-ci n’a pas manqué de fonctionner à plein : la nouvelle maladie a ainsi été qualifiée, au début de l’épidémie, de « grippette », terme principalement issu des réseaux sociaux et relayé par les médias en continu. Cette métaphore rassurante a comblé, pendant un temps, une information défaillante, parcellaire, trop simple ou trop complexe à propos du SARS-CoV-2, émanant des autorités politiques et scientifiques. </p>
<h2>Un effet qui s’est renforcé</h2>
<p>En psychologie sociale, l’effet d’ancrage et l’ajustement qui lui succède sont influencés ou renforcés par les comportements ou les discours tenus par les autres : non-respect des règles par certains, échanges sur les réseaux sociaux, amplification médiatique, etc. Ils dépendent également de la personnalité, de l’expertise ou de la capacité cognitive des individus. Une fois présent, l’effet d’ancrage de la « grippette » s’est renforcé au fil du temps, pour diverses raisons. </p>
<p>Premièrement, les données chinoises étaient initialement relativement peu effrayantes au regard de ce que l’on a ultérieurement vécu en Europe. Deuxièmement, les symptômes initiaux de la maladie ressemblent effectivement à ceux de la grippe et ne sont pas forcément inquiétants au départ. Troisième point qui a conforté les gens dans l’idée d’une « grippette » : le fait qu’un grand nombre de malades ne présente qu’une forme légère, voire asymptomatique de la COVID-19. Dans le même ordre d’idée, le fait que les formes graves touchent très majoritairement les plus âgés, ou encore que 90 % des cas ont été guéris sans hospitalisation a également renforcé l’effet d’ancrage de la « grippette ». </p>
<p>En outre, d’autres informations ont augmenté la confusion, tel le fait qu’aujourd’hui encore, avec un bilan global de plus de <a href="https://coronavirus.jhu.edu/map.html">565 000 morts dans le monde</a> (au 12 juillet), les décès causés par la COVID-19 demeurent dans la fourchette haute d’un épisode grippal classique, qui entraîne selon les années <a href="https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/influenza-(seasonal)">290.000 à 650.000 décès selon l’OMS</a>. </p>
<p>D’autres facteurs sont aussi intervenus pour augmenter encore l’incertitude, comme une confusion entre taux de mortalité (rapporté à la population générale) et taux de létalité (par rapport au nombre de malades).</p>
<p>Afin de mieux appréhender ce phénomène dans le contexte de la crise sanitaire, nous avons mené une enquête, du 22 au 28 avril 2020 (donc pendant le confinement), auprès d’un échantillon national représentatif de 1566 Français. Les chiffres obtenus montrent que dans le contexte de l’épidémie de COVID-19, l’effet d’ancrage est un biais cognitif particulièrement robuste, qui bloque l’évolution des jugements et des attitudes.</p>
<h2>L’image de la « mauvaise grippe » reste ancrée chez certains</h2>
<p>Les résultats de notre enquête reflètent ce que nous enseigne la théorie de l’ancrage. Après plusieurs semaines durant lesquelles les médias, le pouvoir exécutif ou encore les professionnels de santé n’ont eu de cesse de démontrer la contagiosité du SARS-CoV-2 et d’informer sur sa dangerosité, un pourcentage non négligeable de la population restait encore peu convaincu, en pleine épidémie. </p>
<p>Ainsi, en avril, 28 % des personnes interrogées minimisaient encore le risque lié à la COVID-19, 34,9 % estimaient avoir une probabilité faible d’être contaminées et 35,6 % déclaraient ne pas risquer de conséquences graves en cas de COVID-19 (18,8 % des individus s’inscrivent dans la perception inverse). Ces travaux ont également révélé que 26,7 % des répondants jugeaient similaire le taux de mortalité de la COVID-19 et celui de la grippe saisonnière, et que 17,6 % restaient sur l’idée que la COVID-19 est « une mauvaise grippe ». </p>
<p>Dans cette même étude, nous avons ensuite invité les participants à déterminer leur niveau d’ajustement après avoir reçu des informations complémentaires. Les résultats indiquent que les positions initiales de certains individus vont marquer et biaiser leur jugement tout au long de la crise sanitaire. Malgré une communication persuasive largement construite sur la peur et relayée en continu par les médias, 16,4 % pensent encore avoir reçu la confirmation que la COVID-19 n’est qu’une grippe sévère. En revanche, 70,9 % ne sont plus en accord avec cette position et ont probablement révisé leur jugement. </p>
<p>Quand l’ancrage à la grippe reste prégnant, la représentation métaphorique des conséquences de la pandémie le reflète également. Seuls 10,3 % des personnes qui ont un ancrage « grippe » considèrent par exemple que les décès dus à la maladies sont « l’équivalent de plusieurs Airbus/Boeings qui s’écrasent tous les jours sur notre territoire » (contre 37,2 % sur l’ensemble de l’échantillon).</p>
<p>En ce qui concerne l’idée que ce sont les personnes âgées et/ou déjà atteintes de maladies graves qui se retrouvent aux urgences et en réanimation, 26,1 % des personnes interrogées n’ont pas ajusté leur jugement et restent sur sa valeur initiale. </p>
<h2>D’importantes conséquences en matière de santé publique</h2>
<p>Quelles ont été les conséquences des effets d’ancrage produits par les premières communications, au début de l’épidémie ? Les résultats sont assez édifiants : 53,1 % des participants sensibles à ce biais (soit 18,95 % de la population totale) ont une moindre perception du risque associé au coronavirus et 54,7 % (19,53 % de la population totale) ont eu tendance à minimiser l’intérêt du confinement. </p>
<p>On note également que 35 % des répondants n’ayant pas « ajusté » leur première opinion ne jugent pas efficaces les gestes barrières recommandés pour limiter la propagation du virus. Sur cette même population, on observe, une moyenne de 4,7 sorties par semaine pour des raisons autres que le travail, la santé et les courses de première nécessité. </p>
<p>En revanche, si 19 % des répondants avaient identifié au début des communications que les masques n’étaient pas utiles pour le grand public, après 5 semaines de confinement et à 15 jours du déconfinement, 72,4 % d’entre eux avaient révisé leur jugement sur ce dispositif de prévention…</p>
<p>Ces données suggèrent que les individus, lorsqu’ils se représentent la dangerosité du virus ou doivent mettre en place des comportements de prévention, sont sujets à un effet d’ancrage résultant, entre autres, d’une forte couverture par les médias et par les réseaux sociaux, de l’exposition à des fakenews, d’approximations, d’hésitations, d’interprétations de la réalité, d’un manque de confiance envers les politiques et scientifiques et d’une absence de discours de référence… </p>
<p>En conséquence, ils tendent à relativiser la virulence du SARS-CoV-2 et ses possibles graves conséquences sur une partie de la population, notamment plus jeune ou en bonne santé.</p>
<h2>Le biais d’ancrage a limité l’efficacité de la prévention</h2>
<p>L’effet d’ancrage a eu pour effet de limiter l’ajustement et le changement rapide des comportements qui aurait été nécessaire pour éviter la propagation de la maladie au début de l’épidémie : adoption des gestes barrières, port du masque, etc.</p>
<p>De plus, il a amplifié le choc et le stress ressentis lorsque les autorités ont annoncé mi-mars aux Français qu’ils devaient rester confinés chez eux. Entre stupeur et sidération, la population a dû adopter rapidement, contrainte et forcée, un comportement inédit, et prendre conscience d’un danger imminent où l’ennemi invisible est potentiellement partout.</p>
<p>C’est une leçon importante à retenir : pour faire évoluer rapidement les comportements, fournir des informations justes et s’appuyer sur les faits ne suffit pas. Il faut aussi trouver le juste équilibre entre formules, canaux médiatiques, acteurs – notamment en matière de crédibilité de la source, et communiquer au moment approprié, en gardant à l’esprit que les citoyens vont de manière réflexe se référer aux informations reçues antérieurement. Un exercice difficile, mais indispensable pour que la prévention ait le dernier mot.</p>
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<p><em>Les auteurs remerciement les financeurs de l’étude (IAE-Lille, LEM UMR 9221 CNRS et ISTEC – Paris) ainsi que Panelabs pour sa collaboration.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141390/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dominique Crié a reçu des financements de l'IAE Lille et du LEM UMR 9221 CNRS. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Karine Gallopel-Morvan a reçu des financements publics de INCa et IRESP. </span></em></p>Le biais d’ancrage est un travers psychologique qui peut faire chavirer la perception du risque et les mesures de prévention de la COVID-19.Dominique Crié, Professeur des Universités, Université de LilleKarine Gallopel-Morvan, professeur santé publique, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.