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émissions – The Conversation
2023-01-10T20:44:45Z
tag:theconversation.com,2011:article/195980
2023-01-10T20:44:45Z
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Heurs et malheurs de la couche d’ozone à travers son histoire
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/503822/original/file-20230110-14-kyvg8x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=84%2C12%2C2062%2C1170&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2006, le trou de la couche d'ozone (en bleu et violet) atteignait une taille record moyenne: 27,5 millions de kilomètres carrés</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:NASA_and_NOAA_Announce_Ozone_Hole_is_a_Double_Record_Breaker.png">NASA</a></span></figcaption></figure><p>Un <a href="https://ozone.unep.org/system/files/documents/Scientific-Assessment-of-Ozone-Depletion-2022-Executive-Summary.pdf">récent rapport</a> du programme pour l’environnement des Nations unies annonce que le « trou » de la couche d’ozone serait bien en train de se refermer <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/01/09/climat-la-reconstitution-de-la-couche-d-ozone-est-en-bonne-voie_6157178_3244.html">grâce à l’arrêt progressif de l’utilisation de gaz qui détruisent la couche d’ozone, comme les chlorofluorocarbures (CFC)</a>. Une bonne nouvelle à plusieurs titres, notamment car la couche d’ozone empêche une partie des rayonnements ultraviolets, nocifs, de pénétrer jusqu’à nous.</p>
<p>La couche d’ozone a toujours été fragile, attaquée de l’intérieur par des gaz présents dans l’atmosphère (dont certains d’origine anthropique, comme les CFC). Mais elle est aussi attaquée de l’extérieur par les particules interstellaires du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rayonnement_cosmique">« rayonnement cosmique »</a>, auquel la Terre est soumise en permanence ! Ces particules cosmiques déclenchent une cascade de réactions chimiques qui détruisent les molécules d’ozone. Heureusement, le champ magnétique terrestre dévie en grande partie ce flux de particules et protège la couche d’ozone… normalement.</p>
<p>La protection de la couche d’ozone par le champ magnétique varie en effet, comme lui, dans le temps. Nous avons en effet récemment montré que <a href="https://academic.oup.com/pnasnexus/article/1/4/pgac170/6678862">ce n’est pas la première fois que l’épaisseur de la couche d’ozone varie</a>. D’après nos résultats, il y a 40 000 ans, au moment de la disparition de Néandertal, la couche d’ozone aurait été plus fine qu’à notre époque.</p>
<h2>Enquêter sur la couche d’ozone au temps de Néandertal</h2>
<p>La <a href="https://www.nature.com/articles/nature13621">disparition mystérieuse de Néandertal</a> ne s’est pas faite en un jour. Elle résulte sûrement d’une combinaison de nombreux facteurs. Un élément avéré est qu’elle est très proche dans le temps d’une baisse de l’intensité du champ magnétique terrestre, ce qui a amené certains auteurs à relier les deux événements.</p>
<p>En effet, l’affaiblissement du champ magnétique aurait pu engendrer un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0277379110003434">amincissement de la couche d’ozone</a>, qui protège la surface terrestre des rayons ultraviolets du soleil. Or, on sait maintenant que ceux-ci augmentent le <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1034/j.1600-0781.2002.02782.x">risque de cancers de la peau</a>, <a href="https://pubs.rsc.org/en/content/articlehtml/2003/pp/b211156j">altèrent la vue, et impactent les capacités immunitaires</a>. Des <a href="https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1029/2018RG000629">effets néfastes</a> contre lesquels Néandertal aurait été moins bien équipé que <em>Sapiens</em>, le rendant plus sensible à la hausse des rayons UV.</p>
<p>Comment savoir si la couche d’ozone a été réellement amincie il y a 40 000 ans ? Peut-on reconstruire cette épaisseur au fil de l'histoire ?</p>
<h2>Apparition et dynamique de la couche d’ozone</h2>
<p>Depuis son apparition, la <a href="https://www.ipsl.fr/Pour-tous/Les-dossiers-thematiques/La-couche-d-ozone-et-le-trou-d-ozone/La-couche-d-ozone-et-son-role">couche d’ozone</a> joue un rôle fondamental dans la présence et l’évolution de la vie sur Terre. En effet, l’ozone est un gaz qui absorbe une partie des rayons UV émis par le Soleil. La couche d’ozone permet donc d’éviter que ces rayons UV ne parviennent jusqu’à la surface des continents.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/499813/original/file-20221208-14410-p3m533.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/499813/original/file-20221208-14410-p3m533.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/499813/original/file-20221208-14410-p3m533.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/499813/original/file-20221208-14410-p3m533.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/499813/original/file-20221208-14410-p3m533.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=327&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/499813/original/file-20221208-14410-p3m533.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/499813/original/file-20221208-14410-p3m533.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/499813/original/file-20221208-14410-p3m533.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=411&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La couche d’ozone se trouve dans la stratosphère. Elle filtre les rayons ultraviolets, mais peut être attaquée de l’extérieur par les rayons cosmiques et par l’intérieur par le dioxyde d’azote, un polluant courant.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Guillaume Paris, Université de Lorraine</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si la Terre est vieille d’environ 4,5 milliards d’années, la couche d’ozone, elle, est apparue bien plus tard. En effet, l’ozone (O<sub>3</sub>) est produit par un ensemble de réactions chimiques à partir de l’oxygène (O<sub>2</sub>), qui n’est apparu dans l’atmosphère qu’il y a 2,4 milliards d’années.</p>
<p>Depuis, l’ozone formé se retrouve à la base de stratosphère, à 35 kilomètres d’altitude, juste au-dessus de la troposphère. Là, il peut être détruit soit par d’autres gaz, comme les CFC, soit par les particules du rayonnement cosmique non déviées par le champ magnétique terrestre.</p>
<h2>Quand le champ magnétique terrestre ne protège plus l’atmosphère</h2>
<p>Or, il y a environ 41 000 ans, le champ magnétique terrestre a connu un affaiblissement majeur, voire une <a href="https://www.nationalgeographic.fr/espace/il-y-a-42-000-ans-une-excursion-du-champ-magnetique-a-bouleverse-la-vie-sur-terre">inversion temporaire</a> de sa polarité, pendant quelques siècles.</p>
<p>Cet affaiblissement du champ magnétique, bien connu des géologues sous le nom d’« excursion magnétique de Laschamps », aurait été suffisamment marqué pour que les particules cosmiques pénètrent jusqu’à la couche d’ozone et y détruisent des molécules d’O<sub>3</sub>. Plus de rayons UV auraient alors pu atteindre la surface de la Terre.</p>
<p>C'est pour ces raisons que cet évènement a été <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0277379110003434">proposé</a> comme une des causes de la disparition des Néandertalien·ne·s puisqu’<em>Homo neanderthalensis</em> n'aurait pas eu <a href="https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1029/2018RG000629">pas la même capacité de lutte contre les effets néfastes des UV</a> qu’<em>Homo sapiens</em>. </p>
<p>Comme aucune donnée n'avait jusqu'à présent permis de confirmer de manière directe un amincissement de la couche d'ozone à cette époque, nous avons cherché à savoir si certaines particules atmosphériques de cette époque, piégées depuis dans les glaces polaires, avaient été ou non exposées aux UV. </p>
<p>Grâce à cette information, nous pouvons évaluer si la couche d'ozone les a protégées du rayonnement solaire - et donc en déduire l'épaisseur de celle-ci lors de la disparition de Néandertal. </p>
<h2>L’épaisseur de la couche d’ozone enregistrée dans la glace des pôles</h2>
<p>Nous avons <a href="https://academic.oup.com/pnasnexus/article/1/4/pgac170/6678862">étudié</a> les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Isotopes_du_soufre">isotopes</a> d’aérosols de soufre piégés dans des échantillons de carottes de glace formée à cette époque.</p>
<p>Les aérosols sont des microparticules en suspension. Certains contiennent du soufre, dont les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Isotopes_du_soufre">isotopes</a> peuvent nous aider. Un isotope du soufre est un atome de soufre avec une masse très légèrement différente des autres, et les isotopes du soufre des aérosols ne réagissent pas tous pareils aux rayons UV.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/503850/original/file-20230110-24-o3wppc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/503850/original/file-20230110-24-o3wppc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503850/original/file-20230110-24-o3wppc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=209&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503850/original/file-20230110-24-o3wppc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=209&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503850/original/file-20230110-24-o3wppc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=209&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503850/original/file-20230110-24-o3wppc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=263&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503850/original/file-20230110-24-o3wppc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=263&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503850/original/file-20230110-24-o3wppc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=263&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Mécanismes d’acquisition de l’« empreinte UV » des aérosols. Avec la couche d’ozone actuelle, les rayons UV néfastes n’atteignent pas la troposphère et seuls les aérosols émis par les éruptions stratosphériques acquièrent une empreinte UV. Avec une couche d’ozone plus mince, comme lors de l’excursion magnétique du Laschamps, les aérosols n’atteignant pas la stratosphère acquièrent une telle empreinte car les rayons UV pénètrent plus bas dans l’atmosphère et atteignent la surface des continents.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Guillaume Paris</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Si un aérosol est exposé aux UV, le rapport des différents isotopes du soufre enregistre une « empreinte UV ». Cette « empreinte » permet ainsi d’aider à comprendre si les aérosols soufrés émis par une éruption volcanique ont été, ou non, soumis aux rayons UV. Si c’est le cas, cela veut dire que ces aérosols ont circulé au-dessus de la couche d’ozone, dans la stratosphère. Cela implique donc que l’éruption a été particulièrement puissante : on parle d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89ruption_stratosph%C3%A9rique">éruption « stratosphérique »</a>.</p>
<p>Cette méthode a par le passé permis de retrouver dans les carottes de glace l’empreinte de l’éruption du <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/tambora-volcan/2-l-eruption-de-1815-et-ses-consequences-en-indonesie/">Tambora</a>. Cette éruption, bien qu’ayant eu lieu en Indonésie, généra des couchers de soleil flamboyants en Europe qui ont inspiré le peintre <a href="https://meteofrance.com/magazine/meteo-histoire/meteo-fait-histoire/1816-lannee-sans-ete-et-leruption-du-tambora">William Turner</a>. Deux cents ans plus tard, <a href="https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1029/2009GL040882">grâce aux isotopes du soufre</a> d’aérosols projetés par le volcan, puis piégés des carottes de glace, les géochimistes ont pu reconstituer la dynamique atmosphérique des émissions du volcan. Ils ont montré que ses cendres sont restées de longs mois dans la stratosphère avant de retomber sur Terre, perturbant le climat et l’agriculture.</p>
<p>Pour comprendre l’évolution de l’épaisseur de la couche d’ozone lors de l’excursion magnétique de Laschamps, nous avons utilisé les isotopes du soufre d’une manière un peu différente. En effet, nous avons extrait des aérosols piégés dans les glaces antarctiques lors de l’excursion magnétique il y a 40 000 ans. Ces aérosols ne sont pas associés à une éruption stratosphérique comme celle du Tambora : au contraire, ils sont restés dans la troposphère et ont dû – en théorie – être protégés des UV par la couche d’ozone.</p>
<p>Or, l’« empreinte UV » de ces aérosols montre qu’ils ont été soumis aux rayons UV. Ceux-ci pénétraient donc assez bas dans l’atmosphère : cela implique que la couche d’ozone laissait passer davantage de rayonnement solaire et qu’elle était plus mince qu’aujourd’hui, sans qu’on puisse vraiment parler de trou.</p>
<p>Ces résultats sont la première observation directe d’un amincissement passé de la couche d’ozone et en fait un mécanisme possible pour la disparition des Néandertalien·ne·s.</p>
<h2>Une couche d’ozone toujours menacée</h2>
<p>De nos jours, d’autres menaces existent et les activités humaines mettent en danger la couche d’ozone. En effet, un certain nombre de réactions chimiques sont liées aux gaz libérés par les activités de nos sociétés thermo-industrielles. En 1985, un <a href="https://www.nature.com/articles/315207a0">« trou »</a> de la couche d’ozone apparu au-dessus de l’Antarctique été mis en évidence par <a href="https://www.nature.com/articles/498435a">Joe Farman</a> et ses collaborateurs. Celui-ci a été causé par les chlorofluorocarbones, une famille de gaz anciennement présents dans les systèmes de réfrigérations, utilisé en grande quantité à partir des années 1950. En 10 ans, la chimie industrielle à grande échelle avait ainsi entraîné la destruction de 40 % de l’ozone de notre atmosphère.</p>
<p>Moins qu’un trou, il s’agit en réalité d’une zone au-dessus des pôles où les concentrations en O<sub>3</sub> de la couche d’ozone sont très faibles. La <a href="https://www.canada.ca/fr/services/environnement/meteo/changementsclimatiques/mesures-internationales-canada/protocole-montreal.html">signature du protocole de Montréal en 1987</a> a abouti à l’arrêt de l’utilisation de ces gaz, mais le trou ne se résorbe que très lentement.</p>
<p>De plus, de nombreux autres gaz et particules émis par les humains contribuent toujours à détruire l’ozone, comme le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Protoxyde_d%27azote">protoxyde d’azote</a> (N<sub>2</sub>O). Ce puissant gaz à effet de serre est émis notamment par <a href="https://www.infometha.org/pour-aller-plus-loin/le-cycle-de-lazote/emissions-de-protoxyde-dazote-par-lagriculture">l’épandage et les engrais azotés</a>. La hausse de sa concentration dans l’atmosphère non seulement contribue au réchauffement climatique, mais aussi à la dégradation de la couche d’ozone. Malgré les accords de Montréal, les humains continuent donc de prendre le risque d’amincir cette enveloppe qui protège la vie sur Terre.</p>
<p>Cette menace anthropique est d’autant plus sérieuse que l’intensité du champ magnétique terrestre a décru de près de 20 % depuis 150 ans et sur les dernières décennies baisse à une vitesse <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rsta.2000.0569">10 fois supérieure au taux moyen normal</a>.</p>
<p>Cette baisse de l’intensité du champ va-t-elle perdurer et, sous l’effet d’actions humaines concomitantes, sera-t-elle associée à la création d’une « fenêtre UV » ayant des conséquences sur la santé des populations ?</p>
<p>Mieux nous comprendrons l’histoire et la réactivité de la couche d’ozone, mieux nous pourrons appréhender ces questions actuelles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195980/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Paris a reçu des financements du CNRS pour cette étude (programme LEFE-IMAGO de l'Institut National des Sciences de l'Univers) . L'étude mentionnée a été rédigée par Sanjeev Dasari, postdoctorant financé par une bourse Marie Skłodowska-Curie.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Julien Charreau a reçu des financements du CNRS pour cette étude (programme LEFE-IMAGO de l'Institut National des Sciences de l'Univers)</span></em></p>
La couche d’ozone s’est déjà amincie dans le passé au moment de la disparition de Néandertal.
Guillaume Paris, Géochimiste, chargé de recherche CNRS au Centre de recherches pétrographiques et géochimiques de Nancy, Université de Lorraine
Julien Charreau, Professeur des université en géologie, Université de Lorraine
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/192969
2022-11-08T19:01:06Z
2022-11-08T19:01:06Z
Images de science : le méthane fuit (aussi) naturellement du fond des mers
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/490835/original/file-20221020-19-lk4gdj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C1%2C1020%2C680&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un plongeur mesure le débit d’une sortie naturelle de gaz dans la mer Noire.</span> <span class="attribution"><span class="source">©Ifremer, Olivier Dugornay</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Nous sommes bien loin du spectacle de la mer Baltique en ébullition à la suite des <a href="https://www.liberation.fr/international/europe/gazoduc-nord-stream-2-les-fuites-colmatees-par-la-pression-de-leau-20221001_OTR2C7N7URECXJDPHQYZVX3JIE/">fuites de méthane sur les gazoducs Nord Stream</a>. Mais cette image montre le travail minutieux d’un plongeur de l’Ifremer qui, muni d’un échantillonneur, mesure le débit d’une sortie naturelle de gaz constitué à 98 % de méthane. Elle a été prise lors d’une campagne scientifique en septembre 2022 à Varna, sur le littoral bulgare en mer Noire, dans le cadre d’une étude sur les impacts du méthane sur le climat et les écosystèmes marins.</p>
<p>Moins connu que le dioxyde de carbone (CO<sub>2</sub>), le méthane est un gaz à effet de serre 20 fois plus puissant à l’échelle du siècle, 80 fois plus puissant à l’échelle de 20 ans. Il est couramment admis que 60 % des émissions de méthane sur Terre sont liées aux activités humaines (agriculture, énergie, déchets…), et que 40 % sont d’origine naturelle.</p>
<p>Ces émissions naturelles ont lieu surtout dans les zones humides (tourbières, mangroves, marécages, etc.), les zones de fonte du permafrost, mais aussi au niveau des fonds marins. C’est celui-ci qui intéresse l’équipe de la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=cudqy1Ig8po">campagne METZE</a> qui a récemment eu lieu en mer Noire.</p>
<h2>Du méthane dissous dans la mer</h2>
<p>Car la mer Noire est le plus important bassin de méthane dissous de la planète : elle est le réceptacle de plusieurs grands fleuves d’Europe et d’Asie (Danube, Dniepr, Dniestr, Don, Kizilirmak, etc.) et de toute la matière organique naturelle, issue des végétaux et animaux, qu’ils charrient sans oublier celle produite par les activités anthropiques alentour, agriculture, industrie agroalimentaire, industrie chimique… Toute cette matière organique se dépose au fond, sédimente et se décompose, ce qui, au fil du temps, génère du méthane.</p>
<p>Plusieurs <a href="https://www.bsgf.fr/articles/bsgf/abs/2017/03/bsgf160032/bsgf160032.html">études</a> <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00367-019-00611-0">témoignent</a> d’une grande densité d’émissions naturelles de gaz en mer Noire, depuis le littoral jusqu’aux zones les plus profondes (plus de 2000 mètres). Aujourd’hui, notre équipe cherche à cartographier ces zones, dénombrer les sorties de gaz, mesurer leur débit, et à savoir quel est le devenir de ce gaz dans l’eau et dans l’air. En effet, une fois émis dans l’eau de mer, le méthane réagit avec l’oxygène dissous et le consomme pour produire du bicarbonate (un ion polyatomique, HCO<sub>3</sub><sup>-</sup>).</p>
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<p>Ceci peut provoquer une acidification locale ainsi qu’une désoxygénation de l’eau de mer. Celles-ci impactent les écosystèmes et menacent la biodiversité marine si le cycle naturel du carbone est perturbé par les activités humaines (apport additionnel de matière organique par exemple) ou le changement climatique. Il faut savoir qu’en mer Noire, les poissons sont condamnés à vivre dans les 150 à 200 premiers mètres de profondeur, en deçà, l’eau est dépourvue d’oxygène.</p>
<p>La mer Noire est la mer la plus pauvre en oxygène de la planète et les émissions de méthane pourraient accentuer cette tendance. Étudier les émissions de méthane est donc aussi utile pour mieux comprendre les processus physico-chimiques qui provoquent la désoxygénation de la mer Noire et évaluer ses conséquences sur les populations de poissons.</p>
<h2>Qui peut rejoindre l’atmosphère</h2>
<p>Selon l’intensité des émissions, une partie plus ou moins importante du méthane est transférée dans l’atmosphère et contribue à son réchauffement. Pour comprendre l’ensemble de ces phénomènes en cascade et leurs impacts, nous devons dresser le <a href="https://www.nature.com/articles/s41561-021-00715-2">bilan des émissions de méthane dans ces zones</a> et comprendre comment et dans quelles mesures certains facteurs environnementaux (saisons, évènements extrêmes tels que les tempêtes, etc.) affectent la variabilité des débits et le transfert à l’atmosphère.</p>
<p>Ces informations permettront d’améliorer les modèles climatiques, mais aussi de mieux évaluer la résilience des écosystèmes marins et ainsi mettre en place des procédures adaptées pour leur préservation en limitant notamment les apports en matière organique anthropique.</p>
<p>Au-delà des émissions naturelles de méthane du littoral bulgare, la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0264817220305687">majeure partie du méthane de la mer Noire est piégée dans les sédiments profonds sous forme de « glaçons »</a> appelés <a href="https://wwz.ifremer.fr/grands_fonds/Les-enjeux/Les-applications/Ressources-energetiques/Les-hydrates-de-gaz">hydrates de gaz</a>. Leur <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-017-02271-z">fonte avérée préoccupe les scientifiques</a>, car elle s’accélère sous l’effet de l’infiltration d’eau salée dans le sédiment (l’eau salée déstabilise les hydrates et inhibe leur formation), accentuant la libération du méthane dans l’eau.</p>
<p>Bien d’autres <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00394/50579/51270.pdf">sites sous-marins d’émissions naturelles de gaz</a> sont connus dans le monde et notamment plus près de nous <a href="https://wwz.ifremer.fr/Espace-Presse/Communiques-de-presse/Plus-de-2600-sorties-de-methane-decouvertes-dans-le-Golfe-de-Gascogne">dans le golfe de Gascogne</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192969/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Livio Ruffine a reçu des financements d'organisations publiques pour ses travaux de recherche. </span></em></p>
La mer Noire est le plus important bassin de méthane dissous de la planète, mais il y en a aussi dans le golfe de Gascogne. D’où vient-il et quels sont ses impacts ?
Livio Ruffine, Chercheur en Physico-chimie, Ifremer
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tag:theconversation.com,2011:article/164192
2021-10-05T14:27:37Z
2021-10-05T14:27:37Z
L’oxyde nitreux, un puissant gaz à effet de serre, est en augmentation dans les zones mortes des océans
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/412251/original/file-20210720-27-1txusza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C7%2C5166%2C3177&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Aux Bermudes, les sédiments des mangroves consomment l’oxyde nitreux (N2O) présent dans l’eau de mer. La restauration des écosystèmes côtiers pourrait contribuer à freiner le changement climatique. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>En octobre 2019, j’ai fait partie d'une équipe de scientifiques à bord du John P. Tully, un navire de la garde-côtière canadienne, qui a navigué pendant une semaine au large de l’île de Vancouver. Malgré une mer agitée et le manque de sommeil, nous avons travaillé coude à coude dans une petite chambre froide à analyser des sédiments marins. Nous cherchions à mieux comprendre comment les faibles taux d’oxygène affectent l’environnement des grands fonds marins.</p>
<p>En mourant, les organismes marins coulent et leur décomposition consomme l’oxygène présent, créant de véritables bandes pauvres en oxygène (dite hypoxiques) que l’on appelle « zones mortes », étant inhabitables pour la plupart des organismes.</p>
<p>Les zones mortes, bien qu’il s’agisse d’un phénomène naturel, tendent à apparaître après le déversement d’engrais et d’eaux usées dans les zones côtières, provoquant la prolifération d’algues, qui meurent puis se décomposent.</p>
<p><a href="https://aslopubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/lol2.10174">L’une des études</a> réalisées lors de cette expédition suggère que les sédiments des eaux hypoxiques constituent une source importante d’oxyde nitreux (N2O). Lorsque survient une remontée d’eau, le gaz remonte à la surface pour être libéré dans l’atmosphère.</p>
<p>L’oxyde nitreux (N2O), aussi appelé « gaz hilarant », est un puissant gaz à effet de serre : son effet est 300 fois supérieur à celui de dioxyde de carbone (CO<sub>2</sub>) – en plus d’être le <a href="https://science.sciencemag.org/content/326/5949/123">premier agent destructeur</a> de la couche d’ozone. Les émissions mondiales de N2O <a href="https://essd.copernicus.org/articles/10/985/2018/">augmentent</a> en raison de l’activité humaine, qui en stimule la production.</p>
<h2>Les points chauds du N2O</h2>
<p><a href="https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/02/WG1AR5_Chapter06_FINAL.pdf">Le quart des émissions</a> mondiales de N2O proviennent des océans, quoique les scientifiques cherchent à préciser cette estimation. Le gros des <a href="https://www.nature.com/articles/ngeo2469">recherches</a> s’est concentré sur les zones de minimum d’oxygène, sources importantes de N2O.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="Une" src="https://images.theconversation.com/files/407532/original/file-20210621-21-13m4dt1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/407532/original/file-20210621-21-13m4dt1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/407532/original/file-20210621-21-13m4dt1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/407532/original/file-20210621-21-13m4dt1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/407532/original/file-20210621-21-13m4dt1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/407532/original/file-20210621-21-13m4dt1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/407532/original/file-20210621-21-13m4dt1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Expériences d’incubation de sédiments en cours dans une chambre froide à bord du Tully.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Brett Jameson</span></span>
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<p>Le réchauffement océanique découlant des changements climatiques entraîne <a href="https://oceana.ca/en/blog/climate-change-driving-ocean-oxygen-declines">l’expansion des zones</a> de minimum d’oxygène dans les sept mers. D’où les <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmars.2019.00157/full">spéculations</a> quant à l’augmentation des émissions maritimes de N2O, ce qui accélérerait les changements climatiques. Or, nos résultats indiquent que l’on peut s’attendre à une production encore plus importante de N2O là où les eaux dépourvues d’oxygène sont en contact avec le fond.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/369797/original/file-20201117-13-180ibt9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/369797/original/file-20201117-13-180ibt9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/369797/original/file-20201117-13-180ibt9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/369797/original/file-20201117-13-180ibt9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/369797/original/file-20201117-13-180ibt9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/369797/original/file-20201117-13-180ibt9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/369797/original/file-20201117-13-180ibt9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><strong>Cet article fait partie de notre série Océans 21</strong><br><em>Notre série a été lancée avec <a href="https://oceans21.netlify.app/">cinq articles en profondeur</a>. Ne manquez pas les nouveaux articles sur l’état de nos océans à l’approche de la prochaine conférence des Nations unies sur le climat, COP26. Cette série vous est proposée par le réseau international de The Conversation.</em></p>
<p>L’azote, composante essentielle à la vie sur Terre, existe dans la nature sous des formes diverses. Certains types de microbes utilisent des composés à base d’azote (ammoniaque, nitrate) pour produire l’énergie nécessaire au fonctionnement des cellules. C’est au cours des réactions métaboliques qui transforment l’azote entre différents états que le N2O s’échappe dans l’environnement en tant que sous-produit.</p>
<h2>Les mangroves comme banques de N2O</h2>
<p>À l’automne 2020, notre équipe s’est rendue aux Bermudes pour mesurer les émissions de N2O d’une mangrove vierge, en collaboration avec l’Institut océanographique des Bermudes. Grâce à ces sédiments peu profonds accessibles en apnée, nous avons pu y étudier en détail le cycle du N2O dans diverses conditions.</p>
<p>Nous avons constaté que les sédiments du fond marin des mangroves bermudiennes étaient des consommatrices nettes de N2O présent dans l’eau de mer. Cet effet de « puits de N2O » <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmars.2016.00040/full">avait déjà été décrit</a> dans d’autres systèmes vierges, dont des estuaires, des <a href="https://www.nature.com/articles/srep25701">mangroves</a> et même <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/1943815X.2010.497492">sur la terre ferme</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="un" src="https://images.theconversation.com/files/407534/original/file-20210621-34897-vz0ybj.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/407534/original/file-20210621-34897-vz0ybj.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/407534/original/file-20210621-34897-vz0ybj.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/407534/original/file-20210621-34897-vz0ybj.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/407534/original/file-20210621-34897-vz0ybj.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/407534/original/file-20210621-34897-vz0ybj.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/407534/original/file-20210621-34897-vz0ybj.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’auteur remorquant des échantillons dans une mangrove des Bermudes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Brett Jameson</span></span>
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<p>La capacité de ces zones à aspirer le N2O atmosphérique est liée aux concentrations de nutriments azotés. Lorsque les nutriments azotés sont peu présents, la production d’oxyde nitreux est inhibée. Et les habitats marins deviennent alors des consommateurs nets.</p>
<p>À l’inverse, ce rôle de puits peut s’inverser : les sédiments agissent alors comme <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/gcb.12923">source nette de N2O</a> dans l’atmosphère.</p>
<p>Cela se produit s’ils sont soumis à une charge azotée accrue provenant du ruissellement agricole et des eaux usées urbaines. Les mangroves et autres écosystèmes littoraux dans cette situation tendent alors à devenir émetteurs.</p>
<p>Des incertitudes subsistent encore quant à savoir dans quelle mesure les environnements vierges agissent comme tampon. Jusqu’à présent, la plupart des études se sont concentrées sur des régions d’Europe et d’Asie densément peuplées et fortement perturbées qui émettent du N2O. Il reste beaucoup à apprendre sur le rôle des habitats marins vierges en tant que puits et sur leur influence globale sur les bilans mondiaux.</p>
<h2>Cibler les engrais</h2>
<p>La réduction des émissions marines de N2O est donc liée au problème plus complexe du ralentissement de la croissance et de la propagation des zones marines à minimum d’oxygène. Néanmoins, la mise en œuvre d’actions de conservation et de restauration des environnements côtiers vierges représente une solution efficace réalisable à court terme.</p>
<p>À l’heure actuelle, les pratiques agricoles sont responsables de <a href="https://theconversation.com/new-research-nitrous-oxide-emissions-300-times-more-powerful-than-co-are-jeopardising-earths-future-147208">plus des deux tiers</a> des émissions mondiales de N2O. Par conséquent, on consacre beaucoup d’attention à <a href="https://fertilizercanada.ca/wp-content/uploads/2018/08/NERP-Science-Review-Paper-.pdf">réduire la quantité d’azote</a> excédentaire provenant des engrais. Les nutriments non absorbés par les plantes sont captés dans les cours d’eau et aboutissent dans l’océan. Les politiques contre la surutilisation des engrais profitent donc aux écosystèmes aquatiques adjacents.</p>
<p>Toutefois, pour plus d’effet, il faudrait adopter une approche multidimensionnelle portant également sur le développement côtier et les déversements urbains.</p>
<p>2021 marque le début de la Décennie des Nations unies pour les sciences océaniques au service du développement durable [oceandecade.org/]. Étudier le lien entre océans et changements climatiques n’a jamais été aussi important.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/164192/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Brett Jameson reçoit des fonds de l'Université de Victoria, du Réseau canadien pour des océans sains (CHONe), du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) et de l'Institut des sciences océaniques des Bermudes.</span></em></p>
L’oxyde nitreux est un gaz à effet de serre, 300 fois plus puissant que le CO₂. Les émissions de N2O sont en hausse en raison de l’impact des activités humaines sur les écosystèmes océaniques.
Brett Jameson, PhD Candidate in Biological Oceanography , University of Victoria
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tag:theconversation.com,2011:article/158903
2021-04-19T17:18:59Z
2021-04-19T17:18:59Z
À l’échelle mondiale, aucun découplage à attendre entre PIB et consommation d’énergie
<p>Pour évaluer l’empreinte carbone d’un pays, sont prises en compte non seulement les émissions générées localement, mais aussi celles incluses dans les produits importés. Sans quoi, la délocalisation hors du pays d’une partie de ses activités industrielles donnerait l’illusion qu’il a réduit son empreinte carbone. Celle de la France est par exemple de 11 tCO<sub>2</sub>/hab, alors que les émissions liées à la seule production nationale ne sont <a href="https://www.hautconseilclimat.fr/rapport-2019">que de 5 tCO₂/hab</a>.</p>
<p>Il convient de raisonner de façon similaire pour calculer l’empreinte énergétique du PIB, c’est-à-dire la quantité d’énergie primaire nécessaire pour produire les biens et les services consommés, en comptabilisant aussi celle dépensée pour fabriquer les biens et services importés. Là encore, la baisse du contenu énergétique d’un pays sera illusoire si dans le même temps il délocalise ses activités industrielles, et rapatrie ensuite les produits qu’il ne fait plus.</p>
<p>S’il apparaît logique que la hausse du PIB s’accompagne d’une progression de l’énergie utilisée, la corrélation peut se complexifier sur le long terme, en tenant compte de plusieurs facteurs : les économies d’énergie liées à une amélioration des équipements utilisateurs d’énergie, la substitution entre formes d’énergie (certaines sont plus efficaces que d’autres), l’évolution de la structure du PIB (la tertiarisation du PIB tend à réduire le contenu énergétique, toutes choses égales par ailleurs).</p>
<p>Tentons d’y voir plus clair en repartant de la réalité concrète que l’on veut mesurer à travers ces calculs.</p>
<h2>PIB, énergie et transformation de la matière</h2>
<p>Tout bien ou service s’obtient par diverses transformations de la matière, dont l’approche physique permet d’effectuer les bilans énergétiques, et dont la comptabilité monétaire contribue au PIB.</p>
<p>Consommation d’énergie et PIB représentent donc deux façons de comptabiliser les mêmes transformations de la matière. Le passage d’une comptabilité à l’autre est ainsi analogue à un simple changement d’unité, qui doit se traduire par une relation linéaire entre PIB et consommation d’énergie – en considérant ici que les activités non marchandes ne représentent qu’une petite partie de la production de biens et de services. Les données empiriques confirment-elles ce raisonnement ?</p>
<p>Penchons-nous d’abord sur les chiffres nationaux, qui semblent défier cette affirmation. Les cas de l’Allemagne et du Royaume-Uni révèlent ainsi depuis les années 1970 une progression du PIB à énergie à peu près constante, puis une augmentation du PIB associée à une diminution d’énergie.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/394777/original/file-20210413-17-ovp2o8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/394777/original/file-20210413-17-ovp2o8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/394777/original/file-20210413-17-ovp2o8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/394777/original/file-20210413-17-ovp2o8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/394777/original/file-20210413-17-ovp2o8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/394777/original/file-20210413-17-ovp2o8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=478&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/394777/original/file-20210413-17-ovp2o8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=478&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/394777/original/file-20210413-17-ovp2o8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=478&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">En ordonnée, PIB en milliards de dollars ; en abscisse, consommation d’énergie primaire en milliards de tonnes équivalent pétrole. Les points correspondent aux années 1960-1965-… -2015.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Our World in Data</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des contrastes saisissants entre l’Europe et l’Asie</h2>
<p>Lorsque l’on agrège ces cinq pays représentatifs de l’Europe, on décèle trois régimes, caractérisés par une pente différente de la relation PIB/énergie : le premier avant les chocs pétroliers des années 1970 ; le second, marqué par une brusque rupture de pente, sans doute associée à une nette amélioration de l’efficacité énergétique ; et dans les dernières années, un troisième régime marqué par une progression du PIB associée à une diminution de la consommation d’énergie primaire.</p>
<p>Une partie de cette évolution s’explique par une modification de la structure du PIB mais aussi par les progrès constatés dans l’efficacité énergétique. La variable explicative est bien évidemment le prix de l’énergie : les chocs pétroliers ont rendu l’énergie plus chère, ce qui a conduit à davantage d’efficacité et à des substitutions entre formes d’énergie.</p>
<p>Plus récemment, c’est l’introduction d’un prix du carbone dans les pays industrialisés qui peut expliquer les efforts consentis pour réduire la consommation unitaire des produits. Mais cette mesure a aussi pour conséquence de favoriser les « fuites » de carbone, ce qui revient à délocaliser les industries polluantes.</p>
<p>Ces trois régimes se confirment si l’on ajoute les données relatives à l’Amérique du Nord. Un premier changement de pente en 1975, effet du premier choc pétrolier, et l’amorçage au début des années 2000 dans les pays riches d’un « découplage fort » : un PIB croissant avec moins d’énergie.</p>
<figure class="align-center zoomable">
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<figcaption>
<span class="caption">En abscisse, la consommation d’énergie primaire en milliard de tonnes équivalent pétrole ; en ordonnée, le PIB en milliards de dollars. Les points correspondent aux années 1960-1965… 2015 à gauche et 1970-1975… 2015 à droite (manque de données avant).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Our World in Data</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le contraste est frappant avec l’Asie de l’Est, où on observe une tendance qui semble confirmer la proposition initiale d’une relation linéaire entre PIB et consommation d’énergie.</p>
<p>Quant aux régions du monde non représentées ici – Asie du Sud, Amérique latine, Afrique – elles suivent la même tendance que l’Asie de l’Est, avec quelques décennies de décalage.</p>
<p>Or ces pays se caractérisent par un poids croissant des activités industrielles – c’est en particulier le cas en Chine.</p>
<h2>Un découplage plus apparent que réel</h2>
<p>Agrégeons à présent l’ensemble des données mondiales. Nous identifions alors deux régimes, avec une légère amélioration de l’efficacité énergétique amorcée à partir de la fin des années 1990, mais pas de « découplage fort ».</p>
<p>Dans la mesure où cette évolution apparaît au moment où la Chine entre massivement sur le marché planétaire, on peut proposer l’interprétation suivante : pour analyser la relation entre PIB et énergie, il faut considérer des entités économiquement autonomes, ou tenir compte des échanges internationaux. C’est uniquement dans ces conditions que l’on comptabilise les mêmes transformations de la matière, à la fois dans le calcul de leurs consommations énergétiques et dans leurs contributions au PIB.</p>
<p>Depuis les années 2000, nombre d’activités indispensables pour le fonctionnement des sociétés et très gourmandes en énergie ont été délocalisées, notamment en Chine. Le « découplage » dans les pays riches est plus apparent que réel, il s’agit surtout des effets de leur « désindustrialisation partielle ».</p>
<p>Une relation linéaire entre PIB et consommation d’énergie semble bien confirmée par les données agrégées à l’échelle mondiale, avec une pente légèrement croissante, correspondant à une amélioration à long terme de l’efficacité énergétique.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/394783/original/file-20210413-17-tfrpi1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/394783/original/file-20210413-17-tfrpi1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/394783/original/file-20210413-17-tfrpi1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/394783/original/file-20210413-17-tfrpi1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/394783/original/file-20210413-17-tfrpi1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/394783/original/file-20210413-17-tfrpi1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/394783/original/file-20210413-17-tfrpi1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/394783/original/file-20210413-17-tfrpi1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Analyse par grandes régions du monde. Monde (1970-2015), Asie de l’Est (1970-2015), Amérique du Nord + France + Allemagne + Royaume-Uni + Italie + Espagne (1960-2015). La fine ligne bleue brisée trace les deux tendances.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Banque mondiale</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À l’échelle mondiale, la croissance économique continuera donc à s’accompagner d’une progression de la consommation d’énergie, à des rythmes variables selon les périodes.</p>
<p>À l’échelle régionale et a fortiori à l’échelle nationale, il en ira différemment. La croissance économique impliquera une consommation d’énergie moindre, grâce aux améliorations techniques et aux modifications structurelles du PIB.</p>
<p>Mais l’énergie économisée dans certains pays sera utilisée dans d’autres pour le compte des premiers. La forte chute de la consommation d’énergie finale attendue en France d’ici à 2030 selon la PPE, et qui devrait s’accompagner d’une forte réduction des émissions de CO<sub>2</sub>, risque ainsi de masquer des consommations et des émissions délocalisées.</p>
<p>Pour affiner notre connaissance de l’impact énergétique lié au PIB d’un pays, il apparaît donc indispensable de tenir aussi compte du contenu énergétique de ses importations, dans un contexte d’économies nationales mondialisées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/158903/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Comme son impact carbone, le contenu énergétique du PIB des pays riches est largement faussé par la délocalisation de leur industrie.
Jacques Treiner, Physicien théoricien, chercheur associé au laboratoire LIED-PIERI, Université Paris Cité
Jacques Percebois, Professeur émérite à l'Université de Montpellier, chercheur à l'UMR CNRS Art-Dev, Université de Montpellier
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tag:theconversation.com,2011:article/105469
2018-11-13T23:07:39Z
2018-11-13T23:07:39Z
Quand le rappeur Sofiane invite des chercheurs à « rentrer dans le Cercle »
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/243756/original/file-20181103-83632-1pr5as.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C8%2C1896%2C863&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Capture d'écran de l'émission « Rentre dans le Cercle » à laquelle ont participé les auteurs de cet article. </span> <span class="attribution"><span class="source">https://www.youtube.com/watch?v=UggGtXdH3tA</span></span></figcaption></figure><p>Tout est parti d’un <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-enseignants-chercheurs-devraient-tweeter-104214">simple tweet</a>. Dans ce message, nous demandions au rappeur Sofiane, dit Fianso, l’une des figures incontournables de la scène hexagonale, si nous pouvions venir assister au tournage de son émission rap <a href="https://www.youtube.com/playlist?list=PLCJzyrL5XauEr6ftvWH1YBNCnShezbfQM">« Rentre dans le cercle »</a> en tant qu’observateurs, ce à quoi il a répondu : « pourquoi pas ».</p>
<p>Quelques échanges plus tard, nous avons même été invités à intervenir dans l’émission, qui avait d’ailleurs déjà fait l’objet d’une analyse publiée <a href="https://theconversation.com/les-rappeurs-sont-ils-des-leaders-en-puissance-pour-que-le-management-entre-dans-le-cercle-100927">sur The Conversation</a>. Puisqu’elle est diffusée sur la chaîne YouTube du même nom et cumule entre 500 000 et un million de vues à chaque épisode, ce fut une formidable occasion de présenter, en quelques minutes, nos travaux en cours et à venir autour du hip-hop management dans la lignée de l’<a href="http://www.editions-ems.fr/livres/collections/gestion-en-liberte/ouvrage/338-introduction-au-hip-hop-management.html">ouvrage fondateur</a> de Jean‑Philippe Denis, professeur à l’Université Paris-Sud (voir sa chronique <a href="https://theconversation.com/columns/jean-philippe-denis-191179">#HipHopManagement</a>).</p>
<p>Vous pouvez retrouver notre intervention à partir de 12’00 dans la vidéo, tournée à la fin du mois d’août 2018, ci-dessous :</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/UggGtXdH3tA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Tarik Chakor, Hugo Gaillard et Léo Denis dans « Rentre dans le Cercle » S2 E8 à partir de 12’00.</span></figcaption>
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<p>Cette émission, comme le présente Sofiane lui-même et comme nous le reprenions dans notre premier article, vise à « réunir dans un même projet la crème dans le Cercle, la crème des kickers (c’est-à-dire rappeurs), la crème des médias, la crème des majors, la crème des DJ’s, toutes les branches de nos métiers ».</p>
<p>Elle avait attiré quelques mois auparavant notre œil de chercheur en gestion, non pas tant pour le fond des textes (encore que certains <em>lyrics</em> méritent vraiment que l’on s’y attarde) que pour les interactions entre les artistes, les manières de faire du rappeur-animateur Fianso ou encore la fonction fédératrice de l’émission qui, quoi qu’on en dise, n’a rien à envier aux « petits déjeuners thématiques » où de nombreux managers s’empressent d’aller recueillir la bonne parole ou la bonne pratique.</p>
<h2>Un enjeu de taille : instaurer la confiance</h2>
<p><a href="https://theconversation.com/les-rappeurs-sont-ils-des-leaders-en-puissance-pour-que-le-management-entre-dans-le-cercle-100927">L’article initial</a> posait un certain nombre d’hypothèses : le Cercle comme organisation inclusive, organisation apprenante, et comme organisation reposant sur un manager-leader qui pourrait, par l’observation, questionner et alimenter nos réflexions autour du leadership et de l’innovation, notamment managériale.</p>
<p>La démarche n’était donc pas envahissante ni même colonisatrice : il ne s’agissait pas d’aller dire au monde du rap comment il fonctionne, ni même de lui prêcher une quelconque « vulgate managériale », mais, au contraire, d’extraire des éléments d’élaboration afin d’alimenter l’état de nos connaissances dans ce domaine.</p>
<p>Historiquement, le <a href="https://aoc.media/opinion/2018/10/16/rap-medias-longue-histoire-de-defiance/">monde du rap entretient des relations complexes avec les partenaires extérieurs, notamment médiatiques</a>. Certainement parce qu’ils sont nombreux à avoir tenté de se l’approprier, de le déposséder, d’en faire un art de salon… L’enjeu était donc de taille pour nous : instaurer la confiance, à la fois à l’intérieur du Cercle, mais aussi à l’extérieur auprès des férus de management qui (peut-être), restent dubitatifs sur l’apport potentiel d’un tel terrain pour les sciences de gestion.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-hip-hop-doit-il-devenir-frequentable-54635">Le hip-hop doit-il devenir fréquentable ?</a>
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<p>Pour ce faire, nous avons adopté une posture d’observation participante, à la fois acteur et observateur de l’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=ST3UkwQ57N0">épisode 7 de la saison 2</a> de « Rentre dans le Cercle ». Nous avons ensuite été interviewés lors de l’épisode 8, pour, en quelque sorte, « dire ce que nous faisions là ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1036655502833405952"}"></div></p>
<p>L’intérêt des parties était réciproque : pour nous, étudier ce que le monde du rap, et plus largement du hip-hop, peut potentiellement apporter au monde de l’entreprise ; et, pour le rappeur, échanger avec des chercheurs pouvant « mettre des mots » sur certaines réalités vécues sur le terrain… Ainsi, au-delà des quelques minutes de tournage où nous échangeons, notamment autour <a href="https://youtu.be/sPNWQzHHm88">des travaux de Jean‑Philippe Denis sur le hip-hop management</a>, nous avons pu avoir hors antenne un échange poussé avec le rappeur autour de sa conception du leadership. Un moment aussi intéressant pour son contenu que pour la clairvoyance de Sofiane, qui est venue confirmer notre hypothèse initiale d’un leadership inspirant et incarné par le rappeur.</p>
<h2>Leadership par le bas et légitimité du « terrain »</h2>
<p>L’un des premiers enseignements repose sur la conscience par le rappeur-animateur de l’existence d’intérêts divers et variés des participants à l’émission et de la nécessité de les gérer de manière transparente. En effet, Sofiane tend à exercer son rôle en toute authenticité avec les nombreux participants, une relation de franchise inscrite dans un contexte socioculturel où elle est perçue et vécue systématiquement comme une vertu par les parties prenantes.</p>
<p>Le rappeur fait ainsi preuve d’une capacité à tisser des liens différenciés vis-à-vis des partenaires qu’il rencontre, adaptant son discours en fonction de la célébrité des participants, de leur parcours, de leur ancienneté dans le milieu, de leur reconnaissance, de l’historique de leur relation, ou encore en fonction de leur appartenance ou non au staff du Cercle, etc. Son autorité semble acceptée de tous, certainement en raison des intérêts que chacun a à se montrer dans l’émission, du fait de la popularité de celle-ci, notamment dans le milieu du rap. C’est finalement en se mettant au service de son organisation que le rappeur se retrouve porté par elle : un leadership par le bas, ou par la base, qui se maintient et qui se renforce en permanence.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/podcast-ce-que-le-rap-dit-de-notre-societe-102624">Podcast : Ce que le rap dit de notre société</a>
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<p>Expert en gestion de conflits et prise en compte des divergences, Sofiane fait preuve d’une connaissance fine des historiques entre acteurs, ce qu’il qualifie lui-même de « géopolitique de quartier ». Cette image est évocatrice d’un réel sens des réalités et de leurs enjeux, toujours dans l’optique d’un bon fonctionnement de son organisation, son « bébé » : le Cercle. La force de son leadership est évidemment complétée par une légitimité issue du « terrain », qui conduit certainement les acteurs à s’identifier à son modèle de réussite : il n’est donc pas seulement un leader que l’on respecte, mais aussi une ligne d’arrivée que beaucoup souhaitent, consciemment ou inconsciemment, dépasser. Par son travail incarné, il motive, engage et permet la projection.</p>
<h2>Intelligence situationnelle</h2>
<p>L’une des interrogations du <a href="https://theconversation.com/les-rappeurs-sont-ils-des-leaders-en-puissance-pour-que-le-management-entre-dans-le-cercle-100927">premier article</a> était la capacité du rappeur-animateur à exercer dans un contexte désitué, différent de celui au sein duquel il évolue le plus fréquemment. Nous renvoyons pour répondre à cette interrogation aux différents passages de l’individu <a href="https://www.mouv.fr/culture/sofiane-foule-le-tapis-rouge-de-l-un-des-plus-prestigieux-festivals-de-cinema-du-monde-347060">au cinéma</a>, sur <a href="https://www.youtube.com/watch?v=lvgTILjamh4">France Inter</a>, ou <a href="https://www.youtube.com/watch?v=F7gbznaHTCI">France Culture</a>, ou encore <a href="https://www.facebook.com/MouvRadio/videos/le-magnifique-la-pi%C3%A8ce-avec-sofiane-musique-dissam-krimi/10156462766578349/">au théâtre</a> pour avoir une idée de l’intelligence situationnelle qu’il est capable de mobiliser.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/F7gbznaHTCI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Nous terminerons sur une phrase prononcée par le rappeur lui-même lors de nos échanges, dans le cadre d’une discussion plus large sur les caractéristiques et les objectifs d’un leader. Elle illustre toute l’importance de son organisation d’un point de vue personnel, mais aussi pour protéger son secteur d’activité, qu’il estime sans cesse victime d’OPA par des structures (maisons de disque, industrie de la musique, etc.) qui lui en feraient perdre tout son sens :</p>
<blockquote>
<p>« L’objectif principal est d’asseoir ma position de contrôle : comme le pétrole vient de chez nous, il faut installer un comptoir et réguler le prix du baril. »</p>
</blockquote>
<p>Ce territoire de recherche innovant permet de mettre en lumière plusieurs perspectives que nous avons, pour certaines, déjà engagées. En vrac : rap et langage managérial, rap et entrepreneuriat, management des rappeurs, en plus de cette réflexion déjà entamée sur le leadership. Bref, vous n’avez pas fini d’entendre parler de hip-hop management…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/105469/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugo Gaillard est membre de l'Institut du pluralisme religieux et de l’athéisme (IPRA). Il conseille en parallèle de son travail de recherche des entreprises et administrations sur les questions de faits religieux et de laïcité au travail, de GRH et d'insertion professionnelle.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Tarik Chakor ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Témoignage : des chercheurs en management ont été invités à participer à une émission rap. Voici les quelques enseignements sur le leadership qu’ils en retirent.
Hugo Gaillard, Doctorant en Sciences de Gestion et chargé de cours en GRH, Le Mans Université
Tarik Chakor, Maître de conférences en sciences de gestion - Université Savoie Mont Blanc, Membre de la chaire Management et Santé au travail, Université Grenoble Alpes (UGA)
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tag:theconversation.com,2011:article/104627
2018-10-25T22:10:53Z
2018-10-25T22:10:53Z
Le fleuve Amazone, maillon essentiel du cycle mondial du carbone
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/241815/original/file-20181023-169828-1lj1ioe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le fleuve Amazone déverse en 8 heures le volume d’eau potable consommé par les Français en un an.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://earthobservatory.nasa.gov/images/9072/sunglint-on-the-amazon-river-brazil">NASA </a></span></figcaption></figure><p>Jaïr Bolsonaro, vainqueur le 7 octobre du premier tour de l’élection présidentielle brésilienne avec plus de 46 % des voix, a promis s’il était élu de faire sortir son pays de l’Accord de Paris sur le climat.</p>
<p>Et pourtant, le Brésil – qui abrite une grande part de la forêt amazonienne et du bassin versant du fleuve Amazone –, a un rôle fondamental à jouer dans la lutte contre le réchauffement climatique.</p>
<p>L’Amazone est un fleuve gigantesque. Avec un débit moyen de <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/rseau/2010-v23-n3-rseau3946/044688ar/">206 000 m³ d’eau par seconde</a>, il déverse en 8 heures le volume d’eau potable consommé par l’ensemble des Français en un an. Traversant la forêt la <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/la-foret-amazonienne-compte-390-milliards-d-arbres-de-16-000-especes_11558">plus étendue et la plus productive au monde</a>, il transporte avec lui des feuilles mortes, l’eau de pluie ruisselant des sols environnants, des sédiments de diverses origines, en un mot une « soupe de carbone » sous forme particulaire ou dissoute.</p>
<p>Dans les régions tropicales où l’eau des fleuves descend rarement en dessous de 25°, ce carbone organique (c’est-à-dire issu des plantes terrestres ou aquatiques) est <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5243796/">dégradé rapidement par des bactéries</a>. Il peut être converti en CO<sub>2</sub> (ou en méthane, autre gaz à effet de serre) et repartir dans l’atmosphère en quelques heures, voire en quelques minutes seulement.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/242299/original/file-20181025-71032-zstfe3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/242299/original/file-20181025-71032-zstfe3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/242299/original/file-20181025-71032-zstfe3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/242299/original/file-20181025-71032-zstfe3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/242299/original/file-20181025-71032-zstfe3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/242299/original/file-20181025-71032-zstfe3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/242299/original/file-20181025-71032-zstfe3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/242299/original/file-20181025-71032-zstfe3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Bassin versant de l’Amazone selon les estimations les plus récentes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://earthobservatory.nasa.gov/images/92432/the-water-is-wider">Joshua Stevens/NASA Earth Observatory</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Le rôle de l’Amazone dans le flux global de CO<sub>2</sub></h2>
<p>De façon générale, les fleuves sont des sources de CO<sub>2</sub> pour l’atmosphère. Ces dernières années, les estimations du flux global de CO<sub>2</sub> en provenance des fleuves et des lacs n’ont fait qu’augmenter, passant de <a href="https://www.researchgate.net/publication/225715965_Plumbing_the_Global_Carbon_Cycle_Integrating_Inland_Waters_into_the_Terrestrial_Carbon_Budget">0,7 Gt C par an</a> (Gt désignant gigatonnes, c’est-à-dire un milliard de tonnes) jusqu’à <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmars.2017.00076/full">2,9 Gt C annuels</a>.</p>
<p>Il ne s’agit pas là d’une augmentation réelle du flux mais d’un réajustement considérable des estimations. Cette augmentation est en partie liée à une meilleure estimation des surfaces d’eau douce, à plus grand nombre de mesures effectuées dans les systèmes aquatiques terrestres et à des progrès dans notre compréhension du transfert gazeux. Mais cela s’explique aussi et surtout par une meilleure prise en compte du fleuve Amazone qui représenterait dans les estimations les plus récentes <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmars.2017.00007/full">près de 50 % du flux global de CO₂ issus des eaux continentales</a>.</p>
<h2>Quand l’Amazone rencontre l’Atlantique</h2>
<p>Mais l’impact de l’Amazone ne s’arrête pas à son embouchure. L’énorme masse d’eau douce déversée par le fleuve forme, à la surface de l’océan, une pellicule d’eau moins salée, moins dense, qui s’étend sur des centaines de kilomètres carrés.</p>
<p>Ce panache est riche en nutriments – tels que le nitrate, le phosphate ou encore le fer – et fertilise ainsi des algues microscopiques, appelées phytoplancton. Bien qu’invisibles à l’œil nu, ces micro-algues ont un rôle essentiel dans le cycle global du carbone.</p>
<p>Comme les plantes terrestres, le phytoplancton pratique la photosynthèse : il consomme de très grandes quantités de carbone dissous et rejette de l’oxygène. Une fois le phytoplancton mort ou brouté par le zooplancton, une partie de ce carbone fixé est entraîné sous forme de détritus vers les profondeurs de l’océan ; il peut y rester stocké pendant des centaines, voire des milliers d’années s’il atteint les sédiments marins.</p>
<p>La prolifération phytoplanctonique générée par l’Amazone réduit ainsi la concentration en carbone des eaux du panache. Quand la surface de l’océan est sous-saturée en CO<sub>2</sub>, c’est-à-dire que la pression partielle de CO<sub>2</sub> de l’eau est inférieure à celle de l’air, l’océan a tendance à absorber le CO<sub>2</sub> atmosphérique.</p>
<p>C’est exactement ce qui se passe dans le panache de l’Amazone alors que le reste de l’Océan Atlantique tropical, le plus souvent sur-saturé, a tendance à rejeter du CO<sub>2</sub>. Selon une <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmars.2017.00278/full">étude récente</a>, environ 34 millions de tonnes de carbone seraient exportés chaque année par les eaux en marge continentale guyanaise, qui ne représentent qu’une partie du panache.</p>
<h2>Barrages et sécheresses</h2>
<p>Cet équilibre de sources et puits de CO<sub>2</sub> est actuellement menacé par les activités humaines. Ainsi les barrages hydro-électriques, en stoppant ou ralentissant l’écoulement de l’eau, ont tendance à augmenter le <a href="http://www.co2.ulg.ac.be/pub/regnier_et_al_2013.pdf">dégazage de CO₂</a> mais aussi et surtout de <a href="http://www2.cnrs.fr/presse/communique/3673.htm">méthane</a>.</p>
<p>Or malgré un infléchissement récent du gouvernement brésilien, plusieurs <a href="https://www.nature.com/articles/nature22333">centaines de barrages sont encore en projet</a> sur l’Amazone et ses tributaires, tandis que <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00027-014-0377-0">140 barrages</a> sont déjà construits ou actuellement en construction.</p>
<p>Par ailleurs, les preuves s’accumulent et tendent à montrer que les <a href="https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/grl.50377">cycles hydrologiques du bassin amazonien sont en train de changer</a>. Ces dernières décennies, des périodes de sécheresse extrême (en 2005, 2010 et 2015) ont alterné avec des inondations violentes et spatialement étendues. Ces évènements sont attribuables à la fois à des phénomènes locaux et globaux.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/241823/original/file-20181023-169822-1vc89gl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/241823/original/file-20181023-169822-1vc89gl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/241823/original/file-20181023-169822-1vc89gl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=500&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/241823/original/file-20181023-169822-1vc89gl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=500&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/241823/original/file-20181023-169822-1vc89gl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=500&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/241823/original/file-20181023-169822-1vc89gl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=628&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/241823/original/file-20181023-169822-1vc89gl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=628&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/241823/original/file-20181023-169822-1vc89gl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=628&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Exemple des anomalies de précipitations en octobre 2016, pendant la sécheresse de 2015-2017 (données compilées par le Global Precipitation Climatology Center).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.esrl.noaa.gov/psd/data/gridded/data.gpcc.html">NOAA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Localement, la <a href="http://advances.sciencemag.org/content/4/2/eaat2340">déforestation entraîne un déficit d’évapotranspiration</a>, c’est-à-dire qu’il y a moins de vapeur d’eau dans l’air, ce qui provoque des sécheresses. De plus, les zones déboisées facilitent le ruissellement de l’eau et aggravent les inondations et les glissements de terrain.</p>
<p>De façon plus globale, le régime des pluies dans le bassin amazonien est contrôlé par les anomalies de température de l’eau de surface dans l’océan Pacifique équatorial (phénomène ENSO) et celles de l’océan Atlantique tropical. Il reste difficile de discriminer, pour chaque évènement extrême, entre l’effet d’une variabilité naturelle du climat et l’impact du changement climatique.</p>
<p>Cependant, ce dernier a une influence certaine sur les phénomènes météorologiques de grande échelle, comme l’ENSO, et donc sur la <a href="https://www.theguardian.com/environment/climate-consensus-97-per-cent/2018/sep/12/warming-oceans-are-changing-the-worlds-rainfall">quantité d’eau entrant dans le bassin amazonien</a>.</p>
<h2>Recherches en cours</h2>
<p>En réduisant la croissance des arbres et en accroissant leur mortalité et le risque d’incendie, chaque période de sécheresse diminue pendant des années la <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-018-05668-6">capacité de la forêt amazonienne à absorber du CO₂</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/242300/original/file-20181025-71020-y6d4wp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/242300/original/file-20181025-71020-y6d4wp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/242300/original/file-20181025-71020-y6d4wp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/242300/original/file-20181025-71020-y6d4wp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/242300/original/file-20181025-71020-y6d4wp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/242300/original/file-20181025-71020-y6d4wp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/242300/original/file-20181025-71020-y6d4wp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/242300/original/file-20181025-71020-y6d4wp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Impact de la sécheresse de 2010 sur la végétation. Les zones rouges indiquent un nombre de feuilles réduit ou qui contiennent moins de chlorophylle. Données acquises par satellite (MODIS).</span>
</figcaption>
</figure>
<p>De plus, l’intensification du cycle hydrologique pousse le débit de l’Amazone vers des extrêmes, augmentant le pic de mai-juin et diminuant le bas débit de septembre-novembre. Ces plus grandes variations du débit modifient l’apport en nutriments à l’océan, bouleversant en conséquence la dynamique phytoplanctonique et le cycle du carbone marin.</p>
<p>Ces perturbations n’ont pas encore été clairement identifiées ou quantifiées et font l’objet de plusieurs recherches en cours (<a href="http://uppeople.ethz.ch/DomitilleLouchard/modeling-the-amazon-river-plume.html">comme ici</a>, <a href="https://eos.org/project-updates/the-amazon-rivers-ecosystem-where-land-meets-the-sea">là</a> ou <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmicb.2017.01358/full">encore ici</a>).</p>
<p>Jaïr Bolsonaro, s’il est élu dimanche prochain, le 28 octobre, peut désengager son pays de l’Accord de Paris mais cela n’empêchera pas l’Amazone d’être un maillon important du cycle global du carbone, impacté et impactant le système climatique mondial.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104627/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Domitille Louchard a reçu des financements EU H2020-MSCA-ITN, project C-CASCADES (grant n°643052). </span></em></p>
Déforestation, sécheresse, multiplication des barrages… L’Amazone fait face à des perturbations croissantes qui ont un impact sur les flux de gaz à effet de serre émis par ce gigantesque fleuve.
Domitille Louchard, Doctorante en océanographie biogéochimique, Swiss Federal Institute of Technology Zurich
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/99246
2018-08-23T21:49:35Z
2018-08-23T21:49:35Z
Le concours du plus mauvais polluant de l’air
<p>Dans un rapport publié le 28 juin 2018, l’<a href="https://www.anses.fr/fr/content/qualit%C3%A9-de-l%E2%80%99air-ambiant-l%E2%80%99anses-pr%C3%A9conise-la-surveillance-du-13-butadi%C3%A8ne-et-un-suivi">Agence nationale de sécurité sanitaire</a> (Anses) a présenté une liste de 13 nouveaux polluants de l’air à surveiller en priorité.</p>
<p>Une série de polluants de l’air, nocifs pour la santé humaine, est déjà réglementée et placée sous étroite surveillance au niveau européen (selon les directives de <a href="https://www.airparif.asso.fr/_pdf/directive15122004.pdf">2004</a> et de <a href="https://www.airparif.asso.fr/_pdf/directive21042008.pdf">2008</a>) : NO<sub>2</sub>, NO, SO<sub>2</sub>, PM<sub>10</sub>, PM<sub>2,5</sub>, CO, benzène, ozone, benzo(a)pyrène, plomb, arsenic, cadmium, nickel, mercure gazeux, benzo(a)anthracène, benzo(b)fluoranthène, benzo(j)fluoranthène, benzo(k)fluoranthène, indéno(1,2,3,c,d)pyrène et dibenzo(a,h)anthracène.</p>
<p>Si certains sont bien connus et souvent cités dans la presse, comme l’ozone ou les particules PM<sub>10</sub> et PM<sub>2,5</sub>, d’autres demeurent beaucoup plus confidentiels. Il faut également souligner que cette liste demeure limitée au regard du nombre important de substances émises dans l’atmosphère.</p>
<p>Comment ces 13 nouveaux polluants identifiés par l’Anses ont-ils été choisis ? Sur quels critères ? C’est ce que nous proposons d’expliquer ici.</p>
<h2>La sélection des candidats</h2>
<p>Identifier de nouvelles substances présentes dans l’air ambiant, à surveiller en priorité, constitue un travail long mais passionnant. C’est un peu comme choisir le bon candidat dans un concours de beauté ! Il faut tout d’abord sélectionner des juges indépendants et des experts du domaine, puis définir les règles qui permettront de repérer les meilleurs candidats parmi les concurrents.</p>
<p>Le groupe de travail réunissant les experts a développé, au cours des deux dernières années, une méthode spécifique afin de tenir compte de la diversité physique et chimique des candidats rencontrés dans l’air ambiant.</p>
<p>Pour rassembler tous les participants à ce « concours de beauté », les experts ont d’abord créé une liste de base des polluants chimiques d’intérêt non encore réglementés. Les experts n’ont pas retenu certains candidats tels que les pesticides, les pollens et moisissures, les gaz à effet de serre ou les radioéléments, car ils font l’objet d’autres évaluations ou sortent du champ de l’expertise.</p>
<p>Cette liste de base repose sur les informations fournies par des associations agréées pour la surveillance de la qualité de l’air (<a href="http://www.atmo-france.org/fr/">AASQA</a>) et des laboratoires de recherche nationaux tels que le Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE) et le Laboratoire interuniversitaire des systèmes atmosphériques (LISA), sur la consultation d’experts d’organismes nationaux et internationaux tels que l’Agence européenne de l’environnement (AEE), du Canada et des États-Unis (US-EPA), ainsi que le recensement établi par des organismes internationaux comme l’OMS.</p>
<p>Cette liste a enfin été complétée par une étude approfondie des publications scientifiques internationales et nationales récentes portant sur des polluants considérés comme « émergents ».</p>
<p>Au final, la liste comporte 557 candidats ! Imaginez un peu la bousculade…</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Ky0WDAeOURo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les principaux polluants de l’air. (AFP/YouTube, 2018).</span></figcaption>
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<h2>Le classement des finalistes</h2>
<p>Les candidats sont ensuite répartis en <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/AIR2015SA0216Ra.pdf">quatre catégories</a>, selon les données disponibles concernant la mesure dans l’atmosphère et leur danger intrinsèque.</p>
<p>La catégorie 1 regroupe les substances ayant un risque potentiel pour la santé. Viennent ensuite les catégories 2a et 2b qui rassemblent les candidats pour lesquels l’acquisition de nouvelles données de mesures dans l’air ou sanitaires est nécessaire. Les substances non prioritaires – dont les concentrations dans l’air ambiant et les effets sanitaires ne mettent pas en évidence de risque pour la santé – rejoignent la catégorie 3.</p>
<p>Une recatégorisation de certains polluants a été réalisée par la suite pour certains candidats d’exception, comme les particules ultrafines (dont le diamètre est inférieur à 0,1 µm) et le carbone suie, compte tenu de leurs enjeux potentiels en termes d’impacts sanitaires pour la population.</p>
<p>Les experts ont enfin hiérarchisé les polluants identifiés comme prioritaires au sein de la catégorie 1 pour sélectionner le lauréat incontestable de ce concours de beauté hors norme.</p>
<h2>Et le gagnant est…</h2>
<p>Le gaz 1,3-butadiène figure en tête des 13 nouveaux polluants de l’air à surveiller selon l’Anses. Il est suivi par les particules ultrafines et le <a href="https://www.airparif.asso.fr/_pdf/publications/NUMERO42.pdf">carbone suie</a>, pour lesquels un suivi renforcé est recommandé.</p>
<p>Le 1,3-butadiène est un gaz toxique provenant de différentes sources de combustion telles que les pots d’échappement des véhicules, le chauffage ou les activités industrielles (plastique et caoutchouc). Plusieurs campagnes de mesures ponctuelles en France ont montré des dépassements fréquents de sa valeur toxicologique de référence (<a href="https://www.anses.fr/fr/content/valeurs-toxicologiques-de-r%C3%A9f%C3%A9rence-vtr">VTR</a>) – valeur qui établit une relation entre une dose et un effet.</p>
<p>Sa première place sur le podium n’est pas surprenante : il avait déjà remporté un trophée au Royaume-Uni et en Hongrie, deux pays où il existe des valeurs de référence de sa concentration dans l’air. De plus, le <a href="https://monographs.iarc.fr/wp-content/uploads/2018/06/mono100F-26.pdf">Centre international de recherche sur le cancer</a> (CIRC) a classé le 1,3-butadiène comme cancérogène certain pour l’homme dès 2012.</p>
<p>Pour les dix autres polluants de la liste de l’Anses, une surveillance accrue des émissions est conseillée. Ces dix polluants, dont les dépassements des VTR sont plutôt observés dans des contextes particuliers (industriels notamment) sont, par ordre de risque décroissant, le manganèse, le sulfure d’hydrogène, l’acrylonitrile, le 1,1,2-trichloroéthane, le cuivre, le trichloroéthylène, le vanadium, le cobalt, l’antimoine et le naphtalène.</p>
<p>Cette sélection constitue un premier pas vers l’ajout du 1,3-butadiène à la liste des substances <a href="https://www.airparif.asso.fr/pollution/differents-polluants">actuellement réglementées en France</a>. Et si cette proposition est transmise par le gouvernement français à la Commission européenne, elle pourrait être incluse dans la révision en cours de la directive de 2008 sur la surveillance de la qualité de l’air, d’ici fin 2019.</p>
<p>La méthode de classification développée étant évolutive, on peut penser que de nouveaux concours seront organisés dans les années à venir afin d’identifier d’autres candidats.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/99246/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Alleman a reçu des financements de l'ANSES, de l'INCA-INSERM et la région Haut de France</span></em></p>
Le nombre de substances émises dans l’atmosphère est très important mais certaines sont plus particulièrement nocives pour la santé et font l’objet d’une surveillance accrue.
Laurent Alleman, Associate professor, IMT Nord Europe – Institut Mines-Télécom
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/101535
2018-08-20T20:44:07Z
2018-08-20T20:44:07Z
Le Phare des Baleines de l’île de Ré, mémoire des transitions énergétiques
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/232126/original/file-20180815-2912-wfisln.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le phare et la tour des Baleines au clair de lune. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/14/%C3%8Ele_de_R%C3%A9-FR-17-phare_des_Baleines_au_clair_de_lune.jpg">Wikimedia</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/232132/original/file-20180815-2891-1b8lnu9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/232132/original/file-20180815-2891-1b8lnu9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/232132/original/file-20180815-2891-1b8lnu9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=467&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/232132/original/file-20180815-2891-1b8lnu9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=467&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/232132/original/file-20180815-2891-1b8lnu9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=467&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/232132/original/file-20180815-2891-1b8lnu9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/232132/original/file-20180815-2891-1b8lnu9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/232132/original/file-20180815-2891-1b8lnu9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Google Maps</span></span>
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</figure>
<p>Chaque été, la population de l’île de Ré, d’un peu plus de 17 000 âmes en hiver, se voit multipliée par dix. Les vacanciers se pressent le long des plages du littoral et sur les quelque 110 km de pistes cyclables. Parmi les activités incontournables des vacances : la visite du Phare des Baleines. Situé à la pointe nord-ouest de l’île, l’édifice a été nommé en référence aux baleines qui venaient jadis s’échouer sur la plage en contrebas.</p>
<p>Du haut de ses 57 mètres, cette construction offre un panorama unique aux téméraires qui gravissent les 257 marches menant au sommet. Son histoire est aussi celle des multiples innovations qui ont permis de projeter toujours plus loin la lumière.</p>
<p>Le Phare des Baleines constitue ainsi un excellent marqueur des transitions énergétiques du passé, analysées dans une récente <a href="https://www.chaireeconomieduclimat.org/publications/la-transition-energetique-face-au-tempo-de-lhorloge-climatique/">étude</a> de la chaire Économie du climat.</p>
<h2>De l’huile de baleine à l’électrification</h2>
<p>L’histoire démarre sous Louis XIV. La construction de la tour des Baleines, située entre l’actuel phare et le littoral, fût commandée par Colbert, alors secrétaire d’État de la marine, et achevée en 1682 sous la supervision de Vauban.</p>
<p>La tour brûlait à l’origine de l’huile de poisson et de baleine dont le rendement en termes d’éclairage était faible et dont l’efficacité était réduite, la combustion de l’huile tendant à calciner les vitres de la lanterne. L’huile de baleine était alors le combustible privilégié, si bien que les besoins de l’éclairage dans le monde accélérèrent dangereusement la chasse de ce mammifère marin aujourd’hui protégé.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/232122/original/file-20180815-2915-h4z4ih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/232122/original/file-20180815-2915-h4z4ih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/232122/original/file-20180815-2915-h4z4ih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/232122/original/file-20180815-2915-h4z4ih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/232122/original/file-20180815-2915-h4z4ih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/232122/original/file-20180815-2915-h4z4ih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/232122/original/file-20180815-2915-h4z4ih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La tour des Baleines vue du haut du phare.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/ludovicmauduit/3879049828/in/photolist-b3k7bT-c1DiZy-b3kaYV-7i33W-b3k4D4-4xmCDn-28vLAPH-3gdaVv-3ghyoU-6V27XW-f82nXv-x7vJYs-eCvHjz-rXP3Fo-6UM9ns-YG8nPV-ML71tY">Ludovic/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dès 1736, le charbon fut substitué à l’huile de baleine comme combustible. Il était brûlé dans un réchaud surmonté d’un dôme permettant de réfléchir la lumière. Ce changement permit d’améliorer le rendement d’éclairage mais nécessitait d’acheminer des quantités importantes de houille. Les archives du phare du Cordouan, situé à l’embouchure de la Gironde, révèlent que les gardiens devaient quotidiennement monter entre 100 à 150 kg de charbon pour alimenter le feu. C’est pourquoi le charbon fut par la suite remplacé par le pétrole lampant, avant de basculer à l’électricité au début du XX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Le passage de l’huile de baleine au charbon permit d’améliorer la puissance d’éclairage. À masse équivalente, le pouvoir calorifique du charbon, c’est-à-dire la quantité d’énergie produite lors de sa combustion, est en effet bien supérieur à celui de l’huile de baleine. De la même manière, la substitution du pétrole au charbon augmenta par la suite le rendement de l’éclairage.</p>
<p>La mobilisation de sources primaires au contenu énergétique de plus en plus denses est l’une des caractéristiques majeures des transitions énergétiques analysées par <a href="http://vaclavsmil.com/2016/12/14/energy-transitions-global-and-national-perspectives-second-expanded-and-updated-edition/">Vaclav Smil</a>. À partir d’une approche historique, l’auteur montre que cette densification a conduit au niveau mondial à un accroissement sans précédent de la consommation d’énergie et des émissions de CO<sub>2</sub> d’origine fossile.</p>
<h2>Le levier des gains d’efficacité</h2>
<p>À l’amélioration des sources d’énergie utilisées par le phare se sont ajoutées les innovations dans les techniques de transformation de l’énergie et de diffusion de la lumière, d’abord grâce à l’invention de la lentille à échelons par l’ingénieur français Augustin Fresnel (1822), puis grâce aux ampoules électriques dont la paternité revient à Joseph Swann (1878) et Thomas Edison (1879).</p>
<p>L’ancienne tour des Baleines, d’une portée jugée insuffisante, fut remplacée en 1854 par l’actuel phare dont la hauteur est deux fois supérieure. Il fut l’un des premiers à bénéficier du dispositif de lentille de Fresnel, toujours en service actuellement, lui permettant d’atteindre une portée d’environ 50 km.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/232128/original/file-20180815-2894-1myy8eb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/232128/original/file-20180815-2894-1myy8eb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/232128/original/file-20180815-2894-1myy8eb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/232128/original/file-20180815-2894-1myy8eb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/232128/original/file-20180815-2894-1myy8eb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/232128/original/file-20180815-2894-1myy8eb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/232128/original/file-20180815-2894-1myy8eb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/232128/original/file-20180815-2894-1myy8eb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le phare, édifié en 1854.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/w/index.php?title=Special:Search&limit=20&offset=20&ns0=1&ns6=1&ns14=1&search=phare+des+baleines&searchToken=amhnq32vz4w2e1che35n49riu#/media/File:IleDeRe-PhareDesBaleines.jpg">Jean‑Christophe Benoist/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En 1904, une centrale de production d’électricité à vapeur remplaça les systèmes antérieurs de combustion. Le raccordement du Phare des Baleines au réseau électrique n’intervint que dans les années 1950. Avec l’électricité, la portée du phare fut à nouveau démultipliée grâce à l’efficacité des ampoules pour transformer l’énergie en lumière.</p>
<p>Les progrès techniques réalisés dans la conversion de l’énergie en lumière furent encore plus déterminants pour accroître la portée du phare que l’accroissement de la quantité et de la qualité de l’énergie primaire utilisée. On retrouve ici les conclusions des travaux de <a href="http://www.lse.ac.uk/GranthamInstitute/wp-content/uploads/2014/06/DemLigEEEP2012.pdf">Fouquet et Pearson</a> montrant le rôle majeur des gains d’efficacité dans la baisse des coûts de l’éclairage au cours des deux siècles passés.</p>
<p>Leçon plus générale pour les <a href="https://www.chaireeconomieduclimat.org/wp-content/uploads/2018/07/ID56-derniere-version.pdf">transitions énergétiques</a> : autant que le mix des sources énergétiques sur lequel se focalisent souvent les débats, la chaîne de transformation de ces sources en usages finaux constitue un maillon déterminant des systèmes énergétiques et de leurs transformations.</p>
<h2>De la lumière aux satellites</h2>
<p>L’étymologie du mot phare renvoie au grec Pharos, du nom de l’île où s’élevait le célèbre phare d’Alexandrie, disparu il y a plus de 700 ans. Si les phares de l’ère moderne n’ont pas disparu, ils sont pour la plupart classés au titre des monuments historiques, leur fonctionnement, leurs usages et leur utilité ayant fortement évolué depuis leur construction.</p>
<p>L’arrivée de l’électricité a, dans un premier temps, ouvert la voie à l’automatisation des phares. Celui des Baleines a vu son dernier gardien partir au début des années 2000, lorsque son fonctionnement a été entièrement automatisé.</p>
<p>Les progrès de la navigation assistée par satellite, qui équipe désormais la majorité des bateaux, ont par la suite réduit drastiquement l’utilité des phares, au point que certains sont désormais à vendre. Le Phare des Baleines va certainement continuer pour longtemps à balayer l’océan de ses rayons lumineux, même si son usage initial, le guidage de la navigation, est désormais quelque peu désuet.</p>
<p>En redescendant les 257 marches du phare, le visiteur ne manquera pas de s’interroger sur l’actuelle transition énergétique. Le basculement du guidage des navires depuis les phares vers les satellites a-t-il réduit les besoins en énergie fossile et par voie de conséquence les émissions de CO<sub>2</sub> ?</p>
<p>C’est probablement l’inverse : l’énergie primaire utilisée par les technologies de l’information n’est pas directement visible comme l’étaient l’huile de baleine ou le charbon hissé au sommet des anciens phares. Mais elle est élevée car l’imagerie satellite implique toute une infrastructure consommatrice d’énergie grise. Surtout, le guidage par satellite permet de multiplier les usages finaux et contribue à la croissance très rapide de la navigation maritime : l’une des sources d’émission CO<sub>2</sub> qui augmente le plus rapidement dans le monde !</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"984407163471908865"}"></div></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/101535/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
S’il offre un point de vue sans pareil, le phare de l’île de Ré est aussi une mémoire des transitions énergétiques opérées depuis trois siècles.
Christian de Perthuis, Professeur d’économie, fondateur de la chaire Économie du climat, Université Paris Dauphine – PSL
Boris Solier, Maître de conférences en économie, chercheur associé à la Chaire Économie du Climat (Paris-Dauphine), Université de Montpellier
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/98213
2018-06-20T18:44:14Z
2018-06-20T18:44:14Z
Le train, grand oublié de la transition énergétique ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/224018/original/file-20180620-137741-1dvbwyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C4841%2C3179&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En Europe, la France se place au 10e rang (2015) de l’utilisation du réseau ferré.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/N-YC07AWj3o">Samuel Zeller/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Depuis septembre dernier, l’actualité de la politique des transports et du ferroviaire est chargée : <a href="https://www.assisesdelamobilite.gouv.fr/">Assises de la mobilité</a>, <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/2018.02.01_synthese_rapport_conseil_d_orientation_des_infrastructures_0.pdf">rapport du Conseil d’orientation des infrastructures</a>, préparation de la loi d’orientation des mobilités, <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/2018.02.15_Rapport-Avenir-du-transport-ferroviaire.pdf">rapport Spinetta</a>, <a href="http://www.senat.fr/espace_presse/actualites/201803/reforme_ferroviaire.html">réforme ferroviaire</a>… sans oublier le long conflit opposant les cheminots de la SNCF au gouvernement.</p>
<p>L’ensemble des évolutions qui en découleront auront un impact à long terme sur les infrastructures de transport et l’aménagement du territoire.</p>
<p>Mais ni les lois en discussion, ni le <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/2018.02.15_Rapport-Avenir-du-transport-ferroviaire.pdf">rapport Spinetta</a> sur « L’avenir du transport ferroviaire » ne s’interrogent vraiment sur la place que devrait occuper le train dans un monde décarboné et aux ressources énergétiques de plus en plus contraintes.</p>
<h2>8 à 20 fois moins d’émissions de CO<sub>2</sub> que la voiture</h2>
<p>Et pourtant, le train apparaît comme un bon élève concernant les émissions de CO<sub>2</sub>. En effet, alors que le transport ferroviaire représente environ 10 % du trafic de voyageurs et de marchandises, il n’est <a href="http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/publications/p/2669/1874/comptes-transports-2016-tome-1-54e-rapport-commission.html">responsable</a> que de 1,6 % des consommations d’énergie et de 0,4 % des émissions de CO<sub>2</sub> des transports.</p>
<p>À quoi cela est-il dû ? À une meilleure efficacité énergétique du mode ferroviaire par unité de marchandise ou par passager transporté, et à un mix énergétique peu émetteur de CO<sub>2</sub>.</p>
<p>Le transport par rail est en effet plus efficace et les trajets sont mutualisés : les trains de passagers en France transportent en moyenne <a href="http://www.arafer.fr/actualites/larafer-publie-son-1er-bilan-du-transport-ferroviaire-de-voyageurs-en-france/">230 passagers</a> ; contre 1,5 pour les voitures et une vingtaine de personnes pour les transports collectifs routiers.</p>
<p>De plus, bien que seule la moitié du réseau ferré soit électrifiée, il s’agit de la partie du réseau la plus utilisée : <a href="http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/publications/p/2669/1874/comptes-transports-2016-tome-1-54e-rapport-commission.html">plus de 80 % des trains y circulent</a>, représentant <a href="http://www.arafer.fr/actualites/larafer-publie-son-1er-bilan-du-transport-ferroviaire-de-voyageurs-en-france/">plus de 90 % des kilomètres parcourus par les voyageurs</a>.</p>
<p>En moyenne, les émissions des trains opérés par la SNCF sont de l’ordre de 10 grammes de CO<sub>2</sub> par kilomètre parcouru par voyageur, variant de 3,2g pour les TGV à quasiment 30g pour le TER moyen. Ceci est dû notamment aux différences en termes de taux de remplissage et d’énergie utilisée.</p>
<p>Ces valeurs sont à comparer avec des émissions de 85 à 205g de CO<sub>2</sub> pour la <a href="http://theses.ademe.fr/2016/09/chiffres-energie-edition.html">voiture particulière</a>, selon le nombre de passagers et les types de parcours.</p>
<p>Le train émet donc de 8 à 20 fois moins de CO<sub>2</sub> que la voiture. Cet ordre de grandeur est également valable sur la comparaison entre transport de marchandises par train ou par poids lourds.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/222861/original/file-20180612-112627-zusr2t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/222861/original/file-20180612-112627-zusr2t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/222861/original/file-20180612-112627-zusr2t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/222861/original/file-20180612-112627-zusr2t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/222861/original/file-20180612-112627-zusr2t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=419&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/222861/original/file-20180612-112627-zusr2t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=419&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/222861/original/file-20180612-112627-zusr2t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=419&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Émissions de CO₂ par kilomètre parcouru de différents modes de transport selon le type de trajet.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://theses.ademe.fr/2016/09/chiffres-energie-edition.html">ADEME</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La neutralité carbone d’ici 2050</h2>
<p>Le ferroviaire est donc aujourd’hui peu émetteur comparé aux autres modes de transport. Et la place qu’il pourra jouer à l’avenir dans la transition énergétique doit être jugée au regard des objectifs très ambitieux que la France s’est fixée sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre.</p>
<p>Le <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/2017.07.06%20-%20Plan%20Climat_0.pdf">« plan climat »</a> présenté en juillet 2017 vise désormais à atteindre la neutralité carbone en 2050. Une baisse des émissions au-delà des -75 % prévus par l’objectif de <a href="http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/008378-01_rapport-final_cle0aca84.pdf">Facteur 4</a> est donc nécessaire afin que les émissions restantes soient compensées par du captage de CO<sub>2</sub>, via la séquestration du carbone par les <a href="https://theconversation.com/la-foret-francaise-et-ses-sols-pour-limiter-les-gaz-a-effet-de-serre-96065">sols et les forêts</a>.</p>
<p>En 2016, la <a href="http://www.chair-energy-prosperity.org/publications/atteindre-facteur-4-transports/">comparaison de 29 scénarios</a> faisait apparaître un rôle fortement croissant du transport ferroviaire.</p>
<p>Pour illustrer cette tendance plus en détails, quatre études récentes permettent de mettre en évidence certains éléments structurants : l’<a href="http://www.side.developpement-durable.gouv.fr/EXPLOITATION/DEFAULT/doc/IFD/IFD_REFDOC_TEMIS_0085036/projections-de-la-demande-de-transport-sur-le-long-terme">étude</a> réalisée à la demande du Commissariat général au développement durable (CGDD) et publiée en 2016, l’actualisation des <a href="http://www.ademe.fr/actualisation-scenario-energie-climat-ademe-2035-2050">visions de l’Ademe</a> de 2017, le <a href="https://negawatt.org/Scenario-negaWatt-2017-2050">scénario négaWatt</a> de 2017 ; et les <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01688931">scénarios</a> de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) sur la mobilité des voyageurs en 2017.</p>
<h2>Une place grandissante dans le futur ?</h2>
<p>Le développement du transport ferroviaire dans ces scénarios peut se juger au moins sur deux critères, aussi bien pour les voyageurs que pour les marchandises : la croissance des trafics (mesurés en voyageurs.km pour les voyageurs et en tonnes.km pour les marchandises) et l’évolution de la part modale du train dans l’ensemble des modes de transport (chiffres en gras dans le tableau ci-dessous).</p>
<p>Concernant l’évolution des trafics, tous les scénarios voient une croissance du ferroviaire, de 23 à 102 % pour les voyageurs et de 68 à 263 % pour les marchandises. En fonction des scénarios, cette augmentation peut provenir simplement d’une augmentation de la demande de transport ; dans d’autres, elle s’explique également par une forte progression des parts modales.</p>
<p>C’est le cas pour les scénarios négaWatt et Ademe qui prévoient une progression des parts modales d’environ 10 % à 25 %, tant pour les voyageurs que pour les marchandises. Ces fortes hausses des parts modales du ferroviaire impliquent nécessairement un maillage important du réseau ferré sur le territoire pour capter des parts modales aux modes routiers.</p>
<p>De tels scénarios invitent ainsi à envisager sous un jour nouveau l’avenir des « petites lignes » régionales, qui devraient être développées et rendues plus attractives, notamment via l’amélioration de leur qualité de service et de leur fréquence, en organisant leur sortie progressive du diesel (électrification et train hybride, hydrogène ou gaz) ; ou encore par le développement de l’<a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/a-la-une/notion-a-la-une/notion-a-la-une-intermodalite">intermodalité train-vélo</a>.</p>
<p>Cependant, tous les scénarios ne montrent pas une progression importante des parts modales : comme l’illustre le scénario TECH-first, les prévisions misant beaucoup sur la technologie ont tendance à se reposer essentiellement sur l’efficacité énergétique et les changements d’énergie pour baisser les émissions.</p>
<p>C’est aussi le parti pris des scénarios du CGDD qui semblent illustrer une politique des transports actuellement fortement focalisée sur la technologie, et qui manque d’ambition sur les leviers importants que sont la modération de la demande ou le report modal.</p>
<h2>Cinq leviers à activer</h2>
<p>Le développement du ferroviaire apparaît comme une des évolutions nécessaires pour tendre vers une France neutre en carbone. Non suffisant à lui seul, il s’inscrit parmi les cinq leviers de la transition énergétique dans les transports.</p>
<p>Il doit également s’accompagner d’une modération de la demande (urbanisme durable, réduction des distances, consommations locales), d’un report modal global (vers le vélo, la marche, les transports en commun), d’une hausse du taux de remplissage des véhicules (covoiturage, optimisation de la logistique), d’une amélioration de l’efficacité des véhicules (baisse de leur poids, des vitesses sur les routes, progrès technique) et baisse de l’intensité carbone de l’énergie (via le biogaz, l’électricité, les agrocarburants ou encore l’hydrogène).</p>
<p>Le manque d’ambition des scénarios du CGDD, et donc de la politique actuelle des transports, sur les premiers leviers s’illustre dans les résultats finaux des réductions d’émissions de CO<sub>2</sub>. En effet, la décarbonation du secteur est quasi-complète pour négaWatt et la réduction est de 92 % pour l’Ademe, dépassant largement l’objectif de -70 %. Au contraire, le scénario SNBC n’atteint que 63 % de réduction et n’est pas compatible avec l’objectif de Facteur 4, et encore moins avec la neutralité carbone.</p>
<p>Les scénarios atteignant des réductions compatibles avec la neutralité montrent que nous ne pourrons nous passer d’aucun des cinq leviers ; c’est bien leur combinaison et leur complémentarité qui permettront au secteur des transports de faire sa part.</p>
<p>Alors que les ambitions du « plan climat » tardent à se matérialiser à la hauteur des enjeux dans les politiques sectorielles, et au moment de débats intenses sur l’avenir du ferroviaire, il serait utile de s’interroger davantage sur la place du ferroviaire dans l’atteinte des objectifs climatiques et plus globalement dans les enjeux énergétiques de long terme.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1008608019796713472"}"></div></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/98213/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurélien Bigo réalise sa thèse en partenariat avec le CREST – École polytechnique, la chaire « Énergie et prospérité » et la SNCF. Il est également référent mobilité dans le mouvement WARN. Les recherches et points de vue exprimés dans cet article engagent uniquement son auteur et aucunement les organismes cités.</span></em></p>
Le ferroviaire a un rôle clé à jouer pour atteindre l’objectif de la neutralité carbone dans les transports vers 2050. Un rôle clé encore trop peu reconnu.
Aurélien Bigo, Doctorant sur la transition énergétique dans les transports, École polytechnique
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/94882
2018-04-13T04:24:13Z
2018-04-13T04:24:13Z
Hausse du prix européen du carbone : feu de paille ou changement durable ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/214524/original/file-20180412-536-1qdtsl3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-illustration/man-turning-carbon-dioxide-knob-reduce-789727018">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Entre 2011 et 2017, le <a href="https://ec.europa.eu/clima/policies/ets_fr">marché du carbone européen</a> a gravement dysfonctionné avec un prix moyen du quota d’environ 6 €/tCO<sub>2</sub> ; c’est bien trop bas pour orienter les investissements vers les solutions bas carbone. Par exemple, dans le secteur électrique, ce prix est resté insuffisant pour décourager l’utilisation de centrales fonctionnant au charbon, de loin le combustible le plus émetteur de CO<sub>2</sub>.</p>
<p>Contrastant avec cette longue phase d’anémie, le prix du quota a plus que doublé depuis août dernier. Est-ce un feu de paille ou un changement durable d’orientation ?</p>
<p>D’après les travaux de modélisation de la chaire <a href="https://www.chaireeconomieduclimat.org/">Économie du climat</a>, ce retournement pourrait être durable car la réforme récemment adoptée à Bruxelles va fortement réduire le plafond autorisé d’émission d’ici 2030. En revanche, elle ne permettra pas au régulateur de faire face à de nouveaux chocs non anticipés qui pourraient demain déstabiliser à nouveau le marché.</p>
<h2>Les mécanismes économiques en jeu</h2>
<p>Introduit en 2005, le système d’échange de quotas européen couvre aujourd’hui un peu plus de 15 000 installations industrielles, à l’origine de la moitié des émissions européennes de CO<sub>2</sub>. Il fonctionne suivant un mécanisme de <a href="https://ec.europa.eu/clima/policies/ets/cap_fr">plafonnement du volume total des émissions</a> qui fixe l’ambition du système. Les entreprises soumises au système peuvent acheter ou vendre des quotas, avec l’obligation de restituer chaque année un volume de quotas égal à leurs émissions. Le prix d’équilibre du quota dépend donc du niveau du plafond fixé par le régulateur. Plus ce plafond est contraignant, plus la rareté de l’offre est élevée et plus le prix du quota sera haut.</p>
<p>Pour redresser le prix sur un tel marché, il suffirait donc d’accroître l’ambition du système en abaissant le plafond. Mais ce qui paraît simple n’en est pas pour autant facile à réaliser politiquement, avec 28 États membres qui ont beaucoup de difficulté à s’accorder sur un niveau commun de contrainte.</p>
<p>Face à l’impossibilité de s’entendre rapidement sur une réduction adéquate du plafond, la Commission a engagé, en 2012, un processus tortueux de réformes consistant d’abord à modifier le calendrier des enchères, puis à soumettre un paquet de mesures, d’apparence technique, définissant les règles de fonctionnement du marché sur la période 2021 à 2030 (voir le graphique ci-dessous).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/214518/original/file-20180412-549-2mgdo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/214518/original/file-20180412-549-2mgdo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/214518/original/file-20180412-549-2mgdo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/214518/original/file-20180412-549-2mgdo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/214518/original/file-20180412-549-2mgdo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/214518/original/file-20180412-549-2mgdo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/214518/original/file-20180412-549-2mgdo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/214518/original/file-20180412-549-2mgdo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Chaire Économie du climat (d’après ICE-Futures)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>En 2008, le prix du quota avoisinait les 25 €/tCO<sub>2</sub>. Le prix s’est ensuite délité à cause de la dégradation du contexte économique, des politiques de soutien aux renouvelables et à l’efficacité énergétique, et du choc d’offre lié à l’utilisation de crédits Kyoto. À partir de 2012, la Commission européenne lance des réformes successives dont la plus récente vient d’être adoptée. Le prix a depuis bondi pour atteindre environ 13€/tCO<sub>2</sub>, un niveau qu’il n’avait pas atteint depuis 2011.</em></p>
<p>Validées fin 2017 par le Parlement et le Conseil européens, ces règles comportent deux volets : une accélération de la baisse annuelle du plafond menant à une cible de réduction d’émission de 43 % en 2030 par rapport à 2005 ; la mise en place d’une <a href="https://ec.europa.eu/clima/policies/ets/reform_fr">« réserve de stabilité »</a> qui agit comme une pompe retirant ou remettant des quotas sur le marché en fonction de la quantité de quotas en circulation.</p>
<p>Pour anticiper correctement les effets de la réforme, il faut par conséquent évaluer l’impact de la réserve de stabilité sur le plafond d’émission, ce qui peut être fait à l’aide d’un outil de modélisation.</p>
<h2>Un modèle qui éclaire les dysfonctionnements</h2>
<p>Pour représenter correctement le futur, un modèle doit être capable de retracer le passé. Pour y parvenir, le <a href="https://www.chaireeconomieduclimat.org/publications/interviews/3-questions-a-raphael-trotignon/">modèle Zephyr</a> simule le comportement des entreprises couvertes qui décident de leurs programmes de réduction d’émission en minimisant leurs coûts de mise en conformité par une répartition de leurs efforts de réduction sur trois horizons temporels possibles : l’année courante, le moyen terme (3 ans) et le long terme (15 ans).</p>
<p>Un premier enseignement est que la demande de quotas a été fortement affectée à la baisse à partir de 2008 par trois chocs non anticipés expliquant les faibles niveaux de prix du quota alors observés.</p>
<p>Ces chocs concernent la dégradation économique à la suite de la récession de 2009 ; les politiques de soutien aux <a href="https://theconversation.com/energies-renouvelables-leolien-le-solaire-et-le-bois-sont-les-plus-competitifs-70226">énergies renouvelables</a> et à l’efficacité énergétique non-coordonnées avec la régulation du marché du carbone ; enfin, un choc d’offre qui a résulté de l’utilisation d’environ un milliard de crédits au titre du protocole de Kyoto qui sont venus s’ajouter au plafond initialement fixé.</p>
<p>Pour comprendre la formation du prix, un deuxième enseignement de la simulation concerne le rôle pivot joué par les anticipations de la contrainte de long terme par les entreprises. À la suite de la conjonction de ces trois chocs, la <a href="https://ec.europa.eu/clima/sites/clima/files/ets/reform/docs/com_2012_652_fr.pdf">masse de quotas rendue disponible</a> aurait en effet permis aux entreprises, sans anticipation d’une contrainte de long terme, de se mettre en conformité avec un prix du carbone nul.</p>
<h2>L’action de la réserve de stabilité</h2>
<p>L’utilisation du modèle en mode prospectif a été réalisée en retenant des hypothèses de croissance économique modérée et de poursuite des politiques nationales de soutien aux renouvelables et à l’efficacité énergétique non coordonnées avec la gestion du marché.</p>
<p>Sous ces hypothèses, la <a href="https://www.chaireeconomieduclimat.org/publications/policy-briefs/marche-carbone-europeen-impacts-de-reforme-de-reserve-de-stabilite-a-lhorizon-2030/">réserve de stabilité</a> agit uniquement comme une pompe aspirante : à partir de sa mise en place l’an prochain, elle retirerait des quotas du marché chaque année, ce qui équivaut à un resserrement additionnel du plafond.</p>
<p>Il en résulte dans le scénario central une hausse du prix du quota de CO<sub>2</sub> qui atteint 25 €/tCO<sub>2</sub> en 2020 et 38 €/tCO<sub>2</sub> en 2030, soit des niveaux plus de deux fois supérieurs à ceux attendus en l’absence de la réforme. La modélisation indique également que cette hausse sera plus rapide si les entreprises anticipent dès le démarrage le resserrement du plafond provoqué par l’action de la réserve (voir le graphique ci-dessous).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/214520/original/file-20180412-584-3wsvvw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/214520/original/file-20180412-584-3wsvvw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/214520/original/file-20180412-584-3wsvvw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/214520/original/file-20180412-584-3wsvvw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/214520/original/file-20180412-584-3wsvvw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/214520/original/file-20180412-584-3wsvvw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/214520/original/file-20180412-584-3wsvvw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/214520/original/file-20180412-584-3wsvvw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Chaire Économie du climat</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p><em>Ce graphique représente l’évolution observée du prix sur le marché (zone grise) ainsi que le prix simulé par le modèle, sans réformes (ligne grise) ou avec les réformes à partir de 2018 (zone orange). Le haut de la zone orange représente le cas où les entreprises anticipent parfaitement la baisse du plafond induite par la réserve ; le bas de la zone orange représente la même situation sans cette anticipation. Le ligne orange représente le scénario central entre ces deux extrêmes.</em></p>
<p>Cette nouvelle trajectoire d’émissions correspond à des réductions de l’ordre de 50 % en 2030 par rapport au niveau de 2005, autrement dit à une augmentation des objectifs européens jusqu’à présent fixés à 43 %. Sous cet angle, la réforme semble donc répondre aux objectifs de rehaussement de l’ambition européenne, par un curieux tour de passe-passe technocratique de la Commission qui est parvenue à introduire subrepticement de nouvelles cibles de politique climatique.</p>
<h2>Les enseignements des systèmes hybrides</h2>
<p>Mais les dysfonctionnements passés pourraient se reproduire. Nos simulations montrent qu’en cas de chocs futurs non anticipés, comme une récession économique de l’ampleur de celle de 2009 ou une accélération des politiques nationales en faveur des énergies renouvelables, la réserve de stabilité ne permettrait pas de prévenir une <a href="https://www.chaireeconomieduclimat.org/publications/policy-briefs/marche-carbone-europeen-impacts-de-reforme-de-reserve-de-stabilite-a-lhorizon-2030/">retombée prolongée du prix</a>.</p>
<p>Cela est dû au fait que le jeu de réformes décidées ne modifie en rien la gouvernance du marché qui reste marquée par une grande lourdeur des processus de décision et ne permet pas au régulateur de réagir aux chocs qui, bien que non prévisibles, ne manqueront pas de se produire.</p>
<p>C’est pourquoi les mesures récemment adoptées ne mettent pas un point final aux réflexions sur les réformes nécessaires pour solidifier le système de tarification commun de CO<sub>2</sub> en Europe. On ne doit notamment pas balayer d’un revers de la main les propositions alternatives de mise en place d’un prix plancher portées par certains États membres.</p>
<p>Comme le montre l’exemple du <a href="https://www.arb.ca.gov/cc/capandtrade/capandtrade.htm">marché californien</a>, aujourd’hui élargi au Québec et à l’Ontario, de tels mécanismes conduisent à des systèmes hybrides, où le marché se transforme en un dispositif de quasi-taxation en cas de déséquilibre structurel du marché. Dans le monde incertain dans lequel nous vivons, de tels systèmes hybrides semblent plus à même de délivrer un signal prix robuste de nature à accélérer la marche vers une <a href="https://theconversation.com/quel-climat-preparons-nous-pour-demain-87454">économie bas carbone</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/94882/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Depuis août dernier, le prix du quota sur le marché européen du carbone a connu une nette hausse qui pourrait s’avérer durable.
Raphael Trotignon, Programme de recherche « Prix du CO2 et innovation bas-carbone », chaire Économie du climat, Université Paris Dauphine – PSL
Christian de Perthuis, Professeur d’économie, fondateur de la chaire Économie du climat, Université Paris Dauphine – PSL
Simon Quemin, Chercheur, Chaire Économie du climat et Attaché d'enseignement, Université Paris-Dauphine (PSL), Université Paris Dauphine – PSL
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/91048
2018-02-11T19:59:36Z
2018-02-11T19:59:36Z
L’avenir des véhicules électriques selon les experts du secteur de l’énergie
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/205350/original/file-20180207-74479-89bhqd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C31%2C797%2C519&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Renault Zoé est actuellement le véhicule électrique le plus vendu au sein de l’Union européenne (15% de parts de marché) et leader en France (avec 70% de parts de marché).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File%3ARenault_Zoe_charging.jpg">Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Depuis que Tesla a commercialisé son premier véhicule électrique (VE) au milieu des années 2000, plusieurs constructeurs automobiles tels que le Chinois BYD, Renault-Nissan ou BMW se sont positionnés clairement sur ce marché. Les VE promettent d’améliorer la qualité de vie en milieu urbain grâce à la réduction de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pollution-de-lair-21102">pollution de l’air</a> et des nuisances sonores. L’augmentation significative de la part des VE devrait également réduire les émissions de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/gaz-a-effet-de-serre-22200?page=4">gaz à effet de serre</a>, notamment si l’électricité utilisée pour la recharge des batteries provient de sources décarbonées.</p>
<p>Selon le dernier rapport global sur les VE de l’Agence internationale de l’énergie, en 2016, le chiffre record de <a href="https://www.iea.org/publications/freepublications/publication/TrackingCleanEnergyProgress2017.pdf">750 000</a> véhicules électriques vendus a été atteint, dont plus de la moitié en Chine. Le marché des VE devrait continuer sa croissance dans les années à venir et d’ici à 2020, entre 9 et 20 millions de VE sont attendus sur les routes. À noter également qu’en 2016, les infrastructures de stations de recharge publiques ont crû sur un rythme annuel de 72%.</p>
<p>Pour soutenir le développement des VE, plusieurs pays proposent des réductions de prix aux acheteurs. En France, cette aide peut s’élever à 6 000 euros (plus une prime additionnelle de 2 500 euros si un véhicule diesel de plus de 16 ans est mis à la casse). En 2017, <a href="http://www.avere-france.org/Site/Article/?article_id=7206&from_espace_adherent=0">près de 31 000</a> véhicules électriques ont été immatriculés en France. Ce chiffre correspond à une part de marché de 1,2%, ce qui reste bien en dessous du pays champion du VE, la Norvège, où 17% des ventes sont électriques. En Allemagne pour la même période, les ventes sont un peu moindres mais se situent dans une fourchette assez similaire à la France. </p>
<p>En lien avec ces développements, l'édition hiver 2017-2018 du Baromètre du marché de l’énergie de Grenoble École de Management et du Zentrum für Europäische Wirtschaftsforschung (Centre pour la recherche économique européenne) questionne les perceptions des experts du secteur de l’énergie sur le développement du véhicule électrique en France et en Allemagne.</p>
<h2>Adaptation majeure des réseaux de distribution</h2>
<iframe src="https://e.infogram.com/e6b60cc9-c875-4ddd-a731-bcb1d1d0fd5b?src=embed" title="Suffisance des capacités du système électrique" width="100%" height="570" scrolling="no" frameborder="0" style="border:none;" allowfullscreen="allowfullscreen"></iframe>
<p>Experts français et allemands s’accordent pour dire qu’aucun changement majeur ne sera requis au niveau de la production d’électricité et du réseau de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/transport-routier-23711">transport</a>. Selon une grande majorité des spécialistes de notre échantillon français, une part de 10% de véhicules électriques en France d’ici 2025, soit environ 4 millions de voitures, ne nécessite pas de tels changements.</p>
<p>En revanche, les experts des deux pays pensent que si la part des VE atteint 10%, cela nécessitera de larges investissements dans le réseau de distribution, c’est-à-dire au niveau des transformateurs et des câbles dont la puissance devra être augmentée.</p>
<p>À titre d’exemple, recharger un VE pourrait doubler la demande électrique d’un foyer. Les réseaux de distribution existants pourraient ne pas être en mesure de supporter la charge supplémentaire si les véhicules sont chargés en parallèle des usages conventionnels. Les niveaux d’investissements sont incertains mais une étude récente d’<a href="https://www.inria.fr/centre/paris/innovation/rii-smart-city-mobility-innovations/start-up-et-pme/artelys">Artelys</a> montre que pour la France, la facture pourrait s’élever à <a href="https://www.camecon.com/wp-content/uploads/2016/12/Electricity-synergy-report.pdf">150 millions d’euros</a> par an et ce jusqu’en 2030. À défaut, le système électrique risque de ne pas pouvoir faire face.</p>
<h2>Domination des distributeurs d'électricité</h2>
<p>Pour réduire le stress que les VE pourraient imposer au réseau d’électricité et aux capacités de production, un pilotage de la charge peut être mis en œuvre afin de recharger les véhicules électriques en dehors des périodes de pointe et lorsque beaucoup d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/energies-renouvelables-22981">électricité renouvelable</a> est injectée dans le réseau. Ainsi, le pilotage des batteries et la charge des VE peut apporter un réel service au système électrique et à son équilibrage. Beaucoup d’incertitudes demeurent sur qui pourrait profiter de ce marché émergent, et l’opinion des spécialistes est assez divisée. </p>
<iframe src="https://e.infogram.com/36ce752d-d1a9-433e-b9f2-84db1eb9646e?src=embed" title="Acteur dominant sur le marché" width="100%" height="470" scrolling="no" frameborder="0" style="border:none;" allowfullscreen="allowfullscreen"></iframe>
<p>Les experts des deux côtés du Rhin s’attendent à ce que les distributeurs d’électricité jouent un rôle important, quitte à développer des nouvelles compétences (sur la gestion des données par exemple). Cependant, ils ont des opinions assez divergentes en ce qui concerne le rôle des constructeurs automobiles, traders (négociants), <a href="https://theconversation.com/fr/topics/start-up-23076">start-ups</a>, ou fournisseurs historiques d’électricité, et les experts allemands envisagent un rôle plus prononcé pour ces deux derniers. </p>
<p>Ces divergences peuvent refléter des potentiels différents dans chacun des deux pays et sont révélatrices de l’intérêt exprimé par des acteurs très divers pour <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0306261917300077">ce marché porteur</a>.</p>
<h2>Des prix élevés et une faible autonomie</h2>
<iframe src="https://e.infogram.com/51f5c482-3c16-4613-8b70-feee62498677?src=embed" title="Barrières à une diffusion plus large" width="100%" height="700" scrolling="no" frameborder="0" style="border:none;" allowfullscreen="allowfullscreen"></iframe>
<p>Interrogés sur les freins à l’achat de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/voitures-electriques-31974">véhicules électriques</a>, les experts se montrent assez pessimistes et voient de nombreuses barrières à surmonter avant que les VE puissent véritablement concurrencer les voitures thermiques. Ils s’accordent autour du besoin d’améliorer considérablement la performance technologique des VE afin de diminuer leur prix et d’augmenter leur autonomie. Environ 38% des Français et 52% des Allemands pensent que les prix d’achats élevés sont une barrière très importante. Actuellement, les coûts d’achat d’un VE sont de 15 à 25% plus élevés que pour un véhicule traditionnel.</p>
<p>Dans un futur proche, l’augmentation des volumes de production de voitures électriques devrait permettre de réduire les coûts, et notamment le prix des batteries. Les constructeurs automobiles eux-mêmes ne manquent pas d’annoncer la sortie de véhicules électriques à bas coût, comme Tesla et son modèle 3 (vendu à partir de 35 000 dollars) ou Renault qui ambitionne de commercialiser une version électrique de la Renault Kwid pour 7 à 8 000 dollars <a href="https://www.challenges.fr/automobile/actu-auto/comment-toyota-et-suzuki-risquent-de-serieusement-concurrencer-l-electrique-low-cost-de-renault-en-inde_514847">dès 2019 en Chine</a>.</p>
<p>De même, les VE ont des coûts de fonctionnement plus limités tant en carburant qu’en entretien du fait d’une mécanique simplifiée (pas de vidange, pas besoin de changer les bougies, etc.). Cependant, l’autonomie reste limitée à environ 250 kilomètres pour la plupart des modèles (c’est environ le double pour la Tesla Model S). Ainsi, il n’est pas étonnant de constater que 44% des experts français et 64% des experts allemands voient la faible autonomie des VE comme un frein très important.</p>
<p>Le développement des infrastructures de recharge est également souligné. Ainsi, 61% des Français et 47% des Allemands considèrent le manque de stations de recharge comme une barrière importante – et respectivement 29% et 45% comme très importante. Le fait que la France dispose d’un faible taux de densité de station à 0,1 site pour 1 000 voitures immatriculées (comparé à 3 pour le Land de Baden-Württemberg en Allemagne par exemple) peut expliquer ce <a href="https://www.fleetcarma.com/european-countries-electric-vehicle-adoption/">résultat</a>. </p>
<p>Les temps de charge trop longs sont aussi considérés comme des barrières importantes par 60% des Français et 56% des Allemands. Vraisemblablement, des temps de charge de batteries jusqu’à 12 heures expliquent ces résultats, même si des sites de charge rapide de 30 minutes existent. Cela devrait s’améliorer dans les années à venir. Ainsi, l’<a href="https://theconversation.com/institutions/ademe-agence-de-lenvironnement-et-de-la-maitrise-de-lenergie-2357">Ademe</a> soutient financièrement l’installation de 13 200 bornes de recharges et plusieurs énergéticiens investissent dans le développement de bornes de recharges (EDF, Engie ou Total notamment).</p>
<p>Il est à noter que les spécialistes allemands s’affichent comme plus pessimistes que leurs collègues français, les barrières à la diffusion du véhicule électrique étant plus importantes selon eux. Cela peut refléter une baisse de confiance dans les annonces faites par l’industrie automobile à propos des performances technologiques des véhicules après le <a href="https://theconversation.com/fr/search?utf8=%E2%9C%93&q=Volkswagen">scandale Volkswagen</a>. </p>
<h2>Interdiction des véhicules thermiques d'ici 25 ans</h2>
<p>En présentant le volet mobilité de son <a href="http://www.gouvernement.fr/action/plan-climat">« Plan Climat »</a>, le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, a annoncé l’objectif d’arrêter les ventes de véhicules diesel et essence d’ici 2040 en France. D’autres pays, comme la Norvège, les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont des plans pour interdire la mise en circulation de véhicules à moteur thermique dans les vingt prochaines années. Ces interdictions faciliteront la réduction de la pollution en ville, où les concentration d’<a href="http://www.ademe.fr/entreprises-monde-agricole/reduire-impacts/reduire-emissions-polluants/dossier/oxydes-dazote-nox/definition-sources-demission-impacts">oxydes d’azote</a> (NOx) posent des problèmes de santé publique importants.</p>
<iframe src="https://e.infogram.com/84cc8fc3-8c30-4c0d-b97f-d3e77f6a84f7?src=embed" title="Interdiction des véhicules essence et diesel" width="100%" height="370" scrolling="no" frameborder="0" style="border:none;" allowfullscreen="allowfullscreen"></iframe>
<p>Les experts ont pu exprimer leur opinion sur la possibilité d’une interdiction des voitures diesel et à essence dans les 20-25 prochaines années. À ce sujet, spécialistes français et allemands semblent en désaccord. Alors que la majorité des Français (près de 65%) pensent que les véhicules thermiques seront interdits dans certaines villes en France, peu d'Allemands (13%) pensent que ce sera le cas outre-Rhin. Et si cela arrivait, l’interdiction serait mise en place au niveau national et non local. Signalons aussi que 60% des experts allemands ne pensent pas qu’un ban aura lieu ou jugent la question complètement ouverte – contre environ 14% seulement des experts français. </p>
<p>On peut présumer que les résultats pour la France reflètent l’impact de l’annonce faite par la <a href="http://www.lemonde.fr/pollution/article/2018/01/23/anne-hidalgo-ma-bataille-n-est-pas-contre-la-voiture-mais-contre-la-pollution_5245558_1652666.html">ville de Paris</a> d’interdire les véhicules diesel et à essence. Il est à noter également que plusieurs villes en régions (comme Grenoble, Lille, Lyon ou Toulouse) ont pris des décisions en ce sens en instaurant des restrictions de circulation (<a href="https://www.certificat-air.gouv.fr/">certificat Crit’air</a>) lors des pics de pollution.</p>
<p>L’analyse globale des résultats de ce nouveau Baromètre du marché de l’énergie confirme que la route vers un changement de modèle dominant de la mobilité est encore longue. Si quelques signaux sont favorables et encourageants pour une transition bas carbone, l’adaptation du réseau, la compétitivité des offres et l’origine renouvelable de l’électricité resteront trois défis majeurs pour la décennie à venir.</p>
<hr>
<p><em>Le Baromètre du marché de l’énergie mené fin 2017 (en novembre pour l'Allemagne, en décembre pour la France) interroge 250 spécialistes français et allemands qualifiés dans le secteur de l’énergie et opérant dans l’industrie, la science et l’administration publique sur les défis de la mobilité électrique (e-mobilité) pour le secteur de l’électricité. L'intégralité de l'étude pour la France est à retrouver <a href="https://www.grenoble-em.com/actualite-barometre-du-marche-de-lenergie-hiver-2017">ici</a> et pour l'Allemagne <a href="http://www.zew.de/publikationen/januarfebruar-2018/">ici</a>.</em></p>
<p><em>Les datavisualisations de cet article ont été réalisées par Diane Frances.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/91048/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nikolas Wölfing is working at ZEW, a research institute which takes funds from third parties for research and consulting work. He moreover received the "EEX Excellence Award", a research prize of the European Energy Exchange which is awarded for "outstanding research in the field of energy and exchange trading".</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Olivier Cateura a reçu entre 2003 et 2006 des financements publics de l'ANRT (Association Nationale Recherche Technologie) et privés de Electrabel (Engie) dans le cadre d'une Convention CIFRE (Thèse de doctorat) . Par ailleurs, il est membre-auditeur de l'IHEDN (Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anne-Lorène Vernay, Joachim Schleich, Swaroop Rao et Wolfgang Habla ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
L’analyse globale des résultats de ce nouveau Baromètre du marché de l’énergie confirme que la route vers un changement de modèle dominant de la mobilité est encore longue.
Anne-Lorène Vernay, Chargée de cours en stratégie, Grenoble École de Management (GEM)
Joachim Schleich, Professor of Energy Economics, Grenoble École de Management (GEM)
Nikolas Wölfing, Economist, Zentrum für Europäische Wirtschaftsforschung (ZEW)
Olivier Cateura, Professeur Associé en Management Stratégique et Management de l'Energie, Grenoble École de Management (GEM)
Swaroop Rao, Doctorant, Energy Management, Grenoble École de Management (GEM)
Wolfgang Habla, Dr. oec. publ., Zentrum für Europäische Wirtschaftsforschung (ZEW)
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tag:theconversation.com,2011:article/90785
2018-02-05T19:43:39Z
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Comment l’écoconception s’est imposée dans les entreprises
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/204898/original/file-20180205-14072-tf97d7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le principe de base de l’écoconception est la notion de cycle de vie, qui vise à prendre en compte des considérations relatives à la fin de vie du produit.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/cut-paper-logo-recycling-547233937">paulaphoto/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Dans les années 1970, des réglementations émergent pour contraindre les entreprises à prévenir la pollution industrielle. On peut citer le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Clean_Air_Act">Clean Air Act</a> (1970) aux États-Unis ou la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement en <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000684771&categorieLien=cid">France</a> (1976).</p>
<p>Depuis, la prise de conscience des impacts environnementaux générés par l’industrie, mais aussi de l’intérêt stratégique, pour les entreprises, de les réduire, progresse. Certaines compagnies ont mis en place, dès le milieu des années 1990, des démarches pour maîtriser ces impacts. La première norme <a href="https://www.iso.org/fr/standard/23142.html">ISO 14001</a>, sur les systèmes de management environnemental, est ainsi publiée en 1996.</p>
<p>À la même époque, des enjeux écologiques « planétaires » (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/changement-climatique-21171">changement climatique</a>, érosion de la couche d’ozone et de la biodiversité) suscitent une attention grandissante. On comprend, par exemple, que les émissions de gaz à effet de serre générées en un temps et un lieu donnés auront des effets dans plusieurs dizaines d’années… et ne respectent pas les frontières ! Préserver le cadre de vie local ne suffit plus : ces problèmes globaux nécessitent l’organisation de négociations internationales entre les États, à l’image de la Convention Cadre des Nations unies sur les changements climatiques, dans le cadre duquel la COP21 a été organisée fin 2015 à Paris.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/dpwGUQtA1AE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Considérer les impacts amont et aval</h2>
<p>Simultanément, cette mondialisation des enjeux écologiques s’accompagne d’une autre mondialisation, celle des chaînes logistiques. Les activités productives, générant les impacts environnementaux les plus importants, sont souvent <a href="http://theconversation.com/fr/topics/delocalisation-34291">délocalisées</a> dans les pays du Sud.</p>
<p>La plupart des produits mis en vente aujourd’hui font intervenir des entreprises situées dans le monde entier. Si les émissions directes (de gaz à effet de serre, par exemple) générées sur le territoire de certains pays comme la France se stabilisent, leur <a href="http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/energie-climat/s/climat-effet-serre-empreinte-carbone.html">empreinte écologique ou carbone</a> – indicateur qui prend en compte les émissions associées aux consommations finales des habitants d’un pays – tend à augmenter.</p>
<p>Cela implique que l’entreprise qui souhaite réduire ses impacts sur l’environnement ne peut plus le faire en maîtrisant seulement les impacts environnementaux directs générés sur son site industriel. Elle doit considérer à la fois les effets amont (chaîne logistique) et aval (fin de vie) de ses produits.</p>
<p>La réglementation européenne encourage cette démarche dans le cadre de sa <a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=LEGISSUM%3Al28011">politique intégrée des produits</a> (PIP) qui vise à « promouvoir le développement d’un marché propice à la commercialisation de produits plus écologiques et susciter un débat public sur ce thème ».</p>
<p>Ainsi, la directive européenne <a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32009L0125">2009/125/CE</a> fixe des exigences en matière d’écoconception pour les produits, liées à l’énergie (en matière de consommation maximale d’énergie ou de quantités minimales de matériaux recyclés à mettre en œuvre dans la fabrication, par exemple).</p>
<p>Par ailleurs, la directive européenne <a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32008L0098">2008/98/CE</a> relative aux déchets introduit le principe de la <a href="http://www.ademe.fr/expertises/dechets/elements-contexte/filieres-a-responsabilite-elargie-producteurs-rep">responsabilité élargie du producteur</a> (REP) qui vise à « faire obligation aux producteurs, importateurs et distributeurs de ces produits ou des éléments et matériaux entrant dans leur fabrication de pourvoir ou de contribuer à l’élimination des déchets qui en proviennent ».</p>
<p>Ce principe vise à soutenir la conception et la fabrication de produits selon des procédés qui facilitent leurs réparation, réemploi, démontage ou recyclage, dans l’optique d’une plus grande efficacité de l’utilisation des ressources naturelles. Il s’applique aux équipements électriques et électroniques dans le cadre de la directive <a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv:OJ.L_.2012.197.01.0038.01.FRA">2012/19/UE</a>, qui rend les producteurs de ces appareils responsables du recyclage et de l’élimination des déchets qui en sont issus.</p>
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<h2>Envisager la fin de vie du produit</h2>
<p>L’<a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/leco-conception-des-produits">écoconception</a> constitue une réponse concrète que peut mettre en place l’entreprise afin d’éviter les transferts d’impacts entre les phases du cycle de vie ou entre les différents impacts environnementaux.</p>
<p>Elle est basée sur une démarche multicritère (prise en compte des différentes catégories d’impacts environnementaux) et multi-acteurs (prise en compte des différentes phases du cycle de vie du produit).</p>
<p>L’écoconception est définie par la norme <a href="https://www.eco-conception.fr/static/definition-de-leco-conception.html">NF X 30-264</a> comme l’« intégration systématique des aspects environnementaux dès la conception et le développement de produits (biens et services, systèmes) avec pour objectif la réduction des impacts environnementaux négatifs tout au long de leur cycle de vie à service rendu équivalent ou supérieur. Cette approche dès l’amont d’un processus de conception vise à trouver le meilleur équilibre entre les exigences environnementales, sociales, techniques et économiques dans la conception et le développement de produits ».</p>
<p>Son principe de base est la notion de cycle de vie, qui vise à prendre en compte, au-delà des phases de fabrication et d’usage envisagées en conception traditionnelle, des considérations relatives à la fin de vie du produit : facilitation des phases de désassemblage, broyage, tri, valorisation, etc.</p>
<p>Une démarche d’écoconception peut aller jusqu’à la mise en œuvre de nouveaux modèles économiques : par exemple, envisager un modèle d’économie de fonctionnalité afin d’étendre la durée de vie du produit.</p>
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<h2>Des pratiques différentes</h2>
<p>Ces dix dernières années, l’écoconception a fait sa mutation. Elle est passée de l’époque des précurseurs et de l’expertise environnementale à celle de l’éco-innovation et des changements de modèles économiques.</p>
<p>La performance est au centre des approches, comme on le voit avec l’évolution des normes. La <a href="https://www.iso.org/fr/standard/60857.html">version 2015</a> de l’ISO 14001 demande ainsi aux entreprises davantage de leadership, de performance et aussi d’intégrer la perspective du cycle de vie.</p>
<p>Aujourd’hui, cette demande se met en place différemment d’une entreprise à l’autre ; et les outils, méthodes ainsi que le management associé varient beaucoup selon le niveau de maturité de la firme et de son positionnement stratégique initial.</p>
<hr>
<p><em><a href="https://www.eco-conception.fr/member/10/">Samuel Mayer</a>, directeur du Pôle Éco-conception et management du cycle de vie, a contribué à la rédaction de cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/90785/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Natacha Gondran ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Pour réduire l’impact de son activité sur l’environnement, une entreprise doit prendre en compte non seulement les effets générés par sa production, mais aussi la fin de vie de ses produits.
Natacha Gondran, Enseignante-chercheuse en évaluation environnementale, Mines Saint-Etienne – Institut Mines-Télécom
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tag:theconversation.com,2011:article/88289
2017-12-11T05:06:33Z
2017-12-11T05:06:33Z
Marché du carbone : l’UE en manque de crédibilité climatique
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/197400/original/file-20171202-5378-13f6l8t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les fumées de la centrale thermique au charbon de Neurath (Allemagne). Il s’agit de l’un des sites les plus émetteurs de CO₂ au sein de l’UE. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/hadamsky/2057729917/in/album-72157603277788605/">hAdamsky/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Après plus de deux ans de négociations, les autorités européennes seront enfin parvenues, le 9 novembre 2017, à un accord sur la réforme du <a href="https://ec.europa.eu/clima/policies/ets_fr">marché du carbone</a> communautaire pour la période 2021-2030. La révision de ce dispositif, critiqué pour la faiblesse de son prix et son manque de crédibilité à long terme, était devenue indispensable.</p>
<p>Les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=eYOoJOxUVHg">marchés du carbone</a> (aussi appelés « système d’échanges de quotas ») et la taxation carbone constituent aujourd’hui les deux grands mécanismes pour donner un prix aux émissions de gaz à effet de serre (et tout particulièrement les rejets de CO<sub>2</sub>). Le but de cette tarification est de limiter ces émissions, mises en cause dans le dérèglement climatique, et d’inciter, sur le principe du pollueur-payeur, les acteurs économiques à décarboner leurs activités. On rappellera ici que l’Union européenne (UE) se classe au troisième rang mondial des plus gros émetteurs de CO<sub>2</sub>, après la Chine et les États-Unis.</p>
<p>L’UE a fait figure de pionnière en instaurant dès 2005 un système d’échanges de quotas… malheureusement toujours inefficace.</p>
<h2>Deux faiblesses majeures</h2>
<p>Ce marché du carbone communautaire concerne aujourd’hui quelque 12 000 installations (à travers 31 États), responsables d’environ 45 % des émissions de GES au sein de l’UE. Chaque année, le marché du carbone européen est défini par un plafond annuel d’émissions de CO<sub>2</sub> et permet l’échange de quotas entre opérateurs : ceux qui dépassent le plafond fixé pourront acheter des quotas supplémentaires à ceux qui seront restés en deçà. Un « quota » correspond à la permission d’émettre l’équivalent d’une tonne de dioxyde de carbone et concerne ainsi les différents gaz à effet de serre.</p>
<p>Le marché du carbone européen doit servir à respecter les <a href="https://ec.europa.eu/clima/policies/strategies/2030_fr">engagements climatiques de l’UE</a> concernant la réduction des émissions de GES : -20 % à l’horizon 2020 et au moins -40 % à l’horizon 2030 (par rapport à 1990).</p>
<p>Après plusieurs années de fonctionnement, ce marché a présenté deux faiblesses majeures que la réforme doit corriger. D’une part, le dispositif s’est montré vulnérable aux chocs externes (comme la crise économique de 2008) et aux interactions avec les autres politiques énergétiques. D’autre part, les États et la Commission européenne n’ont pas fait preuve d’une capacité suffisante à réajuster à la baisse l’offre de quotas à court terme.</p>
<p>Ces deux faiblesses ont conduit à un déséquilibre structurel entre l’offre et la demande de quotas au sein du marché, reflété par l’émergence d’un surplus de quotas et la formation d’un prix du CO<sub>2</sub> bien trop faible pour engager les industriels à réduire leurs rejets de GES.</p>
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<figcaption><span class="caption">Comment le système d’échange de quotas d’émissions européen fonctionne-t-il ? (I4CE, 2015).</span></figcaption>
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<h2>Surplus de quotas et prix trop bas</h2>
<p>Le surplus de quotas s’est formé en raison de la forte baisse des émissions de GES en Europe. Celles-ci ont en effet diminué de <a href="https://www.i4ce.org/download/chiffres-cles-climat-france-monde-edition-2018/">24 % sur la période 1990-2015</a>, essentiellement dans le secteur de l’énergie et grâce notamment au déploiement des énergies renouvelables. Au final, les émissions de GES des installations soumises aux quotas étaient, en 2016, inférieures au plafond défini pour… 2020.</p>
<p>Mais la crédibilité du marché est compromise. En cause, un surplus significatif de quotas non utilisés, accumulé depuis 2008 ; il atteint à présent de <a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52017XC0513(01)">1,7 milliard de quotas</a>, soit l’équivalent d’une année d’émissions.</p>
<p>Ce surplus provient en partie des réductions d’émissions de GES induites par la mise en œuvre de politiques énergie-climat, et non prises en compte dans la définition du plafond d’émissions ; mais aussi de la crise économique de 2008 qui a fait chuter l’activité industrielle (et donc les émissions). À cela s’est ajouté l’utilisation additionnelle de crédits internationaux au plafond européen d’émissions.</p>
<p>Ce surplus de quotas empêche depuis 2009 la mise en place d’un prix du carbone robuste. Il se situe actuellement autour de 7 à 8 € la tonne de CO<sub>2</sub>, ce qui n’incite en rien à la transition bas-carbone des industries européennes. Un <a href="https://static1.squarespace.com/static/54ff9c5ce4b0a53decccfb4c/t/59244eed17bffc0ac256cf16/1495551740633/CarbonPricing_Final_May29.pdf">récent rapport</a> préconise une trajectoire de prix compatible avec l’ambition de l’Accord de Paris : entre 34 et 68 € la tonne de CO<sub>2</sub> pour 2020, puis entre 43 et 85 € pour 2030.</p>
<h2>Inévitable réforme</h2>
<p>La réforme est ainsi devenue inévitable. Une première mesure a consisté à reporter les enchères de 900 millions de quotas prévues entre 2014-2016 à 2019-2020. Une seconde mesure concerne la mise en œuvre, en 2018, d’une <a href="https://ec.europa.eu/clima/policies/ets/reform_fr">réserve de stabilité de marché</a> (MSR). Son objectif sera de restaurer la rareté des quotas pour renforcer le prix du carbone. La MSR appliquera des seuils sur le nombre de quotas en circulation : au-dessus de ces seuils, des quotas seront placés dans la réserve ; en dessous, des quotas seront libérés.</p>
<p>L’accord trouvé le 9 novembre dernier établit un équilibre délicat, cherchant à être ambitieux sur le plan climatique tout en préservant la compétitivité des industries européennes. Si le contenu précis de cet accord n’est pas encore public, il semble toutefois acquis que les institutions européennes se sont accordées sur un certain nombre de mesures, en validant notamment l’augmentation du rythme de réduction du plafond des émissions de 38 à 48 millions de tonnes de CO<sub>2</sub>, retirées annuellement à partir de 2021.</p>
<p>Par ailleurs, les autorités européennes se sont entendues pour doubler (24 % au lieu de 12 % initialement) le taux auquel la MSR absorbera les quotas excédentaires et annuler définitivement, à partir de 2023, le volume de quotas de la MSR dépassant le volume des enchères de l’année précédente. D’après <a href="https://www.i4ce.org/wp-core/wp-content/uploads/2017/10/17-10-I4CE-Enerdata-IFPEN_EU-ETS-post-2020-reform-last-call_full-report-11.pdf">nos estimations</a>, plus de 3 milliards de quotas d’émissions pourraient ainsi être définitivement annulés.</p>
<h2>Des changements insuffisants</h2>
<p>Mais, toujours d’après les résultats de nos <a href="https://www.i4ce.org/wp-core/wp-content/uploads/2017/10/17-10-I4CE-Enerdata-IFPEN_EU-ETS-post-2020-reform-last-call_full-report-11.pdf">analyses</a>, ces éléments de réforme ne suffiront pas.</p>
<p>En effet, si les États-membres mettent en place les politiques pour atteindre les objectifs de déploiement des énergies renouvelables et d’amélioration de l’efficacité énergétique, les réductions d’émissions de GES qui en découleront respecteront à elles seules le plafond d’émissions de GES du système.</p>
<p>Par ailleurs, la MSR – conçue pour rendre le marché du carbone plus résilient aux interactions avec les autres politiques – ne parviendra pas à neutraliser l’effet des politiques d’énergie renouvelable et d’efficacité énergétique sur ce même marché.</p>
<p>De fait, la formation du prix du CO<sub>2</sub> pour la période 2021-2030 ne dépendra pas du besoin de réductions des émissions de CO<sub>2</sub> nécessaires pour atteindre l’objectif de 2030, mais bien de l’anticipation des opérateurs d’une restriction accrue de l’offre de quotas à plus long terme.</p>
<h2>Un corridor de prix du carbone dès 2020 ?</h2>
<p>Comment rendre plus crédible dès aujourd’hui la contrainte du marché du carbone européen au-delà de 2030 ?</p>
<p>L’objectif de réductions des émissions de GES de l’UE à l’horizon 2050 est de 80 à 95 % par rapport à 1990. Pour satisfaire un tel objectif, le marché du carbone devra encourager des réductions d’émissions de GES très significatives dans les secteurs de l’énergie et de l’industrie. Or, la trajectoire actuelle du plafond du marché pour l’après 2030 ne rendra pas possible le respect d’une telle ambition.</p>
<p>C’est l’anticipation de cette ambition de long terme qui pourrait permettre une décarbonation de l’UE plus rapide. Dans cette perspective, un « corridor de prix » – c’est-à-dire un prix minimum et un prix maximum encadrant le prix du carbone – serait la solution pour répondre au manque d’anticipation des opérateurs ; il permettrait de prévoir les réductions d’émissions nécessaires.</p>
<p>Ce corridor pourrait être instauré par la mise en place d’un prix de réserve sur les enchères de quotas : les quotas seraient ainsi retenus dans une réserve lorsque le prix de mise aux enchères est inférieur au prix plancher ; a contrario, ils pourraient être libérés lorsque le prix dépasse le prix plafond. <a href="https://www.i4ce.org/wp-core/wp-content/uploads/2017/10/17-10-I4CE-Enerdata-IFPEN_EU-ETS-post-2020-reform-last-call_full-report-11.pdf">Nos analyses</a> confirment que sa mise en œuvre permettrait d’encourager, dès 2021, des réductions supplémentaires d’émissions.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"869555539709235201"}"></div></p>
<h2>Un manque d’ambition</h2>
<p>Si, avec ce compromis de réforme, l’objectif de l’UE était d’aboutir à un accord politique, l’objectif est alors atteint. Il est le fruit d’un difficile équilibre entre ambition climatique et protection de la compétitivité de l’industrie européenne. En revanche, si l’objectif était de faire de ce marché le principal moteur de la transition bas carbone, l’objectif n’est, on l’a vu, pas atteint.</p>
<p>Notons, pour conclure, que le manque d’ambition du marché du carbone de l’UE et la crainte de son manque d’efficacité d’ici à 2030 peuvent ouvrir la porte à des initiatives d’États-membres avant 2020. La France, en discussion avec l’Allemagne notamment, semble ainsi disposée à proposer une action à ses partenaires européens pour renforcer le prix du carbone. Le <a href="https://www.oneplanetsummit.fr/fr/">One Planet Summit</a> du 12 décembre 2017 à Paris pourrait bien être le lieu de telles annonces.</p>
<hr>
<p><em>Cyril Cassisa et Jérémy Bonnefous <a href="https://www.enerdata.net/">(Enerdata)</a> ont participé à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/88289/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charlotte Vailles a reçu dans le cadre d’un programme de recherche sur les politiques européennes des financements de la part de décideurs publics et privés. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Émilie Alberola a reçu dans le cadre d’un programme de recherche sur les politiques européennes des financements de la part de décideurs publics et privés. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Paula Coussy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La très attendue réforme du marché du carbone européen, décidée le 9 novembre 2017, pourra-t-elle relancer ce dispositif prévu pour accompagner la transition énergétique ?
Paula Coussy, Chef de projet Marchés Carbone, IFP Énergies nouvelles
Charlotte Vailles, Chef de projet « Industrie, Énergie, Climat » d’I4CE, chercheuse associée, Agence française de développement (AFD)
Émilie Alberola, Économiste, directrice du programme « Industrie et Énergie » d’I4CE, chercheuse associée, Agence française de développement (AFD)
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tag:theconversation.com,2011:article/77445
2017-05-16T20:02:36Z
2017-05-16T20:02:36Z
Quand s’installent les microviolences, ou quelles leçons tirer des nouvelles règles de « The Voice »
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/169504/original/file-20170516-11945-1trkily.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une image de « Fifteen million merits », dans la série dystopique _Black Mirror_, qui dénonce les dérives potentielles des émissions comme _The Voice_.</span> </figcaption></figure><p>Il est des émissions qui font rire ou pleurer sans jamais faire preuve de violence ; qui entremêlent écoute, sensibilité, bienveillance, sincérité et authenticité. Ces émissions semblent bien loin de la mise en scène de violence contrôlées et scriptées, qu’elles soient au service de la survie (<em>Koh Lanta</em>) ou de la compétition amoureuse (<em>Le Loft</em>). Il en est ainsi du radio-crochet contemporain <em>The Voice</em> qui, malgré sa dimension ostensiblement compétitive, ne mobilise jamais directement des éléments de violence verbale ou physique dans ses mécanismes de jeu.</p>
<p>Or, de nouvelles règles viennent de faire leur apparition dans cette sixième édition, qui ont immédiatement fait l’objet de polémiques. Elles sont, en effet, susceptibles de perturber l’ambiance bon enfant de ce divertissement en remettant en cause certains mécanismes qui sont aux fondements des valeurs du concours.</p>
<p>L’observation de ces dispositifs « presque » purs de tout mauvais sentiment, du moins dans ce qu’ils s’affichent sur nos petits écrans, est susceptible de révéler les plus fines dérives qui conduisent, intentionnellement ou inintentionnellement (ce qui ne relève pas ici de notre propos), de la bienveillance à la maltraitance. Et à l’heure où le monde managérial prône les vertus de la psychologie positive à travers les notions <a href="http://www.capital.fr/carriere-management/coaching/l-empathie-pour-motiver-sachez-fendre-l-armure-803001">d’empathie</a>, de <a href="http://www.cadre-dirigeant-magazine.com/manager/ressources-humaines-rh/pourquoi-vous-inculquer-une-culture-de-la-gratitude-est-rentable/">gratitude</a> et de <a href="https://hbr.org/2015/05/why-compassion-is-a-better-managerial-tactic-than-toughness">compassion</a>, cet article propose de saisir les fêlures et les microviolences que la mise en place de ces nouvelles règles génèrent et produisent tant sur les candidat(e)s que les coachs, même s’il est trop tôt pour en saisir les ramifications. En revanche, il laisse de côté l’analyse des causes et explications, <a href="http://www.leparisien.fr/culture-loisirs/elimination-express-pour-les-retoques-08-11-2016-6301665.php">revendiqués</a> ou non par la production, des choix de leur mise en œuvre.</p>
<h2>Pas buzzé pas vu</h2>
<p>Les auditions à l’aveugle sont cet instant magique qui donne accès à un talent vocal sans la brutalité du jugement du regard. Chaque candidat(e) est écouté(e) avec attention, dans toute la pureté et la sincérité des notes qui jaillissent sans qu’aucune norme physique ne s’interpose à leur appréciation (même si la surprise qui illumine le visage des coachs à la découverte des canditat(e)s révèle l’existence d’un physique imaginé).</p>
<p>Or, jusqu’à la saison précédente, un(e) candidat(e) non buzzé(e) par l’un des quatre coachs recevait tout de même leurs conseils, les fauteuils se retournant automatiquement en fin de performance. Les propos étaient souvent encourageants, pointant ici une note un peu bleue, là un stress mal géré (« mais qui ne serait pas stressé dans une telle situation » serait très vite ajouté au commentaire). Surtout, jamais oh grand jamais les coachs ne s’autorisaient à briser le rêve de l’impétrant(e), toujours encouragé(e) à continuer sa passion, voire à, parfois, se représenter. Chaque mot d’encouragement était une caresse aux oreilles du (de la) candidat(e), atteignant son apogée lors d’embrassades accordées par les coachs avant qu’il/elle ne quitte la piste.</p>
<p>Depuis cette saison, plus question de retourner les sièges si aucun buzz ne se fait entendre. Face aux quatre dossiers, le (la) candidat(e) n’a plus qu’à silencieusement retourner en coulisse et rejoindre famille et amis, sans un mot ni un regard, encore moins un geste ou une accolade des coachs.</p>
<p>Il est bien sûr plus simple dans cette situation de se mettre du côté de la victime, du faible, de celui qui subit l’évaluation. Mais la caméra, longuement fixée sur les coachs, révèle les tensions qui les animent et les tactiques de contournement à cette interdiction de voir. Certains expriment leurs encouragements en applaudissant par-dessus leur siège, comme le feraient les spectateurs d’un concert applaudissant mains levées. D’autres n’hésitent pas à violer les règles de la production en se levant à la fin de la prestation pour encourager les malheureu(ses)x candidat(e)s et retrouver ainsi l’humanité des éditions précédentes.</p>
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<p>Cette règle vient, en effet mettre à mal le rôle même du coach qui est de guider, d’accompagner à partir d’une écoute qui se doit d’être attentive et bienveillante. Ici, seule une partie du chemin est parcouru, l’écoute, sans que les pas qui suivent puissent se prolonger. Imaginons une telle situation en entreprise. Un(e) manager a accès aux pratiques de ses collaborateurs ; il/elle reçoit à intervalles réguliers les <em>reportings</em> lui indiquant l’évolution de leurs performances ; il/elle est, dans une certaine mesure, en capacité de les observer, de moins en moins cependant au rythme auquel le management virtuel (à distance) se développe. </p>
<p>Alors même qu’il/elle lui est de plus en plus fréquemment demandé(e) d’ajouter à ses nombreuses activités <a href="http://www.journaldunet.com/management/expert/54868/le-manager-coach---nouvelle-posture-du-manager.shtml">celle du coaching</a>, quelles seraient ses réactions si on lui interdisait toute forme d’expression vis-à-vis de ses (futur-e-s) collaborateur(e)s ? Certes, on pourrait nous rétorquer que les coachs de <em>The Voice</em> n’ont, à ce stade du jeu, pas encore commencé leur rôle de coaching. Mais le rôle du coach ne réside-t-il pas dans sa posture, avant même qu’il ait prononcé son premier mot ?</p>
<h2>Vol de talent : « vivre dangereusement »</h2>
<p><a href="http://www.chartsinfrance.net/The-Voice/news-103206.html">Une seconde règle</a> vient également dangereusement rompre la bienveillance de l’émission : le vol de talent. Lors des éditions précédentes, un coach avait le droit de « voler » un talent rejeté par l’un de ses collègues, talent immédiatement intégré dans son équipe. Pour cette édition, le talent volé vient prendre place dans une pièce dénommée Le Foyer d’où il observe la suite des <em>battles</em>. En effet, le choix de chaque coach n’est pas définitif, un nouveau coup de cœur pouvant à tout moment remplacer le (la) candidat(e) fraîchement volé(e) qui devra alors céder sa place dans le fauteuil du talent volé et quitter le concours.</p>
<p>Cette règle introduit donc un danger permanent pour les talents, dont l’espoir de réintégrer le concours est remis en cause à chaque nouveau(lle) candidat(e). Ainsi, à la pression des <em>battles</em> s’ajoute une tension supplémentaire provoquée par des aller-retour entre la scène et le foyer de tous les dangers. Mais cette tension est perverse puisque les talents volés rêvent de l’être tout espérant, égoïstement, que leur nouveau coach n’en sauvera aucun autre. <em>The Voice</em> ne s’aligne-t-il pas ainsi sur la devise du libéralisme dont Foucault affirmait en 1979 qu’elle était de « vivre dangereusement », dans la mesure où le danger auquel s’exposent les candidat(e)s s’étend bien au-delà de leur prestation pour perdurer tout au long des <em>battles</em> ?</p>
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<p>Nous situerons cependant ailleurs la violence de cette nouvelle règle, plus précisément dans l’iniquité dans laquelle cette seconde élimination prend place. Précédemment, c’était la <em>battle</em>, ce « combat » autour d’une même chanson qui encadrait la sélection des candidat(e)s. Le perdant était écarté sur la base d’une moins « bonne » prestation (sa technique, son interprétation ou son potentiel de développement étant alors les raisons majoritairement invoquées). Être volé signifiait réintégrer une nouvelle équipe, accéder à une nouvelle épreuve de chant avec, en récompense des qualités nécessaires pour être volé, une séance avec un nouveau coach.</p>
<p>Cette nouvelle règle transforme profondément les termes du duel et ses conséquences :</p>
<ul>
<li><p>Les talents volés se retrouvent face à un simulacre de bataille. Ils ne combattent pas sur la même scène sur une même chanson un autre talent ; ils sont face à un ennemi identique à eux mais qui n’est que virtuellement présent. Ce dernier joue lui-même une autre bataille (autre scène, autre chanson) et n’a probablement pas conscience du combat virtuel qui pourrait l’amener à éliminer son invisible adversaire qui, lui, attend, crispé, dans le foyer ;</p></li>
<li><p>Le talent volé puis éjecté perd une seconde fois face à son « adversaire » virtuel sans même avoir l’occasion de combattre, sans une nouvelle mise à l’épreuve. Il perd donc deux fois, la première fois en connaissance de cause, la deuxième sans en comprendre le sens (puisque les deux talents volés, le second chassant le premier, ne combattent pas suivant les mêmes termes) ;</p></li>
<li><p>Pire, l’éjecté du foyer (retenons également la violence de cette image, un foyer étant ce lieu de sécurité dans lequel nous sommes normalement recueillis et protégés) n’a finalement même pas l’occasion de retenter sa chance. Aucune épreuve supplémentaire n’est prévue lors de laquelle il pourrait mettre à profit les commentaires obtenus durant sa première élimination.</p></li>
</ul>
<h2>Le retour de l’erreur… fatale</h2>
<p>Arrêtons-nous spécifiquement sur ce dernier point. Le monde managérial s’est, depuis plusieurs années emparé de la question de l’erreur sous plusieurs aspects. L’entrepreneuriat s’en est saisi en organisant des <a href="http://thefailcon.com/"><em>failcons</em></a>, ces événements hautement médiatisés lors desquels de courageux entrepreneurs partagent leurs histoires d’échecs. Plus récemment, le magazine <a href="https://www.relay.com/management/50-erreurs-de-management-que-vous-ne-ferez-plus-jamais-numero-252-presse-professionnelle-571317-16.html"><em>Management</em></a> a consacré son dossier principal à la nécessité pour les managers de valoriser l’erreur. </p>
<p>De l’entrepreneur qui prend le risque de se lancer et dont on imagine le besoin d’expérimenter (et donc de faire des erreurs) au manager souvent présenté comme le gardien de la conformité aux process organisationnels et qui, soudainement, doit embrasser l’erreur, le chemin parcouru est considérable. Mais il se justifie par des arguments d’autorité aussi divers que « sachons en France imiter la culture anglo-saxonne qui valorise l’erreur » et prenant pour exemple un Thomas Edison et son « I have not failed. I’ve just found 10 000 ways that won’t work » (« Je n’ai pas échouée, j’ai simplement trouvé 10 000 solutions qui ne fonctionnaient pas »), et les dernières recherches en neurosciences qui placent l’erreur [au centre des mécanismes neuronaux d’apprentissage<a href="http://www.cerveauetpsycho.fr/ewb_pages/a/article-l-erreur-forge-le-cerveau-38272.php"></a>.</p>
<p>Or, que nous disent ces deux nouvelles règles ? « Tu as échoué, mais tu n’auras ni le droit de savoir pourquoi, ni d’obtenir les encouragements qui t’aideront à réessayer » pour la première. Et « tu pensais ne pas avoir tant échoué que cela (repêchage) mais finalement, tu es sur un siège éjectable permanent sans pouvoir à aucun moment tenter de t’améliorer ».</p>
<p>Simon Lemoine vient de récemment publier aux Presses du CNRS un ouvrage intitulé <a href="http://www.cnrseditions.fr/philosophie-et-histoire-des-idees/7438-micro-violences.html"><em>Microviolences : le régime du pouvoir au quotidien</em></a>. Il y dépeint les microdispositifs qui font plier chacun d’entre nous sans que nous nous en rendions compte, au point, finalement, de trouver ces microviolences <em>normales</em>.</p>
<p>Les violences produites par les nouvelles règles de <em>The Voice</em> deviendront-elles, elles aussi, si naturelles que nous en oublierons les dangereuses fêlures qu’elles produiront sur les candidat(e)s, les coachs comme sur son public ? Les entreprises proposant un management bienveillant sauront-elles saisir, en leur sein, l’émergence de nouvelles règles, de nouveau rites explicites ou implicites créant des fêlures suffisamment larges pour que s’y immiscent des comportements « naturellement » violents ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77445/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raffi Duymedjian ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les nouvelles règles de « The Voice » remettent en cause certains mécanismes bienveillants qui semblaient jusque là irriguer le concours.
Raffi Duymedjian, Professeur associé,, Grenoble École de Management (GEM)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/74034
2017-03-05T20:33:56Z
2017-03-05T20:33:56Z
Jean-Christophe Averty, « Méliès du petit écran »
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/159391/original/image-20170304-29043-s0t81t.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Jean-Christophe Averty.</span> </figcaption></figure><p>Disparu le 4 mars, Jean-Christophe Averty a inventé durant le XX<sup>e</sup> siècle, l’art télévisuel se démarquant de l’École des Buttes-Chaumont. Par l’originalité et par le nombre de ses émissions, par ses relations avec le public, il a marqué l’histoire de la télévision française.</p>
<h2>Une formation cinématographique</h2>
<p>Diplômé de l’IDHEC, où il apprend surtout « à découper et à confectionner un story-board » (Sylvie Pierre, 2017, <em>Jean-Christophe Averty : une biographie</em>, INA Éditions, Paris, p. 65-88.), c’est par hasard qu’Averty entame une carrière à la Radio-diffusion télévision française en 1952, sous la direction de Jean d’Arcy, directeur des programmes, qui lui donnera toute liberté dans son expression (il sera nommé réalisateur en 1956).</p>
<p>Ses réalisations couvrent quatre genres principaux : le jazz, la variété, la biographie rêvée et le show dans lesquels il s’est distingué par une recherche graphique et narrative sans précédent. Il est connu comme celui qui est à l’origine de l’art télévisuel, c’est-à-dire l’écriture par l’image. Metteur en pages à la télévision, Averty découpe l’écran en petites fenêtres dans lesquelles il se passe des choses multiples à des échelles différentes. <em>Ubu roi</em> (1965), <em>Les Raisins verts</em> (1963-1965) et beaucoup d’autres émissions en sont des exemples.</p>
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<p>Sa biographie à paraître <a href="https://www.lettreaudiovisuel.com/un-livre-sur-jean-christophe-averty/">prochainement</a> porte sur une série d’entretiens menés avec lui pendant plusieurs années (2011-2015) et sur son fonds d’archives inédites composées de correspondances et de carnets de notes personnelles.</p>
<h2>Une notoriété au-delà des frontières</h2>
<p>Dans l’histoire de la télévision française, Averty est considéré comme un des plus grands créateurs télévisuels et les prix qu’il a reçus en attestent. Averty a reçu en effet de nombreuses distinctions en France et à l’étranger qui montrent la richesse et la diversité de ses productions télévisuelles. Pour n’en citer que quelques-uns : Prix Bête et Méchant d’<em>Hara-Kiri</em> (1963) ; Prix des Graphistes des Compagnons de Lure (1964) ; Grand Prix international de la Télévision (Emmy Award) (1964) ; Prix Adolf-Grimme Westphalie (1969) ; 7 d’argent de la télévision (1975) ; Rose d’or au Festival de Montreux pour l’ensemble de son œuvre (1985).</p>
<p>En 1966, <a href="http://bit.ly/2m8OfJV">Dali déclare</a> : « Averty, le premier réalisateur de télévision au monde ». Il a joui non seulement d’une immense réputation mais aussi d’une aura qui le distingue de bien d’autres contributeurs à l’histoire de la télévision française. Il est perçu comme « l’un des meilleurs réalisateurs de variétés » (Cazenave François, « Jean d’Arcy parle », Paris, INA, p. 33-34.), ce qu’il fut, d’ailleurs, durant la quarantaine d’années où il a magnifié Jacques Dutronc, Johnny Hallyday et Sylvie Vartan, Serge Gainsbourg et Jane Birkin, Dalida, Sheila, Jeanne Moreau, Line Renaud, Yves Montand, Claude François, Tino Rossi, Henri Salvador, Juliette Gréco, Gilbert Bécaud et tant d’autres qui ont fait la chanson française.</p>
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<h2>Un langage télévisuel</h2>
<p>À une époque fondatrice d’une télévision publique qualifiée tour à tour de « télévision de service public », « télévision des hussards noirs de la République », « École des Buttes Chaumont », il est apparu aux yeux de ses contemporains comme un metteur en scène ou metteur en page sans équivalent dans le contexte. Dans la filiation de Méliès, influencé par le surréalisme et les auteurs d’avant-garde, en marge de l’École des Buttes-Chaumont, qui prône le réalisme et le direct, il choisit de pratiquer l’humour noir et crée un langage télévisuel fondé sur les contrastes et les effets spéciaux.</p>
<p>Pour lui, la télévision est une façon (la façon) de voir le monde, pas toujours réelle, un art poétique majeur basé sur des écrits et des montages graphiques où l’imagination et la vie de l’esprit sont primordiaux :</p>
<blockquote>
<p>« Il faut immédiatement frapper le spectateur chez lui, lui donner une grande gifle esthétique ou plastique dans la figure. Car la télévision est un tableau vivant chez soi. » (Sylvie Pierre, ibid.)</p>
</blockquote>
<p>La technique audiovisuelle opère comme un outil de médiation entre le monde et le spectateur, sans qu’elle se laisse réduire à un instrument pour représenter la soi-disant « vérité ».</p>
<blockquote>
<p>« La réalité télévisuelle n’est qu’une illusion. Toute image proposée par la télévision, est <em>réelle</em> dans la mesure où elle ne représente qu’un rêve éveillé, _surréaliste (…) Mes images sont surréalistes dans la mesure où elles montrent tout ce que les autres ne voient pas. » (Sylvie Pierre, ibid.)</p>
</blockquote>
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<p>Averty s’expliquera souvent sur ses choix artistiques :</p>
<blockquote>
<p>« Pour moi, la télévision, c’est comme un journal : je suis chargé de la mise en pages – une mise en pages étalée, à plat, très graphique, très lisible tout de suite. Je dois présenter quelque chose d’immédiatement visible à l’œil, qui soit agressif ou captivant, mais du premier coup. » (Le Monde, 1 octobre 1964)</p>
</blockquote>
<p>Il a utilisé la télévision comme un véritable « laboratoire de recherche », s’appropriant la technique au fur et à mesure de ses avancées, ouvrant des voies nouvelles, comme un alpiniste qu’il n’était pas, à la représentation originale. Il a créé l’« effet télé », a traversé la création conceptuelle, annoncé des jeux d’écriture dans le cadre de la petite lucarne, osé être littéraire et poétique.</p>
<p>Il a accompagné le développement de la télévision nationale, dont on connaît les étapes. Du noir et blanc à la couleur, du trucage artisanal à l’incrustation puis au numérique, il a su tirer de la technique audiovisuelle en constante évolution de quoi satisfaire son besoin permanent de création et offrir au public des émissions de grande qualité artistique, par quoi il a marqué son époque par son extraordinaire talent.</p>
<h2>L’influence des surréalistes</h2>
<p>Son œuvre tient à ses rencontres, à son admiration pour les peintres et les auteurs surréalistes, au jazz, à son amitié avec Jean Cocteau, à la fréquentation d’André Breton, de Jacques Prévert, à l’engouement d’Abel Gance, rencontrés, pour certains, dès son adolescence.</p>
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<p>Il n’a cessé de reconnaître sa dette à l’égard de ceux qu’il tient pour ses maîtres : Lautréamont, Roussel, Braque, Jarry, Gracq, Ernst, Dali, Magritte, etc. Averty a inscrit son œuvre dans l’histoire de l’art du XX<sup>e</sup> siècle et a mis en images les œuvres qu’il aimait – <em>Ubu roi</em> (1965, 1971), <em>Un beau ténébreux</em> (1967), <em>Le Surmâle</em> (1980), etc. – ou emprunté à ces artistes pour illustrer ses émissions – <em>Le Bœuf sur le toit</em> (1975), <em>Mouchoir de nuages</em> (1976), <em>Le Château des Carpathes</em> (1976), <em>Chanteclerc</em> (1976), <em>Impressions d’Afrique</em> (1977), etc.</p>
<p>Son refus du réalisme vient d’une jeunesse marquée par la guerre et sa violence. C’est pourquoi la réalité d’un monde merveilleux, sinon féérique, s’immisçait souvent dans son écriture. Les « biographies rêvées » qu’il a consacrées à Fragson, à Musidora, à Méliès en sont des exemples parmi bien d’autres : il a convoqué des célébrités du passé, parfois oubliées, pour les faire revivre à sa manière, en mêlant histoire et imaginaire. Les dizaines de musiciens de jazz qu’il a filmés au plus près durant les festivals de Cannes et d’Antibes témoignent tout autant de son souci de donner à voir l’émotion suscitée par une interprétation que de laisser une trace (il retransmet les concerts des festivals de jazz de Cannes et d’Antibes à partir de 1958).</p>
<p>Magicien des images, il maniait l’outrance autant que la gravité sans hésiter à dénoncer avec humour le racisme, la pauvreté ou la religion. C’était sa manière à lui de s’engager. Son impertinence, le rythme de ses émissions, son humour noir grinçant, caricatural, mordant, agressif ont provoqué souvent la polémique auprès des téléspectateurs de l’unique chaîne et des critiques de télévision.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/159392/original/image-20170304-29043-1u4o2eg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/159392/original/image-20170304-29043-1u4o2eg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/159392/original/image-20170304-29043-1u4o2eg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/159392/original/image-20170304-29043-1u4o2eg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/159392/original/image-20170304-29043-1u4o2eg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/159392/original/image-20170304-29043-1u4o2eg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/159392/original/image-20170304-29043-1u4o2eg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/159392/original/image-20170304-29043-1u4o2eg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le bébé à la moulinette (1963).</span>
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<p>Nombre de téléspectateurs associent l’image du fameux « Bébé dans la moulinette » des <em>Raisins verts</em> (1963-1964) à Averty tant le scandale a marqué les années 1960. Lui, disait de cette trouvaille : « J’ai réussi à transformer une moulinette en symbole national. Ce n’est pas si mal. C’est un bel objet, un symbole cosmique ». Avec les <em>Raisins verts</em>, il a voulu magnifier la bêtise pour mieux la dénoncer. Sa volonté était d’offrir des choses nouvelles au public, de le faire bouger, de lui ouvrir les yeux et il n’hésitait pas à le provoquer. Il y a ceux qui aimaient et ceux qui détestaient. Les fondateurs de <em>Hara-Kiri</em> lui ont remis le prix « Bête et méchant » en 1963, saluant l’esprit caustique dont ils étaient les plus notoires praticiens.</p>
<p>Anne-Marie Duguet, auteure d’un ouvrage sur l’<a href="http://www.disvoir.com/fr/fo/e/82.html">esthétique d’Averty</a>, écrit qu’elle est « sans équivalent dans le contexte télévisuel ». L’Emmy Award qu’il a reçu en 1964 à New York atteste de son influence aux États-Unis où ses émissions de jazz sont encore très largement diffusées.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/fwllq9YUJtw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Pour une télévision de qualité</h2>
<p>Averty voulait faire de la télévision un outil au service de l’intelligence afin de lui donner la légitimité culturelle et artistique qu’elle n’avait pas en naissant. Il n’a jamais cherché à plaire. Mais il n’a jamais cessé de donner le goût de la culture et du beau à ceux qui regardaient la télévision. Son style rompait avec certaines émissions conformistes et conventionnelles installées à la télévision, supposées apporter pour certaines la promesse du bonheur et pour d’autres de l’évasion.</p>
<p>N’oublions pas le contexte de l’époque dans laquelle il a exercé, ce qu’il n’est pas loin de considérer comme un sacerdoce. Lorsqu’Averty entre à la télévision en 1952, celle-ci sort tout juste des limbes. Comparé à celui d’aujourd’hui, le public est demeuré relativement restreint pendant toute sa carrière, mais il est intéressant de constater à quel point il a toujours entretenu une relation étroite avec les spectateurs, toutes classes sociales confondues. Il est certainement le réalisateur qui a reçu le plus de courriers de téléspectateurs. Averty défendait une conception de la télévision qui ne considère le public ni comme une masse (« mot affreux »), ni comme une cible à sonder (« on ne sonde que les malades »), mais comme des individus pensants, sensibles, curieux, passionnés. Pourquoi pas.</p>
<p>La télévision à laquelle il aspirait n’est pas advenue. La télévision en faveur de laquelle il a bataillé durant des années avait des missions à accomplir : divertir, certes, mais aussi et peut-être d’abord informer, instruire, stimuler l’esprit, ouvrir l’espace du regard au merveilleux et au rêve. Le parcours d’Averty est d’abord celui d’un homme aux combats multiples toujours respectueux du public, mais aussi celui d’un homme qui entendait faire partager sa culture et ses passions, se démarquant de ceux qui ont fait le choix de l’immédiateté et sinon de la vulgarité.</p>
<p>Averty rêvait encore ces dernières années (conscient sans doute qu’il s’agit d’un rêve) d’une société où la télévision ne serait plus soumise à la pression des annonceurs publicitaires, qui ruine l’intelligence des spectateurs et la créativité des auteurs : « La seule marque de respect que l’on doive au public, c’est de ne jamais sous-estimer son intelligence » me disait-il souvent.</p>
<p>Averty était un homme qui récusait le bon goût, les concessions, le conformisme. Parfois excessif, toujours sincère et profondément moderne et créatif. Son œuvre marquera l’histoire de la télévision par son incroyable inventivité dans l’art télévisuel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/74034/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvie Pierre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Jean-Christophe Averty (1928-2017) a signé quelque 500 émissions parmi les plus novatrices. Ce créateur-inventeur en perpétuelle recherche a créé l’art télévisuel.
Sylvie Pierre, Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication/Centre de recherche sur les médiations, Université de Lorraine
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/50436
2015-11-12T05:44:34Z
2015-11-12T05:44:34Z
Le marché très discret de la compensation carbone volontaire
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/101588/original/image-20151111-9393-1dug2jz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un foyer de cuisson amélioré dont la fabrication a été financée par le système de compensation carbone volontaire. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:BioLite_HomeStove.JPG">BioLite/wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Grand rendez-vous de la diplomatie internationale sur le changement climatique, la 21<sup>e</sup> Conférence des Parties (<a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-cop21-cop-50019">COP</a>) qui s’ouvre à la fin du mois à Paris peut sembler loin des préoccupations quotidiennes des citoyens. Mais les COP ont de véritables effets sur nos modes de vie. C’est ainsi le cas avec l’émergence du marché volontaire de la compensation du carbone qui a vu le jour à la suite des négociations de la COP de Kyoto (1997).</p>
<p>Le trajet d’une lettre, la fabrication de chocolat, d’oreillers ou de produits cosmétiques, un déplacement en avion, une coupe chez le coiffeur : tous ces produits et services, qui pour exister réclament la consommation d’énergies fossiles émettrice de gaz à effet de serre (<a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-cop21-gaz-a-effet-de-serre-50156">GES</a>) dont la trop grande concentration dans l’atmosphère perturbe le climat, peuvent être « compensés carbone ». Il suffit à leurs fabricants ou prestataires d’acheter des « crédits carbone ». Ceux-ci correspondent à une réduction d’émissions de gaz à effet de serre rendue possible grâce au financement de projets d’aide au développement.</p>
<h2>Minimiser les coûts de la réduction des émissions</h2>
<p>C’est au cours des négociations de la troisième COP (1997) – qui déboucha sur le <a href="http://unfccc.int/portal_francophone/essential_background/feeling_the_heat/items/3294.php">Protocole de Kyoto</a> – que le principe des réductions d’émissions de GES dans un pays en voie de développement permettant de compenser les émissions des pays industrialisés a été mis en place. Le Protocole avait fixé pour la période de 2008-2012, un objectif global de réduction de ces émissions d’au moins 5 % par rapport aux niveaux de 1990.</p>
<p>En amont de la négociation du traité, l’Union européenne et les États-Unis s’étaient opposés sur la manière d’atteindre ces objectifs. Washington, craignant que le coût des réductions d’émissions soit trop élevé pour ses entreprises, avait proposé d’ajouter des mécanismes de flexibilité au Protocole de Kyoto. Partant du postulat que les coûts de réduction d’émissions de carbone sont moins élevés dans les pays en voie de développement, le Mécanisme pour un développement propre (<a href="http://unfccc.int/portal_francophone/essential_background/feeling_the_heat/items/3297.php">MDP</a>) a été instauré.</p>
<p>Ce mécanisme permet à un pays industrialisé de financer des réductions d’émissions carbone dans un pays en développement. Un <a href="https://cdm.unfccc.int/EB/index.html">comité exécutif de l’ONU</a> est chargé d’établir les règles visant la vérification des réductions d’émissions de carbone réalisées via la mise en œuvre de ces projets. Une fois certifiées par ce comité, les réductions d’émissions peuvent être échangées sous forme de crédits carbone par les pays intéressés ayant ratifié le Protocole. Cependant, seules les émissions de certains secteurs (industrie lourde, énergie) sont concernées.</p>
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<h2>Un outil pour la communication « verte »</h2>
<p>Dès 2005, des entreprises n’appartenant pas à ces secteurs – et donc non contraintes à réduire leurs émissions – ont commencé à acheter sur une base volontaire des crédits carbone issus de projets dans les pays en voie de développement. C’est notamment le cas de fabricants d’oreillers, de chocolat, de <a href="http://www.usinenouvelle.com/article/neutralite-carbone-pour-les-services-de-la-poste.N198945">livreurs de colis</a>. Petit à petit, les règles d’un nouveau marché où des acteurs achètent, sans y être contraints, des crédits carbone proposés par des <a href="http://www.novethic.fr/empreinte-terre/climat/isr-rse/compensation-carbone-quelle-transparence-121092.html">ONG ou des cabinets spécialisés</a> se sont instaurées. De nouveaux <a href="http://www.v-c-s.org/">organismes privés de certification</a> ont également vu le jour pour labelliser les crédits vendus sur le marché du carbone volontaire. Pour les firmes qui achètent ces crédits carbone, la démarche s’inscrit désormais dans une politique de Responsabilité sociale des entreprises (RSE).</p>
<p>Les produits ou services compensés carbone deviennent pour l’entreprise l’occasion de communiquer sur sa démarche environnementale : on pense, par exemple, au financement de la distribution de filtres à eau en zone rurale d’Afrique subsaharienne. Grâce à ces filtres, les ménages éviteraient des émissions de carbone en consommant moins de bois, car ils n’auraient plus besoin faire bouillir l’eau pour la rendre potable. Il peut aussi s’agir de subventionner la vente de <a href="http://www.info-compensation-carbone.com/cuiseurs-ameliores/">foyers de cuisson améliorés</a>. Ces derniers sont dits « améliorés », car ils permettent de consommer moins de combustible et émettent moins de fumées toxiques. L’Organisation mondiale pour la santé tient en effet les feux entre trois pierres, utilisés dans les logements pour la cuisine et le chauffage, responsables de <a href="http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs292/fr/">maladies respiratoires</a> entraînant la mort prématurée de 4,3 millions de personnes par an.</p>
<p>C’est en estimant la différence entre les émissions produites par les ménages sans équipement avec celles des ménages équipés, que les développeurs de projet peuvent obtenir des crédits carbone qu’ils proposent ensuite à la vente. Les transactions de crédits carbone issus de ces deux technologies – le filtre à eau et la vente de foyers de cuisson améliorés – se sont chiffrées à <a href="http://forest-trends.org/releases/uploads/SOVCM2015_FullReport.pdf">25 millions de dollars américains</a> en 2014.</p>
<p>Les montants associés au marché volontaire du carbone restent loin d’égaler ceux des marchés mis en place par des États : 400 millions de dollars contre <a href="http://www.ieta.org/assets/Reports/world%20bank%202014%20state%20and%20trends.pdf">30 milliards</a>. Les réductions d’émissions de carbone financées sur une base volontaire par les entreprises, soit <a href="http://forest-trends.org/releases/uploads/SOVCM2015_FullReport.pdf">1 %</a> du total des émissions mondiales en 2014, sont quant à elles loin des <a href="http://www.actu-environnement.com/ae/news/rapport-giec-2c-emissions-ges-temperatures-hausse-21395.php4">recommandations</a> des experts pour limiter le réchauffement climatique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/50436/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alice Valiergue est financée par Sciences Po pour réaliser sa thèse.</span></em></p>
Comment fonctionne ce système qui permet aux particuliers, aux administrations et aux entreprises de compenser leurs émissions de gaz à effet de serre en acquérant des « crédits carbones » ?
Alice Valiergue, Doctorante au Centre de sociologie des organisations, Sciences Po
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tag:theconversation.com,2011:article/48604
2015-10-06T04:36:31Z
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Pourquoi l’Afrique doit faire profil carbone bas
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/97330/original/image-20151006-28772-44izfz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Opter pour des énergies modestes en carbone, à l’instar du solaire, devrait permettre à l’Afrique de ne pas aggraver l’impact du réchauffement climatique planétaire. </span> <span class="attribution"><span class="source">www.shutterstock.com</span></span></figcaption></figure><p>L’Afrique est à la fois le <a href="http://www.afrizap.com/pays-pauvres/">continent le plus pauvre</a> et celui dont la croissance démographique est la plus forte. Un développement économique rapide et soutenu est nécessaire pour venir à bout de la pauvreté.</p>
<p>Mais un tel développement aura besoin d’énergie, énormément. Le défi consistera à mener à bien cette évolution sans aggraver le réchauffement planétaire, car une situation climatique très dégradée auraient des conséquences néfastes capables d’annuler les bénéfices de la croissance africaine. S’il peut sembler contre-intuitif, un développement sobre en carbone doit être au cœur de la stratégie d’adaptation aux changements climatiques des pays africains.</p>
<p>Le dernier rapport émis par l’<a href="http://www.africaprogresspanel.org/">« Africa Progress Panel »</a> de Kofi Annan expose de manière limpide le défi énergétique que doit relever l’Afrique : le continent consomme moins d’énergie que l’Espagne (50 % de cette consommation revenant à l’Afrique du Sud) ; les deux-tiers des Africains n’ont pas accès à l’électricité. Une Afrique prospère aura besoin d’un approvisionnement en énergie similaire à celui de l’Europe dans son ensemble, et pas seulement celui de l’Espagne. Cette production énergétique devra être très faible ou nulle en carbone.</p>
<h2>La part africaine dans le réchauffement</h2>
<p>L’humanité a déjà brûlé près des 60 % du <a href="http://trillionthtonne.org/">trillion de tonnes de carbone</a> disponible, mais a encore la possibilité d’éviter un changement climatique dangereux en limitant l’augmentation des températures à <a href="https://theconversation.com/a-matter-of-degrees-why-2c-warming-is-officially-unsafe-42308">deux degrés</a>.</p>
<p>Si l’idée que l’Afrique puisse se voir attribuer les 400 milliards de tonnes de carbone restantes est plaisante, la réalité est, évidemment, tout autre. Les émissions de gaz à effets de serre en provenance des <a href="http://www.climateactiontracker.org/">plus grands pollueurs</a> continuent de croître ; des décennies seront nécessaires pour inverser cette tendance. L’immobilisme politique, économique et technique des systèmes existants rend le changement très lent. Les grands émetteurs actuels brûleront ce qui reste de carbone, et toutes les nouvelles émissions en provenance d’Afrique contribueront à faire augmenter les températures au-delà des deux degrés. </p>
<p>On peut établir des calculs pour illustrer l’impact respectif de différents scénarios énergétiques pour l’Afrique. Pour ces prévisions, les hypothèses sont les suivantes :</p>
<ul>
<li><p>Chaque trillion de tonnes de <a href="https://doi.org/10.1038/nature08019">carbone </a> brûlé contribuera à un réchauffement climatique de plus de deux degrés.</p></li>
<li><p>La <a href="http://esa.un.org/unpd/wpp/">population</a> africaine passera de 1,2 milliard d’habitants aujourd’hui à 2,5 milliards en 2050 et à 4,5 milliards en 2100.</p></li>
<li><p>Pour atteindre ses objectifs de développement, l’accès à l’énergie en Afrique passera de l’actuel 33 % à 100 % en 2050 ; les émissions de carbone par habitant augmenteront proportionnellement jusqu’en 2050 puis seront stables jusqu’en 2100.</p></li>
</ul>
<p>Voici maintenant trois scénarios possibles concernant les émissions de carbone pour chaque Africain en 2050, lorsque l’accès complet à l’énergie sera atteint (en prenant comme référence les émissions équivalent-CO2 actuelles publiées par le <a href="http://www.wri.org/resources/data-visualizations/cait-climate-data-explorer">World Resources Institute</a> et en les divisant par 3,67 pour obtenir les résultats en tonnes de carbone):</p>
<ul>
<li><p>Mêmes émissions qu’aux États-Unis : 5,95 tonnes par personne par an. </p></li>
<li><p>Mêmes émissions qu’en Afrique du Sud : 2,65 tonnes par personne par an. </p></li>
<li><p>Mêmes émissions qu’en Suède : 1,69 tonne par personne par an. </p></li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/97333/original/image-20151006-29251-ecwwuz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/97333/original/image-20151006-29251-ecwwuz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/97333/original/image-20151006-29251-ecwwuz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/97333/original/image-20151006-29251-ecwwuz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/97333/original/image-20151006-29251-ecwwuz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/97333/original/image-20151006-29251-ecwwuz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/97333/original/image-20151006-29251-ecwwuz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Mark New</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Comme on peut le voir sur le graphique ci-dessus, la croissance énergétique en Afrique, selon le scénario choisi, pourrait entraîner une consommation comprise entre 0,4 à 1,3 trillion de tonnes de carbone. Une situation qui risquerait d’augmenter le réchauffement planétaire de 0,7 à 2,6 degrés supplémentaires.</p>
<p>Il est probablement prudent d’envisager qu’un Africain n’aura jamais les mêmes émissions de carbone qu’un Américain d’aujourd’hui. Mais en suivant une consommation énergétique classique à base de carbone, ces émissions pourraient être semblables à celles, moyennes, d’un Suédois ou d’un Sud-Africain. Dans cette hypothèse, l’Afrique ajouterait entre 0,7 et 1,2 degré à l’augmentation de la température mondiale.</p>
<h2>1,5 % des émissions mondiales</h2>
<p>Il faut se rappeler que chaque degré de réchauffement planétaire correspond à une augmentation des températures entre 1,5 et 2 degrés en Afrique, tout particulièrement dans les<a href="http://acdi.uct.ac.za/blog/are-semi-arid-regions-climate-change-hot-spots-evidence-southern-africa"> zones intérieures sèches</a>. Un réchauffement de trois degrés (un degré au-dessus de l’objectif fixé au niveau mondial) conduit à un réchauffement local entre quatre et six degrés pour l’Afrique.</p>
<p>Les défis pour s’adapter à un tel réchauffement sont immenses. Une <a href="http://dx.doi.org/10.1016/j.gloenvcha.2009.04.003">étude</a> sur les types de cultures pratiquées en Afrique estime, par exemple, que toutes les variétés actuellement cultivées devraient être remplacées par d’autres en provenance de zones plus chaudes ou, dans le pire des cas, par des espèces totalement nouvelles. Des défis tout aussi importants concerneront la gestion l’eau, l’urbanisation et la préservation des écosystèmes. </p>
<p>L’Afrique émet aujourd’hui environ 800 millions de tonnes de carbone par an. Ce qui représente seulement 1,5 % du total des émissions mondiales. Mais les choix à venir pourraient considérablement changer la donne, sachant que les investissements énergétiques engagent sur le long terme et sont difficilement modifiables. </p>
<p>Les émissions africaines peuvent rester faibles si des orientations énergétiques modestes en carbone sont prises dès maintenant. On s’appuiera sur l’énergie solaire, éolienne, hydraulique, géothermique, peut-être même nucléaire ou encore tirant sa source de la capture et du stockage du carbone. L’Afrique pourra ainsi éviter d’aggraver l’impact du réchauffement climatique provoqué par les pays les plus pollueurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/48604/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mark New receives funding from a number of public funders, including the NRF and DST in South Africa, and DFID and IDRC internationally. This funding supports his research on climate change science, impacts and adaptation, which might be (and has been) used as evidence for climate change policy and practice. He is a board member of Project 90x2030 an NGO based in Cape Town that aims to inspire and mobilize a low carbon generation. </span></em></p>
Comment soutenir la croissance en Afrique pour éradiquer la pauvreté ? En adoptant dès aujourd'hui des politiques énergétiques pauvres en carbone.
Mark New, Director, African Climate and Development Initiative, University of Cape Town
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