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endométriose – The Conversation
2024-03-12T09:26:20Z
tag:theconversation.com,2011:article/223397
2024-03-12T09:26:20Z
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Endométriose : et si l’activité physique aidait à combattre les symptômes ?
<p>Douleurs pelviennes et fatigue sont les symptômes les plus récurrents de l’<a href="https://theconversation.com/fr/search?q=endom%C3%A9triose">endométriose</a>, cette affection chronique caractérisée par la présence de tissu de l’endomètre en dehors de la cavité utérine ; l’endomètre étant la muqueuse qui tapisse l’intérieur de l’utérus et qui est éliminée pendant les règles.</p>
<p>Mais l’endométriose est aussi fréquemment associée à des troubles digestifs, des douleurs neuropathiques (qui sont des douleurs relatives à une lésion ou à un dysfonctionnement du système nerveux, notamment lorsque ces douleurs sont intenses et persistantes), à des douleurs lors des rapports sexuels, ou encore à de l’infertilité.</p>
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<p>L’endométriose est aujourd’hui un <a href="https://sante.gouv.fr/soins-et-maladies/prises-en-charge-specialisees/endometriose-11356/article/la-strategie-nationale-2022-2025">enjeu majeur de santé publique</a> au regard de ses conséquences sur la vie des personnes atteintes et du nombre de femmes concernées, <a href="https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/endometriose/definition-facteurs-favorisants">près de 10 % d’entre elles</a>.</p>
<p>Les répercussions de cette maladie peuvent être invalidantes et toucher tous les domaines de la vie des personnes atteintes. Le phénomène peut être exacerbé par la chronicité des symptômes qui, pour certaines femmes, ne se limitent pas à la période des règles. Ils peuvent être chroniques, survenir durant le syndrome prémenstruel, au moment de l’ovulation…</p>
<h2>S’interroger sur les bénéfices de l’activité physique dans l’endométriose</h2>
<p>Nous savons déjà que pratiquer de l’activité physique se révèle bénéfique pour réduire les <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-981-15-1792-1_16">douleurs chroniques</a>, <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmed.2021.756940/full">neuropathiques</a> et les processus inflammatoires associés.</p>
<p>Faire de l’exercice physique améliore également le bien-être physique et mental chez les douloureux chroniques mais aussi chez des personnes atteintes d’autres pathologies comme <a href="https://journals.lww.com/acsm-msse/fulltext/2019/11000/exercise_guidelines_for_cancer_survivors_.23.aspx">des</a> <a href="https://www.e-cancer.fr/Expertises-et-publications/Catalogue-des-publications/Benefices-de-l-activite-physique-pendant-et-apres-cancer-Des-connaissances-aux-reperes-pratiques">cancers</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pour-sa-sante-mentale-et-son-bien-etre-quelles-activites-sportives-privilegier-214016">Pour sa santé mentale et son bien-être, quelles activités sportives privilégier ?</a>
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<p>C’est pourquoi il est possible de penser que dans le cadre de l’endométriose, l’activité physique pourrait aussi améliorer la qualité de vie ainsi que les symptômes douloureux. Ces suppositions sont renforcées par la mise en évidence de la réduction de <a href="https://faseb.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1096/fasebj.2021.35.S1.02332">marqueurs inflammatoires</a> et une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1933719118799205?icid=int.sj-full-text.similar-articles.7">réduction des lésions</a> dans des études chez l’animal. Mais ces conclusions chez l’animal ne peuvent pas être extrapolées à l’humain. C’est pourquoi des études chez les femmes sont nécessaires.</p>
<p>A notre connaissance, une douzaine d’études a été réalisée pour étudier les effets de l’activité physique et de l’exercice sur les douleurs pelviennes et le bien-être physique et mental des personnes atteintes d’endométriose. Bien qu’un effet positif sur la gestion de la douleur et l’amélioration des symptômes anxiodépressifs ait été observé, les résultats de ces études ne permettent pas de démontrer sans équivoque les <a href="https://bmcwomenshealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12905-021-01500-4">bénéfices de l’activité physique</a> sur cette maladie.</p>
<h2>Douleurs, stress et anxiété : principaux freins à la pratique</h2>
<p>En termes d’activité physique, les femmes atteintes d’endométriose seraient <a href="https://www.mdpi.com/2452176">moins actives</a>. Cela pourrait s’expliquer par le fait qu’elles sont <a href="https://www.mdpi.com/1214090">davantage exposées aux symptômes</a> d’anxiété et de dépression, qu’elles ont plus de difficultés à gérer le stress et qu’elles sont plus <a href="https://academic.oup.com/painmedicine/article/21/10/2280/5653106?login=false">sensibles à la douleur physique</a> que les autres.</p>
<p>La combinaison de tous ces facteurs, associée à la peur d’amplifier les <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnbeh.2022.933483/full">douleurs par le mouvement</a>, a tendance à enfermer les personnes atteintes d’endométriose dans un cercle vicieux de sédentarité. Dit autrement : quand une personne est pliée en deux de douleur, le premier réflexe n’est pas de faire de l’activité physique !</p>
<h2>Le programme CRESCENDO sur la pratique sportive et l’endométriose</h2>
<p>Nous avons mené une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/38012776/">étude</a>, baptisée programme CRESCENDO pour « aCRoitre le Sport et l’Exercice pour Combattre l’ENDOmétriose ». Dans la première partie de cette étude nous avons mené une enquête par questionnaire auprès de 470 personnes (âge moyen de 31 ans, écart type de 10 ans). Près de la moitié d’entre elles (47 %) était atteinte d’endométriose.</p>
<p>Les résultats du questionnaire n’ont révélé aucune différence dans les niveaux d’activité physique légère (exemple la marche), modérée (exemple le jogging) et vigoureuse (exemple le trail ou le sprint) entre les femmes atteintes d’endométriose et celles qui ne le sont pas.</p>
<p>Néanmoins, d’autres différences ont été mises en évidence. Les femmes atteintes d’endométriose montrent une motivation plus importante envers l’activité physique, c’est-à-dire qu’elles ont intégré le fait que l’activité physique peut être bénéfique. Elles ne pensent pas que l’activité puisse présenter un danger pour elles.</p>
<p>Cependant, elles se perçoivent comme n’étant pas libres de pratiquer quand elles le souhaitent (faible contrôle comportemental). Leur état de santé apparait comme l’obstacle le plus important à leur pratique. Elles ont un score plus élevé de frustration des besoins de compétence et de proximité sociale. Autrement dit, lorsqu’elles font de l’activité physique, elles se sentent davantage incompétentes et rejetées par les autres.</p>
<p>De même, lorsqu’on les interroge, elles pensent que les femmes malades, comme elles, manquent d’intérêt et d’habiletés pour l’activité physique. Les effets secondaires sont également un frein. <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK279498/">Les analgésiques</a> (ou antidouleurs), par exemple, peuvent causer des problèmes d’estomac, des nausées, des maux de tête, des vomissements, de la fatigue, des vertiges et des changements de pression artérielle. Quant à la <a href="https://www.nichd.nih.gov/health/topics/endometri/conditioninfo/treatment">thérapie hormonale</a>, elle peut induire des problèmes de sommeil, de l’anxiété, de la dépression et des douleurs articulaires.</p>
<h2>Des premiers résultats à confirmer sur la fatigue, le bien-être et la douleur</h2>
<p>Nous avons ensuite construit et testé notre programme sur dix femmes volontaires en leur proposant plusieurs types d’activités physiques adaptées, pratiquées à différentes intensités.</p>
<p>Les séances axées sur la mobilité et le stretching (c’est-à-dire des activités dites « douces ») semblent avoir davantage de bénéfices sur la douleur par comparaison avec les séances d’activités de renforcement musculaire ou cardiovasculaires. Mais ces deux dernières ont donné de meilleurs résultats quand elles étaient pratiquées ensemble pour améliorer la fatigue et le bien-être.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/endometriose-chez-les-adolescentes-une-prise-en-charge-precoce-est-necessaire-221271">Endométriose chez les adolescentes : une prise en charge précoce est nécessaire</a>
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<p>En résumé, les résultats globaux (tous types d’activités confondus) suggèrent une amélioration significative de la douleur et une tendance à l’amélioration de la fatigue et du bien-être. Chaque personne semble réagir différemment en termes de perception et de tolérance à la douleur suivant les types d’efforts et de séances, mais également suivant les moments du cycle, de la journée ou d’autres facteurs non pris en compte dans notre analyse.</p>
<p>Quoiqu’il en soit, les résultats n’ont montré aucun effet délétère de l’activité physique pour les personnes atteintes d’endométriose. Atténuer la douleur est donc un enjeu crucial dans les objectifs d’accompagnement de l’endométriose par l’activité physique.</p>
<p>Ces conclusions ont par la suite permis d’améliorer le programme CRESCENDO et de proposer une étude à plus grande échelle, étude toujours en cours actuellement.</p>
<h2>Pour l’heure, privilégier la mobilisation du bassin et l’assouplissement</h2>
<p>Bien que la pratique de l’activité physique puisse sembler impossible voire contre-intuitive à une personne qui éprouve des symptômes douloureux et de la fatigue, comme dans l’endométriose, elle peut être <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-981-15-1792-1_16">conseillée</a> et <a href="https://www.mdpi.com/1660-4601/18/15/8177">encouragée</a>, à condition que cette activité physique soit personnalisée et <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC9297219/">adaptée</a> aux douleurs et à la forme physique.</p>
<p><strong>Postures pour soulager les douleurs d’endométriose et des règles proposées par Géraldine Escriva-Boulley, chercheuse à l’Université Haute-Alsace</strong></p>
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<iframe style="height:420px;" frameborder="0" type="text/html" src="https://e-diffusion.uha.fr/media/videos/562795ca829f30cd6eda18ecce45492ca5354594232145b89b6f3cd819a15589/4838/1080p.mp4#t=1" width="100%" height="100%"> </iframe>
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<p>Quant aux personnes, atteintes par cette pathologie, qui ne ressentent pas ou peu de douleurs, y compris pendant la pratique, elles peuvent faire tous types d’activités sans limitation ou contre-indication particulière.</p>
<p>Toutefois, les activités « douces » et sans impact, autour de la mobilisation du bassin et l’assouplissement, comme dans certaines pratiques de yoga doux (Yin et Hatha yoga), sont à privilégier lors des pics et des périodes de douleurs.</p>
<p>Faire de l’exercice régulièrement peut aider à lutter contre l’<a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-981-15-1792-1_16">inflammation</a> qui peut dégrader le système nerveux périphérique et central et rendre plus vulnérable à la douleur chronique. Dans certains cas, l’inflammation chronique peut notamment entraîner des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5871676/">lésions tissulaires</a> et la détérioration des tissus, le plus souvent à cause d’une réponse immunitaire inappropriée.</p>
<p>L’objectif est donc de conserver au maximum le mouvement au quotidien, de constituer des routines modulables en fonctions des symptômes, en s’observant et en apprenant à se connaître au fur et à mesure de sa pratique.</p>
<h2>Se faire accompagner par des professionnels de santé et de l’activité physique</h2>
<p>Au besoin, chaque personne peut se faire accompagner par des professionnels de santé (gynécologues, sages-femmes…) comme des professionnels de l’activité physique (enseignants en activité physique adaptée, kinésithérapeutes…) pour reprendre, adapter ou co-construire des routines personnalisées.</p>
<p>De plus en plus d’activités « douces », en présentiel ou en vidéos live, sont également proposées par des associations, des salles de sport, les éducateurs sportifs ou bien des enseignants certifiés dans certaines disciplines comme le yoga.</p>
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<p><em>Le programme CRESCENDO a reçu un financement de l’Association française de lutte contre l’endométriose <a href="https://www.endofrance.org/">EndoFrance</a>.</em></p>
<p><em>Il est également soutenu par l’<a href="https://anr.fr/Projet-ANR-22-CE36-0002">Agence nationale de la recherche</a> (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. L'ANR a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223397/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le contrat d'ingénieure d'étude de Marie-Anne JEAN a été financé par une ANR.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Géraldine Escriva-Boulley a reçu des financements de l'ANR et d'EndoFrance. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Le contrat d’ingénieure d’étude de Tracy Milane a été financé par l’ANR</span></em></p>
Des études préliminaires suggèrent un intérêt de l’activité physique adaptée pour atténuer les symptômes de l’endométriose. Des programmes de recherche sont lancés pour confirmer ces résultats.
Marie-Anne Jean, Ingénieure d'étude - Enseignante en APA, Université de Haute-Alsace (UHA)
Géraldine Escriva-Boulley, Université de Haute-Alsace (UHA)
Tracy Milane, Ingénieure d’étude, Université de Haute-Alsace (UHA)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/221271
2024-02-14T14:32:11Z
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Endométriose chez les adolescentes : une prise en charge précoce est nécessaire
<p>Bien qu’une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1521693418301093">femme sur dix</a> soit concernée par cette <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1521693418301093">maladie invalidante</a>, l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/endometriose-105698">endométriose</a> demeure largement méconnue.</p>
<p>Face aux nombreux défis qu’elle suscite, il devient essentiel de lui accorder une attention particulière.</p>
<p>L’endométriose est une maladie gynécologique qui se caractérise par la <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(04)17403-5/fulltext">présence de tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de la cavité utérine</a>, principalement mais non exclusivement dans la zone abdomino-pelvienne (ovaires, intestin, péritoine…).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<h2>L’endométriose peut se déclarer dès les premières règles</h2>
<p>Loin d’être réservée à la femme adulte, l’endométriose peut apparaître <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3712662/">dès les premières règles</a>, ajoutant des épreuves inattendues au parcours déjà mouvementé de l’adolescence.</p>
<p>Ce trouble, dont l’origine reste à préciser, peut entraîner des douleurs au niveau du bas du ventre parfois chroniques et, possiblement, une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16950643/">infertilité ainsi que d’autres symptômes tels que des troubles digestifs</a>.</p>
<p>À ce jour, les traitements proposés visent essentiellement à lutter contre les symptômes. Plusieurs approches sont utilisées, dont des <a href="https://bmcwomenshealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12905-021-01545-5">options médicamenteuses</a> (<a href="https://www.ameli.fr/assure/sante/medicaments/utiliser-recycler-medicaments/utiliser-anti-inflammatoires">anti-inflammatoires non stéroïdiens</a>, contraceptifs hormonaux…). Lorsque ceux-ci ne se montrent pas efficaces, un <a href="https://bmcwomenshealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12905-021-01545-5">traitement chirurgical</a> peut être préconisé.</p>
<h2>Des lésions encore plus difficiles à identifier chez l’adolescente</h2>
<p>Bien souvent associée aux femmes adultes, l’endométriose est une réalité présente également chez les adolescentes, chez qui on déplore des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27036950/">cas évolutifs et parfois même sévères</a>. Le diagnostic, quant à lui, intervient malheureusement bien plus tard avec un <a href="https://academic.oup.com/humrep/article/11/4/878/624881?login=false">délai moyen d’environ 8 ans</a> après l’apparition des premiers symptômes.</p>
<p>Le diagnostic tardif peut résulter, en partie, des différences dans les manifestations de la maladie entre les adolescentes et les femmes adultes.</p>
<p>En effet, les adolescentes atteintes d’endométriose présentent souvent des <a href="https://www.acog.org/clinical/clinical-guidance/committee-opinion/articles/2018/12/dysmenorrhea-and-endometriosis-in-the-adolescent">lésions d’apparence rouge ou claire</a>, ce qui peut rendre leurs identifications difficiles par les professionnels de la santé, par rapport aux lésions chez les adultes dites <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0015028216596113?ref=cra_js_challenge&fr=RR-1">« en poudre noire brûlée »</a> (black powder burn) qui sont plus facilement observables, notamment par imagerie médicale. La petite taille des lésions chez les adolescentes peut aussi rendre leur détection compliquée.</p>
<p>De plus, les jeunes femmes sont très rapidement mises sous pilule pour diminuer les symptômes. Quand ceux-ci s’atténuent, les professionnels de santé ne mènent pas forcément plus avant les examens et le diagnostic n’est pas posé. Mais s’il s’agit bien d’une endométriose, la maladie continue de progresser.</p>
<h2>Un risque de détresse psychologique</h2>
<p>Concernant le traitement de la maladie chez l’adolescente, les options médicamenteuses à base <a href="https://www.mdpi.com/2227-9067/9/3/384">d’anti-inflammatoires non stéroïdiens</a> et de <a href="https://www.mdpi.com/2227-9067/9/3/384">contraceptifs hormonaux</a> sont souvent privilégiées. Il est également indispensable d’intégrer une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/12742182/">approche multidisciplinaire dans la prise en charge</a>, incluant un accompagnement psychologique, qui est crucial lorsque l’on considère les multiples répercussions que peut avoir cette pathologie chez les femmes.</p>
<p>En effet, ses conséquences sur le plan psychologique, social et éducatif sont indéniables, avec un risque accru de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27412249/">détresse psychologique</a> et de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/0167482X.2018.1450384">troubles anxieux</a> chez les jeunes femmes.</p>
<p>Parfois, ces répercussions se traduisent par un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24746919/">taux élevé d’absentéisme scolaire</a>, avec un impact négatif important sur la scolarité. Cependant, les conséquences de la maladie ne s’arrêtent pas là et entraînent une <a href="https://academic.oup.com/humupd/article/19/6/625/839568?login=false">réduction des activités quotidiennes et la détérioration des relations sociales et intimes</a>.</p>
<h2>Des douleurs menstruelles parfois évocatrices de la maladie</h2>
<p>Quoiqu’elles ne soient pas forcément synonymes d’endométriose, les <a href="https://www.acog.org/clinical/clinical-guidance/committee-opinion/articles/2018/12/dysmenorrhea-and-endometriosis-in-the-adolescent">douleurs menstruelles peuvent être, dans certains cas, évocatrices de la maladie</a>. Elles constituent le trouble gynécologique le plus répandu chez les adolescentes avec une <a href="https://www.researchgate.net/profile/Ashraf-Soliman/publication/307638365_Dysmenorrhea_in_adolescents_and_young_adults_A_review_in_different_countries/links/57ce59a508aed67896ffcd51/Dysmenorrhea-in-adolescents-and-young-adults-A-review-in-different-countries.pdf">prévalence pouvant aller de 34 % à 94 %</a> selon la littérature scientifique.</p>
<p>Tout comme l’endométriose, les douleurs menstruelles représentent un véritable défi pour les adolescentes. Elles peuvent entraîner une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36029061/">détresse psychologique avec une augmentation du risque de dépression</a> et une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/11115307/">limitation des activités quotidiennes</a>.</p>
<h2>Un ensemble de troubles peu reconnus même par l’entourage</h2>
<p>À cela s’ajoute un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37211900/">manque de soutien et de reconnaissance de la part de l’entourage et des services médicaux</a>. C’est une difficulté supplémentaire à laquelle font face les adolescentes qui sont confrontées à des symptômes menstruels liés à des règles douloureuses et/ou à l’endométriose.</p>
<p>Cela est dû en partie à un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33548448/">manque de connaissances autour des menstruations, des symptômes menstruels</a> ainsi que de l’endométriose qui font l’objet de <a href="https://bmcwomenshealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12905-022-01988-4">stigmatisations, de normalisations et d’attitudes négatives</a> tant entre les adolescentes elles-mêmes que dans leur cercle familial, éducatif, amical.</p>
<h2>Une méconnaissance aussi par les premières concernées et les médecins</h2>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2468718922003415">Une étude française</a>, menée sur des femmes ayant eu un diagnostic d’endométriose, a mis en évidence une méconnaissance de la maladie par certaines d’entre elles, puisqu’elles étaient 35 % à estimer que leurs symptômes étaient normaux.</p>
<p>Encore plus marquant, 60 % d’entre elles ont déclaré que leurs symptômes étaient qualifiés de « normaux » par des médecins. Ce phénomène de stigmatisation et de normalisation crée un environnement peu propice, laissant les adolescentes démunies face aux douleurs menstruelles et, dans certains cas, à l’endométriose.</p>
<p>En conséquence, cela entraîne un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2468718922003415">délai supplémentaire dans l’identification de la maladie</a>.</p>
<h2>Développer l’éducation à la santé menstruelle</h2>
<p>Dans ce contexte, il devient impératif d’évaluer les besoins en matière d’éducation en lien avec l’endométriose et les douleurs menstruelles, afin d’améliorer la qualité de vie des adolescentes. Cette démarche vise non seulement à briser les idées reçues des adolescentes elles-mêmes mais aussi de leur entourage familial, scolaire, social, à améliorer la gestion des douleurs, mais également à favoriser un diagnostic précoce de la maladie.</p>
<p>Malgré un effort croissant pour sensibiliser le public à ces questions, il existe aujourd’hui très peu d’interventions visant la prévention et l’éducation. Il paraît alors nécessaire de déployer des efforts significatifs pour relever les défis éducatifs liés à l’endométriose et, plus généralement, à la santé menstruelle des adolescentes.</p>
<h2>Pour des approches non médicamenteuses basées sur la recherche</h2>
<p>Au-delà de l’aspect éducatif, il est impératif d’initier des recherches pour améliorer la compréhension des spécificités de la maladie chez ce public.</p>
<p>Cela permettrait aussi d’orienter les actions de promotion de la santé, en encourageant les jeunes femmes à prendre un rôle actif dans leur bien-être.</p>
<p>En ce sens, des approches non médicamenteuses telles que la promotion de l’activité physique peuvent être privilégiées.</p>
<h2>Évaluer l’intérêt de l’activité physique</h2>
<p>En effet, l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/activite-physique-23234">activité physique</a> agit en <a href="https://www.inserm.fr/wp-content/uploads/2019-02/inserm-ec-2019-activitephysiquemaladieschroniques-synthese.pdf">facteur protecteur face au développement des maladies chroniques</a>. Elle <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/pmid/35851021/">pourrait aider à améliorer la gestion des douleurs dans l’endométriose</a>.</p>
<p>Pourtant, il est préoccupant de constater que <a href="https://www.who.int/europe/fr/news/item/04-03-2022-85-of-adolescent-girls-don-t-do-enough-physical-activity-new-who-study-calls-for-action">85 % des adolescentes n’en pratiqueraient pas suffisamment</a>, si on se réfère aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).</p>
<p>D’autre part, un <a href="https://www.education.gouv.fr/media/112862/download">rapport du Conseil des sages de la laïcité</a> souligne une tendance à l’évitement des séances d’éducation physique et sportive (EPS) chez les filles qui, davantage que les garçons, recourent aux certificats médicaux pour être dispensées de ces cours. Ce rapport évoque des raisons de l’ordre de l’intime qui, au moins pour une part, peuvent se référer aux règles et aux douleurs potentiellement associées.</p>
<p>En conclusion, la question de l’endométriose chez les adolescentes nécessite une approche holistique. Les recherches dédiées et les efforts éducatifs sont primordiaux si nous souhaitons un avenir dans lequel l’endométriose chez les adolescentes sera diagnostiquée précocement, prise en charge efficacement, connue et comprise par l’ensemble des acteurs de la sphère sociale des adolescentes, et dans lequel les jeunes femmes seront habilitées à prendre des décisions éclairées concernant leur santé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221271/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span><a href="mailto:laura.bollinger-wintenberger@uha.fr">laura.bollinger-wintenberger@uha.fr</a> a reçu des financements pour une bourse doctorale.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span><a href="mailto:geraldine.escriva-boulley@uha.fr">geraldine.escriva-boulley@uha.fr</a> a reçu des financements de la région Grand Est pour une bourse doctorale sur laquelle a été embauchée Mme Bollinger. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nathalie Gavens ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
L’endométriose peut se déclarer dès les premières règles. Chez l’adolescente, la spécificité des lésions et la méconnaissance de la maladie rendent le diagnostic encore plus difficile à établir.
Laura Bollinger, Doctorante, Université de Haute-Alsace (UHA)
Géraldine Escriva-Boulley, Université de Haute-Alsace (UHA)
Nathalie Gavens, Maitresse de conférences HDR en psychologie de l'éducation, Université de Haute-Alsace (UHA)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/217707
2023-11-15T21:18:55Z
2023-11-15T21:18:55Z
Applis de suivi menstruel et autres innovations « FemTech » : quels enjeux éthiques et sociétaux ?
<p><a href="https://theconversation.com/fiabilite-securite-ethique-quels-risques-derriere-les-failles-des-applications-de-suivi-menstruel-190115">Applications de suivi menstruel</a> ou de grossesse, solutions digitales pour accompagner les femmes atteintes d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/endometriose-105698">endométriose</a>… Depuis une dizaine d’années, des technologies numériques dédiées à la <a href="https://theconversation.com/fr/search?q=sant%C3%A9+des+femmes">santé des femmes</a> se développent. </p>
<p>Ces « FemTech » (pour <em>female technologies</em>) ont pour objectif de proposer des services aux femmes en matière de santé et de bien-être, en s’appuyant sur les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/nouvelles-technologies-20827">nouvelles technologies</a> (applications santé, appareils connectés, télémédecine, intelligence artificielle, etc.). </p>
<p>Mais elles peuvent aussi interroger quant à l'utilisation qui est faite des données et la protection de la vie privée des femmes qui y ont recours. </p>
<h2>Des failles dans la protection des données personnelles</h2>
<p>La grande majorité des entreprises de la FemTech ont ainsi pour point commun de <a href="https://www.consumerreports.org/privacy/popular-apps-share-intimate-details-about-you-a1849218122/">partager leurs données avec des « tierces parties »</a> (sociétés partenaires extérieures telles que Google, Facebook, Amazon, Apple, etc.), le <a href="https://www.consumerreports.org/electronics-computers/privacy/popular-apps-share-intimate-details-about-you-a1849218122/">plus souvent à l’insu des usagères</a>.</p>
<p>C’est en particulier le cas des applications de suivi menstruel dont les <a href="https://www.hal.inserm.fr/inserm-03798828/document">failles</a> dans les procédures de protection des données personnelles ont été dénoncées. Aux États-Unis, les associations se sont ainsi mobilisées pour inciter les Américaines à désinstaller leurs apps, face au risque de voir utilisées, par les autorités judiciaires, les données des calendriers menstruels pour repérer les femmes qui ont avorté ou qui souhaitent le faire.</p>
<p>Des <a href="https://ieeexplore.ieee.org/document/8786118">publications</a> alertent aussi sur ce que l’on appelle l’Internet des objets connectés (IoT). Elles mettent en garde contre les risques de vols des données personnelles ou de manipulations d’objets depuis l’extérieur (hacking), avec des conséquences pour la santé quand ces objets touchent à l’intégrité physique et mentale.</p>
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<h2>Des technologies qui répondent à une demande des femmes</h2>
<p>Les entreprises de la FemTech sont en plein essor, ce qui rend ces questions autour de la protection des données personnelles et du respect de la vie privée et intime des femmes d'autant plus criantes. </p>
<p>Ainsi, le <a href="https://analytics.dkv.global/FemTech/Teaser-Q2-2022.pdf">marché global des FemTech</a>, estimé à 25 milliards de dollars en 2021, pourrait avoisiner les 100 milliards en 2030. En 2021, on comptait 1 400 start-up de FemTech dans le monde, dont 51 % aux États-Unis, 27 % en Europe et 9 % en Asie. En France, l’association FemTech France, créée en 2022, a répertorié <a href="https://www.femtechfrance.org/cartographie-start-up">115 start-up françaises de FemTech</a>.</p>
<p>Les entreprises de la FemTech visent en effet des domaines propres aux femmes (santé reproductive, périnéale, sexuelle, contraception, stérilité, ménopause, bien-être sexuel, endométriose, maternité/postpartum…) et aussi des pathologies plus générales mais qui affectent les femmes de façon différenciée (cancer, dépression, etc.).</p>
<p>À l’évidence, l’essor de ce marché correspond à une demande des femmes pour diverses raisons.</p>
<p>D’abord, ce marché se développe dans un contexte de <a href="https://www.senat.fr/questions/base/2019/qSEQ190409911.html">pénurie de gynécologues médicaux</a> – qui entraîne des errances thérapeutiques et diagnostiques – et de prise de conscience des expériences de <a href="https://www.cairn.info/revue-sante-publique-2021-5-page-629.html">violences gynécologiques et obstétricales</a>.</p>
<p>De plus, les acteurs de la Femtech répondent aux préoccupations et aspirations actuelles des femmes. Ils conçoivent des services personnalisés dédiés à la santé et au bien-être intime (douleurs menstruelles, vulvaires, rééducation périnéale, libido, ménopause, etc.), des sujets peu ou pas considérés par la médecine classique.</p>
<h2>Des applis dédiées à la santé sexuelle et reproductive</h2>
<p>La grande majorité des services proposés sont des applications sur téléphone mobile : gestion des donnés personnelles liées à la santé, conseils d’expert, téléconsultations, documentation, forums de discussion, etc. Les applications les plus populaires concernent la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13691058.2014.920528">santé sexuelle et reproductive</a> : <a href="https://estsjournal.org/index.php/ests/article/view/655">suivi menstruel</a>, grossesse, ménopause, endométriose…</p>
<p>Ces entreprises bénéficient aussi du fait que l’usage des technologies numériques est perçu comme un vecteur d’autonomisation des femmes dans le contrôle de leur corps et de leur vécu intime, avec l’avantage d’une commodité d’utilisation et d’un coût minimal.</p>
<p>Cependant, on notera que tous les sites d’aide et de conseils personnalisés aux utilisatrices, ou patientes, proposent systématiquement des offres commerciales : huiles essentielles, compléments alimentaires, produits cosmétiques, stages de fitness, yoga, méditation, sophrologie, etc.</p>
<h2>En entreprise, gérer les congés maternité ou les arrêts maladie</h2>
<p>Ces plates-formes numériques s’adressent aussi aux entreprises dans le but de gérer au mieux la santé des employé·e·s, réduire l’absentéisme, les coûts de santé et augmenter la productivité. Les femmes sont les plus concernées, car <a href="https://newsroom.malakoffhumanis.com/assets/barometre-absenteisme-malakoff-humanis-2023-presse-a834-63a59.html">leur taux d’absentéisme est supérieur à celui des hommes</a> (du fait des charges domestiques et familiales, de la santé reproductive…). Les domaines ciblés sont la gestion des congés maternité, le retour au travail et la prévention pour réduire les arrêts maladie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sexisme-en-entreprise-comment-les-hommes-peuvent-sallier-aux-femmes-pour-changer-les-choses-202561">Sexisme en entreprise : comment les hommes peuvent s’allier aux femmes pour changer les choses</a>
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<p>Ces offres sont surtout développées aux États-Unis où la plupart des grandes sociétés assument une majeure partie des primes de santé versées aux assureurs. C’est le cas de la <a href="https://www.mavenclinic.com/">« Maven Clinic »</a>, une plate-forme virtuelle qui permet aux entreprises d’offrir à leurs employées un vaste réseau de services en ligne dans différents domaines : la procréation (fertilité, congélation d’ovocytes, procréation médicalement assistée ou PMA, gestation pour autrui ou GPA – une pratique non autorisée en France -), la grossesse et le suivi postpartum, la parentalité, la maternité et la pédiatrie, ou encore la ménopause.</p>
<p>En France, les plates-formes numériques dédiées à la santé des femmes en entreprise sont encore au stade de projets. Il est probable qu’elles devront dans un proche avenir affronter la concurrence américaine qui dispose de gros moyens pour se développer en Europe. La Maven Clinic a déjà des partenariats avec de nombreuses entreprises internationales, dont Amazon, Microsoft et l’Oréal, réparties dans 175 pays sur tous les continents.</p>
<h2>Une vigilance qui concerne la santé numérique en général</h2>
<p>En France, le sujet de la protection des données personnelles dans les FemTech, rejoint les <a href="https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/2023-05/CCNE-CNPEN_GT-PDS_avis_final27032023.pdf">questions éthiques posées par la santé numérique en général</a> (e-santé). De plus, des questions spécifiques se posent concernant les données de santé sexuelle et reproductive, notamment dans le cadre de leur exploitation en entreprise.</p>
<p>Le fait que des informations intimes (projets de grossesse, PMA, endométriose, règles douloureuses…) puissent être portées à la connaissance de l’employeur pose un problème éthique face au risque de discriminations, à l’embauche et durant l’ensemble du parcours professionnel. Les <a href="https://www.senat.fr/leg/exposes-des-motifs/ppl22-537-expose.html">débats contradictoires sur la pertinence d’instaurer un congé menstruel</a> en sont l’illustration.</p>
<p>A noter aussi que depuis mars 2023, le <a href="https://www.legifrance.gouv.dfr/jorf/id/JORFTEXT000043884445">dossier médical en santé au travail</a> (DMST) qui doit être constitué pour chaque travailleur, est créé obligatoirement sous format numérique sécurisé. L’objectif est de faciliter le partage d’informations issues notamment du <a href="https://www.ameli.fr/paris/medecin/sante-prevention/dossier-medical-partage/dmp-en-pratique">dossier médical partagé</a> (DMP). Celui-ci comprendra à terme un volet santé au travail accessible via <a href="https://www.ameli.fr/paris/assure/sante/mon-espace-sante/mon-espace-sante-carnet-sante-numerique">Mon espace santé</a>, l’espace numérique personnel mis en place par l’Assurance maladie et le ministère de la Santé.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/conges-menstruels-neuroatypisme-maladies-chroniques-et-si-lentreprise-tenait-compte-de-nos-differences-biologiques-206321">Congés menstruels, neuroatypisme, maladies chroniques : et si l’entreprise tenait compte de nos différences biologiques ?</a>
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<p>Le croisement de ces données entre professionnels de santé pose question, en termes de protection de la vie privée et de respect des droits du salarié·e. Par exemple, en cas de projets de maternité, le fait que le médecin traitant bénéficie d’informations sur la santé au travail peut contribuer à un meilleur suivi médical vis-à-vis de risques professionnels susceptibles d’interférer avec la grossesse.</p>
<p>Mais réciproquement, la possibilité d’accès du médecin du travail (non choisi, imposé par l’employeur) à des informations de santé que la femme salariée veut tenir confidentielles, appelle à la vigilance concernant le respect du secret médical.</p>
<h2>Les menaces sur la vie privée sous-estimées par les femmes</h2>
<p>Depuis 2022, le groupe « Genre et recherches en santé » du Comité d’éthique de l’Inserm alerte sur les <a href="https://www.hal.inserm.fr/inserm-03798828/document">enjeux éthiques des technologies numériques des FemTech</a>, concernant notamment le manque de validation scientifique et les failles dans la protection des données.</p>
<p>Il s’avère que les usagères ne sont pas toutes conscientes que leurs données de santé sont gérées par des services extérieurs et peuvent être exploitées par des tiers. Pour celles qui le sont, <a href="https://www.jmir.org/2019/6/e12505/">le bénéfice qu’elles déclarent tirer des outils numériques</a> l’emporte sur leur perception des menaces pour la vie privée.</p>
<p>Ce constat renvoie au besoin urgent de mettre en place des programmes d’éducation au numérique qui permettent au plus grand nombre de femmes (et d’hommes) d’en <a href="https://academic.oup.com/medlaw/article/30/3/410/6575319">évaluer les bénéfices et les risques</a>. Pour nombre de femmes, les conditions socio-économiques défavorables font obstacle à la possibilité d’opérer des arbitrages en connaissance de cause dans les services numériques qui leur sont proposés.</p>
<h2>Un programme sur la santé des femmes et des couples</h2>
<p>Pour répondre à ce besoin d’informations, fiables et accessibles, l’Inserm est potentiellement un levier de poids, notamment à travers le <a href="https://sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/deuxieme-comite-de-pilotage-de-la-strategie-nationale-de-lutte-contre-l">programme national prioritaire de recherche (PEPR 2023) intitulé « Santé des femmes, santé des couples »</a>. L’objectif est de <a href="https://presse.inserm.fr/cest-dans-lair/semaine-europeenne-de-prevention-et-dinformation-sur-lendometriose-6-12-mars-2023/">développer les connaissances sur l’endométriose</a>, la fertilité, l’assistance médicale à la procréation (AMP) et les effets de l’exposition in utero aux antiépileptiques.</p>
<p>Le projet vise aussi à mieux communiquer, former et informer sur la santé des femmes via des campagnes de formation et d’information destinées aux professionnels de santé et au grand public. Ce programme pourrait inclure un volet d’information sur l’usage et le mésusage des outils numériques dédiés à la santé sexuelle et reproductive des femmes, et la protection des données personnelles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217707/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Vidal ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les FemTech, ces technologies numériques dédiées à la santé des femmes, sont en plein essor. Mais les utilisatrices sous-estiment parfois les menaces qu’elles peuvent faire peser sur leur vie privée.
Catherine Vidal, Neurobiologiste, membre du Comité d’éthique de l’Inserm, Inserm
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/184215
2023-10-31T13:38:42Z
2023-10-31T13:38:42Z
Pourquoi les maladies liées au stress sont-elles si difficiles à diagnostiquer et comment y pallier
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/467297/original/file-20220606-15930-ycx7pi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4089%2C2023&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les personnes souffrant de douleurs chroniques et inexpliquées sont souvent considérées comme des personnes qui se plaignent. Or, il peut être très difficile de bien diagnostiquer ce type de problèmes.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Depuis au moins 30 ans, les chercheurs recueillent des preuves qui confirment que les maladies chroniques poussent le corps à s’adapter constamment afin de retrouver son équilibre physiologique. Ce processus est appelé <a href="https://www.sciencedirect.com/topics/neuroscience/allostatic-load">charge allostatique</a> et provoque une cascade d’événements métaboliques toxiques qui exposent le corps à une forme d’usure.</p>
<p>Ainsi, la charge allostatique rend les personnes vulnérables à divers types de problèmes cardiaques, gastro-intestinaux, endocrinologiques, immunologiques, neurologiques, métaboliques et psychiatriques.</p>
<p>Des études montrent que le <a href="https://doi.org/10.1159/000510696">stress psychologique et économique a des répercussions sur la santé</a>. Cependant, les médecins et les intervenants du système de santé ne détiennent ni les outils ni les méthodes nécessaires pour intégrer ces facteurs sociaux et économiques dans leurs diagnostics et leurs soins préventifs.</p>
<p>À titre d’exemple, j’ai récemment appelé ma médecin pour lui parler de mystérieuses nouvelles douleurs. L’enquête et la prise de notes qui ont suivi auraient été d’une grande aide si je souffrais d’une infection ou d’une blessure particulière ou si mes résultats sanguins présentaient des anomalies. Or, mes symptômes sont apparus lentement et augmentaient en fréquence quand je vivais du stress lié à la Covid-19 et à mon travail.</p>
<p>Plus ma médecin me posait de questions pour savoir comment, où et quand ma douleur avait commencé, plus je me sentais coupable d’avoir une maladie indéfinissable. Quand j’ai voulu faire une blague en disant que tout ce dont j’avais besoin, c’était de passer un mois dans les Alpes avec Freud, elle m’a suggéré des antidépresseurs. « En effet, tout ceci est peut-être psychosomatique », ai-je reconnu non sans une certaine autodérision.</p>
<h2>La stigmatisation des douleurs inexpliquées</h2>
<p>Beaucoup trop de gens vivent de telles expériences. Les préjugés et les partis pris implicites contre les gens qui souffrent de douleurs chroniques et inexpliquées (<a href="https://doi.org/10.1503/cmaj.109-5553">plaignards, faux malades, dépendants aux médicaments</a>) sont <a href="http://dx.doi.org/10.1136/medhum-2016-011133">profondément ancrés</a>. Ces discriminations sont fondées sur le <a href="https://www.harpercollins.com/products/doing-harm-maya-dusenbery?variant=32208022110242">genre</a>. Elles sont aussi fondées sur la <a href="https://dx.doi.org/10.1016%2Fj.jpain.2010.12.002">race</a>.</p>
<p>Il est bien connu que le stress et les <a href="https://doi.org/10.1177%2F00333549141291S206">disparités sociales et économiques rendent les gens malades</a>, mais les médecins n’ont pas les outils nécessaires pour traiter ces causes pathologiques. Au mieux, ils pourront suggérer, en plus des médicaments, d’entreprendre une psychothérapie, ce qui <a href="https://doi.org/10.9778/cmajo.20190094">demeure un service inaccessible</a> et inabordable pour la plupart des gens. Notre système de soins de santé n’est pas non plus en mesure de traiter les <a href="https://doi.org/10.1177%2F1363461514557202">facteurs psychosociaux de la santé, des facteurs situationnels et culturels</a> pour lesquels une approche clinique ne suffit pas.</p>
<p>Par exemple, une <a href="https://doi.org/10.1016/j.ssmph.2020.100563">recherche sur la prescription d’analgésiques auprès de minorités ethniques</a> montre que la douleur des patients noirs n’est pas adéquatement traitée. Cela indique que les médecins manquent de confiance envers les patients qui souffrent déjà d’une forme de disparité socioéconomique. En 2020, la mort de Joyce Echaquan, qui a enduré des abus et de la douleur dans un hôpital québécois, <a href="https://www.atikamekwsipi.com/public/images/wbr/uploads/telechargement/Doc_Principe-de-Joyce.pdf">a rendu le problème d’inégalité en santé impossible à ignorer plus longtemps</a>.</p>
<h2>Les approches combatives engendrent des préjugés</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="Des images d’une femme présentant des points de douleur " src="https://images.theconversation.com/files/466092/original/file-20220530-14-hrq6uo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466092/original/file-20220530-14-hrq6uo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=233&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466092/original/file-20220530-14-hrq6uo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=233&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466092/original/file-20220530-14-hrq6uo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=233&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466092/original/file-20220530-14-hrq6uo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=292&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466092/original/file-20220530-14-hrq6uo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=292&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466092/original/file-20220530-14-hrq6uo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=292&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Près de 20 pour cent des Canadiens souffrent de douleurs chroniques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Depuis la publication de la <a href="https://doi.org/10.1177/09677720221079826">première étude épidémiologique en 1662</a>, si ce n’est avant, nous essayons de prédire et de réduire au minimum les causes de mortalité. Nous utilisons la science et la technologie dans notre bataille contre les maladies et les invalidités. Une <a href="https://doi.org/10.2147/AMEP.S246658">vision structurelle particulière façonne notre culture médicale actuelle</a>. Notre approche est combative : nous luttons contre le cancer, la crise des opioïdes, la dépression, le diabète et les autres maladies.</p>
<p>Implicitement, les cultures combatives valorisent et récompensent les gagnants. En faisant l’éloge des héros (comme les <a href="https://www.cbc.ca/shortdocs/features/how-to-live-to-100-life-advice-from-centenarians">centenaires au mode de vie actif</a>), nous donnons implicitement aux gens qui échouent le statut de perdant. C’est ainsi que certains patients <a href="https://www.basicbooks.com/titles/arthur-kleinman/the-illness-narratives/9781541647121/">génèrent la honte et les préjugés associés aux maladies chroniques</a> et même au <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/A/bo3625122.html">vieillissement</a>.</p>
<p>Heureusement, un changement se fait sentir en <a href="https://doi.org/10.1016/S2214-109X(21)00301-6">justice épistémique</a> afin de reconnaître les pratiques culturellement appropriées et le savoir traditionnel, ce qui engendre l’émergence de pratiques de soins <a href="http://DOI.org/10.1007/978-3-319-39724-5_14">axées sur les patients</a>. <a href="https://doi.org/10.1186/s12939-021-01475-6">La gouvernance autochtone en décolonisation des soins de santé</a> devrait accélérer ces efforts. Pour que le système de soins de santé commence à agir en fonction de ces principes, <a href="http://doi.org/10.3389/fpain.2022.857624">il importe d’adopter des méthodologies de recherche plus flexibles, qualitatives et écologiques</a>.</p>
<h2>Le rôle du jeu</h2>
<p>En 1509, Érasme, un érudit de la Renaissance, explique dans <a href="https://www.gutenberg.org/files/30201/30201-h/30201-h.htm">« Éloge de la folie »</a> que le jeu est une nécessité existentielle qui aide les humains à composer avec l’inévitabilité de la vieillesse et de la mort grâce à la distraction et à l’insouciance (à la façon des enfants).</p>
<p>Différentes formes de jeu sont offertes par les <a href="http://doi.org/10.1002/9781119140467">thérapeutes</a> et les <a href="https://doi.org/10.1179/0969926013Z.00000000073">établissement de soins palliatifs</a> pour faciliter la communication en cas de maladie grave ou en phase terminale.</p>
<p>Dans <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/S/bo3620295.html">« Vers une écologie de l’esprit »</a> (1971), l’anthropologue Gregory Bateson propose le jeu comme espace expérimental de communication et « d’apprentissage basé sur l’apprentissage », où les gens peuvent simuler, interpréter et évaluer leurs choix dans un environnement encadré mais flexible.</p>
<p>Le jeu est en effet un outil de recherche bien connu, notamment dans les domaines de la <a href="https://www.worldcat.org/title/play-dreams-and-imitation-in-childhood/oclc/1156242941?loc=">psychologie du développement</a>, de l’<a href="https://www.hup.harvard.edu/catalog.php?isbn=9780674005815">anthropologie</a>, de <a href="https://doi.org/10.4324/9780203167403">l’économie</a> et des <a href="https://doi.org/10.7551/mitpress/7995.001.0001">stratégies militaires</a>.</p>
<p>Dans la cadre d’un <a href="https://www.ucl.ac.uk/pals/sites/pals/files/jama_insel_2017_vp_170119.pdf">effort mondial pour le suivi numérique et l’analyse des causes potentielles de maladies</a>, mes collègues de recherche et moi avons récemment suggéré que le <a href="https://doi.org/10.3389/fpsyt.2021.746477">jeu offre une façon alternative</a> d’approcher la recherche et d’intervenir dans l’écosystème numérique.</p>
<h2>Prescrire le jeu</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une femmes portant sarrau et stétoscope transporte un tapis de yoga" src="https://images.theconversation.com/files/466116/original/file-20220530-18-pgcx65.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466116/original/file-20220530-18-pgcx65.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466116/original/file-20220530-18-pgcx65.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466116/original/file-20220530-18-pgcx65.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466116/original/file-20220530-18-pgcx65.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466116/original/file-20220530-18-pgcx65.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466116/original/file-20220530-18-pgcx65.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Imaginez si mon cadre de traitement était plus flexible et permettait à mon médecin de me prescrire des cours de yoga ou de m’aider à explorer un programme de pleine conscience.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>La douleur chronique touche <a href="https://www.canada.ca/en/health-canada/corporate/about-health-canada/public-engagement/external-advisory-bodies/canadian-pain-task-force/report-2021.html">20 pour cent des gens</a>. Que faire s’il est impossible de « gagner » la bataille contre la douleur ? Souvent, les médicaments sont le remède le plus rapide et le moins coûteux, mais ils ne suffisent pas toujours et <a href="https://www.cdc.gov/drugoverdose/epidemic/index.html">leurs effets secondaires peuvent être désastreux</a>. Voilà pourquoi un consensus grandissant se dégage <a href="https://www.who.int/health-topics/traditional-complementary-and-integrative-medicine#tab=tab_2">auprès des membres de l’Organisation mondiale de la santé pour investir dans la recherche sur les soins alternatifs</a>.</p>
<p>Dans <a href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/203913/homo-ludens-by-johan-huizinga/">« Homo ludens »</a>(1938), l’historien Johan Huizinga a démontré qu’il est dans la nature humaine de recourir au jeu pour imaginer des scénarios esthétiques ou des rituels qui donnent une signification différente aux gestes servant à répondre à nos besoins biologiques, comme s’abriter, s’alimenter et se protéger.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.3389/fpain.2022.895443">En effet, le jeu peut engendrer la création et les connaissances</a>. <a href="https://doi.org/10.2105 %2FAJPH.2008.156497">La thérapie par l’art ou l’écriture expressive</a> peuvent aider à comprendre et à contrôler les causes de la douleur.</p>
<p>Imaginez que, plutôt que de me demander de donner une note à l’intensité et à la fréquence de ma douleur, mon médecin me demandait <a href="https://journals.lww.com/psychosomaticmedicine/Abstract/1998/07000/Culture_and_Somatization__Clinical.6.aspx">d’utiliser une métaphore</a> et de lui expliquer ludiquement mes symptômes et mes besoins.</p>
<p>Imaginez si mon cadre de traitement était plus flexible et permettait à mon médecin de me <a href="https://doi.org/10.1177 %2F2156587217715927">prescrire des cours de yoga</a> ou de m’aider à <a href="https://doi.org/10.1007/s12160-016-9844-2">explorer un programme de pleine conscience</a>.</p>
<p>Imaginez si les cliniciens utilisaient le savoir autochtone pour améliorer l’expérience des patients <a href="https://doi.org/10.3389/fpain.2022.857624">(utiliser un langage approprié, laisser la place à la personne, créer un moment de partage, tirer des leçons, s’engager auprès du patient et explorer les solutions)</a>.</p>
<p>Imaginez si les responsables de la santé publique n’attendaient pas que le stress chronique rende la population sujette aux maladies, et investissaient plutôt dans des <a href="https://www.jstor.org/stable/24719525">politiques du bonheur comme celles des Pays-Bas, le pays d’Érasme et de Huizinga</a>.</p>
<h2>Transformer le jeu en action</h2>
<p>Quand le savoir et les soins font défaut (<a href="https://doi.org/10.3389/fpain.2022.889990">comme pour les femmes souffrant d’endométriose</a>), les médias sociaux deviennent un espace de génération du savoir. <a href="https://mitpress.mit.edu/books/coping-illness-digitally">Dans « Coping with Illness Digitally »</a>, Stephan Rains, chercheur en santé et communications numériques, souligne que les gens s’associent à des communautés qui offrent de l’information et des soins grâce à des expériences communes.</p>
<p>La pandémie de Covid-19 a illustré la capacité des médias sociaux à <a href="https://doi.org/10.2196/20550">générer des données</a> sur la gestion du stress. Toutefois, si nous devons être <a href="https://doi.org/10.1016/0361-3682(91)90019-B">régis par les chiffres</a>, nous avons besoin d’un terrain de jeu <a href="https://theconversation.com/the-covid-19-pandemic-pushed-social-media-to-become-increasingly-tribal-178775">qui mise sur la sécurité et non sur la surveillance passive</a>.</p>
<p>Dans un vrai terrain de jeu, les participants ne sont pas surveillés, mais s’engagent plutôt dans des activités génératrices de connaissances sur les facteurs de stress psychosociaux à l’origine de leurs symptômes pathologiques. Des plates-formes comme <a href="https://www.patientslikeme.com">« Patients Like Me »</a> permettent aux patients de partager leur histoire de maladie causée par le stress et leurs stratégies de prise en charge.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184215/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Najmeh Khalili-Mahani a reçu des fonds du FRQSC.</span></em></p>
Les facteurs de stress peuvent affecter la santé, mais ni nos médecins ni notre système de santé ne disposent des outils nécessaires pour intégrer ces facteurs dans les diagnostics ou les soins.
Najmeh Khalili-Mahani, Researcher, Director of Media-Health/Game-Clinic laboratory, Concordia University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/214894
2023-10-04T18:40:55Z
2023-10-04T18:40:55Z
Douleurs pelviennes chroniques : comprendre leur origine pour mieux les traiter
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/551735/original/file-20230906-20-51oc4q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6558%2C4290&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La méconnaissance des mécanismes à l'origine des douleurs pelviennes chroniques limite les options thérapeutiques pour les femmes concernées. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/beautiful-young-black-girl-suffering-severe-2190845421">Studio Romantic/ Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Les douleurs pelviennes chroniques touchent entre <a href="https://bjgp.org/content/51/468/541.short">5 et 26 %</a> des femmes dans le monde. Ces douleurs peuvent être associées à une endométriose (une maladie qui se caractérise par la présence de tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de l’utérus) ou à une cystite interstitielle (également appelée syndrome douloureux vésical).</p>
<p>(<em>On parle de cystite interstitielle ou <a href="https://www.chu-nantes.fr/le-syndrome-douloureux-vesical">syndrome douloureux vésical</a> quand des douleurs pelviennes chroniques sont associées à un inconfort au niveau de la vessie ainsi qu’à une envie persistante et forte d’uriner et/ou à un nombre élevé de mictions chaque jour, ndlr</em>).</p>
<p>Certaines femmes peuvent aussi souffrir de douleurs pelviennes chroniques sans cause apparente.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/endometriose-mieux-cibler-lorigine-des-douleurs-pour-les-soulager-plus-efficacement-173560">Endométriose : mieux cibler l’origine des douleurs pour les soulager plus efficacement</a>
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<p>Même si de nombreuses femmes souffrent de douleurs pelviennes chroniques, nous ne comprenons pas encore totalement quels sont les <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/frph.2023.1140857/full">mécanismes sous-jacents</a>. Ce qui signifie que les femmes concernées disposent d’options thérapeutiques limitées.</p>
<p>Plusieurs raisons expliquent pourquoi les mécanismes à l’œuvre dans les douleurs pelviennes chroniques restent inconnus. Entre autres, le fait qu’il existe une grande variabilité dans l’intensité comme dans le type de douleurs ressenties, et ce, même quand les douleurs sont dues à une pathologie bien spécifique.</p>
<p>Ainsi, il arrive que certaines femmes atteintes d’endométriose ne ressentent pas de douleurs pelviennes, quand d’autres vont souffrir de douleurs sévères au quotidien. D’autres encore vont connaître une situation intermédiaire. De plus, la douleur ressentie <a href="https://www.nejm.org/doi/10.1056/NEJMra1810764">ne correspond pas</a> à la physiologie de l’endométriose.</p>
<p>Par ailleurs, en cas de douleurs pelviennes chroniques, on peut <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1521693418300324">ressentir différents types de douleurs</a> : pendant les règles, pendant les rapports sexuels, au moment d’uriner ou en allant à la selle. Les personnes qui souffrent de douleurs pelviennes chroniques peuvent être concernées par l’une ou l’autre de ces douleurs, ou par une combinaison de ces différents types de douleurs.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sexualite-au-feminin-quand-les-rapports-font-mal-86415">Sexualité au féminin : quand les rapports font mal</a>
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<p>D’autres formes de douleurs chroniques (comme la <a href="https://www.ameli.fr/paris/assure/sante/themes/fibromyalgie/diagnostic">fibromyalgie</a> ou la <a href="https://www.ameli.fr/paris/assure/sante/themes/diabete/diabete-symptomes-evolution/complications-nerfs">neuropathie diabétique</a>) nous ont enseigné que les mécanismes à l’origine de la douleur diffèrent selon les sujets. Et que chacun de ces <a href="https://www.thelancet.com/pdfs/journals/lancet/PIIS0140-6736(21)00392-5.pdf">différents mécanismes</a> induit une réponse spécifique aux traitements.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>En début d’année, nous avons mené des recherches qui ont montré que les douleurs pelviennes chroniques opèrent de manière similaire. Nos travaux ont ainsi révélé que les mécanismes responsables des douleurs pelviennes chroniques semblent <a href="https://journals.lww.com/pain/fulltext/9900/comprehensive_quantitative_sensory_testing_shows.318.asp">varier d’une personne à l’autre</a>.</p>
<h2>Les mécanismes de la douleur</h2>
<p>Notre étude a porté sur 85 femmes, dont 59 souffraient de douleurs pelviennes chroniques. Parmi ces femmes, 25 souffraient d’endométriose, treize du syndrome de la douleur vésicale, quinze à la fois d’endométriose et du syndrome de la douleur vésicale et six de douleurs sans cause spécifique. Les participantes étaient originaires du Royaume-Uni, des États-Unis et du Portugal. Elles étaient âgées de 18 à 50 ans.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="A woman sitting in an office chair holds her stomach in pain." src="https://images.theconversation.com/files/546671/original/file-20230906-15-pa2ahh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546671/original/file-20230906-15-pa2ahh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546671/original/file-20230906-15-pa2ahh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546671/original/file-20230906-15-pa2ahh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546671/original/file-20230906-15-pa2ahh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546671/original/file-20230906-15-pa2ahh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546671/original/file-20230906-15-pa2ahh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les femmes qui souffraient de douleurs pelviennes chroniques présentaient des seuils de douleurs inférieurs en cas de pression sur le bas-ventre et le petit bassin (pelvis).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/long-hair-woman-holding-abdomen-sitting-526393795">Zetar Infinity/Shutterstock</a></span>
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</figure>
<p>Pour savoir si le mécanisme qui provoque les douleurs pelviennes diffère réellement selon les personnes, nous avons effectué une série de tests sensoriels qui ont consisté à exposer les participantes à diverses sensations, telles que des vibrations, des sensations de pression, de toucher et différentes températures.</p>
<p>Nous avons également demandé aux participantes quels effets ces sensations avaient sur elles et à quel moment celles-ci devenaient douloureuses. Cela nous a permis d’observer différents circuits nerveux à l’œuvre et d’étudier leur fonctionnement.</p>
<p>Nous avons aussi regardé comment variaient les réponses chez celles qui souffraient de douleurs pelviennes chroniques et chez les autres. Les participantes ont ensuite été regroupées en fonction de leurs profils sensoriels.</p>
<p>L’un des résultats les plus frappants est le fait que les femmes souffrant de douleurs pelviennes chroniques présentaient des seuils de douleur inférieurs à ceux du groupe témoin lorsqu’elles étaient soumises à une pression sur le bas-ventre et le pelvis (ou petit bassin). Cela s’est avéré particulièrement vrai pour celles qui souffraient de douleurs au niveau de la vessie. Cela suggère qu’il y a une communication entre les organes pelviens et la peau qui entraîne une augmentation de la douleur.</p>
<p>Nous avons également découvert que certaines femmes avec des douleurs chroniques étaient moins que les autres à même de détecter les changements de température et qu’elles étaient aussi moins sensibles au toucher. Cette perte dans les fonctions nerveuses suggère que, dans certains cas, les douleurs pelviennes chroniques pourraient être causées par des <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpain.2021.743812/full">nerfs endommagés</a>.</p>
<p>Nous avons ensuite examiné les profils sensoriels globaux du groupe souffrant de douleurs pelviennes chroniques pour voir dans quel <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5515640/">sous-groupe de douleurs chroniques</a> les personnes concernées s’inscrivaient. Nous avons constaté qu’environ 7 % d’entre elles avaient un profil sensoriel dit « en bonne santé », ce qui signifie que la façon dont elles percevaient les sensations était conforme à ce qu’on pourrait attendre d’une personne en bonne santé.</p>
<p>Environ la moitié des personnes souffrant de douleurs pelviennes chroniques ont été incluses dans le sous-groupe <a href="https://www.thelancet.com/pdfs/journals/lancet/PIIS0140-6736(21)00392-5.pdf">« hyperalgésie mécanique »</a>. Ce qui signifie qu’elles présentaient des modifications dans les parties du cerveau qui traitent la douleur. Cela veut dire que, chez elles, le volume de la douleur était « augmenté » par défaut.</p>
<h2>Établir des parallèles dans la douleur</h2>
<p>Ces travaux donnent un nouvel aperçu de la complexité des mécanismes à l’origine des douleurs pelviennes chroniques. Ils nous aident à établir des parallèles avec d’autres douleurs chroniques. Ce qui signifie que nous pourrons peut-être utiliser les recherches et les traitements qui ont fonctionné dans ces affections afin de déterminer de nouvelles cibles pour le traitement des douleurs pelviennes chroniques.</p>
<p>Les prochaines étapes de nos recherches consisteront à découvrir quels traitements sont efficaces et pour quelle personne, en fonction du profil sensoriel de la douleur dont la femme souffre et des mécanismes sous-jacents.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/conges-menstruels-neuroatypisme-maladies-chroniques-et-si-lentreprise-tenait-compte-de-nos-differences-biologiques-206321">Congés menstruels, neuroatypisme, maladies chroniques : et si l’entreprise tenait compte de nos différences biologiques ?</a>
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<p>Les traitements des douleurs pelviennes chroniques ont une efficacité limitée. Des études montrent, par exemple, que <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28668150/">11 à 19 % des femmes atteintes d’endométriose</a> ne constatent pas de diminution de leur douleur, même après une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31718952/">intervention chirurgicale</a>. Sur la base des résultats de notre étude, une nouvelle approche pourrait permettre de choisir des traitements spécifiques pour chaque femme, en fonction des mécanismes à l’origine de la douleur qu’elle ressent. On peut espérer que cela rendra les traitements plus efficaces.</p>
<p>Étant donné que les douleurs pelviennes chroniques sont très répandues chez les femmes du monde entier et qu’elles ont un impact considérable sur leur <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32532273/">qualité de vie</a> et leur <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32532273/">bien-être</a>, adopter une approche plus personnalisée des traitements pourrait conduire à une très nette amélioration de la prise en charge pour des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33442286/">millions de femmes</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214894/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lydia Coxon est membre du Pelvic Pain Support Network (Réseau de soutien des douleurs pelviennes). Ce projet a reçu des financements de la part de Innovative Medicines Initiative 2 Joint Undertaking dans le cadre de l'accord de subvention numéro (777500). Il bénéficie du soutien du programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 de l'Union européenne et de l'EFPIA.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Katy Vincent reçoit des financement de recherche des NIHR, UKRI, NIH, IMI-2 et de Bayer AG. Son institution a reçu des honoraires pour les services de conseil qu'elle a fournis à Bayer AG, Eli Lilly, AbbVie et Reckitts.</span></em></p>
Nos recherches ont montré que les mécanismes à l’origine des douleurs pelviennes chroniques varient d’une personne à l’autre.
Lydia Coxon, Postdoctoral Research Assistant in Pain Data Collection and Analysis, University of Oxford
Katy Vincent, Associate Professor, Pain in Women Group, University of Oxford
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/173560
2021-12-09T18:16:41Z
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Endométriose : mieux cibler l’origine des douleurs pour les soulager plus efficacement
<p>Dans le monde, une femme sur dix environ <a href="https://www.nejm.org/doi/10.1056/NEJMra1810764">souffre d’endométriose</a>. Cette affection se caractérise par des douleurs pelviennes chroniques, qui sont non seulement extrêmement douloureuses, mais peuvent également entraîner une infertilité. L’endométriose est causée par le développement, à l’extérieur de l’utérus, d’un tissu ressemblant à la muqueuse utérine (appelée « endomètre »).</p>
<p>Il n’existe actuellement aucune thérapie destinée spécifiquement à cette affection, et l’efficacité des traitements visant à gérer les symptômes et la douleur est souvent limitée : certains essais ont montré que chez 11 % à 19 % des femmes, ils n’ont <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28668150/">aucun effet sur la réduction de la douleur</a>. </p>
<p>La plupart de ces traitements se concentrent sur ce que l’on appelle la <a href="https://www.iasp-pain.org/resources/terminology/#nociceptive-pain">« douleur nociceptive »</a>. Ce type de douleur résulte de la stimulation de récepteurs de la douleur en réaction à des lésions tissulaires, potentielles ou réelles. En général, la douleur nociceptive répond bien aux analgésiques classiques, c’est pourquoi la plupart des traitements proposés dans le cadre de l’endométriose contiennent de l’<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28114727/">ibuprofène ou du paracétamol</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-faire-bon-usage-des-medicaments-antidouleurs-106834">Comment faire bon usage des médicaments antidouleurs</a>
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<p>Cependant, étant donné que toutes les femmes souffrant d’endométriose ne répondent pas à ce type de traitement, les chercheurs ont commencé à étudier les effets d’autres traitements, visant à s’attaquer à une autre sorte de douleur, la douleur neuropathique. Cette dernière est provoqué non plus par l’activation de récepteur, mais par des lésions ou des dysfonctionnements survenant directement au niveau des nerfs. Souvent, les douleurs neuropathiques ne répondent pas aux analgésiques <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26436601/">tels que l’ibuprofène</a>. Ces douleurs peuvent être à l’origine d’une <a href="https://www.auajournals.org/doi/10.1016/j.juro.2011.10.036">intense souffrance</a> et d’une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5701895/">grande détresse psychologique</a>.</p>
<p>Nous avons tenté de déterminer si le fait que certaines femmes atteintes d’endométriose ne répondaient pas aux traitements traditionnels parce que leurs douleurs étaient d’origine neuropathique plutôt que nociceptive. Le résultat de nos recherches indique que les douleurs ressenties par <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpain.2021.743812/full">40 % des patientes atteintes de cette maladie</a> peuvent effectivement être classées comme des douleurs neuropathiques.</p>
<h2>Douleurs nerveuses</h2>
<p>Jusqu’à récemment, aucun travail de recherche n’avait été mené en vue de déterminer si les personnes atteintes d’endométriose pouvaient souffrir de douleurs neuropathiques. Pourtant, cela pourrait bien être le cas, et plusieurs théories viennent à l’appui de cette hypothèse.</p>
<p>En premier lieu, les tissus qui se développent à l’extérieur de l’utérus en cas d’endométriose - appelées « lésions endométriosiques » - contiennent des nerfs. Ces nerfs pourraient être plus sensibles que les autres, ou se retrouver écrasés par d’autres tissus, ce qui pourrait être à l’origine de douleurs neuropathiques. Autre possibilité : le diagnostic définitif d’endométriose n’est posé qu’après une laparoscopie (opération consistant à insérer dans le bassin une petite caméra, par une petite incision pratiquée dans le nombril). Cette intervention implique bien entendu de couper des nerfs, ce qui peut être à l’origine de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28134653/">douleurs neuropathiques post-chirurgicales</a>. </p>
<p>Nous avons mené une enquête en ligne auprès de 1 417 femmes ayant déclaré souffrir d’une endométriose diagnostiquée par chirurgie laparoscopique. Nous avons pour cela utilisé un outil de dépistage de la douleur neuropathique appelé painDETECT, composé de neuf questions portant sur les caractéristiques de la douleur ressentie – par exemple, évoque-t-elle une « brûlure » ou plutôt « des décharges électriques ». Des questions portent également sur la variation de la douleur au fil du temps, ou sur la façon dont elle irradie vers d’autres parties du corps. Selon leurs réponses, les femmes ont été classées en trois catégories : victimes de douleur nociceptive, de douleur neuropathique ou d’un mélange des deux. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Femme allongée dans un lit se tenant l’abdomen sous la douleur." src="https://images.theconversation.com/files/433165/original/file-20211122-25-ziexv3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/433165/original/file-20211122-25-ziexv3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/433165/original/file-20211122-25-ziexv3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/433165/original/file-20211122-25-ziexv3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/433165/original/file-20211122-25-ziexv3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/433165/original/file-20211122-25-ziexv3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/433165/original/file-20211122-25-ziexv3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">De nombreuses femmes ressentaient des douleurs des deux types.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/young-asian-woman-suffering-abdominal-pain-1105166669">Chompoo Suriyo/ Shutterstock</a></span>
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</figure>
<p>Nous avons constaté que 40 % des femmes interrogées souffraient de douleurs neuropathiques. Par ailleurs, 35 % présentaient un mélange de douleurs neuropathiques et nociceptives. Nous avons également constaté que les patientes souffrant de douleurs neuropathiques ressentaient une plus grande douleur de façon générale (à la fois durant leurs règles, tout au long de leur cycle menstruel ou pendant les rapports sexuels), une plus grande anxiété et dépression, ainsi qu’une plus grande fatigue accompagnée de dysfonctionnements cognitifs (tels que des difficultés à se concentrer et à se souvenir). </p>
<p>Nous avons également constaté que plus le nombre d’endométrioses ou d’interventions chirurgicales abdominales subies par une femme était élevé, plus celle-ci était susceptible de souffrir de douleurs neuropathiques. Or, la chirurgie est utilisée non seulement pour diagnostiquer l’endométriose, mais aussi pour exciser ou brûler les lésions endométriosiques, dans l’espoir de soulager les symptômes.</p>
<h2>Perspectives d’avenir</h2>
<p>Cette découverte de l’importance de la prévalence de la douleur neuropathique dans l’endométriose souligne l’importance d’étudier plus avant les douleurs ressenties dans le cadre de cette affection, afin de mieux la traiter et la prendre en charge. Notre étude ne nous permet en revanche ni de déterminer l’origine des douleurs neuropathiques que nous avons mises en évidence ni de savoir si les interventions chirurgicales répétées visant à soulager les patientes sont utiles ou, au contraire, néfastes. </p>
<p>De futures études devront être menées afin non seulement de mieux diagnostiquer cette douleur neuropathique, mais aussi de déterminer comment elle est ressentie d’une femme à l’autre, ce qui pourrait les aider à identifier les mécanismes sous-jacents de la douleur dans cette affection. Mieux nous les comprendrons, mieux nous serons armés pour développer des médicaments efficaces pour prendre en charge les douleurs liées l’endométriose. </p>
<p>Il pourrait également être intéressant de chercher à savoir si les traitements utilisés pour soulager d’autres affections s’accompagnant <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4493167/">de douleurs neuropathiques</a> - comme la névralgie post-zostérienne, une complication du zona qui provoque des douleurs évoquant des brûlures – fonctionnent aussi chez les femmes atteintes d’endométriose.</p>
<p>Ces travaux devront également déterminer comment identifier les personnes les plus susceptibles de bénéficier de ces traitements, en utilisant éventuellement des questionnaires comme outils de dépistage. Ces informations sont d’autant plus importantes que nous sommes en train de changer de paradigme, passant d’une approche indifférenciée à un traitement sur mesure, choisi selon les symptômes douloureux ressentis par la patiente.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173560/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Katy Vincent reçoit des financements de recherche de Bayer Healthcare, des NIHR, des NIH et de l'UE (IMI2). Elle a reçu des honoraires et des remboursements de frais de déplacement dans le cadre d’une activité de conseil et de conférencière pour Bayer Healthcare, Grunenthal GmBH, Eli Lilly et AbbVie.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Lydia Coxon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
De nouveau travaux révèlent qu'environ 40 % des femmes atteintes d'endométriose souffrent de douleurs neuropathiques, un type de douleur qui ne répond pas aux traitements antidouleur traditionnels.
Lydia Coxon, Postdoctoral Researcher, Pain in Women Group, University of Oxford
Katy Vincent, Associate Professor, Pain in Women Group, University of Oxford
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/152802
2021-01-24T17:23:43Z
2021-01-24T17:23:43Z
Alimentation : comment consommer du soja sans risques pour la santé
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/378111/original/file-20210111-21-kpj2a9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Graines de soja</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/soja-haricots-alimentaire-c%C3%A9r%C3%A9ales-182295/">© Jing / Pixabay </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Riche en protéines, en fibres et en acides gras oméga-6 et oméga-3, le soja est une légumineuse de grand intérêt nutritionnel. </p>
<p>Mais pour tirer parti des nutriments de cette plante, il faut limiter les risques pour la santé de certains de ses composés, notamment ceux du aux <a href="https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/064000580.pdf#page=13">phytoestrogènes</a>, des analogues d’hormones sexuelles féminines.</p>
<h2>Comestible après cuisson</h2>
<p>Pour résister à ses prédateurs herbivores, le soja a développé tout un arsenal de composés antinutritionnels (interférant avec l’absorption des nutriments), voire toxiques. Résultat : il n’est du reste que très peu attaqué par les rongeurs lors de son stockage, mais ces molécules ont réduit son intérêt à l’état cru : .</p>
<p>En Chine, où le soja est utilisé depuis au moins 4 000 ans dans les rotations des cultures, pour enrichir les sols en azote, on a cherché à le consommer en s’appuyant sur divers procédés – dont la cuisson et le trempage.</p>
<p>La chaleur de la cuisson détruit ou désactive en effet les inhibiteurs des protéases (qui réduisent la digestibilité des protéines), les hémagglutinines (qui font coaguler le sang), les lipoxygénases (qui oxydent les acides gras polyinsaturés), les saponines (qui altèrent les membranes cellulaires), les tannins (qui freinent l’absorption des minéraux et la digestion des protéines), etc.</p>
<p>Reste deux problèmes : celui des allergènes du soja (comme la <a href="https://biochim-agro.univ-lille.fr/proteines/co/ch2_II_b.html">glycinine</a> ou la β-conglycinine), et celui des <a href="https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/064000580.pdf#page=16">isoflavones</a> – des substances que l’on classe parmi les phytoestrogènes. Le premier n’a pas vraiment de parade. Mais le second peut-être résolu <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02458900/document">par le trempage et la cuisson prolongée des recettes asiatiques traditionnelles</a> – les isoflavones, solubles dans l’eau, sont ainsi éliminées pour une grande part. </p>
<p>En revanche, les procédés de transformation utilisés par l’industrie agroalimentaire depuis les années 1960, qui réduisent parfois la cuisson à quelques dizaines de secondes sous un jet de vapeur, n’éliminent pas les isoflavones. Or, celles-ci ont une activité biologique.</p>
<h2>Des composés qui perturbent la fertilité</h2>
<p>L’activité hormonale des isoflavones présentes dans le soja est avérée depuis les années 1940 en Australie. Ainsi des brebis que l’on faisait paître sur des champs de trèfle rouge ou souterrain (riches en isoflavones) <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21028682/">développaient un syndrome d’infertilité</a>. Le phénomène était spectaculaire. En l’espace de trois à quatre saisons sur ces pâtures, la fertilité des animaux s’effondrait. Il fut alors mis fin à un nombre important d’élevages. </p>
<p>Il fallut attendre la fin des années 1950 pour que des études vétérinaires expliquent enfin le syndrome des brebis : les isoflavones perturbent plusieurs mécanismes endocriniens, et notamment la sécrétion de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hormone_folliculo-stimulante">FSH</a> et de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hormone_lut%C3%A9inisante">LH</a>, des hormones de l’hypophyse contrôlant la reproduction.</p>
<p>Dans les années 1990, l’impact chez l’être humain finit par être envisagé. À l’époque, on considèrait les effets du soja sous un angle positif, en imaginant qu’il pourrait limiter la sécrétion d’estradiol et peut-être réduire le risque de cancer du sein. On a alors constaté, sur un petit nombre de jeunes femmes britanniques, que la consommation quotidienne de 60 g de soja (soit 45 mg d’isoflavones pendant un mois) peut allonger le cycle menstruel de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/8074062/">28 à 30 jours en réduisant la production de FSH et LH</a>.</p>
<p>Quelques années plus tard, une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/11216491/">étude d’intervention menée avec 40 jeunes étudiantes japonaises</a> aboutit à des conclusions similaires : une consommation quotidienne de 20 à 40 mg d’isoflavones s’est traduite par des cycles menstruels plus irréguliers et plus longs que ceux des femmes occidentales (30 jours versus 28). En ajoutant à leur alimentation du jus de soja contenant 50 mg d’isoflavones, ledit cycle pouvait atteindre 32 jours.</p>
<p>Des travaux à mettre en perspective avec ceux d’une équipe américaine qui avait noté, dans les années 1970, que <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/167146/">60 % des plantes traditionnellement utilisées en occident pour leurs vertus contraceptives sont riches en isoflavones</a>.</p>
<h2>Premières recommandations</h2>
<p>En 2005, répondant à une auto-saisine et à une saisine de la direction de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (aujourd’hui ANSES) se prononce sur la <a href="https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/064000580.pdf">sécurité et les bénéfices des phytoestrogènes apportés par l’alimentation</a>.</p>
<p>Son rapport préconise de ne pas utiliser les formules infantiles à base de soja contenant de fortes quantités de phytoestrogènes. Il déconseille par ailleurs aux femmes enceintes, tout comme à celles ayant des antécédents personnels ou familiaux de cancers du sein, de consommer du soja. Enfin, il est demandé aux industriels d’indiquer les teneurs en isoflavones sur leurs produits, et recommandé de ne pas dépasser 1 mg/kg/jour.</p>
<p>Trois ans plus tard, le National Toxicology Program Américain, qui fait autorité au plan mondial, mettait en avant chez le rongeur la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18685713/">toxicité de la génistéine</a>, principale isoflavone du soja, sur la reproduction. En soumettant quatre générations de rats à différentes doses de génistéine, cette étude révélait qu’une dose de 35 mg/kg/j provoquait des retards de croissance et l’apparition de malformations génitales chez les jeunes, tout en perturbant les cycles des femelles et en provoquant une baisse de la fertilité pour la deuxième génération exposée.</p>
<p>Problème : cette dose se traduit, chez les animaux, par des taux sanguins comparables à ceux d’un consommateur régulier de soja (deux portions quotidiennes d’aliments industriels à base de soja). Or en pratique, selon les règles qui permettent d’élaborer les <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/SUBSTANCES2017SA0016Ra.pdf">limites à ne pas dépasser chez l’humain</a>), la valeur toxique de référence doit être cent fois moins élevée que la dose active chez le rongeur (35 mg/kg/jour) : on ne devrait donc pas consommer plus de 0,35 mg/kg/jour (un steak de soja pour un adulte de 60 kg, un demi pour un enfant de 30 kg).</p>
<h2>Qu’observe-t-on en population ?</h2>
<p>Aujourd’hui, il semble que dans les pays asiatiques industrialisés, la <a href="https://www.indexmundi.com/g/r.aspx?v=31">fertilité est malmenée</a>. Ces populations consomment depuis toujours du soja, mais suite à la généralisation des aliments transformés, elles sont exposées depuis deux générations, de façon régulière, à d’importantes quantités d’isoflavones. Le problème est que l’on ne dispose pas de populations témoins pour réellement relier l’exposition aux isoflavones aux problèmes de fertilité.</p>
<p>Pas moins de cinq études ont cependant révélé l’existence <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18650557/">d’une corrélation</a> entre les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26423741/">fortes teneurs en isoflavones</a> des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21958682/">fluides biologiques</a> et <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23820060/">l’altération</a> de la quantité et de la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31128434/">qualité du sperme chez l’homme</a>. Aucune ne permet d’exclure des effets synergiques entre les phytoestrogènes et d’autres perturbateurs endocriniens de l’environnement. Mais ces derniers étant présents partout, ces études restent pertinentes.</p>
<p>Côté femmes, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18396257/">trois cas cliniques de surconsommation de soja</a> ont été rapportés en 2008, avec des fibromes utérins, de l’endométriose, et pour celles qui étaient sous pilule contraceptive, un traitement perturbé. Tout est rentré dans l’ordre à l’arrêt du soja. Voilà sept ans, une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24741329/">étude menée auprès de 11 688 Américaines</a> a montré qu’une consommation de 50 mg/jour d’isoflavones diminue la probabilité de donner naissance à un enfant. Des données <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26082480/">confortées l’année suivante</a> par le suivi d’un plus petit nombre de femmes. Il est alors observé un défaut de la phase lutéale, augmentant le risque de fausse couche, quand l’apport d’isoflavones s’accroit.</p>
<h2>Qu’en est-il des enfants ?</h2>
<p>S’agissant des enfants, et plus particulièrement des tout petits, on manque de données pour se prononcer. Si plusieurs équipes scientifiques se sont inquiétées des conséquences d’une alimentation à base de soja dans les premiers mois de vie, leurs résultats ne sont pas toujours probants.</p>
<p>Chez les petits garçons, il a par exemple été constaté une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19846109/">diminution du volume des testicules</a> après qu’ils aient été nourris par du lait à base de soja plutôt que par du lait maternel. Mais c’était aussi le cas à la suite d’une alimentation infantile à base de lait de vache.</p>
<p>Chez les petites filles, il a été noté un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21813368/">comportement de jeu</a> « moins féminin », mais aussi des différences dans la maturation des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29506126/">cellules vaginales et dans le volume utérin</a>. Enfin, trois études américaines font état de <a href="https://academic.oup.com/humrep/article/34/1/148/5146638">règles plus douloureuses</a>, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/11497534/">plus longues</a> et anarchiques, mais aussi d’éventuels <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26565393/">fibromes de taille plus importante</a>, chez ces petites filles devenues femmes.</p>
<h2>Quelques conseils pour réduire les doses</h2>
<p>Si les plantes produisent des phytoestrogènes, c’est avant tout pour <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/62660/">limiter la reproduction de leurs prédateurs</a>. La présence dans l’alimentation humaine de ces composés, qui ressemblent à la principale hormone sexuelle féminine - l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Estradiol">estradiol</a>, n’est donc pas anodine.</p>
<p>Chez les jeunes femmes, les estrogènes sont utilisés à des fins contraceptives. Au moment de la ménopause, à condition que soit exclu tout risque de cancer du sein ou de l’utérus, ils permettent aussi de réduire les bouffées de chaleur et la perte osseuse. Toutefois, en pratique, ces hormones ou leurs analogues pharmaceutiques sont délivrés sur prescription médicale et ne sont pas laissés à la disposition de tous. Ce qui n’est pas le cas des phytoestrogènes…</p>
<p>Dans les faits, à travers une enquête de consommation conduite auprès de 270 femmes, et doublée de l’analyse des sources d’isoflavones dans l’offre alimentaire française, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31569435/">notre équipe a récemment conclu que 12 % des consommatrices de soja</a> avaient un apport d’isoflavones dépassant 50 mg par jour, et donc susceptible d’allonger la durée des cycles menstruels. Dans ces conditions, nous estimons qu’il est prudent de revenir aux préparations traditionnelles du soja, pour limiter les risques et profiter de ses bienfaits.</p>
<p>Concrètement, avant de consommer des graines de soja, il s’agit de les faire tremper dans une première eau, puis de les blanchir en commençant la cuisson dans de l’eau froide, et enfin de jeter cette deuxième eau. On le fait d’ailleurs, pour toutes sortes d’autres graines (haricots, pois chiches…).</p>
<p>À ce propos, notons que certains industriels de l’agroalimentaire proposent déjà des produits à teneur réduite en isoflavones, qui conservent de bonnes qualités nutritionnelles et gustatives. Et l’on ne peut qu’encourager la consommation de ces nouveaux aliments, qui permettent de s’affranchir des limites imposées aux autres préparations.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152802/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine BENNETAU-PELISSERO a reçu des financements de la Région Nouvelle Aquitaine</span></em></p>
Parce qu’il renferme des composés homologues aux hormones sexuelles féminines, le soja ne doit pas être consommé à la légère. Mais à la juste dose, on peut tirer parti de tous ses bienfaits.
Catherine Bennetau-Pelissero, Professeur Physiologiste, endocrinologiste de la reproduction, pertubateurs endocrinien, nutrition, Université de Bordeaux
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/147482
2020-11-18T21:34:50Z
2020-11-18T21:34:50Z
La douleur chronique, première indication pour la prescription de cannabis médical
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/370154/original/file-20201118-13-q4lyan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=46%2C7%2C5184%2C3414&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le cannabis médical rejoindra bientôt l’arsenal thérapeutique destiné à soulager les personnes souffrant de douleurs chroniques.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/0lD4hF1fBv0">Carolina Heza / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p><em>The Conversation et l’<a href="https://www.institut-analgesia.org/nous-connaitre/qui-sommes-nous-fondation/">Institut Analgesia</a> vous proposent une série de textes consacrés à la problématique de la douleur. Au programme de ce nouvel article : la prescription de cannabis médical dans les douleurs chroniques. Ou comment le cannabis, considéré comme une substance stupéfiante, pourrait devenir un « médicannabis »…</em></p>
<hr>
<p>12 millions de Français au moins <a href="https://www.sfetd-douleur.org/wp-content/uploads/2019/09/livre_blanc-2017-10-24.pdf">souffrent de douleurs chroniques</a>, autrement dit de douleurs permanentes, subies pendant au moins trois mois consécutifs, aux conséquences physiques, morales et sociales importantes.</p>
<p>Dans de telles conditions, la douleur devient une maladie à part entière, altérant la qualité de vie des patients de façon durable. Et ce, d’autant plus que chez ces derniers les traitements antidouleur sont souvent insuffisamment efficaces : en France, on estime que plus de 70 % des patients douloureux chroniques ne reçoivent pas de traitement approprié. Cette pathologie induit une forte consommation de soins et un important absentéisme professionnel. Elle constitue donc également un enjeu économique et social majeur.</p>
<p>Dans ce contexte, le cannabis médical vient enrichir la palette des produits thérapeutiques disponibles, tout en s’inscrivant dans l’accompagnement global du patient douloureux. En effet, dans les pays ayant légalisé l’accès au cannabis médical, le soulagement de la douleur chronique est la première indication de ces <a href="https://ansm.sante.fr/S-informer/Points-d-information-Points-d-information/Cannabis-medical-l-ANSM-lance-l-appel-a-candidatures-pour-les-fournisseurs-Point-d-Information">produits fabriqués selon des standards pharmaceutiques</a>.</p>
<h2>Cannabis et douleur : comment ça marche ?</h2>
<p>L’être humain possède un système dit <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cannabino%C3%AFde">« endocannabinoïde »</a>, qui joue un rôle important dans la régulation des processus vitaux (homéostasie). Composé d’un ensemble de récepteurs ainsi que de substances endogènes (c’est-à-dire synthétisées par l’organisme lui-même) qui s’y fixent, ce système de signalisation est très ancien dans le règne animal. Il a été bien conservé au cours de l’évolution, puisqu’on le retrouve chez tous les vertébrés.</p>
<p>La caractérisation de ce système de neurotransmission au cours des années 1970 et 1980 a initié la recherche sur l’intérêt de le moduler dans des maladies comme la douleur chronique.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/370152/original/file-20201118-17-oxdu14.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/370152/original/file-20201118-17-oxdu14.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/370152/original/file-20201118-17-oxdu14.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=890&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/370152/original/file-20201118-17-oxdu14.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=890&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/370152/original/file-20201118-17-oxdu14.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=890&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/370152/original/file-20201118-17-oxdu14.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1118&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/370152/original/file-20201118-17-oxdu14.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1118&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/370152/original/file-20201118-17-oxdu14.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1118&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Cannabis sativa L.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/a8/Illustration_Cannabis_sativa0.jpg">Wikimedia -- Prof. Dr. Otto Wilhelm Thomé Flora von Deutschland, Österreich und der Schweiz 1885, Gera, Germany -- Permission Kurt Stueber</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Plusieurs molécules produites par la plante <a href="https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/87788/tab/taxo"><em>Cannabis sativa</em> L</a> ont une action sur le système endocannabinoïde de l’être humain. C’est notamment le cas du delta-9-tétrahydrocannabinol (plus communément dénommé THC), capable d’activer les récepteurs cannabinoïdes CB1 et CB2 ainsi que d’autres protéines impliquées dans la transmission des messages douloureux jusqu’au cerveau.</p>
<p>Le cannabidiol (CBD), l’autre molécule présente dans le cannabis, aurait moins d’affinité pour les récepteurs cannabinoïdes. Il module cependant l’effet du THC sur ses récepteurs et en limite les effets indésirables, notamment neuropsychiatriques (somnolence, anxiété…). Le CBD renforce aussi l’activation du système en inhibant la dégradation d’un endocannabinoïde, l’anandamide. Son action activatrice sur des récepteurs de la sérotonine expliquerait son effet anxiolytique. Enfin, le CBD se fixerait sur de nombreux autres récepteurs impliqués dans l’inflammation et la perception de la douleur.</p>
<h2>Un début de validation scientifique</h2>
<p>L’évaluation de l’intérêt du cannabis médical dans de très nombreuses situations cliniques douloureuses a fait l’objet de publications scientifiques, cependant les niveaux de preuve restent souvent modestes, voire faibles, lors des essais cliniques conventionnels qui le comparent à un placebo.</p>
<p>De nombreuses études cliniques ont notamment porté sur l’emploi du cannabis médical pour traiter les douleurs musculosquelettiques, en particulier la <a href="https://www.crc-sep-nice.com/fr/education-therapeutique/actualites/id-19-cannabis-pour-les-patients-sclerose-en-plaques-enfin-du-nouveau-">spasticité</a>, une contraction musculaire douloureuse. Ce trouble concernerait non seulement jusqu’à 25 % des 100 000 Français souffrant de sclérose en plaques, mais aussi ceux présentant une lésion de la moelle épinière ou des séquelles suite à un accident vasculaire cérébral. Le Sativex, un médicament à base d’extrait de cannabis, a obtenu une autorisation de mise sur le marché en 2014 pour cette indication mais n’est toujours pas commercialisé, faute d’accord sur son prix de vente entre les autorités et le laboratoire qui le commercialise.</p>
<p>Le bénéfice pour la santé des produits dérivés du cannabis a également été mis en évidence dans la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29513392/">douleur neuropathique</a>. Ce type de douleur, qui concerne 7 % de Français (soit un quart des personnes souffrant de douleur chronique), résulte d’une lésion ou d’une maladie du système <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cortex_somatosensoriel">somatosensoriel</a>. Il se présente sous la forme d’un ensemble de symptômes douloureux (fourmillements intenses, décharges électriques, sensation d’écrasement, de brûlure ou de coup de couteau…) pour lesquels les traitements médicamenteux recommandés, antidépresseurs ou antiépileptiques, ne sont que très partiellement efficaces et parfois mal tolérés.</p>
<p>Ces deux affections sont les principales indications de douleur chronique retenues dans <a href="https://www.ansm.sante.fr/Dossiers/Cannabis-a-usage-medical/Questions-reponses-sur-le-cannabis-a-usage-medical/(offset)/5">l’expérimentation française</a> qui sera pilotée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), de 2021 à 2023 : 1500 des 3 000 personnes qui seront traitées pendant l’expérimentation seront concernées.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/futures-prescriptions-de-cannabis-a-visee-therapeutique-mode-demploi-118486">Futures prescriptions de cannabis à visée thérapeutique : mode d’emploi</a>
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<p>Des patients français sujets à des douleurs très fréquentes expérimenteront également le cannabis médical. C’est en particulier le cas de ceux concernés par les indications en soins palliatifs (500 patients à recruter) et les complications liées au cancer (500 patients à recruter).</p>
<p>D’autres douleurs chroniques sont l’objet de travaux de recherche un peu partout dans le monde, avec des résultats parfois encourageants, mais qui doivent encore être scientifiquement confirmés par des études méthodologiquement plus rigoureuses.</p>
<p>C’est le cas de l’utilisation thérapeutique du cannabis dans la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33004171/">fibromyalgie</a>, certaines <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32526965/">céphalées chroniques</a>, l’<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31722852/">endométriose</a>, la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32923662/">drépanocytose</a> ou encore les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32353211/">douleurs ostéo-articulaires</a>.</p>
<h2>Ni l’alpha ni l’oméga du traitement de la douleur</h2>
<p>Les médicaments à base de cannabis ne sont en aucun cas la promesse d’une vie sans douleur ; ils doivent s’inscrire dans la prise en charge globale du patient douloureux. L’objectif thérapeutique de leur utilisation pour traiter la douleur chronique dépasse la seule atténuation de l’intensité douloureuse, bien que ce point soit souvent considéré comme l’objectif principal dans les essais cliniques.</p>
<p>Le cannabis médical pourrait aussi impacter positivement les troubles associés à la douleur comme la souffrance psychique ou les troubles du sommeil. L’objectif final est bien d’améliorer la qualité de vie d’un patient souffrant d’une affection chronique, de lui permettre de ne plus consacrer son énergie vitale à lutter contre cette douleur. C’est aussi de l’aider à mieux travailler sur l’acceptation de cette « douleur maladie » et à retrouver une activité physique plus régulière, ainsi que des pensées plus positives.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/370147/original/file-20201118-21-14zi55z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/370147/original/file-20201118-21-14zi55z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=482&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/370147/original/file-20201118-21-14zi55z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=482&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/370147/original/file-20201118-21-14zi55z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=482&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/370147/original/file-20201118-21-14zi55z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=606&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/370147/original/file-20201118-21-14zi55z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=606&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/370147/original/file-20201118-21-14zi55z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=606&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les douleurs chroniques touchent plusieurs millions de personnes en France.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fondation Analgesia</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>L’expérimentation française sera l’occasion de déterminer la place potentielle de ces médicaments et leurs modalités de prescription dans les stratégies thérapeutiques proposées pour contrer la douleur chronique. Dans cette optique, le choix des produits selon leur composition, en THC et en CBD notamment, et l’adaptation des posologies doivent encore être précisés.</p>
<h2>Aller vers une médecine personnalisée</h2>
<p>Le traitement d’un patient souffrant d’une douleur chronique ne doit pas être centré sur la prescription de médicaments, lesquels ne représentent qu’une partie de la solution. La recherche sur le cannabis médical et la douleur doit, au contraire, s’inscrire dans une médecine de précision.</p>
<p>Elle doit viser des objectifs thérapeutiques pertinents, davantage centrés sur le patient douloureux que sur la seule disparition de sa douleur.</p>
<p>Pour cela, des approches complémentaires combinant des <a href="https://ascpt.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/cpt.2083">études en vie réelle</a> et des essais cliniques conventionnels contre placebo ou contre des médicaments de référence doivent être mis en œuvre.</p>
<p>Par ailleurs, l’effet d’entourage, selon lequel la combinaison de plusieurs composés contenus dans la plante serait plus efficace que si les cannabinoïdes (THC, CBD…) étaient administrés isolément, devra être mieux étudié. Il est souvent invoqué pour justifier l’administration du <a href="https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01840619/document#page=29">totum de la plante</a> (plante entière ou partie de la plante utilisée en l’état, et contenant donc de nombreuses molécules). Les médicaments à base de cannabis sont donc des mélanges complexes de plusieurs dizaines, voire centaines de substances. La part éventuelle d’autres cannabinoïdes et de certains terpènes dans leur efficacité devra être évaluée, pour optimiser leur composition finale.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/qui-pourra-experimenter-le-cannabis-medical-en-france-145784">Qui pourra expérimenter le cannabis médical en France ?</a>
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<p>À terme, il s’agira de déterminer plus précisément quel produit à base de cannabis pourra être prescrit à quel patient afin d’avoir le maximum de chances d’atteindre l’objectif thérapeutique. Cela permettra d’améliorer le rapport coût/efficacité de ces médicaments et d’éviter des prescriptions trop hasardeuses, voire trop nombreuses, comme on l’observe parfois chez des patients douloureux surmédiqués et pourtant non soulagés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147482/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Authier est administrateur de la Fondation de recherche contre la douleur "Institut Analgesia". Il est aussi membre du Collège scientifique de l'OFDT et du Comité Scientifique Permanent Psychotropes, Stupéfiants et Addictions de l'ANSM. Il préside le Comité Scientifique de mise en place de l'expérimentation du cannabis médical en France ainsi qu'un groupe de travail de la Haute Autorité de Santé (HAS) sur le bon usage des médicaments opioïdes et la prévention des surdoses.</span></em></p>
La prise en charge des douleurs chroniques, qui affectent des millions de Français, est un important enjeu de société. Attendus pour 2021, les médicaments à base de cannabis viseront à la soulager.
Nicolas Authier, Médecin psychiatre et pharmacologue, Professeur de médecine, Inserm 1107, Fondation Analgesia, CHU Clermont-Ferrand, Université Clermont Auvergne (UCA)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/130494
2020-02-04T13:31:14Z
2020-02-04T13:31:14Z
PMA : le Sénat conserve les grands principes mais pose des limites sévèrement réductrices
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/313433/original/file-20200204-41490-4cml14.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C1905%2C1273&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Derrière les murs du Sénat, l’examen du texte du projet de loi bioéthique est terminé.</span> <span class="attribution"><span class="source">Jacques Gaimard/Pixabay </span></span></figcaption></figure><p>Le projet de loi bioéthique poursuit sa navette entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Après avoir achevé mercredi 29 janvier l’examen du texte, les sénateurs lʼont adopté en première lecture mardi 4 février, par 153 voix contre 143, non sans l’avoir largement amendé, notamment dans le domaine de l’assistance médicale à la procréation (AMP ou PMA pour procréation médicalement assistée). Les sénateurs conservateurs sont revenus sur plusieurs mesures phares du texte qui avait été voté par l’Assemblée nationale.</p>
<p>Si l’ouverture de l’AMP à de nouvelles catégories de personnes ou l’accès à l’identité des donneurs pour les personnes conçues par don de gamètes sont maintenus, de nouvelles limites ont été posées. Celles-ci modifient sensiblement non seulement la portée de la loi, mais aussi son sens.</p>
<h2>Limitation de la prise en charge par l’assurance maladie</h2>
<p>Un nouvel article, inséré dans le Code civil, donne le ton. Il dispose que <a href="http://www.senat.fr/enseance/2019-2020/238/Amdt_128.html">« nul n’a de droit à l’enfant »</a>. L’objectif affiché de cet amendement est d’introduire dans le Code civil un article destiné à s’appliquer à tous.</p>
<p>Cependant celui-ci, pensé comme un rappel d’un droit fondamental, laisse planer le doute sur le sens qui doit lui être accordé : qu’est-ce qu’un « droit à l’enfant » ? Cette expression, apparue depuis le début des débats sur l’extension de l’AMP, est fréquemment présentée comme l’opposé du droit « de » l’enfant. Elle est généralement davantage utilisée [comme un repoussoir envers ceux qui revendiquent l’extension de l’AMP que comme une notion sensée, juridiquement fondée](https://celsalab.fr/2018/10/12/anti-pma-un-air-de-deja-vu/</p>
<p>Certes, l’ouverture de l’AMP pour les couples de femmes et les femmes seules n’est pas remise en question. Cependant le Sénat, en rétablissant la condition d’infertilité médicalement constatée pour les couples hétérosexuels, crée deux catégories dans l’AMP, l’une à l’intention des couples hétérosexuels (article L. 2141 2), l’autre pour les couples de femmes et les femmes « non mariées » (Art. L. 2141‑2‑1).</p>
<p>Dès lors, les bases d’un régime différent sont posées : la prise en charge par l’assurance maladie est limitée <a href="https://www.senat.fr/enseance/2019-2020/238/Amdt_262.html">aux seules demandes fondées sur des indications médicales</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pma-et-homoparentalite-que-sait-on-vraiment-du-developpement-des-enfants-de-meres-lesbiennes-124397">PMA et homoparentalité : que sait-on vraiment du développement des enfants de mères lesbiennes ?</a>
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<h2>Filiation des enfants : vers l’adoption obligatoire</h2>
<p>La filiation des enfants nés au sein d’un couple de femmes a été également réécrite. Désormais, celle des deux mères qui n’a pas accouché devrait, pour qu’un lien de filiation soit établi entre elle et son enfant, passer par l’adoption.</p>
<p>Le texte prévoit que « si » les deux membres du couple en font la demande au notaire, le <a href="https://www.senat.fr/amendements/2019-2020/238/Amdt_67.html">consentement donné à une AMP vaut consentement de la mère ayant porté l’enfant à l’adoption de cet enfant par l’autre membre du couple</a>. Pour la mère ayant porté l’enfant, la filiation se ferait par l’accouchement.</p>
<p>La possibilité d’un troisième mode d’établissement de la filiation, qui viendrait s’ajouter à la procréation charnelle ou à l’adoption pour épouser la réalité des faits, est écarté.</p>
<h2>Interdiction de l’AMP exogène</h2>
<p>La partie consacrée à l’AMP réalisée à l’aide du don de gamètes provenant de tiers, ou AMP exogène, est elle aussi partiellement réécrite. <a href="http://www.senat.fr/enseance/2019-2020/238/Amdt_125.htm">L’interdiction du double don se trouve rétablie</a>. Les couples souffrant d’une double infertilité ne se verront donc proposer d’autre solution que celle de l’accueil d’embryon. On conclut qu’il en serait de même pour les couples de femmes ou les femmes seules qui, pour des raisons pathologiques, ne pourraient procréer au moyen de leurs propres ovocytes. Cette technique consiste à « accueillir » un embryon surnuméraire fécondé dans le cadre d’un parcours d’AMP par un couple qui, soit parce qu’il ne souhaite pas conserver l’embryon pour son propre usage, soit parce qu’il ne ne remplit plus les conditions d’accès à l’AMP, décide d’en faire don (code de la santé publique, art. L. 2141-4). La décision peut également émaner du conjoint survivant en cas de décès d’un membre du couple.</p>
<p>À propos des embryons, le texte voté par l’Assemblée dispose que</p>
<blockquote>
<p>« Seuls les établissements publics ou privés à cet effet peuvent conserver les embryons destinés à être accueillis et mettre en œuvre la procédure d’accueil »,</p>
</blockquote>
<p>Dans la version du Sénat, un amendement rétablit l’exclusion des établissement privés à but lucratif, au motif de la crainte de dérives qui viendraient <a href="https://www.senat.fr/enseance/2019-2020/238/Amdt_284.html">transgresser le principe de non patrimonialité des éléments du corps humain</a>.</p>
<h2>Enfants nés d’une GPA faite à l’étranger : refus de transcription des actes de naissance</h2>
<p>Bien que la gestation pour autrui (GPA) soit interdite en France, de nombreux couples de Français se sont rendus dans des pays où cette pratique est légale afin d’y recourir.</p>
<p>La transcription sur les registres de l’état civil français des actes de naissance des centaines d’enfants nés de cette manière a fait l’objet de longues batailles juridiques. En 2019, la Cour de cassation s’était prononcée en ordonnant la transcription des actes de naissance étrangers. Cette décision allait dans le sens de la position de la Cour européenne, faisant primer l’intérêt de l’enfant.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quel-avenir-pour-les-enfants-nes-par-gpa-129206">Quel avenir pour les enfants nés par GPA ?</a>
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<p>Cependant, lors de leur examen du texte du projet de loi bioéthique, les sénateurs ont refusé de déconnecter cette question de la transcription des actes de naissance de l’interdiction de la GPA. Un amendement, visant à donner une portée pleine et entière à l’interdiction de la GPA en France, rend désormais impossible une telle transcription :</p>
<blockquote>
<p>« Tout acte ou jugement de l’état civil des Français ou des étrangers fait en pays étranger établissant la filiation d’un enfant né à l’issue d’une convention de gestation pour le compte d’autrui ne peut être transcrit sur les registres en ce qu’il mentionne comme mère une femme autre que celle qui a accouché ou lorsqu’il mentionne deux pères. »</p>
</blockquote>
<p>Le lien entre l’enfant et le second parent ne pourra être établi qu’au moyen de l’adoption <a href="https://www.senat.fr/encommission/2019-2020/63/Amdt_COM-99.html">à l’instar de la filiation entre l’enfant et la mère qui n’a pas accouché pour un couple de femmes</a>.</p>
<p>L’Assemblée elle-même avait rejeté un amendement qui allait dans le sens contraire, relatif à l’obligation de retranscrire les actes d’état civil étrangers conformes au droit du pays d’origine.</p>
<h2>Restriction de l’accès aux origines</h2>
<p>La création d’un droit aux origines des personnes conçues par don de gamètes a été revue dans le sens de la restriction. Le principe selon lequel toute personne conçue par AMP avec tiers donneur peut, si elle le souhaite, accéder à sa majorité aux données non identifiantes de ce tiers donneur reste acquis.</p>
<p>Il n’en est pas de même pour l’accès à l’identité du donneur, le droit étant maintenu dans son principe, mais soumis au consentement exprès du donneur <a href="https://www.senat.fr/encommission/2019-2020/63/Amdt_COM-264.html">exprimé au moment de la demande formulée par l’enfant devenu majeur</a>. Ce n’est donc qu’au moment où elle en fera la demande que la personne concernée saura si ce droit lui est ou non accordé.</p>
<p>On est ici loin de la jurisprudence de la Cour européenne, qui considère le <a href="https://theconversation.com/don-de-sperme-anonyme-la-cour-europeenne-des-droits-de-lhomme-va-t-elle-bousculer-la-france-84172">droit à la connaissance de ces origines comme un élément de la vie privée</a>.</p>
<h2>Interdiction de l’autoconservation des gamètes</h2>
<p>L’autoconservation des gamètes en vue de la réalisation ultérieure d’un protocole d’AMP a été interdite, les sénateurs ayant <a href="http://www.senat.fr/petite-loi-ameli/2019-2020/238.html">supprimé les dispositions qui l’autorisait</a>. Très encadrée, l’autoconservation des gamètes est actuellement soumise à des motifs médicaux : endométriose, cancers, etc. Les femmes qui font un don d’ovocytes se voient aussi offrir la possibilité d’en conserver une partie pour leur propre usage au cas en cas d’AMP ultérieure.</p>
<p>Les sénateurs, à la suite des députés, ont également rejeté, par un vote extrêmement serré, toute proposition d’autoriser la procréation post-mortem. Sur ce sujet particulièrement sensible, la crainte d’un deuil prolongé, d’une rupture anthropologique et d’une pression familiale sur la veuve, de desservir l’intérêt de l’enfant l’a emportée sur les arguments des défenseurs de cette possibilité, à savoir l’autonomie de la femme, la cohérence de la solution avec l’ouverture de l’AMP aux femmes seules et l’avis de Comité consultatif d’éthique</p>
<p>Dans la mesure où cette situation concerne moins d’une femme par an, une exception permettant l’examen au cas par cas semble être une option qui mériterait d’être envisagée.</p>
<h2>Rejet de l’extension du diagnostic préimplantatoire</h2>
<p>L’AMP comporte un volet moins médiatisé que les autres, à savoir le diagnostic préimplantatoire (DPI), qui consiste à rechercher sur des embryons conçus <em>in vitro</em> un éventuel déficit génétique pour n’implanter qu’un embryon sain dans l’utérus maternel. En droit positif, seule la pathologie liée à l’anomalie parentale susceptible d’être transmise peut être recherchée chez l’embryon au cours des analyses.</p>
<p>Le Sénat a rejeté la possibilité, envisagée à titre expérimental par la commission spéciale sur la bioéthique, de rechercher des anomalies chromosomiques non compatibles avec le développement embryonnaire, dans le cadre du diagnostic préimplantatoire d’une AMP. Sans entrer dans un débat complexe, rappelons ici que le test de dépistage de la trisomie 21 est proposé à toute femme enceinte et qu’il le sera donc à la femme enceinte à la suite d’un DPI.</p>
<h2>Autorisation du « bébé médicament »</h2>
<p>Le Sénat a en revanche rétabli la technique du double diagnostic préimplantatoire (DPI-HLA), supprimée par l’Assemblée. Cette technique permet aux parents dont l’enfant est atteint d’une maladie incurable, qui le condamne à très brève échéance, de recourir au DPI-HLA afin de sélectionner un embryon indemne de cette maladie pour le transférer dans l’utérus de la mère.</p>
<p>À la naissance de l’enfant, des cellules seront prélevées dans le cordon ombilical à la fin d’être utilisées pour guérir l’enfant aîné. Cette technique, également dénommée « bébé médicament » ou « bébé du double espoir » pose des questions éthiques particulièrement délicates dans la mesure où il s’agit d’effectuer un tri embryonnaire dans l’intérêt d’un autre enfant que celui à naître, son frère ou sa sœur.</p>
<p>Le texte voté par le Sénat va maintenant retourner devant l’Assemblée, où les débats se poursuivront au mois d’avril. Le texte, qui devrait être définitivement voté cet au plus tôt cet été, va certainement connaître bien des turbulences.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130494/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Depadt ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
L’examen du projet de loi bioéthique s’achève par une série d’amendements qui sauve les apparences, mais dont les limites vident le texte d’une partie de sa substance.
Valérie Depadt, Maître de conférences en droit, Université Sorbonne Paris Nord
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/119908
2019-07-05T14:09:53Z
2019-07-05T14:09:53Z
Le « syndrome de La Havane » qui afflige les diplomates n'est pas un cas d'hystérie collective
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/282752/original/file-20190704-51297-1ihzi0t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un neurotologiste a fait état de lésions cérébrales chez le tiers des diplomates américains et leurs familles atteints du syndrome de La Havane. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>C'est rendre un mauvais service aux hommes et aux femmes employés par les services diplomatiques des États-Unis et du Canada que de <a href="https://www.theglobeandmail.com/canada/article-mad-gassers-toxic-buses-and-the-havana-syndrome-what-society-still/">suggérer qu'ils souffrent d'un « syndrome psychogène de masse »</a> découlant de leur <a href="https://www.vanityfair.com/news/2019/01/the-real-story-behind-the-havana-embassy-mystery">mandat à La Havane</a>. </p>
<p>À l'automne 2016, de nombreux membres de la mission américaine à Cuba ont commencé à développer <a href="https://ottawacitizen.com/news/national/our-men-women-and-children-in-havana-how-a-dream-posting-became-a-nightmare">des « symptômes d'étourdissements, de douleurs aux oreilles et d'acouphènes »</a> - selon les médecins qui les ont examinés - après avoir perçu un bruit à haute fréquence et ressenti une pression cérébrale. À la fin de l'hiver 2017, 14 membres de la délégation canadienne ont commencé à développer des symptômes similaires.</p>
<p>Le <a href="https://www.newyorker.com/magazine/2018/11/19/the-mystery-of-the-havana-syndrome">mystérieux « syndrome de La Havane »</a> a depuis fait l'objet d'intenses spéculations. La question est de savoir si les victimes <a href="https://www.theglobeandmail.com/canada/article-mad-gassers-toxic-buses-and-the-havana-syndrome-what-society-still/">souffrent d'un trouble psychogène</a> qui survient dans l'imaginaire ou d'un trouble somatogène qui découle d'un problème physique du tissu cérébral lui-même. La maladie psychogène de masse est simplement un nouveau terme pour <a href="https://www.goodreads.com/book/show/2605367-from-paralysis-to-fatigue">ce qu'on appelait autrefois l'« hystérie épidémique» ou collective. </a></p>
<p>Ces diplomates sont-ils « hystériques » ? Ou ont-ils subi une lésion <a href="https://doi.org/10.1136/bmj.k3848">causée par une sorte d'appareil destiné à leur infliger des blessures</a> ?</p>
<h2>Les victimes ont subi des lésions cérébrales traumatiques</h2>
<p>L'argument de la « psychogenèse » (hystérie) est erroné à plusieurs égards. </p>
<p>Les symptômes de l'hystérie sont causés par l'imagination. Or, une étude <a href="https://doi.org/10.1002/lio2.231">dirigée par le Dr Michael E. Hoffer</a>, neurotologiste à l'Université de Miami, a signalé des problèmes avec le système vestibulaire central (oreille interne) chez 36 % des diplomates américains et leur famille atteints du syndrome de La Havane.</p>
<p>Les lésions dans cette partie de l'appareil auditif seraient organiques. Les tissus ont subi une sorte d'agression. Les lésions de l'oreille interne ne sont donc pas psychogènes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1093547111411531781"}"></div></p>
<p>Les Canadiens touchés qui ont été évacués vers l'Université de Miami, et qui se sont ensuite rendus à l'Université de Pennsylvanie pour des examens similaires, <a href="https://www.newyorker.com/magazine/2018/11/19/the-mystery-of-the-havana-syndrome">auraient reçu un diagnostic de « traumatisme crânien semblable à une commotion cérébrale »</a>.</p>
<p>Entretemps, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1151433/syndrome-havane-diplomates-canadiens-poursuite-ottawa">quatorze d'entre eux poursuivent Ottawa pour avoir tardé à les évacuer et à leur offrir des traitements</a>. Ils réclament 28 millions de dollars. </p>
<p>Il est faux de penser que ces diplomates et leurs familles correspondent à n'importe quel profil psychogénique. En 1974, le psychiatre François Sirois, de l'Université Laval, a analysé <a href="https://books.google.ca/books/about/Epidemic_Hysteria.html?id=gNJSNQAACAAJ&redir_esc=y">70 éclosions d'« hystérie épidémique », historiques et actuelles</a>. Sur les 70, 69 se sont produites chez des filles et des jeunes femmes. Un seul des 70 cas - l'épidémie de koro à Singapour dans les années 60 - n'a touché que les hommes. (Le koro est la croyance délirante que vos organes sexuels se rétractent à l'intérieur de votre corps).</p>
<p>Historiquement, l'« hystérie » - c'est-à-dire les symptômes physiques « d'origine inexpliquée » - était <a href="https://books.google.ca/books/about/From_the_mind_into_the_body.html?id=vrXuAAAAMAAAAJ&redir_esc=y">associée plus aux femmes qu'aux hommes</a>. C'est parce que ce sont les femmes qui, traditionnellement, ont subi le plus de pertes et de souffrances. Elles ont souvent fait face à ces émotions en développant des symptômes corporels. </p>
<p>Penser que ces hommes et ces femmes d'âge moyen, évoluant dans les ambassades américaine et canadienne à La Havane, auraient pu souffrir d'une « maladie psychogénique de masse » est tout simplement incroyable.</p>
<h2>L'endométriose a déjà été diagnostiquée comme une hystérie</h2>
<p>Il est faux d'imaginer que leurs symptômes pourraient avoir un mécanisme psychologique. Le mécanisme de la psychogenèse/hystérie est la suggestion. Par exemple, toutes les <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/0305569960220301">écolières tombent par terre en vomissant à la récréation</a> parce qu'il leur a été suggéré qu'il s'agissait du symptôme d'une maladie qu'elles croient avoir. </p>
<p>La perte d'équilibre, les sensations de pression à l'intérieur de leur cerveau et ainsi de suite que ces diplomates rapportent ne sont pas plus psychologiques que les oreillons.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/281685/original/file-20190627-76717-l0za8r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/281685/original/file-20190627-76717-l0za8r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/281685/original/file-20190627-76717-l0za8r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/281685/original/file-20190627-76717-l0za8r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/281685/original/file-20190627-76717-l0za8r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/281685/original/file-20190627-76717-l0za8r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/281685/original/file-20190627-76717-l0za8r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une voiture décapotable américaine classique passe à côté de l'ambassade des États-Unis alors que les drapeaux cubains flottent à la Tribune anti-impérialiste, sur la promenade côtière du Malecon à La Havane.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Desmond Boylan, File)</span></span>
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<p>Le « stress » a été invoqué comme facteur psychologique. En effet, ces diplomates et leurs familles sont sous pression. Mais tout le monde l'est aussi. Le stress est une constante dans la vie moderne. Les enseignants du monde entier sont également stressés, mais ils ne développent pas cette maladie des diplomates.</p>
<p>Qu'est-ce qui a causé ces lésions ? C'est la question que tout le monde se pose. Mais la médecine a une longue histoire de présomption de psychogenèse lorsque la cause d'une maladie lui échappe. N'oublions pas que la sclérose en plaques chez les femmes, par exemple, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/16085995">a déjà été considérée comme une forme d'hystérie</a>. </p>
<p>De même, avant que l'on ne découvre l'endométriose, <a href="https://www.goodreads.com/book/show/8885027-a-history-of-women-s-bodies">les douleurs pelviennes chez les femmes ont aussi été diagnostiquées comme de l'hystérie</a>. </p>
<p>Ne commettons plus cette erreur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119908/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Edward Shorter ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La sclérose en plaques et l'endométriose ont longtemps été diagnostiquées comme de l'hystérie chez les femmes. Le même phénomène se produit chez les diplomates atteints du « syndrome de La Havane».
Edward Shorter, Jason A Hannah Professor of the History of Medicine, Professor of Psychiatry, University of Toronto
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/83826
2017-09-13T21:33:24Z
2017-09-13T21:33:24Z
Pour une analyse anthropologique des violences gynéco-obstétricales
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/185673/original/file-20170912-21842-1lyp6al.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Armes de Fougères ornant le tympan de l'ancienne maternité de l'Hôpital de Fougères (35)</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Foug%C3%A8res_(35)_H%C3%B4pital_Ancienne_maternit%C3%A9_Fa%C3%A7ade_01.JPG">Wikimédia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le titre en dit long : « Prévention et élimination du manque de respect et des maltraitances durant l’accouchement dans un établissement de santé » (en anglais, the prevention and elimination of disrespect and abuse during facility-based childbirth). Dans ce <a href="http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/134588/1/WHO_RHR_14.23_eng.pdf">document publié en 2014</a>, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) relevait déjà un excès croissant et préoccupant d’interventions médicales pendant l’accouchement, même lors de naissances physiologiques et sans complications.</p>
<p>Parallèlement, l’OMS notait une multiplication de pratiques violentes et irrespectueuses à l’égard des femmes au cours de l’accouchement, et plus largement, dans les soins qui leur étaient délivrés : soins non consentis, manque de respect, abus d’autorité, mécanismes de culpabilisation.</p>
<p>Le même document dresse une liste de cinq types de comportements à surveiller de plus près : les maltraitances physiques, les maltraitances sexuelles, les agressions verbales, les attitudes de discrimination et de stigmatisation et le non-respect des standards de soins, aussi bien dans les rapports entre la patiente et le personnel soignant que dans les processus et la logistique des soins. Ces comportements séparés ou combinés définissent le concept de <a href="http://grand-angle.lefigaro.fr/quand-laccouchement-se-vit-dans-la-violence">violences obstétricales</a>. Ils sont de fait profondément représentatifs des inégalités de genre, en ce qu’ils renvoient à la position inégalitaire des femmes, et des femmes enceintes en particulier, dans la société et dans les systèmes de santé, lesquels sont très majoritairement dirigés par les hommes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"757968313817436160"}"></div></p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"804641512742993920"}"></div></p>
<p>S’il est vrai qu’il existe <a href="http://editions.flammarion.com/Catalogue/hors-collection/documents-temoignages-et-essais-d-actualite/les-brutes-en-blanc">des violences médicales au sens large</a> touchant indistinctement les femmes et les hommes, les violences gynéco-obstétricales demandent une analyse spécifique et différenciée car l’<a href="https://ciane.net/">accouchement</a> concerne a priori et de façon écrasante des femmes en bonne santé et sans pathologie particulière. À ce titre, on comprend bien que l’enjeu n’est pas que médical, mais qu’il est d’ordre anthropologique, c’est-à-dire qu’il renvoie aux structures et aux processus de relations entre les individus.</p>
<h2>Injonctions et postures</h2>
<p>Le débat concernant les violences obstétricales, ravivé par les récentes déclarations de la secrétaire d’État à l’<a href="http://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/demande-de-rapport-au-hce-sur-les-violences-obstetricales/">égalité entre les femmes et les hommes</a>, Marlène Schiappa, présente comme antagonistes d’une part, la nécessaire empathie envers les femmes qui témoignent individuellement de <a href="http://marieaccouchela.blog.lemonde.fr/">leur expérience traumatisante vécue comme imposée</a>, et d’autre part, le positionnement des praticien.nes qui expriment la légitimité d’une pratique collective nécessaire et de ce fait peu questionnable « de l’extérieur ».</p>
<p>Ce qui frappe d’emblée, c’est la radicalité des postures entre affrontements corporatistes, <a href="http://www.lexpress.fr/actualite/societe/payetonuterus-quand-les-femmes-se-lachent-contre-leur-gyneco_1623785.html">témoignages individuels</a> de plus en plus médiatisés, déclarations de bonne foi et de professionnalisme, contraintes budgétaires, gestion du temps et des ressources humaines, arrières-pensées politiques… Toutes ces postures ont leur logique propre et leur mode d’expression spécifique : juridique pour les défenseur.e.s des droits humains, technique pour les professionnel.le.s de santé, technocratiques pour les responsables politiques et administratifs.</p>
<h2>Enjeux de langage</h2>
<p>Au-delà des postures, c’est l’usage même de l’expression « violences obstétricales » qui, sans que cela soit explicitement signifié, <a href="http://www.francetvinfo.fr/sante/grossesse/violences-obstetricales-un-sujet-essentiel-pour-les-sages-femmes_2303677.html">semble faire problème</a>, faute d’être analysé. Historiquement, l’expression « violences obstétricales » étendue aux violences gynécologiques est apparue assez récemment dans les années 2000, lorsque les expressions « pratiques dangereuses », « maltraitance des soins » n’ont pas paru recouvrir totalement le fondement anthropologique des enjeux de domination dans les pratiques de soins. Cette évolution du langage traduit en fait deux phénomènes essentiels : d’une part, la « dés-objectivation » du caractère technique du soin, la fausse neutralité du geste médical, et d’autre part, le processus de légitimation de la parole subjective des femmes dans leur vécu de la sexualité et de la reproduction.</p>
<h2>L’éclairage des définitions</h2>
<p>La médecine gynécologique recouvre la prise en charge de toutes les questions d’ordre gynécologique tout au long de la vie d’une femme : dépistage et traitement des maladies sexuellement transmissibles, prévention et suivi des stérilités, des grossesses extra-utérines, dépistage précoce des cancers génitaux et mammaires, traitements hormonaux, problèmes de règles et saignements, endométrioses, traitements de la ménopause, enfin les questions liées à la sexualité, à la contraception, à la péri-conception aussi bien qu’aux demandes d’interruption volontaire de grossesse.</p>
<p>Les pratiques en gynécologie-obstétrique désignent quant à elles toutes les interventions en rapport avec la grossesse, qu’il s’agisse de la femme enceinte ou de son fœtus. Ce sont principalement la surveillance de la grossesse, les diagnostics prénataux et l’accouchement lui-même, qu’il se déroule par voies naturelles ou par césarienne. Interventions réalisées par les sages-femmes ou les médecins. S’il est à noter que <a href="https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/atlas_de_la_demographie_medicale_2016.pdf">95 % des gynécologues en médecine gynécologique sont des femmes</a>, seulement 15 % de femmes parmi les gynécologues-obstétriciens pratiquent l’accouchement !</p>
<p>Les formations et les pratiques médicales n’échappent pas aux biais de genre. Il en va de même au niveau institutionnel : dans les années 1980, la médecine gynécologique est supprimée de la nomenclature des études de médecine débouchant sur un diplôme de spécialité. Elle est finalement réinstallée de haute lutte en 2003, révélant avec force la rivalité entre le pan « masculin » de la profession – les obstétriciens – et son pan « féminin » – les gynécologues.</p>
<h2>Deux pratiques spécifiques au cœur du débat</h2>
<p>L’épisiotomie est un acte chirurgical consistant lors de l’accouchement à sectionner la muqueuse vaginale et les muscles superficiels du périnée afin d’agrandir l’orifice de la vulve pour faciliter la sortie du fœtus. La <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/16128977">pratique des épisiotomies en Europe</a> est <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27578338">très variée</a> : dans un premier groupe, il existe une forte prévalence de 40 % et plus (70 % en Pologne, au Portugal et à Chypre, de 40 à 50 % en Belgique et en Espagne). Dans un groupe médian se trouvent la France, l’Allemagne et la Suisse avec une prévalence comprise entre 16 et 36 %. Enfin, dans le troisième groupe se trouvent le Royaume uni (13 %), puis le Danemark, la Suède et l’Islande (5-7 %). Ces différences de pratiques doivent être questionnées tant les écarts, dans un espace pourtant relativement homogène, se révèlent importants.</p>
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<p><a href="http://www.doctissimo.fr/html/grossesse/accouchement/10327-cesarienne-france.htm">La césarienne</a> est un acte chirurgical consistant à pratiquer une incision de la paroi abdominale et de l’utérus, afin d’extraire le fœtus quand l’accouchement est impossible par les voies naturelles. <a href="https://fr.statista.com/statistiques/562114/taux-accouchement-par-cesarienne-ocde/">Selon l’OCDE</a>, en 2013, l’Islande, la Finlande, la Suède, la Norvège, Israël et les Pays-Bas affichaient des taux de césarienne de 15 à 17 % des naissances vivantes. À l’autre bout du spectre figurent la Turquie, le Mexique et le Chili entre 45 et 50 %, le Brésil culminant à 54 % !</p>
<p>Il existe aussi des différences dans la pratique des césariennes à l’intérieur même des pays. Ainsi, au Canada, en Finlande, en Allemagne et en Suisse, les accouchements par césarienne passent du simple au double selon les régions. En Espagne, c’est du simple au triple et en Italie, la variation va de 1 à 6. Cette augmentation marquée des recours à la césarienne est nettement avérée dans les établissements privés de santé et touchent très majoritairement les femmes ayant un statut économique plus élevé que la moyenne : ce ne sont pas les seules nécessités médicales qui expliqueraient l’augmentation des césariennes, mais l’élévation générale du niveau de vie et les incitations financières corrélées pour les médecins ou encore la couverture des risques liés à l’accouchement traditionnel dans un univers de plus en plus juridictionnalisé. Enfin, il faudrait s’interroger sur la nature, la véracité et le degré des informations données aux femmes et les biais de toutes sortes qu’elles peuvent comporter.</p>
<h2>Le milieu hospitalier : un lieu d’insécurité pour les femmes ?</h2>
<p>Sur dix patients à l’hôpital, sept sont des patientes. Les femmes sont donc statistiquement plus exposées aux maltraitances dans le cadre hospitalier, en particulier dans les services de gynécologie-obstétrique. Surtout, les organes concernés (utérus, ovaires, seins…) n’ont pas le même poids symbolique ni la même fonction de <a href="http://www.slate.fr/grand-format/fresques-hopital">structuration des représentations</a>, et donc des inégalités, entre les hommes et les femmes que les autres organes.</p>
<p>Les violences obstétricales sont les plus invisibles et les plus naturalisées des formes de violences pesant sur les femmes. Elles font partie de ces dispositifs d’appropriation du corps des femmes si souvent évoqués par l’anthropologue Françoise Héritier. Cette dernière a montré dans le concept de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=2Hts9-yg8rk">valence différentielle des sexes</a> que, à partir de la différence biologique entre les hommes et les femmes, chaque société a inventé un système de représentations qui assigne à chaque genre d’autres différences, culturelles et sociales, et surtout des valeurs inégalitaires.</p>
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<p>Dans toutes les sociétés, cette domination s’est traduite par un triple refus opposé aux femmes : celui du droit à disposer de son corps, celui du droit au savoir et celui du droit au pouvoir. Pour Françoise Héritier, cette situation immémoriale et universelle d’infériorité des femmes vis-à-vis des hommes pourrait se résumer au fait que les femmes sont capables non seulement de reproduire des corps semblables aux leurs – c’est-à-dire des filles –, mais aussi des corps différents d’elles-mêmes – des garçons –, alors que les hommes n’ont même pas la possibilité de faire des corps semblables au leur. Les hommes se demandent quelle est leur part dans ce mécanisme qui, quelque part, leur échappe totalement. Question angoissante à laquelle les hommes ont répondu par la mise en place à tous les niveaux de l’organisation sociale d’un contrôle de la reproduction qui passe par la maîtrise (y compris dans la contrainte et la violence) des corps des femmes.</p>
<p>Cette maîtrise s’est enrichie de mécanismes si élaborés et si performants qu’ils ont réussi à persuader les hommes et les femmes du bien-fondé de ce système de domination. Au cœur de ce système de valeur universel se trouve la femme présentée comme la Mère, avec une majuscule. Pour Françoise Héritier, en faisant de la femme le pilier de l’organisation sociale, en la portant au niveau absolu de la respectabilité (par opposition à la femme libre assimilée à la prostituée), on ne fait en réalité que la réduire à une situation de dépendance et d’infériorité.</p>
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<p>Longtemps silencieuses sur ces violences, les femmes avaient intégré, légitimé, et finalement accepté, ces formes de maltraitance au nom de leur « infériorité naturelle » issue de la différentiation sexuée.</p>
<p>Cette approche des origines peut être enrichie par la réflexion théorique initiée par le philosophe Michel Foucault sur ce qu’il appelle les <a href="http://www.payot-rivages.net/livre_Qu-est-ce-qu-un-dispositif--Giorgio-Agamben_ean13_9782743616724.html">dispositifs disciplinaires</a>, en particulier ceux à l’œuvre dans les hôpitaux.</p>
<p>Ces réflexions sur les origines de cette situation et les dispositifs qui la maintiennent montrent qu’au cours de l’histoire se sont installés des régimes d’autorisation aux maltraitances et aux violences (qui d’ailleurs ne sont pas considérées comme telle par leurs auteurs). Ceux-ci sont justifiés par la certitude qu’ont les praticiens de pouvoir juger et dire ce qui est bien ou non, approprié ou non, pour les patientes. Le corollaire de ce régime renvoie à une conception minimale du consentement (sujet qui d’ailleurs est assez peu traité au cours des études de médecine) en matière de gynécologie-obstétrique.</p>
<p>Le droit des patient.e.s a fait irruption dans l’univers médical mais reste difficile à installer, tant il remet en cause le rapport paternaliste et sexiste entre praticiens et patientes.</p>
<p>Au-delà des querelles des chiffres, une question plus complexe s’impose, celle du degré de prégnance d’un modèle hégémonique sexiste chez les gynécologues obstétricien.ne.s. Alors que le sexisme est présent dans tous les champs de la société, il serait surprenant qu’il n’ait pas structuré aussi le monde médical, en particulier certaines de ses composantes comme la gynécologie obstétrique. C’est donc tout un travail de déconstruction des stéréotypes de genre qui serait à entreprendre dans ce milieu afin d’en comprendre les mécanismes et d’en analyser les conditions de survivance, de résistance, mais aussi de dépassement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/83826/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Serge Rabier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les violences gynéco-obstétricales renvoient à la position inégalitaire des femmes, et des femmes enceintes en particulier, dans la société.
Serge Rabier, Chercheur associé en socio-démographie, Université Paris Cité
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/79295
2017-06-19T19:48:09Z
2017-06-19T19:48:09Z
Monologue du vagin : le talc, pour ou contre ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/174449/original/file-20170619-12445-1o689yd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Poudre.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Talcum_Powder.JPEG#/media/File:Talcum_Powder.JPEG">Mattman723/wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les organes génitaux externes sont un lieu d’application d’un certain nombre de principes actifs dans le cadre thérapeutique ou d’actifs dans le domaine cosmétique. Dont le talc, dont nous racontons l’histoire <a href="http://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/monologue-du-vagin-alors-le-talc-pour-ou-contre-234/">sur notre blog</a>.</p>
<p>Au début du XX<sup>e</sup> siècle, certains médecins voient dans les bains et douches une mesure d’hygiène indispensable mais également un moyen « d’augmenter la vigueur des muscles » ou « d’augmenter les défenses »… Selon la température de l’eau, le bain sera excitant ou bien sédatif. « Les bains chauds souvent répétés sont débilitants »… Le protocole idéal doit donc être suivi à la règle sous peine de détruire le bel équilibre que l’on cherche à atteindre. L’eau n’est pas le seul « excipient » utilisé. On reconnaît beaucoup de bienfaits aux « bains solides » (bains de sable et bains de boue)… (Lusi, La femme moderne, 1905).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/174450/original/file-20170619-12412-urlc4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/174450/original/file-20170619-12412-urlc4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/174450/original/file-20170619-12412-urlc4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/174450/original/file-20170619-12412-urlc4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/174450/original/file-20170619-12412-urlc4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/174450/original/file-20170619-12412-urlc4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/174450/original/file-20170619-12412-urlc4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pour les bébés, et les adultes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/aukirk/12795957403">Austin Kirk/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Après le bain, on talque la peau pour éliminer toute trace d’humidité et pour laisser un film doux à la surface cutanée. Le talc est présenté comme « la poudre de toilette idéale ». Utilisée pour réaliser un « massage après le bain », la poudre parfumée ou non convient aussi bien aux enfants qu’aux adultes. Chaque société sait vanter ses produits et « dénigrer » au passage les concurrents. Le talc parfumé Clarks, par exemple, est « la meilleure des poudres de toilette » ; « il remplace dans tous les cas et avec grand avantage les talcs du commerce plus ou moins purs […] » (G. Clarks, <em>Le nouveau bréviaire de la beauté</em>, Paris, 1912).</p>
<h2>Poudrage génital</h2>
<p>Au XXI<sup>e</sup> siècle, le poudrage de la région génitale après le bain reste une pratique courante dans certains pays. Aux États-Unis, par exemple, 40 % des femmes utilisent un talc aux propriétés émollientes après le bain ou la douche. C’est le talc pour bébés qui est le <a href="http://www.ajog.org/article/S0002-9378(00)%2080043-5/abstract">plus souvent employé</a>. Certaines ont pourtant recours à des cosmétiques spécifiques.</p>
<p>Le bain, le talc, les impuretés contenues dans ce dernier… Voici les acteurs de la pièce qui se joue depuis une soixantaine d’années. Ainsi, la mise au contact du talc (ou du cosmétique présenté comme tel) avec la région génitale est l’objet de débats récurrents .</p>
<p>Il faut rappeler que le cancer des ovaires est le 7<sup>e</sup> cancer féminin et la 8<sup>e</sup> cause de décès par cancer chez la femme, dans le monde. Les facteurs de risque sont nombreux. Certains sont bien établis ; c’est le cas, en particulier, du terrain génétique (facteurs de risques familiaux), de certaines pathologies tels que l’endométriose, l’obésité, le fait de fumer… D’autres facteurs sont plus <a href="http://www.bestpracticeobgyn.com/article/S1521-6934(16)%2030091-8/pdf">controversés</a>, comme l’usage du talc au niveau génital.</p>
<p>La suspicion de lien entre utilisation de talc au niveau génital et développement de cancer des ovaires est un thème sur lequel se penchent les chercheurs depuis les années 1960. On sait, en effet, que le talc peut être mélangé à de l’amiante dans certains gisements. En 1967, Graham & Graham démontraient l’implication de l’amiante administré par voie intrapéritonéale dans le développement d’hyperplasies ovariennes chez le cochon d’Inde et le lapin.</p>
<p>En 1971, Henderson détecta la présence de talc dans 75 % des tissus cancéreux étudiés par ses soins. Il est utile de préciser que l’échantillon était de petite taille, puisqu’il ne concernait que 13 patientes atteintes de cancer épithélial de l’ovaire. Il est bon de préciser que ce n’est pas parce que l’on trouve une substance dans un organe malade que cette substance est forcément impliquée dans le processus pathologique.</p>
<p>En 1999, Wong publia les résultats d’une étude, menée au Roswell Park Cancer Institute, entre octobre 1982 et octobre 1995, concernant le comportement vis-à-vis du poudrage à l’aide de talc d’un échantillon de 499 femmes atteintes de cancer des ovaires et d’un échantillon de 755 femmes traitées pour une autre pathologie qu’un cancer gynécologique. L’analyse des données <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0029784498004396">ne permit pas de déceler de différences significatives</a> entre les 2 populations.</p>
<p>En 2013, l’Ovarian Cancer Association Consortium a fait le bilan de huit études regroupant en tout 8 525 femmes souffrant de cancers des ovaires et 9 859 femmes témoins. Il apparaît que l’utilisation de talc est associée à une augmentation modeste, mais significative, du risque de développer un cancer épithélial des ovaires (augmentation de l’ordre de 20 % à 30 %). Il est toutefois difficile de se faire une idée juste de l’impact du talc sur le risque de développer un cancer des ovaires. En effet, <a href="http://www.gynecologiconcology-online.net/article/S0090-8258(16)%2030139-1/pdf">dans cette étude</a>, est prise en compte l’utilisation de poudres au niveau génital, périnéal ou rectal après le bain ou indirectement par le biais de sous-vêtements, de serviettes hygiéniques, de tampons, de dispositifs contraceptifs… Si, dans la grande majorité des cas, les femmes ont pu répondre de manière globale concernant leur consommation de tel ou tel produit, il n’est pas possible d’avoir accès, <em>a posteriori</em>, aux compositions exactes des produits incriminés.</p>
<p>Le fait que le talc soit un ingrédient ubiquitaire explique les résultats surprenants d’une <a href="http://www.ajog.org/article/S0002-9378%2896%2970597-5/abstract">étude datant de 1996</a>. Sur 100 % des prélèvements réalisés, que la femme indique utiliser un talc ou non, l’on retrouvait du talc. La faible taille de l’échantillon (n = 24) est certes source de discussions, il n’en reste pas moins que le talc présent au niveau ovarien a une origine autre que cosmétique.</p>
<p>Le problème du talc est aussi affaire d’argent : en février 2016, la famille d’une patiente atteinte d’un cancer des ovaires a obtenu des dédommagements de la part de la société Johnson & Johnson à hauteur de 72 millions de dollars, ce qui ne manqua pas de déclencher un certain nombre de réactions. Mai 2016, même scénario avec une plaignante de 62 ans en rémission d’un cancer des ovaires : 110 millions de dollars à la clé !</p>
<p>Ces décisions semblent bien étonnantes lorsque l’on sait que les chercheurs eux-mêmes n’osent pas affirmer de façon péremptoire l’existence d’un lien entre usage de talc et cancer des ovaires. Comment prouver l’utilisation quotidienne d’un cosmétique sur une longue période ? Comment réduire une association de différents facteurs en un seul et unique ?</p>
<h2>Alors, pour ou contre le talc ?</h2>
<p>Pour cet ingrédient, lorsqu’il est utilisé de façon raisonnable. L’application d’une poudre après le bain (geste qui ne doit pas être très fréquent en France du fait du peu de références retrouvées sur le marché) doit être effectuée avec légèreté, en évitant, par précaution, la région génitale.</p>
<p>Pour cet ingrédient, qui entre dans la composition des fonds de teint, des déodorants… et plus généralement dans les cosmétiques où l’on cherche un effet absorbant, matifiant.</p>
<p>Pour cet ingrédient, dont la qualité sera rigoureusement contrôlée.</p>
<p>Contre le talc, lorsqu’il est utilisé de manière abusive et selon un protocole qui ressemble fort à un mésusage, et contre, évidemment, si sa qualité est douteuse !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79295/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Le talc, un produit du quotidien utilisé indifféremment sur la peau des bébés et des adultes. Mais est-il sûr quand il est appliqué sur les organes génitaux ?
Céline Couteau, Maître de conférences en pharmacie industrielle et cosmétologie, Université de Nantes
Laurence Coiffard, Professeur en galénique et cosmétologie, Université de Nantes
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.