tag:theconversation.com,2011:/us/topics/entrepreneures-83039/articlesentrepreneures – The Conversation2023-10-15T13:33:09Ztag:theconversation.com,2011:article/2153032023-10-15T13:33:09Z2023-10-15T13:33:09ZDes modèles de réussite féminins pour réduire l’autocensure dans l’accès au crédit<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/553291/original/file-20231011-27-lts8gs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C364%2C2723%2C1662&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Beaucoup d’entrepreneures hésitent et finalement n’effectuent pas, à tort, de demande de crédits pour faire grandir leur affaire.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Mikhail Nilov / Pexels </span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En dépit de remarquables progrès ces vingt dernières années, les <a href="https://theconversation.com/topics/entrepreneures-83039">femmes cheffes d’entreprise</a> demeurent moins susceptibles de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0144818822000576">demander un crédit bancaire que les hommes</a>. Or, l’accès au <a href="https://theconversation.com/topics/credit-62431">crédit</a> reste un élément clé pour soutenir la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0378426606000926">performance et la croissance</a> d’une entreprise en lui permettant de saisir des opportunités d’investissement et de faire face aux aléas économiques.</p>
<p>Ce moindre accès au financement réduit la contribution des entrepreneures à l’économie, notamment en matière de création d’emplois, de réduction de la pauvreté et de croissance économique. Cela affecte également leurs revenus personnels, constituant ainsi un obstacle à l’<a href="https://theconversation.com/topics/inegalites-hommes-femmes-136794">égalité des sexes</a>.</p>
<h2>Une autocensure injustifiée</h2>
<p>Pourquoi les femmes entrepreneures sont-elles moins enclines à demander un emprunt à la banque ? L’une des raisons est qu’elles s’abstiennent de déposer un dossier parce qu’elles s’attendent à être discriminées et à voir leur demande d’emprunt <a href="https://academic.oup.com/jeea/article-abstract/11/suppl_1/45/2316340">refusée ou limitée</a>.</p>
<p>La littérature existante souligne pourtant que cette anticipation est souvent erronée : une large partie des demandes de prêt de ces femmes aurait bien été accordée si elles en avaient fait la requête. Aux États-Unis, il y aurait ainsi <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11187-010-9283-6">deux fois plus d’emprunteurs</a> découragés que de demandeurs rejetés (femmes et hommes confondus). Pour les économies émergentes en Europe de l’Est et en Asie, ce phénomène est encore plus exacerbé. Pour chaque demandeur rejeté, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1566014117303229">il y aurait trois emprunteurs découragés</a>.</p>
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<p>En outre, les demandes de prêt des entreprises détenues par des femmes ne sont, en général, pas davantage rejetées que celles des entreprises détenues par des hommes. L’autocensure des femmes sur leur accès au crédit n’a donc pas nécessairement des fondements économiques réels.</p>
<p>L’un des facteurs clés du découragement féminin découle de la représentation que les femmes ont d’elles-mêmes. <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/17566260910969670/full/html">Une moindre confiance</a> en leurs compétences entrepreneuriales, en particulier par rapport aux hommes, les amène à croire qu’elles sont moins susceptibles d’obtenir un prêt. En cause notamment, le manque de modèles féminins de réussite qui peut donner l’impression aux femmes que le succès entrepreneurial est un domaine inatteignable pour elles, restreignant ainsi leurs aspirations.</p>
<p>Elles peuvent se sentir exclues ou ne pas se sentir à leur place dans un <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11187-011-9372-1">environnement où les hommes sont majoritaires</a>. En somme, le manque de modèles de réussite féminin dans le domaine du leadership ne permet pas aux femmes de se projeter et de s’identifier dans un rôle similaire ou elle exercerait un pouvoir décisionnel fort. On parle d’<a href="https://psycnet.apa.org/record/2011-07411-001">« effet de rôle-modèle »</a>.</p>
<h2>Des dirigeantes politiques inspirantes</h2>
<p>Dans une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1544612323007985">récente étude</a>, nous avons exploré dans quelle mesure cet effet permettait de changer les perceptions que les femmes ont d’elles-mêmes et d’encourager leur accès au crédit. Nous avons notamment démontré que les cheffes d’entreprise se trouvant dans des pays avec à leur tête des leaders politiques féminins tendaient à davantage demander de crédit.</p>
<p>Ces leaders politiques féminins disposent d’une large visibilité et ont ainsi le pouvoir de modifier la perception de la compétence des femmes dans l’ensemble de la société, tout particulièrement en réussissant dans un milieu très compétitif et habituellement très masculin. Cela rejaillit sur le comportement des femmes cheffes d’entreprise. Celles-ci demandent davantage de crédit, s’autocensurant moins financièrement. Nous montrons que c’est bien le découragement « émotionnel » qui s’en trouve réduit, c’est-à-dire les sources de découragement liées à un manque de confiance en soi et à une croyance dans le rejet non lié à des causes économiques sous-jacentes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/des-directions-feminisees-des-entreprises-decouragees-demprunter-183268">Des directions féminisées, des entreprises « découragées » d’emprunter ?</a>
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<p>L’effet est d’autant plus efficace que le leader politique dispose d’un statut social élevé (mesuré à travers son niveau d’éducation) et provient du même pays (homophilie). Enfin, nous démontrons que ce résultat est vrai principalement dans les pays avec un revenu relativement faible, où les normes sociales envers les femmes sont aussi les moins avancées. Le modèle permet de contrebalancer l’absence de ces normes sociales et de promouvoir une meilleure équité homme-femme dans l’accès au crédit.</p>
<p>Ce résultat suggère que l’exposition à des modèles de réussite féminins modifie la perception que les femmes ont d’elles-mêmes, avec des conséquences économiques notables. L’effet de rôle-modèle devient ainsi un levier puissant pour parvenir à l’équité homme-femme, en changeant globalement les (auto-) représentations mentales des compétences attribuées à chaque sexe.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215303/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les entrepreneuses s’interdisent plus souvent que les hommes de demander des crédits. L’exposition à des modèles de réussite féminins réduit cette autocensure.Jérémie Bertrand, Professeur de finance, IÉSEG School of ManagementCaroline Perrin, Postdoctorante, Université de StrasbourgPaul-Olivier Klein, Maitre de Conférences en Finance, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2046622023-08-08T17:03:29Z2023-08-08T17:03:29ZQuand les entrepreneurs deviennent des héros de cinéma<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/536755/original/file-20230711-23-ew9r9q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le casting du film Air sur la création du partenariat entre Nike et Michael Jordan </span> </figcaption></figure><p>En 2023, avec les sorties des films <em>Air</em>, <em>Tetris</em>, et <em>BlackBerry</em>, l’entrepreneuriat est plus que jamais une source d’inspiration et de revenus importante pour les cinéastes. Dans ces films comme dans <em>The Social Network</em>, <em>Le Fondateur</em>, <em>Steve Jobs</em>, ou <em>Walt Before Mickey</em>, les entrepreneurs sont présentés comme des personnages <a href="https://www.rtbf.be/article/cest-quoi-un-entrepreneur-de-genie-10832539">géniaux</a>, <a href="https://laruche.wizbii.com/perfectionnisme-defaut-entrepreneur">perfectionnistes</a>, <a href="https://theconversation.com/resilience-et-entrepreneuriat-lorsque-les-traumas-menent-a-la-creation-dentreprise-65518">résilients</a>, torturés, impétueux, rebelles, et avec des vies rocambolesques.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/elon-musk-ou-les-derives-du-culte-de-lentrepreneur-104427">Adulés</a> ou haïs, les aventures authentiques des entrepreneurs constituent donc une matière première idéale pour les scénaristes. L’un d’entre eux, <a href="http://rockyrama.com/super-stylo-article/steve-jobs-the-social-network-2">Aaron Sorkin</a>, a d’ailleurs remporté l’Oscar, le Golden Globe et le BAFTA du meilleur scénario pour <em>The Social Network</em> et un autre Golden Globe pour <em>Steve Jobs</em>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Bande annonce du film <em>Steve Jobs</em> de Danny Boyle avec Michael Fassbender, Kate Winslet, Seth Rogen et Jeff Daniels.</span></figcaption>
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<p>Certes, ces films dont les entrepreneurs sont les héros ne sont pas des documentaires et peuvent <a href="https://www.senscritique.com/film/the_social_network/critique/210996666">prendre certaines libertés avec la réalité</a> pour être plus divertissants. Cependant, bien qu’il s’agisse d’œuvres de fiction, ces films révèlent des caractéristiques entrepreneuriales fondamentales.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-de-philosophie-economique-2021-2-page-89.htm">Les similarités entre les personnalités</a>, les parcours, les exploits et les difficultés des « héros » mis en scène dans ces films sont remarquables et permettent à la fois d’en tirer des enseignements et de faire des mises en garde.</p>
<h2>Des visionnaires audacieux</h2>
<p>Les films consacrés à certains entrepreneurs nous montrent que ce n’est pas nécessairement eux qui ont eu l’idée géniale qui a fait leur succès. En effet, les entrepreneurs ont surtout la capacité de <a href="https://theconversation.com/comment-les-entrepreneurs-decelent-les-opportunites-126363">déceler les opportunités à partir d’une analyse de leur environnement</a>. Ensuite ils font tout pour concrétiser le potentiel énorme dont ils sont souvent les seuls à avoir la vision.</p>
<p>Le film <em>BlackBerry</em> montre comment, en 1996, <a href="https://www.cigionline.org/people/jim-balsillie/">Jim Balsillie</a> a su reconnaitre une idée géniale à partir d’un <a href="https://theconversation.com/entrepreneurs-comment-reussir-vos-pitchs-devant-vos-futurs-investisseurs-203986">pitch complètement raté</a> de <a href="https://quantumvalleyinvestments.com/management/mike-lazaridis/">Mike Lazaridis</a>, le génial CEO de la start-up Research in Motion, qui lui présentait son projet de téléphone-ordinateur. Si Lazaridis avait une connaissance exceptionnelle des technologies de télécommunication, il manquait de charisme et de sens commercial.</p>
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<figcaption><span class="caption">Bande annonce du film <em>BlackBerry</em> de Matt Johnson avec Jay Baruchel et Glenn Howerton.</span></figcaption>
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<p>Balsillie n’a donc pas eu lui-même l’idée du BlackBerry mais il y a tellement cru qu’<a href="https://progressive.org/latest/blackberry-corporate-hero-myth-george-180523/">il a décidé de le vendre à Verizon avant même qu’il n’existe</a> à partir d’un prototype très basique. Balsillie devient le co-dirigeant de l’entreprise, investi tout son argent et hypothèque sa maison pour pouvoir lancer le seul appareil mobile à permettre l’envoi de courriel, puis à proposer la messagerie illimitée gratuite. A son apogée en 2010, le BlackBerry a représenté jusqu’à <a href="https://techcrunch.com/2022/01/03/blackberry-phones-once-ruled-the-world-then-the-world-changed/">43 % du marché des smartphones</a>, avec un chiffre d’affaires de <a href="https://history-computer.com/blackberry-history/">20 milliards de dollars</a>.</p>
<p>Le film <em>Air</em> met en lumière l’intrapreneur Sonny Vaccaro employé chez Nike, <a href="https://www.lesinrocks.com/actu/nike-vs-adidas-vol-1-les-annees-80-64682-28-08-2013/">loin derrière Converse et Adidas</a> sur le marché des chaussures de sport au début des années 80. Le budget de la division basketball est limité car elle n’est pas rentable. Reconnu aujourd’hui comme une <a href="https://nbcpalmsprings.com/2023/05/22/one-on-one-with-sports-marketing-legend-sonny-vaccaro/">légende du marketing sportif</a>, Vaccaro est pourtant un autodidacte. Son aisance oratoire et sa détermination lui ont permis de se différencier et de réussir ce que personne d’autre n’avait imaginé être possible.</p>
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<figcaption><span class="caption">Bande annonce du film <em>Air</em> de Ben Affleck, avec Matt Damon, Ben Affleck, Jason Bateman, Chris Rock et Viola Davis.</span></figcaption>
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<p>Sonny Vaccaro va donc suivre le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=a859pvOz8wo">modèle de la raquette de tennis fabriquée par Head pour Arthur Ashe</a>, avec laquelle il a gagné Wimbledon et qui porte son nom. A seulement 21 ans, Michael Jordan est déjà le meilleur joueur que Vaccaro a vu jouer. Plutôt que de répartir le budget basketball de Nike sur plusieurs talents comme chaque année, il va insister pour <a href="https://www.telerama.fr/sortir/sonny-vaccaro-la-folle-histoire-du-parrain-de-la-culture-sneakers,138010.php">tout miser sur Michael Jordan</a>, et pour créer une chaussure à son nom et inspirée par lui : « Michael Jordan ne porte pas la chaussure, il est la chaussure ».</p>
<p>Cette stratégie est parfois associée à <a href="https://theconversation.com/lentrepreneur-est-il-un-joueur-de-poker-77680">son goût pour le casino et les paris sportifs</a>, mais elle répond aussi à une logique entrepreneuriale. Les demi-mesures et les compromis ont beaucoup moins de potentiel que les solutions radicales et audacieuses. L’Air Jordan a rapporté <a href="https://www.konbini.com/pepite/repere-sur-prime-video-dans-air-ben-affleck-nous-plonge-dans-les-folles-coulisses-de-lalliance-legendaire-entre-nike-et-jordan/">162 millions de dollars sa première année</a>, pour 3 millions prévus. Aujourd’hui la marque Air Jordan représente plus de <a href="https://frontofficesports.com/jordan-more-than-doubled-his-nba-career-earnings-in-2022-from-nike-deal/">5 milliards de dollars de chiffre d’affaires</a>, dont plus de 250 millions de royalties pour Michael Jordan.</p>
<p>Le film <em>The Social Network</em> montre comment Mark Zuckerberg se serait largement inspiré de l’idée d’autres étudiants de Harvard. En effet, les frères jumeaux <a href="https://www.gemini.com/blog/author/tyler-winklevoss">Tyler et Cameron Winklevoss</a> et leur ami <a href="https://sumzero.com/headlines/business_services/448-divya-narendra-on-building-sumzero">Divya Narendra</a> lui avaient demandé de les aider à finir la création du réseau social HarvardConnection, qui deviendra ConnectU. Plutôt que de terminer la programmation de leur projet, Zuckerberg a lancé le sien : TheFacebook, qui deviendra Facebook.</p>
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<figcaption><span class="caption">Bande annonce du film <em>The Social Network</em> de David Fincher avec Jesse Eisenberg, Andrew Garfield et Justin Timberlake.</span></figcaption>
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<p>Bien entendu, l’un des plus grands exemples d’entrepreneurs reste Steve Jobs auquel deux films ont été consacrés : <a href="https://www.youtube.com/watch?v=bl707_Ds7Is"><em>Jobs</em> de Joshua Michael Stern</a> sorti en 2013 et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=aEr6K1bwIVs"><em>Steve Jobs</em> de Danny Boyle</a> sorti en 2015. Steve Jobs est le fondateur d’Apple, de NeXT et de Pixar, et l’inventeur du Macintosh I et II, du MacBook, de l’iPod et de l’iPhone. S’il avait 241 brevets enregistrés à son nom comme co-inventeur, il a aussi beaucoup combiné et perfectionné des idées et des fonctionnalités qui existaient déjà dans d’autres produits.</p>
<h2>Un « non » qui veut déjà dire « oui »</h2>
<p>Les entrepreneurs héros de cinéma font preuve d’une détermination extraordinaire et n’abandonnent pas même face à <a href="https://theconversation.com/vivre-lechec-entrepreneurial-faire-face-et-se-transformer-73256">plusieurs refus ou échecs de leur entreprise</a>. Pour eux un « non » n’est jamais définitif. Dans <a href="https://www.youtube.com/watch?v=WiEGQ2vw3Gk"><em>Walt Before Mickey</em></a>, Walt Disney est présenté comme un travailleur acharné à l’obstination sans limite qui n’était pas intéressé par l’argent mais obsédé par la qualité de ses productions. Même le dos au mur, il refuse de renoncer à son exigence pour plus de profit.</p>
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<figcaption><span class="caption">Bande annonce du film <em>Walt Before Mickey</em> de Khoa Le.</span></figcaption>
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<p>Le jeune Walt Disney, passionné de dessin, décide de créer dans une étable son propre studio d’animation, <a href="https://www.laughogram.org/">Laugh-O-Gram</a>, après avoir été <a href="https://dailygeekshow.com/walt-disney-kansas-city-star/">licencié d’un autre studio pour manque de créativité</a>. Il n’a ni employé, ni argent, ni client, mais il va recruter, trouver des investisseurs et des acheteurs et développer de nouvelles formes de dessins animés humoristiques pour se différencier. Cependant, sa méconnaissance des bonnes pratiques de management va le conduire à la faillite.</p>
<p>Ruiné, mais toujours déterminé à « faire de son rêve une réalité », il va créer un autre studio et tenter de vendre ses films à un distributeur qui va vouloir s’en approprier les droits. Pour rester propriétaire de son travail, <a href="http://courriercadres.com/management/art-de-decider-discernement/management-et-methodes-de-travail-walt-disney-lartiste-qui-osait-prendre-des-risques-10052019">Walt Disney va s’affranchir des règles du marché et décider de faire les choses à sa façon</a>. C’est dans la plus grande adversité qu’il aura l’idée de créer Mickey Mouse. Les dernières paroles du film expliquent comment chaque obstacle a été pour lui un moyen d’apprendre et de se fortifier. Cela lui permettra de gagner 26 oscars sur 59 nominations, <a href="https://dailygeekshow.com/walt-disney-oscars-record/">deux records historiques</a>.</p>
<p>Dans le film <em>Le Fondateur</em>, <a href="https://fr.linkedin.com/pulse/comment-un-vendeur-de-machine- %C3 %A0-milk-shake-r %C3 %A9ussi-hisser-noubom">Ray Kroc est un vendeur de machines à milk-shake</a> en porte à porte qui a l’habitude qu’on lui dise non du matin au soir. Quand il apprend qu’un restaurant veut commander huit de ses machines capables de fabriquer chacune cinq milk-shakes simultanément, il est surpris et décide d’y faire une visite. Il découvre un stand de fast-food fondé par les frères Dick et Mac McDonald dont l’efficacité, la simplicité, la qualité, et le prix l’impressionnent. <a href="https://www.huffingtonpost.fr/divertissement/article/ce-que-le-film-le-fondateur-nous-apprend-sur-la-reussite-de-mcdonald-s_117256.html">Il est tellement fasciné</a> qu’il dira plus tard qu’il a eu un coup de foudre.</p>
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<figcaption><span class="caption">Bande annonce du film Le Fondateur de John Lee Hancock, avec Michael Keaton, sur la création de McDonald’s.</span></figcaption>
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<p><a href="https://business.lesechos.fr/entrepreneurs/success-stories/0211617098304-le-fondateur-aux-origines-de-l-aventure-de-mcdonald-s-303904.php">La clé est l’organisation de la cuisine</a> décrite par Dick McDonald comme « Une symphonie d’efficacité où aucun mouvement n’est perdu » et qui permet d’avoir ses burgers « en 30 secondes au lieu de 30 minutes ». Ray Kroc croit tellement en ce projet qu’il affirme que « McDonald’s peut devenir la nouvelle église américaine » et fait tout pour franchiser la marque. <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/10963758.2005.10696810">Il définit de nouvelles pratiques</a> : choisir des franchisés modestes et travailleurs plutôt que des grandes fortunes, louer les restaurants au lieu de les vendre, et faire sponsoriser les boissons par Coca-Cola.</p>
<p>À la fin du film, Ray Kroc explique lui-même comment à 52 ans il a pu bâtir un empire de 1 600 restaurants dans 50 États des États-Unis et cinq autres pays avec un revenu annuel de 700 millions de dollars : « <a href="https://yourstory.com/mystory/3c67120cab-6-lessons-from-the-founder-of-mcdonald-s">Un mot : la persévérance</a>. Rien dans ce monde ne peut replacer la bonne vieille persévérance. Même le talent : rien n’est plus commun que des hommes talentueux qui échouent. Le génie non plus : le génie méconnu est pratiquement un cliché. L’éducation non plus : le monde est plein d’imbéciles instruits. Seules la persévérance et la détermination sont toutes puissantes ».</p>
<p><a href="https://henkrogers.com/about/">Henk Rogers</a>, personnage principal du film <em>Tetris</em>, n’a pas développé le jeu Tetris lui-même. C’est au CES (Consumer Electronic Show) de Las Vegas en 1988 qu’il le découvre et y voit immédiatement le jeu parfait, tellement addictif qu’il reste avec le joueur même quand il n’y joue plus. Peu de temps plus tard, Henk Rogers teste en avant-première le prototype de la future console portable Gameboy. Dès lors, il est convaincu que l’associer avec le jeu Tetris permettra d’atteindre un nombre de ventes colossale et décide de tout faire pour obtenir les droits du jeu.</p>
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<figcaption><span class="caption">Bande annonce du film Tetris de Jon S. Baird avec Taron Egerton et Nikita Efremov.</span></figcaption>
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<p>Cependant, tout est contre lui. Il doit aller négocier les droits de Tetris en <a href="https://www.bfmtv.com/tech/gaming/tetris-l-histoire-derriere-la-creation-du-jeu-de-brique-le-plus-celebre-du-monde_AV-202304010031.html">Russie, pays hostile qu’il ne connaît pas</a>. Pour gagner du temps, il part avec un visa de tourisme, crime qui pourrait le conduire en prison. Le KGB le surveille en permanence. Certains décideurs russes corrompus le menacent et le maltraitent pour le faire fuir. Ses partenaires essaient de le doubler et d’obtenir les droits avant lui. Son épouse est exaspérée car il délaisse sa famille, risque tout ce qu’ils possèdent et <a href="https://www.cnews.fr/culture/2023-02-17/tetris-taron-egerton-pret-risquer-sa-vie-pour-le-celebre-jeu-video-dans-la-bande">met sa vie en danger</a> pour atteindre son but.</p>
<p>Dans le film <em>Air</em>, Sonny Vaccoro est allé contre l’opinion du CEO et fondateur de Nike Philip Knight, de son manager et vice-président de Nike Rob Strasser, de l’agent et des parents de Michael Jordan, et même de <a href="https://www.eurosport.fr/basketball/nba/2019-2020/michael-voulait-signer-chez-adidas-air-jordan-35-ans-dune-icone-a-laccouchement-difficile_sto7537573/story.shtml">Michael Jordan lui-même qui était un grand fan d’Adidas</a>. Le premier modèle de chaussure de basketball Air Jordan a même été créé volontairement <a href="https://sports.yahoo.com/news/nike-celebrating-banned-air-jordans-with-new-release-174631314.html">sans respecter les règles de la NBA en termes de couleurs</a>, avec un engagement de Nike de payer les amendes de Michael Jordan à chaque match.</p>
<h2>Le côté obscur de l’entrepreneuriat</h2>
<p>Dans les différents films qui leurs sont consacrés, Walt Disney, Steve Jobs, Henk Rogers et Jim Balsillie sont montrés comme des personnes très colériques qui peuvent avoir des crises de rage et de violence, ce qui souligne un <a href="https://franchise.lexpress.fr/articles/ces-defauts-qui-font-de-vous-un-entrepreneur-redoutable-et-parfait/">caractère impulsif et un manque de maîtrise de soi</a>. Ils avaient un niveau d’exigence et de contrôle excessif et mettaient une pression insoutenable sur leurs employés. Ils considèrent que pour être grand il faut faire des sacrifices et ils imposent ces sacrifices aux autres.</p>
<p>Certains entrepreneurs ont pu <a href="https://theconversation.com/quest-ce-qui-pousse-les-entrepreneurs-a-adopter-des-comportements-frauduleux-181735">adopter des comportements immoraux ou même frauduleux</a>. Sonny Vaccaro va trahir la confiance de l’agent de Michael Jordan en allant chez le joueur négocier directement avec ses parents. Jim Balsillie va faire venir chez BlackBerry certains des meilleurs talents des entreprises de la tech comme Paul Stannos de chez Google et Ritchie Cheung de chez Motorola, mais il va le faire avec des options d’achat d’actions illégalement antidatées.</p>
<p><a href="https://www.letemps.ch/culture/ecrans/escroquer-un-mcdonald">Ray Kroc va tromper les frères McDonald</a> et les forcer à lui vendre leur concept et même leur nom qu’ils devront retirer de leur propre restaurant en face duquel un McDonald’s va ouvrir, les poussant à la faillite. Il leur promet 1 % de royalties qu’ils ne verront jamais. Il va aussi tromper sa femme qui l’a pourtant soutenu à travers toutes les épreuves qui l’ont mené au succès.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204662/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Oihab Allal-Chérif ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En plus de nous divertir, les films comme « Air », « Tetris » et « BlackBerry » sortis en 2023 nous enseignent les forces et les faiblesses des entrepreneurs.Oihab Allal-Chérif, Business Professor, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2084042023-06-28T20:05:22Z2023-06-28T20:05:22ZJoséphine d’Yquem : femme entrepreneure du XIXᵉ siècle à l’origine d’un vin de légende<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/533752/original/file-20230623-15-cqanj6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C73%2C1024%2C607&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le vignoble d’Yquem fut véritablement transformé avec Joséphine à sa tête, qui lègue notamment le château à ses héritiers.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Sauternes_Ch%C3%A2teau_d%27Yquem_01.jpg">Henry Salomé / Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Transformer un <a href="https://theconversation.com/topics/vin-20325">vin</a> familial en « Château d’Yquem », et faire de ce Sauternes, le symbole même du <a href="https://theconversation.com/topics/luxe-34482">luxe</a> et l’unique <a href="https://www.xl-vins.fr/bordeaux-page/classifications-vins-bordeaux/grands-crus-classes-1855/">premier cru supérieur</a> dans le <a href="https://www.xl-vins.fr/bordeaux-page/classifications-vins-bordeaux/grands-crus-classes-1855/">classement des vins de Bordeaux opéré en 1855</a>, telle est l’œuvre de Joséphine d’Yquem (1768-1851).</p>
<p>Les aléas de la vie l’ont placée, seule, aux commandes du vignoble dans une France de la première moitié du XIX<sup>e</sup> siècle où la loi ne laissait qu’une place réduite aux <a href="https://theconversation.com/topics/entrepreneures-83039">femmes dans le monde de l’entreprise</a>. Elle a, non seulement défendu ses terres avec énergie sous la <a href="https://theconversation.com/topics/revolution-francaise-59562">Révolution</a> et développé une production d’excellence, mais aussi fait preuve d’un sens de l’<a href="https://theconversation.com/topics/innovation-21577">innovation</a> peu commun.</p>
<p>Par ses <a href="https://theconversation.com/topics/strategie-21680">choix stratégiques</a>, elle a su aussi construire une marque emblématique.</p>
<p>Le livre <a href="https://editions.flammarion.com/josephine-dyquem/9782080279460"><em>Joséphine d’Yquem : à l’origine d’un vin de légende</em></a>, que j’ai récemment publié chez Flammarion, retrace le parcours de cette visionnaire, étonnamment tombée dans l’oubli. Il a été nourri de larges fonds d’archives, notamment celles de sa famille, conservées depuis plus de deux cents ans, mais aussi de ses écrits, de livres de comptes annotés de sa main et de sa correspondance. Ils soulignent qu’elle peut aujourd’hui être un exemple pour qui se lance dans une aventure entrepreneuriale.</p>
<h2>Une famille d’entrepreneurs</h2>
<p>Née en 1768, Joséphine est issue d’une famille d’entrepreneurs. Son père, Laurent de Sauvage d’Yquem, appartenait à la sixième génération à faire fructifier la propriété. À l’époque, elle était en polyculture, mêlant bois, forêt de pins, prés, et vignes de rouge comme de blanc, chose <a href="https://www.editions-larousse.fr/livre/histoire-sociale-et-culturelle-du-vin-9782035841766">assez courante en ce temps-là</a>.Le cru du domaine était alors apprécié des Anglais et des Hollandais, mais sans beaucoup de notoriété en France. La région, plus largement, n’était <a href="https://www.cairn.info/revue-histoire-economie-et-societe-2007-4-page-3.html">pas connue pour favoriser la naissance de grands vins</a>.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/533755/original/file-20230623-23-8bzn3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/533755/original/file-20230623-23-8bzn3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/533755/original/file-20230623-23-8bzn3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=912&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/533755/original/file-20230623-23-8bzn3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=912&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/533755/original/file-20230623-23-8bzn3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=912&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/533755/original/file-20230623-23-8bzn3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1146&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/533755/original/file-20230623-23-8bzn3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1146&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/533755/original/file-20230623-23-8bzn3y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1146&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<p>Sa mère, Marthe, elle, ne s’intéressait pas au vin. Elle raffolait en revanche d’un aliment nouvellement arrivé en France, par Bayonne dont elle était originaire : le chocolat. Elle en a fait très tôt découvrir les saveurs amères à sa fille, exerçant ainsi son palais et ses aptitudes à la dégustation.</p>
<p>Laurent d’Yquem, ouvert à l’esprit des Lumières, souhaitait s’investir dans l’éducation de sa fille unique, et entreprit d’initier celle-ci aux enjeux de la viticulture. Bien lui en prit, car Joséphine, après une enfance heureuse parmi les vignes de la propriété, se retrouva orpheline avant ses 17 ans.</p>
<h2>Endeuillée et cheffe d’entreprise à 20 ans</h2>
<p>Son père eut tout juste eu le temps, avant sa mort, de préparer son mariage avec son plus proche voisin, Louis-Amédée de Lur Saluces, qu’elle épousa en juin 1785. Sa belle-famille, la famille de Lur Saluces, bénéficiait de puissants protecteurs à Versailles et c’est ensemble que le jeune couple décida de faire connaitre le nom d’Yquem, à la cour du Roi.</p>
<p>Il s’agissait-là de ce qu’on dénommerait maintenant une stratégie d’influence : en présentant leur vin, Joséphine et Louis-Amédée surent transformer les courtisans influents en ambassadeurs de marque, une véritable opération marketing. Le couple réussit également <a href="https://www.abebooks.fr/THOMAS-JEFFERSON-BORDEAUX-QUELQUES-VIGNES-DEUROPE/19157876554/bd">intéresser Thomas Jefferson</a>, ambassadeur et futur président des États-Unis pendant son tour des vignobles bordelais en 1787. Dans son Journal de voyage, il s’émerveille du savoir-faire qu’il observe. Il en commanda, et par la suite en fit commander au Président de l’époque, Georges Washington, un influenceur de choix !</p>
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<p>Quand le 29 octobre 1788, âgé de 27 ans, Louis-Amédée trouva la mort à la suite d’une chute de cheval, Joséphine se retrouva à 20 ans, avec deux enfants, seule à la tête du domaine. Comme veuve, elle avait le droit de gérer l’entreprise familiale, car elle <a href="https://bibliographienumeriquedhistoiredudroit-ifg.univ-lorraine.fr/s/droit/item/89666">changeait de statut juridique</a> : de « femme juridiquement soumise », elle devenait « capable ». Elle fit la preuve de sa forte indépendance, tout en sachant s’adapter. Quand ses arguments ne pouvaient faire plier ses interlocuteurs, elle soulignait habilement dans ses lettres, œuvrer pour son fils :</p>
<blockquote>
<p>« Les intérêts de mon fils mineur ne peuvent plus supporter de retard. »</p>
</blockquote>
<h2>Face à la fièvre révolutionnaire</h2>
<p>Sous la Révolution, Joséphine d’Yquem chercha à maintenir au mieux l’exploitation. Elle démontra une grande capacité de discernement, pour continuer à encourager les équipes. Même arrêtée, elle sut plaider sa cause en rédigeant des pétitions, comme celle du 24 novembre 1793 dans laquelle elle s’adresse aux représentants du peuple à Bordeaux :</p>
<blockquote>
<p>« La citoyenne Joséphine d’Yquem vous expose citoyens représentants qu’elle est détenue dans la maison d’arrêt du ci-devant Sommaire depuis le 24 frimaire, que sa santé depuis plusieurs années par les chagrins et les malheurs qu’elle n’a cessé́s d’éprouver est dans l’état le plus déplorable faute des secours et qu’elle est menacée des accidents les plus funestes qui priveraient les deux enfants encore en bas âges de leur seul appui. »</p>
</blockquote>
<p>En janvier 1794, de nouveau arrêtée et mise en prison, Joséphine d’Yquem alla jusqu’à offrir des bouteilles de vin à ses accusateurs. Elle réussit à obtenir une liberté conditionnelle, sous réserve de se présenter tous les 10 jours devant la municipalité de Bordeaux. On parlerait aujourd’hui au sens littéral du terme de « pots de vin ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1657023541273870336"}"></div></p>
<p>Dirigeante avisée, elle formait une belle équipe avec son régisseur Garros, qui lui fournissait des comptes rendus précis, plusieurs fois par semaine. Elle voulait tout savoir car c’est elle qui tranchait en dernier ressort. Cette lettre que lui adresse son régisseur l’illustre bien :</p>
<blockquote>
<p>« Madame, veuillez me dire ce que vous désirez sur cela comme sur tout. Je ferai mon possible. Le temps est devenu si beau qu’il m’a un peu guéri de la peur que j’avais pour les rameaux. La vigne est en pleine fleur, vous devez être bien tranquille pour Yquem… »</p>
</blockquote>
<h2>Un nez fin pour innover</h2>
<p>À la tête de son entreprise, Joséphine fait preuve d’un sens aigu de l’innovation, et transforme à la fois son produit, le mode de production et les débouchés commerciaux.</p>
<p>En effet, dès le début du XIX<sup>e</sup> siècle, Joséphine d’Yquem choisit de pousser au plus haut degré́ de perfection son vin par l’art des vendanges. Elle mit en place une sélection attentive des raisins visant, au détriment de la quantité, à ne sélectionner que les raisins atteints d’une « pourriture noble ». Cet oxymore superbe exprime tout l’apport du <em>botrytis cinerea</em>, ce champignon microscopique qui favorise la transmutation du jus de raisin en un vin liquoreux.</p>
<p>On saluerait aujourd’hui cette stratégie de « positionnement commercial ». Avec ses brumes matinales et son bel ensoleillement, le climat du domaine se révéla idéal pour sa maturation. Yquem se transforma alors, grâce à sa dirigeante, en un vin aux arômes surdéveloppés, jusqu’à devenir un cru rare qui compte aujourd’hui parmi les plus célèbres au monde.</p>
<p>En 1826, Joséphine fit encore preuve de son sens stratégique en construisant un chai dédié. Cela constitue une vraie transformation et modernisation d’entreprise : d’une entreprise viticole, Château Yquem devint éleveur de vins. <a href="https://books.google.fr/books/about/Entreprises_et_entrepreneurs.html?id=MaxgQgAACAAJ&redir_esc=y">Une véritable transformation d’entreprise</a>.</p>
<p>Elle sut aussi trouver aussi de nouveaux débouchés, avec la clientèle étrangère mais aussi, de manière vraiment innovante, en sollicitant les nouveaux intervenants que sont les restaurateurs, très haut de gamme. <a href="https://www.europe1.fr/emissions/les-recits-de-stephane-bern/jean-francois-potel-et-etienne-chabot-4160123">Étienne Chabot</a>, partenaire de Jean-François Potel avec lequel il a réinventé la profession de traiteur, compta par exemple parmi les premiers clients de ce circuit.</p>
<h2>Une stratège reconnue</h2>
<p>Joséphine d’Yquem se montra également à son aise pour mener une véritable stratégie marketing et construire une communication pertinente autour de son produit. Pour en souligner l’excellence et souhaitant développer la vente en bouteille, elle conçut une étiquette avec une typographie « vieil or », quasiment inchangée de nos jours. C’est elle encore qui améliora la bouteille, à propos de laquelle <a href="https://www.grasset.fr/livres/le-baiser-au-lepreux-9782246808329">François Mauriac</a> dira un jour :</p>
<blockquote>
<p>« Les étés d’autrefois brûlent dans les bouteilles d’Yquem. »</p>
</blockquote>
<p>Joséphine d’Yquem accorda également un soin particulier à la relation avec ses clients. À chacun, elle répondait personnellement et adoptait des techniques de fidélisation. Les clients appréciaient et commandaient à nouveau. L’un d’entre eux, mis en confiance, lui écrivit par exemple :</p>
<blockquote>
<p>« Permettez-moi, Madame, de vous adresser tous mes remerciements et de vous demander la préférence, s’il en est encore temps, pour le vin de Sauternes de la récolte de 98 à 456 livres la barrique. »</p>
</blockquote>
<p>Elle dirigea l’entreprise jusqu’au moment de la transmettre à son petit-fils Romain Bertrand de Lur Saluces. Sa mort survint en 1851. Dans son testament, on peut constater combien elle est attentive à chacun, mais aussi à ne pas laisser trop de documents personnels, comme si elle veillait à maîtriser son image.</p>
<p>Quatre ans plus tard, ses multiples innovations efforts trouvèrent une reconnaissance posthume lors du classement des vins de 1855, souhaité par Napoléon III pour l’Exposition universelle de la même année. Château d’Yquem fut le seul des vins blancs bordelais à être évalué́ comme <a href="https://www.bordeaux.com/fr/Notre-Terroir/Classements/Grands-Crus-Classes-en-1855">« Premier Cru Supérieur »</a>.</p>
<hr>
<p><em>L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération. L’alcool ne doit pas être consommé par des femmes enceintes</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208404/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christel de Lassus ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un ouvrage récent retrace le parcours de Joséphine d’Yquem qui, placée par les aléas de la vie seule à la tête d’un petit vignoble familial, sut innover pour en faire le symbole même du luxe.Christel de Lassus, Professeur des Universités, Université Gustave EiffelLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2048772023-05-09T18:23:59Z2023-05-09T18:23:59ZQatar : l’entrepreneuriat pour sortir de la dépendance aux hydrocarbures<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/524083/original/file-20230503-22-t16e6x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1280%2C852&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les politiques économiques décidées par Doha portent leurs fruits mais du chemin reste à parcourir.
</span> <span class="attribution"><span class="source">ilfioredellavita / Pixabay</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La dernière <a href="https://theconversation.com/fr/topics/coupe-du-monde-qatar-2022-130239">Coupe du monde de football</a>, organisée fin 2022, a été l’occasion de mieux connaitre le <a href="https://theconversation.com/topics/qatar-39492">Qatar</a>, pays organisateur, et ses 2,9 millions d’habitants. De nombreux <a href="https://theconversation.com/coupe-du-monde-au-qatar-quand-les-sponsors-se-mettent-a-la-geopolitique-195227">articles</a>, études et enquêtes ont été relayés sur des sujets de société, sur son <a href="https://theconversation.com/la-coupe-du-monde-une-simple-etape-de-lambitieux-plan-de-developpement-du-qatar-192794">économie</a>, sur l’utilisation du sport comme outil de <a href="https://theconversation.com/apres-le-qatar-larabie-saoudite-joue-la-carte-du-soft-power-par-le-sport-201513"><em>soft power</em></a>, éclairant moult polémiques autour de l’événement. À nos yeux, un aspect est toutefois resté peu abordé : comment le Qatar ambitionne-t-il de sortir de sa dépendance aux hydrocarbures en développant l’entrepreneuriat ?</p>
<p>Lancé en 2008, l’ambitieux plan de développement <a href="https://www.gco.gov.qa/en/about-qatar/national-vision2030/">« Qatar National Vision 2030 »</a> vise à modifier le pays en profondeur en l’engageant dans une transition vers l’économie de la connaissance et de l’entrepreneuriat. Cette volonté gouvernementale s’est traduite par des réformes et des politiques incitant les Qataris à créer des entreprises. Ainsi, sous l’impulsion de l’État, un écosystème entrepreneurial favorable a-t-il vu le jour : développement de pépinières et d’incubateurs, de centres de recherche en entrepreneuriat, de fonds d’investissement, a même été créée une Banque de Développement du Qatar en 1997, qui a mis en route le Qatar Business Incubation Center en 2014.</p>
<p>La <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/978-1-80071-517-220221003/full/html?skipTracking=true">recherche</a> que nous avons menée permet de mieux se saisir du sujet, d’observer les premiers résultats des politiques mises en place et de cibler les défis qui restent à relever.</p>
<h2>6 % d’entrepreneurs établis</h2>
<p>Pour saisir la dynamique dans toutes ses nuances, le <em>Global Entrepreneurship Monitor</em> (<a href="https://www.heg-fr.ch/fr/recherche-et-services/projets/global-entrepreneurship-monitor-gem/">GEM</a>), étude menée chaque année dans 60 pays par plusieurs institutions pour appréhender les phénomènes entrepreneuriaux, a mis au point une méthodologie. Nous l’avons reprise dans notre étude pour distinguer trois types d’entrepreneurs correspondant à trois phases de développement.</p>
<p>Les <em>entrepreneurs naissants</em> sont ceux engagés dans les premières phases du processus de création et qui ont versé entre 0 et 3 mois de salaire ; les <em>nouveaux entrepreneurs</em>, ceux engagés dans un processus depuis moins de 42 mois et qui ont payé des salaires entre 4 et 41 mois ; enfin, les entreprises des <em>entrepreneurs établis</em> fonctionnent depuis plus de 42 mois et qui ont versé au moins 42 mois de salaire.</p>
<p><iframe id="V66vl" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/V66vl/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Depuis 2016, les taux des trois phases de la création d’entreprise connaissent une croissance continue au Qatar. Un pic semble avoir été atteint en 2020 avant un ralentissement en 2021, conséquence de la pandémie. Sur cette période, le taux d’entrepreneurs naissants a plus que doublé, passant de 4,3 % à 10,1 % de la population du pays. Les nouveaux entrepreneurs progressent aussi sur la même période pour passer de 3,6 % à 6 %. Ces changements indiquent qu’au Qatar de plus en plus de personnes se lancent dans l’aventure entrepreneuriale.</p>
<p>Le taux d’entrepreneurs établis permet, lui, de mesurer la transformation de ces projets entrepreneuriaux en entreprises plus pérennes. Là aussi, ce taux progresse sur la période pour passer de 3 % en 2018 à 6,1 % en 2021. Il semble clair que les différentes politiques mises en place pour encourager l’entrepreneuriat portent leurs fruits.</p>
<h2>Qui sont les entrepreneurs et pourquoi se lancent-ils ?</h2>
<p>Au Qatar, la population des entrepreneurs a de particulier d’être fortement représentée parmi les segments les plus âgés de la population (55-64 ans) même si ces dernières années, les 25-34 ans constituent le premier groupe d’entrepreneurs. Les plus jeunes (18-24 ans) sont les moins nombreux à tenter l’aventure entrepreneuriale. Le faible taux de chômage et donc, les nombreuses opportunités de trouver un emploi stable à un âge où l’on ressent souvent le besoin de se forger une première expérience professionnelle et un capital de départ peuvent constituer des pistes d’explications.</p>
<p>Les motivations des entrepreneurs naissants et nouveaux pour créer une entreprise au Qatar sont restées inchangées depuis 2019. La volonté de devenir riche est de loin le facteur numéro 1, puis viennent respectivement le besoin de gagner sa vie car les emplois sont rares, le souhait de faire une différence dans le monde et enfin la volonté de perpétuer une tradition familiale. À titre de comparaison, les résultats du GEM 2021 en <a href="https://www.gemconsortium.org/report/gem-france-2021-report">France</a> placent le besoin de gagner sa vie en première <a href="https://theconversation.com/la-culture-entrepreneuriale-est-elle-vraiment-plus-developpee-ailleurs-quen-france-195770">position</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>De façon peut-être contre-intuitive, l’écart entre les genres était minime, en 2019, pour les entreprises établies et quasiment à parité pour les entreprises naissantes et nouvelles. Le Qatar faisait alors figure d’exception. Reste que cette situation n’a pas duré. Depuis 2020, on observe une différence notable entre les hommes et les femmes sur toutes les phases de la création d’entreprise. Alors que la perception des opportunités est haute et quasiment à parité entre les hommes et les femmes, les différences se creusent sur la perception de leurs compétences entrepreneuriales et sur la peur de l’échec. Les femmes ont une perception moindre de leurs capacités à entreprendre et une peur de l’échec plus élevée. En cela, la population des entrepreneuses au Qatar n’a rien de spécifique.</p>
<p>Les aspirations et les motivations des entrepreneuses sont dans le même ordre que leurs homologues masculins avec la volonté de devenir riche en première position mais elles sont plus nombreuses que les hommes à voir la création d’entreprise comme un moyen de gagner leur vie. Enfin, si les femmes ont souvent des intentions entrepreneuriales plus élevées que les hommes il semblerait qu’elles aient plus de difficultés à transformer ces intentions en entreprises pérennes.</p>
<h2>Quel avenir pour cette transition économique ?</h2>
<p>Le dernier <a href="https://www.qdb.qa/en/Documents/Qatar_GEM_2021_en.pdf">rapport</a> du <em>Global Entrepreneurship Monitor</em> sur l’année 2021 au Qatar note que les politiques publiques durant la pandémie du Covid n’ont pas toujours été particulièrement propices au soutien de l’activité entrepreneuriale. En dépit d’un écosystème toujours considéré comme favorable avec notamment un large réseau d’incubateurs efficaces et des politiques fiscales encourageantes, les experts considèrent que la facilité et la rapidité d’accès à l’information pour les entrepreneurs auprès des agences gouvernementales restent limitées.</p>
<p>Une transition économique de cette ampleur demande du temps non seulement pour mettre en place un écosystème incitatif mais surtout pour insuffler un esprit entrepreneurial au sein de la population afin de considérer la création d’entreprise comme un choix de carrière possible et valorisé. Il apparait aussi important d’accompagner spécifiquement les entrepreneuses dès les premières phases de la création afin de réduire l’écart avec leurs homologues masculins.</p>
<p>S’il est encore trop tôt pour mesurer un éventuel effet Coupe du monde sur la création d’entreprise au Qatar, les politiques publiques possèdent ainsi d’ores et déjà des indications claires sur les différents points de friction à atténuer.</p>
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<p><em>Ahmad Hawi, Directeur général adjoint Gestion des données et gouvernance à la Banque de Développement du Qatar, a également contribué à la rédaction de cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204877/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Garonne ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les politiques qataries portent leurs fruits : la dynamique entrepreneuriale semble bien enclenchée dans le pays mais uniquement auprès de populations spécifiques.Christophe Garonne, Professeur d'entrepreneuriat, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2004822023-02-27T18:11:42Z2023-02-27T18:11:42ZEn vert et contre tout : quels freins pour les entreprises soucieuses de l’environnement en Kabylie ?<p>Devant les grands défis du changement climatique, les entreprises semblent devoir jouer un <a href="https://theconversation.com/cop21-un-an-apres-ou-en-sont-les-engagements-de-la-planete-business-69840">rôle majeur</a> pour adresser ses enjeux sous-jacents chargés d’incertitudes. Dès le début du XX<sup>e</sup> siècle, l’économiste <a href="https://neoeconomicus.fr/frank-knight-du-risque-a-lincertitude/">Frank Knight</a> définissait l’entrepreneur comme celui guidé par un profit rémunérant des décisions prises dans un monde incertain. De ce point de vue, les questions environnementales semblent représenter de grandes opportunités pour les entreprises.</p>
<p>Et pourtant, peu sont celles qui semblent l’avoir intégré. Selon une <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/climat-une-minorite-dentreprises-europeennes-a-reellement-engage-sa-transition-1907076">étude récente</a> de l’ONG Carbon Disclosure Project, seuls 2 % des firmes françaises ont un plan de transition suffisamment avancé pour être jugé crédible dans la perspective de limiter à 1,5 °C le réchauffement climatique.</p>
<p>Certes, de jeunes actifs portent le développement d’un entrepreneuriat vert cherchant à apporter des solutions pratiques et souvent innovantes aux préoccupations sociales et environnementales. <a href="https://www.entreprendre.fr/les-entrepreneurs-la-dream-team-pour-relever-notre-pays/">Innover et entreprendre</a> dans ce domaine semble de plus en plus en vogue, investir dans la <a href="https://www.lavieeco.com/influences/ces-jeunes-qui-craquent-pour-la-greentech/"><em>green tech</em></a> pour proposer des <a href="https://theconversation.com/les-technologies-a-emissions-negatives-deviennent-incontournables-face-au-rechauffement-climatique-196301">technologies à émissions négatives</a> également.</p>
<p>L’enthousiasme est cependant souvent freiné par plusieurs obstacles. Nos <a href="https://www.cairn.info/revue-innovations-2023-1-page-209.htm">travaux</a> l’ont en particulier montré à partir de l’étude d’un pays en développement, étude locale mais éclairante y compris pour nos politiques publiques.</p>
<h2>Manque d’accompagnement et méconnaissance</h2>
<p>Il existe trois <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/09534819410061388/full/html">grands types de motivations</a> pour les entrepreneurs à s’engager sur les questions environnementales. Il y a ceux convaincus par l’importance de l’enjeu et qui souhaitent contribuer à sa résolution (<em>l’environnementalisme axé sur les valeurs</em>) ; il y en a d’autres qui cherchent à exploiter les pressions institutionnelles, les nouvelles lois et les normes, pour créer de nouveaux modèles d’affaires (<em>l’environnementalisme de conformité</em>) ; d’autres enfin exploitent les imperfections du marché à adresser les externalités négatives générées par l’économie grise (<em>l’environnementalisme axé sur le marché</em>).</p>
<p>Parmi les freins habituels auxquels les entrepreneurs se confrontent, on relève – quel que soit l’endroit du monde – des accès au marché rendus difficiles, parfois car la demande de produits verts peut être insuffisante pour générer des rendements durables. La consommation de produits bio n’en est, par exemple, qu’à ses balbutiements dans les pays en développement. Il n’est pas toujours certain que l’entreprise trouve un marché suffisant pour être rentable. Bien souvent, de plus, la consommation responsable souffre encore d’une <a href="https://theconversation.com/le-consommateur-responsable-souffre-encore-dune-image-trop-negative-191474">image trop négative</a>.</p>
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<p>Un autre obstacle concerne l’accès au financement des projets entrepreneuriaux verts. Devant trop d’incertitudes ou des perspectives de rendements peu sûres, les banques s’avèrent parfois frileuses au moment d’octroyer des crédits. Dès lors, il pourrait apparaître souhaitable que, en compensation, les <a href="https://theconversation.com/acteurs-financiers-publics-un-role-strategique-face-a-la-transition-energetique-175550">pouvoirs publics</a> prennent le relai.</p>
<p>Notre <a href="https://www.cairn.info/revue-innovations-2023-1-page-209.htm">étude</a> s’est intéressé à des entrepreneurs verts qui rencontrent encore bien d’autres obstacles. Nous avons procédé à des entretiens en Algérie, dans un territoire kabyle pourtant précurseur en termes de développement durable. L’économie du pays repose encore largement sur des ressources fossiles (elles constituent près de la <a href="https://www-cairn-info.ezproxy.universite-paris-saclay.fr/revue-innovations-2023-1-page-209.htm">moitié des recettes fiscales</a>) mais leur rente s’effrite. Il lui faudra bientôt trouver des alternatives mais l’État s’engage pourtant peu sur des politiques alternatives pour favoriser la transition écologique et accompagner les entreprises dans ce sens.</p>
<p>De nombreux entrepreneurs nous ont, par exemple, fait part d’un manque d’accompagnement d’un point de vue administratif, technique et financier alors qu’ils souhaitent vivement s’engager dans le développement durable.</p>
<blockquote>
<p>« Je ne savais pas à quelle porte frapper. Et puis j’ai rapidement découvert que rien n’était fait pour encourager les entrepreneurs à investir le champ de l’environnement », déplore l’un d’entre eux.</p>
</blockquote>
<p>Or, les enjeux environnementaux ne sont pas moins prégnants dans les économies en développement et émergentes quand bien même la <a href="https://theconversation.com/climat-lepineuse-question-de-la-responsabilite-historique-des-pays-industrialises-193511">responsabilité</a> serait à attribuer aux économies industrialisées.</p>
<p>De leur côté, les structures accompagnatrices ne se sentent pas non plus à la hauteur en termes de moyens, de capacités et de compétences. Elles n’estiment pas pouvoir accompagner au mieux ces <em>startupers</em> verts, à l’image de cet employé :</p>
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<p>« Je me suis senti bien seul. Je n’avais pas grand-chose à proposer et puis je n’y connais vraiment pas grand-chose là-dedans ».</p>
</blockquote>
<p>Nous montrons, par ailleurs, que le <a href="https://theconversation.com/financement-des-start-up-quand-le-crowdfunding-investit-avec-les-business-angels-61253">financement participatif</a> reste un dispositif peu voire pas connu alors qu’il peut représenter une source de financement particulièrement bénéfique dans les projets.</p>
<h2>L’outil de la plate-forme unique</h2>
<p>Comment progresser par conséquent ? Tout d’abord, étant donné que la question centrale reste celle du financement, il est important de rappeler qu’investir dans des projets « verts » ne signifie pas <a href="https://theconversation.com/effectuer-des-investissements-responsables-ce-nest-pas-renoncer-a-leur-rentabilite-199021">renoncer à leur rentabilité</a>. Les investissements verts semblent même <a href="https://theconversation.com/investissements-verts-une-sur-performance-amenee-a-durer-192647">surperformer</a> et il est vraisemblable que cette tendance va durer dans le temps.</p>
<p>Il semble aussi que les gouvernements et les instances publiques régionales et locales doivent intensifier leurs efforts pour améliorer les connaissances, compétences et expériences des personnes en charge de l’accompagnement des projets en entrepreneuriat vert. En l’état, notre étude montre que ces personnes, c’est particulièrement vrai pour les pays en développement, ont une relative méconnaissance des enjeux du développement durable. Elles rencontrent ainsi des difficultés au moment d’appréhender les innovations vertes. Dans ce cadre, il pourrait être envisagé d’organiser des rencontres avec des accompagnateurs de projets d’autres pays afin d’échanger sur leurs bonnes pratiques et de favoriser l’apprentissage.</p>
<p>Cela fait notamment que les startupers verts peinent à identifier les aides dont ils pourraient bénéficier. Des politiques de création d’une plate-forme unique qui rassemblerait et présenterait des informations consolidées à destination des éco-entrepreneurs sur la nature et le type d’instruments de soutien (financiers mais pas que) à leur disposition ne s’avèreraient ainsi pas vaines.</p>
<p>Y inclure des processus de demande standardisés afin de réduire davantage la charge administrative serait également tout à fait pertinent. La chose représente, aux dires des enquêtés, un réel frein à la mobilisation des programmes de soutien.</p>
<blockquote>
<p>« Stop à la paperasse ! On croule sous les dossiers à remplir. Comment voulez-vous qu’on travaille sur le fond ? », s’emporte l’un d’entre eux.</p>
</blockquote>
<p>La France, a, il y a un an, su franchir cette étape avec un <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A16384">site dédié</a>. Reste à savoir si celui-ci atteindra les objectifs fixés et répondra aux attentes de nos entrepreneurs verts.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200482/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sebastien Bourdin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Manque d'accompagnateurs formés, soutiens de l'État absents ou mal indiqués, il y a de quoi rapidement doucher l'enthousiasme de qui veut saisir les opportunités offertes par la transition verte.Sebastien Bourdin, Enseignant-chercheur en géographie-économie, Laboratoire Métis, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1874742022-09-18T16:00:12Z2022-09-18T16:00:12ZComment améliorer la survie des microentreprises ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/475426/original/file-20220721-25-7jjsdw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C14%2C1174%2C783&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En France, une entreprise sur trois disparaît au bout de 3&nbsp;ans.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1451093">Pxhere</a></span></figcaption></figure><p>Les microentreprises, qui comptent de moins de 10 salariés et ont moins de 5 ans, rencontrent des difficultés dans leur survie-développement : une <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i0763.asp">entreprise sur trois disparaît avant trois ans d’existence</a> et seulement 4 % des structures pérennes à cinq ans créent des emplois.</p>
<p>L’accompagnement entrepreneurial, qui permet <a href="https://www.cairn.info/revue-vie-et-sciences-de-l-entreprise-2013-1-page-93.htm">d’améliorer sensiblement le taux de survie</a> de nouvelles entreprises, doit donc être renforcé. Mais sur quels points doit-il porter plus spécifiquement pour gagner en efficacité ? Pour mieux le comprendre, nous avons mené une recherche-intervention auprès d’un échantillon de seize entreprises, âgées de deux à quatre ans, disposant d’une personnalité morale et dont l’effectif est compris entre zéro et quatre salariés.</p>
<h2>Multiples sources de défaillances</h2>
<p>Notre <a href="https://www.cairn.info/revue-entreprendre-et-innover-2018-2-page-105.htm">étude</a> montre d’abord une grande hétérogénéité des sources de défaillance avec des difficultés majeures, pour le groupe, au niveau de la gestion commerciale, de la gestion stratégique et de la gestion administrative et financière.</p>
<p>Le tableau ci-dessous présente les résultats de notre questionnaire et met en avant, pour le groupe d’entrepreneurs, les activités à risque de défaillance par domaine d’activités en fonction de leur maîtrise perçue de l’activité (« peu satisfaisante » ou « pas du tout satisfaisante ») et de la fréquence qu’ils allouent à celle-ci (« aucune » ou « moins d’une fois par mois »).</p>
<p><iframe id="FJXbJ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/FJXbJ/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cette hétérogénéité des activités sources de défaillance peut être expliquée par un second résultat générique : les activités réalisées par l’entrepreneur sont fortement dépendantes de son éducation, de ses formations et de ses expériences professionnelles antérieures. L’intégralité du groupe interrogé réalise une ou plusieurs activités acquises par l’expérience ou par l’éducation ou la formation.</p>
<p>Par exemple, un entrepreneur, ancien directeur financier, oriente ses activités vers le développement d’une analyse financière approfondie tandis qu’un autre, ancien directeur marketing, consacre un temps important à cette dimension. Chacun considère son domaine de prédilection comme primordial pour le succès de son entreprise au détriment d’autres activités sous sa responsabilité. Ainsi, ces facteurs agissent sur les attitudes de l’entrepreneur au sein de son entreprise et entraînent un ensemble d’actions sur le domaine d’activités maîtrisé.</p>
<h2>Besoin d’amélioration de la performance</h2>
<p>En élargissant ces premiers résultats, <a href="http://www.theses.fr/2017LYSE3065">l’analyse</a> économique interorganisations, qui repose sur la <a href="https://intercostos.org/wp-content/uploads/2018/01/SAVALL.pdf">théorie des coûts-performances cachés</a>, met en évidence les répercussions financières de ces dysfonctionnements perçus. Elle aboutit à montant global de 245 000 euros de perte de valeur ajoutée, soit une moyenne de 15 000 euros par entreprise. Ce montant apparaît significatif face au volume d’activités des entreprises : il représente 8,75 % du chiffre d’affaires moyen et 19 % des coûts de production moyens.</p>
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<p>Pour les 16 microentreprises de notre étude, le tableau ci-dessous présente par exemple les principaux dysfonctionnements perçus, une estimation des répercussions économiques provoquées et les sous-thématiques d’activités concernées par le dysfonctionnement. Il montre notamment que les coûts des opportunités non saisies ou encore une faible relation avec les partenaires s’approchent de 40 000 euros.</p>
<p><iframe id="yo6Rf" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/yo6Rf/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>À partir de nos résultats, nous proposons un apprentissage du dirigeant qui passe par un accompagnement en trois étapes. Cette dynamique passe tout d’abord par une appréciation des domaines de besoins de compétences des dirigeants et une analyse de la performance globale et durable de l’entreprise (Étape 1).</p>
<p>Ensuite, la présentation des résultats au groupe de dirigeants peut ensuite favoriser leur prise de conscience des difficultés face à des besoins de compétences apparus dans le diagnostic (Étape 2). Cette deuxième étape doit permettre au dirigeant de s’orienter vers des solutions de formations ciblées (Étape 3) qui répondent à un besoin d’amélioration de la performance globale et durable de l’entreprise.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187474/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une étude invite à mieux cibler l’accompagnement des entrepreneurs face à la diversité des activités dont ils sont en charge.Thomas Rouveure, Chercheur associé, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3Fabio Saliba, Enseignant vacataire, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1862622022-07-11T18:23:45Z2022-07-11T18:23:45ZQuand le passé de l’entrepreneure l’encourage à créer sa propre entreprise<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/472083/original/file-20220701-22-9mo7iz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=66%2C8%2C1126%2C788&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les femmes représentent aujourd’hui 32,1&nbsp;% des entrepreneurs, une proportion stable depuis plusieurs années.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/1456583">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La création d’entreprise reste aujourd’hui en France sur une tendance à la hausse. Selon l’Insee, presque un <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6041208">million de nouvelles sociétés ont vu le jour</a> au cours de l’année 2021, soit 17 % de plus que l’année passée au cours de laquelle un précédent record avait déjà été établi malgré la pandémie de Covid-19. Face à la crise et aux confinements, les Français semblent en effet vouloir changer de vie pour plus d’épanouissement et un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.</p>
<p>Dans ce contexte, l’entrepreneuriat se féminise mais les chiffres nous indiquent qu’il reste encore beaucoup à faire pour atteindre la parité : les <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/un-tiers-des-entreprises-en-france-creees-par-des-femmes-en-2020-20210308">femmes représentent aujourd’hui 32,1 % des entrepreneurs</a> quel que soit le statut de l’entreprise, mais cette proportion qui reste stable depuis plusieurs années.</p>
<p>Depuis l’arrivée du premier réseau d’accompagnement au féminin (Force Femmes), 15 années se sont écoulées. Beaucoup d’autres réseaux ont vu le jour (Les Premières, Girls in Tech, Bouge ta boite…), autant de dispositifs permettant aux femmes d’oser la création d’entreprise. Pourtant les constats d’aujourd’hui demeurent les mêmes qu’hier : les femmes créent leur entreprise pour plus d’équilibre des temps de vie, pour fuir les difficultés salariales (harcèlement, stéréotypes, etc.) car elles se heurtent encore aux représentations de genre et s’autocensurent.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-jeunes-femmes-nentreprennent-elles-pas-autant-que-les-jeunes-hommes-180426">Pourquoi les jeunes femmes n’entreprennent-elles pas autant que les jeunes hommes ?</a>
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<p>Les motivations pour l’aventure entrepreneuriale étant assez similaires entre femmes et hommes, nous avons cherché à comprendre dans un <a href="https://rfg.revuesonline.com/articles/lvrfg/abs/2020/01/rfg00408/rfg00408.html">travail de recherche</a> récent comment le souvenir de faits marquants vécus durant la période salariale pouvait bouleverser la carrière professionnelle.</p>
<p>Pour y parvenir, de nombreux entretiens s’intéressant aux expériences salariales passées ont été menés. Ils montrent comment les souvenirs impactent la création d’entreprise et apportent des idées pour un accompagnement plus adapté.</p>
<h2>Frustration et sexisme</h2>
<p>La mauvaise ambiance de travail, le manque de reconnaissance et d’écoute, ou encore les inégalités subies constituent autant de raisons de quitter le salariat de souvenirs que de construire un projet entrepreneurial. Lorsque les femmes racontent leurs expériences, la précision et la finesse des évènements remémorés sont stupéfiantes. Comme en témoigne une entrepreneure que nous avons rencontrée, la frustration et l’insatisfaction restent des sources de souffrances au travail qui amènent à quitter l’entreprise :</p>
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<p>« Les trois dernières années de ma vie professionnelle salariée n’ont pas été source d’épanouissement pour moi : stress, fatigue nerveuse et physique, détérioration de la vie sociale, etc. Je ne reconnaissais plus mes valeurs dans les attentes de la profession et j’ai vite ressenti un besoin de lâcher prise pour envisager une reconversion et voler de mes propres ailes. J’étais exploitée et pas rémunérée à ma juste valeur ».</p>
</blockquote>
<p>Une autre confirme cette souffrance vécue :</p>
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<p>« Au bout de 7 ans, j’ai fait un burn-out et suis tombée malade. Comme je ne pouvais (ni ne voulais) plus travailler au même rythme, c’est-à-dire, abattre le travail de 3 personnes à temps plein, mon supérieur a fini par me considérer comme un meuble » ».</p>
</blockquote>
<p>Les témoignages relatent en outre de nombreux faits rattachés au sexisme ordinaire et aux stéréotypes, très présents en entreprise, à l’image de ce que nous a relaté une de nos répondantes :</p>
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<p>« J’ai vécu bien trop de trucs hallucinants pour pouvoir les écrire… Même quand un homme me donne un marteau, il précise que c’est un peu lourd, alors vous pouvez imaginer ce que l’on peut me dire en tant que femme avec un taille-haie ou une tronçonneuse dans la main. Et puis à moi, on me demande si j’ai des diplômes, mais pas à un homme ».</p>
</blockquote>
<p>Au moment de franchir le pas vers la création d’entreprise, les souvenirs de ses expériences fournissent à l’entrepreneure un socle autobiographique qui lui permet de justifier son souhait de changement de carrière. Ce socle peut constituer une aide précieuse pour les structures d’accompagnement, les réseaux et, désormais, les grands groupes qui s’investissent auprès des femmes pour les aider dans leur reconversion en les soutenant.</p>
<h2>La force du groupe</h2>
<p>Des <a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-entrepreneuriat-2015-2-page-109.htm">recherches</a> précédentes ont notamment montré qu’un accompagnement en groupe exclusivement féminin rassurait la porteuse de projet. Les échanges au sein du groupe, à l’image de ceux constitués par le <a href="https://madame.lefigaro.fr/business/la-ligne-droite-by-she-s-mercedes-saison-2-20220406">programme de mentorat 100 % féminin <em>She’s Mercedes</em></a>, soulèvent les questions du sexisme, du harcèlement et des difficultés rencontrées dans la carrière professionnelle. En exprimant ce qui les a poussées à se reconvertir, elles reprennent confiance en elles et lèvent les doutes.</p>
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<p>Devant le groupe, elles racontent leurs souvenirs souvent éprouvants. La mémoire « autobiographique » est alors sollicitée et apparaît comme support de l’accompagnement. Une créatrice d’entreprise a par exemple bénéficié de cette aide pour réaliser qu’elle avait effectué le bon choix en changeant de carrière :</p>
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<p>« En tant que salarié, je n’ai que très rarement eu l’occasion de m’exprimer totalement. J’avais besoin qu’on ait confiance en moi et que mes responsables reconnaissent mon travail. J’ai parfois eu l’impression de tout donner, de m’épuiser sans que cela se voit ».</p>
</blockquote>
<p>L’absence de progression du nombre de créatrices d’entreprise montre que les femmes sont toujours confrontées à des freins sociétaux qui les empêchent de s’épanouir dans le salariat ou de concrétiser leur aventure entrepreneuriale. La mise en place d’accompagnements adaptés par questionnements introspectifs, jeux de simulation, projections et mobilisant leurs souvenirs, apparaît ainsi comme une piste pour contribuer à lever les doutes et à réduire peu à peu les écarts femmes-hommes dans le milieu entrepreneurial.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186262/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La frustration ou encore le sexisme vécu en tant que salariée peut conduire certaines femmes à franchir le pas vers l’entrepreneuriat.Marie-Helene Duchemin, Maître de Conférences à l'Université de Rouen, composante BUT/ IUT GEA Evreux, IAE Rouen Normandie - Université de Rouen NormandieSéverine Lemarié-Quillerier, Enseignant-chercheur, IAE Rouen Normandie - Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1839912022-06-16T20:41:39Z2022-06-16T20:41:39ZSe débrouiller face à une précarité qui n’en finit plus<p>La guerre en Ukraine a, depuis février 2022, rapidement monopolisé les préoccupations, géopolitique d’abord mais aussi celles de la population française déjà fragilisée par la crise sanitaire. Cette dernière, si elle a relativement épargné les salariées et les salariés en contrat stable grâce au dispositif de l’activité partielle, a particulièrement touché les travailleurs et travailleuses précaires, indépendants et intérimaires avec une réduction de revenu et une incertitude quant à leurs horizons professionnels.</p>
<p>Selon le baromètre CSA d’avril 2022, le conflit occupe désormais la deuxième place derrière la <a href="https://csa.eu/news/les-preoccupation-des-francais-pouvoir-dachat-guerre-en-ukraine/">perte de pouvoir d’achat</a>. Aux combats s’est ajoutée une augmentation fulgurante du coût de l’énergie (plus du 20 % en plus du 2021), suivie d’une hausse généralisée des prix, notamment liés à l’alimentaire, aux produits manufacturés et aux services. L’inflation atteint en 2022 son niveau le plus haut depuis des décennies : un bond du 4,8 % sur un an, <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6439021">selon les données Insee</a> d’avril 2022. Premier exemple parmi d’autres, le prix de l’essence qui atteint désormais à <a href="https://www.20minutes.fr/societe/3303443-20220607-prix-essence-barre-2-euros-litre-franchie-semaine-derniere">plus de 2 euros le litre</a>.</p>
<p>De fait, les personnes et les ménages les plus précaires sont les premiers concernés. D’après un <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/panoramas-de-la-drees/minima-sociaux-et-prestations-sociales-2021">rapport de 2018 de la DREES</a>, 40 % des Français disposent d’un niveau de vie de moins de 1582 euros mensuels (ménages définis comme « modestes »). En 2019 ce sont <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5759045">9,2 millions de personnes</a> (14,6 %) qui vivent sous le seuil de pauvreté monétaire fixé à 1 102 euros mensuels (60 % du niveau de vie médian de la population).</p>
<h2>La précarité comme mode de vie</h2>
<p>Les ressources à leur disposition sont toujours au « fil de l’eau », avec des difficultés parfois sévères à boucler les fins de mois et une inquiétude permanente. Pour y faire face, nombreux sont ceux qui multiplient les formes de travail, formelles comme <a href="https://ilostat.ilo.org/fr/resources/concepts-and-definitions/description-informality/">informelles</a>, c’est-à-dire sans contrat de travail, ni de couverture sociale ou possibilité de congés.</p>
<p>Pour ces sujets, la précarité se manifeste d’abord de manière matérielle (bas revenu, emploi temporaire ou instable…), mais également à travers une expérience d’instabilité du présent et de fragilité quant aux perspectives futures.</p>
<p>Certes les formes de redistribution et les minima sociaux permettent d’atténuer les conséquences de ces crises multiples, toutefois, pour de plus en plus d’individus, il devient nécessaire de s’inventer des solutions pour faire face aux à la précarité et aux nombreuses incertitudes qu’elle entraîne, fragmentant d’autant plus les temps de vie, d’activité et de repos.</p>
<p>Autrement dit, une journée type peut débuter à 8h avec l’étude et la recherche d’annonces d’emplois, s’enchaîne avec un travail d’hôte de caisse jusqu’à 14h30, se poursuit par la taille des haies chez une voisine au « noir » jusqu’à 18h, puis il faut encore récupérer quelques denrées à la banque alimentaire à 19h et enfin refaire des CV le reste de la soirée. Tout en jonglant avec les impératifs familiaux et les tâches de la vie courante.</p>
<h2>Trois formes de travail qui s’imbriquent</h2>
<p>Schématiquement, ce qui caractérise l’expérience du travail actuelle pour ceux qui traversent ces multiples précarités est donc le possible recours aux formes de travail indépendant, aux activités informelles et à une composition entre diverses formes de travail. Pour quels résultats ?</p>
<p>La diffusion du travail indépendant a pris de l’élan, notamment depuis 2009 suite à l’introduction du statut d’auto-entrepreneur (puis de « micro-entrepreneur »). Selon l’Urssaf, en <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/social/le-nombre-dauto-entrepreneurs-a-fortement-augmente-entre-2020-et-2021-1382753">juin 2021</a>, lors de la crise sanitaire, il y a eu une augmentation annuelle du 17,2 % d’autoentrepreneurs, cumulant un total de 2,23 millions administrativement actifs.</p>
<p>Les gouvernements successifs ont fortement mis en avant ce dispositif, en mobilisant surtout une rhétorique autour de sa capacité présumée d’offrir des opportunités aux habitants de banlieue discriminés dans les embauches. Bien que ce dispositif accompagne plusieurs <a href="https://lentreprise.lexpress.fr/creation-entreprise/entreprendre-en-banlieue-c-est-possible_1918125.html">« success story »</a>, la moitié des auto-entrepreneurs a déclaré un chiffre d’affaires nul ou négatif en 2021 (51,3 % selon l’Urssaf) et même Emmanuel Macron, alors candidat, soulignait dans un entretien <a href="https://www.mediapart.fr/journal/france/021116/emmanuel-macron-face-la-redaction-de-mediapart?onglet=full">à Médiapart le 2 novembre 2016</a> que chez Uber, les jeunes des quartiers « parfois travaillent 60-70 heures par semaine pour toucher le smic ».</p>
<p>Le recours à l’auto-entrepreneuriat pour les personnes ayant d’abord la volonté de créer leur propre emploi est souvent le reflet des échecs dans l’intégration de conditions plus stables d’emploi, et peut être considéré, <a href="https://lvsl.fr/luberisation-retour-au-XIXeme-si%C3%A8cle-entretien-avec-sarah-abdelnour/">comme le souligne la chercheuse Sarah Abdelnour</a>, comme une conséquence de la promotion d’un contournement délibéré du salariat.</p>
<h2>La recherche d’une autonomie supplémentaire</h2>
<p>Cette pratique offre une opportunité supplémentaire pour obtenir du revenu, même au prix d’une intériorisation croissante de la responsabilité nécessaire pour gérer la continuité et la rentabilité de l’activité (tâches administratives, fiscales, etc.).</p>
<p>Le recours à l’indépendance se fait dans la recherche d’une autonomie supplémentaire dans le rapport au travail (« être son propre patron »), mais laisse souvent apparaître maintes formes de soumissions aux donneurs d’ordre (comme les plates-formes pour chauffeurs et livreurs), aux clients, maîtres de l’évaluation et au volume de rétributions en encourageant à travailler toujours plus.</p>
<p>Le recours à l’indépendance mobilisant des compétences techniques et entrepreneuriales peut également se faire dans le cadre de l’économie informelle, estimée selon un rapport de France Stratégie en 2019 <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/coe-rapport-travail-non-declare-fevrier-2019.pdf">à 2,5 millions de personnes</a></p>
<p>Nous rencontrons ici un large spectre de figures sociales proposant de produits ou de services hors du cadre légal et fiscal : comme les personnes engagées dans <a href="https://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/le-bizness-une-economie-souterraine-9782130558361/">« le bizness »</a> de produits de contrefaçons ou « tombés du camion » ou les travailleurs informels tels que les <a href="https://theconversation.com/le-mecanicien-de-rue-un-expert-de-la-debrouille-au-coeur-de-la-precarite-110573">mécaniciens de rue</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-mecanicien-de-rue-un-expert-de-la-debrouille-au-coeur-de-la-precarite-110573">Le mécanicien de rue, un expert de la « débrouille » au cœur de la précarité</a>
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<h2>Des frontières poreuses entre formel et informel</h2>
<p>Loin d’une accumulation capitaliste, ces propositions de services s’inscrivent plutôt dans une logique économique que le collectif de chercheurs et chercheuses Rosa Bonheur <a href="http://www.editionsamsterdam.fr/la-ville-vue-den-bas/">a défini</a> de « centralité populaire » permettant d’obtenir du revenu et une circulation de biens et de services au sein de populations précaires.</p>
<p>Les porosités entre économie formelle et informelle <a href="https://www.octares.com/serie-colloques-congres/210-aux-marges-du-travail.html">demeurent fréquentes</a>, mais ont pris une ampleur nouvelle à l’aune de l’économie de plate-forme où s’enracine le contournement de règles fiscales et du code du travail.</p>
<p>Un exemple est le cas des <em>jobbers</em>, les personnes qui se proposent pour des services ou pour la réalisation de tâches (même minuscules) sur des plates-formes qui ont le rôle d’intermédiaires, comme se popularise sur <em>le bon coin</em> par exemple.</p>
<p>Comme l’ont illustré Marine Snape et Marion Plaut dans leur récent rapport <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/sites/default/files/59c9fe47828f2fa42060b2f811fa2e35/Rapport-Le%20jobbing-Une%20enqu%C3%AAte%20sociologique%20sur%20le%20travail%20de%20plateforme.pdf">pour la DARES</a>, les jobbers s’insèrent dans un « halo d’activités professionnelles » dans laquelle on peut trouver des auto-entrepreneurs, des personnes payés en cash (au noir), en prestation de service ou en chèques emploi service.</p>
<h2>Les cumulards, un mode de vie ?</h2>
<p>L’expérience de travail de personnes précaires est donc toujours plus composée d’une multiplication d’activités entre lesquelles jongler pour arriver à la fin du mois : salariat, informalité et autoentrepreneuriat. Ces « cumulards » de plusieurs activités (déjà 2,1 millions de personnes selon les chiffres <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5391996?sommaire=5392045">à fin 2018</a> veulent sécuriser une continuité de revenu et peuvent être motivés par des raisons diverses : parfois par choix (composer un travail « de passion » et un « boulot alimentaire »), le plus souvent comme conséquence d’une situation subie.</p>
<p>La multiplication des engagements de travail pour faire face à la précarisation nous consigne la diffusion d’une expérience d’intensification des temporalités de travail.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/slashers-pluriactivite-et-transformations-du-travail-opportunite-ou-menace-pour-le-management-84939">« Slashers », pluriactivité et transformations du travail : opportunité ou menace pour le management ?</a>
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<p>La journée et les fardeaux professionnels débordent dans la vie personnelle, en arrivant souvent à une <a href="http://www.editionsamsterdam.fr/la-colonisation-du-quotidien/">colonisation du quotidien</a> pour reprendre l’expression de Patrick Cingolani.</p>
<h2>Monopolisation du temps de vie</h2>
<p>L’intensification s’accompagne d’un manque de temps pour alimenter les relations sociales et affectives, mais également pour « sortir la tête du guidon » et permettre une réflexivité sur les parcours professionnels et de vie. La possibilité de réfléchir au sens et aux valeurs de propre travail représente ainsi une forme de privilège dans une époque d’intensification de l’engagement professionnel pour faire face aux crises.</p>
<p>Cette monopolisation du temps de vie par une expérience de travail dominée par la logique individualiste du surinvestissement peut conduire à un autre risque majeur : celui d’une réduction des espaces pour des formes de débrouille inscrites dans la convivialité, la solidarité et le mutualisme, alors que celles-ci pourraient au contraire dessiner une solution collective aux défis de la précarité comme on a pu voir avec les <a href="http://www.citego.org/bdf_fiche-document-810_fr.html">banques du temps</a> ou les <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/tontine-1375068">tontines</a> par exemple.</p>
<p>Ou tout du moins commencer à esquisser une possible ligne de fuite à l’intérieur de l’expérience contemporaine du travail : une expérience certes de précarité, mais réorientée par la tentative de réduire la dépendance à la (sur)consommation et au surinvestissement individuel, telle qu’on peut la trouver parfois dans des formes de travail « à côté » au sens <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782713214066-la-travail-a-cote-etude-d-ethnographie-ouvriere-florence-weber/">où l’écrit Florence Weber</a>, entre initiatives d’autoproduction et de partage de ressources matérielles et culturelles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183991/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Denis Giordano ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour faire face à l’inflation, de plus en plus de Français multiplient les formes de travail dans les secteurs formels comme informels.Denis Giordano, Enseignant-chercheur en sociologie du travail à OCE em-lyon de Lyon et chercheur associé au CMH de Paris., EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1804262022-04-18T15:49:28Z2022-04-18T15:49:28ZPourquoi les jeunes femmes n’entreprennent-elles pas autant que les jeunes hommes ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/455488/original/file-20220331-18-zkz8hn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1905%2C1276&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Plus que l’argent ou le prestige social, c’est une recherche de liberté et d’indépendance qui motive des entrepreneures encore étudiantes.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/femme-bureau-son-post-remarques-5678995/">magnetme / Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En 2021, environ <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6041208">41 % des entreprises créées</a> en France l’ont été par des femmes et seules <a href="https://home.kpmg/fr/fr/home/media/press-releases/2015/06/portrait-s-femmes-dirigeantes-en-france.html">14 % d’entre elles sont cheffes d’entreprise</a>. La tendance va croissante, mais la progression reste assez lente.</p>
<p>Pourtant, aujourd’hui, les jeunes, femmes comme hommes, ont la possibilité de se former à l’entrepreneuriat pendant leurs études. La proportion d’entreprises étudiantes créées par des entrepreneures atteint 39 % aujourd’hui selon <a href="https://www.pepite-france.fr/">Pépite France</a>. Bien décidées à réussir, elles interpellent les communautés éducatives de l’enseignement supérieur sur la nécessité de mieux les accompagner.</p>
<p>Pour observer et analyser l’entrepreneuriat féminin, l’Observatoire des représentations de l’entrepreneuriat liées au genre (<a href="https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:6774696345333751808/https:/www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:6774696345333751808/">Orelig</a>) a été lancé le 8 mars 2020 par la <a href="https://www.fnege.org/">Fondation nationale pour l’enseignement de la gestion des entreprises</a> et Pépite France. Il s’agit de répondre à deux objectifs principaux : mieux comprendre les motivations et les freins des jeunes femmes pour créer ou reprendre leur organisation et favoriser le déploiement d’actions susceptible de développer cet entrepreneuriat.</p>
<p>L’Observatoire rassemble une équipe de 8 chercheurs, issus de divers horizons (universités publique et catholique, écoles de commerce). Il constitue la première initiative nationale française. La thématique du genre n’est en effet pas systématiquement traitée en sciences de gestion en France.</p>
<h2>Retard français</h2>
<p>On recense dans le monde plus d’une <a href="https://www.scimagojr.com/journalrank.php?category=3318">cinquantaine de journaux</a> de fort bonne réputation sur le genre en contexte économique. Ils sont alimentés par des collectifs solides, à l’instar du <a href="https://www.womensbusinesscouncil.co.uk/">Women Business Council</a> créé au Royaume-Uni en 2013 et qui publie chaque année un rapport sur les entreprises dirigées et possédées par des femmes.</p>
<p>Les classements académiques français n’en font, eux, apparaître que deux, dont la doyenne des revues <a href="http://www.feministeconomics.net/"><em>Feminist Economics</em></a> qui bénéficie d’une appréciation peu favorable pour ses approches alternatives aux théories économiques orthodoxes. Orelig se propose donc de porter un regard genré sur l’entrepreneuriat des jeunes femmes en France. Ces enquêtes et analyses seront réalisées annuellement, à partir d’une thématique ou d’un éclairage particulier, d’intérêt général et exprimé par les répondantes.</p>
<p>Une première étude a été réalisée au premier trimestre 2021 au sein de 29 Pôles étudiants pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat (les « Pépites », lancées par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation en 2014 (il en existe 33 au niveau national), auprès de sa population d’étudiantes-entrepreneures. L’analyse a été réalisée en croisant des données de nature quantitative et qualitative.</p>
<p>Sur les 245 réponses valides, la Génération Z (les jeunes femmes ayant moins de 26 ans) est principalement représentée (78,8 %). Trois quarts de ces étudiantes entrepreneures ont déjà eu une expérience professionnelle à travers des stages en entreprise ou une expérience associative conséquente.</p>
<h2>Indépendance et liberté</h2>
<p>93,1 % des étudiantes interrogées affirment s’être inscrites au sein du Pépite afin de créer leur entreprise, leur association ou leur organisation. L’engagement dans un projet entrepreneurial n’est cependant pas l’unique raison invoquée pour toutes les répondantes. Pour 27,8 % d’entre elles, le dispositif d’aide à la création d’entreprise a un but de développement professionnel. Il leur permet d’acquérir des compétences qui leur seront utiles, même si elles n’entreprennent pas.</p>
<p>Pour plus de 80 % des répondantes, l’entrepreneuriat permet un accomplissement personnel et professionnel. Cette quête prend forme à travers trois dimensions majeures : s’accomplir en étant « auteure » de sa vie, au-delà du simple fait de l’agir ; s’accomplir en créant une entreprise qui répond à un besoin pour autrui ; s’accomplir en apportant des innovations ou une contribution, susceptibles de changer la société.</p>
<p>L’une d’entre elles exprime cette recherche d’accomplissement de la manière suivante :</p>
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<p>« Ce qui me motive c’est de pouvoir faire quelque chose qui m’épanouit, me rend fière et me permet d’être pleinement indépendante. »</p>
</blockquote>
<p>Ce n’est pas là un moyen pour contourner les difficultés rencontrées sur le marché du travail. Elles ne visent pas non plus la richesse ou une forme d’élitisme. Seules 20 % des étudiantes relient l’entrepreneuriat au prestige social et, pour 30 % d’entre elles, cela permet de se créer son propre travail et gagner de l’argent. En réalité, ces étudiantes-entrepreneures conçoivent l’entrepreneuriat comme le moyen d’accéder à une indépendance et à un réel espace de liberté. C’est à la fois un moyen et une fin, puisqu’elles n’envisagent pas de retour vers le salariat.</p>
<p>Plus de la moitié des répondantes associent l’entrepreneuriat au fait de travailler sans supérieur hiérarchique et la grande majorité d’entre elles le relient à la possibilité d’organiser son emploi du temps. C’est bien leur vision du travail, à la fois un engagement en termes de valeur mais également un accomplissement de soi par la création et grâce à leur créativité. Une entrepreneuse énumère les facettes de sa vision entrepreneuriale :</p>
<blockquote>
<p>« Créer mon entreprise : répondre à un besoin, enchanter, choisir mon métier, mettre mes compétences au service de l’écologie, être indépendante, heureuse de me lever le matin, choisir mes horaires, choisir mes partenaires, travailler en accord avec ma vision, mon éthique et mes envies. »</p>
</blockquote>
<h2>Dans un « monde de requins »</h2>
<p>Reste que, lorsqu’elles évoquent le parcours entrepreneurial, les jeunes entrepreneures rendent compte des difficultés qui les attendent avec une lucidité nouvelle. Elles énumèrent les problèmes de légitimité, de levée de fonds, de crédibilité propre à leur genre. Pour 57,1 % des répondantes, la plupart des interlocuteurs institutionnels (financeurs, banques, fournisseurs, partenaires) sont méfiants lorsqu’une femme présente un projet de création d’entreprise. L’une d’entre elles explique :</p>
<blockquote>
<p>« J’aimerais un jour que la société puisse considérer de manière consciente et inconsciente le fait qu’une femme est aussi crédible qu’un homme… Malheureusement, nous sommes encore loin de cette situation. »</p>
</blockquote>
<p>La conscience forte de ces obstacles ne les arrête cependant pas. Elles sont bien décidées à entreprendre. Une étudiante entrepreneure avance :</p>
<blockquote>
<p>« Il faut croire en ce que l’on fait et se lancer ! Ne pas se soucier des autres, la vie est un monde de requins, elle ne nous fera pas de cadeau ; alors, c’est à nous de basculer les choses et d’œuvrer pour notre avenir. »</p>
</blockquote>
<p>Pour s’assurer de la réussite de leur projet, elles se forment, cherchent des mentors, des conseils et, à l’instar de leurs aînées, souhaitent se rassurer dans leur capacité à entreprendre. Une enquêtée synthétise ainsi sa perception de la situation :</p>
<blockquote>
<p>« Homme ou femme, même si certaines portes sont parfois plus fermées, il suffit de s’entourer de bonnes personnes bienveillantes et tout ira bien ; chaque personne apprendra les compétences nécessaires au moment venu ou pourra s’appuyer sur une équipe. »</p>
</blockquote>
<p>En se fondant sur ces premiers résultats, Orelig propose des axes de réflexion mais aussi d’actions pour favoriser l’entrepreneuriat des jeunes femmes en France. Il s’agit d’analyser les effets de genre ou de génération sur la perception de l’entrepreneuriat et également de mieux comprendre le rôle des “Pépites” dans l’accompagnement et la définition de la perception de l’entrepreneuriat par les étudiants-entrepreneurs.</p>
<p>La pérennité de l’Observatoire et le dialogue qu’il aura avec d’autres recherches en France constituent deux éléments de préoccupations de ses membres. D’autres initiatives ont vu le jour durant ces 20 dernières années et force est de constater que l’inscription dans la durée n’est pas aisée, tant les défis posés par leur maintien sont nombreux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180426/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Répondre à cette question est l’objectif d’un nouveau collectif de chercheur, intitulé Orelig, qui livre ses premiers résultats.Julie Tixier, Maîtresse de Conférences en sciences de gestion, Université Gustave EiffelKatia Richomme-Huet, Docteur, HDR en Sciences de Gestion Professeur en management et entrepreneuriat, Kedge Business SchoolMathieu Dunes, Maître de Conférences en Sciences de Gestion, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Najoua Boufaden, Professeure associée en entrepreneuriat et innovation, ISG International Business SchoolNathalie Lameta, Maitre de Conférences, IAE CorsePaola Duperray, Maître de conférences en sciences de gestion, Université catholique de l’Ouest Renaud Redien-Collot, Enseignant-chercheur en stratégie, ISC Paris Business SchoolTyphaine Lebègue, Maître de Conférence, IAE - Université de Tours, Laboratoire Vallorem (EA 6296)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1790712022-03-14T19:00:09Z2022-03-14T19:00:09ZLes 25 licornes de Macron, une dangereuse fascination ?<p>Dans une vidéo postée le 17 janvier dernier, Emmanuel Macron pouvait annoncer, tout sourire, la naissance de la 25<sup>e</sup> licorne française : « Derrière, il y a près de 20 000 start-up qui, par leur impact, sont essentielles à notre économie, à notre société », s’est-il réjoui.</p>
<p>Une licorne est une entreprise exerçant dans le secteur des nouvelles technologies, non cotée en bourse, et valorisée à plus d’un milliard de dollars. On en compte aujourd’hui <a href="https://bigmedia.bpifrance.fr/decryptages/la-licorne-est-elle-synonyme-de-reussite-entrepreneuriale">26 en France</a> dont les plus connues sont BackMarket, Qonto, Doctolib ou encore Lydia. Sur le plan international, cela reste peu (selon les méthodes de recensement, il y en aurait entre 650 et 1000 dans le monde), mais la dynamique s’avère exponentielle : il n’y avait que 12 licornes françaises en 2021 et seulement 3 en 2020.</p>
<p>La France semble attirer de plus en plus de très gros financeurs étrangers capables de mettre 50, 100 ou 200 millions d’euros dans une start-up. Le président de la République avait fixé, en 2019, l’objectif de 25 licornes françaises d’ici <a href="https://www.nouvelobs.com/economie/20190918.OBS18608/macron-veut-multiplier-les-licornes-francaises-en-semant-5-milliards-d-euros.html">2025</a>, but atteint donc, et même dépassé 3 ans avant la date de tombée.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1482963796629012482"}"></div></p>
<p>Si son quinquennat reste résolument associé à la France « start-up nation » et à la French tech, ce mouvement vers l’entrepreneuriat a débuté il y a beaucoup plus longtemps, dès la fin des années 1990, sous l’impulsion de politiques publiques qui visaient à projeter la France dans ce qu’on appelait alors la <a href="https://theconversation.com/la-bataille-dazincourt-1415-la-mode-des-start-up-1998-2017-et-lhistoire-des-passions-francaises-85491">« nouvelle économie »</a>. La Silicon Valley était le modèle absolu et semble l’être restée.</p>
<p>La presse économique se réjouit de ce carnet de naissances, mais certaines <a href="https://www.bfmtv.com/economie/tout-comprendre-la-licorne-animal-mythique-devenu-une-realite-economique-en-france_AV-202201190288.html">voix discordantes</a> se font aussi entendre. Et nos <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/10422587211059991">travaux</a> font partie de ceux qui invitent à nuancer l’enthousiasme ambiant. Leurs résultats suggèrent en effet que l’hyper-priorisation de la croissance est une injonction qui ne fonctionne pas pour une majorité d’entrepreneurs.</p>
<h2>Croître ou mourir</h2>
<p>Car outre leur valorisation stratosphérique, les licornes ont pour point commun d’opérer des levées de fonds à tour de bras tout en n’ayant (généralement) pas atteint un quelconque seuil de rentabilité. En d’autres termes, elles sont en hypercroissance, ont un besoin constant de nouveaux capitaux, « brûlent du cash » selon l’expression consacrée et sont rarement rentables.</p>
<p>Une récente <a href="https://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19595497&cserie=25775.html">mini-série consacrée à Uber</a> l’illustre parfaitement, en particulier dans une scène où le cofondateur Travis Kalanick redemande à son fonds d’investissement partenaire des millions quelques mois à peine après en avoir reçu un nombre certain. Leur devise partagée est « Grow or die », croître ou mourir. La demande reçoit une réponse positive.</p>
<p>Ils appliquent la logique suivante : dans un nouvel espace de marché (Uber a créé un nouveau marché), il va y avoir une licorne. Il faut donc miser sur la bonne et s’accrocher. C’est une stratégie de « <em>winner takes all</em> (le gagnant prend tout) » et les investisseurs sont en mode « <em>high risk high reward</em> (prime à qui prendra le plus de risque) ».</p>
<h2>Des modèles</h2>
<p>Dans son discours de 2019 ainsi que dans celui de ce début d’année, Emmanuel Macron explique qu’il y a là une « bataille pour la souveraineté ». L’idée est que si la France ne parvient pas à construire des champions dans les secteurs d’avenir tels que le digital ou l’intelligence artificielle, ses choix seront dictés par d’autres.</p>
<p>Il est vrai que nous avons beaucoup de retard en la matière. Les deep tech par exemple, ces start-up qui proposent des produits ou des services sur la base d’innovations de rupture, restent très <a href="https://www.bpifrance.fr/nos-actualites/generation-deeptech-reconnaitre-un-projet-deeptech">peu soutenues</a> en France. Leurs cycles de recherche et développement étant particulièrement longs, elles ont des besoins de financement encore plus élevés que les autres start-up. Et ces <a href="https://bigmedia.bpifrance.fr/decryptages/la-licorne-est-elle-synonyme-de-reussite-entrepreneuriale">investissements massifs</a> sont plus le fait, en France, de <a href="https://www.usine-digitale.fr/article/derriere-la-course-aux-licornes-les-questions-qui-se-posent.N1776552">fonds américains et japonais</a>.</p>
<p>Emmanuel Macron explique que l’ambition est d’irriguer l’ensemble de l’économie, plus particulièrement en créant des emplois directs et indirects. Les chiffres du <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2021-rapport-rec-lemploi_dans_les_start-up.pdf">rapport</a> publié en octobre 2021 par France Stratégie semblent d’ailleurs corroborer cette assertion.</p>
<p>Ce qui est intéressant également est que ces licornes peuvent permettre de retenir nos talents, ces ingénieurs, par exemple, qui ne trouvent pas de projets assez ambitieux et à la pointe en France et qui s’expatrient. Il y a aussi dans ces licornes l’espoir qu’elles soient les têtes de pont, les animateurs, les leaders d’<a href="https://theconversation.com/quelle-politique-industrielle-pour-lintelligence-artificielle-en-france-122057">écosystèmes qui nous font cruellement défaut</a>. Dans son récent discours, le président affirme :</p>
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<p>« La French tech, ce n’est évidemment pas que les licornes, mais je les vois en quelque sorte comme des exemples, des modèles pour l’ensemble de l’écosystème ».</p>
</blockquote>
<h2>Licornes ou cygnes noirs ?</h2>
<p>Le tableau n’est cependant pas si idyllique. Rechercher sa souveraineté technologique, ou vouloir créer des emplois, constitue un objectif louable, mais la surmédiatisation des licornes a aussi des impacts négatifs. Deux sociologues des organisations américains, Howard Aldrich et Martin Ruef critiquent ainsi fortement, dans un <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/amp.2017.0123">article récent</a>, la chasse aux <a href="https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251444369/le-cygne-noir">« cygnes noirs »</a> du monde entrepreneurial. Ils emploient l’expression en référence au statisticien Nassim Taleb qui explique qu’il existe certains évènements aléatoires et rares à la fois qui, s’ils se réalisent, ont des conséquences d’une portée considérable et exceptionnelle.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/451641/original/file-20220311-14-a9nhkc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/451641/original/file-20220311-14-a9nhkc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451641/original/file-20220311-14-a9nhkc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451641/original/file-20220311-14-a9nhkc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451641/original/file-20220311-14-a9nhkc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451641/original/file-20220311-14-a9nhkc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1134&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451641/original/file-20220311-14-a9nhkc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1134&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451641/original/file-20220311-14-a9nhkc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1134&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">blank.</span>
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<p>GAFAM, BATX ou autres NATU… les deux chercheurs montrent qu’il s’agit bien de cygnes noirs : extrêmement rares et imprévisibles. Et pourtant, la communauté scientifique tout comme les médias leur vouent l’immense majorité de leurs ressources.</p>
<p>Tout ceci se fait aux dépens de ce qui constitue 99,99 % de l’entrepreneuriat à savoir des entreprises qui n’ont rien de tout cela mais qui font quand même marcher l’économie. C’est dans cette veine que <a href="https://www.bfmtv.com/economie/tout-comprendre-la-licorne-animal-mythique-devenu-une-realite-economique-en-france_AV-202201190288.html">certains entrepreneurs et entrepreneuses s’expriment</a> pour expliquer que leurs entreprises ne sont pas des licornes et qu’elles ne cherchent pas à le devenir.</p>
<p>Il faut aussi comprendre que placer la croissance avant la rentabilité est la meilleure façon d’aller vers l’échec. C’est ce que nous avons démontré sur un échantillon constitué par près de 40 % des PME européennes.</p>
<h2>Diamétralement opposées</h2>
<p>Différentes méthodes d’estimation statistiques nous conduisent au même résultat : les entreprises qui parviennent le plus à la réussite, c’est-à-dire qui combinent à la fois forte croissance et forte rentabilité, sont, le plus souvent, celles qui ont misé sur la rentabilité plutôt que sur la croissance. Autrement dit, réussir à une date t est plus probable lorsque l’on connaît une forte rentabilité en t-1 que lorsqu’on connaît une forte croissance en t-1. Grâce à des données sur 8 années de profondeur de champ, on observe même une forme de dépendance à la stratégie choisie initialement.</p>
<p>Ceci est diamétralement opposé à la philosophie licorne qui pourtant irrigue tous les aspects de l’écosystème entrepreneurial. Politiques publiques comme enseignants-chercheurs en gestion mettent la croissance sur un piédestal. Or, l’immense majorité des entrepreneurs <a href="https://www.nber.org/papers/w17041">ne partagent pas cette ambition</a>.</p>
<p>D’autres travaux invitent également à regarder avec méfiance le modèle licorne, soit que l’on <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/08985626.2017.1291762?journalCode=tepn20">surestime leur contribution à l’emploi</a>, soit que l’on oublie l’impact des stratégies de croissance sur les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1540-627X.2009.00282.x">chances de survie de l’entreprise</a>. De fait, en France, les start-up qui ont procédé à une levée de fonds ne représentent que <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2021-rapport-rec-lemploi_dans_les_start-up.pdf">2,67 %</a> de l’ensemble des emplois créés par des start-up. Et beaucoup des licornes sont déclassées comme <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/immobilier-btp/redresse-mais-plus-modeste-wework-entre-enfin-en-bourse-1356816">WeWork</a> voire meurent à l’image de la plate-forme de streaming Quibi.</p>
<p>Ces modèles irréalistes en termes de réussite entrepreneuriale peuvent d’ailleurs induire un certain nombre de comportements particulièrement nuisibles. L’obsession de la croissance et la pression des différentes parties prenantes, financeurs en particulier, <a href="https://theconversation.com/la-start-up-nation-un-symptome-mais-de-quoi-105599">favorisent l’opportunisme irresponsable</a>. On a pu l’observer dans des scandales tels que <a href="https://theconversation.com/start-up-frauduleuses-laveuglement-complice-des-investisseurs-105325">Theranos</a>, dont l’ancienne dirigeante, Elizabeth Holmes, a été récemment <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/01/04/etats-unis-au-proces-theranos-le-jury-reste-indecis-sur-la-culpabilite-d-elizabeth-holmes_6108076_3234.html">condamnée</a>.</p>
<p>Pour conclure, on peut entendre l’appel à aller plus loin : certains souhaiteraient même transformer nos licornes en <a href="https://www.challenges.fr/high-tech/french-tech/la-france-celebre-sa-25eme-licorne-et-apres_797347">« dragons »</a>. Mais on ne peut pas continuer à imposer ce type d’ambition à l’ensemble des entrepreneurs. Il s’agit aussi de reconnaître comme il se doit les entrepreneurs ordinaires, du quotidien.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179071/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Leurs retombées sur l’économie sont indéniables. Reste qu’à prioriser la croissance sur la rentabilité, le modèle semble assez nocif pour une grande majorité d’entrepreneurs.Cyrine Ben-Hafaïedh, Professeur en Entrepreneuriat, Innovation et Stratégie, IÉSEG School of ManagementAnaïs Hamelin, Professeur des Universités en Sciences de Gestion à Sciences Po Strasbourg et l'EM Strasbourg, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1416602020-07-07T14:19:40Z2020-07-07T14:19:40ZLa Covid-19 fera-t-elle reculer l'entrepreneuriat féminin ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/345373/original/file-20200702-111374-16zxx1h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les entrepreneures canadiennes ont beaucoup souffert de la pandémie</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le gouvernement canadien a répondu à la crise de la Covid-19 en un temps record. <a href="https://www.canada.ca/fr/services/prestations/ae/pcusc-application.html">Des programmes</a> qui en temps normal auraient pris des mois ou même des années à se mettre en place ont été implantés en quelques jours seulement.</p>
<p>Mais parallèlement, il faut reconnaître que les barrières systémiques envers les femmes ainsi que d’autres groupes se sont trouvées exacerbées durant la crise.</p>
<p>Afin de les soutenir, nous devons adopter une perspective de genre et de diversité, sans quoi des décennies de progrès durement acquis seront perdues.</p>
<p>Statistiques Canada confirme que ces sont les <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/45-28-0001/2020001/article/00018-fra.htm">petites et moyennes entreprises (PME) de moins de 20 employés qui ont le plus souffert durant la pandémie</a>, et comme les femmes sont plus susceptibles d’être propriétaires de nouvelles petites entreprises, elles figurent donc parmi les plus touchées.</p>
<p>Pendant cette pandémie, <a href="https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/tv.action?pid=3310023101&request_locale=fr">40,6 pour cent des entreprises détenues par des femmes ont dû mettre à pied des employés</a>. Et elles ont dû remercier un pourcentage proportionnellement beaucoup plus élevé que la majorité des entreprises — 62 pour cent d’entre elles ont renvoyé 80 pour cent de leur équipe <a href="https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/tv.action?pid=3310023201&request_locale=fr">contre une moyenne de 45 pour cent pour la plupart des entreprises</a>.</p>
<h2>Les femmes sont exclues des programmes de soutien</h2>
<p>Alors que les femmes sont les propriétaires principales de 15,6 pour cent des PME, elle représentent 38 pour cent de la population des travailleurs autonomes canadiens.</p>
<p>Bien que des changements importants aient été apportés aux programmes de soutien existants afin d’intégrer davantage de PME, de nombreux programmes excluent involontairement les femmes. Des projets réussis dirigés par des femmes, en particulier dans le secteur des services, reposent fréquemment sur le travail de prestataires de service plutôt que sur celui d’employés, ou bien encore ne peuvent satisfaire aux critères de report des dépenses, et de ce fait les disqualifie des programmes centrés sur les entreprises ayant recours à des salariés.</p>
<p>Les femmes ne supportent pas seulement le fardeau chômage, mais <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/200219/dq200219e-fra.htm">doivent également assumer la charge relative aux soins non rémunérés</a>, dont s’occuper de leurs enfants, de l’enseignement à domicile, des tâches ménagères ainsi que de la prise en charge des aînés. <a href="https://canwcc.ca/wp-content/uploads/2020/05/Falling-through-the-Cracks_CanWCC_May2020.pdf">Le plus grand défi souligné par les entrepreneures est celui des enfants</a>. Elles ressentent un sentiment d’échec dans leur double vie de travailleuse et de parent, ce qui ajoute un <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/newfoundland-labrador/parenting-and-working-from-home-1.5595495">problème de santé mentale et de stress familial</a>.</p>
<p>Les communautés racialisées et autochtones ainsi que les femmes handicapées doivent faire face à d’autres obstacles et sont désavantagées en ce qui concerne <a href="https://www.ryerson.ca/content/dam/diversity/reports/ImmigrantEntrepreneur.pdf">l’accès aux programmes de soutien et prêts</a>. Par exemple,les <a href="https://www.ictinc.ca/blog/11-challenges-for-indigenous-businesses">entrepreneures autochtones sont confrontées à des défis spécifiques</a>, car la Loi sur les Indiens interdit l’usage des terrains situés sur les réserves comme collatéral à des prêts bancaires. Il existe également des preuves qu’il faudrait distinguer bien des catégories de discrimination pour mieux comprendre l’intersectionnalité, c’est-à-dire l’effet cumulatif de ces discriminations. Par exemple, l’expérience vécue par les personnes racialisées n’est pas uniforme — le racisme anti-noir a de profonds impacts sur les entrepreneures noires.</p>
<h2>L’accès Internet : tout un défi</h2>
<p>Les groupes sous-représentés manquent fréquemment d’espace et d’infrastructures pour le télétravail, ainsi que les compétences liées à l’enseignement à domicile. <a href="https://wekh.ca/wp-content/uploads/2020/05/WEKH_The_Impact_of_COVID-19_on_Women_Entrepreneurs-1.pdf">L’accès à Internet est tout un défi pour les communautés rurales</a>.</p>
<p>Améliorer l’accès au capital-risque est bien sûr important, mais les <a href="https://femalefunders.com/women-in-venture/">entreprises dirigées par des femmes n’en sont pratiquement pas bénéficiaires</a>. Le nouvel attirail de prêts gouvernementaux n’aide pas, dans la mesure où les femmes font souvent partie des emprunteurs que l’on décourage — elles ont moins tendance à chercher du crédit. Il est fréquent que lorsqu’elles en reçoivent, les montants en soient moins élevés et les conditions moins favorables.</p>
<p>Contrairement aux femmes propriétaires de PME, les femmes travailleuses autonomes sont obligées de risquer leurs avoirs personnels. Les femmes autochtones vivant dans des réserves ne reçoivent pas ce que l’on décrit traditionnellement comme un « revenu » et <a href="https://wekh.ca/wp-content/uploads/2020/05/WEKH_The_Impact_of_COVID-19_on_Women_Entrepreneurs-1.pdf">n’ont pas de biens à soumettre en collatéral</a>.</p>
<p>Se présente également le problème insidieux de l’éducation financière et du recours à l’expertise. Si des approches innovantes, telles que les microprêts et le financement participatif <a href="https://www.pwc.com/gx/en/diversity-inclusion/assets/women-unbound.pdf">ont égalisé les chances des entrepreneures</a>, il n’en demeure pas moins que ces modèles sont rarement prioritaires.</p>
<h2>Un parti pris pour les STIM</h2>
<p>En innovation et en entrepreneuriat, le parti-pris envers la science, la technologie, l’ingénierie, et les mathématiques (STIM) <a href="https://www.pwc.com/gx/en/diversity-inclusion/assets/women-unbound.pdf">est largement documenté</a>. Comme les entrepreneures sont moins présentes dans le secteur technologique, elles ont moins de chances de pouvoir bénéficier des investissements dirigés vers les compagnies et la recherche en STIM.</p>
<p><a href="https://www.theatlantic.com/magazine/archive/2014/05/the-confidence-gap/359815/">Il est évident que la transition numérique est indispensable à la survie durant cette époque</a>, et que les femmes entrepreneures ont besoin d’un soutien supplémentaire afin de mettre en place les solutions informatiques qui sont la <a href="https://www.ryerson.ca/diversity/news-events/2019/11/advancing-growth-through-inclusive-entrepreneurship-innovation/">clef de voûte des modèles d’affaires</a>. Elles sont également plus susceptibles de combiner des objectifs sociaux aux objectifs économiques, mais les entreprises opérant selon un modèle social sont généralement oubliées dans le brouhaha de la recherche, de la commercialisation, et de l’innovation.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/342279/original/file-20200616-23217-1d2r5ea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/342279/original/file-20200616-23217-1d2r5ea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/342279/original/file-20200616-23217-1d2r5ea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/342279/original/file-20200616-23217-1d2r5ea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/342279/original/file-20200616-23217-1d2r5ea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/342279/original/file-20200616-23217-1d2r5ea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/342279/original/file-20200616-23217-1d2r5ea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les femmes propriétaires de petites entreprises n’ont pas toujours accès au mentorat ou aux incubateurs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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</figure>
<p>Afin que les cheffes d’entreprise puissent réussir dans divers environnements, elles ont besoin d’une aide qui leur soit spécifique : un accès aux incubateurs, au mentorat, ainsi qu’à la <a href="https://www.ryerson.ca/content/dam/diversity/reports/5515_TELFER-Orser-Inclusive-Innovation-report_0419_final-aoda.pdf">formation et au soutien opérationnel</a>. Ces besoins distincts ne sont pas seulement le résultat d’inégalités structurelles, mais également le produit de la socialisation des femmes et des filles, de la nature genrée de l’entrepreneuriat, et du manque de modèles à émuler.</p>
<p>Les entrepreneures ont un besoin urgent d’accompagnement personnalisé, ainsi que d’une forme de mentorat allant au-delà d’une assistance technique et financière pour aboutir à un soutien émotionnel et social afin de pouvoir <a href="https://wekh.ca/wp-content/uploads/2020/05/WEKH_The_Impact_of_COVID-19_on_Women_Entrepreneurs-1.pdf">naviguer la réalité de l’ère post Covid-19</a>.</p>
<h2>La voix des femmes n’est pas écoutée</h2>
<p><a href="https://www.forbes.com/sites/victoriaforster/2020/04/14/women-are-leading-canadas-public-health-response-to-the-coronavirus-covid-19-outbreak/#398e88d464ae">Bien que les femmes se soient retrouvées en première ligne de la bataille sanitaire</a> pour faire face à la Covid-19 au Canada et dans le reste du monde, leur voix est étrangement absente des discussions portant sur la reprise économique. Nous avons assisté au renouveau choquant de panels exclusivement masculins et à leurs « mecsplications » — un homme qui explique à une femme ce qu’elle connaît mieux que lui — par des pontes qui ont royalement ignoré les perspectives de la moitié de la population canadienne, et sont insensibles aux défis spécifiques des femmes entrepreneures.</p>
<p>Je travaille auprès du <a href="https://wekh.ca/?lang=fr">portail de connaissances pour les femmes en entrepreneuriat</a> qui dirige le travail consacré aux impacts de la Covid-19 et canalise les rétroactions en provenance de plus de 200 organismes de soutien aux entreprises. Ce portail propose les recommandations suivantes visant à soutenir les femmes entrepreneures :</p>
<ul>
<li><p>La mise en place d’une vision genrée et tenant compte de la diversité afin de recueillir les données disparates sur les impacts du Covid-19, ainsi que sur l’efficacité des programmes de soutien à entrepreneuriat.</p></li>
<li><p>S’assurer que la définition de l’entrepreneuriat comprenne l’ensemble des propriétaires de PME et des travailleuses autonomes et inclut tous les secteurs d’activité, y compris ceux des services, des arts et des entreprises à vocation sociale.</p></li>
<li><p>L’utilisation <a href="https://www.ryerson.ca/content/dam/diversity/reports/social-innovation-shaping-canadas-future.pdf">d’approches innovantes, telles que le financement participatif, les microprêts, le conseil personnalisé, le mentorat et le parrainage</a>.</p></li>
<li><p>Le redoublement des efforts afin de faire progresser la discrimination positive et un accès privilégié des femmes et autres groupes aux contrats publics.</p></li>
<li><p>Le renforcement des <a href="https://fsc-ccf.ca/fr/research/bridging-the-digital-skills-gap-alternative-pathways/">programmes de littératie financière et numérique</a> afin d’inciter les femmes à se tourner vers le financement sur plate-forme numérique, sur l’incorporation et l’exportation, tout en fournissant le capital humain nécessaire au soutien à la recherche et au développement ainsi qu’à l’implantation.</p></li>
<li><p>Faire attention aux structures de soutien, comme l’accès à des services abordables de garde d’enfants. Comme l’a dit l’économiste Armine Yalnizyan : « Il n’y aura pas de reprise sans une elle-reprise, et pas de elle-reprise sans aide à l’enfance ». Les experts soutiennent que l’aide à l’enfance devrait être classée parmi les services essentiels. De même, l’aide à l’éducation à domicile est indispensable, <a href="https://www.ryerson.ca/diversity/research/studybuddy/">particulièrement pour les femmes issues de l’immigration</a>.</p></li>
</ul>
<p>Alors que le Canada fait face à la pandémie, nous courons le risque de perdre les acquis dans les domaines du genre et de la diversité. Les entreprises dirigées par des femmes représentent un pourcentage toujours croissant des nouvelles start-up au Canada, mais il s’agit d’entreprises plus jeunes et plus fragiles que celles dirigées par des hommes. Il est plus que jamais indispensable de se concentrer sur les femmes et les autres groupes sous-représentés, et de cultiver leurs microentreprises afin d’assurer leur croissance.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141660/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Wendy Cukier reçoit des fonds du CRSH, du gouvernement du Canada, du gouvernement de l'Ontario et de plusieurs autres organismes. ITAC, Metrolinx, TD Financial Services. Wendy Cukier dirige, en collaboration avec le Brookfield Institute et la Ted Rogers School of Management, le tout nouveau Women Entrepreneurship Knowledge Hub, financé par le gouvernement du Canada.</span></em></p>Alors que le Canada réagit à la pandémie, les femmes qui dirigent des entreprises perdent du terrain dans leur bataille pour l’égalité.Wendy Cukier, Professor, Ted Rogers School of Management, Toronto Metropolitan UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1371242020-04-28T19:32:19Z2020-04-28T19:32:19ZMédicaments : une pénurie si prévisible…<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/330359/original/file-20200424-163083-mzr56g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=58%2C126%2C6445%2C4202&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Axyntis n'a pas attendu la crise pour jouer la carte de la souveraineté nationale. </span> <span class="attribution"><span class="source">Axyntis</span></span></figcaption></figure><p><em><strong>Les politiques de délocalisations ont conduit la France dans une situation de pénurie, y compris de médicaments. Alors que certains s’en étonnent, d’autres comme David Simonnet, l’ont anticipé et en ont profité pour développer des stratégies alternatives et un modèle managérial plus responsable qui pourrait désormais faire des émules.</strong></em></p>
<hr>
<p>PDG du groupe Axyntis, une ETI française du secteur de la chimie, David Simonnet défend un modèle alternatif qui prend le contrepied ses principaux dogmes à la mode dans cette industrie. Répondant en 2017 à l’invitation de l’École de Paris du management qui l’avait convié à venir débattre de sa démarche entrepreneuriale, il expliquait alors :</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/330348/original/file-20200424-163067-1yevwhe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/330348/original/file-20200424-163067-1yevwhe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/330348/original/file-20200424-163067-1yevwhe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/330348/original/file-20200424-163067-1yevwhe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/330348/original/file-20200424-163067-1yevwhe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/330348/original/file-20200424-163067-1yevwhe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/330348/original/file-20200424-163067-1yevwhe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">David Simmonet.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Axyntis</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>« Chaque année des dizaines de médicaments connaissent des ruptures d’approvisionnement. Pour des molécules complexes, utilisées notamment en milieu hospitalier, cela peut conduire à des situations dramatiques. Sachant que 80 % des médicaments vendus en Europe contiennent des principes actifs importés d’Inde ou de Chine, cela pose la question de la souveraineté nationale en termes d’accès aux médicaments. Lors de la crise de la grippe aviaire, le gouvernement a souhaité disposer de grandes quantités de Tamiflu. Découvrant qu’il n’existait pas de capacités industrielles en France, il n’a pas eu d’autre solution que de négocier avec le groupe suisse Roche. »</em></p>
<p>La pénurie actuelle n’est donc pas une surprise puisque David Simonnet a pu la théoriser et saisir ce désengagement généralisé des industriels comme une opportunité stratégique : celle de reprendre des sites industriels et le personnel compétent laissés de côté pour constituer un groupe au modèle stratégique et managérial radicalement différent : ce sera le groupe Axyntis.</p>
<h2>Un stratège et un financier créatif</h2>
<p>Rien pourtant dans le pedigree de David Simonnet ne le prédestinait à diriger une ETI dans la chimie. Après un diplôme de l’Essec et un passage dans un cabinet de conseil en stratégie, il rejoint la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE) où il reste 10 ans. Il s’y prend de passion pour la chimie, secteur souvent mal considéré en France, mais dans lequel il voit de belles perspectives quand on sait saisir les opportunités. Il crée alors à 37 ans sa propre entreprise dans le secteur.</p>
<p>Financier créatif, il monte une opération originale d’acquisition par emprunt (LBO) en syndiquant sa dette auprès de plusieurs banques, puis convainc un fonds d’appuyer la démarche. Cela lui permet d’acheter cinq PME en 2007 pour créer le groupe Axyntis. Lors de la crise de 2008-2009, le carnet de commande s’effondre, et le groupe aurait été emporté s’il n’avait convaincu dès 2007 les fonds et les banques du bien-fondé d’une stratégie alternative à moyen terme.</p>
<p>Passé l’obstacle de la crise de 2008, le groupe reprend en effet la croissance grâce à une diversification vers des produits à plus haute valeur ajoutée, un développement international au Japon et aux États-Unis, ainsi que par une politique d’acquisitions d’entreprises facilitée par le désengagement massif des groupes chimiques et pharmaceutiques. Il rachète par exemple en 2016 l’activité chimie fine de 3M, ce qui permet doter son groupe de nouveaux moyens d’innovation.</p>
<p>Se positionnant sur des marchés de niche, avec cinq usines et quatre centres de R&D implantés dans cinq régions françaises – là encore une hérésie pour les tenants des effets d’échelle – le groupe passe rapidement de 50 à 90 millions d’euros et de 310 à 460 salariés. Le groupe exporte aujourd’hui plus de 70 % de sa production.</p>
<p>Soucieux de garder son autonomie stratégique, il met un terme au LBO en 2015 en faisant appel à un partenaire japonais, Fuji Silysia, groupe familial qui cherche à dupliquer ses activités dans une autre partie du monde afin de diversifier ses sources de production. Le montage est une fois encore original : chaque partenaire possède 50 % du capital.</p>
<p>Le pacte d’actionnaire accorde à David Simonnet le contrôle sur les choix stratégiques et opérationnels du groupe. Il peut ainsi continuer dans une voie que le journal Chimie Pharma Hebdo présentait dès 2012 comme « témoignant de la résistance des entreprises de taille intermédiaire face à l’érosion de l’emploi industriel ».</p>
<h2>La souveraineté nationale comme axe stratégique</h2>
<p>Les groupes pharmaceutiques qui délocalisent leurs sites industriels ont découvert, mais un peu tard, la face cachée des délocalisations. Ils voulaient alléger la partie la plus capitalistique de leur bilan, externaliser le risque industriel, voire le risque social, et réduire les coûts d’achat. Ils ont constaté les difficultés les bénéfices moindres que prévus et les coûts cachés : délais de livraison, risque sur leur réputation en cas de rupture de fourniture, défaut de qualité, et perte de marge sur le produit fini.</p>
<p>Le groupe Axyntis a mis en place une veille sur les ruptures de médicaments et fabrique en France les matières actives à usage pharmaceutique en situation de pénurie. Lorsqu’un de ses clients souhaite relocaliser un produit, il privilégie les relations de long terme ce qui lui évite de ne servir que de « roue de secours » en phase de pénurie. La volonté de servir une cause n’exclut pas la prudence…</p>
<p>Pour David Simonnet les entreprises françaises et européennes ont une carte importante à jouer, d’autant qu’on assiste, en Chine et en Inde, à l’émergence d’une classe moyenne ayant les mêmes exigences que la population occidentale en termes de qualité des médicaments.</p>
<h2>Un autre modèle managérial</h2>
<p>L’implantation du groupe dans plusieurs territoires résulte d’une politique sociale ambitieuse. Pour David Simonnet, la stabilité des collaborateurs est indispensable dans une entreprise dont les usines exigent des savoir-faire et une expérience qui s’acquièrent dans la durée. La quasi-totalité des salariés d’Axyntis (97 %) bénéficient ainsi d’un CDI. Même s’il a dû adapter l’organisation d’un service ou d’une usine, il n’a jamais recouru à un plan de sauvegarde de l’emploi.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/330355/original/file-20200424-163122-1jpny33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/330355/original/file-20200424-163122-1jpny33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/330355/original/file-20200424-163122-1jpny33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/330355/original/file-20200424-163122-1jpny33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/330355/original/file-20200424-163122-1jpny33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=381&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/330355/original/file-20200424-163122-1jpny33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=381&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/330355/original/file-20200424-163122-1jpny33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=381&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Chez Axyntis, presque tous les salariés sont en CDI.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Axyntis</span></span>
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<p>En prenant la tête du groupe, il constaté qu’il n’y avait pas une seule femme dans les fonctions de direction. Il a ainsi décidé d’aller vers la parité. Chaque année, il propose à au moins deux collaboratrices des formations en MBA à l’ESSEC, à HEC ou à Sciences Po. Comme le souligne David Simonnet :</p>
<blockquote>
<p>« Cela représente un coût non négligeable, mais, d’une part, le résultat est extraordinaire en termes de management, et, d’autre part, c’était indispensable vis-à-vis de nos clients qui, comme L’Oréal, exigent la mise en œuvre de politiques RSE innovantes. »</p>
</blockquote>
<p>Mais comment attirer dans des villes petites ou moyennes des talents courtisés par les entreprises ? À cette question, David Simonnet apporte plusieurs éléments de réponse :</p>
<blockquote>
<p>« Quelqu’un qui se passionne pour la chimie sait qu’il ne pourra pas exercer son métier à Paris, ni même en Île-de-France. Il est donc préparé à une certaine mobilité, et les rémunérations du secteur de la chimie sont très attractives lorsqu’on s’installe dans une ville de taille moyenne. Et nous acceptons une part de plus en plus importante de télétravail. »</p>
</blockquote>
<p>David Simonnet a été récemment interrogé par les médias sur la façon dont il a su développer des fabrications en France quand les chimistes désertaient notre territoire. Gageons que la crise du coronavirus va susciter un intérêt renouvelé pour ses choix stratégiques et la manière de les mettre en œuvre.</p>
<p>À moins que la crise économique n’engendre une guerre des prix et accentue encore davantage les différences entre les deux modèles…</p>
<hr>
<p><em>Pour en savoir plus : <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/1244-axyntis-batir-un-leader-de-la-chimie-fine-en-voyant-loin">Axyntis : bâtir un leader de la chimie fine en voyant loin</a>. Retrouvez toutes les initiatives de la série « Le Jardin des entreprenants » en cliquant <a href="https://theconversation.com/fr/topics/le-jardin-des-entreprenants-79569">ici</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137124/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et animateur du Jardin des entreprenants</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christophe Deshayes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le groupe Axyntis, une ETI de la pharmacie, a mis en place une veille sur les ruptures d'approvisionnement et a opté pour une stratégie à rebours du mouvement de délocalisation dans son secteur.Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines ParisChristophe Deshayes, Chercheur en résidence, L'École de Paris du ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1321482020-02-25T15:15:30Z2020-02-25T15:15:30ZProgrès ou pinkwashing : à qui profitent les fonds d'investissement destinés aux femmes ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/316930/original/file-20200224-24680-10aahof.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les fonds destinés aux femmes visent soi-disant à mettre fin à l’écart entre les sexes dans le monde entrepreneurial. Mais de nombreux investisseurs, en majorité des hommes fortunés, considèrent encore les femmes entrepreneures comme peu compétentes et pratiquent ce que l’on appelle le pinkwashing, ou capital rose.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’essor des fonds d’investissement destinés aux femmes laisse croire que l’écart entre les sexes dans l’apport de capital financier s’atténue.</p>
<p>Le financement en capital est l’argent que les prêteurs et les actionnaires fournissent à une entreprise.</p>
<p>Une étude que j’ai récemment menée avec <a href="https://www.researchgate.net/profile/Susan_Coleman">Susan Coleman</a>, de l’Université de Hartford aux États-Unis, et la doctorante <a href="https://www.researchgate.net/profile/Yanhong_Li18">Yanhong Li</a>, de l’Université d’Ottawa, a permis d’observer la manière dont on décrit les femmes entrepreneures dans les <a href="https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs11187-019-00302-1">fonds destinés aux femmes</a>. Nous avons examiné 27 fonds nord-américains.</p>
<p>Des <a href="https://doi.org/10.1111/jsbm.12473">études internationales</a> montrent que le découragement des emprunteurs et le rejet informel de la part d’investisseurs potentiels dissuadent de nombreuses femmes de demander des prêts lorsqu’elles lancent une entreprise.</p>
<p>Les investisseurs en actions sont traditionnellement des hommes fortunés. Ils sont portés à investir auprès de propriétaires d’entreprises qui pensent comme eux et leur ressemblent, renforçant ainsi les stéréotypes sexistes. Les femmes et leurs entreprises peuvent être considérées comme trop féminines, et donc moins intéressantes du point de vue de l’investissement. Les innovations qui profitent aux femmes et aux filles peuvent également être perçues comme moins attrayantes.</p>
<p>Nous avons cherché à savoir si les fonds destinés aux femmes visent véritablement à accroître l’égalité des sexes ou plutôt à créer de la richesse pour les investisseurs. Nous avons été surprises de découvrir que peu de fonds remettent en cause les contraintes institutionnelles qui freinent les femmes entrepreneures et que certains renforcent même les stéréotypes de genre par leur façon de présenter les prétendues lacunes des femmes en entrepreneuriat.</p>
<h2>Le capital rose</h2>
<p>Pour nos besoins, nous avons défini le « capital rose » comme du financement que l’on destine aux femmes uniquement à des fins de marketing. Il s’agit en général de la création de fonds dédiés aux femmes comme complément aux services financiers classiques, plutôt que d’un désir de faire du soutien aux femmes un élément central de la mission d’un organisme.</p>
<p>D’autres constats devraient intéresser les investisseurs potentiels. Peu de ces fonds font l’objet de vérifications par une tierce partie. Il n’existe que peu d’informations en ligne sur leurs performances. Il est souvent difficile de discerner leur gouvernance de leur structure de propriété. L’absence de normes de déclaration peut refléter le fait que ce marché de capitaux n’en est encore qu’à ses débuts.</p>
<p>Les défis stéréotypés auxquels sont confrontées les femmes, comme l’incapacité à accéder à du capital financier et le besoin de soutien émotionnel et social, sont souvent amplifiés pour légitimer les fonds. Les femmes sont décrites comme étant peu enclines à prendre des risques, moins performantes et manquant de contacts professionnels et de modèles.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/315951/original/file-20200218-11040-nlwlzi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/315951/original/file-20200218-11040-nlwlzi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/315951/original/file-20200218-11040-nlwlzi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/315951/original/file-20200218-11040-nlwlzi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/315951/original/file-20200218-11040-nlwlzi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/315951/original/file-20200218-11040-nlwlzi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/315951/original/file-20200218-11040-nlwlzi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les stéréotypes persistent parmi les investisseurs en actions, dont certains considèrent les femmes entrepreneuses comme étant peu portées à prendre des risques et nécessitant un soutien émotionnel.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<p>En revanche, certains fonds se concentrent sur le développement communautaire, la connaissance des investissements et le contournement des préjugés sexistes, offrant une perspective positive plutôt qu’un effort pour remédier à la situation des femmes.</p>
<p>Les conclusions de notre étude suscitent à la fois optimisme et scepticisme pour ce qui est de savoir si l’égalité est au cœur de ces fonds.</p>
<p>Nous concluons que seule une minorité de fonds cherche à contrer les obstacles structurels d’accès au financement que rencontrent les femmes, comme la préférence d’investir dans des entreprises et des secteurs dominés par les hommes. La plupart des fonds sont positionnés de manière à faciliter la création de la richesse individuelle. Et peu de fonds priorisent les femmes autochtones et d’autres femmes sous-représentées par rapport aux femmes blanches privilégiées.</p>
<h2>Un peu de lumière</h2>
<p>Parallèlement, les fonds dédiés aux femmes créent de nouveaux espaces qui permettent aux femmes investisseuses et propriétaires de petites entreprises de faire des choix en fonction de leurs valeurs, de leurs connaissances financières et de leurs capacités d’investissement.</p>
<p>Nous allons bientôt célébrer la Journée internationale des droits des femmes, et des centaines d’investisseuses et de femmes propriétaires de petites entreprises se réuniront à Toronto le 9 mars pour le sommet mondial du <a href="https://sheeo.world/fr/">SheEO</a>. L’objectif de <a href="http://www.vickisaunders.com/bio">Vicki Saunders</a>, la fondatrice, est de mobiliser les capitaux, le pouvoir d’achat et les réseaux d’un million de bénévoles pour financer 10 000 entreprises dirigées par des femmes.</p>
<p>Aux États-Unis, Alicia Robb, PDG fondatrice de <a href="https://nextwaveimpact.com/">Next Wave Impact</a>, s’efforce de réduire le déséquilibre entre les sexes dans l’investissement providentiel et d’éduquer les femmes investisseuses. <a href="https://www.digitalundivided.com/about">Kathryn Finney</a>, PDG fondatrice de Digitalundivided, se concentre exclusivement sur le financement d’entreprises fondées aux États-Unis par des femmes noires et latino-américaines. Le <a href="https://www.ccab.com/indigenous-women-entrepreneurship-fund/">Fonds pour l’entrepreneuriat des femmes autochtones</a> avance des capitaux pour des entreprises autochtones au Canada.</p>
<p>Certains fonds, tels que Next Wave Impact, bouleversent le statu quo de l’investissement institutionnel en mettant en place un engagement de la base ainsi que des réseaux de femmes entrepreneures et d’investisseurs centrés sur la parité des sexes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/315754/original/file-20200217-10980-v3w0zz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C840%2C5701%2C2974&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/315754/original/file-20200217-10980-v3w0zz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/315754/original/file-20200217-10980-v3w0zz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/315754/original/file-20200217-10980-v3w0zz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/315754/original/file-20200217-10980-v3w0zz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/315754/original/file-20200217-10980-v3w0zz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/315754/original/file-20200217-10980-v3w0zz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Certains fonds ont ciblé des entreprises dédiées ou détenues par des femmes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Christina Wocintechchat/Unsplash)</span></span>
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<p>Ces agents de changement sont des exemples de <a href="https://www.feministforums.com/what-is-entrepreneurial-feminism.html">féminisme entrepreneurial</a> sur le marché croissant des fonds destinés aux femmes. Les investissements privilégient les entreprises dédiées aux femmes, détenues et dirigées par celles-ci ainsi que les entrepreneures.</p>
<h2>A qui cela profite-t-il ?</h2>
<p>C’est la question que les investisseurs devraient se poser avant de supposer que des fonds destinés aux femmes servent des visées inclusives.</p>
<p>Si le pinkwashing peut être acceptable pour certains, la transparence est nécessaire pour prendre des décisions d’investissement en connaissance de cause. Pour reconnaître le pinkwashing, les investisseurs et les entrepreneurs sont encouragés à examiner la structure de gouvernance des fonds et à se demander : « Qui semble bénéficier du fonds et comment ? »</p>
<p>On peut également tenter de déterminer si le fonds contribue à élargir l’écosystème entrepreneurial de façon à profiter aux entrepreneures femmes et non-binaires, ou si le fonds sert à perpétuer les stéréotypes et les contraintes implicites dans les écosystèmes existants.</p>
<p>Notre étude laisse voir qu’un nombre croissant de fonds d’investissement décrits comme « dédiés aux femmes » ne le sont pas réellement dans la pratique.</p>
<p>À la lumière de ces constatations, il est essentiel que les investisseurs et les entrepreneurs fassent preuve de diligence raisonnable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132148/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Barbara Jayne Orser ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les fonds destinés aux femmes visent à mettre fin à l’écart entre les sexes dans le monde entrepreneurial. Mais de nombreux investisseurs considèrent encore les entrepreneures comme peu compétentes.Barbara Jayne Orser, Full Professor, Deloitte Professor in the Management of Growth Enterprises, L’Université d’Ottawa/University of OttawaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.