tag:theconversation.com,2011:/us/topics/fatah-82119/articlesFatah – The Conversation2023-02-08T19:51:07Ztag:theconversation.com,2011:article/1990422023-02-08T19:51:07Z2023-02-08T19:51:07ZLa jeunesse palestinienne : du désespoir à la violence<p>Au Proche-Orient, l’année 2023 débute dans la violence et fait craindre une escalade. Le 26 janvier, neuf Palestiniens meurent dans le camp de Jénine suite à un <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/01/27/a-jenine-recit-d-un-assaut-israelien-meurtrier_6159551_3210.html">raid de l’armée israélienne</a> présenté par Tsahal comme une opération visant à « briser l’insurrection naissante ». Le 27 janvier, le Hamas riposte avec des tirs de roquettes, auxquels l’armée israélienne réplique le jour même avec des <a href="https://www.france24.com/fr/moyen-orient/20230127-isra%C3%ABl-m%C3%A8ne-des-frappes-%C3%A0-gaza-apr%C3%A8s-des-tirs-de-roquettes-imput%C3%A9s-au-hamas">frappes sur Gaza</a> qui tuent au moins dix Palestiniens. </p>
<p>Plus tard dans la même journée, un Palestinien de 21 ans <a href="https://www.bfmtv.com/international/moyen-orient/israel/7-morts-dans-une-fusillade-pres-d-une-synagogue-a-jerusalem-est-l-assaillant-neutralise_AD-202301270737.html">ouvre le feu près d’une synagogue à Jérusalem-Est</a>. Il tue sept civils avant d’être abattu. Le lendemain, deux Israéliens sont blessés par un Palestinien de 13 ans dans une <a href="https://www.lexpress.fr/monde/proche-moyen-orient/israel-attentats-contre-une-synagogue-a-jerusalem-est-la-bande-de-gaza-bombardee-J2MHB5QDSFA4VFM6TOEJOMQMQE/">nouvelle fusillade</a> à Jérusalem-Est.</p>
<p>Dans cette énième escalade de violence, un fait attire particulièrement l’attention : l’âge des assaillants palestiniens. À 21 ans et 13 ans, comment ont-ils pu en arriver là ? En Palestine, la nouvelle génération est encore plus désespérée que les précédentes. La jeunesse n’a plus d’espoir auquel se raccrocher : elle ne croit ni à une solution politique, ni à une quelconque façon d’obtenir une paix durable, ni à un soutien réel sur la scène internationale. Cette absence de perspectives est une explication majeure au fait que certains vont jusqu’à prendre les armes.</p>
<h2>Absence d’espoir politique</h2>
<p>Jadis, <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/2004/11/05/l-incarnation-d-un-reve-un-palestinien_385818_1819218.html">Yasser Arafat incarnait l’espoir</a> aux yeux des Palestiniens. Ils admiraient leur leader et lui faisaient confiance pour trouver une solution politique au conflit avec Israël. Cette période est depuis longtemps révolue et la jeunesse palestinienne n’a plus aucun espoir politique. </p>
<p>En Palestine, les <a href="https://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2006/01/26/victoire-des-islamistes-du-hamas-aux-elections-palestiniennes_734705_3208.html">dernières élections datent de 2006</a>. Le Hamas (parti islamiste qui prône la résistance armée) avait remporté les élections contre le Fatah (parti nationaliste laïque présidé par Mahmoud Abbas). Les élections s’étaient déroulées de manière démocratique et Abbas avait reconnu le leader du Hamas comme premier ministre.</p>
<p>Pourtant, les Américains et les Européens ont finalement <a href="https://www.lesechos.fr/2006/02/lembarrassante-victoire-du-hamas-1068903">refusé de reconnaître un gouvernement conduit par une entité considérée comme terroriste</a>) et menacé de couper les aides. Depuis, la Palestine est paralysée et divisée politiquement. <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/autorite-palestinienne/">L’Autorité palestinienne</a> administre, tant bien que mal, la Cisjordanie ; et le Hamas gère Gaza, une <a href="https://www.cairn.info/revue-tumultes-2011-2-page-125.htm">« prison à ciel ouvert »</a>. Il arrive aux deux camps de violemment <a href="https://www.lalibre.be/dernieres-depeches/afp/2017/11/29/la-quasi-guerre-civile-de-2007-entre-le-hamas-et-le-fatah-Y4EHUOFM4BB3REMCDQAKWHDUXU/">s’affronter entre eux</a>.</p>
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<p>Dans cette impasse politique, les jeunes Palestiniens entre 18 et 35 ans n’ont jamais voté. À leurs yeux, la <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1262956/en-cisjordanie-une-jeunesse-en-rupture-avec-son-leadership.html">classe politique est illégitime</a>, l’Autorité palestinienne est une coquille vide, et il n’y a pas de solution politique en perspective. Mahmoud Abbas, qui à 87 ans préside l’AP depuis 17 ans, est perçu comme un leader autoritaire qui s’accroche au pouvoir et accusé d’<a href="https://www.letemps.ch/monde/mahmoud-abbas-dirigeant-fantome">immobilisme</a>. Pour les jeunes, il est celui qui n’a rien fait pour mettre fin à la colonisation, aux privations de liberté, aux violations des droits de l’homme, et aux humiliations qu’ils subissent depuis leur naissance.</p>
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<p>La nouvelle génération s’est aussi lassée des partis politiques. Les jeunes ne font plus confiance au Fatah, fondé par Arafat, pour faire changer les choses. Pendant un temps, cela a donné un <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/israel-palestine/israel-palestine-le-fatah-a-abandonne-la-resistance-le-hamas-gagnant-aupres-des-jeunes-en-cisjordanie_4640941.html">avantage au Hamas</a> qui se présentait comme la véritable résistance face à Israël. Aujourd’hui, la nouvelle génération scande <a href="https://www.lepoint.fr/monde/ni-hamas-ni-fatah-beita-laboratoire-de-la-contestation-palestinienne-25-08-2021-2440141_24.php">« ni Fatah, ni Hamas »</a>.</p>
<p>La dernière lueur d’espoir politique s’est éteinte lorsque Mahmoud Abbas a annoncé <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/04/30/les-elections-palestiniennes-reportees-tant-que-la-tenue-du-scrutin-n-est-pas-garantie-a-jerusalem_6078570_3210.html">l’annulation des législatives</a> prévues le 22 mai 2021.</p>
<h2>Absence d’espoir de négociations et de paix</h2>
<p>En 1993, la signature des <a href="https://mjp.univ-perp.fr/constit/ps1993.htm">accords d’Oslo</a> incarnait l’espoir d’une paix israélo-palestinienne. Aujourd’hui, les moins de 30 ans sont nés après la signature des accords, et les perspectives de paix se sont éloignées.</p>
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<p>Dans l’ère post-Oslo, rien n’a encouragé la jeunesse palestinienne à croire aux négociations. Les accords prévoyaient une période transitoire de cinq ans qui devait permettre de résoudre les questions clés comme la colonisation, les frontières ou les réfugiés. Cette période de transition n’a jamais été dépassée et le statu quo, défavorable aux Palestiniens, a été entériné de fait. Bill Clinton en 2000, puis Barack Obama en 2014, ont essayé de faciliter des négociations, sans succès.</p>
<p>Depuis, les pourparlers sont à l’arrêt, et des vagues de violences ressurgissent régulièrement (<a href="https://www.lepoint.fr/monde/israel-palestine-les-raisons-de-la-colere-06-10-2015-1971222_24.php">2015</a>, <a href="https://www.france24.com/fr/20170721-esplanade-mosquees-tension-affrontement-israeliens-palestinien-portique-securite">2017</a>, <a href="https://theconversation.com/conflit-israelo-palestinien-les-raisons-du-regain-de-violence-160893">2021</a>, etc.). Ces derniers jours, Abbas a même annoncé la <a href="https://www.leparisien.fr/international/raid-a-jenine-lautorite-palestinienne-met-fin-a-sa-coordination-securitaire-avec-israel-26-01-2023-233UII27WJCITHXGY5GWOSWEVM.php">fin de la coopération sécuritaire avec Israël</a>, qui tenait pourtant depuis Oslo.</p>
<p>Du côté israélien, depuis 1996, Benyamin Nétanyahou, qui vient d’être réélu premier ministre, et son parti, le Likoud, n’ont cessé de se renforcer, contribuant à <a href="https://www.sudouest.fr/international/moyen-orient/elections-en-israel-qui-est-netanyahu-de-soldat-a-plus-jeune-premier-ministre-israelien-voici-son-profil-12829535.php">enterrer l’espoir d’une solution</a> par le biais de négociations. L’élection de Nétanyahou en 1996 a mis un coup d’arrêt aux progrès d’Oslo. C’est lui qui a suspendu les pourparlers en 2014, et certains, comme son opposant Yaïr Lapid, estiment qu’il « <a href="https://www.challenges.fr/monde/netanyahu-n-a-aucune-intention-de-negocier-avec-les-palestiniens-chef-de-l-opposition_727220">n’a aucune intention</a> de négocier avec les Palestiniens ». </p>
<p>Dans les faits, Nétanyahou, n’a effectivement pas mené une politique d’apaisement propice aux négociations, bien au contraire. D’une part, il se positionne en <a href="https://www.france24.com/fr/20190912-legislatives-israel-benjamin-netanyahu-securite-campagne-strategie-trump-likoud">garant de la sécurité de l’État hébreu</a> et renforce le dispositif sécuritaire israélien, ce qui implique de continuer à insister sur la « dangerosité » des Palestiniens, une rhétorique qui ne permet pas d’envisager des négociations. </p>
<p>D’autre part, il <a href="https://www.sudouest.fr/international/conflit-israelo-palestinien-netanyahu-promet-d-annexer-une-partie-de-la-cisjordanie-s-il-est-reelu-2487243.php">soutient activement la colonisation</a>.Dans les années 1990, moins de 100 000 colons vivaient en Cisjordanie ; aujourd’hui, ils sont <a href="https://www.un.org/unispal/fr/faits-et-chiffres/">plus de 600 000</a>. Or, plus il y aura de colons en Cisjordanie, plus une <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2017/02/KERRY/57104">solution à deux États sera difficile</a> à mettre en œuvre.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/colonisation-des-territoires-palestiniens-quelles-consequences-peut-entrainer-louverture-de-lenquete-de-la-cpi-156890">Colonisation des territoires palestiniens : quelles conséquences peut entraîner l’ouverture de l’enquête de la CPI ?</a>
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<p>Dans ces conditions, l’espoir de négociations est mince. Ce qui ne risque pas de s’arranger avec le nouveau <a href="https://www.carep-paris.org/publications/lendemain-delections-en-israel-un-gouvernement-dultra-droite-face-a-une-opposition-eparpillee/">gouvernement « d’ultra-droite »</a> nommé en décembre 2022 par Nétanyahou. Un gouvernement qui soutient vivement la colonisation, qui a assoupli les critères pour le port d’armes pour les civils israéliens et qui a lancé une opération, <a href="https://www.i24news.tv/fr/tags/operation-briser-la-vague">« Briser la vague »</a>, censée « mater l’insurrection naissante » dans les territoires palestiniens.</p>
<h2>Absence d’espoir de soutien international</h2>
<p>Fut un temps, le conflit israélo-palestinien était un dossier que les leaders des grandes puissances rêvaient de résoudre et la cause palestinienne était soutenue, surtout par le monde arabe. Progressivement, c’est devenu un poids pour ceux qui s’y frottent, notamment pour ceux qui ont intérêt à s’entendre avec Israël stratégiquement ou économiquement. Alors, le <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/05/20/israel-palestine-le-prix-de-l-oubli_6080784_3232.html">dossier a été mis au placard</a> et aujourd’hui la jeunesse palestinienne n’a plus l’espoir qu’une solution vienne de la communauté internationale.</p>
<p>Pendant longtemps, la cause palestinienne a uni le monde arabe. On parlait même de <a href="https://www.cairn.info/les-origines-du-conflit-israelo-arabe-1870-1950%E2%80%939782130794899.htm?ora.z_ref=cairnSearchAutocomplete">conflit israélo-arabe</a>. Cependant, ce soutien s’est progressivement délité. Un délitement qui s’est cristallisé en 2020 par la <a href="https://www.la-croix.com/Monde/normalisation-relations-entre-Israel-pays-arabes-peut-elle-etre-perenne-2021-01-07-1201133614">« normalisation » des relations</a> entre Israël et plusieurs pays arabes (Émirats arabes unis, Bahreïn, Maroc et Soudan).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ce-que-change-laccord-de-cooperation-securitaire-entre-le-maroc-et-israel-178335">Ce que change l’accord de coopération sécuritaire entre le Maroc et Israël</a>
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<p>Le peuple palestinien se sent abandonné. Il ne lui reste plus que quelques alliés, dont la <a href="https://www.middleeasteye.net/fr/decryptages/hamas-syrie-decision-retablir-liens-assad-suscite-controverse">Syrie</a> ou <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/05/18/le-savoir-faire-iranien-au-service-des-factions-palestiniennes-de-gaza_6080584_3210.html">l’Iran</a>, qui sont presque des « amis empoisonnés ». </p>
<p>Les États-Unis sont des alliés privilégiés d’Israël. Toutefois, ils ont régulièrement tenté de jouer un rôle de médiateur afin de résoudre le conflit. Une posture à laquelle Donald Trump <a href="https://theconversation.com/conflit-israelo-palestinien-le-cavalier-seul-de-donald-trump-131092">a mis un coup d’arrêt</a>. Après le déménagement de l’ambassade américaine à Jérusalem en 2020, il a présenté ce qu’il a appelé le « plan du siècle », un projet qui a été conçu <a href="https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/les-palestiniens-grands-absents-du-plan-de-paix-americain-1167006">sans les Palestiniens</a> et qui ne tenait pas compte de leurs revendications.</p>
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<h2>Du désespoir à la mobilisation et la violence</h2>
<p>Bilan : pas d’espoir politique, pas d’espoir de paix et pas d’espoir de soutien international. En parallèle : <a href="https://www.un.org/unispal/fr/faits-et-chiffres/">3 572 Palestiniens</a> ont été tués de 2011 à 2021 ; un mur de séparation de 712 km se construit en Cisjordanie ; 2 millions de Palestiniens vivent dans l’insécurité alimentaire et Israël contrôle 85 % des ressources palestiniennes en eau ; les <a href="https://www.btselem.org/freedom_of_movement/checkpoints_and_forbidden_roads">checkpoints</a> qui limitent la liberté de mouvement des Palestiniens se démultiplient ; 61 % du territoire de la Cisjordanie est interdit aux Palestiniens ; entre 2020 et 2021 <a href="https://www.ohchr.org/fr/press-releases/2022/03/special-rapporteur-situation-human-rights-occupied-palestinian-territories">967 structures</a> palestiniennes ont été démolies… et cet état des lieux n’est pas exhaustif.</p>
<p>Dans ces conditions, que peut-on attendre de la nouvelle génération palestinienne ? La jeunesse n’a plus vraiment d’autre choix que de se mobiliser par ses propres moyens, quels qu’ils soient.</p>
<p>Certains ont essayé de se mobiliser politiquement. En 2020, lorsque des élections législatives ont été annoncées, plusieurs <a href="https://www.terresainte.net/2021/06/la-jeunesse-palestinienne-a-la-recherche-dune-nouvelle-culture-politique/">listes de jeunes</a> se sont formées ; dont les listes « On en a assez » et « La génération du changement démocratique ». Cependant, leurs espoirs se sont écroulés avec l’annonce de l’annulation du scrutin.</p>
<p>Ce qui est plus inquiétant c’est que faute de perspective, de plus en plus de jeunes renouent avec la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/08/15/faute-d-horizon-politique-de-jeunes-palestiniens-renouent-avec-la-lutte-armee-contre-israel_6138068_3210.html">lutte armée</a>. Ils considèrent qu’ils n’ont plus rien à perdre et qu’il ne leur reste plus que les armes.</p>
<p>Les attaques commises ces derniers jours par des jeunes de 21 et 13 ans illustrent ce phénomène naissant. Naissant parce qu’il se pourrait que ce ne soit que la partie visible de l’iceberg. Des groupes armés comme les <a href="https://www.lexpress.fr/monde/en-cisjordanie-occupee-les-jeunes-lions-et-la-3e-intifada_2182310.html">Lions de Naplouse</a>, la <a href="https://www.chroniquepalestine.com/resistance-armee-se-developpe-en-cisjordanie/">Brigade de Balata</a> ou la Brigade de Jénine émergent dans les territoires palestiniens. Ces milices, contrairement à des groupes comme les martyrs d’Al-Aqsa (faction armée du Fatah), disent ne plus répondre à des décisions politiques ; et elles <a href="https://www.france24.com/fr/%C3%A9missions/focus/20221128-en-cisjordanie-de-nouvelles-milices-attirent-une-jeunesse-palestinienne-d%C3%A9sabus%C3%A9e">attirent toujours plus de jeunes</a> qui ne parviennent pas à envisager d’autres solutions.</p>
<p>Le chef de la Brigade de Jénine a déclaré : « Nous refusons cette vie qui n’est faite que d’humiliations. » Le ton est donné. Soit des perspectives de solutions parviennent à donner espoir aux jeunes Palestiniens désabusés, soit ils risquent, en masse, de prendre les armes, qu’ils voient comme leur dernier recours.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199042/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie Durrieu a reçu des financements de la DGRIS. </span></em></p>En l’absence d’espoir politique et de perspective de paix, et privée de soutien international, la jeunesse palestinienne risque de renouer avec la lutte armée.Marie Durrieu, Doctorante associée à l'Institut de Recherche Stratégique de l'École Militaire en science politique et relations internationales (CMH EA 4232-UCA), Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1627322021-06-15T16:58:29Z2021-06-15T16:58:29ZIsraël : le lourd héritage de Benyamin Nétanyahou<p>Le 36ᵉ gouvernement de l’histoire d’Israël vient d’être approuvé, avec la plus faible des marges, <a href="https://www.la-croix.com/nouveau-gouvernement-Israel-premier-sans-N%C3%A9tanyahou-12-ans-2021-06-14-1301161065">par 60 députés de la Knesset contre 59</a>.</p>
<p>Le nouveau premier ministre est le chef du parti national-religieux Yamina, <a href="https://www.bbc.com/news/world-middle-east-56969598">Naftali Bennett</a>. Cet ancien commandant d’une unité d’élite de l’armée, très religieux et entrepreneur à succès dans le domaine des technologies de pointe a été contraint de former un gouvernement d’union avec le centriste <a href="https://www.lefigaro.fr/international/en-israel-yair-lapid-artisan-de-la-chute-de-bibi-20210613">Yaïr Lapid</a>, chef du deuxième plus grand parti d’Israël, Yesh Atid.</p>
<p>Il est prévu dans l’accord passé entre ces formations que Lapid deviendra premier ministre en 2023. Les autres partenaires de la coalition sont deux partis de gauche, Meretz et le parti travailliste ; deux partis de droite, Tikva Hadasha (« Nouvel espoir ») et Israel Beiteinu (« Israël est notre maison »), ainsi que le parti centriste Bleu et Blanc de Benny Gantz.</p>
<p>À cet assemblage très hétérogène au niveau idéologique s’ajoute la Liste arabe unie (Ra’am), dirigée par <a href="https://www.jpost.com/israel-news/raam-head-mansour-abbas-we-are-fully-in-the-coalition-670952">Mansour Abbas</a>. Ce dernier est ainsi devenu, conformément à son plan stratégique, le premier chef de parti arabe à entrer dans un gouvernement israélien.</p>
<p>Sa décision signifie que de nombreux Israéliens arabes préfèrent se concentrer sur les priorités nationales, telles que la réduction de la criminalité et l’obtention rétrospective de <a href="http://www.dukepoliticalreview.org/israeli-arabs-and-building-permits-how-israelis-permitting-policy-perpetuates-the-conflict/">permis</a> légalisant des constructions illégales dans les villes arabes, plutôt que sur le nationalisme palestinien.</p>
<p>Les grands perdants sont les partis ultra-orthodoxes. Pour la première fois depuis de nombreuses années, ils se retrouvent <a href="https://www.nytimes.com/2021/06/06/world/middleeast/israel-ultra-orthodox-haredi.html">hors du gouvernement</a>, déconnectés de la source de financement public qui alimente depuis longtemps leurs instituts religieux et éducatifs.</p>
<h2>Les défis du nouveau gouvernement</h2>
<p>Les huit partis formant le gouvernement n’avaient qu’une seule chose en commun : leur détermination à évincer le premier ministre ayant détenu ce poste plus que quiconque depuis la création de l’État d’Israël, le charismatique <a href="https://www.bbc.com/news/world-middle-east-57306615">Benyamin « Bibi » Nétanyahou</a>.</p>
<p>Chef du parti de droite Likoud, Benyamin Nétanyahou a été le visage d’Israël au cours des douze dernières années, ainsi que lors de son premier passage au poste de premier ministre de 1996 à 1999. Célèbre pour ses tours de passe-passe politiques et ses habiles manœuvres pour former des coalitions, il a fini par perdre la confiance de la quasi-totalité des acteurs politiques. Nombre de ses anciens alliés ont participé à son éviction.</p>
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<p>Ce nouveau gouvernement <a href="https://aijac.org.au/featured/israel-poised-to-install-most-ideologically-diverse-government-ever/">hétérogène</a> devra maintenant apporter des changements, et il devra le faire rapidement. Une nouvelle flambée des tensions avec le <a href="https://www.bbc.com/news/world-middle-east-13331522">Hamas</a>, désigné comme organisation terroriste par de nombreux pays, est probable. Un budget doit être approuvé rapidement, après deux années <a href="https://www.haaretz.com/israel-news/business/.premium-without-a-state-budget-israel-may-have-to-slash-spending-in-january-1.9386954">sans budget</a>. Et Nétanyahou ne peut plus être blâmé si le gouvernement ne tient pas ses promesses.</p>
<p>L’ensemble complexe d’accords de coalition signés entre les partis signifie que le gouvernement concentrera très probablement son attention sur les questions intérieures et évitera de prendre des initiatives majeures sur des sujets qui divisent, comme la question palestinienne. L’une des tâches essentielles sera d’apaiser les tensions sociales qui ont refait surface en Israël ces dernières années, divisant Arabes et Juifs, laïcs et religieux, gauche et droite.</p>
<p>La coalition doit trouver un moyen de travailler efficacement. Dans le cas contraire, elle risque de s’effondrer rapidement. Le leader de l’opposition officielle, Benyamin Nétanyahou, a <a href="https://www.timesofisrael.com/in-fiery-exit-netanyahu-assails-bennett-says-he-cant-stand-up-to-iran-biden/">fait savoir</a> qu’il ne comptait pas quitter la politique et qu’il allait travailler sans relâche pour évincer le nouveau gouvernement.</p>
<p>Mais Nétanyahou pourrait bien être contraint de s’effacer, car il risque une peine de prison ferme. Il fait l’objet de plusieurs <a href="https://www.bbc.com/news/world-middle-east-47409739">actes d’accusation</a> pour corruption, fraude et abus de confiance. Son procès pourrait durer des années, et a été la principale motivation de ses tentatives presque désespérées de se maintenir au pouvoir. Bon nombre d’électeurs se sont mobilisés contre lui parce qu’il est considéré comme corrompu et décadent.</p>
<h2>Vers de nouveaux traités de paix dans la région ?</h2>
<p>À Washington, le départ de Nétanyahou a sans doute donné lieu à un soupir de soulagement. Le premier ministre sortant s’est mis à dos l’ancien président américain Barack Obama en raison de la volonté de ce dernier de signer l’<a href="http://www.futuredirections.org.au/publication/time-to-end-irans-nuclear-masquerade/">accord nucléaire de 2015 avec l’Iran</a>. Le président actuel, Joe Biden, a été l’un des premiers à <a href="https://www.bbc.com/news/world-middle-east-13331522">appeler</a> Bennett, signe que les États-Unis espèrent avoir plus d’influence sur le nouveau gouvernement.</p>
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<p>Nétanyahou laisse en héritage à ses successeurs d’indéniables succès diplomatiques, économiques et politiques, mais aussi les effets d’une stratégie délibérée visant à monter les Israéliens les uns contre les autres, exacerbant ainsi des clivages internes durables.</p>
<p>Sous sa férule, Israël est devenu un leader mondial dans la <a href="https://www.pfizer.com/news/press-release/press-release-detail/real-world-evidence-confirms-high-effectiveness-pfizer">lutte contre la pandémie de Covid-19</a>. S’appuyant sur ses <a href="https://www.jpost.com/opinion/will-vaccines-be-netanyahus-magic-wand-for-reelection-662483">liens personnels</a> avec le PDG de Pfizer, Nétanyahou a mobilisé le système de santé pour vacciner la quasi-totalité de la population adulte d’Israël en un temps record.</p>
<p>Grâce à sa relation étroite avec l’ancien président américain Donald Trump, il a également orchestré le déménagement de <a href="https://www.aljazeera.com/news/2021/1/20/us-secretary-of-state-blinken-us-embassy-to-remain-in-jerusalem">l’ambassade des États-Unis à Jérusalem</a>, consolidant ainsi le statut de la ville en tant que capitale d’Israël.</p>
<p>Nétanyahou a maintenu une <a href="https://www.reuters.com/article/us-iran-nuclear-natanz-israel-idUSKBN2BZ1GK">position ferme et intransigeante</a> sur la question de <a href="https://aijac.org.au/fresh-air/increasing-iaea-warnings-about-iran/">l’accession de l’Iran à l’arme nucléaire</a>, ce qui a aidé Israël à obtenir les <a href="https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2020/09/winners-losers/616364/">accords d’Abraham</a> – les fameux traités de paix avec quatre pays musulmans. Israël a également entrepris un discret rapprochement avec l’<a href="https://www.theguardian.com/world/2020/nov/23/benjamin-netanyahu-secret-meeting-saudi-crown-prince-mohammed-bin-salman">Arabie saoudite</a>, le chef de file du camp anti-iranien.</p>
<p>Au final, à l’issue du règne de Nétanyahou, Israël jouit d’un statut renforcé dans la région et d’une économie prospère.</p>
<h2>La gestion du conflit avec les Palestiniens</h2>
<p>Le bilan de Nétanyahou dans le domaine de la relation avec les Palestiniens est beaucoup plus discutable. Il est arrivé au pouvoir après l’assassinat du premier ministre travailliste Yitzhak Rabin en 1994, et a effectivement rompu avec les <a href="https://www.history.com/topics/middle-east/oslo-accords">accords de paix d’Oslo</a> signés par Rabin avec les dirigeants palestiniens, sans pour autant les dénoncer complètement.</p>
<p>Rappelons qu’il a été élu, en 1996, dans un contexte marqué par une recrudescence des <a href="https://mfa.gov.il/mfa/foreignpolicy/terrorism/palestinian/pages/suicide%20and%20other%20bombing%20attacks%20in%20israel%20since.aspx">attentats</a> commis par le Hamas et le Djihad islamique palestinien, avec l’engagement de ralentir le retrait d’Israël des territoires de Cisjordanie. Il a également donné satisfaction à sa base électorale en poursuivant l’expansion des colonies dans cette zone contestée, en dépit de l’opposition de nombreux membres de la communauté internationale.</p>
<p>Au cours des douze dernières années, Nétanyahou s’est surtout employé à gérer – et non à résoudre – le conflit. Son approche de la solution à deux États a été au mieux ambiguë, même s’il a montré une certaine volonté de faire des concessions lors des <a href="https://www.washingtonpost.com/world/middle_east/israel-suspends-peace-talks-with-palestinians/2014/04/24/659aa218-cbc6-11e3-a75e-463587891b57_story.html">pourparlers menés par les États-Unis en 2014</a>. Tenter d’apaiser le Hamas en lui permettant d’obtenir de <a href="https://www.jpost.com/opinion/how-hamas-is-spending-qatari-money-618293">l’argent provenant du Qatar</a> – illustration de son approche de gestionnaire – s’est retourné contre lui de manière spectaculaire lors de la dernière guerre avec Gaza.</p>
<p>Nétanyahou a donc été écarté du pouvoir – du moins pour le moment. Le gouvernement Bennett-Lapid ne devrait pas beaucoup s’écarter des politiques étrangères israéliennes qu’il avait mises en œuvre. Les opérations stratégiques d’Israël contre l’Iran vont sans doute se poursuivre.</p>
<p>En ce qui concerne les Palestiniens, il ne faut attendre d’avancées notables tant qu’un autre dirigeant de longue date n’aura pas été évincé, à savoir le président de l’Autorité palestinienne <a href="https://www.middleeasteye.net/news/palestinians-furious-and-fed-corruption-abbass-mafia-pa">Mahmoud Abbas</a>, âgé de 86 ans, qui est de plus en plus considéré comme corrompu et incapable d’exercer correctement ses fonctions.</p>
<p>Le nouveau gouvernement repose sur des bases fragiles. Tous ses participants savent qu’un seul d’entre eux peut faire tomber le gouvernement. Mais personne n’a envie de se lancer dans de nouvelles élections ; les membres de la coalition y auraient trop à perdre. Il semble que, au moins pour les douze prochains mois, Israël aura enfin un gouvernement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162732/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ran Porat is a research associate at The Australia/Israel & Jewish Affairs Council (AIJAC). The views in this article are private and do not represent any academic institute related related to Dr. Porat.
</span></em></p>Le nouveau premier ministre israélien, Naftali Bennett va devoir composer avec la situation complexe que leur a léguée Benyamin Nétanyahou, qui vient de quitter le pouvoir.Ran Porat, Affiliate Researcher, The Australian Centre for Jewish Civilisation, Monash UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1615462021-05-31T19:08:15Z2021-05-31T19:08:15ZIsraël-Palestine : le pourrissement<p>Le conflit israélo-palestinien peut être considéré comme un conflit de basse intensité : bien qu’il attire les regards et les réactions du monde entier, le nombre de morts reste peu élevé comparé à d’autres théâtres au Moyen-Orient, en Asie, en Afrique ou en Europe lorsque la guerre y était présente. Une nouvelle secousse vient donc de se produire. La raison essentielle tient au fait que le conflit entre Israéliens et Palestiniens n’a pas été résolu : il semble même que l’on y ait renoncé.</p>
<p>Les événements récents nous rappellent brutalement l’impasse politique dans laquelle se trouvent les Palestiniens, les pressions constantes qui pèsent sur eux et le processus de dépossession qui se poursuit. Il y a pourtant bien quelque chose de nouveau qui a surgi durant ces journées de mai 2021 : la violence se déploie de nouvelles manières et, surtout, la révolte s’est disséminée, allumant au passage plusieurs fronts.</p>
<h2>L’enchaînement des faits</h2>
<p>Jérusalem, trois fois sainte, s’est à nouveau retrouvée à l’épicentre des tensions. L’une des zones les plus sensibles est celle du dôme du Rocher où se dresse la mosquée al-Aqsa, troisième lieu saint pour les musulmans en raison du voyage nocturne que Mahomet y entreprit. L’esplanade sur laquelle se trouve la mosquée est adossée au mur des Lamentations, vestige du temple de Jérusalem <a href="https://theconversation.com/il-y-a-1-947-ans-les-romains-detruisaient-le-temple-de-jerusalem-86340">détruit par les Romains</a>, où les Juifs se rendent pour prier et déposer des oraisons inscrites sur des petits papiers qu’ils glissent entre les pierres.</p>
<p>La paix à Jérusalem tient notamment au libre accès des fidèles juifs et musulmans aux sites sacrés et à la préservation du statu quo. Toute remise en cause du fragile équilibre risque de dégénérer. Ainsi, en 1996, le premier ministre Benyamin Nétanyahou avait, contre l’avis des services de renseignement, <a href="https://www.franceculture.fr/geopolitique/lesplanade-des-mosquees-poudriere-du-conflit-israelo-palestinien">relancé des fouilles archéologiques</a> dans les tunnels situés sous l’esplanade des mosquées. Cette décision perçue comme une provocation par les Palestiniens avait déclenché des heurts meurtriers entre ces derniers et les Israéliens. En septembre 2000, Ariel Sharon, alors en campagne pour le leadership au sein de son parti, avait organisé sa visite sur l’esplanade des mosquées. À nouveau ressentie comme une menace, la fanfaronnade du chef du Likoud avait <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/472">allumé l’étincelle</a> de la deuxième Intifada, dite Intifada al-Aqsa.</p>
<p>En ce mois de mai 2021, les heurts entre Palestiniens et forces de l’ordre israéliennes se sont multipliés. Les fidèles qui étaient demeurés sur l’esplanade des mosquées après la prière du vendredi pour protester contre la menace d’éviction qui touche plusieurs familles palestiniennes de la ville ont été réprimés violemment. Autre point de fixation : les rassemblements sur les marches de l’agora devant la porte de Damas – une des entrées de la vieille ville – que les autorités israéliennes ont décidé d’empêcher par un nouveau dispositif de sécurité. Cet espace voit habituellement les Palestiniens musulmans se rassembler après la rupture du jeûne pendant la période du mois de ramadan. </p>
<p>Après deux semaines d’affrontements ainsi que le passage d’une <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/04/23/affrontements-a-jerusalem-lors-d-une-manifestation-du-mouvement-d-extreme-droite-lahava_6077758_3210.html">manifestation de l’extrême droite israélienne</a> dont les participants scandaient « mort aux Arabes », la police a renoncé à imposer ces nouvelles entraves à la circulation des Palestiniens. Depuis des décennies, latent ou explosif, un rapport de force constant se fait ressentir entre Palestiniens habitant la vieille ville et Israéliens imposant leur contrôle ou leur présence par la force, qu’ils soient policiers, soldats ou militants nationalistes et religieux.</p>
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<p>À moins d’un kilomètre, à l’extérieur de la vieille ville, se joue une autre bataille, dans le quartier palestinien de Sheikh Jarrah, situé également à Jérusalem-Est. Plusieurs familles palestiniennes sont menacées d’être expulsées de leur demeure en raison d’une procédure judiciaire entreprise par des militants juifs radicaux. Ceux-ci entendent récupérer ces maisons, qui ont appartenu à des Juifs avant la création d’Israël avant d’être attribuées en 1956 à des familles arabes expulsées de Jérusalem-Ouest pendant la guerre de 1948. Si un premier jugement leur a donné raison, la loi israélienne protégeant le droit de propriété des Juifs, la publication de la décision de la Cour suprême saisie à la suite du premier jugement a jusqu’ici été reportée en raison du contexte tendu. La bataille dure depuis des années mais la <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/le-zoom-de-la-redaction/le-zoom-de-la-redaction-18-mai-2021">mobilisation</a> des Palestiniens du quartier a acquis une nouvelle visibilité, notamment du fait du soutien d’ONG israéliennes. La bataille de Sheikh Jarrah constitue un enjeu emblématique situé au croisement de trois logiques convergentes.</p>
<p>La première est celle de l’expulsion programmée de quelques familles, qui s’inscrit dans une stratégie de judaïsation de la Jérusalem arabe et de la Cisjordanie. En contradiction avec les principes du droit international et le processus d’Oslo qui dessinait les contours d’une entité palestinienne autonome et distincte d’Israël, la colonisation s’est accélérée depuis les années 1990 : on compte aujourd’hui plus de <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-monde-est-a-nous/cisjordanie-colonies-ou-implantations-israeliennes-de-quoi-parle-t-on_3690275.html">600 000 colons</a> installés à Jérusalem-Est ou en Cisjordanie. L’organisation israélienne de défense des droits de l’homme <a href="https://www.btselem.org/jerusalem">B’Tselem</a> documente précisément la volonté israélienne de changer la réalité démographique de la ville sainte. D’abord en favorisant expulsions et expropriations des Palestiniens, mais aussi en restreignant le développement de leurs quartiers.</p>
<p>La deuxième logique est celle de la discrimination des Palestiniens à travers le processus de dépossession. La loi sur la propriété des biens des absents adoptée en 1950 <a href="https://www.la-croix.com/Debats/Israel-Palestine-propriete-absents-2021-05-24-1201157316">empêche les Palestiniens chassés par la guerre de 1948 de récupérer leurs biens</a>, qui deviennent propriété de l’État hébreu. Les 800 000 personnes qui ont pris le chemin de l’exil lors de la guerre israélo-arabe de 1948 perdent ainsi toute possibilité de récupérer maisons ou terres dont elles étaient propriétaires.</p>
<p>L’opération menée à Sheikh Jarrah s’appuie, elle, sur une autre loi, permettant aux Juifs de récupérer des biens qui leur appartenaient sous l’Empire ottoman. La querelle de Sheikh Jarrah cristallise cette asymétrie profonde qui <a href="https://www.lrb.co.uk/blog/2021/may/sheikh-jarrah-and-after?utm_campaign=243a526872-EMAIL_CAMPAIGN_2019_01_28_08_41_COPY_01&utm_medium=email&utm_source=Sign%20Up%20to%20Crisis%20Group%27s%20Email%20Updates&utm_term=0_1dab8c11ea-243a526872-359816705">caractérise le gouvernement des Juifs et des Arabes par le système israélien</a>.</p>
<p>Enfin, la troisième logique à l’œuvre est le poids croissant des activistes juifs extrémistes soutenant la colonisation de la Cisjordanie et la judaïsation de Jérusalem via l’expulsion de familles palestiniennes. Leur rôle dans l’affaire de Sheikh Jarrah, leur poids croissant dans la société israélienne et leur <a href="https://fr.timesofisrael.com/liveblog_entry/le-parti-sioniste-religieux-fete-son-entree-a-la-knesset/">entrée à la Knesset</a> tout récemment : trois signaux qui illustrent la droitisation de l’électorat et l’existence d’une petite frange de la société assumant sans complexe un <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/04/24/une-demonstration-de-force-de-radicaux-juifs-ebranle-jerusalem_6077916_3210.html">racisme anti-arabe agressif</a>. Certains groupes s’opposent aux mariages entre Juifs et Arabes et prônent l’expulsion pure et simple des Palestiniens d’Israël ou de ce qu’ils nomment la Judée Samarie, que l’on désigne généralement par Cisjordanie.</p>
<h2>De la fragmentation à l’unité des Palestiniens ?</h2>
<p>Ces abcès de fixation à Jérusalem ont suscité une double réaction, celle du Hamas et celle de ceux qu’on appelle Arabes israéliens ou Palestiniens d’Israël, selon que l’on veuille insister sur leur citoyenneté ou leur appartenance au peuple palestinien.</p>
<p>Le <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/palestine/gaza/israel-palestine-qu-est-ce-que-le-hamas-l-organisation-islamiste-qui-controle-gaza_4629481.html">mouvement islamiste</a> qui contrôle la bande de Gaza depuis 2007, rival du Fatah et opposé au processus d’Oslo, a adressé un <a href="https://www.france24.com/fr/vid%C3%A9o/20210510-tensions-%C3%A0-j%C3%A9rusalem-le-hamas-lance-un-ultimatum">ultimatum</a> au gouvernement de l’État hébreu avant de <a href="https://www.rtbf.be/info/monde/detail_conflit-israelo-palestinien-le-hamas-annonce-la-mort-de-plusieurs-de-ses-commandants-dans-des-frappes-israeliennes?id=10760688">lancer des roquettes</a> sur plusieurs villes israéliennes. Par ailleurs, des Palestiniens d’Israël se sont dirigés vers Jérusalem pour apporter leur soutien aux fidèles et aux habitants menacés de la ville. Puis la colère s’est répandue dans les villes où cohabitent Juifs et Arabes, où les attaques et tentatives de lynchage se sont succédé. Dans les jours qui ont suivi, des Palestiniens de Cisjordanie ont renoué avec des gestes de l’Intifada en attaquant à coups de pierre les barrages de l’armée israélienne.</p>
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<p>Alors que la droite nationaliste israélienne enchaîne les succès électoraux depuis vingt ans, qu’elle a pu compter sur le soutien sans faille de l’administration Trump, qu’elle a signé les <a href="https://www.liberation.fr/debats/2020/09/14/la-cause-palestinienne-enterree-par-les-accords-d-abraham_1799360/?redirected=1">« accords d’Abraham »</a> avec les Émirats arabes unis et le Bahreïn et normalisé ses relations diplomatiques avec le Soudan et le Maroc, la question palestinienne semblait ne plus intéresser personne. Certes, la bande de Gaza gouvernée par le Hamas continue régulièrement de poser problème, puisque des affrontements s’y sont déjà produits en <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2009-2-page-98.htm">2008</a>, <a href="https://www.franceinter.fr/dossier/gaza-israel-operation-pilier-de-defense">2012</a> et <a href="https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_2014_num_60_1_4747">2014</a>. Mais malgré une indéniable capacité de nuisance, l’entité palestinienne, soumise à un <a href="https://geoimage.cnes.fr/fr/la-bande-de-gaza-un-territoire-ferme-sur-lui-meme-par-une-frontiere-hermetique-et-militarisee">blocus israélo-égyptien</a> depuis quatorze ans, ne représente pas une menace militaire sérieuse pour Israël.</p>
<p>Quant aux Palestiniens de Cisjordanie, remisés derrière la « barrière de sécurité », ils demeurent contrôlés par l’Autorité palestinienne présidée par Mahmoud Abbas, lequel n’a jamais remis en cause la <a href="https://www.lesclesdumoyenorient.com/La-cooperation-securitaire-entre-Israel-et-l-Autorite-palestinienne.html">coopération sécuritaire avec Israël.-</a>.</p>
<p>Enfin, les Palestiniens d’Israël semblent « domestiqués » depuis plusieurs décennies. Jusqu’à récemment, nombreux étaient les Israéliens, notamment progressistes et partisans d’une solution à deux États, qui considéraient les citoyens arabes comme <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/05/17/ilan-greilsammer-ou-nous-sommes-nous-trompes_6080429_3210.html">intégrés à leur société</a>.</p>
<p>C’était sans compter la marginalisation économique croissante d’une partie des Arabes israéliens, ainsi que le <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Samy-Cohen-sionistes-religieux-impregnent-societe-israelienne-2021-05-20-1201156798">sentiment d’insécurité suscité par les menaces de l’extrême droite</a>. L’évolution de l’État hébreu, à l’origine en 2018 d’une <a href="https://www.axl.cefan.ulaval.ca/asie/israel-loi-2018-B.htm">loi</a> faisant d’Israël un État-nation du peuple juif, et excluant ainsi de fait 20 % de sa population arabe, constitue un autre facteur de tension.</p>
<p>La partition politique et géographique entre la bande de Gaza (gouvernée par le Hamas) et la Cisjordanie (conservée par l’Autorité palestinienne liée au Fatah) révèle une crise profonde dans la mesure où elle met en doute les contours mêmes de la communauté politique palestinienne. Elle montre aussi que l’intégration du Hamas au jeu politique par sa participation aux élections législatives en 2006 a provoqué l’implosion du système de sous-traitance sécuritaire qui lie l’Autorité palestinienne à Israël. Le maintien de ce système empêche la <a href="https://www.sciencespo.fr/ceri/sites/sciencespo.fr.ceri/files/Etude_224.pdf">refondation de la communauté politique palestinienne</a>. Il rend également délicate l’élaboration d’une stratégie permettant de cheminer vers la souveraineté.</p>
<p>Aussi, on peut considérer comme une modeste victoire pour les Palestiniens le fait que, quoique marqués par une fragmentation profonde, ils semblent surmonter les clivages géographiques, institutionnels et politiques qui les divisent. L’accumulation des humiliations et des rancœurs a permis la jonction des colères, de Haïfa à Gaza en passant par Jérusalem et Ramallah et l’organisation d’une grève générale le 18 mai. Que ces fronts s’allument en même temps est inédit.</p>
<p>Par ailleurs, en <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/05/15/leila-seurat-si-la-reponse-du-hamas-etait-previsible-elle-a-pourtant-surpris-par-son-envergure_6080314_3232.html">s’érigeant en défenseur de Jérusalem</a>, le Hamas ambitionne de conquérir le leadership de toutes les résistances à Israël. Les milliers de roquettes lancées par le mouvement et ses alliés n’ont pas mis en défaut le <a href="https://www.bfmtv.com/international/moyen-orient/israel/le-dome-de-fer-le-bouclier-d-israel-contre-les-roquettes_AN-202105120255.html">bouclier antimissile d’Israël</a>, mais elles ont perturbé pendant plusieurs jours la vie quotidienne des Israéliens, les activités économiques et éducatives du pays. En outre, douze morts sont à déplorer en Israël à la suite de ces attaques. Une petite victoire pour le Hamas, malgré les 248 morts palestiniens dans la bande de Gaza provoqués par l’armée israélienne, et la destruction d’un millier d’appartements et d’infrastructures essentielles.</p>
<p>Pourtant, la victoire palestinienne est limitée et il sera certainement difficile de la faire fructifier. D’abord car il s’agit plutôt d’une coïncidence des luttes qu’une organisation concertée de celles-ci. Certes, les vidéos relayées par les réseaux sociaux créent une forme de solidarité autour d’injustices et de violences perçues par les Palestiniens. Pour autant, malgré les ambitions du Hamas, la question du leadership n’est pas résolue – et le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/04/30/mahmoud-abbas-reporte-sine-die-les-elections-legislatives-palestiniennes_6078629_3210.html">report</a> <em>sine die</em> des élections législatives palestiniennes retarde encore davantage l’émergence d’une stratégie palestinienne.</p>
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<p>Si elle se constitue, cette stratégie ne pourra être fondée sur la violence : d’abord car le rapport de forces est défavorable aux Palestiniens, mais aussi parce qu’à l’intérieur des frontières d’Israël, l’usage de la violence déboucherait sur une guerre civile. Si certains <a href="https://www.20minutes.fr/monde/3042567-20210516-conflit-israelo-palestinien-arabes-israeliens-ambivalence-sentiment-egard-palestiniens-territoires">Arabes israéliens</a> peuvent être séduits par le baroud d’honneur qu’incarne à certains égards l’offensive du Hamas, leurs intérêts divergent profondément de ceux de l’organisation islamiste.</p>
<h2>La fin de la solution à deux États ?</h2>
<p>Enfin, la solution à deux États prônée par la communauté internationale et dont le président américain, Joe Biden, a <a href="https://www.lepoint.fr/monde/conflit-israelo-palestinien-joe-biden-pour-la-solution-a-deux-etats-22-05-2021-2427584_24.php">rappelé l’importance</a>, semble aujourd’hui hors d’atteinte. La colonisation de la Cisjordanie a <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/cartes/cisjordaniedpl2000">morcelé le territoire palestinien</a> et obère une souveraineté palestinienne à venir. Parmi les Palestiniens et dans le monde, nombreux sont ceux qui renoncent à l’objectif des deux États et militent désormais pour défendre des droits égaux pour les Palestiniens <a href="https://foreignpolicy.com/2021/05/12/israel-palestine-gaza-green-line-vision-one-state/">au sein de l’État israélien</a>. Au sein même du parti démocrate américain, des voix dénoncent la <a href="https://www.lalibre.be/international/amerique/derriere-le-soutien-de-biden-a-israel-des-nouvelles-voix-critiques-s-elevent-60a2a8f09978e21698cbd09d">« politique israélienne d’apartheid »</a>.</p>
<p>Le nouveau président américain sera plus enclin que son prédécesseur à exercer quelque pression auprès de son allié historique. Pourtant, même si le processus d’Oslo est <a href="https://www.lefigaro.fr/international/2018/09/12/01003-20180912ARTFIG00313-le-processus-d-oslo-en-etat-de-mort-clinique.php">mort et enterré</a>, et si la création d’un État palestinien apparaît comme une chimère, les récents heurts ainsi que l’imposante présence des extrémistes palestiniens et israéliens ne laissent guère augurer de la possibilité à court terme d’un État binational. La remise en cause de la cohabitation entre Juifs et Arabes, les craintes que suscitent désormais ces derniers alimenteront l’attractivité d’une <a href="https://www.la-croix.com/Monde/En-Israel-extreme-droite-decomplexee-2021-05-15-1201155874">rhétorique nationaliste</a> et sécuritaire auprès de l’électorat juif.</p>
<p>L’absence de stratégie est aussi un mal partagé du côté israélien. Ces vingt dernières années, la droite au pouvoir a surtout œuvré pour contenir la menace palestinienne mais ne s’est jamais attelée à résoudre les différends qui permettraient de déboucher sur une paix acceptable et durable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161546/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laetitia Bucaille ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La nouvelle explosion de violence qui vient de se produire n’a guère fait avancer les choses : les deux côtés campent plus que jamais sur leurs positions.Laetitia Bucaille, Professeur de sociologie politique. Chercheur au Centre d’études en sciences sociales sur les mondes africains, américains et asiatiques (CESSMA), chercheur associée au Centre d'Etudes et de Recherche Moyen-Orient, Méditerranée (CERMOM) , Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1312442020-02-05T17:27:38Z2020-02-05T17:27:38ZLes Palestiniens face au « deal du siècle » : le temps de la réconciliation ?<p>Après maints atermoiements, le « deal du siècle », dont le volet économique avait été présenté à Manama en juin 2019, a finalement été dévoilé à Washington le <a href="https://www.bbc.com/news/world-middle-east-51263815">28 janvier dernier</a>. En compagnie du premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, mais aussi, fait notable, des représentants d’Oman, de Bahreïn et des Émirats arabes unis, le « démiurge » Trump est ovationné.</p>
<p>Alors que la Knesset devait se prononcer sur la demande d’immunité parlementaire de Nétanyahou, <a href="https://www.ft.com/content/2ba15e6e-41cf-11ea-a047-eae9bd51ceba">accusé de corruption, fraude et abus de confiance</a>, l’annonce américaine tombe à pic pour ce dernier. En outre, les négociations israélo-palestiniennes, en berne depuis l’échec de la conférence d’Annapolis en 2007, se voient, par la même, réinscrites à l’agenda international.</p>
<p>Toutefois, on peut à juste titre douter d’une reprise prochaine des discussions entre Israéliens et Palestiniens sur la base de ce « deal », dans la mesure où celui-ci expose une « solution » au mépris des droits et revendications historiques des Palestiniens. Signe évident de ce mépris, l’absence des Palestiniens à la Maison Blanche le 28 janvier. Pour autant, cette annonce n’a pas manqué de susciter des réactions côté palestinien ; une thématique notamment, qui avait été quelque peu délaissée, revient dans les discours de chacun : l’impératif de réconciliation nationale.</p>
<h2>Des querelles et rivalités politiques insurmontées</h2>
<p>L’année 2019 s’achevait sur des interrogations restées en suspens quant à l’avenir de la politique intérieure palestinienne. Au cœur des débats, la question des élections. En effet, le président Abbas avait annoncé à la tribune des Nations unies en septembre 2019 la <a href="https://orientxxi.info/magazine/elections-les-choix-empeches-des-palestiniens,3509">tenue prochaine d’élections législatives et présidentielles</a>. Depuis, le décret présidentiel censé officialiser le processus se faisait attendre ; l’Autorité palestinienne affirmait ne pas encore avoir obtenu l’autorisation israélienne d’organiser un scrutin à Jérusalem-Est, sans laquelle les <a href="https://aawsat.com/home/article/2087696/%D9%86%D8%A8%D9%8A%D9%84-%D8%B9%D9%85%D8%B1%D9%88/%D8%A7%D9%84%D8%A7%D9%86%D8%AA%D8%AE%D8%A7%D8%A8%D8%A7%D8%AA-%D8%A7%D9%84%D9%81%D9%84%D8%B3%D8%B7%D9%8A%D9%86%D9%8A%D8%A9-%D8%A8%D9%8A%D9%86-%D8%A7%D9%84%D8%BA%D9%85%D9%88%D8%B6-%D9%88%D8%A7%D9%84%D8%A7%D8%B3%D8%AA%D8%AD%D8%A7%D9%84%D8%A9">élections n’auraient pas lieu</a>. Le « deal » américain reconnaissant Jérusalem comme capitale unie et indivisible de l’État d’Israël, il est peu probable que les Israéliens donnent un blanc-seing au président palestinien.</p>
<p>Mais en réalité, l’ultimatum posé par ce dernier à propos de la question de la participation des citoyens de Jérusalem annonçait l’échec des factions politiques palestiniennes à parvenir à un consensus sur la tenue des élections. Rappelons, à ce titre, le caractère morcelé de l’échiquier politique palestinien, en particulier depuis les dernières élections législatives en 2006, remportées par le Hamas, qui ont entraîné le fameux épisode de la « division » ou du « coup » de juin 2007 au cours duquel le parti islamiste a <em>de facto</em> <a href="https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2007-3-page-147.htm">pris le contrôle de la bande de Gaza</a>.</p>
<p>Depuis, les cycles de négociations se sont multipliés en vue d’obtenir une réconciliation entre les deux principales factions rivales, Hamas et Fatah. En 2011, un <a href="https://ecf.org.il/issues/issue/1167">accord est signé au Caire par toutes les factions politiques</a> ; celui-ci prévoit notamment l’organisation d’élections générales et la formation d’un gouvernement d’union nationale. Les parties réitèrent leur engagement en 2017, en vain. Ces accords n’ont jamais été appliqués.</p>
<h2>Une injonction à l’apaisement plutôt qu’à la réconciliation</h2>
<p>Bien que l’« absence de volonté politique » des deux parties en conflit soit souvent pointée comme source principale de l’échec des négociations, il semblerait aussi que la réconciliation intra-palestinienne soit devenue une question secondaire. L’interruption des contacts officiels entre Fatah et Hamas depuis mars 2018, suite à la tentative manquée d’attentat contre le premier ministre palestinien de l’époque en <a href="https://www.middleeasteye.net/news/palestinian-prime-minister-survives-attack-convoy-gaza">visite à Gaza</a>, a certes rendu caduques les conditions de poursuite des négociations. Mais force est également de constater que les négociateurs en présence, notamment les « médiateurs » égyptiens, font preuve d’une certaine complaisance vis-à-vis du simulacre désormais caractéristique des négociations de réconciliation.</p>
<p>Le dossier palestinien est historiquement l’apanage des services de renseignement égyptiens (Al-Mukhabarat al-Amma), lesquels endossent un rôle qui ne correspond pas à celui de médiateur <em>stricto sensu</em> mais plutôt à celui de « médiateur-partenaire ». L’Égypte considère en effet que ses intérêts sont directement engagés, surtout en ce qui concerne l’apaisement entre Gaza et Israël. D’où les avancées significatives enregistrées dans ce domaine, une priorité pour l’Égypte comme pour Israël. Notons par ailleurs l’essor des relations diplomatiques, économiques et sécuritaires du couple israélo-égyptien, comme en témoigne la conclusion récente d’un accord majeur d’<a href="https://www.middleeastmonitor.com/20191217-israel-to-export-gas-to-egypt-from-next-month/">importation de gaz israélien par Le Caire</a>.</p>
<h2>Un <em>risorgimento</em> palestinien… et après ?</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/313746/original/file-20200205-149757-11q9ihx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/313746/original/file-20200205-149757-11q9ihx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/313746/original/file-20200205-149757-11q9ihx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1080&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/313746/original/file-20200205-149757-11q9ihx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1080&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/313746/original/file-20200205-149757-11q9ihx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1080&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/313746/original/file-20200205-149757-11q9ihx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1358&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/313746/original/file-20200205-149757-11q9ihx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1358&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/313746/original/file-20200205-149757-11q9ihx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1358&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La lettre de Mohammed Dahlan à Mahmoud Abbas, 28 janvier 2020.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://tinyurl.com/tgm9w4uX4oGfZx0pIQHrzOZir4kGErRU9cYD6HLFEezTQ94kQ&__tn__=-R">Mohammed Dahlan/Facebook</a></span>
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<p>La position ambivalente de l’Égypte est emblématique du désintérêt ou de la lassitude des capitales arabes vis-à-vis de la « question palestinienne ». Malgré la tenue d’une réunion d’urgence de la Ligue arabe dans la foulée de l’annonce du « deal » américain, plusieurs représentants palestiniens ont regretté l’absence de condamnations claires et fermes de ce dernier par les dirigeants arabes. Par conséquent, dans l’immédiat, une issue semble être envisagée côté palestinien : se montrer conciliants afin d’initier un dialogue interne direct. C’est ce que plusieurs cadres politiques appellent de leurs vœux. Quelques heures avant de découvrir le projet israélo-américain, Mohamad Dahlan, opposant et rival du président Mahmoud Abbas, adressait une lettre ouverte à ce dernier, l’exhortant à unifier la maison palestinienne. Par ailleurs, toutes les factions furent conviées le soir même lors du discours du président Abbas réagissant à la nouvelle, et une délégation pluri-partisane devrait se rendre prochainement à Gaza.</p>
<p>Le « deal du siècle » a eu l’effet d’un électrochoc sur la scène politique palestinienne, spécialement dans le cadre du processus de réconciliation. Cette fois-ci, les dirigeants, sous forte pression de l’opinion publique, n’ont pas le droit à l’erreur. Des <a href="https://www.maannews.net/Content.aspx?id=1006471">manifestations de colère</a> secouent les Territoires palestiniens depuis le 28 janvier ; en outre, plusieurs activistes, notamment gazaouis, à l’origine des mouvements « Bedna naish » (« Nous voulons vivre »), « Bedna kahraba » (« Nous voulons de l’électricité ») ou encore dernièrement « Bedna intikhabat » (« Nous voulons des élections »), se montrent particulièrement prolifiques sur les réseaux sociaux.</p>
<p>Dépasser les divisions politiques et parvenir à une entente nationale serait donc un bon début ; reste à savoir sur quelle base territoriale ce pouvoir politique unifié s’établirait. Nous sommes là face à une contradiction apparente : une telle union ne peut vraisemblablement se maintenir sur des territoires palestiniens marqués par une extrême fragmentation que le plan Trump prévoit en outre d’exacerber.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est republié dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/131244/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sarah Daoud est doctorante en accueil au Centre d'Études et de Documentation économiques, juridiques et sociales (CEDEJ) au Caire. </span></em></p>Par le rejet unanime qu’il suscite, le plan de paix proposé par Donald Trump pour résoudre le conflit israélo-palestinien va-t-il rapprocher les factions palestiniennes rivales ?Sarah Daoud, Doctorante en science politique (mention relations internationales), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.