tag:theconversation.com,2011:/us/topics/fondation-veolia-65778/articlesFondation Veolia – The Conversation2019-09-24T19:01:25Ztag:theconversation.com,2011:article/1159912019-09-24T19:01:25Z2019-09-24T19:01:25ZComment le monde s’est plastifié<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/270986/original/file-20190425-121258-1ms6wb0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le plastique, une invention humaine dont le succès s’est transformé en véritable casse-tête. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/H14pfhlfr24">Karina Tess/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p><em>Ce texte est extrait de la récente édition de « La revue de l’Institut Veolia – Facts Reports » <a href="https://www.institut.veolia.org/fr/nos-publications/la-revue-de-linstitut-facts-reports/lindispensable-reinvention-des-plastiques">consacrée aux plastiques</a>.</em></p>
<hr>
<p>C’est le chimiste américain d’origine belge <a href="https://go.galegroup.com/ps/anonymous?id=GALE%7CA3501578&sid=googleScholar&v=2.1&it=r&linkaccess=fulltext&issn=&p=AONE&sw=w">Leo Hendrik Baekeland</a> qui, semble-t-il, utilisa pour la première fois, vers 1909, le terme de « matières plastiques » pour désigner des produits à base de macromolécules (résines, élastomères, fibres artificielles). Deux ans plus tôt, il avait inventé le premier plastique synthétique, la bakélite, qui fut longtemps la matière première de nos vieux combinés téléphoniques.</p>
<p>Mais l’invention des plastiques est bien antérieure, le Français <a href="https://www.persee.fr/doc/pharm_0035-2349_2003_num_91_337_5479?pageid=t1_77">Henri Braconnot</a> ayant conçu dès 1833 du nitrate de cellulose qui fut produit industriellement à partir de 1868 aux États-Unis par les <a href="https://www.persee.fr/doc/homso_0018-4306_1978_num_47_1_1952">frères Hyatt</a> pour fabriquer des boules de billard : le plastique commençait sa longue carrière de « simili », ici de l’ivoire. Mais il était produit à partir de cellulose, nous n’étions pas encore dans l’univers du synthétique.</p>
<p>C’est de l’entre-deux-guerres que datent les principales inventions de l’univers des plastiques : après la cellophane en 1913, ce fut le polychlorure de vinyle en 1927, le polystyrène et le nylon en 1938, le polyéthylène en 1942… Un peu plus tard, le philosophe Roland Barthes trouvait que « malgré ses noms de berger grec, le plastique est essentiellement une substance alchimique ».</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/vous-reprendrez-bien-un-peu-de-plastique-101579">Vous reprendrez bien un peu de plastique ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Explosion de la production</h2>
<p>L’alchimie en question fut avant tout un enfant des « Trente Glorieuses ». Entre 1950 et 1970, la production fut multipliée par vingt pour dépasser 25 millions de tonnes. La production était alors concentrée dans les pays occidentaux : 8 millions de tonnes aux États-Unis, 4 au Japon comme en Angleterre, 1,3 au Royaume-Uni, en Italie et en France. L’URSS (qui était encore la deuxième économie mondiale) n’en produisait que 1,45 million de tonnes. C’est durant cette période heureuse pour un monde occidental qui avait tourné le dos à la Dépression et à la guerre que
le plastique fit irruption dans les vies quotidiennes. Symbole de l’« American way of life », le « Tupperware » fit son apparition en 1946.</p>
<p>Au début des années cinquante, le chimiste italien Giulio Castelli – fondateur de la <a href="https://o.nouvelobs.com/design/20131031.OBS3561/kartell-plastiquement-votre.html">marque Kartell</a> avec son épouse Anna – réalisa le moulage du premier égouttoir en plastique. Dix ans plus tard, Roland Barthes consacra une de ses <a href="http://palimpsestes.fr/textes_philo/barthes/plastique.html"><em>Mythologies</em></a> au plastique : « Le plastique en rabat, c’est une substance ménagère… le monde entier peut être plastifié ». Et il le fut rapidement, le plastique connaissant même son heure de gloire dans la haute couture (Courrèges) ou le mobilier branché des années soixante.</p>
<p>En 1968, apparaissent les premières bouteilles en plastique (Vittel en France). En 1980, le monde produisait 60 millions de tonnes de plastiques, 187 en 2000, 265 en 2010 et 348 millions de tonnes en 2017, soit une croissance moyenne de 8,5 % par an depuis 1950 et sa production de 1,5 million de tonnes.</p>
<p>Aujourd’hui, la Chine réalise le tiers de la production mondiale, une proportion plus faible que pour les autres industries de base, comme l’acier ou l’aluminium. Au total depuis 1950, ce sont 8,3 milliards de tonnes de plastiques qui ont été produites. L’Agence internationale de l’énergie, dans une étude de 2018, anticipe une production annuelle de l’ordre de 600 millions de tonnes au milieu du XXI<sup>e</sup> siècle.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/270991/original/file-20190425-121220-s2ujlp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/270991/original/file-20190425-121220-s2ujlp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/270991/original/file-20190425-121220-s2ujlp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/270991/original/file-20190425-121220-s2ujlp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/270991/original/file-20190425-121220-s2ujlp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/270991/original/file-20190425-121220-s2ujlp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/270991/original/file-20190425-121220-s2ujlp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/270991/original/file-20190425-121220-s2ujlp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://bit.ly/2DuAq0v">Revue Facts Reports/Institut Veolia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Trop de déchets</h2>
<p>À l’exception encore marginale des bioplastiques, la production de plastique provient de la pétrochimie à partir du pétrole – raffiné en naphta – ou du gaz naturel. En 2016, la pétrochimie a utilisé l’équivalent de 17,4 millions de barils de pétrole par jour, soit un peu moins de 20 % de la consommation mondiale de pétrole. Les grands producteurs sont historiquement les groupes pétroliers (Shell, Aramco…) et les chimistes qui souvent ont séparé leurs activités de chimie lourde et de chimie fine.</p>
<p>L’emballage reste le principal secteur d’utilisation des plastiques
(150 millions de tonnes) devant le bâtiment (60 millions de tonnes, 40 % des utilisations dans l’Union européenne et 46 % en France), les textiles (55 millions de tonnes), les biens de consommation, les transports, l’électronique. En réalité, les plastiques font partie intégrante de notre vie quotidienne.</p>
<p>Un <a href="https://news.un.org/fr/story/2018/06/1015751">rapport de l’ONU</a> estimait que 500 milliards de sacs en plastique étaient utilisés chaque année, soit 10 millions à la minute ! La consommation de plastique par habitant frôle les 100 kg (en 2015) en Corée, au Canada ; elle est de 80 kg aux États-Unis, de 60 kg en Europe de l’Ouest, de 45 kg en Chine mais seulement de 10 kg en Inde et de 5 kg en Afrique.</p>
<p>Mais une des caractéristiques du plastique, notamment dans le secteur de l’emballage, est que sa durée d’utilisation peut être fort courte. Les plastiques sont en général utilisés une fois, puis jetés pour un éventuel recyclage. Roland Geyer de l’université de Californie a calculé que sur les 8,3 milliards de tonnes de plastiques produites depuis 1950, <a href="https://science.sciencemag.org/content/347/6223/768">5,8 avaient été jetées</a> et que là-dessus, 500 000 tonnes avaient été recyclées et 700 000 tonnes incinérées. Cela laisse 4,6 milliards de tonnes quelque part dans la nature et notamment dans les océans.</p>
<p>Une <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/news/immersive-story/2018/09/20/what-a-waste-an-updated-look-into-the-future-of-solid-waste-management">étude récente de la Banque mondiale</a> estime que sur 2 milliards de tonnes de déchets produits dans le monde en 2016 (un chiffre qui ne comptabilise que les déchets ménagers), 242 millions de tonnes sont des plastiques, 57 millions de tonnes provenant d’Asie, 45 millions de tonnes d’Europe au sens le plus large et 35 millions de tonnes d’Amérique du Nord. Ramené à la production mondiale de 336 millions de tonnes, cela veut dire que l’équivalent de 70 % serait rejeté chaque année.</p>
<p>On trouve là bien entendu un point sensible : à côté du papier, des ferrailles ou du verre, le taux de récupération des plastiques reste faible, puisqu’il est directement lié au taux de collecte des déchets auquel ils se trouvent la plupart du temps mélangés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1064790523456749569"}"></div></p>
<h2>La collecte, un maillon faible</h2>
<p>Si la collecte des déchets, notamment ménagers, a atteint un incontestable niveau de maturité dans les pays avancés, avec une collecte de plus en plus sélective, tel n’est pas le cas du reste du monde qui a représenté, l’axe essentiel de la croissance de la demande de plastiques des trente dernières années.</p>
<p>Une <a href="https://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/acs.est.7b02368">étude allemande publiée en 2017</a> estimait que dix fleuves dans le monde (huit en Asie et deux en Afrique) représentaient 90 % des rejets de plastiques dans les océans, le Yangtsé rejetant 15 millions de tonnes chaque année. Le problème est là moins celui des plastiques que celui des systèmes de collecte des déchets, que ceux-ci soient officiels ou informels.</p>
<p>Et comme le montrent les montagnes de déchets des décharges sauvages hantées par des chiffonniers et « cartoneros », ceux-ci sont moins efficaces pour des plastiques, parfois légers comme le vent. Même dans les pays avancés, le recyclage reste fort limité alors que l’incinération n’a pas très bonne presse.</p>
<p>L’Union européenne qui consomme 49 millions de tonnes de plastiques a un taux d’utilisation de matières recyclées de l’ordre de 6 %, soit un peu moins de 3 millions de tonnes. La Commission européenne estime que l’Europe génère près de 26 millions de tonnes de déchets plastiques : 31 % sont recyclés (en Europe ou ailleurs, comme en Chine, qui importait des déchets jusqu’à 2017), 42 % sont incinérés et 27 % finissent dans des décharges.</p>
<p>En réalité, le plastique vierge demeure largement incontournable même si certaines de ses utilisations doivent être limitées.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1059695515326128128"}"></div></p>
<h2>L’illusion du zéro plastique</h2>
<p>Si le plastique est aujourd’hui devenu un problème de société, le condamner de manière radicale est absurde. Dans certaines de ses utilisations, il a fait preuve de sa compétitivité, non seulement économique mais aussi environnementale (en</p>
<p>termes de trace carbone). Il a l’avantage incontestable de la légèreté, de sa capacité à remplacer des produits certes plus « naturels » (bois, papier, métaux) mais en général, plus coûteux et dont la trace carbone est souvent tout aussi marquée.</p>
<p>Plusieurs produits en plastique ont fait l’objet d’attaques, voire de réglementations. Il s’agit en général des produits à usage unique et donc jetables après leur utilisation. Au premier rang, on trouve bien sûr les sacs désormais interdits en France mais aussi au Bangladesh ou au Rwanda. Il y a aussi les bouteilles de PET sur lesquelles de grandes entreprises comme Coca-Cola ont pris des engagements encore bien limités.</p>
<p>Enfin, les pailles en plastique font l’objet d’une attention grandissante. Cette utilisation peut sembler marginale, mais chaque jour, dans un pays comme la France, il s’en jette 8,8 millions ! L’Union européenne envisage d’interdire à partir de 2021 dix produits à usage unique comme les pailles, les couverts et les assiettes en plastique, les cotons-tiges… En France, on a aussi parlé d’interdire les portes et fenêtres en PVC dans la construction.</p>
<p>Mais au-delà de la réduction de la consommation de plastiques, qui laisse beaucoup d’observateurs sceptiques (le consultant Wood MacKenzie anticipe quand même un <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/pour-l-industrie-l-apres-petrole-a-commence.N834205">pic d’utilisation</a> des plastiques à usage unique dans les années 2020 et BP parle d’une baisse de la demande mondiale de plastiques de 2 % vers 2040), l’autre stratégie consiste à mieux les collecter et en valoriser les déchets.</p>
<p>En janvier 2018, la Commission européenne a publié sa « stratégie sur les matières plastiques ». L’objectif est celui de l’incorporation de 10 millions de tonnes de plastiques recyclés dans les produits neufs à l’horizon – fort court – de 2025. Cela revient à multiplier par trois au moins le niveau d’incorporation actuel, en tenant toutefois compte du fait que d’ici là la production aura probablement encore augmenté.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/270993/original/file-20190425-121258-1emba7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/270993/original/file-20190425-121258-1emba7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/270993/original/file-20190425-121258-1emba7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=304&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/270993/original/file-20190425-121258-1emba7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=304&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/270993/original/file-20190425-121258-1emba7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=304&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/270993/original/file-20190425-121258-1emba7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=381&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/270993/original/file-20190425-121258-1emba7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=381&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/270993/original/file-20190425-121258-1emba7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=381&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://bit.ly/2DuAq0v">Revue Facts Reports/Institut Veolia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Recycler mais surtout moins consommer</h2>
<p>L’équilibre du marché européen des « vieux plastiques » est aujourd’hui assez subtil, et faute de demande suffisante, il dépend assez souvent des flux d’exportation. Le débouché chinois étant presque fermé (les importations chinoises sont passées de 7,3 millions de tonnes en 2016 à 1,5 million de tonnes en 2018), on a vu en 2018 quelques flux vers la Turquie… mais les déchets plastiques ont désormais un cours négatif.</p>
<p>En France, l’objectif de la feuille de route de l’économie circulaire vise « 100 % de plastiques recyclés » en 2025, ce qui paraît d’une folle ambition quand on sait que l’Hexagone ne recycle que 22 % de ses déchets plastiques. Il n’est pas certain que cet objectif soit d’une parfaite « cohérence carbone » si l’on tient compte des contraintes logistiques, et du fait que pour certains plastiques, la valorisation énergétique (l’incinération) peut être une solution optimale.</p>
<p>Quelques voix se font cependant entendre pour relativiser les nuisances du plastique, notamment par rapport à d’autres pollutions ou enjeux globaux tels que le changement climatique. La <a href="https://www.trucost.com/publication/plastics-and-sustainability/">société d’analyse Trucost</a> chiffre à 139 milliards de dollars par an le coût environnemental des plastiques, pour moitié du fait des émissions de gaz à effet de serre liées à leur production, et pour moitié des autres effets (santé, pollution) et en raison du coût du recyclage. Le montant est important mais il relativise la pollution liée aux plastiques dans l’ordre des priorités, même si du point de vue médiatique il s’agit d’un thème porteur.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, le problème de la gestion des « plastiques secondaires » reste entier, de la collecte à la valorisation ultime. Comme le souligne la Banque mondiale, il commence au niveau des ménages et des individus.</p>
<hr>
<p><em>Tous les numéros de « La revue de l’Institut Veolia – Facts Reports » sont disponibles sur le <a href="https://www.institut.veolia.org/fr/La-Revue-de-l-Institut-FACTS-Reports">site dédié</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115991/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Chalmin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une brève histoire de la conquête de la planète par les plastiques.Philippe Chalmin, Président fondateur de Cyclope, professeur, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1160192019-09-15T19:43:14Z2019-09-15T19:43:14ZL’impact de l’automatisation sur la gestion des déchets plastiques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/271202/original/file-20190426-194620-1ifvi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=223%2C105%2C3398%2C2311&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La plasturgie représente 3 500 entreprises et 122 000 emplois en France.</span> <span class="attribution"><span class="source">Photothèque Veolia - Alexis Duclos</span></span></figcaption></figure><p><em>Ce texte est extrait de la récente édition de « La revue de l’Institut Veolia – Facts Reports » <a href="https://www.institut.veolia.org/fr/nos-publications/la-revue-de-linstitut-facts-reports/lindispensable-reinvention-des-plastiques">consacrée aux plastiques</a>.</em></p>
<hr>
<p>En Europe, l’industrie du plastique emploie <a href="https://www.plasticseurope.org/en/resources/publications/619-plastics-facts-2018">1,5 million de personnes</a>, au sein de 60 000 entreprises, pour un chiffre d’affaires de 355 milliards d’euros. Et, pour la première fois en 2016, les quantités de plastiques recyclées y ont dépassé les quantités mises en décharge. 8,4 millions de tonnes ont pu ainsi être recyclées sur le Vieux Continent ou hors de ses frontières.</p>
<p>Particulièrement concerné par le développement de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/economie-circulaire-26694">économie circulaire</a> et de la transition numérique, ce secteur intègre peu à peu les changements organisationnels et humains qui y sont liés, le conduisant notamment à repenser les métiers et les compétences associées.</p>
<p>Le contour et le contenu des emplois évoluent, depuis la conception, la production jusqu’à la valorisation des déchets. L’arrivée de la « cobotique » – entendre la collaboration entre l’homme et le robot – participe à ce mouvement.</p>
<h2>Vers une nouvelle division du travail</h2>
<p>Les effets de la transition numérique sont massifs : on estime que des millions d’emplois au niveau mondial migreront vers les machines. La part d’heures travaillées par les humains passera à 58 %, et celle des machines à <a href="https://www.weforum.org/reports/the-future-of-jobs-report-2018">42 % en 2022</a> (contre 29 % en 2018).</p>
<p>De nouveaux métiers émergeront, plus adaptés à cette nouvelle division du travail entre humains, machines et algorithmes : spécialistes du <em>machine learning</em> et de l’intelligence artificielle, du <em>big data</em>, experts en automatisation, en sécurité de l’information, designers de l’expérience client, de l’interaction homme-machine, ingénieurs en robotique et spécialistes de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/blockchain-28780">blockchain</a>.</p>
<p>Dans l’industrie productive, les machines génèrent en effet des données massives qui sont collectées, exploitées et mises en forme par les ingénieurs pour les opérateurs. Dans le cas du plastique, les extrudeuses, les machines d’impression, de collage et de bobinage de plastique peuvent fonctionner de manière continue tout en générant jusqu’à plusieurs giga-octets de données par jour ; celles-ci seront utilisées pour le suivi et la maintenance prédictive.</p>
<h2>Faire évoluer les compétences</h2>
<p>Parallèlement, des activités typiquement humaines – comme la communication et l’interaction, le développement, l’encadrement et le conseil, la tenue d’un raisonnement et la prise de décision – commenceront à être automatisées de façon significative par des algorithmes. Un phénomène à relativiser toutefois en France, où la numérisation du tissu productif semble se <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/pbrief/2018/OFCEpbrief36.pdf">développer moins vite</a> que dans d’autres pays.</p>
<p><a href="https://www.medefinternational.fr/kiosque/rapport-annuel-2017/">Dans l’Hexagone</a>, où la plasturgie concerne 3 500 entreprises et 122 000 emplois, les changements dûs aux deux types de transition se traduiront davantage par une <a href="https://ideas.repec.org/p/fce/doctra/1823.html">transformation des tâches et des compétences</a> (ou en impacts sur les métiers et les activités) qu’en émergence de nouveaux métiers « verts ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1105260320279445506"}"></div></p>
<p>Citons l’écoconception, qui s’appuie sur l’analyse des cycles de vie et tient compte des différentes étapes de la vie du plastique pour en minimiser l’impact environnemental. Cette démarche implique toutes les fonctions de l’entreprise mais invite également les parties prenantes extérieures (fournisseurs, transporteurs, utilisateurs) à l’organisation. L’économie circulaire rebat ainsi les cartes, faisant émerger de nouvelles vocations.</p>
<p>Dans ces stratégies, les fonctions de management, d’ingénierie d’études et R&D, ainsi que de conception jouent un rôle clé pour faire évoluer les procédés industriels. Car une matière recyclée ne s’incorpore pas aisément dans une production, et requiert parfois d’en adapter les procédés.</p>
<p>Le cas des plastiques est emblématique des connaissances nécessaires pour caractériser puis traiter les différentes résines. Il faut des compétences différentes pour trouver des applications, déterminer leur compatibilité (de l’automobile aux emballages alimentaires en passant par le bâtiment) et les faire valider auprès d’organismes certificateurs : les bioplastiques impliquent par exemple la collaboration d’experts en chimie, en biotechnologies et en électronique. Ces mêmes expertises permettront également de trouver des solutions de recyclage de la matière en aval.</p>
<h2>Homme et robot trient à quatre mains</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/271022/original/file-20190425-121228-1hziopf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/271022/original/file-20190425-121228-1hziopf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/271022/original/file-20190425-121228-1hziopf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=793&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/271022/original/file-20190425-121228-1hziopf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=793&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/271022/original/file-20190425-121228-1hziopf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=793&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/271022/original/file-20190425-121228-1hziopf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=996&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/271022/original/file-20190425-121228-1hziopf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=996&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/271022/original/file-20190425-121228-1hziopf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=996&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Medef 2017</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Alors que l’automatisation suppose un transfert des savoirs et des savoir-faire de l’humain vers la machine, la cobotique permet d’apporter une assistance robotique à un opérateur avec laquelle ce dernier peut interagir. Ceci se traduit aujourd’hui par la mise en commun des compétences humaines et de la machine.</p>
<p>Ses applications peuvent être la télé-opération (la collaboration à distance), la coprésence collaborative (l’homme et le robot partagent un même espace de travail), la comanipulation (l’opérateur manipule directement le robot pour effectuer sa tâche, ce qui permet d’accroître les efforts pour porter des charges plus lourdes par exemple) ; ou encore l’exomanipulation (l’homme revêt un exosquelette pour alléger ses efforts).</p>
<p>Dans le cadre d’une télé-opération, l’opérateur se représente, depuis son poste de commande, la <a href="https://ergonomie-self.org/wp-content/uploads/2018/08/ActesSELF2016-643-654.pdf">tâche effectuée par le robot</a>. En centre de tri, le tri « télé-opéré » permet ainsi à l’opérateur de travailler sur un écran tactile en cabine, à distance des tapis, après une première opération de tri complètement automatisée.</p>
<p>Le tri de déchets comme les sacs plastiques exige encore une combinaison de trois étapes : le tri manuel des grands films, le tri automatique des autres films par criblage balistique et, enfin, le tri optique. Les effets sur les postes de travail ne sont pas encore bien mesurés, et laissent des questions en suspens en matière d’ergonomie sur les contraintes physiques des opérateurs (notamment pour les exosquelettes).</p>
<h2>Les limites du numérique</h2>
<p>L’automatisation est cependant encore limitée à cause de la complexité de certaines tâches. Et dans plusieurs filières, les opérateurs affectés au tri manuel restent plus performants que les machines.</p>
<p>L’œil et la main demeurent souvent la meilleure technique pour extraire la fraction valorisable d’un gisement, et intégrer la spécificité des situations. Dans le cas du tri des plastiques, où la reconnaissance optique bute encore sur les nouvelles matières biosourcées, l’activité humaine n’est pas remplaçable, et certains <a href="http://www.smitred.com/fr/content/le-tri-optique">postes de surtri résistent</a> à l’automatisation.</p>
<p>L’entreprise Actes, implantée à Bordeaux et dans le Pays basque, s’est ainsi lancée il y a quelques années dans une diversification de ses activités de recyclage : elle traite désormais les gobelets jetables en plastique. Un processus de pré-tri manuel et de séparation de la matière par flottation a été mis au point avec l’Université de Bordeaux. L’objectif du chef d’entreprise était la création d’un maximum de postes manuels, prenant à rebours la logique d’automatisation habituelle dans ce secteur. Il s’est appuyé sur les apprentissages issus des autres filières matières, notamment le papier, montrant que le tri manuel atteignait des performances supérieures à celles du tri automatisé.</p>
<p>Après une année de formation et de pratique sur table de tri, les agents de tri ont acquis une expertise dans la reconnaissance des résines (polypropylène, polystyrène). Ils combinent les signes de la matière (couleur, épaisseur, texture, façon de se casser) pour reconnaître rapidement les produits. Leur geste est plus performant qu’une machine automatisée, et le taux de pureté peut atteindre les 100 % quand le producteur de déchets a bien pré-trié la matière.</p>
<p>C’est le résultat d’une approche globale : le tri et le recyclage ne constituent qu’une étape dans la valorisation d’une matière quasi intacte. En amont, le producteur de déchets a été sensibilisé aux enjeux du tri. En aval, la machine permet d’alimenter des négociants en paillettes, et constitue d’abord un outil pour faire monter les collaborateurs en compétences.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1039420591877640192"}"></div></p>
<h2>Les travailleurs manuels lésés</h2>
<p>Malgré cela, les réductions d’effectifs des centres de tri automatisés concernent majoritairement les opérateurs de tri, que les créations de postes de techniciens supplémentaires <a href="https://www.ademe.fr/etude-prospective-collecte-tri-dechets-demballages-papier-service-public-gestion-dechets">ne compenseront pas</a>.</p>
<p>Si le niveau de diplôme des professionnels de l’économie verte tend à s’élever (21 % des travailleurs n’ont aucun diplôme, <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/dares-etudes-et-statistiques/etudes-et-syntheses/dares-analyses-dares-indicateurs-dares-resultats/article/professions-de-l-economie-verte-quelle-dynamique-d-emploi">33 % possèdent un CAP-BEP</a>, les politiques en faveur du climat favorisent en général les professionnels et techniciens qualifiés au détriment des travailleurs manuels. Conjuguées au verdissement de l’économie et aux transformations technologiques, elles induisent des changements dans la demande de compétences nécessaires pour fournir les nouveaux produits et services, la recomposition du marché du travail s’opérant alors <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0095069618304911">au détriment des moins qualifiés</a>.</p>
<p>Face à ce phénomène, certains employeurs adoptent une stratégie de montée en compétences. Le Smicval, syndicat de traitement des ordures ménagères dans la région de Libourne (France), a ainsi fait évoluer ses agents d’accueil en déchèterie. Ces derniers se muent en agents valoristes chargés de trier, réparer et remettre en circulation des objets usagés. Ce qui suppose l’acquisition de compétences multiples (relationnel, diagnostic, réparation) ; ce que promeuvent également les entreprises de l’économie sociale et solidaire.</p>
<p>À l’image d’autres industries, le recyclage des matières plastiques se transforme sous la pression de la double transition numérique et environnementale. Tout l’enjeu pour les acteurs, publics comme privés, consiste à identifier et à construire les compétences nécessaires à court et à moyen terme pour répondre aux besoins économiques et sociétaux.</p>
<hr>
<p><em>Tous les numéros de « La revue de l’Institut Veolia – Facts Reports » sont disponibles sur le <a href="https://www.institut.veolia.org/fr/La-Revue-de-l-Institut-FACTS-Reports">site dédié</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116019/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Carola Guyot Phung ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comme d’autres secteurs, l’industrie du plastique et de son recyclage font aujourd’hui face aux enjeux de la transition numérique et de l’automatisation qui en découle.Carola Guyot Phung, Chercheur associé i3-CRG Innovation & Transition écologique et énergétique, École polytechniqueLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1182792019-06-05T04:31:58Z2019-06-05T04:31:58ZÉtude : la pollution de l’air intérieur, un problème méconnu par un Français sur deux<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/277908/original/file-20190604-69075-1tnzixc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Aérer quotidiennement son logement, une action essentielle pour lutter contre la pollution de l’air intérieur. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/man-opening-window-home-refresh-room-621144887?src=Y0tvhg_oFAvShqEio_g9hw-1-7">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>La pollution de l’air intérieur est restée relativement méconnue jusqu’au début des années 2000, contrairement à <a href="https://theconversation.com/la-pollution-de-lair-un-probleme-pour-92-de-la-population-urbaine-mondiale-70855">celle de l’air extérieur</a>, réglementée depuis des décennies et davantage médiatisée. Or, dans les climats tempérés, nous passons en moyenne 85 % du temps dans des environnements clos – logements, écoles, bureaux, transports… –, où nous pouvons être exposés à de nombreux polluants.</p>
<p>La question de la qualité de l’air intérieur est ainsi devenue une préoccupation majeure de santé publique partout dans le monde.</p>
<p>L’air – intérieur ou extérieur – est estimé pollué lorsqu’un agent chimique, physique ou biologique vient modifier les caractéristiques naturelles de l’atmosphère. Parmi les polluants les plus nocifs pour la santé, les matières particulaires (elles sont formées d’un mélange complexe de particules solides et liquides de substances organiques et minérales en suspension dans l’air : sulfates, nitrates, ammoniac, chlorure de sodium, carbone, matières minérales et eau), le monoxyde de carbone, l’ozone, le dioxyde d’azote et le dioxyde de soufre.</p>
<p>Outre les apports de l’air extérieur, les sources potentielles de pollution dans les bâtiments sont nombreuses : appareils à combustion, matériaux de construction, produits d’entretien, peintures, tabagisme, acariens, etc.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/h24-confines-a-la-maison-quatre-conseils-pour-limiter-la-pollution-de-lair-chez-soi-75237">H24 confinés à la maison, quatre conseils pour limiter la pollution de l’air chez soi</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Un coût sanitaire et socio-économique exorbitant</h2>
<p>La pollution de l’air est l’un des principaux risques environnementaux mondiaux et le 4<sup>e</sup> plus gros facteur de <a href="https://www.oecd.org/fr/environnement/indicateurs-modelisation-perspectives/Consequences-economiques-de-la-pollution-air-exterieur-essentiel-strategique-web.pdf">risque de mortalité dans le monde</a>. Elle est à l’origine de maladies respiratoires et cardiovasculaires, de cancers, d’allergies et d’asthme, mais aussi indirectement de baisses de la productivité (confort, bien-être au travail…).</p>
<p>Jusqu’à 8 fois <a href="http://www.oqai.fr/userdata/documents/521_Guide_Qualitel.pdf">plus pollué que l’air extérieur</a>, l’air intérieur a entraîné 3,8 millions de décès prématurés dans le monde en 2016. En France, l’<a href="http://www.oqai.fr/ModernHomePage.aspx">OQAI</a> juge sa qualité mauvaise dans 60 % des logements et note que 34 % des locaux tertiaires (soit un bureau sur deux et trois salles de classe sur cinq) ne sont pas équipés d’un dispositif de ventilation et de traitement de l’air.</p>
<p>Les conséquences peuvent être lourdes pour la collectivité qui doit supporter un coût de quelque <a href="http://www.oqai.fr/userdata/documents/449_Rapport_Cout_economique_PAI_Avril2014.pdf">19 milliards d’euros</a> entre les décès prématurés, la prise en charge des soins, les pertes de productivité au travail… Parmi les publics les plus exposés, les <a href="http://www.oqai.fr/userdata/documents/527_PPT_Atelier_OQAI_Juin_2018_ECOLES.pdf">enfants</a> et leurs 40 respirations/minute (contre 16 pour un adulte) motivent à traiter en priorité la qualité de l’air intérieur des espaces clos <a href="https://www.eyrolles.com/BTP/Livre/batir-pour-la-sante-des-enfants-9789992017760/">accueillant un jeune public</a>.</p>
<p><a href="https://www.veolia.com/fr/newsroom/dossiers-thematiques/ameliorer-qualite-air">Une étude</a>, réalisée par Elabe pour le groupe Veolia et publiée ce 5 juin à l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement portant cette année sur la pollution de l’air, a été conduite auprès de milliers de citoyens en France, en Belgique et à Shanghai. Il s’agit d’évaluer l’état des connaissances du grand public sur la question de la pollution de l’air intérieur. Voici les principaux enseignements de cette enquête.</p>
<h2>Prise de conscience et manque d’informations</h2>
<p>Si 90 % des Français considèrent que leur état de santé est impacté par la qualité de l’air qu’ils respirent à leur domicile, dans les transports et les bâtiments publics, la plupart évaluent mal le risque sanitaire et sous-estiment la pollution de l’air intérieur, notamment dans les lieux privés.</p>
<p>Ainsi, 52 % sont « surpris » (dont 14 % « très surpris ») d’apprendre que nous sommes davantage exposés à la pollution de l’air à l’intérieur de notre logement et des bâtiments que nous fréquentons qu’à l’extérieur. Voire même trois sur quatre estiment que l’air qu’ils respirent à l’intérieur de leur logement est de bonne qualité. A contrario, la qualité de l’air intérieur des lieux ouverts au public ou de passage divise ou interroge : moins d’un Français sur deux y juge l’air de bonne qualité.</p>
<p>Le sentiment de manquer d’informations prévaut en matière de prévention, de mesure de la qualité de l’air intérieur, de solutions et d’impact sanitaire : moins d’un Français sur deux considère être bien informé sur les gestes à adopter. Sur le terrain des solutions de mesure et de traitement, 67 % se disent mal informés sur les moyens disponibles et près de deux sur cinq ignorent purement et simplement l’existence des capteurs de mesure et des appareils de ventilation et de filtration qui se déclenchent automatiquement en fonction de la qualité de l’air intérieur.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/278040/original/file-20190605-40738-r8xwh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/278040/original/file-20190605-40738-r8xwh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/278040/original/file-20190605-40738-r8xwh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/278040/original/file-20190605-40738-r8xwh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/278040/original/file-20190605-40738-r8xwh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/278040/original/file-20190605-40738-r8xwh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=443&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/278040/original/file-20190605-40738-r8xwh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=443&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/278040/original/file-20190605-40738-r8xwh2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=443&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Étude Elabe/Veolia 2019</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Des résultats assez comparables à ceux de la Belgique, où 60 % des sondés sont surpris (dont 16 % très surpris) d’apprendre que l’exposition à la pollution de l’air intérieur est plus importante. Ainsi, trois Belges sur quatre estiment que l’air qu’ils respirent à l’intérieur de leur logement est de bonne qualité. Une évaluation significativement plus positive que pour l’air extérieur, jugé de mauvaise qualité par un sur deux au niveau du pays et par plus d’un sur trois pour leur quartier ou leur commune (contre deux Français sur cinq au niveau du pays et moins de trois sur dix au niveau de la commune).</p>
<p>À Shanghai, les résidents établissent majoritairement un lien entre leur santé et la qualité de l’air qu’ils respirent, à l’extérieur comme à l’intérieur de leur domicile ou des bâtiments qu’ils fréquentent. Ils sont 95 % à considérer que leur état de santé est impacté par la qualité de l’air qu’ils respirent chez eux, dans les transports et les bâtiments ouverts au public.</p>
<p>Pourtant, de la conscience de l’enjeu à la bonne information, il y a un pas qui n’est pas encore franchi. S’ils déclarent en majorité avoir connaissance des gestes de prévention (76 %), de la qualité de l’air intérieur des lieux qu’ils fréquentent (55 %) et des moyens disponibles pour l’améliorer (64 %), la plupart des sondés évaluent mal le risque sanitaire et sous-estiment la pollution de l’air intérieur, dans les lieux privés comme dans les bâtiments publics.</p>
<h2>Comment améliorer la situation ?</h2>
<p>L’OMS estime que le coût de la pollution de l’air pourrait s’élever à plus de <a href="http://www.oecd.org/fr/env/la-pollution-de-l-air-pourrait-causer-entre-6-et-9-millions-de-deces-prematures-et-couter-1-du-pib-d-ici-2060.htm">1 % du PIB mondial en 2060</a>. Un défi sanitaire qui requiert l’implication de tous les acteurs de la qualité de l’air intérieur – de la régulation, de l’information et des solutions – comme le confirme une grande majorité des sondés dans les pays couverts par l’étude Elabe/Veolia.</p>
<p>En France, les ministères de l’Environnement et de la Santé ont lancé en 2013 le <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/qualite-lair-interieur">plan d’actions sur la qualité de l’air intérieur</a>. Avec, entre autres temps forts, la mise en œuvre d’une surveillance dans certains établissements publics, dont les écoles et les crèches. Depuis le 1<sup>er</sup> janvier 2018, elle est devenue obligatoire dans les crèches et les écoles maternelles et élémentaires. Elle sera généralisée à tous les établissements de ce type à partir du 1<sup>er</sup> janvier 2023.</p>
<p>Si l’ensemble des acteurs, publics et privés, à tous les niveaux jusqu’au plus local ont un rôle à jouer en matière d’amélioration de la qualité de l’air intérieur, les Français considèrent à 45 % (selon l’étude Elabe/Veolia) que l’État a un rôle « très important » à jouer et que la réglementation est, pour 85 % d’entre eux, un levier « important » ou « très important ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118279/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Victoria est directeur du développement durable de l’entreprise Veolia. </span></em></p>Si les dangers de la pollution de l’air extérieur sont aujourd’hui bien connus, ceux relatifs à l’air que l’on respire dans les espaces clos le sont beaucoup moins, révèle une étude internationale.Pierre Victoria, Professeur associé en développement durable, Sciences Po RennesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1102372019-03-21T23:05:36Z2019-03-21T23:05:36ZVidéo : « Mieux gérer les ressources, l’enjeu déterminant de l’économie circulaire »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/264497/original/file-20190318-28468-gapjp2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/hand-holding-recycle-symbol-on-green-1160636638">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><em>Fin novembre, la Fondation Veolia clôturait son cycle 2018 de conférences organisées à la Recyclerie (Paris) et <a href="https://www.livingcircular.veolia.com/fr/eco-citoyen/conference-2c-ressources-mieux-gerees-lenjeu-determinant-de-leconomie-circulaire">consacrées à l’économie circulaire</a>. Nous diffusons ici la vidéo de l’intégralité de cette dernière session. Un <a href="https://www.fondation.veolia.com/fr/qui-sommes-nous/les-evenements-de-la-fondation/les-conferences-2c/le-cycle-2019">nouveau cycle</a> de conférences ouvertes au public a repris le 13 mars dernier. Toutes les infos pratiques sur le <a href="http://www.larecyclerie.com/programmation/">site de la Recyclerie</a>. Dominique Bourg parraine ces rencontres.</em></p>
<hr>
<p>En 2018, le <a href="https://theconversation.com/la-terre-va-t-elle-sarreter-de-tourner-apres-le-1er-aout-100687">jour du dépassement</a> – celui à partir duquel nous vivons à crédit des ressources planétaires – a eu lieu le 1<sup>er</sup> août ; il n’a cessé ces dernières années d’avancer dans le calendrier. Si toute l’humanité vivait comme des Français, nous aurions besoin des ressources de 3 planètes pour satisfaire les besoins de tout le monde. Et de 5 planètes si l’on se base sur le modèle américain.</p>
<p>Plus encore que l’extraction de matière, ce mode de vie a aussi des conséquences désastreuses sur le réchauffement climatique et la disparition des espèces. Il y a donc urgence à revoir nos systèmes de production et de consommation. Le problème fondamental concernant la hauteur des flux qui entrent dans le système économique. La réduction de leur volume conditionne l’efficacité des opérations diverses de l’économie circulaire.</p>
<p>Une chose est sûre : les ressources naturelles sont trop précieuses pour n’être utilisées qu’une seule fois. Or, aujourd’hui on estime que plus de 75 % des déchets dans le monde ne sont pas valorisés. L’objectif ultime de l’économie circulaire est justement de <a href="https://www.livingcircular.veolia.com/fr/eco-citoyen/conference-2c-ressources-mieux-gerees-lenjeu-determinant-de-leconomie-circulaire">réduire la consommation de ressources</a> pour revenir à l’échelle d’une seule planète.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Gz0jytqqmZ4?wmode=transparent&start=827" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Des ressources mieux gérées », la 14ᵉ conférence circulaire de la Fondation Veolia. (La Recyclerie/Youtube, 2018).</span></figcaption>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/110237/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dominique Bourg ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La promesse de l’économie circulaire est de créer plus de valeur avec moins de ressources.Dominique Bourg, Philosophe, professeur à la Faculté des géosciences et de l’environnement, Université de LausanneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1112242019-03-11T20:35:49Z2019-03-11T20:35:49ZMicroplastiques en mer, les solutions sont à terre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/260730/original/file-20190225-26177-pretje.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">N.Sardet/Tara Expeditions</span></span></figcaption></figure><p><em>Ce texte est extrait de la récente édition de « La revue de l’Institut Veolia – Facts Reports » <a href="https://www.institut.veolia.org/fr/nos-publications/la-revue-de-linstitut-facts-reports/lindispensable-reinvention-des-plastiques">consacrée aux plastiques</a>. André Abreu, directeur des politiques internationales pour la <a href="https://oceans.taraexpeditions.org/">Fondation Tara Expéditions</a>, est co-auteur de cet article.</em></p>
<hr>
<p>Chaque année, entre <a href="https://www.unenvironment.org/news-and-stories/press-release/remarks-achim-steiner-un-under-secretary-general-and-unep-executive">10 et 20 millions</a> de tonnes de déchets en tous genres sont déversées dans les océans, dont une grande majorité de matières plastiques. En surface, ces dernières représentent même la quasi-totalité des objets flottants.</p>
<p>Si certains détritus proviennent des activités maritimes, en moyenne, 70 à 80 % des déchets rejetés en mer <a href="https://babel.hathitrust.org/cgi/pt?id=uiug.30112032828391;view=1up;seq=4">sont arrivés par la terre</a>, acheminés notamment par les fleuves et les rivières.</p>
<p>La surconsommation de plastique et les déchets qu’elle génère ont un impact très important sur la nature et en particulier sur l’environnement marin. Les dommages globaux causés par les déchets plastiques sur les écosystèmes marins, liés à la mortalité des espèces, à la destruction des habitats, mais aussi à la contamination chimique, à la propagation des espèces envahissantes et aux dommages économiques sur les industries de la pêche et du tourisme, pourraient représenter plus de 13 milliards de dollars par an, <a href="http://wedocs.unep.org/handle/20.500.11822/9240">estime ainsi l’UNEP</a>.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-presence-des-microplastiques-dans-locean-nettement-revue-a-la-hausse-52951">La présence des microplastiques dans l’océan nettement revue à la hausse</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Nettoyer les mers ne suffira pas</h2>
<p>Face à ce constat alarmant, beaucoup se tournent vers des méthodes technologiques dans l’espoir de nettoyer les mers et les océans du globe du plastique qui y flotte. Mais l’océan est immense, les déchets toujours plus nombreux et, avec l’émergence des microplastiques, de plus en plus difficiles à collecter.</p>
<p>Bien que le nettoyage reste indispensable, s’en contenter serait s’attaquer aux conséquences du problème sans prendre en compte ses causes. Il faut aujourd’hui agir plus en amont : ce n’est qu’en empêchant les déchets d’arriver en mer que nous pouvons espérer préserver et restaurer durablement l’océan.</p>
<p>Malgré son apparente simplicité, cette solution et la stratégie qu’elle implique – c’est-à-dire réduire la production de plastique, inciter la population à ne pas jeter – n’est pas pour autant facile à mettre en œuvre : elle repose en effet sur un changement profond des comportements, tant de la part des producteurs de plastiques que des consommateurs.</p>
<p>Pour que les plastiques cessent d’envahir l’océan, ce sont nos modes de vie qu’il faut repenser.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1032621128689364992"}"></div></p>
<h2>Réduire, réutiliser, recycler</h2>
<p>Aujourd’hui, peu de citoyens sont au fait de la quantité de déchets qu’ils produisent, simplement en consommant les produits du quotidien. Pour minimiser cet impact, une prise de conscience et une remise en question sont nécessaires : les comportements doivent évoluer vers la réduction des déchets, la réutilisation et le recyclage.</p>
<p>Les consommateurs ont donc un rôle essentiel à jouer. Pour prévenir la production de déchets plastiques, il leur appartient de faire des achats responsables : privilégier les produits avec peu ou pas d’emballages, choisir des produits durables et réutilisables plutôt que des produits jetables – vaisselle en plastique, rasoirs jetables, etc. – très générateurs de déchets et, enfin, refuser les sacs plastiques lorsqu’ils effectuent ces achats.</p>
<p>En les réutilisant au lieu de les jeter, ils peuvent aussi donner une seconde vie à leurs objets. Entretenir et réparer, vendre ou donner des objets dont on n’a plus l’utilité, réutiliser les emballages, les contenants, les pièces détachées, ou encore déposer les bouteilles à la consigne lorsque cela est possible, sont autant de moyens pour réduire sa production de déchets.</p>
<p>Enfin, les consommateurs ont la responsabilité de trier et d’orienter les produits en fin de vie vers les filières de recyclage, lorsqu’elles existent. Pour qu’un tel changement des comportements soit possible, la sensibilisation et la présence d’infrastructures adaptées sont bien sûr essentielles.</p>
<p>Au-delà des plastiques, c’est aussi notre perception de la mer qu’il faut changer : un important travail d’éducation reste à faire pour qu’elle ne soit plus perçue comme un grand réservoir dans lequel les déchets peuvent être abandonnés sans conséquence.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"957858193148928000"}"></div></p>
<h2>Interdire les plastiques à usage unique</h2>
<p>L’usage des sacs plastiques est depuis longtemps ancré dans notre quotidien, sans que nous ayons conscience de ses conséquences.</p>
<p>Pourtant, les recherches mettent de plus en plus en lumière leurs impacts préoccupants sur le milieu marin. Devant l’étendue de la pollution plastique observée, et après la décision de la France d’<a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/fin-des-sacs-plastique-usage-unique-daction">interdire les sacs plastiques</a> légers à partir de 2016, une action concrète est nécessaire de la part de tous les gouvernements et institutions multilatérales.</p>
<p>Pour une mer et des hommes en bonne santé, l’interdiction globale des plastiques à usage unique, véritable fléau pour l’environnement, est devenue nécessaire. Le 31 janvier dernier, pourtant, le <a href="https://www.actu-environnement.com/ae/news/Senat-repousse-2021-interdiction-certains-ustensiles-plastique-32790.php4">Sénat a reculé d’un an l’interdiction</a> de certains produits, comme les pailles et les couverts, initialement prévue en 2020.</p>
<p>Au niveau des pays du pourtour méditerranéen, d’autres pays ont annoncé l’interdiction des sacs à usage unique, comme le Maroc et Monaco, mais des progrès restent à faire avec les gros pays pollueurs de la région, comme l’Égypte ou le Liban, dont la gestion des déchets demeure défaillante.</p>
<p>Face à ce fléau, il reste important de rappeler que les solutions passent nécessairement par la mise en place d’infrastructures adéquates et coûteuses, comme les usines de recyclage ou les stations d’épuration.</p>
<p>Ces investissements sont aujourd’hui plus que jamais nécessaires dans les pays du sud, d’autant plus que l’océan ne connaît pas de frontière et que les courants marins font circuler les particules très rapidement au niveau de tout le bassin de la Méditerranée.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"690140755952848896"}"></div></p>
<h2>Sacs plastiques, du supermarché à nos assiettes</h2>
<p>Les sacs plastiques fins, toujours utilisés en caisse ou pour la vente des fruits et légumes, sont distribués par milliards chaque année en France, et jetés pour la majorité après une seule utilisation. Ils mettent pourtant entre cent et cinq cents ans à se dégrader dans l’environnement.</p>
<p>Très légers, ils n’ont pas de valeur dans les systèmes de recyclage monétarisés, contrairement aux bouteilles ou autres emballages rigides, qui peuvent rapporter de l’argent au poids. Ils sont facilement emportés par le vent et, qu’ils aient été déposés dans une poubelle, dans une décharge, ou bien délibérément abandonnés par terre, ils finissent la plupart du temps leur course dans la mer.</p>
<p>Là, leur impact est dévastateur : transportés sur de très longues distances, ils endommagent les fonds marins et mettent en danger les espèces qui les ingèrent, s’y enchevêtrent, ou sont contaminées par les substances toxiques qu’ils libèrent.</p>
<p>Au gré des courants, les sacs plastiques sont ensuite fragmentés en microparticules qui se dispersent partout dans l’environnement. Absorbées par les organismes marins, ces microparticules remontent la chaîne alimentaire pour se retrouver finalement dans nos assiettes. Les sacs plastiques jetables représentent donc une potentielle menace pour la santé humaine, et leur coût général pour la société n’est pas non plus négligeable : toutes les activités liées à la mer et au littoral – pêche, aquaculture, loisirs, tourisme – pâtissent de leur présence.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/WtZq6PVc3lc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’interdiction des sacs plastiques est-elle un fiasco ? (Actu-Environnement/YouTube, 2018).</span></figcaption>
</figure>
<h2>Une concertation nécessaire</h2>
<p>Face à l’ampleur de l’enjeu, des solutions réalistes existent déjà, et que pour la plupart elles se trouvent à terre, dans la prévention et le traitement correct des déchets et de l’eau.</p>
<p>Transformer les habitudes pour une réduction des emballages de chaque ménage et supprimer le geste automatique de jeter suppose un gros travail d’éducation, que ce soit pour les habitants des pays côtiers, ou pour les millions de touristes qui y affluent chaque année en Méditerranée ou dans les îles du pacifique.</p>
<p>Mais les citoyens ne sont pas les seuls responsables. La prévention des déchets plastiques doit également se faire en amont, auprès des fabricants, des distributeurs, avant que les produits ne soient vendus.</p>
<p>S’il serait illusoire d’exiger des entreprises productrices de plastique l’arrêt de leur activité, la responsabilité industrielle est clé pour ralentir la production de déchets. En réduisant leurs emballages et en créant des produits faciles à entretenir, réparables et durables, adaptés à la réutilisation ou au recyclage, les entreprises peuvent changer la donne.</p>
<p>En parallèle d’un remplacement progressif par des matériaux alternatifs, une bonne gestion du plastique – favorisant le recyclage et la réutilisation – permettrait aux entreprises de biens de consommation d’effectuer d’importantes économies, dont le potentiel, aujourd’hui évalué à 4 milliards de dollars chaque année, est appelé à augmenter.</p>
<hr>
<p><em>Tous les numéros de la revue de l’Institut Veolia « Facts Reports » sont disponibles sur le <a href="https://www.institut.veolia.org/fr/La-Revue-de-l-Institut-FACTS-Reports">site dédié</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/111224/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maria Luiza Pedrotti ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La surconsommation de plastique et les déchets qu’elle génère ont un impact fort sur l’environnement marin : la lutte contre ce fléau doit passer par une réduction de la production de plastique.Maria Luiza Pedrotti, Chercheuse en biologie marine, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1112052019-03-11T20:35:48Z2019-03-11T20:35:48ZEt l’on découvrit que la Méditerranée était devenue une mer de plastiques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/260703/original/file-20190225-26162-66dag9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Traitement des échantillons prélevés à bord de la goélette Tara. </span> <span class="attribution"><span class="source">Samuel Bollendorff/Fondation Tara Expéditions</span></span></figcaption></figure><p><em>Ce texte est extrait de la récente édition de « La revue de l’Institut Veolia – Facts Reports » <a href="https://www.institut.veolia.org/fr/nos-publications/la-revue-de-linstitut-facts-reports/lindispensable-reinvention-des-plastiques">consacrée aux plastiques</a>. André Abreu, directeur des politiques internationales pour la <a href="https://oceans.taraexpeditions.org/">Fondation Tara Expéditions</a>, est co-auteur de cet article.</em></p>
<hr>
<p><a href="https://www.iswa.org/fileadmin/user_upload/Calendar_2011_03_AMERICANA/Science-2015-Jambeck-768-71__2_.pdf">5 250 milliards</a>, c’est le nombre de particules plastiques qui flottent à la surface des mers et des océans du monde, soit l’équivalent de 268 940 tonnes de déchets. Des fragments qui circulent au gré des courants, avant d’échouer pour une partie sur les plages, les îles, les atolls de récifs coralliens ou encore dans l’un des cinq <a href="https://theconversation.com/la-presence-des-microplastiques-dans-locean-nettement-revue-a-la-hausse-52951">« gyres » océaniques</a>, dont le plus grand et plus connu se situe dans l’océan Pacifique nord.</p>
<p>La majorité de ces déchets existe sous forme de microplastiques, c’est-à-dire de déchets d’une taille inférieure à 5 mm. Ces micro-déchets sont constitués d’un assemblage hétérogène de pièces qui varient en taille, forme, couleur, densité et composition chimique. Parmi eux, la plupart dérivent en mer avant d’être détérioriés, un processus qui peut prendre entre 100 et 1 000 ans.</p>
<p>On distingue les microplastiques primaires, libérés sous forme de petites particules plastiques – microbilles contenus dans les cosmétiques, fragments textiles… – des microplastiques secondaires, qui proviennent surtout de la dégradation des gros déchets plastiques en milieu marin – comme les sacs plastiques à usage unique.</p>
<p>Selon les experts de l’Ifremer, 700 tonnes de déchets se déversent chaque jour en mer Méditerranée qui représente l’une des régions les plus impactées par la pollution marine, plastique tout particulièrement.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pollution-plastique-retour-sur-une-prise-de-conscience-101541">Pollution plastique : retour sur une prise de conscience</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Un bassin particulièrement vulnérable</h2>
<p>Du fait de son caractère de mer semi-fermée, la Méditerranée connaît une exposition plus forte que les océans : le taux de renouvellement de ses eaux est de 90 ans alors que la persistance des plastiques est, elle, supérieure à 100 ans.</p>
<p>Entre <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0121762">1 000 et 3 000 tonnes</a> de plastiques flottent actuellement à la surface (fragments de bouteilles, sacs, emballages, fils de pêche…), provenant en grande partie des zones d’accumulation des villes côtières, des zones à forte activité touristique et des décharges à ciel ouvert. La majeure partie de la pollution méditerranéenne provient des 250 milliards de fragments de microplastiques qui s’y trouvent, selon les estimations de l’<a href="http://www.expeditionmed.eu/fr/">Expédition MED</a>.</p>
<p>Un problème exacerbé par d’autres facteurs : les côtes densément peuplées, le tourisme fortement développé, le passage de 30 % du trafic maritime mondial et les apports supplémentaires des déchets par les rivières et les zones très urbanisées.</p>
<p>En Méditerranée, 95 % des déchets marins sont en plastique, ce qui a mené certains experts à la qualifier de sixième grande zone d’accumulation de déchets marins au monde, après les cinq gyres océaniques.</p>
<h2>Des conséquences encore mal connues</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/257529/original/file-20190206-174894-3vlpxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/257529/original/file-20190206-174894-3vlpxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/257529/original/file-20190206-174894-3vlpxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/257529/original/file-20190206-174894-3vlpxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/257529/original/file-20190206-174894-3vlpxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/257529/original/file-20190206-174894-3vlpxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/257529/original/file-20190206-174894-3vlpxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/257529/original/file-20190206-174894-3vlpxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Microplastiques récoltés en Méditerranée par le bateau de la fondation Tara.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Samuel Bollendorff</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En 2014, la fondation Tara a conduit une expédition pendant neuf mois dans le bassin méditerranéen pour étudier spécifiquement les microplastiques et en comprendre les impacts sur cet écosystème. Elle a permis d’effectuer 2 000 prélèvements dans quelque 350 stations, près des côtes, proches des villes, des embouchures de rivières et dans les ports. Des données représentant 75 000 particules de plastique, actuellement en cours d’analyse.</p>
<p>L’expédition a déjà permis un constat clair : que ce soit près des côtes ou plus au large, la Méditerranée est polluée à 100 % par les plastiques. Plus alarmant encore, la concentration des microplastiques (<5mm) est parfois aussi importante que celle trouvée dans le « 7<sup>e</sup> continent de plastique » – qui fait trois fois la taille de la France, dans le Pacifique. Leur nombre avoisine par ailleurs l’ordre de grandeur du plancton, à la base de la chaîne alimentaire.</p>
<p>Outre les dommages financiers engendrés par le plastique sur les écosystèmes – qui seraient, à l’échelle mondiale, de l’ordre de 13 milliards de dollars annuels, notamment à travers la pêche, la plaisance et le tourisme – l’impact sur la biodiversité et la santé humaine de cette forme de pollution demeure encore mal connu.</p>
<p>Plusieurs hypothèses de dessinent toutefois : d’une part, les microplastiques attirent et accumulent les contaminants déjà présents dans l’eau, comme les produits chimiques et les engrais. Ensuite, il existe du fait de leur petite taille un risque de confusion important entre le plancton et les micro-déchets par les organismes filtrants, comme les poissons ou les baleines.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/33UvvtIBAnc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Un filet saturé de plastiques (Fondation Tara Expéditions/YouTube, 2014).</span></figcaption>
</figure>
<h2>Les bactéries, colons des microplastiques</h2>
<p>Le rôle des déchets plastiques dans le développement de problèmes de santé demeure par ailleurs incertain, par manque de connaissances sur le niveau d’exposition aux contaminants dus aux déchets plastiques, et sur les mécanismes par lesquels les produits chimiques absorbés par le plastique sont ensuite transférés aux humains et aux espèces marines.</p>
<p>Mais les bactéries, c’est avéré, colonisent intensément les microplastiques, comme le révèle une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S026974911732198X?via%3Dihub">étude publiée en 2018</a> dans la revue <em>Environmental Pollution</em> par l’équipe scientifique du chercheur Jean‑François Ghiglione de l’observatoire océanologique de Banyuls. De véritables écosystèmes microscopiques (bactéries, virus, micro-algues, micro-prédateurs) se développent à la surface des fragments, posant des questions sur l’entrée probable de ces molécules dans la chaîne alimentaire. « Les bactéries adorent vivre sur les plastiques. On en trouve en grande quantité, avec une biodiversité très importante, voire plus importante à volume équivalent que dans l’eau de mer », souligne Jean‑François Ghiglione.</p>
<p>Des groupes de bactéries inattendus ont ainsi été révélés, tels que certaines cyanobactéries vivant habituellement dans les sédiments, qui sont très abondantes sur les plastiques récoltés à la surface de la mer. « Un des problèmes majeurs de la pollution plastique est la dispersion d’espèces invasives, qui s’accrochent sur des radeaux artificiels et peuvent parcourir de très longues distances. Ces espèces peuvent modifier durablement les écosystèmes qu’ils colonisent », indique le chercheur du CNRS.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/des-emballages-qui-ne-polluent-pas-ca-existe-72305">Des emballages qui ne polluent pas, ça existe !</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Éviter la surenchère</h2>
<p>Au-delà des aspects scientifiques, l’enjeu des plastiques en mer est aujourd’hui de sensibiliser. Les images de sacs plastiques, bouteilles et autres déchets flottants font le tour des médias et des réseaux sociaux, suscitant l’émotion et l’indignation des citoyens.</p>
<p>Un emballement médiatique positif mais souvent trop hâtif, avec des informations et des chiffres non vérifiés. Il s’agit, pour la fondation Tara, de travailler sur une base scientifique robuste, en respectant la science et en évitant de jouer la surenchère sur le danger potentiel des plastiques en mer.</p>
<p>L’océan est sous pression mais le catastrophisme et les images anxiogènes ne contribuent pas toujours à l’avancée concrète des solutions avec les différentes parties prenantes. Des solutions sont possibles à terre, grâce à une économie circulaire, au recyclage, à la réutilisation des ressources et à la transition vers des emballages éco-conçus et non polluants.</p>
<hr>
<p><em>Tous les numéros de « La revue de l’Institut Veolia – Facts Reports » sont disponibles sur le <a href="https://www.institut.veolia.org/fr/La-Revue-de-l-Institut-FACTS-Reports">site dédié</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/111205/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maria Luiza Pedrotti ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La mer Méditerranée est particulièrement vulnérable aux microplastiques, ces fragments de déchets qui polluent les mers et les océans.Maria Luiza Pedrotti, Chercheuse en biologie marine, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1102452019-01-23T20:32:22Z2019-01-23T20:32:22ZBienvenue dans le laboratoire des villes décroissantes<p><em>Ce texte est extrait de la récente édition de « La revue de l’Institut Veolia – Facts Reports » consacrée aux <a href="https://www.institut.veolia.org/fr/Revue-de-l-Institut-Veolia-18-Les-villes-resilientes">villes résilientes</a>.</em></p>
<hr>
<p>Longtemps, l’idée a prévalu parmi les décideurs urbains que la trajectoire d’évolution d’une ville ne pouvait et ne devait être marquée que du sceau de la croissance, qu’elle soit économique ou démographique. C’est ce qu’évoquait le sociologue Harvey Molotch en <a href="https://www.jstor.org/stable/2777096?seq=1#page_scan_tab_contents">parlant de l’« urban growth machine »</a> : les aires urbaines ont été historiquement dopées à ce moteur de la croissance et à cette idée d’une croissance continue.</p>
<p>Pourtant, certains territoires ont connu et connaissent des <a href="https://www.institut.veolia.org/fr/les-defis-de-la-decroissance-urbaine">phénomènes de crise urbaine</a>, qui n’ont rien de purement accidentel. Des termes ont commencé à fleurir pour indiquer ce changement de trajectoire : « shrinking cities », <a href="https://americanassembly.org/publications/rebuilding-americas-legacy-cities-new-directions-industrial-heartland">« legacy cities »</a>, soit des « villes en déclin », « villes rétrécissantes ». D’autres acteurs de la production urbaine ont cherché une vision plus positive, en évoquant les <a href="https://www.press.uchicago.edu/ucp/books/book/distributed/C/bo23487205.html">« villes phénix »</a>.</p>
<p>Tous ces termes disent une transformation et appelle à rouvrir la boîte à outils de la planification urbaine. Elle pose de nouveaux défis, aussi bien aux collectivités locales qu’aux autres acteurs de la production urbaine (industriels, acteurs de la construction, usagers).</p>
<h2>L’exemple de Turin</h2>
<p>Les villes en décroissance sont caractérisées par une accumulation de processus, qui sont comme autant de spirales s’auto-alimentant, comme le montre la figure ci-dessous. Connus depuis longtemps, ils connaissent un regain depuis au moins deux décennies, accélérés par les effets d’une mondialisation.</p>
<p>Dans une « ville rétrécissante » s’accumulent ainsi, avec plus ou moins d’ampleur mais sur un temps relativement long, des <a href="https://www.cairn.info/revue-annales-de-geographie-2010-4-page-359.htm">processus de déprise démographique et de déclin économique</a>, auxquels s’ajoute souvent une crise des finances publiques locales.</p>
<p>Turin a ainsi perdu plus de 25 % de sa population depuis les années 1970, et vu le nombre de ses emplois dans le secteur productif baisser de plus de 130 000 unités. Sa trajectoire urbaine a marqué une forte bifurcation, qui a obligé les autorités municipales à changer leurs stratégies.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/255007/original/file-20190122-100292-12n8lk6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/255007/original/file-20190122-100292-12n8lk6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/255007/original/file-20190122-100292-12n8lk6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=309&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/255007/original/file-20190122-100292-12n8lk6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=309&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/255007/original/file-20190122-100292-12n8lk6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=309&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/255007/original/file-20190122-100292-12n8lk6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=388&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/255007/original/file-20190122-100292-12n8lk6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=388&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/255007/original/file-20190122-100292-12n8lk6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=388&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.institut.veolia.org/sites/g/files/dvc1121/f/assets/documents/2018/12/Revue_de_lInstitut_Veolia_ndeg18_-_Les_villes_resilientes.pdf">Daniel Florentin</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les villes de l’Est en première ligne</h2>
<p>Le phénomène se retrouve dans la plupart des villes liées à des activités industrielles, sur tous les continents – on en trouve de nombreux exemples aux États-Unis, au Japon, au Brésil ou en Chine, étudiés par le groupe de chercheurs du <a href="https://www.ru.uni-kl.de/en/ips/research/networks-and-cooperations/shrinking-cities-international-research-network-scirn/">Shrinking Cities International Research Network</a>). Il a connu une acuité plus particulière dans la plupart des villes de l’Est de l’Europe.</p>
<p>La transition post-socialiste y a joué le rôle de catalyseur de cette décroissance subie. Elle a touché de grandes villes comme Bucarest ou Brno, mais a été encore plus intense pour les villes petites et moyennes. Dans l’est de l’Allemagne, certaines villes ont perdu plus du tiers de leur population en quelques années ; comme à Francfort sur l’Oder, à la frontière polonaise, où la population est passée de 88 000 à 58 000 habitants depuis 1990.</p>
<p>Une autre petite ville, Hoyerswerda, a même vu son nom associé à une sorte de syndrome, passant de la ville la plus jeune de l’Est dans les années 1980 à la ville où l’âge moyen est le plus élevé de toute l’Allemagne dans les années 2000. L’Europe du vieillissement a aussi sa géographie et les villes rétrécissantes sont souvent un exemple de ces villes de têtes grises.</p>
<h2>Logements vacants et friches</h2>
<p>La décroissance urbaine a aussi une déclinaison paysagère, liée à la friche urbaine ou industrielle et aux logements vacants. La multiplication des logements vides et des friches a même fait dire à certains aménageurs qu’on pouvait qualifier le processus de <a href="https://www.bauwelt.de/das-heft/Die-perforierte-Stadt-2121122.html">« perforation urbaine »</a>.</p>
<p>Dans une ville allemande comme Leipzig, malgré une remontée récente de l’attractivité de la ville, certaines rues de l’est de la ville, restent marquées par de longs couloirs d’immeubles à demi ou complètement vacants. Cette situation rend plus compliquée à la fois l’entretien des espaces publics mais aussi l’approvisionnement en services urbains, qui est souvent conditionné à une certaine densité pour fonctionner de façon optimale.</p>
<p>Cela rappelle que, sur un même territoire, peuvent largement coexister certains quartiers à l’attractivité renouvelée et d’autres plus en déprise. La résilience possible de ces territoires se fait ainsi parfois de façon sélective, au détriment de certains quartiers toujours plus déshérités.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1023960027969794055"}"></div></p>
<h2>Extension du domaine de la décroissance urbaine : « les réseaux rétrécissants »</h2>
<p>La décroissance a aussi ses territoires invisibles qui appellent de nouvelles réponses urbaines. Certains processus viennent ainsi déstabiliser le fonctionnement normal d’un certain nombre d’infrastructures, et notamment des réseaux urbains pour l’eau ou l’énergie.</p>
<p>Cela se manifeste notamment par une baisse des consommations qu’on retrouve dans la plupart des villes européennes, mais aussi de façon grandissante dans des villes nord-américaines ou japonaises. Paris a ainsi vu sa consommation (totale et par habitant) diminuer de plus de 20 % au cours des deux dernières décennies. Quant à Berlin, où la décroissance urbaine a été forte, elle a perdu plus de 40 % de sa consommation dans le même laps de temps.</p>
<p>Cette baisse, qui pourrait de prime abord sembler bénéfique pour préserver les ressources, est un phénomène aux contours plus complexes : une moindre consommation d’eau fait remonter les nappes phréatiques et menace parfois les sous-sols urbains ; elle peut aussi engendrer de nouveaux problèmes sanitaires, en raison de la stagnation de l’eau dans les canalisations.</p>
<p>La baisse des consommations, qu’on observe dans le domaine de l’eau depuis les années 1990, et qui est aussi sensible dans les réseaux d’électricité depuis 2011 concernant les consommations domestiques, est en fait le symptôme d’un surdimensionnement progressif de ces infrastructures. Cela implique de nouvelles dépenses pour les opérateurs de services urbains pour maintenir le réseau, et fait reporter les coûts du service en augmentation sur un nombre d’usagers parfois moins important. Le phénomène des réseaux rétrécissants oblige à repenser l’équation technique, économique et spatiale qui a historiquement prévalu pour la fourniture des services urbains.</p>
<p>Cette décroissance dans les réseaux crée donc de <a href="https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_2015_num_110_1_3176">nouvelles formes de vulnérabilité</a>, qui affectent l’ensemble des composantes du réseau, de l’opérateur à l’usager, en passant <a href="https://www.researchgate.net/publication/4910567_%E2%80%99Cold_spots%E2%80%99_of_Urban_Infrastructure_%E2%80%99Shrinking%E2%80%99_Processes_in_Eastern_Germany_and_the_Modern_Infrastructural_Ideal">par les tuyaux</a>, comme le montre la figure ci-dessous.</p>
<p>Dans ce domaine comme dans d’autres, le processus de baisse est sans doute amené à s’amplifier, puisqu’il a été inscrit dans la plupart des dispositifs réglementaires de transition énergétique. À ce titre, il est le signe que se met en place, dans un certain nombre de territoires et de façon toujours plus importante, un <a href="https://journals.openedition.org/ress/4060">nouveau régime de fonctionnement</a> des services techniques urbains.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/255006/original/file-20190122-100264-1rrk4ja.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/255006/original/file-20190122-100264-1rrk4ja.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/255006/original/file-20190122-100264-1rrk4ja.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/255006/original/file-20190122-100264-1rrk4ja.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/255006/original/file-20190122-100264-1rrk4ja.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=395&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/255006/original/file-20190122-100264-1rrk4ja.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=395&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/255006/original/file-20190122-100264-1rrk4ja.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=395&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.institut.veolia.org/sites/g/files/dvc1121/f/assets/documents/2018/12/Revue_de_lInstitut_Veolia_ndeg18_-_Les_villes_resilientes.pdf">Daniel Florentin</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une opportunité</h2>
<p>Ces phénomènes de décroissance tracent un contexte souvent inédit pour les pouvoirs publics et les acteurs économiques. Dans un contexte de contraintes budgétaires croissantes pour les collectivités, la décroissance urbaine fait office de pression supplémentaire. Elle offre malgré tout des possibilités de repenser l’action publique autrement.</p>
<p>C’est ce qui a poussé par exemple une collectivité comme Roubaix à intégrer la réalité de la décroissance dans sa stratégie urbaine générale. Cela implique de chercher à valoriser les espaces vacants, d’essayer de trouver de nouveaux canaux par lesquels passer dans une logique de « soin territorial », et non plus simplement dans une dynamique d’équipement et d’aménagement classique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"916321903157035008"}"></div></p>
<p>À Leipzig, cela s’est aussi traduit par la facilitation d’un certain nombre d’initiatives venant directement de porteurs de projet pour développer de nouveaux usages de la ville et de nouvelles façons d’aménager le territoire.</p>
<p>Concrètement, la ville a favorisé le développement de projets d’auto-réhabilitation de certains immeubles vacants, comme l’initiative des <em>Wächterhäuser</em> (« maisons gardées ») où les locataires (souvent des artistes qui s’en servaient comme atelier) s’engageaient à restaurer eux-mêmes leurs bâtiments contre un loyer symbolique d’un euro. De nombreuses autres initiatives pour repenser l’espace public, ou développer de nouvelles pratiques alimentaires et agriculturales en ville ont aussi permis de revisiter la boîte à outils des aménageurs traditionnels et d’imaginer d’autres formes de valorisation de l’espace. À ce titre, les villes connaissant des processus de décroissance sont souvent considérées comme des laboratoires passionnants d’expérimentation.</p>
<p>Dans le domaine des réseaux, les opérateurs historiques ont également dû revisiter leurs modèles techniques et économiques pour s’adapter aux processus émergents de décroissance.</p>
<p>À Magdebourg, capitale du Land de Saxe-Anhalt en Allemagne, cela s’est traduit par le fait d’adopter un tarif solidaire pour l’eau à une échelle infra-régionale, la ville-centre payant un peu plus que si elle s’approvisionnait seule pour que les territoires alentours, avec qui le réseau est mutualisé, puissent payer le service à un prix raisonnable (et huit à douze fois moins cher que s’ils avaient dû fonctionner sans être dans le système mutualisé).</p>
<h2>Au-delà de Detroit</h2>
<p>La décroissance n’est donc ni une fatalité ni un cauchemar urbain. Elle peut être l’arrière-plan d’une stratégie de résilience, qui permettrait d’en absorber les chocs lents.</p>
<p>Un certain nombre de territoires ont su intégrer progressivement les caractéristiques de cette bifurcation territoriale et faire évoluer leurs référentiels d’action et leur ingénierie. Si l’attention médiatique a souvent eu tendance à se focaliser sur Détroit, aux États-Unis, mise en scène comme la capitale de la décroissance urbaine, il faut rappeler que cette ville aux dimensions hors normes constitue de ce fait un exemple un peu hors champ.</p>
<p>La décroissance ordinaire est plus à trouver dans des villes petites et moyennes, plus en marge des circuits de la mondialisation, où les besoins en animation territoriale, en ingénierie sont souvent marqués, et où la contrainte budgétaire cadre fortement l’action publique.</p>
<p>Dans les nouveaux arrangements qui se mettent en place à l’occasion d’une transition vers la décroissance urbaine – qu’elle soit le plus souvent subie ou dans de rares cas choisie – l’enjeu principal demeure identique. Il s’agit de savoir dans quelle mesure les stratégies d’adaptation à cette décroissance permettent ou permettront de préserver un certain équilibre territorial et d’éviter une aggravation des inégalités socio-spatiales, tout en permettant de changer la perception sur les potentiels urbains et la valeur des lieux.</p>
<hr>
<p><em>Tous les numéros de « La revue de l’Institut Veolia – Facts Reports » sont disponibles sur le <a href="https://www.institut.veolia.org/fr/La-Revue-de-l-Institut-FACTS-Reports">site dédié</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110245/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Daniel Florentin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La décroissance n’est ni une fatalité ni un cauchemar urbain. Elle peut même être l’arrière-plan d’une stratégie de résilience.Daniel Florentin, Maître-assistant en environnement et études urbaines, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1055912018-11-07T21:47:44Z2018-11-07T21:47:44ZEt si on irriguait les vignes en recyclant l’eau ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/242105/original/file-20181024-71038-f33yqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C17%2C5756%2C3803&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des expérimentations de recyclage des eaux pour irriguer les vignes sont conduites en France. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/piR6qwg11Fo">Samuel Zeller/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les eaux usées représentent une ressource de plus en plus prisée et durable, l’eau douce disponible étant limitée et sa demande en hausse, comme le souligne le <a href="http://www.unesco.org/new/fr/natural-sciences/environment/water/wwap/wwdr/2017-wastewater-the-untapped-resource/">rapport mondial</a> de 2017 des Nations unies sur le sujet. Les prélèvements d’eau douce, estimés à 3 928 km<sup>3</sup> par an, sont consommés à environ 44 %, principalement dans l’agriculture. Les 56 % restants sont libérés dans l’environnement en tant qu’eaux usées, sous forme d’effluents municipaux et industriels, et d’eaux de drainage agricole.</p>
<h2>Réutilisation des eaux usées, une méthode en expansion</h2>
<p>La réutilisation des eaux usées municipales est un modèle courant dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, en Australie et en Méditerranée, ainsi qu’en Chine, au Mexique et aux États-Unis.</p>
<p>Au sein de l’Union européenne, il n’existe ni réglementation ni ligne directrice commune en la matière. Seule une <a href="https://aida.ineris.fr/consultation_document/1059">directive européenne du 21 mai 1991</a> précise que « les eaux usées sont réutilisées lorsque cela se révèle approprié ». Certains pays européens ont donc défini leurs propres réglementations ou recommandations, plus ou moins restrictives, pour cette réutilisation.</p>
<p>L’Union a toutefois l’intention de publier des lignes directrices sur une réutilisation efficace afin de promouvoir une gestion plus intégrée de l’eau et de gérer les prélèvements excessifs. Un premier rapport sur les exigences minimales de qualité pour l’utilisation des eaux usées traitées en irrigation agricole et recharge des aquifères a été publié par le <a href="http://publications.jrc.ec.europa.eu/repository/bitstream/JRC109291/jrc109291_online_08022018.pdf">Centre commun de recherche (JRC) de la Commission européenne</a> en janvier 2018. Les exigences proposées ont été élaborées selon une approche de gestion des risques, fondée entre autres sur les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé.</p>
<p>Des progrès importants ont également été accomplis au niveau international, avec les normes de l’<a href="https://www.iso.org/standard/67972.html">ISO, l’organisation internationale de normalisation</a>, qui a récemment publié quatre lignes directrices sur l’utilisation des eaux usées traitées pour l’irrigation.</p>
<p>La France a pour sa part <a href="https://aida.ineris.fr/consultation_document/37550">choisi d’autoriser et d’encadrer</a> un usage précis des eaux traitées, l’irrigation. Pour autant, d’autres utilisations peuvent être acceptées sur autorisation.</p>
<h2>Expérimentations sur les vignes</h2>
<p>Des expérimentations sur les vignes ont vu le jour en France pour tester l’impact d’une micro-irrigation utilisant des eaux traitées ; c’est ainsi le cas du projet <a href="https://info.arte.tv/fr/les-vignes-francaises-frappees-par-la-secheresse">Irri-Alt’Eau</a>, mené à Gruissan dans le Languedoc-Roussillon.</p>
<p>L’objectif de ce projet – conduit par des laboratoires de recherche, des collectivités et des entreprises – est de développer une pratique fiable de l’irrigation de la vigne avec des eaux traitées.</p>
<p>Des études sur le recyclage des eaux pour l’irrigation en viticulture ont déjà été effectuées dans différentes parties du monde. Plusieurs travaux – menés en <a href="https://bit.ly/2OnENx3">2015</a>, en <a href="https://bit.ly/2F4VaiH">2013</a> et en <a href="https://pubag.nal.usda.gov/catalog/480040">2012</a> – ont mis en avant des avantages sur la production et la qualité du raisin.</p>
<p>L’eau recyclée se caractérise toutefois par un contenu significativement plus élevé en sel, par rapport à l’eau douce conventionnelle. De ce fait, la maîtrise de la salinité, en particulier du sodium (Na+) et du potassium (K+), est nécessaire afin de ne pas modifier les propriétés physico-chimiques et l’activité biologique du sol sur le long terme.</p>
<h2>Produire une eau de qualité</h2>
<p>Assurer la qualité sanitaire microbiologique des eaux usées traitées est essentielle, mais sans éliminer les nutriments contenus dans cette ressource hydrique alternative.</p>
<p>Dans un contexte où les épisodes de sécheresse se multiplient – le bilan hydrique enregistré depuis l’année 2000 <a href="https://www1.montpellier.inra.fr/pechrouge/images/ojeda_irrigation_fiches2013.pdf">sur le site INRA à Gruissan</a> est défavorable –, Irri-Alt’Eau répond à une volonté de maintenir une viticulture qualitative et compétitive.</p>
<p>Sur le principe de l’économie circulaire, Veolia Eau – coordinateur du projet – a mis au point un système épuratoire à bas coût de traitement des eaux usées municipales pour l’usage agricole. Un prototype est installé sur la station d’épuration de Narbonne Plage et destiné à affiner la qualité sanitaire des eaux résiduaires, afin d’atteindre les objectifs de production d’une eau de qualités B et C conformes à l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000029186641&categorieLien=id">arrêté du 25 juin 2014</a>.</p>
<h2>Irrigation des vignes</h2>
<p>Des essais se poursuivent depuis 2013 sur deux parcelles expérimentales d’un hectare et demi au total, cultivées sur des sols argilo-sableux et calcaires. Entre 2013 et 2015, quatre types d’eau <a href="https://prodinra.inra.fr/?locale=en#!ConsultNotice:311720">ont été comparés</a> pour un même niveau d’irrigation : l’eau potable (témoin), l’eau traitée de qualité B (autorisée pour irriguer la vigne), l’eau traitée de qualité C (à titre expérimental) et l’eau de surface dite « agricole ».</p>
<p>À partir de 2016, à la suite des résultats obtenus dans la première phase expérimentale de ce projet, et des évolutions réglementaires, l’eau traitée de qualité C a été autorisée pour la micro-irrigation des vignes.</p>
<p>Depuis, les recherches continuent et les essais visent aujourd’hui à répondre à deux questions agronomiques majeures : la valeur ajoutée des eaux recyclées par le contenu de nutriments essentiels pour les cultures – qui pourraient réduire la nécessité de recourir à des engrais inorganiques ou synthétiques –, et la maîtrise de la salinité des eaux saumâtres vis-à-vis du risque potentiel de salinisation des sols.</p>
<h2>Des résultats encourageants</h2>
<p>D’après l’<a href="https://bit.ly/2Dncii4">étude</a>, la présence de micropolluants organiques (hydrocarbures, nonylphénols, produits pharmaceutiques…) dans les eaux traitées est très faible (comparée aux valeurs limites fixées pour les eaux potables). Les analyses microbiologiques ne montrent aucune augmentation des concentrations en bactéries entre la sortie du prototype et le point d’usage.</p>
<p>Comparée à l’eau potable et à l’eau de surface (dite « agricole »), l’eau traitée possède une teneur en sels et une charge nutritive plus élevées. Elle peut donc être une source d’excès en sodium cation (Na+) dans le sol par rapport à d’autres cations (de calcium, potassium, magnésium), et entraîner ainsi des problèmes de dégradation du sol. De ce fait, le rapport d’adsorption du sodium (SAR) et la conductivité électrique de l’eau d’irrigation (ECi) devront être utilisés en combinaison pour évaluer les risques potentiels de salinisation du sol.</p>
<p>Au niveau de la plante, aucune différence concernant les réponses comportementales et physiologiques n’a pu être attribuée à la qualité de l’eau d’irrigation.</p>
<p>Par ailleurs, à un taux minimum d’irrigation de 450 m<sup>3</sup>/ha par an, l’apport d’engrais de l’eau traitée étudiée a été de 20, 1 et 13,5 unités de N-P-K (azote, phosphore et potassium), respectivement. Un certain degré de similitude avec la fertigation – application des éléments fertilisants solubles dans l’eau par l’intermédiaire d’un système d’irrigation, notamment, du goutte-à-goutte – a été constaté.</p>
<p>Ainsi, en fonction des besoins des plantes et des objectifs de production, une fertilisation d’entretien annuelle serait fournie par l’eau traitée. D’autres macro et micronutriments précieux, ainsi que la matière organique résiduelle contenue dans cette eau, pourraient fournir des avantages supplémentaires à moyen et long terme pour la vie microbienne présente dans le sol.</p>
<h2>La qualité du vin préservée</h2>
<p>Quant au raisin issu des vignes irriguées par ces eaux recyclées, la qualité n’est pas impactée par le type d’eau utilisé. La composition physico-chimique du fruit et les composants de rendement, notamment, restent semblables. Il en est de même pour les vins, exempts de toute contamination microbiologique. Seul un effet millésime normal, lié aux aléas climatiques, a été constaté.</p>
<p>En termes de résidus de médicaments aussi, les teneurs mesurées dans quelques échantillons de vin sont très inférieures aux concentrations ayant été mesurées dans des échantillons d’eau potable (41 ng/L), elles-mêmes considérées sans risque sanitaire, selon l’<a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/EAUX2009sa0210Ra.pdf">avis de l’Anses</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Zsj7myoKWfg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<h2>Acceptation sociale</h2>
<p>Malgré ces résultats encourageants, il existe au sein de la société des réticences à la réutilisation des eaux traitées dans le domaine du vin. Dans le cadre d’Irri-Alt’Eau, une étude sur le sujet a été menée dans la région Occitanie ; elle montre que si les producteurs y sont majoritairement favorables, les professionnels de la filière, les négociants et les consommateurs, se montrent plus réticents, ce qui pourrait être un frein au développement de cette pratique.</p>
<p>Nous consommons pourtant déjà des fruits, des légumes et des vins importés de pays où la réutilisation des eaux traitées pour l’irrigation est de plus en plus développée (produits provenant de pays comme Israël, Espagne, Autralie, Mexique, Afrique du Sud…). De même que des pommes de terre primeurs cultivées sur l’île de Noirmoutier sont irriguées avec des eaux traitées. Une grande partie de la population ne connaît visiblement pas l’existence de cette pratique : il est donc nécessaire de mettre en place des campagnes de sensibilisation et de communication pour faire évoluer la perception du public.</p>
<p>À noter aussi que les impacts à long terme de cette pratique dépendront des conditions climatiques, de l’application des directives accompagnant la réglementation en vigueur et de la qualité des systèmes de surveillance et de pilotage d’une irrigation raisonnée, garantissant l’absence de dangers pour la santé humaine et l’environnement.</p>
<hr>
<p><em>Hernan Ojeda, <a href="https://fr.linkedin.com/in/hern%C3%A1n-ojeda-aa159719">ingénieur de recherche</a> à l’Inra Gruissan, a également participé à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/105591/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le projet collaboratif R&D Irri-Alt’Eau (2013-2015) a bénéficié de co-financements publics : Fonds FEDER, Région Occitanie/Pyrénées - Méditerranée, BPI-France, communauté d’agglomération du Grand Narbonne, Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse ; et privés : Veolia Eau, Aquadoc, SCV La Cave de Gruissan. Ce projet a bénéficié de l’accompagnement de l’AD’OCC et était labellisé par le pôle Aqua-Valley.
Le projet Observatoire Irri-Alt’Eau (2016-2018) bénéficie de l’appui financier de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse et du Grand Narbonne, ainsi que d’une bourse de recherche (2017-2018) allouée par l’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Dominique Patureau, Hernan Ojeda, Jean-Louis Escudier, Michel Torrijos et Nathalie Wéry ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Face à la pénurie d’eau, la réutilisation des eaux traitées se développe de plus en plus. Ces eaux de qualité maîtrisée irrigueront peut-être bientôt des vignes en France.Flor Etchebarne, Ingénieure de recherche associée, InraeDominique Patureau, Directrice de recherche, biotechnologie de l’environnement, InraeHernan Ojeda, Ingénieur de recherche en viticulture, InraeJean-Louis Escudier, Chargé de mission à l'Inra Gruissan, spécialiste des questions viticoles, InraeMichel Torrijos, Ingénieur de recherche en traitement biologique des eaux et des déchets, InraeNathalie Wéry, Chargée de recherche en microbiologie sanitaire, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/851652017-10-08T19:01:02Z2017-10-08T19:01:02ZÊtes-vous Terriens ou Martiens ? Plaidoyer pour une économie permacirculaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/188972/original/file-20171005-15464-1evml6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/closeup-seedlings-eggshell-405672208">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Terriens ou Martiens ? La question peut paraître oiseuse. Elle semble pourtant avoir déjà été tranchée dans l’esprit des propagandistes de la fuite en avant technologique et des décideurs qu’ils hypnotisent.</p>
<p>Et nous ne cessons d’y répondre nous-mêmes par nos modes de vie, par leur effet global cumulé. En dépassant les capacités de charge de la planète (que l’on mesure avec l’<a href="https://le-cartographe.net/dossiers-carto-91/monde/176-lempreinte-ecologique">« empreinte écologique »</a>) ou en franchissant (pour considérer une autre batterie d’indicateurs globaux) les <a href="http://www.nature.com/nature/journal/v461/n7263/full/461472a.html">« limites planétaires »</a>, nous agissons quasiment tous comme si nous disposions d’une autre planète – comme si Mars s’apprêtait à nous accueillir ! Ce « nous » masque certes des inégalités dans la responsabilité, mais il s’agit ici d’aborder un autre aspect du problème.</p>
<p>Le niveau global où se situent les indicateurs pertinents pour évaluer l’impact de nos activités sur la planète est, pour nous autres humains, d’ordre purement scientifique. Il renvoie à une dimension de la réalité à laquelle nos sens ne nous donnent aucun accès et il n’est actuellement pris en charge par aucune instance politique.</p>
<p>Le Conseil de sécurité des Nations unies veille à la paix mondiale mais pas au non-franchissement des limites planétaires, même si les questions environnementales peuvent désormais y avoir droit de cité. L’Accord de Paris de 2015 a représenté à cet égard un réel progrès.</p>
<p>Dans un ouvrage qui vient de paraître (<em><a href="https://www.puf.com/content/Ecologie_integrale">Écologie intégrale : pour une société permacirculaire</a></em>, Éditions Puf), nous proposons de faire entrer cet horizon global dans l’arène démocratique. Nous proposons de transformer en objet de décision politique (en prenant l’échelle d’une nation particulière) la question du non-franchissement des limites planétaires. Et nous prétendons que la réponse à cette question conditionne la faisabilité d’une économie authentiquement circulaire. La seule qui nous permette de continuer à vivre sur Terre.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"902954081207152641"}"></div></p>
<h2>Des indicateurs dans le rouge</h2>
<p>Quel que soit l’indicateur choisi, nous avons déjà franchi les limites de la Terre. Nous consommons désormais à l’échelle mondiale 1,7 planète, c’est-à-dire <a href="https://open.library.ubc.ca/cIRcle/collections/ubctheses/831/items/1.0088048">plus de ressources</a> que la Terre n’est capable de nous en procurer sans dégradations. En 2017, le jour du dépassement des capacités terrestres a eu lieu dès le 2 août. Depuis, nous vivons à crédit.</p>
<p>De manière générale, les flux de matières mondiaux <a href="http://unep.org/documents/irp/16-00169_LW_GlobalMaterialFlowsUNEReport_FINAL_160701.pdf">croissent plus rapidement</a> que le PIB mondial, et ce depuis le début des années 2000. Dans l’article qu’il a rédigé pour l’ouvrage <a href="https://www.puf.com/content/Dictionnaire_de_la_pens%C3%A9e_%C3%A9cologique"><em>Dictionnaire de la pensée écologique</em></a> (2015), l’ingénieur François Grosse rappelle ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« La consommation mondiale d’acier pendant l’année 2011 – environ 1,5 milliard de tonnes – est supérieure à la production cumulée de fer de toute l’espèce humaine jusqu’à 1900, depuis les origines préhistoriques de la sidérurgie. Un paramètre déterminant de ce bouleversement est l’"invention" de la croissance économique : pendant les millénaires précédents, le PIB mondial a augmenté à un rythme inférieur à 0,1 % par an […], soit une augmentation cumulée de moins (voire beaucoup moins) de 10 % par siècle. À l’échelle de l’évolution des sociétés, la transformation de l’économie humaine depuis un ou deux siècles constitue donc un choc, auquel rien n’a préparé notre espèce. »</p>
</blockquote>
<p>Ce choc est perpétué par notre système économique, essentiellement pour deux raisons : les pays riches maintiennent coûte que coûte leur niveau de consommations matérielles et les classes moyennes des pays émergents accèdent aux modes de vie occidentaux.</p>
<p>Si l’on se tourne du côté de l’autre indicateur global, <a href="http://science.sciencemag.org/content/347/6223/1259855">celui des limites planétaires</a>, la situation n’est guère plus rassurante. Sur les neuf limites dont le franchissement ferait basculer le système-Terre dans un état inédit par rapport à celui que nous avons connu depuis la fin du précédent âge glaciaire, nous en avons déjà franchi quatre : dans le domaine du climat, de la biodiversité, de l’usage des sols et concernant les flux de phosphore et d’azote associés à nos activités agricoles.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"791544181093203968"}"></div></p>
<h2>Le piège environnemental</h2>
<p>Rien de bien visible ne se passe pourtant, objectera-t-on. Tel a longtemps été le cas, en effet. Mais plus maintenant. Il n’y a désormais guère de lieu sur Terre où, d’une manière ou d’une autre, on ne perçoive le changement climatique : qu’il s’agisse de la fonte rapide de nombreux glaciers ainsi que de celle du Larsen C dans l’Antarctique Ouest, de la hausse des températures en Arctique (20 °C au-dessus des moyennes saisonnières fin 2016 et début 2017), de l’élévation du niveau des mers dans l’océan Indien ou de vagues de chaleurs, d’inondations, de cyclones ou de typhons, en Asie comme en Amérique du Nord.</p>
<p>Nous touchons ici au cœur du piège environnemental : nous pouvons dégrader la planète longtemps sans conséquences visibles ; quand elles le deviennent, il est trop tard pour se prémunir des dommages associés au niveau de dégradation atteint. Nous en sommes là pour le climat au moins. Et même <a href="https://www.nature.com/nclimate/journal/v7/n9/full/nclimate3352.html">si nous parvenons</a>, quasiment par miracle, à ne pas trop excéder une augmentation de la température moyenne à la fin du siècle de 2 °C, ce n’est <a href="http://www.atmos-chem-phys.net/16/3761/2016/">pas une promenade climatique</a> qui nous attend !</p>
<p>Jusqu’où irons-nous sur la voie qui demeure encore celle de toutes les nations, poursuivant la croissance de leur PIB, laquelle se traduit immanquablement en consommation croissante de ressources ? Jusqu’à l’effondrement ? Nous ne nous aventurerons pas à répondre. Rappelons seulement que le fameux <a href="http://www.donellameadows.org/wp-content/userfiles/Limits-to-Growth-digital-scan-version.pdf">Rapport Meadows de 1972</a> sur les limites à la croissance prévoyait que, dans l’hypothèse alarmante où l’on ne ferait rien pour changer les choses, les courbes retraçant nos activités économiques et la démographie mondiale entre 2020 et 2040 s’inverseraient rapidement, sous la forme d’une profonde dégradation économique et sociale.</p>
<p>Bornons-nous à constater que la mollesse de nos réactions, le primat que nous accordons en tous points ou presque à notre modèle économique nous conduisent nécessairement, dans une <a href="http://www.worldbank.org/en/news/feature/2012/05/09/growth-to-inclusive-green-growth-economics-sustainable-development">course à l'uniformisation des pratiques</a> qui n’a jamais été officiellement approuvée par quelque instance démocratique ou scientifique que ce soit, à une fuite en avant technologique.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/---FX0tFCww?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">135 ans de réchauffement climatique en 30 secondes, une vidéo réalisée par la NASA (Climatecentraldotorg, 2015).</span></figcaption>
</figure>
<h2>Mars, l’impossible option</h2>
<p>Cette fuite en avant constitue de fait une fuite en avant spatiale. Continuer sur notre lancée suppose que nous allions, dans un avenir relativement proche, chercher des matériaux sur d’autres planètes et, au final, que nous changions de planète !</p>
<p>Tel est d’ailleurs bel et bien l’imaginaire qui sous-tend les activités d’une société comme <em>Space X</em> fondée par l’<a href="http://www.courrierinternational.com/article/technologie-et-elon-musk-traversera-le-monde-dos-de-dragons">entrepreneur Elon Musk</a>. La planète candidate la plus proche n’est autre que Mars. Or, il n’y a pas d’atmosphère sur Mars qui permette de respirer ou de se protéger des rayonnements cosmiques délétères. Sa surface est, semble-t-il, passablement chlorée.</p>
<p>Quant à <a href="http://nautil.us/issue/43/heroes/make-mars-great-again">« terraformer » Mars</a>, un temps presque infini serait nécessaire. Sans compter qu’il faudrait y transporter des milliards d’habitants… avec quelle énergie et quels matériaux ? Pour l’heure, Musk n’est à même de proposer à ses admirateurs qu’un aller simple. Soulignons encore que selon les calculs du physicien Gabriel Chardin, une horde humanoïde passant d’une planète analogue à la nôtre à la suivante – en y maintenant un taux de croissance annuel de 2 % – <a href="https://lejournal.cnrs.fr/billets/le-paradoxe-de-fermi-et-les-extraterrestres-invisibles">détruirait en 5 000 à 6 000 ans</a> l’univers dans un rayon de dix milliards d’années-lumière.</p>
<p>Il serait grand temps de sortir de ce rêve cauchemardesque et de se rendre à l’évidence : nous n’avons qu’une seule planète et guère d’autre issue que de composer avec ses limites.</p>
<p>Se rendre à cette évidence, c’est se donner pour objectif, à une échéance de grosso modo deux à trois décennies (comme le suggère notamment, parmi bien d’autres, la <a href="http://www.bfe.admin.ch/energiestrategie2050/06445/index.html?lang=fr">stratégie énergétique 2050</a> de la Confédération helvétique), le retour à une empreinte écologique d’une seule planète tout en cherchant à inverser les tendances en matière de dépassement des limites planétaires.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/S5V7R_se1Xc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Elon Musk présentant son projet de vie sur Mars le 28 septembre dernier (SpaceX, 2017).</span></figcaption>
</figure>
<h2>Recycler ne suffira pas</h2>
<p>Le retour à une seule planète, c’est précisément l’objectif qui a été proposé le 25 septembre 2016 au peuple suisse, lors d’une <a href="https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/votations/20160925/initiative-economie-verte.html">initiative populaire</a> intitulée « Pour une économie durable et fondée sur une gestion efficiente des ressources (économie verte) ». Si le « non » l’a largement emporté, le « oui » s’est imposé dans des villes comme Zurich, Genève ou Lausanne. Cette traduction politique des limites planétaires est la condition nécessaire d’une <a href="https://www.puf.com/content/Ecologie_integrale">économie circulaire qui répondrait réellement</a> aux enjeux qui sont désormais les nôtres.</p>
<p>C’est le taux de croissance de la consommation des ressources qui, rappelons-le, conditionne la circularité d’une économie. On ne recycle en effet différentes matières qu’après des temps de résidence dans l’économie qui sont variables, mais qui peuvent atteindre plusieurs décennies.</p>
<p>Avec un taux de croissance annuel supérieur à 1 %, la part recyclée finit par ne représenter <a href="https://www.futuribles.com/fr/revue/365/le-decouplage-croissance-matieres-premieres-de-lec/">qu'une portion assez faible</a> de la matière consommée au moment de la réintroduction de la matière recyclée dans le cycle des activités économiques.</p>
<p>Recycler <a href="https://sapiens.revues.org/906">ne suffit donc pas</a> : c’est à une véritable restauration de la planète qu’il convient de s’atteler, avec le retour à une empreinte d’une seule planète. D’où l’idée d’une économie régénérative, restaurant de fond en comble les sols, réduisant fortement les activités extractives, substituant massivement aux matières premières classiques <a href="http://www.lemonde.fr/tribunes/article/2017/07/09/economie-circulaire-imposer-des-matieres-recyclees-dans-les-produits-neufs_5158140_5027560.html">des matières recyclées ou biosourcées</a>, inversant les courbes de dégradation, redonnant un sens au travail, etc.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"861131757189574656"}"></div></p>
<h2>Pour une société permacirculaire</h2>
<p>C’est cette économie que nous qualifions de « permacirculaire ». Nous entendons par là une économie qui veille non seulement aux synergies locales entre usines et entreprises et aux arrangements « micro » de recyclage et de fonctionnalité, mais qui, contrairement à l’économie circulaire standard, se soucie également d’une réduction <em>globale</em> des flux de matière et des rythmes de croissance et d’un changement de fond dans la culture, allant vers davantage de sobriété vécue et des technologies plus simples.</p>
<p>La vision actuelle de l’« innovation » et de l’« écologisation » de l’industrie inscrit toute la réflexion au sein d’un seul paradigme : celui de la « croissance verte », réputée magique en ce qu’elle ne requiert pas de changement dans notre culture et dans nos modes de vie. Cette monomanie bloque les voies d’expérimentation autres – dans l’économie sociale et solidaire ou à travers des choix de vie plus radicaux de « suffisance ».</p>
<p>Une des thèses majeures que nous défendons est que la permacircularité peut être atteinte avec une <em>pluralité</em> de trajectoires économiques, allant des approches permacoles, enracinées et expérimentales (par exemple la <a href="http://www.schweibenalp.ch/">communauté de Schweibenalp</a> en Suisse) jusqu’à des productions très capitalistiques de services ou d’objets, utiles aux autres secteurs (par exemple le <a href="http://autorecyclers.ca/2017/high-tech-auto-recycling-leaders-green-economy/">recyclage des pièces automobiles</a>), en passant par une <a href="http://planeteviable.org/economie-sociale/">économie sociale, environnementale et solidaire</a> et des activités bancaires <a href="https://www.bas.ch/fr/a-propos-de-la-bas/la-bas-aujourdhui/actualites/news/2017/06/21/genuegend-ist-besser-eine-studie-ueber-suffizienz/">davantage orientées vers la « suffisance »</a>.</p>
<p>L’unique contrainte, mais elle est absolue, est que <em>chacune</em> de ces approches fasse ses preuves à l’intérieur d’un <em>même</em> cadre uniforme : celui du retour à une seule planète.</p>
<p>La « croissance verte », à elle seule, n’a aucune chance de nous permettre de réaliser cet objectif. Une société permacirculaire offrirait ainsi un cadre éminemment plus pluraliste et plus démocratique, mais aussi plus cohérent, que celui proposé actuellement par ceux qui ne jurent que par une seule et unique voie d’avenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/85165/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dominique Bourg est membre de la Fondation pour la Nature et l'Homme </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christian Arnsperger est conseiller scientifique de la Banque Alternative Suisse. </span></em></p>L'émergence d'une économie authentiquement circulaire réclame la prise en compte des limites planétaires. La croissance verte n'est qu'un mirage.Dominique Bourg, Philosophe, professeur à la Faculté des géosciences et de l’environnement, Université de LausanneChristian Arnsperger, Professeur en durabilité et anthropologie économique, Faculté des géosciences et de l’environnement, Université de LausanneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.