tag:theconversation.com,2011:/us/topics/franchise-39807/articlesfranchise – The Conversation2022-07-03T17:04:48Ztag:theconversation.com,2011:article/1858522022-07-03T17:04:48Z2022-07-03T17:04:48ZDécrire la franchise pour mieux la comprendre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/470952/original/file-20220626-18-v3sfss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C1920%2C1273&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Intervient souvent un moment périlleux où le franchisé souhaite renégocier son contrat.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Aymane Jdidi / Pixabay</span></span></figcaption></figure><p>La franchise emploie plus de 300 000 personnes en France, près de 8 millions aux États-Unis. Elle est une des formes d’activité majeure dans des secteurs comme l’hôtellerie, la restauration rapide, les services à la personne, ou encore le commerce. Apparue aux États-Unis à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, elle prend, en France, sa forme moderne en 1923 lors de la <a href="https://www.lavoixdunord.fr/1024945/article/2021-06-11/deux-marques-une-histoire">création des magasins Pingouin</a>, lancés par Jean Prouvost, patron de la Lainière de Roubaix.</p>
<p>Les <a href="https://www.persee.fr/doc/rfeco_0769-0479_2004_num_18_4_1538">économistes</a> ont beaucoup étudié ce phénomène en mobilisant leurs théories et leurs modèles (coûts de transaction, théorie de l’agence, contrats incomplets). Comme l’a cependant noté <a href="https://www.elgaronline.com/view/edcoll/9781785364174/9781785364174.00005.xml">Rajiv P. Dant</a>, grand spécialiste du sujet, il manquait encore une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022435911000704">description de type phénoménologique</a> de cette relation dans sa complexité, c’est-à-dire une <a href="https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/ph%C3%A9nom%C3%A9nologie/79096#:%7E:text=%C3%89tude%20descriptive%20de%20la%20succession,un%20n%C3%A9ologisme%20d%E2%80%99apparition%20tardive.">« analyse descriptive des vécus en général »</a> pour reprendre la définition fondatrice du philosophe Edmund Husserl.</p>
<p>Pour la mener, nos <a href="https://www.annales.org/gc/2022/gc148/2022-06-02.pdf">travaux</a> sont partis de l’analyse la plus simple de la relation, pour la complexifier pas à pas. Puis, dans la mesure où cette relation se développe dans le temps, ils en ont identifié des scénarios dynamiques. La recherche repose sur dix entretiens, d’une heure et demie à deux heures, réalisés
avec des franchiseurs et des franchisés dans quatre secteurs différents (hôtellerie, immobilier, commerce de détail, coiffure) et avec des spécialistes de la franchise.</p>
<h2>Déséquilibre et émotion</h2>
<p>La franchise, dans sa description fondamentale, est une relation économique de type gagnant-gagnant entre un franchiseur-entrepreneur et un franchisé (souvent)-ex-cadre. L’entrepreneur, qui invente un concept, a envie de le développer rapidement et ne dispose souvent que d’un capital limité. Le cadre, qui, vers quarante-cinq ans, a accumulé un capital et veut quitter le monde hiérarchique de l’entreprise, court un risque en devenant son propre patron (bon nombre des entreprises nouvellement créées font faillite).</p>
<p>Le franchiseur va alors mettre à disposition du franchisé un concept qui a déjà fait ses preuves, faire de la publicité, il va le former, lui fournir des services qui vont l’aider à gérer son affaire, lui donner accès à son réseau de fournisseurs. Le franchisé va apporter son capital et son énergie. Puisqu’étant directement intéressé à la réussite d’une affaire dont il reste propriétaire, il sera sans doute plus actif qu’un simple salarié. Il versera également une redevance, correspondant souvent à un pourcentage de son chiffre d’affaires.</p>
<p>De l’aveu des acteurs de la franchise eux-mêmes cependant, la relation est en réalité bien plus compliquée. Le contrat reste souvent déséquilibré. Il se noue entre une grande société, parfois multinationale, et un individu qui risque tout ce qu’il a. Un franchiseur le formule ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Si le franchisé se casse la g… il perd tout. Avec y compris, souvent, un divorce à la clef. Pour ma part, si un franchisé se casse la g… ce n’est pas très grave. Contrairement à ce qu’on dit, ce n’est pas une relation égale. »</p>
</blockquote>
<p>De surcroit, cette relation prend généralement une dimension émotionnelle. Les franchisés présentent souvent leur entrée dans un réseau de franchise en utilisant une métaphore bien particulière :</p>
<blockquote>
<p>« Une relation entre deux commerçants indépendants comme une relation amoureuse. »</p>
</blockquote>
<p>Le créateur de certains réseaux est ainsi une figure centrale. Les franchisés de « Monsieur Dessange » en parlent par exemple avec émotion. Quand il a disparu, certains se sont posé la question de quitter le réseau : fallait-il continuer par respect à ce qu’il avait été, ou partir d’un groupe qui n’était plus dirigé par lui ? Bien évidemment, l’émotionnel ne l’emporte pas sur l’économique, mais il joue un rôle important.</p>
<h2>Réseau et rivalités</h2>
<p>Cette relation de franchise se complexifie encore du fait qu’il s’agit d’une relation multiniveau puisqu’interviennent également les équipes du franchiseur. Et les choses peuvent se passer de façon bien différente avec les uns ou les autres. Un franchiseur décrit un moment de changement de stratégie du groupe.</p>
<blockquote>
<p>« La fidélité était liée à la fidélité aux équipes, les franchisés avaient confiance. Même s’il y avait des choses qui ne leur plaisaient pas trop, ils restaient fidèles. Dès que la stratégie s’est décidée en dehors d’eux et de nous, ils ont commencé à partir. »</p>
</blockquote>
<p>Le lien entre le « eux » (les franchisés) et le « nous » (les services du franchiseur au contact des franchisés) se rompt ici du fait d’une absence de liens entre les équipes du franchiseur et leur direction.</p>
<p>Il faut aussi comprendre que la relation n’est pas duale, comme cela semble être le cas à première vue. Il s’agit d’une relation de réseau qui se joue à trois : le franchiseur, le franchisé et l’ensemble des autres franchisés. Animer et gérer son réseau est donc une des fonctions essentielles du premier d’après un spécialiste :</p>
<blockquote>
<p>« Il faut alimenter les entrepreneurs qui ont envie de grandir dans un esprit de co-construction. On a beaucoup entendu parler d’"intelligence collective" dans les réseaux. Ils ne travaillent pas pour le réseau car le réseau, c’est eux-mêmes. C’est un cercle vertueux. »</p>
</blockquote>
<p>Enfin, la relation de franchise est une relation agonistique qui engendre conflits et rivalités. Sur la totalité des litiges en affaires aux États-Unis, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022435920300142">30 % concernent la franchise</a>. La plupart sont réglés par médiation ou arbitrage.</p>
<h2>De la renégociation à l’ébranlement du réseau</h2>
<p>Cette fragilité de la relation et sa gestion ne peut par conséquent se comprendre que dans une perspective dynamique. Notre travail a ainsi identifié plusieurs scénarios. Le scénario noir est celui de la faillite du franchisé. Il existe, mais intervient <a href="https://www.cambridge.org/core/books/economics-of-franchising/3E6DBC951E47F7EBFE68B8AA3B5DE280">moins souvent</a> en moyenne que la faillite d’un nouvel entrepreneur : la franchise traduit là son rôle protecteur. Cinq idéaux types semblent en fait apparaître :</p>
<p>Le scénario 1 repose sur <strong>l’établissement d’un équilibre dans la relation</strong>. Le franchisé se débrouille seul, le franchiseur desserre son contrôle pour lui laisser de l’autonomie.</p>
<p>Si le franchisé réussit, il peut estimer qu’il n’a plus vraiment besoin du franchiseur et trouver que la redevance qu’il lui verse est trop forte alors qu’il ne recourt plus beaucoup à ses services. Il veut alors renégocier. C’est le deuxième scénario, celui de la <strong>renégociation</strong>. Un franchiseur le décrit bien :</p>
<blockquote>
<p>« On est toujours sur le fil du rasoir, c’est un rapport de force, ce n’est pas qu’un rapport d’affection. Si le franchiseur est en position de force, ça va ; si le franchiseur ne peut pas se permettre de perdre des franchisés, il doit faire plus d’efforts. »</p>
</blockquote>
<p>Il y a là un fragilisant structurel de la relation. Si les discussions n’aboutissent pas, le scénario 3 peut être <strong>la sortie du réseau</strong>. Le franchisé met fin à la franchise ou bien change de franchiseur en négociant des conditions plus favorables.</p>
<p>Il existe aussi des cas de <strong>passage à la multifranchise</strong>. Le franchisé a, par exemple, réussi dans l’habillement et il va aussi prendre une franchise de restauration. Certains groupes offrent d’ailleurs à leurs franchiseurs plusieurs concepts possibles. En restauration, la chaîne Bertrand propose ainsi les restaurants à viande Hippopotamus, les moules-frites Léon de Bruxelles, les brasseries Au Bureau et Volfoni, spécialisé dans la cuisine italienne. La multifranchise est une des manières de stabiliser la relation entre franchiseur et franchisé avec une perspective de croissance commune.</p>
<p>Reste cependant un dernier scénario, celui de <strong>l’ébranlement du réseau</strong>. Les tentatives de renégociation ont échoué, les franchisés peuvent alors quitter individuellement le réseau, avec un effet de cumul. Ils peuvent également décider de se grouper et il est même arrivé, cas évoqué au cours d’un entretien, que les franchisés rachètent le franchiseur.</p>
<p>Le travail de description de la relation de franchise dans sa complexité dimensionnelle et dynamique permet ainsi de mieux comprendre les problèmes de gestion rencontrés par les acteurs qui se lancent dans cette activité. On touche également à l’art gestionnaire qu’ils doivent élaborer pour la faire fonctionner.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185852/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une étude récente tente d’en décrire tous les aspects, les déséquilibres de la relation, les émotions en jeu, les spécificités du réseau, ainsi que les scénarios qui lui sont souvent réservés.Magali Ayache, Maître de Conférences en Sciences de Gestion, CY Cergy Paris UniversitéHervé Dumez, Professeur, directeur du Centre de recherche en gestion et de l’Institut interdisciplinaire de l’innovation, École polytechniqueLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/966232018-05-20T23:27:02Z2018-05-20T23:27:02Z« Chief truth officer » : parler-vrai et leadership<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/219397/original/file-20180517-26295-uxa71g.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=345%2C237%2C4758%2C2993&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La Mort de Socrate (David)</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.metmuseum.org/art/collection/search/436105">Wikipedia</a></span></figcaption></figure><p>Le « parler-vrai » apparaît comme un impératif pour chacun dans l’organisation : l’exigence de vérité est une revendication qui traverse toute entreprise et qui cependant fonctionne comme une injonction paradoxale. On l’exige d’un côté des dirigeants, qui se doivent d’être transparents, et en même temps on légifère (ou tente de le faire) pour protéger le « secret des affaires » (législations récentes en France), ce qui revient à rendre impossible la protection des « lanceurs d’alertes », eux-mêmes déjà en tension entre le désir de ne pas couvrir des comportements délictueux, et la crainte d’être perçu comme traîtres à l’organisation.</p>
<h2>Essentielle « parrhèsia »</h2>
<p>Ces questions, on les retrouve dans la tradition philosophique autour de la notion de « parrhèsia », de franchise, <a href="https://bit.ly/2jWcZ6f">qu’explore Michel Foucault</a> dans son dernier cours au Collège de France qui porte le beau titre de <a href="https://bit.ly/2Gff1qJ">« Le courage de la vérité »</a>. Le terme grec montre bien une sorte d’écheveau originel de sens : « liberté de langage, franc parler, franchise » d’un côté, mais aussi quelquefois « la hardiesse, la licence » (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89mile_Pessonneaux">Pessonneaux, p. 1 077</a>). Cette définition nous montre trois caractéristiques du parler-vrai :</p>
<ul>
<li><p>la figure ontologiquement bifide, positive et négative de la parrhèsia : le parler-vrai n’est pas a priori uniquement positif, il confine aussi au négatif.</p></li>
<li><p>le dimension subjective et morale implicite du parrhèsiaste, qui à la fois est franc, et doit rester dans les limites de la liberté.</p></li>
<li><p>le contexte social qui permet cette liberté, ou au contraire trouve que l’on s’en éloigne trop, et qui est en tout cas un facteur de risque.</p></li>
</ul>
<p>La parrhèsia, aussi ambivalente que le pharmakon, à la fois remède et poison, ne se laisse pas appréhender aussi facilement que l’idée reçue de la nécessité de « tout dire ». Au contraire, la tradition philosophique souligne la difficulté de la franchise, entre l’exercice d’une liberté légitime et le dépassement de ce cadre, la pratique éthique de la vérité et les incertitudes de celle-ci, entre le confort moral de celui qui agit bien et les risques qu’il encourt.</p>
<p>Tout « parler-vrai » n’est pas bon. Le fou peut avoir l’illusion de parler-vrai. La « bonne parrhèsia » nécessite un ancrage logique et dans la vérité, et suppose pour cela une maîtrise de soi et de sa pensée, et une éthique. De plus, la bonne parrhèsia unifie, permet le dialogue, l’échange, permet de trouver des solutions collectives au problème politique : ce n’est pas tant que la vérité soit une, c’est surtout que la franchise et la cohérence logique permet de dépasser la diversité centrifuge des intérêts de chacun.</p>
<h2>Dire « le vrai » ?</h2>
<p>Mais comment pouvons-nous être certains de « dire le vrai », de « dire la vérité pour elle-même » ? Comment échapper à une part de subjectivité dans ce que nous disons, dans ce nous tenons pour vrai ? Et le vrai est-il accessible, connaissable ? Karl Popper disait à propos des théories scientifiques que nous nous approchons de la vérité sans jamais être sûr de l’avoir atteinte. Un relativiste pourrait avancer que c’est une affaire de point de vue, de paradigme. Peut-on conclure <a href="https://www.jstor.org/stable/2941075?seq=1#page_scan_tab_contents">avec Davidson</a> que « la vérité est un concept qui échappe à la définition » ?</p>
<p>Le vrai en grec, c’est l’aletheia. <a href="https://bit.ly/2Gff1qJ">Michel Foucault</a> en résume les quatre sens : </p>
<ul>
<li><p>le « non caché » ;</p></li>
<li><p>ce qui « ne reçoit aucune addition et supplément, ce qui ne subit aucun mélange » ;</p></li>
<li><p>ce qui est droit, direct, sans détour ;</p></li>
<li><p>« ce qui existe et se maintient au-delà de tout changement ».</p></li>
</ul>
<p>La vérité est donc liée à des conditions de production, à un contexte, elle dépend de son « apparition » : elle doit être pure, vierge de toute dénaturation humaine, accessible, stable.</p>
<p>Cette vérité non-altérée est finalement très proche de ce que l’on demande aux commissaires aux comptes et aux experts comptables, qui doivent donner dans les éléments comptables une image « fidèle » de la situation de l’organisation.</p>
<h2>Le leader comme <em>chief truth officer</em> : courage et sagesse pratique</h2>
<p>Quelle vérité dire, et pour qui ? Le leader parle autant en interne qu’à l’extérieur de l’organisation, et il doit en permanence définir les frontières de ce qu’il peut dire, de ce qui peut « être dit », comme de ceux à qui il peut s’adresser, ou de ceux auxquels ses collaborateurs peuvent s’adresser.</p>
<p>C’est lui qui est responsable de la limite entre interne et externe quant au discours de vérité de l’organisation, qui définit ce qui peut être dit et par qui sur l’organisation. Le leader est aussi chargé de promouvoir la vérité au-delà des opinions et des apparences, et des différences de point de vue des parties prenantes.</p>
<p>Le leader est ainsi le garant des « règles du dire vrai », et de leur respect dans l’organisation. Enfin le leader doit présenter une vérité qui soit cohérente avec les intérêts éthiques et économiques de l’organisation – mais ceux-ci peuvent être antinomiques.</p>
<p><strong>Le courage de dire le vrai</strong></p>
<p>La parole se trouve toujours confrontée au pouvoir. Le parler-vrai porte un risque : celui de susciter des réactions négatives de la part de celui qui entend cette vérité. Ainsi la vérité induit ou peut induire une violence. Foucault raconte que Platon, ayant dit à Denys l’Ancien des choses vraies mais désagréables pour le tyran, avait accepté le risque d’être tué par ce dernier. La pratique de la vérité nécessite donc du courage, celui d’affronter cette négativité à venir. Ce <em>courage de la vérité</em>, pour reprendre l’expression de Foucault, est alors et en même temps une <em>vérité du courage</em> face au <a href="https://bit.ly/2Gff1qJ">risque encouru</a>. Un des termes en grec pour le témoin, c’est le <em>marturon</em>, le martyr, qui meurt d’avoir témoigné pour sa vérité. Ainsi la pratique de la parresia est aussi une pierre de touche de chacun : de celui qui parle, car il fait preuve de son courage, et de celui qui l’entend, qui montre sa capacité à accepter des choses qui peuvent être négatives pour lui.</p>
<p>Au cœur du courage, il y a l’enjeu du risque, et de ce qui « vaut la peine » d’être fait. Dans l’<a href="https://bit.ly/2INDetC">Apologie de Socrate</a>, Socrate se demande pourquoi il ne s’est pas impliqué plus tôt dans la vie de la cité. Et sa réponse est claire : « Si je m’étais adonné il y a longtemps à la politique, je serais mort depuis longtemps. » (<a href="https://bit.ly/2Gff1qJ">Foucault, 2009</a>, p. 37, Apologie, 31 d-e).</p>
<p>La rectitude d’un comportement épris de justice empêche d’épouser une carrière politique :</p>
<blockquote>
<p>« Pensez-vous donc que j’eusse vécu tant d’années, si je me fusse mêlé des affaires de la république, et qu’en homme de bien, j’eusse tout foulé aux pieds pour ne penser qu’à défendre la justice ? Il s’en faut bien, Athéniens ; ni moi, ni aucun autre homme, ne l’aurions pu faire » (<a href="https://bit.ly/2INDetC">Apologie</a>, 32 e).</p>
</blockquote>
<p>Dans les organisations, cette « mort sociale » est celle à laquelle s’expose le lanceur d’alerte, ou celui qui peut dire une vérité qui déplaît. Mais l’injonction juridique au parler-vrai, par exemple pour les dirigeants, crée le risque symétrique : celui de la condamnation pour n’avoir pas été franc. Quand Enron a disparu, ses dirigeants ont été condamnés à de lourdes peines de prison. Car sans parrhèsia plus de confiance – or que demande-t-on au top-management sinon d’être digne de confiance, puisqu’on lui délègue la bonne marche de l’entreprise ?</p>
<p>Mais pour parler vrai il faut <em>pouvoir espérer</em> : espérer que les choses changent, que cette vérité va porter, que la justice va être faite. Plus le pouvoir est fort, moins la parole est libre, car moins il y a d’espoir et donc de parrhèsia possible : les organisations autocratiques, comme les systèmes totalitaires, sont ceux où la parresia est quasi impossible car trop risquée.</p>
<p>Le lanceur d’alerte, qu’il soit Snowden ou un autre, a l’espoir que sa révélation va changer quelque chose. La grandeur de la parresia, c’est donc l’ouverture vers le futur qu’elle suscite, voire sa possibilité émancipatrice.</p>
<p><strong>La responsabilité du parler-vrai dans l’organisation : de la vérité à l’action et à ses conséquences</strong></p>
<p>Ainsi le parler-vrai se définit par rapport à un faire entendre le vrai, qui lui est consubstantiel : quand le vrai n’est pas entendu, les diseurs de vérité ne sont plus que des Cassandres promues au rang de spectateurs d’une catastrophe annoncée, ou alors condamnés juridiquement ou socialement, ce qui est le cas hélas des lanceurs d’alerte dans bien des situations où l’expression du vrai n’a pas trouvé d’écho favorable. Cela veut dire aussi que pour le manager, il ne suffit pas d’être dans le « parler-vrai », encore faut-il assortir ce discours de vérité d’une compréhension de la situation qui permette que se déploient les conséquences positives de la vérité.</p>
<p>Ce que l’on attend du dirigeant, c’est <em>in fine</em> cet idéal de « véracité », c’est-à-dire de sincérité que développe notamment B. Williams. Cette honnêteté est une transparence, une volonté de ne pas être trompé et de ne pas tromper : l’exigence de la véracité, c’est celle d’un effort, <a href="https://bit.ly/2IoQEx1">d’un élan vers le vrai</a>. Cet effort vers le vrai est le signe d’une vie belle. Dans le souci de soi de la tradition grecque il y a un lien qui s’établit en effet entre une éthique individuelle et une <a href="https://bit.ly/2Gff1qJ">« esthétique de l’existence »</a>. La franchise est en elle-même pour les cyniques ce qu’il y a de « plus beau chez l’homme » (Diogène, VI, 69, in Foucault, p. 154). Dans cette jonction entre éthique et esthétique, le courage de la vérité permet précisément la « vraie vie », l’<a href="https://bit.ly/2Gff1qJ">« alethe bios »</a>.</p>
<hr>
<p><em>Bouilloud, J.-P., Deslandes, G. et Mercier, G. <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10551-017-3678-0">« The Leader as Chief Truth Officer : The Ethical Responsibility of “Managing the Truth” in Organizations »</a> Journal of Business Ethics, 2017,DOI 10.1007/s10551-017-3678-0.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/96623/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Autour du concept grec de parrhèsia et de ses applications dans l’entreprise. Jusqu’où liberté de langage, franc parler, franchise sont-ils opérationnels ?Jean-Philippe Bouilloud, Professeur d’organisation et de sociologie des sciences, ESCP Business SchoolGhislain Deslandes, Professeur en Philosophie des Sciences de Gestion, ESCP Business SchoolGuillaume Mercier, Assistant Professor, Entrepreneurship, Innovation and Strategy, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/951302018-04-18T22:00:01Z2018-04-18T22:00:01ZRachat de la Fox par Disney : les motivations stratégiques d’un méga-deal<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/215273/original/file-20180417-163991-3q5o6x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C12%2C2035%2C1333&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un film de Disney au Fox Cinemaland d'Anaheim, Californie,1974.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/ocarchives/12442901895/in/photolist-ueUMES-4XNXxM-jXx8ei-qH5ZYv-xWGx1u-yB7F3b-xWGrAm-ySJoiu-8MrnmE-7ySg68-ySJpoW-SxfzPm-Sxfx2N-SzF75a-SzF8tn-SxfyNy-SxfvBJ-SzF5pg">Orange County Archives / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« Times and conditions change so rapidly that we must keep our aim constantly focused on the future » – Walter Elias Disney</p>
</blockquote>
<p>Rêveur et visionnaire, Walt Disney l’était assurément. Mais, avait-il seulement imaginé que le groupe de divertissement qu’il avait fondé avec son frère aîné, Roy Oliver, pourrait non seulement leur survivre, mais croître suffisamment pour se trouver un jour en mesure d’absorber l’une des plus importantes majors hollywoodiennes ?</p>
<p>C’est pourtant ce qui est en passe de se produire alors que, plus de 50 ans après la disparition de son plus illustre fondateur, The Walt Disney Company s’apprête à acquérir la Fox. L’annonce du <em>deal</em> est intervenue en décembre 2017 et vient tout juste d’être confirmée par Peter Rice, le PDG de la Fox, <a href="http://deadline.com/2018/04/disney-fox-merger-close-idate-summer-2019-fbc-diet-fox-peter-rice-1202363025/">avec l’été 2019 comme ligne d’horizon.</a></p>
<p>Au-delà des <a href="https://www.barrons.com/articles/the-math-behind-the-disney-fox-deal-1513396079">objectifs financiers</a> qui sous-tendent le projet d’acquisition (si le deal de 52,4 Md$ + 13,7 Md$ de rachat de dettes venait à être validé par les autorités antitrust, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_largest_mergers_and_acquisitions">cela en ferait le 13ᵉ plus important de la décennie</a>), ce sont les objectifs stratégiques derrière l’opération qui méritent d’être analysés. Ils éclairent les transformations à l’œuvre dans l’industrie des médias, propices à des jeux de <a href="http://www.xerfi-precepta-strategiques-tv.com/emission/Michel-Volle-Une-economie-des-predateurs-et-de-la-predation-version-integrale_3745339.html">proies et de prédateurs</a> à grande échelle.</p>
<h2>Une proie enviable, mais affaiblie</h2>
<p>La proie, en l’espèce, est un mastodonte. Avec son siècle d’existence (si on remonte à la création de Fox Film en 1915) et des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_films_produits_par_la_20th_Century_Fox">coffres débordant</a> de succès cinématographiques planétaires, la Fox est indiscutablement l’un des fleurons d’Hollywood.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/215261/original/file-20180417-163978-pc0p9p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/215261/original/file-20180417-163978-pc0p9p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/215261/original/file-20180417-163978-pc0p9p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=280&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/215261/original/file-20180417-163978-pc0p9p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=280&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/215261/original/file-20180417-163978-pc0p9p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=280&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/215261/original/file-20180417-163978-pc0p9p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=352&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/215261/original/file-20180417-163978-pc0p9p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=352&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/215261/original/file-20180417-163978-pc0p9p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=352&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le logo mythique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/8050506635/a8595097bf/">Logoprof/VisualHunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais un fleuron qui vacille encore des conséquences du scandale <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/comprendre-le-scandale-news-of-the-world_1011584.html">« News of the world »</a>. Cette sombre histoire d’écoutes téléphoniques qui éclata en 2010, valut au magnat des médias Rupert Murdoch, CEO de NewsCorp (alors maison mère de la Fox depuis son rachat en 1985), de devoir s’expliquer devant une <a href="https://www.gov.uk/government/publications/leveson-inquiry-report-into-the-culture-practices-and-ethics-of-the-press">commission parlementaire</a>.</p>
<p>La déflagration fut de telle ampleur qu’elle fut à l’origine de la scission entre NewsCorp et la Fox intervenue en 2013 pour protéger les activités (et l’image) de cette dernière.</p>
<p>Et si celle qu’il convient désormais de nommer 21st Century Fox est toujours à la tête <strong>d’actifs stratégiques enviables</strong> (un catalogue de licences pharaonique ; ses activités de production TV, ses parts dans EndemolShine et le réseau Sky), elle doit également composer avec ses <a href="http://www.xerfi-precepta-strategiques-tv.com/emission/Julien-Pillot-Comprendre-la-matrice-du-BCG_3360.html"><strong>« activités dilemmes » et ses « poids morts »</strong></a>.</p>
<p>Pour synthétiser, les premières regroupent :</p>
<ul>
<li><p>ses parts minoritaires dans la plateforme de streaming Hulu (30 %) qui accuse un retard certain vis-à-vis de Netflix ;</p></li>
<li><p>le studio d’animation Blue Sky qui peine à trouver une licence capable de suppléer <em>l’Âge de Glace</em> ;</p></li>
<li><p>ses licences d’exploitation Marvel (parmi lesquelles X-Men ou Les 4 Fantastiques), toujours lucratives, mais qui ont perdu de leur intérêt depuis que <a href="https://www.nytimes.com/2009/09/01/business/media/01disney.html">Disney a acquis la maison-mère en 2009</a> (nous y reviendrons). Même les activités cinématographiques pourraient entrer dans cette catégorie, tant le marché s’avère plus intensif en capital, cyclique et menacé que jamais par les changements dans les préférences et usages des consommateurs.</p></li>
</ul>
<p>Les secondes, quant à elles, regroupent les chaînes TV thématiques, autrement dit le network FOX, qui subit de plein fouet le <a href="https://www.trendsmap.com/twitter/tweet/981578846058270720">recul constant de la consommation de TV live</a> et la préférence pour les offres de streaming relativement aux offres câblées.</p>
<p>Bref, depuis le début des années 2010, et comme tant de groupes historiques de média et d’<em>Entertainment</em>, la Fox est plongée dans un <a href="http://www.xerfi-precepta-strategiques-tv.com/emission/Julien-Pillot_Les-medias-dans-le-chaos-strategique_3027.html">abîme d’incertitude stratégique</a>.</p>
<h2>Un prédateur insatiable</h2>
<p>Prédateur, le groupe fondé par Walter et Roy Disney ne l’a pas toujours été. C’est même l’inverse qui a prévalu pendant toute la période durant laquelle les frères ont assuré la gouvernance de l’entreprise (1923-1971).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/215262/original/file-20180417-163975-9is5ha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/215262/original/file-20180417-163975-9is5ha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/215262/original/file-20180417-163975-9is5ha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/215262/original/file-20180417-163975-9is5ha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/215262/original/file-20180417-163975-9is5ha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/215262/original/file-20180417-163975-9is5ha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/215262/original/file-20180417-163975-9is5ha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/215262/original/file-20180417-163975-9is5ha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Statue de Walt Disney et son personnage fétiche (Buena Vista Street, Disney California Adventure).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/8362523539/9f907a0812/">HarshLight on VisualHunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Durant ce demi-siècle, la croissance interne est le maître mot, y compris lorsqu’il s’est agi de financer des opérations de diversification aussi stratégiques que les <a href="https://www.history.com/this-day-in-history/disney-releases-snow-white-and-the-seven-dwarfs">longs métrages d’animation</a> (1937), les films en <a href="https://ohmy.disney.com/insider/2016/07/19/the-history-of-treasure-island-and-how-walt-disney-moved-into-live-action/">prises de vue réelles</a> (1950), la <a href="http://articles.orlandosentinel.com/2007-04-26/business/DISNEY26_1_walt-disney-buena-vista-brand">distribution de films</a> (1953) ou les <a href="http://www.simonandschuster.com/books/DisneyWar/James-B-Stewart/9780743267090">parcs à thèmes</a> (1955).</p>
<p>Cette dernière diversification témoigne d’ailleurs parfaitement de cette volonté farouche de tout internaliser puisqu’elle s’est accompagnée de la création d’une division ad-hoc – la bien-nommée Walt Disney Imagineering – avec pour mission d’imaginer et créer les attractions et environnements à destination des offres de loisirs du groupe.</p>
<p>La période de flottement – tant artistique que stratégique – qui suivit la disparition des frères Disney et la direction de Card Walker faillit sonner le glas du groupe en tant qu’entité indépendante quand le fond piloté par Saul Steinberg lança son <a href="https://www.nytimes.com/1984/06/12/business/highlights-of-struggle-for-disney.html">OPA en 1984</a>.</p>
<p>Il serait d’ailleurs injuste de qualifier les années de présidence Walker de période d’immobilisme dans la mesure où quelques chantiers majeurs de diversification y furent menés, parmi lesquels la TV payante avec Disney Channel (1983), la création de Touchstone Pictures pour promouvoir des films plus matures (1984) ou, la même année, l’ouverture du 1<sup>er</sup> parc Disney hors USA, à Tokyo (qui plus est, un parc opéré par un tiers exploitant sous licence Disney).</p>
<p>Mais, si les années de présidence Walker ne furent pas à frapper du sceau de l’immobilisme, ce sont davantage les orientations stratégiques ou l’inadéquation des modalités de croissance avec les besoins de l’époque en termes de rapidité et de déploiement mondialisé qui sont de nature à interpeler le stratégiste. L’offensive de Steinberg n’était qu’un coup de semonce : <a href="http://www.imdb.com/title/tt1159961/">pour réveiller la Belle endormie</a>, le groupe Disney devait urgemment changer de dimension.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/215265/original/file-20180417-164001-1elbbp0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/215265/original/file-20180417-164001-1elbbp0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/215265/original/file-20180417-164001-1elbbp0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/215265/original/file-20180417-164001-1elbbp0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/215265/original/file-20180417-164001-1elbbp0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/215265/original/file-20180417-164001-1elbbp0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/215265/original/file-20180417-164001-1elbbp0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/215265/original/file-20180417-164001-1elbbp0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Michael D. Eisner Building et Disney Legends Plaza.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/3599574291/c95967a940/">Castles, Capes et Clones/VisualHunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Faire de celle qu’il conviendrait désormais d’appeler The Walt Disney Company (TWDC) un empire mondial de l’Entertainment <a href="https://www.huffingtonpost.fr/julien-pillot/euro-disney-trop-gros-pour-sombrer-_b_8310426.html">« trop gros pour échouer »</a>, c’est précisément qui a été entrepris par Michael Eisner (1984-2005) et accentué sous la présidence de Robert Iger (depuis lors).</p>
<p>Exit la croissance organique – lente et incertaine – place à la croissance externe tous azimuts, quitte pour cela à bousculer la culture de l’entreprise comme jamais auparavant.</p>
<p><strong>Le montant des acquisitions les plus emblématiques réalisées sur les 15 dernières années donnent le tournis</strong> :</p>
<ul>
<li><p>19 M$ pour <a href="https://www.nytimes.com/2004/06/07/business/the-split-between-disney-and-miramax-gets-a-little-wider.html">Miramax</a> (la société fondée par Harvey Weinstein fut intégrée en 1993 et revendue en 2010 pour 663 M$) ;</p></li>
<li><p>19 Md$ pour le <a href="https://www.nytimes.com/1995/08/01/business/media-business-merger-walt-disney-acquire-abc-19-billion-deal-build-giant-for.html">network ABC</a>, et notamment les chaînes sportives ESPN (1996) ;</p></li>
<li><p>5,3 Md$ pour subtiliser les chaînes du bouquet <a href="https://www.marketwatch.com/story/disney-snares-fox-family-for-53-bln">Fox Family Worldwide</a> à NewsCorp (2001) ;</p></li>
<li><p>7,4 Md$ pour transformer le contrat d’exclusivité de distribution <a href="https://www.nytimes.com/2006/01/25/business/disney-agrees-to-acquire-pixar-in-a-74-billion-deal.html">liant le groupe à Pixar</a> en achat définitif (2006) ;</p></li>
<li><p>4,3 Md$ et 4,1 Md$ respectivement déboursés pour acquérir <a href="https://www.theguardian.com/business/2009/aug/31/disney-marvel-buy-out">Marvel</a> (2009) et <a href="https://www.economist.com/news/business/21565649-disney-buys-out-george-lucas-creator-%E2%80%9Cstar-wars%E2%80%9D-wishing-upon-death-star">LucasFilm</a> (2012) ;</p></li>
<li><p>et enfin 2,6 Md$ pour s’arroger 75 % de l’<a href="https://www.forbes.com/sites/maurybrown/2017/08/08/disney-accelerates-purchase-of-bamtech-espn-disney-will-see-new-digital-streaming-media-apps/">entreprise technologique BamTech</a> (2016).</p></li>
</ul>
<p>Au-delà des sommes engagées, c’est surtout la remarquable <strong>cohérence stratégique des acquisitions</strong> réalisées qu’il convient de souligner.</p>
<p>À travers ces offensives, TWDC a systématiquement cherché à enrichir son portefeuille de ressources et compétences, qu’il s’agisse de nouveaux personnages à exploiter sous licence (alors que les personnages les plus emblématiques créés par Walt Disney auraient déjà dû tomber dans le domaine public <a href="https://priceonomics.com/how-mickey-mouse-evades-the-public-domain/">sans plusieurs renégociations de la durée légale de leurs copyrights avec les autorités US</a>), ou de nouveaux vecteurs de valorisation qu’il s’agisse de médias (TV, cinéma, streaming, musique, etc.), de lieux de divertissement (parcs d’attractions, croisières) ou de merchandising/licensing.</p>
<p>Car s’il est bien une chose qui n’a pas varié d’un iota depuis la création du groupe il y a près d’un siècle, c’est bien le schéma directeur de son business model synthétisé par Walt Disney lui-même en 1957 (<a href="https://hbr.org/2013/05/what-makes-a-good-corporate-st">consultable dans un article de Todd Zenger publié dans la Harvard Business Review</a>) : articuler toutes les cellules de l’entreprise autour d’un noyau central de création de contenus exclusifs.</p>
<p>Bill Gates est peut-être à l’origine de l’adage « Content is King » popularisé en 1996 au moyen d’un <a href="https://www.craigbailey.net/content-is-king-by-bill-gates/">article de blog devenu célèbre</a>, force est de constater que Walt Disney l’avait théorisé – et mis en application – bien plus tôt !</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/215269/original/file-20180417-163982-m6c8yn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/215269/original/file-20180417-163982-m6c8yn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/215269/original/file-20180417-163982-m6c8yn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/215269/original/file-20180417-163982-m6c8yn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/215269/original/file-20180417-163982-m6c8yn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/215269/original/file-20180417-163982-m6c8yn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/215269/original/file-20180417-163982-m6c8yn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/215269/original/file-20180417-163982-m6c8yn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Souvenirs de la grandeur passée : le Fabulous Fox Theatre, de Saint Louis, ouvert en 1929.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/philleara/8127924271/in/photolist-gJFUzJ-doeJHn-7wqNib-o1rrQd-21WLrUk-e6oQCH-9kg7ds-jXNaCr-iV9DDo-drPjTE-dshxi8-XZN4L7-8mjo7c-7sngqT-881QCe-9aGW6G-dVFfNP-dT4qzT-bxjnZt-st6gse-7BCvDk-2kpV4b-5jZdwV-79T6uk-dDfHXn-aB3DUv-8XkhBk-iiUKHf-4przV5-icr8ke-nKXHqD-b2UNbn-o39ny8-9hWVhT-aBaAJ5-jXx8ei-o3psZ9-9bLdhr-9tRYcR-4Prkbg-8aYrCE-7nfGGz-dhFZK1-qBU8Y9-8Levm1-84Tt9K-o3raY3-aRp8Jg-o5mj4Z-9ZAShA">Philip Leara/Flickr</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le projet de rachat de la Fox s’inscrit pleinement dans cette démarche stratégique, tout en la dépassant à certains égards.</p>
<p>Pour bien analyser les raisons poussant TWDC à réaliser ce qui serait la plus importante acquisition de son histoire, il convient d’élaborer <strong>un scénario analytique en trois actes</strong>.</p>
<h2>Premier acte : comment les actifs de la Fox s’intégreraient au sein de la galaxie Disney ?</h2>
<p>Au regard du schéma stratégique directeur exposé plus haut, il n’étonnera personne que le formidable catalogue de licences dont dispose la Fox est au centre des intérêts de TWDC. Des licences qui vivent sur tous les formats et écrans – des blockbusters cinématographiques (Avatar, Die Hard, Alien, etc.), jusqu’aux séries et émissions TV (The X-Files, Les Simpsons, Fargo, Danse avec les stars, MasterChef, etc.) – et qui peuvent facilement être déclinés dans les parcs à thèmes ou en merchandising.</p>
<p>Les autres actifs de la Fox convoités par Disney concernent d’ailleurs ses capacités de production (studios et équipes créatives) et ses réseaux de diffusion Star et Sky, car si les contenus sont rois, la <a href="https://www.forbes.com/sites/peterhimler/2013/07/09/content-is-king-distribution-is-queen/">distribution est reine</a>.</p>
<h2>Deuxième acte : En quoi les actifs de la Fox valoriseraient Disney tout en affaiblissant la concurrence ?</h2>
<ul>
<li><p><strong>D’abord, en confiant la réalisation des FX et des bandes-son des films produits par la Fox à ses propres filiales</strong> (notamment les fameuses divisions Lucasfilm, Industrial Light and Magic et Skywalker Sound). De quoi garnir les carnets de commande, occasionner de la facturation interne, mais aussi imaginer réserver ces labels de qualité aux productions du groupe.</p></li>
<li><p><strong>Ensuite, en complétant le catalogue Marvel</strong> des licences dont l’exploitation avait été cédée à des tiers avant son acquisition par Disney en 2009. Ainsi, non seulement TWDC renforce son <a href="https://www.20minutes.fr/culture/2188967-20171216-fox-disney-marvel-cinematic-universe-va-etre-surpeuple">Marvel Cinematic Universe de personnages indispensables</a> (notamment, les X-Men), mais force aussi Universal – qui a construit tout une partie de son offre de parcs à thèmes sur des attractions sous licence Marvel – à lui verser des royalties.</p></li>
</ul>
<p>Aux termes du contrat conclu entre Marvel et Universal en 1994 concédant l’<a href="https://www.insideuniversal.net/2016/05/darn-marvel-contract-what-rights-does-universal-and-disney-own/">exploitation exclusive et « à perpétuité »</a> de ses licences pour tout parc d’attractions US situé à l’est du Mississippi, TWDC n’est pas certes pas en mesure d’exiger d’Universal qu’il en cesse l’exploitation, mais pourrait engager des <a href="http://www.xerfi-precepta-strategiques-tv.com/emission/Marc-Deschamps-Des-strategies-pour-augmenter-les-couts-des-concurrents_2585.html">stratégies d’augmentation des coûts du rival</a> en imposant à Universal, par exemple, un certain niveau d’excellence pour ne pas altérer l’image de qualité d’un produit Disney.</p>
<p>TWDC pourrait aussi envisager d’inonder tous ses parcs à thèmes dans le monde (hors Disney World, situé à l’est du Mississippi) d’attractions Marvel pour casser l’unicité du produit Universal, et en réduire d’autant la valeur.</p>
<p>Suivant cette logique, il n’est ainsi guère étonnant que le récent <a href="https://theconversation.com/disney-a-la-reconquete-de-leurope-92606">projet d’extension de DisneyLand Paris</a> inclue… un Marvel Land.</p>
<ul>
<li><strong>Enfin, et surtout, en accélérant fortement sur le streaming</strong>. Pour épouser les nouvelles tendances de consommation, TWDC a besoin d’une plateforme de streaming propriétaire puissante. En dépit des 30 % que le groupe détient dans Hulu, des rumeurs persistantes fin 2016 faisaient état d’un <a href="https://www.forbes.com/sites/petercohan/2016/10/05/why-walt-disney-should-not-buy-netflix/">fort intérêt de Disney pour Netflix</a>.</li>
</ul>
<p>Que ces rumeurs aient été fondées ou non, les faits intervenus depuis plaident en faveur d’une offensive de grande ampleur de la part de TWDC qui a, coup sur coup, acquis les compétences technologiques de BamTech, notamment en matière d’algorithmique de recommandation (<a href="https://www.forbes.com/sites/maurybrown/2016/08/09/disney-co-makes-1-billion-investment-becomes-minority-stakeholder-in-mlbams-bamtech/">et commencé à les appliquer à son offre sportive ESPN</a>), et annoncé le <a href="https://www.cbsnews.com/news/disney-netflix-movies-streaming-espn/">non-renouvellement de son contrat de diffusion avec Netflix</a> à l’issue de la période courant jusqu’à 2019.</p>
<p>Mais pour affaiblir davantage celui qui sera désormais un <a href="http://fortune.com/2017/11/06/walt-disney-21st-century-fox-deal-talks-netflix/">concurrent plus qu’un distributeur</a>, il convient de lui opposer une offre alternative crédible. C’est là qu’intervient le rachat de la Fox et, à travers lui, la main basse que fait la TWDC sur l’ensemble du catalogue de la major hollywoodienne. De quoi alimenter sa plateforme en contenus tout en affaiblissant les offres tierces.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/215275/original/file-20180417-164001-10hxn47.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/215275/original/file-20180417-164001-10hxn47.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/215275/original/file-20180417-164001-10hxn47.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/215275/original/file-20180417-164001-10hxn47.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/215275/original/file-20180417-164001-10hxn47.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/215275/original/file-20180417-164001-10hxn47.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/215275/original/file-20180417-164001-10hxn47.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/215275/original/file-20180417-164001-10hxn47.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le site Hulu (en 2009).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/billstrain/3924680511/">Bill Strain/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Reste à établir le rôle que pourrait jouer Hulu dont Disney possèdera 60 % du capital à l’issue de l’opération, mais il y a fort à parier qu’elle deviendra une plateforme d’appoint pour segmenter le contenu par public affinitaire.</p>
<h2>Troisième acte : en quoi l’offensive de TWDC sur la Fox serait, en fait, un redoutable blitz défensif ?</h2>
<p>Poussé par la révolution numérique et les difficultés à rentabiliser l’activité, le monde des médias <a href="https://www.latribune.fr/technos-medias/medias/la-concentration-actuelle-des-medias-pose-un-vrai-probleme-democratique-julia-cage-502772.html">n’en finit plus de se concentrer</a>.</p>
<p>Et si le périmètre de la TWDC s’est certes considérablement étoffé ces dernières années, le groupe reste paradoxalement une « cible accessible ».</p>
<p><strong>D’une part, parce qu’à 100$ l’action</strong>, <a href="https://www.boursorama.com/cours/DIS/">sa capitalisation avoisine les 150 Md$</a>, soit un niveau insuffisant pour la prémunir de toute tentative d’OPA hostile en provenance d’un acheteur disposant de moyens (très) importants.</p>
<p>L’ombre des GAFA plane en effet, alors que ces derniers montrent un appétit grandissant pour les créateurs et leurs licences, et Disney se souvient probablement encore de cette folle rumeur de 2014 qui prédisait <a href="https://www.washingtonpost.com/news/innovations/wp/2014/06/25/apple-buying-disney-a-consultant-explains-why-he-thinks-a-deal-is-frighteningly-obvious/?noredirect=on&utm_term=.4bc37057a4bc">son acquisition imminente par Apple</a>.</p>
<p><strong>D’autre part, parce que dans ce vaste mouvement de convergence et de digitalisation,</strong> Disney et la Fox font figure d’ultimes majors hollywoodiennes qui ne soient pas encore adossées à des géants des Telcos (Universal et Warner Bros l’étant respectivement à Comcast et AT&T).</p>
<p>Ainsi décrypté, le deal entre TWDC et la Fox revêt à la fois les caractéristiques de la grande manœuvre offensive, destinée à revaloriser ses actifs et à pousser des stratégies de conquête de parts de marché, et du blitz défensif visant à bloquer les salves adverses, les 66,1 Md$ déboursés par Disney apparaissant aussi comme le prix de l’indépendance stratégique de l’entreprise.</p>
<p>Et tandis que nous méditons sur cet authentique coup de maître digne des moines Shaolin, nous nous rappelons – non sans un brin de facétie – de la clairvoyance teintée de malice des scénaristes des Simpsons qui avaient prédit le rachat de la Fox par Disney… <a href="https://www.cbr.com/simpsons-predict-disney-fox-deal/">il y a déjà 20 ans de cela</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/215272/original/file-20180417-163975-1p6l0ss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/215272/original/file-20180417-163975-1p6l0ss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/215272/original/file-20180417-163975-1p6l0ss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=316&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/215272/original/file-20180417-163975-1p6l0ss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=316&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/215272/original/file-20180417-163975-1p6l0ss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=316&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/215272/original/file-20180417-163975-1p6l0ss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=397&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/215272/original/file-20180417-163975-1p6l0ss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=397&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/215272/original/file-20180417-163975-1p6l0ss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=397&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Disney Simpsons Fox display…</span>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/95130/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot est coordinateur du think tank citoyen trans-partisan "Le Jour d'Après" qui entend participer aux débats sur les réformes structurelles nécessaires à la modernisation et l'efficacité de notre modèle social, économique et institutionnel, en dépassant les clivages partisans.</span></em></p>En rachetant la Fox, la Walt Disney Company va réaliser sa plus importante acquisition. Un coup de maître qui marie objectifs offensifs et défensifs dans un univers incertain. Décryptage.Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie et Stratégie (Inseec U.) / Pr. et Chercheur associé (U. Paris Saclay), INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/794342017-06-19T19:50:25Z2017-06-19T19:50:25ZLe marché de la coiffure en toute franchise<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/174304/original/file-20170618-28790-wzo5g2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Brushing.</span> <span class="attribution"><span class="source">Pixabay</span></span></figcaption></figure><p>La France compte plus de 83 000 salons de coiffure, contre 30 000 boulangeries ou 21 900 pharmacies. Ces salons sont tenus par des dames plutôt que par des messieurs même s’ils portent des noms masculins : Jean‑Louis David, Jacques Dessange, Jean‑Marc Maniatis ou Franck Provost. Poussez la porte d’une de ces enseignes pour une coupe ou un brushing et vous entrez dans l’économie mixte de la franchise.</p>
<h2>C’est Martha Matilda qui a commencé</h2>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/174422/original/file-20170619-12409-1hebkd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/174422/original/file-20170619-12409-1hebkd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/174422/original/file-20170619-12409-1hebkd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1001&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/174422/original/file-20170619-12409-1hebkd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1001&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/174422/original/file-20170619-12409-1hebkd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1001&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/174422/original/file-20170619-12409-1hebkd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1258&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/174422/original/file-20170619-12409-1hebkd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1258&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/174422/original/file-20170619-12409-1hebkd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1258&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Martha Matilda Harper et ses cheveux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikipedia</span></span>
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</figure>
<p>La légende veut pourtant qu’une femme, et non un homme, ait créé le premier réseau de salons de coiffure et lui ait donné son nom. L’histoire peu banale de Martha Matilda Harper (1857-1950) est <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Martha_Matilda_Harper">édifiante</a>. Domestique d’un médecin allemand, spécialiste des soins capillaires, elle hérite de sa formule secrète de lotion tonique. À la voir en photo, les cheveux jusqu’au talon, ce fortifiant est peut-être même un peu trop efficace ! Elle part pour Rochester avec « noués dans un mouchoir, soixante dollars d’argent durement gagnés et la formule au dos <a href="https://www.amazon.fr/Martha-Matilda-Harper-American-Dream/dp/0815606389">d’un petit papier</a> ».</p>
<p>C’est dans cette ville américaine de l’État de New York qu’elle installera son premier salon. Pour multiplier les ventes de sa lotion magique et plus tard de nombreux autres produits capillaires et de beauté de sa composition, elle recrute et aide d’autres femmes à s’installer partout aux États-Unis. Elle leur offre formation, assurance et publicité. Mais elle contrôle étroitement l’exécution de ses consignes en matière de services – de l’accueil de la clientèle à la vente des produits de sa marque. Au plus fort du développement du réseau, les salons Martha Harper seront plus d’un demi-millier.</p>
<p>Pionnière de la franchise, Marta Harper était une innovatrice avant la lettre. Ne lui doit-on pas aussi, paraît-il, la conception du fauteuil incliné pour le shampoing ? Son esprit inventif et d’entreprise lui valut d’entrer au Panthéon américain des femmes célèbres, le <em>National Women’s Hall of Fame</em> aux côtés d’Ella Fitzgerald et d’Édith Wharton.</p>
<h2>Le réseau d’Yvon, coiffeur des stars</h2>
<p>Il est peu probable que Franck Provost, Yvon de son vrai prénom, soit un jour panthéonisé. Pourtant, sa réussite est exemplaire, sa personnalité décoiffante et son talent d’homme d’affaires remarquable. Son histoire aussi <a href="http://www.capital.fr/entreprises-marches/franck-provost-il-coiffe-100-000-personnes-par-jour-1213007">est édifiante</a> : pupille de la Nation, l’apprenti-coiffeur de la Sarthe, monté près de la Capitale pour ouvrir son premier salon et vite devenu coiffeur des stars, est aujourd’hui à la tête d’un empire familial. Son réseau affiche plus de 5000 salons, plus d’un milliard de chiffres d’affaires annuel, onze marques – de l’enseigne éponyme à Jean‑Louis David, Saint Algue, Maniatis Paris, en passant par Coiff&Co et Haircoif.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/174426/original/file-20170619-12429-qc98mv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/174426/original/file-20170619-12429-qc98mv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/174426/original/file-20170619-12429-qc98mv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/174426/original/file-20170619-12429-qc98mv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/174426/original/file-20170619-12429-qc98mv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/174426/original/file-20170619-12429-qc98mv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/174426/original/file-20170619-12429-qc98mv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/174426/original/file-20170619-12429-qc98mv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Franck Provost décoré par Christine Lagarde.</span>
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<p>Mais dans la République des arts et des lettres, les entrepreneurs, <a href="http://bit.ly/2seYqjc">fussent-ils d’exception</a>, ne sauraient prétendre au rang de grands hommes. Un coiffeur qui plus est, vous n’y pensez pas ! Une femme, Christine Lagarde, première ministre de l’Économie à s’être intéressée au secteur de la coiffure, l’a tout de même élevé au grade de Chevalier de la Légion d’honneur. Elle sait, grâce à ses services statistiques l’importance de cette activité qui comprend en France plus de 80 000 établissements et occupe plus de <a href="http://cnec.asso.fr/images/fckeditor/File/Rapport_de_branche_coiffure_2011_vF.pdf">170 000 actifs</a>, ou plutôt actives car 8 coiffeurs sur 10 sont des coiffeuses.</p>
<h2>Aux racines de la franchise</h2>
<p>La franchise est un moyen simple pour les entrepreneurs de croître rapidement car elle desserre les contraintes d’investissement en capital et de recrutement de <a href="https://www.jstor.org/stable/1056250?seq=1#page_scan_tab_contents">cadres dirigeants salariés</a>. Cette forme d’organisation extrêmement répandue (pensez par exemple aux restaurants rapides, aux concessions automobiles ou encore aux agences immobilières) est en effet une option alternative de l’intégration verticale qui suppose que le producteur d’un bien ou service détienne et contrôle en propre son réseau de distributeurs.</p>
<p>Pour les franchisés, elle permet de monter rapidement une affaire commerciale car ils bénéficieront d’une marque établie et d’un accompagnement en matière d’administration, de formation, d’expertise, etc. Mais l’équilibre contractuel entre les deux parties n’est pas simple. S’y mêlent intérêts mutuels et conflictuels.</p>
<p>Sur le plan financier, le franchisé rémunère le franchiseur en payant une somme à l’entrée et ensuite une redevance forfaitaire ou en pourcentage du chiffre d’affaires. Si vous voulez ouvrir un salon de taille moyenne sous enseigne Franck Provost, il vous en coûtera au départ 165.000 euros. L’essentiel correspond à la fourniture auprès du groupe des fauteuils, du mobilier, de l’éclairage et autres pièces d’aménagement standard imposées. Puis, il vous faudra reverser chaque mois un peu plus de <a href="http://www.capital.fr/entreprises-marches/franck-provost-il-coiffe-100-000-personnes-par-jour-1213007">1 300 euros</a>.</p>
<h2>Les ressorts de la croissance</h2>
<p>Contrairement à d’autres franchiseurs, Franck Provost n’a pas opté pour une redevance assise sur les recettes du franchisé. Cette dernière est en effet moins incitative à la croissance puisque le franchisé, pour chaque supplément de recettes lié à ses efforts, doit en reverser une partie à l’enseigne. D’un autre côté, si le franchiseur réclame une redevance faible ou nulle, c’est cette fois lui qui est peu incité à réaliser des efforts, par exemple pour la promotion de la marque ou la formation des franchisés car ils ne lui profiteront guère.</p>
<p>Un équilibre doit aussi être trouvé en matière d’investissements. Chaque partie réalisant des investissements spécifiques qui profitent l’une à l’autre est soumise à un risque de hold-up. Les salons de coiffure ne sont pas des banques mais le hold-up désigne en économie une situation générale : celle d’une perte de l’investissement en cas de comportement opportuniste de l’une des parties. Illustrons ce hold-up en dépeignant deux cas de figure.</p>
<p>Imaginons d’abord qu’afin de réduire ses coûts pour augmenter son profit, un salon sous enseigne baisse volontairement la qualité de ses services. Il dégradera la marque dont il bénéficie, ce qui dégrade sa valeur. Cette stratégie égoïste est gagnante pour le franchisé mais perdante pour le franchiseur (et les franchisés restés loyaux). Si elle n’est pas empêchée, face au risque futur de hold-up le franchiseur investira au départ beaucoup moins en publicité.</p>
<p>Cela explique pourquoi les contrats de franchise donnent le droit au franchiseur de contrôler que les exigences de qualité qu’il impose seront bien respectées et de sanctionner les manquements. Ce contrôle entraîne bien sûr des dépenses supplémentaires pour le franchiseur. Les économistes les désignent de façon générale par le terme de coûts d’agence. Rien à voir non plus avec un guichet de banque.</p>
<p>L’agencement dont il est question est celui que forme n’importe quelle situation entre un mandant et un mandataire (entre un principal et un agent dans le jargon économique). Peu importe qu’il s’agisse d’un actionnaire et d’un dirigeant ou d’une enseigne et d’un coiffeur. Les coûts d’agence sont les dépenses nécessaires pour faire en sorte que le mandataire adopte un comportement conforme à l’intérêt du mandant.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/174307/original/file-20170618-28746-bmfxk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/174307/original/file-20170618-28746-bmfxk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/174307/original/file-20170618-28746-bmfxk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/174307/original/file-20170618-28746-bmfxk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/174307/original/file-20170618-28746-bmfxk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/174307/original/file-20170618-28746-bmfxk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/174307/original/file-20170618-28746-bmfxk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/174307/original/file-20170618-28746-bmfxk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Bien choisir ses outils.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pixabay</span></span>
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</figure>
<h2>Contrats et exclusivité : couper les cheveux en quatre</h2>
<p>Second cas de figure, si le franchiseur accorde également son enseigne à un nouveau salon situé à côté d’un franchisé déjà installé, ce dernier va perdre une partie de sa clientèle et ne recoupera pas son investissement initial. Si ce risque n’est pas réduit à l’avance, c’est le franchisé qui aura cette fois tendance à sous-investir au départ. La parade contractuelle consiste ici à faire bénéficier le franchisé d’une exclusivité territoriale. Un franchiseur de la coiffure s’engagera par exemple à ne pas octroyer son enseigne à un autre salon autour d’un rayon de quelques kilomètres. Là encore cette solution n’est pas gratuite car le franchiseur en perdant la possibilité de mise en concurrence intra-marque entre franchisés perd les bénéfices qui lui sont associés en termes d’amélioration des coûts et de la qualité notamment.</p>
<p>En résumé, il n’existe pas de relation parfaite entre franchiseur et franchisé même si les clauses contractuelles s’attachent à réduire à l’avance les problèmes qu’elle soulève.</p>
<p>Mais, vous direz-vous, les avantages de rapidité de développement qu’offre la franchise ne sont-ils pas finalement annulés par ces imperfections ? La franchise n’est-elle pas finalement moins intéressante que l’intégration verticale ? Cette question a fait couler beaucoup d’encre dans les <a href="http://www.persee.fr/doc/rfeco_0769-0479_2004_num_18_4_1538">journaux scientifiques d’économie</a>. Les chercheurs aiment bien couper les cheveux en quatre, contentons-nous ici d’une réponse à grands coups de ciseaux.</p>
<h2>Un modèle mixte</h2>
<p>Sachez d’abord que l’intégration verticale n’est pas non plus une solution idéale. Elle entraîne aussi des coûts d’agence et expose également à l’opportunisme. En effet, une société mère doit contrôler ses filiales et ceux qui les dirigent pour éviter de mauvais résultats ou à tout le moins les comprendre.</p>
<p>Ces contraintes sont certes moins fortes mais l’intégration est pénalisée par des incitations plus faibles. Si le directeur d’un salon de coiffure est salarié d’une enseigne, il est moins poussé à faire des efforts qu’un franchisé car il n’en récoltera pas l’essentiel des fruits.</p>
<p>Dans les faits, le modèle mixte prédomine qu’il s’agisse de la restauration rapide, des boutiques de vêtements ou des salons de coiffure : la même enseigne dispose à la fois de magasins en propre et sous franchise. En France, un salon de Franck Provost sur trois est une succursale dirigée par un salarié.</p>
<p>Les raisons de cette coexistence sont liées à l’information. Le contrôle direct permet de mieux connaître les coûts des salons, les gains de productivité possibles, les effets de l’introduction d’innovations auprès de la clientèle, etc. Il fournit aussi un point de comparaison pour évaluer les performances des franchisés. Par exemple, face à une variation aléatoire de l’environnement économique qui affecte tant le magasin en propre que la succursale, l’enseigne sera capable de mieux identifier dans les résultats observés ce qui provient de l’aléa et ce qui provient de l’effort du franchisé.</p>
<p>L’intégration verticale partielle permet également de signaler la <a href="https://www.jstor.org/stable/764864?seq=1#page_scan_tab_contents">qualité de l’enseigne</a>. Le franchiseur possède en effet une meilleure information que les franchisés potentiels sur la valeur de son concept commercial. S’il est mauvais, il y a peu de chances que le franchiseur se lance dans l’acquisition de magasins. A contrario, celle-ci signale que le franchiseur dispose d’un bon concept et croit en sa réussite.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/174309/original/file-20170618-28746-13oulkp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/174309/original/file-20170618-28746-13oulkp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/174309/original/file-20170618-28746-13oulkp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/174309/original/file-20170618-28746-13oulkp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/174309/original/file-20170618-28746-13oulkp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/174309/original/file-20170618-28746-13oulkp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/174309/original/file-20170618-28746-13oulkp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/174309/original/file-20170618-28746-13oulkp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Boutique de coiffeur barbier.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pixabay</span></span>
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<h2>Un métier d’artisans mal payé mais attractif</h2>
<p>Mais attention, tous les salons de coiffure ne sont pas tenus par des salariés ou des franchisés. C’est même le contraire <a href="http://cnec.asso.fr/images/fckeditor/File/Rapport_de_Branche_COIFFURE__donn_es_2013_.pdf">qui prévaut</a>. Il y a beaucoup plus de chances, plus précisément une sur dix, que votre salon préféré soit celui d’un indépendant plutôt que sous enseigne. Je suppose ici de façon irréaliste que vous êtes représentatifs, chers lecteurs et lectrices, de la population française.</p>
<p>Numériquement la coiffure est d’abord en France un métier d’artisan indépendant qui exerce le plus souvent seul. Cela ne saute sans doute pas aux yeux des habitants de centres des grandes villes mais c’est la réalité.</p>
<p>La faiblesse des salaires de la coiffure est une <a href="http://cnec.asso.fr/images/fckeditor/File/asteres_cnec_5_avril_2013.pdf">autre réalité</a>. Elle reflète la féminisation de la profession – rappelons que les femmes perçoivent en France un salaire environ 10 % inférieur à celui des hommes à temps de travail et <a href="http://www.inegalites.fr/spip.php?article972">métiers équivalents</a>.</p>
<p>Au-delà de cette explication générale, la faiblesse des salaires des coiffeuses reflète la forte concurrence qui règne aujourd’hui dans la coupe des cheveux. La profession est en effet attractive. Les filières de formation sont recherchées, le nombre d’installations croît et dépasse le nombre de fermetures.</p>
<p>Les barrières à l’entrée sont modestes, en particulier pour la coiffure à domicile. Dans ce dernier cas, le CAP et le statut d’auto-entrepreneur suffisent. Mais du côté de la demande, la dépense de coiffure des ménages stagne en tendance <a href="https://www.bdm.insee.fr/bdm2/affichageSeries?idbank=001658336&page=informations&request_locale=fr">depuis 2005</a>. Une minorité de salons sont montés en gamme et en style et de nouveaux segments de marché en particulier pour la clientèle <a href="https://www.labarbieredeparis.com/fr/content/12-cote-coiffeur">masculine barbue</a> se développent.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/174310/original/file-20170618-28794-6m2u99.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/174310/original/file-20170618-28794-6m2u99.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/174310/original/file-20170618-28794-6m2u99.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/174310/original/file-20170618-28794-6m2u99.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/174310/original/file-20170618-28794-6m2u99.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/174310/original/file-20170618-28794-6m2u99.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/174310/original/file-20170618-28794-6m2u99.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/174310/original/file-20170618-28794-6m2u99.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Coiffeur pour hipster.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f/photo/19674701218/f085e58bbb/">Mr. Jovaninho/Visual Hunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<p>Cependant ces mouvements ne compensent pas la baisse de la fréquentation des salons par espacement des visites ou par le recours accru à la coiffure chez soi par un professionnel, ou grâce aux moyens du bord, avec un succès parfois ébouriffant. Sans compter la multiplication des enseignes à petits-prix comme <a href="http://www.tchip.fr">Tchip Coiffure</a>.</p>
<h2>Une règlementation particulière</h2>
<p>On comprend alors pourquoi les coiffeurs sont opposés à une déréglementation de leur profession. La Loi impose que le créateur d’un salon (ou son conjoint ou un de ses salariés) soit titulaire du Brevet Professionnel, diplôme plus exigeant et sélectif et donc barrière à l’entrée plus élevée que le CAP. Seule exception légale vous pouvez vous installer sans aucun diplôme dans une commune de moins de 2000 habitants si c’est un complément d’activité et si vous ne coiffez que des hommes. Vous pouvez être boulanger ou pharmacien et coiffer vos concitoyens mais pas les dames. Précision et bizarrerie délicieuses de la réglementation française ! La suppression de l’obligation de brevet professionnel créerait encore plus de salons, ce qui accentuerait sans aucun doute la concurrence et les difficultés économiques de nombreux artisans et salariés. Il en fut question à propos de la réforme des professions réglementées mais les coiffeurs furent vite rassurés.</p>
<p>Vous trouverez à ce propos ci-dessous une intervention bien peu Jupitérienne d’Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie, au congrès annuel de l’Union Nationale des Entreprises de Coiffure.</p>
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<p>Quelques mots pour conclure sur une dernière différence entre les hommes et les femmes dans la coiffure, la <a href="https://link.springer.com/article/10.1023/A:1006492207450">discrimination tarifaire</a>. Les clientes payent plus cher que les clients. Chez Franck Provost, par exemple, la fiche moyenne est de 60 € pour les dames contre 25 € pour les <a href="http://www.capital.fr/entreprises-marches/franck-provost-il-coiffe-100-000-personnes-par-jour-1213007">messieurs</a>.</p>
<p>A priori, rien d’anormal puisque le coût unitaire est plus élevé : la coupe des cheveux féminins prend plus de temps, elle réclame une plus grande expertise et est associée à de multiples opérations (teinture, mèches, balayage, glaçage, effilage…). Mais cela n’explique pas tout. Les femmes sont prêtes à consacrer plus d’argent à leurs cheveux que les hommes, leur consentement à payer, disent les économistes, est plus élevé.</p>
<p>Les coiffeurs le savent et en profitent à l’instar des compagnies aériennes à l’égard des hommes d’affaire pour réaliser une meilleure marge et faire supporter une plus grande partie des coûts fixes de leurs salons aux clientes. Celles-ci, en quelque sorte, subventionnent les coupes pour homme. La coiffure est définitivement inégale entre les dames et les messieurs !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79434/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Le laboratoire de François Lévêque reçoit des aides à la recherches de nombreuses entreprises, notamment au cours des 5 années passées d’EDF, Microsoft et Philips. Par ailleurs, François Lévêque est Conseiller de référence chez Deloitte France.</span></em></p>Analyse du marché de la coiffure en France et du poids de la franchise dans son organisation très particulière.François Lévêque, Professeur d'économie, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.