tag:theconversation.com,2011:/us/topics/fusion-nucleaire-109222/articlesfusion nucléaire – The Conversation2023-07-23T15:10:59Ztag:theconversation.com,2011:article/2098742023-07-23T15:10:59Z2023-07-23T15:10:59ZDébat : L’Étatisme plombe-t-il la filière nucléaire française ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/537807/original/file-20230717-201541-s8fizd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=47%2C26%2C695%2C476&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
Le gouvernement français vise à faciliter la construction de nouveaux réacteurs à l'horizon 2035 sur plusieurs sites, dont celui du Tricastin dans le Drôme (photo).
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Saint_Restitut_-_vue_sur_la_centrale_nucléaire_du_Tricastin_2.jpg">Marianne Casamance/Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le 23 juin 2023, la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000046513775/">loi</a> relative à « l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes » était publiée au <em>Journal officiel</em>. Elle simplifie le parcours d’autorisation des projets de construction de réacteurs : concertation du public, déclaration d’utilité publique, mise en compatibilité des documents d’urbanisme, autorisations d’urbanisme ou autorisation environnementale.</p>
<p>Le texte, <a href="https://www.leprogres.fr/economie/2023/05/16/la-loi-sur-la-relance-du-nucleaire-definitivement-adoptee-les-projets-vont-s-accelerer">largement adopté par le parlement à la mi-mai</a>, vise à faciliter la construction de trois séries de deux EPR 2 à l’horizon 2035 sur les sites de Penly (Seine-Maritime), Gravelines (Nord), du Bugey (Ain) et du Tricastin (Drôme), comme le président-candidat Emmanuel Macron en avait pris <a href="https://www.france24.com/fr/france/20220210-nucl%C3%A9aire-emmanuel-macron-%C3%A0-belfort-pour-d%C3%A9voiler-sa-strat%C3%A9gie-%C3%A9nerg%C3%A9tique-pour-la-france">l’engagement à Belfort en février 2022</a>. Ainsi, la loi <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/relance-du-nucleaire-la-loi-publiee-au-journal-officiel">supprime l’objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire</a> dans le mix électrique à l’horizon 2035, ainsi que le plafonnement de la capacité de production nucléaire à 63,2 gigawatts.</p>
<p>Il est remarquable d’observer que cette décision technologique majeure et cet investissement public de première importance n’ont suscité pratiquement aucun débat, aucune polémique, aucune protestation.</p>
<p>Pourtant, de nombreuses questions se posent : comment doit se prendre la décision d’investir ou de désinvestir dans la construction de nouvelles centrales nucléaires ? Où est l’équilibre des pouvoirs en la matière ? Y a-t-il encore un débat possible une fois que le chef de l’État, en réaction aux difficultés liées au conflit en Ukraine, déclare dans l’urgence que c’est la <a href="https://www.ladepeche.fr/2021/10/04/des-mini-centrales-en-france-pourquoi-emmanuel-macron-parie-sur-lenergie-nucleaire-9831107.php">seule solution</a> pour assurer l’approvisionnement énergétique de la France, et qu’un maigre débat à l’Assemblée nationale débouche sur un rapide consensus plutôt que sur des études et des discussions approfondies ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1658545177357697024"}"></div></p>
<p>Dans son <a href="http://montesquieu.ens-lyon.fr/IMG/pdf/de-l-esprit-des-lois.pdf"><em>Esprit des Lois</em></a> (1748), Montesquieu rappelle souvent qu’un peuple n’est libre que quand le pouvoir y arrête le pouvoir. En démocratie, la modération dans les décisions gouvernementales est supposée provenir du cadre constitutionnel et législatif, mais aussi et surtout d’un équilibre entre des forces dont les intérêts s’opposent et s’équilibrent.</p>
<h2>Des choix lourds de conséquences</h2>
<p>Immobiliser une nouvelle fois une grande part des capacités d’investissement de la France dans la construction de centrales nucléaires de type réacteur à eau pressurisée (PWR) – plutôt que dans autre chose –, c’est un choix majeur aux conséquences financières, techniques, écologiques et politiques lourdes à très long terme. C’est aussi la continuation d’un état technocratique centralisé, omniscience et omnipotent.</p>
<p>Comment assurer l’équilibre des pouvoirs dans un tel cas ? Suivant Montesquieu, quels pouvoirs faut-il mettre en concurrence pour obtenir la décision la plus éclairée, la plus raisonnable, la plus intelligente possible ?</p>
<p>Souvenons-nous que ce sont des décisions autoritaires – quasi militaires – qui ont marqué le <a href="https://www.cne2.fr/service/historique-et-gouvernance-du-programme-electronucleaire-francais/">lancement du programme nucléaire français en 1973</a>. Sans débat parlementaire sérieux, ni cadre juridique adapté, un petit groupe d’hommes politiques, de hauts fonctionnaires, et d’ingénieurs ont pris l’option radicale du tout nucléaire, en faisant deux promesses à la population : la technologie nucléaire serait sans risque et fournirait une électricité bon marché.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lheure-des-comptes-a-sonne-pour-le-nucleaire-francais-58174">L’heure des comptes a sonné pour le nucléaire français</a>
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<p>La suite de l’histoire mondiale de l’industrie nucléaire a montré qu’il y avait des risques. Pourtant, ce n’est que très récemment que les autorités françaises ont commencé à mettre en place des <a href="https://www.tarn-et-garonne.gouv.fr/Actualites/Exercice-de-Surete-nucleaire-et-de-securite-civile-les-7-et-8-juin-2023">exercices d’évacuation et de protection des populations</a> qu’impliquerait un accident majeur improbable, mais pas impossible.</p>
<p>Quant au bas prix de l’électricité en France entre 1975 et 2005, il s’explique surtout par une sous-estimation du coût complet du kilowatt heure, et par un <a href="https://www.annales.org/gc/2014/gc118/GC-118-article-PLOT_VIDAL.pdf">report de coûts cachés sur les générations futures</a> : remboursement des emprunts, coût du démantèlement des installations, du recyclage et du stockage des déchets, coût éventuel d’un accident majeur.</p>
<p>L’électricité bon marché de l’époque s’explique aussi par la non-prise en compte dans le coût du kilowatt heure de tous les projets qui ont du être abandonnés, et qui ont été financés par des dépenses publiques : la filière graphite gaz abandonnée ; le réacteur Superphénix de Creys-Malville (Isère) supposé contribuer au recyclage des déchets les plus radioactifs, définitivement arrêté en 1997, enfin, le doublement du coût des nouveaux réacteurs de Flamanville (Manche) qui ne sont toujours pas en fonctionnement.</p>
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<img alt="Le réacteur Superphénix de Creys-Malville (Isère), définitivement arrêté en 1997" src="https://images.theconversation.com/files/537698/original/file-20230717-226716-93bviy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537698/original/file-20230717-226716-93bviy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537698/original/file-20230717-226716-93bviy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537698/original/file-20230717-226716-93bviy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537698/original/file-20230717-226716-93bviy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537698/original/file-20230717-226716-93bviy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537698/original/file-20230717-226716-93bviy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le réacteur Superphénix de Creys-Malville (Isère), définitivement arrêté en 1997.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Superphénix#/media/Fichier:Superphenix_reactor_south.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>En se comportant à la fois en entrepreneur et en garant du programme nucléaire, l’État français a contribué à entretenir l’irresponsabilité financière des opérateurs. Il s’est substitué à eux. A contrario, dans d’autres pays tout aussi tentés par la solution nucléaire – les calculs des financiers et la logique des marchés ont joué le rôle de contre-pouvoir. Aux États-Unis en particulier, de nombreux projets de construction de centrales nucléaires ont été abandonnés parce que les investisseurs privés les trouvaient trop risqués ou pas assez rentables.</p>
<h2>Ailleurs, de plus en plus de fonds privés</h2>
<p>Depuis le début de la guerre en Ukraine, le retour au nucléaire constitue-t-il un investissement rentable, et si oui, à quel prix du kilowatt heure ? Est-ce une solution technique porteuse d’avenir et exportable ? Pour répondre à toutes ces questions, la population ne dispose aujourd’hui que de l’avis des experts de Bercy et d’EDF. Les partis politiques ne se montrent guère en état d’exercer le rôle de contre-pouvoir. Il ne serait donc pas absurde de faire appel au secteur privé, ne serait-ce que pour tester les hypothèses économiques et technologiques retenues par les experts étatiques. Il serait intéressant et utile de comparer un investissement dans des réacteurs PWR à un investissement équivalent répartit entre des économies d’énergie, des énergies renouvelables et une accèlération des recherches de pointes dans la fusion nucléaire ou, pourquoi pas, dans l’exploitation de l’hydrogène blanc récemment découvert dans le sous-sol français. Or, tous ces programmes sont en mal de financement…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/fusion-nucleaire-une-avancee-majeure-mais-le-chemin-reste-long-196739">Fusion nucléaire : une avancée majeure, mais le chemin reste long</a>
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<p>Lorsqu’on veut installer un nouveau système de chauffage chez soi, on fait faire plusieurs devis et l’on étudie plusieurs solutions techniques. L’État français pourrait faire de même, évitant ainsi ses coutumiers dépassements de budgets. C’est en se tournant vers l’international que l’on peut espérer actuellement introduire suffisamment de diversité dans les débats sur les choix nucléaires. De ce point de vue, la controverse entre les Français et les Allemands sur la question nucléaire est utile et devrait stimuler la réflexion. </p>
<p>Faut-il, par exemple, imiter des états autoritaires – comme l’État chinois –, qui continue à construire des centrales EPR fondées sur le principe de la fission nucléaire ? Ne faut-il pas plutôt faire confiance, au contraire, à la recherche scientifique de pointe et à l’innovation comme aux États-Unis et en Allemagne, où l’on investit fortement dans le développement des centrales de nouvelle génération, basées sur le principe de la fusion ?</p>
<p>Depuis 2014 et encore plus depuis 2020, les investissements privés ont bondi dans ce domaine.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphique montrant l’évolution des investissements (en milliards de dollars) depuis 2000" src="https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les investissements privés dans le domaine de la fusion nucléaire sont en forte hausse depuis 2014.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Greg de Temmerman</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Aux hésitations et aux réticences de la population, tiraillée entre la peur du nucléaire, l’envie d’avoir de l’électricité bon marché, et l’envie de réduire les émissions de CO<sub>2</sub>, pourraient ainsi répondre la sagesse des marchés et le talent des scientifiques en quête de technologies nouvelles. Une réflexion sur une meilleure utilisation des fonds publics impliquerait donc que l’État français devienne plus modeste, cesse de se prendre à la fois pour un régulateur, un financeur et un entrepreneur et qu’il accepte enfin une plus sage et plus prudente répartition des rôles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209874/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Entre 1978 et 1982, Michel Villette était consultant à la société Euréquip où il a travaillé pour EDF sur des questions telles que le choix des sites nucléaires, l’organisation des chantiers et l’acceptabilité du programme par les populations. Il a publié un témoignage sur ces activités dans le livre : « L’Homme qui croyait au management » (Le Seuil, 1988). </span></em></p>En France, la loi de relance de l’énergie atomique n’a généré aucun débat tandis que l’investissement privé porte l’innovation dans le secteur aux États-Unis ou en Allemagne.Michel Villette, Professeur de Sociologie, Chercheur au Centre Maurice Halbwachs ENS/EHESS/CNRS , professeur de sociologie, AgroParisTech – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1967392022-12-18T18:14:11Z2022-12-18T18:14:11ZFusion nucléaire : une avancée majeure, mais le chemin reste long<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/501681/original/file-20221218-22-go9exs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C8%2C5555%2C3695&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Photographie de l'intérieur du système de fusion inertielle du NIF.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://lasers.llnl.gov/content/assets/images/media/photo-gallery/web/2012-037864-lg.jpg">Damien Jemison / National Ignition Facility</a></span></figcaption></figure><p>Le 5 décembre 2022 marquera un tournant dans la recherche sur la fusion nucléaire. Plus de 100 ans après que l’astrophysicien britannique Arthur Eddington émit l’idée que la fusion serait <a href="https://ccfe.ukaea.uk/eddingtons-dream-becoming-reality-100th-anniversary-of-the-discovery-of-solar-fusion/">« une source d’énergie inépuisable si maîtrisée »</a>, le National Ignition Facility (NIF) aux États-Unis a réussi, pour la première fois, à générer plus d’énergie par des réactions de fusion que celle nécessaire à la provoquer. Que signifient ces résultats ? Pourquoi est-ce une vraie avancée pour la recherche ? Et quelles conséquences pour le développement de la fusion comme source d’énergie bas-carbone ?</p>
<p>La fusion nucléaire est le procédé qui se produit au cœur des étoiles – notre soleil fusionne environ 600 millions de tonnes d’hydrogène par seconde, générant en 1 seconde autant d’énergie que l’humanité en utilise en une année entière (<a href="https://www.iea.org/reports/key-world-energy-statistics-2021/final-consumption">418 exajoules en 2021</a>). La majorité des recherches se concentrent sur la fusion entre 2 isotopes de l’hydrogène, le deutérium et le tritium, qui produit un neutron très énergétique et un atome d’hélium. Cette réaction est en effet plus accessible que celle se produisant au cœur du soleil.</p>
<p>Pour provoquer la fusion, il faut des conditions extrêmes, notamment des températures de l’ordre de 100 millions de degrés. Atteindre ces températures nécessite un apport conséquent d’énergie, et pour que la fusion soit profitable, il faut qu’elle génère beaucoup plus d’énergie qu’il n’en faut pour la provoquer. Le rapport entre l’énergie apportée et celle produite est appelée le gain, s’il est supérieur à 1 alors la réaction de fusion aura libéré plus d’énergie que celle apportée.</p>
<p>Il y a deux voies possibles pour réaliser la fusion nucléaire : le confinement magnétique (ITER, par ex.) qui utilise des aimants puissants pour confiner le plasma pendant des durées très longues, et le confinement inertiel qui induit la réaction par des impulsions très brèves et intenses. Le NIF est une installation de fusion inertielle qui utilise des lasers très puissants.</p>
<p>Jusqu’à récemment, aucune expérience n’avait réussi à obtenir un gain supérieur à 1. Le record pour la fusion par confinement magnétique, était de <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/0029-5515/41/12/217/meta">0,65 dans le tokamak JET</a> (UK) en 1997, et le NIF avait obtenu un gain de <a href="https://theconversation.com/fusion-nucleaire-pour-lenergie-ou-nous-menent-les-annonces-recentes-166440">0,7 en août 2021</a>. Il faut noter que ce gain est pris au niveau du plasma (l’état de la matière à très hautes températures) et pas au niveau de l’ensemble de l’installation. Ce même NIF vient pour la première fois d’atteindre un gain supérieur à 1. Pour une énergie injectée de 2,1 mégajoules (via 192 lasers), la fusion a produit une énergie de 3,15 mégajoules, <a href="https://www.llnl.gov/news/national-ignition-facility-achieves-fusion-ignition">soit un gain de 1,5</a> !</p>
<h2>Pourquoi est-ce une vraie avancée ?</h2>
<p>Au-delà de l’aspect symbolique, ce résultat représente une vraie avancée scientifique. Le NIF utilise un schéma dit « d’attaque indirecte » : le combustible (une bille en diamant de 2 mm de diamètre contenant du deutérium et du tritium) n’est pas directement chauffé par les 192 faisceaux laser. En effet, il est placé dans un « Hohlraum » (un cylindre métallique) qui est chauffé par les lasers pour produire des rayons X qui vont chauffer et comprimer le combustible. </p>
<p>Cette approche présente l’avantage de rendre l’alignement des lasers plus aisé, mais présente le désavantage que seule une partie de l’énergie des lasers (10-20 %) est convertie en rayons X et chauffe le combustible. Au niveau du combustible, l’énergie de fusion produite est donc largement supérieure à l’énergie incidente : le plasma est auto-chauffé. On entre dans le régime des plasma auto-entretenus, un régime de la physique des plasmas qu’il était impossible d’étudier jusque récemment.</p>
<p><a href="https://www.science.org/content/article/fusion-breakthrough-nif-uh-not-really">Beaucoup de voix</a> se sont élevées pour relativiser les résultats obtenus en pointant le fait que les lasers nécessitent près de 400 mégajoules d’énergie pour pouvoir fournir les 2 mégajoules injectés dans NIF. Il faut cependant garder en tête que le NIF n’a pas été conçu pour générer de l’électricité, mais pour démontrer l’ignition. Surtout, cette installation (tout comme le laser <a href="https://www-lmj.cea.fr/">MégaJoule</a> en France) vise à permettre de simuler des explosions nucléaires (les essais nucléaires en condition réelles étant interdits) et est largement financé par le Department of Defense américain. La construction du NIF a démarré en 1997, ses opérations ont commencé en 2009. Les technologies laser ont beaucoup progressé depuis.</p>
<h2>Le chemin vers la fusion reste long</h2>
<p>Il est clair qu’un gain <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/epdf/10.1098/rsta.2020.0053">largement supérieur à 100</a> (au niveau du combustible) sera nécessaire pour produire de l’électricité à un coût acceptable dans le futur et qu’il reste donc beaucoup à faire de ce côté. Mais surtout, une expérience à NIF requiert beaucoup de temps de préparation pour être exécuté, et seulement quelques tirs par semaine sont réalisés. Un réacteur devra pouvoir être opéré avec une fréquence de l’ordre de 10 tirs par secondes, et ce 365 jours par an, ce qui représente un gros défi technologique. L’approche indirecte utilisée par le NIF est difficilement extrapolable à un réacteur puisqu’elle complique la fabrication du combustible et nécessite des gains plus élevés pour compenser les pertes. Plusieurs start-up développent cependant des concepts de réacteur de fusion inertielle.</p>
<p>Il reste également d’autres défis technologiques à relever pour pouvoir disposer d’un réacteur de fusion opérationnel (que ce soit pour la fusion magnétique ou la fusion inertielle). L’un d’eux est de pouvoir disposer du combustible nécessaire. Si le deutérium est très abondant sur Terre, le tritium lui est radioactif et a une durée de demi-vie très courte (12,3 ans). Il est principalement produit dans les réacteurs nucléaires de type CANDU au Canada. On estime le stock mondial de tritium à environ 30 kg alors qu’un réacteur de fusion produisant 500 MW d’électricité nécessiterait environ 90 kg de tritium par an. </p>
<p>Pour contourner ce problème, un réacteur de fusion devra produire son propre tritium – une couverture tritigène contenant du lithium entourera le plasma. Les neutrons produits par la fusion interagiront avec le lithium pour former du tritium. Pour permettre de démarrer d’autres réacteurs, la production devra même être légèrement supérieure à la consommation. Or cette technologie n’a jamais été démontrée à l’échelle. Certaines start-up proposent d’utiliser d’autres combustibles, mais comme l’hélium-3 ou le bore, mais ces réactions nécessitent des conditions de températures beaucoup plus difficiles à atteindre.</p>
<p>Il y a d’autres défis comme celui des <a href="https://www.nature.com/articles/nphys3735">matériaux</a> – ceux-ci seront constamment bombardés par des neutrons extrêmement énergétiques, mais devront maintenir des propriétés mécaniques et physiques suffisantes pendant des durées extrêmement longues, un domaine de recherche très actif.</p>
<h2>Ces résultats changent-ils la donne pour la fusion ?</h2>
<p>Il est clair que les résultats du NIF sont un progrès pour la fusion, un domaine qui connaît depuis quelques années un engouement d’investisseurs privés et qui compte environ 30 start-up développant des concepts de réacteurs de fusion. Le gouvernement américain a annoncé plus tôt cette année qu’il développait un <a href="https://www.whitehouse.gov/ostp/news-updates/2022/03/15/fact-sheet-developing-a-bold-vision-for-commercial-fusion-energy/">plan sur 10 ans</a> pour accélérer le développement de la fusion nucléaire. Les résultats récents arrivent donc à point pour justifier ces ambitions, et on peut imaginer que des investisseurs privés vont y voir une raison supplémentaire de s’intéresser au domaine.</p>
<p>Le développement de la fusion est cependant une aventure au long cours, et l’atteinte du <em>breakeven</em> n’est qu’une étape nécessaire, mais pas suffisante. De plus si le développement d’un premier réacteur est extrêmement important, pour que la fusion joue un rôle dans le mix énergétique mondial il faudra en construire en très grande quantité, ce qui prendra nécessairement du temps même avec une approche très volontariste. La fusion reste donc une option de long terme pour l’énergie, alors que le changement climatique impose un changement rapide du système énergétique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196739/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Pour la première fois, une réaction de fusion a été réalisée libérant plus d’énergie que celle nécessaire à initier cette réaction.Greg De Temmerman, Chercheur associé à Mines ParisTech-PSL. Directeur général de Zenon Research, Mines ParisRémi Delaporte-Mathurin, Chercheur spécialiste de la fusion nucléaire, Massachusetts Institute of Technology (MIT)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1966962022-12-16T14:42:23Z2022-12-16T14:42:23ZVoici pourquoi l’allumage par fusion est considéré comme une percée majeure<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/501373/original/file-20221215-22-uxlfvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3372%2C2746&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Plusieurs avancées en physique de la fusion se sont produites dans la chambre cible de la National Ignition Facility.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/departmentofenergy/17974887118/">U.S. Department of Energy/Lawrence Livermore National Laboratory</a></span></figcaption></figure><p>Des scientifiques américains ont annoncé avoir fait une percée majeure en ce qui concerne la création d’énergie à partir de la fusion nucléaire, un objectif qui a longtemps paru inatteignable.</p>
<p>Le 13 décembre 2022, le département de l’énergie des États-Unis a annoncé que pour la première fois — et après plusieurs décennies d’efforts —, des scientifiques ont réussi à obtenir plus d’énergie du processus de fusion qu’il n’en a nécessité.</p>
<p>Mais quelle est l’importance de cette avancée ? Et dans quelle mesure le vieux rêve de voir la fusion fournir une énergie propre et abondante est-il réalisable ? <a href="https://scholar.google.com/citations?user=impfKfgAAAAJ&hl=en&oi=ao">Carolyn Kuranz</a>, professeure agrégée de génie nucléaire à l’Université du Michigan, qui a travaillé dans le laboratoire où s’est produit cet exploit, explique ce qu’on a obtenu.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Une image du soleil" src="https://images.theconversation.com/files/500839/original/file-20221213-22736-wtuffc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/500839/original/file-20221213-22736-wtuffc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/500839/original/file-20221213-22736-wtuffc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/500839/original/file-20221213-22736-wtuffc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/500839/original/file-20221213-22736-wtuffc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/500839/original/file-20221213-22736-wtuffc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/500839/original/file-20221213-22736-wtuffc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La fusion est le processus qui alimente le soleil.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Solar_prominence_from_STEREO_spacecraft_September_29,_2008.jpg#/media/File:Solar_prominence_from_STEREO_spacecraft_September_29,_2008.jpg">NASA/Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Que s’est-il passé dans la chambre de fusion ?</h2>
<p>La fusion est une réaction nucléaire qui combine deux atomes pour créer un ou plusieurs nouveaux atomes dont la masse totale est légèrement inférieure à la masse de départ. La différence de masse est libérée sous forme d’énergie, comme le décrit la célèbre équation d’Einstein, E = mc2, où l’énergie est égale à la masse multipliée par la vitesse de la lumière au carré. La vitesse de la lumière étant énorme, la conversion d’une infime quantité de masse en énergie — comme dans le cas de la fusion — produit une quantité d’énergie tout aussi énorme.</p>
<p>Des chercheurs de la <a href="https://lasers.llnl.gov/">National Ignition Facility</a>, en Californie, ont réussi pour la première fois ce que l’on appelle « l’allumage par fusion ». On parle d’allumage lorsqu’une réaction de fusion produit plus d’énergie que celle fournie par une source extérieure et devient ainsi autosuffisante.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/500841/original/file-20221213-24014-83uis7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une boîte en or et en plastique" src="https://images.theconversation.com/files/500841/original/file-20221213-24014-83uis7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/500841/original/file-20221213-24014-83uis7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=639&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/500841/original/file-20221213-24014-83uis7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=639&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/500841/original/file-20221213-24014-83uis7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=639&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/500841/original/file-20221213-24014-83uis7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=803&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/500841/original/file-20221213-24014-83uis7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=803&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/500841/original/file-20221213-24014-83uis7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=803&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le combustible se trouve dans une minuscule boîte conçue pour que la réaction soit aussi exempte de contaminants que possible.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/departmentofenergy/9571677088/">U.S. Department of Energy/Lawrence Livermore National Laboratory</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La technique utilisée à la National Ignition Facility consiste à projeter 192 faisceaux laser sur une <a href="https://www.llnl.gov/news/national-ignition-facility-achieves-fusion-ignition">capsule d’un millimètre de combustible</a> composée de deutérium et de tritium — deux isotopes d’hydrogène avec des neutrons supplémentaires — placée dans une boîte en or. Lorsque les lasers frappent la boîte, ils produisent des rayons X qui chauffent et compriment la capsule jusqu’à ce qu’elle atteigne une densité 20 fois supérieure à celle du plomb et une température de plus de 3 millions de degrés Celsius, soit environ 100 fois plus chaude que la surface du Soleil. Si l’on parvient à maintenir ces conditions assez longtemps, le <a href="https://doi.org/10.1038/s41567-021-01485-9">combustible fusionnera et libérera de l’énergie</a>.</p>
<p>Le combustible et la boîte se vaporisent en quelques milliardièmes de seconde au cours de l’expérience. Les chercheurs espèrent alors que leur équipement a survécu à la chaleur et a pu mesurer avec prévision l’énergie libérée par la réaction de fusion.</p>
<h2>Qu’a-t-on accompli au juste ?</h2>
<p>Pour évaluer la réussite d’une expérience de fusion, les physiciens calculent le rapport entre l’énergie libérée par le processus et la quantité d’énergie contenue dans les lasers. Ce <a href="https://nap.nationalacademies.org/catalog/5730/review-of-the-department-of-energys-inertial-confinement-fusion-program">rapport est appelé gain</a>.</p>
<p>Un gain supérieur à 1 indique que le processus de fusion a libéré plus d’énergie que les lasers n’en ont fourni.</p>
<p>Le 5 décembre 2022, la National Ignition Facility a projeté une énergie laser de 2 millions de joules sur une capsule de combustible, soit la puissance nécessaire pour faire fonctionner un sèche-cheveux pendant 15 minutes, le tout en quelques milliardièmes de seconde. Cela a engendré une réaction de fusion qui a <a href="https://www.llnl.gov/news/national-ignition-facility-achieves-fusion-ignition">libéré 3 millions de joules</a>. Il s’agit d’un gain d’environ 1,5, qui fracasse le record précédent de <a href="https://www.science.org/content/article/explosive-new-result-laser-powered-fusion-effort-nears-ignition">0,7 obtenu en août 2021</a>.</p>
<h2>Est-ce une grande réussite ?</h2>
<p><a href="https://www.nature.com/articles/239139a0">Depuis près d’un demi-siècle</a>, l’énergie de fusion est le « Saint Graal » de la production d’énergie. Si un gain de 1,5 est, selon moi, une percée réellement historique, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant que la fusion ne devienne une source d’énergie exploitable.</p>
<p>Bien que l’énergie laser de 2 millions de joules soit inférieure au rendement de 3 millions de joules, il a fallu près de <a href="https://www.wired.com/story/the-real-fusion-energy-breakthrough-is-still-decades-away/">300 millions de joules pour produire les lasers</a> utilisés dans l’expérience. Ce résultat montre que l’allumage par fusion est possible, mais il faudra beaucoup d’efforts pour en améliorer l’efficacité jusqu’à ce que la fusion puisse fournir un rendement énergétique positif net en tenant compte du système du début à la fin, et pas seulement de l’interaction entre les lasers et le combustible.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/500845/original/file-20221213-22773-ts9sxm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un couloir rempli de tuyaux, de tubes et de matériel électronique" src="https://images.theconversation.com/files/500845/original/file-20221213-22773-ts9sxm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/500845/original/file-20221213-22773-ts9sxm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/500845/original/file-20221213-22773-ts9sxm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/500845/original/file-20221213-22773-ts9sxm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/500845/original/file-20221213-22773-ts9sxm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/500845/original/file-20221213-22773-ts9sxm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/500845/original/file-20221213-22773-ts9sxm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les machines qui servent à créer les puissants lasers, comme ces préamplificateurs, nécessitent beaucoup plus d’énergie que les lasers n’en produisent.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Preamplifier_at_the_National_Ignition_Facility.jpg#/media/File:Preamplifier_at_the_National_Ignition_Facility.jpg">Lawrence Livermore National Laboratory</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Que faut-il améliorer ?</h2>
<p>Depuis des décennies, les scientifiques ont amélioré peu à peu un certain nombre de pièces du puzzle de la fusion pour obtenir ce résultat, et des travaux supplémentaires peuvent rendre le processus encore plus efficace.</p>
<p>Premièrement, les lasers <a href="https://press.uchicago.edu/Misc/Chicago/284158_townes.html">n’ont été inventés qu’en 1960</a>. Lorsque le gouvernement américain a achevé la <a href="https://lasers.llnl.gov/about/nif-construction">construction de la National Ignition Facility en 2009</a>, il s’agissait de l’installation laser la plus puissante au monde, capable de transmettre <a href="https://www.llnl.gov/news/national-ignition-facility-achieves-unprecedented-1-megajoule-laser-shot">1 million de joules d’énergie</a> à une cible. Les 2 millions de joules qu’on y produit aujourd’hui représentent une énergie 50 fois supérieure à celle du <a href="https://www.lle.rochester.edu/index.php/omega-laser-facility-2/">deuxième laser le plus puissant de la planète</a>. On pourrait améliorer considérablement l’efficacité globale du système en augmentant la puissance des lasers et en trouvant des moyens moins énergivores de les produire.</p>
<p>Les conditions de fusion sont <a href="https://doi.org/10.1063/1.4865400">très difficiles à maintenir</a>, et la plus petite <a href="https://doi.org/10.1088/1361-6587/ab49f4">imperfection dans la capsule ou le combustible</a> peut augmenter les besoins en énergie et diminuer le rendement. Les scientifiques ont fait beaucoup de progrès pour transférer avec plus d’efficacité l’énergie du laser à la boîte et les rayons X de la boîte à la capsule de combustible, mais jusqu’ici, seulement de <a href="https://doi.org/10.1088/1741-4326/ac108d">10 à 30 %</a> de l’énergie totale du laser est transférée à la boîte et à la capsule.</p>
<p>Enfin, si un élément du combustible, le deutérium, se retrouve en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0920379610005119?via%3Dihub">abondance dans l’eau de mer, le tritium est beaucoup plus rare</a>. La fusion produisant elle-même du <a href="https://irp.fas.org/agency/dod/jason/tritium.pdf">tritium</a>, les chercheurs espèrent mettre au point des moyens de récolter celui-ci directement. En attendant, il existe <a href="https://www.energy.gov/nnsa/articles/nnsa-achieves-record-number-tritium-extraction-operations">d’autres méthodes pour produire le combustible nécessaire</a>.</p>
<p>Ces obstacles, ainsi que d’autres difficultés, tant technologiques que de conception, devront être surmontés avant que la fusion ne produise de l’électricité pour nos foyers. Il faudra également ramener le coût d’une centrale à fusion bien en deçà des <a href="https://lasers.llnl.gov/about/faqs#nif_cost">3,5 milliards de dollars US qu’a coûté la National Ignition Facility</a>. Toutes ces étapes nécessiteront des investissements importants de la part du gouvernement fédéral et de l’industrie privée.</p>
<p>On assiste en ce moment à une course mondiale vers la fusion, et plusieurs autres laboratoires travaillent <a href="https://theconversation.com/nuclear-fusion-hit-a-milestone-thanks-to-better-reactor-walls-this-engineering-advance-is-building-toward-reactors-of-the-future-178870">avec différentes techniques</a>. Cependant, grâce aux nouveaux résultats obtenus par la National Ignition Facility, le monde a, pour la première fois, la preuve que le rêve de la fusion est réalisable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196696/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Carolyn Kuranz reçoit des fonds de la National Nuclear Security Administration et du Lawrence Livermore National Laboratory. Elle fait partie d'une commission d'examen du Lawrence Livermore National Laboratory. Elle est membre du comité consultatif scientifique sur l'énergie de fusion.</span></em></p>La promesse d’une énergie abondante et propre alimentée par la fusion nucléaire a fait un grand pas en avant grâce à une nouvelle expérience. Mais la production d’énergie n’est pas encore pour demain.Carolyn Kuranz, Associate Professor of Nuclear Engineering, University of MichiganLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1734352021-12-20T18:42:28Z2021-12-20T18:42:28ZFusion nucléaire : le secteur privé entre en course<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/438431/original/file-20211220-120394-7zk2iq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2048%2C1550&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Représentation 3D de la surface du plasma et des bobines de champ magnétique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:ITER_3D_plasma_equilibrium_with_ripple_contours_(4071616631).jpg">Oak Ridge National Laboratory/Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>À l’heure actuelle, la totalité de l’énergie nucléaire mondiale (dont les 56 réacteurs nucléaires français) est basée sur le processus de fission nucléaire : un noyau d’uranium est scindé en particules plus petites, libérant ainsi de l’énergie. Mais il existe une autre façon de produire de l’énergie nucléaire : la fusion.</p>
<p>Il s’agit d’un processus selon lequel deux atomes s’assemblent pour former un atome plus lourd ; elle se produit notamment <a href="https://theconversation.com/lenergie-qui-emane-du-soleil-est-100-nucleaire-la-preuve-par-les-neutrinos-154017">au cœur des étoiles</a>. Les recherches pour maîtriser la fusion comme source d’énergie <a href="http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/download?doi=10.1.1.430.500&rep=rep1&type=pdf">débutèrent dans les années 1950</a>, mais la perspective de son utilisation industrielle reste éloignée.</p>
<p>Pourtant, alors qu’elle a longtemps été un domaine de recherche uniquement public, un nombre croissant d’acteurs privés se sont récemment engagés dans le domaine, promettant des réacteurs fonctionnels à des échelles de temps très courtes.</p>
<h2>Pourquoi la fusion nucléaire ?</h2>
<p>Les avantages potentiels de la fusion sont <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rsta.2020.0009">innombrables</a> : très faibles émissions de CO<sub>2</sub>, pas de déchets radioactifs <a href="https://www.irsn.fr/expo-asn-irsn/Documents/pages/2-11.html">à haute activité et vie longue</a> (des déchets à vie courte sont tout de même formés), un procédé intrinsèquement sûr car la réaction s’arrête quasi instantanément en cas de problème (un accident de type Tchernobyl est impossible). De plus, le combustible est très dense (un gramme de combustible contient autant d’énergie que 11 tonnes de charbon) et assez abondant pour durer des milliers d’années (les combustibles peuvent être extraits de l’eau de mer).</p>
<p>Du côté des inconvénients, la fusion requiert des conditions extrêmes, une température supérieure à 100 millions de degrés notamment. 10 fois plus que la température au cœur du Soleil !</p>
<p>Il existe en théorie différentes méthodes permettant d’atteindre les <a href="https://theconversation.com/fusion-nucleaire-pour-lenergie-ou-nous-menent-les-annonces-recentes-166440">conditions nécessaires à la fusion</a>. Dans tous les cas, induire le processus de fusion nécessite de chauffer puis maintenir un mélange à très haute température (on parle alors de plasma) et donc d’investir de l’énergie. Le défi du réacteur de fusion est donc de produire plus d’énergie que celle nécessaire à son fonctionnement : on parle de gain d’amplification.</p>
<p>Or, jusqu’à présent, un seuil d’amplification supérieur à 1 (on produit plus qu’on ne dépense) n’a toujours pas été atteint. Les recherches actuelles ont seulement permis d’atteindre un gain d’amplification de 0,7, c’est-à-dire que pour 100 joules d’énergie investie, la fusion en produit seulement 70. Pas encore assez pour une utilisation pratique.</p>
<h2>La recherche publique</h2>
<p>Ce record fut établi en 1997 par le <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/0029-5515/41/12/217/meta">tokamak JET</a> en Angleterre, et il fut égalé en août 2021 au <a href="https://phys.org/news/2021-11-brink-fusion-ignition-national-facility.html">National Ignition Facility</a> aux USA.</p>
<p>En réalité, une machine comme JET est trop petite et trop peu puissante pour atteindre un gain d’amplification supérieur à 1. Pour dépasser ce seuil, il a fallu lancer en 2006 le projet <a href="https://www.iter.org">ITER</a>, fruit de la collaboration de 35 pays. Actuellement en construction à Cadarache (Provence-Alpes-Côte d’Azur), ITER n’a pas vocation à produire d’électricité : il s’agit d’une pure expérience scientifique. Son but est – entre autres – de démontrer la faisabilité de la fusion, en visant un gain d’amplification de 10. Les premières expériences de fusion sont prévues pour 2035.</p>
<p>Pour la phase de démonstration industrielle, chaque pays élabore ses propres plans. L’<a href="https://www.euro-fusion.org/eurofusion/roadmap/">Europe</a>, prévoit un réacteur produisant de l’électricité dans les années 2050. La <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/0029-5515/55/5/053027/pdf">Corée du Sud</a> et le <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1742-6596/1293/1/012078/pdf">Japon</a> travaillent sur leurs propres concepts. Ces projets ont en commun des puissances électriques de plusieurs centaines de mégawatts, et des productions d’électricité après 2050. Cela correspond à la consommation électrique d’environ 1 million de <a href="https://www.edf.fr/groupe-edf/espaces-dedies/l-energie-de-a-a-z/tout-sur-l-energie/l-electricite-au-quotidien/la-consommation-d-electricite-en-chiffres">français</a>.</p>
<p>D’autres pays tentent d’aller plus vite. Le Royaume-Uni a récemment lancé le projet <a href="https://step.ukaea.uk/">STEP (Spherical Tokamak for Electricity Production)</a> qui vise à développer un réacteur en fonctionnement dans les années 2040. La Chine poursuit avec <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1741-4326/aa686a/pdf">CFETR</a> un ambitieux programme visant à démontrer la production électrique et de tritium dans les années 2040. Aux États-Unis, un rapport remis en 2020 à l’Académie des Sciences recommandait de mettre en place un programme visant un réacteur <a href="https://www.nap.edu/read/25991/chapter/2">dans les années 2040</a>.</p>
<h2>L’émergence des entreprises privées</h2>
<p>Depuis quelques années, des entreprises privées sont entrées dans la course et visent à <a href="https://www.nature.com/immersive/d41586-021-03401-w/index.html">fortement accélérer</a> le développement de la fusion nucléaire. S’appuyant sur des équipes très qualifiées (CFS est ainsi issue du MIT), ces initiatives ont des approches plus agressives et audacieuses que la recherche publique.</p>
<p>Si l’on parle souvent de start-up, certaines de ces entreprises ont plus de 20 ans, telles TAE fondée en 1998 ou General Fusion fondée en 2002. En 2021, on compte plus de <a href="https://www.fusionenergybase.com/article/the-number-of-fusion-energy-start-up-is-growing-fast-heres-why">25 entreprises privées</a> lancées dans la course à la fusion, soit 4 fois plus qu’en 2008. Même la France compte une start-up, Renaissance Fusion, fondée en 2019.</p>
<p>Ces entreprises sont pour la plupart financées par des fonds d’investissement, et parfois soutenues par des grands noms tels Jeff Bezos (General Fusion) et Bill Gates (CFS). Deux d’entre elles, Helion Energy et Commonwealth Fusion System (CFS), se sont récemment illustrées en annonçant des levées de fonds de 500 millions et 1,8 milliard de dollars, respectivement. Le total des investissements cumulés dépasse dorénavant les <a href="https://www.canarymedia.com/articles/nuclear/commonwealth-fusion-pulls-in-colossal-1-8b-for-novel-nuclear-tech">4 milliards de dollars</a>… bien loin du budget national pour la recherche publique aux USA, qui était de <a href="http://large.stanford.edu/courses/2021/ph241/margraf1/">670 millions de dollars</a> en 2020.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphique montrant l’évolution des investissements (en milliards de dollars) depuis 2020" src="https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les investissements privés dans le domaine de la fusion nucléaire explosent depuis 2014.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Greg de Temmerman</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Les plannings annoncés sont également très ambitieux : Helion annonce la production de quelques mégawatts électrique dès 2024, CFS vise à démontrer un gain d’amplification supérieur à 2 en 2025, General Fusion vise la commercialisation d’un réacteur dès 2030. Des dates qui contrastent avec celles espérées pour les initiatives publiques.</p>
<p>Si, aux USA, certaines de ces entreprises bénéficient de (modestes) <a href="https://www.energy.gov/science/articles/department-energy-announces-first-round-fy-2021-public-private-partnership-awards">financements publics</a> leur permettant de collaborer avec les laboratoires nationaux, toutes développent et fabriquent leurs propres expériences et composants. Le nombre de brevets déposés a ainsi fortement augmenté ces dernières années, avec près de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0920379621005913">160 brevets détenus</a> par 12 entreprises.</p>
<p>Quelques arguments peuvent expliquer la tendance à la multiplication des initiatives privées :</p>
<ul>
<li><p>Des technologies nouvelles sont apparues ou sont en cours de développement, et pourraient accélérer le développement de la fusion nucléaire et avoir des applications dans d’autres domaines.</p></li>
<li><p>ITER est en phase d’assemblage, ce qui renforce la confiance des investisseurs et des décideurs dans la fusion.</p></li>
<li><p>Les taux d’intérêt bas poussent certains investisseurs vers des paris plus risqués, mais potentiellement très lucratifs. On observe aussi une forte hausse des investissements dans le domaine des <a href="https://fortune.com/2021/09/28/this-time-is-different-the-resurgence-of-cleantech-vc-funding/">technologies pour le climat</a>.</p></li>
<li><p>L’urgence climatique : beaucoup de ces entreprises mettent en avant un rôle possible pour la fusion dans la transition énergétique si elle arrive suffisamment tôt. Des promesses à relativiser au vu des temps de <a href="https://theconversation.com/fusion-nucleaire-pour-lenergie-ou-nous-menent-les-annonces-recentes-166440">déploiement des technologies</a>.</p></li>
</ul>
<p>Ces initiatives privées contribuent à faire émerger une filière et à former des personnes à la fusion nucléaire. Elles ont aussi le mérite de secouer la recherche classique en prenant des paris technologiques plus audacieux. Et si les plannings annoncés sont très certainement trop optimistes, ils permettront malgré tout de mesurer rapidement les progrès accomplis et de juger si, enfin, la fusion nucléaire est à portée de main…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173435/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gregory De Temmerman est directeur général du think tank Zenon Research (non-profit), partenaire de l'université PSL; et chercheur associé à Mines Paris-PSL.</span></em></p>Les recherches sur la très prometteuse fusion nucléaire dépassent de plus en plus le champ du public pour s’étendre aux start-up et aux fonds d’investissement.Greg De Temmerman, Chercheur associé à Mines ParisTech-PSL. Directeur général de Zenon Research, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1664402021-08-19T14:25:25Z2021-08-19T14:25:25ZFusion nucléaire pour l’énergie : où nous mènent les annonces récentes ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/417014/original/file-20210819-17-18lt4jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C4%2C3270%2C2539&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’intérieur de la chambre avec la cible des 192 lasers, au bout de la pointe visible à droite.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://lasers.llnl.gov/media/photo-gallery?id=nif-0806-12609_red.jpg">Lawrence Livermore National Laboratory</a></span></figcaption></figure><p>Un laboratoire américain <a href="https://www.llnl.gov/news/national-ignition-facility-experiment-puts-researchers-threshold-fusion-ignition">vient d’annoncer</a> de nouveaux résultats en fusion nucléaire « inertielle », avec une production d’énergie de 1,3 mégajoule. Que représente cette avancée pour la fusion, cette « éternelle » énergie du futur ?</p>
<p>Entre le mégaprojet <a href="https://www.iter.org/">ITER</a>, dont la construction avance mais qui a connu des débuts difficiles, les projets lancés par différents pays, les initiatives privées qui se multiplient et qui annoncent des réacteurs de fusion d’ici 10 ou 15 ans, et les résultats obtenus par le Lawrence Livermore National Laboratory le 8 août 2021, il est difficile d’y voir clair. Voici un petit tour d’horizon pour mettre tout ceci en perspective.</p>
<h2>Confinement magnétique ou inertiel : deux voies possibles pour la fusion nucléaire</h2>
<p>Il existe deux façons d’utiliser l’énergie nucléaire : la fission qui est à l’œuvre dans les centrales nucléaires actuelles, et la fusion.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/416995/original/file-20210819-15-gnet4i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/416995/original/file-20210819-15-gnet4i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/416995/original/file-20210819-15-gnet4i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/416995/original/file-20210819-15-gnet4i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/416995/original/file-20210819-15-gnet4i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/416995/original/file-20210819-15-gnet4i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/416995/original/file-20210819-15-gnet4i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La réaction de fusion entre le deutérium et le tritium, deux isotopes de l’hydrogène, produit un neutron et un atome d’hélium. Alors que dans la fission, des atomes lourds d’uranium sont cassés en plus petits atomes pour libérer de l’énergie, la fusion nucléaire est le processus opposé : on transforme des atomes légers en des atomes plus lourds pour libérer de l’énergie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gregory de Temmerman</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Un réacteur de fusion est un amplificateur de puissance : la réaction de fusion doit produire plus d’énergie qu’il n’en faut pour chauffer le plasma à la température requise et le confiner. Le record actuel a été obtenu en 1997 par le « Joint European Torus » ou JET au Royaume-Uni, où une puissance de <a href="https://www.euro-fusion.org/fileadmin/user_upload/Archive/wp-content/uploads/2012/01/jeteuropeansucess.pdf">16 mégawatts a été générée</a> par la fusion magnétique, mais il a fallu 23 mégawatts pour la déclencher.</p>
<p>Obtenir enfin un gain supérieur à 1 et démontrer la faisabilité de la production d’énergie par la fusion est un objectif majeur de différents projets en cours.</p>
<p>Il y a deux voies possibles pour réaliser la fusion nucléaire : le confinement magnétique qui utilise des aimants puissants pour confiner le plasma pendant des durées très longues, et le confinement inertiel qui utilise des lasers très puissants mais très brefs pour comprimer le combustible et le faire réagir. Historiquement, la fusion magnétique a été privilégiée, car la technologie nécessaire pour la fusion inertielle (lasers notamment) n’était pas disponible. Cette dernière nécessite également des gains bien plus élevés pour compenser l’énergie consommée par les lasers.</p>
<h2>Confinement inertiel</h2>
<p>Les deux plus gros projets sont le <em>National Ignition Facility</em> du Lawrence Livermore National Laboratory (NIF) aux USA et le <a href="http://www-lmj.cea.fr/">Laser MégaJoule</a> en France, dont les applications sont principalement militaires (simulations d’explosion nucléaires) et financées par les programmes de défense. Le NIF poursuit également des recherches pour l’énergie.</p>
<p>Le NIF utilise 192 faisceaux laser, d’une énergie totale de 1,9 mégajoule et d’une durée de quelques nanosecondes, pour déclencher la réaction de fusion selon une approche dite « indirecte ». En effet, le combustible est placé à l’intérieur d’une capsule métallique de quelques millimètres, qui, chauffée par les lasers, qui émet des rayons X. Ceux-ci chauffent et compriment le combustible. L’alignement des lasers est plus aisé que si ceux-ci visaient directement la cible, mais seule une partie de leur énergie est convertie en rayons X et sert au chauffage.</p>
<p>Le NIF a récemment fait l’objet d’une forte attention médiatique après un record de production d’énergie obtenu le 8 août 2021. Durant cette expérience, une énergie de <a href="https://www.sciencemag.org/news/2021/08/explosive-new-result-laser-powered-fusion-effort-nears-ignition">1,3 mégajoule a été produite</a>, la valeur la plus élevée jamais enregistrée par cette approche.</p>
<p>Le gain global de 0,7 égale le record obtenu par JET en 1997 par confinement magnétique, mais si on s’intéresse au bilan énergétique du combustible lui-même (cible d’hydrogène), on comprend l’excitation dans le domaine. Celui-ci a en effet absorbé 0,25 mégajoule (la conversion laser-rayons X entraîne des pertes) et généré 1,3 mégajoule : la fusion a donc généré une bonne partie de la chaleur nécessaire à la réaction, s’approchant de l’ignition. Un réacteur devra atteindre des gains bien plus élevés (supérieurs à 100) pour être économiquement intéressant.</p>
<h2>Confinement magnétique</h2>
<p>Le confinement magnétique est la voie privilégiée pour l’énergie, car il offre de meilleures perspectives de développement et bénéficie d’un retour d’expérience plus important.</p>
<p>La grande majorité des recherches se concentre sur le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Tokamak">tokamak</a>, une configuration inventée en URSS dans les années 1960 où le plasma est confiné sous la forme d’un tore par un champ magnétique puissant. C’est la configuration choisie par <a href="https://www.iter.org/fr/accueil">ITER</a>, réacteur de démonstration en construction à Cadarache dans le sud de la France, dont l’objectif est de démontrer un gain de 10 – le plasma sera chauffé par 50 mégawatts de puissance et doit générer 500 mégawatts de puissance fusion. Si ce projet titanesque impliquant 35 nations a connu des débuts difficiles, la construction avance à rythme soutenu et le premier plasma est attendu officiellement pour fin 2025, avec une démonstration de la fusion prévue vers la fin des années 2030.</p>
<p>Le Royaume-Uni a récemment lancé le projet STEP (<a href="https://step.ukaea.uk/"><em>Spherical Tokamak for Electricity Production</em></a>) qui vise à développer un réacteur connecté au réseau dans les années 2040. La Chine poursuit avec <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1741-4326/aa686a/pdf">CFETR</a> un ambitieux programme visant à démontrer la production électrique et de tritium dans les années 2040. Enfin, l’Europe prévoit après ITER un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0920379618302898">démonstrateur tokamak</a> (DEMO) pour les années 2050, ce qui implique un déploiement seulement dans la deuxième partie du siècle.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/iter-comment-le-numerique-aide-a-eviter-et-controler-les-instabilites-de-la-fusion-nucleaire-162700">ITER : comment le numérique aide à éviter et contrôler les instabilités de la fusion nucléaire</a>
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<p>Une autre configuration – le stellarator – est explorée notamment en Allemagne avec <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Wendelstein_7-X">Wendelstein-7X</a> qui démontre de très bons résultats. Si le confinement dans un stellarator est en deçà de ce qu’un tokamak peut atteindre, sa stabilité intrinsèque et les résultats récents en font une alternative sérieuse.</p>
<h2>Les initiatives privées</h2>
<p>En parallèle de ces projets publics, on entend de plus en plus parler d’initiatives privées, parfois soutenues par des grands noms comme Jeff Bezos ou Bill Gates. L’entreprise la plus ancienne (TAE) a été fondée en 1998 mais une accélération s’est produite après 2010 et on compte en 2021 environ une <a href="https://www.fusionenergybase.com/article/the-number-of-fusion-energy-start-up-is-growing-fast-heres-why">trentaine</a> d’initiatives ayant attiré environ 2 milliards de dollars de capitaux au total. La majorité de ces initiatives promettent un réacteur dans les 10 ou 20 prochaines années et se posent comme une alternative à la lenteur de la filière classique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="G. De Temmerman, D. Chuard, J.-B. Rudelle pour Zenon Research" src="https://images.theconversation.com/files/416999/original/file-20210819-19-gukhtu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/416999/original/file-20210819-19-gukhtu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/416999/original/file-20210819-19-gukhtu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/416999/original/file-20210819-19-gukhtu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/416999/original/file-20210819-19-gukhtu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/416999/original/file-20210819-19-gukhtu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/416999/original/file-20210819-19-gukhtu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Illustration du déploiement de la fusion nucléaire selon deux scénarios, plus ou moins rapides.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Elles utilisent les développements technologiques récents (aimants supraconducteurs à haute température par ex), ou diverses configurations dont certaines n’avaient jamais été vraiment explorées : General Fusion utilise par exemple des <a href="https://generalfusion.com/technology-magnetized-target-fusion/">pistons pour compresser le combustible</a>. Si les résultats ne sont pas toujours publiés dans la littérature scientifique, on voit régulièrement des annonces démontrant des progrès réels. Si l’une de ces entreprises venait à démontrer la production d’énergie dans les délais promis, cela pourrait fortement accélérer les possibilités d’utiliser la fusion nucléaire.</p>
<h2>Un déploiement qui prendra du temps</h2>
<p>Il faut cependant garder en tête que le développement d’un premier réacteur est certes extrêmement important, mais que le déploiement d’une flotte de réacteur prendra du temps. Si on regarde les taux de déploiement du photovoltaïque, de l’éolien, et du nucléaire, on constate que dans leur phase de croissance exponentielle le taux de croissance de la puissance installée était <a href="https://www.nature.com/articles/462568a">entre 20 et 35 % par an</a>. Si on suppose que la fusion parvient à suivre le même rythme, on voit que la fusion, en suivant la ligne ITER-DEMO, pourrait représenter 1 % de la demande énergétique mondiale (valeur 2019) vers 2090. Si on considère un réacteur dans les années 2030, ce seuil pourrait être atteint vers 2060 et la fusion pourrait jouer un rôle plus important dans la deuxième partie du siècle. La fusion reste donc une aventure au long cours.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/166440/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gregory De Temmerman est directeur général du think tank Zenon Research (non-profit), partenaire de l'université PSL; et chercheur associé à Mines ParisTech PSL.</span></em></p>Retour sur les résultats récents en fusion nucléaire, pour comprendre à quoi ils correspondent et s’ils nous rapprochent du but d’une énergie propre et abondante.Greg De Temmerman, Chercheur associé à Mines ParisTech-PSL. Directeur général de Zenon Research, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1627002021-07-26T17:34:30Z2021-07-26T17:34:30ZITER : comment le numérique aide à éviter et contrôler les instabilités de la fusion nucléaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/408897/original/file-20210629-26-l38cxd.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C8%2C952%2C949&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une instabilité de Kelvin-Helmholtz simulée par ordinateur.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.reddit.com/r/CFD/comments/l9mmcm/simulation_of_a_kelvinhelmholtz_instability/">u/unnecessaryellipses1, Reddit</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Une énergie propre, sans risque d’accident grave et quasiment illimitée ? Cet objectif qui fait rêver est associé au principe de la fusion nucléaire depuis des décennies. À tel point qu’en 1986, malgré leurs fortes divergences, Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev proposèrent une coopération permettant de tester cette approche. Ce projet, rejoint depuis par l’Union européenne, l’Inde, la Chine, le Japon et la Corée du Sud a pris le nom d’« ITER », pour « Réacteur thermonucléaire expérimental international ». Finalement initié en 2006, il fournira une preuve de concept que la fusion peut être une source d’énergie. La prochaine étape, un prototype à l’échelle industrielle, est en conception et s’appelle Demo – elle serait certainement mise en œuvre en pratique si ITER démontrait que l’on peut tirer de l’énergie d’un tel réacteur.</p>
<p>Quels principes se cachent derrière ce nom désormais bien connu ? Comment développer un projet d’une telle envergure en pratique ?</p>
<h2>Qu’est-ce que la fusion nucléaire ?</h2>
<p>L’énergie nucléaire est connue car elle nous permet, notamment en France, de nous alimenter en énergie, mais aussi bien sûr à cause des risques qui lui sont associés et qui ont mené à des accidents célèbres, en particulier ceux de <a href="https://theconversation.com/tchernobyl-epidemiologie-dune-catastrophe-58315">Tchernobyl en 1986</a> et <a href="https://theconversation.com/les-lecons-de-fukushima-56254">Fukushima en 2011</a>.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/406122/original/file-20210614-72954-1wo8dy8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/406122/original/file-20210614-72954-1wo8dy8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=936&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/406122/original/file-20210614-72954-1wo8dy8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=936&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/406122/original/file-20210614-72954-1wo8dy8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=936&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/406122/original/file-20210614-72954-1wo8dy8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1176&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/406122/original/file-20210614-72954-1wo8dy8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1176&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/406122/original/file-20210614-72954-1wo8dy8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1176&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Exemple d’une fission nucléaire de l’uranium.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Nuclear_fission.svg?uselang=fr">Fastfission, Wikipedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette énergie est basée sur une réaction atomique, la <em>fission nucléaire</em>, qui consiste à casser un atome lourd en deux atomes plus légers. Dans les réacteurs actuels, c’est l’uranium qui est fissionné par collision avec un neutron, formant par exemple un atome de krypton et un second de baryum ou encore strontium et xénon. Lors de cette réaction, une partie de la masse initiale est convertie en énergie qu’on récupère et la réaction libère également un neutron qui, lui-même, va aller « casser » un autre atome et ainsi de suite. Hélas, il est possible de perdre le contrôle de ces réactions successives, ce qui peut mener à des accidents.</p>
<p>Dès les années 1940, les scientifiques G. P. Thomson et M. Blackman ont postulé, en déposant un brevet de réacteur, qu’il existait une approche qui consiste plutôt à « fusionner » deux atomes légers en un plus lourd avec là encore une perte de masse qu’on peut récupérer sous forme d’énergie cinétique (particule rapide), puis sous forme de chaleur. Cette réaction est celle qu’on retrouve au cœur de notre soleil et de la plupart des étoiles. Ces recherches ont commencé il y a 70 ans et ITER ne commencera à être testé qu’en 2025. Pourquoi est-ce si long ?</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/406123/original/file-20210614-73350-wxcfix.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/406123/original/file-20210614-73350-wxcfix.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=720&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/406123/original/file-20210614-73350-wxcfix.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=720&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/406123/original/file-20210614-73350-wxcfix.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=720&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/406123/original/file-20210614-73350-wxcfix.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=905&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/406123/original/file-20210614-73350-wxcfix.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=905&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/406123/original/file-20210614-73350-wxcfix.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=905&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un noyau de deutérium et un noyau de tritium fusionnent en un noyau d’hélium.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Deuterium-tritium_fusion.svg?uselang=fr">Wykis/Wikipedia</a></span>
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<p>Pour une raison finalement assez simple. Pour fusionner deux atomes d’hydrogène – le plus petit et le plus simple des atomes à fusionner, il faut chauffer le gaz d’hydrogène à plusieurs millions de degrés lorsque le gaz est très dense (plusieurs dizaines de fois la densité de l’aire), comme c’est le cas dans le soleil. Pour des densités plus raisonnables, que l’on considère en pratique dans un réacteur (plusieurs milliers de fois moins dense que l’air), il faut atteindre une température entre 100 et 150 millions de degrés. Évidemment, aucun matériau connu ne peut résister à de telles conditions. Comment chauffer alors un gaz à cette température et l’enfermer dans un réacteur sans danger ?</p>
<p>Heureusement, à cette température les gaz deviennent chargés électriquement, les électrons se séparent des atomes et on parle de « plasma ». L’idée géniale des scientifiques russes Igor Tamm et Andreï Sakharov dans les années 1950 a été de proposer un dispositif appelé « tokamak ». Il s’agit d’enfermer le plasma dans une chambre en forme de <em>donut</em>, ou « tore » en langage mathématique, et de le contraindre à tourner à l’intérieur du tore sans jamais s’approcher des bords à l’aide de champs magnétiques extrêmement puissants qui confinent le gaz au centre du tore.</p>
<p>L’objectif d’ITER est de savoir si cette technologie peut être utilisable pour la production d’énergie. Pour cela, ITER cherche à produire plus 5 à 10 fois d’énergie que celle utilisée pour chauffer le plasma et pour le confiner pendant quelques minutes. Si tel est le cas, on pourra passer à des prototypes industriels d’ici à 2050 ou 2060.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/406125/original/file-20210614-115215-1rjk1ae.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/406125/original/file-20210614-115215-1rjk1ae.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/406125/original/file-20210614-115215-1rjk1ae.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/406125/original/file-20210614-115215-1rjk1ae.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/406125/original/file-20210614-115215-1rjk1ae.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/406125/original/file-20210614-115215-1rjk1ae.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/406125/original/file-20210614-115215-1rjk1ae.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/406125/original/file-20210614-115215-1rjk1ae.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le plasma dans sa cavité torique. Un humain indique l’échelle, en bas à droite.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.iter.org/img/resize-2000-70/all/content/com/gallery/media/7%20-%20technical/cs_and_plasma_in_tokamak_us-iter.jpg">ITER</a></span>
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<p>Bien que le principe des tokamaks existe depuis la fin des années 50, la construction d’ITER n’a commencé qu’à la fin des années 2000. En effet, la technologie des tokamaks est très compliquée et on a construit, au fur et à mesure des années, des tokamaks de plus en plus complexes et de plus en plus grands jusqu’à ITER qui devrait être le premier à produire plus d’énergie que celle utilisée pour le faire fonctionner.</p>
<h2>Quand le numérique permet de mieux contrôler les risques et les coûts</h2>
<p>Une des difficultés centrales pour faire fonctionner la fusion nucléaire est la gestion des « instabilités » : le confinement du plasma à 100-150 millions de degrés par le champ magnétique aura forcément de petits défauts. Ces défauts peuvent conduire une portion du plasma à « s’échapper » vers le bord de la chambre de confinement, conduisant au mieux à une perte d’énergie, au pire à des dégâts très lourds sur la chambre de confinement (ce type de dégâts ne donnerait pas lieu à un accident nucléaire type Fukushima, mais aurait un coût financier très important).</p>
<p>Un enjeu central est donc de détecter et prédire ces instabilités afin de les contrôler ou de les éviter. Une chambre de confinement ainsi que la plupart des dispositifs sont très chers et on ne peut pas se permettre de tester directement les solutions pour le contrôle des instabilités dans un vrai tokamak. Par conséquent, les physiciens utilisent des modélisations mathématiques et numériques de la dynamique du plasma dans la chambre de confinement afin de tester de potentielles méthodes de contrôle et de détection. Il s’agit d’abord de transcrire le problème sous la forme d’équations mathématiques (très complexes, car couplant des phénomènes se déroulant à différentes des échelles de temps et d’espace), puis de résoudre ces équations à l’aide de <a href="https://www.cea.fr/comprendre/Pages/nouvelles-technologies/essentiel-sur-supercalculateurs.aspx">superordinateurs</a> ce qui va permettre de prédire l’évolution du plasma et sa réponse à une nouvelle méthode de contrôle.</p>
<p>Ce processus de modélisation/simulation est en fait très fréquemment utilisé dans l’industrie et en physique : en météorologie pour <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pr%C3%A9vision_num%C3%A9rique_du_temps">prévoir la météo</a>, pour la <a href="https://www.pourlascience.fr/sd/geosciences/prevoir-les-tsunamis-2239.php">prédiction de tsunami</a>, en <a href="https://www.inria.fr/fr/la-simulation-numerique-au-service-de-la-chirurgie">médecine pour les jumeaux numériques</a> ou encore dans l’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=5-dn4lnS3s0">automobile</a> et l’aviation pour tester les prototypes. Ce type d’outils est utilisé pour simuler séparément les différents phénomènes présents dans un tokamak, car on ne sait pas encore modéliser le fonctionnement complet. Cela a déjà permis de proposer plusieurs <a href="https://www.ipp.mpg.de/5067514/runaways">pistes pertinentes</a> pour le contrôle d’instabilités ces dernières années.</p>
<p>Depuis peu, ces modèles numériques combinent approches physiques (modèles de mécanique des fluides et d’électromagnétisme) et méthodes d’intelligence artificielle, qui permettent de construire des modèles prédictifs à partir de données expérimentales ou de données issues des simulations.</p>
<p>D’un point de vue scientifique, ITER est un projet hors norme. Il est issu d’un partenariat entre plus de trente pays pour un budget d’environ 20 milliards d’euros sur plusieurs décennies. Il mobilise physiciens théoriciens, ingénieurs, spécialistes des matériaux, informaticiens, mathématiciens, qui collaborent afin de faire de ce vieux rêve une réalité pour la génération suivante pour qui l’enjeu énergétique sera central.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162700/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Franck a reçu des financements de Eurofusion. </span></em></p>ITER vise à démontrer l’intérêt de la fusion nucléaire pour la production d’énergie. Sur ce chemin semé d’embûches, les outils numériques permettent de mieux contrôler les risques et les coûts.Emmanuel Franck, Chargé de recherche, InriaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1540172021-03-11T17:55:20Z2021-03-11T17:55:20ZL’énergie qui émane du Soleil est 100 % nucléaire : la preuve par les neutrinos<p>Le Soleil est la source de la vie sur la Terre. Il nous apporte en permanence 1360 watts par mètre carré, soit une puissance totale de 3,8 x 10<sup>26</sup> watts. Quelle est la source de cette énergie ? Quelles sont les preuves ?</p>
<p>Notre étoile, née il y a 4,6 milliards d’années, est une gigantesque boule de gaz (2x10<sup>33</sup> grammes) composée essentiellement d’hydrogène (75 %) et d’hélium (24 %), avec environ 1 % d’éléments lourds (oxygène, carbone, fer…).</p>
<p>Dès la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, de <a href="https://www.humensciences.com/livre/Pourquoi-le-Soleil-brille/16">premières idées sont avancées</a>, par exemple la transformation d’énergie gravitationnelle en chaleur. Mais celle-ci n’aurait pas permis à notre étoile de briller plus de quelques dizaines de millions d’années.</p>
<p>En 1919, avec les débuts de la physique nucléaire, Jean Perrin spécule sur la transformation d’hydrogène en hélium, sans élaborer. Peu après, Arthur Eddington comprend qu’au cours de cette transformation la différence de masse entre quatre noyaux d’hydrogène et un noyau d’hélium libère l’énergie qui permettrait au Soleil et aux étoiles de vivre très longtemps.</p>
<p>Les calculs prendront du temps. Il faudra attendre 1938 et les travaux pionniers de Hans Bethe et Carl von Weiszacker pour comprendre que ce sont des cycles compliqués de réactions nucléaires qui sont à l’œuvre au cœur des étoiles, tous basés sur la fusion de quatre atomes d’hydrogène en un atome d’hélium (une réaction différente des réactions exploitées dans nos centrales nucléaires puisqu’il s’agit ici de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fusion_nucl%C3%A9aire">fusion</a> et non de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fission_nucl%C3%A9aire">fission</a>). Cette fusion crée une toute petite quantité d’énergie, 26,7 méga-electronvolts, soit quelques millionièmes de millionième de Joule ou un milliardième de milliardième de kilowatt-heure. En d’autres termes, il faut transformer une quantité phénoménale d’hydrogène en hélium – 600 millions de tonnes par seconde – pour atteindre la puissance du Soleil.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/388352/original/file-20210308-14-1hxntw9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/388352/original/file-20210308-14-1hxntw9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/388352/original/file-20210308-14-1hxntw9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=526&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/388352/original/file-20210308-14-1hxntw9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=526&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/388352/original/file-20210308-14-1hxntw9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=526&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/388352/original/file-20210308-14-1hxntw9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=661&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/388352/original/file-20210308-14-1hxntw9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=661&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/388352/original/file-20210308-14-1hxntw9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=661&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Cycle de réactions nucléaires proton-proton.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Davide Franco</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Tout commence par la fusion entre deux protons (deux noyaux d’hydrogène) au cœur du Soleil, où la température est de 15 millions de degrés Celsius. Il s’ensuit une série de réactions secondaires qui aboutissent à la formation d’hélium-4. Comment prouver la réalité de ces mécanismes au cœur du Soleil ? Nous avons la chance d’avoir des témoins directs, les neutrinos, qui sont émis dans plusieurs des réactions nucléaires en jeu.</p>
<h2>Les neutrinos permettent d’observer « en direct » (ou presque) ce qui se passe au cœur du Soleil</h2>
<p>Huit minutes après avoir été produits, les <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-lumiere-des-neutrinos-michel-cribier/9782020143936">neutrinos solaires</a> arrivent jusqu’à nous à la vitesse de la lumière, après avoir traversé le Soleil en deux secondes – alors que l’énergie dégagée par ces mêmes réactions nucléaires mettra en moyenne près de 200000 ans pour nous parvenir à travers le dense plasma. Les neutrinos sont un moyen privilégié de savoir en direct ce qui se passe au cœur de notre étoile. Mais il n’est pas facile de les observer sur la Terre, car ils ont la faculté de traverser de grandes quantités de matière sans interagir.</p>
<p>Au début des années 60, l’astrophysicien John Bahcall et le chimiste Ray Davis se lancent dans la détection des neutrinos solaires. Une expérience radiochimique où les neutrinos transforment un atome de chlore-37 en argon-37 est mise en œuvre dans la mine de Homestake dans le Dakota du Sud, aux États-Unis. Les premiers résultats, en 1968, montrent un déficit d’un facteur 3 des neutrinos observés par rapport aux prédictions des modèles du Soleil. Ce mystère n’a été expliqué qu’en 2001 : l’expérience SNO, conduite par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Arthur_B._McDonald">Art McDonald, prix Nobel de physique 2015</a>, a montré que les neutrinos solaires n’avaient pas disparu, mais que, produits comme des neutrinos « électroniques », ils s’étaient en partie transformés en neutrinos « muoniques » ou neutrinos « tauiques » et n’étaient donc pas comptés dans la bonne colonne.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/388351/original/file-20210308-14-unk5b6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/388351/original/file-20210308-14-unk5b6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/388351/original/file-20210308-14-unk5b6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=490&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/388351/original/file-20210308-14-unk5b6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=490&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/388351/original/file-20210308-14-unk5b6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=490&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/388351/original/file-20210308-14-unk5b6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=616&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/388351/original/file-20210308-14-unk5b6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=616&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/388351/original/file-20210308-14-unk5b6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=616&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Cycle de réactions nucléaires « CNO », enfin mesurées en 2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Davide Franco</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Ce n’est qu’en 2014 que les neutrinos issus de la fusion entre deux protons au cœur du Soleil ont été observés directement, grâce à l’expérience Borexino. Borexino a également détecté les neutrinos provenant des réactions secondaires (la réaction proton-électron-proton, la capture électronique du béryllium-7 et la désintégration du bore-8).</p>
<h2>Une des énigmes de la physique du Soleil mesurée en 2020</h2>
<p>Si ces expériences permettaient déjà de savoir que 99 % de l’énergie émise par le Soleil provient des réactions nucléaires en son cœur – brûlant 600 millions de tonnes d’hydrogène par seconde –, il restait à mesurer le 1 % restant, c’est-à-dire la composante dite « CNO » des neutrinos solaires.</p>
<p>La réaction « CNO », pour « Carbone-Azote-Oxygène », est un autre moyen de fabriquer de l’hélium à partir de l’hydrogène, où le carbone, l’azote et l’oxygène jouent le rôle de catalyseurs. Ce cycle CNO n’est responsable que d’environ 1 % de la production d’énergie du Soleil, mais il joue un rôle crucial en astrophysique nucléaire puisqu’il est dominant dans les étoiles plus massives que notre Soleil.</p>
<p>Les neutrinos émis par le cycle CNO ont été <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-020-2934-0">observés pour la première fois en juin 2020 par Borexino</a>, confirmant ainsi après plus de 80 ans les prédictions de Bethe et Weiszacker : l’énergie du Soleil est 100 % nucléaire.</p>
<p>De plus, les neutrinos CNO sont la seule sonde qui permet de retracer la composition chimique du Soleil au moment de sa formation, car le flux de neutrinos CNO dépend directement de la composition du noyau solaire.</p>
<p>La composition « métallique » du noyau (son contenu en éléments chimiques plus lourds que l’hydrogène et l’hélium) est l’une des principales énigmes de la physique du Soleil aujourd’hui. En effet, alors que les mesures de la métallicité de la couche externe de l’atmosphère solaire (la photosphère) sont compatibles avec les modèles de faible métallicité du noyau, les données d’héliosismologie (la science qui étudie les modes de vibration du Soleil) indiquent une forte métallicité.</p>
<h2>Chercher un neutrino dans une botte de foin</h2>
<p>Afin d’atteindre la sensibilité requise pour cette mesure, Borexino a été installé dans un laboratoire souterrain mille mètres sous la montagne du Gran Sasso en Italie, pour s’abriter de sources parasites qui miment les interactions de neutrinos qui nous intéressent réellement. Le détecteur est un peu comme une poupée russe. Il est constitué d’une sphère métallique de 13,7 mètres de diamètre entourée de 2000 tonnes d’eau. Cette sphère est remplie de 900 tonnes de liquide non scintillant qui entoure la cible centrale, une sphère en nylon qui contient 300 tonnes de liquide scintillant, le « pseudocumène ». Les neutrinos interagissent avec les électrons de la cible, qui vont parcourir quelques centimètres (longueur proportionnelle à l’énergie) en émettant de la lumière qui sera recueillie par les 2200 photomultiplicateurs disposés tout autour de la sphère métallique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/388216/original/file-20210308-24-19ed1ac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/388216/original/file-20210308-24-19ed1ac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/388216/original/file-20210308-24-19ed1ac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/388216/original/file-20210308-24-19ed1ac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/388216/original/file-20210308-24-19ed1ac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/388216/original/file-20210308-24-19ed1ac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/388216/original/file-20210308-24-19ed1ac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le détecteur Borexino dans le laboratoire souterrain du Gran Sasso. On le voit ici équipé de son isolation thermique, qui a permis la stabilisation de la température, nécessaire pour la maîtrise des bruits de fond.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Yuri Suvorov, collaboration Borexino</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Pour illustrer la faiblesse de l’interaction des neutrinos, observons que 1,5 x 10<sup>21</sup> (1,5 millier de milliards de milliards) neutrinos solaires traversent chaque jour le détecteur et que seulement 150 sont capturés en émettant un petit signal lumineux. Le challenge est d’isoler ce petit nombre de signaux de tous les signaux parasites (radioactivité naturelle, rayons cosmiques). Un des exploits de Borexino a été d’obtenir une cible très purifiée en uranium et en thorium (un milliard de fois moins que dans un verre d’eau pure). L’analyse nécessite ensuite une compréhension détaillée des phénomènes physiques liés au signal attendu, mais aussi aux signaux parasites qu’il faut soustraire.</p>
<p>Le résultat de 2020 a été rendu possible grâce au travail de toute une collaboration, en particulier au groupe d’ingénieurs et de physiciens qui a réussi à stabiliser toutes les composantes du détecteur (stabilité du très faible niveau de radioactivité et stabilité thermique) ; au groupe de physiciens qui a mis en œuvre des outils d’analyse performants et innovants capables d’isoler un signal de quelques signaux par jour au milieu de milliers de bruits lumineux divers. Malheureusement, la précision de la mesure ne permet pas encore de trancher entre les deux options de la métallicité.</p>
<p>Est-ce la fin de l’histoire ? Au-delà de la confirmation de l’origine 100 % nucléaire de l’énergie du Soleil et de toutes les étoiles, il faudra un jour mesurer avec une meilleure précision l’ensemble des composantes de cycle CNO pour résoudre l’énigme de la métallicité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154017/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Que se passe-t-il au cœur du Soleil pour qu’il brille si fort ? Les scientifiques construisent des détecteurs géants et enterrés pour mieux comprendre notre étoile.Davide Franco, Directeur de recherche, Université Paris CitéDaniel Vignaud, Directeur de recherche émérite, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1479452020-10-13T18:12:00Z2020-10-13T18:12:00ZHugo, 5 ans : « Pourquoi les étoiles brillent-elles ? »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/363147/original/file-20201013-23-1qhlq4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C7824%2C2553&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">image from rawpixel id jpeg</span> </figcaption></figure><p>Émettre de la lumière visible, c’est bien ce qui caractérise les étoiles – planètes et lunes ne font jamais que refléter celle de leur étoile. Mais d’où vient-elle ?</p>
<p>Pour le comprendre, il faut revenir au « bébé étoile ». Il s’agit d’une grosse boule de gaz, principalement constituée du gaz appelé hydrogène. Comme elle ne peut échapper à la gravité, qui fait que les masses s’attirent, elle se contracte. Et du coup, ça devient plus dense et ça chauffe – prends une vieille pompe de vélo, bouche la sortie et appuie : le gaz comprimé fera un peu chauffer la pompe, ici c’est pareil mais sur une plus grande échelle.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/KKADQFAorcs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Pourquoi le soleil brille-t-il ? » (C’est pas sorcier).</span></figcaption>
</figure>
<p>Le « bébé étoile » chauffe doucement, mais quelque chose change quand son cœur arrive à la température de 10 millions de degrés : les noyaux d’hydrogène se rapprochent tant qu’ils finissent par fusionner. Cela se fait en plusieurs étapes.</p>
<p>Au final, on a quatre noyaux d’hydrogène qui donnent naissance à un noyau d’hélium (un autre gaz). Au passage ces réactions dites de « fusion nucléaire » produisent un peu d’énergie. Pas énormément : une seule réaction ne fournit que 0,000000000004 Watts (en comparaison, l’ampoule dans ta chambre, c’est quelques dizaines de Watts). Mais au cœur du Soleil, on a 600 millions de tonnes d’hydrogène convertis en hélium chaque seconde alors ça finit par faire beaucoup d’énergie – en watts, 4 suivi de 26 zéros (soit 400 millions de milliards de milliards de watts) !</p>
<p>Cette énergie est émise sous forme de lumière. Le problème, c’est que le cœur de l’étoile est dense, alors les grains de lumière ont du mal à avancer (comme toi dans une foule compacte)… Il faut ainsi des milliers d’années (certains vont même jusqu’à parler d’un million d’années) pour qu’ils arrivent à la surface du Soleil. De là, le chemin est dégagé mais leur vitesse n’est pas infinie alors ils mettent encore huit minutes pour arriver sur Terre et nous éclairer. Pour les autres étoiles, situées plus loin, le trajet prend plus de temps encore : la lumière de l’étoile la plus proche du Soleil, Proxima, met ainsi 4 ans pour nous arriver…</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/363206/original/file-20201013-13-ckh961.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/363206/original/file-20201013-13-ckh961.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/363206/original/file-20201013-13-ckh961.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/363206/original/file-20201013-13-ckh961.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/363206/original/file-20201013-13-ckh961.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/363206/original/file-20201013-13-ckh961.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/363206/original/file-20201013-13-ckh961.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/363206/original/file-20201013-13-ckh961.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L'étoile Proxima du Centaure est l'étoile la plus proche du Solei.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marco Lorenzi/NASA</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Est-ce que toutes les boules de gaz chauffent assez pour démarrer ces fameuses réactions nucléaires ? Non ! Il faut une boule qui a au moins 8 % de la masse du Soleil sinon, ça ne chauffe pas assez – on a alors une « étoile ratée », appelée naine brune, ou une planète gazeuse si c’est encore plus petit (moins d’un pour cent de masse solaire).</p>
<p>Et si le Soleil et les étoiles sont très gros, ils ne sont pas des réservoirs infinis d’hydrogène ! Au bout d’un certain temps, l’hydrogène vient à manquer. Alors, l’étoile entame la fin de sa vie… Sans réactions nucléaires, elle ne peut plus contrebalancer cette fichue gravité et la contraction repart. Des réactions de fusion se produisent alors autour du cœur de l’étoile, puis la température au cœur grimpe suffisamment pour entamer une nouvelle réaction : la fusion de l’hélium.</p>
<p>Le Soleil et ses semblables n’iront pas plus loin : après avoir utilisé l’hélium, le cœur finira par se contracter tellement qu’il deviendra une naine blanche, les couches extérieures seront éjectées. Les étoiles les plus massives iront plus loin dans les fusions, transformant des éléments plus légers en éléments lourds, mais quand arrive le tour du fer, catastrophe : celui-ci demande de l’énergie pour fusionner, il n’en produit pas – la contraction reprend alors, plus violente. L’étoile massive explose en supernova (ça brille aussi, mais peu de temps), son cœur devenant extrêmement compact.</p>
<p>Et les bébés étoiles, est-ce qu’ils sont lumineux ? Un petit peu, oui, mais on ne peut pas le voir avec nos yeux.En fait, tout ce qui n'est pas au zéro absolu émet un peu de lumière, mais c'est de la lumière radio et infrarouge tant que la température de l'objet ne dépasse pas quelques milliers de degrés. Les bébés étoiles, les naines brunes, les planètes, et les lunes émettent donc de la lumière, mais tu ne les vois pas briller dans le ciel… Il faut des télescopes et détecteurs spécifiques pour les voir !</p>
<hr>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : <a href="mailto:tcjunior@theconversation.fr">tcjunior@theconversation.fr</a>. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147945/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yaël Nazé ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour comprendre, il faut revenir dans le passé et explorer les « bébés étoiles ».Yaël Nazé, Astronome FNRS à l'Institut d'astrophysique et de géophysique, Université de LiègeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1434272020-08-05T18:09:59Z2020-08-05T18:09:59ZLe monde d’après Hiroshima : comment le nucléaire est entré dans notre quotidien<p>Le 8 août 1945, soit deux jours après qu’un avion B-29 américain Enola Gay ait largué la première bombe atomique sur Hiroshima, Albert Camus <a href="https://www.humanite.fr/albert-camus-sur-hiroshima-leditorial-de-combat-du-8-aout-1945-580990">écrivait</a> dans l’éditorial du journal <em>Combat</em> :</p>
<blockquote>
<p>« la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques. »</p>
</blockquote>
<p>Il n’était pas le seul à être terrifié par le pouvoir d’anéantissement de cette arme nouvelle. Bien d’autres intellectuels français ou étrangers – François Mauriac, Bernard Charbonneau, Lewis Mumford, Gunther Anders ou Michel Serres – ont pensé Hiroshima comme un événement qui marque non seulement la fin de la Seconde Guerre mondiale <a href="https://www.abebooks.fr/rechercher-livre/auteur/g%FCnther-anders/">mais aussi comme un tournant historique</a> tel que le monde d’après ne pourrait plus ressembler au monde d’avant.</p>
<p>Et pourtant le nucléaire militaire et civil s’est installé durablement dans nos sociétés, dans les pays vaincus comme chez les vainqueurs. Le Japon qui a éprouvé la violence soudaine de l’explosion atomique et la violence rampante, sourde et insidieuse, des effets des radiations sur des centaines de milliers de victimes, n’a pas hésité à s’équiper de centrales nucléaires dès les années 1950, résolu à jouir du confort moderne en consommant biens et produits. Et le programme nucléaire national a été soutenu par une grande partie de la population japonaise, y compris parmi les victimes d’Hiroshima et Nagasaki.</p>
<p>Comment comprendre un tel choix technologique quand on a été témoin et victime du potentiel destructeur de l’atome, quand l’électricité abondante et gratuite n’était qu’une promesse alors que les souffrances des victimes des deux bombes étaient une réalité quotidienne ?</p>
<p>En 2011, l’accident de Fukushima venait rappeler la violence des réactions atomiques. Mais cette catastrophe, comme les précédents accidents de Three Mile Island (1979) ou de Tchernobyl (1986), semble à peine avoir ébranlé l’optimisme de l’âge du nucléaire. 75 ans après on peut s’interroger.</p>
<p>Comment l’atome a-t-il pu être pacifié, domestiqué au point de s’inscrire dans les paysages quotidiens et familiers de la France profonde et de pourvoir à la vie ordinaire de nombreux citoyens ?</p>
<h2>Le poids des mots, des images et des catégories</h2>
<p>« Atoms for Peace », ce slogan lancé par le président Eisenhower en 1954, alors même que les États-Unis multipliaient les tests de bombe H dans le Pacifique, a fonctionné comme un mot d’ordre ralliant politiques, scientifiques et ingénieurs pour construire des centrales nucléaires. Il instaure un <a href="https://mitpress.mit.edu/books/american-hegemony-and-postwar-reconstruction-science-europe">clivage</a> entre usages guerriers et pacifiques de l’atome.</p>
<p>Comme nombre de ses collègues Frédéric Joliot-Curie a voulu pacifier l’atome, nucléariser la France tout en militant contre les armes nucléaires. L’atome devint ainsi l’archétype des « technologies duales » susceptibles de servir à des fins de guerre comme au mieux-être.</p>
<p>Ce concept suppose que les technologies nucléaires sont intrinsèquement neutres, et que seul l’usage que l’on en fait conduit au bien ou au mal. Durant la Guerre froide, on a pu ainsi justifier la course aux armements, au nom d’un impératif de survie car les méchants sont toujours les <a href="https://www.jstor.org/stable/656531">« autres »</a>.</p>
<p>Cette externalisation permet encore aujourd’hui de dénoncer et contrôler les programmes nucléaires des « États voyous », <a href="https://www.jstor.org/stable/656531">jugés irresponsables</a> en raison d’intérêts géopolitiques ou de préjugés racistes ou religieux.</p>
<p>Le Peace Memorial Park, inauguré à Hiroshima en août 1955, illustre le pouvoir de clivage du dispositif « technologie duale ». Hiroshima est devenu le sanctuaire mondial du pacifisme, point de ralliement des militants pour le désarmement nucléaire. Mais le musée fait silence sur le nucléaire civil. Même après sa rénovation en 2019, il ne dit rien sur Fukushima.</p>
<p>Les images renforcent la dualité inscrite dès l’émergence du nucléaire. Le célèbre champignon atomique est issu de photos Kodak prises lors des tests américains des années 1950 à des fins scientifiques pour étudier l’impact des explosions. Mais cette vision d’apocalypse a été contrebalancée dans l’imaginaire populaire par une image plus sereine et positive, celle de l’Atomium – en fait, un modèle de cristal de fer – à l’Exposition universelle de Bruxelles en 1958. Le message était clair et presque annonciateur des nanotechnologies : l’atome est une brique pour construire un monde meilleur.</p>
<p>Pour domestiquer la violence propre au nucléaire dans le quotidien il faut encore des trouvailles de gestion administrative. <em>Hibakusha</em> est le terme officiel forgé au Japon pour désigner les personnes victimes des bombardements ou exposées aux radiations consécutives. Depuis 1957, c’est une catégorie juridique dont la <a href="https://www.academia.edu/38305271/Hibakusha._Nommer_les_victimes_de_lexplosion_lors_des_deux_bombardements_atomiques_au_Japon">définition est sans cesse révisée</a>, pour déterminer qui a droit aux soins médicaux gratuits.</p>
<p>D’autres catégories bureaucratiques délimitent les zones géographiques d’exclusion, en fonction de l’intensité des radiations, pour établir qui a droit à un relogement, à des indemnités ou à un retour.</p>
<p>La banalisation du nucléaire repose donc, en premier lieu, sur des stratégies de démarcation faisant le partage entre bons et méchants, instaurant des seuils de dangerosité et des limites entre zones de sécurité et d’exclusion.</p>
<h2>Normaliser et confiner</h2>
<p>La banalisation du nucléaire repose également sur un important travail d’experts pour pacifier et contrôler les usages de l’atome. Dans les années 1950, après la concentration sans précédent d’experts au sein du <a href="http://cup.columbia.edu/book/the-manhattan-project/9780231131537">projet Manhattan</a> qui a conduit aux premières bombes, physiciens, chimistes, biologistes et ingénieurs jouissent encore <a href="https://www.palgrave.com/gp/book/9781137438720">d’investissements massifs</a> pour maîtriser les réactions, choisir les matériaux, mesurer les impacts de la radioactivité sur la faune, la flore, le climat, comme sur la santé humaine.</p>
<p>Ces savoirs experts sont déployés dans un ensemble d’institutions de régulation et de contrôle, la plus célèbre étant l’Agence internationale pour l’Energie Atomique (AIEA). Fondée en 1957 pour promouvoir les usages pacifiques de l’atome tout en freinant les applications militaires, l’AIEA assume une double mission. Elle accompagne le développement du nucléaire civil, offre une aide technique, édicte des règles et des normes. En même temps, elle exerce une surveillance sur la prolifération des armes nucléaires à l’échelle internationale, souvent prise dans des jeux géopolitiques mouvants.</p>
<p>L’étroite surveillance des activités nucléaires s’étend à la production de <a href="https://www.iaea.org/sites/default/files/55405810809_fr.pdf">radio-isotopes</a> pour la recherche biomédicale ou pour le diagnostic et la thérapie. Ces sous-produits bénéfiques des infrastructures nucléaires militaires, <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/L/bo16382130.html">« symboles de la promesse humanitaire de l’atome »</a> sont largement médiatisés pour légitimer le nucléaire. En contribuant à sauvegarder des vies, les usages médicaux des radio-isotopes ont signé une forme de rédemption après les effets dévastateurs des bombes.</p>
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<figcaption><span class="caption">La médecine nucléaire, c’est quoi ? Une introduction illustrée.</span></figcaption>
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<p>L’âge du nucléaire inauguré le 6 août 1945 dans une vision d’apocalypse a ainsi en quelque sorte été « civilisé » par les réseaux d’experts, la terreur sacrée faisant place au contrôle de la raison scientifique. Les systèmes nationaux et internationaux de régulation, avec leur production de normes techniques, leur contrôle des installations, leurs réseaux de surveillance de la radioactivité dans l’environnement sont les compagnons indispensables de la nucléarisation du monde.</p>
<p>La maîtrise du nucléaire exige aussi plus directement des mesures techniques de confinement pour empêcher la diffusion de matières radioactives dangereuses. Là encore, les experts sont maîtres à bord. A eux il revient de prévenir les accidents, de déterminer la probabilité d’un risque de fusion des réacteurs.</p>
<p>Quant à la gestion des déchets radioactifs, elle a d’abord été considérée par les experts comme un problème secondaire, facile à résoudre en se débarrassant de ces indésirables résidus de nos prouesses techniques dans la mer ou dans quelque contrée lointaine.</p>
<p>75 ans après l’entrée dans l’ère du nucléaire, aucune solution n’a été trouvée. C’est un problème techno-politique pris en charge par les gouvernements des pays engagés dans l’aventure nucléaire.Depuis sa création en 1979 l’Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs (ANDRA) a établi une typologie des déchets en fonction de leur durée de vie et exploré plusieurs scénarios : l’enfouissement irréversible ou réversible, ou l’entreposage en surface. Mais ces déchets continuent à défier les stratégies de normalisation et de confinement qui ont présidé à la gestion des risques nucléaires.</p>
<p>Ce <a href="https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691637525/nuclear-politics">régime technocratique</a>, souvent autoréférentiel, a néanmoins suscité des <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-france-nucleaire-l-art-de-gouverner-une-technologie-contestee-sezin-topcu/9782021052701">protestations dans les années 1970</a> surtout après l’<a href="http://editions.ehess.fr/ouvrages/ouvrage/sombres-precurseurs/">accident de Tchernobyl</a>.</p>
<p>Si la mise en place de réseaux de contre-expertise a pu altérer l’autorité des experts, elle n’ébranle que très partiellement les institutions garantes de la sûreté et de la sécurité nucléaire. Leur travail se poursuit, se renouvelle, se re-légitimise que ce soit pour prévenir les accidents, gérer leurs conséquences, organiser les activités de démantèlement ou proposer des solutions pour les déchets.</p>
<h2>Déni et culture du secret</h2>
<p>Le confinement de la radioactivité, des produits de réacteurs ou des déchets, s’accompagne d’un confinement des informations. La mise au secret ou l’invisibilisation d’une partie des activités nucléaires et de leurs effets sont caractéristiques de l’âge du nucléaire. <a href="https://www.taylorfrancis.com/books/9781315087115">Le silence a été imposé</a> aux victimes d’Hiroshima et Nagasaki pendant l’occupation américaine du Japon : les données sur les victimes des bombes n’ont été partiellement <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/S/bo3634560.html">rendues publiques</a> qu’après 1955, face à une contestation internationale des essais atomiques.</p>
<p>Depuis 75 ans, les pratiques de rétention, de dissimulation et de déni des effets délétères du nucléaire se multiplient. Elles concernent les victimes des essais atomiques, les habitants des Iles Bikini et Marshall ou les vétérans, les travailleurs du nucléaire : ceux des « villages nucléaires » de Hanford aux États-Unis ou de Maiak en Union Soviétique, les mineurs africains, kazakh ou américains ou encore les « nomades du nucléaire », ces ouvriers temporaires du nucléaire en France, au Japon et ailleurs.</p>
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<figcaption><span class="caption">Nomades Nucléaires : Les sous-traitants de la centrale de Fukushima en mal de Nomades nucléaires se tournent aujourd’hui vers les plus vulnérables pour renouveler leurs besoins en main d’œuvre.</span></figcaption>
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<p>Ces pratiques s’accompagnent d’une disqualification du vécu et des paroles des victimes, ajoutant à la violence physique, la violence symbolique du déni des souffrances. Les habitants de la région de <a href="https://sts-program.mit.edu/book/manual-for-survival-a-chernobyl-guide-to-the-future/">Tchernobyl</a> l’ont éprouvée, et 34 ans après, les <a href="https://www.franceculture.fr/oeuvre/l-industrie-nucleaire-sous-traitance-et-servitude">controverses</a> sur les victimes et les effets de cet accident industriel majeur <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/uranium-africain-une-histoire-globale-gabrielle-hecht/9782021166002">continuent</a>.</p>
<p>Surveillance, réglementations, culture du secret, de la sûreté et de la sécurité, tel est le prix à payer pour vivre dans un monde nucléaire. Le physicien américain Alvin Weinberg estimait en 1972 que l’on trouverait toujours des solutions techniques aux trois problèmes majeurs que pose l’énergie nucléaire, à savoir la sécurité des réacteurs, le transport des matières radioactives et le traitement des déchets radioactifs. Mais il ajoutait que « ce pacte faustien » avec l’atome a un coût social : accepter de vivre sous la tutelle du <a href="https://science.sciencemag.org/content/77/4043/27">« clergé militaire »</a> mis en place pour le contrôle des armes nucléaires et dont dépend notre survie.</p>
<p>En faisant d’Hiroshima un lieu de mémoire, un sanctuaire du pacifisme mondial, on n’a pas changé le cours de l’histoire. La peur d’une apocalypse nucléaire n’a pas suffi à entamer l’optimisme technologique d’un futur radieux. En 2020 l’aiguille du jugement inventée en 1947 par les savants atomistes pour alerter sur le danger d’un anéantissement de l’humanité est repositionnée sur deux minutes avant minuit comme au temps de la Guerre froide. Mais le nucléaire est si bien implanté dans le décor qu’on oublie sa présence, même si elle retient pour un temps l’attention des médias quand survient un accident ou une catastrophe. Face aux effets anesthésiants de ce curieux mélange de mémoire et d’oubli, il importe de s’interroger ce que le nucléaire a fait à nos sociétés comme à notre rapport au monde.</p>
<hr>
<p><em>A paraître,Living in a Nuclear World : From Fukushima to Hiroshima, Pittsburgh, Bernadette Bensaude-Vincent, Soraya Boudia and Kyoko Sato (Eds), Pittsburgh University Press</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/143427/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernadette Bensaude-Vincent et Soraya Boudia ont reçu des financements du France-Stanford Center for Interdisciplinary Studies et du Partner University Fund . </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Bernadette Bensaude-Vincent et Soraya Boudia ont reçu des financements du France-Stanford Center for Interdisciplinary Studies et du Partner University Fund.</span></em></p>Comment comprendre le choix de la technologie nucléaire quand on a été témoin et victime de son potentiel destructeur ? Retour sur le processus de banalisation de la technologie de guerre.Bernadette Bensaude-Vincent, Philosophe, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneSoraya Boudia, Professeure Université Paris Cité, co-directrice du PEPR Irima - CNRS, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1327782020-03-08T17:04:39Z2020-03-08T17:04:39ZComment le Soleil nous réchauffe<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/318861/original/file-20200305-106562-19up89q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=52%2C46%2C3715%2C2386&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Soleil photographié depuis le Solar Dynamics Observatory de la NASA. Les couleurs sont fausses, puisque la photo est prise dans les régions de l'ultraviolet extrême (du spectre électromagnétique)</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://sdo.gsfc.nasa.gov/assets/img/browse/2010/08/19/20100819_003221_4096_0304.jpg">NASA/SDO (AIA)</a></span></figcaption></figure><p>Le Soleil nous envoie environ 1 kilowatt d’énergie sur chaque mètre carré de la surface terrestre, ce que savent les utilisateurs de panneaux solaires. Cela suffit pour faire fonctionner 100 ampoules Led de 10 watts. Cette énergie nous arrive sous forme de photons. Une faible partie correspond à la gamme visible, c’est celle qui est perçue par la rétine de l’œil ; les autres photons se répartissent entre infrarouges, ultraviolets, rayons X et gammas… Autant de noms qui désignent des gammes d’énergie différentes, dont certaines nous réchauffent, d’autres nous éclairent, d’autres détériorent les molécules ou provoquent les coups de soleil… Mais comment naissent ces photons ?</p>
<h2>Les premiers calculs d’énergie solaire</h2>
<p>Longtemps, on s’est demandé d’où venait l’énergie du Soleil – pourquoi notre astre brûle-t-il ? Le scientifique du XIX<sup>e</sup> siècle Hermann von Helmholtz, promoteur du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Conservation_de_l%27%C3%A9nergie">principe de conservation de l’énergie</a>, considéra d’abord le modèle d’un Soleil composé de charbon qui brûle. Connaissant l’énergie spécifique de combustion et l’énergie totale émise par notre astre, il en déduisit un temps de vie d’environ 5000 ans. Bien trop petit par rapport à tous les âges astrophysiques déjà connus à l’époque ! La boule de charbon incandescent n’était donc pas la bonne réponse. Aucune réaction chimique n’étant capable d’expliquer la luminosité du Soleil, Helmholtz fit l’hypothèse d’un effondrement gravitationnel : c’est la contraction d’un corps massif sous l’effet de sa propre attraction. Il évalua à 80 mètres par an le rétrécissement du Soleil nécessaire pour produire son énergie. Il estima alors que le Soleil pouvait être vieux de 20 millions d’années. Le compte n’y était toujours pas !</p>
<p>À son tour, Kelvin s’attaqua au problème. Il émit l’hypothèse d’un bombardement de météorites. Faisant une hypothèse plausible sur l’énergie des objets impactant le Soleil, il trouva que cette solution était acceptable, mais le processus aurait dû affecter la rotation de la Terre. Il la rejeta et revint à l’idée de contraction gravitationnelle. Améliorant les calculs d’Helmholtz, il obtint un âge de 60 millions d’années.</p>
<p>On sait aujourd’hui que l’âge du Soleil se monte à 4,6 milliards d’années, les calculs étaient donc très loin du compte. La solution correcte devait venir au siècle suivant, le XX<sup>e</sup>, d’un domaine totalement inconnu à l’époque : la physique nucléaire.</p>
<h2>La fusion nucléaire</h2>
<p>Il fallut attendre Hans Bethe dans les années 1930 pour comprendre que l’énergie solaire résulte d’une <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Transmutation">transmutation nucléaire</a> qui a lieu au cœur même de notre astre, là où la densité de matière est suffisamment forte pour « coller » entre eux des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Proton">protons</a>. Le Soleil est constitué de ces particules primaires, qui peuvent fusionner selon un processus commençant par la réaction : p + p → d + e<sup>+</sup> + ν<sub>e</sub></p>
<p>Ici, d désigne l’assemblage d’un proton et d’un neutron, appelé <em>deuton</em>. Les réactions s’enchaînent en cascade pour aboutir à une fusion globale entre 4 protons qui forment un noyau d’hélium (composé de 2 protons et 2 neutrons) accompagné de 2 <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Positon">positrons</a> (antiélectrons) et 2 <a href="https://theconversation.com/a-la-recherche-des-neutrinos-ces-particules-fantomes-97301">neutrinos</a>, notés ν. En même temps, cette réaction libère une énergie de 28 MeV (4,5 10 <sup>-12</sup> Joules en unité du système international), qui sera émise sous forme de photons.</p>
<p>Ce processus met en œuvre l’équivalence masse-énergie selon la fameuse formule d’Einstein E = mc<sup>2</sup>. En effet, 4 protons « pèsent » davantage qu’un noyau d’hélium. Ainsi de la masse se convertit en énergie, qui est libérée dans le processus. On calcule que 5 grammes de combustible nucléaire donnent autant d’énergie qu’une tonne de charbon.</p>
<h2>Vérifier la théorie en détectant les neutrinos</h2>
<p>Comment vérifier ce qui se cache au centre même du Soleil ? Avec la production d’énergie, il devrait y avoir émission de neutrinos – peut-on les détecter ? À partir de la luminosité reçue, il est assez facile de calculer le flux attendu de ces particules. Le résultat est remarquable : 10<sup>38</sup> neutrinos sont produits chaque seconde, ce qui se traduit par un flux arrosant la Terre de 60 milliards de neutrinos par seconde et par cm<sup>2</sup>.</p>
<p>Mesurer ce flux de neutrinos prouverait que la fusion nucléaire est bien à l’origine de l’énergie solaire. Problème, il est excessivement difficile de capturer des neutrinos. Ce sont des particules fantômes qui traversent la matière sans presque laisser de trace. Pourtant la chasse débuta, et dès les années 1960, Ray Davis <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Exp%C3%A9rience_Homestake">construisit une vaste piscine</a>, pleine de 600 tonnes d’un liquide chloré, enterrée dans une mine d’or du Dakota du Sud.</p>
<p>Un neutrino interagissant dans le liquide transforme un atome de chlore en un atome d’argon radioactif. L’argon radioactif vit en moyenne 37 jours, et peut être détecté via sa désintégration radioactive. Dans le Dakota, le liquide était analysé tous les 10 jours environ ; il fallait rechercher un à un les noyaux intéressants noyés dans 600 tonnes de liquide. Or la mesure trouvait de l’ordre d’un argon tous les trois jours quand le détecteur avait été dimensionné pour en recueillir un par jour. L’opiniâtre recherche dura plus de 30 ans, jusqu’aux années 1990, mais les mesures restèrent déficitaires, deux tiers des neutrinos du Soleil ne répondant pas à l’appel.</p>
<p>Il était facile de ne pas accorder une grande confiance dans le résultat de Ray Davis, étant donnée la difficulté de la mesure. Technologiquement plus avancées, deux autres expériences <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/GALLEX">Gallex</a> sous le tunnel du Gran Sasso en Italie et <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/SAGE_(Soviet%E2%80%93American_Gallium_Experiment)">Sage</a> sous la montagne de l’Elbrus en Russie, utilisèrent une méthode analogue, convertissant cette fois le gallium en germanium radioactif. Ces deux expériences mesurèrent elles aussi un déficit de neutrinos par rapport au flux prédit par la théorie ! Elles donnèrent ainsi plus de crédibilité à la réalité de ce déficit, mais il fallut attendre la gigantesque expérience japonaise <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Super-Kamiokande">SuperKamiokande</a> pour convaincre la communauté qu’il ne s’agissait pas d’erreurs de mesure.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/318870/original/file-20200305-106610-1fge4rz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/318870/original/file-20200305-106610-1fge4rz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/318870/original/file-20200305-106610-1fge4rz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/318870/original/file-20200305-106610-1fge4rz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/318870/original/file-20200305-106610-1fge4rz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/318870/original/file-20200305-106610-1fge4rz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/318870/original/file-20200305-106610-1fge4rz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’intérieur de la cuve du détecteur SuperKamiokande, au Japon, en cours de remplissage en avril 2006.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www-sk.icrr.u-tokyo.ac.jp/sk/gallery/wmj/PH18-water-supply-1-wmj.JPG">Copyright Kamioka Observatory, ICRR (Institute for Cosmic Ray Research), The University of Tokyo</a></span>
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</figure>
<p>La méthode de détection est différente des précédentes, car SuperKamiokande détecte en temps réel la lumière bleutée émise lors du passage des neutrinos (l’<a href="http://www.cea.fr/multimedia/Documents/infographies/Defis-du-CEA-infographie-Effet-Tcherenkov.pdf">effet Tcherenkov</a>) dans l’immense cuve de 50 kilotonnes – soit 7 fois le poids de la Tour Eiffel – constituant le détecteur et enterrée dans une galerie souterraine. <em>Grosso modo</em>, les neutrinos peuvent interagir sur des électrons de l’eau et les libérer. Ces électrons se propagent alors plus vite que la lumière qui, dans l’eau, voyage « seulement » à 220 000 km/s. Ils donnent un signal lumineux qui suit la direction du neutrino initial. L’expérience SuperKamiokande permet donc de s’assurer que les neutrinos détectés proviennent bien du Soleil qui brille en un point (connu) du ciel. De fait, un fort pic se détache dans la direction recherchée : cela manifeste clairement une production de neutrinos venant de l’intérieur.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/318863/original/file-20200305-106557-1umivly.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/318863/original/file-20200305-106557-1umivly.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=614&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/318863/original/file-20200305-106557-1umivly.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=614&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/318863/original/file-20200305-106557-1umivly.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=614&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/318863/original/file-20200305-106557-1umivly.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=771&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/318863/original/file-20200305-106557-1umivly.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=771&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/318863/original/file-20200305-106557-1umivly.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=771&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le Soleil imagé via ses neutrinos. Le jaune représente un plus grand flux de neutrinos, détecté par l’expérience SuperKamiokande.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Copyright Kamioka Observatory, ICRR (Institute for Cosmic Ray Research), The University of Tokyo</span></span>
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<p>Grâce à une telle étude, SuperKamiokande réussit la gageure d’une « neutrinographie » en temps réel du Soleil : prendre des « photos » du Soleil alors qu’on est enfoui sous la roche, aussi bien de jour que de nuit : très fort !</p>
<blockquote>
<p>Et que tout cela fasse un astre dans la nuit !</p>
</blockquote>
<p>Victor Hugo, <em>Les Contemplations</em></p>
<p>Les détecteurs de neutrinos montrent qu’un flux important de neutrinos vient bien du Soleil, ce qui prouve que l’énergie de l’astre provient de la fusion nucléaire. Mais l’énigme prend alors une nouvelle tournure.</p>
<h2>Le déficit de neutrinos</h2>
<p>Malgré le flux faramineux de neutrinos solaires reçu par le gigantesque détecteur, l’expérience n’en piège que 15 par jour quand on en attend 40. Le déficit se confirmait, mesuré ici à 60 %. Pour l’expliquer, une idée s’imposa, celle d’oscillations.</p>
<p>On connaît 3 types différents de neutrinos. Ceux produits dans le Soleil sont du premier type qu’on appelle <em>neutrinos électroniques</em>, ν<sub>e</sub>. Mais il en existe deux autres types, les neutrinos <em>muoniques</em> et <em>tauiques</em>. Est-il possible que ces types se mélangent lors d’un voyage dans l’espace en troquant leur personnalité ? Les détecteurs utilisés ne détectaient que les ν<sub>e</sub>. Pour prouver l’idée d’oscillations, il fallait piéger les types autres que ν<sub>e</sub>. Ce fut la mission d’un dispositif canadien appelé SNO (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Observatoire_de_neutrinos_de_Sudbury"><em>Sudbury Neutrino Observatory</em></a>). Installé dans une mine près de Toronto, le détecteur utilise cette fois comme milieu sensible un kilotonne d’eau lourde. Dans l’eau lourde, D<sub>2</sub>O, le proton est remplacé par un deuton. Cela permet de nouveaux canaux de réactions pour lesquels tous les types de neutrinos participent – électroniques, muoniques, tauiques.</p>
<p>Une information complète fut obtenue par l’expérience. Le résultat concluait que le flux de neutrinos venant du Soleil est bien en accord avec la prédiction théorique, mais la part des ν<sub>e</sub> seuls n’explique qu’un tiers du total. C’est la preuve flagrante de l’oscillation, deux tiers des neutrinos ont changé de saveur entre leur point de production à l’intérieur du Soleil et leur point de détection sur Terre. Quelle importance ?</p>
<h2>L’apothéose des neutrinos</h2>
<p>L’oscillation est un changement spontané entre les différents types de neutrinos aussi drastique que la conversion d’une pomme en une poire pendant sa chute dans le verger de Newton ; c’est une mise en scène concrète des relations d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Principe_d%27incertitude">incertitude de Heisenberg</a>. L’oscillation met en œuvre les propriétés les plus subtiles de la mécanique quantique et implique que les neutrinos possèdent une masse non nulle, <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/fondamental/le-neutrino-devoile-sa-masse_137455">ce qui n’était nullement évident</a>.</p>
<p>Aujourd’hui et grâce aux efforts conjugués de plusieurs minutieuses expériences, l’oscillation a permis de mesurer des masses extrêmement faibles : elles sont inférieures à un milliardième de la masse d’un proton. Mais on sait par ailleurs que les neutrinos sont des milliards de fois plus abondants que les autres particules de matière d’où la fantastique conclusion : dans le bilan de l’univers les neutrinos, ces particules apparemment si humbles, pèsent autant que toutes les étoiles de toutes les galaxies.</p>
<p>Le Soleil envoie sur Terre une énergie de l’ordre de 1 kW/m<sup>2</sup> sous forme de photons, mais il envoie aussi un flux additionnel de 600 000 milliards de neutrinos. Ces derniers transportent une énergie supplémentaire de quelques 10 W/m<sup>2</sup>. Mais au contraire des photons, ils ne sont pas interceptés par les panneaux solaires et donc leur énergie ne peut pas être captée. Il n’empêche, ces particules ont beau être très discrètes, sans neutrinos, le Soleil ne brillerait pas et nous ne serions pas ici pour en parler.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132778/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Francois Vannucci est membre de la Société française de physique Société philomathique.</span></em></p>Comment a-t-on réussi à comprendre et à démontrer que des réactions de fusion nucléaire étaient à l’origine de la chaleur reçue du Soleil sur notre planète ?François Vannucci, Professeur émérite, chercheur en physique des particules, spécialiste des neutrinos, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1026632018-09-27T21:34:16Z2018-09-27T21:34:16ZLumière sur la lumière : la réalité des plasmas<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/237788/original/file-20180924-85752-1vbei41.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C1277%2C811&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Propulseur à effet Hall au xénon de 6 kW du Jet Propulsion Laboratory.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Propulseur_%C3%A0_effet_Hall#/media/File:Xenon_hall_thruster.jpg">NASA</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la Science 2018 dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a></em></p>
<hr>
<p>Connaissez-vous le 4<sup>e</sup> état de la matière ?</p>
<p>Ce grand méconnu se nomme l’état plasma. Et pourtant, la quasi-totalité de l’univers connu se présente sous la forme plasma.</p>
<p>En premier lieu, comme souvent en sciences physiques, il s’agit d’une histoire d’ énergie. Prenez un solide (un glaçon par exemple qui est la forme solide de l’eau) et apportez-lui de l’énergie en le chauffant : vous obtiendrez de l’eau liquide. Si vous insistez en chauffant encore, l’eau devient vapeur d’eau. Vous avez transformé le solide en liquide puis en gaz grâce à un apport d’énergie.</p>
<p>Maintenant si vous pouviez apporter de l’énergie supplémentaire à ce gaz en le confinant dans une enceinte fermée que se passerait-il ?</p>
<h2>Une histoire de couple particule-énergie</h2>
<p>Pour avoir une idée simplifiée et néanmoins exacte de la suite de l’histoire, il faut savoir que tout matériau est constitué d’un nombre très grand de particules. Ces particules s’appellent des atomes ou encore des molécules. Les molécules sont simplement des associations d’atomes.</p>
<p>Si les atomes sont fixés rigidement entre eux, la matière est sous forme solide ; en revanche si les atomes (ou molécules) sont agités de manière désordonnée la matière est gazeuse et d’ailleurs le gaz est d’autant plus chaud que ces constituants élémentaires sont agités.</p>
<p>Le mot atome vient du grec insécable, et pourtant les physiciens savent maintenant que les atomes possèdent une structure et sont eux-mêmes constitués de briques encore plus petites. Pour comprendre ce qu’est un plasma, il vous suffit de savoir que l’atome est composé d’un noyau (dont les constituants s’appellent protons et neutrons) et d’électrons. C’est le nombre d’électrons, de protons et de neutrons qui distingue les atomes entre eux.</p>
<p>Dans un atome, y a toujours exactement autant d’électrons que de protons. Ainsi l’atome « intact » n’est pas chargé électriquement.</p>
<p>L’électron est une particule chargée (d’où son nom), ainsi que le proton d’ailleurs.</p>
<p>Les charges électriques produisent une force particulière appelée <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Coulomb_(%C3%A9lectrostatique)">force de Coulomb</a>. Dans la vie courante, c’est la force de Coulomb qui attire les cheveux vers la brosse après frottement. Proton et électron ont la même charge en valeur mais de signes opposés, ils s’attirent. La force électrique peut être attractive comme entre le proton et l’électron ou répulsive comme entre deux protons ou deux électrons.</p>
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<h2>Atomes ionisés</h2>
<p>Revenons à notre gaz auquel nous apportons de l’énergie ; l’énergie apportée contribue à augmenter la température c’est-à-dire que les atomes ou molécules s’agitent de plus en plus, se choquent et s’entrechoquent et se disloquent. Ceci conduit à une désolidarisation de quelques électrons d’avec leur noyau, ceux- ci étant très petits et très mobiles ils entraînent des chocs avec les atomes voisins qui arrachent encore et encore des électrons à la manière d’une avalanche. Ces atomes altérés par la perte d’un électron périphérique sont dits ionisés et deviennent actifs électriquement. Ils sont appelés des ions ou des ions moléculaires s’il s’agit de molécules ayant perdu un ou plusieurs électrons.</p>
<p>Dans le milieu gazeux, en conséquence de ces collisions apparaissent des charges électriques libres : les ions et les électrons.</p>
<p>C’est pour cette raison que le gaz n’est plus tout à fait un gaz car les électrons et les ions sont porteurs d’électricité et apparaît une force électrique entre tous ces composants : la force de Coulomb.</p>
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<h2>Un nouvel état de la matière</h2>
<p>La force de Coulomb entre toutes les charges tend à rétablir un certain ordre qui s’oppose au désordre de l’agitation ; ceci confère au milieu des propriétés uniques qui font de cet état où électrons et noyaux sont partiellement dissociés un nouvel état de la matière : la matière est alors sous forme d’un plasma.</p>
<p>Le plasma ne se comporte plus comme un gaz, ni comme un liquide ni comme un solide. Il possède ses propres lois.</p>
<p>Le plasma est un milieu particulièrement énergétique qui tend à échanger son énergie avec son environnement. Ces échanges d’énergie du plasma vers l’environnement peuvent se produire sous la forme de bombardements de ses particules ions, électrons ou atomes ou bien encore sous forme d’émission de lumière. C’est d’ailleurs cette lumière des plasmas que tout un chacun peut observer sur terre ; il existe dans la nature quelques spectaculaires plasmas visibles à l’œil nu : soleil, aurores boréales, foudre et étoiles filantes, soit autant de plasmas que nous observons couramment mais souvent sans en reconnaître la spécificité commune.</p>
<h2>Plasmas familiers</h2>
<p>En effet les étoiles et en particulier notre soleil sont des plasmas. La taille de ses astres explique pourquoi la majorité de l’univers connu est sous forme plasma. Au cœur du soleil un immense plasma de fusion thermonucléaire transforme l’hydrogène en Hélium et libère de l’énergie.</p>
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<p>Les aurores boréales sont des plasmas qui s’allument lorsque les particules chargées venant du soleil sont emprisonnées dans notre bouclier magnétique terrestre.</p>
<p>Les étoiles filantes sont aussi des plasmas qui apparaissent lorsque les frottements dus aux grandes vitesses de pénétration dans l’atmosphère arrachent les électrons aux météorites et les réduisent en partie minimes sans quoi nous serions en danger. L’atmosphère, ça frotte, ça chauffe.</p>
<p>La foudre est un plasma qui s’établit entre le sol et un nuage chargé d’électricité. Sur son trajet l’éclair apporte assez d’énergie pour casser les molécules d’azote de l’air.</p>
<p>Voici déjà quatre plasmas naturels que nous connaissons et qui sont nécessaires à notre vie.</p>
<p>Ces derniers siècles, les physiciens ont apprivoisé le plasma dans les laboratoires. Il est devenu un outil majeur bien que méconnu dans moult domaines, dont les applications s’élargissent sans cesse.</p>
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<h2>Micro-électronique et éclairage</h2>
<p>Un champ où le plasma est un outil indispensable est celui de la micro électronique. Cette science née dans les années 1980 consiste à usiner des circuits électriques à des échelles de taille extrêmement réduites. Sans miniaturisation nos téléphones mobiles et portables et nos ordinateurs n’existeraient tout simplement pas !</p>
<p>Pour réduire la taille de ces circuits, le seul moyen est d’avoir un outil de fabrication très fin. C’est le cas avec les particules chargées énergétiques des plasmas. Celles- ci interagissent avec les matériaux lors de procédés habiles et sophistiqués dont le principe est celui du dépôt de matière et de la gravure. Le plasma remplace le graveur dont le burin de la matière est l’ensemble des ions chargés qui bombardent et se déposent sur de si petits morceaux de silicium qu’on les appelle « puces ».</p>
<p>Un autre domaine que le plasma a particulièrement investi est celui de l’éclairage. En effet le plasma peut rendre son énergie en émettant de la lumière. Lorsqu’il est confiné dans un tube aux parois transparentes, la lumière du plasma nous parvient. Ainsi les tubes « néon » ou plus exactement fluorescents sont des tubes en verre contenant des gaz inertes tels que l’argon et à l’intérieur desquels le milieu lumineux est un plasma.</p>
<p>Le plasma est obtenu par une décharge électrique entre les deux extrémités du tube et ce que nous voyons résulte de la fluorescence d’une poudre déposée sur les parois du tube selon la couleur que fabrique l’enseigniste (vert pharmacie par exemple).</p>
<p>C’est également la couleur bleue d’un plasma de xénon qui se remarque sur certains phares de voiture.</p>
<h2>Nouvelles applications</h2>
<p>Depuis quelques années les effets du plasma sur les milieux vivants sont à l’étude ; il se trouve que des résultats plus qu’encourageants ont été obtenus dans le traitement des cancers. Actuellement l’impact de traitements plasma sur l’eau pour la dépollution ou bien sur des végétaux sont des sujets en pleine investigation.</p>
<p>Les plasmas sont également un sujet d’investigation universel : pour preuve le projet international ITER dont l’ambition est de réaliser la fusion nucléaire contrôlée de l’hydrogène afin de produire de l’électricité. (iter.org). Pour cela des noyaux légers seront confinés dans un plasma extrêmement chaud (plusieurs millions de degrés) et leur fusion libérera plus d’énergie qu’elle en consomme.</p>
<p>La construction du réacteur plasma est en cours dans le sud de la France et l’allumage du premier plasma est prévu pour 2025. Ce réacteur cristallise de nombreuses questions de recherche dans le domaine de la physique des plasmas notamment.</p>
<h2>Plasma et propulsion</h2>
<p>Le plasma est également utilisé pour <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Propulseur_%C3%A0_effet_Hall">propulser des satellites</a>.</p>
<p>Les films de science-fiction présentent souvent des vaisseaux spatiaux qui se déplacent avec des propulseurs très bleus à l’arrière. Ces propulseurs ne sont pas que du cinéma : il s’agit bel et bien de propulseurs plasmas.</p>
<p>Le principe de fonctionnement est le principe de l’action- réaction dont l’expérience commune est le recul de la crosse d’un fusil lors du tir.</p>
<p>Un propulseur plasma est une source plasma de laquelle les ions peuvent s’échapper. En s’échappant, ils propulsent le vaisseau en sens opposé et ce d’autant plus efficacement que les ions sont rapides et lourds. Usuellement la couleur des propulseurs en fonctionnement est celle des ions de xénon. Cette technologie est couramment utilisée dans l’espace pour le maintien des satellites sur leur orbite et sera peut-être la technologie qui emmènera l’homme sur Mars.</p>
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<p>Les plasmas ne sont pas que des effets spéciaux du cinéma. Ils sont présents à l’état naturel et dans l’industrie, comme l’illustrent les exemples ci-dessus ; et ils sont si visibles dans notre quotidien que nous ne les remarquons plus.</p>
<p>Ouvrons les yeux ! La lumière des plasma est partout.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/102663/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Titaina Gibert est enseignante /chercheuse membre du laboratoire GREMI (Groupe de recherches sur l'énergétique des milieux ionisés) unité mixte CNRS/université d'Orléans. </span></em></p>Le plasma est l’un des quatre principaux états de la matière, avec les états solide, liquide et gazeux.Titaina Gibert, Maitre de Conférences, Université d’OrléansLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/972142018-08-19T20:31:28Z2018-08-19T20:31:28ZUn mystère de taille stellaire : l’origine de la masse des étoiles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/224702/original/file-20180625-19404-qdnuix.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C11%2C772%2C558&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'amas d'étoiles en formation W43-MM1. </span> <span class="attribution"><span class="source">F. Motte, T. Nony, F. Louvet, Nature Astronomy</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Les étoiles. Elles illuminent le ciel depuis l’aube des temps. Depuis son apparition sur Terre, l’humain, lui, s’interroge et les interroge sur leur présence. La science nous dit aujourd’hui qu’elles sont en réalité des sphères de gaz (principalement de l’hydrogène) sujettes à des réactions thermonucléaires de fusion.</p>
<p>L’astrophysique est la science des objets de l’Univers, notamment des étoiles. Même si cette science a résolu de nombreux mystères, ses grandes avancées sont relativement récentes. Par exemple, il aura fallu attendre les travaux de Marie Skłodowska-Curie sur la radioactivité en 1898, puis ceux d’Albert Einstein sur la relativité restreinte (la fameuse équation E=mc<sup>2</sup>, publiée en 1905) pour comprendre ce qu’est une étoile : un objet capable de réactions nucléaires, produisant de la lumière. En 1914, nous comprenons que de nombreuses galaxies peuplent l’Univers. En 1955, les travaux de Salpeter (voir ci-dessous) suggèrent que les étoiles se forment partout dans les mêmes proportions (petites, moyennes et grosses étoiles). C’est cette dernière croyance que les <a href="https://www.nature.com/articles/s41550-018-0452-x?utm_source=Nature_community&utm_medium=Community_sites&utm_content=BenJoh-Nature-MultipleJournals-Engineering-Global&utm_campaign=MultipleJournals_USG_DEVICE">travaux que nous avons récemment publiés</a> dans Nature Astronomy remettent en cause. Avant d’entrer dans les détails de nos travaux, un mot sur comment se forment les étoiles et sur les différents types d’étoiles que l’on rencontre dans l’Univers.</p>
<h2>Cœurs denses</h2>
<p>Nous savons que les étoiles se forment dans des nuages de gaz froid. Ces nuages font plusieurs dizaines d’années lumière de rayon. La turbulence qui règne en leur sein génère des « grumeaux » de gaz que l’on appelle des cœurs denses. La gravité, qui fait que toute particule ayant une masse attire (et est attirée par) les particules voisines, provoque la contraction du cœur dense. Sous l’effet de la gravité, il devient tellement dense, comprimé et chaud que des réactions thermonucléaires de fusion se déclenchent. La lumière jaillit, une étoile est née.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/232545/original/file-20180818-165940-zqra9h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/232545/original/file-20180818-165940-zqra9h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=628&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/232545/original/file-20180818-165940-zqra9h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=628&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/232545/original/file-20180818-165940-zqra9h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=628&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/232545/original/file-20180818-165940-zqra9h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=789&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/232545/original/file-20180818-165940-zqra9h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=789&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/232545/original/file-20180818-165940-zqra9h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=789&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Représentation de la Fonction initiale de masse (IMF en anglais).</span>
<span class="attribution"><span class="source">author</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Or, puisque les cœurs denses n’ont pas tous la même masse, les étoiles ne naissent pas avec la même masse. Nous mesurons la masse d’une étoile par rapport à la masse de notre soleil, que nous notons 1 M☉ (lire « une masse solaire », c’est-à-dire une fois la masse du soleil). En observant les étoiles, et en les rangeant en fonction de leur masse on peut établir la distribution en masse des étoiles que l’on appelle fonction de masse initiale. C’est cette <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fonction_de_masse_initiale">fonction initiale de masse</a>, représentée ci-contre, que l’on pensait universelle depuis les travaux de l’américain <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Edwin_Ernest_Salpeter">Erwin Salpeter</a> publiés en 1955.</p>
<p>Autrement dit, nous pensions qu’en toute partie de notre Galaxie et par extension dans toutes les galaxies, les étoiles se formaient toujours dans les mêmes proportions. Cette supposition, jamais démentie jusqu’alors était de première importance : cela impliquait qu’en étudiant la population d’étoile d’une masse donnée (certaines étoiles sont beaucoup plus faciles à observer que d’autres) on pouvait connaître la population de toutes les étoiles.</p>
<p>Pour bien comprendre, entrons dans le détail des différences qui existent entre les étoiles en fonction de leur masse, et des biais d’observation que cela implique :</p>
<ul>
<li><p><strong>Les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Naine_brune">naines brunes</a></strong>, dont la masse est inférieure à 0,08 M☉, ne sont pas le siège de réactions nucléaires. Elles sont « éteintes » et difficiles à observer dû à leur faible luminosité. En supposant que la fonction initiale de masse était universelle, nous pouvions déduire leur population à partir du comptage d’étoiles plus faciles à observer.</p></li>
<li><p><strong>Les étoiles dites de « faible masse »</strong> dont la masse est comprise entre 0,08 M☉ et 8 M☉, tel que notre soleil, consumeront leur réserve de gaz avant de finir leur existence en géante rouge. Nous observons ces étoiles dans notre galaxie, la Voie lactée, et les galaxies proches. Elles laisseront derrière elles une <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Naine_blanche">naine blanche</a> qui se refroidira lentement.</p></li>
<li><p><strong>Les étoiles « massives »</strong> dont la masse est comprise entre 8 M☉ et 40 M☉ auront une vie beaucoup plus courte et beaucoup plus animée. Elles sont extrêmement brillantes pendant leur existence, plusieurs dizaines de milliers de fois plus que notre soleil. De fait, ces étoiles dominent la luminosité des galaxies et c’est principalement d’elles que provient la lumière (re-émise) que les télescopes captent lorsqu’ils observent les galaxies. Les étoiles massives terminent leur vie de façon cataclysmique sous la forme d’une <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Supernova">supernova</a>. La supernova laissera derrière elle une étoile à neutron.</p></li>
<li><p><strong>Une étoile hyper-massive</strong>, dont la masse excède 40 M☉, connaîtra la même fin tragique en supernova que ses homologues massives, mais laissera derrière elle un trou noir (dit trou noir stellaire, en opposition aux trous noirs galactiques).</p></li>
</ul>
<h2>Etudier les étoiles massives</h2>
<p>En supposant l’universalité de la fonction initiale de masse, nous pouvions connaître et étudier la population des étoiles des galaxies seulement par l’étude des étoiles les plus faciles à observer : les étoiles massives. La validité de l’universalité de la fonction initiale de masse d’étoiles était donc la base des études extra-galactiques s’intéressant à l’efficacité de formation stellaire ou aux populations d’étoiles en fonction de l’âge des galaxies.</p>
<p>Comme je l’ai décrit plus haut, les étoiles se forment dans des cœurs denses au sein de nuages moléculaires. Une étoile mettant plusieurs millions d’années à se former il est impossible d’observer « en direct » la formation des étoiles dans un nuage moléculaire. En revanche, puisque les étoiles se forment dans les cœurs denses on peut observer ces derniers pour « prédire » les étoiles que le nuage moléculaire va générer. C’est ce qu’on fait les astrophysiciens dans les années 2000 en observant les plus proches nuages moléculaires formant des étoiles : les nuages de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ceinture_de_Gould">ceinture de Gould</a> (en jaune sur la vue artistique de la Voie Lactée, ci-dessous).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/232546/original/file-20180818-165952-188lizt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/232546/original/file-20180818-165952-188lizt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/232546/original/file-20180818-165952-188lizt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/232546/original/file-20180818-165952-188lizt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/232546/original/file-20180818-165952-188lizt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/232546/original/file-20180818-165952-188lizt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/232546/original/file-20180818-165952-188lizt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La ceinture de Gould au centre de la galaxie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Author</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Ils ont découvert que la fonction initiale de masse de cœurs denses (comptage des cœurs d’une masse donnée) avait la même forme que la fonction initiale de masse d’étoiles. Autrement dit, une étoile hérite de la masse du cœur dans lequel elle se forme. Cela conforte l’idée que la fonction de masse des étoiles est une loi universelle.</p>
<p>Avec l’avènement des grands radiotélescopes nous sommes maintenant en mesure d’observer des régions de formation d’étoiles beaucoup plus éloignées que les nuages de la ceinture de Gould. Notamment, le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Atacama_Large_Millimeter_Array">grand interféromètre ALMA</a> qui a été construit dans le désert d’Atacama à quelques 5 100 m d’altitude nous permet de voir des régions où des étoiles massives se forment avec autant de détails que les observations d’il y a 20 ans dans la ceinture de Gould. En particulier, nous avons observé le nuage nommé W43 qui est représenté sur la vue artistique de la Voie lactée. L’image en tête de l’article montre la région W43 telle que vue par l’instrument ALMA.</p>
<p>Les ellipses noires montrent tous les cœurs denses qui sont en train de se former, et qui formeront des étoiles dans les quelques millions d’années à venir. Sans surprise, nous avons trouvé de nombreux cœurs « massifs » qui formeront sans nul doute des étoiles massives. Seulement, selon la fonction initiale de masse d’étoiles, la région W43 aurait dû abriter beaucoup plus de cœurs de masse intermédiaires et de faible masse.</p>
<p>Le graphique ci-dessous résume la distribution de la population de cœurs dans W43. L’histogramme en bleu indique le comptage des cœurs (nombre de cœurs ayant une masse donnée). La courbe rouge est l’ajustement à l’histogramme, c’est-à-dire la fonction mathématique qui représente le mieux les pics de l’histogramme. Enfin, la zone hachurée montre le domaine d’incertitude de l’ajustement. Il s’agit de la première observation montrant une différence nette entre la courbe en rouge et la pente théorique de la fonction initiale de masse des étoiles indiquée en magenta. Autrement dit, une entorse flagrante à l’universalité de la fonction initiale de masse.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/232547/original/file-20180818-165952-1bhj99d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/232547/original/file-20180818-165952-1bhj99d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/232547/original/file-20180818-165952-1bhj99d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/232547/original/file-20180818-165952-1bhj99d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/232547/original/file-20180818-165952-1bhj99d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/232547/original/file-20180818-165952-1bhj99d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/232547/original/file-20180818-165952-1bhj99d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Distribution de la population de cœurs dans W43.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Author</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Pour étayer ce résultat de première importance, un vaste projet d’observation a été mis en place. Au cours des prochaines années, l’interféromètre ALMA va observer de nombreuses autres régions de formation d’étoiles massives (tous les nuages indiqués en vert sur la vue artistique de la Voie lactée). L’enjeu, pour ces prochaines années, sera de comprendre les causes physiques de la non-universalité de la fonction initiale de masse des étoiles. Si cette recherche est intéressante en soi, de nombreuses thématiques sont en attentes des résultats qui en découleront : les études sur les naines brunes, les études extra-galactiques de formation stellaire, les études de population de trous noirs, etc.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/97214/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabien Louvet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’exploration du cosmos est riche de belles surprises scientifiques. Ainsi, de la formation des étoiles en relation avec leur masse. La loi censée régir ces processus vient d’être démentie.Fabien Louvet, Astronome, ingénieur, Universidad de ChileLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/919682018-02-18T18:13:27Z2018-02-18T18:13:27ZL’énergie de fusion et le défi du projet ITER<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/206643/original/file-20180215-131038-bbggy2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le tokamak ITER : représentation artistique du plasma dans une coupe de la machine. On devine la chambre à vide, le cryostat qui englobe la chambre à vide et les bobines de champ magnétique (29 m x 29 m) et l’enveloppe de béton. L’échelle est donnée par le personnage orange au premier plan.</span> <span class="attribution"><span class="source">ITER</span></span></figcaption></figure><p>La <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fusion_nucl%C3%A9aire">fusion nucléaire</a> est une source d’énergie aussi prometteuse qu’elle est difficile à maîtriser sur Terre. Si la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_universelle_de_la_gravitation">force gravitationnelle</a> permet de créer les conditions extrêmes nécessaires à la fusion des noyaux d’hydrogène dans les étoiles, d’autres solutions doivent être imaginées sur Terre.</p>
<p>Depuis les années cinquante, des centaines de machines de fusion ont été proposées, construites et exploitées. La solution la plus avancée aujourd’hui se base sur l’utilisation de champs magnétiques intenses, dans la configuration dite <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Tokamak">« tokamak »</a>. Elle vise à confiner un plasma de deutérium et de tritium (isotopes de l’hydrogène) chauffé à quelque 150 millions de degrés. Le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Joint_European_Torus">tokamak européen JET</a>, situé à Culham en Grande Bretagne, a déjà réalisé l’exploit de produire 16 MW de puissance fusion à la fin des années 90 et a permis le lancement du projet ITER en 2007 à Cadarache. <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/ITER">ITER</a>, lui, est le projet le plus ambitieux au monde dans le domaine de l’énergie, avec pour objectif de démontrer la faisabilité de la fusion comme source d’énergie. ITER doit notamment produire 500 MW de puissance de fusion pendant 400 secondes !</p>
<h2>Fusion par confinement magnétique</h2>
<p>Il s’agit d’abord de maîtriser le plasma « en combustion ». Dans les expériences en deutérium-tritium de JET, la puissance dégagée par les réactions de fusion participe de façon modeste au maintien du plasma dans les conditions de fusion : 20 % de l’énergie de fusion étant portée par les particules alpha émises à <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lectron-volt">3,5 MeV</a>, la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Thermalisation">thermalisation</a> de ces particules chargées dans le plasma fourni quelques 3 mégawatts (MW) à comparer aux 24 MW fournis par les systèmes de chauffage externe par injection d’ondes radio et de faisceaux d’atomes énergétiques de deutérium ou de tritium.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/206645/original/file-20180215-131003-11d7v8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/206645/original/file-20180215-131003-11d7v8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/206645/original/file-20180215-131003-11d7v8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/206645/original/file-20180215-131003-11d7v8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/206645/original/file-20180215-131003-11d7v8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=608&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/206645/original/file-20180215-131003-11d7v8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=608&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/206645/original/file-20180215-131003-11d7v8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=608&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Plasma de JET observé dans la bande de rayonnement visible. La lumière provient des réactions liées à l’ionisation des atomes et des molécules d’hydrogènes réémis par la paroi lors de leur interaction avec le plasma de bord. Le cœur du plasma, trop chaud pour rayonner dans le visible, rayonne dans la bande X. Concernant la photo, elle est un montage numérique d’une photo de plasma superposée localement à une photo de la chambre à vide sans plasma.</span>
<span class="attribution"><span class="source"> JET</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans ITER, le chauffage du plasma par les réactions de fusion sera, pour la première fois, dominant : 100 MW de chauffage par les particules alpha pour 50 MW de chauffage par les systèmes externes. ITER ouvrira l’ère de l’expérimentation des plasmas en combustion (« burning plasmas »). Les effets des particules alpha sur la turbulence, la stabilité magnétohydrodynamique du plasma ainsi que le transport de ces particules du cœur du plasma jusqu’à leur évacuation sous forme d’hélium neutre dans le divertor, situé dans la partie basse de l’enceinte à vide du tokamak, seront confrontés aux nombreuses simulations en cours de développement et des surprises ne sont pas à exclure. C’est tout l’enjeu d’ITER de montrer que l’on peut contrôler de tels plasmas sur de longues durées.</p>
<h2>Évacuer la chaleur et les particules</h2>
<p>Les progrès récents de la thermographie infrarouge dans les tokamaks ont mis en évidence de très fortes concentrations de flux de chaleur et de particules sur les composants face au plasma. Les lois empiriques donnant la largeur des dépôts de chaleur en fonction de la taille du réacteur sont actuellement remises en question avec pour conséquence potentielle un flux plus fort que prévu dans le <a href="https://www.iter.org/fr/mach/divertor">divertor d’ITER</a> et plus généralement une limitation de la puissance accessible par les machines de fusion basée sur la configuration tokamak.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/206652/original/file-20180215-131000-u9hccn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/206652/original/file-20180215-131000-u9hccn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/206652/original/file-20180215-131000-u9hccn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/206652/original/file-20180215-131000-u9hccn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/206652/original/file-20180215-131000-u9hccn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/206652/original/file-20180215-131000-u9hccn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/206652/original/file-20180215-131000-u9hccn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Présentation de WEST au board des directeurs exécutifs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">CEA/Gibert</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Cette découverte a entraîné le lancement d’un programme de recherche au niveau européen dans lequel le CEA, avec son tokamak WEST, est un des acteurs majeurs au côté de 5 autres instituts européens. L’objectif est de mieux comprendre les mécanismes qui régissent les dépôts de flux de particules et de chaleur, de trouver des régimes plasma et des géométries permettant d’étaler ces flux de chaleur et enfin de développer des composants face au plasma innovants capables de supporter des flux intenses de particules et de chaleur supérieur à 10 MW/m<sup>2</sup> (à comparer aux 60 MW/m<sup>2</sup> à la surface du Soleil !). Le matériau privilégié aujourd’hui pour ces composants à très haut flux est le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Tungst%C3%A8ne">tungstène</a> qui a pour caractéristiques, au-delà de sa température de fusion la plus élevée des éléments, des taux d’érosion et des taux de rétention du tritium très faibles.</p>
<h2>Neutrons énergétiques</h2>
<p>Si l’énergie des particules alpha produites par les réactions de fusion est confinée dans le plasma de cœur par le champ magnétique et permet de maintenir le plasma en combustion, celle portée par les neutrons doit être récupérée dans les parois non seulement pour chauffer l’eau qui fera tourner les turbines électrogènes mais aussi pour produire le tritium, l’un des deux combustibles de la fusion, non disponible à l’état naturel. La difficulté réside dans l’énergie cinétique très élevée de ces neutrons : 14,1 MeV soit environ 7 fois plus que celle des neutrons « rapides » produits par les réactions de fission. Ces neutrons énergétiques vont endommager en profondeur les matériaux de première paroi en provoquant des déplacements d’atomes dans le réseau cristallin et en produisant du gaz en leur sein par transmutation nucléaire (hydrogène ou hélium). Par ailleurs ces réactions de transmutation ont pour conséquence une activation nucléaire des matériaux. On estime qu’un réacteur de fusion pourrait produire plus de 30 dpa/an (à comparer aux 80 dpa d’une centrale à fission sur toute sa vie).</p>
<p>Seuls des matériaux avec une composition chimique et structurelle conçue à dessein pourront résister. La validation et la qualification de tels matériaux doivent se faire dans une installation d’irradiation dédiée capable de générer un flux intense de neutrons de 14 MeV. C’est à cette fin que l’Europe et le Japon mènent depuis 2007, dans le cadre de l’« approche élargie », les études d’ingénierie du projet IFMIF. Le CEA est impliqué dans le volet accélérateur. Le rapport final est attendu très prochainement ainsi que le choix d’un site et la décision de construction.</p>
<h2>La fusion dans la transition énergétique</h2>
<p>La fusion sera disponible « quand l’humanité en aura besoin, peut-être un peu avant ». C’est ainsi que l’académicien soviétique <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Lev_Artsimovitch">Lev Artsimovitch</a> (1909-1973), père du tokamak, répondait à la question de sa disponibilité il y a près de 50 ans. Dans le monde, la Chine, la Corée, les États-Unis, l’Europe, l’Inde et la Russie, tous partenaires d’ITER, développent, sur la base du tokamak en construction à Cadarache, des designs de réacteur électrogène pour l’horizon 2050. Des initiatives privées ont vu le jour ces dernières années en Amérique avec pour objectifs de trouver un moyen plus rapide qu’ITER pour puiser dans cette source d’énergie. Google montre un intérêt… Mais plusieurs décades seront sans doute nécessaires avant de bénéficier d’une électricité de fusion.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est publié en partenariat avec le CEA dans le cadre de la nouvelle formule du <a href="http://www.cea.fr/multimedia/Pages/editions/clefs.aspx">magazine Clefs</a> dont le second numéro, consacré consacré à la transition énergétique sera disponible à partir du 26 février</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/91968/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Bucalossi travaille pour le CEA.Il a reçu des financements d'EUROfusion, d'AMIDEX (Aix-Marseille Univesrité) et de la région PACA..</span></em></p>La fusion nucléaire, énergie des étoiles, pourra-t-elle un jour être utilisée sur Terre ? C’est le défi du projet ITER. Explications.Jérôme Bucalossi, chef du projet WEST au CEA et responsable scientifique du segment « Fusion nucléaire », Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/865322017-11-20T20:46:39Z2017-11-20T20:46:39ZLe mystère de l’or cosmique révélé au cœur des étoiles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/195286/original/file-20171118-11467-18udinn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Etoiles. </span> <span class="attribution"><span class="source">Prawny/Pixabay</span></span></figcaption></figure><p>D’où provient l’or, ce métal précieux tant convoité ? Comment a-t-il été produit, non sur Terre, mais dans l’Univers ? En août dernier, une unique observation astrophysique nous a enfin donné la clef pour répondre à ces questions. Les <a href="http://public.virgo-gw.eu/gw170817_papers/">résultats de cette recherche</a> ont été publiés le 16 octobre dernier.</p>
<p>L’or préexiste à la formation de la Terre : c’est ce qui le différencie, par exemple, du diamant. Cette pierre précieuse est en effet le résultat de la transformation de la structure atomique du carbone, via les forces de pression qui agissent dans l’écorce terrestre. Rien de tel avec l’or puisque ces forces sont incapables de modifier la composition du noyau de l’atome. Tant pis pour les alchimistes qui rêvaient de la transmutation du plomb en or !</p>
<p>Il n’empêche qu’il y a de l’or sur Terre, à la fois dans le noyau central où il a migré avec les éléments chimiques les plus lourds, et dans l’écorce terrestre où se trouvent les mines de ce métal précieux. Mais il vient d’ailleurs : du cosmos, on l’aura compris. La pluie gigantesque de météorites qui a bombardé la Terre (et la Lune) il y a 3,8 milliards d’années a apporté l’or avec elle.</p>
<h2>Formation des éléments lourds</h2>
<p>Par quel processus a-t-il été créé ? L’ensemble des éléments plus lourds que le fer, dont l’or, sont produits pour moitié par ce que l’on appelle le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Processus_s"><em>processus s</em></a> dans les phases d’évolution ultimes des étoiles. C’est un processus lent (<em>s</em> veut dire <em>slow</em>) qui opère dans le cœur des étoiles dites <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Branche_asymptotique_des_g%C3%A9antes">AGB</a>, des étoiles de faible masse et de masse intermédiaire (inférieures à 10 masses solaires) et qui peuvent produire des éléments chimiques jusqu’au polonium. L’autre moitié des éléments est produite par le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Processus_r">processus r</a> (<em>r</em> pour rapide). Mais le site où ce processus de nucléosynthèse se déroule est longtemps resté un mystère.</p>
<p>Revenons au 17 août dernier, à la découverte qui nous a apporté un éclairage nouveau sur cette question. Depuis une cinquantaine d’années, l’hypothèse dominante parmi la communauté scientifique était que le <em>processus r</em> avait lieu lors de l’explosion finale des étoiles massives (les spécialistes parlent de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Supernova">supernova</a> d’effondrement gravitationnel). En effet, la formation des éléments légers jusqu’au fer implique des réactions nucléaires libérant de l’énergie. Ce sont d’ailleurs ces réactions qui assurent la stabilité des étoiles. Au-delà du fer, il faut apporter de l’énergie pour produire des éléments plus lourds. Les chercheurs supposaient que cette énergie pouvait provenir de l’explosion des étoiles massives. Malgré la simplicité de cette explication, la modélisation numérique des supernovae s’est avérée extrêmement compliquée. Après 50 années d’efforts, les chercheurs commençaient à peine à en comprendre le mécanisme. De plus, leurs simulations n’expliquaient pas où se trouvait l’endroit où les conditions physiques du <em>processus r</em> pouvaient exister.</p>
<p>Ces conditions sont pourtant assez simples : il faut beaucoup de neutrons et un milieu chaud.</p>
<h2>Fusion d’étoiles à neutrons</h2>
<p>Depuis une dizaine d’années, quelques chercheurs ont commencé à étudier d’autres hypothèses. Ils ont focalisé leur attention sur les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89toile_%C3%A0_neutrons">étoiles à neutrons</a>. Celles-ci constituent un réservoir de neutrons gigantesque, qui est libéré occasionnellement. La plus forte de ces libérations se produit lors de la coalescence, dans un système binaire, d’étoiles à neutrons, aussi appelé <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Kilonova">kilonova</a>. Il existe plusieurs signatures de ce phénomène qu’il a été possible d’observer : une émission d’<a href="https://theconversation.com/les-ondes-gravitationnelles-quest-ce-que-cest-54487">ondes gravitationnelles</a> culminant une fraction de seconde avant la fusion finale et un sursaut de lumière très énergétique (rayons gamma) émis par un jet de matière approchant la vitesse de la lumière. Si ces <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Sursaut_gamma">sursauts gamma</a> sont observés régulièrement depuis quelques décennies, ce n’est que depuis 2015 que les ondes gravitationnelles sont détectables sur Terre grâce aux <a href="https://theconversation.com/les-ondes-gravitationnelles-laventure-continue-74817">interféromètres Virgo et LIGO</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/x_Akn8fUBeQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Cette animation de la NASA est une vue d’artiste d’une kilonova (coalescence des deux étoiles à neutrons) comme celle observée le 17 août (GW170817). C’est une version accélérée des neuf premiers jours d’une kilonova. Dans la phase d’approche des deux étoiles, les ondes gravitationnelles émises sont colorée en bleu pale, puis après la fusion un jet proche de la vitesse de la lumière est émis (en orange) générant lui-même un sursaut gamma (en magenta). La matière éjectée de la kilonova produit une lumière initialement ultraviolette (violet), puis blanche dans l’optique, et enfin infra-rouge (rouge). Le jet continue son expansion en émettant de la lumière dans la gamme des rayons X (bleu).</span></figcaption>
</figure>
<p>Le 17 août dernier restera une date majeure pour la communauté scientifique. En effet, elle marque la première détection quasi-simultanée de l’arrivée d’ondes gravitationnelles – dont la provenance est assez bien identifiée – et d’un sursaut gamma, lui aussi dont l’origine est assez bien localisée et coïncide avec la première. L’émission du sursaut gamma est focalisée dans un cône étroit, et la chance des astronomes pour cette première détection d’ondes gravitationnelles associée à une kilonova, est que le sursaut gamma a été émis dans la direction de la Terre !</p>
<p>Dans les jours qui ont suivi, les télescopes ont analysé la lumière provenant de cette kilonova et y ont trouvé la confirmation de la production d’éléments plus lourds que le fer. Ils ont aussi pu estimer la fréquence de ce phénomène et la quantité de matière éjectée. Ces estimations sont compatibles avec l’abondance moyenne des éléments observés dans notre galaxie.</p>
<p>En une seule observation, l’hypothèse qui dominait jusqu’à présent – d’un <em>processus r</em> ayant lieu exclusivement lors des supernovae – a été remise en cause et il est maintenant certain que le <em>processus r</em> a aussi lieu dans les kilonovae. La contribution respective des supernovae et des kilonovae dans la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Nucl%C3%A9osynth%C3%A8se">nucléosynthèse</a> des éléments lourds reste à préciser, ce qui sera fait avec l’accumulation de statistiques liées aux prochaines observations. La seule observation a déjà permis une très grande avancée scientifique pour la compréhension globale de l’origine des éléments lourds, dont l’or.</p>
<h2>Une nouvelle fenêtre sur l’Univers</h2>
<p>Ainsi, c’est une nouvelle fenêtre vers l’univers qui a été ouverte, à l’instar du jour où Galilée a pointé le premier télescope vers le ciel. Avec les interféromètres Virgo et LIGO qui permettent maintenant « d’entendre » les phénomènes les plus violents de l’univers, des perspectives immenses s’ouvrent à l’investigation des astronomes, ainsi que des astrophysiciens, des physiciens des particules, des physiciens nucléaires, etc. La France a joué un très grand rôle dans cette prouesse technologique par son implication dans le projet Franco-Italien Virgo. Grâce au laboratoire LMA de Lyon, notre pays possède d’ailleurs la maîtrise mondiale de la production d’une des pièces majeures de ces interféromètres : les miroirs réfléchissant les lasers.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/86532/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Margueron est membre de la Société Française de Physique (SFP).</span></em></p>Le métal jaune est extraterrestre : l’or est produit au cœur des étoiles. Comment et dans quelles conditions ? Les scientifiques en savent plus grâce à une double observation astrophysique.Jérôme Margueron, Chercheur en astrophysique nucléaire, University of WashingtonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/849762017-10-11T19:03:19Z2017-10-11T19:03:19ZPourquoi le cœur nucléaire du Soleil tourne-t-il si vite ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/188256/original/file-20171001-21580-1h97aqz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Soleil</span> </figcaption></figure><p>Aura-t-on, un jour, dévoilé tous les secrets de notre astre ? Le Soleil ne cesse de nous étonner. Son atmosphère, par exemple, est <a href="https://theconversation.com/le-soleil-portrait-croque-77915">étonnamment chaude</a>, ce qui nous permet d’observer une magnifique couronne autour du Soleil lors <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89clipse_solaire_du_21_ao%C3%BBt_2017">d'éclipses totales comme celle du 21 août dernier</a>. Autre interrogation : l’intérieur du Soleil, <em>a priori</em> inaccessible à l’observation, n’a pas encore révélé tous les mécanismes de sa rotation, comme nous allons le raconter ici.</p>
<p>Le Soleil est une boule de gaz ionisé, un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Plasma">plasma</a>, et par conséquent ne tourne pas sur lui-même comme un bloc solide. En surface, on observe une rotation surprenante : elle est plus rapide à l’équateur (où la période de rotation est environ de 25 jours) qu’aux pôles (où elle est environ de 35 jours). Malgré l’impossibilité d’observer directement l’intérieur du Soleil, nous savons déjà que la rotation interne est, elle aussi, plus ou moins différentielle selon la profondeur. Comment le sait-on ? En utilisant les mêmes outils que ceux qui nous permettent de connaître l’intérieur de notre planète Terre : ceux de la sismologie. Le Soleil n’étant pas une sphère solide, il n’y a pas de tremblements soudains de Soleil comme ceux que l’on observe sur Terre. Mais que ce soit au niveau de la Terre, du Soleil ou même des autres étoiles, le même phénomène de propagation d’ondes à l’intérieur de l’astre est observé grâce à ses manifestations en surface… et à des instruments diablement précis.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188255/original/file-20171001-19343-1qgprwx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188255/original/file-20171001-19343-1qgprwx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188255/original/file-20171001-19343-1qgprwx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188255/original/file-20171001-19343-1qgprwx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188255/original/file-20171001-19343-1qgprwx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188255/original/file-20171001-19343-1qgprwx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188255/original/file-20171001-19343-1qgprwx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Image reconstituée de l'intérieur du soleil, avec la mission Soho.</span>
<span class="attribution"><span class="source">NASA</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des ondes, en surface et en profondeur</h2>
<p>Au sein de notre étoile, ces ondes internes se manifestent sous la forme de « vagues » en surface, dont l’amplitude habituelle est de l’ordre de quelques kilomètres. Quand on sait que le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Soleil">diamètre du Soleil</a> atteint 1 400 000 km, on comprend qu’il faille mettre en œuvre des outils de très grande précision pour déceler ces mouvements.</p>
<p>Ces ondes sont mues par différentes forces : soit par un effet de pression du gaz (on a alors affaire à des ondes acoustiques), soit par la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pouss%C3%A9e_d%27Archim%C3%A8de">poussée d'Archimède</a> qui, par exemple, fera monter vers la surface une bulle de plasma, plus chaude et donc moins dense que le plasma qui l’entoure. Une autre caractéristique de ces ondes : elles se propagent dans des domaines spécifiques, certaines ne se propagent que dans des couches superficielles, alors que d’autres vont plonger jusqu’au cœur de l’étoile.</p>
<p>Cela est particulièrement intéressant pour la recherche, car chaque onde transporte une information sur les couches dans lesquelles elle s’est propagée (par exemple la température du milieu va affecter sa vitesse de propagation). On pourra donc, en s’appuyant sur des ondes spécifiques dont on sait qu’elles se sont propagées plus ou moins profondément, reconstruire l’intérieur du Soleil en termes de température, ou encore de densité ou de vitesse de rotation du milieu rencontré. En résumé, les conditions physiques internes du Soleil nous deviennent accessibles.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188604/original/file-20171003-30864-17rrat3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188604/original/file-20171003-30864-17rrat3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=325&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188604/original/file-20171003-30864-17rrat3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=325&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188604/original/file-20171003-30864-17rrat3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=325&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188604/original/file-20171003-30864-17rrat3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=408&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188604/original/file-20171003-30864-17rrat3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=408&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188604/original/file-20171003-30864-17rrat3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=408&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Coupe schématique du soleil avec 2 exemples de propagation de modes d'oscillations.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Pour accéder à cette information, il faut donc observer les vagues sismiques à la surface du Soleil. C’est ainsi l’objectif assigné à l’instrument <a href="https://www.ias.u-psud.fr/golf/templates/index.html">GOLF_</a> (pour <em>global oscillations at low frequencies</em>) à bord de la <a href="https://soho.cnes.fr/fr/SOHO/Fr/GP_mission.htm">mission Soho</a> (pour Solar and Heliospheric Observatory). GOLF mesure la vitesse de déplacement de la surface du Soleil, et ce de manière très précise (après accumulation de données et traitement approprié, la précision sera supérieure au centimètre par seconde !).</p>
<p>Lancée fin 1995, la plateforme Soho emportait une douzaine d’instruments dont beaucoup fonctionnent encore. Parmi eux, GOLF bénéficie grandement de ces presque 22 ans d’observations, car la durée va de pair avec la précision des mesures. Ainsi, c’est tout récemment qu’une équipe de scientifiques de GOLF a pu extraire des mesures la vitesse de la rotation du cœur de notre étoile.</p>
<p>Depuis des années, le sondage du cœur de l’étoile restait une entreprise ardue, car les ondes qui s’y propagent sont d’amplitude très faible, donc très difficiles à détecter. Plusieurs annonces de détection avaient été faites par le passé mais n’avaient que peu convaincu du fait de la difficulté de la tâche.</p>
<p>C’est en cherchant autrement, en utilisant astucieusement ces années d’observations, qu’il a finalement été possible de détecter la signature superficielle des ondes profondes, celles qui sont mues par la poussée d’Archimède. L’analyse précise des propriétés de cette signature a permis d’estimer la vitesse de la rotation du centre du Soleil, là où ont lieu les réactions de fusion nucléaire qui fournissent au Soleil son énergie pour briller (et nous réchauffer sur notre petite planète).</p>
<h2>Un cœur nucléaire qui tourne</h2>
<p>Et il apparaît que ce cœur nucléaire tourne approximativement 4 fois plus vite que la surface ! C’est une rotation différentielle encore plus prononcée que celle qui existe en surface entre pôles et équateur. Par ailleurs, on sait qu’entre la surface et environ 80 % de la distance jusqu’au centre, la rotation varie peu (y compris entre les pôles et l’équateur) : cela signifie donc que dans les 20 % les plus centraux, il existe une forte augmentation de cette vitesse de rotation.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188605/original/file-20171003-18673-1ydrzf5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188605/original/file-20171003-18673-1ydrzf5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188605/original/file-20171003-18673-1ydrzf5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188605/original/file-20171003-18673-1ydrzf5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188605/original/file-20171003-18673-1ydrzf5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188605/original/file-20171003-18673-1ydrzf5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188605/original/file-20171003-18673-1ydrzf5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La courbe supérieure est une indication de la rotation des couches profondes vues depuis les couches supérieures où résonnent les modes de pression qui nous servent de détecteurs. La courbe inférieure correspond à une période d'une semaine pour le cœur lui-même, alors que la surface et les couches intermédiaires tournent en près de 27 jours.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Plusieurs questions se posent alors : pourquoi cette augmentation de vitesse en profondeur ? On sait que les couches externes des étoiles sont freinées au cours de leur vie par l’émission d’un vent stellaire. L’observation des étoiles jeunes montre en effet des objets en rotation rapide en surface (aussi rapide que le cœur du Soleil après 4,5 milliards d’années d’évolution). Mais alors pourquoi ce freinage n’agirait-il pas sur le cœur du Soleil ? Nous savons aussi que rotation et magnétisme sont intimement liés : la rotation d’une étoile est un des constituants majeurs de la <a href="https://theconversation.com/le-soleil-portrait-croque-77915">génération de champ magnétique</a>.</p>
<p>Des modèles théoriques du Soleil ont été construits avec un champ magnétique ancré dans le cœur ; mais, cela ne règle pas la question : ces modèles prévoient alors un freinage excessif, et la rotation centrale observée reste trop élevée. D’autres modèles, sans magnétisme, prévoient, par contre, que la rotation devrait être plus élevée encore, si sa vitesse était une fidèle relique de la rotation de l’étoile au moment de sa formation… Il va falloir progresser sur ces sujets. De même que sur celui-ci : la grande vitesse de la rotation centrale joue-t-elle un rôle dans la génération du champ magnétique solaire et dans son cycle de 11 ans ?</p>
<p>Après ces 22 ans de recherche, soit deux cycles solaires d’observations, il reste encore beaucoup à faire pour répondre à ces questions. Gageons qu’il ne faudra pas un cycle de plus pour les découvrir !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84976/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Patrick Boumier a reçu des financements du CNES. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Frédéric Baudin a reçu des financements de l'ANR, de la Diagonale Paris-Saclay, du CNES.</span></em></p>Des scientifiques ont pu récemment mesurer la vitesse de la rotation du cœur de notre étoile.Patrick Boumier, Responsable scientifique de l’instrument GOLF/SoHO, Equipe de Physique Solaire et Stellaire IAS Orsay / CNRS, Université Paris-SaclayFrédéric Baudin, Enseignant-Chercheur à l'Institut d'Astrophysique Spatiale, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.