tag:theconversation.com,2011:/us/topics/g7-75128/articlesG7 – The Conversation2023-06-07T19:38:52Ztag:theconversation.com,2011:article/2067182023-06-07T19:38:52Z2023-06-07T19:38:52ZLa diplomatie des sommets est-elle utile ?<p>Les sommets internationaux se succèdent à une vitesse étourdissante. L’actualité récente a braqué le projecteur sur plusieurs de ces grands raouts : le <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/meetings/international-summit/2023/05/19-21/">G7 à Hiroshima</a> (19-21 mai), le <a href="https://theconversation.com/bachar-al-assad-a-la-ligue-arabe-le-retour-du-pestifere-syrien-sur-la-scene-internationale-205693">sommet de la Ligue arabe à Djeddah</a> (19 mai), le <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/joe-biden-ouvre-son-sommet-pour-la-democratie-20230329">sommet pour la démocratie</a> (à Washington, les 29-30 mars), sans oublier le tout récent <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/meetings/international-summit/2023/06/01/">sommet de la Communauté politique européenne à Chisinau</a>, le 1<sup>er</sup> juin, tenu alors qu’au même moment les <a href="https://www.nessma.tv/fr/internationale/actu/les-ministres-des-affaires-etrangeres-des-brics-se-reunissent-au-cap-pendant-deux-jours/454852">ministres des Affaires étrangères des BRICS</a> se réunissaient au Cap. Il y aura bientôt le <a href="https://www.nato.int/cps/fr/natohq/news_214116.htm">sommet de l’OTAN à Vilnius</a> les 11-12 juillet, puis celui du <a href="https://www.g20.org/en/g20-india-2023/new-delhi-summit/">G20 à Delhi</a>, les 9-10 septembre.</p>
<p>Bref, on assiste à une véritable inflation de sommets, ce qui semble indiquer que les parties prenantes y trouvent un intérêt certain. Comment ces rassemblements des dirigeants de la planète se déroulent-ils et, surtout, quelle est leur valeur ajoutée réelle ?</p>
<h2>Vienne 1815, Paris 1919 : les références</h2>
<p>Un sommet est une réunion des chefs d’État et de gouvernement où – normalement – se prennent des décisions importantes. <a href="https://www.herodote.net/9_juin_1815-evenement-18150609.php">Le Congrès de Vienne</a> (1814-1815), que l’on peut considérer comme le <a href="https://www.un.org/en/chronicle/article/congress-vienna-present-day-international-organizations">premier sommet international de tous les temps</a>, réunit les puissances victorieuses de l’époque (Autriche, Angleterre, Prusse, Russie) et dessine un nouvel équilibre européen qui subsistera, bon an mal an, jusqu’à 1914.</p>
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<p>Un peu plus d’un siècle après le Congrès de Vienne, la <a href="https://ehne.fr/fr/encyclopedie/th%C3%A9matiques/relations-internationales/pratiques-diplomatiques-contemporaines/la-conf%C3%A9rence-de-la-paix-de-1919">Conférence de Paris de 1919</a> est celle des vainqueurs de la Première Guerre mondiale. Le <a href="https://mjp.univ-perp.fr/traites/1919versailles.htm">traité de Versailles</a> qui y est rédigé est le fruit des négociations conduites au château de Versailles de janvier à juin 1919 entre les trois chefs des principales puissances (Woodrow Wilson, Lloyd George et Georges Clemenceau).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/530350/original/file-20230606-25-lkg420.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530350/original/file-20230606-25-lkg420.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=559&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530350/original/file-20230606-25-lkg420.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=559&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530350/original/file-20230606-25-lkg420.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=559&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530350/original/file-20230606-25-lkg420.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=702&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530350/original/file-20230606-25-lkg420.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=702&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530350/original/file-20230606-25-lkg420.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=702&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La signature du Traite de Versailles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Extrait d’une vue stéréoscopique, auteur anonyme, photographe de l’armée française</span></span>
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<p>Le Congrès de Vienne puis la Conférence de Paris contiennent déjà en germes les postulats qui sont à la base de tout <a href="https://www.cairn.info/le-multilateralisme--9782707153333-page-73.htm">sommet</a> : un sommet est, d’abord, un exercice interétatique, et l’agenda est entièrement déterminé par la volonté des États participants, qui s’entendent pour faire prévaloir leurs vues. Il faut ensuite que les chefs d’État ou de gouvernement soient présents, car le succès d’un sommet dépend de la connivence existant entre eux : la diplomatie des sommets n’est pas la diplomatie multilatérale. C’est une diplomatie de nature oligarchique ou excluante : le G20 exclut 174 États (tous les États de l’ONU qui ne sont pas membres du G20). Au point qu’on a forgé le terme de <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/histoire-et-geopolitique/geopolitique-et-strategie/temps-des-humilies_9782738147233.php">« minilatéralisme »</a> pour décrire cette forme de gouvernance oligarchique. Enfin, ce qu’on recherche dans un sommet, c’est une vision commune, que chaque État s’engage à mettre en œuvre.</p>
<h2>Sommets réguliers et sommets extraordinaires</h2>
<p>Il est possible de distinguer les deux principales catégories de sommets : les sommets réguliers et les sommets extraordinaires.</p>
<p>Les premiers s’inscrivent dans une relation bilatérale ou minilatérale classique, marquée par une certaine périodicité : citons, entre autres exemples, les <a href="https://www.france-allemagne.fr/Archives-Les-sommets-franco,1670.html">sommets franco-allemands</a>, qui se tiennent deux fois par an, les <a href="https://www.francophonie.org/le-sommet-84">sommets bisannuels des États francophones</a> ou encore ceux des <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/asie-pacifique-debut-du-sommet-de-l-apec-en-pleines-tensions-sur-l-ukraine-et-la-coree-du-nord-20221118">États de l’Asie-Pacifique</a> (APEC) et de <a href="https://www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_50115.htm">l’OTAN</a>.</p>
<p>Ces sommets reposent sur des règles de fonctionnement bien huilées du fait de leur fréquence. Ils exigent des dirigeants qui y participent un certain niveau de préparation dans la mesure où ils seront soumis au jugement de leurs pairs. Ils facilitent les accords entre les chefs de gouvernement et d’État concernés car ceux-ci ont la possibilité, en échangeant directement, de conclure des négociations qui avaient pu être ralenties ou bloquées par les pesanteurs bureaucratiques. Ils définissent une temporalité, qui est celle séparant chronologiquement deux sommets. L’objectif est alors de terminer une négociation au sommet suivant. Enfin la visibilité (d’aucuns diront la scénographie) des sommets présente l’avantage d’inciter les dirigeants à faire de leur mieux pour surmonter les obstacles persistants et afficher des résultats concrets.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/530360/original/file-20230606-29-h0dwoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530360/original/file-20230606-29-h0dwoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530360/original/file-20230606-29-h0dwoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530360/original/file-20230606-29-h0dwoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530360/original/file-20230606-29-h0dwoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530360/original/file-20230606-29-h0dwoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530360/original/file-20230606-29-h0dwoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le 30 juin 2022, le premier ministre hongrois Viktor Orban, accompagné de ses ministres de la Défense et des Affaires étrangères, arrive au sommet de l’OTAN à Madrid. Rare occasion d’échanges entre la Hongrie et l’ensemble des autres membres de l’Alliance, avec lesquels elle est en désaccord sur la question de l’attitude à adopter vis-à-vis de la guerre en Ukraine.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/spain-madrid-30-june-2022-hungarys-2197424339">Belish/Shutterstock</a></span>
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<p>Les sommets extraordinaires, pour leur part, sont des événements diplomatiques qui, en principe, ne se produisent qu’une fois. L’un des plus fameux fut le <a href="https://www.lefigaro.fr/histoire/archives/2018/09/16/26010-20180916ARTFIG00121-17-septembre-1978-les-accords-de-camp-david-visa-pour-la-paix-israelo-egyptienne.php">sommet de Camp David</a> entre Israël et l’Égypte, en septembre 1978. Les Accords de Camp David signés à cette occasion débouchèrent sur un <a href="http://www.isd.sorbonneonu.fr/blog/ce-jour-dans-lhistoire-le-traite-de-paix-israelo-egyptien-du-26-mars-1979/">traité de paix bilatéral israélo-égyptien en mars 1979</a>. À la différence des sommets réguliers, ce type de sommet est soumis à la pression du temps. On ne peut pas reporter les points non conclus à un prochain sommet.</p>
<p>En amont du sommet, tout sera fait pour éviter l’échec. Ainsi, dans le domaine du désarmement nucléaire, les négociations entamées en 1969 à Helsinki sous la dénomination SALT (Strategic Arms Limitation Talks) avançaient avec peine. Mais l’annonce du <a href="https://www.cairn.info/revue-historique-2009-4-page-897.htm">sommet Nixon-Brejnev à Moscou en mai 1972</a> eut un effet d’accélération. Les <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/126">accords SALT</a> furent conclus entre les États-Unis et l’URSS en mai 1972, coïncidant avec le sommet de Moscou.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-brejnev-lantiheros-153946">Bonnes feuilles : « Brejnev, l’antihéros »</a>
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<p>Ces sommets extraordinaires sont souvent aussi des occasions de développer des liens personnels entre responsables politiques. On constate que les dirigeants américains sont friands d’organiser des sommets dans des lieux de semi-villégiature (Camp David, le <a href="https://www.latimes.com/archives/la-xpm-1992-05-04-mn-972-story.html">ranch des Reagan</a>, celui de <a href="https://www.letemps.ch/monde/ranch-crawford-jiang-zemin-rassurer-george-bush">George W. Bush</a>) où la priorité est donnée non pas tant aux réunions de travail qu’aux promenades et moments de détente, où les dirigeants sont supposés fendre l’armure et devenir plus… humains.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/530364/original/file-20230606-21-rsjkz0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530364/original/file-20230606-21-rsjkz0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=441&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530364/original/file-20230606-21-rsjkz0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=441&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530364/original/file-20230606-21-rsjkz0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=441&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530364/original/file-20230606-21-rsjkz0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=554&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530364/original/file-20230606-21-rsjkz0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=554&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530364/original/file-20230606-21-rsjkz0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=554&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">George W. Bush, Vladimir Poutine et leurs épouses pendant une balade dans le ranch des Bush à Crawford, Texas, le 4 novembre 2001.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://georgewbush-whitehouse.archives.gov/news/releases/2001/11/images/20011116.html">Eric Draper/Whitehouse.gov</a></span>
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<p>Les sommets du G7 (G8 jusqu’à l’exclusion de la Russie en 2014) sont préparés longtemps à l’avance par les sherpas, véritables « experts en sommets », ayant rang de vice-ministre ou de secrétaire d’État, parfois de conseiller diplomatique (<a href="https://www.liberation.fr/ecrans/1998/06/12/jacques-attali-conseiller-d-etat-ex-sherpa-de-mitterrand_241214/">Jacques Attali</a> fut le sherpa de François Mitterrand). Le terme est emprunté au vocabulaire des guides de montagne dans l’Himalaya. Les sherpas sont eux-mêmes assistés par des <a href="https://jp.ambafrance.org/1ere-reunion-des-sous-Sherpas">« sous-sherpas »</a>, l’un économique et financier, l’autre diplomatique. Les sherpas forment une communauté d’experts qui se rencontrent régulièrement et coordonnent les préparatifs des sommets. Leur proximité avec les chefs d’État ou de gouvernement fait d’eux des experts influents et incontournables.</p>
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<p><a href="https://www.cairn.info/revue-mondes1-2014-1-page-151.htm">Analysant le rôle des sherpas</a>, Noël Bonhomme explique que les « réunions des sherpas connurent une codification croissante marquée par le mimétisme vis-à-vis des sommets tant dans la durée que dans l’organisation du travail. […] Experts d’un domaine (les questions économiques) et chargés d’une mission spécifique (préparer les discussions), ils furent de plus en plus les maîtres d’œuvre d’exercice de diplomatie multiforme […] gérant aussi les aspects de plus en plus divers des sommets, des entretiens bilatéraux à la diplomatie publique. »</p>
<p>Les sherpas font le lien entre les dirigeants politiques et les négociateurs diplomatiques. Ce sont bien souvent eux qui forgent les compromis, même si c’est le pouvoir politique qui en tire tout le crédit. Ce sont eux, aussi, qui rédigent les traditionnelles déclarations politiques de fin de sommet, qu’on appelle communiqués finaux.</p>
<p>Enfin, il ne faut pas oublier le coût des sommets, de plus en plus onéreux, notamment à cause des frais liés à la protection des participants. Ainsi, le G7 de La Malbaie (Canada) en 2018 a coûté l’équivalent de 450 millions de dollars. Ce qui suscite évidemment des <a href="https://www.thestar.com/news/canada/2018/05/24/trudeau-defends-600-million-cost-of-quebec-g7-summit.html">réactions négatives dans l’opinion publique</a>. Avec les habituelles questions : a-t-on besoin des sommets ? Peut-on les rendre moins dispendieux ?</p>
<h2>De vraies limites, mais quelques mérites</h2>
<p>Tout paraît indiquer que la tendance contemporaine va vers une multiplication des sommets, qu’ils soient périodiques ou ad hoc. La diplomatie des sommets repose sur le prédicat que le concert des puissances est la condition nécessaire et suffisante d’une gouvernance mondiale efficace. Mais cette idée est quelque peu illusoire car ce sont d’abord les États qui assurent la régulation, que ce soit dans le domaine de la sécurité internationale ou du développement. Or les « G7 » et les « G20 » produisent souvent de la concertation sans décision, ce qui débouche inévitablement sur l’immobilisme.</p>
<p>Pourtant, les sommets ont quelques mérites. Tout d’abord, ils constituent une forme d’apprentissage à la négociation pour des États plutôt habitués aux postures unilatérales, comme ce fut le cas pour la Russie durant les 17 années (1997-2014) où elle appartint au G8. La diplomatie des sommets est de ce point de vue utile, parce qu’elle crée de la connivence entre les États – en cela, elle est dans la droite ligne des rapports de puissance inspirés du <a href="https://ehne.fr/fr/eduscol/terminale-sp%C3%A9cialit%C3%A9-histoire/terminale-sp%C3%A9cialit%C3%A9-histoire/th%C3%A8me-2-faire-la-guerre-faire-la-paix-formes-de-conflits-et-modes-de-r%C3%A9solution/faire-la-paix-par-les-trait%C3%A9s-les-trait%C3%A9s-de-westphalie-1648">Traité de Westphalie de 1648</a>, qui codifia la coexistence des États-nations souverains, débouchant sur le Concert européen du XIX<sup>e</sup> siècle (consacré par le Congrès de Vienne en 1815).</p>
<p>En même temps, elle favorise l’idéologie des « clubs » (le P5 du Conseil de sécurité, le G7 ou G8, etc.) qui entraîne une tension permanente entre ceux qui en sont et ceux qui voudraient en être – ce que l’on appelle la relégation, comme ce fut le cas pour l’Empire ottoman au XIX<sup>e</sup> siècle (il ne fut pas admis dans le Concert européen), et comme le montre l’exclusion de la Russie du G8 en 2014 après l’annexion de la Crimée. Cette relégation est également ressentie aujourd’hui par les puissances émergentes qui demandent à <a href="https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/270782-la-question-de-lelargissement-du-conseil-de-securite-de-lonu">élargir la composition du Conseil de sécurité</a> et se heurtent aux cinq membres permanents.</p>
<p>Concluons avec <a href="https://www.grasset.fr/livres/memoire-de-paix-pour-temps-de-guerre-9782246859710">Dominique de Villepin</a> : les sommets, estime l’ancien chef de la diplomatie française, « constituent une armature indispensable de la mondialisation pour amortir les chocs entre le niveau du multilatéralisme parfait et celui du pur jeu des puissances ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206718/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raoul Delcorde ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>G7, G20, Asean, BRICS et tant d’autres : les sommets internationaux se suivent à une cadence de plus en plus rapprochée. Faut-il y voir de simples passages obligés ou ont-ils une vraie utilité ?Raoul Delcorde, Ambassadeur honoraire de Belgique, Professeur invité, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2028022023-04-20T14:04:01Z2023-04-20T14:04:01ZLes pays du BRICS veulent un nouvel ordre mondial. Sera-t-il multipolaire ou sino-américain ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/521953/original/file-20230419-16-htdkgk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva serre la main du président chinois Xi Jinping après une cérémonie de signature qui s'est tenue au Grand Hall du Peuple à Pékin, en Chine, le 14 avril 2023. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Ken Ishii/Pool Photo via AP)</span></span></figcaption></figure><p>Dans son <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2019/08/27/discours-du-president-de-la-republique-a-la-conference-des-ambassadeurs-1">discours d’ouverture de la conférence des ambassadeurs en août 2019</a>, le président français, Emmanuel Macron, a évoqué que « nous sommes sans doute en train de vivre la fin de l’hégémonie occidentale sur le monde. » </p>
<p>Une hégémonie occidentale qui, selon lui, était vraisemblablement française au XVIII<sup>e</sup> siècle, par l’inspiration des Lumières, sans doute britannique au XIX<sup>e</sup> siècle grâce à la révolution industrielle, puis américaine au XX<sup>e</sup> siècle à la suite des deux guerres mondiales.</p>
<p>Mais avec l’émergence des pays du BRICS, acronyme regroupant le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, on assiste à une des plus importantes mutations des relations internationales depuis la révolution industrielle. Initialement créé en 2009 sous le nom de BRIC, un « S » a été ajouté en 2011 avec l’adhésion de l’Afrique du Sud.</p>
<p>La volonté affichée des pays du BRICS est de transformer la structure « occidentalo-centrée » de l’ordre économique mondial actuel vers un système international polycentrique ou multipolaire. </p>
<p>Sont-ils en train d’y parvenir ?</p>
<p>Senior fellow à la <a href="https://ferdi.fr/biographies/zakaria-sorgho">FERDI</a> et à <a href="https://acetforafrica.org/our-people/zakaria-sorgho/">ACET-Africa</a>, et chercheur associé au <a href="https://www.create.ulaval.ca/chercheurs/zakaria-sorgho">CREATE</a> à l’Université Laval, je m’intéresse à l’économie internationale et aux enjeux de développement. </p>
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<span class="caption">Les amis du BRICS : le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, à droite, inspecte une garde d’honneur avec le président chinois Xi Jinping lors d’une cérémonie de bienvenue tenue à l’extérieur du Grand Hall du Peuple à Pékin, Chine, le 14 avril 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Ken Ishii/Pool Photo via AP)</span></span>
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<h2>Des pays en forte croissance</h2>
<p>Totalisant en 2022 une population de plus de 3,2 milliards d’individus, soit plus de quatre fois celle des sept pays du G7 (environ 773 millions d’habitants), le groupe des BRICS constitue un vaste marché économique.</p>
<p>Leur place dans l’économie mondiale n’a cessé de croître ces dernières décennies, au détriment de celle du G7. Ainsi, la part du produit intérieur brut (PIB) total des BRICS dans le PIB mondial, calculé en parité de pouvoir d’achat (PPA), a surpassé celle du G7 (31,02 % contre 30,95 %) et la tendance ne semble pas s’inverser. </p>
<p>Le PIB en PPA est l’indicateur approprié pour comparer des pays, car il tient compte du fait que la même quantité d’argent ne représente pas la même richesse dans des pays différents. Il élimine donc le différentiel des pouvoirs d’achat lié aux monnaies nationales, ce qui permet de comparer des pommes avec des pommes.</p>
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<span class="caption">Figure 1.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Ce résultat des pays du BRICS est particulièrement dû à la croissance économique soutenue des deux leaders asiatiques du groupe, la Chine et l’Inde, dont les parts individuelles dans le PIB (PPA) mondial sont passées respectivement de 3,29 % et 3,78 % en 1990 à 18,64 % et 7,23 % en 2022. On assiste sur la même période à un recul marqué de la contribution des deux leaders du G7 dans l’économie mondiale, les États-Unis passant de 20,38 % à 15,51 % et le Japon, de 8,56 % à 3,79 %. Les dernières prévisions de croissance économique du FMI pour la <a href="https://www.imf.org/en/Publications/WEO/Issues/2023/04/11/world-economic-outlook-april-2023">Chine et l’Inde en 2023 sont 5,2 % et 5,9 % respectivement, contre 1,6 % pour les États-Unis et 1,3 % pour le Japon</a>. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521954/original/file-20230419-26-8r7yr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521954/original/file-20230419-26-8r7yr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521954/original/file-20230419-26-8r7yr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521954/original/file-20230419-26-8r7yr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521954/original/file-20230419-26-8r7yr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521954/original/file-20230419-26-8r7yr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521954/original/file-20230419-26-8r7yr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des milliers d’Indiens prennent un bain sacré à l’occasion du festival Ramnavi, le 30 mars 2023. L’Inde est en voie de devenir la nation la plus peuplée du monde, dépassant la Chine de 2,9 millions d’habitants d’ici à la mi-2023, avec 1 4286 milliard d’habitants.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Manish Swarup)</span></span>
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</figure>
<p>Toutefois, les <a href="https://www.20minutes.fr/economie/4021526-20230201-croissance-dix-plus-grandes-economies-mondiales">États-Unis demeurent la première puissance économique</a>, avec un PIB de 25 billions de dollars en 2022, soit un peu plus du quart de l’économie mondiale. La Chine suit de près, avec un PIB de 18,3 billions de dollars, soit près de 20 % du total. </p>
<p>Par ailleurs, les pays du BRICS ont un niveau d’endettement en pourcentage de PIB et un ratio de dette publique par habitant beaucoup plus modérés en comparaison à ceux des pays du G7. En 2022, le montant moyen de la dette publique par habitant s’élevait à environ 72 303 $ dans les pays du G7, contre environ 5 950 $ dans les pays du BRICS.</p>
<figure class="align-center ">
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<figcaption>
<span class="caption">Figure 2.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<h2>Le dollar américain mis au défi</h2>
<p>Depuis quelques années, nombreux pays et leurs multinationales, utilisant largement le dollar américain dans les transactions internationales, font face à l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Extraterritorialit%C3%A9_du_droit_am%C3%A9ricain">extraterritorialité du droit américain</a>. </p>
<p>En effet, les États-Unis se servent de plus en plus du dollar comme une « arme » de diplomatie au gré de la politique étrangère de Washington. Ainsi, les États-Unis ont su globalement contraindre les autres États à respecter une loi votée en 2017 au Congrès américain <a href="https://www.dhs.gov/news/2021/02/11/countering-america-s-adversaries-through-sanctions-act-faqs">« Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act »</a>, qui renforce les sanctions déjà existantes contre l’Iran, la Corée du Nord et la Russie.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521956/original/file-20230419-24-wg1vh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521956/original/file-20230419-24-wg1vh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521956/original/file-20230419-24-wg1vh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521956/original/file-20230419-24-wg1vh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521956/original/file-20230419-24-wg1vh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521956/original/file-20230419-24-wg1vh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521956/original/file-20230419-24-wg1vh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les deux poids lourds du BRICS : le président russe Vladimir Poutine et son homologue chinois Xi Jinping portent un toast lors de leur dîner au Kremlin, à Moscou, le 21 mars 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Pavel Byrkin, Sputnik, Kremlin Pool Photo via AP)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce « chantage » du dollar exaspère des pays, notamment ceux des BRICS, et les incite à mettre en œuvre des alternatives pour assurer leurs transactions commerciales hors du contrôle de Washington. Jusqu’à maintenant, malgré les fluctuations des taux de change, la place du dollar américain contre les autres monnaies de réserve est demeurée passablement stable, selon le FMI. </p>
<p>Toutefois, toujours selon le FMI, la <a href="https://www.imf.org/en/Blogs/Articles/2021/05/05/blog-us-dollar-share-of-global-foreign-exchange-reserves-drops-to-25-year-low">part du dollar américain dans les avoirs officiels des banques centrales mondiales a chuté de 71 % en 1999 à 59 % en mai 2021, son plus bas niveau depuis 25 ans</a>, au profit d’autres devises telles que l’euro, le rouble, le yuan (ou Renminbi) ou même l’or. En décembre 2022, le billet vert a encore perdu un point de pourcentage pour s’établir à 58 % dans les avoirs officiels des banques centrales mondiales. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521963/original/file-20230419-14-i3uq23.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521963/original/file-20230419-14-i3uq23.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521963/original/file-20230419-14-i3uq23.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521963/original/file-20230419-14-i3uq23.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521963/original/file-20230419-14-i3uq23.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521963/original/file-20230419-14-i3uq23.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521963/original/file-20230419-14-i3uq23.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Figure 3.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
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<h2>Le yuan, la prochaine monnaie commune du BRICS ?</h2>
<p>La <a href="https://rightsindevelopment.org/notre-travail/la-nouvelle-banque-de-developpement-des-bric/?lang=fr">Nouvelle banque de développement (NBD) du groupe des BRICS</a>, basée à Shanghai, et inaugurée en 2015, vise à mettre fin à l’hégémonie de la devise américaine dans leurs transactions internationales. </p>
<p>Sa mission est de financer les infrastructures et le développement durable dans les marchés émergents et les pays en développement. Elle se veut une alternative au système de Bretton Woods (FMI et Banque mondiale), plus orientée vers les pays en développement. La volonté des membres fondateurs de la NBD est de créer une monnaie commune.</p>
<p>Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/economie/2022-06-29/guerre-en-ukraine/etats-unis-et-allies-ont-gele-330-milliards-de-dollars-russes-depuis-le-debut-du-conflit.php">plusieurs centaines de milliards de dollars</a> d’avoirs de la banque centrale russe ont été gelés par les États-Unis et leurs alliés occidentaux. Cette sanction sans précédent contre Moscou envoie un signal fort à certains dirigeants (qui seraient tentés de mal se comporter) sur les possibilités d’action de l’Occident.</p>
<p>Cela a apporté un argument aux pays du BRICS dans leur diplomatie contre l’ordre économique actuel. Depuis, plusieurs pays ont décidé d’effectuer leurs échanges commerciaux sous autres monnaies que le dollar américain, essentiellement le yuan. </p>
<p>Dans ce contexte, la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/04/15/la-visite-de-lula-en-chine-illustre-les-ambitions-et-les-limites-des-brics_6169645_3210.html">visite du président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva en Chine le 14 avril</a> n’est pas passée inaperçue. Il s’est dit prêt à augmenter ses échanges avec la Chine réalisés désormais en yuan.</p>
<p>Outre le Brésil, la Chine a aussi conclu des ententes commerciales avec le Venezuela, <a href="https://www.courrierinternational.com/article/geopolitique-la-chine-et-l-iran-annoncent-un-partenariat-strategique-global">l’Iran</a>, l’Inde et la Russie, lui permettant d’utiliser le yuan (à la place du dollar) dans ses transactions avec ces pays. <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1940243/petrole-chine-arabie-saoudite-cooperation-golfe">Le président Xi Jinping a aussi participé en décembre à un sommet avec les six pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG)</a>, soit l’Arabie saoudite, le Koweït, les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Qatar et Oman. La Chine souhaite une entente avec les pays du CCG pour régler en yuan ses importations de pétrole et du gaz. Ce qui affaiblirait davantage le dollar américain.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521955/original/file-20230419-16-qacnzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521955/original/file-20230419-16-qacnzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521955/original/file-20230419-16-qacnzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521955/original/file-20230419-16-qacnzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521955/original/file-20230419-16-qacnzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521955/original/file-20230419-16-qacnzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521955/original/file-20230419-16-qacnzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le président Xi Jinping a participé en décembre à un sommet avec les six pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG), soit l’Arabie saoudite, le Koweït, les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Qatar et Oman. On le voit, sur cette photo prise le 9 décembre 2022, avec des dirigeants des pays du Golfe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Xie Huanchi/Xinhua via AP)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le projet des pays du BRICS est né de frustrations et d’exaspérations face à l’imposition d’un ordre international très occidentalo-centré du monde. Dans leur <a href="http://www.brics.utoronto.ca/docs/090616-leaders.html">déclaration commune du 16 juin 2009</a>, les dirigeants des BRICS souhaitent « un ordre mondial multipolaire plus démocratique et plus juste, fondé sur l’application du droit international, l’égalité, le respect mutuel, la coopération, l’action coordonnée et la prise de décision collective de tous les États ». </p>
<p>Cet idéal fédérateur des BRICS pourrait être mis à mal par des ambitions potentielles de Pékin de partager le leadership mondial avec Washington. L’Inde et la Russie n’appuieront pas une domination bicéphale sino-américaine du monde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202802/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Zakaria Sorgho est Senior fellow à ACET-Africa (Ghana) et du FERDI (France). </span></em></p>Les pays du BRICS souhaitent un ordre mondial multipolaire. Mais cet idéal pourrait être compromis si Pékin décide de partager le leadership mondial avec Washington.Zakaria Sorgho, Senior fellow at FERDI & ACET-Africa, and Research associate at CREATE, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1622882021-06-10T21:57:51Z2021-06-10T21:57:51ZTaxe mondiale à 15 % sur les multinationales : un accord au G7… et beaucoup de questions<p>Les ministres des Finances du G7 se sont entendus la semaine passée pour <a href="https://www.gov.uk/government/publications/g7-finance-ministers-meeting-june-2021-communique/g7-finance-ministers-and-central-bank-governors-communique">refondre les règles de la fiscalité internationale</a>. Tandis que les grandes multinationales, GAFAM en tête, rivalisent d’ingéniosité pour placer leurs bénéfices dans des États où l’impôt n’existe pas ou peu, les grandes économies s’accordent sur l’idée d’un taux d’imposition minimal sur les sociétés de 15 %, ainsi que sur la possibilité pour les administrations de se répartir 20 % des bénéfices mondiaux des plus grandes sociétés quand la marge dépasse 10 %.</p>
<p>Si des détails techniques, notamment le seuil de chiffre d’affaires des entreprises concernées, demeurent inconnus, nombreux sont ceux, à l’instar du ministre français Bruno Le Maire sur Twitter, qui trouvent d’ores et déjà à se réjouir d’un coup d’arrêt porté à l’évasion fiscale.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1401134351438450688"}"></div></p>
<p>Quand celui-ci salue « une étape historique qui peut remplir la France de fierté », d’autres invitent néanmoins à la nuance. Ces points d’accord doivent notamment obtenir l’aval des autres États impliqués dans le processus de négociation dirigé à l’OCDE par le Français Pascal Saint-Amans. Le contexte post-Covid, marqué notamment par le <a href="https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/pascal-saint-amans-ocde-l-heure-est-a-une-refonte-historique-de-la-fiscalite_2148546.html">volontarisme des États-Unis</a> sur la question, peut-il s’avérer propice à la conclusion d’un processus entamé il y a presque dix ans maintenant, en 2012 avec la mise en place des BEPS ?</p>
<p>Quelles sont d’ailleurs les chances que les discussions du week-end passé prennent (enfin) un tour concret quand il suffit, pour ne pas être juridiquement contraint par une décision de l’OCDE, de s’abstenir au moment de son adoption ? À l’échelle européenne, la mesure devra par ailleurs être adoptée à l’unanimité par les Vingt-Sept. Quel intérêt pour l’Irlande ou la Hongrie, principales pénalisées par la mesure, à jouer le jeu ?</p>
<p>Outre l’implémentation des mesures, se pose la question du seuil retenu. Pourquoi 15 % quand seules trois économies de l’OCDE affichent des taux inférieurs ? Est-il crédible d’imaginer un taux de 21 % comme le proposait début avril l’administration Biden, voire 25 % à l’instar de certaines ONG ?</p>
<p>Éléments de réponses avec Vicent Vicard, économiste responsable du programme « Analyse du commerce international » au CEPII.</p>
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<p><iframe id="tc-infographic-568" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/568/ac06534b333315ddae980998d5cd8263464b2501/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<hr>
<h2>Pour aller plus loin</h2>
<ul>
<li>Au cœur des débats, le taux d’imposition minimal retenu ne constitue pas une question neutre. Imaginé pour l’heure à 15 %, il ne concernerait aucun des membres du G7 et seulement trois membres de l’OCDE, exception mise à part de territoires au statut particulier comme l’île de Jersey.</li>
</ul>
<iframe title="Trois économies de l’OCDE taxent les sociétés à un taux inférieur à 15 %" aria-label="Graphique en colonnes" id="datawrapper-chart-4yXSq" src="https://datawrapper.dwcdn.net/4yXSq/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width : 0 ; min-width : 100 % !important ; border : none ;" height="600" width="100%"></iframe>
<ul>
<li>Augmenter ce seuil à 21 % comme le propose l’administration Biden par l’intermédiaire de Janet Yellen, secrétaire au Trésor, concernerait bien davantage d’États, y compris des poids lourds de l’économie mondiale comme l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Canada ou la Russie.</li>
</ul>
<iframe title="La plupart des grandes économies sont au-dessus du seuil de 15 %" aria-label="Carte" id="datawrapper-chart-8wHhK" src="https://datawrapper.dwcdn.net/8wHhK/3/" scrolling="no" frameborder="0" style="width : 0 ; min-width : 100 % !important ; border : none ;" height="421" width="100%"></iframe>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/405146/original/file-20210608-120786-slwkab.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/405146/original/file-20210608-120786-slwkab.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/405146/original/file-20210608-120786-slwkab.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=910&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/405146/original/file-20210608-120786-slwkab.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=910&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/405146/original/file-20210608-120786-slwkab.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=910&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/405146/original/file-20210608-120786-slwkab.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1143&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/405146/original/file-20210608-120786-slwkab.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1143&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/405146/original/file-20210608-120786-slwkab.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1143&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
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</figure>
<ul>
<li>Dans la littérature économique, Gabriel Zucman et Emmanuel Saez proposent, eux, un taux de 25 % avec lequel les États s’autoriseraient à « récupérer un déficit fiscal mondial ». Dans leur ouvrage <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/14/le-triomphe-de-l-injustice-un-livre-programmatique_6015382_3232.html"><em>Le triomphe de l’injustice : richesse, évasion fiscale et démocratie</em></a>, publié fin 2019, les économistes reviennent notamment sur le changement de philosophie opérée lors des années Reagan : l’impôt n’est plus perçu comme « le prix à payer pour une société civilisée » tel qu’écrit au fronton du bâtiment du fisc américain à l’époque de Franklin D. Roosevelt, c’est l’État qui devient « le problème ». Les deux économistes français, proches notamment de Thomas Piketty, veulent montrer qu’un retour en arrière n’est pas inenvisageable.</li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/162288/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Assiette, exceptions, coordination internationale, négociations européennes… De nombreux points restent à trancher avant de concrétiser le projet entériné par les grandes puissances début juin.Vincent Vicard, Économiste, adjoint au directeur, CEPIIThibault Lieurade, Chef de rubrique Économie + Entreprise, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1624732021-06-10T21:57:01Z2021-06-10T21:57:01ZDébat : L’entreprise à mission détourne l’entreprise de sa mission<p>La <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/06/05/g7-finances-les-etats-unis-saluent-un-engagement-sans-precedent_6083011_3234.html">récente décision du G7 Finances</a> d’instaurer une taxe mondiale d’au moins 15 % sur les multinationales constitue une occasion de revenir sur la création du statut d’« entreprise à mission ». En effet, la première mission des entreprises dans une économie capitaliste est de contribuer à l’enrichissement de la collectivité, et notamment, au travers de l’impôt, au financement des services publics et des systèmes sociaux.</p>
<p>L’ambition du statut apparu avec la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite <a href="https://www.economie.gouv.fr/loi-pacte-croissance-transformation-entreprises">loi Pacte</a>, est de « donner du sens » à l’activité des entreprises, en élargissant leur responsabilité à de multiples parties prenantes, jusqu’à leur attribuer un rôle actif dans des causes sociales ou environnementales.</p>
<p>Se constituer en société à mission est le troisième étage du nouvel arsenal prévu à <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038589926/">l’article 1835</a> du Code civil. Une société peut se doter d’une raison d’être, l’inscrire dans ses statuts et devenir société à mission lorsqu’elle met en place un organisme chargé de veiller au respect de cette raison d’être.</p>
<p>Antoine Frérot, PDG de Véolia, premier groupe du CAC 40 à s’être doté d’une raison d’être, a ainsi <a href="https://www.societal.fr/antoine-frerot-une-entreprise-est-prospere-parce-quelle-est-utile">affirmé</a> début mars dans Sociétal, le média du think tank l’Institut de l’Entreprise :</p>
<blockquote>
<p>« C’est parce qu’une entreprise est utile qu’elle est prospère, et non l’inverse ».</p>
</blockquote>
<p>D’économique, la nature des entreprises devient ainsi de plus en plus politique.</p>
<p>Or, comme je l’ai expliqué dans <a href="https://www.hbrfrance.fr/xerfi-100-idees-impertinentes-pour-mieux-manager/">mon dernier ouvrage</a>, et pour inverser l’affirmation d’Antoine Frérot, les entreprises sont utiles parce qu’elles sont prospères. Leur prospérité leur permet de créer des emplois, d’innover, de rémunérer leurs actionnaires, de rembourser leurs dettes, et par-dessus tout de payer leurs impôts. Plus elles engrangent de profits, plus elles doivent être contributives.</p>
<h2>Une légitimité contestée</h2>
<p>Au cours des cinquante dernières années, le capitalisme a démontré une capacité sans équivalent à assurer la prospérité du plus grand nombre. Avec la chute de l’Union soviétique et la libéralisation économique, une part significative de l’humanité a enfin été <a href="https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/le-nombre-de-pays-pauvres-a-ete-divise-par-deux-en-vingt-ans-1026500">sortie de la misère</a>, de la famine et de la maladie.</p>
<p>Cependant, cet élan progressiste a été corrompu par la volonté politique de certains gouvernements, dont ceux de Ronald Reagan aux États-Unis et de Margaret Thatcher au Royaume-Uni, qui ont drastiquement <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/le-triomphe-de-l-injustice-emmanuel-saez/9782021412123">réduit la contribution fiscale des entreprises et de leurs actionnaires</a>. Cette dérive a encore été encouragée par la tolérance à l’égard des paradis fiscaux, ce qui a stimulé l’émergence d’une vaste industrie de l’optimisation fiscale.</p>
<p>Peu à peu, les grandes entreprises ont perdu leur légitimité citoyenne en échappant à l’impôt. Parmi celles-ci, les géants de l’Internet ont notamment démontré l’étendue de leurs <a href="https://academie-des-sciences-commerciales.org/les-gafa-et-leur-strategie-doptimisation-fiscale/">talents pour l’évasion fiscale</a>.</p>
<p>Face à cette désertion, l’image des entreprises s’est dégradée. Puisque leur authentique mission sociale – créer des richesses pouvant être partagées – a été altérée, les critiques se sont élevées pour réclamer qu’elles retrouvent une forme de légitimité citoyenne. C’est ainsi que, peu à peu, encouragée notamment par des courants de pensée catholiques et/ou marxistes, la réflexion sur les entreprises à mission a émergé.</p>
<h2>Conçues pour être rentables</h2>
<p>Or, vouloir donner un rôle politique aux entreprises relève d’une confusion malheureuse entre, d’une part, la création du profit et, d’autre part, son partage. En effet, dire que le rôle premier d’une entreprise est de faire du profit n’est pas une affirmation connotée politiquement, idéologiquement ou philosophiquement : c’est une affirmation technique.</p>
<p>Dans le vaste ensemble des organisations, qui comprend – outre les entreprises – les services publics, les associations, les partis politiques, les syndicats, les armées ou les églises, la seule caractéristique distinctive des entreprises est en effet leur but lucratif. Les entreprises sont par définition des organisations conçues pour être rentables.</p>
<p>Si l’on souhaite conduire un projet social ou politique, il est certainement très pertinent de fonder un parti, un syndicat ou une association, mais si l’on fonde une entreprise, c’est que l’on cherche à créer des richesses. Le partage de ces richesses est bien entendu une question éminemment politique. En revanche, celle de leur création ne l’est pas, à partir du moment où elle s’inscrit dans le respect des lois.</p>
<p>Comme l’a souligné l’économiste Milton Friedman dans son célèbre article <a href="https://www.nytimes.com/1970/09/13/archives/a-friedman-doctrine-the-social-responsibility-of-business-is-to.html"><em>The Social Responsibility of Business is to Increase its Profits</em></a>, l’entreprise a nécessairement une responsabilité sociale par le fait qu’elle contribue – si elle est bien gérée – à la prospérité de la société. Il compare d’ailleurs les dirigeants qui se découvrent une responsabilité sociale à Monsieur Jourdain qui réalise qu’il fait de la prose sans le savoir.</p>
<p>Pour autant, ce n’est pas à l’entreprise de décider des bénéficiaires de cette prospérité. Les dirigeants d’entreprise ne sont pas des élus politiques. Ils ne doivent pas inféoder l’entreprise à leurs convictions. L’entreprise est le moteur de la prospérité sociale, mais elle ne doit pas devenir son architecte. Or, c’est très exactement l’ambition des entreprises à mission.</p>
<h2>L’impératif du sens</h2>
<p>Chercher à donner un sens à l’activité d’une entreprise est éminemment respectable. Les incitations financières ne se substituent pas à la motivation. Pire, elles finissent par la détruire, en transformant des individus motivés en agents calculateurs et en substituant l’appât du gain à l’implication. Pour assurer la performance d’une entreprise, mais aussi pour garantir l’épanouissement et la santé de son personnel, la quête de sens est absolument nécessaire.</p>
<p>Pourquoi faudrait-il rajouter un surplus de sens à l’activité des entreprises ? à partir du moment où elles ont des clients disposés à acheter leurs offres, les entreprises répondent à une attente. Vendre des yaourts, des assurances ou du papier toilette, vêtir, distraire, transporter, financer ou informer, c’est intrinsèquement utile. Prôner le contraire est soit une pose intellectuelle de mépris du travail, soit l’aveu d’impuissance de dirigeants incapables de motiver leurs équipes.</p>
<p>La première mission d’une entreprise, c’est de faire son métier et de le faire bien, en dégageant une rentabilité qui permettra d’embaucher, d’investir, d’innover, de rembourser ses dettes et de payer ses impôts. Cela n’a rien de facile, c’est déjà admirable d’y parvenir, et cette fierté de l’accomplissement constitue une puissante motivation.</p>
<h2>Une dangereuse dérive</h2>
<p>Depuis la promulgation de la loi Pacte en 2019 qui a modifié l’article 1835 du Code civil, <a href="https://www.entreprisesamission.com/">on dénombre à ce jour plus de 180 sociétés françaises à mission</a> qui se sont dotées d’une raison d’être, dont <a href="https://www.ecommercemag.fr/Thematique/retail-1220/Breves/entreprises-sont-devenues-societes-mission-2020-356582.htm">88 au cours de l’année 2020</a>. Cette raison d’être mobilise, la plupart du temps, des termes à première vue positifs tels que « avenir meilleur » ou « démarche responsable ».</p>
<p>Or, ces affirmations reposent sur des présupposés implicites rarement discutés. Les pires régimes politiques ou religieux de l’histoire n’ont-ils pas systématiquement employé des termes comparables pour justifier leurs ambitions ? De leur point de vue aussi, il s’agissait de rendre le monde « meilleur » et plus « responsable », et l’impératif de leur mission a légitimé leurs exactions.</p>
<p>En fait, ce qu’oublient les défenseurs des entreprises à mission, c’est que leurs opinions n’ont aucune raison d’être partagées par tous et que « meilleur » et « responsable », cela ne veut pas dire la même chose selon le pays, l’industrie ou la culture. Ce qui est « bien » pour les uns peut tout à fait être « mal » pour les autres, et attendre des entreprises qu’elles fassent le « bien », c’est risquer qu’elles se mettent à faire le « mal ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1346495627555983361"}"></div></p>
<p>Derrière ses atours bienveillants et son discours inclusif, l’entreprise à mission constitue une dangereuse dérive. En effet, si l’entreprise devient politique, rien ne dit que les idéaux qu’elle défendra seront partagés par tous, et notamment par ses salariés, ses actionnaires ou ses clients. Par définition, le militantisme est partisan. Par nature, l’engagement politique est discriminant. Par essence, les opinions ne sont jamais unanimes.</p>
<p>Donner une dimension politique aux entreprises, c’est accepter qu’elles puissent se mettre à défendre des idées conservatrices, éventuellement réactionnaires, voire extrémistes. Souhaite-t-on vraiment que les GAFAM, mais aussi Huawei, Aramco ou Gazprom, par exemple, endossent ouvertement un rôle politique en plus de leur pouvoir économique et technologique ? Qui pourrait alors s’y opposer ? Le scandale Cambridge Analytica, qui a vu Facebook s’immiscer dans l’élection de Donald Trump, est là pour nous rappeler ce danger. Si l’enfer est pavé de bonnes intentions, les pires desseins prétendent parfois mener au paradis.</p>
<h2>Deux propositions</h2>
<p>Il serait paradoxal qu’un mouvement issu de la critique de l’entreprise finisse par lui donner un rôle politique qu’elle ne réclamait pas. Une nouvelle fois : laissons aux états, aux législateurs et aux gouvernements la tâche de mettre en place ce qu’est le « mieux » et le « bien ». Utilisons les entreprises pour ce quoi elles sont faites : répondre aux attentes de leurs clients, créer des emplois et financer la puissance publique au travers de l’impôt. Au public de fixer les règles, au privé de les respecter. La véritable raison d’être d’une entreprise, sa véritable mission, c’est d’être profitable.</p>
<p>Bien entendu, cela doit passer par un sursaut collectif à l’encontre de l’évasion fiscale. L’instauration de la taxe mondiale d’au moins 15 % sur les multinationales semble aller dans le bon sens.</p>
<p>Dans cette optique, on peut proposer deux autres pistes, en apparence anodines. D’abord, plutôt que de classer les entreprises selon leur chiffre d’affaires ou leur rentabilité, les magazines économiques devraient publier un classement des entreprises qui payent le plus d’impôts. Gageons que certaines se battraient – parmi lesquelles, espérons-le, les entreprises à mission – pour être les mieux classées. Saine concurrence.</p>
<p>Deuxième piste : la prochaine fois qu’une entreprise publiera sa raison d’être ou adoptera le statut d’entreprise à mission, mettez sa sincérité à l’épreuve en effectuant une simple vérification : est-ce qu’au sein de ses équipes juridiques elle emploie des fiscalistes ? Si oui, c’est que – d’une manière ou d’une autre – elle tente d’échapper à la forme la plus fondamentale de citoyenneté pour une entreprise : payer ses impôts.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162473/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Fréry ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le statut apparu avec la loi Pacte donnerait aux entreprises un rôle politique qu’elles ne devraient pas avoir, leur vocation sociale étant avant tout de réaliser des profits… et de payer des impôts !Frédéric Fréry, Professeur de stratégie, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1566312021-03-18T14:02:16Z2021-03-18T14:02:16ZLe Canada a tout ce qu’il faut pour innover, mais il n’investit pas assez en R&D<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/389964/original/file-20210316-14-d22hac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C40%2C5472%2C3555&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Canada n’arrive plus depuis 2015 à joindre le top 20 des pays les plus innovateurs.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Innover ou périr. Les entreprises n’ont pas tellement le choix d’adopter cette vision si elles veulent survivre. L’innovation est primordiale pour affronter la concurrence croissante sur les marchés, qui force les entreprises à se distinguer. Le Canada doit investir davantage pour stimuler cette innovation.</p>
<p>En tant que professeur de finance, je m’intéresse à la finance d’entreprise, et particulièrement à la structure du capital, la politique de dividende, et la gouvernance. Récemment, j’ai entrepris un vaste projet de recherche sur l’innovation des entreprises à travers le monde. Les résultats <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0929119920302911">d’une première étude</a> portant sur l’effet de la culture nationale sur l’innovation ont été publiés dans la revue <em>Journal of Corporate Finance</em>.</p>
<h2>Le Canada peut faire mieux</h2>
<p>À la tête du <a href="https://www.bloombergquint.com/global-economics/south-korea-leads-world-in-innovation-u-s-drops-out-of-top-10">dernier classement</a> de l’indice d’innovation publié par Bloomberg en février dernier se trouve la Corée du Sud, suivie de Singapour, et le top 10 est complété par huit pays européens dont trois pays scandinaves. Le Canada se retrouve au 21<sup>e</sup> rang mondial, en progression d’une place par rapport à 2020. Alors qu’il était classé au 121<sup>e</sup> rang mondial en 2015, il n’arrive plus depuis à joindre le top 20 des pays les plus innovateurs.</p>
<p>Il faut noter cependant que l’indice général d’innovation de Bloomberg est une mesure qui intègre des composantes dont certaines sont des inputs au processus d’innovation, telles que les dépenses en recherche et développement (R&D) ou la formation postsecondaire, qui représente le point faible du Canada (37<sup>e</sup> au monde).</p>
<p>Curieusement, et en dépit d’un classement moyen en matière d’inputs, le Canada fait partie du top 5 mondial en matière de génération de brevets, qui est une mesure d’output de l’innovation.</p>
<p>Qu’est-ce qui peut expliquer cette disparité dans le classement du Canada entre les inputs et les outputs de l’innovation ?</p>
<h2>Les ingrédients de l'innovation</h2>
<p>L’innovation n’est pas uniquement une question de moyens financiers. En effet, faisant partie du G7, le Canada n’est pas le seul pays dont le <a href="https://www.imf.org/external/datamapper/NGDPD@WEO/OEMDC/ADVEC/WEOWORLD">classement mondial du PIB est nettement inférieur à celui de l’innovation</a>.</p>
<p>Les États-Unis, pays le plus riche au monde, ne font plus partie du top 10 de l’indice d’innovation de Bloomberg. Ils sont dépassés par des pays dont le PIB est largement inférieur, tels que la Finlande (8<sup>e</sup> pays le plus innovateur et 43<sup>e</sup> au classement par PIB) ou l’Autriche (10<sup>e</sup> en innovation et 26<sup>e</sup> selon le PIB).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/389988/original/file-20210316-24-bw7pr6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/389988/original/file-20210316-24-bw7pr6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=437&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/389988/original/file-20210316-24-bw7pr6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=437&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/389988/original/file-20210316-24-bw7pr6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=437&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/389988/original/file-20210316-24-bw7pr6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=549&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/389988/original/file-20210316-24-bw7pr6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=549&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/389988/original/file-20210316-24-bw7pr6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=549&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le top 10 de l’innovation de Bloomberg 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bloomberg</span></span>
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<p>Des facteurs institutionnels peuvent favoriser ou entraver le processus de l’innovation, et <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1540-6261.2011.01688.x">plusieurs études</a> <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0304405X13003024">scientifiques</a> ont essayé de les déterminer.</p>
<p>Un facteur institutionnel informel lié à l’innovation est la culture. Gerard Hofstede, psychologue néerlandais, est un pionnier dans l’étude de la culture des sociétés. Il identifie <a href="https://scholarworks.gvsu.edu/orpc/vol2/iss1/8/">six attributs culturels</a> : l’indice de distance hiérarchique, d’orientation à long terme, d’indulgence, d’évitement de l’incertitude, d’individualisme, et de ce qu’il a appelé des valeurs « masculines », qui reflètent en fait le niveau de compétitivité entre les individus.</p>
<h2>L’importance de la culture</h2>
<p>Notre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0929119920302911">étude</a> publiée en février 2021, examine l’effet de ces dimensions culturelles sur l’innovation. Les résultats sont très révélateurs :</p>
<ul>
<li><p>La distance hiérarchique, qui mesure à quel point les individus d’une organisation acceptent que le pouvoir y soit réparti de façon inégale, a un effet négatif sur l’innovation. Dans les sociétés où cet indice est élevé, les individus ont un accès limité à l’information, ce qui nuit à l’innovation. En revanche, dans les sociétés à faible indice de distance hiérarchique, tels que les pays scandinaves, les individus ont plus de liberté et plus d’incitations à innover.</p></li>
<li><p>L’indulgence indique à quel point les sociétés donnent à leur population la liberté de satisfaire leurs désirs. Les personnes vivant dans des sociétés à haut indice d'indulgence sont généralement optimistes, encouragent le débat et le dialogue dans les réunions et les processus décisionnels, et priorisent la rétroaction, le coaching et le mentorat. Ces caractéristiques s’avèrent de bons atouts pour l’innovation.</p></li>
<li><p>Les entreprises opérant dans une société à orientation à long terme sont plus susceptibles d’innover. Dans ces sociétés, les individus ont tendance à être plus persévérants et persistants. Ils acceptent que les résultats prennent du temps à atteindre et ont tendance à établir des relations à long terme avec leurs employeurs.</p></li>
<li><p>L’évitement de l’incertitude reflète le degré de tolérance d’une société à l’ambiguïté. Les sociétés dans lesquelles cet indice est élevé considèrent que tout ce qui est différent est dangereux et elles s’en protègent en promulguant des lois et des règles strictes. Ces sociétés sont moins innovatrices, car plus réticentes aux changements et aux nouvelles idées.</p></li>
<li><p>Le degré d’individualisme indique à quel point les individus sont dissociés et déconnectés des groupes. Dans les sociétés individualistes, par opposition aux sociétés collectivistes, comme les pays communistes, les valeurs de liberté individuelle et d’initiative sont encouragées et récompensées. L’innovation est encouragée dans ces sociétés qui fournissent un environnement dynamique et stimulant pour la créativité.</p></li>
<li><p>Les valeurs qualifiées de « masculines » par Hofstede, comme l’affirmation de soi et la compétitivité, ne favorisent pas l’innovation. Dans les sociétés qui valorisent plutôt la modestie et l’altruisme, l’accent est mis sur la résolution des conflits, la confiance et le soutien émotionnel. La probabilité que les entreprises innovent y est plus élevée.</p></li>
</ul>
<h2>Une terre fertile</h2>
<p>Si l’on se réfère aux six dimensions de la culture, le <a href="https://www.hofstede-insights.com/country/canada/">Canada possède des indices élevés</a> d’individualisme et d’indulgence, modérés de « masculinité » et plutôt faibles d’évitement de l’incertitude, de distance hiérarchique, et d’orientation à long terme.</p>
<p>Ceci veut dire qu’à l’exception de celui de l’orientation à long terme, les cinq autres attributs de la culture canadienne sont de nature à favoriser l’innovation. Ceci pourrait donc expliquer, du moins en partie, pourquoi le Canada fait bonne figure en matière de production de brevets en dépit d’un niveau plutôt modeste dans les ingrédients de l’innovation.</p>
<p>Le Canada serait donc une terre fertile à l’innovation dans laquelle il suffit de semer les ingrédients pour en récolter les fruits. La culture générale y est largement propice. La culture étant un ensemble de valeurs, de croyances et de préférences durables et qui sont très lentes à évoluer, cet avantage culturel à l’innovation que le Canada possède est là pour durer. Il faudrait donc miser sur cet atout en investissant largement dans la R&D, aussi bien dans les secteurs manufacturier, de la haute technologie que dans l’éducation postsecondaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/156631/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Imed Chkir a reçu des financements du conseil de recherches en sciences humaines, et de l'association des comptables professionnels agrées du Canada.</span></em></p>Le Canada a une culture propice à l’innovation. Il devrait mettre à profit cet atout en investissant plus largement dans la recherche et développement (R&D).Imed Chkir, Professeur de Finance, L’Université d’Ottawa/University of OttawaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1226532019-09-01T18:45:21Z2019-09-01T18:45:21ZL’Amazonie en proie aux incendies… et aux calculs politiques<p>Le 19 août dernier, un épais nuage de fumée plonge São Paulo dans l’obscurité. Il est 15h, le Brésil se réveille : l’Amazonie est en feu. La nouvelle, à l’inverse des flammes, peine pourtant à se propager, alors que les incendies durent déjà depuis plusieurs semaines dans le nord et la région centre-ouest du Brésil.</p>
<p>Quelques images « choc » et des vidéos circulent sur les réseaux sociaux, n’ayant parfois rien à voir avec les évènements récents. Le ministre brésilien de l’Environnement, Ricardo Salles, qui n’a visiblement pas pris ombrage des nuages noirs accumulés au-dessus de la principale métropole brésilienne, dénonce des manipulations médiatiques. Début août, suite à la publication d’images satellites révélatrices, le directeur de l’Institut national de recherche spatiale lui-même avait été accusé de diffuser de fausses rumeurs, et contraint à démissionner.</p>
<p>Le scandale, néanmoins, grossit, et bientôt, des internautes du monde entier « pray for Amazonia ». Alors que le voile se lève peu à peu sur les pratiques de déforestation massives perpétrées sur le territoire brésilien, le Président Bolsonaro, négationniste climatique assumé, ne semble pas disposé à intervenir pour faire cesser les flammes. C’est dans ce contexte qu’intervient la fameuse déclaration macronienne, qui va mettre le feu aux poudres…</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1164616868080103425"}"></div></p>
<h2>L’Amazonie, un enjeu de souveraineté</h2>
<p>Pour entrer au cœur de la dispute Macron-Bolsonaro, il faut s’écarter momentanément de la question amazonienne. Ou plutôt la resituer, non plus seulement dans un contexte environnemental, mais dans un débat classique de relations internationales : celui de la souveraineté.</p>
<p>Si elle constitue symboliquement « notre maison » et « une ressource dont les bienfaits bénéficient à tous et <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/08/27/il-faut-mieux-proteger-l-amazonie_5503184_3232.html">dont la destruction nuirait à tous</a> » l’Amazonie appartient, stricto sensu, aux territoires d’États souverains. Au regard du droit international, elle ne constitue pas un espace commun, au même titre par exemple que l’Arctique ou les océans.</p>
<p>Un potentiel recours légal, pour faire pression sur l’État brésilien serait la Convention de l’Unesco, signée par lui, qui engage les parties à préserver les sites reconnus comme patrimoine de l’humanité. Là encore, prudence : seule une <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/998/">partie de l’Amazonie</a> est concernée : 6 millions d’hectares sur 550 au total. Et ce texte n’est associé à aucune force contraignante – c’est l’éternelle limite du droit international. Même si des principes de « responsabilité de protéger » ou « écocide » ont pu être <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/08/27/il-faut-mieux-proteger-l-amazonie_5503184_3232.html">convoqués</a>, ceux-ci n’ont pas de validité juridique : le système international garantit à l’État brésilien le droit de décider sur son territoire amazonien.</p>
<p>Dès lors, la mise à l’agenda du G7 par Emmanuel Macron de ce qu’il qualifie de « crise internationale » pose question… Comment un comité informel de 7 États, dont le Brésil ne fait pas partie, pourrait-il prétendre à traiter cet enjeu, unilatéralement et en l’absence du premier intéressé ? Au Brésil, même chez de farouches opposants à Bolsonaro, l’appel du Président français provoque une certaine gêne.</p>
<h2>Faire pression sur le Brésil</h2>
<p>L’annonce faite, dimanche 25 août, du soudain retrait français dans le processus de finalisation d’un traité commercial de l’Union européenne avec le Mercosur – incluant le Brésil, mais aussi l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay – a surpris une partie de l’opinion. En particulier les nombreuses ONG qui s’étaient mobilisées par une lettre ouverte contre la conclusion de cet accord – <a href="https://www.greenpeace.fr/g7-nouvel-echec-de-la-diplomatie-climatique-pour-e-macron/">restée alors lettre morte</a>. L’Allemagne elle-même a émis des réserves sur une attitude potentiellement contre-productive : le traité tel que négocié en juin comprenait justement une clause de protection environnementale qui devait inciter Bolsonaro à honorer les engagements de la COP21…</p>
<p>En tout cas, la mise en balance de partenariats commerciaux comme levier de pression ou de négociation est monnaie courante en diplomatie. En menaçant de s’opposer au traité, Macron fait appel au classique « jeu de la carotte et du bâton » – faisant de l’œil, du même coup, aux secteurs de l’opinion française hostiles à la signature : lobbies agricoles et ONG environnementales notamment.</p>
<p>L’autre levier diplomatique mobilisé par le chef d’État français semble, lui, plus problématique. Et pour cause : en mettant la crise amazonienne à l’agenda d’une rencontre politique à laquelle le Brésil n’a pas été convié, le Président français touche une corde sensible.</p>
<h2>Diplomatie 2.0 : nouveaux canaux… mais vieux démons</h2>
<p>S’il figure au rang des dix premières économies mondiales, le Brésil est un État du Sud et reste marqué par un passé colonial. Les questions de souveraineté, contre les menaces d’ingérence des anciennes métropoles, constituent un axe clé de sa diplomatie… tournée de longue date vers la volonté d’obtenir un jour le statut de membre permanent au Conseil de Sécurité des Nations unies et le sacro-saint pouvoir de veto.</p>
<p>En confiant à une poignée d’États du Nord le soin de s’occuper de cette « crise » <em>souvenrainement</em> brésilienne, Macron réveille les vieux démons de l’époque coloniale… Son appel induit un rapport de force asymétrique, entre les « grands décideurs » – et anciennes métropoles – du G7 et un Brésil exclu, <a href="https://www.cairn.info/revue-civitas-europa-2015-1-page-313.htm">« humilié »</a>, qui n’aurait pas son mot à dire.</p>
<p>Cette intervention provoque la crispation d’une partie de la classe politique brésilienne. Sur Europe 1, l’<a href="https://www.europe1.fr/international/feux-en-amazonie-on-veut-de-laide-pas-dingerence-sagace-lambassadeur-bresilien-3915972">ambassadeur du Brésil, Luis Fernando, martèle</a> : « on veut de l’aide pour combattre le feu, mais on ne veut pas d’ingérence internationale » tandis que Bolsonaro dénonce la « mentalité colonialiste » derrière les propos du Président français. Adepte des réseaux sociaux, qu’il emploie comme canal principal de communication et de « diplomatie », il multiplie dans ses tweets les références au principe de souveraineté, tentant à son tour de diaboliser le chef d’État français.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1166012401348763648"}"></div></p>
<p>Le soutien étatsunien offert par Donald Trump ainsi que sa rencontre avec le président colombien sont immédiatement instrumentalisés : Bolsonaro en fait ses alliés, dans une véritable « croisade » contre l’ingérence. Il joue sur les évènements pour se repositionner sur l’échiquier des alliances internationales et domestiques, tentant de fédérer les Brésiliens autour d’un ennemi commun.</p>
<p>De fait, dans l’échange de politesses entre Macron et Bolsonaro, la réalité des incendies en Amazonie devient prétexte à l’assouvissement d’aspirations politiques personnelles des deux chefs d’État.</p>
<h2>Macron, « champion de la Terre » ?</h2>
<p>Si le tapage médiatique s’est concentré autour des deux dirigeants, ce sont en réalité l’Allemagne et la Norvège qui ont tiré la sonnette d’alarme sur les pratiques de déforestation, en suspendant leur participation au <a href="https://www.mma.gov.br/apoio-a-projetos/fundo-amazonia.html">Fonds Amazonie</a>. Emmanuel Macron, proclamé sournoisement « champion de la Terre » depuis son intervention « Make planet great again » en 2018, n’aurait donc pas été le premier à réagir. En clamant haut et fort sa préoccupation, il endosse pourtant une nouvelle fois le costume du « défenseur de la planète », rappelant son rôle de garant de l’accord de Paris, signé à la suite de la COP21.</p>
<p>Là encore, il a recours à un procédé assez commun en relations internationales comme en marketing : en associant son image et celle de la France à la cause environnementale, il espère donner un second souffle à sa popularité… et à une diplomatie française en déclin.</p>
<p>La convocation du G7 à Biarritz pourrait d’ailleurs s’inscrire dans la même ligne. Or, avant même sa tenue, la <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/RC-017925/g7-le-sommet-de-tous-les-defis/">rencontre ne faisait pas l’unanimité</a>… La mise à l’agenda de la question amazonienne n’aurait-elle pas été pensée comme un moyen de légitimer ce G7, et fédérer les intérêts de membres divisés autour d’un thème consensuel ?</p>
<p>En tout cas, les relations franco-brésiliennes étaient tendues bien avant l’irruption des nouvelles amazoniennes. La négociation du traité UE-Mercosur – notamment l’introduction des fameuses conditions environnementales – avait déjà donné lieu à un bras de fer entre les deux chefs d’État. Mais un autre incident, plus trivial, avait également produit des étincelles.</p>
<p>Fin juillet, alors qu’il avait rendez-vous avec le ministre français des Affaires étrangères à Brasilia, Bolsonaro avait en effet décidé d’annuler la rencontre, à la dernière minute. Le Quai d’Orsay n’aurait sans doute pas coupé les cheveux en quatre… si le Président brésilien n’avait lui-même, quelques instants plus tard, diffusé sur ses réseaux une vidéo où on le voit chez son coiffeur, ne laissant plus aucun doute sur <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/07/31/jair-bolsonaro-annule-une-rencontre-avec-jean-yves-le-drian-pour-une-coupe-de-cheveux_5495059_3210.html">ses intentions de provocation</a>.</p>
<p>Un affront difficile à digérer pour la France, dont la diplomatie a effectivement connu des jours meilleurs : en snobant le chancelier français, Bolsonaro s’assoit sur l’héritage d’une longue tradition diplomatique et d’un prestige… dont le siège permanent au Conseil de Sécurité des Nations unies est un des derniers vestiges. La tentative d’humiliation est claire et Emmanuel Macron y fait lui-même référence, dans une conférence de presse où il répond à des propos injurieux de Bolsonaro à l’encontre de son épouse.</p>
<h2>Repenser les formes de l’action collective</h2>
<p>Les fameux « messages-chocs » du clan Bolsonaro et l’usage pour le moins déviant que celui-ci fait des réseaux sociaux n’ont cependant pas d’autre but que de détourner l’attention du vrai débat : qui a allumé les feux ? Le Président est-il mêlé à l’affaire du <a href="http://www.leparisien.fr/environnement/amazonie-le-jour-du-feu-l-acte-criminel-qui-a-decuple-la-catastrophe-27-08-2019-8140266.php">« dia do fogo »</a> à l’origine d’une partie des incendies ? Comment surmonter le sinistre et faire cesser ces pratiques de déforestation ?</p>
<p>Les yeux braqués sur les agissements de Bolsonaro, les grands lanceurs d’alerte ont d’ailleurs manqué une information importante : quelques mois plus tôt, le gouvernement d’Evo Morales faisait passer en Bolivie une modification à un décret, ouvrant des zones anciennement protégées du pays aux pratiques de déforestation.</p>
<p>À rebours de ce que suggèrent la première déclaration du président français et les nombreuses instrumentalisations qui ont suivi, les incendies en Amazonie ne devraient pas être interprétés comme une « crise internationale ». Ils témoignent en effet d’un problème environnemental global, qui transcende les intérêts des différentes nations et requiert un engagement collectif solide.</p>
<p>D’autres voies, d’autres modes de protection et d’administration des espaces et biens fondamentaux devront être pensés et explorés pour préserver la biodiversité.</p>
<p>La preuve en est que toutes les mises en garde onusiennes, accords de Paris et autres donations financières n’auront pas suffi à sauver les hectares de forêts partis en fumée : alors que les premiers canadairs arrivaient (tardivement !) au-dessus l’Amazonie, le multilatéralisme, lui, semblait déjà prendre l’eau.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/122653/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurie Servières ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Amazonie : la société civile crie au feu, le gouvernement brésilien au complot et Emmanuel Macron à la crise internationale. Analyse des relations franco-brésiliennes, au cours des dernières semaines.Laurie Servières, Doctorante en relations internationales, Sciences Po - Université d'Etat de Rio de Janeiro, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1220652019-08-22T20:10:17Z2019-08-22T20:10:17ZLa radicale incertitude de la finance mondiale<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/288511/original/file-20190819-123727-9ij4wd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C80%2C968%2C585&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La relance de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine a affolé les marchés début août.</span> <span class="attribution"><span class="source">Dragon Images / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Chaque année, la traditionnelle coupure estivale s’accompagne de commentaires plus ou moins pertinents des observateurs économiques d’astreinte sur la situation prévisible à la rentrée de septembre et sur la conjoncture prévue pour le dernier trimestre de l’année. Pour cet exercice, qui relève parfois du marronnier, les analystes scrutent les signaux faibles qui pourraient constituer autant d’indices pour étayer leurs pronostics. Cette année 2019, ils n’auront pas besoin de procéder à une telle collecte de détails signifiants, tant les évènements, faits et informations observables ces dernières semaines sont nombreux et suffisamment concordants pour permettre une analyse documentée.</p>
<p>Les plus nombreux sont liés au flux ininterrompu de tweets du président des États-Unis Donald Trump qui, de semaine en semaine, s’en prend à tout ce qui lui parait entraver son slogan « America first » ; après l’Iran, le Mexique, le Venezuela, l’Union européenne et tant d’autres pays, il s’en prend maintenant à nouveau à la Chine, pays vis-à-vis duquel il souhaite réduire le déficit commercial structurel, via le moyen classique des <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/08/01/donald-trump-relance-la-guerre-commerciale-contre-pekin-avec-de-nouveaux-tarifs-douaniers-de-10_5495675_3210.html">taxes à l’importation</a>. Mais la Chine n’est pas le Venezuela et elle a commencé à riposter, d’une part en <a href="http://www.lefigaro.fr/conjoncture/la-chine-suspend-l-achat-de-produits-agricoles-americains-20190805">réduisant une partie de ses importations</a> en provenance des États-Unis, d’autre part en <a href="http://www.slate.fr/story/180453/chine-etats-unis-guerre-monnaies-renminbi-dollar-euro">laissant filer sa monnaie</a> sur les marchés des changes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1156979446877962243"}"></div></p>
<p>Ces deux évènements ont de quoi inquiéter, car ils expriment les prémisses d’une guerre commerciale, via les instruments classiques que constituent la tarification douanière et le taux de change. Si on sait comment un tel conflit commence, personne ne peut préjuger ni de son ampleur, ni de son issue. S’agissant d’une confrontation entre les deux géants de l’économie mondiale, on ne peut exclure un résultat perdant-perdant pour les deux parties, avec d’importants dommages collatéraux pour le reste du monde.</p>
<h2>Climat préélectoral aux États-Unis</h2>
<p>Dans ce même contexte, on doit situer les évènements propres aux politiques monétaires à travers les comportements des banques centrales. Depuis une douzaine d’années – pour l’essentiel pour faire face à la crise financière mondiale de 2008 – ces banques centrales (Japon, puis États-Unis et UE) ont mis en œuvre des politiques financières dites « accommodantes », se traduisant par une baisse durable des taux directeurs – allant vers des taux proches de zéro, voire négatifs – et un rachat quasi sans limites des créances bancaires (<a href="https://www.lemonde.fr/economie/video/2015/02/27/dessine-moi-l-eco-qu-est-ce-que-le-quantitative-easing_4584540_3234.html">« quantitative easing »</a>).</p>
<p>La bonne santé de l’économie américaine ces dernières années avait permis aux responsables de la Réserve fédérale (Fed) de commencer à revenir à une situation plus classique, se traduisant par une remontée progressive des taux directeurs. C’était sans compter avec le comportement du président Trump réclamant une nouvelle baisse de ces taux.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/288505/original/file-20190819-123710-ftgly9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/288505/original/file-20190819-123710-ftgly9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/288505/original/file-20190819-123710-ftgly9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/288505/original/file-20190819-123710-ftgly9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/288505/original/file-20190819-123710-ftgly9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/288505/original/file-20190819-123710-ftgly9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/288505/original/file-20190819-123710-ftgly9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/288505/original/file-20190819-123710-ftgly9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.abcbourse.com/marches/economie_taux_interet_fed-2">abcbourse.com</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette confrontation interne s’est traduite, à ce jour, par une mini baisse (un quart de point) du principal taux, concession de l’actuel responsable de la Fed accompagnée, par ailleurs, d’une <a href="https://www.wsj.com/articles/america-needs-an-independent-fed-11565045308">mise en garde solennelle</a> des quatre anciens responsables exprimant leur inquiétude sur l’indépendance de cette banque centrale par rapport au pouvoir politique. Nul ne peut, à ce jour, prédire comment les positions des uns et des autres vont se traduire concrètement dans les prochains mois, surtout dans le climat préélectoral dans lequel est entré le pays concerné.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1160574110046572544"}"></div></p>
<p>Les marchés financiers, qui exècrent ce type d’incertitudes, <a href="https://www.latribune.fr/bourse/craintes-sur-l-economie-mondiale-wall-street-replonge-lundi-le-nikkei-et-les-bourses-chinoises-suivent-825687.html">ont commencé à s’affoler</a>. Les principaux indices ont perdu en quelques séances d’août une partie substantielle des gains obtenus depuis le début de la présente année. Celle-ci se situant elle-même dans une série haussière quasi ininterrompue depuis la crise financière de 2008, la véritable question que se posent les analystes est de savoir si ces récents soubresauts expriment le début d’un retournement durable d’un cycle haussier des marchés financiers ou un accident lié aux incertitudes actuelles relatives aux politiques publiques.</p>
<h2>Trésoreries pléthoriques</h2>
<p>Pour tenter d’y répondre sans a priori, il convient d’examiner la situation actuelle des sociétés cotées sur ces marchés. Plusieurs observations s’imposent :</p>
<ul>
<li><p>Tout d’abord, la plupart de ces grandes firmes cotées ont largement bénéficié des politiques monétaires accommodantes leur assurant des financements (crédits bancaires ou obligations) quasiment sans restriction et à un coût très faible, diminuant leur coût moyen du capital et modifiant leurs structures de financement.</p></li>
<li><p>Pour autant, les investissements productifs effectués ces dernières années par les grandes firmes concernées n’ont pas été exceptionnels, se situant dans la fourchette moyenne des années précédentes. De ce fait, maints entreprises et groupes disposent d’une trésorerie pléthorique en attente d’investissements.</p></li>
<li><p>En revanche, on observe une montée significative des rachats d’actions de sociétés cotées par elles-mêmes, surtout aux États-Unis où ce type d’opération est moins contrôlé qu’autrefois ; ce qui se traduit par un soutien des cours boursiers et une accentuation de l’effet de levier, voire à un double effet de levier lorsque ces rachats d’actions ont été financés par le recours à un endettement supplémentaire.</p></li>
</ul>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1134232921127235585"}"></div></p>
<ul>
<li><p>Les facilités de financement, s’ajoutant aux largesses fiscales dispensées notamment par l’actuelle administration américaine, ont permis d’excellents résultats nets, boostant d’autant les cours en bourse.</p></li>
<li><p>Ces différents éléments se conjuguent et peuvent aboutir à un profil de grande société cotée, avec de bonnes performances comptables et boursières, et un bilan comprenant à la fois une trésorerie surabondante à l’actif et un endettement considérable au passif.</p></li>
</ul>
<p>Cette situation, dont maintes firmes dans le monde se contenteraient, nous paraît préoccupante quant à la signification de ce type de situation, sa qualité intrinsèque et sa pérennité. Les performances comptables et a fortiori boursières ne sont pas directement liées au modèle économique suivi, mais aux opérations financières effectuées (recours à la dette, rachats d’actions, etc.) ; rien n’assure que ces effets favorables se retrouveront à l’avenir sauf à en prévoir le maintien, via les politiques monétaires (pour le coût de la dette) ou les manipulations du titre (pour les rachats d’actions).</p>
<h2>Signes avant-coureurs d’une récession</h2>
<p>Cette analyse sommaire, qu’il conviendrait évidemment d’affiner par types d’entreprises et secteurs d’activités, nous amène – s’il faut donner notre propre diagnostic – à considérer que l’économie américaine et ses marchés financiers sont bien à la fin d’un cycle haussier qui a commencé avec les mesures de sauvetage mises en œuvre après la crise de 2007-2008 pour permettre de faire face à cette crise majeure.</p>
<p>Des signaux à interpréter comme prémisses du retournement de la conjoncture économique mondiale et de sa traduction sur les marchés sont apparus d’une manière concordante :</p>
<ul>
<li><p>Sur le plan de la conjoncture, si les indicateurs de l’activité économique américaine restent au vert, des inquiétudes se font jour, liées aux conséquences de la guerre commerciale entamée avec la Chine. Inquiétudes qui ont amené le président Trump, dans une volte-face dont il est coutumier, à <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/trump-relache-la-pression-sur-la-chine-un-geste-pour-le-consommateur-americain_2094408.html">différer de plusieurs mois les nouvelles mesures</a> de taxation douanière qu’il avait annoncées, notamment pour protéger le consommateur inquiet d’une hausse des prix au moment de Noël… Dans le reste du monde, la situation économique est plus préoccupante, les indicateurs étant déjà dégradés (Allemagne) ou en voie de l’être (Royaume-Uni).</p></li>
<li><p>Au niveau des taux, on a assisté à <a href="https://newssworld.news/full-198371-how-youll-know-a-recession-is-coming.html">« l’inversion des taux »</a> entre les bons du trésor américain à court et long terme, signal que les analystes interprètent comme avant-coureur d’une récession.</p></li>
<li><p>Au niveau des marchés boursiers, à plusieurs reprises, sur les grandes places financières américaines, ce sont les entreprises elles-mêmes par leurs rachats d’actions qui ont constitué la <a href="https://newssworld.news/full-198371-how-youll-know-a-recession-is-coming.html">contrepartie</a> aux autres catégories d’agents (personnes, fonds d’investissement) qui étaient « net vendeurs ».</p></li>
</ul>
<p>Les fonds d’investissement semblent conscients de cette situation préoccupante et, pour nombre d’entre eux, jouent l’attentisme, à l’image de l’emblématique fonds de Warren Buffett qui dispose de plus de <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/berkshire-hathaway-a-accumule-un-embarrassant-tresor-de-guerre-1122217">120 milliards de dollars de liquidités</a> en attente d’investissement.</p>
<p>Ces différents effets se conjuguent, certains d’entre eux – comme cet attentisme des fonds d’investissement – étant à la fois une conséquence des autres éléments repérés et un facteur d’aggravation.</p>
<h2>Le G7 au pied du mur</h2>
<p>Les responsables des institutions en charge des politiques économiques et financières sont conscients de ce risque de retournement, mais ont peu de marges de manœuvre. Les banques centrales sont engluées dans leurs politiques d’assouplissement quantitatif et tarifaire qui, selon l’expression du consultant Jacques Ninet dans son essai de 2017, est un peu le <a href="https://classiques-garnier.com/taux-d-interet-negatifs-le-trou-noir-du-capitalisme-financier-essai.html">« trou noir du capitalisme financier »</a>. Le président Trump en est également conscient, mais fera tout pour qu’une nouvelle crise financière ne se déclenche pas avant les prochaines échéances politiques ou, si une telle crise survenait, pour en faire porter la responsabilité aux autres (La Fed, la Chine, etc.) et s’en exonérer.</p>
<p>La prochaine réunion du G7, prévue du 24 au 26 août à Biarritz, ne pourra éluder un échange, probablement « musclé » entre ces responsables. Le président de la République Emmanuel Macron qui accueillera ce sommet au nom de la France tentera certainement d’esquisser une solution qui permette aux partenaires concernés une solution acceptable a minima. Il devrait pouvoir compter sur quelques membres du G7 et sur les nouvelles responsables nommées, avec son appui, à la tête de la Banque centrale européenne (BCE), et du Fonds monétaire international (FMI). Ce n’est pas gagné, car dans le domaine financier plus que tout autre, une confiance partagée entre les acteurs en responsabilité pour mener un programme d’actions est essentielle à la réussite de ces actions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/122065/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Roland Pérez ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les signaux indiquant la fin du cycle haussier amorcé depuis la crise de 2008 se multiplient. Cette situation devrait donner lieu à de vifs échanges lors du G7 de Biarritz qui s’ouvre le 24 août.Roland Pérez, Professeur des universités (e.r.), Montpellier Research in Management, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/808572017-08-23T22:11:34Z2017-08-23T22:11:34ZLe black bloc : quand l’antisystème effraie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/182794/original/file-20170821-27163-cvbm1f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les black bloc participe d'une stratégie politique où la mobilisation est éphémère et ponctuelle visant à destabiliser les politiques néolibérales.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/rutepina/15372928998/">Rute Pina/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span></figcaption></figure><p>Difficile de ne pas les remarquer. Cagoulés, vêtus de noir, ils sont des centaines, parfois plus, à défiler lors d’importants événements politiques, parfois localisés, parfois plus internationaux.</p>
<p>Ils, ce sont les black blocs, ainsi désigné par leur tenues. Le black bloc est une tactique qui consiste à manifester tout de noir vêtu, pour assurer l’anonymat et exprimer une <a href="http://www.luxediteur.com/catalogue/les-black-blocs">critique antisystème</a>.</p>
<p>Ainsi, le sommet du G20 à Hambourg, en juillet 2017 a marqué les esprits en raison de nombreuses <a href="http://www.spiegel.de/fotostrecke/photo-gallery-a-hamburg-neighborhood-digs-out-fotostrecke-149634.html">émeutes</a> ayant émaillé la manifestation : affrontements avec la police, destruction (guichets bancaires, voitures) et pillage, le tout accompagné de graffitis, par exemple : « Free hugs for black blocks » (« calins gratuits pour les black blocs »).</p>
<p>Mais qu’est ce que le « black bloc » ? Et pourquoi est-il ainsi montré du doigt à chaque manifestation ?</p>
<p>Le black bloc, diabolisé dans les médias, est souvent tenu seul responsable du chaos lors des manifestations, même si plusieurs participent aux émeutes sans être en tenue de black bloc. Ainsi, <em>Der Spiegel</em> a publié un texte après le G20 qui épinglait les « émeutiers masqués de noir » qui ne seraient « intéressés que par la violence », pour leur préférer la <a href="http://www.spiegel.de/international/germany/g-20-violence-protest-is-more-important-than-ever-a-1156773.html">« manifestation réellement politique, plus importante que jamais »</a>. C’est une rhétorique bien connue <a href="http://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/livres/altermondialisme-1660.html">des altermondialistes</a>.</p>
<h2>Derrière le masque</h2>
<p>Incarnant des principes des <a href="https://newleftreview.org/II/13/david-graeber-the-new-anarchists">« nouveaux anarchistes »</a>, les black blocs fonctionnent sans hiérarchie. Il s’agit de regroupements ponctuels, le temps d’une manifestation. Avant l’événement, le black bloc n’existe pas ; après l’événement, il n’existe plus.</p>
<p>Cette tactique est apparue en Allemagne de l’Ouest vers 1980, dans le milieu de la contre-culture des squats où se retrouvaient qui voulaient vivre et s’organiser en marge de l’État et du capitalisme. Ces <em>Autonomen</em> (« autonomes ») se mobilisaient <a href="https://www.akpress.org/subversionpoliticsakpress.html">contre le nucléaire et les néonazis</a> et formaient des black blocs en manifestation et pour défendre leurs squats menacés d’expulsion, dont le squat de Hafenstraße, à Hambourg. Aujourd’hui encore, la manifestation anticapitaliste du 1<sup>er</sup> mai à Berlin comporte un important black bloc.</p>
<p>La tactique s’est diffusée par les réseaux militants et la musique punk, jusqu’aux États-Unis et au Canada au début des années 1990. La Bataille de Seattle, lors du sommet de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1999, a été un moment très important pour sa diffusion, encouragée par la couverture médiatique. Depuis, la tactique a été reprise par le mouvement anti-austérité, par le mouvement étudiant (France, Italie, Québec) et <a href="http://www.espm.br/download/anais_comunicon_2014/gts/gt_cinco/GT05_PAULO_RESENDE.pdf">hors d’Occident au Brésil</a> et en <a href="https://thelede.blogs.nytimes.com/2013/01/25/a-black-bloc-emerges-in-egypt/?mcubz=1">Égypte</a>. On retrouve aussi des black blocs dans des manifestations <a href="https://theanarchistlibrary.org/library/anonymous-burning-the-bridges-they-are-building-anarchist-strategies-against-the-police-in-the">contre la police</a>.</p>
<p>De par sa proposition esthétique si particulière, cette tactique est relativement facile à reproduire une fois qu’on l’a observée en action, par exemple dans des vidéos de « riot porn » selon l’expression consacrée.</p>
<figure>
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<figcaption><span class="caption">Une video « riot porn » des black bloc.</span></figcaption>
</figure>
<p>Or, les black blocs ne représentent pas toujours un corps homogène. En Allemagne, les black blocs sont souvent encadrés par des bannières à la tête et sur les côtés, manifestantes et manifestants défilant bras-dessus, bras-dessous. Ailleurs, les individus en noir restent éparpillés dans une manifestation sans former un bloc, ou se regroupant en plusieurs petits groupes. Des groupes d’appui peuvent accompagner des black blocs, par exemple une <a href="http://www.lesinrocks.com/2016/05/17/actualite/street-medics-medicins-manifs-11827880/">fanfare militante et des équipes de premier soin</a> (<em>street medics</em>).</p>
<p>Les black blocs sont différents selon les lieux et les époques en termes de composition de classe, de sexe et de race (pour reprendre le triptyque des des féministes africaines-américaines comme Angela Davis et Patricia Hill Collins). On y retrouve des anarchistes, des communistes, des écologistes, des féministes et des queers, des sociaux-démocrates en colère et des individus aux études, au chômage, occupant de petits boulots, etc. Cela dit, un slogan du black bloc précise : <a href="http://www.sabotart.info/node/11">« Qui nous sommes est moins important que ce que nous voulons. Et nous voulons tout, pour tout le monde. »</a></p>
<p>Devenu une icône de la rébellion, le black bloc est l’objet d’un certain romantisme révolutionnaire. Y participer représente pour plusieurs la preuve d’un radicalisme militant, alors que d’autres y voient l’expression d’une virilité teintée de misogynie. D’ailleurs, des femmes préfèrent former de petits black blocs non mixtes, ce qui leur assure une <a href="http://francoisestereo.com/feministes-et-recours-a-la-force-politique-des-suffragettes-britanniques-aux-casseuses-des-black-blocs/">solidarité plus forte entre elles</a>.</p>
<h2>Médias et black blocs</h2>
<p>Un des arguments avancés pour discréditer le black bloc consiste à prétendre qu’il retient toute l’attention médiatique au détriment des manifestations non violentes. Or, des spécialistes de la sociologie des communications ont constaté que les manifestations paisibles sont souvent peu couvertes par les journalistes, qui n’en rapportent que rarement les <a href="http://link.lib.byu.edu/portal/Media-protest-and-political-violence--a/luerQegQBUk/">revendications</a>.</p>
<p>En réalité, l’obsession médiatique pour le black bloc bénéficie à l’ensemble de la mobilisation du moment. Il est important, aussi, de retenir les <a href="http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/0739318032000142007">conclusions d’une étude</a> au sujet des retombées médiatiques du black bloc à Seattle en 1999 : la surmédiatisation des « anarchistes » a produit un accroissement substantiel des visites sur des sites Web associés à l’anarchisme (Indymedia, Infoshop, etc.).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/182792/original/file-20170821-27201-xleagd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/182792/original/file-20170821-27201-xleagd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/182792/original/file-20170821-27201-xleagd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/182792/original/file-20170821-27201-xleagd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/182792/original/file-20170821-27201-xleagd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/182792/original/file-20170821-27201-xleagd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/182792/original/file-20170821-27201-xleagd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Black bloc pendant une manifestation contre la guerre en Irak, 2003.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Black_bloc.jpg">Anarkman/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au Brésil en 2013, des centaines de milliers de personnes visitaient les pages <a href="https://igarape.org.br/wp-content/uploads/2013/10/Black-Bloc-Rising-Social-Networks-in-Brazil.pdf">Facebook des black blocs locaux</a>. C’est aussi sur des médias autonomes qu’on peut lire <a href="https://www.luxediteur.com/wp-content/uploads/2016/05/Communiques-de-black-blocks.pdf">des communiqués de black blocs</a> expliquant leurs motivations, et le choix de leurs cibles : firmes multinationales qui exploitent le salariat et polluent, banques qui maximisent leurs profits en gérant l’endettement collectif, policiers qui protègent l’élite politique et les compagnies privées, etc. Mais pour qui saisit la logique politique anarchiste, pas besoin d’explications : la cible est le message. Les black blocs sont donc une des expressions de l’« ère des émeutes » ou <a href="https://www.versobooks.com/books/2084-riot-strike-riot">« age of riots »</a>, marqué par une crise de la légitimité politique, l’austérité et une militarisation de la police. Dans ce contexte,« l’émeute est le langage des sans-voix », pour reprendre le constat de <a href="http://ecosociete.org/livres/le-langage-des-sans-voix">Martin Luther King</a>.</p>
<h2>Quelle violence ?</h2>
<p>Des experts en <a href="http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/09546553.2014.849920">sécurité</a> ou par exemple de l’Italie des <a href="http://www.lemonde.fr/politique/article/2016/06/20/l-ultragauche-est-engagee-dans-une-logique-de-confrontation-avec-l-etat_4953771_823448.html">années de plomb</a> ont suggéré que le black bloc encourageait le passage vers le terrorisme et des polémistes ont amalgamé black bloc et <a href="http://www.luxediteur.com/catalogue/les-black-blocs">terrorisme islamiste</a>. Pourtant, le mouvement anarchiste a depuis longtemps abandonné la lutte armée, à l’exception semble-t-il des Cellules de Feu en Grèce (plusieurs membres en prison) et d’un réseau <a href="http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/17467586.2015.1038288?journalCode=rdac20">clandestin en Italie</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/182796/original/file-20170821-23925-14o10qn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/182796/original/file-20170821-23925-14o10qn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/182796/original/file-20170821-23925-14o10qn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/182796/original/file-20170821-23925-14o10qn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/182796/original/file-20170821-23925-14o10qn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/182796/original/file-20170821-23925-14o10qn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/182796/original/file-20170821-23925-14o10qn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les black blocs font usage de violence que certains qualifient toutefois de symbolique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/148664295@N06/33649255176/">Roscoe Myrick/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le black bloc n’est pas l’antichambre du terrorisme. Quant aux islamistes, les activistes du black bloc ne partagent pas leurs valeurs ; certains participants à des black blocs ont même rejoints les Kurdes pour combattre l’<a href="http://www.lapresse.ca/international/dossiers/crise-dans-le-monde-arabe/guerre-civile-en-syrie/201703/05/01-5075872-des-militants-quebecois-dextreme-gauche-ont-combattu-lei-en-syrie.php">État islamique</a>.</p>
<p>Quant à la « violence » du black bloc, dans le cadre de l’histoire politique, elle demeure très limitée, notamment en comparaison avec les luttes armée des groupes terroristes d’extrême gauche des années 1970 par exemple – même si briser des vitrines et lancer des projectiles à la police est évidemment criminel.</p>
<p>Cette violence a même été qualifiée de « symbolique » par <a href="http://www.jeffreyjuris.com/all-books/">certains universitaires</a> et <a href="http://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0308275X05058657">assimilée à de la performance artistique</a>. Il s’agit de profaner des symboles du capitalisme (devanture de banque, vitrine de magasins de multinationales du vêtement ou de la restauration rapide, etc.). Certains usent, cependant, de divers moyens afin de défendre la manifestation contre les forces de l’ordre, voire attaquent ces dernières avec divers projectiles (cailloux, bouteilles, feux pyrotechniques, plus rarement cocktails Molotov).</p>
<p>Si cette question de la « violence » soulève bien des débats, la solidarité à l’égard du black bloc s’exprime de plus en plus dans les mouvements sociaux, par exemple de la part d’un syndicat d’enseignants au Brésil qui invitait le black bloc à ses manifestation, d’autochtones lors des mobilisations contre la tenue de Jeux olympiques sur des « terres volées » à Vancouver en 2010, ou dans les « cortèges de tête » contre la Loi travail en France en 2016, où des centaines d’individus manifestaient aux côtés du black bloc. Très souvent l’emporte maintenant la notion de « respect de la diversité des tactiques », formalisée par la Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC) de Montréal en 2000.</p>
<p>Il y a maintenant une dizaine d’années, des anarchistes déclaraient que le « black bloc est mort », surtout en raison de la répression policière post-11-septembre. Or cette tactique est encore bien vivante, et elle continue même à se diffuser de mobilisation en mobilisation, et de continent en continent.</p>
<hr>
<p><em>L'auteur a publié: Les Black Blocs : quand la liberté et l'égalité se manifestent, <a href="http://www.luxediteur.com/catalogue/les-black-blocs">Montréal, Lux</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/80857/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Francis Dupuis-Déri ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Retour sur les « black blocs », mouvement controversés souvent tenu seul responsable des chaos durant les manifestations publiques.Francis Dupuis-Déri, Professeur, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.