tag:theconversation.com,2011:/us/topics/gestation-pour-autrui-gpa-37549/articlesgestation pour autrui (GPA) – The Conversation2022-04-10T20:11:36Ztag:theconversation.com,2011:article/1807892022-04-10T20:11:36Z2022-04-10T20:11:36ZInvasion de l’Ukraine : les mères porteuses et les bébés issus de GPA en danger<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/456544/original/file-20220406-11-nnwnze.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C17%2C5982%2C3961&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Monument de la mère et de l'enfant à Novograd-Volynsky, en Ukraine.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/es/image-photo/mother-child-sculpture-novograd-volynsky-zhytomyr-2140824041">Tana Danyuk/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>L’invasion russe de l’Ukraine a d’importantes conséquences humaines, matérielles, sociales, environnementales et culturelles. Cette tragédie affecte tout spécialement les femmes et les enfants, les contraignant à un exode important. Cela inclut les femmes ukrainiennes enceintes à la suite d’une gestation pour autrui (GPA) et les nouveau-nés issus de cette pratique.</p>
<p>L’Ukraine est considérée comme le <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/loi-sur-la-famille/gestation-pour-autrui/gpa-enquete-sur-la-filiere-ukrainienne_4029083.html">principal centre européen de la GPA</a> et le deuxième au monde après les États-Unis. L’invasion russe a mis en exergue les pratiques transfrontalières liées à la GPA, la faiblesse du réseau commercial ukrainien et la vulnérabilité du groupe le plus exposé : les mères porteuses et les nouveau-nés. L’absence de réglementation internationale peut conduire à des <a href="https://www.ouest-france.fr/reflexion/editorial/editorial-la-sinistre-mascarade-du-marche-de-la-gpa-2c1eb5cc-aced-11ec-88ea-e6f266d03602">situations proches de l’esclavage</a> dans des contextes de guerre et de catastrophe.</p>
<p>La notion « gestation pour autrui » implique une participation essentielle de la femme qui porte l’enfant d’un autre couple. Ce qui est substitué n’est pas la maternité, mais bien la gestation, en tant que processus biologique dans une période déterminée. Car la maternité est un processus physique, psychologique, biologique, chimique et émotionnel qui n’a pas de date d’expiration.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1509798208557436929"}"></div></p>
<p>Par conséquent, la gestation pour autrui est le processus qui fait appel à la technique de la procréation médicalement assistée (PMA) et qui, par le biais d’un contrat, soutient une femme (la mère porteuse) qui mènera une grossesse à terme sur demande. Après la naissance, le bébé doit être remis à un tiers (les parents d’intention). À cette fin, la mère porteuse renonce à ses droits parentaux.</p>
<p>J’<a href="https://www.aepdiri.org/index.php/las-publicaciones/libros-de-los-miembros/1687-w-correa-da-silva-maternidad-subrogada-explotacion-vulnerabilidad-y-derechos-humanos">étudie</a> le débat entre ceux qui préconisent de réglementer cette pratique et ceux qui souhaitent qu’elle soit interdite. Je rends également compte des conséquences de l’absence de réglementation internationale, notamment du point de vue du respect des droits humains des parties les plus vulnérables : la mère porteuse et le bébé.</p>
<h2>Comment fonctionne l’industrie transnationale ?</h2>
<p>Au départ, la technique de la procréation assistée a été présentée comme une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/0264683031000124091">manière de remédier aux problèmes d’infertilité</a>. Aujourd’hui, sa pratique <a href="https://doi.org/10.1177/0891243215602922">a connu une croissance exponentielle</a> et s’est transformée en une macro-industrie transnationale.</p>
<p>Le <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6063838/">développement de centres spécialisés dans différents pays</a> a accru le tourisme reproductif ou <a href="https://www.eshre.eu/">soins reproductifs transfrontaliers</a>. On entend par tourisme reproductif la pratique consistant pour des personnes aspirant à devenir parents à se rendre hors de leur pays d’origine afin d’économiser sur les frais de santé ou d’accéder à un service illégal ou non disponible dans leur pays d’origine.</p>
<h2>Absence de politique commune des États de l’Union européenne</h2>
<p>Il n’existe pas de réponse législative unifiée dans ce domaine au niveau européen. Le Parlement européen (<a href="https://www.europarl.europa.eu/thinktank/en/document.html">2010</a>, <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2013/474403/IPOL-JURI_ET(2013)474403_EN">2013</a>, <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2013/474403/IPOL-JURI_ET(2013)474403_EN.pdf">2015</a>, <a href="https://www.europarl.europa.eu/thinktank/en/document.html">2016</a> 571368), <a href="https://www.europarl.europa.eu/cmsdata/226100/No_22_The_citizenship_of_children_born_to_surrogates.pdf">2018</a>) et le Conseil de l’Europe (<a href="http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-en.asp?fileid=17627&lang=en">2016</a>), ne sont pas parvenus à une reconnaissance ou à une interdiction formelle.</p>
<p>De ce fait, c’est dans une sorte de zone grise que se situent aujourd’hui les droits des « parents d’intention » qui cherchent à obtenir une GPA en dehors des frontières de leurs pays, les droits des femmes porteuses dont la grande majorité sont des ressortissantes de pays tiers, et les questions relatives à la protection de l’intérêt supérieur des bébés nés de GPA.</p>
<p>La <a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/18636-gestation-pour-autrui-quelles-sont-les-evolutions-du-droit">diversité des statuts juridiques de la GPA</a> peut être résumée en quatre positions :</p>
<ol>
<li><p>Commerciale et altruiste ;</p></li>
<li><p>Uniquement altruiste ;</p></li>
<li><p>Interdiction expresse ;</p></li>
<li><p>Non réglementé.</p></li>
</ol>
<p>Cette pratique est interdite <a href="https://www.co-parents.fr/blog/gpa-comment-ca-se-passe-chez-nos-voisins-europeens/">dans de nombreux pays européens</a>. En Espagne, elle est considérée comme illégale (article 10 de la <a href="https://www.boe.es/buscar/act.php?id=BOE-A-2006-9292">loi 14/2006</a>), malgré les <a href="https://www.notariosyregistradores.com/web/secciones/doctrina/articulos-doctrina/gestacion-por-sustitucion/">critères adoptés par la direction générale des registres et des notaires</a>. En France, la GPA est interdite depuis une <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007026778/">décision de la Cour de cassation</a> datée du 31 mai 1991.</p>
<h2>Le cas spécifique de l’Ukraine</h2>
<p>L’Ukraine se caractérise par une <a href="https://worldcenterofbaby.fr/surrogacy-law-in-ukraine/">législation permissive</a> en matière de GPA, ce qui en a fait la première destination européenne en la matière. Selon le commissaire auprès du président ukrainien chargé des droits de l’enfant, Mykola Kuleb, entre 2 000 et 2 500 bébés naissent chaque année grâce à des accords de GPA. Cela s’explique notamment par le fait que l’Ukraine est l’un des pays qui ont développé le plus efficacement la technique de reproduction, à des coûts attractifs au niveau international et en offrant des garanties de filiation directe aux futurs parents.</p>
<p>L’accord nécessaire à une GPA est conclu devant un notaire, qui vérifie le consentement, les exigences et la valeur de la compensation financière. Le contrat a une valeur juridique qui prévoit la filiation, car les parents d’intention seront également considérés comme tels pour l’état civil (<a href="https://zakon.rada.gov.ua/laws/show/z1058-03">Article 123 (2) du Code de la famille de l’Ukraine</a>).</p>
<p>L’accord stipule également que la mère porteuse accepte de transférer le nouveau-né aux parents prévus après la naissance, qu’elle n’acquiert aucun droit parental sur l’enfant et qu’elle n’a pas le droit de le contester devant un tribunal (<a href="https://protocol.ua/ua/simeyniy_kodeks_ukraini_stattya_139/">Article 139 (2) du Code de la famille de l’Ukraine</a>).</p>
<h2>Comment la guerre affecte-t-elle cette industrie ?</h2>
<p>La vie quotidienne des Ukrainiens a été brusquement perturbée par l’invasion russe. Toutes les cliniques et agences de GPA, qui accueillent principalement des ressortissants étrangers, ont aussi été touchées et ont été perturbées. Les médias couvrant le conflit ont diffusé des images de bébés abrités dans des maternités de fortune.</p>
<p>Avant l’invasion, il y avait en Ukraine <a href="https://www.growingfamilies.org/service-providers-ukraine/">plus de trente cliniques agréées</a> pour la GPA. Les plus connues sont celles de Kiev (19), Lviv (5) et Kharkiv (2), cette dernière ville ayant subi des destructions particulièrement graves du fait de la guerre.</p>
<p>Cela pose évidemment de nombreuses questions : qu’est-il arrivé après les nouvelles naissances ? Les mères porteuses ont-elles été payées pour l’utilisation de leur corps et de leurs capacités reproductives ? Qu’advient-il des bébés qui ont besoin de soins intensifs ? Que se passe-t-il si l’accouchement est compliqué et les mères porteuses doivent subir une césarienne ? Qu’advient-il des bébés qui ont besoin de soins intensifs ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1510794586532237319"}"></div></p>
<p>En outre, les cliniques informent leurs clients (futurs parents) que, tant que la situation le permet, elles pourront transférer les mères enceintes et des bébés vers la frontière occidentale du pays afin qu’ils arrivent jusqu’au point de rencontre choisi par les clients. Les <a href="https://biotexcom.com/">vidéos produites et publiées par BioTexCom</a> sur leur site web devraient être examinées très attentivement, car ce qui y est montré ressemble beaucoup à de la traite d’êtres humains.</p>
<p>Pourquoi les futurs parents ne peuvent-ils pas venir chercher leurs enfants en Ukraine ? En temps normal, les bébés sont enregistrés au nom des parents d’intention étrangers et ces derniers se rendent dans leurs représentations diplomatiques pour l’enregistrement et le traitement du passeport du nouveau-né.</p>
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<figcaption><span class="caption">GPA en Ukraine : un couple raconte son périple pour revenir en France (BFMTV, 29 mars 2022).</span></figcaption>
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<p>Or, en raison des restrictions imposées par la situation de guerre, les futurs parents n’ont plus la possibilité de se rendre en Ukraine. Par conséquent, les bébés ne sont pas protégés juridiquement, la législation nationale exigeant que les parents biologiques soient présents pour confirmer leur nationalité.</p>
<p>Outre le conflit juridique, qui rend déjà le processus difficile, le fait que la plupart des représentations consulaires aient dû quitter l’Ukraine a encore plus compliqué l’enregistrement de l’acte de naissance du bébé, alors qu’il s’agit d’un document clé pour que celui-ci puisse sortir du territoire national.</p>
<h2>Soins et respect de l’individu ou garantie du contrat ?</h2>
<p>Il est donc urgent d’élaborer un cadre juridique international sur la GPA protégeant les droits fondamentaux aussi bien du bébé que de la mère porteuse : ceux des nouveau-nés, parce qu’ils sont l’objet du désir des parents d’intention, mais aussi l’objet d’un contrat donnant lieu à la GPA, avec le risque que leurs intérêts supérieurs ne soient pas respectés. Et ceux des mères porteuses, parce qu’en plus du droit de décider comment utiliser leur propre corps, leur dignité, leur liberté, leur intégrité, et leur libre arbitre doivent être garantis tout au long du processus (pas seulement au début), de même que leur santé aussi bien pendant qu’après la pratique.</p>
<p>Si ces conditions n’étaient pas réunies, ils seraient alors utilisés comme un moyen en vue d’une fin. Le contrôle et la domination qui pèseraient sur eux constitueraient une forme contemporaine d’esclavage.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180789/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Waldimeiry Correa da Silva reçoit un financement du programme de recrutement de talents en recherche EMERGIA - Junta de Andalucía à l'Université de Séville.</span></em></p>L’Ukraine est l’un des principaux pays du monde en matière de GPA. La guerre affecte durement les mères porteuses, leurs nouveau-nés et les couples étrangers concernés.Waldimeiry Correa da Silva, Investigadora Distinguida EMERGIA - Departamento de Derecho Internacional Público y Relaciones Internacionales, Universidad de SevillaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1775732022-02-22T18:41:32Z2022-02-22T18:41:32Z40 ans après la naissance du premier « bébé-éprouvette » français, plus de 400 000 enfants conçus par FIV<p>Il y a 40 ans, le 24 février 1982, la France découvrait « son » premier « bébé-éprouvette », une petite fille prénommée <a href="https://www.lefigaro.fr/histoire/archives/2017/02/23/26010-20170223ARTFIG00307-amandine-premier-bebe-eprouvette-fete-ses-35-ans.php">Amandine</a>, dans la lignée ouverte par <a href="https://nextnature.net/story/2017/1978-worlds-first-test-tube-baby-born">Louise Brown</a>, née au Royaume-Uni le 25 juillet 1978.</p>
<p>Ces naissances ont marqué très fortement notre imaginaire collectif : pour la première fois, la fécondation d’un ovule par un spermatozoïde pouvait être obtenue hors du corps de la femme, au sein d’une éprouvette en laboratoire, c’est-à-dire « in vitro » selon le terme technique. La technique de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=RdgMECreoU0">fécondation in vitro (FIV)</a> était née.</p>
<p>Pour mesurer l’avancée technologique, il faut se rappeler qu’à l’époque, la procréation médicalement assistée (PMA) consistait uniquement en des « <a href="https://www.youtube.com/watch?v=vsc65Yn7XAw">inséminations artificielles » (IA)</a>, c’est-à-dire à déposer les spermatozoïdes du Conjoint (IAC) ou d’un Donneur (IAD) au niveau du col de l’utérus ou de la cavité utérine pour qu’ils aillent féconder naturellement l’ovocyte dans le corps de la femme, in vivo.</p>
<p>Après la naissance d’Amandine, l’histoire de la FIV se poursuivit loin du tumulte médiatique. Où en sommes-nous aujourd’hui et que s’est-il passé durant ces quatre décennies ?</p>
<h2>Près de 3 % des enfants sont conçus par FIV en France</h2>
<p>Avant la crise sanitaire de Covid-19, les FIV de l’année 2019 ont permis la naissance de plus de 21 000 enfants. Rapporté au nombre de naissances dans la population, cela représente pratiquement 3 enfants sur 100 conçus par FIV (2,9 %). Autrement dit, en moyenne, si vous avez un groupe de 34 enfants nés en 2020 (correspondant majoritairement aux conceptions de 2019), l’un de ces enfants a été conçu par FIV.</p>
<p>L’impact des inséminations artificielles est bien plus faible (moins de 6 000 enfants conçus en 2019), mais la somme globale de ces techniques conduit à plus de 27 000 enfants conçus suite à des PMA réalisées en 2019, soit une proportion de 3,7 % des enfants conçus par PMA parmi les naissances françaises. En moyenne, parmi un groupe de 27 enfants nés en 2020, l’un de ces enfants a été conçu par PMA.</p>
<p>Les chiffres sur les PMA de l’année 2020 n’ont pas encore été publiés par l’<a href="https://www.agence-biomedecine.fr/">Agence de la Biomédecine</a>. Néanmoins, il faut s’attendre à une nette baisse puisque les centres de PMA ont fermé leurs portes durant le premier confinement lors de la crise sanitaire. Leur activité a repris progressivement à partir de mi-mai 2020, mais l’impact de la mise sous tension des hôpitaux, en particulier publics, a probablement été un frein dans la réalisation des PMA.</p>
<h2>40 ans d’augmentation quasiment linéaire de la FIV</h2>
<p>La figure ci-dessous représente l’évolution de la proportion d’enfants conçus par FIV (courbe rouge) et la proportion d’enfants conçus par PMA incluant les FIV et les IA (courbe bleue). Entre 1981 et 1985, environ un millier d’enfants ont été conçus par FIV. Après cette période de mise en route, la FIV a connu une progression quasiment linéaire. La proportion d’enfants conçus par FIV progresse de +0,5 % tous les 7 à 8 ans.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/447764/original/file-20220222-267-8fza2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/447764/original/file-20220222-267-8fza2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/447764/original/file-20220222-267-8fza2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/447764/original/file-20220222-267-8fza2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/447764/original/file-20220222-267-8fza2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/447764/original/file-20220222-267-8fza2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/447764/original/file-20220222-267-8fza2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Évolution de la proportion d’enfants conçus par assistance médicale à la procréation en France.</span>
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</figure>
<p>Cette augmentation quasiment linéaire de la FIV reflète probablement la combinaison de plusieurs phénomènes. Dans un premier temps, il a bien sûr fallu que cette technique se « diffuse » dans la population, c’est-à-dire qu’elle est connue et acceptée. Mais, sa progression continue sur quatre décennies appelle d’autres explications.</p>
<p>Une première explication repose sur les évolutions technologiques qui ont permis d’élargir les « indications », c’est-à-dire le type d’infertilité pouvant être pris en charge par FIV. En effet, initialement, la FIV avait été conçue pour répondre aux infertilités féminines d’origine tubaire (trompes altérées ou bouchées). Elle a été rapidement utilisée pour d’autres indications, et son extension a connu une nouvelle dynamique à partir de 1992 avec l’arrivée d’une nouvelle technique de FIV permettant de prendre en charge les infertilités masculines : l’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=iVDH7jQze6g">injection intra-cytoplasmique de spermatozoïdes (ICSI)</a>. L’ICSI consiste à sélectionner un spermatozoïde qui est directement introduit dans l’ovocyte. Utilisée au départ pour les infertilités masculines dites « sévères », la FIV avec ICSI (ou ICSI) est aujourd’hui très largement utilisée puisqu’en 2019, deux fécondations <em>in vitro</em> sur trois réalisées en France l’étaient avec cette méthode.</p>
<p>Au-delà de ces aspects technologiques, le recours croissant à la FIV reflète sans doute surtout des besoins plus importants dans la population.</p>
<p>D’une part, des <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/la_fertilite_est_elle_en_danger_-9782707156389">travaux scientifiques</a> alertent sur une possible altération de la fertilité humaine en lien avec les expositions aux polluants industriels et agricoles, ou au tabac par exemple. Une telle altération de la fertilité pourrait être susceptible de conduire à une fréquence plus élevée des infertilités et donc à un recours plus important à la PMA. D’autre part, les démographes observent une <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/population-et-societes/maternites-tardives-de-plus-en-plus-frequentes-pays-developpes/">parentalité plus tardive</a>. Or, la fertilité diminue fortement avec l’âge, si bien que les couples rencontrent plus de <a href="https://theconversation.com/le-declin-de-la-fertilite-une-charge-inegalement-partagee-entre-hommes-et-femmes-163689">difficultés pour avoir un enfant aux âges plus avancés</a> et recourent donc plus souvent à la PMA. Ainsi, en France, en une décennie (2008-2017), le recours à l’ensemble des traitements de l’infertilité (stimulations hors PMA et PMA) <a href="https://doi.org/10.2105/AJPH.2020.305781">a augmenté de 24 %</a> parmi les femmes de 34 ans et plus alors qu’il est resté stable chez les femmes plus jeunes.</p>
<h2>Plus de 400 000 enfants conçus par FIV en 40 ans</h2>
<p>Avec cette dynamique de recours à la FIV, quel bilan démographique peut-on tirer quarante ans après la naissance d’Amandine ? Les FIV réalisées durant les vingt premières années (1981-2000) ont permis globalement la naissance de 100 000 enfants. Le mouvement s’amplifie ensuite puisque la naissance des 100 000 enfants suivants est obtenue en uniquement 8 années d’activité (2001-2008). Ce délai se raccourcit encore pour les 100 000 suivants : 6 années (2009-2014), et enfin 5 années (2015-2019). Les FIV réalisées entre 1981 et 2019 ont donc permis globalement la naissance de 400 000 enfants. Ces naissances françaises sont à replacer dans la dynamique mondiale où le nombre d’enfants conçus par FIV était estimé à plus de <a href="https://www.rbmojournal.com/article/S1472-6483(18)30598-4/fulltext">8 millions</a> sur cette même période. </p>
<p>Derrière ce chiffre mondial global se cache une <a href="https://www.rbmojournal.com/article/S1472-6483(21)00097-3/fulltext">forte variabilité dans le recours à la PMA</a> d’une région à l’autre, et d’un pays à l’autre, y compris parmi les pays européens. Il n’y a pas d’explication simple à cette forte variabilité, il est probable que cela reflète en partie le coût des traitements à la charge des couples, l’offre de santé, la dynamique de fécondité du pays et l’âge à la parentalité. Le niveau de recours à la PMA semble également corrélé au <a href="https://www.rbmojournal.com/article/S1472-6483(21)00097-3/fulltext">niveau des inégalités hommes – femmes dans le pays</a> : plus ces inégalités sont faibles (selon l’<a href="https://hdr.undp.org/en/indicators/68606">indice d’inégalité de genre</a> des Nations unies) et plus le recours à la PMA est développé. L’étude souligne qu’il est nécessaire de développer des recherches pour mieux comprendre le sens de cette corrélation.</p>
<p>Le nombre d’enfants conçus par FIV actuellement inclut également les enfants nés suite aux FIV réalisées durant l’année 2020 et celles réalisées entre janvier et mai 2021. Les perturbations liées à la crise sanitaire fragilisent les projections qui peuvent être faites, mais en retenant l’hypothèse d’une diminution de l’activité FIV de 30 % durant l’année 2020 et une activité 2021 stable par rapport à 2019, cela conduit à une estimation de 420 000 enfants conçus par FIV en France en ce quarantième anniversaire d’Amandine.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/447765/original/file-20220222-25-116zvz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/447765/original/file-20220222-25-116zvz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/447765/original/file-20220222-25-116zvz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/447765/original/file-20220222-25-116zvz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/447765/original/file-20220222-25-116zvz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/447765/original/file-20220222-25-116zvz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/447765/original/file-20220222-25-116zvz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Nombre cumulé d’enfants conçus par fécondation in vitro en France.</span>
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</figure>
<p>Cette hausse du nombre d’enfants conçus par FIV est d’autant plus notable que ce nombre était autrefois amplifié par le phénomène des naissances multiples, et que ce phénomène est en forte régression. Ainsi, dans les années 1990, il naissait 130 enfants pour 100 accouchements obtenus suite à une FIV. Ces naissances multiples étaient liées à la volonté d’augmenter les chances d’obtenir une grossesse. Pour cela, les médecins transféraient beaucoup d’embryons, souvent 4 ou plus à la fois (39 % des cas en France en 1988).</p>
<p>Ces pratiques ont rapidement été remises en cause en raison des risques pour la santé des enfants issus de ces naissances multiples. Pour réduire ces risques, les médecins ont peu à peu réduit le nombre d’embryons transférés, passant d’abord à trois embryons (environ 40 % des cas en 1997) puis à deux embryons (environ 60 % des cas en 2009), pour finalement ne plus transférer qu’un seul embryon (60 % des cas en 2019). Actuellement, il n’y a plus que 107 enfants pour 100 accouchements suite à une FIV, une fréquence qui reste encore plus élevée que celle observée dans le cas d’une grossesse obtenue sans aide médicale (101 enfants pour 100 accouchements). Cette forte réduction des naissances multiples ne s’est néanmoins pas traduite par une baisse du nombre d’enfants conçus par FIV car la progression continue du recours à la FIV contrebalance largement cet effet.</p>
<h2>Des PMA invisibilisées dans les statistiques : PMA à l’étranger et hors cadre médical</h2>
<p>Dans l’imaginaire collectif, la PMA est souvent associée à l’idée du recours à un tiers donneur pour avoir un enfant, que ce soit via un don de spermatozoïdes, d’ovules, d’embryons (lorsque ceux d’un couple sont accueillis par un autre couple), ou en faisant appel à une gestatrice pour autrui (GPA). Pourtant, la réalité de la PMA en France est très éloignée de cette idée a priori : la quasi-totalité des enfants conçus par PMA (c’est-à-dire par FIV ou IA) le sont avec les gamètes de leurs deux parents (pratiquement 95 % des enfants conçus par PMA en 2019). </p>
<p>En cas de PMA avec tiers donneur, il s’agit majoritairement d’un don de spermatozoïdes (environ 1 000 enfants conçus avec don de spermatozoïdes par an). Les naissances par don d’ovocytes ont fortement augmenté ces dernières années, mais n’étaient encore que de 400 suite aux PMA réalisées en 2019 (contre 200 enfants suite aux PMA de 2013 et 100 suite à celles de 2006). L’accueil d’embryons est lui statistiquement négligeable (37 enfants suite aux accueils de 2019), tandis que la gestation pour autrui est interdite en France.</p>
<p>Derrière ce recours à la PMA avec tiers donneur apparemment très limité en France se cache une réalité invisibilisée dans les statistiques : les enfants français nés d’une PMA réalisée à l’étranger ou d’une procréation dite amicalement assistée (l’insémination artificielle pouvant être pratiquée hors d’un laboratoire en raison de sa relative simplicité technique, et la GPA sur la base d’un accord entre les individus hors cadre légal et médical).</p>
<p>Actuellement, il <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/population-et-societes/aide-a-la-procreation-en-dehors-du-cadre-legal-et-medical-francais-quels-enjeux-aujourdhui/">n’existe pas de données fiables sur le nombre d’enfants nés suite à ces PMA</a>. Malgré la nouvelle loi de bioéthique de 2021 ouvrant la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes, il est probable que ce phénomène se poursuive. Cependant, un appel est actuellement en cours (voir image ci-dessous) pour que les personnes ayant pratiqué une PMA à l’étranger ou hors du cadre médical français <a href="https://amp-sans-frontieres.fr/">participent à une étude scientifique</a> réalisée en collaboration avec les associations accompagnant ces parcours.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/447550/original/file-20220221-22-19z9y5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/447550/original/file-20220221-22-19z9y5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/447550/original/file-20220221-22-19z9y5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/447550/original/file-20220221-22-19z9y5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/447550/original/file-20220221-22-19z9y5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/447550/original/file-20220221-22-19z9y5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=464&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/447550/original/file-20220221-22-19z9y5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=464&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/447550/original/file-20220221-22-19z9y5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=464&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Etude scientifique, AMP sans frontières de l’Ined.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>À partir des témoignages recueillis dans le questionnaire disponible sur Internet, il sera possible de fournir de premières données sur ces PMA, mais aussi de visibiliser ces expériences et parcours pour faire famille.</p>
<hr>
<p>_Ce texte reprend en les actualisant certains éléments publiés par l’autrice en 2018 dans la revue Population et Société, n°556, <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/population-et-societes/1-enfant-sur-30-concu-par-assistance-medicale-a-la-procreation-en-france/">« 1 enfant sur 30 conçu par assistance médicale à la procréation en France »</a>.</p>
<hr>
<p>__</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177573/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elise de La Rochebrochard a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche et de l'Agence de la Biomédecine pour des travaux sur les traitements de l'infertilité et la PMA. </span></em></p>Depuis la naissance d’Amandine, où en sommes-nous de la fécondation in vitro en France ?Elise de La Rochebrochard, Directrice de recherche, Santé et Droits Sexuels et Reproductifs, Institut National d'Études Démographiques (INED)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1732912022-01-24T21:14:55Z2022-01-24T21:14:55ZMesurer et comprendre les PMA réalisées hors de France<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/441329/original/file-20220118-15-1d4sxkg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C10%2C1014%2C669&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des manifestantes en faveur de la PMA pour toutes, le 30 janvier 2021, à Angers.</span> <span class="attribution"><span class="source">Jean-François Monier/ AFP</span></span></figcaption></figure><p>La révision de la loi de bioéthique, qui encadre entre autre la procréation médicalement assistée (PMA), a été adoptée par le Parlement français en 2021 après des débats nombreux et intenses. Ces évolutions législatives restent néanmoins mesurées au regard des <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/population-et-societes/aide-a-la-procreation-en-dehors-du-cadre-legal-et-medical-francais-quels-enjeux-aujourdhui/">législations de bien d’autres pays</a>, ne serait-ce qu’européens.</p>
<p>Il existe en effet une importante diversité des législations et des possibilités en matière de PMA. Cela entraîne des recours transnationaux : des personnes traversent les frontières de leur pays pour bénéficier d’une aide à la procréation. Ce phénomène ne concerne pas que la France, <a href="https://doi.org/10.1007/s10815-018-1181-x">il s’observe</a> dans de nombreux pays.</p>
<p>Si des études permettent de mieux comprendre les raisons de ce phénomène, peu d’entre elles permettent d’estimer statistiquement le nombre de personnes concernées. En Europe, seules deux études apportent des données chiffrées, mais avec d’importantes limites.</p>
<h2>Absence de statistiques solides</h2>
<p>La première a été menée par la Société européenne de reproduction humaine et d’embryologie (ESHRE, selon son acronyme anglais). Elle a été conduite en 2008-2009 dans six pays européens (Belgique, République tchèque, Danemark, Slovénie, Espagne et Suisse) et arrive à une estimation minimum située entre 11 000 et 14 000 patientes et patients transnationaux chaque année dans <a href="https://doi.org/10.1093/humrep/deq057">ces 6 pays</a>.</p>
<p>La deuxième étude a été menée en Belgique dans 16 centres d’AMP sur les 18 du pays et arrive à l’estimation de 2 100 patientes et patients transnationaux (ne résidant pas en Belgique) par an <a href="https://doi.org/10.1093/humrep/dep300">dans le pays</a>.</p>
<p>Ces deux études, aussi pionnières et intéressantes soient-elles, présentent d’importantes limites méthodologiques. Dans celle de l’ESHRE, notamment, seuls 17 % des centres de ces six pays ont participé à l’étude. D’autre part, des pays connus pour recevoir une importante patientèle internationale en PMA, comme la Grèce, ne participaient pas à cette recherche. De même, peu de centres espagnols y ont participé alors que l’Espagne est souvent décrite comme l’« Eldorado » de la PMA en Europe avec en particulier <a href="https://academic.oup.com/hropen/article/2021/3/hoab026/6342525?login=true">45 % des PMA avec don d’ovocytes réalisées dans ce pays</a>.</p>
<p>Enfin, ces études datent de plus d’une décennie, or elles soulignaient déjà à l’époque que ces recours étaient en augmentation.</p>
<p>Le point commun à ces deux études est qu’elles montrent que les personnes résidant en France figurent parmi les principaux patientes et patients transnationaux en Europe, avec celles et ceux en provenance d’Allemagne, d’Italie et des Pays-Bas. Mais à ce jour, aucune étude statistique solide ne permet de confirmer voire d’actualiser ce résultat, ni d’estimer combien de personnes en France partent à l’étranger pour réaliser une PMA.</p>
<h2>Une population difficile à atteindre</h2>
<p>En France, une autre statistique disponible est celle issue du Centre national des soins à l’étranger (CNSE) qui fournit des données sur les personnes résidant en France et ayant recours à une PMA dans un autre pays. L’assurance maladie française prend en effet en charge les PMA réalisées à l’étranger pour les résidentes et résidents français qui <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F31462">remplissent les conditions légales d’accès et ont recours à une technique autorisée en France</a>.</p>
<p>Pour l’année 2018, le CNSE a enregistré <a href="https://www.fhf.fr/Europe-International/Comparaisons-des-systemes-de-sante/CENTRE-NATIONAL-DES-SOINS-A-L-ETRANGER-RAPPORT-2018">1 839 demandes</a> de remboursement, soit une augmentation de 42 % par rapport à 2013.</p>
<p>Cependant, ces chiffres ne représentent probablement qu’une faible proportion des personnes concernées, car beaucoup d’entre elles ne sont pas éligibles à la couverture maladie (car elles ne répondent pas aux critères légaux) et d’autres, qui pourraient demander un remboursement, ne le font pas (souvent parce qu’elles ignorent que ces traitements réalisés à l’étranger peuvent être remboursés).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/441331/original/file-20220118-25-3tpegl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/441331/original/file-20220118-25-3tpegl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/441331/original/file-20220118-25-3tpegl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/441331/original/file-20220118-25-3tpegl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/441331/original/file-20220118-25-3tpegl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/441331/original/file-20220118-25-3tpegl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/441331/original/file-20220118-25-3tpegl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Delpixel</span></span>
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</figure>
<p>Ce manque d’étude est lié au fait que les personnes concernées par les recours transnationaux de la PMA constituent ce que les scientifiques appellent « une population difficile à atteindre », c’est-à-dire une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs10461-017-1678-9">population qu’il est difficile d’identifier et de joindre pour réaliser une enquête statistique</a>.</p>
<p>Les recours à l’étranger se font dans une multitude de pays et de centres, sans qu’il soit possible d’en établir une liste précise, la qualité de l’information étant très variable d’un pays à l’autre.</p>
<p>Par ailleurs, l’origine des patientes et patients n’est pas forcément enregistrée dans les centres de PMA à l’étranger. En cas de succès, au moment de l’accouchement (en général en France), rien ne permet de savoir si le nouveau-né a été conçu via une PMA à l’étranger. Or, on sait que ces recours, souvent considérés comme illégitimes voire illégaux, sont probablement tus en dehors du cadre amical et familial.</p>
<h2>L’enquête AMP-sans-frontières</h2>
<p>L’approche classique utilisée dans les deux grandes études internationales passant par les centres de PMA pose donc de nombreux problèmes méthodologiques. Dans ces conditions, il est apparu intéressant d’envisager une nouvelle approche : contacter directement les personnes concernées via les associations, les réseaux sociaux et des articles de presse afin de leur demander de remplir un questionnaire.</p>
<p>Cette approche soulève aussi des enjeux méthodologiques importants (on parle d’échantillon de volontaires), mais surmontables en mobilisant les <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/document-travail/quelles-methodes-pour-estimer-taille-population-difficile-a-enqueter/">outils statistiques adaptés</a>.</p>
<p>C’est avec cet objectif de mesurer et comprendre ces recours en dehors du cadre légal et médical français que l’Ined a lancé, le 1<sup>er</sup> octobre 2021, l’enquête <a href="https://amp-sans-frontieres.site.ined.fr/">AMP-sans-frontières</a>, avec le soutien de l’Agence nationale de la recherche.</p>
<p>Cette enquête permettra d’estimer pour la première fois en France le nombre de personnes qui partent à l’étranger pour une PMA et de décrire finement les caractéristiques sociodémographiques et les parcours de toutes celles et ceux qui recourent à une aide à la procréation en dehors du cadre légal et médical français. Ces données permettront de comprendre les éventuels décalages entre les attentes et demandes de la population en France et les possibilités légales du pays.</p>
<p>Une originalité forte de cette étude est de considérer non seulement les recours transnationaux mais aussi tous ceux qui se font en France sans assistance médicale comme l’<a href="https://www.michalon.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=69473">insémination artisanale</a> (qui se fait à la maison, notamment avec du sperme importé de l’étranger) ou la <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/les-pieds-sur-terre/la-mere-porteuse-0">« GPA clandestine »</a> (avec des femmes qui proposent par exemple leurs services sur Internet), dont on connaît l’existence mais sur lesquels il y a peu de travaux scientifiques en France.</p>
<p>Toutes les personnes de 18 ans et plus qui se sentent concernées par l’aide à la procréation sont invitées à répondre dès maintenant au <a href="https://amp-sans-frontieres.fr">questionnaire en ligne</a>, que leurs démarches soient effectuées en France ou à l’étranger, qu’elles soient en cours, passées ou uniquement envisagées.</p>
<h2>Éclairer les débats</h2>
<p>Malgré la nouvelle loi, il est probable que ces recours se poursuivent. Tout d’abord parce que certaines personnes continuent d’être exclues de la PMA en France (les personnes trans par exemple ou les couples d’hommes).</p>
<p>Mais également car certaines techniques, comme la gestation pour autrui, restent interdites, ou restrictives, alors qu’elles peuvent être pratiquées dans d’autres pays en Europe. C’est notamment le cas du diagnostic préimplantatoire (qui permet, dans le cadre d’une fécondation in vitro, de détecter des anomalies génétiques ou chromosomiques sur l’embryon juste après la fécondation).</p>
<p>Enfin, la loi ne prévoit pas de réorganisation du don de gamètes, pour lequel il y a de longues listes d’attente en particulier pour le don d’ovocytes.</p>
<p>Ces listes d’attente sont d’autant plus longues pour les personnes racisées du fait de l’appariement pratiqué, soit le fait de choisir des donneurs et donneuses qui <a href="https://www.researchgate.net/publication/285773381_Procreations_medicalement_assistees_et_categories_ethno-raciales_l%E2%80%99enjeu_de_la_ressemblance">ressemblent physiquement</a> aux futurs parents.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1093/humrep/det326">Une première étude scientifique</a> que nous avions menée en 2012 avait montré que les restrictions légales n’étaient pas les seules raisons poussant à traverser les frontières : il y avait aussi le souhait d’une prise en charge plus rapide, plus efficace et plus personnalisée.</p>
<p>L’enquête AMP-sans-Frontières permettra pour la première fois d’apporter des éléments scientifiques solides sur la PMA qui éclaireront les prochains débats sur le sujet, la loi de bioéthique française étant en principe révisée tous les sept ans.</p>
<hr>
<p><em>Certains éléments de cet article sont repris de l’article publié par les autrices dans la revue Population et Sociétés : <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/population-et-societes/aide-a-la-procreation-en-dehors-du-cadre-legal-et-medical-francais-quels-enjeux-aujourdhui/">« L’aide à la procréation en dehors du cadre légal et médical français : quels enjeux aujourd’hui ? »</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173291/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Virginie Rozée a reçu des financements de l'ANR et de l'Agence de biomédecine. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Elise de La Rochebrochard a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR) et de l'Agence de la Biomédecine (ABM).</span></em></p>La PMA est désormais ouverte à toutes en France, mais des femmes continuent d’y avoir recours à l’étranger. Une recherche est en cours pour quantifier et comprendre le phénomène.Virginie Rozée, Chargée de recherche, Santé et Droits Sexuels et Reproductifs, Institut National d'Etudes Démographiques (INED), Institut National d'Études Démographiques (INED)Elise de La Rochebrochard, Directrice de recherche, Santé et Droits Sexuels et Reproductifs, Institut National d'Études Démographiques (INED)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1642542021-07-21T23:37:05Z2021-07-21T23:37:05ZLoi de bioéthique : les apports d’une révision majeure pour la biomédecine<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/412553/original/file-20210721-25-14bao7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1246%2C826&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">Lionel Bonaventure / AFP</span></span></figcaption></figure><p>La loi « relative à la bioéthique », validée par le Conseil constitutionnel, a été publiée au Journal officiel le 3 août 2021.</p>
<p>Ce texte représente l’aboutissement de deux années de navette parlementaire, marquées par l’échec de la Commission mixte paritaire (chargée de trouver un compromis entre les deux chambres) et par le refus du Sénat de procéder à une dernière lecture.,</p>
<p>Cette révision marquera l’histoire de la biomédecine en raison des profondes transformations qu’elle apporte à l’encadrement des techniques biomédicales, dont certaines viennent répondre par la positive à plusieurs demandes sociétales.</p>
<p>La loi nouvelle se trouve composée de 7 titres. Les intitulés de ces derniers, qui reprennent les notions de solidarité, de principes éthiques, d’autonomie, de liberté et de responsabilité, traduisent la volonté législative d’une évolution conduite dans le respect des valeurs essentielles de notre société.</p>
<h2>L’extension de l’assistance médicale à la procréation</h2>
<p>En tête du texte, on trouve la mesure phare de la loi : l’extension de l’accès de l’assistance médicale à la procréation (AMP – parfois qualifiée de « procréation médicalement assistée » ou PMA) aux couples de femmes et aux femmes célibataires, sans aucune différence de traitement selon l’orientation sexuelle du couple ou le statut de femme célibataire (CSP., art. L. 2141-2).</p>
<p>Dans le prolongement de cette mesure est institué un système inédit d’établissement de la filiation pour les enfants des couples de femmes. La filiation est, de façon tout à fait classique, établie à l’égard de la femme qui accouche par sa désignation dans l’acte de naissance. Mais elle est désormais également établie vis-à-vis de l’autre mère par une reconnaissance conjointe anticipée faite devant notaire lors du recueil des consentements, puis transmise à l’officier d’état civil au moment de la naissance (C. civ., art. 342-11).</p>
<p>Un couple de femmes dont l’enfant serait né d’une AMP pratiquée à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la loi peut aussi recourir à ce mécanisme de la reconnaissance conjointe lorsque la filiation de l’enfant n’est établie qu’à l’égard de celle qui a accouché.</p>
<p>Autre disposition majeure concernant l’AMP : la condition selon laquelle un embryon ne peut être conçu avec des gamètes ne provenant pas d’un au moins des membres du couple disparaît. Les couples dont la situation le nécessite pourront donc désormais bénéficier d’un don double don de gamètes masculin et féminin, afin qu’un embryon soit constitué à leur attention (CSP., art., L. 2141-3).</p>
<h2>Les limites à l’AMP</h2>
<p>L’AMP <em>post mortem</em> continue d’être interdite et la ROPA (réception de l’ovocyte par la partenaire), qui permet à une femme de porter l’enfant conçu avec l’ovocyte de sa partenaire, n’est pas autorisée.</p>
<p>La <a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/18636-gestation-pour-autrui-quelles-sont-les-evolutions-du-droit">gestation pour autrui (GPA)</a>, qui consiste pour une femme « désignée généralement sous le nom de « mère porteuse », à porter un enfant pour le compte d’un « couple de parents d’intention » à qui il sera remis après sa naissance », reste strictement interdite.</p>
<p>Concernant la question de la transcription sur les registres de l’état civil français des actes de naissance des enfants nés à l’étranger de cette technique, un amendement exige que la reconnaissance de la filiation soit « appréciée au regard de la loi française », ce qui empêche la transcription automatique du parent qui n’est pas biologiquement lié avec l’enfant. Pour voir sa parenté reconnue sur le sol français, ce dernier devra recourir à l’adoption (C. civ., art. 47).</p>
<p>La loi reconnaît aux personnes majeures le droit de procéder à l’autoconservation de leurs gamètes en dehors d’un quelconque motif médical, en vue de la réalisation ultérieure, à leur bénéfice, d’une AMP. En revanche, la disposition au travers de laquelle un donneur n’ayant pas encore procréé se voyait proposer le recueil et la conservation d’une partie de ses gamètes ou de ses tissus germinaux, en vue d’une éventuelle AMP future pour lui-même, est supprimée.</p>
<h2>Le droit d’accès aux origines</h2>
<p>Un droit d’accès aux origines personnelles des personnes conçues par dons de gamètes et d’embryons est créé : toute personne conçue par AMP avec tiers donneur pourra, à sa majorité, accéder à l’identité et aux données non identifiantes du tiers donneur définies à l’article <a href="https://www.senat.fr/rap/l10-388/l10-3888.html">L. 2143 3</a> (âge, état général tel qu’elles le décrivent au moment du don, caractéristiques physiques, situation familiale et professionnelle, nationalité, motivations du don rédigées par leurs soins).</p>
<p>Désormais, tout donneur de gamètes ou tout couple décidant de proposer un embryon à l’accueil devront, expressément et préalablement au don, consentir à ce que ces données soient communiquées à l’enfant devenu majeur s’il en fait la demande. En cas de refus, ces personnes ne pourront procéder au don (CSP., art. L. 2143-2). Une commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur, placée auprès du ministre chargé de la santé, sera en charge des demandes relatives à l’accès aux origines des personnes conçues par AMP exogène (AMP faisant intervenir un tiers donneur via un don de spermatozoïdes, d’ovocytes ou d’embryon).</p>
<p>Les personnes conçues antérieurement à la loi nouvelle, dès lors qu’elles souhaitent accéder leurs origines, bénéficient de deux mesures. <em>Primo</em>, elles peuvent effectuer une demande en ce sens auprès de la commission d’accès aux données précitée. <em>Secondo</em>, les donneurs ayant fait un don avant l’entrée en vigueur de la loi pourront se manifester auprès de cette commission (CSP., art. L. 2143-6).</p>
<h2>Des évolutions majeures en matière de dons d’organes et de tissus</h2>
<p>Les débats autour de l’assistance médicale à la procréation ont eu tendance à monopoliser la scène publique. Pourtant, d’autres secteurs de la biomédecine connaissent d’importantes évolutions suite à ce texte. C’est en particulier le cas pour les greffes.</p>
<p>Dans l’objectif affiché d’accroître la possibilité de dons croisés (technique réunissant plusieurs couples de donneurs/receveurs compatibles entre eux lorsque le proche donneur n’est pas compatible avec le patient), le nombre maximal de paires de donneurs et de receveurs consécutifs est porté de deux à 6. Imaginons qu’une personne A souhaite donner à son proche (receveur 1) mais n’est pas compatible avec lui et qu’une personne B est dans la même situation avec l’un de ses proches (receveur 2). Si le donneur A est compatible avec le receveur 2 et que la personne B est compatible avec le receveur 1, une greffe peut désormais être envisagée entre le donneur A et le receveur 2 et une autre entre le donneur B et le receveur 1.</p>
<p>Il peut aussi désormais être fait recours à un organe prélevé sur une personne décédée « pour augmenter les possibilités d’appariement entre donneurs et receveurs engagés dans un don croisé et en substitution au prélèvement de l’un des donneurs vivants », afin d’augmenter les possibilités d’appariement (CSP., art. L. 1231-1, II).</p>
<p>Les personnes majeures protégées (tutelle, curatelle, habilitation familiale, mandat de protection future en application) sont autorisées à faire un don de leur vivant, à l’exclusion de celles qui font l’objet d’une mesure de représentation à la personne (CSP, art. L.1231-2).</p>
<p>Le don de cellules hématopoïétiques (don <a href="https://dondesang.efs.sante.fr/le-don-volontaire-de-moelle-osseuse">« de moelle osseuse »</a>), strictement encadré en raison de son caractère invasif, est élargi, de façon exceptionnelle, d’une part aux père et mère d’une personne mineure, d’autre part aux père et mère ou enfants d’une personne majeure faisant l’objet d’une protection à la personne (CSP, art. L. 1241-3 et L. 1241-4).</p>
<p>Dans le cadre du don de sang, toute différence de traitement des donneurs fondée sur leur orientation sexuelle est proscrite. Il est donc mis fin au délai d’abstinence de quatre mois auparavant imposé aux hommes entretenant des relations avec les autres hommes. À l’instar du don de cellules hématopoïétiques, le cercle des donneurs de sang est élargi aux personnes majeures faisant l’objet d’une mesure de protection autre qu’avec représentation à la personne.</p>
<p>Le don de corps est désormais légalement encadré. Les établissements de santé autorisés à recevoir ce type de dons « s’engagent à apporter respect et dignité aux corps qui leur sont confiés » (CSP., art. L. 1261-1).</p>
<p>À lire aussi : <a href="https://theconversation.com/don-de-corps-a-la-medecine-comment-eviter-que-dissection-ne-rime-avec-transgression-128152">Don de corps à la médecine : comment éviter que dissection ne rime avec transgression ?</a></p>
<h2>Le retour de la technique du « bébé-médicament »</h2>
<p>La technique du diagnostic préimplantatoire – typage HLA (DPI-HLA), plus couramment dénommée « bébé-médicament » ou « bébé du double espoir », qui avait été supprimée en première lecture, reste autorisée. Il s’agit de permettre à des parents de concevoir un enfant indemne de la maladie génétique familiale qui a atteint son aîné et est susceptible de soigner cet ainé malade de façon définitive grâce aux cellules souches du sang placentaire <a href="https://www.agence-biomedecine.fr/Extension-du-DPI-DPI-HLA,179">prélevées dans le cordon ombilical ou, plus tard, de la moelle osseuse</a>.</p>
<p>La loi facilite la pratique en rendant inopposable à ce dispositif la règle selon laquelle un couple dont des embryons ont été conservés ne peut bénéficier d’une nouvelle tentative de fécondation <em>in vitro</em> avant le transfert de ceux-ci (CSP, art. L. 2131-4-1).</p>
<h2>La facilitation des examens génétiques</h2>
<p>Le secteur des examens génétiques et de la transmission des informations qui en découlent connaît des modifications justifiées par l’intérêt de la personne sur laquelle l’examen est pratiqué et, aussi, par la volonté de permettre aux proches de bénéficier de mesures de prévention ou de soin.</p>
<p>Dans cette ligne d’idées, un examen génétique peut être entrepris sur une personne décédée ou hors d’état de s’exprimer, sous réserve qu’elle ne s’y soit pas opposée antérieurement (CSP., art. L. 1130-4).</p>
<p>Les conditions d’information de la parentèle sont précisées : la personne chez qui a été diagnostiquée une anomalie génétique pouvant être responsable d’une affection grave se trouve dans l’obligation d’informer les membres de sa famille potentiellement concernés dont elle possède (ou peut obtenir) les coordonnées, dès lors que des mesures de prévention ou de soins peuvent leur être proposées. Elle dispose cependant d’une option quant aux moyens de remplir cette obligation, puisqu’elle peut procéder elle-même à l’information des proches concernés ou demander au médecin de le faire (. CSP., art. L. 1131-1. – I.).</p>
<p>La loi permet d’informer le patient, à condition de son assentiment, de découvertes de caractéristiques génétiques incidentes, sans relation avec l’indication initiale de l’examen, dès lors que ces informations permettent à la personne ou aux membres de sa famille de bénéficier de mesures de prévention – y compris de conseil génétique – ou de soins (C. civ., art. 16-10).</p>
<p>La transmission d’informations à caractère génétique relative à une anomalie pouvant être responsable d’une affection grave justifiant des mesures de prévention – y compris de conseil génétique – ou de soins, est organisée tant à l’égard des donneurs de gamètes que des enfants issus de leurs dons, de même qu’en cas d’accouchement sous X. (CSP, art. L.1131-1-2).</p>
<p>Des droits et des garanties des patients en matière de données massives sont prévues. L’information du patient préalable à l’utilisation d’un dispositif médical comportant un traitement algorithmique de données massives (intelligence artificielle) est assurée. Il revient au médecin qui pratique l’examen de s’assurer que la personne a été informée et qu’elle est, le cas échéant, avertie de l’interprétation qui en résulte (CSP, art. L.4001-3).</p>
<h2>D’importantes évolutions pour la recherche</h2>
<p>D’un point de vue administratif, le délai maximum de culture des embryons sur lesquels une recherche est menée passe de 7 à 14 jours (CSP, art. L.2151-5, IV). D’un point de vue scientifique, afin d’augmenter les possibilités de recherche, la recherche sur les cellules souches embryonnaires se trouve facilitée : l’obligation pour les chercheurs d’obtenir une autorisation leur permettant de mener leurs expérimentations a été levée en faveur d’une simple déclaration (CSP., art. L. 2151-6. – I).</p>
<p>L’interdiction de création d’embryons transgéniques (obtenus par l’introduction dans le génome d’une séquence d’ADN étrangère à l’organisme concerné) ou chimériques (dans lequel on a intégré quelques cellules provenant d’une autre espèce) est supprimée. Il n’en subsiste que l’interdiction de modifier un embryon humain par l’adjonction de cellules qui proviendraient d’autres espèces (CSP., art. L. 2151-2).</p>
<p>Enfin, le texte précise que l’imagerie cérébrale fonctionnelle, destinée à l’observation de l’activité cérébrale pour en déduire des conséquences sur le psychisme, ne peut être utilisée qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique. Elle est interdite dans le cadre d’expertises judiciaires (C. civ., art. 16-14).</p>
<h2>D’autres évolutions importantes</h2>
<p>Parmi les autres mesures à retenir, on peut noter que la prise en charge des enfants présentant une variation du développement génital est améliorée, le délai de mention du sexe à l’état civil est allongé, de même que les conditions de rectification du sexe ou des prénoms à l’état civil sont facilitées. (CSP., art. L.2131-6 et C. civ., art. 57).</p>
<p>L’interruption médicalisée de grossesse connaît également quelques modifications. Parmi elles, la suppression du délai de réflexion d’une semaine à respecter pour la femme avant de procéder à ladite interruption. Le texte encadre aussi la pratique de l’interruption médicale de grossesse partielle qui vise, en cas de grossesse multiple mettant en péril la santé de la femme, à interrompre le développement d’un ou plusieurs embryons (CSP, art. L. 2213-1).</p>
<p>Le texte définitif de la loi relative à la bioéthique a suscité des réactions pour le moins diverses.</p>
<p>Il a été accueilli par les uns comme <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/06/30/loi-de-bioethique-une-evolution-salutaire-qui-reste-a-consolider-et-a-evaluer_6086398_3232.html">« une évolution salutaire qui reste à consolider »</a>, selon les termes de Jean‑François Delfraissy, président du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) et Pierre-Henri Duée, président de la section technique du CCNE. D’autres ont dénoncé un <a href="https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Le-Conseil-constitutionnel-saisi-loi-bioethique-2021-07-06-1201165064">« scientisme sans limite »</a>, dans une tribune signée par 80 députés LR et UDI.</p>
<p>La loi devrait être révisée d’ici un délai de 7 ans.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/164254/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Depadt ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La troisième révision des lois de bioéthique est en cours d’achèvement. Votée par l’Assemblée nationale fin juin 2021, il s’agit d’une évolution majeure qui marquera l’histoire de la biomédecine.Valérie Depadt, Maître de conférences en droit, Université Sorbonne Paris NordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1434772020-09-06T16:05:54Z2020-09-06T16:05:54ZLoi relative à la bioéthique : quand bioéthique rime avec biopolitique<p>Depuis 1994 notre législation relative à la bioéthique a mission d’anticiper les conséquences sociétales des avancées de la recherche biomédicale et d’encadrer les innovations selon les principes d’une « bioéthique à la française ». </p>
<p>Le texte de 1994, révisé à deux reprises en 2004 et 2011, fait l’objet <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15t0474_texte-adopte-provisoire.pdf">d’un troisième remaniement</a>, entamé en 2018 et prévu pour durer jusqu’en 2021. Ces révisions à échéance régulière témoignent du souci d’identifier, au fil des évolutions scientifiques, leurs enjeux sociétaux dans le cadre d’une concertation parvenant à préserver à la fois l’équilibre entre nos valeurs et la dynamique d’une recherche compétitive au service du bien commun. </p>
<p>Dans la nuit du 31 juillet au 1<sup>er</sup> août, devant un hémicycle vide aux quatre cinquièmes, l’Assemblée nationale, au terme de 37 heures de débats et de 1250 amendements, a adopté en deuxième lecture le projet de loi relative à la bioéthique. </p>
<p>Il ne s’agit là que d’une étape, puisque le texte va revenir devant le Sénat, avant qu’une commission paritaire composée de représentants des deux chambres ne tente de trouver un accord qui, d’ores et déjà, s’annonce difficile au regard des dissensus entre députés et sénateurs. Cette étape n’en était pas moins d’importance puisqu’on sait que, dans l’hypothèse où tout compromis s’avérerait impossible, il reviendra à l’Assemblée nationale, lors d’une troisième lecture, de décider de la version finale du texte. </p>
<p>Avant d’évoquer <a href="https://theconversation.com/loi-relative-a-la-bioethique-entre-avancees-renoncements-et-desillusions-ce-quil-faut-retenir-145283">les points à retenir</a> du vote en seconde lecture à l’Assemblée nationale de la <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/bioethique_2">loi relative à la bioéthique</a>, un rappel s’impose à propos de la spécificité de cette législation dont nombre de pays n’ont pas estimé nécessaire de se doter.</p>
<h2>Évaluer les évolutions scientifiques</h2>
<p>Le débat bioéthique se situe au cœur de la vie démocratique. Il touche non seulement à la signification que nous accordons à la dignité humaine, à nos représentations de ce qu’est la personne, à nos devoirs de solidarité et de justice, mais aussi à la justification et à l’acceptabilité d’interventions susceptibles de bouleverser notre rapport à l’humain, nos repères anthropologiques. C’est dire l’importance et l’intérêt de la démarche de révision du texte de loi, dans sa forme comme dans son fond. </p>
<p>La concertation se doit donc d’être pluraliste, argumentée, prudente, respectueuse de la diversité des points de vue et des convictions, afin de viser un consensus préservant un esprit de mesure là où menacent les positions idéologiques. Pour y parvenir, chacun doit être en capacité de s’approprier des savoirs souvent complexes et évolutifs. </p>
<p>Il s’agit en effet de se situer au regard des évolutions scientifiques et techniques, et de les évaluer au gré de leur émergence : sont-elles fondées, justifiées, acceptables (parfois sous certaines conditions restrictives, comme c’est le cas de la recherche sur l’embryon) ? Ou au contraire sont-elles incompatibles avec nos principes ?</p>
<p>Cette révision est donc un rendez-vous d’une nature particulière, dès lors qu’il concerne nos responsabilités présentes au regard des possibilités que propose la recherche biomédicale dans des domaines sensibles comme l’assistance médicale à la procréation (AMP), l’accès aux origines pour les personnes nées grâce à un don de gamètes, la génomique, les neurosciences, la recherche sur l’embryon, l’intelligence artificielle, les greffes d’organes, etc. </p>
<p>Parmi les exemples d’actualité, citons le refus actuel de la gestation pour autrui (GPA) ou de la réception d’ovocytes de la partenaire (ROPA), qui consisterait au sein d’un couple de femmes à transférer des ovocytes de l’une à l’autre dans le cadre d’une fécondation in vitro (FIV).</p>
<p>La révision du texte de loi relative à la bioéthique engage également nos responsabilités à l’égard des générations futures.
Au regard de promesses scientifiques, quels risques sommes-nous prêts à assumer, à quels renoncements sommes-nous favorables, des limites intangibles peuvent-elles encore être fixées à la recherche ? Et si la réponse est « oui », selon quels critères ?</p>
<h2>Les nouveaux territoires de la bioéthique</h2>
<p>La reconfiguration de notre monde en fonction des visées et des modes opératoires que nous imposent les GAFAM et BATX, dont les capacités d’intervention sur nos existences et nos sociétés semblent désormais défier toute exigence de régulation, justifie de notre part une vigilance et des mesures appropriées. </p>
<p>Les algorithmes utilisés dans le traitement des données de santé permettent à la fois de développer les performances de l’imagerie médicale, de produire de nouvelles molécules, et avec l’analyse de l’ADN de parvenir à connaître nos origines et même, de manière prospective, les risques de développer une maladie. </p>
<p>En contrepartie, qu’en est-il du marché des données de santé et des risques qu’il génère notamment en matière de droits et de libertés individuelles, ne serait-ce que dans l’usage par les assureurs d’informations personnelles discriminatoires ? Le marché des données est <a href="https://www.lebigdata.fr/big-data-sante-2025-bis-research#:%7E:text=Selon%20le%20rapport%20Global%20Big,fin%20de%20l%E2%80%99ann%C3%A9e%202025.">évalué à 68,75 milliards de dollars à l’horizon 2025</a>.</p>
<p>Les nouveaux continents de la bioéthique doivent être explorés en se dotant de capacités d’anticipation et de moyens de régulation effectifs, afin de ne pas réduire la concertation bioéthique à une procédure de validation législative d’évolutions qui imposent leurs logiques et leurs règles. Un défi difficile à relever, dans le monde globalisé et numérisé qui est désormais le nôtre.</p>
<h2>Les limites d’une bioéthique nationale</h2>
<p>La recherche biomédicale se développe dans un contexte de compétition internationale déterminée par des enjeux de souveraineté nationale, d’évaluations académiques, notamment à travers les publications, ainsi que des considérations financières soumises aux exigences de retours sur investissement à la fois rapides et substantiels. De telle sorte que la hiérarchisation des thématiques de recherche, les conditions de développement et de partage des savoirs, les stratégies de l’innovation technologique et la valorisation des recherches peuvent s’avérer en contradiction avec les principes de l’éthique de la recherche et de l’intégrité scientifique. Les controverses actuelles relatives aux approches thérapeutiques du Covid-19, témoignent à cet égard de pratiques discutables.</p>
<p>Dans un environnement scientifique international peu homogène du point de vue de l’interprétation et de l’usage des principes de la bioéthique, « la bioéthique à la française » est de peu de poids. Exemple parlant s’il en est, celui de l’offre du marché de la fertilité, <a href="https://medium.com/@veilleunitec/fertility-tech-un-march%C3%A9-f%C3%A9cond-8ddd2b59666d">estimé de l’ordre de 25 milliards de dollars à l’horizon 2025</a>. La question de la GPA est également emblématique : les enfants issus de GPA pratiquée hors de notre territoire sont désormais reconnus dans leurs droits inaliénables. Cette décision, qui améliore leur situation juridique (en particulier en cas de divorce des parents ou de décès de l’un d’entre eux), fragilise dans le même temps la résistance de la France à ce qu’elle considère encore comme une instrumentalisation du corps de la femme incompatible avec ses valeurs. </p>
<p>Par ailleurs, l’accès aux techniques prohibées dans notre pays n’a de frontières que le coût des interventions à l’étranger. Ce constat amène certains à considérer comme injustes ces discriminations économiques. Leur existence devrait selon eux inciter à autoriser en France ce qui est possible ailleurs.</p>
<h2>Une révision trop peu publicisée</h2>
<p>La <a href="https://theconversation.com/revision-des-lois-de-bioethique-entre-ethique-et-politique-120840">révision de 2018</a> s’était engagée dans de bonnes conditions : publication de rapports de qualité (Conseil d’État, CCNE, Académie nationale de médecine, Agence de la biomédecine, notamment), organisation pendant quatre mois d’états généraux de la bioéthique avec le relais d’un site dédié, puis rapports parlementaires approfondis.</p>
<p>On peut cependant remarquer qu’il aura manqué des événements d’ampleur nationale ou internationale, ou des colloques thématiques qui s’imposaient. Comme si le gouvernement souhaitait éviter de s’exposer trop directement. Car l’enjeu politique marquant était l’accès des couples de femmes (ou des mères célibataires) à l’assistance médicale à la procréation, dans la dynamique de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 <a href="https://www.gouvernement.fr/action/le-mariage-pour-tous#:%7E:text=Adoption23%20avril%202013%20Le,Officiel%20du%2018%20mai%202013.">ouvrant le mariage aux couples de personnes du même sexe</a>. </p>
<p>On le sait, la controverse inquiétait nos responsables politiques, pour lesquels il s’agissait d’un symbole fort pour répondre, de fait, à une demande quantitativement limitée (on estime de l’ordre de 3200 le recours d’AMP à l’étranger par des femmes ne pouvant pas en bénéficier en France). </p>
<p>Dès lors, on ne peut que remarquer le contraste entre l’importance accordée au vote en première lecture le 15 octobre 2019 par 545 parlementaires, et la discrétion aoûtienne qui a entouré le dernier vote, le 31 juillet par 101 députés, « en catimini » selon certaines voix de l’opposition. Ce n’est pas le Covid-19 qui explique le vote subreptice de cette loi relative à la bioéthique fin juillet : elle méritait certainement mieux que cette approbation dissimulée, à bas bruit, sans grandeur et de fait si peu médiatisée…</p>
<h2>Et maintenant ?</h2>
<p>Le projet de loi poursuivra son parcours courant novembre en seconde lecture au Sénat, avant son vote définitif. Il est évident que l’urgence bioéthique est relativisée, au regard de tant d’autres priorités dans le contexte de la crise sanitaire actuelle causée par l’épidémie de Covid-19, avec ses conséquences économiques et sociales redoutées. </p>
<p>Était-il alors sage d’aboutir dans ces conditions au vote de cette loi ? Le gouvernement l’a estimé nécessaire, de manière politique puisqu’il s’agissait pour lui, en légiférant sur la « PMA pour toutes » d’honorer une promesse électorale. Cette situation donne à comprendre à quel point la bioéthique est aujourd’hui assimilée à la biopolitique. Il ne s’agit pas seulement d’envisager les avancées biomédicales d’un point de vue préventif ou thérapeutique, mais tout autant dans leur fonction sociétale, et parfois politique.</p>
<p>En fait il convient au cours de ces révisions d’évaluer le niveau d’acceptabilité de la société à des pratiques scientifiques qui bouleversent nos représentations, au point de nous démunir de repères d’autant plus indispensables au regard du pouvoir de transformation des techniques qui influent sur nos vies et sur le vivant. Ce constat doit être assumé avec lucidité dans la perspective de la prochaine révision qui, d’autre part, devra mieux prendre en compte la difficulté d’affirmer des principes, de fixer un cadre limitatif dès lors que notre souveraineté (y compris bioéthique) est menacée par les avancées technologiques. </p>
<p>À cet égard, il importe d’accorder plus d’attention au débat science-société et de restaurer dans ce domaine une relation de confiance affectée ces dernières années par tant de manquements à l’intégrité scientifique. Dans le champ de la bioéthique, comme nous l’avons évoqué précédemment les enjeux académiques des publications au regard de l’intérêt d’un projet de recherche voire de l’intérêt direct des personnes incluses dans l’étude, pourraient inciter à quelques utiles préconisations.</p>
<p>Le CCNE a intitulé à bon escient son rapport de synthèse des états généraux de la bioéthique <a href="https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/publications/eg_ethique_rapportbd.pdf">« Quel monde voulons-nous pour demain ?</a> »
Il n’est pas évident que nous partagions encore le sens des responsabilités auxquelles engage une telle exigence du questionnement bioéthique. À une époque où l’importance à accorder au devenir de l’environnement semble enfin en passe d’être prise en compte, il nous faudrait également comprendre que convenir ensemble du devenir de l’être humain est aussi digne et urgent que de s’inquiéter de celui de notre planète…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/143477/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La révision du projet de loi de bioéthique actuellement en cours ne reçoit pas l’attention qu’elle mérite. Ce problème n’est pas uniquement du à la crise provoquée par l’épidémie de Covid-19.Valérie Depadt, Maître de conférences en droit, Université Sorbonne Paris NordEmmanuel Hirsch, Professeur d'éthique médicale, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1304942020-02-04T13:31:14Z2020-02-04T13:31:14ZPMA : le Sénat conserve les grands principes mais pose des limites sévèrement réductrices<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/313433/original/file-20200204-41490-4cml14.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C1905%2C1273&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Derrière les murs du Sénat, l’examen du texte du projet de loi bioéthique est terminé.</span> <span class="attribution"><span class="source">Jacques Gaimard/Pixabay </span></span></figcaption></figure><p>Le projet de loi bioéthique poursuit sa navette entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Après avoir achevé mercredi 29 janvier l’examen du texte, les sénateurs lʼont adopté en première lecture mardi 4 février, par 153 voix contre 143, non sans l’avoir largement amendé, notamment dans le domaine de l’assistance médicale à la procréation (AMP ou PMA pour procréation médicalement assistée). Les sénateurs conservateurs sont revenus sur plusieurs mesures phares du texte qui avait été voté par l’Assemblée nationale.</p>
<p>Si l’ouverture de l’AMP à de nouvelles catégories de personnes ou l’accès à l’identité des donneurs pour les personnes conçues par don de gamètes sont maintenus, de nouvelles limites ont été posées. Celles-ci modifient sensiblement non seulement la portée de la loi, mais aussi son sens.</p>
<h2>Limitation de la prise en charge par l’assurance maladie</h2>
<p>Un nouvel article, inséré dans le Code civil, donne le ton. Il dispose que <a href="http://www.senat.fr/enseance/2019-2020/238/Amdt_128.html">« nul n’a de droit à l’enfant »</a>. L’objectif affiché de cet amendement est d’introduire dans le Code civil un article destiné à s’appliquer à tous.</p>
<p>Cependant celui-ci, pensé comme un rappel d’un droit fondamental, laisse planer le doute sur le sens qui doit lui être accordé : qu’est-ce qu’un « droit à l’enfant » ? Cette expression, apparue depuis le début des débats sur l’extension de l’AMP, est fréquemment présentée comme l’opposé du droit « de » l’enfant. Elle est généralement davantage utilisée [comme un repoussoir envers ceux qui revendiquent l’extension de l’AMP que comme une notion sensée, juridiquement fondée](https://celsalab.fr/2018/10/12/anti-pma-un-air-de-deja-vu/</p>
<p>Certes, l’ouverture de l’AMP pour les couples de femmes et les femmes seules n’est pas remise en question. Cependant le Sénat, en rétablissant la condition d’infertilité médicalement constatée pour les couples hétérosexuels, crée deux catégories dans l’AMP, l’une à l’intention des couples hétérosexuels (article L. 2141 2), l’autre pour les couples de femmes et les femmes « non mariées » (Art. L. 2141‑2‑1).</p>
<p>Dès lors, les bases d’un régime différent sont posées : la prise en charge par l’assurance maladie est limitée <a href="https://www.senat.fr/enseance/2019-2020/238/Amdt_262.html">aux seules demandes fondées sur des indications médicales</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pma-et-homoparentalite-que-sait-on-vraiment-du-developpement-des-enfants-de-meres-lesbiennes-124397">PMA et homoparentalité : que sait-on vraiment du développement des enfants de mères lesbiennes ?</a>
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<h2>Filiation des enfants : vers l’adoption obligatoire</h2>
<p>La filiation des enfants nés au sein d’un couple de femmes a été également réécrite. Désormais, celle des deux mères qui n’a pas accouché devrait, pour qu’un lien de filiation soit établi entre elle et son enfant, passer par l’adoption.</p>
<p>Le texte prévoit que « si » les deux membres du couple en font la demande au notaire, le <a href="https://www.senat.fr/amendements/2019-2020/238/Amdt_67.html">consentement donné à une AMP vaut consentement de la mère ayant porté l’enfant à l’adoption de cet enfant par l’autre membre du couple</a>. Pour la mère ayant porté l’enfant, la filiation se ferait par l’accouchement.</p>
<p>La possibilité d’un troisième mode d’établissement de la filiation, qui viendrait s’ajouter à la procréation charnelle ou à l’adoption pour épouser la réalité des faits, est écarté.</p>
<h2>Interdiction de l’AMP exogène</h2>
<p>La partie consacrée à l’AMP réalisée à l’aide du don de gamètes provenant de tiers, ou AMP exogène, est elle aussi partiellement réécrite. <a href="http://www.senat.fr/enseance/2019-2020/238/Amdt_125.htm">L’interdiction du double don se trouve rétablie</a>. Les couples souffrant d’une double infertilité ne se verront donc proposer d’autre solution que celle de l’accueil d’embryon. On conclut qu’il en serait de même pour les couples de femmes ou les femmes seules qui, pour des raisons pathologiques, ne pourraient procréer au moyen de leurs propres ovocytes. Cette technique consiste à « accueillir » un embryon surnuméraire fécondé dans le cadre d’un parcours d’AMP par un couple qui, soit parce qu’il ne souhaite pas conserver l’embryon pour son propre usage, soit parce qu’il ne ne remplit plus les conditions d’accès à l’AMP, décide d’en faire don (code de la santé publique, art. L. 2141-4). La décision peut également émaner du conjoint survivant en cas de décès d’un membre du couple.</p>
<p>À propos des embryons, le texte voté par l’Assemblée dispose que</p>
<blockquote>
<p>« Seuls les établissements publics ou privés à cet effet peuvent conserver les embryons destinés à être accueillis et mettre en œuvre la procédure d’accueil »,</p>
</blockquote>
<p>Dans la version du Sénat, un amendement rétablit l’exclusion des établissement privés à but lucratif, au motif de la crainte de dérives qui viendraient <a href="https://www.senat.fr/enseance/2019-2020/238/Amdt_284.html">transgresser le principe de non patrimonialité des éléments du corps humain</a>.</p>
<h2>Enfants nés d’une GPA faite à l’étranger : refus de transcription des actes de naissance</h2>
<p>Bien que la gestation pour autrui (GPA) soit interdite en France, de nombreux couples de Français se sont rendus dans des pays où cette pratique est légale afin d’y recourir.</p>
<p>La transcription sur les registres de l’état civil français des actes de naissance des centaines d’enfants nés de cette manière a fait l’objet de longues batailles juridiques. En 2019, la Cour de cassation s’était prononcée en ordonnant la transcription des actes de naissance étrangers. Cette décision allait dans le sens de la position de la Cour européenne, faisant primer l’intérêt de l’enfant.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quel-avenir-pour-les-enfants-nes-par-gpa-129206">Quel avenir pour les enfants nés par GPA ?</a>
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<p>Cependant, lors de leur examen du texte du projet de loi bioéthique, les sénateurs ont refusé de déconnecter cette question de la transcription des actes de naissance de l’interdiction de la GPA. Un amendement, visant à donner une portée pleine et entière à l’interdiction de la GPA en France, rend désormais impossible une telle transcription :</p>
<blockquote>
<p>« Tout acte ou jugement de l’état civil des Français ou des étrangers fait en pays étranger établissant la filiation d’un enfant né à l’issue d’une convention de gestation pour le compte d’autrui ne peut être transcrit sur les registres en ce qu’il mentionne comme mère une femme autre que celle qui a accouché ou lorsqu’il mentionne deux pères. »</p>
</blockquote>
<p>Le lien entre l’enfant et le second parent ne pourra être établi qu’au moyen de l’adoption <a href="https://www.senat.fr/encommission/2019-2020/63/Amdt_COM-99.html">à l’instar de la filiation entre l’enfant et la mère qui n’a pas accouché pour un couple de femmes</a>.</p>
<p>L’Assemblée elle-même avait rejeté un amendement qui allait dans le sens contraire, relatif à l’obligation de retranscrire les actes d’état civil étrangers conformes au droit du pays d’origine.</p>
<h2>Restriction de l’accès aux origines</h2>
<p>La création d’un droit aux origines des personnes conçues par don de gamètes a été revue dans le sens de la restriction. Le principe selon lequel toute personne conçue par AMP avec tiers donneur peut, si elle le souhaite, accéder à sa majorité aux données non identifiantes de ce tiers donneur reste acquis.</p>
<p>Il n’en est pas de même pour l’accès à l’identité du donneur, le droit étant maintenu dans son principe, mais soumis au consentement exprès du donneur <a href="https://www.senat.fr/encommission/2019-2020/63/Amdt_COM-264.html">exprimé au moment de la demande formulée par l’enfant devenu majeur</a>. Ce n’est donc qu’au moment où elle en fera la demande que la personne concernée saura si ce droit lui est ou non accordé.</p>
<p>On est ici loin de la jurisprudence de la Cour européenne, qui considère le <a href="https://theconversation.com/don-de-sperme-anonyme-la-cour-europeenne-des-droits-de-lhomme-va-t-elle-bousculer-la-france-84172">droit à la connaissance de ces origines comme un élément de la vie privée</a>.</p>
<h2>Interdiction de l’autoconservation des gamètes</h2>
<p>L’autoconservation des gamètes en vue de la réalisation ultérieure d’un protocole d’AMP a été interdite, les sénateurs ayant <a href="http://www.senat.fr/petite-loi-ameli/2019-2020/238.html">supprimé les dispositions qui l’autorisait</a>. Très encadrée, l’autoconservation des gamètes est actuellement soumise à des motifs médicaux : endométriose, cancers, etc. Les femmes qui font un don d’ovocytes se voient aussi offrir la possibilité d’en conserver une partie pour leur propre usage au cas en cas d’AMP ultérieure.</p>
<p>Les sénateurs, à la suite des députés, ont également rejeté, par un vote extrêmement serré, toute proposition d’autoriser la procréation post-mortem. Sur ce sujet particulièrement sensible, la crainte d’un deuil prolongé, d’une rupture anthropologique et d’une pression familiale sur la veuve, de desservir l’intérêt de l’enfant l’a emportée sur les arguments des défenseurs de cette possibilité, à savoir l’autonomie de la femme, la cohérence de la solution avec l’ouverture de l’AMP aux femmes seules et l’avis de Comité consultatif d’éthique</p>
<p>Dans la mesure où cette situation concerne moins d’une femme par an, une exception permettant l’examen au cas par cas semble être une option qui mériterait d’être envisagée.</p>
<h2>Rejet de l’extension du diagnostic préimplantatoire</h2>
<p>L’AMP comporte un volet moins médiatisé que les autres, à savoir le diagnostic préimplantatoire (DPI), qui consiste à rechercher sur des embryons conçus <em>in vitro</em> un éventuel déficit génétique pour n’implanter qu’un embryon sain dans l’utérus maternel. En droit positif, seule la pathologie liée à l’anomalie parentale susceptible d’être transmise peut être recherchée chez l’embryon au cours des analyses.</p>
<p>Le Sénat a rejeté la possibilité, envisagée à titre expérimental par la commission spéciale sur la bioéthique, de rechercher des anomalies chromosomiques non compatibles avec le développement embryonnaire, dans le cadre du diagnostic préimplantatoire d’une AMP. Sans entrer dans un débat complexe, rappelons ici que le test de dépistage de la trisomie 21 est proposé à toute femme enceinte et qu’il le sera donc à la femme enceinte à la suite d’un DPI.</p>
<h2>Autorisation du « bébé médicament »</h2>
<p>Le Sénat a en revanche rétabli la technique du double diagnostic préimplantatoire (DPI-HLA), supprimée par l’Assemblée. Cette technique permet aux parents dont l’enfant est atteint d’une maladie incurable, qui le condamne à très brève échéance, de recourir au DPI-HLA afin de sélectionner un embryon indemne de cette maladie pour le transférer dans l’utérus de la mère.</p>
<p>À la naissance de l’enfant, des cellules seront prélevées dans le cordon ombilical à la fin d’être utilisées pour guérir l’enfant aîné. Cette technique, également dénommée « bébé médicament » ou « bébé du double espoir » pose des questions éthiques particulièrement délicates dans la mesure où il s’agit d’effectuer un tri embryonnaire dans l’intérêt d’un autre enfant que celui à naître, son frère ou sa sœur.</p>
<p>Le texte voté par le Sénat va maintenant retourner devant l’Assemblée, où les débats se poursuivront au mois d’avril. Le texte, qui devrait être définitivement voté cet au plus tôt cet été, va certainement connaître bien des turbulences.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130494/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Depadt ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’examen du projet de loi bioéthique s’achève par une série d’amendements qui sauve les apparences, mais dont les limites vident le texte d’une partie de sa substance.Valérie Depadt, Maître de conférences en droit, Université Sorbonne Paris NordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1292062020-01-16T22:48:00Z2020-01-16T22:48:00ZQuel avenir pour les enfants nés par GPA ?<p>19 ans de procédure. Une durée hors-norme pour une affaire qui ne l’est pas moins, et dont les répercussions sur le droit français se poursuivent. En 2000, les filles de Sylvie et Dominique Mennesson, Fiorella et Valentina, naissent en Californie. Commence alors pour les époux un long parcours du combattant devant les instances judiciaires afin de régulariser l’état civil de leurs enfants. Car les jumelles n’ont pas été mises au monde par Sylvie Mennesson : atteinte d’une malformation congénitale, elle ne peut porter d’enfant, ni donner ses ovocytes.</p>
<p>Fiorella et Valentina ont donc été conçues avec les spermatozoïdes de leur père et des ovocytes donnés par une amie du couple, avec l’aide d’une femme « gestatrice », dans le cadre d’une gestation pour autrui (GPA). Problème : cette pratique, autorisée en Californie, est interdite en France. Après la naissance, les parents se heurtent au refus de l’administration française de transcrire les actes de naissance américains et d’inscrire les nouvelles-nées sur le livret de famille…</p>
<p>Il faudra près de deux décennies de batailles juridiques pour qu’enfin, en octobre 2019, la Cour de cassation tranche en faveur des époux Mennesson, apportant une réponse inédite à cette épineuse question de droit.</p>
<p>Retour sur le dénouement de cette longue saga juridique, qui a fait jurisprudence et permis de nouveaux recours pour les nombreux autres Français dans la même situation. Mais la situation n’est pas réglée pour autant, la législation n’ayant pas encore évolué en conséquence. Les <a href="https://www.lemonde.fr/m-actu/article/2017/12/29/la-gpa-un-business-tres-porteur_5235503_4497186.html">centaines de couples dont les enfants sont nés par GPA</a> doivent-ils craindre un retour en arrière ?</p>
<h2>La GPA est interdite en droit français</h2>
<p>Diabolisée ou évangélisée, parfois caricaturée ou déformée, la GPA n’a guère quitté la scène socio-judiciaire ces dernières années. Présentée par ses détracteurs comme la reconnaissance de l’existence d’un « droit à l’enfant » (si tant est que l’expression ait un sens…), elle ouvrirait selon eux la porte à l’exploitation systématique du corps des femmes. Pour ses partisans, au contraire, la GPA n’est ni plus ni moins qu’un protocole d’assistance médicale à la procréation parmi d’autres, l’expression la plus entière de l’autonomie de la volonté.</p>
<p>Dans ce contexte de passions cristallisées, il est important de rappeler qu’à ce jour, la GPA demeure strictement interdite en droit français. Cette interdiction est formulée <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006419302&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=19940730">par un texte d’ordre public</a> qui, à ce titre, ne peut connaître aucune exception.</p>
<p>Elle se pratique néanmoins dans divers pays, sous différents régimes et, parfois, au hasard d’un vide juridique. Certains couples français franchissent donc les frontières pour en bénéficier. Problème : lorsqu’ils reviennent en France, ils doivent régulariser l’état civil du nouveau-né, comme c’est le cas pour tout enfant ayant vu le jour à l’étranger.</p>
<p>Pour ce faire, il leur faut obtenir la transcription de l’acte de naissance dressé à l’étranger sur les registres de l’état civil français. C’est cette question de la transcription qui est à l’origine du combat mené par les Mennesson, à qui de nombreux autres couples ont emboîté le pas. Rappelons brièvement quelques étapes clés de ce feuilleton judiciaire.</p>
<h2>Transcription pour le père, adoption pour la mère</h2>
<p>Par une décision du 17 décembre 2008, la Cour de cassation avait une première fois refusé une telle transcription. Cette jurisprudence s’est vue maintes fois réaffirmée, jusqu’en 2014, année où la France a été condamnée à l’unanimité par la Cour européenne pour violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, plus précisément du droit à la vie privée des enfants.</p>
<p>Les juges strasbourgeois ont estimé que le refus par la France de reconnaître ces enfants comme ceux de leurs parents au sein de son ordre juridique porte atteinte à leur identité dans la société française et, qu’en empêchant l’établissement de ce lien sur le sol national, la France dépasse la marge d’appréciation que la Cour accorde à ses États membres.</p>
<p>L’article 3,§ 1 de la Convention internationale des droits de l’enfant précise que</p>
<blockquote>
<p>« Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. »</p>
</blockquote>
<p>Depuis cette décision, la Haute juridiction acceptait une transcription partielle de l’état civil, pour le père uniquement, dès lors que les faits traduisaient la réalité biologique. En d’autres termes, la Cour de cassation acceptait de transcrire le nom du père sur l’acte d’état civil français parce que ce dernier était génétiquement lié à l’enfant.</p>
<p>En revanche, elle refusait de transcrire le nom de la mère d’intention, au motif que cette dernière n’ayant pas accouché de l’enfant, le fait inscrit dans l’acte de naissance étranger ne traduisait pas la réalité biologique. Et il en est de même pour le second père, celui qui n’avait pas fourni ses gamètes, en cas de couple de même sexe.</p>
<p>Cependant, la GPA peut prendre diverses formes, dont toutes ne s’accordent pas d’une telle application du critère d’un lien biologique puisque, dans certains cas, la mère d’intention a fourni ses propres ovocytes. La « réalité biologique » selon la Cour de cassation ne concerne donc que le seul fait de la naissance, l’enfant étant dans certains cas génétiquement lié à sa mère d’intention.</p>
<p>Conséquence : cette prise de position, si elle permettait la transcription de l’acte concernant le père – censé être juridiquement rattaché à l’enfant – n’apportait aucune solution aux hypothèses dans lesquelles l’acte de naissance indiquait la mère (qui avait parfois fourni l’ovocyte et se trouvait donc génétiquement rattachée à l’enfant) ou le père d’intention comme second parent au sens légal du terme, puisqu’ils ne sont pas biologiquement liés à l’enfant.</p>
<p>Dans une série d’arrêts rendus en 2017, la Cour de cassation, admettant la transcription partielle de l’acte de naissance étranger à l’égard du père, mais pas à l’égard de la mère d’intention, <a href="https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/premiere_chambre_civile_568/824_05_37263.html">voyait dans l’adoption le moyen d’établir un lien de filiation entre l’enfant et le second parent</a>. Selon elle</p>
<blockquote>
<p>« l’adoption permet, si les conditions légales en sont réunies et si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant, de créer un lien de filiation entre les enfants et l’épouse de leur père ».</p>
</blockquote>
<p>Telle était la situation à laquelle se sont trouvés confrontés les époux Mennesson. Ces derniers ont alors sollicité une demande de révision de leur procès en saisissant la cour de réexamen des décisions civiles, instituée par le décret du 16 novembre 2016.</p>
<h2>Une décision inattendue</h2>
<p>Avant de statuer, la Cour de cassation a saisi la Cour européenne pour une demande d’avis, conformément au <a href="https://www.echr.coe.int/Documents/Protocol_16_FRA.pdf">protocole n° 16 de la Convention</a>, entré en vigueur le 1<sup>er</sup> août 2018.</p>
<p>La Cour européenne a répondu dans son avis du 10 avril 2019. Elle y développe deux points. D’une part, elle retient que le droit à la vie privée de l’enfant impose la reconnaissance d’un lien de filiation entre l’enfant et sa mère d’intention, désignée comme mère légale dans l’acte légalement établi à l’étranger. D’autre part, elle affirme que les modalités de cette appréciation relèvent de la marge d’appréciation des États, et qu’elle peut se faire par d’autres moyens, dont l’adoption, dès lors que les modalités retenues par le droit interne garantissent l’effectivité et la célérité de sa mise en œuvre.</p>
<p>De façon inattendue, le 4 octobre 2019, la Cour de cassation, écartant l’hypothèse de l’adoption, a finalement autorisé la transcription des actes de naissance des enfants Mennesson dans les actes de l’état civil français. Pourquoi un tel revirement ? </p>
<p>L’arrêt de la Haute juridiction n’est pas rédigé en termes de principe. Tout au contraire, il ressort de son analyse que la durée de la procédure, ancienne d’une quinzaine d’années, de même que l’âge des enfants, devenus majeurs, ont emporté la décision des hauts conseillers.</p>
<p>On aurait pu penser que cette motivation sous-entendait que cette décision était destinée à demeurer exceptionnelle. Pourtant deux mois plus tard, contre toute attente, dans une autre affaire <a href="https://www.dalloz-actualite.fr/document/civ-1re-18-dec-2019-fs-pbri-n-18-11815-gpa">concernant cette fois-ci un couple d’hommes</a>, la Cour a <a href="https://www.dalloz-actualite.fr/document/civ-1re-18-dec-2019-fs-pbri-n-18-12327-gpa">réitéré la solution du 4 octobre</a>, ordonnant la transcription de l’acte de naissance étranger. La résolution de la question de l’état civil des enfants nés de GPA semble donc passer par la jurisprudence, d’autant plus que les aspects législatifs sont encore débattus.</p>
<h2>Des divergences entre législatif et judiciaire</h2>
<p>Le 3 octobre 2019, à la veille de la décision Mennesson, l’Assemblée nationale adoptait un amendement relatif à l’obligation de retranscrire les actes d’état civils étrangers conformes au droit du pays d’origine. Le 9 octobre, ledit amendement était rejeté en seconde lecture.</p>
<p>Le 7 janvier de cette année, le Sénat a voté un amendement empêchant la transcription totale de l’acte de naissance étranger. Revenant à la jurisprudence antérieure aux arrêts du 18 décembre, seule la transcription du nom du parent génétiquement lié à l’enfant serait possible, puisque ce texte établirait que</p>
<blockquote>
<p>« Tout acte ou jugement de l’état civil des Français ou des étrangers fait en pays étranger établissant la filiation d’un enfant né à l’issue d’une convention de gestation pour le compte d’autrui ne peut être transcrit sur les registres en ce qu’il mentionne comme mère une femme autre que celle qui a accouché ou lorsqu’il mentionne deux pères. »</p>
</blockquote>
<p>Le second alinéa de ce texte permettrait l’établissement de la filiation à l’égard de la mère ou du père d’intention <a href="http://www.senat.fr/encommission/2019-2020/63/Amdt_COM-99.html">au moyen de l’adoption</a>.</p>
<p>Cet amendement, s’il était maintenu, rendrait impossible le maintien de la jurisprudence actuelle. Or, la conformité du texte aux exigences de la Cour européenne nécessiterait que l’adoption réponde aux critères d’effectivité et de célérité mentionnées dans <a href="https://www.courdecassation.fr/venements_23/communiques_presse_8160/etranger_transcription_8982/communique_cedh_42028.html">l’avis du 10 avril 2019</a>. Outre le fait que l’adoption nécessite le délai inhérent aux jugements, elle n’est possible en droit interne qu’à la condition que les parents soient mariés et que le parent consente à cette adoption. Autant d’aléas à la mise en œuvre d’une telle procédure.</p>
<h2>Quel avenir pour les enfants nés par GPA ?</h2>
<p>La question de la situation des enfants nés d’une GPA effectuée à l’étranger ne doit pas être confondue avec celle d’une éventuelle admission de la GPA par le droit français.</p>
<p>Les arrêts du 18 décembre 2019, qui constituent le droit aujourd’hui en vigueur, ne doivent pas être compris comme un infléchissement de la France vis-à-vis de la GPA : la Cour de cassation n’a pas ce pouvoir. Ils doivent plutôt être entendus comme le respect de la Convention européenne et la reconnaissance de la primauté de l’intérêt de l’enfant. Il en serait de même d’une loi qui assurerait aux enfants nés d’une GPA réalisée à l’étranger une filiation sécurisée, établie à l’égard de leurs deux parents.</p>
<p>Dans ce contexte, rappelons que la <a href="https://www.coe.int/fr/web/tribunal/hcch">Conférence de La Haye de droit international privé</a>, une organisation intergouvernementale mondiale visant à établir des instruments juridiques multilatéraux, mène actuellement des travaux évaluant la possibilité d’établir des règles de droit international relative à la reconnaissance de la filiation dans des situations frontalières. Certains craignent qu’ils n’aboutissent à l’obligation pour la France de légaliser la GPA même si, comme l’a fait savoir le gouvernement, il est en aucune façon question de forcer les États adhérents à modifier leur législation interne.</p>
<p>Il n’est cependant nul besoin de consulter les augures pour réaliser que la question d’une éventuelle élaboration d’une GPA « à la française » se posera à brève échéance, en raison de la multiplication des possibilités à l’étranger et de l’accroissement du nombre de Français recourant à cette pratique-là où elle est permise. Le refus de la France d’autoriser toute forme de GPA trouve aujourd’hui encore sa justification dans l’éthique. Néanmoins, les exemples d’États ayant instauré une GPA respectueuse des droits fondamentaux sont autant d’incitations à la discussion.</p>
<p>Ces questions importantes, dont les réponses auront un impact important sur la vie des enfants nés par GPA, nécessitent l’ouverture d’un débat dépassionné, conforme aux normes des travaux scientifiques. Il s’agit désormais de prendre acte non seulement des données produites par les divers spécialistes impliqués dans la réflexion bioéthique, mais aussi de tenir compte des réalités internationales.</p>
<p>Si on accepte de les considérer, celles-ci apportent un éclairage puissant sur ce qui pourrait être, ainsi que sur ce qui ne devrait jamais être. Cette démarche responsable donnerait à la France davantage d’écho au plan international pour s’opposer aux dérives inadmissibles qui peuvent survenir, et qu’elle ne peut enrayer seule.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129206/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Depadt ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La France interdit la GPA mais de nombreux Français y recourent à l’étranger. Jusque fin 2019, l’état civil de leurs enfants était incomplet. La jurisprudence a changé, mais pas la loi. Où en est-on ?Valérie Depadt, Maître de conférences en droit, Université Sorbonne Paris NordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1275432019-12-02T19:42:43Z2019-12-02T19:42:43ZÀ l’ère de la médecine biotech, le corps humain est-il une marchandise comme les autres ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/304549/original/file-20191201-156077-icyfun.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C143%2C7337%2C4759&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est publié dans le cadre du colloque <a href="https://www.collegedesbernardins.fr/content/colloque-que-vaut-le-corps-humain">« Que vaut le corps humain ? Médecine et valeurs du corps »</a>, qui se tiendra au Collège des Bernardins le 5 décembre prochain.</em></p>
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<p>Je me traîne, je ne vaux plus rien… Atteint par le grand âge, la maladie « d’organe » ou les accidents de la vie, mon corps ne réponds plus, il est devenu mon meilleur ennemi et se rappelle à moi au moindre faux pas.</p>
<p>Ce corps aimé, adulé, bichonné depuis la tendre enfance, mon allié en bonne santé, était pourtant prêt à me porter de jour comme de nuit en faisant son métier de corps en silence – le silence des organes, disait le chirurgien et physiologiste français <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_Leriche">René Leriche</a>. J’étais bien dans ce corps : mon esprit, mon âme, mes émotions et lui ne faisions qu’un. Mais voilà la maladie, l’âge venant, ce corps qui savait fonctionner implicitement, renâcle, réclame des soins, se dissocie de moi, m’impose son rythme. Subrepticement, il devient omniprésent, et je me dis que si j’avais un bon capital, je n’en ai plus qu’un vague usufruit. D’ailleurs, combien vaut un corps humain ?</p>
<p>Interrogeons-nous sur ce corps qui peut être un <a href="https://www.cnrtl.fr/lexicographie/vaurien">vaurien</a> ou se voir surinvesti. La personne humaine peut-elle y être réduite ? Le corps humain peut-il se vendre en pièces détachées ? A-t-il un prix, ou plutôt une valeur ?</p>
<h2>Distinguer prix et valeur</h2>
<p>En France, du fait de la valeur inaliénable du corps humain et de l’encadrement des lois de bioéthique, la vente d’organes est interdite. Les éléments et produits du corps humain (reins, lobe de foie, sang, sperme, ovocytes, moelle osseuse, etc.) peuvent être <a href="https://www.dondorganes.fr/questions/124/quelle-est-la-loi-sur-le-don-dorganes">donnés</a> à certaines conditions, mais ne peuvent pas faire l’objet d’une vente, car la personne humaine a une valeur, exactement la même pour tous, sans degré ni partage. Cette valeur n’a rien à voir avec un prix, qui lui, pourrait être négocié.</p>
<p>S’appuyant sur des valeurs héritées de <a href="https://roadmovieblog.wordpress.com/2014/01/13/kant-et-la-notion-de-dignite-humaine/">Kant</a>, la bioéthique affirme le principe de non-commercialisation du corps humain, car contraire à la « dignité de la personne humaine ». La confusion entre valeur et prix ravale en effet l’humain au rang d’objet.</p>
<p>Elle impose en outre une réflexion éthique : suis-je séparable de mon corps ? Puis-je vendre mon corps ou un de mes organes sans « vendre mon âme », autrement dit puis-je dissocier mon cerveau de mon esprit ? Selon quelles normes, critères, abaques attribuer un prix à mon rein, mon œil, mon foie ? Est-ce parce que je suis encore autonome, en capacité de décider pour moi et que « mon corps m’appartient », que je pourrais en négocier le prix ? Et pourquoi pas en augmenter la valeur, en fonction de certains critères : sexe, ethnie, QI, origine sociale ?</p>
<p>Il est tout à fait souhaitable et légitime de « réparer » les corps avec les meilleurs techniques offerts par les avancées de la médecine, lorsqu’il est affecté par une maladie ou un accident. Mais un corps peut-il être démembré, vendu en pièces détachées pour, comme l’a fait ce <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/2011/06/03/97001-20110603FILWWW00276-chine-il-vend-son-rein-pour-un-ipad-2.php">jeune Chinois pour s’offrir un IPAD 2</a> ?</p>
<h2>Le corps en pièces détachées</h2>
<p>Selon le magazine <a href="https://www.carthageplus.net/fr/decouvrez-le-prix-des-organes-de-letre-humain-ca-vaut-combien-au-marche-noir/">Popular Science</a>, en Inde, le prix d’un rein est de 20 000 dollars, en Chine, de 40 000 dollars, et en Israël, de 160 000 dollars. Aux États-Unis, un rein s’évalue à 45 000 dollars, 40 000 pour un foie, et 5 000 pour une cornée. Sans compter les honoraires du chirurgien et les frais annexes… Il existe dans certains pays un véritable marché noir de la vente d’organe, parfois dans un contexte de <a href="https://www.kidneyinternational-online.org/article/S0085-2538(19)30033-X/abstract">« tourisme de transplantation »</a>.</p>
<p>En France, certaines questions pourraient également se poser, notamment suite à la <a href="https://theconversation.com/revision-des-lois-de-bioethique-entre-ethique-et-politique-120840">révision des lois de bioéthique</a>. L’extension de la <a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/19432-bioethique-louverture-de-la-pma-toutes-les-femmes-en-debat">procréation médicale assistée</a> (PMA) à toutes les femmes, hors contexte d’infertilité, interroge quant aux dons de gamètes (sperme et ovules) : si une pénurie survient, leur rémunération pourrait-elle être envisagée, au risque de modifier le profil altruiste des donneurs et d’ouvrir une brèche dans le principe de gratuité des dons et de non marchandisation du corps humain ? C’est déjà le cas <a href="https://www.scienceshumaines.com/don-d-ovule-don-de-sperme-le-prix-des-stereotypes_fr_21311.html">aux États-Unis</a> : il faut compter environ 3 000 euros par don d’ovule, et environ 70 euros pour un don de sperme de bonne qualité.</p>
<p>Aux États-Unis ou en Espagne, la « location » du corps des femmes est également déjà possible, dans le cadre de la gestation pour autrui (<a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/18636-gestation-pour-autrui-quelles-sont-les-evolutions-du-droit">GPA</a>. Interdite en France, cette marchandisation des « ventres » des mères porteuses pose aussi question quant aux valeurs essentielles de dignité humaine et d’indisponibilité du corps des femmes. Car lorsqu’une femme porte un enfant il se passe évidemment <a href="https://www.santemagazine.fr/sante/grossesse-et-bebe/mere-enfant-quel-lien-pendant-la-grossesse-172288">bien d’autres choses</a> entre la maman et son bébé que le simple fait de se dissocier et de louer une partie de son corps le temps d’une grossesse.</p>
<h2>Que peut la médecine ? Que doit le médecin ?</h2>
<p>Une personne humaine n’est jamais réductible à un corps, et jusqu’au bout de la vie, elle a une valeur inestimable liée à sa dignité intrinsèque. Si la vie n’a pas de prix, nous autres médecins avons un devoir d’humanité, de prendre soin de l’autre souffrant. Si la médecine se doit d’être à la pointe des dernières découvertes scientifiques, de les mettre à disposition de tous (malgré leurs coûts), elle doit le faire avec bienveillance, avec l’humilité de la sagesse des limites, en conscience et en responsabilité. C’est le (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Primum_non_nocere"><em>primum non nocere</em></a>), « En premier, ne pas nuire » attribué à Hippocrate.</p>
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<p>Pour cela, le médecin doit non seulement savoir résister aux injonctions utilitaristes de prestations de services, mais aussi avoir au cœur l’inquiétude de la vulnérabilité de l’autre. Il doit, toujours selon Hippocrate, « guérir parfois, soulager souvent et écouter toujours ». Il se doit d’être au plus près de la personne malade, dans son essentielle singularité. Qui ne souhaiterait augmenter les performances de son corps, effacer les stigmates du temps, retarder l’avance en âge voire fuir notre finitude ? Mais quand la demande sociétale n’a rien à voir avec une maladie, qu’elle est motivée par le désir, que peut, que doit faire le médecin ?</p>
<p>Son rôle est d’interroger et accompagner le « désir de » exprimé, consciemment ou non, par les patients, si impérieux soit-il, car il peut changer au fil du temps, et engendrer déception, voire dépression. Ainsi cette patiente qui désirait un nouveau nez : une fois opérée, et toujours aussi insatisfaite, elle s’aperçut au cours de sa psychothérapie qu’elle désirait en réalité, à 48 ans et sans compagnon, un nouveau-né… Un exemple qui illustre bien qu’à l’heure d’une médecine technique qui répare, change les pièces d’un corps abimé, compte, mesure, chiffre, le médecin ne doit pas oublier de garder une place à la sollicitude, à l’impalpable de la relation, à l’expression des âmes blessées par la vie.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/214295/original/file-20180411-540-1kr15nd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em><a href="https://www.collegedesbernardins.fr/">Le Collège des Bernardins</a> est un lieu de formation et de recherche interdisciplinaire. Acteurs de la société civile et religieuse entrent en dialogue autour des grands défis contemporains, qui touchent l’Homme et son avenir.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127543/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Véronique Lefebvre des Noettes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que la médecine est de plus en plus technique, et que la relation entre médecins et patients subit l’influence des demandes sociétales, le corps humain est-il une marchandise ? Que vaut-il ?Véronique Lefebvre des Noettes, Psychiatre du sujet âgé, chercheur associé au Laboratoire interdisciplinaire d'étude du politique Hannah Arendt, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1246442019-10-03T17:51:33Z2019-10-03T17:51:33ZLes Français catholiques se reconnaissent-ils dans la marche du 6 octobre ?<p>Contre l’actuelle loi bioéthique, le collectif <a href="https://www.lamanifpourtous.fr/actualites/communiques-de-presse/marchons-enfants-manifestation-nationale-unitaire-contre-le-projet-de-loi-bioethique-le-dimanche-6-octobre-2019-a-paris">Marchons Enfants</a> appelle à marcher « contre la PMA sans père et la GPA ». Ce mouvement qui regroupe différentes associations chrétiennes ou non, vient pallier une certaine usure de la Manif pour tous qui se fond dans ce collectif.</p>
<p>Les militants catholiques se sont déjà beaucoup mobilisés pour faire entendre leur voix dans le cadre des états généraux de la bioéthique organisés par le <a href="https://www.ccne-ethique.fr/">Comité consultatif national d’éthique</a>. Pourtant le projet de loi présenté par le gouvernement n’en a pas tenu compte. Une manifestation peut-elle renverser le rapport de force ? Son enjeu n’est-il pas plutôt de manifester une objection de conscience ? À quel prix pour l’image des catholiques ?</p>
<h2>Le catholicisme en mal d’amour</h2>
<p>La Manif pour tous n’a pas mobilisé que des catholiques et elle n’a pas non plus mobilisé tous les catholiques. Même pour ses militants catholiques, les manifestations n’ont rien d’évident parce qu’elles sont une épreuve symbolique.</p>
<p>Ils anticipent qu’indépendamment de leurs motivations ou de leurs arguments, c’est ce qu’ils sont qui risque d’être critiqué et dévalué. En Europe la culture dominante se dissocie toujours plus de la religion qui <a href="https://bibliobs.nouvelobs.com/idees/20181226.OBS7625/l-europe-est-elle-encore-chretienne-entretien-avec-olivier-roy.html">a pu en constituer une matrice</a>.</p>
<p>En France, le catholicisme se trouve ainsi en voie d’<a href="https://www.lexpress.fr/actualite/societe/religion/catholicisme-la-fin-d-un-monde_496264.html">« exculturation »</a>. Les catholiques en ont progressivement pris conscience à l’occasion des révisions du cadre législatif instituant les frontières légitimes de l’éthique ou de la famille.</p>
<p>Ces évolutions ont imposé aux militants catholiques de redéployer leur action pour contrer leur marginalisation.</p>
<h2>Une mobilisation de l’entre-soi</h2>
<p>Ainsi en réaction à la <a href="https://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/bioethique/historique-lois-bioethique.shtml">première loi Bioéthique votée en 1994</a>, <a href="https://www.liberation.fr/portrait/1999/01/30/christine-boutin-vraie-fondamentaliste-mediatique-et-fausse-dame-patronnesse-appelle-a-defiler-contr_262554">Christine Boutin fonde l’Alliance pour les droits de la vie</a> (devenue depuis Alliance Vita) afin de produire une contre-expertise sur les questions d’éthique médicales.</p>
<p>En 1996, <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/bioethique-qu-est-ce-que-la-fondation-lejeune-qui-agace-les-chercheurs_1894166.html">Jean‑Marie Le Méné crée la Fondation Jérôme Lejeune</a> sur un créneau proche. En 1999, en opposition au PACS, Tugdual Derville et Christine Boutin organisent une manifestation sous le label <a href="https://www.liberation.fr/france/1999/01/30/la-famille-anti-pacs-se-lifte-pour-la-manif_262520">« génération anti-pacs »</a>.</p>
<p>Ils tentent de profiter du coup de jeune que les Journées mondiales de la jeunesse de Paris (1997) ont donné à l’image de l’Eglise.</p>
<p>Le cortège est habillé de T-shirts multicolores barrés de slogan en anglais « Pacs out ». Sur le podium, des jeunes portant des casquettes à l’envers font du hip-hop. Mais pourtant ce qui frappe la presse, c’est l’homogénéité religieuse et surtout sociale de ces manifestants venus des « beaux quartiers ». Or cette <a href="https://www.jeansevillia.com/2015/04/11/eloge-du-loden/">« France des lodens »</a> – du nom du manteau autrichien long et sombre associé aux <a href="https://www.lemonde.fr/blog/correcteurs/2016/11/24/loden-et-soviets/">représentations</a> que l’on se fait de ces populations- ne parvient pas à mobiliser au-delà d’elle-même et échoue donc à incarner la majorité silencieuse du pays.</p>
<p>Par ailleurs, la montée en puissance de la dénonciation de l’homophobie aboutit à ce qu’Éric Fassin nomme l’<a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-2003-1-page-263.htm">« inversion de la question homosexuelle »</a> : ce ne sont plus désormais les homosexuels qui apparaissent comme des déviants ; mais ceux qui refusent d’accepter leur normalité.</p>
<p>La morale chrétienne se trouve donc progressivement marginalisée comme une source d’exclusion archaïque – facilement identifiable au style vestimentaire désuet de la bourgeoisie « vieille France » qui se mobilise pour la défendre.</p>
<h2>Sortir du ghetto</h2>
<p>Les militants catholiques conservateurs vont développer de multiples stratégies pour sortir du « ghetto » de cette image et restaurer leur capacité à parler au nom des Français pour définir l’orientation de la loi.</p>
<p>À la fin des années 1990, les <a href="https://www.liberation.fr/societe/1998/07/15/la-croisade-anti-ivg-des-survivants-de-la-loi-veil_241672">Survivants redéploient l’action</a> des réseaux anti-IVG avec un style jeune et « branché ».</p>
<p>En 2002, Christine Boutin se présente à la présidentielle. Elle a perdu 15 kilos, coupé ses cheveux désormais noirs et modernisé son style.</p>
<p>En 2005, c’est la <a href="https://www.dailymotion.com/video/xwqvt">Life Parade</a> qui est créée avec l’ambition d’emprunter le style et les codes de la techno parade ou de Gay Pride pour défendre la « culture de vie » que le Pape Jean‑Paul II oppose à la « culture de mort » des sociétés occidentales. Mais le faible impact de ces initiatives ancre les catholiques dans le sentiment de leur déclin.</p>
<h2>Un sentiment de déclassement symbolique</h2>
<p>Ni Jacques Chirac ni Lionel Jospin n’ont voulu de la mention des « racines chrétiennes » dans le préambule de la Constitution européenne et la seule religion qui cristallise l’intérêt en raison de sa visibilité croissante, c’est l’islam. La controverse sur le « voile » provoque un réveil de la sensibilité laïque et une extension du principe de neutralité à l’espace scolaire avec la <a href="https://www.education.gouv.fr/bo/2004/21/MENG0401138C.htm">loi de mars 2004</a> sur les signes religieux ostensibles.</p>
<p>Bien qu’ils ne soient pas visés, les libertés religieuses des catholiques reculent. <a href="https://journals.openedition.org/assr/6962">René Rémond regrette « l’antichristianisme » ambiant</a>.</p>
<p>À partir de 2005, les controverses sur les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Beno%C3%AEt_XVI#Chronologie_des_prises_de_position">prises de position de Benoit XVI</a> parachèvent d’ancrer les catholiques dans un sentiment de déclassement symbolique.</p>
<p>Des militants catholiques promeuvent le terme de [cathophobie] forgé sur le modèle de l’homophobie et de l’islamophobie afin de rendre visible les discriminations dont les catholiques seraient l’objet.</p>
<h2>Multiples résistances</h2>
<p>Mais cette entreprise rencontre de multiples résistances car bien des catholiques refusent de se penser comme une minorité et préfèrent se revendiquer porteur de l’authentique identité française. Durant son mandat présidentiel, Nicolas Sarkozy valorise d’ailleurs les « racines chrétiennes » de la France et, <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2007/12/21/discours-du-president-de-la-republique-dans-la-salle-de-la-signature-du-palais-du-latran_992170_823448.html">dans son discours au Palais du Latran en 2007</a>, place même le prêtre au-dessus de l’instituteur.</p>
<p>Par ailleurs, les catholiques ont profondément intégré le cadre de la laïcité et répugnent à faire de leur foi le fondement de leur identité sociale ou de leurs revendications politiques.</p>
<p>En 2012, après l’élection de François Hollande, les catholiques conservateurs craignent de redescendre dans la rue. Ils anticipent la possibilité de « débordements » ou le risque de la caricature.</p>
<p>En 1999, le mouvement « génération anti-pacs » perdit son crédit lorsque des manifestants crièrent « les pédés au bûcher » en réaction à une provocation d’Act Up. En 2012 ce risque demeure en raison de l’activisme des catholiques intégristes de l’<a href="http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2011/12/08/01016-20111208ARTFIG00814-civitas-ce-mouvement-chretien-sorti-de-l-ombre.php">institut Civitas</a> qui dénoncent l’homosexualité comme une perversion et un péché.</p>
<h2>Le tournant du 17 novembre 2012</h2>
<p>Pour ne pas leur laisser le monopole de la rue, Frigide Barjot (Virginie Tellenne) prend l’initiative d’une <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2012/11/17/forte-mobilisation-a-travers-le-pays-des-opposants-au-mariage-gay_1792315_3224.html">manifestation le 17 novembre 2012</a> et décide d’une stratégie de communication iconoclaste afin de la légitimer.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/295399/original/file-20191003-52791-1ocue4r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/295399/original/file-20191003-52791-1ocue4r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/295399/original/file-20191003-52791-1ocue4r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/295399/original/file-20191003-52791-1ocue4r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/295399/original/file-20191003-52791-1ocue4r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/295399/original/file-20191003-52791-1ocue4r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/295399/original/file-20191003-52791-1ocue4r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Frigide Barjot (Virginie Tellene) devant le Ministère des Affaires sociales le 28 avril 2014.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/1b/Frigide_Barjot_%28Virginie">LudoVersailles89/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Elle donne au mouvement un caractère non-confessionnel et mise même sur une paradoxale revendication d’homophilie dont <a href="https://etudiant.lefigaro.fr/les-news/actu/detail/article/un-jeune-gay-a-la-tete-des-anti-mariage-pour-tous-980/">Xavier Bongibault</a>, porte-parole de « plus gay sans mariage », fut la caution.</p>
<p>Mettant en avant Laurence Tcheng comme <a href="http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2012/09/21/01016-20120921ARTFIG00568-les-surprenants-opposants-au-mariage-gay.php">figure d’une gauche</a> déçue par François Hollande, et s’appuyant sur des slogans décalés et les codes visuels de Mai 68, son équipe permet aux catholiques d’échapper à leur image et donc de se sentir en confiance pour manifester comme simples citoyens et prétendre incarner la majorité du pays. C’est là une des clefs du succès de cette mobilisation non-catholique portée par des catholiques.</p>
<h2>Suspects d’office</h2>
<p>Reste que cet état de grâce fut de courte durée et s’effrite à partir de janvier 2013 en raison d’une tension très forte avec le gouvernement. Stigmatisés en tant que catholiques, bien des manifestants partagent l’impression d’être des citoyens de seconde zone, d’être suspects d’office en raison d’un ancrage religieux qu’ils refusaient pourtant d’assumer.</p>
<p>Cette situation a fini par donner raison aux plus conservateurs tentés de retourner le stigmate. Ainsi, l’effet le plus paradoxal de cette mobilisation non-confessionnelle fut de redonner confiance aux catholiques dans la ressource politique que pouvait représenter leur foi.</p>
<p>Et c’est pourquoi, malgré le vote de la loi Taubira <a href="https://www.france24.com/fr/20180423-france-mariage-tous-anniversaire-cinq-ans-christiane-taubira">légalisant le mariage homosexuel le 23 avril 2013</a>, la Manif pour tous a obtenu un relatif succès : une cohorte de militants se sont formés en son sein puis dispersés en de multiples initiatives visant à innerver le champ politique à partir de réseaux le plus souvent catholiques : <a href="http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2014/04/07/31003-20140407ARTFIG00331-quand-le-fondateur-des-veilleurs-revient-sur-un-an-de-mobilisation.php">Veilleurs</a>, <a href="https://www.lesinrocks.com/2013/05/30/actualite/actualite/antigones-qui-sont-ces-anti-femen/">Antigones</a>, Sentinelles, Hommens, Sens Commun, Cercle Fraternité, Printemps Français, revue <em>Limite</em>, etc.</p>
<h2>Le retour du catholicisme au centre du jeu politique</h2>
<p>Cette manifestation non-confessionnelle de catholiques est devenue la matrice de la réaffirmation de la capacité structurante des catholiques en politique.</p>
<p>Les primaires de la droite et du centre de novembre 2016, puis l’élection présidentielle de 2017 ont ainsi été marquées par l’attention soutenue des candidats de droite à l’égard de l’électorat catholique. Cela s’est traduit par des confessions de foi inhabituelles comme le <a href="https://www.marianne.net/politique/je-suis-chretien-fillon-assume-et-trouve-bayrou-ridicule">« je suis chrétien »</a> de François Fillon.</p>
<p>Mais ce retour du catholicisme au centre du jeu politique a exaspéré tous les catholiques qui ne se sont jamais reconnus dans la Manif pour tous ou qui ont regretté une politisation compromettant les conditions nécessaires à l’évangélisation.</p>
<p>Après le premier tour de l’élection présidentielle, l’<a href="https://www.la-croix.com/Debats/Editos/Tout-sauf-Macron-2017-04-26-1200842693">appel de Ludovine de la Rochère</a> à voter « tout sauf Macron » a été entendu comme un ralliement à Marine Le Pen.</p>
<p>Si elle a satisfait une partie de sa base, elle en a exaspéré la majeure partie. Bien des catholiques, y compris conservateurs et ayant manifesté sous les ballons roses et bleus de la Manif pour tous, y ont vu une trahison : un retour au « ghetto » dans l’image caricaturale <a href="https://www.lepoint.fr/presidentielle/presidentielle-deux-consciences-catholiques-interpellent-la-manif-pour-tous-02-05-2017-2124141_3121.php">d’une France réactionnaire</a>.</p>
<h2>Chercher de nouveaux relais</h2>
<p>Certains hésitent donc quant à l’opportunité de manifester le 6 octobre. Ils anticipent qu’une nouvelle fois la critique de ce qu’ils sont risque de se substituer à la discussion de leurs arguments. D’autres se pensent comme des objecteurs de conscience et n’attendent donc rien de l’ordre dominant qu’ils estiment injuste.</p>
<p>La rareté des relais dans le reste de la population les questionne. Ils voudraient tant que de nouvelles cohortes de manifestants se lèvent derrière <a href="http://revuelimite.fr/jose-bove-faucheur-de-robots">José Bové</a> et la <a href="https://www.lepoint.fr/politique/sylviane-agacinski-avec-la-pma-on-cree-le-reve-de-l-enfant-sur-commande-27-07-2019-2327071_20.php">philosophe Sylviane Agacinski</a> qui ont émis des critiques sur la PMA pour toutes.</p>
<p>Dans leur lignée, beaucoup aimeraient que le combat pour la « famille durable » soit reconnu authentiquement écologiste. À travers la manif, c’est le statut même du catholicisme dans la société française qu’ils redoutent de mettre en jeu. Réussiront-ils une nouvelle fois la transsubstantiation en peuple ou n’apparaîtront-ils que comme une minorité religieuse ?</p>
<hr>
<p><em>L’auteur a récemment publié <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/une-contre-revolution-catholique-yann-raison-du-cleuziou/9782021371932">« Une contre-révolution catholique. Aux origines de la Manif pour tous »</a>, Seuil, 2019.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124644/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yann Raison du Cleuziou ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les catholiques estiment qu’indépendamment de leurs motivations ou de leurs arguments, c’est ce qu’ils sont qui risque d’être critiqué et dévalué à l’occasion de la manifestation du 6 octobre.Yann Raison du Cleuziou, Maître de conférences en science politique, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1245622019-10-03T17:51:22Z2019-10-03T17:51:22ZL’ouverture de la PMA pour toutes nécessite de repenser les droits de filiation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/295420/original/file-20191003-52791-elscnq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C8%2C893%2C560&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Actuellement, le droit français reconnaît une filiation qui repose largement sur un modèle biologique. </span> <span class="attribution"><span class="source">Pixnio</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Mesure phare de la révision de la loi bioéthique, l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation (AMP ou PMA) suscite d’importantes discussions au sein de l’hémicycle où elle est actuellement débattue.</p>
<p>On pourrait s’étonner des vives réticences exposées par certains parlementaires : le droit français n’autorise-t-il pas déjà l’adoption d’un enfant par un couple de personnes de même sexe ou par une personne seule ?</p>
<p>C’est que, contrairement à l’adoption, l’ouverture de l’AMP bouscule profondément les fondements actuels du droit de la filiation. Là où, schématiquement, l’adoption permet, a posteriori, de donner à un enfant privé de parent(s) une filiation à l’égard d’une personne ou d’un couple, l’AMP a pour objet d’organiser la venue au monde d’un enfant. Or, pour l’heure, le droit français reconnaît à cet enfant une filiation qui repose largement sur un modèle biologique.</p>
<h2>Quand la maternité reposait uniquement sur l’accouchement</h2>
<p>La filiation comprend actuellement deux branches, une maternelle, à raison d’une personne par branche. <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070721&idArticle=LEGIARTI000006424931">La mère est la femme qui accouche de l’enfant</a>. Si elle est mariée, son conjoint est présumé être le père eu égard à l’obligation de fidélité entre époux. L’établissement de la maternité repose ainsi sur un critère biologique : l’accouchement. Quant à l’homme, en cas de contentieux, ce sont pour l’essentiel les <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007041501">résultats du test ADN</a> qui détermineront ou excluront son statut de père.</p>
<p>Ce modèle biologique s’est assez logiquement imposé depuis les premières lois bioéthiques de 1994 pour l’encadrement de l’AMP développée, on le sait, pour « remédier à l’infertilité d’un couple » ou éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006687420&cidTexte=LEGITEXT000006072665&dateTexte=20040807">particulière gravité</a>.</p>
<p>Ainsi, depuis 1994, les personnes éligibles ne peuvent être qu’un couple hétérosexuel dont les deux membres sont vivants au moment de la conception et en âge de procréer. Aucun mode spécifique d’établissement de la filiation n’est requis, le droit prévoyant seulement l’impossibilité pour l’homme d’échapper à sa paternité.</p>
<h2>Une rupture importante</h2>
<p>L’ouverture de l’AMP envisage une rupture avec ce modèle biologique. Certes, elle est, pour l’heure, limitée aux couples de femmes et aux femmes seules ayant recours à une insémination artificielle avec tiers donneur ou à un transfert d’embryon. Des difficultés et objections propres à ces situations conduisent pour l’instant à ce que soient exclus de l’AMP les femmes seules souhaitant bénéficier d’une insémination post mortem et les couples ayant besoin d’une gestation pour autrui.</p>
<p>La proposition de loi a pour objet de répondre au désir d’enfant de personnes dont l’orientation sexuelle, l’infertilité ou le célibat les empêchent de procréer sans assistance.</p>
<p>Ce désir d’enfant peut être la source d’un projet parental dont la prise en compte est intimement liée à l’AMP puisqu’en 1994, il participait même de <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2004/8/6/2004-800/jo/article_24">sa définition</a> : « l’assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à la demande parentale d’un couple ».</p>
<p>Supprimé en 2011 pour insister sur la dimension thérapeutique de l’AMP, la référence à ce projet parental, omniprésent dans les débats <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/15/cri/2018-2019-extra2/">qui ont eu lieu au Parlement</a>, est réintroduite à l’article L.2141-2 du CSP grâce à l’adoption par les <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/15/cri/2018-2019-extra2/20192012.asp#P1831522">députés de l’amendement n°2123</a>.</p>
<h2>Le projet parental comme nouveau fondement de la filiation</h2>
<p>L’égale légitimité du projet parental, qu’il soit celui d’un couple hétérosexuel, d’un couple de personnes de même sexe ou d’une personne seule, est bien au cœur de cette réforme. C’est lui qui justifie l’accès à l’AMP, c’est lui, corrélativement, qui impose de reconnaître le lien de filiation entre les auteurs du projet et l’enfant né de ce projet. Le projet parental apparaît ainsi comme un nouveau fondement de la filiation en droit français.</p>
<p>Certes, ce nouveau fondement n’emporte pas de modification majeure des modes actuels d’établissement de la filiation. En son dernier état, le projet de loi ne prévoit d’ailleurs pas à proprement parler de <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/15/ta-commission/r2243-a0.asp">nouveau mode d’établissement de la filiation</a>.</p>
<p>On pourra toutefois regretter qu’il n’aligne pas parfaitement la situation des couples hétérosexuels et des couples de femmes en requérant, uniquement pour les couples de femmes, que la filiation soit établie par une reconnaissance conjointe (art. 4 al. 21 du projet) et en n’envisageant pas pour les couples mariés une <em>présomption de parenté</em> en lieu et place de l’actuelle présomption de paternité, le mariage permettant de supposer un projet parental commun. Les débats sur ces points sont loin d’être clos.</p>
<h2>Un enfant, plusieurs personnes ?</h2>
<p>Toutefois, ce nouveau fondement n’est pas sans incidence.</p>
<p>Le projet parental n’étant pas nécessairement celui d’un couple hétérosexuel, il n’est plus possible de faire reposer la filiation sur la différence des sexes donc sur un ancrage biologique. Une fois détaché de son ancrage biologique, ce projet parental peut ne pas être celui d’un couple. La loi envisage d’ailleurs le projet parental d’une femme seule.</p>
<p>Mais des effets en chaîne deviennent alors plausibles. Pourquoi, par exemple, le projet parental ne pourrait-il pas être celui de plus de deux personnes ?</p>
<p>De même, l’argument essentiel de l’ouverture semblant tenir à un souci d’égalité de traitement entre toutes les femmes susceptibles de porter un enfant et formulant le souhait de devenir mère, quel sera le sort réservé à la demande d’un couple d’hommes dont l’un, transsexuel, souffre de stérilité, mais pourrait porter un enfant ou, plus simplement, du transsexuel célibataire souhaitant concevoir un enfant ?</p>
<h2>Un impondérable : sécuriser les filiations</h2>
<p>Enfin, si l’on tend à accepter au stade de la procréation, de faire droit aux désirs des parents, il ne faut pas oublier que, dans cette entreprise de création, l’enfant se trouve largement réifié. Aussi, une fois l’enfant né, il appartient au droit de lui restituer sa place de sujet, indépendamment des aspirations parentales et en seule considération de son intérêt.</p>
<p>Le maintien du caractère institutionnel (et non conventionnel) est à cet égard primordial (ne pas exposer la filiation de l’enfant aux aléas de la volonté des parents).</p>
<p>À quoi alors pourrait ressembler une refondation de la filiation sur le projet parental ?</p>
<p>La procréation au sein d’un couple sans assistance d’un tiers, « amical » ou anonyme, pourrait rester régie par les règles de droit commun. En cas d’AMP avec tiers donneur, la filiation pourrait être attachée au consentement donné devant notaire, consentement rétractable uniquement tant que l’intervention n’a pas été réalisée. Enfin, une telle refondation pourrait donner lieu à l’encadrement des pratiques « d’assistance amicale à la procréation » pour lesquelles l’accord de toutes les parties serait recueilli dans une convention préalable soumise à enregistrement. Cette convention emporterait l’obligation, pour les parents, d’établir leur filiation et conduirait à interdire les actions en contestation, sauf à prouver que l’enfant n’est pas issu de l’assistance.</p>
<h2>Au-delà de la volonté des parents : l’accès aux origines</h2>
<p>Outre la sécurisation de sa filiation, l’enfant doit se voir garantir la possibilité d’accéder, s’il le souhaite, à ses origines, indépendamment du bon vouloir de ses parents. Sur cette question, qui préexiste à l’ouverture de l’AMP, le projet de loi, s’il est adopté en l’état, constituerait une avancée déterminante : la levée de l’anonymat.</p>
<p>Mais le dispositif qu’il propose ne répond pas à tous les enjeux. L’accès aux origines serait possible sur demande auprès d’une commission placée sous l’autorité du ministère de la Santé qui récupère auprès de l’<a href="https://www.agence-biomedecine.fr/annexes/bilan2017/donnees/ldtf-proc.htm">Agence de biomédecine les données conservées</a> (art. 3 al. 9, 21 et s. du projet). L’Agence est en charge de l’organisation des dons de gamète et de l’AMP, mais cette organisation semble réduire symboliquement l’accès aux origines à une question de santé.</p>
<p>Et, surtout, le projet de loi ignore totalement une difficulté pourtant largement mise en évidence lors des débats sur la déclaration commune anticipée : l’<a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/lacces-aux-origines-des-enfants-nes-par-pma-avec-un-don-une-avancee-malgre-des-bemols_fr_5d8a212ae4b0938b5934bdf7">information des enfants sur les conditions de leur procréation</a>. Le projet de loi maintient ainsi l’état actuel qui laisse le soin aux parents d’informer – ou non – l’enfant.</p>
<hr>
<p><em>Cet article découle d’une contribution scientifique réalisée dans le cadre d’une <a href="https://univ-droit.fr/actualites-de-la-recherche/manifestations/27109-procreations-assistees-et-filiation-amp-et-gpa-au-prisme-du-droit-des-sciences-sociales-et-de-la-philosophie">journée d’étude dédiée aux enjeux de la PMA/GPA</a>, dont les actes sont en cours de parution (Marie-Xavière Catto, Kathia Martin-Chenut (dir.), Procréation assistée et filiation. AMP et GPA au prisme du droit, des sciences sociales et de la philosophie, Paris, Mare et Martin, coll. de l’ISJPS, vol. 54, à paraître en 2019).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124562/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elsa Supiot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Contrairement à l’adoption, l’ouverture de la PMA bouscule profondément les fondements actuels du droit de la filiation française.Elsa Supiot, Maître de conférences, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1243782019-09-29T18:46:33Z2019-09-29T18:46:33ZGPA : une législation mondiale est nécessaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/294646/original/file-20190928-185379-apr1xr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C14%2C1991%2C1317&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En France, les couples ont recours à la GPA plutôt via des filières nord-américaines, russes et ukrainiennes, au Royaume-Uni, l'Inde a longtemps été une destination privilégiée.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>De <a href="https://time.com/5070296/surrogacy-baby-kim-kardashian-kanye-west/">Kim et Kanye West</a>, en passant par <a href="https://www.telegraph.co.uk/news/celebritynews/8228831/Elton-John-and-David-Furnish-become-parents-the-surrogacy-agency-used-by-high-profile-clients.html">Elton John et David Furnish</a> ou <a href="https://www.theguardian.com/lifeandstyle/2009/apr/30/sarah-jessica-parker-twins-surrogate">encore Sarah Jessica Parker et Matthew Broderick</a> de nombreuses célébrités ont donné image glamour à la gestation pour autrui (GPA). Pourtant ce n’est pas un « service » réservé aux élites comme l’ont montré différents articles sur cette tendance <a href="https://www.liberation.fr/france/2018/03/30/gpa-du-xixe-siecle-a-aujourd-hui-petite-mise-au-point-pour-autrui_1640183">encore compliquée à dater, cartographier ou à chiffrer</a>.</p>
<p>Les gens peuvent choisir d’<a href="https://theconversation.com/surrogacy-what-you-need-to-know-about-having-a-baby-96147">avoir recours à une mère porteuse pour de nombreuses raisons</a> (les problèmes de fertilité étant la plus évidente), mais les personnes qui ont des ennuis de santé ou ont souffert de complications lors de grossesses précédentes, de même que les couples homosexuels et les célibataires souhaitant fonder une famille, sont aussi concernés.</p>
<p>Au Royaume-Uni, la GPA altruiste (non rémunérée) est <a href="https://www.legislation.gov.uk/ukpga/1985/49">légale</a>, contrairement à la GPA commerciale. Néanmoins, les <a href="https://www.telegraph.co.uk/news/health/news/9292343/Revealed-how-more-and-more-Britons-are-paying-Indian-women-to-become-surrogate-mothers.html">Britanniques</a> sont aujourd’hui les plus gros consommateurs de l’industrie de la GPA commerciale… en Inde. En Hexagone, « on estime que 200 à 300 bébés nés par GPA arrivent par an en France, soit 2 000 à 3 000 nourrissons depuis 10 ans », via des <a href="https://www.europe1.fr/societe/le-parcours-du-combattant-des-couples-francais-ayant-recours-a-la-gpa-3555524">filières plutôt nord-américaines, russes et ukrainiennes</a>.</p>
<p>La GPA <a href="https://www.globalpolicyjournal.com/blog/27/11/2015/end-rent-womb-west">rapporterait chaque année 365 millions d’euros</a> à l’économie indienne. Mais le marché se voit reprocher d’<a href="https://www.theguardian.com/science/blog/2017/mar/28/cross-border-surrogacy-exploiting-low-income-women-as-biological-resources">exploiter les femmes</a>. Les mères porteuses indiennes, en général pauvres, sont en effet payées environ <a href="https://www.theguardian.com/global-development/2016/apr/01/outsourcing-pregnancy-india-surrogacy-clinics-julie-bindel">5 070 euros</a> pour mener une grossesse à terme.</p>
<p>En outre, l’industrie n’est pas réglementée, ce qui donne beaucoup de pouvoir aux <a href="https://www.theguardian.com/global-development/2016/apr/01/outsourcing-pregnancy-india-surrogacy-clinics-julie-bindel">cliniques spécialisées</a> et leur permet de contrôler le processus. De nombreuses mères porteuses sont obligées de vivre dans des foyers spéciaux, dirigés par les cliniques, <a href="https://www.bbc.com/news/magazine-24275373">pendant toute la durée de leur grossesse</a>, loin de leurs amis et de leur famille.</p>
<h2>Une modification de la loi</h2>
<p>L’Inde a proscrit fin 2018 la GPA commerciale pour lui préférer la GPA altruiste, ouverte aux seuls citoyens indiens. Et la législation sur la GPA au Royaume-Uni <a href="https://www.theguardian.com/lifeandstyle/2018/may/04/surrogacy-review-to-tackle-laws-declared-unfit-for-purpose">pourrait également changer</a>.</p>
<p>La commission du droit d’Angleterre et du Pays de Galles, ainsi que celle d’Écosse, se penche <a href="https://www.independent.co.uk/life-style/surrogacy-parents-legal-responsibility-children-birth-law-commissions-a8946786.html">actuellement</a> sur un projet de réforme visant à réexaminer les modalités de la GPA au Royaume-Uni et à y apporter des améliorations. <a href="https://www.lawcom.gov.uk/surrogacy-laws-set-for-reform-as-law-commissions-get-government-backing/?platform=hootsuite">L’un des principaux points</a> porte sur certaines incertitudes juridiques, qui peuvent encourager les résidents du Royaume-Uni à aller chercher des mères porteuses à l’étranger.</p>
<p>Cependant, le fait que chaque pays modifie sa législation dans son coin ne sera sans doute pas suffisant. L’amélioration des lois nationales est bien sûr bienvenue, mais une réponse internationale collective serait préférable. Car, même si la loi indienne est adoptée – et si le Royaume-Uni conserve son approche altruiste –, le problème ne sera absolument pas réglé.</p>
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<p>En Inde comme ailleurs, les cliniques spécialisées dans la GPA pourraient <a href="https://theconversation.com/india-outlawed-commercial-surrogacy-clinics-are-finding-loopholes-81784">profiter des vides juridiques</a> existants. Les ovules, le sperme, les embryons, les mères porteuses et les futurs parents pourraient se contenter de traverser les frontières pour se rendre dans les pays où la GPA commerciale n’est pas interdite. Sans oublier que, quand une industrie s’effondre, une autre peut facilement se créer ailleurs. C’est le cas en <a href="https://www.bioedge.org/bioethics/ukraine-a-new-surrogacy-hotspot/12607">Ukraine</a>, qui est en train de devenir un haut lieu de la GPA à présent que cette pratique est interdite dans d’autres pays.</p>
<h2>Définir l’infertilité</h2>
<p>Un autre facteur est à prendre en considération : l’<a href="https://www.telegraph.co.uk/news/2016/10/19/single-men-will-get-the-right-to-start-a-family-under-new-defini/">Organisation mondiale de la santé</a> (OMS) a ainsi discuté en <a href="https://www.who.int/reproductivehealth/topics/infertility/en/">2016</a> de la définition de l’infertilité. Actuellement, la <a href="https://academic.oup.com/aje/article/187/2/337/3867999">définition demeure clinique</a>, basée sur la maladie – qui considère l’infertilité comme « l’impossibilité d’obtenir une grossesse clinique après douze mois ou plus de rapports réguliers et non protégés ».</p>
<p>Repenser cette définition permettrait de s’orienter vers une acception plus sociale, la reconnaissant comme un « droit de se reproduire ».</p>
<p>Elle <a href="https://www.telegraph.co.uk/news/2016/10/19/single-men-will-get-the-right-to-start-a-family-under-new-defini/">inclurait les cas</a> « des hommes et des femmes célibataires sans problèmes médicaux […] qui n’ont pas d’enfants, mais souhaitent devenir parent ».</p>
<p>La définition proposée n’a pas encore été <a href="https://www.health.com/infertility/infertility-definition-change">adoptée</a>. Depuis, l’OMS a déclaré qu’elle conserverait une orientation clinique et s’abstiendrait de faire des recommandations concernant la <a href="https://www.who.int/reproductivehealth/topics/infertility/multiple-definitions/en/">mise à disposition des traitements de la fertilité</a>, même si un changement de définition devait survenir.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/229095/original/file-20180724-194152-99euni.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/229095/original/file-20180724-194152-99euni.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/229095/original/file-20180724-194152-99euni.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/229095/original/file-20180724-194152-99euni.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/229095/original/file-20180724-194152-99euni.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/229095/original/file-20180724-194152-99euni.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/229095/original/file-20180724-194152-99euni.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’Inde a proscrit la GPA commerciale, mais les cliniques profitent de vides juridiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>En théorie, ce changement de définition impliquerait que les personnes répondant à la nouvelle acception sociale de l’infertilité aient aussi accès aux services de santé reproductive. D’un côté, cette mesure est progressiste : pourquoi, après tout, n’aiderions-nous pas les hommes et les femmes célibataires, ainsi que les couples homosexuels, à devenir parents ?</p>
<p>Mais, de l’autre, <a href="https://www.newstatesman.com/politics/feminism/2016/10/no-single-men-do-not-have-right-reproduce">certains craignent</a> que cette définition élargie <a href="https://www.huffingtonpost.co.uk/julian-vigo/the-world-health-organisa_b_12725214.html?guccounter=1">ne tienne pas compte de la dynamique de genre</a> inhérente à la prestation de services de santé reproductive.</p>
<h2>Le droit de l’utérus</h2>
<p>Toute modification de la loi doit reconnaître que seul le corps des femmes est capable d’assurer ce « service ». Dans le cas des couples homosexuels masculins, qui ne peuvent pas porter d’enfant, un corps féminin sera nécessaire. Ledit « service » pourrait s’effectuer dans le cadre d’une GPA rémunérée internationale ou d’un modèle national altruiste.</p>
<p>Si cette définition est appliquée, la demande pour les services de gestation pour autrui pourrait augmenter et entraîner une plus grande libéralisation des lois en la matière <a href="https://www.huffingtonpost.co.uk/julian-vigo/the-world-health-organisa_b_12725214.html">pour répondre à la demande</a>. Étendre l’accès aux services de santé reproductive pourrait entraîner une hausse de l’exploitation des femmes et des risques sanitaires, et favoriser la marchandisation du corps féminin. Si on ne reconnaît pas explicitement que ce sont les femmes qui exécuteront le travail requis pour assurer la gestation d’un enfant, on néglige une question éthique fondamentale.</p>
<p>Voilà pourquoi un <a href="https://www.hcch.net/en/projects/legislative-projects/parentage-surrogacy">consensus international en matière de GPA</a> et une approche législative conjointe sont indispensables. Il sera sans doute difficile d’amener des personnes issues de pays, de cultures et de milieux différents à reconnaître la réalité de la demande en mères porteuses et les conséquences des pratiques actuelles, mais le sujet de la gestation pour autrui mérite d’être débattu au niveau mondial.</p>
<hr>
<p><em>Traduit de l’anglais par Laure Motet pour <a href="http://www.fastforword.fr/">Fast ForWord</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124378/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Herjeet Marway est membre de la chaire du comité éthique pour la GPA au Royaume-Uni.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Gulzaar Barn a reçu des financements de la Wellcome Trust pour ses recherches sur la GPA en Inde. </span></em></p>En matière de gestation pour autrui, si l’amélioration des lois nationales est bienvenue, une réponse internationale collective serait préférable pour éviter la marchandisation du corps des femmes.Herjeet Marway, Lecturer in Global Ethics, Department of Philosophy, University of BirminghamGulzaar Barn, Lecturer in Philosophy, University of BirminghamLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1240592019-09-29T18:45:02Z2019-09-29T18:45:02ZLes débats sur la PMA relancent celui sur la GPA et ses enjeux juridiques<p>Le vendredi 27 septembre, les députés ont voté en première lecture (55 voix pour, 17 contre et 3 abstentions) l’article premier du <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/actualites-accueil-hub/bioethique-examen-du-projet-de-loi-par-les-deputes">projet de loi sur la bioéthique</a> qui prévoit d’étendre aux femmes célibataires et aux couples de lesbiennes l’accès aux techniques de <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/09/27/bioethique-les-deputes-adoptent-l-article-qui-elargit-l-acces-a-la-pma_6013315_823448.html">procréation médicalement assistée</a> (PMA). De son côté, <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/pma/pma-bioethique-assemblee-nationale-deputes-loi-belloubet-buzyn-enfants-couples_3631521.html">« le Sénat a annoncé »</a> qu’une commission spéciale sur le projet de loi bioéthique qui serait mise en place le 15 octobre, jour où l’Assemblée transmettra son texte à la chambre haute).</p>
<h2>Les controverses autour de la GPA</h2>
<p>Or, les débats sur la PMA ont relancé celui sur la gestation pour autrui (GPA). La GPA est une technique de procréation assistée pour laquelle la gestation de l’embryon, conçu in vitro, se déroule au sein de l’utérus d’une tierce femme, nommée « mère porteuse ». Celle-ci accepte de porter un enfant et de le remettre à la naissance à un couple ou une personne, appelés parents d’intention.</p>
<p>Si la mère fournit un ovule, on parle alors de procréation pour autrui, la mère porteuse étant aussi la mère génétique de l’enfant.</p>
<p>Certains craignent ainsi un <a href="http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2018/09/28/31003-20180928ARTFIG00016-l-editorial-du-figaro-magazine-l-effet-domino.php">« effet domino »</a> : l’assouplissement des conditions de recours à la PMA ne pourrait-il pas un jour faire tomber d’autres barrières ? Pourtant, la GPA <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/09/25/pma-dpi-acces-aux-origines-gpa-ce-que-changera-ou-non-la-loi-de-bioethique_6013025_4355770.html">n’apparaît pas dans le projet de loi</a>, et demeure à ce jour interdite en France.</p>
<p>Au-delà des discussions politiques entre les opposants et les partisans de cette pratique, la majorité de ces débats ignore souvent l’importance de ses enjeux économiques dont la réalité renvoie à des objectifs financiers qui peuvent paraître immoraux, et occulte le nécessaire encadrement par le droit de cette pratique en développement.</p>
<h2>Une interdiction en perte de légitimité et d’efficience</h2>
<p>À l’instar de la France, la <a href="http://www.senat.fr/lc/lc182/lc182_mono.html">majorité des pays dans le monde proscrit le recours aux mères porteuses</a>.</p>
<p>Elle est néanmoins <a href="https://journals.openedition.org/cdst/541">autorisée</a> sous certaines conditions dans quelques pays comme les États-Unis ou l’Inde par exemple.</p>
<p>Les États fondent son interdiction sur les principes d’indisponibilité du corps humain, de l’état de la personne et, plus généralement, de respect de la dignité humaine. L’indisponibilité du corps humain ou plus précisément de sa non-patrimonialité pose les limites à la libre disposition de soi et interdit que son corps soit considéré comme une chose pouvant faire l’objet d’une convention.</p>
<p>Toutefois, le principe d’indisponibilité a reçu quelques aménagements en ouvrant par le recours au don, des éléments et produits du corps humain à la circulation des biens. Le <a href="http://cours-de-droit.net/l-indisponibilite-du-corps-humain-a127133318/">principe d’indisponibilité du corps humain</a> selon une conception holistique s’efface au profit d’une disponibilité par le don à toutes les parties séparables du corps : sang, tissus, organes, gamètes… Cela concerne aussi les déchets : cordon ombilical, restes d’une ablation, etc.</p>
<p>La maternité pour autrui illustre bien cette ambiguïté puisqu’elle n’est pas considérée comme contraire à la dignité dans les pays où elle est légale dès lors qu’elle relève du don.</p>
<h2>Le droit d’être parent en question</h2>
<p>À cela vient s’ajouter la <a href="https://www.cairn.info/revue-laennec-2012-1-page-24.htm">question du droit d’être parent</a> qui opère une rupture dans la conception de la maternité. Depuis une vingtaine d’années, les techniques d’insémination artificielle et de fécondation in vitro permettent à une femme de porter un enfant conçu en dehors de tout rapport charnel.</p>
<p>Accepté pour les couples souffrant de stérilité, le droit d’être parent se pose désormais pour les célibataires, mais aussi pour les couples homosexuels, bien que la tendance aille vers une <a href="https://www.nouvelobs.com/societe/20170705.OBS1689/un-enfant-ne-de-gpa-pourra-etre-adopte-par-son-second-parent.html">restriction de l’adoption homoparentale</a> (le droit d’adoption pour le second parent n’est pas automatique).</p>
<p>Plus qu’un droit, il s’agirait d’une liberté fondamentale qu’il conviendrait d’accorder à tous ceux qui n’ont pas la chance de procréer. Mise à mal par ces nouveaux droits, l’interdiction instituée dans certains pays doit faire face de surcroît aux assauts d’un <a href="https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2006-3-page-88.htm">tourisme de la procréation</a> de plus en plus organisé. La pratique étant admise et possible à l’étranger, il devient en effet de plus en plus facile de contourner l’interdiction en se déplaçant hors du pays pour en bénéficier.</p>
<h2>Des retours sur le territoire autorisés et régularisés</h2>
<p>Ce contournement est en outre facilité par les règles du droit international privé qui empêchent le plus souvent les États où la pratique est prohibée de poursuivre, à leur retour, les couples ayant eu recours à une mère de substitution dans un pays où cette pratique est autorisée.</p>
<p>Ces législations internes opposées à une telle pratique sont cependant contraintes à prendre position <a href="https://journals.openedition.org/cdst/543">sur le sort et la régularisation</a> sur leur territoire des enfants issues de GPA à l’étranger.</p>
<p>De nombreux États, y compris dans ceux où la GPA est interdite, acceptent cette régularisation. D’autres pays, en revanche, la refusent catégoriquement ce qui n’est pas sans incidences préjudiciables pour les parents et surtout pour l’enfant dont l’absence de filiation le privera de certains droits reconnus aux autres enfants.</p>
<p>Parmi les pays qui interdisent la GPA, l’exemple de la France est symptomatique des difficultés liées à cette question. Dans <a href="https://www.revuegeneraledudroit.eu/blog/2014/09/15/la-france-contrainte-de-faire-primer-linteret-superieur-de-lenfant-issu-dune-gpa/">deux affaires</a> la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) le 26 juin 2014 pour avoir refusé à des couples hétérosexuels la transcription des actes de naissance d’enfants nés de mère porteuse aux États-Unis.</p>
<p>Depuis, la jurisprudence française <a href="https://www.village-justice.com/articles/gpa-que-reste-prohibition-francaise,29499.html">a évolué mais reste fluctuante</a>. Pour mettre fin à ces situations iniques, un adoucissement des réglementations avec à terme, une levée de l’interdiction paraît donc inéluctable. En effet, comment peut-on maintenir une interdiction qui n’aura vocation à s’appliquer que pour les individus qui n’ont pas les moyens de s’y soustraire ? Comment maintenir un système qui accepte de régulariser la pratique dès lors qu’elle est commise à l’étranger et qui encourage par là même le tourisme procréatif et ses effets déviants ?</p>
<h2>Les conditions du recours à la GPA</h2>
<p>Les pays qui ont légalisé la pratique sur leur propre territoire ont été amenés à répondre à toute une série d’interrogations. Malgré leur grande diversité, la comparaison entre ces différentes législations fait ressortir deux catégories de règles. La première se rapporte aux conditions de recours à la GPA, la seconde en précise les effets.</p>
<p>La majorité des pays conditionne le recours à la GPA à l’impossibilité de porter un enfant pour raisons médicales. L’exigence d’une infertilité pathologique explique que son ouverture soit réservée aux couples hétérosexuels, mariés comme en <a href="http://www.slate.fr/story/93287/gpa-israel">Israël</a>, premier pays à avoir autorisé la maternité pour autrui, ou en <a href="https://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/la-grece-de-plus-en-plus-ouverte-au-tourisme-du-bebe-par-procreation-assistee_1564725.html">Grèce</a>.</p>
<p>D’autres États admettent l’infertilité « naturelle » pour l’ouvrir à d’autres catégories de demandeurs. Il en est ainsi de la Californie et du <a href="https://babygest.com/fr/gestation-pour-autrui-au-canada/#prix-dune-gpa-au-canada">Canada</a> où les bénéficiaires peuvent être des célibataires ou des couples homosexuels.</p>
<p>L’obligation de résider dans le pays est très souvent requise pour au moins un, voire les deux parents d’intention. Telle est d’ailleurs la solution retenue par la majorité des législations étudiées qui exigent également une obligation de résidence pour la mère porteuse, ceci afin d’éviter d’être une terre de destination privilégiée au tourisme procréatif.</p>
<p>Reste la question financière, la mère porteuse doit-elle recevoir une rémunération ? Le commun dénominateur des diverses législations étudiées réside dans l’idée qu’une telle démarche ne doit se faire que dans un but altruiste, comme au <a href="https://babygest.com/fr/gestation-pour-autrui-au-canada/#prix-dune-gpa-au-canada">Canada</a>, rejoignant ainsi les partisans d’une GPA dite « éthique ». Aussi, la somme versée par les parents d’intention ne peut l’être sous la forme d’une rémunération, mais d’une indemnisation couvrant les frais médicaux, les frais de vêtements et d’alimentation, les jours de travail manqués, et autres frais afférents à la grossesse… La GPA devient donc un acte « purement altruiste » de la part de la femme qui se présente, avec cependant pour conséquence de voir diminuer les chances pour en trouver.</p>
<h2>Quels effets ?</h2>
<p>Après avoir posé les conditions du recours à la GPA, il faut en préciser les effets. Les techniques de rattachement de l’enfant à ses parents d’intention peuvent être regroupées en deux catégories. La première est celle qui consiste à établir une filiation automatique à l’égard du ou des parents d’intention. Le recours à ce mode direct de rattachement est mis en place dans les pays comme en Californie où <a href="https://www.academia.edu/7904773/G._WIllems_et_J._Sosson_L%C3%A9gif%C3%A9rer_en_mati%C3%A8re_de_gestation_pour_autrui_quelques_rep%C3%A8res_de_droit_compar%C3%A9">seule la GPA gestationnelle est autorisée</a> et où l’enfant n’a donc aucun lien génétique avec la mère.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les jumelles Mennesson sont nées en 2000 en Californie d’une gestation pour autrui (GPA), CNNews.</span></figcaption>
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<p>Cet établissement direct s’opère toujours sous contrôle judiciaire et ne saurait résulter du seul accord de volonté issu du contrat.</p>
<p>La deuxième technique a recours à des règles qui s’apparentent à une procédure d’adoption. La mère porteuse est considérée <a href="https://surrogate.com/surrogacy-by-state/florida-surrogacy/florida-surrogacy-laws/">comme la mère de l’enfant</a> comme en Floride.</p>
<p>Les parents d’intention devront, une fois l’enfant né, obtenir du juge une décision opérant un transfert de parenté ou de filiation. Ces lois encadrant la GPA ne sont toutefois pas toujours suffisantes pour résoudre tous les problèmes, mais elles ont le mérite d’exister et en exerçant un contrôle sur ses pratiques, de les soustraire à une marchandisation bien plus désastreuse dans les pays où il n’existe aucune réglementation.</p>
<h2>L’Asie et ses « usines » à bébés</h2>
<p>Pour prendre un exemple, l’Inde est devenue la première « plate-forme » mondiale de la GPA. Alors que ces cliniques étaient presque exclusivement installées en zones urbaines, le <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2016/10/12/portrait-des-meres-porteuses-indiennes-loin-des-idees-recues_5012047_3244.html">phénomène</a> gagne aujourd’hui les zones rurales mais aussi les classes moyennes. Les populations paysannes, plus pauvres, acceptent des ventes à des tarifs encore plus bas nécessaires pour concurrencer la Thaïlande. En décembre 2018 l’Inde a considérablement durci sa réglementation en interdisant la <a href="https://timesofindia.indiatimes.com/india/lok-sabha-passes-surrogacy-regulation-bill-2016-which-bans-commercial-surrogacy/articleshow/67165408.cms">commercialisation de la GPA</a> afin de mettre fin <a href="https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/linde-encadre-severement-la-gestation-pour-autrui">au trafic des ventres de femmes</a>.</p>
<p>En Chine, où la GPA est illégale le trafic concernerait pourtant <a href="https://www.nytimes.com/2014/08/03/world/asia/china-experiences-a-booming-black-market-in-child-surrogacy.html">10 000 enfants par an</a>. Destinés aux couples les plus fortunés, les nourrissons se vendent jusqu’à 240 000 $ soit environ 220 000 euros.</p>
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<figcaption><span class="caption"><em>Envoyé spécial</em>, 31 janvier 2019 sur les marchés clandestins de la GPA qui ont émergé dans le monde.</span></figcaption>
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<p>La GPA va dans le sens de l’histoire. L’interdire en France pousse les couples à se tourner vers l’étranger. Or deux difficultés en découlent, hormis l’impact délétère sur le couple lui-même : la non-reconnaissance administrative de l’enfant né à l’étranger d’une part, le risque de marché parallèle d’autre part. Le débat idéologique, souvent simpliste et manichéen, n’est donc pas le seul axe à envisager dans l’autorisation de la GPA. Il s’agit de garder à l’esprit les risques réels de dérive, nécessitant un cadre juridique adéquat, rigoureux et exhaustif pour anticiper et prévenir tout dérapage.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124059/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Au-delà des discussions politiques entre les opposants et les partisans de la GPA, la majorité de ces débats ignore souvent l’importance de ses enjeux économiques et leur encadrement par le droit.Eric Vernier, Directeur de la Chaire Commerce, Echanges & Risques internationaux - ISCID-CO, Université du Littoral Côte d'Opale, Chercheur au LEM (UMR 9221), Université de LilleIsabelle Baudet, Professeur associé en Droit, ExceliaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1234612019-09-23T18:25:36Z2019-09-23T18:25:36ZQuand la science économique sauve des vies, conversation avec Alvin Roth, prix Nobel d’économie 2012<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/292162/original/file-20190912-190031-1y6g8r4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C43%2C899%2C564&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Alvin Roth expose ses travaux sur les marchés « répugnants » lors de l'European Meeting de l'ESA (Economic Science Association), le 7 septembre à Dijon.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.facebook.com/LESSACDijon/?__tn__=%2Cd%2CP-R&eid=ARBngSpMZimJYuZtJRtmF-Wpb0kA7jAHmrNQ5XvT3cL7BZbQfJGp2-zoJ2KhfStcwFF8cE-s6MM7xBaf">Lessac / BSB</a></span></figcaption></figure><p><em>À ceux qui objecteraient que les sciences économiques sont parfois hors-sol, on pourra leur opposer les travaux d’Alvin Roth. Ne vous fiez pas à l’intitulé de « la théorie des allocations stables et la pratique de la conception de marchés » qui lui a valu, avec Lloyd Shapley, le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel en 2012. L’économiste américain, professeur à Stanford, a au contraire bâti sa réputation sur son recours à la théorie économique pour tenter de résoudre des problèmes très concrets.</em></p>
<p><em>Alvin Roth a ainsi beaucoup travaillé sur les transactions effectuées au sein des marchés dits « répugnants ». On parle de transactions répugnantes lorsque « certaines personnes aimeraient les réaliser alors que d’autres, qui ne sont pas directement concernées par ces transactions, pensent qu’elles ne devraient pas y être autorisées ». Les exemples sont nombreux : viande de cheval, drogues, etc.</em></p>
<p><em>Cet éminent spécialiste de l’économie expérimentale a, entre autres, étudié le facteur de répugnance qui freine la rencontre entre l’offre et la demande en matière de transplantations d’organes, dont la vente est jugée répugnante partout (ou presque) dans le monde. Pour contourner ce facteur, Alvin Roth a mis au point un modèle qui permet un meilleur appariement entre donneurs et receveurs de reins. Au bilan, ses travaux ont permis d’augmenter le nombre de transplantations de reins et donc de sauver des vies.</em></p>
<p><em>The Conversation France a rencontré Alvin Roth à Dijon, à l’occasion de sa venue à l’European Meeting de l’ESA (Economic Science Association), organisé le 7 septembre dernier par le Lessac (Laboratory for Experimentation in Social Sciences and Behavioral Analysis) de Burgundy School of Business (BSB).</em></p>
<hr>
<p><strong>Alvin Roth, comment définiriez-vous un marché répugnant en quelques mots ?</strong></p>
<p>Je ne peux pas donner une définition parfaite, mais quand je parle de transactions répugnantes, je pense à des transactions que certaines personnes aimeraient réaliser alors que d’autres personnes, qui ne sont pas directement concernées par ces transactions, pensent qu’elles ne devraient pas y être autorisées. Un marché répugnant, c’est un marché de transactions répugnantes.</p>
<p><strong>Pouvez-vous nous donner quelques exemples ?</strong></p>
<p>J’ai évoqué lors de ma conférence de ce matin l’exemple du mariage entre deux personnes de même sexe. Deux personnes souhaiteraient se marier, mais certains pensent qu’elles ne devraient pas être autorisées à le faire. Cette question a beaucoup divisé, que ce soit en Europe ou aux États-Unis, où 13 états restent réticents à autoriser le mariage entre deux personnes de même sexe… Le même débat peut donc déboucher sur des réponses variées dans les différents pays. </p>
<p><strong>Vous avez étudié les transplantations d’organes, un autre marché répugnant… Vous avez gagné le prix « Nobel » d’économie pour avoir conçu un système qui permet d’augmenter le nombre de transplantations des reins. Le principe est de construire une « chaîne d’échange ». Pouvez-vous nous expliquer brièvement le fonctionnement de ce système et comment il permet de contourner le facteur de répugnance ?</strong></p>
<p>La transplantation n’est pas répugnante en soi. La transplantation peut sauver la vie de quelqu’un qui a une insuffisance rénale par exemple. Ce qui est répugnant, c’est d’acheter un rein. Les reins sont spéciaux. Les gens ont deux reins, et peuvent rester en bonne santé avec un seul. Donc, il y a beaucoup de donneurs vivants, mais la loi exige que ce soit des dons, pas des ventes. C’est la loi partout dans le monde, sauf en Iran. En conséquence, il y a une pénurie d’organes disponibles pour les greffes. Beaucoup de malades meurent avant une éventuelle transplantation parce qu’il n’y a pas assez d’organes pour les personnes qui en ont besoin, même en incluant les organes des donneurs vivants. En effet, si vous aimez quelqu’un suffisamment pour lui donner un rein, cela ne veut pas dire que vous pouvez effectivement le lui donner, puisqu’il doit y avoir une compatibilité entre le donneur et le receveur. La « chaîne d’échange » est donc un moyen de réaliser plus de transplantations en contournant la difficulté de la compatibilité.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/292390/original/file-20190913-2178-14mwbhr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/292390/original/file-20190913-2178-14mwbhr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/292390/original/file-20190913-2178-14mwbhr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=248&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/292390/original/file-20190913-2178-14mwbhr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=248&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/292390/original/file-20190913-2178-14mwbhr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=248&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/292390/original/file-20190913-2178-14mwbhr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=312&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/292390/original/file-20190913-2178-14mwbhr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=312&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/292390/original/file-20190913-2178-14mwbhr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=312&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Schéma de la « chaîne d’échange » établie par Alvin Roth. Extrait de la présentation « Improved Markets for Doctors, Organ Transplants and School Choice ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://stanford.edu/~alroth/Congressional%20Briefing.BetterLiving.March2010.pdf">Stanford.edu</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Imaginons par exemple que vous vouliez donner un rein à votre sœur et que je veuille aussi donner un rein à ma sœur, mais qu’aucun de nous deux ne puisse le faire. Il est en revanche possible que votre sœur puisse recevoir mon rein et ma sœur le vôtre. Dans ce cas, deux transplantations de plus sont réalisables et deux vies potentiellement sauvées. Voilà l’idée sur laquelle reposent mes travaux.</p>
<p><strong>En quoi vos recherches sur les transplantations peuvent-elles être utiles pour comprendre le fonctionnement d’autres marchés répugnants ?</strong></p>
<p>L’un des buts des travaux sur la transplantation rénale était de comprendre ce qui était répugnant et comment nous pourrions avancer vers plus de vies sauvées sans offenser. Dans un échange rénal, personne n’est payé. Personne ne reçoit de l’argent, c’est un rein pour un rein, et cela n’est pas répugnant. Aux États-Unis, nous avons ainsi pu faire modifier la loi fédérale pour préciser que l’échange rénal n’est pas répugnant. La raison pour laquelle les gens n’aiment pas certaines transactions est souvent bien différente de la raison pour laquelle d’autres personnes veulent s’engager dans ces transactions.</p>
<p><strong>Comment contourner cette difficulté ? La réponse est-elle avant tout réglementaire ?</strong></p>
<p>Les marchés ont effectivement besoin d’un appui social pour bien fonctionner, et il en va de même pour les interdictions sur les marchés. Donc, faire des lois contre les marchés ne suffit pas toujours à les faire disparaître, comme nous le montrent par exemple les marchés de la drogue ou de la prostitution. Sur ces marchés, les règles varient selon les pays et même selon les différents états américains. La gestation pour autrui est un autre marché où les règles changent selon l’endroit où l’on se trouve. En France, c’est illégal. En Californie, où j’habite, c’est légal. Le fait qu’il soit illégal en France n’empêche pourtant pas les couples français qui ont besoin des services d’une mère porteuse de les obtenir. En conséquence, certains problèmes apparaissent : par exemple, comment la loi doit-elle considérer les enfants qui devraient avoir la citoyenneté française et des parents français ? Si la loi française est appliquée de manière trop stricte, ils pourraient éventuellement se retrouver sans citoyenneté et sans parents « officiels » ! Cet exemple montre que, si les marchés sont difficiles à démarrer, ils sont également difficiles à arrêter.</p>
<p><strong>Dernière question : quels éclairages les marchés répugnants peuvent-ils apporter sur le fonctionnement des marchés traditionnels et légaux ?</strong></p>
<p>Dans les deux cas, la technologie change les marchés et les opportunités des personnes sur ces marchés. Par exemple, la gestation pour autrui a été rendue possible par l’invention de la fécondation in vitro. Cela vaut également pour les autres marchés. Nous voyons maintenant des marchés financiers où la plupart des métiers sont effectués par ordinateur, ce qui change la nature du marché. Parfois, cela change la nature des règles qui assurent le bon fonctionnement de ces marchés. Je pense donc que les marchés sont un peu comme des organismes vivants, nous devons étudier leurs évolutions. Quand on réfléchit à la façon de bien les faire fonctionner, il faut considérer la manière dont ils peuvent servir au mieux la société. Et cela peut impliquer de changer leurs règles de fonctionnement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/123461/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Les modèles de ce spécialiste de l’économie expérimentale ont permis d’augmenter le nombre de transplantations de reins aux États-Unis. Entretien.Thibault Lieurade, Chef de rubrique Economie + Entreprise, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1208402019-07-24T19:58:37Z2019-07-24T19:58:37ZRévision des lois de bioéthique : entre éthique et politique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/285634/original/file-20190724-110170-rx3o5s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=26%2C8%2C3000%2C2029&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le projet de loi ouvre la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires, mais il porte également sur bien d'autres sujets. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/pregnant-lesbian-woman-1072849184?src=GkzXX5WoZP8sLnhW2rRuSg-1-91&studio=1">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le 18 juillet 2019, le Conseil d’État, saisi par le gouvernement, avait validé le projet de loi relatif à la bioéthique. Présenté en Conseil des ministres le 24 juillet 2019, le texte a été adopté une première fois par l'Assemblée nationale en octobre. À partir du mardi 21 janvier, c’est au tour du Sénat de se pencher sur le projet de loi, déjà examiné en commission début janvier. Retour sur un texte majeur, dont les implications ne se limitent pas à la question de l’extension sociétale de l’assistance médicale à la procréation. </p>
<h2>Une consultation d’ampleur, des divergences de vues</h2>
<p>À la suite de nombreuses consultations ainsi que de la publication des rapports émanant de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, du Conseil d’État, de l’Agence de la biomédecine et enfin du Comité consultatif national d’éthique, un ultime rapport parlementaire, rendu public le 15 janvier 2019, avait constitué le dernier acte de la phase consultative de révision de la loi avant soumission au gouvernement. </p>
<p>Les pouvoirs publics avaient également pris acte de l’opinion des Français, qui ont pu s’exprimer sur les sujets concernés dans le cadre des <a href="https://etatsgenerauxdelabioethique.fr/">États généraux de la bioéthique</a>, de janvier à avril 2018.
Cette consultation a fait apparaître des divergences significatives concernant notamment les conceptions de la vie, les conditions d’interventions sur le vivant (du point de vue des techniques de diagnostic génétique et de modification de l’embryon), la filiation dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation (AMP, ou PMA − procréation médicalement assistée), et les capacités en neurosciences d’inférer sur les libertés individuelles. </p>
<p>Comment cette diversité de points de vue est-elle traduite dans ce projet de loi, troisième révision des lois du 29 juillet 1994 ? </p>
<h2>Évolution de l’accès à l’assistance médicale à la procréation</h2>
<p>Le projet de loi s’ouvre sur le domaine le mieux connu par le public, le plus polémique également, qu’est l’assistance médicale à la procréation dans ses incidences sur la famille. </p>
<p>En permettant l’adoption, la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000027414540&categorieLien=id">loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe</a> a consacré la famille homoparentale. Le projet prend acte de ce mouvement de société en ouvrant l’AMP aux couples de femmes et aux femmes célibataires, supprimant ainsi la condition d’infertilité diagnostiquée. Ce faisant, il transforme l’AMP, jusque-là exclusivement médicale, en une technique sociétale. </p>
<p>S’ensuit une série de propositions destinées à l’établissement de la filiation des enfants conçus par recours à un don de gamètes ou d’embryons, dans l’objectif affiché de sécuriser leur filiation. </p>
<p>Tenant compte de l’émergence publique de la parole des personnes conçues par AMP exogène (ou AMP « hétérologue », qui fait intervenir un tiers donneur, via un don de spermatozoïdes, d’ovocytes ou d’embryon), ainsi que des possibilités de recours direct sur Internet aux tests d’ADN permettant d’identifier sa lignée familiale, le projet de loi crée un droit d’accès aux informations relatives aux donneurs. </p>
<p>À l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006419303&cidTexte=LEGITEXT000006070721">article 16-8 du Code civil</a> est ajouté un article 16-8-1 qui, tout en maintenant le principe d’anonymat entre donneurs et receveurs, permet à la personne majeure conçue par don de matériels génétiques d’accéder (à sa majorité) à l’identité du donneur ou du tiers donneur. L'alternative pour l’instant envisagée rend d’autant plus incertain le contenu du texte définitif. Soit le descendant pourra accéder à l’identité du donneur dès lors que celui-ci y aura expressément consenti au moment de son don. Soit l’accès aux données sera soumis au consentement du donneur au moment où sera formulée la demande.</p>
<p>L’autoconservation des gamètes en dehors de toute indication médicale est admise tant pour les hommes que pour les femmes, dans des conditions bien déterminées.</p>
<p>Enfin, l’AMP post-mortem reste proscrite, et ce alors qu’une décision du Conseil d’État avait pu être analysée comme une ouverture (recommandation de lever l’interdit sur le transfert d’embryons et l’insémination post mortem avec les gamètes prélevés avant décès du mari).</p>
<h2>Un encadrement des innovations biomédicales</h2>
<p>Aussi importants que soient les changements intervenant dans l’extension sociétale des pratiques de l’AMP, ils ne doivent pas masquer d’autres aspects du texte, qui s’attache à l’encadrement des innovations dans l’ensemble des secteurs de la biomédecine. </p>
<p>Ainsi, les conditions d’accès à la greffe sont optimisées, notamment par l’accroissement des possibilités de <a href="https://www.ouest-france.fr/premium/journal/temoignage-ils-echangent-un-rein-avec-un-autre-couple-5255532">don croisé d’organes</a> qui permet de maximiser les possibilités de surmonter les obstacles de l’incompatibilité biologique.</p>
<p>La transmission d’une information génétique en cas de rupture du lien de filiation biologique ou d’impossibilité pour une personne d’y consentir est également favorisée par diverses dispositions. En cas de diagnostic établissant une anomalie génétique chez un tiers donneur, l’article 9 prévoit que la personne chez qui l’anomalie est diagnostiquée peut autoriser le médecin à en informer le centre d’AMP. Ainsi, les personnes issues du don (ou les titulaires de l’autorité parentale en cas de personnes mineures) pourraient être informées. Par ailleurs, l’article 8 permet un examen génétique d’une personne hors d’état d’y consentir, dans l’intérêt des membres de sa famille potentiellement concernés.</p>
<p>Un article vient aussi enrichir le chapitre du Code civil consacré à l’imagerie cérébrale, nouvellement intitulé « De l’utilisation des techniques d’imagerie cérébrale », dont l’utilisation reste limitée à des fins médicales, de recherche scientifique ou, de façon plus restreinte, judiciaires. Le cadre juridique de la recherche apparaît actualisé. </p>
<p>Le régime de la recherche sur les cellules souches, désormais distinct de celui applicable à l’embryon, est assoupli. Les protocoles conduits sur des cellules souches embryonnaires ne sont plus soumis qu’à une simple déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine. La durée de développement des embryons sur lesquels une recherche est conduite est fixée à 14 jours, la pratique limitant actuellement cette durée à 7 jours.</p>
<p>La création d’embryons chimériques (mélangeant <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/soigner/don-d-organes/embryon-chimerique-cochon-humain-il-y-a-certains-organes-qu-il-ne-faut-surtout-pas-humaniser_2038583.html">cellules humaines et cellules d’une autre espèce</a>) est expressément interdite, de même que toute expérimentation visant à la modification de la descendance par la transformation des caractères génétiques.</p>
<h2>Situation des enfants nés par GPA à l’étranger et fin de vie médicalisée : deux absentes</h2>
<p>Deux thèmes attendus, à savoir la situation des enfants nés par une gestation pour autrui (GPA) réalisée à l’étranger et la fin de vie médicalisée, ne sont pas abordés par le projet de loi. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quel-avenir-pour-les-enfants-nes-par-gpa-129206">Quel avenir pour les enfants nés par GPA ?</a>
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<p>Cette absence ne peut être qualifiée de lacune, car ces problématiques relèveraient davantage de l’éthique que de la bioéthique. Elles font en effet appel à notre responsabilité collective vis-à-vis des plus fragiles en dehors de toute application technologique. </p>
<p>Les enjeux de la fin de vie sont traités dans une législation spécifique qui elle même a évolué : loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.</p>
<h2>De nouvelles règles pour une « bioéthique à la française » ?</h2>
<p>Le projet de loi actuel est construit autour de 7 titres. Leurs intitulés, loin d’être sèchement scientifiques, attestent de la volonté de promouvoir les possibilités technologiques dans le respect des valeurs qui ont fait cette « bioéthique à la française », reposant sur les grands principes relatifs au corps humain : dignité, respect de l’intégrité de la personne, consentement, non-patrimonialité…</p>
<p>Le Titre I, par exemple, dont l’ensemble des dispositions se rapportent aux questions inhérentes à l’assistance médicale à la procréation, vise à « élargir l’accès aux technologies disponibles sans s’affranchir de nos principes éthiques. ». On peut aussi citer le titre II, relatif aux dons d’organes, de cellules et de tissus ainsi qu’à la transmission de l’information génétique, qui a pour objectif de « promouvoir la solidarité dans le respect de l’autonomie de chacun ». </p>
<p>Cette exigence se retrouve affirmée à travers chacun des sept titres structurant le projet, le dernier étant consacré aux techniques législatives. L’attachement des rédacteurs du projet aux grands principes relatifs au corps humain ressort du rappel fréquent des articles <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006419320&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=19940730">16</a> à <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006419303&cidTexte=LEGITEXT000006070721">16-8</a> du Code civil, qui constituent en quelque sorte notre « constitution relative à la bioéthique ». </p>
<p>Des modifications y sont cependant apportées. Parfois dans le sens d’un durcissement, comme dans le cas de l’article 16-4 relatif à l’intégrité du corps humain (modifié pour « faire obstacle à toute expérimentation visant la transformation des caractères génétiques dans le but de modifier la descendance »), parfois dans le sens de l’extension, notamment par l’ajout de l’article 16-8-1 créant un droit d’accès aux origines.</p>
<p>Cette révision de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000024323102">loi de bioéthique du 7 juillet 2011</a> est particulière en ce sens que les frontières entre les territoires de la bioéthique (médecine et biologie) et ceux d’autres domaines ont perdu de leur netteté. Les innovations disruptives dans le champ de l’intelligence artificielle conditionnent par exemple désormais les pratiques biomédicales en génomique, neurosciences et imagerie.</p>
<p>L’extension du concept de bioéthique à des domaines de la recherche scientifique qui ne relèvent plus seulement de la médecine ou de la biologie est prise en compte par le Titre VI du projet de loi, « Assurer une gouvernance bioéthique adaptée au rythme des avancées rapides des sciences et des techniques. » Les missions du Comité consultatif national d’éthique seront à ce titre étendues « aux conséquences sur la santé des progrès de la connaissance dans tout autre domaine. » </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/podcast-pour-mieux-comprendre-les-debats-sur-la-bioethique-93317">Podcast : Pour mieux comprendre les débats sur la bioéthique</a>
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<h2>Pas de plan B pour le devenir de l’être humain !</h2>
<p>Ce projet de loi connaîtra des transformations au fil des navettes parlementaires. Toutefois, dans ses lignes générales il semble préfigurer les règles de la bioéthique pour les 5 à 7 prochaines années. Il témoigne de l’attachement aux valeurs susceptibles de concilier les promesses d’avancées biomédicales avec le souci d’anticiper et d’accompagner leurs conséquences. </p>
<p>On constate l’acceptabilité progressive de pratiques qui suscitaient hier de fortes résistances (ouverture de l’AMP aux couples de femmes, droit d’accès à leurs origines pour les personnes conçues par dons de gamètes, recherche sur l’embryon…), la concertation publique contribuant à l’exigence de pédagogie dans un domaine complexe. Dans le Titre IV « Soutenir une recherche libre et responsable au service de la santé humaine, le chapitre I<sup>er</sup> est caractéristique de ces évolutions : « Aménager le régime actuel de recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires. » </p>
<p>Ce projet de loi permettra-t-il d’endiguer le phénomène du « tourisme bioéthique », certains allant chercher en dehors de nos frontières ce que le droit français leur refuse ? Rien de moins certain. Cependant, ce texte est respectueux des principes fondamentaux nationaux et internationaux de la bioéthique et adapté aux évolutions de la société. </p>
<p>Il devrait permettre à la France d’affirmer une position d’autant plus nécessaire que les pratiques de la recherche en biomédecine au plan international semblent faire l’objet d’une <a href="https://theconversation.com/que-savons-nous-de-lulu-et-nana-les-premiers-bebes-crispr-107969">inquiétante dérégulation</a>.</p>
<p>Néanmoins, quelle que soit la qualité des travaux préparatoires du projet de loi, rien n’assure que les débats parlementaires ne relanceront pas de vives polémiques. Car la bioéthique est comprise, dans le cadre d’une société sécularisée, comme un marqueur de ses valeurs. </p>
<p>Peut-on viser une forme de consensus social alors que les antagonismes s’enracinent dans des registres d’ordres religieux ou philosophiques parfois considérés comme une forme d’affirmation identitaire ? Une chose est sûre : les responsables politiques sont conscients de la haute sensibilité des « questions bioéthique », dont les arbitrages <a href="https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/publications/eg_ethique_rapportbd.pdf#page=12">décideront de la société de demain</a>. </p>
<p>L’actualité traite davantage des conséquences écologiques du réchauffement de la planète que des manipulations du génome avec ses incidences sur les générations futures. Pourtant, comme s’agissant du devenir de la planète, nous ne disposons d’aucun plan B pour le devenir de l’humain !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/120840/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Présenté en Conseil des ministres le 24 juillet 2019, le projet de loi bioéthique sera soumis au Parlement dès la rentrée. Que faut-il en retenir ?Valérie Depadt, Maître de conférences en droit, Université Sorbonne Paris NordEmmanuel Hirsch, Professeur d'éthique médicale, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/972132018-05-31T20:14:53Z2018-05-31T20:14:53ZLa PMA pour toutes : tempête dans un verre d’eau ou évolution majeure ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/221189/original/file-20180531-69484-6it9g1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4096%2C2550&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le droit de porter un enfant pour toutes ? </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/hYPqAWHH6V4">Chris Benson/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Alors que la <a href="https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Ethique/Bioethique-deputes-senateurs-commencent-auditions-2018-05-16-1200939283">révision de la loi de bioéthique</a> approche à grands pas, les états généraux de la bioéthique viennent de s’achever et le <a href="http://www.ccne-ethique.fr/fr">Comité consultatif national d’éthique</a> s’apprête à rendre son avis. Parmi les thèmes abordés figurera notamment la PMA (procréation médicalement assistée). Or, à l’heure du bilan, on se demande si l’intense débat suscité par l’éventuelle ouverture de cette dernière aux femmes seules et aux couples de femmes est vraiment justifié.</p>
<h2>La fin de la PMA réservée aux couples hétérosexuels ?</h2>
<p>Dissociant la procréation de la sexualité et la procréation de la gestation, la PMA constitue incontestablement l’une des avancées majeures de la biomédecine. Pourtant, en choisissant de l’encadrer très strictement, le législateur a jusqu’à présent minimisé la prouesse technique qu’elle représente. La PMA pourrait offrir de nombreuses possibilités que la <a href="https://theconversation.com/debat-pma-pour-toutes-une-etape-societale-qui-reste-a-consacrer-dans-le-droit-80773">demande sociale</a> laisse entrevoir mais dont le droit empêche pour l’heure la réalisation en limitant l’accès à cette technique. En réservant la PMA aux couples hétérosexuels en âge de procréer, le législateur a cantonné cette technique au champ de l’ordinaire et soumis son accès à une condition primordiale : l’infertilité pathologique. C’est précisément ce que remettrait en cause la PMA pour toutes.</p>
<h2>Les exclus de la PMA</h2>
<p>Cette exigence d’infertilité pathologique a mis <em>de facto</em> certaines personnes à l’écart. Tout d’abord, elle empêche en principe les femmes ménopausées, dont l’infertilité n’est pas pathologique mais physiologique, d’accéder à la PMA. Elle écarte ensuite les personnes stérilisées ; la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000034970911">cour d’appel administrative de Nancy</a> l’a précisé le 15 juin 2017 à propos d’un homme ayant subi une vasectomie. Enfin, cette exigence exclut <em>a priori</em> les transsexuels qui ne souffrent pas, à proprement parler, d’une infertilité pathologique mais sont devenus stériles à l’issu d’une opération de conversion sexuelle.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1001729149621415938"}"></div></p>
<h2>Le refus des miracles médicalement assistés</h2>
<p>Parce qu’elle tend pour l’instant à surmonter l’infertilité pathologique, la PMA ne permet pas d’accomplir les prouesses que certains attendent d’elle.</p>
<p>En l’état du droit, la PMA ne permet pas de faire des enfants tout·e seul·e· : le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI000006687420&dateTexte=20110311">code de la santé publique</a> fait constamment référence au « couple » et évoque « l’homme et la femme formant le couple ». De même, elle ne permet pas de faire des enfants dans le cadre d’une relation homosexuelle. En France, le don de sperme est refusé aux couples de femmes. Quant aux couples d’hommes qui devraient recourir à une GPA (gestation pour autrui), leur démarche est clairement prohibée par l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=DDC3826267FA31CC9293228846E2BFFE.tplgfr37s_2?idArticle=LEGIARTI000006419302&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=20180524&categorieLien=id&oldAction=">article 16-7 du code civil</a>.</p>
<p>La PMA ne permet pas non plus la survenance d’enfants tardifs. Bien que le législateur n’ait pas fixé de limite d’âge, l’assurance maladie ne prend pas en charge la PMA pour les femmes âgées de plus de 43 ans.</p>
<p>En outre, la cour d’appel administrative de Versailles a jugé le <a href="http://versailles.cour-administrative-appel.fr/A-savoir/Communiques/Arrets-n-17VE00824-et-n-17VE00826-du-5-mars-2018-Agence-de-la-Biomedecine">5 mars 2018</a> que l’agence de la biomédecine avait légitimement pu estimer que des hommes âgés de 68 et 69 ans avaient dépassé l’âge de procréer et ne pouvaient donc accéder à une PMA. <em>A fortiori</em>, la conception d’enfants posthumes est également impossible, l’article <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI000006687420&dateTexte=20110311">L2141-2 du Code de la santé publique</a> énonçant d’ailleurs que « l’homme et la femme formant le couple doivent être vivants ».</p>
<h2>Des assouplissements relatifs, signe d’une rigidité excessive ?</h2>
<p>Pour strict qu’il soit, le cadre juridique de la PMA ne s’est pas moins assoupli au gré de quelques évolutions législatives et judiciaires.</p>
<p>Depuis la réforme de 2011, les membres du couple n’ont plus à être mariés ou à apporter la preuve d’une vie commune d’au moins deux ans comme l’exigeait l’ancien article L2141-2 du Code de la santé publique. Cet assouplissement a permis à des personnes qui ne forment pas réellement un couple de recourir à la PMA pour devenir, selon un terme dont l’usage se développe, <a href="http://www.marieclaire.fr/,coparentalite-cherche-pere-sur-le-net,716279.asp">co-parents</a> et mettre en place une coparentalité. Ce léger changement n’est-il pas le signe que le cadre de la PMA s’est déformé sous la pression de la demande sociale ?</p>
<p>En outre, à la suite des <a href="https://www.courdecassation.fr/IMG///Communique_avis_AMP_140923.pdf">avis de la Cour de cassation du 22 septembre 2014</a>, l’enfant conçu à l’étranger grâce à une insémination artificielle avec tiers donneur (IAD) peut obtenir une double filiation maternelle grâce à l’adoption : la femme qui accouche est sa mère, l’épouse de cette dernière peut l’adopter.</p>
<p>Par ailleurs, en dépit de l’interdiction de principe de la PMA <em>post mortem</em>, le Conseil d’Etat a récemment accepté l’<a href="https://theconversation.com/insemination-post-mortem-sans-frontieres-60631">exportation vers l’Espagne des gamètes d’un défunt</a> afin qu’une insémination puisse être réalisée dans ce pays.</p>
<p>Si ces quelques assouplissements révèlent combien il est difficile de tracer une frontière nette entre ce qui est permis et interdit en matière de PMA, ils n’ont pas substantiellement modifié le cadre juridique de la PMA. Ce dernier vise toujours à faire comme si l’enfant avait été conçu naturellement. Certes, rien n’empêche les parents d’indiquer à l’enfant qu’il a été conçu grâce à une PMA, éventuellement avec donneur, mais rien ne les y oblige non plus, tout étant organisé pour qu’ils puissent se taire. La PMA n’est qu’un détail de l’histoire qui n’a pas à être mis en lumière. Dans le même ordre d’idées, l’enfant ainsi conçu n’a pas de réel <a href="https://theconversation.com/debat-les-personnes-concues-par-un-don-de-sperme-doivent-pouvoir-connaitre-leurs-origines-91720">droit à la connaissance de ses origines</a> : en cas de don de gamètes, le donneur et le receveur ne pourront pas connaître leur identité respective.</p>
<h2>Vers une libération du potentiel transhumaniste de la PMA ?</h2>
<p>À l’heure actuelle, la polémique se concentre autour de l’<a href="https://theconversation.com/debat-quatre-raisons-de-sopposer-a-la-pma-pour-toutes-85303">éventuelle ouverture de la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes</a>. Serait-ce vraiment un tel bouleversement ? Quels seraient les changements impliqués ?</p>
<p>En réalité, à travers l’encadrement juridique de la PMA, c’est la question de l’engendrement et des représentations symboliques associées qui sont en jeu. En refusant, comme il le fait actuellement, d’assumer le caractère artificiel de la procréation ainsi proposée, le législateur fait un choix culturel. Il admet que la nature demeure le modèle à respecter. En refusant la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, on met en œuvre une domination normée et normative : l’hétérosexualité prévaut sur l’homosexualité et sur l’absence de sexualité.</p>
<p>Or, il y a d’autres façons d’envisager la PMA. Ouverte aux femmes seules et aux couples de femmes, cette technique leur permettrait de s’affranchir des limites naturelles à la procréation et serait ainsi un outil efficace pour les aider à dépasser leur condition et à s’affranchir de la binarité et de l’altérité sexuelles nécessaires à l’engendrement. Mais certains diront que cette démarche n’est rien d’autre qu’une forme de <a href="http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2017/09/15/31003-20170915ARTFIG00272-francois-xavier-bellamy-pma-pour-toutes-derniere-frontiere-avant-le-transhumanisme.php">transhumanisme</a>. Et sans doute y a-t-il une part de vérité dans ce constat. En effet, la problématique posée par l’éventuelle ouverture de la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes se situe au cœur des évolutions actuelles de la médecine vers l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Anthropotechnie">anthropotechnie</a>.</p>
<p>Dans l’avant-propos de son <a href="http://www.ccne-ethique.fr/fr/publications/avis-du-ccne-du-15-juin-2017-sur-les-demandes-societales-de-recours-lassistance">avis du 15 juin 2017</a> sur les demandes sociétales de recours à l’assistance médicale à la procréation, le CCNE indique que « les demandes sociétales d’accès à l’AMP (assistance médicale à la procréation) reposent sur la possibilité d’utilisation de ces techniques à d’autres fins que celle du traitement de l’infertilité liée à une pathologie ». Conçue à l’origine comme un palliatif à l’infertilité d’un couple hétérosexuel, la PMA tend aujourd’hui à se transformer en un mode de conception des enfants détaché des conditions naturelles. On passe ainsi d’une PMA thérapeutique à une PMA anthropotechnique, proche d’une sorte d’ingénierie médicale au service de la procréation. La PMA pour toutes n’est pas un palliatif médical à l’infertilité, c’est une modification anthropotechnique de la procréation.</p>
<p>C’est donc de l’avènement de l’anthropotechnie procréative qu’il est ici question. Avec la PMA pour toutes, la nature anthropotechnique de la PMA ne serait plus de l’ordre du refoulé mais de l’ordre de l’assumé. Ce serait un premier tournant vers la révolution biotechnologique annoncée par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeremy_Rifkin">Jeremy Rifkin</a> qui, selon lui, « affectera tous les aspects de notre vie » y compris « notre façon de faire des enfants ».</p>
<p>En posant un regard lucide sur ce débat, en considérant la PMA comme une forme d’anthropotechnie et non de thérapie, le législateur pourra peut-être aborder sereinement ce tournant et éviter de se laisser dépasser par les conséquences d’un choix qui ne serait pas pleinement assumé. Autoriser la PMA était en soi une révolution anthropologique, élargir son accès constituera un choix sociétal décisif qui fera évoluer la parentalité et scellera la dissociation entre altérité sexuelle et procréation. Faire ce choix est sans doute acceptable éthiquement parlant, encore faut-il le faire de façon objective et réfléchie et non le subir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/97213/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne-Blandine Caire ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les débats de l’ouverture de la PMA pour toutes ont engendré de vifs débats sociétaux. Est-ce si justifié ?Anne-Blandine Caire, Professeur de droit privé et de sciences criminelles - École de Droit - Université d'Auvergne, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/924542018-04-09T04:14:12Z2018-04-09T04:14:12ZLa famille « naturelle » existe-t-elle ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/212704/original/file-20180329-189801-1rvhjiw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=181%2C129%2C5320%2C3086&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La procréation médicalement a multiplié les nouvelles formes de famille. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/44XRowmXF24">Gift Habeshaw/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Il existe aujourd’hui toutes sortes de familles. Certaines sont volontiers désignées comme biologiquement « naturelles », celles composées d’un couple (père et mère) vivant sous le même toit, avec un ou plusieurs enfants leur étant génétiquement liés. Dans d’autres familles, le lien biologique est moins fort, ou absent. Il s’agit des familles adoptives, recomposées après un divorce, monoparentales ou homosexuelles.</p>
<p>Mais au fond, cette famille dite naturelle existe-t-elle vraiment ? Et surtout, que signifie cette expression ? C’est l’une des questions que nous avons soulevées lors de la journée éthique sur le thème familles et parentalités, organisée par MGEN le 24 janvier à Paris.</p>
<p>Car la prochaine révision des lois de bioéthique devrait encore modifier la donne. Le législateur devra en effet trancher sur l’élargissement, ou non, des techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP) <a href="https://theconversation.com/debat-pma-pour-toutes-une-etape-societale-qui-reste-a-consacrer-dans-le-droit-80773">aux couples de même sexe et aux femmes célibataires</a>. Une décision qui aura, dans les deux cas, des répercussions sur la notion de famille.</p>
<p>Les citoyens sont d’ailleurs invités à poster leurs propositions <a href="https://etatsgenerauxdelabioethique.fr/project/procreation/presentation/presentation-12">sur le thème « procréation et société »</a> via le site des États généraux de la bioéthique, dont la consultation en ligne est ouverte jusqu’au 1<sup>er</sup> mai.</p>
<h2>Des techniques d’AMP plus ou moins artificielles</h2>
<p>Avec le développement des techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP) dans les années 1970, un élément artificiel s’est glissé dans un acte de procréation jusqu’ici naturel. Cet élément d’artificialité consiste en différentes interventions techniques qui vont du moins artificiel au plus artificiel.</p>
<p>L’éventail de l’aide médicale à la procréation se déploie ainsi de l’insémination pratiquée dans le cabinet du médecin à la fécondation <em>in vitro</em> (FIV), réalisée en laboratoire. Pour la FIV, deux techniques sont possibles : soit les ovules et les spermatozoïdes sont simplement mis en contact dans une boîte de Petri (un contenant cylindrique transparent), soit un spermatozoïde est choisi et introduit dans l’ovule à l’aide d’une pipette. Cette étape est suivie de l’implantation dans l’utérus de la femme d’un ou deux des embryons conçus, le surplus étant éventuellement congelé. Il est possible de concevoir ces mêmes embryons avec les gamètes (ovocyte ou sperme) d’un donneur, qui doit rester anonyme par la loi, ou bien encore d’accueillir dans l’utérus de la femme des embryons donnés par un autre couple.</p>
<p>Bien d’autres possibilités sont techniquement envisageables, même si elles sont interdites aujourd’hui en France. Par exemple, la fécondation <em>in vitro</em> ou le transfert d’embryon <em>post mortem</em>, c’est-à-dire après le décès du père. Ou encore la gestation pour autrui, c’est-à-dire l’utilisation de l’utérus d’une femme porteuse, éventuellement associée à un don d’ovocytes par une autre femme.</p>
<h2>« Ce qui arrive en dehors de l’action de l’homme »</h2>
<p>Tous ces modes de conceptions sont artificiels, si l’on retient la définition du naturel donnée par le philosophe britannique <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Stuart_Mill">John Stuart Mill</a> en 1874, <a href="http://www.earlymoderntexts.com/assets/pdfs/mill1873b.pdf">dans son texte sur la nature</a> : est naturel « ce qui arrive en dehors de l’action, ou en dehors de l’action volontaire et intentionnelle, de l’homme ». En ce sens, d’ailleurs, dans la mesure où elles s’opposent aux pathologies, hélas, naturelles, les interventions médicales sont toutes artificielles.</p>
<p>Mais dans l’esprit de la première loi française de bioéthique, votée en 1994, l’élément artificiel lié aux techniques doit être compensé, voire même neutralisé, par le caractère naturel du noyau familial que cette conception viendrait compléter. L’accès à ces techniques est ainsi réservé à un couple formé d’un homme et d’une femme, vivants et en âge de procréer, comme indiqué <a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI000006687420&dateTexte=20110311">dans le Code de la santé publique</a>. Comme l’affirme le Conseil d’état en 2009 dans <a href="http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/094000288.pdf">son rapport préparatoire à la deuxième révision des lois de la bioéthique</a> survenue en 2011 :</p>
<blockquote>
<p>« Ainsi conçue, l’assistance médicale à la procréation n’a pas eu pour objet de créer un modèle alternatif à la procréation : la fonction “naturelle” de la procréation est le modèle sur lequel l’assistance médicale à la procréation a été calquée, autant que faire se peut. »</p>
</blockquote>
<p>D’après cette approche, l’acte médical ne fait que remédier à une infertilité pathologique. La formulation de la loi <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI000006687420&dateTexte=20110311">a été modifiée en 2011</a> pour ne laisser aucun doute sur ce point et insister sur « le caractère pathologique de l’infertilité » qui doit être « médicalement diagnostiqué ». Il s’agit de reconstituer non la nature en tant que telle – on sait qu’elle produit, outre la stérilité, les pathologies les plus atroces ! –, mais la « bonne nature », ce que la nature est supposée faire de mieux.</p>
<h2>Le concept normatif de famille naturelle : un enfant issu d’une relation d’amour entre un homme et une femme</h2>
<p>Le modèle actuel de l’AMP s’appuie donc sur une définition implicite de « nature » comme concept normatif : un enfant issu spontanément d’une relation d’amour entre un homme et une femme. Selon cette interprétation du mot « naturel », même l’absence de lien génétique entre un des parents d’intention et l’enfant (en cas de fécondation avec gamètes de donneurs), ne rend pas la famille construite par le biais de l’AMP moins « naturelle », à la condition que l’intervention du donneur puisse être oubliée.</p>
<p>Deux artifices permettent d’y parvenir. Le premier est de nature légale, c’est le principe de l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI000006686063&dateTexte=&categorieLien=cid">anonymat des donneurs de gamètes</a> qui vise <a href="https://theconversation.com/don-de-sperme-anonyme-la-cour-europeenne-des-droits-de-lhomme-va-t-elle-bousculer-la-france-84172">à renforcer le noyau familial construit avec l’aide de la médecine</a>. Le don de sperme est ainsi conçu sur le modèle du don de sang, en faisant abstraction du contenu du matériel génétique. Les parents d’intentions et les professionnels privilégient l’anonymat, du moins en France, au nom de la préservation de la famille naturelle, dans le sens que nous avons dit.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/212707/original/file-20180329-189830-1d4ojz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/212707/original/file-20180329-189830-1d4ojz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/212707/original/file-20180329-189830-1d4ojz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/212707/original/file-20180329-189830-1d4ojz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/212707/original/file-20180329-189830-1d4ojz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/212707/original/file-20180329-189830-1d4ojz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/212707/original/file-20180329-189830-1d4ojz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Mère et fille, à Montréal au Canada.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/cykFL7IQCTk">London Scout/Unsplash</a></span>
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<p>Un second montage tend à renforcer le caractère naturel de cette conception assistée par des moyens artificiels. Les Centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme (CECOS), institutions publiques chargées de gérer les dons de gamètes, pratiquent, conformément à <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000035138350">leur code de bonnes pratiques</a>, des « appariements » sur la base de l’apparence physique des parents d’intention et du donneur, ainsi que de leurs groupes sanguins. Là où la réglementation ancienne estimait cet appariement « souhaitable », depuis 2017 il doit seulement être « proposé, dans la mesure du possible et si le couple le souhaite ». Ce procédé facilite la ressemblance entre l’enfant et ses parents d’intention et donc, le secret des parents sur le mode de conception. Secret qui à son tour permet de remplacer la naturalité biologique et génétique défaillante par une naturalité acculturée et normative.</p>
<h2>L’AMP, pensée sur le modèle de l’adoption</h2>
<p>Pour que ces nouvelles techniques soient mieux apprivoisées, l’AMP a été au début pensée sur le modèle de l’adoption. Garder le secret sur l’adoption était encore répandu dans les années 1980, quand les premières AMP ont eu lieu ; rappelons aussi que l’acte de naissance originaire <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070721&idArticle=LEGIARTI000006425973&dateTexte=&categorieLien=cid">est considéré comme nul en cas d’adoption plénière</a>. L’idée d’un effacement des origines de l’enfant a pu facilement prospérer d’un champ à l’autre.</p>
<p>De plus, dès la première loi de bioéthique, en 1994, une disposition a été introduite pour permettre aux équipes de <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI000006687436&dateTexte=&categorieLien=cid">refuser la mise en œuvre de l’AMP</a> « dans l’intérêt de l’enfant à naître ». Cette disposition a été introduite dans le but de se rapprocher de la procédure de l’adoption, tenue depuis longtemps pour un moyen de greffer dans un noyau « naturel » un élément étranger, par un acte de la volonté conjugué à un contrôle judiciaire. L’accès à l’adoption est cependant plus large que l’accès à l’AMP, puisque des femmes seules ou au-delà de l’âge de procréer peuvent y accéder.</p>
<p>Dans l’adoption, encore plus que dans l’AMP, ce n’est pas tant le statut des parents potentiels qui est le centre de l’attention, mais leur compétence à assurer le bien-être de l’enfant. Pour le garantir, des enquêtes sociales, souvent intrusives, conditionnent encore aujourd’hui l’agrément des parents adoptifs. Et le juge ne peut prononcer l’adoption que s’il estime qu’elle est <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070721&idArticle=LEGIARTI000006425951&dateTexte=&categorieLien=cid">« conforme à l’intérêt de l’enfant »</a>.</p>
<h2>L’adoption internationale a facilité la fin du secret</h2>
<p>Or, l’adoption a évolué depuis l’analogie initiale entre l’AMP et l’adoption. L’adoption internationale, qui concerne des enfants d’origine ethnique différente de celle des adoptants, souvent plus visible, s’est développée. Elle a facilité la fin du secret que les parents d’intention pouvaient être tentés d’entretenir sur le fait même de l’adoption. Par ailleurs, depuis 2002, le Conseil national d’accès aux origines personnelles (CNAOP) a ouvert la possibilité aux enfants adoptés et pupilles de l’État de demander à avoir accès à leurs « parents de naissance », autrement dit <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006074069&idArticle=LEGIARTI000006796688&dateTexte=&categorieLien=cid">à leurs origines génétiques</a>. L’adoption apparaît donc comme un processus de « naturalisation » transparent d’un enfant ayant une histoire biologique et culturelle différente.</p>
<p>Ne serait-il pas souhaitable que l’AMP se rapproche maintenant du paradigme de l’adoption, comme mode de création d’un lien parental par « intégration » progressive de l’enfant dans un milieu qui lui est au départ étranger ? Une précaution s’impose néanmoins. Si le modèle de l’adoption peut nous inspirer comme processus de « naturalisation » des liens familiaux, la procédure juridique de l’adoption ne doit pas servir, en tant que telle, à établir la parenté dans le cas où l’enfant est né par AMP avec don de gamètes. En effet, reconnaître la filiation d’un enfant à la conception duquel une personne a contribué, fût-ce par son seul engagement et sans apport génétique, ne doit pas être confondu avec l’assimilation familiale, par voie d’adoption, d’un enfant abandonné après sa naissance et accueilli dans un nouveau foyer.</p>
<p>L’analogie entre l’AMP et l’adoption est aujourd’hui facilitée par deux changements majeurs dans la société, qui contribuent à la « relativisation » de la famille « naturelle », au sens normatif du terme, et favorisent le pluralisme des modèles familiaux. D’une part les familles recomposées, liées aux divorces désormais très courants, sont plus vastes que le noyau biologique, mais fonctionnent pourtant en tant que familles. D’autre part, les couples homosexuels, dont le droit à faire famille a été reconnu par la loi en 2013, ne peuvent pas concevoir un enfant en tant que couple par les voies biologiques normales – même si, bien sûr, un des membres de ce couple peut en être le géniteur.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/212705/original/file-20180329-189798-1fz6dnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/212705/original/file-20180329-189798-1fz6dnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/212705/original/file-20180329-189798-1fz6dnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/212705/original/file-20180329-189798-1fz6dnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/212705/original/file-20180329-189798-1fz6dnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/212705/original/file-20180329-189798-1fz6dnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/212705/original/file-20180329-189798-1fz6dnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Deux pères, une famille.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/EB2wvXfXT_M">Ethan Hu /Unsplash</a></span>
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<p>À partir de ces évolutions, il serait possible et souhaitable de revenir à l’analogie qui a été fondatrice entre AMP et adoption. Remettre le modèle de l’adoption au centre d’une nouvelle approche de l’AMP permettrait d’interpréter la famille « naturelle », non à partir de liens génétiques et biologiques, réels ou potentiels, mais à partir d’un processus de « naturalisation » des liens familiaux entre les parents, qu’ils soient biologiques ou d’intention, et leurs enfants.</p>
<h2>Des familles « naturelles » aux familles adoptives, recomposées, monoparentales, homosexuelles</h2>
<p>Ce processus est nécessaire non seulement dans les familles dans lesquelles le lien biologique est absent ou moins fort – adoptives, recomposées, monoparentales, homosexuelles – mais également dans les familles biologiquement « naturelles ». Chaque famille en effet se fonde sur des habitudes communes et un partage quotidien de lieux, de ressources et d’affects.</p>
<p>De ce point de vue, le lien génétique et biologique peut être dans certains cas un facteur facilitateur. Sans aller jusqu’à l’idée que des personnes qui partagent des liens génétiques auront plus d’affinités dans leurs goûts, aptitudes et comportement, la connaissance du lien génétique et biologique peut être important symboliquement pour les membres d’une famille. Il leur offre une sorte de « mise de départ » sur laquelle chaque membre peut, s’il le désire, s’appuyer pour construire ce contexte commun. Toutefois, ce lien génétique avec l’un ou les deux membres du couple ne permet pas de faire l’économie de ce processus de « naturalisation », d’apprivoisement et d’adoption réciproque.</p>
<p>Mais dans quel sens s’agit-il d’une « naturalisation » et pas simplement d’une « acculturation » ? Il nous semble que le terme de « nature » reste une référence importante pour réfléchir à la question de la procréation aujourd’hui. Mais on peut pourtant puiser dans d’autres significations de ce terme que celle de « qui n’est pas artificiel », ou « ce qui n’est pas fait par l’homme ».</p>
<h2>La « nature » dans le sens de « normal », « coutumier »</h2>
<p>Premièrement, comme la tradition pragmatiste l’a mis en évidence, le terme de « nature » possède également le sens de « normal », « coutumier ». On peut citer à ce propos une définition du naturel donnée dans un dictionnaire du XVIII<sup>e</sup> siècle : « On demande ici dans quel sens on dit, parlant d’une sorte de vin, qu’il est <em>naturel</em>, tout vin de soi étant artificiel ; car sans l’industrie et le soin des hommes il n’y a point de vin […]. Quand donc on appelle du vin <em>naturel</em>, c’est un terme qui signifie que le vin est dans la constitution du vin ordinaire [tel] qu’on n’y ait rien fait que ce qu’on a coutume de faire à tous les vins qui sont en usage dans le pays et dans le temps où l’on se trouve » (Étienne Bonnot de Condillac, Dictionnaire des synonymes de la langue française, 1758-1767). Or, la notion même de famille « naturelle », au sens de « normale », a évolué pour se détacher du modèle classique du couple hétérosexuel ayant un enfant génétiquement apparenté.</p>
<p>Deuxièmement, le terme naturel peut également signifier ce qui est spontané et non affecté, comme dans l’expression « une grâce naturelle ». Un comportement est naturel dans ce sens-là quand « on n’essaie pas de le contrôler ou de le dissimuler », comme l’écrit le philosophe John Stuart Mill, cité plus haut. La caractérisation des liens familiaux comme « naturels », malgré l’invraisemblance biologique (couple de même sexe, procréation <em>post mortem</em>) ou l’absence de liens génétiques (procréation avec donneur), permet de mettre l’accent sur un élément fondamental de ce qui constitue famille : son « intimité ».</p>
<p>Il s’agit du fait que, quand on est membre d’une famille, certains comportements, attentes et sentiments vont de soi, sans nécessiter un effort particulier. Dans la mesure où toute intimité familiale est en partie construite, elle est fragile. Même les liens génétiques ou biologiques ne suffisent pas à éviter les déchirements et les ruptures. La naturalisation, processus nécessaire à la construction de l’intimité familiale, peut être ardue, comme les parents adoptifs le savent bien. Une famille peut être dite naturelle dans ce sens par degrés. Cette forme de naturalité renvoie également à un concept normatif – pas au sens d’une norme sociale mais d’une forme « d’être bien », subjective, indicible et quotidienne.</p>
<h2>La liberté d’avoir accès à ses origines génétiques</h2>
<p>Cette analogie retrouvée entre les familles non naturelles – entendu ici dans le sens biologique ou génétique du terme – que l’AMP permet de créer, et les familles adoptives aurait quelques conséquences importantes et positives, sous réserve d’éviter tout amalgame quand il est question des manières d’établir les liens de filiation.</p>
<p>Premièrement, il faudrait donner la liberté aux enfants conçus dans le cadre d’une AMP avec les gamètes d’un donneur, <a href="https://theconversation.com/debat-les-personnes-concues-par-un-don-de-sperme-doivent-pouvoir-connaitre-leurs-origines-91720">d’avoir accès à leurs origines génétiques</a>, tout comme c’est le cas pour les enfants adoptés. Il s’agit moins de conforter l’existence d’un droit « créance » des enfants à l’égard de leurs géniteurs, que de leur donner la liberté de construire leur identité à partir des morceaux de réalité et de représentations auxquels ils souhaitent se rattacher, au fur et à mesure <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1002/hast.346">qu’ils construisent leur identité personnelle</a>. On oppose souvent à cet argument que les enfants adoptés souhaitent avoir accès à leur « histoire » et non aux données génétiques. Or, selon les <a href="http://pmanonyme.asso.fr/?page_id=4387">témoignages rassemblés par l’association Procréation médicalement anonyme</a>, qui milite pour l’accès aux origines, il semblerait que <a href="http://www.septentrion.com/fr/livre/?GCOI=27574100872840">tout comme les enfants adoptifs</a>, les enfants issus de donneurs sont intéressés, <a href="https://www.cairn.info/revue-esprit-2009-5-p-82.htm">non par les données génétiques</a>, mais par les raisons du don ainsi que l’apparence et la personnalité du donneur. Les travaux de la sociologue Cécile Ensellem vont dans ce sens, comme indiqué dans son article publié en 2004 sous le titre « Les lois concernant l’accès aux origines des personnes nées sous x et par assistance médicale : des révélateurs d’une définition de l’individu ? ».</p>
<p>La deuxième conséquence d’un prolongement de l’analogie entre l’AMP et l’adoption est l’accent mis sur l’intérêt de l’enfant. Cette notion est entendue de manière souple, évolutive, et ancrée dans des situations singulières, plus que sur des types abstraits de situations, de couples ou de familles. En effet, l’intérêt de l’enfant dépend moins du « type » de famille concernée, de la sexualité des adoptants ou de leur conjugalité, que de l’« environnement parental soutenant », pour reprendre les termes de la loi britannique, dans lequel un enfant vient à naître et à grandir.</p>
<p>Certes, ces critères ne sont pas faciles à définir, mais une réflexion de la société pourrait être engagée à ce sujet. Si, comme l’affirmait la sociologue Irène Théry lors de la journée éthique Familles et parentalités organisée par MGEN, c’est la présence de l’enfant et non le mariage qui fonde la famille contemporaine, alors il faudra le remettre au centre des préoccupations de manière concrète, sans se camoufler derrière des standards généraux ou des préjugés. Ce n’est pas un hasard s’il y a aujourd’hui des chercheurs qui vont jusqu’à soutenir que tout parent, y compris ceux qui font des enfants sous la couette, devraient <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1111/j.1468-5930.2010.00497.x">recevoir un brevet d’aptitude à la parenté</a>… avant de pouvoir procréer !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/92454/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Un couple avec leurs enfants biologiques, c’est généralement ainsi qu’est définie la famille dite naturelle. Quid des familles adoptives, recomposées, monoparentales ou homosexuelles ?Marta Spranzi, Philosophe, maître de conférences, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Laurence Brunet, Juriste spécialisée en droit de la famille, chercheuse associée au centre de recherche Droit, sciences et techniques, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/933172018-03-14T23:36:46Z2018-03-14T23:36:46ZPodcast : Pour mieux comprendre les débats sur la bioéthique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/210102/original/file-20180313-30983-u5ib0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=34%2C14%2C3224%2C2418&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Valérie Depadt et Carine Vassy dans le studio de Moustic the Audio Agency.</span> <span class="attribution"><span class="source">Moustic</span></span></figcaption></figure><p>PMA, GPA, Fin de vie, cellules souches, dons d’organes, etc., via le débat sur la bioéthique, notamment avec les <a href="https://etatsgenerauxdelabioethique.fr/">États généraux</a> qui ont débuté le 18 janvier dernier, c’est désormais le futur qui s’invite en permanence dans les débats. Fantasmes, inquiétudes, présupposés, la réflexion sereine y perd souvent ce que les préoccupations idéologiques y gagnent. Des premières dispositions législatives prises en 1994 avec l’adoption des premières lois, à la loi de 2011, quels ont été les progrès et les évolutions sur la bioéthique ? Quels sont les enjeux de cette année, notamment pour la PMA ? Qui dit le droit ? Pour quelles pratiques et pour quelle société ?</p>
<p>Discussion pour y voir plus clair, entre une juriste (Valérie Depadt), une sociologue (Carine Vassy) et un philosophe (Bernard Baertschi).</p>
<hr>
<p><em><strong>Animation</strong> : Yves Bongarçon (Moustic the Audio Agency) et Didier Pourquery (The Conversation France)</em>.<br>
<em><strong>Réalisation</strong> : Joseph Carabalona et Thierry Imberty (Moustic the Audio Agency).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/93317/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les États généraux de la bioéthique ont été lancés le 18 janvier 2018, sur le thème : « Quel monde voulons-nous pour demain ? ». Trois experts apportent leurs éclairages.Valérie Depadt, Maître de conférences en droit, Université Sorbonne Paris NordBernard Baertschi, Maître d'enseignement et de recherche en philosophie à l'université de Genève, comité d'éthique, InsermCarine Vassy, Maître de conférences en sociologie, Université Sorbonne Paris NordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/853032017-10-10T19:22:25Z2017-10-10T19:22:25ZDébat : quatre raisons de s’opposer à la PMA pour toutes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/189158/original/file-20171006-25749-10ilqlc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Conservation de sperme dans de l'azote liquide, dans le cadre de la procréation médicalement assistée (PMA). </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/liquid-nitrogen-bank-containing-sperm-eggs-348353672?src=D2BL9Ldzujblr8oF7HG87Q-1-18">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>La « PMA » est l’objet de discussions vives depuis plusieurs années. Ici, nous entendons la PMA, pour procréation médicalement assistée, dans le sens que ce sigle a pris récemment pour qualifier, non pas l’ensemble des techniques de procréation qui font intervenir des spécialistes de la biomédecine, mais spécifiquement l’<a href="https://theconversation.com/procreation-medicalement-assistee-pour-toutes-une-etape-anthropologique-qui-reste-a-consacrer-dans-le-droit-80773">insémination artificielle avec donneur de sperme (IAD) de femmes seules ou de couples féminins</a>. Nous utiliserons le sigle AMP, ou <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pma-30970">assistance médicale à la procréation</a>, pour désigner à la fois l’insémination artificielle et la fivète ou fécondation in vitro (FIV) et transfert d’embryon.</p>
<p>Les promesses du candidat Macron de légaliser la « PMA » ont <a href="http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/citations/2017/09/28/25002-20170928ARTFIG00415-edouard-philippe-confie-avoir-evolue-sur-la-pma.php">relancé ce débat</a> dans le cadre de la révision des lois de bioéthique prévue pour 2018-2019. Les Français sont aujourd'hui une majorité (64 %) à se déclarer favorables « à ce que les couples de femmes homosexuelles désirant un enfant puissent avoir recours à
l’insémination artificielle (ce qu’on appelle aussi la PMA) pour avoir un
enfant », selon <a href="http://www.my-pharma.info/wp-content/uploads/2017/09/114972_Rapport-My-Pharma.info_22.09.2017.pdf">le sondage Ifop pour le site my-pharma.info</a> réalisé les 20 et 21 septembre.</p>
<p>Le plus souvent, les partisans de cette pratique se réclament de <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20170929.OBS5353/en-attendant-l-ouverture-de-la-pma-nous-irons-en-belgique-concevoir-notre-enfant.html">l'égalité des sexes et de droits communs à toutes les femmes</a>, dont le « droit à l’enfant » pour les homosexuelles, tandis que les opposants défendent la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=uElk77SfgZk">famille traditionnelle avec papa, maman et bébé</a>.</p>
<p>Mon propos est d’argumenter sur quelques points qui échappent à l’idéologie mais devraient raisonnablement poser les bases <a href="http://jacques.testart.free.fr">d'un refus de cette « PMA »</a>. Ces réflexions sont développées dans mon livre, <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/faire-des-enfants-demain-jacques-testart/9782021157024"><em>Faire des enfants demain</em></a> (Seuil).</p>
<p>Le penseur autrichien Ivan Illich écrivait dans son livre <em>Némésis médicale</em>, en 1975 : « Il convient de fixer des limites raisonnées aux soins de santé classiques. L’urgence s’impose de définir les devoirs qui nous incombent en tant qu’individus, ceux qui reviennent à notre communauté, et ceux que nous laissons à l’État ». C’est avec cette référence à l’autonomie qu’il faut d’abord penser ce que signifie « la PMA pour tous et toutes ».</p>
<h2>La biomédecine n’a pas à résoudre les questions de société</h2>
<p>L’AMP est légalement destinée à pallier l’infertilité des couples, non à permettre à des personnes fertiles d'avoir un enfant - sauf dans les cas d'anomalies génétiques chez les parents, leur transmission étant évitable par le recours à un donneur de gamètes ou à la sélection d'un embryon indemne. Si la biomédecine devait prendre aussi en charge les gens capables de procréer par leurs propres moyens, cela signifierait un glissement de l’aide médicale vers l’aide sociétale, une médicalisation abusive de la vie humaine jusque dans les moments les plus intimes.</p>
<p>Rappelons la simplicité de l’acte « médical » d’insémination artificielle, nombre de lesbiennes de par le monde <a href="http://jacques.testart.free.fr/index.php?post/texte917">ayant choisi l’auto insémination</a>. Hors la <a href="https://www.cecos.org/node/4233#Comment_le_sperme_est-il_congel__puis_conserv__">cryoconservation des gamètes</a> qui permet la planification de leur usage, la fonction des banques de sperme est principalement de gérer l’approvisionnement et les attributions : on pourrait dire qu’il s’agit d’une procréation administrativement assistée…</p>
<p>La démission des personnes fertiles qui s’en remettent aux spécialistes pour assumer leur désir d’enfant relève de l’aliénation à la technique, du refus d’autonomie <a href="http://jacques.testart.free.fr/index.php?post/texte934">qui est la face triste du « progrès »</a>. En outre, cela provoquerait des <a href="https://www.fiv.fr/cout-fiv/">coûts supplémentaires</a> car nul doute que l’argument égalitaire ferait adopter la gratuité des actes pour les femmes homosexuelles, comme cela existe pour les hétérosexuelles.</p>
<p>Il faut aussi envisager des demandes diverses si des règles politico-éthiques ne permettent pas de limiter l’aide biomédicale aux personnes souffrant de difficultés procréatrices : la <a href="https://theconversation.com/que-penser-de-la-greffe-duterus-76841">greffe d'utérus</a>, qui a déjà permis d’enfanter à plusieurs femmes européennes privées de matrice, sera bientôt revendiquée par des hommes. Sera mis en avant un moindre trouble éthique que celui provoqué par la location d’utérus, aussi nommée <a href="https://theconversation.com/la-russie-ce-pays-ou-la-gestation-pour-autrui-est-legitime-72383">gestation pour autrui</a> ou GPA, qui instrumentalise une femme gestatrice.</p>
<p>De plus, la revendication « d’égalité » des sexes, qui cache la désexualisation, fonctionnera comme cela est arrivé pour le refus de la ménopause (puisque les hommes ne la connaissent pas) par conservation d’ovules ou embryons en vue d’une grossesse différée. Déjà, en Grande-Bretagne, des adolescents se voient proposer, avec prise en charge financière, une perspective de procréation différée grâce à la congélation de leur sperme ou de leurs ovules avant les interventions médicales les faisant changer de sexe.</p>
<h2>Une pénurie de sperme chronique en France</h2>
<p>La pénurie de sperme est chronique en France, comme dans les autres pays où le don est gratuit. Aussi, de nouvelles demandes d’insémination artificielle avec donneur (IAD) viendraient en concurrence des demandes actuelles qui ne peuvent être aisément satisfaites. Une telle situation pourrait vite déboucher sur la fin de la gratuité, fierté de l’éthique médicale française, afin d’abonder les containers des banques de sperme. Et cette mise en marché d’un produit du corps humain s’élargirait vite à la commercialisation des ovules et embryons, puis du sang et des organes, toutes pratiques prohibées par notre bioéthique.</p>
<p>Ne serait-ce pas mettre la loi en demeure de changer ces principes que d’aggraver la pénurie de sperme en ouvrant l’IAD à de nouvelles populations ? La « PMA » est une vision libertaire des rapports humains qui conduit à une <a href="http://www.europe1.fr/societe/jacques-testart-la-pma-ce-nest-pas-un-progres-3456083">pratique libérale de la bioéthique</a>…</p>
<p>Alternativement, afin d’économiser les précieux gamètes, on pourrait adopter la technique de FIV avec Injection d’un spermatozoïde dans l’ovule (ICSI) plutôt que l’IAD pour tous les couples (homos ou hétéros) en demande d’insémination. En effet la parité des gamètes s’y trouve réalisée puisqu’il suffit d’un spermatozoïde pour un ovule, au lieu des centaines de milliers de spermatozoïdes qu’exige l’IAD. Mais, ce serait au prix d’une sophistication technique supplémentaire, inutile et coûteuse.</p>
<p>La solution finale pourrait être la production massive de gamètes en laboratoire à partir de cellules banales, avancée significative dans la fabrication anonyme et certifiée des enfants.</p>
<h2>Le droit de l’enfant à connaître ses parents</h2>
<p>Le droit de l’enfant à connaître ses parents est un principe international inscrit depuis 1989 dans la Convention des droits de l’enfant de l’ONU. Il est déjà bafoué par les banques de sperme et la loi française qui exigent l’<a href="https://www.dondespermatozoides.fr/">anonymat des donneurs de sperme</a>. Peut-on accorder la parentalité exclusive aux personnes élevant l’enfant et dénier toute fonction, même symbolique, aux parents biologiques ?</p>
<p>L’anonymat du donneur de sperme a d’énormes conséquences sur la pratique de l’IAD mais aussi sur les interrogations de nombreux enfants <a href="https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/memos-demo/focus/combien-d-enfants-naissent-grace-a-une-assistance-medicale/">issus de tels dons</a> depuis les années 1970. Quand ils découvrent la réalité de leur conception, beaucoup souffrent de ne pas pouvoir mettre un visage dans le cadre psychologique de la figure du père, comme le montre <a href="http://pmanonyme.asso.fr/wp-content/uploads/2014/03/Dossier-190-Second-prix-master-Cnaf-Le-don-dengendrement.pdf">le mémoire de master 2 en sociologie</a> réalisé cette année à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) sous la direction d'Irène Théry. Par ailleurs, une <a href="http://pmanonyme.asso.fr/wp-content/uploads/2014/03/Donor_FINAL.pdf">étude conduite par une ONG aux Etats-Unis</a> en 2010 montre que 67 % des personnes conçues avec donneur aimeraient connaître son identité. Cette réalité indiscutable devrait compter davantage que les arguties politiquement correctes qui expliquent que le père est seulement celui qui élève l’enfant.</p>
<p>Faut-il augmenter le nombre de ces enfants en souffrance en ouvrant la « PMA » à de nouvelles demandes ou d’abord accepter une réflexion profonde qui pourrait conduire à <a href="http://pmanonyme.asso.fr/?p=3309">abandonner l'anonymat</a> comme l’ont fait d’autres pays ? Ceux et celles qui demandent l’élargissement du don de sperme vers la « PMA pour toutes » ont-ils pris la mesure des troubles provoqués par la pratique actuelle de l’AMP pour les couples hétérosexuels ? Car il y en a d’autres.</p>
<h2>Un eugénisme obligé, via les banques de sperme</h2>
<p>Les banques de sperme pratiquent un eugénisme obligé, conséquence de l’anonymat des donneurs. Ce principe confère aux praticiens l’énorme responsabilité du choix d’un père génétique pour chaque enfant ainsi conçu. Là aussi, le dysfonctionnement concerne déjà les couples hétérosexuels. Serait-il sage d’intensifier le recours à l’IAD en autorisant la « PMA » si on demeure incapable de poser des limites au <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/des-hommes-probables-de-la-procreation-aleatoire-a-la-reproduction-normative-jacques-testart/9782020367493">nouvel eugénisme, mou et consenti</a> ?</p>
<p>Les donneurs de sperme sont d’abord choisis par élimination légitime de ceux qui seraient incapables de remplir ce rôle (sperme déficient ou inapte à la congélation) ou qui présentent de graves troubles physiologiques, infectieux ou comportementaux. À cette étape, déjà, il n’existe pas de document indiquant précisément les critères médicaux retenus. Puis, chaque femme receveuse se voit appariée avec un donneur accepté et physiquement compatible (ressemblant à l’homme qu’il remplace) mais ne présentant pas de « facteur cumulatif de risque » avec les imperfections génétiques de la patiente.</p>
<p>La démarche est logique mais ses limites sont indéfinies : alors que les critères infectieux de sélection sont décrits avec précision par les professionnels et l’Agence de biomédecine, les critères génétiques ne sont pas discutés ouvertement ni même rendus publics – en particulier par l’Agence de biomédecine dont ce serait le rôle. Les banques de sperme disposent ainsi d’une autonomie exceptionnelle pour imposer des « appariements » entre personnes, appariements génétiques qui n’existent pas dans la vie « normale » où l’on ne s’enquiert pas outre mesure du pedigree de son partenaire.</p>
<p>On peut craindre que les progrès dans l’identification des risques génétiques stimulent des exigences eugéniques croissantes puisque les médecins sont les seuls décisionnaires et dépositaires de l’identité génétique d’un père, et que leur responsabilité morale mais éventuellement juridique se trouve ainsi engagée. L’autorisation de la « PMA » est pour le moins prématurée tant que les conditions de l’IAD ne sont pas clarifiées.</p>
<h2>Comment décider de répondre aux demandes d’AMP ?</h2>
<p>Le gouvernement Macron souhaite reproduire la procédure de « concertation » qui, sous forme « d’états généraux », avait déjà été mise en place avant la précédente révision des lois de bioéthique en 2011. Comportant des débats publics et des jurys de citoyens, cette concertation présente une image démocratique. Mais elle ne fait que reproduire les arguments des acteurs concernés, sans conduire à des conclusions susceptibles de figurer les choix des Français <a href="http://jacques.testart.free.fr/index.php?post/texte835">s’ils étaient complètement informés</a>. Tout se passe comme si les autorités responsables <a href="http://jacques.testart.free.fr/pdf/texte892.pdf">s'offraient la caution de l'opinion</a> pour mettre en route les décisions qui lui conviennent ou conviennent à des groupes d’influence.</p>
<p>Pourquoi ne pas recourir plutôt à la <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/l-humanitude-au-pouvoir-jacques-testart/9782021219319">convention de citoyens</a>, où un jury tiré au sort reçoit des informations complètes et contradictoires selon une procédure codifiée qui garantit l’objectivité ? Dans la convention de citoyens, toutes les tendances sont soumises à l’appréciation des jurés. Ces derniers disposent des conditions favorables – le temps, la modération, la discrétion – pour discuter avec les experts et entre eux, avant de rédiger eux-mêmes leur avis. Ce serait le moyen le plus juste de choisir ou refuser, en France, la « PMA » pour toutes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/85303/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jacques Testart est membre du Conseil scientifique d’Attac et président d'honneur de la Fondation Sciences Citoyennes, association visant à favoriser la réappropriation citoyenne et démocratique de la science.</span></em></p>L’accès à l’insémination artificielle avec donneur pour les femmes seules et les couples de femmes va être discuté prochainement en France. Plusieurs raisons plaident pour un refus.Jacques Testart, Biologiste, directeur honoraire de recherches, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/807732017-07-19T23:13:51Z2017-07-19T23:13:51ZDébat : PMA pour toutes, une étape sociétale qui reste à consacrer dans le droit<p>La secrétaire d'État à l'Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, <a href="http://www.francetvinfo.fr/societe/mariage/mariage-et-homoparentalite/les-4-verites-le-gouvernement-proposera-l-ouverture-de-la-pma-a-toutes-les-femmes-assure-marlene-schiappa_2395134.html">avait confirmé le 29 septembre 2017</a> que l’ouverture de la Procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes serait proposée par le gouvernement en 2018, dans le cadre de la révision de la loi de bioéthique. Cette proposition <a href="https://theconversation.com/revision-des-lois-de-bioethique-entre-ethique-et-politique-120840">fait effectivement partie du projet de loi bioéthique</a> présenté le 24 juillet 2019 en Conseil des ministres.</p>
<p>La déclaration de Marlène Schiappa faisait suite à l’<a href="http://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/publications/ccne_avis_ndeg126_amp_version_def.pdf">avis favorable</a> du Comité consultatif national d’éthique, en juin 2017, affirmant qu’il ne saurait y avoir d’obstacle à l’ouverture de la procréation médicalement assistée pour toutes les femmes, et non plus uniquement pour les femmes vivant en couple hétérosexuel et dont l’infertilité avait été constatée sur le plan médical.</p>
<p>Cet avis intervenait deux ans après que le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes ait <a href="http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/hce_avis_no2015-07-01-san-17-2.pdf">produit son avis</a> portant contribution au débat sur la PMA dans lequel il recommandait au Gouvernement et au Parlement d’étendre l’accès à la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires.</p>
<p>Nous sommes ainsi à l'aube d'une évolution sociétale majeure concernant les paradigmes nouveaux de la reproduction sexuée d’une part et, d’autre part, les conditions d’exercice et de reconnaissance de parentalités « nouvelles » : la monoparentalité et l’homoparentalité.</p>
<p>Les enjeux du débat actuel sur la PMA nécessitent de rappeler deux éléments qui y sont liés avant d’aborder les enjeux anthropologiques de fond.</p>
<h2>L’ingénierie de la reproduction et la parentalité</h2>
<p>Le premier élément tient à la réalité des techniques médicales et biologiques et à ce que l’on peut appeler l’ingénierie de la reproduction : c’est un fait objectif que des pratiques spécifiques ont rendu techniquement possibles des formes de plus en plus diverses de reproduction : fécondation in vitro (FIV) et transfert d’embryon, techniques d’ovulation programmée ou provoquée, insémination artificielle, éclosion assistée, dons d’ovule, de sperme, d’embryon. </p>
<p>Dès leur conception, puis dans les premières phases de leur développement, ces techniques ont eu pour objectifs premiers la lutte contre l’infertilité ou la stérilité, la compensation d’une stérilité provoquée ou encore des effets de ménopause précoce. Mais les désirs non traditionnels de parentalité de plus en plus revendiqués ont trouvé dans l’existence objective de ces techniques des moyens pratiques de réalisation.</p>
<h2>L’argument financier, réalité ou résistance ?</h2>
<p>Le second élément tient à la dimension socioéconomique et financière. Compte tenu des coûts de mise en œuvre de ces diverses techniques, beaucoup ont pensé questionner cette évolution sociétale au nom d’une approche purement gestionnaire.</p>
<p>Le <a href="http://www.fiv.fr/cout-fiv/">coût moyen</a> pour l'Assurance-maladie d’un cycle de FIV complet est d’environ 4 100 euros et se décompose de la façon suivante :</p>
<ul>
<li><p>1 300 euros en moyenne pour le traitement de stimulation, comprenant l’achat des médicaments et l’intervention des infirmières à domicile ;</p></li>
<li><p>Environ 500 euros pour la surveillance hormonale et échographique ;</p></li>
<li><p>600 euros en moyenne pour la partie biologique avec 430 euros pour la FIV classique et 750 euros pour l’<a href="https://www.procreation-medicale.fr/differentes-techniques-amp/fecondation-in-vitro-avec-icsi/">ICSI</a> ;</p></li>
<li><p>Environ 1 700 euros d’hospitalisation pour la ponction et le transfert.</p></li>
</ul>
<p>Le poids de l’argument financier reste semble-t-il à relativiser : en 2015, les 24 000 naissances par PMA <a href="https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/memos-demo/fiches-pedagogiques/combien-d-enfants-naissent-grace-a-une-assistance-medicale/">représentent 2,9 % des naissances en France</a>. <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/le-telephone-sonne/le-telephone-sonne-27-juin-2017">Il est estimé</a> que l’extension de la PMA aux femmes seules ou en couples représenteraient 4 000 naissances par PMA de plus sur une moyenne de 780 000 à 800 000 naissances par an. Ainsi, cette nouvelle demande sociale, pour forte qu’elle soit du point de vue des désirs et des valeurs, reste assez faible numériquement.</p>
<p>Mais, si les techniques rendent la PMA possible pour toutes et si les coûts n’en seront pas pour autant rendus exorbitants pour les comptes sociaux, les enjeux anthropologiques de fond restent au cœur du débat.</p>
<h2>Sexualité-procréation-filiation-parentalité : une structure « complexe »</h2>
<p>En effet, la procréation médicalement assistée, plus encore que l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, révèle de façon ouverte et complexe à la fois, les enjeux que notre société avait pour habitude de considérer de façon simplifiée dans une sorte de continuum logique : la sexualité hétérosexuelle se « réalise » dans l’acte de procréation qui lui-même garantit un modèle hégémonique de filiation et de parentalité.</p>
<p>En fait, le débat autour de la PMA révèle des impensés (à la fois impensables, ou non encore pensés) en forçant notre société à considérer la déconstruction de ce système hégémonique de représentations.</p>
<p>La question de la sexualité et de sa déconnexion d’avec la procréation n’est plus d’actualité depuis des décennies, y compris pour <a href="http://www.bva.fr/data/sondage/sondage_fiche/1456/fichier_bva_pour_le_parisien-aujourdhui_en_france_-_les_catholiques_francais_et_les_evolutions_societalesdc37e.pdf">92 % des catholiques</a> qui en 2014, « souhaitent que l’église autorise l’utilisation de méthodes artificielles de contraception ».</p>
<p>Alors que la sexualité s’est dégagée de la mission qui lui avait été assignée d’être essentiellement le dispositif biologique de la reproduction, un espace s’est ouvert qui l’autorise à se penser par rapport au désir et au plaisir et ce, quelle que soit le ou la partenaire. Par la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe de mai 2013, cette autonomisation de la sexualité est consacrée socialement et juridiquement.</p>
<p>Ce faisant, cependant, ce sont toutes les autres constructions/représentations mentales qui sont interpellées, en particulier celles relatives à la place du père et à la filiation biologique. Dans un entretien réalisé en 2012, l'anthropologue <a href="http://www.lavie.fr/actualite/societe/francoise-heritier-la-societe-d-aujourd-hui-accorde-le-primat-au-biologique-26-06-2012-28810_7.php">Françoise Héritier</a> a résumé les enjeux posés à la filiation en ces termes :</p>
<blockquote>
<p>« Il existe une contradiction dans les termes mêmes qui sont utilisés lorsqu'on parle de filiation biologique. La filiation est un lien social, qui implique l’entrée dans une lignée et peut être complètement découplé de la biologie, comme dans l’adoption. Cela ne lui enlève pas sa légitimité. Il n’y a pas de pères biologiques, il n’y a que des pères (sociaux) et des géniteurs. Le plus souvent les géniteurs et les parents ne font qu’un, mais en réalité ils ne se confondent pas. L’enfantement (féminin) ou l’engendrement (masculin) peuvent être dissociés de la filiation. »</p>
</blockquote>
<p>Ce qui est donné à voir dans cette évolution – au grand désespoir des un.e.s et avec une immense satisfaction pour les autres, le tout avec le consentement tacite de la grande majorité –, c’est un pas de plus vers la dissolution du lien jusque-là privilégié entre le biologique et le généalogique, qui avait déjà été amorcé avec l’officialisation du régime de l’adoption.</p>
<p>En termes de parenté et de filiation, c’est aussi la diversification du modèle familial hégémonique qui est mis en lumière dans l’expression de deux nouvelles formes, la monoparentalité et l’homoparentalité. Ces dernières représentent en fait ce que Françoise Héritier appelle l’avènement de « l’émotionnellement concevable ».</p>
<figure>
<iframe src="https://player.vimeo.com/video/56476966" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Ces évolutions anthropologiques et la construction de nouveaux modèles étant désormais pensables, c’est-à-dire non seulement revendiquées par des « minorités » mais aussi <a href="http://www.my-pharma.info/wp-content/uploads/2017/09/114972_Rapport-My-Pharma.info_22.09.2017.pdf">acceptées par la majorité</a>, se pose la question des conditions politiques et juridiques qui rendent effectivement possibles, c’est-à-dire légales, lesdites évolutions et les nouveaux modèles familiaux.</p>
<p>Nous n’en avons pas pour autant terminé avec les « risques anthropologiques » selon l’expression de Françoise Héritier, risques auxquels les sociétés humaines se sont toujours exposées dans l’Histoire, qu’elles ont tour à tour niés, déplacés, atténués puis finalement assumés et accompagnés.</p>
<p>Avec la PMA, on peut penser qu’il sera relativement aisé et qu’il sera en définitive possible, politiquement et juridiquement, de permettre à toutes les femmes, quelles que soient leur position sociale, leur revendication d’identité ou leur orientation sexuelle, de réaliser un projet non contraint d’avoir un enfant.</p>
<p>Il n'en est pas de même pour <a href="https://theconversation.com/la-russie-ce-pays-ou-la-gestation-pour-autrui-est-legitime-72383">la gestation pour autrui</a> (GPA), consistant pour la gestatrice à porter un embryon formé par les gamètes d'un couple. On sent déjà que la GPA continuera d’inscrire dans le débat public d’autres interrogations aux confins de l’anthropologie de la parenté, de l’éthique, des techniques médicales, de l’économie marchande et mondialisée des corps et de ses conséquences sur les systèmes juridiques nationaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/80773/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Serge Rabier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L'ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes célibataires, si elle est adoptée, consacrera la diversité des modèles de filiation et de parentalité.Serge Rabier, Chercheur associé en socio-démographie, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/768412017-05-02T21:43:19Z2017-05-02T21:43:19ZQue penser de la greffe d’utérus ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/167143/original/file-20170428-15097-iusnne.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C14%2C767%2C443&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Anatomie de l'utérus au cours d'une grossesse.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://wellcomeimages.org/indexplus/obf_images/a6/e0/278849df1855262e9ecd3c0a1ee3.jpg">William Hunter/Wikimedia</a></span></figcaption></figure><p>La première naissance d'un bébé, aux Etats-Unis, à la suite d'une greffe d'utérus, <a href="http://www.europe1.fr/sante/premiere-naissance-a-la-suite-dune-transplantation-uterine-aux-etats-unis-3509231">a été annoncée le 1er décembre 2017</a>. Le dernier décompte connu faisait état, en septembre 2017, de 8 bébés nés dans le monde depuis 2014 grâce à cette technique encore expérimentale, selon <a href="https://www.pourquoidocteur.fr/Articles/Question-d-actu/22903-Greffe-d-uterus-naissances-monde-ans">l’Académie Sahlgrenska en Suède</a>. </p>
<p>En France, le CHU de Limoges poursuit son essai clinique prévoyant la greffe de 8 patientes, démarré en 2015. Depuis, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27552172">139 femmes se sont portées candidates</a>, et plusieurs <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/haute-vienne/limoges/greffe-uterus-limoges-poursuit-son-essai-clinique-1338657.html">sont maintenant en attente d'un greffon compatible</a>. </p>
<p>La transplantation d’utérus pourrait en effet permettre de remédier à l’infertilité utérine résultant, chez une femme, de l’absence d'utérus à la naissance, ou bien d’une ablation pour cause de cancer ou de complications d'une grossesse.</p>
<p>La greffe d’utérus semble s’inscrire dans la tendance actuelle au rapprochement de la médecine et de l’<a href="http://www.cnrtl.fr/definition/anthropotechnie">anthropotechnie</a>. Cette dernière, définie comme l’ensemble des techniques favorisant le développement biologique et culturel de l’homme, contribue à l’amélioration de l’être humain, c’est-à-dire à l’avènement d’un homme augmenté. À l’heure où certains évoquent le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Transhumanisme">transhumanisme</a> comme le nouvel âge d’or d’une humanité renouvelée qui se sera départie des contingences traditionnellement liées à sa condition (la maladie, la vieillesse, la souffrance et même la mort), la greffe d’utérus participe bien de cette tendance à améliorer l’humain. Elle vise en effet à accroître les capacités génésiques des femmes en leur donnant ce qu’elles n’avaient pas ou n’avaient plus : un utérus.</p>
<h2>Made in Limoges</h2>
<p>Initialement, on est loin, très loin, du Limousin. Qu’on en juge : la première greffe de ce type a eu lieu en Arabie Saoudite au début des années 2000 et s’est soldée par un échec. Par la suite, les recherches se sont poursuivies en <a href="http://www.rfi.fr/science/20111005-greffe-uterus-reussie-turquie-une-premiere-mondiale">Turquie</a>. Puis ce sont des <a href="https://www.cecos.org/node/4217">chercheurs suédois</a> qui se sont penché sur la question, menant des expériences sur des animaux, comme des souris, des brebis ou encore des babouins, avant de réaliser des transplantations utérines sur des femmes. Plusieurs enfants ont pu naître à la suite de ces transplantations. Finalement, en France, l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament) a validé le <a href="http://www.chu-limoges.fr/le-projet-de-recherche-clinique-sur-la-transplantation-d-uterus-du.html">5 novembre 2015</a> les recherches sur la transplantation utérine : l’autorisation a été accordée à une <a href="http://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/haute-vienne/limoges/greffe-d-uterus-limoges-interview-du-dr-tristan-gauthier-848271.html">équipe du Centre hospitalier universitaire de Limoges</a>.</p>
<p>Le protocole validé par l’ANSM autorise la réalisation d’un essai clinique portant sur huit femmes volontaires, âgées de vingt-cinq à trente-cinq ans, n’ayant jamais eu d’enfant et en bonne santé. Les utérus greffés ne proviendront pas d'une donneuse vivante comme cette infirmière de 36 ans, mère de deux enfants, dont le don <a href="http://www.europe1.fr/sante/premiere-naissance-a-la-suite-dune-transplantation-uterine-aux-etats-unis-3509231">a permis la première naissance aux Etats-Unis</a>, mais de femmes en état de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mort_c%C3%A9r%C3%A9brale">mort cérébrale</a>. L’objectif est d’éviter les complications chirurgicales aux donneuses, sachant que l’organe greffé n’est pas vital pour la receveuse.</p>
<p>Les Limougeauds ne pourront que se féliciter du dynamisme de leur Centre hospitalier universitaire qui n’en est plus à son coup d’essai en matière d’innovation : on pense entre autres aux <a href="http://www.futura-sciences.com/sante/actualites/medecine-protheses-craniennes-ceramique-limoges-54691/">prothèses crâniennes en céramique</a> fabriquées par l’entreprise <a href="http://3dceram.com/category/biomedical/implants-et-substituts-osseux/">3DCeram</a> ou encore, pour en revenir au domaine de la gynécologie obstétrique, à la <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2009/06/25/une-patiente-apres-une-autogreffe-de-tissu-ovarien-accouche-d-une-petite-fille_1211077_3244.html">première greffe de tissu ovarien</a>. De leur côté, les juristes, ces coupeurs de cheveux en quatre, profiteront de l’occasion pour se poser des questions… auxquelles ils ne répondront pas forcément.</p>
<h2>Comment légiférer sur la greffe d’utérus ?</h2>
<p>Dans la mesure où la greffe d’utérus n’a pas dépassé le stade expérimental, aucune intervention du législateur n’est nécessaire dans l’immédiat. Cependant, si la transplantation utérine devient une pratique clinique reconnue, elle requerra sans doute un encadrement juridique particulier tenant compte de <a href="http://www.academie-medecine.fr/publication100100458/">ses spécificités</a>.</p>
<p>D’un côté, la greffe d’utérus s’apparente à une technique de procréation médicalement assistée (PMA). Elle poursuit en effet le même objectif, à savoir la conception d’un enfant, et sera combinée à une fécondation <em>in vitro</em> au cours de laquelle un don d’ovocytes sera parfois nécessaire. La définition de la PMA telle qu’elle résulte de l’article <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI000006687417">L2141-1 du Code de la santé publique</a> semble actuellement trop précise et trop restreinte pour intégrer la greffe d’utérus et nécessitera sans doute quelques ajustements. Il n’en reste pas moins que <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idArticle=LEGIARTI000024325489&idSectionTA=LEGISCTA000006171132&cidTexte=LEGITEXT000006072665&dateTexte=20170314">son régime</a> est transposable à cette greffe.</p>
<p>La PMA vise à remédier à l’infertilité pathologique, médicalement diagnostiquée, d’un couple. C’est aussi le cas de la transplantation utérine. Par ailleurs, la PMA concerne les couples hétérosexuels, vivants et en âge de procréer, autant de conditions qui sont applicables à la greffe d’utérus. Mais le rapprochement avec la PMA ne semble pas autoriser les transsexuels hommes devenus femmes à bénéficier d’une greffe d’utérus, leur infertilité n’étant pas pathologique. Les femmes célibataires seront également exclues <a href="https://theconversation.com/debat-pma-pour-toutes-une-etape-societale-qui-reste-a-consacrer-dans-le-droit-80773">si l’accès à la PMA n’est pas élargi</a>.</p>
<p>D’un autre côté, la greffe d’utérus est également une transplantation d’organe et doit à ce titre respecter certaines règles. Si les utérus continuent à être prélevés seulement sur des personnes en état de mort cérébrale, les difficultés devraient être limitées, les risques étant bien moins grands qu’en cas de prélèvement sur une donneuse vivante. Cela étant, la greffe d’utérus présente deux caractéristiques qui suscitent la réflexion : non seulement elle n’est pas vitale et ne vise qu’à rendre possible une grossesse, mais encore elle est éphémère puisque l’utérus sera retiré après une ou deux grossesses en raison des effets indésirables de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Immunosuppression">immunosuppression</a>. Partant, les difficultés juridiques se concentrent sur un aspect : la greffe d’utérus est-elle réellement thérapeutique ou non ?</p>
<p>Traditionnellement, la vocation thérapeutique est la condition <em>sine qua non</em> permettant à une greffe d’organe d’être réalisée. Tout dépendra donc ici du sens que médecins et juristes entendront donner au terme « thérapeutique ». Ainsi, au gré de quelques aménagements, le Code de la santé publique semble tout à fait apte à encadrer la greffe d’utérus si cette dernière dépasse le stade expérimental.</p>
<h2>Mieux que la gestation pour autrui ?</h2>
<p>Un autre aspect de la greffe d’utérus ne manquera pas d’éveiller l’attention des juristes : elle est généralement présentée comme une manière de remédier à l’interdiction de la <a href="https://theconversation.com/la-russie-ce-pays-ou-la-gestation-pour-autrui-est-legitime-72383">gestation pour autrui</a> (GPA). Rappelons que le recours aux mères porteuses est prohibé en France par l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006419302&cidTexte=LEGITEXT000006070721">article 16-7 du Code civil</a> et que cette interdiction, bien que fréquemment contournée par des couples qui se rendent à l’étranger pour recourir à des mères porteuses, est <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=C940DA063C8C46F532D832228D9242A1.tpdila18v_2?idArticle=LEGIARTI000006419304&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=20170314&categorieLien=id&oldAction=&nbResultRech=">d’ordre public</a>.</p>
<p>La mise en relation de ces deux procédés n’est cependant pas évidente. La GPA et la greffe d’utérus ont certes un objectif commun, la naissance d’un enfant, mais leurs modalités diffèrent considérablement. Les comparer, c’est comparer l’incomparable. En outre, on ne voit pas en quoi la prohibition de l’une favoriserait l’autorisation de l’autre.</p>
<h2>À quand l’utérus artificiel et la grossesse masculine ?</h2>
<p>Si la greffe d’utérus nous préoccupe actuellement, on ne saurait cependant oublier qu’une <a href="http://www.slate.fr/story/117885/uterus-artificiel">autre option existera peut-être un jour</a>, laquelle posera des problèmes juridiques encore plus… stimulants : l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ectogen%C3%A8se">ectogenèse</a>. Ce terme, forgé par le généticien John B. S. Haldane dans les années 1920, désigne la gestation dans un utérus artificiel. Une expérimentation réussie de spécialistes de néonatologie aux États-Unis a permis <a href="https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Ethique/Naissance-dagneaux-issus-uterus-artificiel-2017-04-27-1200842849">de tester récemment sur des agneaux</a> un système de poche des eaux et de placenta artificiel. Cette forme de gestation qui se trouve au cœur du roman d’Aldous Huxley, <em>Le meilleur des mondes</em>, pourrait susciter l’engouement des transhumanistes et surtout, des féministes.</p>
<p>À l’heure où la grossesse reste sans doute le premier vecteur d’inégalité entre les hommes et les femmes, l’utérus artificiel pourrait se présenter comme un remède miracle : le médecin et philosophe Henri Atlan lui a d’ailleurs consacré un <a href="http://www.liberation.fr/week-end/2005/04/02/l-uterus-artificiel-un-pas-de-plus-vers-la-separation-totale-entre-sexualite-et-procreation_515216">ouvrage enthousiasmant</a>. Son statut juridique poserait néanmoins de nombreuses questions. En déshumanisant le fœtus comme la conception <em>in vitro</em> déshumanise l’embryon, un tel utérus viendrait à coup sûr prolonger le débat éthique relatif à l’artificialisation de la procréation, débat initié par la PMA et relancé par la greffe d’utérus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76841/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne-Blandine Caire ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Encore expérimentale, la greffe d’utérus a permis une nouvelle naissance aux Etats-Unis. Mais se poseront inévitablement des questions d'éthique et d’encadrement juridique.Anne-Blandine Caire, Professeur de droit privé et de sciences criminelles - École de Droit - Université d'Auvergne, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/723832017-04-26T21:58:08Z2017-04-26T21:58:08ZLa Russie, ce pays où la gestation pour autrui est légitime<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/164514/original/image-20170407-29399-yi66c7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Deux femmes en conversation dans la rue, à Moscou. En Russie, la maternité de substitution est autorisée et suscite peu le débat. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/dmitryzhkov/30284412254/in/album-72157674964518821/">Dmitry Ryzhkov/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>La gestation pour autrui (GPA) fait partie des sujets majeurs qui seront discutés lors les <a href="http://www.lemonde.fr/societe/article/2018/01/06/bioethique-des-etats-generaux-pour-ouvrir-le-debat-le-plus-largement-possible_5238174_3224.html">États généraux de la bioéthique</a>, à partir du 18 janvier. Cette vaste consultation des citoyens précède la révision des lois de bioéthique prévue pour 2019. En France, la GPA est actuellement interdite. </p>
<p>Souvent désignée sous le nom de « mères porteuses », cette technique consiste, pour la gestatrice, à porter un embryon formé par les gamètes d'un couple, puis à remettre l'enfant à la naissance à ces parents d'intention.</p>
<p>Le <a href="http://www.ccne-ethique.fr/fr">Comité consultatif national d’éthique</a> (CCNE), avait rendu le 27 juin 2017 <a href="http://www.ccne-ethique.fr/fr/publications/avis-du-ccne-du-15-juin-2017-sur-les-demandes-societales-de-recours-lassistance#.Wl8Lq5OdUWp">un avis très attendu</a> dans lequel il rejetait la légalisation de la GPA. Un peu plus tôt, son président, Jean‑François Delfraissy, avait posé les termes du débat <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-8h20/l-invite-de-8h20-27-janvier-2017">sur France Inter</a>. D’un côté, avait-il déclaré, « il y a un besoin sociétal absolument indiscutable pour un certain nombre de couples d’avoir une grossesse portée par autrui ». Et de l’autre, « des jeunes femmes (…) sont vendues pour ensuite devenir des porteuses de grossesses (…) dans des entreprises à but mercantile ».</p>
<h2>La Russie, un des pays les plus libéraux</h2>
<p>Pour éclairer cette question sensible, il est intéressant de s’extraire de sa propre culture et de regarder comment les mères porteuses sont perçues dans d’autres pays, selon leur histoire, leur sociologie et leurs traditions. Le cas de la Russie, rarement abordé, est intéressant à plus d’un titre. Le premier enfant né d’une maternité de substitution y a vu le jour en 1995. La technique y est autorisée, ce pays étant généralement rangé dans la catégorie des plus libéraux en la matière. Cependant les couples étrangers sont beaucoup moins nombreux à se rendre en Russie pour en bénéficier que dans le pays voisin, l’Ukraine, en raison de dispositions légales qui la rendent plus hasardeuse.</p>
<p>Pour un État, le <a href="https://assets.hcch.net/docs/b4114840-8e21-4f34-b054-43fe4c01ab32.pdf">choix de prohiber ou d’autoriser la pratique des mères porteuses</a> dépend largement de la conception que celui-ci se fait de la procréation, de la filiation et de la parenté. En Russie, la GPA est considérée comme l’une des mesures susceptibles d’augmenter le taux de natalité face à une situation démographique préoccupante. C’est aussi une manière jugée légitime de résoudre un problème de fertilité. De ce fait, le débat se place moins sur le plan moral que juridique.</p>
<p>La technique est autorisée mais son encadrement comporte des lacunes. Ainsi, une mère porteuse peut finalement décider de garder l’enfant, sans recours possible des parents intentionnels. Inversement, la gestatrice n’est pas protégée si les parents d’intention refusent d’accueillir l’enfant, par exemple si celui-ci naît handicapé.</p>
<h2>Des discussions en cours à l’assemblée nationale russe</h2>
<p>Aussi les discussions à la Douma (l’équivalent russe de l’Assemblée nationale) portent-elles surtout sur la nécessité d’instituer un cadre légal détaillé qui protégerait toutes les parties au contrat de GPA, c’est-à-dire la mère porteuse, les parents intentionnels mais aussi l’enfant.</p>
<p>La loi fédérale en vigueur sur les techniques de procréation médicale remonte à 1993, à l’époque de l’URSS. Cette année-là, un chapitre intitulé « l’activité médicale lors de la planification de la famille et d’encadrement de la capacité de procréer de l’homme » a été introduit dans la législation relative à « la protection de la santé des citoyens ». Des précisions ont ensuite été apportées par deux ordonnances du ministère de la Santé en 2003 puis en 2012.</p>
<p>Les conditions d’accès à ces techniques sont comparables à celles existant en France. Selon l’ordonnance de 2012, les actes ne peuvent viser un autre but que celui de réparer les conséquences d’un dysfonctionnement pathologique à l’origine de la stérilité, ou d’éviter la transmission d’une maladie génétique.</p>
<h2>La procréation assistée, autorisée aux femmes célibataires</h2>
<p>Le recours à ces techniques est possible pour les couples, mariés ou non, composés d’une femme et d’un homme et, contrairement à la France, aux femmes célibataires. Dans ses différents textes, le législateur utilise le terme « époux », n’ouvrant ainsi l’accès expressément qu’aux couples mariés hétérosexuels. Mais contrairement à la France, l’ouverture de la PMA aux couples homosexuels n’est pas débattue.</p>
<p>C’est la jurisprudence qui s’est prononcée sur l’accès à la gestation pour autrui pour un ou une célibataire. Dans un premier temps, ce droit a été reconnu à une femme célibataire, en 2009. Dans cette affaire, le tribunal a jugé que conformément à la loi fédérale de 1993, une femme célibataire a le droit de se réaliser en tant que mère au même titre qu’une femme mariée.</p>
<p>Par la suite, la jurisprudence a reconnu le même droit à un homme célibataire. Ce même accès aux techniques de procréation médicale pour les hommes et pour les femmes a été déduit du principe d’égalité entre la femme et l’homme posé par la Constitution de la Fédération de Russie.</p>
<h2>Une rémunération complémentaire occulte pour la gestatrice</h2>
<p>En Russie, la gestatrice n’est, officiellement, pas rémunérée. Seuls les frais médicaux liés à sa grossesse et ceux du quotidien durant cette période peuvent être prévus par le contrat. Une compensation pour la perte de salaire liée à l’arrêt du travail peut s’y ajouter. En général <a href="http://www.courrierinternational.com/article/2010/04/29/12-500-euros-le-bebe">il existe une rémunération complémentaire occulte</a>, dont il est impossible de solliciter le remboursement devant la justice en cas de non-exécution du contrat par la gestatrice.</p>
<p>Selon l’article « Les mères porteuses » de la revue <em>Ogonyok N4</em> du 1<sup>er</sup> février 2010, la rémunération variait en 2009 entre 15 000 (13 700 euros) et 20 000 dollars (18 300 euros), voire plus pour une gestatrice correspondant à certaines exigences de niveau d’étude.</p>
<p>« Mater semper certa est » disait, en latin, le droit romain : l’identité de la mère est toujours certaine. Cette règle s’applique aussi dans le droit russe. À la naissance, la mère est celle qui met l’enfant au monde, autrement dit la mère porteuse. Le droit russe fait ainsi primer la réalité physique sur la génétique.</p>
<h2>La mère porteuse doit donner son accord à la naissance</h2>
<p>Pour que la filiation de l’enfant avec les parents génétiques (les parents d’intention) puisse être établie, ces derniers doivent obtenir l’accord explicite de la mère porteuse après la naissance de l’enfant. Le Conseil constitutionnel russe a en effet affirmé la constitutionnalité du principe selon lequel les parents d’intention ne peuvent pas figurer dans l’acte de naissance de l’enfant en qualité de parents sans l’accord de la mère porteuse.</p>
<p>Une fois obtenu l’accord de la gestatrice, la filiation est établie au profit des parents d’intention et la gestatrice ne peut plus revenir sur sa décision. Aucun lien de filiation n’est maintenu à son égard ; le lien de filiation et les effets qui en découlent sont intégralement transférés au couple commanditaire. Le nom de la mère porteuse n’apparaît pas sur l’acte de naissance de l’enfant.</p>
<p>Du fait que la mère porteuse est la mère légale de l’enfant à sa naissance, elle peut décider de le garder. Sans recours possible pour la mère d’intention. La mère porteuse ne dispose pas de cette prérogative en Ukraine, par exemple, où ce sont les termes du contrat qui priment.</p>
<p>Ce pouvoir donné à la mère porteuse en Russie fait débat. Une partie des juristes se prononce en faveur de la suppression de la règle « Mater semper certa est », au motif qu’elle vide la convention de maternité pour autrui de son sens. Une telle évolution irait dans le sens du mécanisme juridique existant aux États-Unis pour la GPA. D’autres juristes veulent maintenir cette règle, estimant qu’elle évite de faire du corps de la femme un objet susceptible de transactions commerciales.</p>
<h2>La mère porteuse doit parfois élever l’enfant sans l’avoir souhaité</h2>
<p>La législation russe actuelle pose un deuxième problème. Il arrive en effet que les parents d’intention refusent d’établir la filiation avec l’enfant. Si le couple s’est séparé entre temps, par exemple. Ou bien si l’enfant naît handicapé. Dans ce cas, la gestatrice devient la mère légale de l’enfant dont elle a accouché et doit endosser la charge d’élever un enfant qu’elle n’a pas souhaité.</p>
<p>Un projet de loi avait été déposé à la Douma le 19 juin 2016 dans l’idée de remédier à ces deux difficultés. Le texte supprimait l’obligation d’obtenir l’accord de la gestatrice pour la transcription des parents d’intention sur le registre d’état civil en qualité de parents de l’enfant. Il prévoyait également, en cas d’abandon de l’enfant par les parents d’intention et par la gestatrice, de procéder automatiquement à l’inscription des parents d’intention dans l’acte de naissance de l’enfant. Mais ce projet a été rejeté, le 13 avril 2017, par le Comité de la famille, de la femme et de l’enfant de la Douma.</p>
<p>Un autre projet de loi visant une interdiction absolue de la GPA tant qu’il n’existe pas un encadrement législatif garantissant une protection des droits et des intérêts de la gestatrice, de <a href="http://website-pace.net/documents/19855/2463558/20160921-SurrogacyRights-FR.pdf/1b33ac68-47d2-4534-a21d-11250cc9bd72">l’enfant</a> et des parents d’intention, a été déposé à la Douma le 27 mars 2017. La première lecture de ce projet de loi à la Douma était prévue le 10 janvier 2018, mais a été reportée à une date ultérieure.</p>
<p>Lors d'une réunion au mois de juillet 2017, le Comité de la famille, de la femme et de l’enfant de la Douma n’a pas approuvé l'initiative d’interdiction de la GPA. Le ministère de la Santé a adopté la même position. « Le problème d’infertilité masculin et féminin est majeur en Russie, a affirmé Oleg Philippov, chef-adjoint du Bureau de l’aide aux enfants et à la procréation du ministère de la Santé. L’interdiction de la GPA ne ferait qu’aggraver la situation. Mais il faut moderniser la législation ».</p>
<p>Ainsi, dans ce pays où la GPA – qui existe depuis plus de vingt ans – n’est pas fondamentalement remise en question, la manière de la pratiquer suscite encore des débats, pas si différents de ceux qui se tiennent en France ou ailleurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/72383/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alla Dyuka ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En Russie, la question d’interdire la maternité de substitution se pose à nouveau. Mais les vrais débats concernent les garanties offertes à la mère porteuse et aux parents d’intention.Alla Dyuka, Juriste en droit international de la famille, doctorante, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/645652016-09-06T18:24:01Z2016-09-06T18:24:01ZLe juge et le politique face aux vides juridiques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/136309/original/image-20160901-1061-4z317u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le siège du Conseil d’Etat, à Paris. Une institution récemment sollicitée sur l’affaire du « burkini ».</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/linobento/6511921025/in/photolist-aVrifr-3cKzQw-7esMvm-zXXpdJ-2wwVHS-8yLotX-99JPek-dDyXGm-fsc2P-4NWmD5-CoX6dP-4BdvJC-CHegz1-4B9ewz-hFDVg9-bwydDz-4B9eFn-fheQcd-fd81xn-eBA2Vq-7RTXTN-cCLj2w-4x9Acg-5FtgRS-F3mXV-psMr6v-DdCdMU-cRHBfU-qdgLeB-re23rM-saFao1-7og52N-5EaB5m-pnPUh6-pjDRe1-4tEH5S-e9L9So-p6k8D4-f8GiHc-6Fx6Bk-fdkQnq-gW89n8-hnMfHP-49aiBD-53Fiso-9cyZQQ-CHehqj-DwtDk2-eaw8Hw-eykE7S#undefined">Lino Bento/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Quand cela a-t-il commencé ? En tout cas, une chose est sûre : ces dernières années, le phénomène s’est intensifié : il y a de plus en plus de vides juridiques médiatisés. Qu’on en juge avec la série d’exemples qui suit.</p>
<p>Pouvait-on interdire le port de signes religieux dans les écoles avant la loi de 2004 ? C’est un <a href="http://www.conseil-etat.fr/content/download/635/1933/version/1/file/346893.pdfhttp://www.conseil-etat.fr/content/download/635/1933/version/1/file/346893.pdf">avis du Conseil d’État de 1989</a> qui tenait lieu de « jurisprudence » jusqu’à l’intervention de la loi. Au mépris du principe d’égalité, les règlements intérieurs des établissements scolaires variaient alors d’une commune à l’autre.</p>
<p>Pouvait-on interdire le spectacle de Dieudonné afin de prévenir des troubles à l’ordre public ? Le Conseil d’État a <a href="http://www.conseil-etat.fr/Decisions-Avis-Publications/Decisions/Selection-des-decisions-faisant-l-objet-d-une-communication-particuliere/Ordonnance-du-9-janvier-2014-Ministre-de-l-interieur-c-Societe-Les-Productions-de-la-Plume-et-M.-Dieudonne-M-Bala-M-Bala">dit « oui » en 2014</a>, mais <a href="http://www.conseil-etat.fr/Actualites/Communiques/Spectacle-de-Dieudonne">« non » en 2015</a> (le contenu des représentations était différent).</p>
<p>Était-il possible d’interrompre les soins vitaux d’une personne dans le coma n’étant pas <em>stricto sensu</em> en fin de vie, comme le prévoit apparemment la loi Leonetti de 2005 (complétée depuis par la loi du 2 février 2016) ? Dans l’affaire <a href="http://www.echr.coe.int/Documents/FS_Euthanasia_FRA.pdf">Lambert, le Conseil d’État et la Cour européenne des droits de l’homme</a> ont jugé qu’il n’y avait pas d’atteinte au droit à la vie.</p>
<p>Si le Code civil autorise le mariage entre conjoints de même sexe et l’adoption pour les couples homosexuels, il ne leur permet pas la procréation médicalement assistée. L’épouse d’un couple marié peut-elle adopter un enfant né par insémination artificielle légalement réalisée à l’étranger par sa conjointe ? Un <a href="https://www.courdecassation.fr/IMG/Communique_avis_AMP_140923.pdf">avis</a> de la Cour de cassation a répondu positivement.</p>
<p>Un couple ayant conçu légalement un enfant à l’étranger dans le cadre d’une gestation pour autrui (prohibée en France) peut-il obtenir la transcription de son acte de naissance sur les registres de l’état civil français ? La solution, possible à certaines conditions, a été imposée par la <a href="http://www.revuegeneraledudroit.eu/blog/2014/09/15/la-france-contrainte-de-faire-primer-linteret-superieur-de-lenfant-issu-dune-gpa/">Cour européenne des droits de l’homme</a> sur le fondement du droit au respect de la vie privée de l’enfant.</p>
<p>Peut-on avoir recours à une insémination artificielle <em>post mortem</em> ? La loi l’interdit, mais le Conseil d’État l’a autorisée, pour des raisons d’équité, <a href="http://www.conseil-etat.fr/Actualites/Communiques/Insemination-post-mortem">dans un cas</a> précis très exceptionnel.</p>
<p>Un officier d’état civil peut-il inscrire la mention « sexe neutre » à l’état civil dans le cas d’une personne intersexuée ? Oui pour un <a href="http://actu.dalloz-etudiant.fr/a-la-une/article/adieu-sexe-neutre/h/686fd7f20643e5c43ac5a5f8eea1efd9.html">TGI, non pour la Cour statuant en appel</a>, rien dans la loi de très explicite. Pour une réponse définitive, il faudra encore attendre… une loi ou une décision de justice.</p>
<p>Un simple arrêté municipal peut-il limiter la liberté d’expression religieuse en interdisant le « burkini » afin de prévenir des troubles à l’ordre public ? Rappelons que juridiquement, cette affaire n’a rien à voir avec le principe de laïcité qui ne s’applique pas dans l’espace public aux particuliers. Le Conseil d’État <a href="http://www.lemonde.fr/societe/article/2016/08/26/le-conseil-d-etat-suspend-l-arrete-anti-burkini-de-villeneuve-loubet_4988472_3224.html">a répondu par la négative</a>.</p>
<h2>« La bouche de la loi »</h2>
<p>Reconnaissons-le : ces exemples sont du pain bénit pour les médias (qui parleront moins de l’achat des fournitures scolaires), les partis populistes (qui auront l’occasion de trouver de nouveaux coupables), mais aussi pour les professeurs de droit (qui disposeront d’exemples médiatiques pour illustrer des règles parfois arides). En outre, cela n’est pas choquant pour les juristes qui savent bien que le rôle principal de nos juridictions suprêmes (Cour de cassation et Conseil d’État) est d’harmoniser l’interprétation de nos lois nécessairement incomplètes ou floues.</p>
<p>En revanche, ces exemples sont aussi contrariants : ils peuvent être source d’incompréhension.</p>
<p>Dans notre système juridique (dit de droit écrit), ainsi que le préconisait Montesquieu, le juge doit se contenter d’être la « bouche de la loi », de l’appliquer mécaniquement tel un automate : le juge ne doit pas créer de règle. Bien entendu, en pratique cela est impossible. Non seulement la loi ne peut pas tout prévoir, mais en plus, elle contient toujours (volontairement ou non) des notions floues : qu’est-ce qu’une faute justifiant un licenciement ? Qu’est-ce que l’ordre public justifiant une interdiction quelconque attentatoire à nos libertés fondamentales prise par un maire ou un préfet ? Il est donc naturel que le juge complète la loi par son interprétation.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/136302/original/image-20160901-1054-1ran3co.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/136302/original/image-20160901-1054-1ran3co.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=464&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/136302/original/image-20160901-1054-1ran3co.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=464&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/136302/original/image-20160901-1054-1ran3co.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=464&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/136302/original/image-20160901-1054-1ran3co.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=583&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/136302/original/image-20160901-1054-1ran3co.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=583&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/136302/original/image-20160901-1054-1ran3co.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=583&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pour Montesquieu, le juge doit être « la bouche de la loi ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/yalelawlibrary/5474602262/in/photolist-fFL9MA-9kLLwb-6osJzF-6owNch-6owS1G-6osDEK-6osErV-6owP7U-fZq7zf-HwyurG-dwzfku-aW8Cvp-5e4dHw-fZqee8-fZqkVq-fZqk5Y-fZqG2K-fZqGtM-3jivQp-91DGwE-67SfZY-syjwJc-aW8Bq6-fZqFuT-fZqF8R-fZqGka-fZqf7F-fZq7aY-fZqe36-KgExvC#undefined">Yale Law Library/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Cela, les anglo-saxons (système juridique dit de <em>common law)</em> l’ont compris plusieurs siècles avant nous. Mais dans ces pays, la justice bénéficie d’un prestige et d’une légitimité qui semblent lui faire défaut dans notre pays, pour des raisons historiques notamment. Sous l’Ancien Régime, certaines cours de justice pouvaient rendre des décisions arbitraires non fondées sur la loi, mais sur l’équité. Ces arrêts pouvaient avoir une portée générale (« arrêts de règlement » qui devaient s’appliquer à des affaires similaires postérieures) alors que selon la philosophie des Lumières le droit ne pouvait être issu que de la loi expression de la volonté générale, c’est-à-dire du Parlement. De nos jours, on dit souvent que notre justice manque de moyens, mais elle manque aussi de considération.</p>
<p>Alors, est-ce à la justice ou au pouvoir politique de résoudre ces questions qui nous passionnent ? Qui doit combler les « vides juridiques » ?</p>
<h2>Inflation législative</h2>
<p>Dans certains cas, le pouvoir politique n’a pas souhaité légaliser (GPA) ou semble avoir oublié de traiter certains « détails » (PMA à l’étranger). Dans d’autres, il est intervenu et a tranché définitivement (loi de 2004 sur les signes religieux) tout en laissant une marge de manœuvre aux autorités d’application. Parfois, il laisse au juge le soin de trancher (maîtrise de la notion de troubles à l’ordre public) ou de s’incliner suite à une condamnation par la justice européenne (<a href="http://www.echr.coe.int/Documents/FS_Gender_identity_FRA.pdf">modification de l’état civil des transsexuels</a>). D’autres fois enfin, il n’a pas eu le courage de légiférer ou, inversement, il a eu la sagesse de ne pas le faire. À l’approche de la prochaine élection présidentielle, les candidats ont déjà des « idées législatives » (voir par exemple <a href="http://www.lemonde.fr/politique/article/2016/08/24/sarkozy-mene-la-charge-contre-le-burkini_4987534_823448.html">Nicolas Sarkozy le 24 août</a> à propos du burkini).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/136305/original/image-20160901-1023-12ykvcx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/136305/original/image-20160901-1023-12ykvcx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/136305/original/image-20160901-1023-12ykvcx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/136305/original/image-20160901-1023-12ykvcx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/136305/original/image-20160901-1023-12ykvcx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/136305/original/image-20160901-1023-12ykvcx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/136305/original/image-20160901-1023-12ykvcx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Nicolas Sarkozy (ici en 2012) a déjà plein d’idées législatives.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/ump-photos/6893053018/in/photolist-bv7GvG-bEeepu-fvSmoC-bYCTSL-7VfGCP-8HJNba-7PBRZY-7PxTfa-rPaDfH-61vYYu-aBA6JJ-7PxTev-7PBRXy-2vGHMG-9Li5ES-61vYSQ-9rijq9-KhS9W-5W854q-dkxjf8-518NwF-9h9eHn-KCca3-4zU8fN-8Aqas8-225sZ8-aBunc9-KPVR1-aBubFU-bWagw1-aBrvxR-aBunQS-9UM8hj-amiP5W-epEdHV-K6gwc-46uZse-aBubPU-KPSjY-e5ygHw-buc6Bg-57PGGD-7VfFip-8dQiDs-9LWWne-7ViWeo-bEeewY-bLzkWX-8dM47g-fWtHhc#undefined">UMP/Flickr</a></span>
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<p>Doit-on légiférer sur tout quitte à susciter des tensions, sachant que ce sont parfois elles qui amènent le pouvoir politique à réglementer ? Les médias étrangers ne se privent pas de moquer notre réflexe pavlovien consistant à légiférer frénétiquement. C’est mal connaître notre système comme on vient de le voir, mais ce n’est pas tout à fait faux non plus : depuis longtemps les chercheurs, relayés par les journalistes, dénoncent une inflation législative. Il y a de plus en plus de lois qui sont de plus en plus « bavardes » et vétilleuses.</p>
<p>Où la démocratie doit-elle se jouer ? Dans le prétoire ou au Parlement ? Ou peut-être ailleurs ? Alors que les révolutionnaires ont entendu interdire tous les corps intermédiaires (syndicats, corporations…) pour fabriquer notre unité nationale, serait-il opportun que le droit, qui les a déjà revalorisés (syndicats dans les litiges de travail, associations dans les conflits familiaux..), les habilite à résoudre dans le respect de la loi, davantage de conflits ?</p>
<p>Les réponses à ces questions peuvent être embarrassantes. Un vide juridique sera souvent source d’inégalités car les réponses données dépendront d’une application localisée des règles (juridictions, administrations…). Par exemple, dans l’affaire du burkini, les communes dont les arrêtés d’interdiction n’ont pas été suspendus pour le moment par la justice pourront encore les appliquer. Dès lors, pour certains enjeux de société en matière de libertés fondamentales, il semble qu’une loi soit nécessaire pour, c’est selon les convictions, autoriser, interdire ou concilier (GPA, PMA par exemple). Mais pour d’autres enjeux, il serait peut-être plus sage de laisser passer l’orage médiatique.</p>
<p>À cet égard, et après les nombreuses controverses ayant précédé la <a href="http://www.conseil-etat.fr/Decisions-Avis-Publications/Etudes-Publications/Rapports-Etudes/Etude-relative-aux-possibilites-juridiques-d-interdiction-du-port-du-voile-integral">loi de 2010 « anti-burka »</a>, on pourrait penser que la question n’est pas tant de savoir s’il faut interdire le burkini, mais plutôt de savoir pourquoi elle se pose.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/64565/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>William Benessiano ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Où la démocratie doit-elle se jouer : dans le prétoire ou au Parlement ? L’actualité ne manque pas d’exemples de ces affaires où la justice ou les parlementaires sont appelés à la rescousse.William Benessiano, Maître de conférences en droit public, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.