tag:theconversation.com,2011:/us/topics/greffes-107786/articlesgreffes – The Conversation2024-03-13T15:55:28Ztag:theconversation.com,2011:article/2216372024-03-13T15:55:28Z2024-03-13T15:55:28ZXénogreffe : pourra-t-on utiliser de la peau de porc en chirurgie ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/581666/original/file-20240313-18-h207ag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2400%2C1562&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour les greffes de peau, la xénotransplantation pourraient permettre de soigner même les patients chez qui l'on ne peut pas prélever de peau saine.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/homme-en-chemise-blanche-portant-des-lunettes-blanches-KrsoedfRAf4">National Cancer Institute/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Alors que plus de 10 000 personnes attendaient une greffe d’organe en France en 2023, la pénurie de dons pousse la recherche à trouver d’autres solutions. Ainsi, les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/xenotransplantation-115317">xénogreffes</a>, qui consistent à transplanter un organe d’un donneur dont l’espèce biologique est différente de celle du receveur, représentent une piste prometteuse. Le porc est considéré comme l’espèce donneuse de choix, du fait de nombreuses similarités physiologiques et morphologiques entre les organes humains et porcins.</p>
<p>Des avancées importantes ont notamment été réalisées récemment, avec en 2023 une greffe de rein chez un patient en état de mort cérébral, et une greffe de cœur chez un patient américain en vie mais inéligible pour une greffe humaine. Mais la xénogreffe représente aussi une piste en chirurgie reconstructive, pour fournir des greffons de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/peau-52915">peau</a>.</p>
<h2>Un espoir pour réparer les plaies les plus difficiles</h2>
<p>Si pour les organes comme le foie, le rein ou le cœur, la xénogreffe permettait de pallier la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/greffes-dorganes-23822">pénurie de greffons</a>, son application en chirurgie plastique présente d’autres enjeux. C’est le cas en particulier du traitement des plaies dites complexes, des plaies graves et qui ne peuvent être traitées avec des techniques simples, et ce sans agresser les tissus sains du patient. L’impact économique et social que représente aujourd’hui le traitement de ces plaies s’alourdit rapidement, en raison de l’augmentation des coûts des soins et du vieillissement de la population.</p>
<p>Ces plaies complexes surviennent dans des conditions très diverses : fractures de membres, retrait de cancers graves et étendus de la peau, plaies liées aux troubles vasculaires et neurologiques des patients atteints de diabète… Elles exposent parfois à l’air libre des structures dites « nobles » comme de l’os, des tendons et des vaisseaux. Dans le pire des cas, elles conduisent à l’amputation d’un membre ou à une infection généralisée dont le point de départ est la plaie, pouvant conduire au décès.</p>
<h2>Éviter le rejet de la greffe</h2>
<p>La seule solution pour traiter ces plaies et éviter les complications est parfois leur couverture par des tissus prélevés sur le patient lui-même, appelés lambeaux. Ces lambeaux impliquent alors le prélèvement de peau en zone saine, ce qui peut être à l’origine de conséquences néfastes importantes (réouverture de la plaie, perte d’une fonction musculaire, lésion nerveuse, douleur…). Le patient peut également manquer de zones de prélèvement de tissus sains, avec l’impossibilité de prendre du tissu adapté à la plaie à couvrir dans le cas de patients maigres, brûlés ou multiopérés. Utiliser des lambeaux tissulaires venant de porcs dans le cadre de xénogreffes serait une solution pour contourner ces problèmes.</p>
<p>Néanmoins, l’utilisation des xénogreffes est limitée par les barrières immunologiques interespèces. Dans la circulation sanguine humaine, des anticorps sont en effet chargés d’identifier les marqueurs non humains, appelés xénoantigènes, présents à la surface des cellules porcines. Cette réaction immunitaire est responsable d’un phénomène de rejet hyperaigu qui aboutit inexorablement à la perte du greffon en quelques minutes.</p>
<h2>Remplacer les cellules animales par les cellules du patient</h2>
<p>Une méthode pour éviter cette réaction immunitaire consiste à décellulariser puis à recellulariser les greffons. La décellularisation d’organes consiste à produire une matrice sans cellules (ou acellulaire), gardant la forme initiale de l’organe d’un patient ou animal donneur mais qui n’est plus constituée que du tissu conjonctif, qui structure les organes. La décellularisation permet donc d’éliminer les cellules du donneur, tout en préservant la forme et l’environnement nutritif pour les cellules, en traitant le tissu ou l’organe avec des détergents. Comme elle n’a pas de cellules, cette matrice ne provoque pas de rejet si elle est transplantée à un patient receveur.</p>
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<img alt="Matrice décellularisée -- donc blanche -- de peau" src="https://images.theconversation.com/files/581021/original/file-20240311-21-dkuqnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/581021/original/file-20240311-21-dkuqnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=527&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/581021/original/file-20240311-21-dkuqnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=527&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/581021/original/file-20240311-21-dkuqnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=527&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/581021/original/file-20240311-21-dkuqnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=662&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/581021/original/file-20240311-21-dkuqnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=662&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/581021/original/file-20240311-21-dkuqnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=662&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une matrice décellularisée de peau, prélevée sur l’aine d’un porc.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Elise Lupon/Université Côte d’Azur</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Des cellules du patient peuvent alors être cultivées sur cette matrice avant transplantation : c’est ce qu’on appelle la recellularisation. Ces matrices recellularisées peuvent être ensuite transplantées au receveur de manière à restaurer, maintenir ou améliorer la fonction de l’organe ou couvrir une plaie.</p>
<p>Ces matrices recellularisées sont reconnues par l’organisme du patient comme faisant partie « du soi » afin qu’il ne les rejette pas. Si un certain nombre de substituts de peau et de matrices dermiques simples et décellularisées ont été produits et commercialisés (valves cardiaques de porc, dermes artificiels bovins…), aucune greffe plus élaborée ne s’est intégrée chez un patient receveur, car les matrices requièrent dans ce cas cette étape de recellularisation.</p>
<h2>Des avancées, mais pas encore de tentative chez l’humain</h2>
<p>Alors que la décellularisation et la recellularisation ont montré un grand potentiel dans la transplantation d’organes comme le foie, le rein, le cœur ou le poumon, son application pour les lambeaux tissulaires n’a été étudiée que récemment. Avec mon équipe, nous avons ainsi développé et optimisé des modèles de matrices de lambeaux de peau décellularisées chez le porc. Toutes les procédures chirurgicales ont été approuvées par le comité d’éthique local.</p>
<p>Des lambeaux de peau ont été prélevés sur des porcs vivants et anesthésiés au bloc opératoire. Ces lambeaux ont ensuite été perfusés avec un détergent spécifique à des niveaux de concentration différents. Nous avons montré qu’il est nécessaire de garder cette concentration faible pour garder un environnement nutritif, indispensable pour accueillir de nouveau des cellules. Si la concentration de détergent est trop importante, la matrice devient toxique pour les cellules, qui ne survivent pas.</p>
<p>Nous avons vérifié que ces matrices de peau préservaient les propriétés mécaniques et chimiques de base de la peau porcine. Les protéines et les facteurs de croissance étaient présents en quantité suffisante dans les matrices pour que des cellules puissent y vivre. Nous avons finalement montré la possibilité de recellularisation des matrices acellulaires. Cependant, nous devons encore optimiser la stratégie de recellularisation, afin de pouvoir déposer un nombre très important de cellules sur les matrices.</p>
<p>Un tel traitement des greffes de lambeaux de porcs, n’induisant pas le rejet chez l’homme car contenant les cellules du patient à traiter, permettrait de s’affranchir des complications liées au prélèvement de tissu sur la peau saine du patient. Cette technologie résoudrait également les problèmes d’absence de site donneur sain. La poursuite de nos recherches est cruciale pour espérer un jour réaliser des xénotransplantation de lambeaux de peau chez l’humain sans rejet immédiat de ceux-ci.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221637/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elise Lupon a reçu des financements de la Fondation des Gueules Cassées et de la Fondation de la Vocation. </span></em></p>Si la xénotransplantation s’est récemment développée avec des greffes de cœurs ou de reins porcins, la chirurgie reconstructive espère aussi utiliser de la peau animale pour soigner les plaies les plus graves.Elise Lupon, Doctorante en recherche clinique et thérapeutique, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2238832024-03-04T17:01:32Z2024-03-04T17:01:32ZPourra-t-on imprimer en 3D de la peau pour soigner les grands brûlés ?<p>En France, chaque année, <a href="https://crh.cgos.info/informations/les-soins-aux-grands-brules-une-prise-en-charge-multidisciplinaire-en-france">plus de 400 000 personnes se brûlent</a> et pour 9 000 d’entre elles, ces brûlures sont graves. Quelle que soit la cause (un liquide ou un objet chaud, électricité, flammes, produits chimiques ou encore exposition aux rayons UV), ces brûlures entraînent une lésion importante de la barrière cutanée, rendant les grands brûlés particulièrement sensibles aux infections.</p>
<p>En effet, la peau, organe le plus étendu du corps humain, est aussi la première ligne de défense contre les bactéries et virus. Le tissu cutané est composé de trois couches : l’épiderme, le derme et l’hypoderme (de l’extérieur vers l’intérieur de notre corps). L’épiderme, constitué de plusieurs couches de kératinocytes (cellules de peau), constitue l’enveloppe externe de la peau. C’est une couche en renouvellement permanent qui constitue le premier rempart contre les agressions extérieures : on parle de barrière cutanée. Le derme, quant à lui, est un tissu vascularisé qui confère résistance et élasticité à la peau via les fibres de collagène et d’élastine, fabriquées par des cellules appelées fibroblastes.</p>
<p>Dans le cas des grands brûlés, la perte de la barrière cutanée entraîne une perte de liquide et de chaleur ainsi qu’un risque d’infection plus important.</p>
<p>Le traitement traditionnel des brûlures profondes consiste à les recouvrir avec une peau saine prélevée sur une autre partie du corps : c’est l’autogreffe. Cette intervention ne pose pas de difficulté technique particulière, cependant, dans le cas de brûlures très étendues sur le corps, le problème vient du fait qu’il n’y a pas suffisamment de peau saine à prélever pour recouvrir l’ensemble des zones brûlées.</p>
<h2>Fabriquer de la peau en laboratoire</h2>
<p>Les chercheurs se sont donc tournés vers l’ingénierie tissulaire pour fabriquer du tissu cutané en laboratoire. La technique d’ingénierie tissulaire classique repose sur la croissance in vitro de cellules associées à un échafaudage (matériau poreux biocompatible). Pour faire simple, des cellules saines sont prélevées chez le patient puis mises en culture et en multiplication afin d’en obtenir un nombre suffisant pour l’ensemencement sur l’échafaudage. Enfin, les cellules ensemencées sont mises à maturer <a href="https://www.biotechrep.ir/article_68655_2898e38db1045ade18e39d8641fa35c3.pdf">jusqu’à formation du tissu biologique</a>.</p>
<p>Cette technique peut, néanmoins, présenter des limitations car la distribution spatiale des cellules ensemencées reste difficile à contrôler, notamment lorsque plusieurs types cellulaires sont utilisés dans une même structure.</p>
<p>En réaction, depuis plusieurs années, la <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10853-019-04259-0">bioimpression</a> apparaît comme une nouvelle technique d’ingénierie tissulaire permettant de produire des tissus biologiques de manière plus précise (donc des tissus plus fonctionnels), reproductible et automatisée.</p>
<h2>La bioimpression 3D</h2>
<p>En effet, grâce à la bio-impression 3D, des chercheurs ont pu créer des structures de peau en trois dimensions par remplissage, couche par couche, d’une encre biologique contenant des cellules de peau humaine (kératinocytes et fibroblastes) suspendues dans un gel.</p>
<p>En réalité, la bio-impression 3D diffère peu de l’impression 3D ou fabrication additive utilisée dans le secteur de l’industrie par exemple. Sa spécificité vient du fait que les bio-imprimantes appliquent des couches de biomatériaux (la bio-encre), qui peuvent contenir des cellules vivantes, pour créer des structures complexes telles que des tissus de la peau.</p>
<p>Dans le cas des grands brûlés, l’objectif est d’utiliser des cellules du patient afin d’éviter tout potentiel rejet de greffe.</p>
<p>La bio-encre se compose de deux parties distinctes : une matrice et les cellules d’intérêts prélevées chez le patient. La matrice doit permettre aux cellules de vivre, se développer et s’organiser. Elle est en général composée d’hydrogels biocompatibles comme l’alginate (polymère issu des algues brunes), la gélatine et la fibrine (protéines) ou encore le collagène (protéine qui favorise l’adhésion cellulaire). Les cellules d’intérêt, fibroblastes et kératinocytes, sont quant à elles isolées à partir d’une biopsie d’un tissu sain du patient.</p>
<p>Une fois la bio-encre formulée, la fabrication de peau par bio-impression 3D nécessite différentes étapes que sont la conception assistée par ordinateur (CAO) de l’architecture du tissu à imprimer et la bio-impression en elle-même. Lors de l’étape de conceptualisation, la CAO, il faut définir l’organisation spatiale de l’ensemble des constituants des tissus (en s’inspirant de l’organisation du tissu observé par imagerie par exemple) et les paramètres d’impression des bio-encres (hauteur des couches de biomatériaux, vitesse d’impression…).</p>
<p>Vient ensuite l’étape d’impression automatisée de la peau par l’imprimante qui diffère selon la technologie utilisée. Il existe trois technologies principales : l’impression par laser, la technique de la microextrusion et la technologie jet d’encre, chacune ayant des avantages et des inconvénients.</p>
<p>La technique du jet d’encre est fortement inspirée de l’impression 2D sur papier. Le principe repose sur l’éjection de microgoutelettes de bio-encre grâce à un procédé thermique ou piézoélectrique. Dans le premier cas, une impulsion thermique entraîne la formation d’une poche de vapeur qui engendre l’éjection de gouttelettes d’encre par pression. Dans le second procédé, une tension appliquée à un cristal piézoélectrique entraîne une déformation mécanique qui va comprimer le réservoir d’encre et permettre l’éjection de gouttelettes.</p>
<p>La technique de microextrusion utilise deux têtes d’impression (microseringues), l’une dépose des couches d’un hydrogel et l’autre des cellules, en alternance. Ces constituants sont poussés mécaniquement à travers les seringues à l’image de la gouache sortant de son tube.</p>
<p>Enfin, l’impression laser est la plus récente. Cette fois, l’encre est étalée sur une lamelle de verre. Un laser vient frapper celle-ci et émettre des impulsions (de l’ordre de la nanoseconde) qui, absorbées par l’encre, permettent de détacher des microgoutelettes. Cette technologie est très précise car elle permet de contrôler le placement de la goutte à l’échelle de la cellule. De plus, elle offre la meilleure viabilité pour les cellules (95 % environ).</p>
<h2>Vers une utilisation à l’hôpital ?</h2>
<p>Suite à l’impression, le tissu imprimé est soumis à une phase de maturation où le tissu évolue tout seul dans un milieu de culture. Cette phase permet aux cellules de s’auto-organiser jusqu’à faire émerger des fonctions biologiques spécifiques en vue d’une greffe. En fait, l’étape de maturation a pour objectif de transformer un tissu vivant passif en un tissu vivant actif.</p>
<p>Cette étape de maturation est réglementée par le statut de médicament de thérapie innovante qui est contraignant.</p>
<p>Finalement, une fois la peau obtenue, il reste à la greffer sur le patient… Ce rêve n’est plus très loin. En effet, la société Poietis, spécialiste français de la bio-impression 3D par laser a installé fin 2021 la <a href="https://poietis.com/poietis-and-assistance-publique-hopitaux-de-marseille-ap-hm-annouce-the-first-installation-of-a-3d-bioprinting-platform-for-manufacturing-implantable-biological-tissues-in-hospitals/">première plate-forme de bio-impression 3D</a> pour la fabrication de tissus biologiques implantables à l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille. Les premiers essais cliniques sont en cours.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223883/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Coralie Thieulin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La bioimpression de peau est une technique prometteuse qui pourrait aider les grands brûlés qui ne peuvent pas bénéficier d’autogreffe.Coralie Thieulin, Enseignant chercheur en physique à l'ECE, docteure en biophysique, ECE ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2189682023-12-07T17:28:44Z2023-12-07T17:28:44ZRevivre après le traitement d’une maladie génétique rare : l’exemple de la drépanocytose<p>Cette année, le Téléthon se tiendra les 8 et 9 décembre. Cet évènement consacré aux <a href="https://theconversation.com/fr/topics/maladies-rares-33282">maladies rares</a> est l’occasion de lever le voile sur la drépanocytose qui est la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/maladies-genetiques-35669">maladie génétique</a> <a href="https://sante.gouv.fr/soins-et-maladies/prises-en-charge-specialisees/maladies-rares/article/les-maladies-rares">rare</a> la plus fréquente en France, avec environ <a href="https://www.larevuedupraticien.fr/article/epidemiologie-de-la-drepanocytose-en-france-et-dans-le-monde">30 000 personnes</a> atteintes.</p>
<p>Cette pathologie reste pourtant insuffisamment connue de certains professionnels de santé et, plus généralement, de la société. La drépanocytose est également très répandue dans le monde, notamment en <a href="https://theconversation.com/la-drepanocytose-sevit-en-afrique-de-louest-une-nouvelle-approche-est-necessaire-pour-la-combattre-211168">Afrique</a>, dans les Antilles et au Moyen-Orient.</p>
<h2>Anémie, crises douloureuses et impact majeur sur la qualité de vie</h2>
<p>La <a href="https://www.inserm.fr/dossier/drepanocytose/">drépanocytose</a> est due à une anomalie de l’hémoglobine, principal composant des globules rouges, qui sont des cellules du sang permettant le transport de l’oxygène aux organes.</p>
<p>Cette anomalie cause une déformation des globules rouges qui prennent une forme de faucille (d’où son autre nom d’anémie falciforme). Cela entraîne leur destruction (anémie) et des occlusions des petits vaisseaux sanguins responsables de crises très douloureuses appelées « crises vaso-occlusives ».</p>
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<img alt="Photo de globules rouges. Certains présentent une forme normale, d’autres une forme de faucille caractéristique de la drépanocytose." src="https://images.theconversation.com/files/563690/original/file-20231205-21-h7a71c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/563690/original/file-20231205-21-h7a71c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/563690/original/file-20231205-21-h7a71c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/563690/original/file-20231205-21-h7a71c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/563690/original/file-20231205-21-h7a71c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/563690/original/file-20231205-21-h7a71c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/563690/original/file-20231205-21-h7a71c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Photo de globules rouges. Certains présentent une forme normale, d’autres une forme de faucille caractéristique de la drépanocytose.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nihgov/24170591501/in/album-72157656657569008/">National Center for Advancing Translational Sciences (NCATS), National Institutes of Health</a></span>
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<p>De plus, la drépanocytose peut atteindre les vaisseaux de tous les organes conduisant à des lésions graves et multiples (atteintes des artères cérébrales, atteintes pulmonaires, cardiaques, rénales, hépatiques, etc.). Cette maladie est responsable de décès précoces et a un impact majeur sur la qualité de vie des patients qui est à ce jour mal évalué.</p>
<h2>Se construire entre les crises</h2>
<p>Alors que, dans d’autres maladies génétiques, les symptômes peuvent s’exprimer de manière continue, les personnes atteintes de drépanocytose se construisent dans l’alternance entre des périodes de « vie normale » et des épisodes de crises, dont ils qualifient la douleur d’« insoutenable », « invivable », « traumatique ».</p>
<p>En crise ils se sentent malades, le reste du temps ils se savent malades, anxieux de l’advenue de ces crises menaçantes et soumis aux contraintes à respecter pour les éviter (s’hydrater, ne pas s’exposer au froid, aux émotions fortes, ne pas faire trop de sport, etc.).</p>
<p>La drépanocytose peut ainsi être qualifiée de « maladie chronique de l’aigu » du fait des ruptures répétées et imprévisibles que ces crises occasionnent. Celles-ci paralysent physiquement, mais hypothèquent aussi tout projet de vie, même minime ou à court terme. De plus, le fait que ce soit une maladie mortelle engage les patients dans une lutte pour la survie.</p>
<p>Finalement, ces crises impactent le <a href="https://www.researchgate.net/publication/352544405_Tap_P_Tarquinio_C_Sordes-Ader_F_2002_Sante_maladie_et_Identite_in_GN_Fisher_Traite_de_Psychologie_de_la_Sante_pp_135-162Paris_Dunod">sentiment de continuité de l’existence</a> ou la <a href="http://philosophicalenquiries.fr/numero3Hamou.pdf">continuité de la conscience</a> (la perception d’être le même dans l’espace et dans le temps), socle de l’identité personnelle. Pour faire face psychologiquement aux douleurs extrêmes qu’elles génèrent, de nombreux patients mettent en place des mécanismes qui consistent à se déconnecter de leurs corps et de leurs émotions.</p>
<h2>La greffe de moelle, seul traitement curatif</h2>
<p>Les principaux traitements (médicaments par voie orale et échanges transfusionnels consistant à retirer du sang du patient et à le transfuser avec des globules rouges sains) permettent d’atténuer la maladie, sans toutefois la faire disparaître. De plus, chez certains patients, ces traitements sont inefficaces.</p>
<p>À l’heure actuelle, le seul traitement curatif est la <a href="https://www.sfgm-tc.com/harmonisation-des-pratiques/52-indications/3903-2020-allogreffe-de-cellules-souches-hematopoietiques-dans-la-drepanocytose-de-l-enfant-et-de-l-adulte-indications-et-modalites">greffe de moelle osseuse</a>. Présente à l’intérieur des os, celle-ci fabrique toutes les cellules du sang. La greffe permet de remplacer la moelle du patient qui fabrique des globules rouges malades, par celle d’un donneur qui fabrique des globules rouges sains.</p>
<p>Ce traitement permet d’améliorer les symptômes et de guérir la maladie de la majorité des patients. Cependant la greffe peut être responsable de complications qui sont plus fréquentes lorsqu’elle est réalisée chez les adultes. Ainsi, 75 % des greffes de moelle (sur environ 700) pratiquées à ce jour en France chez des patients atteints de drépanocytose, l’ont été chez des enfants de moins de 15 ans, selon la Société francophone de greffe de moelle et de thérapie cellulaire.</p>
<h2>Effets psychosociaux inattendus de la « guérison »</h2>
<p>L’évolution des techniques de greffe permet aujourd’hui de greffer des patients adultes avec une <a href="https://www.chu-nantes.fr/allogreffe-la-preparation-ou-le-conditionnement-du-patient-en-attente-de-greffe">moindre toxicité</a> et d’envisager des greffes chez des patients n’ayant pas de donneur parfaitement <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0007455120303179">compatible</a>. Ainsi, des patients adultes, ayant vécu des années avec cette maladie très lourde et considérée comme incurable, se retrouvent « guéris ».</p>
<p>Il a été constaté que cette guérison somatique (c’est-à-dire avec une diminution voire une disparition des symptômes) s’accompagnait chez certains patients d’effets inattendus sur le plan psychosocial et de difficultés à se réapproprier leur vie.</p>
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<p>Cet apparent paradoxe, entre la promesse de guérison offerte par la médecine et certains vécus relatés par les patients, est un des objets de l’étude <a href="https://u-paris.fr/la-personne-en-medecine/enjeux-psychosociaux-des-nouveaux-traitements-pour-la-mucoviscidose-et-la-drepanocytose/">« Revivre »</a> initiée par des chercheurs en sciences humaines et sociales et des équipes médicales, à partir des récits de vie de malades.</p>
<p>La greffe de moelle osseuse est ainsi l’occasion de penser ce que signifie vivre ou revivre après avoir fait l’expérience d’une maladie génétique dont les symptômes altèrent lourdement l’espérance et la qualité de vie, parfois dès la naissance.</p>
<h2>Revivre après la greffe</h2>
<p>La greffe de moelle osseuse n’est proposée, le plus souvent, qu’en dernier recours, après un épisode qui peut avoir fait frôler la mort. C’est un choix contraint, « quand on n’a plus rien à perdre » comme le disent certains patients. En dépit des informations données par les médecins et d’autres patients greffés, elle représente un « saut dans le vide ». Elle constitue à la fois une épreuve et une renaissance.</p>
<p>La vie après la greffe est décrite par les patients comme la possibilité de déployer et d’éprouver une « liberté de mouvement » ou une puissance d’agir toutes nouvelles. Revivre, c’est faire ce dont ils étaient incapables, s’autoriser à ressentir des émotions et faire des projets jusqu’ici interdits, gagner en confiance en soi, se sentir « comme les autres ».</p>
<p>Cependant, ces possibilités sont déstabilisantes parce que totalement inédites et survenant dans une temporalité accélérée qui ne permet pas de les intégrer psychologiquement ou émotionnellement. Elles bousculent les défenses psychiques mises en place pour faire face à la maladie, provoquant parfois des états de sidération. S’ouvre une temporalité nouvelle : un avenir définitivement libéré de l’imprévisibilité des crises, mais dans lequel il n’est pas évident de se projeter.</p>
<h2>Un état de déséquilibre au moins transitoire</h2>
<p>La greffe conduit ainsi à un état de déséquilibre au moins transitoire. Elle n’efface pas le passé ni les expériences corporelles, relationnelles, sociales liées à la maladie. Du fait des séquelles physiques, de la prise de médicaments et du suivi médical, la maladie demeure sous d’autres formes (stérilité, ostéonécrose – qui correspond à la destruction progressive de certains os, l’une des <a href="https://sosglobi.fr/en/drepanocytose/complications/">complications</a> de la maladie –, addiction aux antidouleurs, etc.). Parfois, des douleurs (appelées « douleurs fantômes ») ressurgissent, faisant craindre aux patients un retour de la maladie et manifestant une anxiété toujours active.</p>
<p>Certains patients s’aperçoivent qu’ils ne peuvent pas faire « comme tout le monde », l’entrée dans la vie active en particulier s’avère complexe en raison de « tout ce qu’on n’a pas pu faire à cause de la maladie » (études, expériences professionnelles…).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/et-si-gaston-lagaffe-avait-en-realite-un-syndrome-dehlers-danlos-130907">Et si Gaston Lagaffe avait en réalité un syndrome d’Ehlers-Danlos ?</a>
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<p>Enfin, la maladie reste transmissible, complexifiant la vie amoureuse et les projets parentaux. En effet, la drépanocytose est une <a href="https://www.inserm.fr/dossier/drepanocytose/">maladie génétique héréditaire</a>. Même traitée par greffe, une personne qui porte les gènes mutés responsables de la drépanocytose les transmet à son enfant.</p>
<p>L’après-greffe est le moment parfois douloureux de prendre la mesure de tout ce que la vie avec la drépanocytose a empêché et de tout ce qu’il semble difficile de rattraper dans une vie sans elle.</p>
<h2>Être « autrement le même » : ni malade, ni en bonne santé</h2>
<p>La question « Qui suis-je ? » émerge chez beaucoup de patients et montre une tension entre trois dimensions : une présence du passé qui est constitutif du soi, une « perte de soi » marquée par une sensation de vide, et le besoin de construire une « nouvelle identité ».</p>
<p>Les personnes se trouvent pour la plupart dans un entre-deux : ni malades – elles n’ont plus les symptômes de leur pathologie initiale –, ni en bonne santé – « ex-drépanocytaires » et pouvant toujours transmettre la maladie.</p>
<p>Certains préfèrent ne plus parler de la maladie, comme si l’oubli était <a href="https://editions.flammarion.com/revivre/9782081314993">« une réponse de la vie à ce qui en elle est invivable », nécessaire pour continuer ou recommencer à vivre</a>. D’autres culpabilisent d’avoir été greffés.</p>
<h2>L’apport des sciences humaines et sociales pour penser un soin global</h2>
<p>Dans ce processus de transformation, il faut apprendre à se (re)connaître et se reconstruire, à devenir <a href="https://ec56229aec51f1baff1d-185c3068e22352c56024573e929788ff.ssl.cf1.rackcdn.com/attachments/original/6/9/7/002624697.pdf">« autrement le même »</a> ou « malade autrement », selon l’expression d’un patient greffé.</p>
<p>Être « autrement » évoque l’effort à déployer pour apprendre à vivre sans la maladie initiale mais avec d’autres vulnérabilités qui ne lui seront pas nécessairement liées ; être « le même » renvoie à la <a href="https://www.utep-besancon.fr/content/uploads/2021/12/La-representation-de-soi-au-coeur-du-la-relation-soignants-soignes-24.pdf">« nécessité vitale pour un individu d’avoir un sentiment de cohésion et de continuité quant à la perception de ce qu’il est »</a>.</p>
<p>L’étude <a href="https://u-paris.fr/la-personne-en-medecine/enjeux-psychosociaux-des-nouveaux-traitements-pour-la-mucoviscidose-et-la-drepanocytose/">« Revivre »</a> illustre l’apport indispensable des sciences humaines et sociales pour penser un soin global de la personne malade.</p>
<p>En éclairant les limites de la notion de guérison et la complexité du revivre, elle contribue, de manière utile aussi à d’autres maladies rares, à définir des filières, des réseaux et des pratiques (médicales et non médicales) de soin adaptés et susceptibles de soutenir l’<a href="https://dial.uclouvain.be/pr/boreal/object/boreal:5226"><em>empowerment</em></a> ou la <a href="https://www.puf.com/content/Le_normal_et_le_pathologique">normativité des malades</a>.</p>
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<p><em>Cet article a été co-écrit par les trois auteures mentionnées et le Dr Nathalie Dhédin, médecin hématologue (Unité d’hématologie Adolescents et Jeunes Adultes, APHP- hôpital Saint-Louis) spécialisée dans la greffe de moelle osseuse en particulier des patients drépanocytaires, et à l’initiative du protocole de recherche mené en SHS sur cette thématique. Nous remercions tous les patients et soignants qui soutiennent et participent à cette étude.</em></p>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/ProjetIA-18-IDEX-0001">IDEX</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218968/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>L’Institut La Personne en médecine de l’Université Paris Cité est financé par l’IDEX (ANR-18-IDEX-0001).
Le projet « Revivre » est co-financé par l’Institut La Personne en médecine, la Fondation Maladies Rares et l’Association Vaincre la Mucoviscidose.
Nous remercions tous les patients, les soignants et les institutions partenaires pour leur participation à l’étude « Revivre ».</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>L’Institut La Personne en médecine de l’Université Paris Cité qui est financé par l’IDEX (ANR-18-
IDEX-0001).
Le projet Revivre est co-financé par l’Institut La Personne en médecine, la Fondation Maladies Rares et l’Association Vaincre la Mucoviscidose.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Le projet Revivre est co-financé par l'Institut La Personne en médecine, la Fondation Maladies Rares et l'Association Vaincre La Mucoviscidose</span></em></p>Des patients ayant vécu des années avec la drépanocytose se retrouvent « guéris » grâce à la greffe de moelle osseuse. Cela entraîne, chez certains, des effets inattendus sur le plan psychosocial.Elise Ricadat, Elise Ricadat est psychologue clinicienne, Maitre de Conférences à l’Université Paris Cité (IHSS/Études Psychanalytiques) et chercheuse au Laboratoire CERMES 3, UMR 8211. Elle co-dirige l’Institut interdisciplinaire « La Personne en Médecine »., Université Paris CitéCéline Lefève, Professeure des universités en philosophie (UMR 7219, Université Paris Cité). Co-directrice de l'Institut interdisciplinaire "La Personne en médecine", Université Paris CitéMilena Maglio, Chercheuse post-doctorante en philosophie, Institut La Personne en médecine, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1961922023-01-04T14:17:03Z2023-01-04T14:17:03ZGreffe de matières fécales : on vous explique ce que c’est et à quoi ça sert<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/499655/original/file-20221207-12-cn92lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C2%2C991%2C663&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La greffe de matières fécales consiste ni plus ni moins à remplacer le microbiote intestinal d'un receveur malade par du matériel fécal provenant d'un donneur sain. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Le corps humain abrite une variété considérable de microorganismes. Un grand nombre de bactéries, de champignons, de virus interagissent entre eux et avec notre organisme, coexistant sur les surfaces humaines et dans <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7043356/">toutes les cavités du corps</a>. Cette communauté microbienne complexe est appelée le microbiote. Et ce dernier joue un rôle essentiel dans les fonctions physiologiques globales et la santé de chaque individu.</p>
<p>Plus de 98 % des microorganismes présents chez l’humain résident dans le tractus gastro-intestinal. C’est ce qu’on appelle le microbiote intestinal. Si on le mettait sur une balance, il pèserait environ <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30567928/">2 kilogrammes</a>, soit presque le poids d’un organe. Le microbiote intestinal est impliqué dans la digestion des aliments, la régulation de la fonction des hormones intestinales et la signalisation neurologique. Il joue également un rôle dans la modification de l’action et du métabolisme des médicaments, l’élimination des toxines et la production de nombreux composés qui influencent l’hôte.</p>
<p>Chaque individu possède un microbiote intestinal qui lui est propre et qui est relativement stable et résilient dans le temps. Sa composition est influencée par le type d’accouchement (par voie vaginale ou par césarienne), le régime alimentaire du nourrisson, le mode de vie et les gènes.</p>
<p>Toutefois, certains facteurs environnementaux peuvent modifier sa composition au fil du temps. On parle par exemple de la consommation de probiotiques et de prébiotiques, du régime alimentaire, des infections virales et de la prise de médicaments (notamment les antibiotiques).</p>
<h2>Lorsque l’équilibre est perturbé, les problèmes commencent</h2>
<p>Lorsque le microbiote intestinal est perturbé ou que sa composition est inadéquate, une <a href="https://cdhf.ca/fr/dysbiose-et-syndrome-du-colon-irritable-sci/">dysbiose</a> se produit, entraînant des infections et des <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMra1600266">troubles métaboliques courants</a>. On parle notamment de l’obésité, du diabète de type 2, des maladies hépatiques non alcooliques et des maladies cardiovasculaires.</p>
<p>En réponse aux problèmes liés à la dysbiose intestinale, la <a href="https://crohnetcolite.ca/A-propos-de-ces-maladies/Parcours-de-la-MII/Traitement-et-medicaments/Greffedematierefecale">greffe de matières fécales</a> s’est avérée être une stratégie thérapeutique prometteuse. Elle consiste ni plus ni moins à remplacer le microbiote intestinal d’un receveur malade par du matériel fécal provenant d’un donneur sain.</p>
<p>L’ère moderne des études sur la greffe de matières fécales a débuté en 1958. Cette année-là, pour la première fois dans la littérature scientifique, on mentionnait son caractère prometteur. Le chirurgien américain Ben Eisman discutait du cas de quatre patients souffrant de diarrhée associée à des antibiotiques et dont l’état s’est rapidement amélioré à la suite de l’utilisation de lavements <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/13592638/">avec des matières fécales provenant d’un donneur sélectionné</a>.</p>
<p>Cette technique est particulièrement efficace pour traiter les infections récurrentes dues à la <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/maladies-infectieuses/fiche-renseignements-clostridium-difficile-difficile.html">bactérie <em>Clostridium difficile</em></a>, la fameuse <em>C. difficile</em>, lorsque les antibiotiques se sont révélés inefficaces. Ce microorganisme provoque une inflammation du côlon et des diarrhées mortelles – et son impact sur la santé publique est estimé très important.</p>
<p>Des données récentes indiquent qu’aux États-Unis, l’infection récurrente par la bactérie <em>Clostridium difficile</em> est à l’origine de <a href="https://www.cdc.gov/cdiff/what-is.html">près d’un demi-million d’infections</a> et de quelque 30 000 décès chaque année. Aux unités soins intensifs, elle entraîne des coûts annuels de soins de santé de <a href="https://bmcinfectdis.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12879-022-07594-x">4,8 milliards de dollars</a>.</p>
<h2>La greffe de matière fécale, étape par étape</h2>
<p>Lors d’une greffe de matières fécales, ces dernières doivent être traitées et préparées avant d’être transplantées chez le patient receveur. La méthode peut varier. Mais, en général, on recueille 100 à 150 grammes de matières fécales, auxquelles on ajoute une solution saline stérile pour une homogénéisation préliminaire afin d’obtenir une suspension fécale.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/WNQB8ujKoP4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La matière fécale peut être utilisée pour guérir des infections de la flore intestinale.</span></figcaption>
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<p>Les plus grosses particules, les fibres et les aliments non digérés sont ensuite éliminés par filtration à l’aide d’un tamis métallique. L’échantillon fécal frais liquide homogène peut être <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32326509/">transféré dans des seringues stériles</a>.</p>
<p>Récemment, la Food and Drug Administration (FDA) américaine a franchi une nouvelle étape en approuvant <a href="https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT03244644?term=NCT03244644&draw=2&rank=1">Rebyota</a>, le premier produit à base de microbiote fécal. Il est préparé à partir de fèces qui sont préalablement testées afin d’exclure une panoplie d’agents pathogènes transmissibles. Il est approuvé pour prévenir les infections récurrentes à <em>Clostridium difficile</em> chez les personnes de plus de 18 ans après l’échec d’une antibiothérapie, et est administré par voie rectale en une seule dose.</p>
<h2>La prudence avant tout</h2>
<p>Le traitement n’est pas sans risque. Comme il est fabriqué à partir de matières fécales humaines, il peut comporter un risque de transmission d’agents infectieux. En outre, le Rebyota peut contenir des allergènes alimentaires.</p>
<p>La greffe de matières fécales a démontré un taux remarquablement faible d’effets indésirables graves. Les essais cliniques suggèrent également qu’il s’agit d’une option thérapeutique efficace pour le traitement du <em>Clostridium difficile</em> et d’autres affections, telles que la colite ulcéreuse. Mais le transfert de microorganismes vivants de donneurs sains à des patients malades comporte des risques inhérents. On parle, par exemple, de la transplantation de bactéries multirésistantes qui peuvent entraîner de graves problèmes de santé, voire la mort du receveur.</p>
<p>À l’heure actuelle, il importe d’identifier les méthodes de traitement optimales et de définir les facteurs de risque. De cette manière, la greffe de matières fécales pourra être administrée de la manière la plus fiable possible.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196192/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raúl Rivas González ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le transfert de microorganismes vivants de donneurs sains à des patients malades comporte certains risques.Raúl Rivas González, Catedrático de Microbiología, Universidad de SalamancaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1849802022-07-04T13:45:46Z2022-07-04T13:45:46ZGreffe de pancréas : un pas de plus vers la guérison du diabète de type 1<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/471220/original/file-20220627-26-thwv4w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C998%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Plusieurs articles scientifiques font maintenant état des résultats positifs et des conséquences à long terme d’une transplantation pancréatique pour guérir le diabète.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Il y a 100 ans, le diabète de type 1 était synonyme de mort certaine. Malgré l’amélioration des soins de santé, <a href="https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2088852">l’espérance de vie des personnes qui en sont atteintes est raccourcie d’une douzaine d’année</a>.</p>
<p>La découverte de l’insuline pour <a href="https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/decouverte-de-linsuline">contrôler la maladie, en 1921</a>, a changé la vie de millions de personnes. Mais une mauvaise administration de ce médicament peut encore causer des ravages, comme le démontre le <a href="https://www.ledevoir.com/opinion/libre-opinion/726978/libre-opinion-appel-a-l-empathie-pour-ceux-qui-comme-karim-ouellet-sont-atteints-du-diabete-de-type-1">drame vécu par le chanteur Karim Ouellet, décédé en novembre dernier</a>.</p>
<p>Les chercheurs se tournent désormais vers la greffe de pancréas pour guérir le diabète. Et les résultats sont très prometteurs.</p>
<p>En tant que doctorante en biologie moléculaire et diabétique de type 1, j’ai un intérêt insatiable envers le <a href="https://www.facebook.com/la.scientifique.diabetique/">partage de connaissances scientifiques liées au diabète</a>.</p>
<h2>Des îles productrices d’insuline</h2>
<p>À quoi est dû le <a href="https://www.diabete.qc.ca/fr/comprendre-le-diabete/tout-sur-le-diabete/types-de-diabete/le-diabete-de-type-1/">diabète de type 1</a> ? En quelques mots, il se développe lorsque le <a href="https://www.familiprix.com/fr/psst/3-maladies-du-systeme-immunitaire">système immunitaire s’attaque à des amas de cellules</a>, nommés îlots. <a href="https://doi.org/10.1038/srep14634">Le pancréas compte près de trois millions d’îlots</a> producteurs d’insuline. Cette hormone est produite lorsque la quantité de sucre dans le sang s’élève, ce qui se produit après avoir mangé des bonbons, par exemple. Afin de stabiliser la quantité de sucre qui circule dans le sang, l’insuline va transférer ce sucre aux organes pour leur fournir de l’énergie ! Sans insuline, les organes très demandant en énergie, comme le cerveau, ne peuvent pas être nourris et donc ne peuvent pas fonctionner correctement.</p>
<p>Au contraire, dans le cas du <a href="https://www.diabete.qc.ca/fr/comprendre-le-diabete/tout-sur-le-diabete/types-de-diabete/le-diabete-de-type-2/">diabète de type 2</a>, le pancréas s’épuise à force de produire trop souvent de l’insuline, qui devient défectueuse. Le sucre peut alors s’accumuler en grande quantité dans le sang, peu importe le type de diabète. À long terme, cela peut provoquer des dommages aux organes (reins, foie, os, yeux), aux vaisseaux sanguins et aux nerfs, ce qui entraîne de graves problèmes de santé.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/471247/original/file-20220627-18-yqw2g9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/471247/original/file-20220627-18-yqw2g9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/471247/original/file-20220627-18-yqw2g9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/471247/original/file-20220627-18-yqw2g9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/471247/original/file-20220627-18-yqw2g9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/471247/original/file-20220627-18-yqw2g9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/471247/original/file-20220627-18-yqw2g9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/471247/original/file-20220627-18-yqw2g9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">À gauche, un pancréas en santé qui produit beaucoup d’insuline. À droite, un pancréas détruit chez une personne atteinte de diabète de type 1 qui ne produit presque plus d’insuline. Chez une personne atteinte de diabète de type 2, le pancréas s’épuise et produit de l’insuline défectueuse.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Maria Galipeau), Fourni par l’auteure</span></span>
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</figure>
<p>Bien que l’insuline soit couramment utilisée afin de contrôler le diabète, elle a des <a href="https://caf.novonordisk.ca/content/dam/Canada/AFFILIATE/caf-novonordisk-ca/OurProducts/documents/novorapid-product-monograph.pdf">effets secondaires indésirables</a> à ne pas négliger dont la prise de poids, une diminution de l’espérance de vie et le coma diabétique.</p>
<p>Il arrive même qu’une personne atteinte de diabète ait des taux de sucre très bas ou très élevés potentiellement mortels, comme en a été victime Karim Ouellet. L’injection d’insuline est ainsi limitée comme traitement à long terme pour contrôler le diabète. La greffe de pancréas offre l’espoir d’une vie sans multiples injections d’insuline quotidiennes.</p>
<p>L’approche consiste à isoler un pancréas sain chez une personne récemment décédée, ou une partie du pancréas d’une personne vivante, et le greffer dans le foie d’une personne atteinte de diabète.</p>
<h2>Des greffes qui ne datent pas d’hier</h2>
<p>Le 17 décembre 1966, les chirurgiens américains Dr Lillehei et Dr Kelly ont réalisé la <a href="https://doi.org/10.1016/j.cireng.2017.02.002">toute première greffe de pancréas chez l’humain</a>. À l’époque, les patients devaient recommencer à s’injecter de l’insuline dès six jours après la greffe. Quelques problèmes de santé survenaient également à la suite de la chirurgie, allant de l’inflammation du pancréas jusqu’à la mort des patients.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/470949/original/file-20220626-26-k6j5wz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/470949/original/file-20220626-26-k6j5wz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/470949/original/file-20220626-26-k6j5wz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=257&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/470949/original/file-20220626-26-k6j5wz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=257&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/470949/original/file-20220626-26-k6j5wz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=257&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/470949/original/file-20220626-26-k6j5wz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=323&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/470949/original/file-20220626-26-k6j5wz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=323&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/470949/original/file-20220626-26-k6j5wz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=323&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">À gauche, Dr William Kelly avec le premier receveur d’une greffe. À droite, Dr Richard Lillehei.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Image tirée de la revue « CIRUGÍA ESPAÑOLA »</span></span>
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<p>C’est dans l’objectif de perfectionner et de simplifier les méthodes de greffe de pancréas que le <a href="https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT00014911">protocole d’Edmonton</a> a vu le jour, en mars 1999. <a href="https://www.ualberta.ca/medicine/about/people/details.html">Le docteur James Shapiro</a>, professeur de chirurgie et d’oncologie à l’Université d’Alberta, dirige l’équipe qui a mis au point cette procédure révolutionnaire pour traiter les personnes atteintes de diabète de type 1. Les <a href="https://www.thelancet.com/journals/landia/article/PIIS2213-8587(22)00114-0/fulltext?dgcid=raven_jbs_etoc_feature_landia">résultats de leur plus grande étude</a> jamais réalisée sur la greffe de pancréas est parue en mai 2022.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/470951/original/file-20220626-18-hdoqjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/470951/original/file-20220626-18-hdoqjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/470951/original/file-20220626-18-hdoqjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/470951/original/file-20220626-18-hdoqjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/470951/original/file-20220626-18-hdoqjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/470951/original/file-20220626-18-hdoqjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/470951/original/file-20220626-18-hdoqjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/470951/original/file-20220626-18-hdoqjt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La greffe de pancréas consiste à isoler les îlots du donneur sain et de les greffer dans le foie du patient atteint de diabète de type 1.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Maria Galipeau), Fourni par l’auteure</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette étude d’envergure, réalisée à l’hôpital de l’Université d’Alberta, décrit les résultats à long terme (1999-2019) chez 255 patients atteints de diabète de type 1 âgés de plus de 18 ans. Les chercheurs ont innové en ajoutant deux <a href="https://www.familiprix.com/fr/articles/medicaments-immunosuppresseurs">médicaments immunosuppresseurs</a> pendant les deux semaines suivant la greffe. Les immunosuppresseurs empêchent la destruction de l’organe greffé en bloquant le système immunitaire du receveur de greffe. Pour certaines personnes, de trois à cinq greffes de pancréas additionnelles sont nécessaires afin d’assurer la survie du nouvel organe chez les patients.</p>
<h2>Une lueur d’espoir pour les patients</h2>
<p>Malgré que les pancréas greffés semblent bien se porter un an après la première greffe, la survie du nouveau pancréas diminue après cinq ans et baisse considérablement après 20 ans. Certains patients ont dû reprendre de très faibles doses d’insuline après la greffe. Mais bonne nouvelle : après deux greffes de pancréas, quatre patients sur cinq peuvent complètement arrêter les injections d’insuline après un an.</p>
<p>Bien que ces résultats soient très prometteurs, les patients doivent prendre des immunosuppresseurs durant toute leur vie à la suite de la greffe, ce qui peut entraîner des cas de cancers de la peau, des infections et des <a href="https://doi.org/10.2165/00128072-200103010-00004">retards de croissance chez l’enfant</a>. Voilà pourquoi la <a href="http://dx.doi.org/10.1136/adc.88.7.591">greffe de pancréas n’a pas été réalisée à ce jour chez les enfants et les adolescents diabétiques</a>.</p>
<p>Or, les nouveaux immunosuppresseurs utilisés dans le protocole d’Edmonton sont sans stéroïdes, ce qui minimise l’impact sur la croissance et le développement des enfants. Chez l’adulte, ces nouveaux <a href="https://doi.org/10.1097/01.tp.0000287117.98785.54">immunosuppresseurs</a> diminuent les risques de maladies cardiovasculaires, de rejet et d’infections après la greffe de pancréas.</p>
<p>Bien que cette thérapie ne soit pas parfaite, elle permet d’améliorer la qualité de vie des patients. À l’heure actuelle, de nombreuses facettes de la greffe de pancréas font l’objet d’études dans l’optique de favoriser son succès : l’élargissement du bassin de donneurs de pancréas, l’optimisation du site de la greffe et le développement de thérapies à base de <a href="https://www.hema-quebec.qc.ca/cellules-souches/savoir-plus/cellules-souches.fr.html">cellules souches</a>. Ces dernières, lorsqu’elles sont dérivées du propre sang d’un patient, permettraient d’éliminer l’usage d’immunosuppresseurs durant toute la vie.</p>
<p>Grâce aux progrès rapportés par l’équipe du protocole d’Edmonton, les patients atteints de diabète de type 1 peuvent garder espoir qu’une thérapie plus durable verra le jour dans un futur rapproché.</p>
<hr>
<p><em>Un grand merci à Étienne Aumont, qui a révisé cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184980/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maria Galipeau a reçu des financements de FRQS. </span></em></p>Une nouvelle étude présente les résultats à long terme d’une greffe de pancréas pour traiter les personnes atteintes de diabète de type 1. La guérison du diabète est peut-être à portée de la main.Maria Galipeau, Doctorante en biologie moléculaire, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1750812022-01-19T18:30:48Z2022-01-19T18:30:48ZCœur transplanté : un humain est-il l’équivalent de 1 000 cochons ?<p>Depuis le 7 janvier 2022, David Bennett, un Américain de 57 ans atteint d’une insuffisance cardiaque, vit avec un <a href="https://www.sciencedaily.com/releases/2022/01/220110183051.htm">cœur de cochon génétiquement modifié</a>.</p>
<p>Cette transplantation du cœur d’une autre espèce (ou xénogreffe) est historique car elle emploie l’organe d’un animal dont le patrimoine génétique a été spécialement modifié pour qu’il devienne compatible avec l’espèce humaine et ainsi minimiser les risques de rejet.</p>
<p>Au-delà de la <a href="https://www.trtworld.com/magazine/nyt-report-on-pig-heart-recipient-s-criminal-record-criticised-53648">prouesse médicale</a> à plus d’un million de dollars, cette nouvelle greffe ne laisse pas indifférent. L’association animaliste internationale PETA, citée par <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2022/01/11/un-c-ur-de-porc-transgenique-a-ete-greffe-chez-un-humain_6109068_1650684.html">le <em>Monde</em> du 13 janvier</a>, a déclaré : </p>
<blockquote>
<p>« Les animaux ne sont pas des cabanes à outils que l’on peut piller, mais des êtres complexes et intelligents. »</p>
</blockquote>
<p>Toutes proportions gardées, ce transfert d’organe vital fera écho pour certains au film dystopique de Michael Bay <em>The Island</em>, dans lequel deux personnages interprétés par Scarlett Johansson et Ewan Mc Gregor cherchent à sauver leur peau en s’enfuyant d’un univers où des humains sont clonés à la chaîne pour constituer les réservoirs d’organes de richissimes bénéficiaires.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/EiBZakZa0TY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Dans le film <em>The Island</em>, des clones sont créés spécialement pour prélever leurs organes.</span></figcaption>
</figure>
<p>S’il est outrageant d’imaginer que certains individus deviennent les pièces de rechange de leurs congénères (ce serait le cas dans <a href="https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=27167">certaines régions du monde</a>), la question de l’utilisation d’animaux à cette fin ne peut laisser entièrement indifférent.</p>
<h2>Coeur, valves, peau, tout est bon dans le cochon</h2>
<p>Un chirurgien de l’Hôpital général du Massachusetts à Boston, spécialiste des <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-022-00111-9">transplantations</a>, estimait que l’on pourrait davantage apprendre de quatre patients humains reçeveurs de cœurs de cochons que de <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-018-07419-5">40 babouins transplantés</a> de la même manière, car cela permettrait d’en tirer des conclusions plus transférables à la médecine humaine.</p>
<p>Les enjeux vitaux pour les individus impliqués dans ces expériences médicales pionnières sont évidemment différents, puisque dans le cas de la récente transplantation, le patient était condamné (dans le sens médical mais aussi pénal du terme : suite à une agression à l’arme blanche qui a paralysé à vie sa victime, il a écopé de 10 ans de prison).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/0Pmu4XtUYzw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Opération expérimentale et première mondiale, un homme s’est fait transplanté un cœur de porc génétiquement modifié.</span></figcaption>
</figure>
<p>En outre, David Bennett était volontaire, question qu’il semblerait saugrenu de se poser concernant les cochons (ou les babouins).</p>
<p>L’utilisation des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S174391911500374X">valves cardiaques de cochons</a> pour équiper les cœurs humains défaillants ou celle de leur <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/1972-un-pansement-de-peau-de-porc-pour-soigner-les-grands-brules">peau pour soigner les grands brûlés</a> étant pratiquées depuis un demi-siècle, nous sommes déjà habitués à l’idée que ceux-ci représentent nos pièces de rechange, malgré les preuves que nous avons de leur <a href="https://www.psychologytoday.com/us/blog/animal-emotions/201506/pigs-are-intelligent-emotional-and-cognitively-complex">intelligence et leurs émotions</a>.</p>
<p>Mais avec la remarquable greffe d’un cœur entier, l’interrogation éthique est à nouveau d’actualité.</p>
<p>Dans son livre <a href="http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Le_bonobo,_Dieu_et_nous-443-1-1-0-1.html"><em>Dieu, le bonobo et nous</em></a>, l’influent primatologue Franz de Waal osait une question vertigineuse : « une personne est-elle l’équivalent de mille souris ? ».</p>
<p>Pour comprendre comment les humains résolvent ce genre d’interrogation, des chercheurs ont adapté une expérience de pensée classique : le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dilemme_du_tramway">dilemme du tramway</a>, imaginé par la philosophe Filippa Foot durant les années 1960, et devenu en quelques années une <a href="https://www.theatlantic.com/entertainment/archive/2017/10/how-the-good-place-goes-beyond-the-trolley-problem/543393/">référence dans la culture populaire</a>.</p>
<h2>Le dilemme du tramway, mais avec des animaux</h2>
<p>Imaginez la situation suivante (dessin ci-dessous) : un tramway est en train de foncer sur un ouvrier qui travaille sur une voie, et si vous n’actionnez pas un levier d’aiguillage qui se trouve devant vous, il périra écrasé. Cependant, si vous détournez le tramway pour épargner l’ouvrier, le véhicule heurtera les dix chiens qui se trouvent sur l’autre voie. Que faites-vous ?</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/441116/original/file-20220117-23-posshp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Dessin représentant le dilemme du tramway" src="https://images.theconversation.com/files/441116/original/file-20220117-23-posshp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/441116/original/file-20220117-23-posshp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/441116/original/file-20220117-23-posshp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/441116/original/file-20220117-23-posshp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/441116/original/file-20220117-23-posshp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/441116/original/file-20220117-23-posshp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/441116/original/file-20220117-23-posshp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le dilemme du tramway avec des victimes canines.</span>
<span class="attribution"><span class="source">présenté dans Bègue-Shankland, L. (2022). Face aux animaux. Nos émotions, nos préjugés, nos ambivalences. Paris : Odile Jacob, droits réservés</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le pourcentage de participants qui décident de sauver les dix chiens (et sacrifient donc l’humain) est exactement de 31 %.</p>
<p>Mais remplacez ces 10 chiens par 10 pigeons, et il fait peu de doutes que le <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0168184">pourcentage se rapprochera de zéro</a>. Mettez-y maintenant des humains et il avoisinera les 100 %.</p>
<h2>Empathie bien ordonnée commence par son espèce</h2>
<p>L’un des aspects qui éclaire le choix du sacrifice de tel ou tel animal est la proximité de son espèce avec la nôtre. Une équipe du Muséum national d’histoire naturelle de Paris a mis en évidence combien <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-019-56006-9">l’empathie humaine</a> envers les animaux est sélective et hiérarchisée.</p>
<p>Les chercheurs ont présenté à 3 500 participants les photographies de 52 espèces représentatives de la diversité du vivant (47 espèces animales, quatre plantes et un champignon). On leur présentait des paires de photos avec, à chaque fois, deux espèces différentes. Ils devaient choisir celle pour laquelle ils pensaient pouvoir le plus ressentir des émotions, et, en cas de danger de mort, celle qu’ils sauveraient en priorité. Les résultats ont montré que plus le moment de séparation au cours de l’évolution d’une espèce donnée avec l’humain était ancien, plus l’empathie qu’elle suscitait déclinait. La distance évolutive et la ressemblance morphologique étant reliées, l’empathie semblait donc découler de l’existence de traits physiques évocateurs de similarité avec l’être humain.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/441117/original/file-20220117-17-1pxfcxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/441117/original/file-20220117-17-1pxfcxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/441117/original/file-20220117-17-1pxfcxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=512&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/441117/original/file-20220117-17-1pxfcxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=512&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/441117/original/file-20220117-17-1pxfcxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=512&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/441117/original/file-20220117-17-1pxfcxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=644&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/441117/original/file-20220117-17-1pxfcxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=644&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/441117/original/file-20220117-17-1pxfcxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=644&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’empathie et la compassion pour les espèces animales est reliée à leur distance évolutive par rapport aux humains.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Adapté de Miralles et coll., 2019, dans Bègue-Shankland, L., _Face aux animaux. Nos émotions, nos préjugés, nos ambivalences_ (2022).</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La logique de l’empathie pour les animaux découle aussi du statut qui leur est accordé dans une société donnée. En contexte occidental, il est probable que si le cœur transplanté appartenait à un chien, les réactions du public seraient fort différentes (mais non dans certains pays d’Asie, où ils sont au menu). Nos préférences pour les espèces qui entrent dans nos maisons relèvent d’une logique purement <a href="https://psycnet.apa.org/record/2020-78374-004">affective</a> et culturelle. Si l’on incite les individus qui doivent résoudre le dilemme à « penser de manière émotionnelle », ils ont alors tendance à intensifier leur préférence pour des animaux familiers comme le chien plutôt que d’autres comme le cochon.</p>
<h2>La géométrie variable du « tu ne tueras point »</h2>
<p>Imaginons maintenant que l’on remplace le levier d’aiguillage de l’expérience du tramway par un procédé bien plus expéditif : si vous poussez un <a href="https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691154022/would-you-kill-the-fat-man">gros monsieur</a> qui stationne à ce moment-là sur un pont surplombant la voie, son corps massif stoppera net la course infernale du tramway, et vous aurez sauvé plusieurs humains qui allaient périr sur les rails.</p>
<p>Dans ce cas, les réactions s’inversent : près de 90 % des gens répugnent à précipiter l’homme sur la voie. Même si cela est purement imaginaire, être soi-même physiquement impliqué dans un homicide semble trop difficile à assumer.</p>
<p>Dans cette situation et selon des études de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/11557895/">neuro-imagerie</a>, les émotions sont plus intenses que celles qui affleurent dans la version « aiguillage ». Ce qui semble pourtant s’imposer numériquement (sauver le maximum de vies) apparaît complètement inadmissible pour presque tout le monde.</p>
<p>La règle absolue « Tu ne tueras point » occupe tout l’espace mental. Certains participants se rappellent peut-être même des fragments de leurs cours de philosophie du lycée, comme cette fameuse formule d’Emmanuel Kant qui nous commande de ne jamais utiliser autrui « simplement comme un moyen ».</p>
<p>Mais imaginons maintenant qu’il s’agisse de sauver des singes, et que l’on remplace le gros monsieur par un gros singe.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/441119/original/file-20220117-19-p894yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/441119/original/file-20220117-19-p894yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/441119/original/file-20220117-19-p894yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/441119/original/file-20220117-19-p894yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/441119/original/file-20220117-19-p894yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/441119/original/file-20220117-19-p894yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/441119/original/file-20220117-19-p894yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/441119/original/file-20220117-19-p894yp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une adaptation de la version « pont » du dilemme du tramway dans laquelle les victimes sont des singes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(extrait de Bègue-Shankland, L. (fév. 2022). Face aux animaux. Nos émotions, nos préjugés, nos ambivalences. Paris : Odile Jacob, droits réservés)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans ce cas, on observe que la majorité des personnes interrogées est prête à faire de l’animal un simple moyen pour sauver d’autres singes. Ainsi, avec les animaux, tenus pour complètement interchangeables, le principe d’utilité ne nous choque plus tellement.</p>
<p>Il ne heurtait pas Kant non plus, qui déclarait que « les animaux n’ont pas conscience d’eux-mêmes et ne sont par conséquent que des moyens en vue d’une fin ». Le philosophe ajoutait même : « cette fin est l’homme ». Des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0956797620960398?journalCode=pssa">études</a> menées par une équipe de chercheurs d’Oxford ont montré que la possibilité de sacrifier le membre d’une espèce pour en sauver plusieurs autres est fonction de la valeur que les humains attribuent aux espèces en question. Par exemple, nous préférons sacrifier un cochon pour sauver dix cochons que sacrifier un chien pour en sauver dix autres.</p>
<h2>Les enfants prennent plus en compte le nombre d’êtres vivants dans la balance</h2>
<p>L’équipe d’Oxford s’est aussi intéressée aux évolutions du favoritisme pour les humains selon l’âge des participants. À travers plusieurs études, il est ressorti que la priorité que les adultes donnent à leur espèce n’était absolument pas en vigueur chez les <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0956797620960398">enfants</a> âgés de 5 à 9 ans.</p>
<p>Qu’il s’agisse de cochons ou de chiens, les plus jeunes prennent davantage en compte le nombre d’êtres vivants dans la balance. Alors que près de 60 % des adultes préfèrent sauver un humain plutôt que 100 chiens, près de 70 % des enfants donnent la priorité aux 100 chiens. Lorsqu’une vie canine et une vie humaine sont en jeu, 35 % des enfants choisissent l’humain, 28 % donnent la priorité au chien et les autres n’arrivent pas à prendre parti. Dans la même situation, 85 % des adultes optent pour l'humain et 8 % font l’inverse. Si l’on remplace le chien par un cochon, 57 % des enfants donneront la priorité à l’humain, 18 % au cochon et les autres ne se prononcent pas. Dans le même cas de figure, 93 % des adultes choisissent l’humain et seulement 3 % sauvent la vie du cochon.</p>
<p>Dans le cas de la transplantation cardiaque, on peut présumer que les chirurgiens Bartley Griffith et Muhammad Mohiuddin, les auteurs de l’exploit médical, ne manquaient pas d’empathie pour leur malade, mais en avaient beaucoup moins pour le cochon.</p>
<p>Selon les <a href="https://www.inserm.fr/modeles-animaux/qu-est-regle-3-r/">règles d’éthique médicale</a> qui s’appliquent à l’usage des animaux dans la recherche, leur diminution et leur remplacement par des méthodes alternatives est nécessaire.</p>
<p>Tout en souhaitant longue vie à l’Américain au cœur désormais porcin, on peut donc également espérer que l’entreprise française Carmat parviendra rapidement à faire fonctionner son fameux <a href="https://www.20minutes.fr/sante/3204319-20211223-ur-artificiel-carmat-identifie-origine-probleme-qualite">cœur artificiel</a>. Cela assombrirait un peu moins l’avenir des cochons, et permettrait l’heureuse application d’un aphorisme peut-être pas si bête de Coluche : « Ne fais pas aux truies ce que tu ne voudrais pas qu’elles te fassent ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175081/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Bègue-Shankland a reçu des financements de l'Institut Universitaire de France (IUF).</span></em></p>Début 2022, un homme s’est fait transplanter un cœur de cochon. L’opération est un succès mais pose de sérieux problèmes éthiques. Doit-on sacrifier des animaux pour sauver des humains ?Laurent Bègue-Shankland, Professeur de psychologie sociale, membre de l’Institut universitaire de France (IUF), directeur de la MSH Alpes (CNRS/UGA). Dernier ouvrage : Face aux animaux. Nos émotions, nos préjugés, nos contradictions. Odile Jacob, février 2022, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1752182022-01-19T18:30:47Z2022-01-19T18:30:47ZBioéthique : cœur de porc greffé sur un homme, quand les technologies abolissent les limites du vivant<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/441602/original/file-20220119-17-csm44a.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C36%2C6016%2C3971&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’équipe de l’école de médecine de l'université du Maryland, à Baltimore (États-Unis), implante un cœur de cochon génétiquement dans la poitrine de David Bennett, 57 ans. </span> <span class="attribution"><span class="source">École de médecine de l'université du Maryland</span></span></figcaption></figure><p>Au moment où il est tant question, dans le contexte de la pandémie de Covid-19, de vaccins à ARN messager, <a href="https://www.medschool.umaryland.edu/news/2022/University-of-Maryland-School-of-Medicine-Faculty-Scientists-and-Clinicians-Perform-Historic-First-Successful-Transplant-of-Porcine-Heart-into-Adult-Human-with-End-Stage-Heart-Disease.html">la transplantation d’un cœur de porc sur un Américain âgé de 57 ans</a>, le 7 janvier 2022 à l’École de médecine de l’Université du Maryland (États-Unis), éclaire d’autres champs de la recherche biomédicale. </p>
<p>Cette innovation scientifique chirurgicale est démonstrative d’une capacité d’intervention sur l’être humain qui, au-delà de la prouesse technologique, reconfigure les repères dans la relation interespèces, non seulement d’un point de physiologique, mais aussi dans une approche anthropologique.</p>
<h2>Tentatives d’approches chirurgicales disruptives et spectaculaires</h2>
<p>Quelques repères historiques permettent de mieux comprendre l’évolution des pratiques de greffes d’organes, dans une première phase à partir de donneurs vivants ou de cadavres.</p>
<ul>
<li><p>Le 23 décembre 1954, <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/joseph-edward-murray/">Joseph Edward Murray</a> réalise la première greffe de rein sur des jumeaux monozygotes (« vrais » jumeaux) au Brigham and Women’s Hospital de Boston (États-Unis). En 1990, le Prix Nobel de physiologie ou médecine lui sera attribué, notamment pour ses recherches <a href="https://www.frm.org/recherches-autres-maladies/greffes/greffes-vers-une-nouvelle-generation-d-immunosuppresseurs">ayant permis de développer les immunosuppresseurs</a>, utilisés pour contrer le processus physiologique de rejet du greffon ; </p></li>
<li><p>En 1966, une greffe de pancréas est réalisée avec succès à Minneapolis ;</p></li>
<li><p>En 1967 Christiaan Barnard réalise à Cap Town (Afrique du Sud) la 1<sup>re</sup> greffe de cœur. La même année, à Denver (États-Unis) une greffe de foie permet une survie de 13 mois ;</p></li>
<li><p>En 2000, une double greffe de deux mains et avant-bras est réalisée à Lyon ; </p></li>
<li><p>En 2005, une étape supplémentaire est franchie, avec la greffe partielle d’un visage à Amiens (tant en ce qui concerne le bénéficie direct du receveur que les aspects d’ordre anthropologique, les controverses ont été vives).</p></li>
</ul>
<p>Parallèlement à ces transplantations entre êtres humains, le recours à des organes animaux ou à des organes artificiels connaît également une phase expérimentale. En 1984, un enfant survit 21 jours avec un cœur de babouin ; le 19 juillet 2021 la 1<sup>re</sup> implantation commerciale d’un cœur artificiel a lieu en Italie ; en octobre 2021 la greffe d’un rein de porc génétiquement modifié est poursuivie pendant 3 jours <a href="https://www.nytimes.com/2021/10/19/health/kidney-transplant-pig-human.html">sur une personne en état de mort cérébrale</a>.</p>
<p>Ces tentatives d’approches chirurgicales disruptives et spectaculaires, visant à explorer les différentes voies du possible afin de repousser la fatalité d’un dysfonctionnent organique, ne pouvaient que susciter, par leur nature même, des dilemmes éthiques. Ces derniers s’ajoutent à la complexité de l’acte chirurgical, à partir des conditions du prélèvement jusqu’à celles de la réalisation de la greffe.</p>
<h2>Des pratiques sujettes à controverses</h2>
<p>La chirurgie de la greffe a notamment bénéficié des premiers acquis de la réanimation médicale intervenant « aux frontières de la vie », ainsi que des avancées en immunologie. Elle a de ce fait suscité nombre de controverses relatives à l’intervention du médecin en situation extrême et aux transgressions parfois assimilées à ce qu’il convenait de dénoncer comme de « l’acharnement thérapeutique ».</p>
<p>Dans les années 1970, la greffe d’organes a ainsi suscité à la fois espoirs et critiques. En cause, l’origine des greffons utilisés, prélevés sur des cadavres (le terme d’« état de mort encéphalique » semble aujourd’hui plus approprié). Sur la scène publique, cette innovation scientifique apparaissait alors, de par sa force symbolique, comme une forme de transgression anthropologique, voire d’enfreinte à la dignité humaine. </p>
<p>La <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000699407/">loi n°76-1181 du 22 décembre 1976 relative aux prélèvements d’organes</a> avait alors provoqué sur le moment de vives controverses qui se sont estompées à mesure que les techniques de la greffe se sont intégrées aux pratiques conventionnelles de la chirurgie (elle sera abrogée par la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, revue dans la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043884384">loi n°2021-2017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique</a>). </p>
<p>Dans les temps pionniers de la greffe (les premières transplantations réussies <a href="https://www.inserm.fr/dossier/transplantation-organes-greffe/">datent des années 1950</a>), on évoquait les risques de dérives dans l’exploitation du « corps pourvoyeur d’organes ». Un encadrement des pratiques a été prescrit <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070721/LEGISCTA000006136059/">dans le Code civil</a> : </p>
<blockquote>
<p>« Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui. » </p>
</blockquote>
<p>De même, la non-patrimonialité du corps, l’anonymat et la gratuité se sont imposés dans les principes éthiques du don d’organes : </p>
<blockquote>
<p>« Aucune rémunération ne peut être allouée à celui qui se prête à une expérimentation sur sa personne, au prélèvement d’éléments de son corps ou à la collecte de produits de celui-ci. »</p>
</blockquote>
<p>Ces réticences morales, notamment à l’encontre de la « commercialisation du vivant », se sont estompées à travers le temps. Elles ont toutefois bénéficié en 2005 de la création de l’Agence de la biomédecine (ABM), dont la rigueur est reconnue dans le suivi scientifique et éthique de la stratégie de la greffe d’organes et de tissus. Cette dernière fait l’objet, depuis l’année 2000, d’un <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/plan_2017%202021_pour_la_greffe_d_organes_et_de_tissus.pdf">plan national</a>. </p>
<p>Au plan international, les risques inhérents au <a href="https://www.edqm.eu/sites/default/files/position_paper_-_illicit_and_unethical_activities_with_human_tissues_and_cells_-_november_2018.pdf">« trafic d’organes »</a> » ou à des prélèvements qui seraient pratiqués sur les cadavres de condamnés à mort ont justifié la rédaction de la Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humain (<a href="https://rm.coe.int/16802e7acd">Convention de Compostelle, 25 mars 2015</a>), ainsi que de l’intéressante proposition de loi visant à garantir <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3316_proposition-loi">le respect du don d’organes par nos partenaires non européens</a>. </p>
<p>Dernière innovation témoignant d’évolutions dans l’acceptabilité sociétale des capacités d’interventions biomédicales notamment pour pallier la pénurie de greffons, la loi relative à la bioéthique du 2 août 2021 instaure le recours au <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043895648#:%7E:text=Version%20en%20vigueur%20depuis%20le%2004%20ao%C3%BBt%202021&text=I.,p%C3%A8re%20ou%20m%C3%A8re%20du%20receveur.">« don croisé d’organes »</a> : </p>
<blockquote>
<p>« Le don croisé d’organes consiste pour un receveur potentiel à bénéficier du don d’une autre personne qui a exprimé l’intention de don et également placée dans une situation d’incompatibilité à l’égard de la personne dans l’intérêt de laquelle le prélèvement peut être opéré en application du I, tandis que cette dernière bénéficie du don d’un autre donneur. Pour augmenter les possibilités d’appariement entre les donneurs et les receveurs engagés dans un don croisé et en substitution au prélèvement de l’un des donneurs vivants, il peut y avoir recours à un organe prélevé sur une personne décédée, dans les conditions fixées à l’article L. 1232-1. »</p>
</blockquote>
<p>Le recours à l’animal et plus encore <a href="https://www.inserm.fr/dossier/cellules-souches-pluripotentes-induites-ips/">aux cellules souches pluripotentes induites</a> (<em>résultant de la transformation artificielle de cellules adultes, ces cellules « immatures » sont capables de redonner n’importe quelle sorte de cellules de l’organisme, ndlr</em>) poserait en des termes différents l’approche éthique des technologies de la greffe d’organes et de tissus.</p>
<h2>Ce que les technologies biomédicales rendent possible</h2>
<p>Il pourrait être admis a priori que les technologies développées pour parvenir à la conception d’organes artificiels solliciteraient moins directement la réflexion éthique que les prélèvements sur cadavre ou à la suite de « l’humanisation » d’un animal (<em>approche consistant, grâce à des techniques d’édition du génome, à rendre un organe animal « compatible » avec l’être humain, en éliminant notamment certains gènes produisant des molécules impliquées dans les mécanismes de rejet, ndlr</em>). </p>
<p>Le débat mérite cependant d’être engagé tant du point de vue de nos représentations de l’intégrité humaine au regard de la « barrière des espèces », que de cette forme de solidarité inédite entre l’animal et l’être humain, solidarité qui est l’un des marqueurs moraux évoqués depuis les premiers prélèvements et dons d’organes entre humains à des fins thérapeutiques.</p>
<p>Les critères qui ont prévalu pour engager l’expérimentation de la greffe d’un cœur de porc en janvier 2022 sont l’absence de tout recours thérapeutique pour la personne bénéficiaire consentante, les avancées dans l’acquisition des savoirs relatifs aux xénotransplantations et le contexte de pénurie de greffons qui pourrait justifier, dans ce domaine aussi, des audaces qui ont souvent servi les avancées scientifiques. C’est notamment <a href="https://ansm.sante.fr/vos-demarches/professionel-de-sante/demande-dautorisation-dacces-compassionnel">au titre de traitement compassionnel</a> que la Food and Drug Administration (FDA) avait donné son accord à cette expérimentation.</p>
<h2>Les xénotransplantations, continuité ou rupture ?</h2>
<p>La question doit être posée : à quels enjeux nous confronte l’évolution des pratiques dans le champ de la greffe d’organes, jusqu’à ce recours aux organes d’animaux afin de pallier la pénurie de greffons humains ? </p>
<p>Si, depuis 1923, des laboratoires produisent de l’insuline à partir de pancréas de bœufs et de porcs, et que l’utilisation des valves cardiaques prélevées sur des porcs est de pratique courante, se situe-t-on dans la continuité de ces approches thérapeutiques ou en rupture ? S’il n’a jamais été anodin de bénéficier d’un organe prélevé sur un cadavre, qu’en est-il du cœur d’un animal, alors qu’est du reste attachée à cet organe une valeur symbolique spécifique ?</p>
<p>En décembre 2020, dans son <a href="https://www.agence-biomedecine.fr/IMG/pdf/ripg_2020_def.pdf">Rapport d’information au Parlement et au Gouvernement sur le développement des connaissances et des techniques</a>, L’Agence de la biomédecine a anticipé les évolutions actuelles :</p>
<blockquote>
<p>« Avec la production des porcs spécifiques, la xénogreffe a sans doute franchi un cap et on observe aujourd’hui des survies de greffes porc/babouins pouvant aller jusqu’à 9 mois. Des chercheurs chinois ont affirmé être en capacité de passer à l’étape humaine si les autorités leur permettaient. Des essais cliniques avec utilisation de cellules porcines se profilent ainsi d’ores et déjà à court terme pour des îlots de Langerhans chez des patients diabétiques, ou en greffe de cornée. » </p>
</blockquote>
<p>Dans ce document très argumenté, l’ABM constatait : </p>
<blockquote>
<p>« En 1993 a émergé l’idée que la suppression chez le porc de la cible majeure (Gal) de la réponse par les anticorps humains permettrait de réduire le risque de rejet humoral. Dès 2002, des porcs appelés “Gal-KO” chez qui l’enzyme avait été invalidée ont vu le jour. Actuellement, une vingtaine de cibles antigéniques sont potentiellement modifiables sur une trentaine connue. » </p>
</blockquote>
<p>Les évolutions intervenues en 2012 dans le champ de la génétique <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/crispr-cas9-des-ciseaux-genetiques-pour-le-cerveau">avec le développement de la technologie d’édition du génome CRISPR-Cas-9</a> se sont avérées déterminantes. En 2022, c’est en effet <a href="https://theconversation.com/crispr-comment-ca-marche-158581">cette technique</a> qui a permis à la fois d’intégrer au génome du porc six gènes humains favorisant la compatibilité immunitaire avec le receveur, et d’en supprimer trois. Cette modification organique du porc devrait prévenir tout risque de rejet, mais aussi de zoonose. Rappelons que dans les années 1990, les recherches relatives aux xénogreffes avaient été interrompues <a href="https://www.inserm.fr/dossier/maladies-prions-maladie-creutzfeldt-jakob/">par l’émergence de la maladie de Creutzfeldt-Jacob</a> dans un contexte de contaminations interespèces.</p>
<h2>Mieux envisager l’éthique de nos interventions sur l’animal</h2>
<p>En résonnance aux avancées technologiques dans les xénogreffes, on ne peut pas s’empêcher d’évoquer le débat relatif à la production de chimères interespèces autorisée dans la loi n°2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique (article 20) <a href="https://presse.inserm.fr/chimeres-inter-especes/42157/">à des fins de recherche sur l’embryon</a>. Comme si se diluait progressivement, à travers des reconfigurations génétiques, ce qui était distinctif de l’humain au regard de l’animal, et que, d’une certaine manière, se dévoilait une étrange proximité qui justifierait d’être mieux caractérisée. </p>
<p>Cette forme d’altérité pourrait du reste inciter à mieux envisager les règles d’une vigilance éthique dans nos interventions sur l’animal. Du point de vue de la singularité humaine et de ces solidarités interespèces qui émergent de l’innovation biomédicale, il me semble indispensable d’être davantage attentif <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00806908/document">aux réflexions philosophiques que développent les animalistes</a> : l’actualité scientifique leur confère, en ces circonstances, une pertinence qui mérite notre attention.</p>
<p>Autre considérations d’ordre anthropologique, de même que bénéficier du greffon issu d’un cadavre ou d’un donneur apparenté n’est pas anodin, dans son <a href="https://www.agence-biomedecine.fr/IMG/pdf/ripg_2020_def.pdf">Rapport d’information au Parlement et au Gouvernement sur le développement des connaissances et des techniques</a>, l’ABM estime que : </p>
<blockquote>
<p>« De nombreuses questions demandent encore à être résolues avant une éventuelle application à l’homme. Au plan psychologique et éthique notamment, une étude menée auprès d’une centaine de patients greffés ou en attente de greffe a permis d’émettre certaines hypothèses quant à l’acceptabilité psychique d’une xénogreffe. […] Trois profils différents se sont dégagés parmi les patients interrogés : ceux qui acceptent sans condition l’idée d’une xénogreffe (45 %), ceux qui la refusent radicalement (30 %) et les patients qui posent des conditions (25 %). » </p>
</blockquote>
<p>Au-delà des effets d’annonce scientifique, il pourrait être justifié de créer les conditions d’un débat à ce propos au sein de la société, ainsi du reste qu’en ce qui concerne une autre évolution intervenue de manière pour le moins discrète dans les pratiques du prélèvement d’organes : celle du prélèvement d’organes après arrêt circulatoire suite à un arrêt des traitements, <a href="https://www.agence-biomedecine.fr/Protocole-des-conditions-a-respecter-pour-realiser-des-prelevements-d-organes">le protocole « Maastricht 3 »</a>.</p>
<h2>De la greffe d’organes à la conception d’organoïdes</h2>
<p>Dernier élément à intégrer à nos réflexions, les innovations biomédicales relatives à la greffe concernent désormais la reconstruction d’organes à partir de cellules souches pluripotentes induites qui peuvent être ensemencées sur une matrice (comme ce fut le cas pour une bronche), mais également <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2020/02/msc200030/msc200030.html">produire des organoïdes</a> déjà expérimentés notamment dans l’approche des maladies rénales (<em>les organoïdes sont de petites structures tridimensionnelles produites à partir de cellules souches pluripotentes induites, qui reproduisent en partie l’architecture d’un organe, ndlr</em>).</p>
<p>Les enjeux et les promesses de la <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-2006-4-page-474.htm">« médecine régénératrice »</a> sont évoqués depuis une vingtaine d’année, avec aujourd’hui des perspectives et des réalisations de nature à bouleverser les technologies de la vie et du vivant tant du point de vue de nos concepts que de celui de nos représentations.</p>
<p>D’autres questions éthiques spécifiques sont suscitées par les greffes de tissus cérébraux ainsi que la création d’<a href="https://www.recherche-animale.org/le-dilemme-ethique-des-mini-cerveaux">organoïdes de cerveaux humains</a>.
Promesse chirurgicale dont on ignore la destinée, en novembre 2017, le neurochirurgien italien Sergio Canavero annonçait publiquement l’imminence de l’expérimentation <a href="https://controverses.minesparis.psl.eu/public/promo17/promo17_G12/controverses-minesparistech.fr/groupe12/une-operation-aux-limites-de-lethique/index.html">d’une greffe de tête pratiquée sur deux cadavres</a> <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/le-casse-tete-juridique-de-la-greffe-de-tete_116518">à la Harbin Medical University</a>…</p>
<p>La réflexion bioéthique, on le constate, est confrontée à des innovations qui doivent être accompagnées de capacités d’innovations conceptuelles, à la fois en anticipation des évolutions et en accompagnement des équipes dans la mise en œuvre de leurs protocoles. Dans le cadre de son approche de la révision de la prochaine loi de bioéthique, le Parlement devrait favoriser avec l’<a href="http://www.senat.fr/opecst/">Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques</a> (OPECST) et les instances éthiques nationales la concertation indispensable à l’acceptabilité d’innovations disruptives d’ordres à la fois technologue, anthropologique, éthique et sociétal. En 1986, déjà, le philosophe Georges Canguilhem nous interpellait : </p>
<blockquote>
<p>« Innover ne va pas sans risque. Le risque jusqu’où ? Le risque admis par qui ? »</p>
</blockquote>
<hr>
<p><em>Pour aller plus loin : <a href="https://www.editions-eres.com/ouvrage/4275/traite-de-bioethique-iv">« Traité de bioéthique »</a>, sous la dir. de E. Hirsch et F. Hirsch, éditions Eres.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175218/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Hirsch ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La greffe d’un cœur de cochon dans une poitrine humaine est une prouesse biomédicale. Mais ce geste qui brouille les limites interespèces pose la question de l’accompagnement éthique des innovations.Emmanuel Hirsch, Professeur d'éthique médicale, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1752342022-01-19T18:30:46Z2022-01-19T18:30:46ZGreffe d’un cœur de porc chez un patient : ce que pourraient changer les xénotransplantations<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/441586/original/file-20220119-15-8tjgcc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C9%2C5997%2C3998&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un chirurgien de l’école de médecine de l'université du Maryland, à Baltimore (États-Unis), présente le cœur génétiquement modifié qui sera greffé à David Bennett.</span> <span class="attribution"><span class="source">École de médecine de l'université du Maryland</span></span></figcaption></figure><p><em>Le 10 janvier 2022, un communiqué de presse de l’École de médecine de l’Université du Maryland (États-Unis) annonçait <a href="https://www.medschool.umaryland.edu/news/2022/University-of-Maryland-School-of-Medicine-Faculty-Scientists-and-Clinicians-Perform-Historic-First-Successful-Transplant-of-Porcine-Heart-into-Adult-Human-with-End-Stage-Heart-Disease.html">qu’un patient avait été opéré trois jours plus tôt pour recevoir un cœur de cochon génétiquement modifié</a>. Âgé de 57 ans et atteint d’une pathologie cardiaque en phase terminale, David Bennett Sr n’était pas éligible à une greffe classique. Il est devenu le premier être humain dont la vie pourrait avoir été sauvée grâce à une « xénotransplantation », autrement dit par la greffe d’un organe provenant d’un être vivant appartenant à une autre espèce. Professeur à l’Université de Paris et chef du service de chirurgie cardiaque à l’hôpital Bichat (AP-HP), Patrick Nataf revient sur les implications de cette prouesse technologique.</em></p>
<hr>
<p><strong>The Conversation : En tant que chirurgien cardiaque, que vous inspire cette transplantation ? S’agit-il effectivement d’une prouesse médicale ?</strong></p>
<p><strong>Patrick Nataf :</strong> En matière de geste chirurgical, une telle opération diffère peu de celles que l’on met en œuvre régulièrement chez l’être humain. Tout chirurgien cardiaque qui pratique la transplantation sait greffer un cœur dans une autre poitrine. Que celui-ci provienne d’un autre être humain ou d’un cochon voire d’un primate n’est pas l’essentiel. Tant qu’il existe une compatibilité anatomique et morphologique, on peut techniquement transplanter l’organe.</p>
<p>La véritable prouesse n’est pas tant chirurgicale qu’immunologique. Quand on greffe un organe d’une espèce sur une autre, il est généralement immédiatement rejeté par le corps du receveur (son système immunitaire le reconnaît comme étranger et le détruit). Le problème n’est donc pas tant de réussir chirurgicalement la transplantation que d’éviter ce rejet hyperaigu.</p>
<p>C’est l’exploit auquel sont parvenus les spécialistes qui se sont occupés de ce patient. Ils ont pour cela utilisé un cœur provenant d’une lignée de cochon génétiquement modifiée produite par la société américaine Revivicor.</p>
<p><strong>TC : Sait-on quelles ont été les modifications apportées pour obtenir ce cœur de cochon « humanisé » ?</strong></p>
<p><strong>PN :</strong> En consultant <a href="https://www.medschool.umaryland.edu/news/2022/University-of-Maryland-School-of-Medicine-Faculty-Scientists-and-Clinicians-Perform-Historic-First-Successful-Transplant-of-Porcine-Heart-into-Adult-Human-with-End-Stage-Heart-Disease.html">les informations communiquées par l’Université du Maryland</a>, on apprend que le génome de l’animal a été modifié de plusieurs façons. Trois gènes ont été inactivés : ils codaient pour des enzymes impliquées dans la fabrication de sucres présents à la surface des cellules cardiaques (et impliquées dans les mécanismes de rejet). Par ailleurs, six gènes humains ont été insérés, en vue d’améliorer l’acceptation du greffon par le corps du patient.</p>
<p>Enfin, un dernier gène porcin a été inactivé, afin d’éviter une croissance trop importante du cœur de l’animal. Il faut savoir que chez l’être humain, le capital de cellules cardiaques est fixé dans l’enfance et n’augmente que très peu tout au long de l’existence. Durant la croissance les cellules cardiaques ne se multiplient que très modérément. Elles grossissent, surtout, et ce faisant donnent au cœur sa forme.</p>
<p>Les manipulations effectuées sur les cochons de Revivicor semblent avoir permis d’éviter le rejet hyperaigu. Reste maintenant à observer comment vont évoluer les choses. Après une greffe, il peut en effet se produire différents types de rejets : le rejet hyperaigu, qui est immédiat, le rejet aigu, qui survient une à plusieurs semaines après la transplantation, et le rejet chronique, qui survient plus de 6 mois (et parfois des années) après l’opération.</p>
<p>Dans le cas présent, il est encore trop tôt pour avoir des certitudes quant à ce qui va se passer ensuite. Le rejet interespèce a-t-il été uniquement retardé ? Définitivement évité ? Cette dernière éventualité est relativement peu probable : les modifications génétiques n’ont évidemment pas permis d’éliminer tous les motifs moléculaires qui, sur ce greffon d’origine animale, pourraient être perçus par le système immunitaire du patient comme « étranger », et donc mener à son élimination.</p>
<p>Les thérapeutiques immunosuppressives (médicaments destinés à éviter le rejet, en limitant voire supprimant la réponse immunitaire du patient) associées habituellement à la greffe devront être évaluées et adaptées à ce type de transplantation.</p>
<p><strong>TC : Pourquoi les scientifiques ont-ils choisi le cochon plutôt, par exemple, qu’une espèce de primate ?</strong></p>
<p><strong>PN :</strong> Premièrement, parce qu’anatomiquement, le cœur du cochon ressemble beaucoup au cœur de l’être humain. Greffer cet organe ne pose pas vraiment de problème, car sa configuration est approximativement la même que celle de notre cœur. Deuxième point important : les cochons s’élèvent plus facilement que les primates, et ils ont des portées nombreuses, régulières. Enfin, c’est un animal qui grandit assez vite.</p>
<p>On peut donc obtenir rapidement des cœurs de différentes tailles, de volumes variés, adaptés aux morphologies des personnes que l’on doit opérer. Il s’agit là d’un atout majeur du cochon par rapport à d’autres animaux.</p>
<p><strong>TC : Pourrait-on imaginer de greffer d’autres organes que le cœur ? À la fin de l’année dernière, des chirurgiens américains avaient par exemple greffé avec succès <a href="https://www.nytimes.com/2021/10/19/health/kidney-transplant-pig-human.html">un rein de cochon génétiquement modifié</a> sur un patient en état de mort cérébrale…</strong></p>
<p><strong>PN :</strong> Anatomiquement, on peut chirurgicalement envisager la greffe d’à peu près tous les organes. Cependant il faut souligner qu’il existe des formes de rejet spécifiques à chaque organe et que chaque organe a des fonctions différentes. De ce point de vue, la complexité immunologique et fonctionnelle n’est pas la même selon l’organe considéré. Ce peut être une des limites pour généraliser à tous les organes ce type de transplantation.</p>
<p><strong>TC : Au-delà des rejets, existe-t-il d’autres risques potentiels ?</strong></p>
<p><strong>PN :</strong> On ne peut pas éliminer complètement le risque d’une contamination par un agent pathogène. Même si ces cochons sont élevés dans des laboratoires où les conditions sont strictement contrôlées, et que les cœurs utilisés sont censés être indemnes de tout agent pathogène, on ne peut pas affirmer que le risque est nul.</p>
<p>On pourrait par exemple imaginer que, même si les zoonoses (maladies se transmettant de l’animal à l’humain) que l’on connaît sont bien contrôlées, certaines maladies jusqu’ici non encore identifiées puissent se révéler après transplantation. Un peu comme ce qui s’est passé durant la crise de la vache folle pour les maladies à prions… Il faut d’ailleurs se souvenir que c’est cette crise sanitaire qui a mis un violent coup de frein à la recherche sur les xénotransplantations, qui, en matière de recherche, avait le vent en poupe dans notre pays jusqu’au début des années 1990.</p>
<p><strong>TC : Pourquoi cette technologie a-t-elle été choisie pour ce patient ? N’y avait-il pas d’autre solution ?</strong></p>
<p><strong>PN :</strong> Le patient qui a reçu cette xénogreffe était maintenu en vie grâce à une assistance respiratoire extra-corporelle (extracorporeal membrane oxygenation – ECMO). En d’autres termes, son sang était pompé au moyen de canules puis mis en circulation après son passage dans une machine destinée à l’oxygéner. Les ECMO ne pouvant être utilisées que pendant un laps de temps limité, ce type de patient est prioritaire pour obtenir un greffon. Mais il n’est pas toujours possible de lui en procurer un, du fait de l’incapacité de trouver un greffon humain compatible morphologiquement ou immunologiquement, ou encore en raison d’une dégradation de son état général, avec des défaillances pouvant toucher d’autres organes. Dans ces conditions, il faut envisager d’autres solutions.</p>
<iframe title="New York Times Video -- Embed Player" width="100%" height="321" frameborder="0" scrolling="no" allowfullscreen="true" marginheight="0" marginwidth="0" id="nyt_video_player" src="https://www.nytimes.com/video/players/offsite/index.html?videoId=100000008154365"></iframe>
<p>Le chirurgien peut alors choisir d’installer un ventricule artificiel, comme solution temporaire ou à titre définitif. Il peut aussi envisager la pose d’un cœur artificiel total, <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/soigner/coeur-artificiel/le-coeur-artificiel-de-l-entreprise-francaise-carmat-a-ete-vendu-pour-la-premiere-fois_4708233.html">tel celui mis au point par l’entreprise française Carmat</a>, en attendant une transplantation. Mais ce type d’appareillage n’est pas disponible pour toutes les morphologies de patients, et il ne peut pas être utilisé systématiquement, cela dépend du type de défaillance observée. Par ailleurs, la pose de ces dispositifs n’est pas sans danger.</p>
<p>Outre les aléas liés à la chirurgie ou à la défaillance de la machine, il existe aussi des risques d’infection (les ventricules, par exemple, sont alimentés par des câbles qui sortent par la peau, et ces points peuvent s’infecter). Enfin, la qualité de vie des patients s’en ressent : ils doivent vivre en permanence avec une machine reliée soit à une prise de courant, soit à des batteries externes, ce qui limite leur autonomie.</p>
<p>Les xénogreffes pourraient constituer des organes de transition, voire de remplacement définitif. Si elles devenaient un jour largement disponibles, cela permettrait peut-être de limiter l’impact de la pénurie à laquelle nous faisons face, malgré une législation aujourd’hui très en faveur du prélèvement d’organe en cas de décès. Chaque année, en France, environ 800 patients attendent une greffe du cœur, mais seuls 400 sont transplantés, faute de greffons. Dans le cas des autres organes, environ 20 000 patients sont en attente d’une transplantation (de foie, poumons, rein, etc.). Seuls 5000 d’entre eux en recevront une, tandis que 1500 décéderont faute de greffon.</p>
<p><strong>TC : Mais quand bien même cette première chirurgicale se solderait par un succès, il ne s’agit pour l’instant que d’un premier essai. Cette technologie n’est pas près d’être démocratisée…</strong></p>
<p><strong>PN :</strong> Non. Mais surtout, les enjeux ne se limitent pas aux questions de disponibilité ou de faisabilité technique. Selon moi, le défi posé par les xénogreffes n’est pas seulement chirurgical, immunologique, ou infectieux. Il est avant tout éthique, psychologique et sociétal, et nécessite de prendre le temps de la réflexion.</p>
<p>Quel sera le niveau d’acceptation des xénogreffes par la population, les instances politiques, religieuses, les ONG, etc. ? Certes, on implante déjà en routine des valves cardiaques de porc pour remplacer celles, défectueuses, de certains patients. Mais annoncer à quelqu’un qu’on va lui greffer un cœur d’animal complet, en remplacement du sien, n’a probablement pas les mêmes implications psychologiques. Cela pourrait poser problème à certaines personnes. Et à l’heure où certains s’inquiètent de l’exploitation et de la souffrance des animaux, que penser de cette approche qui les instrumentalise ? Sans même parler du fait que ces animaux sont des organismes génétiquement modifiés, nécessitant de recourir à des technologies qui polarisent fortement les débats, elles aussi. Prendre le temps de se pencher sur toutes ces questions, importantes, est essentiel. Rappelons qu’à ses débuts, la transplantation cardiaque entre humains elle-même a été très décriée…</p>
<p>Mais au-delà de ces questions se pose aussi la place de la recherche française dans le paysage international. Aujourd’hui, dans le secteur des xénogreffes, et plus largement de la recherche sur la transplantation, la France est distancée par les États-Unis, la Chine, l’Allemagne ou le Japon, alors même que nos équipes de transplantation sont très performantes. Notre recherche doit rester compétitive. Pour cela, des investissements majeurs sont à prévoir afin de parvenir à regrouper toutes les compétences de haut niveau sur ce thème.</p>
<p>Une solution serait de créer un <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/74-millions-d-euros-supplementaires-pour-les-instituts-hospitalo-universitaires">institut hospitalo-universitaire</a> (IHU) spécialisé dans la transplantation multiorganes (<em>labellisés par l’État, les IHU sont des pôles d’excellence visant à fédérer recherche, soin, formation et transfert de technologies dans le domaine biomédical. Il en existe 6 en France actuellement, ndlr</em>). Nous travaillons actuellement sur le Campus Nord Parisien à la réalisation de ce projet, qui réunirait les médecins, chirurgiens, chercheurs de tout type, spécialistes des questions de transplantations et d’innovation dans ce domaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175234/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Patrick Nataf ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le 7 janvier dernier, l’Américain David Bennet s’est vu greffer un cœur de porc génétiquement modifié. Chef du service de chirurgie cardiaque à l'hôpital Bichat, Patrick Nataf analyse cette prouesse.Patrick Nataf, Professeur à l’'université de Paris, chef du service de chirurgie cardiaque à l'hôpital Bichat (AP-HP), Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1642542021-07-21T23:37:05Z2021-07-21T23:37:05ZLoi de bioéthique : les apports d’une révision majeure pour la biomédecine<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/412553/original/file-20210721-25-14bao7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1246%2C826&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">Lionel Bonaventure / AFP</span></span></figcaption></figure><p>La loi « relative à la bioéthique », validée par le Conseil constitutionnel, a été publiée au Journal officiel le 3 août 2021.</p>
<p>Ce texte représente l’aboutissement de deux années de navette parlementaire, marquées par l’échec de la Commission mixte paritaire (chargée de trouver un compromis entre les deux chambres) et par le refus du Sénat de procéder à une dernière lecture.,</p>
<p>Cette révision marquera l’histoire de la biomédecine en raison des profondes transformations qu’elle apporte à l’encadrement des techniques biomédicales, dont certaines viennent répondre par la positive à plusieurs demandes sociétales.</p>
<p>La loi nouvelle se trouve composée de 7 titres. Les intitulés de ces derniers, qui reprennent les notions de solidarité, de principes éthiques, d’autonomie, de liberté et de responsabilité, traduisent la volonté législative d’une évolution conduite dans le respect des valeurs essentielles de notre société.</p>
<h2>L’extension de l’assistance médicale à la procréation</h2>
<p>En tête du texte, on trouve la mesure phare de la loi : l’extension de l’accès de l’assistance médicale à la procréation (AMP – parfois qualifiée de « procréation médicalement assistée » ou PMA) aux couples de femmes et aux femmes célibataires, sans aucune différence de traitement selon l’orientation sexuelle du couple ou le statut de femme célibataire (CSP., art. L. 2141-2).</p>
<p>Dans le prolongement de cette mesure est institué un système inédit d’établissement de la filiation pour les enfants des couples de femmes. La filiation est, de façon tout à fait classique, établie à l’égard de la femme qui accouche par sa désignation dans l’acte de naissance. Mais elle est désormais également établie vis-à-vis de l’autre mère par une reconnaissance conjointe anticipée faite devant notaire lors du recueil des consentements, puis transmise à l’officier d’état civil au moment de la naissance (C. civ., art. 342-11).</p>
<p>Un couple de femmes dont l’enfant serait né d’une AMP pratiquée à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la loi peut aussi recourir à ce mécanisme de la reconnaissance conjointe lorsque la filiation de l’enfant n’est établie qu’à l’égard de celle qui a accouché.</p>
<p>Autre disposition majeure concernant l’AMP : la condition selon laquelle un embryon ne peut être conçu avec des gamètes ne provenant pas d’un au moins des membres du couple disparaît. Les couples dont la situation le nécessite pourront donc désormais bénéficier d’un don double don de gamètes masculin et féminin, afin qu’un embryon soit constitué à leur attention (CSP., art., L. 2141-3).</p>
<h2>Les limites à l’AMP</h2>
<p>L’AMP <em>post mortem</em> continue d’être interdite et la ROPA (réception de l’ovocyte par la partenaire), qui permet à une femme de porter l’enfant conçu avec l’ovocyte de sa partenaire, n’est pas autorisée.</p>
<p>La <a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/18636-gestation-pour-autrui-quelles-sont-les-evolutions-du-droit">gestation pour autrui (GPA)</a>, qui consiste pour une femme « désignée généralement sous le nom de « mère porteuse », à porter un enfant pour le compte d’un « couple de parents d’intention » à qui il sera remis après sa naissance », reste strictement interdite.</p>
<p>Concernant la question de la transcription sur les registres de l’état civil français des actes de naissance des enfants nés à l’étranger de cette technique, un amendement exige que la reconnaissance de la filiation soit « appréciée au regard de la loi française », ce qui empêche la transcription automatique du parent qui n’est pas biologiquement lié avec l’enfant. Pour voir sa parenté reconnue sur le sol français, ce dernier devra recourir à l’adoption (C. civ., art. 47).</p>
<p>La loi reconnaît aux personnes majeures le droit de procéder à l’autoconservation de leurs gamètes en dehors d’un quelconque motif médical, en vue de la réalisation ultérieure, à leur bénéfice, d’une AMP. En revanche, la disposition au travers de laquelle un donneur n’ayant pas encore procréé se voyait proposer le recueil et la conservation d’une partie de ses gamètes ou de ses tissus germinaux, en vue d’une éventuelle AMP future pour lui-même, est supprimée.</p>
<h2>Le droit d’accès aux origines</h2>
<p>Un droit d’accès aux origines personnelles des personnes conçues par dons de gamètes et d’embryons est créé : toute personne conçue par AMP avec tiers donneur pourra, à sa majorité, accéder à l’identité et aux données non identifiantes du tiers donneur définies à l’article <a href="https://www.senat.fr/rap/l10-388/l10-3888.html">L. 2143 3</a> (âge, état général tel qu’elles le décrivent au moment du don, caractéristiques physiques, situation familiale et professionnelle, nationalité, motivations du don rédigées par leurs soins).</p>
<p>Désormais, tout donneur de gamètes ou tout couple décidant de proposer un embryon à l’accueil devront, expressément et préalablement au don, consentir à ce que ces données soient communiquées à l’enfant devenu majeur s’il en fait la demande. En cas de refus, ces personnes ne pourront procéder au don (CSP., art. L. 2143-2). Une commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur, placée auprès du ministre chargé de la santé, sera en charge des demandes relatives à l’accès aux origines des personnes conçues par AMP exogène (AMP faisant intervenir un tiers donneur via un don de spermatozoïdes, d’ovocytes ou d’embryon).</p>
<p>Les personnes conçues antérieurement à la loi nouvelle, dès lors qu’elles souhaitent accéder leurs origines, bénéficient de deux mesures. <em>Primo</em>, elles peuvent effectuer une demande en ce sens auprès de la commission d’accès aux données précitée. <em>Secondo</em>, les donneurs ayant fait un don avant l’entrée en vigueur de la loi pourront se manifester auprès de cette commission (CSP., art. L. 2143-6).</p>
<h2>Des évolutions majeures en matière de dons d’organes et de tissus</h2>
<p>Les débats autour de l’assistance médicale à la procréation ont eu tendance à monopoliser la scène publique. Pourtant, d’autres secteurs de la biomédecine connaissent d’importantes évolutions suite à ce texte. C’est en particulier le cas pour les greffes.</p>
<p>Dans l’objectif affiché d’accroître la possibilité de dons croisés (technique réunissant plusieurs couples de donneurs/receveurs compatibles entre eux lorsque le proche donneur n’est pas compatible avec le patient), le nombre maximal de paires de donneurs et de receveurs consécutifs est porté de deux à 6. Imaginons qu’une personne A souhaite donner à son proche (receveur 1) mais n’est pas compatible avec lui et qu’une personne B est dans la même situation avec l’un de ses proches (receveur 2). Si le donneur A est compatible avec le receveur 2 et que la personne B est compatible avec le receveur 1, une greffe peut désormais être envisagée entre le donneur A et le receveur 2 et une autre entre le donneur B et le receveur 1.</p>
<p>Il peut aussi désormais être fait recours à un organe prélevé sur une personne décédée « pour augmenter les possibilités d’appariement entre donneurs et receveurs engagés dans un don croisé et en substitution au prélèvement de l’un des donneurs vivants », afin d’augmenter les possibilités d’appariement (CSP., art. L. 1231-1, II).</p>
<p>Les personnes majeures protégées (tutelle, curatelle, habilitation familiale, mandat de protection future en application) sont autorisées à faire un don de leur vivant, à l’exclusion de celles qui font l’objet d’une mesure de représentation à la personne (CSP, art. L.1231-2).</p>
<p>Le don de cellules hématopoïétiques (don <a href="https://dondesang.efs.sante.fr/le-don-volontaire-de-moelle-osseuse">« de moelle osseuse »</a>), strictement encadré en raison de son caractère invasif, est élargi, de façon exceptionnelle, d’une part aux père et mère d’une personne mineure, d’autre part aux père et mère ou enfants d’une personne majeure faisant l’objet d’une protection à la personne (CSP, art. L. 1241-3 et L. 1241-4).</p>
<p>Dans le cadre du don de sang, toute différence de traitement des donneurs fondée sur leur orientation sexuelle est proscrite. Il est donc mis fin au délai d’abstinence de quatre mois auparavant imposé aux hommes entretenant des relations avec les autres hommes. À l’instar du don de cellules hématopoïétiques, le cercle des donneurs de sang est élargi aux personnes majeures faisant l’objet d’une mesure de protection autre qu’avec représentation à la personne.</p>
<p>Le don de corps est désormais légalement encadré. Les établissements de santé autorisés à recevoir ce type de dons « s’engagent à apporter respect et dignité aux corps qui leur sont confiés » (CSP., art. L. 1261-1).</p>
<p>À lire aussi : <a href="https://theconversation.com/don-de-corps-a-la-medecine-comment-eviter-que-dissection-ne-rime-avec-transgression-128152">Don de corps à la médecine : comment éviter que dissection ne rime avec transgression ?</a></p>
<h2>Le retour de la technique du « bébé-médicament »</h2>
<p>La technique du diagnostic préimplantatoire – typage HLA (DPI-HLA), plus couramment dénommée « bébé-médicament » ou « bébé du double espoir », qui avait été supprimée en première lecture, reste autorisée. Il s’agit de permettre à des parents de concevoir un enfant indemne de la maladie génétique familiale qui a atteint son aîné et est susceptible de soigner cet ainé malade de façon définitive grâce aux cellules souches du sang placentaire <a href="https://www.agence-biomedecine.fr/Extension-du-DPI-DPI-HLA,179">prélevées dans le cordon ombilical ou, plus tard, de la moelle osseuse</a>.</p>
<p>La loi facilite la pratique en rendant inopposable à ce dispositif la règle selon laquelle un couple dont des embryons ont été conservés ne peut bénéficier d’une nouvelle tentative de fécondation <em>in vitro</em> avant le transfert de ceux-ci (CSP, art. L. 2131-4-1).</p>
<h2>La facilitation des examens génétiques</h2>
<p>Le secteur des examens génétiques et de la transmission des informations qui en découlent connaît des modifications justifiées par l’intérêt de la personne sur laquelle l’examen est pratiqué et, aussi, par la volonté de permettre aux proches de bénéficier de mesures de prévention ou de soin.</p>
<p>Dans cette ligne d’idées, un examen génétique peut être entrepris sur une personne décédée ou hors d’état de s’exprimer, sous réserve qu’elle ne s’y soit pas opposée antérieurement (CSP., art. L. 1130-4).</p>
<p>Les conditions d’information de la parentèle sont précisées : la personne chez qui a été diagnostiquée une anomalie génétique pouvant être responsable d’une affection grave se trouve dans l’obligation d’informer les membres de sa famille potentiellement concernés dont elle possède (ou peut obtenir) les coordonnées, dès lors que des mesures de prévention ou de soins peuvent leur être proposées. Elle dispose cependant d’une option quant aux moyens de remplir cette obligation, puisqu’elle peut procéder elle-même à l’information des proches concernés ou demander au médecin de le faire (. CSP., art. L. 1131-1. – I.).</p>
<p>La loi permet d’informer le patient, à condition de son assentiment, de découvertes de caractéristiques génétiques incidentes, sans relation avec l’indication initiale de l’examen, dès lors que ces informations permettent à la personne ou aux membres de sa famille de bénéficier de mesures de prévention – y compris de conseil génétique – ou de soins (C. civ., art. 16-10).</p>
<p>La transmission d’informations à caractère génétique relative à une anomalie pouvant être responsable d’une affection grave justifiant des mesures de prévention – y compris de conseil génétique – ou de soins, est organisée tant à l’égard des donneurs de gamètes que des enfants issus de leurs dons, de même qu’en cas d’accouchement sous X. (CSP, art. L.1131-1-2).</p>
<p>Des droits et des garanties des patients en matière de données massives sont prévues. L’information du patient préalable à l’utilisation d’un dispositif médical comportant un traitement algorithmique de données massives (intelligence artificielle) est assurée. Il revient au médecin qui pratique l’examen de s’assurer que la personne a été informée et qu’elle est, le cas échéant, avertie de l’interprétation qui en résulte (CSP, art. L.4001-3).</p>
<h2>D’importantes évolutions pour la recherche</h2>
<p>D’un point de vue administratif, le délai maximum de culture des embryons sur lesquels une recherche est menée passe de 7 à 14 jours (CSP, art. L.2151-5, IV). D’un point de vue scientifique, afin d’augmenter les possibilités de recherche, la recherche sur les cellules souches embryonnaires se trouve facilitée : l’obligation pour les chercheurs d’obtenir une autorisation leur permettant de mener leurs expérimentations a été levée en faveur d’une simple déclaration (CSP., art. L. 2151-6. – I).</p>
<p>L’interdiction de création d’embryons transgéniques (obtenus par l’introduction dans le génome d’une séquence d’ADN étrangère à l’organisme concerné) ou chimériques (dans lequel on a intégré quelques cellules provenant d’une autre espèce) est supprimée. Il n’en subsiste que l’interdiction de modifier un embryon humain par l’adjonction de cellules qui proviendraient d’autres espèces (CSP., art. L. 2151-2).</p>
<p>Enfin, le texte précise que l’imagerie cérébrale fonctionnelle, destinée à l’observation de l’activité cérébrale pour en déduire des conséquences sur le psychisme, ne peut être utilisée qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique. Elle est interdite dans le cadre d’expertises judiciaires (C. civ., art. 16-14).</p>
<h2>D’autres évolutions importantes</h2>
<p>Parmi les autres mesures à retenir, on peut noter que la prise en charge des enfants présentant une variation du développement génital est améliorée, le délai de mention du sexe à l’état civil est allongé, de même que les conditions de rectification du sexe ou des prénoms à l’état civil sont facilitées. (CSP., art. L.2131-6 et C. civ., art. 57).</p>
<p>L’interruption médicalisée de grossesse connaît également quelques modifications. Parmi elles, la suppression du délai de réflexion d’une semaine à respecter pour la femme avant de procéder à ladite interruption. Le texte encadre aussi la pratique de l’interruption médicale de grossesse partielle qui vise, en cas de grossesse multiple mettant en péril la santé de la femme, à interrompre le développement d’un ou plusieurs embryons (CSP, art. L. 2213-1).</p>
<p>Le texte définitif de la loi relative à la bioéthique a suscité des réactions pour le moins diverses.</p>
<p>Il a été accueilli par les uns comme <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/06/30/loi-de-bioethique-une-evolution-salutaire-qui-reste-a-consolider-et-a-evaluer_6086398_3232.html">« une évolution salutaire qui reste à consolider »</a>, selon les termes de Jean‑François Delfraissy, président du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) et Pierre-Henri Duée, président de la section technique du CCNE. D’autres ont dénoncé un <a href="https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Le-Conseil-constitutionnel-saisi-loi-bioethique-2021-07-06-1201165064">« scientisme sans limite »</a>, dans une tribune signée par 80 députés LR et UDI.</p>
<p>La loi devrait être révisée d’ici un délai de 7 ans.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/164254/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Depadt ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La troisième révision des lois de bioéthique est en cours d’achèvement. Votée par l’Assemblée nationale fin juin 2021, il s’agit d’une évolution majeure qui marquera l’histoire de la biomédecine.Valérie Depadt, Maître de conférences en droit, Université Sorbonne Paris NordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.