tag:theconversation.com,2011:/us/topics/groenland-68474/articlesGroenland – The Conversation2023-11-07T17:28:38Ztag:theconversation.com,2011:article/2171042023-11-07T17:28:38Z2023-11-07T17:28:38ZLes plates-formes de glace du Groenland, des « barrages » naturels protégeant la calotte polaire qui s’affaiblissent<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/557716/original/file-20231106-25-pg0o4r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le glacier Zachariæ Isstrøm en 2016. Ce dernier décharge des icebergs de plusieurs kilomètres de long dans l’océan.</span> <span class="attribution"><span class="source">Romain Millan</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les glaciers du Groenland, comme ailleurs dans le monde, <a href="https://theconversation.com/un-premier-atlas-mondial-pour-estimer-les-volumes-deau-des-glaciers-176585">perdent de la glace, principalement du fait du réchauffement climatique</a>. La plupart des glaciers de la région ont commencé à perdre de la masse dès le début des années <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1904242116">1980 et 1990</a>, et plus spécifiquement au nord-ouest et au sud-est de la calotte polaire. Contrairement à leurs voisins, les glaciers du nord du Groenland, qui possèdent assez de glace pour élever le niveau marin de plus de deux mètres, étaient restés relativement stables.</p>
<p>Dans cette région, les glaciers possèdent des caractéristiques uniques au Groenland : une fois arrivés au niveau de l’océan, ils se mettent à flotter et forment des plates-formes de glace de plusieurs dizaines, voire des centaines de kilomètres de long. Ces plates-formes de glace, qui sont les extensions naturelles de la calotte, agissent comme d’immenses « barrages » gelés qui régulent la quantité de glace déversée dans l’océan.</p>
<p>Or, ces plates-formes de glace s’amenuisent progressivement, et trois d’entre elles se sont déjà effondrées depuis le début des années 2000. Un signal inquiétant : la fragilisation de ces plates-formes pourrait menacer les glaciers du Groenland et contribuer à accélérer l’augmentation du niveau marin. C’est que nous venons de publier le 7 novembre dans <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-023-42198-2"><em>Nature Communications</em></a> avec des confrères danois et américains.</p>
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<h2>Plates-formes de glace et montée des eaux</h2>
<p>Pour décrypter l’évolution de ces glaciers, il est nécessaire de comprendre comment fonctionnent les calottes polaires. Cela peut être difficile à imaginer, mais les glaciers s’écoulent sous l’effet de leur propre poids de manière similaire à celui du miel sur une tartine. Tout d’abord, de la neige s’accumule en haut de la calotte, et se transforme petit à petit en glace. Cette masse au sommet va pousser la glace, créant un écoulement, qui va ensuite se mettre à fondre en rencontrant une atmosphère plus chaude à des altitudes plus faibles.</p>
<p>En arrivant sur la côte, la glace va être évacuée par plusieurs branches en suivant des vallées – les fjords – selon deux manières possibles :</p>
<ul>
<li><p>Soit en formant de grandes falaises de glace, appelées fronts, dont des morceaux vont se détacher en icebergs.</p></li>
<li><p>Soit le glacier va former de grandes plates-formes flottantes. Dans ce dernier cas, la fonte de la glace par dessous, au contact des eaux chaudes océaniques, va venir s’ajouter à celle causée par les icebergs qui se détachent du front.</p></li>
</ul>
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<figcaption><span class="caption">Écoulement de la calotte polaire groenlandaise, calculé à l’aide d’images satellites (animation : NASA).</span></figcaption>
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<p>Pour mesurer la santé du glacier et savoir dans quelle mesure ces phénomènes provoquent une élévation du niveau marin, les glaciologues calculent le <a href="https://www.encyclopedie-environnement.org/zoom/bilan-masse-glaciers/">bilan de masse</a>. Il s’agit de la différence entre l’ensemble de la glace qui s’accumule sur la calotte, et celle qui est évacuée. L’accumulation provient de l’apport successif de couches de neige hivernale. Du côté des pertes, on retrouve plusieurs phénomènes, comme la fonte au contact de l’air ou de l’océan ou la perte sous forme d’iceberg appelé vêlage (voir schéma plus haut). Ce bilan de masse permet alors de connaître précisément la quantité de glace perdue ou gagnée sur une période et d’en déduire la contribution du glacier à l’élévation du niveau marin.</p>
<p>Avec le réchauffement climatique, deux phénomènes s’accentuent et viennent augmenter les pertes de la calotte du Groenland, alors que les gains restent identiques, ce qui lui fait perdre de la masse.</p>
<ul>
<li><p>La première cause de ces pertes accrues (60 %) est due à une atmosphère plus chaude, qui augmente la fonte de surface.</p></li>
<li><p>la seconde partie (40 %) est due à l’accélération de ce mouvement des glaciers, qui provoque une augmentation du vêlage d’icebergs et de la fonte au contact de l’océan. Cet écoulement de glace peut notamment augmenter lorsque le front des glaciers se terminant dans l’océan se retire, ou lorsque les plates-formes de glace s’amincissent. Comme lorsqu’on débouche une bouteille de champagne, des contraintes sont relâchées, entraînant une accélération de la glace.</p></li>
</ul>
<p>À elle seule, la calotte polaire groenlandaise a contribué à plus de <a href="https://www.cambridge.org/core/books/climate-change-2021-the-physical-science-basis/summary-for-policymakers/8E7A4E3AE6C364220F3B76A189CC4D4C">17 % de l’augmentation du niveau marin sur la période 2006-2018</a>.</p>
<h2>Processus complexes à l’interface air, eau et glace</h2>
<p>Les dernières plates-formes du Groenland jouent ainsi un rôle crucial de barrage, qui stabilise la décharge de glace de la calotte. Il est donc crucial de connaître les mécanismes qui les affaiblissent pour prédire l’évolution à venir des calottes polaires, aussi bien au Nord qu’au Sud (en <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.aax2215">Antarctique, la plupart des glaciers possèdent des extensions flottantes</a>). Mesurer ces changements est néanmoins extrêmement complexe, car ces plates-formes sont à la fois au contact des eaux océaniques et de l’atmosphère.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/557754/original/file-20231106-15-i4tlkw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/557754/original/file-20231106-15-i4tlkw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=244&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/557754/original/file-20231106-15-i4tlkw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=244&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/557754/original/file-20231106-15-i4tlkw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=244&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/557754/original/file-20231106-15-i4tlkw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=307&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/557754/original/file-20231106-15-i4tlkw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=307&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/557754/original/file-20231106-15-i4tlkw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=307&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Coupe schématique d’une plate-forme de glace et des processus qui affectent son évolution.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Eliot Jager</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Il faut ainsi pouvoir distinguer la fonte provenant du réchauffement de l’air de celle provenant du réchauffement de l’océan. En dehors des processus de fonte, l’affaiblissement de ces plates-formes de glace peut également se mesurer par l’ouverture de plus en plus fréquente de crevasses (endommagement), ou encore par le retrait du front de glace et du point d’ancrage des glaciers au sol (qu’on appelle ligne d’échouage).</p>
<p>Pour compliquer encore les choses, ces plates-formes se situent dans des endroits très isolés, presque inaccessibles et avec des conditions climatiques extrêmement difficiles. Mesurer l’ensemble de ces processus sur le terrain est donc très délicat, voire impossible dans certains cas, comme le montre la vidéo ci-dessous. Pour pallier ce problème, l’imagerie satellitaire et les modèles numériques sont des alliés clés.</p>
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<figcaption><span class="caption">Vol au-dessus du glacier de Zachariæ Isstrøm, dont la plate-forme s’est effondrée au début des années 2000. À gauche, on observe un chao d’iceberg géant se détachant de la calotte polaire (Romain Millan, Abbas Khan).</span></figcaption>
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<h2>Des signes d’affaiblissement au nord du Groenland</h2>
<p>C’est en combinant des données obtenues à partir de <a href="https://ige-vis.univ-grenoble-alpes.fr/glaciers/index.html">satellites</a> et d’avion (comme dans la vidéo ci-dessus) que nous avons pu montrer des signes inquiétants d’affaiblissement des glaciers du nord du Groenland. En collaboration avec l’Université de Copenhague, le Service géologique national du Danemark et du Groenland, nous avons pu calculer la quantité de glace perdue par ces plates-formes, soit plus du tiers de leur volume.</p>
<p>En combinant ces données avec des modèles climatiques, nous avons pu reconstituer l’histoire de la fonte sous les plates-formes de glace flottantes. Il s’avère que celle-ci a augmenté drastiquement depuis les années 2000, date à partir de laquelle nous avons pu faire un suivi temporel plus fin de ce processus. En combinant ces résultats avec des observations et des reconstructions des conditions océaniques, nous avons montré une corrélation entre l’augmentation de cette fonte sous-marine et celle des températures de l’océan. Nous avons aussi pu montrer que la fonte sous-marine est responsable de 56 % des pertes de masse des plates-formes. Le vêlage (icebergs tombant des plates-formes dans l’océan) serait lui responsable de 38 % des pertes de masses, et la fonte en surface reste des 6 % restants : c’est donc un paramètre mineur dans l’amincissement.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/557813/original/file-20231106-270180-2wt8zo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/557813/original/file-20231106-270180-2wt8zo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/557813/original/file-20231106-270180-2wt8zo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/557813/original/file-20231106-270180-2wt8zo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/557813/original/file-20231106-270180-2wt8zo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/557813/original/file-20231106-270180-2wt8zo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/557813/original/file-20231106-270180-2wt8zo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les chercheurs Romain Millan et Anders Bjørk instrumentent le glacier Zachariæ Isttrøm au nord de la calotte Groenlandaise pour mieux connaître son évolution, suite à l’effondrement de sa plate-forme.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Anders Bjørk</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<h2>Quelles conséquences pour l’élévation du niveau des mers ?</h2>
<p>Le problème, c’est que cet affaiblissement des plates-formes impacte directement les glaciers qui se situent en amont. Sur toute la période d’observation, nous avons ainsi mesuré un recul marqué des lignes d’échouage des glaciers, allant jusqu’à 8 km pour les reculs les plus forts. Les changements observés au niveau de cette frontière naturelle sont des indicateurs sensibles de la réaction du glacier au réchauffement climatique, et également utilisé comme un marqueur d’instabilité.</p>
<p>En mesurant l’écoulement et l’épaisseur des glaciers, nous avons aussi pu calculer la quantité de glace déversée dans l’océan en réponse à cet affaiblissement des plates-formes. Pour certains glaciers, cette décharge de glace a augmenté de plus de 25 %, rejetant ainsi encore plus de glace directement dans la mer.</p>
<p>Une augmentation continue des températures de l’air et de l’océan, comme il a été montré par le dernier rapport du <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/">GIEC</a>, pourrait ainsi menacer durablement les dernières plates-formes de glace du nord du Groenland. Par exemple, le glacier Zachariæ Isstrøm, a perdu sa plate-forme flottante au début des années 2000, et nous avons ensuite observé une quantité de glace se déversant dans l’océan qui a presque <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.aac7111">doublé</a>. Cette région pourrait alors devenir une des régions de la calotte polaire contribuant le plus à l’augmentation du niveau des mers.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217104/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les plates-formes de glace du Groenland agissent comme des « barrages » qui régulent la quantité de glace déversée dans l’océan. Leur disparition va accélérer le rythme de la montée des eaux.Romain Millan, Glaciologue au CNRS, Glaciologue, Université Grenoble Alpes (UGA)Anne Chapuis, chargée de communication CNRS, Université Grenoble Alpes (UGA)Eliot Jager, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1968162022-12-29T17:41:12Z2022-12-29T17:41:12ZÀ l’écoute du chant des glaciers qui fondent<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/502105/original/file-20221220-23-m7ippi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=38%2C44%2C4243%2C2657&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Regard au coeur d’un glacier.</span> <span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p><em>22 août 2022. Glacier Kongsvegen, 20 km à l’est de Ny Ålesund, dans l’archipel norvégien de Svalbard, aussi près du pôle Nord que Marseille de Paris.</em></p>
<p>Ça y est, nous avons atteint le fond du glacier, qui se trouve à 327 mètres sous nos pieds. Après avoir foré dans la glace pendant 6 heures, notre jet d’eau chaude vient creuser dans les sédiments. Le tuyau qui le relie à la surface cesse de se dérouler et Thomas Schuler, le chef de notre <a href="https://www.mn.uio.no/geo/english/research/projects/mammamia/">projet</a> de recherche, confirme que la base du glacier a été atteinte.</p>
<p>Je descends de l’hélicoptère et Coline Bouchayer, doctorante associée au projet, m’annonce la bonne nouvelle. Soupir de soulagement. John Hult, l’ingénieur du projet, et Svein Oland, un mécanicien de l’Institut polaire norvégien, sont particulièrement soulagés.</p>
<p>Nous avions essayé de réaliser la même opération au printemps dernier, mais les températures de -30 °C avaient gelé l’eau du système de forage, rendant impossible la poursuite de l’opération. Cette fois-ci, les moteurs qui fonctionnent encore apportent une odeur de diesel aux terres gelées qui nous entourent.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/485688/original/file-20220920-3487-e4vmh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485688/original/file-20220920-3487-e4vmh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485688/original/file-20220920-3487-e4vmh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485688/original/file-20220920-3487-e4vmh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485688/original/file-20220920-3487-e4vmh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485688/original/file-20220920-3487-e4vmh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=449&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485688/original/file-20220920-3487-e4vmh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=449&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485688/original/file-20220920-3487-e4vmh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=449&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le Kongsvegen, glacier arctique du Svalbard où nous avons mené nos recherches. Pour découvrir ce qui se trouve à des centaines de mètres de profondeur, nous avons foré jusqu’aux sédiments situés sous le glacier (voir les étoiles vertes). Nous y avons installé un laboureur pour mesurer les forces à la base du glacier, et plusieurs sismomètres pour écouter ses vibrations. Nous avons également installé des sismomètres à différents endroits (points jaunes) de la surface du glacier.</span>
<span class="attribution"><span class="source">T.V. Schuler</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Notre objectif ici n’est pas de reconstituer les <a href="https://www.ice-memory.org/">climats passés</a> en extrayant des carottes de glace comme le font les missions en Antarctique ou au Groenland. Il s’agit plutôt d’explorer ce qui se passe à des centaines de mètres sous la surface, là où le glacier repose sur son lit de roches et de sédiments. C’est là que se joue sa stabilité, car l’eau de fonte venant de la surface s’y infiltre et agit comme un lubrifiant.</p>
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<p>L’augmentation rapide des températures engendrée par le changement climatique cause une fonte accélérée des glaciers, ce qui pourrait déclencher de nombreuses instabilités glaciaires, comme le prévoit le <a href="https://www.ipcc.ch/srocc/">Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)</a>.</p>
<p><a href="https://climateactiontracker.org/global/temperatures/">Les tendances actuelles</a> devraient entraîner un réchauffement d’environ 2,7 °C par rapport aux niveaux préindustriels d’ici à 2100, soit bien plus que la limite maximale de 1,5 °C recommandée par l’<a href="https://climate.ec.europa.eu/eu-action/international-action-climate-change/climate-negotiations/paris-agreement_en">accord de Paris</a>. De telles différences sont cruciales pour les glaciers. Ces baleines blanches qui semblent endormies peuvent se réveiller un peu trop soudainement, comme le montre le récent <a href="https://www.reuters.com/business/environment/glacier-collapses-italian-alps-least-6-reported-dead-2022-07-03/">effondrement des glaciers dans les Alpes italiennes</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Iceberg graph" src="https://images.theconversation.com/files/486762/original/file-20220927-22-fjigqy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486762/original/file-20220927-22-fjigqy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486762/original/file-20220927-22-fjigqy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486762/original/file-20220927-22-fjigqy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486762/original/file-20220927-22-fjigqy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486762/original/file-20220927-22-fjigqy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486762/original/file-20220927-22-fjigqy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les glaciers bougent grâce à la présence d’eau liquide à l’interface entre la glace et le lit. Le moindre mouvement crée une vibration qui peut être enregistrée par nos sismomètres.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ugo Nanni</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Le mouvement des glaciers (qui peut aller de quelques mètres à plusieurs kilomètres par an) est semblable à celui d’un fromage à pâte molle sur une planche inclinée : ils se balancent sur toute leur hauteur et rampent sous leur propre poids. Plus ils sont raides et épais (jusqu’à plusieurs kilomètres), plus ils s’écoulent rapidement vers les basses altitudes. Grâce à la fine couche d’eau qui se trouve entre la glace et leur lit rocheux, les glaciers peuvent doubler leur vitesse entre l’hiver et l’été. Si la plupart des glaciers bénéficient d’un cycle saisonnier stable, certains, dont le Kongsvegen (c.-à-d., la voie du roi), ont vu leur vitesse annuelle augmenter au fil des ans.</p>
<p>C’est ce qu’on appelle une <a href="https://polarpedia.eu/fr/surge-3/">« surge glaciaire »</a>. Depuis 2010, la vitesse du Kongsvegen est passée de quelques mètres par an à plus de 40, soit une multiplication par un facteur dix. Cela ne concerne pour l’instant que la partie supérieure du glacier, mais nous constatons une progression d’année en année vers les zones inférieures.</p>
<p>Cette dynamique pourrait mener à une déstabilisation du glacier, et si cela survient, ce glacier, de 15 km de long, de 2 km de large et de 300 mètres d’épaisseur, pourrait plonger dans l’océan et engendrer des dommages majeurs sur l’ensemble du fjord. Et le Kongsvegen n’est qu’un cas parmi des milliers à travers le monde. C’est pour le comprendre que nous nous frayons un chemin vers les profondeurs et plongeons nos instruments dans le cœur inconnu du glacier.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/485902/original/file-20220921-10505-2g7jll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485902/original/file-20220921-10505-2g7jll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485902/original/file-20220921-10505-2g7jll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485902/original/file-20220921-10505-2g7jll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485902/original/file-20220921-10505-2g7jll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485902/original/file-20220921-10505-2g7jll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=381&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485902/original/file-20220921-10505-2g7jll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=381&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485902/original/file-20220921-10505-2g7jll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=381&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’accélération pluriannuelle du Kongsvegen mesurée par Jack Kohler (Institut polaire norvégien) et son équipe. Elle montre que la vitesse du glacier est passée de quelques mètres par an à plus de 40 dans la partie supérieure du glacier au cours de la dernière décennie. Cette accélération s’étend lentement vers l’avant du glacier. L’image de fond révèle que cette accélération entraîne souvent la formation de crevasses et pourrait conduire à déstabiliser le glacier. Les points jaunes et les étoiles vertes montrent l’emplacement de l’instrument déployé sur le glacier.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Notre mission scientifique vise à écouter le Kongsvegen et à mesurer les forces qu’il exerce sur son lit rocheux sous-jacent. Si ces forces dépassent ce que le lit peut supporter, nous allons commencer à avoir de sérieux problèmes.</p>
<p>Le plus léger des mouvements d’un glacier génère une vibration qui contient des <a href="https://blogs.egu.eu/divisions/cr/2022/06/03/cryoseismology/">informations cruciales sur ses dynamiques</a>. Le <a href="https://soundcloud.com/ugonanni/the-song-of-arctic-glaciers">son</a> des glaciers est primitif. Il voyage de nos oreilles à nos tripes. On y perçoit notre désir d’exploration autant que notre impact sur l’environnement. Est-ce qu’ils pleurent, chantent ou rient ? Difficile à dire, en tout cas ils ne restent pas silencieux. Cette année, mon ami Clovis Tisserand, <a href="https://www.clovistisserand.fr/">créateur sonore</a>, est venu avec moi enregistrer ces voix d’Arctique.</p>
<p><br> </p>
<p><audio preload="metadata" controls="controls" data-duration="3657" data-image="" data-title="Le chant des glaciers arctiques, Ugo Nanni" data-size="58520960" data-source="Ugo Nanni" data-source-url="https://soundcloud.com/ugonanni/the-song-of-arctic-glaciers" data-license="CC BY" data-license-url="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">
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</audio>
<div class="audio-player-caption">
Le chant des glaciers arctiques, Ugo Nanni.
<span class="attribution"><a class="source" rel="nofollow" href="https://soundcloud.com/ugonanni/the-song-of-arctic-glaciers">Ugo Nanni</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a><span class="download"><span>55,8 Mo</span> <a target="_blank" href="https://cdn.theconversation.com/audio/2605/geophones-2021-08-28-1-hour.mp3">(download)</a></span></span>
</div></p>
<p><br>
Mon travail consiste à analyser ces sons pour comprendre comment le glacier se déplace, comment il réagit à la fonte de la surface, comment ses crevasses s’ouvrent et ce qu’il se produit dans ses profondeurs.</p>
<p>Pour ce faire, nous avons recours à des « sismomètres », traditionnellement utilisés pour étudier des tremblements de terre. Depuis 2020, nous en avons installé une vingtaine tout le long du Kongsvegen et dans ses profondeurs. Un tel réseau nous permet d’écouter l’ensemble du glacier et de ses secrets (comme nous l’avons fait récemment dans les <a href="https://resolve.osug.fr/">Alpes françaises</a>, à l’image d’un médecin armé de son stéthoscope.</p>
<p>Au plus profond du glacier, nous avons aussi installé un instrument assez inhabituel, une longue tige d’acier de 2 mètres plantée à une profondeur de 360 mètres, appelée « laboureur ».</p>
<p>Sur cette tige, John a installé plusieurs <a href="https://dewesoft.com/daq/strain-gauge-applications">jauges de contrainte</a> pour mesurer les forces qui sont en jeu à la base du glacier. Le laboureur que nous avons installé cet été n’a transmis ses mesures que quelques heures durant, avant de sombrer dans le silence en dépit des efforts de John qui a tenté pendant des jours de le relancer. Heureusement pour Coline, dont le doctorat dépend en partie de ces mesures, celui installé au printemps 2021 continue de nous parler. Depuis cette date, nous avons donc pu mesurer comment le glacier vibre, se déforme et glisse en réponse aux changements de températures et de précipitations.</p>
<p>Collecter ces données est coûteux, en temps et en argent, et sujet à de nombreuses incertitudes. Mais cela a été possible grâce au soutien de nombreux collègues, à l’Institut polaire norvégien et à sa <a href="https://www.npolar.no/sverdrup/">station de recherche Sverdrup, à Ny Ålesund</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/485687/original/file-20220920-3857-n3wiau.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485687/original/file-20220920-3857-n3wiau.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485687/original/file-20220920-3857-n3wiau.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=346&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485687/original/file-20220920-3857-n3wiau.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=346&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485687/original/file-20220920-3857-n3wiau.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=346&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485687/original/file-20220920-3857-n3wiau.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485687/original/file-20220920-3857-n3wiau.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485687/original/file-20220920-3857-n3wiau.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le suivi des glaciers au fil des ans requiert de creuser dans la neige pour installer nos instruments, qui sont alimentés par des panneaux solaires et des batteries. Mais l’Arctique est un environnement difficile, et en récupérant nos données, nous risquons de découvrir des stations brisées par des glaciers en mouvement ou de fortes tempêtes de neige.</span>
<span class="attribution"><span class="source">C. Bouchayer, U. Nanni</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>De retour du terrain</h2>
<p>À notre retour de terrain, de longs mois s’écoulent, passés devant notre ordinateur ou autour d’une table à convertir, filtrer et comparer les courbes dessinées par nos observations. Nous découvrons alors que les dynamiques du Kongsvegen sont gouvernées par la saison de fonte qui se déroule de juin à octobre, au cours de laquelle plusieurs milliers de litres d’eau s’écoulent chaque seconde sur la surface et la base du glacier. Selon nos <a href="https://www.youtube.com/watch?v=7IQBn-Sg-gc">observations</a>, la durée et l’intensité de cette fonte augmentent avec la progression des températures provoquée par le changement climatique.</p>
<p>Toute cette eau lubrifie la base du glacier et provoque une progression de la vitesse et des contraintes en son sein. En même temps, nous mesurons une augmentation de l’intensité des vibrations glaciaires, liées au bruit hydrologique et l’intense activité des crevasses sous l’influence de la chaleur estivale et de l’accélération du glacier. Nous avons observé cet été une présence accrue de crevasses et mesuré une contrainte plus forte que l’année dernière. Cela pourrait être le signe d’une forte accélération voire d’une déstabilisation du glacier.</p>
<p>Notre équipe analyse actuellement ces résultats afin de quantifier les causes de ces changements, et ainsi mieux comprendre ce qui provoque la déstabilisation d’un glacier dans un contexte de fonte. Gardez l’oreille tendue pour <a href="https://soundcloud.com/ugonanni/song-of-glaciers-1">écouter</a> ce qui viendra !</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/485685/original/file-20220920-3592-rfd7go.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485685/original/file-20220920-3592-rfd7go.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485685/original/file-20220920-3592-rfd7go.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=544&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485685/original/file-20220920-3592-rfd7go.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=544&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485685/original/file-20220920-3592-rfd7go.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=544&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485685/original/file-20220920-3592-rfd7go.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=683&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485685/original/file-20220920-3592-rfd7go.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=683&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485685/original/file-20220920-3592-rfd7go.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=683&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Que voit-on sous un glacier ? Série temporelle de mesures recueillies sur le glacier Kongsvegen tout au long de notre mission. Le ruissellement (courbe bleue) représente la quantité d’eau liquide s’écoulant à travers le glacier. La force (courbe rouge) représente la contrainte à la base du glacier. La puissance sismique (courbe noire) représente la quantité de « vibration » à l’intérieur du glacier. La vitesse du glacier est représentée par la courbe verte..</span>
</figcaption>
</figure>
<hr>
<p><em>Pour aller plus loin :<br>
● <a href="https://blogs.egu.eu/divisions/cr/2022/06/03/cryoseismology/">« Did you know… that glaciers can sing ? »</a>, un article de blog sur la mesure sismique des glaciers.<br>
● <a href="https://labo.obs-mip.fr/multitemp/estimation-of-marmolada-glacier-collapse-volume-using-pleiades-imagery/">« Estimation of Marmolada glacier collapse volume using Pléiades imagery »</a>, un article de blog expliquant l’effondrement du Marmolada.</em></p>
<p><em>Cet article a été traduit de l'anglais par Nolwenn Jaumouillé.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196816/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>The MAMMAMIA project is funded by The Research Council of Norway in the FRIPRO-programme. The NFR-project number is 301837. The author thanks his collaborators listed on here: <a href="http://www.mn.uio.no/geo/english/research/projects/mammamia">www.mn.uio.no/geo/english/research/projects/mammamia</a>.</span></em></p>Des chercheurs de l’université d’Oslo ont foré jusqu’au fond du glacier Kongsvegen. Découvrez pourquoi et comment ils écoutent la déstabilisation des glaciers arctiques.Ugo Nanni, Research scientist, University of OsloLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1922772022-11-17T17:23:47Z2022-11-17T17:23:47ZLes ressources du Groenland, entre protection de l’environnement et tentation du profit<p>Le Groenland est au cœur de l’intrigue dans la <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2022/06/02/borgen-le-pouvoir-et-la-gloire-sur-netflix-une-femme-au-pouvoir-quelques-mandats-plus-tard_6128567_3246.html">série danoise <em>Borgen, le pouvoir et la gloire</em></a>, qui fait suite aux trois saisons de <em>Borgen. Une femme au pouvoir</em> (diffusée avec succès dans plus de 60 pays), une saga qui s’inscrit <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2020-4-page-217.htm">dans la lignée des séries politiques</a>, de <em>West Wing</em> à <em>House of Cards</em>. Les scénaristes imaginent qu’on découvre une forte réserve de pétrole dans le sous-sol du Groenland, ce qui attise les appétits des investisseurs et des grandes puissances.</p>
<p>Ce « pays vert », vaste territoire de près de 2,2 millions de kilomètres carrés, est rattaché au Danemark de longue date, rattachement souvent mal vécu par les habitants, après avoir même été une colonie danoise jusqu’en 1953. En 1979, l’île a accédé au statut de « territoire autonome » et son économie dépend toujours fortement des subsides versés par Copenhague.</p>
<p>Si certains Groenlandais réclament une autonomie plus grande voire l’indépendance, et dénoncent une « colonisation » danoise (effectuée dès le XVIII<sup>e</sup> siècle par des missionnaires danois comme Hans Egede, surnommé « l’Apôtre du Groenland » et fondateur de la ville de Nuuk, aujourd’hui capitale du territoire), la population locale de 57 000 habitants se trouve dans une situation difficile, marquée par la corruption et un taux de suicide élevé chez les Groenlandais, affectés souvent par la dépression, l’alcoolisme et le désespoir lié au climat gris et froid et au manque de perspectives.</p>
<h2>Des matières premières convoitées</h2>
<p>Le Groenland, à l’heure du réchauffement climatique et de la fonte des glaces (sa calotte glaciaire a <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/02/01/depuis-vingt-ans-la-calotte-glaciaire-du-groenland-a-perdu-4-700-milliards-de-tonnes_6111857_3244.html">perdu 4,7 millions de milliards de litres d’eau</a> depuis 2002), est devenu un territoire de plus en plus <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/07/29/groenland-la-ruee-vers-l-eau-des-icebergs_6136525_3234.html">convoité, notamment pour ses réserves d’eau très pure</a>.</p>
<p>À tel point que certains entrepreneurs, voyant dans ce trésor une manne financière juteuse, vont jusqu’à vendre cette eau au même prix que des grands vins de Bordeaux, comme l’explique un article du journal <em>Le Monde</em>. « Il les vend jusqu’à <a href="https://www.bfmtv.com/economie/emploi/comment-les-icebergs-finissent-dans-des-bouteilles-vendues-plus-de-10-euros-le-litre_AN-201908030050.html">12 euros</a> l’unité la [bouteille], en Chine, dans les pays du Golfe, aux États-Unis ou encore au Danemark. La marque Inland Ice, distribuée aussi dans les restaurants gastronomiques, promet une eau qui a <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/07/29/groenland-la-ruee-vers-l-eau-des-icebergs_6136525_3234.html">« la pureté de la préhistoire » et le « goût d’il y a cent mille ans</a> ». M. Vildersboll, qui travaillait auparavant dans l’industrie pétrolière, y voit un « nouveau pétrole ».</p>
<p>Outre cet « or bleu », le Groenland regorge de richesses minières dans son sous-sol, comme le <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/07/28/le-groenland-nouvel-eldorado-des-terres-rares_6136429_3234.html">fer, le nickel, l’or et les métaux rares, comme le cobalt</a>, très convoitées aujourd’hui car nécessaires à la fabrication des téléphones portables. Jeff Bezos et Bill Gates sont d’ailleurs sur le coup, toujours selon <em>Le Monde</em> : </p>
<blockquote>
<p>« KoBold Metals, l’entreprise dont ils sont actionnaires et qui utilise l’intelligence artificielle pour explorer de nouveaux gisements, a lancé, en mars, ses premiers forages près de la baie de Disko, dans le sud-ouest du pays, afin d’y prospecter du nickel, du cuivre et du cobalt. »</p>
</blockquote>
<p>L’île contient également de <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/07/28/au-groenland-plongee-dans-la-mine-de-rubis-de-l-extreme_6136397_3234.html">l’uranium, un gisement de rubis</a> et de la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/07/29/la-farine-de-roche-un-nutriment-prometteur-issu-de-la-fonte-des-glaces-du-groenland_6136569_3234.html">farine de roche, boue riche en limon</a> qui pourrait, « selon les recherches d’un géologue danois, contribuer à rendre fertiles des régions arides dans le monde ».</p>
<p><a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/09/06/au-groenland-le-sable-pour-nouvel-horizon_6140426_3244.html">Enfin, le Groenland recèle d’importants gisements de sable</a>, précieux alors que le sable qui vient à manquer est très convoité pour la construction de bâtiments.</p>
<p>Le Groenland, dont le nom signifie « pays vert », pourrait par ailleurs <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/12/14/le-groenland-pret-a-tirer-profit-du-rechauffement-climatique_6022862_3244.html">profiter du réchauffement climatique pour se lancer dans l’agriculture</a>.</p>
<h2>Au cœur d’enjeux géopolitiques majeurs</h2>
<p>Le pays est aussi le centre <a href="https://theconversation.com/comment-les-dereglements-climatiques-ont-fait-entrer-le-groenland-dans-la-mondialisation-143911">d’enjeux géopolitiques</a> majeurs : en effet, comme l’analyse le journaliste Julien Bouissou, « dans une région qui fait officiellement partie de la sphère d’influence américaine depuis la doctrine Monroe de 1823, et la signature d’un traité entre Copenhague et Washington en 1951, <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/07/28/le-groenland-nouvel-eldorado-des-terres-rares_6136429_3234.html">l’industrie minière peut servir de cheval de Troie à l’influence chinoise</a> ».</p>
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<p>L’île est convoitée à la fois par les États-Unis, la Russie et la Chine. « En 2018, le Groenland a […] refusé un prêt chinois pour financer la construction de deux aéroports. Dans le même temps, Washington a avancé ses pions. En 2020, les États-Unis, qui disposent déjà sur place, à Thulé, d’une base militaire avec des systèmes d’alerte avancés contre les missiles balistiques et d’une station de surveillance des satellites, ont ouvert leur premier consulat à Nuuk. »</p>
<p>De plus, le pays se situe proche de la nouvelle « Route du Nord » qui permettrait, grâce à la fonte des glaces de l’Arctique, aux navires-cargos porte-conteneurs venus de Chine de faire le trajet vers l’Europe plus rapidement que par les routes maritimes jusque-là existantes.</p>
<h2>Vers une « exception environnementale » ?</h2>
<p>En juillet 2021, le gouvernement autonome du Groenland, dirigé par une majorité écologiste, a toutefois <a href="https://www.novethic.fr/actualite/energie/energies-fossiles/isr-rse/climat-le-groenland-met-fin-a-l-exploration-petroliere-sur-son-territoire-150037.html">décidé d’interdire l’exploration et l’exploitation pétrolières sur l’île</a>, afin d’éviter de porter atteinte à l’environnement naturel. C’est une décision historique, un renversement copernicien, qui consiste à faire passer les impératifs écologiques avant ceux du profit économique.</p>
<p>Se pose en effet l’enjeu de la préservation de la nature et de l’écosystème au Groenland, où l’urbanisation et l’extraction minière croissantes provoquent une extinction progressive de la flore et la faune (avec la disparition des baleines notamment).</p>
<p>Faut-il donc faire passer avant l’enjeu du profit économique, celui de la <a href="https://journals.openedition.org/chrhc/5296">préservation du patrimoine mondial, comme le prône l’Unesco</a> ? Cette institution culturelle internationale qui a <a href="https://www.youtube.com/watch?v=1VNtLQU2MYk">créé en 1972 la liste du patrimoine culturel et naturel mondial</a>, y a classé en 2004 le fjord d’Ilulissat, site naturel remarquable et seul vestige dans l’hémisphère nord de la dernière période glaciaire du quaternaire.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489757/original/file-20221014-26-sn86yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489757/original/file-20221014-26-sn86yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489757/original/file-20221014-26-sn86yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489757/original/file-20221014-26-sn86yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489757/original/file-20221014-26-sn86yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489757/original/file-20221014-26-sn86yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489757/original/file-20221014-26-sn86yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Fjord Ilulissat.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fjord_glac%C3%A9_d%27Ilulissat#/media/Fichier:Greenland_Ilulissat-36.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p><a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/arctique/etudes-de-cas/ilulissat">Ce classement est générateur de tourisme</a>, qui pose comme sur d’autres sites classés dans le monde la question de la tension entre préservation et <a href="https://theconversation.com/en-laponie-les-consequences-paradoxales-du-tourisme-sur-le-peuple-sami-128736">mise en tourisme</a>. L’impératif de préservation porte par ailleurs non seulement sur la nature, mais aussi sur la culture du Groenland : protection de la langue vernaculaire, l’inuktitut groenlandais (ou kalaallisut), langue rare de la famille eskimo-aléoute, aujourd’hui menacée d’extinction du fait de l’urbanisation et de la mondialisation culturelle.</p>
<p>Est-ce à dire qu’il faudrait créer une « exception environnementale », de même qu’existe une « exception culturelle » ? Rappelons que <a href="https://www.cairn.info/revue-geoeconomie-2013-2-page-183.htm">c’est la France qui a popularisé cette notion d’exception culturelle</a>, qui signifie que la culture ne doit pas être considérée comme une marchandise comme une autre, un simple objet de profit, mais comme un bien supérieur, auquel tout le monde doit avoir accès. L’Unesco a ensuite universalisé cette conception, en adoptant en 2005 la <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2006-2-page-11.htm">Convention sur la diversité culturelle</a>, entrée en vigueur en 2007.</p>
<p>Le Groenland pourrait-il alors faire valoir à la fois l’exception culturelle et l’exception environnementale, c’est-à-dire faire passer les impératifs de préservation de son environnement naturel exceptionnel et de sa culture inuite avant les enjeux rapaces de profit financier ? Aux Groenlandais d’en décider.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192277/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chloé Maurel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le pays qui regorge de ressources précieuses en eau, en sable, en fer, en or, en nickel, en pétrole… tente de freiner leur exploitation.Chloé Maurel, SIRICE (Université Paris 1/Paris IV), Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1860782022-07-15T14:24:31Z2022-07-15T14:24:31ZVous rêvez d’observer les icebergs à Terre-Neuve ? Dépêchez-vous, avant qu’il ne soit trop tard<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/471943/original/file-20220630-22-obv80l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=26%2C5%2C3546%2C2360&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un gros iceberg passe près de Ferryland, à une heure au sud de St. John's (Terre-Neuve), en avril 2017.</span> <span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Paul Daly</span></span></figcaption></figure><p>« Iceberg Alley », ou l’Allée des icebergs en français, est le surnom donné à une partie de la côte Atlantique entre le Labrador et Terre-Neuve. C’est l’endroit le plus méridional de l’hémisphère nord où l’on peut régulièrement voir des icebergs. Mais dépêchez-vous ! Avec le réchauffement climatique, l’Iceberg Alley pourrait bientôt perdre son nom.</p>
<p>Le tourisme destiné à l’observation d’icebergs est une activité fréquente et très prisée à Terre-Neuve. Chaque printemps, locaux et visiteurs bravent le froid et l’humidité de la région – l’un des endroits les <a href="http://doi.org/10.1007/978-3-319-45229-6_2">plus brumeux au monde</a> – pour scruter l’horizon à la recherche de taches blanches, ou embarquer à bord de tours guidés en bateau en espérant que la chance sera de leur côté.</p>
<p>Mais avec un nombre annuel d’icebergs variant de <a href="https://doi.org/10.20383/101.0301">zéro à plus de 2 000</a>, réserver son voyage à l’avance pour voir ces blocs de glace vieux de 10 000 ans peut être un pari risqué.</p>
<h2>De la glace vieille de 10 000 ans</h2>
<p>À chaque année, des <a href="https://doi.org/10.1002/2013GL059010">centaines de milliards de tonnes de glace</a>, l’équivalent en eau de plus de cent millions de piscines olympiques, sont rejetées des glaciers du Groenland vers l’océan. Ce phénomène est appelé vêlage.</p>
<p>La majeure partie de la glace qui vêle des glaciers du Groenland forme des icebergs. Alors qu’entre <a href="https://doi.org/10.1002/2016GL070718">10 et 50 pourcent</a> de ces icebergs fondent directement dans les fjords du Groenland, la majorité d’entre eux sont transportés au loin par les courants océaniques.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/471936/original/file-20220630-18-byxrpl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une carte de l’océan Atlantique Nord montrant la trajectoire des icebergs entre le Groenland et Terre-Neuve" src="https://images.theconversation.com/files/471936/original/file-20220630-18-byxrpl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/471936/original/file-20220630-18-byxrpl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=775&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/471936/original/file-20220630-18-byxrpl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=775&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/471936/original/file-20220630-18-byxrpl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=775&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/471936/original/file-20220630-18-byxrpl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=974&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/471936/original/file-20220630-18-byxrpl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=974&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/471936/original/file-20220630-18-byxrpl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=974&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les icebergs qui atteignent Terre-Neuve vêlent de la partie ouest du Groenland et suivent les courants océaniques qui les entraînent vers le sud. Données : General Bathymetric Chart of the Oceans.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Frédéric Cyr)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La calotte glacière du Groenland est le résultat de <a href="https://doi.org/10.1016/j.quascirev.2010.02.007">milliers d’années d’accumulation de neige</a> atteignant une épaisseur de plus d’un kilomètre. La pression résultant de ce poids énorme transforme la neige en glace. Cette même pression pousse les glaciers – ces rivières de glace canalisée par les nombreux fjords du Groenland – vers l’océan, où ils vêlent et deviennent des icebergs.</p>
<p>Une fraction de ces icebergs, généralement en provenance de la partie ouest du Groenland, va atteindre Terre-Neuve et Labrador. Bien que la durée de vie de certains icebergs peut atteindre une décennie, ceux atteignant Terre-Neuve sont généralement <a href="https://doi.org/10.1029/2018GL077676">vieux d’une à deux années</a>.</p>
<h2>Le naufrage du Titanic</h2>
<p>Le plus connu de ces icebergs est probablement celui qui a causé le naufrage du Titanic près de la pointe sud des Grands bancs de Terre-Neuve, en 1912. Cette année-là, on rapportait 1 038 icebergs, un nombre <a href="https://theconversation.com/titanic-twist-1912-wasnt-a-bad-year-for-icebergs-after-all-25621">qui n’est pas considéré comme étant anormalement élevé</a>. À la suite de cette tragédie, en 1913, la Patrouille internationale des glaces – <a href="https://www.mycg.uscg.mil/News/Article/3028040/international-ice-patrol-11-decades-of-monitoring-the-northern-atlantic-waters/">International Ice Patrol</a>, en anglais – a été créée. Opérée par la garde côtière des États-Unis au nom de plusieurs nations maritimes, cette patrouille a été formée dans le but de surveiller le danger posé par les icebergs sur les bateaux transitant dans l’océan Atlantique Nord.</p>
<p>La Patrouille internationale des glaces met annuellement à jour son <a href="https://nsidc.org/data/G10028">décompte d’icebergs traversant le 48ᵉ parallèle vers le sud</a>. Celui-ci correspond à la plus longue et à la plus fiable série temporelle du nombre d’icebergs atteignant Terre-Neuve. Lors d’une année normale, près de <a href="https://doi.org/10.20383/101.0301">800 icebergs</a> traversent le 48<sup>e</sup> parallèle, situé juste au nord des Grands bancs de Terre-Neuve.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/471940/original/file-20220630-5543-vhfrq4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphique montrant la variabilité du nombre d’icebergs observé depuis 1900" src="https://images.theconversation.com/files/471940/original/file-20220630-5543-vhfrq4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/471940/original/file-20220630-5543-vhfrq4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=285&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/471940/original/file-20220630-5543-vhfrq4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=285&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/471940/original/file-20220630-5543-vhfrq4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=285&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/471940/original/file-20220630-5543-vhfrq4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=358&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/471940/original/file-20220630-5543-vhfrq4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=358&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/471940/original/file-20220630-5543-vhfrq4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=358&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Nombre d’icebergs observés, pour la période 1900-2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Frédéric Cyr)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Ce décompte est cependant extrêmement variable, puisqu’il est influencé par le climat de l’Atlantique Nord. Durant les années 1980 et 1990, qui étaient particulièrement froides pour la région, plus de 1 500 icebergs étaient régulièrement observés, incluant un record de 2 202 en 1984. Plus récemment, 1 515 icebergs ont été observés en 2019, une année marquée par un <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/Publications/ResDocs-DocRech/2021/2021_017-fra.html">printemps plus froid que la normale</a>, et faisant suite à une autre période froide au milieu des années 2010.</p>
<p>Mais ces décomptes chutent dramatiquement durant les années caractérisées par des hivers doux et des printemps hâtifs. Cette situation a été observée en 2010 et 2021, alors qu’un seul iceberg a été observé ; en 2011, alors que 2 icebergs ont été observés ; et en 2013, alors que 13 icebergs ont été rapportés. Pire encore, aucun iceberg n’a traversé le 48<sup>e</sup> parallèle à deux moments au cours de cette série temporelle de 122 ans, soit en 1966 et en 2006.</p>
<h2>Un futur incertain</h2>
<p>À cause du réchauffement global de la planète causé par les changements climatiques d’origine anthropique, la <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-019-1855-2">calotte glacière du Groenland perd de la masse</a>. Alors que ceci pourrait signifier que davantage d’icebergs vêlent dans l’océan, il est loin d’être garanti que cela se traduira par davantage de possibilités de visites touristiques à Terre-Neuve. De plus, les chiffres peuvent être erronés, car les améliorations apportées à la technologie de détection des icebergs peuvent être à l’origine d’une <a href="https://www.navcen.uscg.gov/sites/default/files/pdf/iip/2018_Annual_Report_FINAL.pdf">apparente tendance à la hausse</a> du nombre d’icebergs à Terre-Neuve.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une vue aérienne d’un glacier avec de grands et petits morceaux de glace flottant dans l’eau à son pied, avec des pentes rocheuses de chaque côté de l’étroit fjord" src="https://images.theconversation.com/files/468822/original/file-20220614-15-33xmz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468822/original/file-20220614-15-33xmz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468822/original/file-20220614-15-33xmz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468822/original/file-20220614-15-33xmz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468822/original/file-20220614-15-33xmz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468822/original/file-20220614-15-33xmz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468822/original/file-20220614-15-33xmz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un glacier vêle des icebergs dans un fjord au large de la calotte glaciaire du Groenland, dans le sud-est du Groenland, en août 2017.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/David Goldman)</span></span>
</figcaption>
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<p>Les paramètres environnementaux qui influencent le nombre d’icebergs défilant au large de Terre-Neuve pour une année donnée demeurent incertains. Par contre, il semble clair qu’un climat plus chaud résulte en peu ou simplement pas du tout d’icebergs au large de l’île.</p>
<p>Par exemple, lorsque l’on considère les trois années les plus chaudes jamais enregistrées – 1966, 2010 et 2021 – seulement <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/Publications/ResDocs-DocRech/2022/2022_040-fra.html">zéro, un et un icebergs, respectivement</a>, ont été rapportés. Ces phénomènes aberrants pourraient bien devenir la nouvelle norme, alors que les projections climatiques suggèrent avec un haut niveau de confiance que la <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg2/">fréquence et la sévérité des événements extrêmes</a>, comme les années anormalement chaudes, vont augmenter dans le futur.</p>
<p>Alors que l’industrie du tourisme d’icebergs à Terre-Neuve pourrait bien avoir bénéficié d’une succession de saisons exceptionnelles en lien avec une récente période plus froide au milieu des années 2010, son futur est pour le moins incertain.</p>
<p>L’Allée des Icebergs va-t-elle perdre son nom ? Cela serait dommage, mais malheureusement concevable. Il est cependant encore possible, pour le moment, d’apprécier ces vestiges du passé vieux de 10 000 ans.</p>
<p>Alors dépêchez-vous, avant qu’il ne soit trop tard !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186078/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Cyr ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Entre zéro et 2 000 icebergs atteignent Terre-Neuve chaque printemps. Mais le réchauffement climatique pourrait mettre fin à l’Allée des icebergs.Frédéric Cyr, Adjunct professor, Physical Oceanography, Memorial University of NewfoundlandLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1801672022-04-13T18:42:00Z2022-04-13T18:42:00ZComment la fonte de la calotte glaciaire groenlandaise pourrait déplacer le paludisme en Afrique<p>Une fonte rapide de la calotte groenlandaise fait partie des risques connus du changement climatique, notamment pour la hausse du niveau marin qu’elle engendrerait.</p>
<p>Un tel phénomène aurait toutefois d’autres conséquences plus inattendues, à des milliers de kilomètres de là. En Afrique, par exemple, cette fonte pourrait affecter la transmission du paludisme par les moustiques, comme nous le montrons dans une <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-021-24134-4">récente étude publiée dans <em>Nature Communications</em></a> et réunissant des chercheurs de différents laboratoires en France (LSCE), en Italie (ICTP) et au Royaume-Uni (Université de Liverpool).</p>
<p>Pour rappel, le paludisme est une maladie provoquée par le parasite <em>Plasmodium</em>, qui a causé en 2020 la mort de 627 000 personnes <a href="https://www.who.int/publications/i/item/9789240040496">selon le dernier rapport de l’OMS</a>, dont 96 % en Afrique. Le continent concentre également 228 des 241 millions de cas reportés dans le monde au cours de cette même année, soit 95 %. 77 % des décès concernent en outre des enfants de moins de cinq ans.</p>
<h2>Température et transmission</h2>
<p>Cette transmission n’est pas possible directement entre êtres humains : le parasite a besoin d’un vecteur, en l’occurrence un moustique femelle de l’espèce <em>Anophèles</em>. Lorsque ce dernier pique une personne malade, il absorbe les parasites présents dans le sang de celle-ci, qui se développent dans le corps de l’insecte avant d’être retransmis à un nouvel hôte lors d’une prochaine piqûre.</p>
<p>La durée de développement du parasite dans le moustique, entre son ingestion et sa transmission, dépend de la température : plus elle est élevée, plus cette durée sera courte. Le moustique étant un insecte ectotherme, sa température corporelle dépend directement de celle ambiante. En cas de développement trop lent, lié à une température basse, le moustique sera mort avant d’avoir pu retransmettre le parasite.</p>
<p>Les moustiques <em>Anophèles</em> sont aussi sensibles aux conditions météorologiques. Pour qu’ils puissent vivre et grandir les températures doivent être comprises entre 16 et 40 °C. Ils ont également besoin d’eau pour la ponte des œufs et le développement des larves, qui se fait en milieu aquatique (flaques, mares…). En revanche, des précipitations trop intenses peuvent détruire les œufs et les larves.</p>
<h2>La survie des moustiques menacée ?</h2>
<p>Avec le réchauffement climatique, les températures en Afrique augmentent. Des régions pourraient devenir trop chaudes au cours du XXI<sup>e</sup> siècle pour que les moustiques y survivent, <a href="https://www.pnas.org/content/111/9/3286.short">c’est le cas dans la région du Sahel en Afrique de l’Ouest</a>.</p>
<p>D’autres zones, qui étaient auparavant trop froides pour rendre possible une transmission soutenue du paludisme, atteindront au contraire des températures suffisamment élevées pour permettre la survie du moustique, le développement du parasite et donc théoriquement la transmission de la maladie ; <a href="https://www.pnas.org/content/111/9/3286.short">c’est le cas des hauts plateaux Est africains</a>.</p>
<p>Ceci a été démontré grâce à des simulations numériques du climat futur. Pour les réaliser, il faut choisir un scénario décrivant les émissions de gaz à effet de serre au cours du siècle selon certaines hypothèses. À partir de ces émissions de gaz à effet de serre, le modèle qui inclut des équations physiques décrivant le système climatique, simule les conditions climatiques du siècle à venir.</p>
<p>Les valeurs de précipitations et de températures ainsi générées alimentent d’autres modèles numériques permettant d’étudier, cette fois, le risque de transmission du paludisme lié aux changements.</p>
<h2>Fonte de la calotte et circulation océanique</h2>
<p>Les modèles climatiques ne représentent néanmoins pas toute la complexité du système terrestre. Ils ne prennent pas en compte, par exemple, l’impact d’une fonte rapide possible de la calotte de glace du Groenland.</p>
<p>Or, les <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/BF00193540">scientifiques savent</a> grâce à l’étude des climats passés, qu’une grande quantité de glace est susceptible d’être ainsi relâchée de manière soudaine et difficilement prévisible. En fondant, celle-ci viendrait alimenter en eau douce le Nord de l’océan Atlantique, qui constitue une région clé du climat global.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/DgjJ_36lPo0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Fonte record de la calotte glaciaire en 2019, une tragédie pour l’avenir (Euronews, 21 août 2020).</span></figcaption>
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<p>Dans cette zone en effet, les eaux chaudes de surface venant de l’équateur se refroidissent et se salinisent, car l’eau de mer qui forme la banquise y relâche le sel qu’elle contient. Cela densifie ces eaux qui plongent vers les fonds marins en tractant les courants océaniques, suivant le principe d’un tapis roulant. Ce mouvement constitue le moteur de la circulation océanique, dite « circulation thermohaline ».</p>
<p>L’éventualité d’un apport d’eau douce en Atlantique Nord diminuerait donc la densité des eaux et ralentirait cette plongée des eaux froides. Si le moteur de la circulation thermohaline est freiné, c’est toute la circulation océanique qui change. Le transport de chaleur par l’océan en serait alors ralenti.</p>
<h2>L’élévation des températures atténuée</h2>
<p>L’océan et l’atmosphère étant en perpétuelle interaction, une transformation des courants marins impactera également la circulation atmosphérique, ce qui se traduirait par des changements climatiques (pressions atmosphériques, vents, températures, précipitations…) qui peuvent atteindre l’Afrique.</p>
<p>L’élévation des températures liée à l’augmentation des gaz à effet de serre est atténuée par la fonte des glaces du Groenland. La modification de la circulation atmosphérique entraîne également un déplacement des pluies tropicales vers le Sud.</p>
<p>Ces changements de températures et de précipitations diffèrent des simulations standards ne prenant en compte que l’augmentation des gaz à effet de serre. Mais ils affectent aussi le cycle de vie du moustique, le développement du parasite et donc la transmission du paludisme en Afrique, qui se décale alors vers le sud dans ces simulations.</p>
<h2>Le paludisme déplacé vers le sud de l’Afrique ?</h2>
<p>L’objet de notre article est justement de comparer l’effet du réchauffement climatique avec et sans simulation d’une fonte abrupte des glaces du Groenland sur le paludisme en Afrique. Lorsque les simulations tiennent compte de l’impact additionnel de cette fonte rapide des glaces, trois résultats importants sont à noter.</p>
<p>Dans la région du Sahel, le phénomène de diminution du risque de transmission du paludisme est d’une part amplifié. En plus de l’augmentation des températures liée au réchauffement climatique, cette région reçoit aussi moins de précipitations, la bande de pluie s’étant significativement déplacée vers le sud.</p>
<p>L’augmentation du risque de transmission du paludisme sur l’Est africain est par ailleurs atténuée, les températures n’augmentent pas autant lorsque l’on intègre la fonte de glace. En revanche, un risque de transmission du paludisme apparaît dans le Sud de l’Afrique, du fait des précipitations plus importantes.</p>
<p>Si le climat est en mesure d’entraver la transmission du paludisme, ne comptons pas sur lui pour éradiquer la maladie : les politiques de santé publique et le développement économique et social constituent aujourd’hui la clé principale capable de faire obstacle à ce fléau. Plusieurs pays, comme la Chine, ont d’ailleurs <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20210630-apr%C3%A8s-70-ans-de-lutte-la-chine-a-r%C3%A9ussi-a-%C3%A9radiquer-le-paludisme">réussi à l’éliminer de leur territoire</a> malgré un climat encore favorable à la transmission.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180167/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alizée Chemison a reçu des financements du CEA.</span></em></p>Les moustiques étant sensibles aux températures, la fonte de la calotte glaciaire et ses effets sur le climat pourraient affecter la transmission du paludisme en Afrique.Alizée Chemison, Doctorante sur l’impact des instabilités climatiques sur les maladies vectorielles infectieuses, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1470032020-10-07T17:21:32Z2020-10-07T17:21:32ZL’Arctique, un enjeu international<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/361843/original/file-20201006-16-zvzlus.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C0%2C3632%2C2419&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Brise-glace dans l'Arctique</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/icebreaking-vessel-arctic-background-sunset-1153631344">Koptyaev Igor/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Les signes de l’entrée de l’Arctique dans le jeu international apparaissent en 2007 : annonce par le premier ministre canadien de la construction d’un port en eaux profondes dans le passage du Nord-Ouest ; dépôt d’un drapeau russe à la verticale du pôle Nord ; annonce par l’Agence spatiale européenne d’un record historique de la fonte estivale de la banquise… En 2008, sur proposition de Michel Rocard, le Parlement européen appelle à la conclusion d’un traité sanctuarisant l’Arctique, initiative sans lendemain. Les États riverains de l’Arctique préfèrent gérer leurs affaires eux-mêmes. L’Arctique est, en effet, devenu un marché.</p>
<p>En 2010, son produit régional brut représentait 443 milliards de dollars. Il devrait tripler d’ici à 2040. Environ 13 % des ressources pétrolières et 30 % des ressources gazières conventionnelles s’y trouveraient. Au Groenland, on commence à prospecter d’importants gisements d’uranium et de terres rares. Les États acteurs dans cette région représentent plus de 3,5 milliards d’habitants et 80 % du PIB mondial. Le réchauffement climatique ouvre, d’ici 10 à 20 ans, les perspectives d’un transport <a href="https://amubox.univ-amu.fr/s/DWi29Xn3jmca98B">plus rapide que les itinéraires traditionnels</a>.</p>
<p>En 2011, la Russie propose sans succès à la Chine un partenariat, la <a href="https://www.worldscientific.com/doi/pdf/10.1142/S2377740018500215">« Route de la soie sur la glace »</a>. En 2017, la Chine emploie l’expression de <a href="https://www.lepoint.fr/economie/la-chine-veut-une-route-de-la-soie-polaire-dans-l-arctique-26-01-2018-2189848_28.php">« Route de la soie polaire »</a>. Elle est prête à investir dans des infrastructures dans une optique multilatérale, impliquant non seulement la Russie, qui n’a pas les moyens financiers de réaliser la totalité des investissements, mais les huit pays de la région.</p>
<h2>Les politiques arctiques des États</h2>
<p>En 1987, Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev avaient voulu faire de l’Arctique une zone de paix. Les États-Unis se désengagent alors, au point de ne plus posséder aujourd’hui qu’un <a href="https://www.europe1.fr/international/les-etats-unis-manquent-de-navires-brise-glace-pour-defendre-leurs-interets-polaires-selon-un-rapport-3387011">seul brise-glace digne de ce nom</a>. Un vide stratégique apparaît.</p>
<p>Vont tenter d’en profiter surtout la Russie de Poutine (elle contrôle plus de 50 % des territoires de la zone), et la Chine dans une moindre mesure. Marquée par les progrès territoriaux de l’OTAN depuis la disparition de l’URSS, la Russie veut protéger son littoral arctique et contrôler le développement des nouvelles routes maritimes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1234770178539433984"}"></div></p>
<p>Mais quels sont les États parties du jeu circumpolaire ? D’abord, bien sûr, les États riverains, c’est-à-dire ceux qui ont des côtes bordant l’océan Arctique : Russie, États-Unis, Canada, Danemark (Groenland) et Norvège (Svalbard). Vient ensuite le proche Arctique, avec des revendications d’États européens (Suède, Finlande, Islande, France (Saint-Pierre-et-Miquelon), et même l’Écosse indépendantiste) ; et la Chine, qui n’est pas géographiquement arctique, mais a tout intérêt à la validation d’une notion de <a href="https://www.cnbc.com/2018/02/14/china-we-are-a-near-arctic-state-and-we-want-a-polar-silk-road.html">« proche Arctique »</a>, pour y exercer son influence. Enfin, un troisième cercle, regroupe des États non limitrophes de l’Arctique mais manifestant leur intérêt pour cette région, comme la Corée du Sud, l’Inde, Singapour et le Japon, observateurs au Conseil de l’Arctique. La Mongolie et la Papouasie-Nouvelle-Guinée souhaitent les rejoindre. L’intérêt difficilement explicable de ces pays très lointains pour l’Arctique est un signe de plus de son internationalisation.</p>
<p>Au sein de cet assemblage disparate, certains axes structurants se dessinent.</p>
<p>Le partenariat sino-russe, activé par les sanctions occidentales consécutives à l’annexion de la Crimée, même si la Russie se montre prudente dans sa coopération avec son nouvel allié.</p>
<p>Ensuite, <a href="https://www.defenseone.com/ideas/2019/06/trumps-new-arctic-policy-has-familiar-ring/157622/">l’attitude parfois agressive des États-Unis</a>, soucieux de reprendre l’avantage après leur désengagement des années 1990.</p>
<p>L’Union européenne a résumé sa position sur l’Arctique et son évolution (www.observatoire – arctique.fr Union européenne – Observatoire de l’Arctique)</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/t1shvx-eE5k?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>On note aussi certaines convergences. L’intérêt pour le développement des ressources naturelles et le passage du Nord-Est est commun à la Russie, la Chine, le Japon et la Corée du Sud. Depuis 2017, les représentants autochtones et certains États (Russie, Finlande, Suède, Norvège, Danemark, Islande, Canada, États-Unis) refusent toute référence aux grands accords internationaux concernant le climat, de façon à préserver leur autonomie en la matière. De manière plus floue pour l’instant, les cinq pays côtiers de l’océan Arctique (Russie comprise) prennent conscience de la nécessité de limiter l’influence de la Chine dans l’Arctique.</p>
<p>Dans toutes les politiques arctiques, la Russie joue un rôle pivot. Entre 2021 et 2023, elle présidera le Conseil de l’Arctique. On peut comprendre son intérêt. En 2016, 80 % du gaz naturel russe provenait de ses territoires arctiques ainsi que 20 % de son pétrole. Enfin, par rapport à d’autres zones du monde, l’Arctique présente un avantage sécuritaire. En effet, 95 % des ressources hydrocarbonées sont situées dans les zones économiques exclusives des États riverains de l’océan Arctique et de l’Islande. Toutes ces zones font l’objet d’accords de partage territorial et/ou de délimitation de zones de pêche nationales. Il est donc peu probable qu’un conflit éclate en Arctique pour des ressources telles que la pêche ou les hydrocarbures. Par ailleurs, des institutions produisent un droit applicable à l’Arctique.</p>
<h2>Le Conseil de l’Arctique et les autres</h2>
<p>Créée en 1996 lors du sommet fondateur d’Ottawa, c’est la <a href="http://www.observatoire-arctique.fr/approche-institutionnelle/les-organisations-et-forums-de-larctique/conseil-de-larctique/">principale institution de régionalisation de l’Arctique</a>.</p>
<p>Le <a href="https://arctic-council.org/en/">Conseil</a> fonctionne sur la base du consensus entre ses membres et a adopté plusieurs accords contraignants sur les aspects environnementaux et la coopération scientifique. C’est, en outre, un forum de discussion.</p>
<p>Son secrétariat exécutif comprend uniquement les ressortissants des huit pays considérés comme arctiques (Canada, Danemark, États-Unis, Norvège, Russie, Islande, Finlande, Suède). En 2019 il rassemblait 39 observateurs (dont la France, qui a obtenu ce statut en 2000, l’Espagne en 2006, l’Italie, la Pologne, etc.), 14 organisations intergouvernementales ou interparlementaires et 12 ONG.</p>
<p>Le Conseil n’a pas de budget propre pour mener des actions et n’a pas pour mandat de veiller à la bonne exécution des accords intergouvernementaux signés dans son cadre : ses prérogatives restent du ressort exclusif des États.</p>
<p>Il faut enfin citer d’autres institutions : le <a href="https://www.barentscooperation.org/en/Barents-Euro-Arctic-Council">Conseil euro-arctique de la mer de Barents</a>, qui regroupe la Russie,la Commission européenne, les pays scandinaves et la Finlande, et le <a href="https://www.norden.org/en">Conseil nordique (pays scandinaves et Finlande)</a>.</p>
<h2>Les peuples autochtones oubliés ?</h2>
<p>Depuis des millénaires, plusieurs peuples autochtones peuplent l’Arctique. Les Inuits, rattachés à la Russie, aux États-Unis, au Canada et au Groenland : 150 000 individus. Les Saami, dans le nord de la Scandinavie et l’ouest de la Russie : entre 60 et 100 000, dont 2 000 en Russie ; les 43 Petits Peuples du nord de la Russie (Evenks, Nénetses, Tchouktches, Aléoutes, etc.) : environ 50 000. Les Yakoutes : 300 000, dont le territoire correspond à un cinquième de la Fédération de Russie, principalement installés en Sibérie arctique.</p>
<p>En 2005, l’Unesco les a inscrits au patrimoine immatériel de l’humanité. Au total, environ 600 000 individus. Non seulement ils ne représentent qu’une part minime de la population totale des États arctiques, mais ils sont tous inclus dans ces différents États avec des statuts divers, dont un des plus avancés en termes d’autonomie est celui du <a href="https://www.axl.cefan.ulaval.ca/amnord/groenland-stat-2009.htm">Groenland</a>.</p>
<p>Conscients de ce handicap, les peuples autochtones se sont regroupés en organisations transnationales dont les représentants siègent au conseil de l’Arctique : Conseil circumpolaire inuit (Groenland, Canada, États-Unis, Russie), Conseil Arctique athabaskan (Canada, États-Unis), Conseil international <em>Gwich’in</em> (Canada, États-Unis), Association aléoutes internationale (États-Unis, Russie), Conseil Saami (Norvège, Suède, Finlande, Russie), RAIPON (Russie)…</p>
<p>Depuis un demi-siècle, la protection des peuples autochtones est visée par <a href="https://www.ohchr.org/Documents/Publications/fs9Rev.2_fr.pdf">plusieurs instruments internationaux</a>, mais peu d’entre eux sont juridiquement contraignants et ils sont de toute façon conditionnés par la ratification des États. La France, par exemple, s’oppose à toute reconnaissance de minorités et de peuples autochtones sur son sol, au moins métropolitain. Les représentants des peuples autochtones ne sont pas membres du Conseil de l’Arctique. Ils ont le même droit de parole que ceux des États, au titre de leur statut de « participants permanents », mais leur avis n’est que consultatif. C’est à leurs organisations d’obtenir les moyens financiers pour assurer leur participation au Conseil et réaliser des recherches susceptibles de défendre leurs intérêts face aux États. En 2017, cinq de ces six participants permanents ont créé l’<a href="https://gwichincouncil.com/%C3%A1lgu-fund"><em>Algu Fund</em></a>, un fonds de dotation qui devrait réunir 30 millions de dollars.</p>
<p>Autre point important : la formation d’élites autochtones. L’histoire des décolonisations montre que ces peuples ont besoin de leaders et de cadres. Il y a 40 ans, <a href="https://jean-malaurie.com/">Jean Malaurie</a> me confiait qu’il souhaitait voir se lever un Nelson Mandela arctique. Cela ne s’est pas produit.</p>
<p>Au Groenland, une <a href="https://uk.uni.gl/">université</a> a été créée en 1987. Elle compte environ 200 étudiants. Y sont enseignées certaines sciences humaines et la théologie, mais pas le droit ni les sciences dures, indispensables au développement du Groenland. La majorité des chercheurs n’est pas d’origine groenlandaise. En Russie, l’idée d’une Académie polaire est lancée en 1990 à la suite d’une expédition franco-russe en Tchoukotka. De 1992 à 1998 œuvre le Cercle des cadres du nord sous le patronage de l’ENA, de l’EHESS et de la Ville de Paris. En 1994 est créée l’Académie polaire, devenue en 1997 <a href="http://www.gpa-spb.ru/eng-fr/english">Académie polaire d’État</a> (j’y enseigne). Les élèves sont 1 600 jeunes autochtones de 68 des différentes ethnies russes et des États de l’ex-URSS. En 2015, elle est intégrée dans l’université hydroélectrique de Saint-Pétersbourg. Elle est une des six universités russes faisant partie de l’Agence universitaire de la francophonie. Un signe supplémentaire de l’internationalisation de l’Arctique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147003/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Norbert Rouland ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’Arctique, qui abrite d’immenses richesses naturelles, attire la convoitise de nombreux pays du monde. Au détriment, souvent, des peuples autochtones…Norbert Rouland, Professeur de droit. Ancien membre de l'Institut universitaire de France (Chaire anthropologie juridique), professeur émérite, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1439112020-08-10T21:16:44Z2020-08-10T21:16:44ZComment les dérèglements climatiques ont fait entrer le Groenland dans la mondialisation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/351268/original/file-20200805-20-1wtdsxd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C478%2C3244%2C1890&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le village d’Oqaatsuk, situé sur l'une de berges de la baie de Disko, en 2017.</span> <span class="attribution"><span class="source">Norbert Rouland</span></span></figcaption></figure><p>En ce mois d’août, une petite expédition française du nom d’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=jeRxL4fTey0">Unu Mondo</a> – qui se donne pour but d’étudier les effets du réchauffement climatique et la fonte de la banquise – se trouve au sud du Groenland. Elle va en remonter la côte ouest pour se diriger ensuite vers le Canada, empruntant le fameux passage du Nord-Ouest.</p>
<p>La région arctique a été ces dernières semaines à nouveau au centre de l’attention, suite à la publication d’une étude scientifique évoquant la <a href="https://www.nature.com/articles/s41558-020-0818-9">disparition d’ici la fin du siècle</a> des ours polaires en raison du réchauffement climatique.</p>
<iframe src="https://www.google.com/maps/embed?pb=!1m18!1m12!1m3!1d24630059.92771151!2d-73.80873701988536!3d67.86538440113804!2m3!1f0!2f0!3f0!3m2!1i1024!2i768!4f13.1!3m3!1m2!1s0x4ea20dbbe3c07715%3A0x34cf9d830114e218!2sGroenland!5e0!3m2!1sfr!2sfr!4v1596619855732!5m2!1sfr!2sfr" width="100%" height="450" frameborder="0" style="border:0;" allowfullscreen="" aria-hidden="false" tabindex="0"></iframe>
<p><br>
Et l’on se souvient bien sûr de toutes ces photos montrant des ours à la dérive sur une plaque de banquise… Même si ces mammifères sont d’excellents nageurs, les effets des dérèglements climatiques sont incontestables et de mieux en mieux documentés. J’ai pu moi-même le constater lors d’un <a href="https://amubox.univ-amu.fr/s/DWi29Xn3jmca98B">voyage dans cette zone au mois de juin 2017</a>.</p>
<p>Revenu au Groenland dans des endroits où j’étais allé, il y a une quarantaine d’années, en compagnie de l’ethnologue et géographe <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Malaurie">Jean Malaurie</a> quand la mer gelait en octobre, j’apprends qu’elle ne gelait plus du tout…</p>
<p>Suivant les estimations de l’Institut météorologique danois en juillet 2019, le Groenland avait perdu <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/breves/calotte-glaciaire-groenland-50-ans-fonte-groenland-vus-satellites-nasa-1119/">197 gigatonnes</a> de glace de surface, plus que la moyenne d’une année entière depuis le début du XXI<sup>e</sup> siècle.</p>
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<figcaption><span class="caption">Polar bears could go extinct by 2100. (The Hindu/Youtube, juillet 2020).</span></figcaption>
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<h2>« Donnez-moi l’hiver »</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/351269/original/file-20200805-16-qaygwx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/351269/original/file-20200805-16-qaygwx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/351269/original/file-20200805-16-qaygwx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/351269/original/file-20200805-16-qaygwx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/351269/original/file-20200805-16-qaygwx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/351269/original/file-20200805-16-qaygwx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/351269/original/file-20200805-16-qaygwx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/351269/original/file-20200805-16-qaygwx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Chiens de traineaux à Ilulissat.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Norbert Rouland</span></span>
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<p>Au Groenland, l’utilisation des chiens de traineaux n’a plus qu’un caractère sportif ou touristique. Lors de mes premiers voyages, les chiens vivaient à côté des hommes. Aujourd’hui, ceux qui restent sont parqués dans des terrains vagues en lisière des petites villes, comme à Ilulissat dans la région de la baie de Disko.</p>
<p>Décédé il y a près d’un siècle, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Knud_Rasmussen">Knud Rasmussen</a>, le plus grand ethnologue des Inuits déclarait : « Donnez-moi l’hiver, donnez-moi les chiens, et gardez tout le reste ». Que dirait-il aujourd’hui, où les motoneiges ont remplacé les chiens ?</p>
<h2>Une pêche plus abondante, une petite agriculture</h2>
<p>Mais le passé n’avait pas que des avantages. On mourait en général jeune dans cette région ; et les anciens devaient se sacrifier, partant seuls sur la banquise. Aux jeunes de vivre pour nourrir femmes et enfants. Aujourd’hui, ce sont eux qui se suicident. Ils jouissent d’un confort sans commune mesure avec les temps anciens. Mais, tous branchés à Internet, ils souffrent de la comparaison avec des environnements plus cléments. L’alcoolisme et les violences familiales font des ravages.</p>
<p>Assistés par les subventions du Danemark, les Groenlandais rêvent d’indépendance. Son éventualité fait partie des conséquences « positives » du réchauffement climatique, rarement soulignées par les médias.</p>
<p>Les Groenlandais apprécient désormais des hivers moins rigoureux et, depuis quelques années, la pêche des cabillauds est plus abondante suite au réchauffement de l’eau. Dans le Sud-Ouest, on pratique une petite agriculture et les Groenlandais rêvent de pouvoir cultiver sur place des légumes et des fruits, importés du Danemark à des prix très élevés.</p>
<h2>Des changements bienvenus</h2>
<p>Mais les enjeux économiques les plus importants concernent les potentielles richesses contenues dans le sous-sol, et notamment les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/terres-rares-30956">terres rares</a>, ces minéraux qui interviennent dans la construction du matériel informatique et de nos téléphones. Elles sont d’ores et déjà un enjeu géopolitique du XXI<sup>e</sup> siècle et vont connaître une demande en constante augmentation. À l’heure actuelle, la Chine en a le quasi-monopole.</p>
<p>Le Groenland renfermerait également les troisièmes réserves d’uranium au monde et pourrait figurer parmi les dix ou cinq premiers exportateurs à l’horizon 2030.</p>
<p>L’exploitation de ce minerai constitue un bon exemple des risques liés à la modernisation de la zone. Elle pourrait permettre au Groenland l’accession à l’indépendance, mais comporte de nombreux risques, liés notamment à l’arrivée d’une main-d’œuvre étrangère, potentiellement déstabilisante.</p>
<p>Conscients de ces risques, les Groenlandais avaient interdit en 1983 l’extraction du minerai. Une interdiction levée par le Parlement en 2013, à seulement quelques voix de majorité. Les partisans de l’extraction ont fait valoir que la tolérance zéro datait d’une époque quasi coloniale. Ils avancèrent aussi que s’il fallait stopper le développement industriel pour préserver le climat, il n’était pas juste de priver les Groenlandais de l’exploitation d’une telle ressource.</p>
<p>À la liste des changements vus d’un œil favorable par les habitants de la région, il faut également mentionner une circulation maritime facilitée. Ainsi, la route du Nord, qui longe tout le littoral de la Russie, est devenue navigable. Du côté canadien, le passage du Nord-Ouest est beaucoup plus accessible qu’auparavant.</p>
<p>Pour des milliers d’euros, des touristes fortunés l’empruntent désormais sur des bateaux de <a href="https://theconversation.com/navigation-arctique-quels-risques-pour-les-navires-croisieristes-82170">croisière de luxe</a>. Cette navigation n’est toutefois aussi aisée que dans les mers chaudes : la nuit polaire reste longue, le brouillard et les icebergs fréquents et les hauts-fonds assez nombreux.</p>
<h2>La présence chinoise</h2>
<p>Si les <a href="https://www.academia.edu/36730452/LArctique_russe_reconqu%C3%AAte_dun_front_pionnier">Russes s’intéressent au Groenland</a>, ils sont, comme l’Union européenne, en retard sur la Chine. Depuis 2010, les contacts entre le Groenland et Pékin – au niveau bilatéral et dans le cadre des relations entre le Danemark et la Chine – se sont multipliés.</p>
<p>En 2011, le ministre groenlandais de l’Industrie et des Ressources naturelles se rend dans la capitale chinoise où il est reçu par le vice-premier ministre. En 2012, une délégation groenlandaise rencontre, au Danemark, le président Hu Jintao. En 2014, le vice-ministre groenlandais des Affaires étrangères en visite à Pékin s’entretient avec les représentants de deux entreprises minières chinoises. En 2016, le président Xi Jinping réaffirme la volonté chinoise de renforcer les liens entre la Chine et le Danemark.</p>
<p>Notons enfin que la base de données <a href="http://www.wanfangdata.com/">Wanfang data</a> – la plus grande base de données d’articles scientifiques en chinois – comporte plus de <a href="http://www.observatoire-arctique.fr/analyses-regionales/evaluation-de-montee-puissance-interets-chinois-groenland/">800 articles consacrés au Groenland</a>.</p>
<p>Pékin cherche aujourd’hui à <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/01/03/arctique-une-ambition-chinoise_6024717_3210.html">prendre toute sa place en Arctique</a>, imaginant qu’une de ses « nouvelles routes de la soie » passe par la région. Et, comme les Russes (un drapeau russe a été planté sous le pôle Nord à 4700 m de profondeur), ils sont opposés à une internationalisation de la région qui pourrait la limiter.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-chine-a-la-conquete-des-poles-142342">La Chine à la conquête des pôles</a>
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<p>Situé près du continent nord-américain, mais aussi de la Russie par la voie du détroit de Béring, appartenant à l’Europe par son intégration au Danemark (mais il s’est retiré de l’Union européenne afin de ne pas subir le contingentement de sa pêche), convoité par la Chine, le Groenland est entré pour la première fois de son histoire dans la mondialisation.</p>
<p>Le réchauffement climatique et les multiples changements qu’il initie sont en grande partie cause de cette évolution que personne ne soupçonnait encore au siècle dernier.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/143911/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Norbert Rouland ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La disparition des ours polaires est loin d’être le seul bouleversement qui anime la région arctique.Norbert Rouland, Professeur de droit. Ancien membre de l'Institut universitaire de France (Chaire anthropologie juridique), professeur émérite, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1287362020-01-28T17:31:39Z2020-01-28T17:31:39ZEn Laponie, les conséquences paradoxales du tourisme sur le peuple Sami<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/312255/original/file-20200128-81341-ehi8re.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C7%2C5114%2C3274&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les codes traditionnels de la culture sami sont récupérés par les acteurs (non samis) du tourisme pour vendre des objets sous couvert d’« authenticité ».</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/collection-saami-dolls-dressed-traditional-lapland-747594760">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Comptant parmi les derniers peuples aborigènes du Grand Nord, les Samis sont établis en Norvège, en Suède, en Finlande et dans le nord-ouest de la Russie. Ce groupe vit pour la majorité sur le cercle polaire arctique. Il compterait autour de 100 000 personnes réparties entre la Finlande, la Norvège, la Suède et la Russie. Uni par la langue finno-ougrienne et doté d’une culture propre, ce peuple fort d’une histoire de 10 000 ans est engagé depuis les années 1970 dans un fort processus de (ré)acquisition de sa conscience identitaire et de recherche de légitimité.</p>
<p>Dans le contexte finlandais, les Samis ont été progressivement privés de leur droit exclusif de l’usage de leur terre tout au long du processus de colonisation à partir <a href="https://www.veli-pekkalehtola.fi/UserFiles/files/ArcticAnthropology%20Lehtola%281%29.pdf">du XVIIIᵉ siècle et ce, jusqu’à nos jours</a>.</p>
<p>La Finlande <a href="https://arctic-council.org/index.php/en/our-work/arctic-peoples">abrite approximativement 10 000 Samis</a>, divisés en trois groupes : les Samis du Nord, les Samis d’Inari et les Samis de Skolt.</p>
<p>Les touristes du monde entier viennent visiter la région de Laponie finlandaise pour y admirer les attractions géoclimatiques locales, les aurores boréales ou le soleil de minuit, ou incités par le goût de l’aventure. Un afflux qui n’est pas sans conséquence sur la culture sami.</p>
<h2>Père Noël, Husky et aurores boréales</h2>
<p>En Laponie finlandaise, le tourisme tourne principalement autour des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/15022250600562154">conditions atmosphériques dites « extrêmes »</a>. Longues journées ensoleillées en été, longues nuits en hiver, aurores boréales, froid… Les activités de divertissement sportif y sont nombreuses, de la randonnée au ski en passant par la pêche et la chasse. Sans parler des attractions animalières, comme les rennes ou les fermes de husky, et du célèbre village du père Noël, à Rovaniemi.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/312256/original/file-20200128-81362-oo860u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/312256/original/file-20200128-81362-oo860u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/312256/original/file-20200128-81362-oo860u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/312256/original/file-20200128-81362-oo860u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/312256/original/file-20200128-81362-oo860u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/312256/original/file-20200128-81362-oo860u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/312256/original/file-20200128-81362-oo860u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Renne en Laponie finlandaise.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/rovaniemi-finland-march-3-2017-man-611630744">Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans ce riche panorama, l’intérêt culturel qui entoure les Samis est devenu secondaire, un secteur de soutien plus que l’attraction principale. À la fin de la guerre froide, la reconstruction des routes de Laponie, détruites par l’armée allemande pendant la Seconde Guerre mondiale, a ouvert la voie au tourisme dans la région.</p>
<p>Certes, les symboles de ce peuple demeurent visibles. Il est très courant de croiser dans la région des tentes samis ou des boutiques d’artisanat. Mais les objets, qui sont souvent produits ailleurs, sont vendus aux touristes par des non-Samis, qui les présentent comme des objets authentiques.</p>
<h2>Une folklorisation de la culture sami</h2>
<p>De la même manière, des attractions culturelles existent dans la région : le musée Siida à Inari, la <a href="http://www.nationalparks.fi/skoltsamiheritagehouse">maison patrimoniale sami de Skolt</a> à Sevettijärvi ou le festival Ijahis idja de musique sami, qui est organisé <a href="http://www.ijahisidja.fi/en/updates.php">à Inari depuis 2004</a>.</p>
<p>Les Samis de Finlande, de Scandinavie et de Russie y participent mais cette organisation attire également les <a href="https://biblio.co.uk/book/tourism-indigenous-peoples-issues-implications-butler/d/1177227030">touristes nationaux et internationaux</a>. Cette quête d’authenticité culturelle factice a atteint une telle dimension commerciale que le bâtiment du Parlement sami à Inari, ce lieu sensible acquis au terme d’un processus très difficile, est aujourd’hui loué pour des congrès, des conférences, des réunions et des événements commerciaux.</p>
<p>Le développement du tourisme dans la région a donc un double effet. Il fait revivre des traditions culturelles en phase de disparition pour cause de modernisation et d’assimilation. Parfois, dans une <a href="http://psi424.cankaya.edu.tr/uploads/files/Hobsbawm_and_Ranger_eds_The_Invention_of_Tradition.pdf">démarche de l’invention de tradition</a>, mais il folklorise et uniformise aussi les objets et comportements culturels, surtout au bénéfice des <a href="http://www.diva-portal.org/smash/record.jsf?pid=diva2%3A1263860&dswid=4957">non-Samis de la région</a>.</p>
<h2>Le tourisme, une arme à double tranchant</h2>
<p>Les touristes veulent voir des couleurs, des figures et des tentes samis lorsqu’ils viennent en Laponie. Les Samis entrent par conséquent dans leur jeu, en utilisant leurs symboles traditionnels pour accroître l’attrait de leur région, comme c’est le cas à Rovaniemi, Sydokkola, Ivalo, Inari et Sevettijärvi.</p>
<p>Bien entendu, cette instrumentalisation des symboles n’est pas le fruit d’une quelconque naïveté, elle répond à la loi du marché. Cela permet néanmoins aux Samis de faire perdurer certaines traditions et objets qu’ils ne fabriqueraient plus autrement.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/312257/original/file-20200128-81357-u1mz68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/312257/original/file-20200128-81357-u1mz68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/312257/original/file-20200128-81357-u1mz68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/312257/original/file-20200128-81357-u1mz68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/312257/original/file-20200128-81357-u1mz68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/312257/original/file-20200128-81357-u1mz68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/312257/original/file-20200128-81357-u1mz68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Boutique de souvenirs vendant des objets « samis ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/rovaniemi-finland-march-2-2017-couple-1106023499">Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En revanche, si les Samis vendent leurs produits culturels, ils n’approuvent pas que d’autres utilisent leurs ressources culturelles (tels que les costumes, les chapeaux ou les yoiks). Cette recherche de légitimité et d’exclusivité se traduit par une tension interne à la région, où les Samis n’ont toujours pas de droits exclusifs territoriaux.</p>
<p>Jean Malaurie, qui a parcouru toute sa vie le Groënland, a souvent exprimé ce paradoxe. D’un côté, il regrettait la contamination de la culture inuit par le contact avec les Qallunaat (hommes blancs) ; de l’autre, il reconnaissait que ce rapprochement facilitait les <a href="https://www.abebooks.fr/rechercher-livre/titre/les-derniers-rois-de-thule/">conditions de vie difficiles des Inuits</a>. Cette tension se pose encore aujourd’hui. Qu’attendent les Samis du tourisme ? Des retombées financières ? Ou peut-être une reconnaissance, voire du respect ?</p>
<h2>Revendications foncières</h2>
<p>Quoi qu’il en soit, la culture sami n’est pas le principal motif de tourisme en Laponie finlandaise. Par conséquent, les avantages ou les dommages du tourisme sur la culture sami doivent être considérés comme collatéraux. Que se passerait-il si un jour Père Noel mourait ? En d’autres termes, quels pourraient être les effets de l’absence ou de la baisse drastique du tourisme dans la région, sur la culture sami ?</p>
<p>Changement climatique, industrialisation incontrôlée, construction du chemin de fer pourraient changer à l’avenir les valeurs de l’attraction de la Laponie.</p>
<p>Dans tous les cas, les droits fonciers revendiqués – dont ils ont progressivement été privés depuis plus de deux siècles – par les Samis finlandais semblent indispensables pour assurer une vie culturelle riche et pérenne, où les comportements et les objets sont non seulement authentiques, mais aussi des exemples pour d’autres cultures sur la façon de traiter avec la nature, dans un contexte <a href="https://www.arcticcentre.org/loader.aspx?id=75ede629-b6d5-4426-91b7-6bfbf4948c05">où ces expériences deviennent vitales</a>.</p>
<p>Rappelons que contrairement à la Norvège, la Finlande n’a toujours pas ratifié la Convention no 169 d’ILO <a href="https://www.idunn.no/ntmr/2012/02/why_not_commit_-_norway_sweden_and_finland_and_the_ilo_">sur les droits des peuples autochtones</a>.</p>
<p>Le tourisme dont profitent les Samis étant une ressource conjoncturelle et secondaire, ces derniers revendiquent davantage des droits fonciers pour garantir la perpétuation de la culture indigène spécifique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128736/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eda Ayaydin a reçu des financements de l'Institut des hautes études de défenses nationale et de la Région Ile de France.</span></em></p>Tout en soumettant sa culture à la loi du marché, le tourisme permet à ce peuple autochtone de faire perdurer des traditions en voie de disparition.Eda Ayaydin, Doctorante en sciences politiques, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1197762019-08-08T17:02:19Z2019-08-08T17:02:19ZUn crâne insolite s’avère être celui de la progéniture d’une baleine béluga et d’un narval<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/283109/original/file-20190708-51268-1tru70o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C5468%2C3053&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une baleine plonge dans la baie de Disko, au large de la côte ouest du Groenland, là où le squelette hybride d’un crâne de béluga croisé avec celui d’un narval a été découvert.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Qu’obtient-on lorsque l’on croise une baleine béluga avec un narval?</p>
<p>Il ne s’agit pas d’une blague classique de l’Arctique. En 1990, le biologiste danois Mads Peter Heide-Jørgensen a découvert un crâne insolite sur le toit de la cabane à outils d’un chasseur Inuit au Groenland occidental. S’il ressemblait quelque peu à celui d’une baleine béluga, il était anormalement grand et solide. Il était également muni d’une dentition étonnante. Certaines des dents de la mâchoire inférieure avaient la forme d’un ouvre-bouteille, alors que certaines dents de la mâchoire supérieure étaient longues et incurvées vers l’avant, ressemblant à des défenses miniatures.</p>
<p>C’est en 1993 que <a href="https://doi.org/10.1111/j.1748-7692.1993.tb00454.x">Heide-Jørgensen</a> a suggéré que ce crâne aurait pu appartenir à un hybride béluga-narval en raison de son apparence inhabituelle. Les aspects du crâne étaient à mi-chemin entre ceux d’une béluga et ceux d’un narval, seule espèce de cétacé munie de dents parmi les espèces endémiques de l’Arctique.</p>
<h2>L’analyse du crâne</h2>
<p>Le crâne faisait partie des collections du <a href="https://snm.ku.dk/english/">musée national d’histoire naturelle du Danemark</a> jusqu’à ce que mes collaborateurs de l’Université de Copenhague, Eline Lorenzen et l’étudiant en doctorat Mikkel Skovrind, effectuent des tests d’ADN pour déterminer si oui ou non le crâne provenait bien d’une hybridation.</p>
<p>L’utilisation de la nouvelle génération de techniques de séquençage à haute résolution pour étudier l’ADN ancien <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/bies.201400160">est en train de révolutionner notre compréhension de l’évolution des espèces</a>, la nôtre y compris.</p>
<p>En comparant l’ADN nucléaire de ce spécimen inhabituel avec un groupe témoin de bélugas et de narvals, nous avons pu <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-019-44038-0">démontrer que ce crâne bizarre provenait bien d’un mâle hybridé de première génération</a>.</p>
<p>L’analyse mitochondriale d’ADN du spécimen - qui se transmet uniquement par la mère - a confirmé que sa mère était une narval, et que donc son père avait été un béluga. C’est particulièrement surprenant, car on émettait l’hypothèse que la défense du narval servait également <a href="https://www.nrcresearchpress.com/doi/10.1139/z81-319">d’organe sexuel secondaire chez le mâle</a>. Mais en l’absence de cette défense, un béluga mâle a réussi à s’accoupler avec une femelle narval.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/280326/original/file-20190619-171183-qilaxt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/280326/original/file-20190619-171183-qilaxt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/280326/original/file-20190619-171183-qilaxt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1023&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/280326/original/file-20190619-171183-qilaxt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1023&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/280326/original/file-20190619-171183-qilaxt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1023&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/280326/original/file-20190619-171183-qilaxt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1285&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/280326/original/file-20190619-171183-qilaxt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1285&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/280326/original/file-20190619-171183-qilaxt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1285&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">un crâne de (a) narval, (b) de l’hybride analysé dans notre étude et (c) d’un béluga.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mikkel Høegh Post/Natural History Museum of Denmark</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’endroit précis où l’accouplement a eu lieu est difficile à déterminer. Les bélugas et les narvals sont deux espèces migratoires, et nous n’avons qu’une connaissance assez limitée de leurs déplacements. Le crâne a été localisé dans la baie de Disko au Groenland occidental, l’une des régions du monde où l’on retrouve les deux espèces en assez grand nombre durant la saison du rut (qui s’étend de la fin de l’hiver à la fin du printemps). Il est donc plausible que les deux parents aient convolé dans la baie de Disko.</p>
<h2>Les spécificités de l’hybride</h2>
<p>Savoir que cet hybride a existé, c’est déjà passionnant, mais nous étions également curieux de savoir comment vivaient ces insolites cétacés. <a href="https://www.paulszpak.com/lab">Dans mon laboratoire de l'université Trent</a>, en Ontario, j’ai donc analysé la composition isotopique de la protéine extraite du crâne de l'hybride ainsi que celle de bélugas et de Narval récoltée au Groenland occidental. Ces isotopes sont des variantes du même élément chimique mais constitués d’un nombre différent de neutrons.</p>
<p>Il existe dans l’environnement <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1748-7692.2009.00354.x">de subtiles variations dans la répartition de ces isotropes</a>. L’abondance relative de ces éléments dans notre corps illustre la variété des aliments que nous absorbons, les endroits ou nous avons vécu, et même certaines caractéristiques de notre santé.</p>
<p>Notre équipe de chercheurs a étudié les isotopes de carbone et d’azote contenues dans la protéine du collagène, ce qui nous informe sur <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/ajpa.20598">le régime alimentaire moyen de l’animal durant sa vie</a>. Les résultats obtenus démontrent que narvals et bélugas observent un régime différent, ce qui suggère que chacune de ces espèces appartiennent à une niche écologique distincte.</p>
<p>Nous avions pressenti que l’hybride s’alimentait d’un croisement entre les deux diètes, mais nous avons découvert chez l’hybride une signature d’isotopes radicalement différente, suggérant un régime propre.</p>
<h2>Les variantes du style de vie</h2>
<p>L’hybride présentait une concentration en isotopes de carbone particulièrement élevée, ce qui pourrait indiquer qu’il se nourrissait davantage au fond ou près du fond de l’océan. Nos données en isotope étant représentatives de son régime moyen sur plusieurs années, nous savons que cet individu a du suivre le même régime tout au long de sa vie. Peut-être que sa dentition inhabituelle l’a forcé à consommer des proies qui ne font pas partie du régime habituel des bélugas ou des narvals.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/280313/original/file-20190619-171252-rkb2dz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/280313/original/file-20190619-171252-rkb2dz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/280313/original/file-20190619-171252-rkb2dz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=597&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/280313/original/file-20190619-171252-rkb2dz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=597&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/280313/original/file-20190619-171252-rkb2dz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=597&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/280313/original/file-20190619-171252-rkb2dz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=750&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/280313/original/file-20190619-171252-rkb2dz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=750&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/280313/original/file-20190619-171252-rkb2dz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=750&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le narval sur la photo du haut, et le béluga, sur la photo du bas, sont les cousins les plus proches, et les seules baleines munies d’une dentition endémiques à l’Arctique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mads Peter Heide-Jørgensen/Greenland Institute of Natural Resources</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il est possible que ce croisement entre béluga et narval se soit produit assez régulièrement. Le chasseur qui a tué ce spécimen a observé plusieurs autres baleines à l’aspect inhabituel: elles présentaient des caractéristiques - telles la forme de leurs nageoires - semblant être un mélange de béluga et de narval. Une nouvelle largement diffusée l’an dernier a rapporté qu’un narval <a href="https://www.cbc.ca/news/technology/belugas-narwhal-stlawrence-1.4820602">avait été adopté</a> par un troupeau de bélugas.</p>
<p>Notre étude illustre la façon dont nous pouvons utiliser des techniques biomoléculaires afin de recueillir de nouvelles données à partir des collections des musées d’histoire naturelle, y compris les échantillons récoltés au cours des derniers siècles, les os d’animaux trouvés sur des fouilles archéologiques, ainsi que des spécimens paléontologiques.</p>
<p><em>Ne manquez aucun de nos articles écrits par nos experts universitaires.</em> <a href="https://theconversation.com/ca-fr/newsletters?utm_source=TCCA-FR&utm_medium=inline-link&utm_campaign=newsletter-text&utm_content=expert">Abonnez-vous à notre infolettre hebdomadaire</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119776/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paul Szpak a reçu des financements des Chaires de recherche du Canada, de la Fondation canadienne pour l'innovation et du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.</span></em></p>Il a été prouvé qu'un crâne trouvé dans l'ouest du Groenland est la progéniture mâle de première génération d'une femelle narval et d'un mâle béluga.Paul Szpak, Assistant professor, Trent UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1143122019-03-26T21:38:55Z2019-03-26T21:38:55ZGizela : « Est-ce que la glace du pôle Nord peut se casser ? »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/265974/original/file-20190326-36244-1m5i1pq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C5000%2C3315&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Famille d'ours polaires</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.freepik.com">Freepik</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans la région du pôle Nord, qu’on appelle Arctique, on pourrait dire qu’il y a plusieurs sortes de glaces. Au milieu de cette région se trouve un océan. Les températures y sont si froides (environ 0 °C l’été et -30 °C l’hiver) que la surface de l’océan gèle et forme une fine couche de glace.</p>
<p>Cette « glace de mer », c’est la banquise, le terrain de jeu des ours blancs et des phoques. Elle mesure 2 mètres d’épaisseur, mais ce n’est pas une simple couche posée sur l’eau. Le vent vient casser la glace en de multiples morceaux, comme si du verre cassé flottait sur la mer.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/265879/original/file-20190326-36244-13gmuix.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/265879/original/file-20190326-36244-13gmuix.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/265879/original/file-20190326-36244-13gmuix.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/265879/original/file-20190326-36244-13gmuix.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/265879/original/file-20190326-36244-13gmuix.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/265879/original/file-20190326-36244-13gmuix.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/265879/original/file-20190326-36244-13gmuix.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Ours polaire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.ipernity.com/doc/daniela.lucie/36915260">Ipernity</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>En Arctique, il n’y a pas que des mers, il y a aussi des terres : la Sibérie et le Grand Nord de l’Amérique, où vivent des Inuits, malgré le grand froid. En regardant sur une carte du monde, tu verras aussi de nombreuses îles. La plus grande de ces îles, et de loin, c’est le Groenland : elle mesure presque 4 fois la taille de la France ! C’est là-bas qu’on trouve une glace tout aussi importante que la banquise, mais très différente : on l’appelle la calotte glaciaire, et elle recouvre presque tout le Groenland.</p>
<p>Là-bas, le froid est si intense en hiver comme en été, que la neige qui se dépose sur le sol ne fond jamais. Après plusieurs centaines de milliers d’années, une couche de glace de 3 kilomètres d’épaisseur s’est formée à partir des chutes de neige successives ! Au pôle Sud aussi, une autre calotte recouvre tout un continent : en la creusant très profondément, on a pu retrouver de la glace vieille de millions d’années !</p>
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<figcaption><span class="caption">La fonte, de Carrie Mombourquette (2012, Hothouse 8).</span></figcaption>
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<p>Comme tu le sais, la glace n’aime pas la chaleur. Et <a href="https://theconversation.com/le-co-une-histoire-au-long-cours-chamboulee-par-les-societes-industrielles-111715">depuis environ 160 ans</a>, les Hommes jettent dans l’atmosphère des gaz qui font réchauffer notre planète. Tu en as peut-être entendu parler, ce sont les gaz à effet de serre. Ils sont si efficaces que la Terre pourrait, en quelques dizaines d’années, devenir plus chaude qu’elle ne l’a été depuis des millions d’années.</p>
<p>Les glaces sont aujourd’hui menacées par ce réchauffement. On peut déjà voir que d’année en année la glace des calottes rétrécit, tout comme la banquise. Cela bouleverse la vie des animaux vivant dessus, tout comme les habitants du Groenland, mais cela affecte aussi tout le reste de la planète. En fondant ou en relâchant des icebergs, la glace des calottes se déverse dans la mer et la fait monter, petit à petit.</p>
<p>La neige a aussi un effet miroir, elle renvoie la chaleur sans l’absorber : tu l’as peut-être expérimenté, en été il vaut mieux mettre un T-shirt blanc que noir pour ne pas avoir trop chaud. En disparaissant, la banquise blanche laisse l’océan sombre absorber la chaleur du Soleil et se réchauffer. C’est un cercle vicieux : plus il fait chaud, moins il y a de glace. Et moins il y a de glace, plus il fait chaud.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : tcjunior@theconversation.fr. Nous trouverons un.e scientifique pour te répondre.</em></p>
<p><em>Illustration : <a href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/114312/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benoît Tournadre a reçu des financements de Région Sud et Transvalor pour son doctorat. </span></em></p>Non seulement la glace du pôle Nord peut se casser, mais elle peut aussi fondre. Et cela met en danger les ours polaires, les phoques, les manchots, mais aussi les êtres humains !Benoît Tournadre, Chercheur post-doctoral en sciences du climat et de l'environnement, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1134462019-03-18T20:33:44Z2019-03-18T20:33:44ZFonte des glaces et climat, que se trame-t-il en Antarctique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/263696/original/file-20190313-123519-4y8nnr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les glaces de l'Antarctique, objets d'étude intensifs dans les recherches sur le climat.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/IkJC9YAar-8">Cassie Matias/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Les études scientifiques sur la calotte antarctique et son influence sur le niveau des mers se sont multipliées ces dernières années. Le progrès des connaissances et des techniques a conduit à des découvertes capitales depuis les années 1990, et la compréhension des mécanismes en jeu a drastiquement changé en quelques décennies. Notamment, les réactions de la calotte au changement climatique se sont avérées beaucoup plus importantes que celles estimées auparavant. Ces découvertes sont encore aujourd’hui en plein développement.</p>
<p>Rappelons que la calotte antarctique est une énorme masse de glace qui s’étend sur une surface d’environ 25 fois la France métropolitaine et qui repose sur un continent largement immergé au pôle Sud de notre planète. Cette calotte contribue à l’évolution du niveau des mers par deux voies : elle stocke de la glace par accumulation de neige à sa surface, ce qui tend à diminuer le niveau des mers, et elle libère de la glace par écoulement des glaciers vers l’océan, ce qui tend à élever le niveau des mers.</p>
<p>Lorsque le climat est stable sur plusieurs milliers d’années, les pertes de masse par écoulement glaciaire compensent l’accumulation de neige. La calotte est alors à l’équilibre, elle ne modifie pas le niveau des mers.</p>
<h2>Années 80-90, pas d’inquiétude particulière</h2>
<p>Au cours d’un débat dans l’émission télévisée <em>Les Dossiers de l’Écran</em> en 1979 face à Jacques-Yves Cousteau et Haroun Tazieff, le climatologue Claude Lorius explique que les émissions de gaz à effet de serre et un réchauffement climatique associé de 2 à 3 °C n’aurait « pas d’incidence catastrophique » sur la calotte antarctique. Ce point de vue reflète alors celui de la majorité de la communauté scientifique internationale, avec l’idée que la masse de la calotte antarctique ne varie fortement qu’aux échelles des grands cycles glaciaires, c’est-à-dire sur des périodes de dizaines de milliers d’années.</p>
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<p>La possible accélération des glaciers d’Antarctique de l’Ouest à l’échelle de quelques siècles en conséquence des émissions de gaz à effet de serre est malgré tout soulevée par <a href="https://www.nature.com/articles/271321a0">quelques chercheurs</a>, mais cette idée reste relativement peu étudiée pendant plus de deux décennies.</p>
<p>Dans les années 1980 et 1990, la vision majoritaire est que l’écoulement des glaciers ne changera probablement que très peu en réponse aux émissions de gaz à effet de serre au cours du 21<sup>e</sup> siècle, mais que les chutes de neige pourraient être plus importantes dans un <a href="https://rmets.onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1002/joc.3370020102">climat plus chaud</a>, si bien que l’Antarctique aurait tendance à faire baisser le niveau des mers global.</p>
<p>Les <a href="https://www.nature.com/articles/nclimate3400">trois premiers rapports</a> du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), en 1990, 1996 puis 2001, prévoient ainsi qu’en stockant davantage de glace, l’Antarctique fera diminuer le niveau des mers planétaire de 5 à 8 cm entre 1990 et 2100, pour des scénarios de réchauffement climatique planétaire de 2 à 3 °C.</p>
<h2>L’observation satellitaire change la donne</h2>
<p>La connaissance du continent antarctique est alors fortement limitée par le faible déploiement instrumental, du fait de son climat extrêmement rude et de son accès difficile. À partir des années 1990, le déploiement de nouveaux types de satellites révolutionne la compréhension de l’écoulement de la glace antarctique en apportant une vision globale des changements de masse de la calotte par mesure de ses vitesses de surface (interférométrie radar), de ses changements de volume (altimétrie), puis de ses changements d’attraction gravitationnelle (gravimétrie).</p>
<p>Ces observations révèlent une <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-018-0179-y">accélération importante de l’écoulement des grands glaciers</a> émissaires de l’Antarctique de l’Ouest et de la péninsule antarctique. Les pertes de masse antarctique représentent 4 mm d’élévation du niveau des mers entre 1992 et 2011 (vingt ans) et une contribution de même ampleur pour les six années suivantes, soit 18 % de l’élévation totale du niveau des mers pour la période 2012–2017.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/264099/original/file-20190315-28468-n10hih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/264099/original/file-20190315-28468-n10hih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/264099/original/file-20190315-28468-n10hih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=768&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/264099/original/file-20190315-28468-n10hih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=768&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/264099/original/file-20190315-28468-n10hih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=768&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/264099/original/file-20190315-28468-n10hih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=965&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/264099/original/file-20190315-28468-n10hih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=965&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/264099/original/file-20190315-28468-n10hih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=965&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La calotte polaire antarctique et ses principaux bassins ; en bas, coupe transversale montrant l’élévation de la calotte et du socle rocheux (F. Rémy/LEGOS).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cécile Agosta</span></span>
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</figure>
<p>Cette perte de masse de la calotte ne s’explique pas par des changements d’accumulation de neige ou de fonte à la surface de la calotte, mais par un écoulement de glace plus important vers l’océan, provoqué par une augmentation de la fonte de la glace au contact avec l’océan. En effet, les glaciers d’Antarctique débouchent dans la mer en formant des plates-formes flottantes.</p>
<p>Ces plates-formes sont généralement confinées dans des baies et exercent une pression sur le glacier en amont. Par cet effet, elles jouent un rôle de verrou pour l’écoulement de la glace, similaire au rôle du bouchon pour une bouteille couchée. Une augmentation de la fonte sous ces plates-formes suite à un réchauffement de l’océan provoque leur affaiblissement et l’accélération des écoulements de glace vers l’océan.</p>
<p>Les modèles numériques d’écoulement glaciaire des années 1990 ne sont pas capables de prédire cette accélération des glaciers car ils reposent sur des approximations qui rendent l’écoulement peu sensible aux changements climatiques rapides (quelques décennies à centaines d’années). Devant ce constat, l’ensemble de la communauté glaciologique doit <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-018-05003-z">changer sa façon de concevoir</a> l’écoulement de la calotte antarctique, tant d’un point de vue théorique que numérique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/263915/original/file-20190314-28512-1b5n89p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/263915/original/file-20190314-28512-1b5n89p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/263915/original/file-20190314-28512-1b5n89p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/263915/original/file-20190314-28512-1b5n89p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/263915/original/file-20190314-28512-1b5n89p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/263915/original/file-20190314-28512-1b5n89p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/263915/original/file-20190314-28512-1b5n89p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les grands icebergs tabulaires proviennent de glaciers déversant la glace antarctique dans l’océan.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alexandre Trouvilliez</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<h2>L’écoulement des glaciers mieux pris en compte</h2>
<p>Vers la fin des années 2000, les premiers modèles commencent à simuler des changements d’écoulements glaciaires à l’échelle de quelques décennies en représentant correctement le <a href="https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1029/2006JF000664">lien entre les contraintes mécaniques et le flux de glace</a> dans la zone où les glaciers se mettent à flotter.</p>
<p>Ces progrès importants permettent au GIEC de commencer à prendre en considération l’évolution de l’écoulement glaciaire dans les prédictions de niveau des mers au cours du XXI<sup>e</sup> siècle dans leurs <a href="https://www.nature.com/articles/nclimate3400">rapports de 2007 et 2013</a>. En 2007, le GIEC estime que les changements d’écoulements glaciaires pourraient compenser la moitié de la diminution de niveau des mers liée à l’augmentation des chutes de neige pour un réchauffement climatique global de 2 °C à 3 °C.</p>
<p>Dans l’estimation suivante, en 2013, la contribution du changement d’écoulement glaciaire au niveau des mers prend le dessus sur la contribution liée à l’augmentation des chutes de neige, si bien que l’Antarctique a désormais tendance à faire monter le niveau des mers dans les prévisions pour le XXI<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Cependant, le GIEC souligne que l’évolution de l’écoulement de la calotte en réponse au réchauffement climatique est la principale source d’incertitude sur l’évolution future du niveau des mers. En effet, si l’on connaît désormais beaucoup mieux l’écoulement glaciaire, de grandes questions restent ouvertes sur les interactions entre la glace et l’océan ou l’atmosphère.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/263919/original/file-20190314-28512-fxlk5i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/263919/original/file-20190314-28512-fxlk5i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/263919/original/file-20190314-28512-fxlk5i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/263919/original/file-20190314-28512-fxlk5i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/263919/original/file-20190314-28512-fxlk5i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/263919/original/file-20190314-28512-fxlk5i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/263919/original/file-20190314-28512-fxlk5i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les études se multiplient pour comprendre les phénomènes en cause sur les côtes de l’Antarctique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alexandre Trouvilliez</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Une déstabilisation par l’océan ou l’atmosphère ?</h2>
<p>La première question ouverte concerne l’évolution de la fonte sous les plates-formes de glace. La connaissance de la fonte sous-glaciaire reste très limitée, en partie du fait du manque d’observations. Aujourd’hui, on commence à mieux comprendre les interactions entre la glace et l’océan grâce à des <a href="https://tos.org/oceanography/article/modeling-ice-shelf-ocean-interaction-in-antarctica-a-review">modèles numériques</a> dédiés, l’utilisation indirecte de <a href="https://www.pnas.org/content/116/4/1095">multiples données satellites</a>, et aux <a href="https://www.nature.com/articles/ngeo890">robots sous-marins</a>.</p>
<p>Cependant, on simule encore mal les interactions entre la glace et l’océan (<a href="http://advances.sciencemag.org/content/5/1/eaau3433.abstract">par exemple les effets de marée</a>), si bien que l’évolution future de la fonte sous-glaciaire en réponse au réchauffement de l’Océan austral reste encore très incertaine.</p>
<p>Le processus de fonte est rendu encore plus complexe par l’effet de l’eau libérée par la calotte sur l’océan et le climat. Deux études récentes, de <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-018-0712-z">2018</a> et <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-019-0889-9">2019</a>, suggèrent qu’une grande augmentation de la fonte sous-glaciaire et des décharges d’icebergs résultants pourrait amplifier le réchauffement de l’océan sous les plates-formes glaciaires, et donc la fonte, en changeant la stratification thermique des mers entourant l’Antarctique.</p>
<p>Toutefois, l’importance de ces effets reste encore très difficile à estimer précisément car les modèles numériques de climat utilisés pour ces applications ne représentent pas explicitement les interactions entre l’océan et la glace.</p>
<p>Une autre grande question concerne l’augmentation future de la fonte en surface des plates-formes et de son impact sur la stabilité des glaciers. En marge de la calotte, il arrive qu’il fasse suffisamment chaud pour que la neige ou la glace fonde et ces événements pourraient devenir plus fréquents dans un climat plus chaud. Dans ce cas, l’eau peut soit s’écouler directement vers l’océan, soit former des lacs ou s’infiltrer dans des crevasses.</p>
<p>Si ces dernières se remplissent, la pression exercée par l’eau en regelant peut favoriser la fracture d’une plate-forme glaciaire et ainsi engendrer une accélération rapide des glaciers, de façon similaire à celle provoquée par une augmentation de la fonte océanique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/263995/original/file-20190314-28471-1rqdp4w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/263995/original/file-20190314-28471-1rqdp4w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/263995/original/file-20190314-28471-1rqdp4w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/263995/original/file-20190314-28471-1rqdp4w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/263995/original/file-20190314-28471-1rqdp4w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/263995/original/file-20190314-28471-1rqdp4w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/263995/original/file-20190314-28471-1rqdp4w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’impact des décharges d’icebergs sur la dynamique de la calotte est l’un des aspects étudiés.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/climate-change-antarctic-melting-glacier-global-324590741">Bernhard Staehli/Shutterstock</a></span>
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</figure>
<h2>Des études contradictoires alimentent le débat</h2>
<p>En 2016, une <a href="https://www.nature.com/articles/nature17145/">étude</a> suggère qu’il est indispensable de considérer la fracturation des plates-formes et l’effondrement des falaises de glace au front du glacier pour reproduire l’élévation du niveau des mers quelques centaines de milliers à millions d’années en arrière. En prenant en compte ce mécanisme et son évolution dans un climat plus chaud, les auteurs trouvent que l’élévation du niveau des mers causée par l’Antarctique aurait 50 % de chances de dépasser 46 cm pour un réchauffement climatique planétaire de 1 à 3 °C sur la période 1990-2100, et 79 cm pour un réchauffement de 3 à 5 °C.</p>
<p>Ces résultats ont récemment été remis en question par une autre <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-019-0901-4">étude</a> montrant qu’il est en fait possible de reproduire les évolutions du niveau des mers récentes et anciennes sans recourir au processus d’effondrement des falaises de glace. Cette étude montre que sans ce processus, le niveau des mers a 95 % de chances de ne pas s’élever de plus de 21 cm pour un réchauffement climatique planétaire de 1 à 3 °C sur 1990-2100, et de plus de 39 cm pour un réchauffement de 3 à 5 °C. Ces estimations sont cohérentes avec d’autres études ne représentant pas la fracturation de la glace et l’instabilité des falaises.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/263917/original/file-20190314-28468-986f7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/263917/original/file-20190314-28468-986f7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/263917/original/file-20190314-28468-986f7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/263917/original/file-20190314-28468-986f7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/263917/original/file-20190314-28468-986f7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/263917/original/file-20190314-28468-986f7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/263917/original/file-20190314-28468-986f7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/263917/original/file-20190314-28468-986f7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Mesures de la quantité de neige tombant sur la calotte antarctique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cécile Agosta</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/263918/original/file-20190314-28487-1hwomb4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/263918/original/file-20190314-28487-1hwomb4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/263918/original/file-20190314-28487-1hwomb4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/263918/original/file-20190314-28487-1hwomb4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/263918/original/file-20190314-28487-1hwomb4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/263918/original/file-20190314-28487-1hwomb4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/263918/original/file-20190314-28487-1hwomb4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/263918/original/file-20190314-28487-1hwomb4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Maintenance d’un mât météorologique proche de la station française de Dumont d’Urville. Les mesures de terrain sont très éparses sur le continent antarctique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cécile Agosta</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Pour autant, le phénomène de fracturation des plates-formes par la fonte de surface existe, et l’effondrement des falaises de glace reste un processus plausible. L’une des priorités dans les années à venir sera de comprendre de façon plus précise comment ces phénomènes fonctionnent, et comment ils sont influencés par le réchauffement climatique, au même titre que la fonte océanique. Ces avancées permettront d’affiner les prédictions de la contribution de l’Antarctique au niveau des mers.</p>
<p>Même si des incertitudes perdurent, le fait que l’évolution de l’Antarctique contribue à l’augmentation du niveau des mers fait désormais consensus. Et il est important de noter que cette contribution, tout comme les autres causes d’élévation du niveau des mers (expansion thermique de l’océan et fonte des glaciers de montagne et du Groenland), sera d’autant plus importante que les émissions de gaz à effet de serre seront élevées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/113446/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Jourdain a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche (France) et de l'Australian Research Council.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Cécile Agosta a reçu des financements de l'Université de Liège et du Fond National pour la Recherche Scientifique Belge. </span></em></p>Fracturation, écoulements, libération d’icebergs… la calotte glaciaire de l’Antarctique évolue au rythme du changement climatique, contribuant à la hausse du niveau des mers.Nicolas Jourdain, Climatologue, chargé de recherches CNRS à l'Institut des géosciences de l'environnement à Grenoble, Université Grenoble Alpes (UGA)Cécile Agosta, Chercheuse spécialiste du climat Antarctique, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/951112018-04-22T19:39:46Z2018-04-22T19:39:46ZDes oasis dans les Alpes pendant la période glaciaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/215756/original/file-20180420-75107-6u1fb8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4288%2C2663&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Toundra alpine, Dovrefjell National Park, Norvège.</span> <span class="attribution"><span class="source">Christopher Carcaillet</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Il est, quelques fois, des avancées scientifiques qui sont de véritables découvertes. C’est ce que deux études conduites dans les Alpes françaises, toutes deux dans le département des Hautes-Alpes, ont révélé. Elles démontrent l’existence de véritables oasis de biodiversité durant la période glaciaire au cœur des massifs parmi les plus hauts des Alpes occidentales (France, Italie).</p>
<p>Ces travaux ont été publiés en 2017 dans <a href="http://www.newphytologist.org/blog/behind-the-cover-new-phytologist-2164-december-2017/"><em>New Phytologist</em></a> et en 2018 dans <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/gcb.14067"><em>Global Change Biology</em></a>.</p>
<p>À la faveur de conditions microsituationnelles extraordinaires, des arbres ont survécu aux millénaires de conditions âpres de l’âge de glace qui ont prévalu jusqu’à 14 500 ans avant nos jours. Ces arbres sont avec certitude des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pinus_cembra">pins aroles</a> (ou pins cembro), des pins à crochet, des mélèzes ou encore des bouleaux. La présence d’autres espèces d’arbres est suspectée comme des aulnes, des sorbiers ou des saules. On imagine bien que les arbres étaient accompagnés de leurs cortèges de partenaires microbiens (champignons, bactéries) sans lesquels certaines fonctions vitales des organismes ou des écosystèmes ne peuvent pas être accomplies, comme l’assimilation de l’azote, la décomposition des matières organiques, ou encore l’utilisation de l’eau.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/215759/original/file-20180420-75119-c48ydv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/215759/original/file-20180420-75119-c48ydv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/215759/original/file-20180420-75119-c48ydv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/215759/original/file-20180420-75119-c48ydv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/215759/original/file-20180420-75119-c48ydv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/215759/original/file-20180420-75119-c48ydv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/215759/original/file-20180420-75119-c48ydv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Lac Miroir en hiver, 2 200 m d’altitude, Parc Naturel Régional du Queyras, Alpes France. Les rives de ce lac ont hébergé un îlot d’arbres pendant la glaciation.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Christopher Carcaillet</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Contexte glaciaire en montagne</h2>
<p>Pour que l’on comprenne bien le contexte de la découverte, il faut imaginer que voici 20 000 ans, la planète vivait un climat glaciaire avec des températures moyennes d’environ 10˚C plus basses que les températures actuelles. Dans l’ouest de l’arc alpin, les vallées étaient occupées par des glaciers dont les extrémités ou <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Front_glaciaire">fronts glaciaires</a> s’étendaient jusqu’aux environs de Genève au nord, Grenoble à l’ouest, Sisteron au sud ou Rivoli à l’est.</p>
<p>Les glaciers remplissaient les vallées jusqu’à environ 2 100 m d’altitude au cœur des massifs internes des Alpes occidentales, près de Briançon, St-Jean‑de-Maurienne et Bourg-St-Maurice (France), ou Oulx (Italie). Des glaciers perchés pouvaient naître sur certaines pentes bien arrosées et alimentaient les glaciers de vallées.</p>
<p>Les sols dénudés de glace aux altitudes supérieures à celles des glaciers étaient gelés en profondeur une grande partie de l’année comme de nos jours dans les toundras arctiques ; le dégel estival pouvait advenir sur les pentes les mieux exposées aux rayons chauffants du soleil et abritées des vents.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/215760/original/file-20180420-75119-1rhlemm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/215760/original/file-20180420-75119-1rhlemm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=358&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/215760/original/file-20180420-75119-1rhlemm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=358&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/215760/original/file-20180420-75119-1rhlemm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=358&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/215760/original/file-20180420-75119-1rhlemm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=450&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/215760/original/file-20180420-75119-1rhlemm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=450&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/215760/original/file-20180420-75119-1rhlemm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=450&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Carte des Alpes occidentales franco-italiennes ; emplacement des refuges certains et probables de
pin cembro (gauche, feuillage et cônes matures), pin à crochet (centre, aiguilles et cônes matures) et mélèze des Alpes (droite, cônes en fleur et jeunes aiguilles).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Christopher Carcaillet</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Des oasis glaciaires de haute montagne</h2>
<p>Ces oasis de biodiversité étaient donc nichées sur des pentes ensoleillées et non recouvertes de glaciers. L’une de ces oasis glaciaires se situe au Lac Miroir sur la commune de Ceillac située dans le Parc Naturel du massif du Queyras.</p>
<p>L’autre, un peu plus au nord, est localisé près du Jardin botanique alpin de l’Université de Grenoble au Col du Lautaret sur la commune de Villar d’Arène dans la zone du Parc National des Écrins. Les deux sites sont situés à une altitude supérieure à 2 100 m.</p>
<p>Ils présentent des conditions microsituationnelles différentes : l’un est un plateau bien ensoleillé accueillant un lac subalpin, l’autre une pente exposée au sud et surtout associée à une source géothermale. La présence de l’eau disponible est déterminante dans les deux cas, car une période glaciaire était une période sèche, où les précipitations de pluie et de neige étaient bien plus faibles que de nos jours.</p>
<p>Or la vie, qu’elle soit végétale, microbienne ou animale requiert de l’eau. Chaleurs estivales augmentées par une exposition au soleil et de l’eau disponible sont des ingrédients de base dans les chaînes alimentaires en région froide afin de permettre la productivité biologique primaire. Si, comme au Lautaret, dans un contexte d’eaux et de sols réchauffés par le géothermalisme, alors les chances d’accueil de plantes et de leurs partenaires microbiens et animaux sont augmentées.</p>
<h2>Comment des arbres survivent en milieu très froid ?</h2>
<p>Dans ces oasis glaciaires, quelques arbres, peut-être quelques dizaines, ont réussi à réaliser leurs fonctions vitales de photosynthèse grâce à l’eau et la chaleur. Les conditions de la période glaciaire ont prévalu jusqu’à environ 11 700 ans avant nos jours malgré le réchauffement long, progressif et irrégulier débuté voici 18 000 ans.</p>
<p>Les arbres ne bénéficiaient sûrement pas tous les ans des conditions nécessaires à leur reproduction, processus ultime pour assurer la pérennité d’une population : floraison, pollinisation, et production de graine.</p>
<p>Chez les conifères, il faut souvent un cycle de près de deux ans entre la floraison et la maturité des graines. Une fois la graine mature, il faut encore qu’elle soit dispersée, qu’elle germe pour donner une plantule, puis un arbre qui pourra à son tour se reproduire quelques dizaines d’années voire un siècle après sa germination pour certaines espèces comme le pin cembro.</p>
<p>Combien de vicissitudes environnementales, d’aléas climatiques ou d’accidents biotiques (parasitisme notamment), ces arbres ont-ils pu rencontrer empêchant le plus souvent leurs capacités de reproduction ? Par chance, les pins de haute montagne ainsi que le mélèze ont cette faculté de vivre plusieurs siècles, voire plus d’un millénaire. Un exemple spectaculaire est celui du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pin_Bristlecone">pin bristlecone</a> vivant dans les hautes montagnes sèches et froides des Rocheuses de Californie et du Nevada aux USA ; ces arbres proches des pins arole ou des pins à crochet des Alpes démontrent des capacités extraordinaires de survie pendant plus de 4 000 ans !</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/215762/original/file-20180420-99367-1k7fqi3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/215762/original/file-20180420-99367-1k7fqi3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/215762/original/file-20180420-99367-1k7fqi3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/215762/original/file-20180420-99367-1k7fqi3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/215762/original/file-20180420-99367-1k7fqi3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/215762/original/file-20180420-99367-1k7fqi3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/215762/original/file-20180420-99367-1k7fqi3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Altitude 2 200 m, latitude 52˚48’N, Jasper National Park, Rocheuses, Canada.
Îlot naturel d’arbres (épicea d’Engelmann et sapin subalpin) survivant en se multipliant par voie végétative.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Christopher Carcaillet</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Des oasis de pins et de mélèzes au cœur des Alpes</h2>
<p>Cette idée aurait été considérée saugrenue voici encore 5 ou 10 ans. Cependant, les travaux précurseurs du Professeur <a href="https://www.umu.se/en/staff/leif-kullman/?expandaccordion=p">Leif Kullman</a> de l’Université d’Umeå en Suède ont permis de démontrer dès le début des années <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0277379108002278">2000</a> que des arbres avaient poussé en Suède en haute montagne à la fin de la glaciation vers 12 000 ans avant nos jours.</p>
<p>Ces arbres, des pins, des épicéas, des bouleaux et des aulnes ont laissé des traces datées de plus de 12 000 ans sous forme de troncs ou de cônes enfouis dans des tourbières de montagnes en Suède. Mieux, une espèce d’arbre, un mélèze proche de ceux de Sibérie, aurait même disparu de Scandinavie avec le réchauffement climatique voici environ 7 500 ans.</p>
<p>Plus récemment, un consortium international de chercheurs a trouvé des traces d’arbres sous forme de molécules d’ADN de pin et d’épicéa dans des sédiments de l’époque glaciaire le long des côtes norvégiennes au nord du cercle polaire. Cette étude internationale a été publiée dans la revue <a href="http://science.sciencemag.org/content/335/6072/1083">Science</a> en 2012 par le Prof. <a href="http://katalog.uu.se/profile/?id=N1-1274">Laura Parducci</a> de l’Université d’Uppsala en Suède et ses collaborateurs de nombreux pays, venant ainsi clore un long débat enflammé de près de 20 ans alimenté par les trouvailles de Leif Kullman mais aussi plus récemment par celles du Professeur <a href="http://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0959683616660172?journalCode=hola">Aage Paus</a> de l’Université de Bergen en Norvège.</p>
<p>Toutes ces preuves nourrissent une idée originale révélant que des arbres et d’autres organismes aient pu survire à la glaciation dans des oasis de vie ou des refuges à proximité des glaciers, composant de microécosystèmes aux dimensions réduites mais perdurant durant tous ces millénaires grâce à des propriétés extraordinaires de résistance et de résilience des organismes et de leurs interactions. Ces oasis parfois perchées sur des montagnes émergeant des glaciers sont appelées des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Nunatak"><em>nunataks</em></a>, un terme issu de la langue des Inuits du Groenland.</p>
<p>Récemment, des géologues <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0031018211005700?via%3Dihub">français</a> grâce à de nouvelles méthodes géochimiques ont démontré que les glaciers des Alpes occidentales avaient laissé émerger des nunataks durant la glaciation.</p>
<p>Les sites français où des refuges de mélèze, de pin cembro, de pin à crochet ont été découverts dans le Queyras et au Lautaret sont justement des nunataks décrits par ces géologues. Ainsi, les avancées réalisées en Scandinavie viennent conforter les deux découvertes écologiques réalisées dans les Alpes françaises en leur procurant un réalisme que d’aucuns auraient su railler tant leurs singularités et leurs caractères exceptionnels ont pu laisser penser à un canular scientifique ou une erreur expérimentale.</p>
<h2>Les conséquences ces deux découvertes alpines</h2>
<p>En premier lieu, les biologistes démographes et les physiologistes ont tous lieu d’être interloqués, car manifestement, des arbres ont des ressources vitales sous-estimées par les chercheurs qui les étudient sous les conditions environnementales actuelles.</p>
<p>Il faut imaginer une niche écologique potentiellement plus large et englobant des conditions climatiques bien plus sévères que ce que l’on observe dans les environnements contemporains, s’accompagnant sans doute de conditions de nutrition plus délicates.</p>
<p>Par ailleurs, lorsque le climat s’est suffisamment réchauffé voici 11 000 ans faisant fondre les glaciers et dégageant les sols, les plantes, les animaux et les micro-organismes se sont répandus colonisant ainsi les territoires de montagne, en principe à partir des plaines et des collines périalpines.</p>
<p>Dans les massifs du Queyras ou au Lautaret, ces arbres survivant dans des oasis glaciaires ont dû se voir offrir tout d’un coup de vastes espaces à conquérir en premier. On peut donc penser que ces arbres ont dû se comporter comme des pionniers opportunistes durant cette période de course à la colonisation des territoires, et ainsi contribuer à répandre leurs patrimoines génétiques.</p>
<p>Ainsi, la diversité génétique des arbres dans les Alpes hérite certainement en partie des lignées d’arbres ayant survécu dans les refuges glaciaires se mélangeant plus tard avec les lignées des arbres qui vivaient pendant la glaciation dans les régions méridionales plus clémentes et donc moins sélectives.</p>
<p>L’étude des environnements à l’époque glaciaire contribue donc à éclairer la distribution actuelle des espèces, et à mieux comprendre le potentiel écologique des organismes et de leurs écosystèmes dans la profondeur du temps et leurs diversités.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/95111/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christopher Carcaillet a reçu des financements de Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE), CNRS, Programme Investissements Avenir, Agence Nationale de la Recherche, Institut national des Sciences de l'Univers (INSU).</span></em></p>Les Alpes, pendant la période glaciaire, n’étaient pas qu’un grand désert blanc immaculé, ça et là des îlots d’arbres poussaient. Récit d’une fabuleuse découverte.Christopher Carcaillet, Directeur d'Etudes (professeur), écologie et sciences de l'environnement, École pratique des hautes études (EPHE)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/916812018-02-12T21:24:38Z2018-02-12T21:24:38ZChangement climatique : quel est le rôle des éruptions volcaniques ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/206028/original/file-20180212-58318-1dkkf3i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Photo du nuage de cendres et de soufre s’échappant du Mont Pinatubo (Philippines), le 12 juin 1991, trois jours avant son éruption. Le volcan avait été inactif durant les 500 années précédentes.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pinatubo#/media/File:Pinatubo_ash_plume_910612.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Comprendre les changements climatiques observés depuis une trentaine d’années implique de pouvoir distinguer les modifications liées aux activités humaines de celles associées aux variations naturelles du climat.</p>
<p>La météorologie régionale peut être en effet perturbée significativement, de quelques semaines à quelques mois, par les fluctuations océaniques (comme lors des épisodes <a href="https://theconversation.com/el-nino-quest-ce-que-cest-47645">El Niño</a>, par exemple) ou de manière importante, et sur une plus longue durée, par certains volcans.</p>
<p>Parmi les 600 volcans répertoriés pour avoir connu des éruptions historiques, une cinquantaine sont <a href="https://theconversation.com/six-volcans-a-surveiller-de-pres-en-2018-89571">actifs</a> en permanence. Certains dégagent des fumées soufrées en continu, d’autres entrent en éruption brutalement sans signes annonciateurs, affectant les populations qui vivent aux alentours et perturbant le trafic aérien.</p>
<p>Mais les volcans ayant eu un impact majeur sur la planète sont rares, en tout cas sur le dernier millénaire.</p>
<h2>Les grandes éruptions du passé</h2>
<p>En émettant de la vapeur d’eau, qui s’est ensuite condensée et a rempli les océans, les volcans ont joué un rôle essentiel dans la formation de la Terre et la composition de son atmosphère. En forant la glace et en analysant sa composition chimique à la recherche des pics de sulfates (le soufre étant un traceur indélébile de l’activité volcanique), les scientifiques peuvent tracer les éruptions du passé.</p>
<p>Au Groenland et en Antarctique, les analyses de glaces ont ainsi révélé que le plus important pic de concentration en aérosols sulfatés de ces 2 300 dernières années avait eu lieu autour de l’an 1259.</p>
<p>De nombreux chercheurs se sont penchés sur l’origine de cette mystérieuse éruption volcanique qui a laissé des traces de son explosion jusqu’aux deux pôles. Une équipe du CNRS a enquêté sur cet épisode particulièrement marquant <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/enquete-sur-leruption-qui-a-marque-le-moyen-age">et livré</a> les résultats de ses recherches ; cette éruption cataclysmique datée de 1257 et celles qui ont suivi sont très probablement à l’origine du début du petit âge glaciaire, qui correspond à une période climatique froide en Europe et en Amérique du Nord entre le XIII<sup>e</sup> et le XIX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Plus récente et bien documentée, l’éruption du Tambora le 10 avril 1815 dans l’île indonésienne de Sumbawa est considérée comme la plus meurtrière du dernier millénaire. Elle a eu des conséquences sur la planète entière, le désordre climatique induit par l’éruption cataclysmique ayant entraîné des récoltes désastreuses et des famines importantes, partout à travers le monde.</p>
<p>Les tempêtes et le froid ont également sévi dans l’hémisphère nord (1816 fût baptisée <a href="http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-L_ann_e_sans__t_-9782707191083.html">« l’année sans été »</a>) : de nombreux récits rapportent les récoltes réduites à néant à cause du gel ou noyées sous les pluies, les problèmes d’approvisionnement en nourriture, et l’émergence de maladies, sans qu’à l’époque on fasse le lien entre le volcan dévastateur en Indonésie et la cascade de désastres météorologiques qui a suivi durant les deux années suivantes. Seule consolation : à travers toute l’Europe, les artistes restituèrent dans leurs œuvres d’étranges et spectaculaires couchers de soleil.</p>
<p>Les températures fraîches et les <a href="https://theconversation.com/ciel-jaune-et-soleil-rouge-louragan-ophelia-decrypte-86894">ciels orangés</a> s’expliquent par la présence exceptionnelle de particules dans l’atmosphère, qui diffusent le rayonnement solaire. C’est seulement au début du XX<sup>e</sup> siècle qu’on réalisera l’importance des éruptions volcaniques sur le climat.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/205949/original/file-20180212-58312-ym8rve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/205949/original/file-20180212-58312-ym8rve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/205949/original/file-20180212-58312-ym8rve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/205949/original/file-20180212-58312-ym8rve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/205949/original/file-20180212-58312-ym8rve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/205949/original/file-20180212-58312-ym8rve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/205949/original/file-20180212-58312-ym8rve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"><em>L’Ascension de l’Empire carthaginois</em> de William Turner (1815).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Turner_Dido_Building_Carthage.jpg">Wikipedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Comment les aérosols modifient le climat</h2>
<p>Les éruptions volcaniques explosives injectent des quantités importantes de particules et de gaz – vapeur d’eau (H<sub>2</sub>O), dioxyde de carbone (CO<sub>2</sub>), dioxyde de soufre (SO<sub>2</sub>) – avec du chlore (Cl-), du fluor (F-) et des cendres haut dans l’atmosphère. Ces cendres y sont lessivées assez rapidement par les vents et les pluies et persistent sur des échelles de temps de quelques minutes à quelques semaines dans la troposphère (cette couche de l’atmosphère proche de la surface terrestre).</p>
<p>De petites quantités peuvent perdurer quelques mois dans la stratosphère (cette couche atmosphérique entre 10 et 50 kilomètres), mais leur impact climatique est négligeable car limité localement.</p>
<p>L’effet climatique le plus important est lié à l’émission d’espèces soufrées, principalement sous forme de SO<sub>2</sub>, éjecté directement dans la stratosphère. En réagissant avec la vapeur d’eau le SO<sub>2</sub> est rapidement converti en acide sulfurique (H<sub>2</sub>SO<sub>4</sub>) qui, à son tour, se condense en fines particules d’aérosols.</p>
<p>Ces aérosols stratosphériques diffusent les rayons du soleil (c’est l’effet miroir) et diminuent la quantité de rayonnement qui traverse l’atmosphère. <a href="http://www.climat-en-questions.fr/reponse/mecanismes-devolution/aerosols-climat-par-olivier-boucher">Les aérosols sulfatés</a> d’origine volcanique vont rester dans la stratosphère un à deux ans, et accroître l’opacité atmosphérique.</p>
<h2>Mont Pinatubo</h2>
<p>Pour qu’un volcan affecte significativement le climat, plusieurs conditions doivent être réunies.</p>
<p>La latitude est ainsi un facteur essentiel : seules les émissions volcaniques tropicales impactent les deux hémisphères ; leur impact météorologique est global, les particules volcaniques étant transportées par les courants trans-hémisphériques du système climatique planétaire. Une éruption située à plus haute latitude aura des conséquences locales, et les particules ne se répartiront pas sur l’ensemble du globe.</p>
<p>Le deuxième facteur concerne la puissance de l’éruption : il faut que le panache de gaz soit envoyé directement dans la stratosphère. Si la puissance de l’éruption n’est pas suffisante, la circulation atmosphérique (les vents) et les pluies de la troposphère disperseront le panache en quelques jours ou semaines.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/205950/original/file-20180212-58352-1ujsk0n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/205950/original/file-20180212-58352-1ujsk0n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/205950/original/file-20180212-58352-1ujsk0n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/205950/original/file-20180212-58352-1ujsk0n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/205950/original/file-20180212-58352-1ujsk0n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/205950/original/file-20180212-58352-1ujsk0n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/205950/original/file-20180212-58352-1ujsk0n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Photographie prise par les astronautes à bord de la navette <em>Atlantis</em> : vue de l’atmosphère terrestre au coucher du soleil, le 8 août 1991 ; soit huit semaines après l’éruption du volcan Pinatubo (Philippines). On distingue deux couches d’aérosols situées à une altitude entre 20 et 25 kilomètres.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Image NASA STS043-22-23</span></span>
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</figure>
<p>En juin 1991, l’éruption du mont Pinatubo aux Philippines surprenait à la fois les populations locales (avec des centaines de milliers de personnes déplacées et plusieurs centaines de morts) et les scientifiques du monde entier. Des millions de tonnes de cendres et de dioxyde de soufre furent en effet projetées dans l’atmosphère à une trentaine de km d’altitude, induisant des perturbations de la température de 0,5 °C au cours les deux années suivantes.</p>
<p>Le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (leader mondial dans le domaine des prévisions numériques du temps) – qui n’avait pas pris en compte ce phénomène – a vu <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/qj.493/pdf">ses calculs perturbés</a> durant les 18 mois qui suivirent l’éruption.</p>
<h2>Forçage radiatif</h2>
<p>Pour comparer les impacts de différents phénomènes qui affectent le climat – à l’image d’une modification de la concentration de dioxyde de carbone ou de la production solaire –, les scientifiques ont introduit la notion de <a href="https://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar4/wg1/ar4-wg1-faqs-fr.pdf">« forçage radiatif »</a>.</p>
<p>Le forçage radiatif (en watts par mètre carré, w/m<sup>2</sup>) mesure l’impact de certains facteurs affectant le climat sur l’équilibre énergétique du système Terre/atmosphère. Le terme « radiatif » est utilisé du fait que ces facteurs modifient l’équilibre entre le rayonnement solaire entrant et les émissions de rayonnements infrarouges sortant de l’atmosphère.</p>
<p>Un forçage radiatif causé par un ou plusieurs facteurs est dit « positif » lorsqu’il entraîne le réchauffement du système Terre/atmosphère. Dans le cas inverse, un forçage radiatif est dit « négatif » lorsque l’énergie va en diminuant, ce qui entraîne le refroidissement du système. Par exemple, les émissions continues de gaz liées aux énergies fossiles perturbent l’équilibre radiatif de l’atmosphère et induisent un forçage radiatif positif (environ + 2,5 w/m<sup>2</sup>).</p>
<p>Le forçage négatif lié aux éruptions volcaniques qui affectent le climat est pour sa part très fort (de -1 à -5 w/m<sup>2</sup>, selon l’intensité de l’éruption), mais de courte durée (1 à 2 ans).</p>
<p>Pour être complet, il faut encore ajouter le forçage lié aux variations de l’activité solaire (environ + 0,3 w/m<sup>2</sup>) et le forçage lié aux aérosols liés aux activités humaines (poussières, embruns marins, carbone suie, pollution, etc.) ; ceux-ci font écran à l’insolation dans la troposphère (environ -0,5 w/m<sup>2</sup>).</p>
<p>Dans le graphique ci-dessous qui reprend les différents types de forçage sur le dernier millénaire, on voit que jusqu’au milieu du XX<sup>e</sup> siècle les éruptions volcaniques dominent ; c’est ensuite le forçage induit par l’accumulation des gaz à effet de serre qui prend le dessus.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/205952/original/file-20180212-58327-ot5s2a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/205952/original/file-20180212-58327-ot5s2a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/205952/original/file-20180212-58327-ot5s2a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/205952/original/file-20180212-58327-ot5s2a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/205952/original/file-20180212-58327-ot5s2a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/205952/original/file-20180212-58327-ot5s2a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/205952/original/file-20180212-58327-ot5s2a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Reconstructions des forçages radiatifs en moyenne globale depuis l’an 1000 en W/m² pour [a] l’activité volcanique ; [b] l’activité solaire ; [c] tous les autres forçages incluant les gaz à effet de serre et les aérosols troposphériques sulfatés. Les différentes couleurs correspondent à différents modèles simulant le passé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Adapté du rapport du GIEC (2007)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Refroidir artificiellement le climat ?</h2>
<p>Pour contrebalancer la lenteur des gouvernements à se mettre d’accord pour réglementer les émissions des gaz à effet de serre d’origine anthropique qui réchauffent l’atmosphère, des scientifiques ont imaginé des techniques d’intervention artificielles à grande échelle sur le climat terrestre ; celles-ci imiteraient les phénomènes volcaniques.</p>
<p>Dans une <a href="https://link.springer.com/content/pdf/10.1007%2Fs10584-006-9101-y.pdf">publication de 2006</a>, le prix Nobel de chimie Paul Crutzen a été le premier à émettre l’idée d’augmenter l’albédo (le rapport entre énergie solaire incidente et énergie réfléchie) de l’atmosphère de la Terre pour refroidir le climat, en injectant des aérosols directement dans la stratosphère.</p>
<p>Depuis, plusieurs chercheurs ont travaillé sur des concepts visant à fabriquer un bouclier qui diminue le rayonnement solaire atteignant l’atmosphère terrestre, à l’image <a href="https://www.youtube.com/watch?v=wzUvOqKKiOM">des aérosols volcaniques</a>.</p>
<p>Ces techniques de gestion de l’équilibre radiatif de la planète, avec d’autres qui proposent différentes voies de capture et de stockage du CO<sub>2</sub> atmosphérique, sont regroupées sous le terme de <a href="http://www.agence-nationale-recherche.fr/fileadmin/documents/2016/ARP-REAGIR-avril-2014.pdf">« géo-ingénierie environnementale »</a>.</p>
<p>Les volcans ont joué un rôle dans les climats passés et continueront ponctuellement à impacter le climat futur. Outre le risque de jouer aux apprentis sorciers en essayant de contrebalancer le forçage radiatif lié à l’accumulation des gaz à effet de serre par un forçage négatif en rendant l’atmosphère plus opaque, les <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/climat-la-geo-ingenierie-arrive-dans-le-debat_117294">avis divergent</a> sur l’efficacité de cette mesure. Sachant que, comme pour l’effet des volcans, cette solution ne serait que transitoire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/91681/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cathy Clerbaux a reçu des financements du CNRS, du CNES et d’Eumetsat pour mener les travaux de recherche de son équipe.</span></em></p>De même que les émissions de gaz à effet de serre liées aux activités humaines, les volcans peuvent affecter significativement le climat.Cathy Clerbaux, Directeur de recherche au CNRS, laboratoire LATMOS, Institut Pierre Simon Laplace (IPSL), Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/821702017-08-31T19:35:17Z2017-08-31T19:35:17ZNavigation arctique : quels risques pour les navires croisiéristes ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/183790/original/file-20170829-10421-p7xnu1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le navire M/S _Explorer_, en train de couler dans le détroit de Bransfield.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Explorer-sinking-2.jpg?uselang=fr">Reinhard Jahn/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est republié dans le cadre de la deuxième édition du <a href="http://www.sorbonne-paris-cite.fr/festival-des-idees">Festival des idées</a>, qui a pour thème « L’amour du risque ». L’événement, organisé par USPC, se tient du 14 au 18 novembre 2017. The Conversation France est partenaire de la journée du 16 novembre intitulée « La journée du risque » qui se déroule à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco).</em></p>
<hr>
<p>Les zones polaires ont toujours été l’objet d’une multitude de <a href="http://bit.ly/2iFHkIF">fantasmes et d’études</a>, et cela s’est singulièrement renforcé ces dernières années.</p>
<p>En effet, la fonte des glaces, conséquence du réchauffement climatique, permet une intensification de la navigation dans ces zones. Parmi les compagnies maritimes exploitant ces mers recouvertes de glace, les <a href="http://bit.ly/2vnRqnm">croisiéristes</a> ne sont pas en reste.</p>
<p>Conscientes du potentiel économique de ces espaces touristiques, des compagnies maritimes offrent aujourd’hui des croisières dans des endroits et couvrent la <a href="http://bit.ly/2vdUuPs">presque totalité</a> de l’océan Arctique. Selon <a href="http://bit.ly/2iDjQ6R">des chercheurs</a>, les croisières en Arctique se répartissent sur trois zones, le Canada, le Groenland et les îles Svalbard.</p>
<p>Cependant, si elles mettent à la portée de quelques privilégiés (<em>happy few</em>) la possibilité de visiter ces zones reculées (le prix du voyage oscillant entre 4 000 et 50 000 dollars américains), les risques auxquels les compagnies font face sont bien réels et leur posent un challenge inédit.</p>
<h2>Premier risque : la résistance du navire</h2>
<p>L’un des risques les plus visibles réside dans la capacité des navires de croisière à résister à la pression de la glace. Tout le monde a gardé en mémoire l’exemple du <a href="https://www.theguardian.com/news/1912/apr/16/leadersandreply.mainsection">naufrage du <em>Titanic</em></a> qui sombra suite à une collision avec un iceberg (ce qui causa la mort de 1 500 personnes), ou encore celui du M/S <em>Explorer</em> <a href="http://bbc.in/2gmpgCo">qui sombra en 2007</a>, à la suite d’une erreur d’évaluation de son capitaine, heureusement sans faire de morts.</p>
<p>Afin d’éviter que de tels évènements ne se reproduisent, les navires se doivent d’être dotés d’une « côte glace », qui est définie par la capacité de la coque à résister à un choc avec une glace d’une certaine épaisseur, et par la puissance des moteurs.</p>
<p>En fonction de cette dernière, le navire peut naviguer dans une zone recouverte d’une glace d’épaisseur et d’âge définis, seul ou assisté par un brise-glace, tel le <em>Crystal Serenity</em> en <a href="http://bit.ly/2bmSmxu">2016</a>.</p>
<h2>Deuxième risque : l’éloignement</h2>
<p>L’autre risque encouru par les navires de croisière en zone arctique concerne l’éloignement des zones peuplées et donc des centres de secours, susceptibles d’intervenir dans des délais suffisamment rapides. Nous pourrions citer le cas du brise-glace MV <em>Akademik Chokalskiï</em> qui, en décembre 2013, <a href="http://cnn.it/18YXyl3">est resté bloqué dans les glaces</a> pendant plusieurs jours dans une zone qui n’aurait pas dû poser de problème de navigation.</p>
<p>Cet incident, qui aurait coûté 2,4 millions de dollars US, met en avant le danger que font peser les rapides changements de conditions de navigation et l’isolement sur un navire. Le pétrolier <em>Nordvik</em> <a href="http://bit.ly/1a2aPKu">fut quant à lui</a> victime de dommages, à la suite d’un changement de conditions de navigation, et cela malgré l’expérience de son capitaine.</p>
<p>Le problème de l’éloignement est aussi mis en avant par de nombreux chercheurs et acteurs économiques. En effet, les côtes, aussi belles soient-elles, n’offrent pas suffisamment de refuges aux navires qui peuvent en avoir besoin. Pour parer à cela, de nombreux investissements ont été réalisés ces dernières années. Dont notamment la <a href="http://bit.ly/2iFyudV">mise en place</a> de 10 centres de sauvetage et de secours (<em>Search and Rescue Center</em>) le long des côtes russes, et la réception de nouveaux navires dédiés à l’assistance de navires.</p>
<h2>Troisième risque : le manque de brise-glace</h2>
<p>Autre élément aggravant, le manque de brise-glace en activité. Actuellement, les Russes ont la flotte la plus importante de la région et sont la seule nation dont les brise-glaces <a href="http://bit.ly/2gmDEus">sont dotés</a> d’une propulsion nucléaire, qui leur permet une autonomie plus importante.</p>
<p>Malheureusement, cette flotte est vieillissante et a besoin d’être renouvelée. Afin d’y remédier, de nouveaux brise-glace devraient faire leur apparition dans les années à venir. Cette nouvelle classe de bateau, les <a href="http://bit.ly/2xul5sb">LK-60</a>, est plus large (32m contre 30m) et plus puissante.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/6G9B1fyqV4g?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Quatrième risque : le management des hommes</h2>
<p>Un autre aléa doit être pris en considération : le facteur humain. Dans de nombreux cas, un manque d’expérience et/ou de compétence du capitaine ou des officiers peut amener un navire à s’échouer, à subir un dommage important sur la coque, ou sur le système propulsif.</p>
<p>Ces risques peuvent déboucher sur un évènement majeur, allant jusqu’à la perte totale du navire. L’un des exemples les plus frappant est la perte totale, mais sans gravité, du M/S <em>Explorer</em> en 2007, conséquence d’une mauvaise appréciation de la glace par le capitaine, pourtant expérimenté.</p>
<p>Une attention toute particulière doit donc être portée aux équipages. Le code polaire, <a href="http://bit.ly/2wPxvhv">entré en vigueur</a> en janvier 2017, impose aux navires exploités dans les eaux polaires de se doter de « suffisamment de personnel ayant à la fois la formation et l’expérience nécessaires permettant de limiter les erreurs humaines ». Au-delà de la qualification des équipages, la psychologie des individus est un point à ne pas négliger, car toute fragilité pourrait mettre en danger l’ensemble de l’équipage.</p>
<p>Par ailleurs, un risque envisageable lors de la navigation en zone polaire est un conflit social. En matière de gestion des ressources humaines, les conflits sociaux sont <a href="http://bit.ly/2vAfIXr">des risques identifiés</a>. Ils sont amplifiés en environnement clos. Les personnalités des membres de l’équipage vont alors entrer en jeu.</p>
<p>Lors de l’<a href="http://bit.ly/2vGuMSj">expédition <em>Endurance</em></a> dans l’Antarctique (1914-1917), Ernest Shakleton vit son navire et son équipage faits prisonniers des glaces. Pour sauver ses compagnons, l’explorateur accomplit une série d’actes de management et de bravoure : contraints de quitter le navire, Shackleton et ses 27 hommes d’équipage vont passer plusieurs mois ensemble sur la glace de l’Antarctique.</p>
<p>Un équipage sans espoir, bloqué, devant affronter des températures jusqu’à – 60 °C ! Son leadership et ses qualités de meneur d’hommes lui ont permis de sauver l’équipage. Il appuyait ses prises de décision sur trois critères : l’avis technique de ses équipes, sa propre expérience et surtout, il laissa une grande part à son intuition.</p>
<p>Enfin, découlant directement d’une erreur humaine, une vitesse inadaptée peut entraîner le navire par le fond, ou du moins engendrer divers dégâts. Nous pourrions citer l’exemple du navire de croisière <em>Maxim Gorki</em>, <a href="http://nyti.ms/2wG6I6F">qui sombra en 1989</a>, à la suite d’un choc avec une plaque de glace inévitable à cause d’une vitesse inadéquate.</p>
<h2>Cinquième risque : l'environnement</h2>
<p>Le naufrage d’un navire peut, en plus des pertes humaines, avoir comme conséquence une fuite de carburant provenant des soutes. L’écosystème des zones polaires <a href="https://www.lesechos.fr/05/03/2013/LesEchos/21389-079-ECH_un-ecosysteme-varie-et-d-une-extreme-fragilite.htm">est fragile</a> et dispose d’une très faible capacité de résilience.</p>
<p>La catastrophe de l’<em>Exxon-Valdez</em>, pétrolier <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2014/03/24/97001-20140324FILWWW00429-il-y-a-25-ans-l-exxon-valdez-faisait-naufrage.php">qui fit naufrage</a> au large des côtes de l’Alaska, est encore présente dans les mémoires. Le naufrage a eu un fort impact sur l’environnement marin, et a obligé le législateur américain à renforcer sévèrement la législation par le fameux <a href="http://bit.ly/2x0Zh9M">Oil Pollution Act</a> de 1990.</p>
<p>Un évènement de ce type, à savoir une fuite des soutes des navires, posera un sérieux problème pour la récupération du fuel. En effet, les conditions de navigation particulièrement difficile, la présence de glace et une température extrêmement basse auront un impact dévastateur et irrémédiable sur tous les êtres vivants.</p>
<p>Potentiellement conscientes de ce risque, les <a href="http://bit.ly/2wfF2oh">compagnies maritimes investissent</a> dans de nouveaux navires à coque renforcée (arrivée en 2018 d’un navire de croisière de classe 1A avec une capacité de 200 personnes) et à faible émission de carbone, en optant soit pour une propulsion hybride, soit pour l’utilisation de <em>marine diesel oil</em>, un fuel moins polluant que le <em>heavy fuel oil</em>.</p>
<p>Cependant, les zones polaires sont-elles réellement prêtes à accueillir des croisières ? Les différents <a href="http://bit.ly/2hBLyjP">rapports émanant d’assureurs</a> expliquent parfaitement qu’une marée noire sera difficile à gérer par les acteurs, qu’ils soient publics ou privés. De plus, il est difficile de prévoir les impacts qu’une marée noire peut avoir sur cet écosystème particulièrement sensible, la durée pendant laquelle les résidus de fuel vont rester, ni dans quelle mesure ils vont impacter la faune et la flore.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/183792/original/file-20170829-10431-1rts4h0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183792/original/file-20170829-10431-1rts4h0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183792/original/file-20170829-10431-1rts4h0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183792/original/file-20170829-10431-1rts4h0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183792/original/file-20170829-10431-1rts4h0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183792/original/file-20170829-10431-1rts4h0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183792/original/file-20170829-10431-1rts4h0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183792/original/file-20170829-10431-1rts4h0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Un exemple des utilisations et matériaux interdits par le code polaire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://omi.delegfrance.org/Le-Code-Polaire">Organisation maritime internationale</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des outils pour maîtriser les risques</h2>
<p>Ceci étant, des outils ont été mis en place pour éviter ces risques ou en atténuer les conséquences : le code polaire, le <a href="http://bit.ly/2iFpYeM">conseil de l’Arctique</a>, des opérations de recherche et de sauvetage et une flotte de brise-glace.</p>
<p>La protection de l’environnement est au centre des préoccupations.</p>
<p>Créé en 1996 avec la <a href="http://bit.ly/2gm4VNv">Déclaration d’Ottawa</a>, le conseil de l’Arctique et son département <em>Protection of the Arctic Marine Environment</em> (PAME) est à l’origine du rapport <a href="http://bit.ly/2xuck1t"><em>Arctic Marine Shipping Assessment</em></a> (AMSA) et du code polaire.</p>
<p>En uniformisant les normes des navires et en créant un cadre international, le code s’attache à limiter les risques de naufrage des navires, et œuvre donc à la protection de l’environnement. Ce qui permet de rendre possibles ces croisières arctiques inoubliables… pour celles et ceux qui ont la chance de se les offrir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/82170/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La fonte des glaces, conséquence du réchauffement climatique, permet une intensification de la navigation polaire. Mais celle-ci est particulièrement risquée, pour les hommes et pour l’environnement.Caroline Diard, Professeur associé en Management des Ressources Humaines et Droit - Laboratoire Métis, EM NormandieOlivier Faury, Ph.D Economie maritime. Assistant professeur - Métis Lab, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/522782015-12-14T05:46:59Z2015-12-14T05:46:59ZCe que nous réserve le climat pour les 100 prochaines années<p>Au sommet de la COP21, les délégués se sont mis d’accord sur un objectif pour limiter le réchauffement climatique. L’accord de Paris demande que la communauté internationale « limite la hausse de la température moyenne à bien moins de 2 °C par rapport aux seuils préindustriels, et poursuive ses efforts pour qu’elle avoisine plutôt 1,5 °C ».</p>
<p>Mais les engagements de 185 pays en amont du sommet parisien ne permettent pas en l’état, et de loin, d’atteindre cet objectif de 1,5 °C, ni même celui de 2 °C. Pris dans leur ensemble, ils conduiraient à une augmentation de 2,7 °C au niveau mondial.</p>
<p>Pendant ce temps, l’année 2015 est sur le point d’établir un nouveau record mondial de température, avec une hausse moyenne qui <a href="https://www.wmo.int/media/content/wmo-2015-likely-be-warmest-record-2011-2015-warmest-five-year-period">dépasse probablement 1 °C</a>.</p>
<h2>Comment le réchauffement climatique nous affecte déjà</h2>
<p>Que signifient tous ces chiffres pour la planète ? Nous en voyons déjà les effets. On observe presque partout une augmentation des moyennes annuelles, à mi-chemin du seuil de 2 °C. En <a href="http://www.carbonbrief.org/european-summer-heatwaves-ten-times-more-likely-with-climate-change">Europe</a>, en <a href="https://theconversation.com/climate-council-heatwaves-are-getting-hotter-and-more-frequent-23253">Australie</a> et en <a href="http://mashable.com/2015/08/12/summer-heat-waves-global-warming/">Asie</a>, les phénomènes de canicule sont en forte hausse.</p>
<p>Les cas de pluies diluviennes dépassent ceux que l’on pourrait observer normalement. Au niveau mondial, <a href="http://link.springer.com/article/10.1007%2Fs10584-015-1434-y">les cas d’averses exceptionnelles</a> pendant la période 1980-2010 étaient 12 % supérieurs à ce qui se serait produit dans un monde non soumis au changement climatique. De tels phénomènes sont en hausse de 56 % en Asie du Sud-Est, de 31 % en Europe, et de 24 % dans le centre des États-Unis. Ces observations s’accordent avec les prédictions de précipitations en hausse du fait du réchauffement climatique : l’air chaud contient davantage d’humidité, qui peut être relâchée au cours d’épisodes de pluie brefs et intenses.</p>
<p>Une étude sur l’étendue des glaciers en septembre dans l’Arctique, qui porte sur la période 1979 à 2015, montre <a href="http://nsidc.org/arcticseaicenews/">une réduction de 13,4 %</a> par décennie par rapport à la moyenne enregistrée au cours de la période 1981 à 2010.</p>
<p>Quand l’eau se réchauffe, elle occupe plus d’espace, un processus connu sous le nom de « dilatation thermique ». Combiné à la fonte des glaciers de haute montagne, de la calotte glaciaire au Groenland et en Antarctique, ce processus a entraîné <a href="http://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/wg1/WG1AR5_SPM_FINAL.pdf">une élévation du niveau des océans</a> de l’ordre de 20 cm depuis un siècle, au rythme actuel d’environ 3 mm par an.</p>
<h2>Et ensuite ?</h2>
<p>Même si la composition atmosphérique des gaz à effet de serre (GES) et d’autres facteurs externes restait stable par rapport au niveau de l’an 2000, le réchauffement climatique tournerait autour de 1,5 °C <a href="http://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/wg1/WG1AR5_Chapter12_FINAL.pdf">d’ici à la fin du siècle</a>. Si nous ne changeons rien à nos habitudes, il pourra même atteindre <a href="http://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/wg1/WG1AR5_SPM_FINAL.pdf">3 à 5 °C</a>.</p>
<p>Les modèles climatiques ont montré qu’en raison du réchauffement, la probabilité de fortes températures au quotidien augmentera de façon non linéaire. À 2 °C d’augmentation, la probabilité d’épisodes de canicule exceptionnelle devrait être <a href="http://www.nature.com/nclimate/journal/v5/n6/full/nclimate2617.html">plus de cinq fois supérieure à celle qu’elle est aujourd’hui</a>.</p>
<p>Les risques d’inondation devraient également augmenter. Actuellement, celles-ci constituent l’un des principaux événements météorologiques responsables de l’exode des populations, soit <a href="http://www.internal-displacement.org/assets/publications/2015/201511-human-mobility-in-the-context-of-climate-change-unfccc-Paris-COP21.pdf">22,5 millions de personnes en moyenne par an</a> sur la période 2008-2014. Indépendamment des variations démographiques, le nombre de personnes concernées par les inondations pourrait <a href="http://www.nature.com/nclimate/journal/v3/n9/full/nclimate1911.html">plus que doubler</a> si l’augmentation du réchauffement climatique tourne autour de 4 °C.</p>
<p>Même si celle-ci ne dépasse pas 2 °C, <a href="http://www.pnas.org/content/111/9/3245.full">l’accès à l’eau potable</a> pourrait diminuer – parfois de 50 % – dans certaines régions, comme le pourtour méditerranéen. Au niveau mondial, la hausse des températures pourrait accroître de 20 % le nombre de personnes touchées par la pénurie chronique d’eau potable.</p>
<p>Dans le même temps, le niveau des océans devrait monter dans les siècles à venir. Depuis deux millénaires, on estime qu’il a progressé d’environ <a href="http://www.pnas.org/content/110/34/13745.abstract">deux mètres par degré supplémentaire de réchauffement climatique</a>. À l’horizon 2100, les efforts entrepris pour lutter contre le réchauffement climatique à 2 °C pourrait limiter la montée du niveau des océans à une fourchette comprise entre 26 et 55 mm. Si les températures augmentent de 4 °C en moyenne, cette hausse pourrait atteindre 45 à 82 mm. De notre vivant, nous pourrions même enregistrer une élévation de <a href="http://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/wg1/WG1AR5_SPM_FINAL.pdf">plus de 1 cm par an</a>.</p>
<p>La fonte des glaces au Pôle Nord pourrait, elle, être <a href="http://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/wg1/WG1AR5_SPM_FINAL.pdf">totale si la hausse de la température mondiale dépasse 2 °C</a>.</p>
<h2>Le point de non-retour</h2>
<p>Certains facteurs climatiques sont <a href="https://theconversation.com/what-climate-tipping-points-are-and-how-they-could-suddenly-change-our-planet-49405">susceptibles d’entraîner des effets irréversibles</a> quand le réchauffement climatique dépasse un certain seuil, un processus qui ne peut pas être entravé même si les températures se stabilisent.</p>
<p>Les conséquences environnementales sont donc profondes, et pourraient menacer le mode de subsistance de millions de personnes. Ainsi, au Groenland, la calotte glaciaire disparaîtra probablement si les températures dépassent un certain niveau (le seuil critique se situe peut-être <a href="http://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/wg1/WG1AR5_SPM_FINAL.pdf">sous la barre des 2 °C</a>). Ceci entraînera une hausse du niveau des océans d’environ sept mètres.</p>
<p>Les limites ont peut-être déjà été franchies : des indices très récents montrent qu’une portion de la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental pourrait avoir entamé <a href="https://theconversation.com/we-can-now-only-watch-as-west-antarcticas-ice-sheets-collapse-26957">une phase de déclin irrémédiable</a>. Dans les siècles ou les millénaires à venir, ce seul phénomène risque d’entraîner une hausse de <a href="http://www.pnas.org/content/112/46/14191.abstract">trois mètres</a> du niveau des océans.</p>
<p><br>
<em>Traduit par Bamiyan Shiff/<a href="http://www.fastforword.fr/">Fast for Word</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/52278/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Katja Frieler receives funding from the German Federal Ministry of Education and Research (BMBF). She is supported within the framework of the Leibniz Competition and involved in EU projects.</span></em></p>Pluies diluviennes, fonte des glaciers… Les effets du changement climatique se font déjà ressentir. Qu’en sera-t-il demain ?Katja Frieler, Deputy Chair, Climate Impacts and Vulnerabilities, Potsdam Institute for Climate Impact ResearchLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/504282015-11-19T05:38:37Z2015-11-19T05:38:37ZSur la piste des anguilles en migration à travers l’Atlantique Nord<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/101911/original/image-20151114-10427-1eqnh6v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Anguilles badgées, prêtes à être relâchées. </span> <span class="attribution"><span class="source">Martin Castonguay/DFO</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span></figcaption></figure><p>C’est l’une des principales énigmes de la biologie : comment les anguilles d’Amérique accomplissent-elles un voyage de plusieurs centaines de kilomètres, à partir des rivières et des estuaires où elles ont débuté leur vie, jusqu’aux zones de pleine mer qui les accueilleront pour la période de frai ?</p>
<p>Ce domaine s’étend du sud du Groenland jusqu’au golfe du Mexique et à la mer des Caraïbes, mais il leur arrive, afin de se reproduire, de pousser jusqu’à la mer des Sargasses, au sud des Bermudes. C’est un voyage transocéanique tout à fait extraordinaire pour un poisson qui mesure de 50 à 150 centimètres et pèse seulement de 1 à 4 kilos. Des anguilles femelles venant du fleuve Saint-Laurent, au Canada, peuvent avoir près de vingt ans quand elles migrent vers le sud, pour un voyage qu’elles ne feront qu’une fois, car elles meurent après avoir frayé.</p>
<p>Il y a déjà un siècle, des gens avaient identifié des <a href="http://www.jstor.org/stable/92087">larves d’anguille</a> dans la mer des Sargasses. On en avait conclu depuis longtemps que c’est là que les œufs étaient déposés. Et pourtant, nul n’avait encore jamais vu d’anguille adulte migrer en pleine mer ou dans les territoires de frai présumés. Nous n’avions aucune idée des itinéraires et des modes de navigation qu’elles doivent utiliser pour accomplir l’une des migrations les plus spectaculaires du royaume animal. </p>
<p>Dans les parties septentrionale et centrale de sa sphère géographique, l’anguille américaine est en déclin, s’agissant aussi bien de la quantité globale d’individus que du nombre de jeunes poissons réussissant à atteindre la zone d’eau douce qui constitue leur habitat. Il devient donc absolument essentiel d’avoir une connaissance complète de l’histoire de la vie concernant cette espèce.</p>
<p>Afin d’éclaircir ce mystère persistant, nous avons suivi à la trace, grâce à des satellites, les déplacements des anguilles américaines adultes dotées d’étiquettes ad hoc. Ce qui nous a permis de recréer leurs cheminements migratoires. Il s’agit là de la <a href="http://nature.com/articles/doi:10.1038/ncomms9705">première observation</a> d’anguilles américaines migrant en pleine mer vers leur zone de frai. Et cela constitue un pas important dans la compréhension de leurs routes migratoires et de leurs mécanismes d’orientation.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/99743/original/image-20151026-18458-1pyqkqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/99743/original/image-20151026-18458-1pyqkqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/99743/original/image-20151026-18458-1pyqkqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/99743/original/image-20151026-18458-1pyqkqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/99743/original/image-20151026-18458-1pyqkqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/99743/original/image-20151026-18458-1pyqkqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/99743/original/image-20151026-18458-1pyqkqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/99743/original/image-20151026-18458-1pyqkqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Manipulation d’une anguille pour la doter d’une puce de repérage.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shiliang Shan</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<h2>Comment badger ces cibles fuyantes</h2>
<p>Nos sujets d’étude étaient 38 anguilles pêchées vivantes et équipées de badges émetteurs, dont 28 ont transmis avec succès des données informatiques aux satellites (ces badges ne blessent pas les poissons, mais renforcent la résistance à la nage). Nous avons relâché les anguilles le long des côtes de Nouvelle-Écosse, au Canada. Les enregistreurs ont relevé, en continu, la température de l’eau, la profondeur et les degrés de luminosité. Nous les avions programmés pour se détacher des anguilles pendant la migration, flotter à la surface de l’eau et transmettre à des satellites en orbite leurs informations y compris leur localisation.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les anguilles sont relâchées en Nouvelle-Ecosse.</span></figcaption>
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<p>En nous basant sur ces émissions, nous avons reconstitué un par un les trajets migratoires des anguilles. L’une d’elles a, en 45 jours, effectué un voyage d’environs 2 400 kilomètres jusqu’à la frontière sud de la zone de frai, dans la mer des Sargasses.</p>
<h2>Ce que ce procédé nous a appris</h2>
<p>Nous avons identifié deux phases migratoires distinctes. Une fois relâchées le long des côtes de la Nouvelle-Écosse, toutes les anguilles se sont immédiatement dirigées, cap au sud et légèrement à l’est jusqu’au bord du plateau continental. Pendant cette première phase de migration, les anguilles ont effectué quotidiennement des mouvements verticaux : elles passaient la nuit dans des eaux peu profondes (50 mètres environ) mais descendaient beaucoup plus bas (jusqu’à 240 mètres) pendant la journée.</p>
<p>Durant cette première étape, les anguilles semblent dépendre de gradients associés à la température et à la salinité. L’une et l’autre de ces variables physiques vont en augmentant, de la côte à la pleine mer. Elles peuvent avoir entraîné les anguilles, immédiatement après qu’elles ont été relâchées, jusqu’au bord du plateau continental, loin de la côte. Après quoi les anguilles ont surtout fait route vers l’est, le long du plateau continental de la Nouvelle-Écosse et ne l’ont quitté qu’à l’embouchure du Saint-Laurent, là où les eaux du fleuve se jettent dans l’océan Atlantique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/99823/original/image-20151027-4985-14tz1v5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/99823/original/image-20151027-4985-14tz1v5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/99823/original/image-20151027-4985-14tz1v5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/99823/original/image-20151027-4985-14tz1v5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/99823/original/image-20151027-4985-14tz1v5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/99823/original/image-20151027-4985-14tz1v5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/99823/original/image-20151027-4985-14tz1v5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/99823/original/image-20151027-4985-14tz1v5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Reconstitution de la route de l’anguille #28, la seule qui est allée jusqu’à la mer des Sargasses.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Béguer-Pon, et al, Nature Communications</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<p>Arrive alors la seconde phase de la migration marine, qui se déroule en profondeur (à plus de 2000 mètres) dans les eaux salines de l’océan. À ce moment, l’anguille, suivie à la trace tout au long de son périple jusqu’à la mer des Sargasses, a changé de cap plutôt soudainement. Elle s’est dirigée vers le sud, jusqu’à la limite septentrionale du secteur de frai, selon une ligne à peu près droite depuis la zone voisine de l’estuaire du Saint-Laurent. Elle a opéré quotidiennement des déplacements verticaux marqués, pendant la nuit à une profondeur de 140 mètres et pendant le jour à 620 mètres (le maximum étant de 700 mètres).</p>
<p>Nous n’avons pas connaissance, dans cette seconde phase, d’indices sur l’orientation des anguilles ni sur leur mode de navigation. Les gradients de salinité et de température dans une zone allant du plateau continental jusqu’à la bordure sud du Gulf Stream peuvent jouer un rôle. Mais, si on les mesure à l’horizontale, ces indications de salinité et de température dans l’océan sont faibles.</p>
<p>Ces anguilles n’ont jamais connu auparavant l’expérience de cette trajectoire de migration. Bien qu’elles éclosent dans la mer des Sargasses, les larves, qui ont la forme de feuilles, dérivent plein nord grâce au Gulf Stream avant de subir leur éventuelle métamorphose et de rechercher estuaires et eaux douces, parfois jusqu’au Groenland. Ainsi, bien qu’elles aient été auparavant dans la mer des Sargasses, ce n’était pas en tant qu’adultes et elles ne pouvaient en aucun cas programmer activement leur trajet de navigation.</p>
<p>Si l’on prend en compte la vitesse et la direction de la dernière partie de l’itinéraire des anguilles vers la mer des Sargasses, il est vraisemblable que l’évolution les a dotés d’une sorte de carte à deux dimensions basée sur le champ magnétique terrestre. On connaît depuis longtemps la <a href="http://dx.doi.org/10.1007/BF01627623">sensibilité des anguilles à ce champ magnétique</a> et, de précédentes études ont montré qu’elles ont en elles un <a href="http://dx.doi.org/10.1371/journal.pone.0059212">compas magnétique</a> qui leur permet de s’orienter. Nous soupçonnons que les anguilles possèdent une carte magnétique et une vraie aptitude à la navigation, mais cela reste à démontrer pour de bon.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/99745/original/image-20151026-18411-16h6imo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/99745/original/image-20151026-18411-16h6imo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/99745/original/image-20151026-18411-16h6imo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/99745/original/image-20151026-18411-16h6imo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/99745/original/image-20151026-18411-16h6imo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/99745/original/image-20151026-18411-16h6imo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/99745/original/image-20151026-18411-16h6imo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/99745/original/image-20151026-18411-16h6imo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une anguille badgée en liberté.</span>
<span class="attribution"><span class="source">José Benchetrit</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<h2>Un résultat qui soulève de nouvelles questions</h2>
<p>Les vastes migrations verticales que nous avons observées dans l’Atlantique nord <a href="http://dx.doi.org/10.1126/science.1178120">font partie</a> d’un répertoire comportemental propre à de <a href="http://dx.doi.org/10.3354/meps10254">nombreuses espèces d’anguilles</a>. La raison de la nature quotidienne de ces migrations est liée à un compromis entre deux fonctions biologiques : l’utilisation d’eaux noires profondes pour se protéger des prédateurs, et le besoin d’eaux plus chaudes, en surface, afin d’accroître leur efficacité métabolique pendant la longue migration.</p>
<p>Il ne fait pas de doute que les anguilles ont à affronter de redoutables prédateurs pendant leur voyage. Notre équipe de recherche a déjà signalé de <a href="http://dx.doi.org/10.1371/journal.pone.0046830">violentes attaques</a> commises par des requins-taupes communs (<em>Lamna nasus</em>) dans le golfe du Saint-Laurent et, à un moindre degré, dans l’Atlantique nord. Des attaques de ce genre sont facilement repérées grâce aux badges qui émettent vers les satellites car ces requins ont des entrailles chaudes : quand nos anguilles badgées se font dévorer, les capteurs enregistrent la température à l’intérieur de ces prédateurs, très différente de la température ambiante de l’océan. Le thon rouge, autre poisson à entrailles chaudes, est aussi un prédateur de l’anguille.</p>
<p>Pour le moment, nous ne pouvons qu’émettre des conjectures sur les mécanismes d’orientation utilisés par les anguilles. La performance de type olympique réalisée par une seule anguille est-elle caractéristique de toutes les anguilles plongeant dans les eaux profondes de l’océan ? Les variations du champ magnétique terrestre influencent-elles les trajectoires migratoires des anguilles ? Comment le comportement de ces animaux change-t-il une fois la frayère atteinte et lorsque la reproduction commence ?</p>
<p>Les anguilles américaines ont encore de nombreux secrets à révéler. Nous continuerons à badger et suivre par satellite les anguilles migrant en pleine mer pour dévoiler encore davantage leurs mystères.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/50428/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julian Dodson a été financé pour son projet par les organismes suivants : the Ocean Tracking Network (OTN) à travers une subvention du Canadian Natural Sciences and Engineering Research Council (NSERC) accompagnée d'un soutien additionnel du Canadian Foundation for Innovation.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Martin Castonguay a été financé pour son projet par les organismes suivants : the Ocean Tracking Network (OTN) à travers une subvention du Canadian Natural Sciences and Engineering Research Council (NSERC) accompagnée d'un soutien additionnel du Canadian Foundation for Innovation.</span></em></p>L’étonnant voyage des anguilles d’Amérique à travers les eaux de l’Atlantique nord intrigue toujours les biologiques. Des chercheurs canadiens ont badgé les poissons pour en savoir plus.Julian Dodson, Professor of Biology, Université LavalMartin Castonguay, Research Scientist, Fisheries and Oceans CanadaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.