tag:theconversation.com,2011:/us/topics/hezbollah-46540/articlesHezbollah – The Conversation2024-02-25T16:26:27Ztag:theconversation.com,2011:article/2240132024-02-25T16:26:27Z2024-02-25T16:26:27ZL’engagement du Hezbollah auprès du Hamas et ses conséquences pour le Liban<p>Dès le lendemain de l’attaque du Hamas contre Israël du 7 octobre dernier, le Liban a été entraîné dans le conflit sur sa frontière Sud contrôlée par le Hezbollah, qui a <a href="https://www.la-croix.com/Liban-Hezbollah-tire-positions-israeliennes-frontiere-2023-10-08-1301285987">tiré des roquettes sur le territoire de l’État hébreu</a> en solidarité avec le mouvement palestinien. Israël a <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/israel-contre-le-hamas-la-crainte-grandissante-d-une-intervention-du-hezbollah-au-liban-980065.html">répliqué par des bombardements soutenus</a> visant les positions du Hezbollah au Liban. Depuis, les <a href="https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/israel-et-le-hezbollah-sur-le-pied-de-guerre-au-liban-2043581">combats n’ont cessé de s’intensifier</a>, au point qu’une escalade vers une guerre totale qui embraserait l’ensemble de la région apparaît comme un scénario crédible aux yeux de nombreux observateurs et d’une partie significative de la population libanaise.</p>
<p><a href="https://www.lorientlejour.com/article/1368403/discours-de-nasrallah-les-4-points-cles-sur-gaza-et-le-liban-sud.html">Dans un discours diffusé le 16 février</a> le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a défié Israël en annonçant qu’il ne renoncera pas au combat et en martelant :</p>
<blockquote>
<p>« L’ennemi paiera le prix du sang de nos femmes et de nos enfants qui ont été tués dans le Sud. Le prix du sang sera le sang ; pas des avant-postes, des équipements de surveillance ou des véhicules militaires. »</p>
</blockquote>
<p>Cette déclaration implique que la milice chiite ne ciblera plus uniquement des positions militaires, mais également des civils. La veille, une <a href="https://www.france24.com/en/live-news/20240215-lebanon-family-invited-to-dinner-finds-death-in-israel-strike">frappe de drone</a> contre des responsables du Hezbollah à Nabatiyeh avait fauché une famille au premier étage de l’immeuble visé.</p>
<p>Du côté israélien, le ministre de la Défense Yoav Gallant avait averti le <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1357024/un-ministre-israelien-avertit-le-hezbollah-que-beyrouth-pourrait-subir-le-meme-sort-que-gaza.html">11 novembre</a> : « Le Hezbollah entraîne le Liban dans une guerre qui pourrait avoir lieu. […] Ce que nous pouvons faire à Gaza, nous pouvons aussi le faire à Beyrouth ». L’armée israélienne a déployé des troupes supplémentaires sur sa frontière Nord, <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1353198/israel-evacue-des-habitants-le-long-de-la-frontiere-avec-le-liban-armee.html">évacuant les civils résidant dans les localités frontalières</a>. S’achemine-t-on inéluctablement vers une nouvelle guerre ouverte entre Israël et le Hezbollah ?</p>
<h2>État des lieux au Liban depuis octobre 2023</h2>
<p>Depuis le 8 octobre, plus de 90 villages ont été visés par des tirs israéliens, et plus de <a href="https://dtm.iom.int/reports/mobility-snapshot-round-20-18-01-2024?close=true">83 000 habitants du Sud Liban</a> ont quitté leur foyer pour des endroits plus sûrs.</p>
<p><a href="https://www.europe1.fr/international/violences-a-la-frontiere-avec-israel-plus-de-76000-deplaces-au-liban-selon-lonu-4223459">Selon l’Organisation internationale pour les migrations</a>, la majorité des déplacés sont accueillis par des parents tandis que d’autres louent ou sont installés dans des centres et dans des écoles réquisitionnées pour les héberger. L’organisation de l’aide pour les déplacés est ainsi gérée en grande partie par la solidarité familiale et des institutions humanitaires civiles et partisanes ; le rôle du gouvernement libanais reste limité et, souvent, les plans d’urgence sont inadéquats.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/0qgKoZeKEik?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Le bilan humain s’alourdit de jour en jour. Il s’élève actuellement à plus de 200 morts, dont la plupart sont des combattants du Hezbollah. Parmi les victimes civiles, on compte notamment des <a href="https://www.amnesty.org/en/latest/news/2023/12/lebanon-deadly-israeli-attack-on-journalists-must-be-investigated-as-a-war-crime/">journalistes délibérément visés par les frappes israéliennes</a>, une stratégie adoptée dans cette guerre par Israël dont les frappes à Gaza <a href="https://rsf.org/fr/gaza-4-mois-de-guerre-le-journalisme-palestinien-d%C3%A9cim%C3%A9-en-toute-impunit%C3%A9">ont tué plus de 84 journalistes</a> depuis le début des hostilités.</p>
<p>On ne saurait trop insister sur le fardeau financier qui pèse sur l’État libanais et, surtout, sur les personnes déplacées, dont une grande partie sont des agriculteurs et des travailleurs journaliers. Ainsi, de nombreux villageois n’ont pu récolter et vendre leurs produits (notamment les olives), et <a href="https://www.hrw.org/news/2023/10/12/israel-white-phosphorus-used-gaza-lebanon">l’utilisation par Israël de bombes au phosphore blanc</a> dans les champs du Sud-Liban a durablement endommagé la terre.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Outre l’impact économique et environnemental, la plupart des écoles ont dû fermer leurs portes dans la région et plus de 5 000 enfants ont été déscolarisés. Il ne faut pas perdre de vue que le <a href="https://www.worldbank.org/en/country/lebanon/overview">Liban souffre depuis 2020 d’une grave crise économique</a> qui se manifeste par un <a href="https://fr.euronews.com/2023/03/14/au-liban-un-dollar-vaut-desormais-100-000-livres-un-record-historique">effondrement de sa monnaie</a> et un des ratios dette/PIB les plus élevés au monde (283,2 %). Le déclenchement d’un conflit avec Israël anéantirait pour de bon les espérances des Libanais de sortir de l’impasse et réduirait en cendres le peu d’infrastructures qui restent encore en état de fonctionnement.</p>
<h2>Israël et le Hezbollah, les meilleurs ennemis</h2>
<p>Ce n’est pas la première fois que le Liban est confronté à de tels scénarios. Depuis la <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/index/sujet/guerrecivilelibanaise">guerre civile (1975-1989)</a>, jusqu’à la période qui a suivi <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/2000/05/25/l-armee-israelienne-a-acheve-son-evacuation-du-liban-sud_3714606_1819218.html">l’évacuation de l’occupation israélienne du Sud-Liban (2000)</a> et la <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2007-1-page-14.htm">guerre de juillet 2006</a>, les forces israéliennes ont plusieurs fois attaqué le Liban et conservent une forte présence militaire le long de la frontière.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1759231806077894659"}"></div></p>
<p>Israël et le Hezbollah sont les meilleurs ennemis : les attaques israéliennes répétées <a href="https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-03153621v1/document">consacrent le rôle du Hezbollah</a> comme gardien de la résistance, adversaire résolu d’Israël et défenseur de la souveraineté libanaise et de la libération de la Palestine, alors qu’une paix avec Israël contraindrait le mouvement à se désarmer et, in fine, à disparaître. Pour l’État israélien, l’existence de la milice et le danger qu’elle représente justifient sa politique de sécurité et de guerre continue.</p>
<p>Il reste que si le conflit actuel <a href="https://www.theguardian.com/world/2023/oct/18/gaza-hospital-al-ahli-al-arabi-blast-explosion-protests-demonstrations-middle-east">a redoré le blason du Hezbollah auprès de la majorité des Arabes</a> qui applaudissent son effort de guerre auprès du Hamas contre Israël, au Liban le soutien reste mitigé. Pour beaucoup, les affrontements en cours représentent une menace sérieuse pour l’avenir du pays.</p>
<h2>Divisions politiques</h2>
<p>L’opinion publique et la classe politique libanaises sont divisées entre, d’une part, ceux qui adhèrent au projet politique du Hezbollah et de ses alliés de <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1366597/hamas-hezbollah-houthis-que-veut-laxe-de-la-resistance-.html">« l’axe de la résistance »</a> soutenus par l’Iran – qui comprend le Hamas, les <a href="https://theconversation.com/les-etats-unis-vers-un-conflit-a-grande-echelle-avec-les-houthis-du-yemen-et-les-organisations-politico-militaires-irakiennes-221671">milices chiites en Irak et les Houthis yéménites</a> – et, d’autre part, ceux qui le rejettent et réclament son désarmement, l’accusant d’être un contre-pouvoir bloquant la vie politique et la reprise économique.</p>
<p>Dans les premiers jours du conflit, l’engagement du Hezbollah sur le front Sud a réussi à transcender, un temps, les clivages sectaires, notamment entre sunnites, druzes et chiites par solidarité avec Gaza ; mais avec l’enlisement et l’installation de la guerre dans la durée, les alliances se fissurent.</p>
<p>Pour la communauté chrétienne, <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1366146/apres-gemayel-rai-les-pro-hezbollah-sur-la-defensive-face-a-leurs-detracteurs-chretiens.html">hostile à cette guerre</a>, le Hezbollah prend une fois de plus les Libanais en otage et met en danger la souveraineté du pays. Par ailleurs, la promesse faite par le secrétaire général Hassan Nasrallah d’engager de manière limitée son organisation dans la <a href="https://www.washingtonpost.com/world/2023/11/03/nasrallah-hezbollah-lebanon-israel-speech/">création « d’un front de soutien et de solidarité »</a> au début du conflit, ne tient plus. Le bilan élevé des combattants morts lors des opérations et les cadres (Hamas et Hezbollah) assassinés par drone, le déplacement des populations du Sud fuyant les combats et l’installation dans le conflit rendent le risque d’embrasement plus plausible que jamais. Mais ce danger n’est pas perçu de la même manière par tous au Liban, où plusieurs réalités coexistent.</p>
<h2>Réalités parallèles</h2>
<p>Malgré la crise et la guerre qui menace au Sud, la vie à Beyrouth et dans ses environs est quasi normale. Les restaurants et les bars ne désemplissent pas, les stations de ski sont toujours fréquentées, les centres commerciaux et les cinémas aussi.</p>
<p>Quand on se promène du côté de Gemmayzé, Mar Mikhael, Verdun ou Rabieh, on ressent l’insouciance d’une partie de la population qui vit dans le déni de la guerre et dans une réalité parallèle. Ces Libanais qui ne souhaitent pas quitter leur pays pour des endroits plus sûrs et dont les revenus sont perçus pour une grande partie en devises étrangères ne parlent ni de conflit ni de crise, termes vulgaires et obscènes qui enlaidissent leur projection d’une vie idéale à la libanaise.</p>
<p>Ils vivent dans une bulle qui préserve du présent, est détachée du passé douloureux et ne se projette pas dans un avenir incertain. Une bulle flottant hors temps et hors sol, qui protège de l’autre réalité, plus dure : celle de la <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1289153/80-de-pauvres-au-liban-comment-cette-donnee-est-elle-calculee-.html">majorité des Libanais qui vivent sous le seuil de pauvreté</a>, qui ne peuvent se chauffer en hiver, se soigner ou payer la scolarité de leurs enfants. Différente aussi de celle des habitants du Sud Liban, obligés de fuir leur foyer. Les réalités libanaises cohabitent mais ne se croisent pas ; elles sont le reflet d’un pays déchiré par des années de guerre, avec une société fragmentée et un État en faillite, incapable d’empêcher que la guerre à Gaza ne s’invite à Beyrouth.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224013/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jihane Sfeir est chercheur à OMAM et REPI de l'ULB</span></em></p>Il y a déjà eu des centaines de morts, depuis octobre 2023, dans les affrontements opposant Israël au Hezbollah. Le Liban, déjà aux abois, sera-t-il entraîné dans une guerre dévastatrice ?Jihane Sfeir, Historienne, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2163062023-10-30T19:08:14Z2023-10-30T19:08:14ZComment l’Iran mobilise son « Axe de la Résistance » face à Israël<p>L’attaque dévastatrice du Hamas le 7 octobre a changé la donne au Moyen-Orient. Le dossier israélo-palestinien, relégué au second plan depuis au moins une dizaine d’années, est brutalement revenu au cœur de la géopolitique régionale.</p>
<p>Alors que la guerre en cours entre le Hamas et Israël <a href="https://www.washingtoninstitute.org/policy-analysis/risks-wider-war-iran-and-its-proxies">enhardit les mandataires de l’Iran dans la région</a>, tous les acteurs impliqués (étatiques ou non étatiques) manœuvrent dans un jeu de pouvoir très complexe qui peut conduire à une guerre régionale à part entière ; mais un tel scénario peut être évité par une fin négociée.</p>
<h2>Vers une « unité des fronts »</h2>
<p>Nous sommes entrés en territoire inconnu, car les <a href="https://theconversation.com/quelle-strategie-israelienne-pour-gaza-216050">objectifs politiques et militaires israéliens n’ont pas été définis de façon claire</a>, ce qui rend cette guerre de vengeance différente de toutes les opérations israéliennes précédentes contre le Hamas, que ce soit en termes de durée, d’objectifs ou de nombre de victimes des deux côtés.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>La rhétorique des responsables israéliens, dont certains ont nié l’existence de civils innocents à Gaza, <a href="https://news.yahoo.com/israeli-president-says-no-innocent-154330724.html">comme l’a fait le président de l’État hébreu</a>, a oscillé entre une position maximaliste et minimaliste, allant de l’appel à une occupation totale de Gaza <a href="https://www.lapresse.ca/international/2023-10-15/israel-et-le-hamas-en-guerre/l-occupation-de-gaza-par-israel-serait-une-grave-erreur-selon-biden.php">malgré les avertissements du président américain</a> à la création d’une zone tampon et à la « simple » destruction de l’infrastructure du Hamas.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1716804959881343181"}"></div></p>
<p>Le 7 octobre, au moment où le Hamas déclenchait son opération sans précédent, Mohammed Deif, le commandant militaire de sa branche armée a <a href="https://fr.timesofisrael.com/liveblog_entry/le-commandant-du-hamas-a-gaza-exhorte-les-arabes-israeliens-et-les-etats-voisins-a-prendre-les-armes/">appelé</a> tous les Arabes et musulmans et, spécialement, l’Iran et les États et organisations qu’il domine, à se lancer dans une guerre totale contre Israël. Il a cité, dans cet ordre, le Hezbollah libanais, l’Iran, le Yémen, les milices chiites irakiennes et la Syrie. Il a proclamé ce jour comme « celui où votre résistance contre Israël converge avec la nôtre », dans ce que l’on appelle <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1334129/le-hezbollah-consacre-lunite-des-fronts-.html">« l’unité des fronts »</a>, qui est une stratégie de dissuasion initiée par le Hezbollah.</p>
<p>Cette stratégie de dissuasion consiste à coordonner, politiquement et militairement, les réponses de toutes les milices mandataires de l’Iran dans la région et à se rassembler pour se soutenir mutuellement si l’une d’entre elles est attaquée. La multiplicité des fronts dominés par les milices par procuration de l’Iran peut dissuader les adversaires de Téhéran de passer à l’action… ou au contraire accélérer la descente de la région dans un chaos total.</p>
<h2>Tensions majeures à la frontière libanaise</h2>
<p>Après le 7 octobre, la situation sécuritaire s’est rapidement détériorée à la frontière libanaise d’Israël, du fait d’escarmouches de plus en plus intenses entre Tsahal et le Hezbollah.</p>
<p>De plus, deux nouveaux éléments intéressants sont apparus sur le front libanais. Pour la première fois depuis la fin de la guerre civile, nous avons assisté à la réémergence « temporaire » des forces Al-Fajr, la branche militaire de la Jamaa Islamiya. Cette milice libanaise islamiste sunnite, qui a été dissoute en 1990, a annoncé qu’elle participait aux hostilités au-delà des frontières libanaises israéliennes « en défense de la souveraineté libanaise, de la mosquée Al Aqsa et en solidarité avec Gaza et la Palestine ». Le 29 octobre, elle a <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1355189/israel-intensifie-son-offensive-contre-gaza-internet-en-cours-de-retablissement-dans-lenclave-j-23-de-la-guerre-israel-hamas.html">lancé des missiles depuis le Liban vers Kiryat Shmona, dans le nord d’Israël</a>. Cette milice combat de façon quasi-indépendante du Hezbollah (même s’il existe une coordination militaire entre les deux organisations).</p>
<p>En outre, le <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1354234/le-hezbollah-entraine-le-liban-dans-la-guerre-armee-israelienne.html">Hamas et le Jihad islamique palestinien au Liban</a> ont publié des communiqués assumant l’entière responsabilité de plusieurs attaques contre Israël. Ils ont lancé ces attaques depuis les territoires libanais, rappelant les années où le sud du Liban était dominé par les activités militaires de l’OLP palestinienne (à partir de 1969), au point d’être surnommé <a href="https://www.naharnet.com/stories/en/300905">« Fatah Land »</a>.</p>
<p>Leur participation aux hostilités est encore limitée, mais elle est importante en termes symbolique. Il est clair que le Hezbollah coordonne les activités de toutes les milices opérant à la frontière libanaise pour envoyer un message clair : la zone est ouverte à toutes les factions islamistes et non islamistes, invitées à se joindre, même symboliquement, à la lutte contre Israël dans le but d’exprimer leur solidarité avec Gaza. En d’autres termes, le Hezbollah déclare que ce combat n’est pas sectaire, mais qu’il unit les musulmans et concerne tous les Arabes et les musulmans.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/x_FEZurMtFM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Ce message d’unité musulmane contre Israël intervient après des années de sectarisation du Moyen-Orient. Le Hezbollah n’a mené que des attaques limitées contre Israël depuis la fin de la guerre israélo-libanaise de 2006, et est <a href="https://www.frstrategie.org/programmes/observatoire-du-monde-arabo-musulman-et-du-sahel/consequences-lintervention-militaire-hezbollah-syrie-sur-population-libanaise-chiite-rapports-avec-israel-2017">intervenu militairement en Syrie pour appuyer le régime de Damas</a>, combattant alors dans le camp opposé au Hamas, lequel s’était porté au soutien du camp anti-Assad.</p>
<p>Cette prise de position avait valu au Hezbollah de devenir très impopulaire aux yeux des populations sunnites de la région. En se joignant à la lutte contre Israël, le Hezbollah se réaffirme aux yeux de l’ensemble des Arabes de la région non pas en tant qu’acteur sectaire, mais plutôt en tant que groupe révolutionnaire islamique qui vise à mettre fin à l’arrogance israélienne.</p>
<p>Ce recadrage correspond à l’image qu’il se faisait de lui-même. Le Hezbollah se considère en effet comme un modèle pour le Hamas et d’autres forces islamiques qui luttent contre Israël. Malgré leurs divergences sur la guerre en Syrie, ils ont restauré leurs relations en août 2007 et les hauts commandants du Hamas, comme <a href="https://youtu.be/pgjiAF98s_s?si=VakJEkLE1cxkRhwc">Ismaël Haniyeh</a> (le chef du bureau politique du Hamas) et <a href="https://youtu.be/Hje4sfEmv0M?si=5gzcb-0hlOfjJy3z">Yahia Sinwar</a> (chef du bureau politique du Hamas à Gaza), ont publiquement remercié l’Iran pour son aide précieuse en matière de financement, de logistique et d’approvisionnement en armes.</p>
<h2>Le rôle des Houthis du Yémen</h2>
<p>L’attaque du Hamas est survenue à un moment au Moyen-Orient où les États-Unis ont tenté d’étendre les <a href="https://www.lepoint.fr/monde/israel-qu-est-ce-que-les-accords-d-abraham-10-10-2023-2538807_24.php">accords de paix d’Abraham</a> (qui ont permis ces dernières années, un rapprochement entre Israël et plusieurs États arabes, sous la férule de Washington) à <a href="https://theconversation.com/rapprochement-arabie-saoudite-israel-le-difficile-pari-de-washington-213139">l’Arabie saoudite</a>.</p>
<p>Ces accords, qui visent à établir les bases d’une nouvelle architecture de sécurité au Moyen-Orient afin d’assurer une meilleure sécurité régionale aux alliés des États-Unis, <a href="https://www.iris-france.org/179388-hamas-israel-quelles-consequences-diplomatiques-et-securitaires-au-moyen-orient/">sont désormais menacés</a>, et la normalisation entre Israël et Riyad <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/09/attaque-du-hamas-le-rapprochement-entre-israel-et-l-arabie-saoudite-a-l-epreuve-de-la-guerre_6193318_3210.html">semble à présent une perspective fort improbable</a>.</p>
<p>L’échec annoncé de ce réchauffement est d’autant plus dommageable pour Washington que les Chinois ont, il y a quelques mois, enregistré un succès diplomatique majeur en <a href="https://theconversation.com/iran-arabie-saoudite-un-compromis-diplomatique-sous-legide-de-pekin-201828">négociant une détente entre l’Arabie saoudite et l’Iran</a>, après de longues années de soutien de Téhéran aux milices yéménites houthies qui combattaient l’Arabie saoudite au Yémen. Dans le cadre de ce rapprochement entre Riyad et Téhéran, des <a href="https://www.france24.com/fr/moyen-orient/20230920-guerre-au-y%C3%A9men-apr%C3%A8s-des-entretiens-positifs-les-rebelles-houthis-ont-quitt%C3%A9-riyad">pourparlers se sont tenus entre les houthis et les Saoudiens</a> pour soutenir le processus de paix au Yémen.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1715667908280406330"}"></div></p>
<p>Les <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-2018-2-page-17.htm">Houthis</a> sont une autre partie de l’axe iranien dans la région. Leur ascension en tant qu’acteur politique et militaire yéménite les a enhardis. Ils ont déclaré qu’ils étaient <a href="https://www.aa.com.tr/en/middle-east/yemen-rebels-threaten-to-join-hamas-attack-on-israel-if-us-intervenes-in-conflict/3014839">prêts à se joindre au Hamas dans une guerre totale contre Israël</a> pour défendre Gaza et la mosquée Al-Aqsa. En guise de démonstration de force, ils ont lancé le 19 octobre trois missiles de croisière et des drones qui ont été <a href="https://www.opex360.com/2023/10/20/le-navire-americain-uss-carney-a-intercepte-des-missiles-et-des-drones-lances-depuis-le-yemen/">interceptés par un destroyer américain en mer Rouge</a>. Selon les États-Unis, ces missiles se dirigeaient « potentiellement vers Israël ». L’attaque est en soi symbolique, mais elle envoie un message politique fort qui réaffirme la primauté stratégique des liens des Houthis avec <a href="https://www.iris-france.org/wp-content/uploads/2022/10/Asia-Focus-185.pdf">« l’Axe de la résistance »</a> soutenu par l’Iran et signale la volonté de la milice de s’engager militairement dans des guerres ou des tensions régionalisées ou internationalisées.</p>
<p>Cela a été clairement défini dans le <a href="https://youtu.be/3o81HN19Uic?si=f88VMotBX40E8izo">discours de leur chef</a>. Les Houthis disposent d’un formidable <a href="https://www.mei.edu/publications/houthis-red-sea-missile-and-drone-attack-drivers-and-implications">arsenal de missiles à longue portée</a> qui seraient capables de frapper Israël. Tous ont été soit saisis à l’État yéménite en 2014, soit acheminés par l’Iran.</p>
<p>Les attaques de missiles lancées par les Houthis ont coïncidé avec d’autres <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1354940/les-forces-americaines-attaquees-16-fois-en-syrie-et-en-irak-depuis-le-debut-du-mois.html">attaques menées par des milices chiites soutenues par l’Iran</a>, visant des bases américaines et des garnisons accueillant des soldats américains en Irak et en Syrie. L’Iran a stratégiquement externalisé le risque de confrontation directe avec les États-Unis et Israël via son <a href="https://www.defense.gouv.fr/dems/syntheses-documentaires-supprimer/axe-resistance-lexpansionnisme-regional-iranien">Axe de la Résistance</a> : quand de telles attaques ont lieu, sa responsabilité n’est pas directement engagée. Ce positionnement accroît son influence dans les négociations directes et indirectes ainsi que son influence régionale.</p>
<h2>Une guerre totale est-elle possible ?</h2>
<p>Pour conclure, tous les acteurs semblent marcher sur une corde suspendue au-dessus du cratère d’un volcan. Ils attendent tous d’en savoir plus sur les objectifs politiques et militaires de la guerre israélienne à Gaza et de pouvoir évaluer les capacités de résistance du Hamas à l’attaque dont il fait l’objet.</p>
<p>Si l’armée israélienne enregistre des pertes importantes, la position stratégique de l’axe soutenu par l’Iran s’améliorera, sans frais pour Téhéran mais à un coût terrible pour la population de Gaza et à Hamas.</p>
<p>Mais que se passerait-il si Israël menaçait l’existence même du Hamas après une invasion terrestre ? Les intenses escarmouches aux frontières libanaises d’Israël se transformeraient-elles alors en une guerre à part entière ? L’Iran se joindrait-il aux hostilités ? Et si Israël se sentait renforcé par le soutien inconditionnel de l’Occident à son droit à se défendre et considérait cette solidarité comme un blanc-seing pour frapper l’Iran, dont l’ambition nucléaire effraie les responsables de l’État hébreu ? Dans un tel cas de figure, et face à la riposte de Téhéran, les États-Unis utiliseront-ils leurs destroyers dans la région de la Méditerranée orientale pour attaquer l’Iran et défendre Israël ?</p>
<p>À ce stade, impossible d’apporter de réponse tranchée à toutes ces questions. Nous pouvons seulement constater que la région semble se diriger vers une nouvelle phase où la sectarisation des politiques étrangères des acteurs régionaux sera reléguée au second plan, la détente entre l’Iran et l’Arabie saoudite se consolidera, la question palestinienne s’imposera pour longtemps au premier plan, et les milices mandataires iraniennes s’affirmeront de plus en plus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216306/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hussein Abou Saleh ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’Iran rechigne à entrer directement en guerre contre Israël, mais mobilise volontiers les Houthis du Yémen et les milices chiites d’Irak, ainsi que le Hezbollah libanais.Hussein Abou Saleh, Docteur associé au Centre d'études et de recherches internationales (CERI), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2160222023-10-19T20:37:10Z2023-10-19T20:37:10ZLe Hamas et le Hezbollah pourraient-ils s’allier face à Israël ?<p>Alors qu’Israël se prépare à mener une <a href="https://theconversation.com/gaza-has-been-blockaded-for-16-years-heres-what-a-complete-siege-and-invasion-could-mean-for-vital-supplies-215359">opération militaire massive</a> contre le Hamas à Gaza, le risque de voir ce conflit s’étendre à l’ensemble du Proche-Orient se profile à l’horizon. La menace immédiate la plus grave pour Israël provient du Hezbollah, groupe armé et parti politique basé au Liban, frontalier d’Israël au nord.</p>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/hamas-what-you-need-to-know-about-the-group-that-attacked-israel-215288">Hamas</a> et le <a href="https://theconversation.com/why-hezbollah-matters-so-much-in-a-turbulent-middle-east-88111">Hezbollah</a> sont tous deux soutenus par l’Iran et considèrent l’affaiblissement d’Israël comme leur principale raison d’être. Toutefois, ces deux groupes ne sont pas identiques. Leurs différences auront probablement un impact direct sur leurs actions – et sur celles d’Israël – dans les jours et les semaines à venir.</p>
<p>Contrairement au Hamas, le Hezbollah n’est jusqu’ici jamais entré en guerre uniquement au nom de la seule cause palestinienne. Cela <a href="https://www.theguardian.com/world/2023/oct/16/it-will-be-worse-than-hamas-order-to-evacuate-strikes-fear-into-north-israel">pourrait changer</a>. Le groupe libanais n’est pas encore totalement entré dans le conflit actuel, mais il a déjà <a href="https://video.lefigaro.fr/figaro/video/des-explosions-retentissent-apres-un-echange-de-tirs-entre-israel-et-le-hezbollah-libanais/">échangé des tirs</a> avec les forces israéliennes. Entre-temps, l’Iran a déclaré qu’une extension de la guerre apparaissait <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2023-10-16/iran-says-expansion-israel-hamas-war-becoming-inevitable">« inévitable »</a>.</p>
<h2>Qu’est-ce que le Hezbollah ?</h2>
<p>Le <a href="https://www.pbs.org/frontlineworld/stories/lebanon/thestory.html">« parti de Dieu »</a> se présente comme un mouvement de résistance chiite. Son <a href="https://www.cfr.org/backgrounder/what-hezbollah">idéologie</a> est axée sur l’expulsion des puissances occidentales du Moyen-Orient et sur le <a href="https://www.reuters.com/article/us-lebanon-hezbollah-idUSTRE5AT3VK20091130">rejet</a> du droit d’Israël à l’existence.</p>
<p>Le groupe a été créé en 1982, en pleine guerre civile libanaise (1975-1990), après qu’Israël a envahi le Liban en représailles à des attaques perpétrées par des factions palestiniennes basées dans ce pays. Il a rapidement été soutenu par l’Iran et son Corps des Gardiens de la révolution, qui lui ont fourni des fonds et des armes, ainsi que des formations militaires pour ses membres, dans le but d’étendre l’influence iranienne au sein des États arabes.</p>
<p>La force militaire du Hezbollah a continué à se développer après la fin de la guerre civile libanaise en 1990, malgré le désarmement de la plupart des autres factions. Le groupe s’est focalisé sur la <a href="https://www.middleeastmonitor.com/20220527-its-worth-remembering-that-it-was-hezbollah-that-liberated-south-lebanon-from-israels-occupation-through-armed-struggle/">« libération »</a> du Liban d’Israël, et s’est engagé dans des années de guérilla contre les forces israéliennes occupant le Sud-Liban, jusqu’au retrait d’Israël en 2000. Le Hezbollah a alors largement concentré ses opérations sur la récupération par le Liban de la zone frontalière contestée des <a href="https://kroc.nd.edu/assets/227136/israel_hezbollah.pdf">fermes de Chebaa</a>.</p>
<p>En 2006, le Hezbollah a livré une guerre de cinq semaines à Israël – une guerre visant à <a href="https://www.aljazeera.com/news/2006/7/12/hezbollah-captures-israeli-soldiers">régler des comptes avec l’État hébreu</a> plus qu’à libérer la Palestine. Ce conflit a causé la mort <a href="https://www.reuters.com/world/middle-east/what-is-hezbollah-lebanese-group-backing-hamas-its-war-with-israel-2023-10-16/">d’au moins 158 Israéliens et plus de 1 200 Libanais</a>, pour la plupart des civils.</p>
<p>À partir de 2011, pendant la guerre civile syrienne, le pouvoir du Hezbollah s’est encore accru, ses forces venant à l’aide du président syrien Bachar Al-Assad, allié à l’Iran, dans sa confrontation avec des rebelles majoritairement sunnites. En 2021, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a déclaré que le groupe comptait <a href="https://apnews.com/article/middle-east-lebanon-beirut-civil-wars-hassan-nasrallah-a3c10d99cca2ef1c3d58dae135297025">100 000 combattants</a> (bien que <a href="https://www.timesofisrael.com/for-a-change-hezbollahs-boast-of-100000-fighters-is-not-aimed-at-israel/">d’autres estimations</a> évaluent ses effectifs dans une fourchette allant de 25 000 à 50 000 hommes). Il dispose d’un arsenal militaire sophistiqué ; il est notamment équipé de roquettes de précision et de drones.</p>
<p>Le groupe existe également en tant que parti politique au Liban et y exerce une <a href="https://www.chathamhouse.org/2021/06/how-hezbollah-holds-sway-over-lebanese-state">influence significative</a>, si bien qu’on le qualifie souvent d’<a href="https://link.springer.com/content/pdf/10.1057/9780230623293_6.pdf">« État dans l’État »</a>. Huit de ses membres ont été élus pour la première fois au Parlement libanais en 1992 ; son poids a constamment progressé, et en 2018, une coalition dirigée par le Hezbollah a formé un gouvernement.</p>
<p>Le Hezbollah a conservé ses 13 sièges (sur 128 au total) au Parlement lors des élections de 2022, mais la coalition qu’il dirigeait a perdu sa majorité et le pays n’a actuellement pas de <a href="https://www.politico.eu/article/lebanese-hold-their-breath-as-fears-grow-hezbollah-will-pull-them-into-war/">gouvernement pleinement opérationnel</a>. D’autres partis libanais accusent le Hezbollah de <a href="https://www.reuters.com/world/middle-east/what-is-lebanons-hezbollah-2023-10-08/">paralyser et saper l’État</a>, et de contribuer à l’instabilité persistante du Liban.</p>
<h2>Qu’est-ce que le Hamas ?</h2>
<p>« Hamas », qui se traduit littéralement par « zèle », est un <a href="https://www.jstor.org/stable/4017719">acronyme arabe</a> signifiant « mouvement de résistance islamique ». Le mouvement a été fondé en 1987, à Gaza, en tant qu’émanation des Frères musulmans, un important groupe sunnite historiquement basé en Égypte.</p>
<p>Apparu au cours de ce que l’on appelle la première intifada ou soulèvement des Palestiniens contre l’occupation israélienne, le <a href="https://www.wiley.com/en-ae/Hamas:+The+Islamic+Resistance+Movement-p-9780745642963">Hamas</a> a rapidement adopté le principe de la résistance armée et a appelé à l’anéantissement d’Israël.</p>
<p>La situation politique palestinienne a évolué de manière significative après les <a href="https://justvision.org/glossary/oslo-accords">accords d’Oslo de 1993</a>, négociés entre le gouvernement israélien et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) dans le but d’établir un accord de paix global.</p>
<p>Opposée au processus de paix, la branche armée du Hamas, les Brigades al-Qassam, s’est imposée comme la principale force de résistance armée) contre Israël. Elle a lancé une série d’attentats suicides à la bombe qui se sont poursuivis pendant les premières années de la deuxième Intifada (2000-2005), avant de passer aux <a href="https://www.reuters.com/world/middle-east/how-hamas-secretly-built-mini-army-fight-israel-2023-10-13/">roquettes</a>, dont l’emploi récurrent est devenu sa tactique principale.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/kQ0bYjs6HOU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>De même que le Hezbollah, le Hamas est un parti politique. Il a remporté les élections législatives en 2006 et, en 2007, il a pris le contrôle de la bande de Gaza <a href="https://www.aljazeera.com/news/2011/5/4/timeline-hamas-fatah-conflict">à l’issue d’affrontements sanglants</a> avec le parti rival, le Fatah, qui a fait plus de 100 morts. Depuis lors, le Hamas contrôle la bande de Gaza et ne tolère aucune opposition politique. Il n’a jamais organisé d’élections, et ses adversaires politiques et détracteurs sont fréquemment arrêtés, des <a href="https://www.hrw.org/report/2018/10/23/two-authorities-one-way-zero-dissent/arbitrary-arrest-and-torture-under">rapports d’ONG de défense des droits humains</a> faisant état de tortures.</p>
<p>Au cours de cette période, la branche armée du Hamas est devenue de plus en plus sophistiquée. Son arsenal comprend désormais des milliers de roquettes, y compris des <a href="https://theconversation.com/the-unprecedented-attack-against-israel-by-hamas-included-precise-armed-drones-and-thousands-of-rockets-215241">missiles à longue portée et des drones</a>.</p>
<h2>En quoi le Hamas et le Hezbollah se distinguent-ils ?</h2>
<p>Le Hamas reçoit de plus en plus de fonds, d’armes et d’entraînement en provenance de Téhéran ; pour autant, <a href="https://www.ft.com/content/a06e7ea0-a7f8-4058-85b7-30549dd71443">il ne se trouve pas dans la même situation de dépendance vis-à-vis de l’Iran</a> que le Hezbollah qui, pour sa part, est <a href="https://www.brookings.edu/articles/hezbollah-revolutionary-irans-most-successful-export/">presque exclusivement soutenu par ce pays</a> et qui reçoit ses directives de la République islamique.</p>
<p>De plus, en tant qu’organisation sunnite, le Hamas ne partage pas le lien religieux chiite avec l’Iran qui caractérise le Hezbollah et la plupart des autres mandataires de Téhéran. Si le Hamas bénéficie sans aucun doute du patronage de l’Iran, il tend à opérer de manière plus indépendante que le Hezbollah.</p>
<p>En effet, le Hamas <a href="https://www.france24.com/en/middle-east/20231014-qatar-iran-turkey-and-beyond-the-galaxy-of-hamas-supporters">a été soutenu</a> dans le passé par la Turquie et par le Qatar, entre autres, et opère avec une relative autonomie. Le groupe a également longtemps été en désaccord avec l’Iran, les deux parties <a href="https://www.haaretz.com/israel-news/2023-10-16/ty-article/.premium/hezbollah-isnt-hamas-so-israel-fights-them-differently/0000018b-34e4-d450-a3af-7dfcca110000">défendant des positions opposées en Syrie</a>.</p>
<p>À l’heure actuelle, le conflit est essentiellement une guerre entre Israël et le Hamas. Le Hezbollah reste toutefois une menace pour Israël. S’il est activé par l’Iran, son implication totale changerait rapidement le cours du conflit et ouvrirait probablement la voie au déclenchement d’une guerre régionale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216022/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julie M Norman ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une implication totale du Hezbollah dans le conflit en cours entre Israël et le Hamas ouvrirait probablement la voie à une guerre régionale.Julie M Norman, Associate Professor in Politics & International Relations & Co-Director of the Centre on US Politics, UCLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1835602022-05-29T15:32:24Z2022-05-29T15:32:24ZLes principaux enseignements des élections législatives libanaises<p>Le dimanche 15 mai 2022 se sont tenues les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/05/17/au-liban-percee-significative-de-l-opposition-aux-elections-legislatives_6126477_3210.html">élections législatives au Liban</a>, premier scrutin électoral depuis le début des <a href="https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/au-liban-le-mouvement-du-17-octobre-fait-le-bilan-1256751">contestations populaires</a>, le 17 octobre 2019.</p>
<p>Quels sont les principaux enseignements des résultats de ces élections ? Annoncent-elles un changement important dans le pays ? Avant de tenter de répondre à ces interrogations, il est nécessaire de revenir sur quelques caractéristiques pour mieux comprendre les spécificités politiques du Liban.</p>
<h2>Le poids du confessionnalisme et du clanisme</h2>
<p>D’une superficie de 10 452 km<sup>2</sup>, inférieure à celle de la région Île-de-France, le Liban est une république indépendante depuis 1943. Encadré par 376 km de frontières terrestres avec la Syrie sur ses façades nord et est, ainsi que 79 km avec Israël au sud, le territoire libanais a continuellement vu son destin dépendre de ses deux voisins, et d’autres puissances étrangères.</p>
<p>Le système politique du Liban, où coexistent dix-sept communautés religieuses, est <a href="https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-l-orient-2013-4-page-25.htm">basé sur le confessionnalisme</a>, conformément aux préceptes du Pacte national. Cet <a href="https://www.lesclesdumoyenorient.com/Pacte-National-libanais.html">accord non écrit</a> datant de 1943 indique que le président de la République doit être un chrétien maronite, le premier ministre un musulman sunnite et le chef du Parlement un musulman chiite.</p>
<p>Ce pacte est élargi en 1989 avec l’<a href="https://libnanews.com/liban-accords-de-taef-constitution/">accord de Taëf</a>. Marquant la fin de la guerre civile, celui-ci oblige le Parlement à être composé pour moitié de députés chrétiens, et pour l’autre moitié de députés musulmans. Les élections législatives se déroulent alors tous les quatre ans sous forme de quotas alloués proportionnellement à chacune des communautés des deux confessions, selon une <a href="https://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2018-2-page-151.htm">loi électorale précise</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/OayVuw2S2_k?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Liban : l’espoir d’un renouveau ? – Le Dessous des cartes (Arte, 18 mai 2022).</span></figcaption>
</figure>
<p>Trente ans après la fin de la <a href="https://www.linternaute.fr/actualite/guide-histoire/2576344-guerre-du-liban-resume-de-la-guerre-civile-de-1975-a-1990/">guerre civile</a>, les partis politiques traditionnels sont toujours dirigés par des personnes ayant participé à ce conflit, ou faisant partie de leurs familles. Ce partage clanique du pouvoir rend difficile tout changement politique important et accroît considérablement <a href="https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/corruption-au-liban-je-n-imaginais-pas-l-ampleur-de-ce-fleau-explique-la">toute sorte de corruption dans le pays</a>. Ainsi, les dernières élections législatives avant celles qui viennent d’avoir lieu ont été organisées en 2018 ; elles auraient dû se tenir en 2013 mais avaient été reportées durant cinq années de suite.</p>
<h2>Les enjeux des élections législatives du 15 mai 2022</h2>
<p>Puisqu’elles sont les premières depuis le début du mouvement contestataire en octobre 2019, ces élections étaient très attendues dans le pays. Face aux attentes suscitées ce mouvement, les principaux enjeux du scrutin se résumaient aux <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1290268/les-cinq-grands-enjeux-des-legislatives-libanaises.html">cinq principales interrogations suivantes</a> :</p>
<ul>
<li><p>Est-ce que le taux de participation sera-t-il plus important que lors des élections législatives précédentes ?</p></li>
<li><p>Quel sera le poids des forces issues du mouvement contestataire initié en octobre 2019 dans le nouveau Parlement ?</p></li>
<li><p>Une alliance politique obtiendra-t-elle la majorité absolue ?</p></li>
<li><p>L’équilibre des forces va-t-il être bouleversé à l’intérieur du camp chrétien ?</p></li>
<li><p>Comment va se structurer le camp sunnite après l’appel au boycott lancé par son principal parti, le Courant du Futur ?</p></li>
<li><p>L’ensemble des députés chiites seront-ils issus du Hezbollah et de ses alliés ?</p></li>
</ul>
<p>À travers la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/04/07/au-liban-debut-de-campagne-electorale-en-vue-des-legislatives_6121007_3210.html">campagne électorale</a> débutée début avril, les partis traditionnels, qui constituent jusqu’alors l’écrasante majorité des députés, toutes confessions confondues, ont voulu conforter leur légitimité. Face à ces partis traditionnels, les candidats issus de la contestation n’ont pas réussi à avancer unis, multipliant le nombre de listes concurrentes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1525828323401682949"}"></div></p>
<h2>Aucune grande alliance n’a obtenu la majorité absolue</h2>
<p>La simple tenue de ces élections peut être vue en soi comme une réussite, tant leur report était envisagé. Pour autant, même si le déroulement du vote a été globalement salué par les observateurs, les élections ont été entachées de tensions, de fraudes ou encore d’irrégularités comme l’expliquent le <a href="https://fr.euronews.com/2022/05/17/l-union-europeenne-tres-severe-sur-le-deroulement-des-elections-au-liban">rapport préliminaire de la mission de l’UE</a> et la <a href="https://www.francophonie.org/declaration-preliminaire-de-la-mission-electorale-de-la-francophonie-loccasion-des-legislatives-au">déclaration de la mission électorale de la Francophonie</a>.</p>
<p>Au regard des résultats officiels, plusieurs constats importants peuvent être faits. En premier lieu, avec un taux de 49 %, la participation est égale à celle des dernières élections de 2018. Cela constitue un taux à la fois satisfaisant en considération de l’appel au boycott du Courant du Futur, et décevant compte tenu de l’importance de ces élections.</p>
<p>Autre chiffre très attendu, le <a href="https://www.rfi.fr/en/international/20220517-elections-in-lebanon-independents-win-at-least-13-seats-results">nombre de députés issus de la contestation s’élève à 13</a> sur 128 députés au total, un résultat honorable au vu des divisions internes au mouvement. Ce groupe de députés, faisant parti du <a href="https://www.france24.com/fr/moyen-orient/20220517-l%C3%A9gislatives-au-liban-le-d%C3%A9gagisme-a-jou%C3%A9-en-partie-mais-pas-assez-pour-bouleverser-le-syst%C3%A8me">mouvement du 17 octobre</a>, aura incontestablement à exercer un rôle de premier ordre dans cette nouvelle législature.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1526490270929502208"}"></div></p>
<p>En effet, <a href="https://www.lavie.fr/actualite/geopolitique/au-liban-les-elections-legislatives-redistribuent-les-cartes-82462.php">aucune alliance politique n’a pu obtenir une majorité absolue</a>. Alors que la coalition dirigée par le parti chiite Hezbollah et le Courant Patriotique Libre (CPL) chrétien avait jusqu’alors la majorité avec 71 sièges, elle n’en récolte plus que 58 – quand 65 sont requis pour obtenir la majorité. Il ne fait donc pas de doute que cette alliance constitue le grand perdant de ces élections.</p>
<p>Pour autant, l’autre grande alliance, dirigée par le parti chrétien des Forces libanaises et le parti progressiste socialiste druze, n’a pas non plus réussi à obtenir la majorité, obtenant seulement 41 sièges.</p>
<p>Les 29 sièges restants se partagent donc entre les députés indépendants, qui sont au nombre de 16, et les 13 députés issus de la contestation. Ce seront donc ces députés qui pourront faire basculer la majorité en faveur d’une alliance ou d’une autre.</p>
<p>La régression de l’alliance qui était au pouvoir s’explique notamment par l’échec du Courant Patriotique Libre (CPL), dont le nombre d’élus passe de 24 à 17. Il a été devancé, auprès de l’électorat chrétien, par le parti des Forces libanaises, dont le nombre de sièges est passé de 15 à 19. Ce dernier ressort comme le <a href="https://libnanews.com/nous-sommes-le-plus-grand-bloc-du-parlement-et-nous-assumerons-notre-responsabilite-en-consequence-estime-samir-geagea-qui-annonce-la-candidature-de-hasbani-comme-vice-president-du-parlement/">grand gagnant de ces élections</a>, devenant le parti chrétien disposant du plus grand nombre de sièges au Parlement.</p>
<p>Concernant la confession musulmane, les forces sunnites se retrouvent plus que jamais divisées, sans leadership. Le boycott décidé par le Courant du Futur et de son chef Saad Hariri n’a finalement pas permis de faire émerger un nouveau dirigeant politique qui aurait comblé ce vide. Cela a pour principale conséquence de marginaliser davantage la représentation sunnite dans les prises de décision. Enfin, même si la quasi-totalité des sièges alloués aux chiites a été remportée par le Hezbollah et le parti Amal, autre parti chiite allié, il est à noter que deux candidats chiites indépendants ont réussi à se faire élire. Même si il s’agit d’une première depuis trente ans, ces deux partis vont pour autant continuer à représenter cette communauté confessionnelle d’une manière incontestable.</p>
<h2>Les perspectives d’avenir pour le Liban</h2>
<p>Pour le Liban, le <a href="https://www.france24.com/en/live-news/20220518-tense-times-ahead-for-lebanon-after-elections">plus difficile reste à venir</a>. La situation actuelle du pays nécessite la mise en œuvre urgente de réformes en vue de débloquer une importante <a href="https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/le-fmi-fait-miroiter-un-plan-daide-de-3-milliards-de-dollars-au-liban-1399347#:%7E:text=Enjeux%20Internationaux-,Le%20FMI%20fait%20miroiter%20un%20plan%20d%E2%80%99aide%20de%203,pour%20le%20pays%20en%20crise.">aide financière de la part du FMI</a> et de la communauté internationale. Il s’agit avant tout de faire sortir progressivement le Liban de ses multiples crises actuelles, d’ordres économique, social et politique, et de lui éviter une aggravation de celles-ci.</p>
<p>Un nouveau gouvernement représentatif des résultats électoraux doit être rapidement constitué. Le maintien de l’actuel premier ministre <a href="https://www.cnews.fr/monde/2021-07-26/qui-est-najib-mikati-le-nouveau-premier-ministre-libanais-1109793">Najib Mikati</a> est l’option la plus privilégiée sachant que la désignation d’un nouveau premier ministre et la constitution d’un gouvernement pourraient prendre plusieurs mois, comme cela a été le <a href="https://information.tv5monde.com/info/liban-le-premier-ministre-najib-mikati-annonce-la-composition-du-nouveau-gouvernement-423875">cas ces dernières années</a>.</p>
<p>Quant à la présidence de la république, le mandat de <a href="https://www.lejdd.fr/International/legislatives-au-liban-michel-aoun-symbole-dune-classe-politique-immuable-4111387">Michel Aoun</a> prenant fin en octobre, il est nécessaire que les députés élisent un nouveau président au plus tard en septembre. Au-delà de cette date, le Liban connaîtra un vide présidentiel.</p>
<p>Il est à noter que le pays a connu deux périodes de vide présidentiel ces dernières années : le premier d’une durée de <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/liban-probablement-pas-de-president-avant-2008_468596.html">six mois entre 2007 et 2008</a>, et le second de <a href="https://araprism.org/2016/04/13/de-quoi-le-vide-presidentiel-libanais-est-il-le-nom/">29 mois entre 2014 et 2016</a>. La probabilité d’une nouvelle période de vide présidentiel est malheureusement actuellement élevée.</p>
<p>Même si les élections législatives du 15 mai ont été porteuses d’un espoir inattendu, le sort du Liban est toujours essentiellement aux mains des partis traditionnels et des grandes puissances régionales et internationales. En effet, l’alliance dirigée par le Hezbollah est actuellement sous une forte influence de l’Iran, de la Syrie et de la Russie, alors que l’alliance dirigée par les Forces libanaises est principalement sous l’influence des puissances occidentales et de l’Arabie saoudite. Dans ce contexte, les résultats des <a href="https://www.lapresse.ca/international/moyen-orient/2022-05-13/reprise-des-negociations-sur-le-nucleaire-iranien.php">pourparlers entre la communauté internationale et Téhéran sur le nucléaire iranien</a> d’un côté, ainsi que ceux du <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/l-entente-est-proche-entre-l-iran-et-l-arabie-saoudite-selon-l-irak-20220430">dialogue entre l’Arabie saoudite et l’Iran</a> de l’autre auront indéniablement des retombées, positives ou négatives, sur l’évolution de la scène politique libanaise. Les prochains mois seront cruciaux pour l’avenir du Liban.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183560/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Zakka ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Aucune grande alliance n’a remporté la majorité absolue, laissant la place aux députés indépendants et au parti chrétien des Forces libanaises.Antoine Zakka, Enseignant-chercheur à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l'Institut Catholique de Lille, Institut catholique de Lille (ICL)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1646752021-07-29T17:14:43Z2021-07-29T17:14:43ZSyrie : une stabilisation en trompe-l’œil<p>Le 26 mai dernier, le président syrien Bachar Al-Assad était réélu pour un quatrième septennat. <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/05/27/syrie-bachar-al-assad-reelu-president-avec-95-1-des-voix_6081789_3210.html">Remporté avec 95 % des voix</a> face à deux <a href="https://www.france24.com/fr/moyen-orient/20210520-pr%C3%A9sidentielle-en-syrie-mahmoud-mare%C3%AF-l-opposant-choisi-par-le-r%C3%A9gime-pour-d%C3%A9fier-bachar-al-assad">figurants</a>, le scrutin fut avant tout l’occasion d’intensifier le culte de la figure présidentielle dans un contexte ambivalent. Alors que la précédente élection s’était tenue en 2014, soit à la veille des défaites militaires qui allaient provoquer l’intervention russo-iranienne l’année suivante, celle de 2021 survient alors que le régime est redevenu maître des <a href="https://www.courrierinternational.com/article/carte-la-syrie-morcelee-apres-dix-ans-de-guerre">deux tiers</a> du territoire national.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1417149083047931908"}"></div></p>
<p>La relative position de force de Damas ne doit toutefois pas occulter le fait que le pouvoir est économiquement exsangue par l’effet combiné des destructions de guerre, du contrôle des principales ressources pétrolières, situées dans l’Est, par les Forces démocratiques syriennes, et des sanctions occidentales : en mars 2021, tandis que s’aggravaient les <a href="https://newlinesinstitute.org/syria/syrian-regime-no-longer-able-to-provide-for-loyalists/">multiples pénuries</a>, la livre syrienne tombait temporairement à 1 % de sa valeur d’avant-guerre.</p>
<p>La traduction politique la plus spectaculaire de cette crise fut l’accroissement des tensions au sein du clan dirigeant, illustré par les messages vidéos qu’a diffusés en 2020 le magnat de l’économie nationale et cousin du président Rami Makhluf, protestant contre la saisie de ses actifs. Cette dernière mesure était elle-même liée, semble-t-il, à une <a href="http://hdl.handle.net/1814/67027">lutte d’influence</a> entre Makhluf et des hommes d’affaires associés à la première dame Asma al-Akhras.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/412708/original/file-20210722-23-g6rbno.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Carte de l’état du conflit en juillet 2021" src="https://images.theconversation.com/files/412708/original/file-20210722-23-g6rbno.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/412708/original/file-20210722-23-g6rbno.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=496&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/412708/original/file-20210722-23-g6rbno.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=496&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/412708/original/file-20210722-23-g6rbno.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=496&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/412708/original/file-20210722-23-g6rbno.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=623&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/412708/original/file-20210722-23-g6rbno.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=623&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/412708/original/file-20210722-23-g6rbno.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=623&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La situation militaire en Syrie en juillet 2021 : en rose, les zones contrôlées par les loyalistes, en jaune, celles maîtrisées par les forces kurdes des FDS. La région d’Idlib est partagée entre zones soumises à des organisations d’opposition, en vert clair, et celles sous l’autorité des islamistes du Gouvernement Syrien de Salut, en blanc. La bande verte au Nord est sous contrôle de rebelles syriens alliés aux forces turques. La poche turquoise au sud-est correspond au territoire des « commandos de la Révolution », groupe rebelle soutenu par l’armée États-Unienne. Enfin, les territoires en violet et orange font l’objet de trêves entre le régime et respectivement des groupes rebelles et les FDS.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ermanarich/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La mainmise du régime sur la société reste fragile</h2>
<p>Largement contenu par la main de fer des autorités, le mécontentement populaire provoqué par les conditions économiques s’est toutefois exprimé, notamment durant la présidentielle, par des <a href="https://www.courrierinternational.com/article/contestation-nouvelles-manifestations-anti-assad-soueida-en-syrie">manifestations dans des localités du Sud</a>. Celles-ci demeurent aux mains d’anciens rebelles dits « réconciliés » en vertu d’accords négociés par la Russie en 2018, dans les provinces de Deraa et Quneitra, ou de milices locales d’autodéfense, s’agissant de la région druze de Suweida.</p>
<p>Rien n’indique que ces modestes épisodes de protestation soient les prémices d’un mouvement qui, à l’échelle nationale, parviendrait à surmonter à la fois la polarisation confessionnelle renforcée par le conflit, et la peur d’une nouvelle réponse impitoyable de la part du régime. En revanche, les actes d’opposition <em>armée</em> au régime ont d’ores et déjà repris un caractère endémique dans deux régions du pays. Dans la Badiya (désert), les attaques de l’organisation de l’État islamique (EI) ont fait cinq cents victimes en 2020, soit deux fois plus que l’année précédente, avant de refluer, sans disparaître, suite à un <a href="https://www.mei.edu/publications/new-general-and-fragile-peace-deir-ez-zor?s=09">sursaut militaire loyaliste</a>.</p>
<p>Dans les provinces méridionales de Deraa et Quneitra, des affrontements violents ont opposé d’anciens rebelles aux forces du régime qui tentaient d’investir leurs fiefs à la recherche d’auteurs supposés <a href="https://www.lapresse.ca/international/moyen-orient/2021-03-16/syrie/au-moins-21-soldats-du-regime-assad-tues-dans-une-embuscade-dans-le-sud.php">d’attaques armées</a>. En juin 2021, notamment, les hommes de Damas ont assiégé les quartiers de Deraa tenus par les anciens rebelles pour les contraindre à remettre leurs armes légères.</p>
<p>Dans ce contexte, il est extrêmement difficile d’attribuer la responsabilité des assassinats quotidiens et autres opérations de faible envergure qui secouent actuellement le sud du pays. Tandis que des combattants loyalistes et leurs collaborateurs locaux ont été assassinés par des vestiges de l’Armée syrienne libre et des cellules de l’EI, d’ex-commandants rebelles « réconciliés » semblent avoir payé de leur vie le fait d’entraver la volonté de Damas de révoquer les accords de 2018 pour <a href="https://carnegie-mec.org/diwan/83873">rétablir un contrôle direct sur la région.</a></p>
<h2>Les loyalistes divisés face à une guerre inachevée</h2>
<p>D’autres morts violentes, encore, paraissent liées aux rivalités entre les <a href="https://carnegie-mec.org/diwan/83873">différentes forces loyalistes</a> qui se disputent l’allégeance des anciens rebelles, dont les services de renseignements militaires du régime, des groupes pro-iraniens comme le Hezbollah libanais et la 4<sup>e</sup> Division blindée, ou encore le 5<sup>e</sup> Corps d’armée inféodé à la Russie. Ces rivalités se manifestent aussi sur la rive occidentale de l’Euphrate, où la Russie a coopté des unités de groupes paramilitaires comme les Forces de Défense nationale ou la Brigade al-Quds. Téhéran, lui, recrute <a href="https://www.france24.com/fr/moyen-orient/20210629-en-syrie-des-milices-pro-iraniennes-r%C3%A9pliquent-aux-raids-am%C3%A9ricains">ses affidés locaux</a> par le biais de ses Pasdaran (Corps des gardiens de la révolution islamique).</p>
<p>La prolifération des paramilitaires nourrit aussi la violence dans la province à majorité druze de Suweida. Face au déclin des financements alloués par le régime, certains groupes locaux se sont lancés dans le rançonnement de sunnites de la province voisine de Deraa, ranimant de ce fait un vieux <a href="https://hdl.handle.net/1814/70657">conflit foncier entre les deux communautés</a> : en 2020, des affrontements entre miliciens druzes et combattants prorusses du 5<sup>e</sup> Corps ont fait des dizaines de morts.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/gaKwjvxukvg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>L’autre grande limite de la « victoire » du régime est bien sûr son incapacité à reprendre le tiers restant du pays. Au nord-ouest, les rebelles sont protégés par l’armée turque, tandis que l’est de l’Euphrate est tenu par les Forces démocratiques syriennes (FDS) commandées par des militants kurdes et soutenues par les forces américaines. En juillet 2021, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=dPQnQwdn2ng">aucune modification significative des lignes de front</a> n’était survenue depuis le cessez-le-feu conclu le 5 mars 2020 par la Russie et la Turquie. Cette dernière, inquiète d’un nouvel afflux de réfugiés sur son territoire, venait alors de lancer une opération militaire d’envergure contre les forces du régime de Damas qui s’approchaient dangereusement de la ville d’Idlib tenue par les rebelles.</p>
<h2>À l’extérieur comme à l’intérieur des territoires du régime, chaos et violence</h2>
<p>Comme les territoires contrôlés par le régime, ceux qu’administrent ses rivaux connaissent également leur lot de crise économique, de contestation et de violence. S’agissant des territoires gouvernés par l’Administration autonome du Nord et de l’Est de la Syrie, pendant civil des FDS, des <a href="https://syriadirect.org/beyond-conscription-what-does-manbijs-unrest-reveal-about-sdf-rule-in-northeast-syria/">manifestations violemment réprimées</a> en juin dernier dans la ville de Manbij sont venues souligner le ressentiment d’une partie des populations arabes envers un leadership kurde auquel elles reprochent notamment son régime de conscription.</p>
<p>Sur le plan militaire, les FDS combattent sur trois fronts. Dans le nord des provinces d’Alep et de Raqqa, des accrochages les opposent régulièrement à l’armée turque et aux factions rebelles unifiées par Ankara au sein de l’Armée nationale syrienne (ANS). Les relations avec le régime se sont aussi considérablement tendues après l’échec de négociations organisées début 2020 en vue d’un rapprochement politique. Les tensions ont culminé en avril dernier lorsque les FDS ont arraché à Damas le <a href="https://www.al-monitor.com/originals/2021/04/syrian-government-kurdish-forces-end-dispute-qamishli">contrôle de la quasi-totalité de la ville de Qamishli</a> après en avoir expulsé des paramilitaires des Forces de Défense nationale recrutés parmi les tribus arabes locales. Enfin, les FDS font, elles aussi, face à l’<a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/un-monde-d-avance/syrie-deux-ans-apres-la-chute-de-son-califat-le-groupe-etat-islamique-continue-d-etendre-son-influence_4325747.html">insurrection de basse intensité</a> que mène l’EI dans la province arabophone de Deir ez-Zor.</p>
<p>Les trois enclaves <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/syrie/offensive-turque-en-syrie/l-article-a-lire-pour-comprendre-l-offensive-turque-contre-les-forces-kurdes-en-syrie_3652771.html">directement contrôlées par l’armée turque</a> le long de la frontière nord (Afrin, A’zaz al-Bab et Tell Abiyad Ras al-’Ayn) sont fréquemment le théâtre d’attentats à la bombe et d’attaques armées perpétrés à la fois par des combattants kurdes des YPG (colonne vertébrale des FDS, liés au Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) opérant en Turquie) et par des cellules de l’EI.</p>
<p>La violence dans la région est aussi le produit de combats fratricides qui opposent régulièrement entre elles les factions rebelles inféodées à la Turquie. Principalement motivés par des considérations économiques telles que le contrôle de la contrebande, ces affrontements font émerger des lignes de fracture régionales (entre des factions locales et d’autres originaires de Deir ez-Zor ou de Damas) ou ethniques (entre Turkmènes et Arabes).</p>
<h2>Idlib, futur épicentre de l’implosion qui vient ?</h2>
<p>À Idlib, enfin, les islamistes de Hay’a Tahrir al-Sham (HTS) et leur façade civile, le Gouvernement syrien de salut, ont <a href="https://www.mei.edu/publications/hts-not-al-qaeda-it-still-authoritarian-regime-be-reckoned?s=09">renforcé leur mainmise sur la province</a> en réprimant à la fois la société civile et les factions jihadistes radicales. Celles-ci, à l’instar des pro-al-Qaïda de Hurras al-Din, dénoncent les compromis idéologiques d’HTS et en particulier sa coopération avec l’armée turque. En réponse à cette répression ont émergé de nouvelles formations jihadistes obscures qui ont posé des engins explosifs improvisés au passage de véhicules russes et turcs patrouillant dans la province.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/0-vbHHl8RpY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Les menaces extérieures pesant sur Idlib sont toutefois d’une tout autre ampleur. La <a href="https://www.la-croix.com/Syrie-Assad-prete-serment-quatrieme-septennat-2021-07-17-1301166730">reprise des bombardements loyalistes</a> durant le printemps 2021 pèse sur la vie des habitants, de même que la menace russe d’un veto contre la prolongation par le Conseil de Sécurité de l’ONU de l’aide humanitaire transfrontalière vers la province rebelle. À ce mécanisme, Moscou oppose sa demande de corridors humanitaires partant des territoires contrôlés par le régime, première étape vers le rétablissement graduel de la souveraineté de Damas sur Idlib.</p>
<p>Un compromis sur la poursuite de l’aide transfrontalière pour une durée de douze mois fut arraché de justesse en juillet 2021 mais la question du veto russe se posera à nouveau dans un an. Un tel veto <a href="https://www.thenewhumanitarian.org/analysis/2021/5/26/syria-aid-at-risk-in-security-council-vote">compromettrait très gravement la sécurité alimentaire</a> des trois millions d’habitants de la province d’Idlib. Par là même, elle exposerait cette dernière à un risque d’implosion économique qui pourrait, à son tour, mettre un point final au (très) relatif statu quo militaire qui prévaut en Syrie depuis seize mois.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/164675/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Pierret ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que Bachar Al-Assad vient d’être réélu président, l’illusion de stabilité du pays cache mal un chaos généralisé, susceptible de dégénérer à court terme.Thomas Pierret, Chargé de recherches à l’Institut de Recherches et d’Études sur les Mondes Arabes et Musulmans (IREMAM), Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1496772020-11-12T21:53:24Z2020-11-12T21:53:24ZLa tentation chinoise du Liban<p>Plus de trois mois après la double explosion dans le port de Beyrouth, la tentation est grande pour le Liban et, surtout, pour le parti pro-iranien du Hezbollah de se tourner vers Pékin. Ce serait un camouflet pour Emmanuel Macron, premier chef d’État étranger à s’être rendu (par deux fois) après le drame dans ce pays sinistré : selon lui, l’aide apportée par l’ancienne puissance mandataire (1918-1946) et celle de la communauté internationale doivent être conditionnées à une lutte active contre la corruption et à un <a href="https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/diplomatie-en-visite-beyrouth-macron-veut-initier-le-changement-du-systeme-libanais">changement de système</a>.</p>
<p>Il est vrai que cette exhortation française, <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Au-Liban-Hezbollah-defensive-charge-dEmmanuel-Macron-2020-09-30-1201116872">aussitôt dénoncée par le chef du Hezbollah Sayed Nasrallah</a> au nom de la communauté chiite (27 % d’une population totale de 6,8 millions d’habitants), allait à l’encontre d’un projet d’infrastructures de vaste ampleur <a href="https://www.asie21.com/2020/07/19/chine-moyen-orient-le-hezbollah-invite-la-chine-au-liban/">financé par la Chine</a>.</p>
<p>Les potentialités pour Pékin y sont gigantesques, y compris dans la <a href="https://www.lefigaro.fr/vox/monde/2017/09/12/31002-20170912ARTFIG00125-pour-sa-reconstruction-la-syrie-se-tourne-vers-l-asie.php">Syrie voisine</a>, elle-même amenée à se reconstruire. L’enjeu est évidemment considérable pour le pays du Cèdre que les <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-histoire/Le-Proche-Orient-eclate2">quinze années de la guerre civile (1975-1990), conjuguées aux effets de la guerre de 2006</a> et de la crise économique ont durablement pénalisé.</p>
<h2>Complexes rapports des forces au Liban</h2>
<p>Le Liban traverse la pire crise économique de son histoire, marquée par une <a href="https://www.i24news.tv/fr/actu/international/moyen-orient/1594817704-crise-economique-au-liban-beyrouth-se-tourne-vers-la-chine-suite-aux-refus-des-etats-unis-et-des-pays-arabes">dépréciation inédite de sa monnaie</a>, une explosion de l’inflation et des restrictions bancaires draconiennes sur les retraits et les transferts à l’étranger.</p>
<p>Près de la moitié de la population libanaise vit dans la pauvreté et près de 40 % des actifs sont au chômage. La situation s’est aggravée avec la venue massive de réfugiés syriens fuyant depuis 2011 le conflit que subit leur pays. Selon le Haut-Commissariat des Nations unies, ils seraient <a href="https://www.lefigaro.fr/vox/monde/les-refugies-syriens-au-liban-doivent-rentrer-en-syrie-20190424">aujourd’hui plus de 1,5 million, dont 500 000 jeunes entre 3 et 14 ans</a>. Ce qui fait du Liban (4,1 millions de Libanais résidant dans le pays), le pays avec le plus fort taux de réfugiés au monde – puisqu’un habitant sur quatre y a le statut de réfugié.</p>
<p>Cette question constitue à la fois un enjeu politique majeur et un drame humanitaire sans précédent. La situation perturbe de nombreux Libanais – du petit commerçant aux élites, en passant par les politiques et les humanitaires. Par ailleurs, l’entrée en application d’un <a href="https://www.lepoint.fr/monde/quel-sera-l-impact-des-nouvelles-sanctions-americaines-sur-la-syrie-17-06-2020-2380320_24.php">nouvel arsenal de sanctions</a> dirigées contre le pouvoir syrien et décidées par le Congrès américain en juin dernier ne peut guère arranger la situation régionale désormais au bord de l’asphyxie. Cet ensemble de sanctions – surnommé « la loi César » – vise à exercer <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/06/16/la-loi-cesar-pression-maximale-sur-la-syrie-d-assad_6043017_3210.html">« une pression maximale »</a> sur le régime de Damas et sur son principal allié, Téhéran.</p>
<p>La vindicte du Hezbollah à l’encontre de la France et des États-Unis s’explique d’autant mieux que son principal pourvoyeur iranien est confronté à de très grandes difficultés. Le <a href="https://www.diploweb.com/Proche-Orient-Liban-La-mobilisation-du-Hezbollah-contre-le-COVID-19-quelles-motivations-politiques.html">plan de lutte du Hezbollah contre la Covid-19</a>, qui se voulait une démonstration de force, a d’ailleurs aussi exposé ses faiblesses (logistiques et moyens).</p>
<p>Pour autant, le Hezbollah est assuré d’une victoire de Bachar Al-Assad en Syrie. Il mise donc plus que jamais sur l’axe Téhéran-Moscou, qui se renforce au fur et à mesure que les États-Unis s’opposent à lui.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1291237682140585991"}"></div></p>
<p>La Chine n’est pas en reste puisqu’elle assure déjà <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/liban/le-liban-a-des-amis-mais-ils-demandent-des-comptes-6930395">40 % des importations du Liban</a>. Plus symboliquement encore, la fameuse route reliant Beyrouth à Alep – via Damas –, autrement appelée M 5, que <a href="https://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/en-syrie-une-autoroute-strategique-raconte-deux-annees-de-reconquetes_2023360.html">Bachar Al-Assad a reprise aux trois quarts aux rebelles</a> dès 2015 avec l’aide de son allié russe, pourrait être parachevée sur son tronçon libanais grâce à des investissements chinois.</p>
<p>Comme leurs alliés américains, qui ont abreuvé le Liban de dollars, l’Arabie saoudite et les monarchies du Golfe ont pris des distances. Ils accusent les dirigeants libanais de laisser le <a href="https://almashareq.com/fr/articles/cnmi_am/features/2016/11/16/feature-03">Hezbollah former les rebelles houthis</a> contre lesquels ils sont en guerre au Yémen. Réciproquement, les Houthis financeraient, avec le soutien de Téhéran, les <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1179835/les-houthis-levent-pres-de-300-000-dollars-au-profit-du-hezbollah.html">activités du Hezbollah</a>.</p>
<h2>L’enjeu stratégique du port de Beyrouth</h2>
<p>Au-delà de ses propres besoins nationaux, le <a href="https://www.diploweb.com/Crise-libanaise-Le-MV-RHOSUS-ou-le-retour-en-force-de-la-thalassopolitique.html">Liban demeure un point d’entrée essentiel pour l’ensemble de la région</a>. Les pays du Levant tels la Jordanie, la Syrie ou l’Irak, ou encore les pays du Golfe, dépendent aussi de leurs relations commerciales avec le Liban. 73 % de ses propres importations se faisant par la voie maritime, le lien du Liban à la mer est essentiel. Il repose sur le dynamisme d’une infrastructure clé, le port maritime.</p>
<p>Un appel d’offres met actuellement en concurrence la <a href="https://www.portseurope.com/analysis-france-expected-to-beat-china-in-the-race-for-the-port-of-beirut-hezbollah-is-the-main-obstacle/">France et la Chine</a> pour la reconstruction du port. Sans surprise, le Hezbollah s’oppose aux initiatives françaises et a par ailleurs recours à <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1238131/le-hezbollah-condamne-la-position-de-la-france-qui-encourage-laffront-dangereux-contre-le-prophete.html">tous les leviers possibles</a> pour attiser et relayer la haine fomentée par le président turc Recep Tayyip Erdogan dans l’affaire des caricatures l’opposant à la France d’Emmanuel Macron.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1318211433683877890"}"></div></p>
<p>Cet attrait singulier exprimé par des géants mondiaux de la logistique portuaire suggère la valeur de la place libanaise dans le commerce international. Il laisse aussi supposer les jeux d’influence affichés ou dissimulés derrière ces investisseurs. Contrôler un port n’est pas anodin : cela constitue un message envoyé à des acteurs internationaux privés comme étatiques. Ainsi les efforts déployés par les opérateurs chinois à l’égard du port du Pirée, en Grèce, donc dans l’Union européenne, illustrent une politique commerciale offensive au cœur de l’Europe, parfaitement intégrée dans le <a href="https://www.diploweb.com/Le-chantier-tres-geopolitique-des-Routes-de-la-soie.html">projet de la Nouvelle route de la Soie</a>. Beyrouth sera-t-il la prochaine prise chinoise en Méditerranée ?</p>
<p>Pékin sait pouvoir compter sur le soutien de Moscou et d’Ankara. Car en Europe de l’est comme au Proche-Orient se cristallise chaque jour un peu plus <a href="https://www.questionchine.net/trump-erdogan-poutine-et-la-chine-tensions-et-influences-croisees-menaces-contre-l">l’alliance sino-russe, renforcée par les ambivalences turques dans son rapport à l’OTAN</a>. L’unilatéralisme de Washington, articulé à la seule prévalence des intérêts américains, a créé une béance dans toute la partie orientale de la Méditerranée où, à l’instar du sud de la mer de Chine, de très importants contentieux maritimes opposent les acteurs régionaux (Turquie, Grèce, Liban, Libye, Chypre et Israël) dans leur course à l’exploitation des ressources pétrolières. On ne sera non plus surpris de voir les flottes russe et turque de plus en plus présentes à l’embouchure de Suez tandis que la Chine, dans une répartition tacite des tâches, se charge de renforcer son dispositif sécuritaire au large de Malacca.</p>
<h2>La Chine peut-elle venir au secours du Liban ?</h2>
<p>Le <a href="https://www.courrierinternational.com/article/opinion-la-chine-peut-elle-sauver-le-liban">quotidien libanais <em>Al-Akhbar</em></a> (considéré comme proche du Hezbollah), relayé sur le site <a href="https://parstoday.com/fr">officiel iranien Parstoday</a>, soutient que le Liban, dans une logique d’axe pro-iranien, doit se tourner vers Pékin, notamment en matière financière et de reconstruction du pays après la double explosion dans le port de Beyrouth l’été dernier. Ce mouvement s’inscrit dans le sillon des recompositions de l’ordre international fortement polarisé par, d’un côté, la puissance américaine sous l’administration Trump, et de l’autre, le pôle chinois comme alternative à l’Occident.</p>
<p>Le Proche et le Moyen-Orient semblent plus que jamais contraints par cette dualité, autant que par ses crises intestines durables. <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/les-enjeux-internationaux/le-rapprochement-entre-liran-et-la-chine">L’accord économique et militaire entre Téhéran et Pékin</a> (évalué à 400 milliards de dollars sur 25 ans) illustre bien la symétrie des relations entre le retrait américain et l’affirmation chinoise. La Chine est aujourd’hui le second partenaire commercial du Liban. A titre d’exemple, la <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/LB/le-commerce-exterieur-du-liban-en-2017">Chine fournit un volume de 1,6 milliards de dollars d’exportation en 2019</a>.</p>
<p>Pékin maintient sa présence au Liban, notamment via un <a href="http://french.china.org.cn/china/txt/2020-08/12/content_76590877.htm">fonds (<em>Pinglan</em>)</a> consacré à la reconstruction et à la rénovation de l’habitat, notamment dans le contexte post-explosion. La RPC est également présente au niveau militaire dans le <a href="http://french.peopledaily.com.cn/Chine/n3/2020/0806/c31354-9718788.html">cadre de la FINUL</a>. Une unité des forces médicales chinoises a notamment fourni son aide après l’accident industriel portuaire, faisant écho à une <a href="https://parstoday.com/fr/news/middle_east-i20638-chine_liban_partenariat_militaire_renforc%C3%A9">livraison en 2016 de matériel militaire</a> à l’armée libanaise. De plus, l’influence sur la jeunesse libanaise se poursuit à travers l’Institut Confucius (dans la capitale libanaise), les programmes d’échanges universitaires entre Beyrouth et des universités chinoises, et les réseaux d’affaires entre les deux pays, via les diasporas.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/U2gDUYAQRuI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Alors que les <a href="https://www.imf.org/en/News/Articles/2020/08/09/pr20278-statement-by-imf-md-kristalina-georgieva-int-conference-support-beirut-lebanese-people">pourparlers avec le FMI</a> pour un plan de sauvetage du Liban n’ont pas abouti, les principaux pays pétroliers du monde arabe n’ont pas apporté d’aide à Beyrouth. Les donateurs internationaux se refusent d’apporter des dons conséquents en raison de la forte corruption. Cette situation pousse un peu plus le Liban dans l’orbite de Pékin et de Téhéran. Dans une logique de politique internationale, la Chine peut engager des prêts au Liban, <a href="https://foreignpolicy.com/2020/07/09/china-wants-to-be-lebanons-savior/">avec comme contrepartie, un soutien – ou du moins, un silence – du Liban sur des dossiers internationaux</a> tels que Taïwan, la mer de Chine du Sud ou la répression des Ouïghours.</p>
<p>Georges Corm, grand spécialiste libanais du Proche et Moyen-Orient, <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2020/10/CORM/62314">constatait</a> récemment que « les élites politiques locales échouent à édifier un État solide capable de répondre aux défis économiques et sociaux ». Alors que le niveau de <a href="https://thediplomat.com/2020/08/will-china-change-its-lebanon-strategy/">corruption reste une composante essentielle dans un pays en crise</a>, le rapprochement de la Chine avec le Liban à travers plusieurs projets d’investissements et le développement de zones économiques spéciales potentielles (port de Tripoli, <a href="https://globalriskinsights.com/2020/10/rebuilding-the-port-of-beirut-a-competition-for-geopolitical-influence/">reconstruction du port de Beyrouth</a> voie ferroviaire, agriculture…) ne fera qu’accentuer le décrochage entre le peuple et les élites. Parmi lesquelles et d’entre toutes, les élites francophones tiraillées entre leur attrait pour l’Occident et ce nouvel appel de l’Orient.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149677/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du FDBDA.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Lincot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Plongé dans une profonde crise politique, économique et sociale, le Liban fait l’objet d’une attention accrue de la part de la Chine, qui y pousse ses pions avec habileté.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Emmanuel Lincot, Spécialiste de l'histoire politique et culturelle de la Chine contemporaine, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1448272020-08-24T19:10:29Z2020-08-24T19:10:29ZLe Hezbollah, défenseur du statu quo au Liban<p>Le 4 août, une nouvelle tragédie a frappé le Liban. Une explosion d’une ampleur sans précédent dans l’histoire du pays, équivalente à un séisme de magnitude 3,3, a fait plus de 170 morts (libanais, syriens et autres nationalités), plus de 6 000 blessés et 300 000 sans-abri. Des dizaines de personnes restent en outre disparues et des <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/explosion-a-beyrouth-les-degats-au-liban-bien-plus-importants-quinitialement-estime-1377832">quartiers entiers de Beyrouth sont dévastés</a>.</p>
<p>Ce drame vient s’ajouter à une situation socio-économique déjà catastrophique du fait de l’éruption de la <a href="https://www.france24.com/fr/20191019-liban-crise-economique-manifestations-taxes-corruption-dollar-penurie-chomage-pauvrete">crise économique en octobre 2019</a> et des <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/coronavirus-liban-confinement-couvre-feu_fr_5f3c096cc5b60a9ef33f2b14">effets de la pandémie Covid-19</a>. La proportion des Libanais vivant sous le seuil de pauvreté a atteint les 55 %, tandis que le taux de chômage dépasse les 35 %.</p>
<p>Les médias des pays occidentaux se sont <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/08/17/au-liban-le-hezbollah-est-sur-la-defensive-depuis-l-explosion_6049100_3210.html">particulièrement intéressés</a> au rôle du Hezbollah sur la scène politique libanaise lors de ces derniers événements, parmi lesquels le <a href="https://www.20minutes.fr/monde/2841891-20200818-affaire-rafic-hariri-membre-presume-hezbollah-reconnu-coupable-trois-autres-acquittes">verdict</a> du Tribunal spécial pour le Liban dans l’affaire de l’assassinat de Rafic Hariri – un verdict qui a rassuré le parti islamique chiite puisqu’il s’est soldé par trois acquittements, une seule inculpation et l’affirmation qu’aucune preuve ne permettait d’établir un lien direct entre, d’une part, le Hezbollah et le régime syrien et, d’autre part, l’explosion du 14 février 2005.</p>
<p>Le Hezbollah est présenté par ses détracteurs comme une organisation terroriste et par ses partisans comme un acteur clé de la résistance face à Israël et à l’impérialisme occidental et comme un défenseur des opprimés. Ces descriptions, à bien des égards caricaturales, ne permettent pas de saisir le rôle du Hezbollah dans le champ politique libanais, en particulier depuis le déclenchement du soulèvement de protestation populaire en octobre 2019.</p>
<h2>La défiance du Hezbollah face au soulèvement d’octobre 2019</h2>
<p>Le Hezbollah a adopté depuis le début une attitude de défiance envers le soulèvement populaire massif qui a commencé le 17 octobre 2019 et qui, pour la première fois, a massivement touché les régions à majorité chiite, notamment le sud du Liban et la ville de Baalbek dans la Bekaa. Dans ces régions, le tandem composé du Hezbollah et d’Amal (l’autre grand mouvement chiite libanais), accusé d’avoir empêché le développement socio-économique en imposant des politiques clientélistes et autoritaires, <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1195418/a-baalbeck-le-trone-du-hezbollah-a-enfin-ete-secoue-.html">n’a pas été épargné par les manifestants</a>.</p>
<p>Dans son <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1191786/nasrallah-nous-ne-sommes-pas-en-faveur-de-la-demission-du-gouvernement.html">premier discours postérieur à ces événements</a>, Hassan Nasrallah a d’abord accusé les protestataires de plonger le pays dans le chaos et d’être les instruments d’un complot étranger. Il a également offert un soutien inconditionnel au président Michel Aoun, même s’il a par la suite un peu modéré son propos.</p>
<p>Le Hezbollah a mobilisé sa base populaire dans les régions à majorité chiite <a href="https://www.carep-paris.org/publications/papiers-de-recherche/le-hezbollah-face-au-mouvement-populaire-libanais-du-confessionnalisme-comme-regime-de-domination/">pour démontrer qu’il conservait le soutien de sa base</a> et, surtout, pour intimider les manifestants dans différentes localités. Ses membres n’ont pas hésité à attaquer à plusieurs reprises les manifestants à Beyrouth et dans d’autres villes du pays et à menacer plusieurs personnalités et activistes de la contestation. Les supporters du Hezbollah, avec ceux d’Amal, ont multiplié provocations et slogans confessionnels, scandant « chiites, chiites » ou « Nous voulons un nouveau 7 mai », en référence à l’invasion militaire de Beyrouth-Ouest par le Hezbollah et ses alliés en <a href="https://www.lefigaro.fr/international/2008/05/31/01003-20080531ARTFIG00042-comment-le-hezbollah-impose-sa-loi-au-liban.php">2008</a>, pour diviser le mouvement de protestation.</p>
<p>À travers ces démonstrations de force, l’objectif principal du duo Hezbollah-Amal était d’étouffer les manifestations en réoccupant les lieux publics dans les régions dominées par ces partis. Le Hezbollah a également cherché à maintenir ses alliances politiques avec des mouvements dénoncés par les manifestants pour leur corruption, en particulier Amal et le Courant patriotique libre de Michel Aoun.</p>
<h2>Après l’explosion : maintenir à tout prix le système confessionnel</h2>
<p>À la suite de la tragédie du 4 août, tous les partis politiques dominants ont nié toute connaissance et/ou responsabilité dans la gestion du nitrate d’ammonium stocké dans le hangar du port, y compris le Hezbollah. Le journaliste libanais Riad Kobeissi, qui travaille depuis des années sur la corruption liée aux activités portuaires à Beyrouth, a cependant <a href="https://www.opendemocracy.net/en/north-africa-west-asia/lebanons-deadly-blast-when-corruption-turned-into-carnage/">démontré</a> que toute la structure du port et sa gestion, ainsi que l’inspection des douanes, se trouvent entre les mains de personnalités affiliées aux acteurs dominants du système politique libanais : le Courant patriotique libre, d’Amal, du Hezbollah et du Courant du Futur.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1295388679330881536"}"></div></p>
<p>Rappelons que la représentation politique au Liban est organisée aux plus hauts échelons de l’État selon des critères confessionnels. Les postes au sein des institutions publiques, en particulier les plus élevés, sont également distribués en fonction de lignes confessionnelles et partisanes. Le système confessionnel au Liban (comme le confessionnalisme plus généralement) est l’un des principaux instruments utilisés par les partis confessionnels dominants pour renforcer leur contrôle sur les classes populaires, en les maintenant subordonnées à leurs chefs confessionnels.</p>
<p>Le président Michel Aoun et le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, ont <a href="https://www.letemps.ch/monde/president-libanais-rejette-toute-enquete-internationale">refusé toute enquête internationale sur la tragédie du 4 août</a> en invoquant la défense de la souveraineté nationale. Les deux hommes souhaitent que l’enquête soit conduite par l’armée libanaise… laquelle est dominée en grande partie par leurs partis. Derrière ce choix, on devine évidemment la volonté d’empêcher que les vrais responsables, tous issus des partis dominants, soient pointés du doigt, de même que le système politique libanais dans son entier, et en particulier les mécanismes de distribution des postes au sein de l’administration publique qui, on l’a dit, suivent des logiques confessionnelles et partisanes.</p>
<p>En tout cas, les autorités libanaises, qui avaient promis que les premiers résultats de l’enquête seraient dévoilés dans un délai maximal de cinq jours, n’avaient toujours donné aucune indication au public plus de deux semaines après l’explosion.</p>
<h2>Le Hezbollah et les réformes néolibérales</h2>
<p>Un grand nombre de chefs d’État internationaux et régionaux ont officiellement apporté leur soutien à la population libanaise à la suite de la catastrophe du 4 août. Une <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/liban/evenements/article/conference-internationale-de-soutien-et-d-appui-a-beyrouth-et-au-peuple">visioconférence sur le Liban</a>, organisée à l’initiative du président français Emmanuel Macron et réunissant les représentants d’une trentaine de pays, occidentaux et arabes, à laquelle ont également pris part des représentants du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale, du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et de la Banque européenne d’investissement (BIRD), a abouti à un accord sur une assistance d’urgence au Liban à brève échéance, pour un total de 252,7 millions d’euros.</p>
<p>Mais comme dans bien des crises, les États et les institutions monétaires internationales considèrent ces moments comme des occasions de promouvoir et d’approfondir les dynamiques néolibérales, notamment l’extension de l’économie de marché à divers secteurs économiques jusqu’ici dominés par les secteurs étatiques. Ainsi, d’autres types d’aides et versements, de plusieurs milliards de dollars, également prévus par ces groupes d’États et institutions, sont <a href="https://www.france24.com/fr/20191211-paris-conditionne-l-aide-internationale-au-liban-%C3%A0-la-mise-en-place-d-un-gouvernement-r%C3%A9formateur">conditionnés</a> à la mise en œuvre de « réformes institutionnelles ».</p>
<p>Emmanuel Macron et la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, ont par exemple souligné qu’il était « essentiel » de <a href="https://www.bfmtv.com/economie/le-fmi-appelle-le-liban-a-sortir-de-l-impasse-sur-les-reformes_AD-202008060161.html">« sortir de l’impasse »</a> dans laquelle se sont retrouvées les <a href="http://backend.institutdesfinances.gov.lb/wp-content/uploads/2020/06/Le-point-sur-l%E2%80%99%C3%A9volution-des-discussions-entre-le-Liban-et-le-FMI.pdf">discussions entre le Liban et le FMI</a> entamées à la mi-mai 2020. Pour cela, il convient selon le président français et Mme Georgieva d’appliquer des réformes dont la mise en œuvre a été érigée en condition préalable à tout déblocage d’aides financières aussi bien de la part du FMI – que le Liban a officiellement sollicité à cette fin début mai – que de l’ensemble des soutiens internationaux du pays, notamment des participants à la <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/liban/evenements/article/liban-conference-cedre-6-04-2018">conférence de Paris d’avril 2018 (programme CEDRE)</a>, qui ont réservé plus de 11 milliards de dollars en prêts et dons pour le Liban. En échange de ces milliards de dollars, le gouvernement libanais doit s’engager à développer les partenariats public-privé, à réduire le niveau de la dette et à imposer des <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/le-liban-en-defaut-de-paiement-confronte-au-defi-des-reformes-6770488">mesures d’austérité</a>.</p>
<p>Tous les partis politiques confessionnels dominants sont d’accord sur ces mesures, y compris le Hezbollah. Le gouvernement d’union nationale libanais composé de tous ces partis, y compris du Hezbollah, et mené par Saad Hariri avant sa démission à la suite du déclenchement du mouvement de protestation populaire en octobre 2019, avait d’ailleurs prévu la fusion ou la suppression de certaines institutions publiques et la <a href="https://theconversation.com/lelectricite-un-enjeu-clef-de-la-crise-libanaise-144217">privatisation du secteur de l’électricité</a>, dans le cadre de son plan budgétaire 2020.</p>
<p>De même, le Hezbollah ne s’est pas opposé à la demande du précédent gouvernement, conduit par le premier ministre Hassan Diab, de faire appel au FMI en mai 2020 pour un plan de « sauvetage » face à la crise économique.</p>
<h2>Le Hezbollah contre tout changement radical</h2>
<p>Quelques jours après l’explosion du 4 août, des manifestations massives ont eu lieu à Beyrouth pour exiger le jugement des responsables de la tragédie, le renversement du gouvernement et la destitution de la Chambre des députés et du président Michel Aoun.</p>
<p>Les forces de l’ordre, et la milice du Parlement, liée au président de la Chambre des députés Nabih Berri, ont <a href="https://www.journaldemontreal.com/2020/08/20/tentative-de-meurtre-la-colere-des-libanais-apres-lexplosion-decuplee-par-la-repression">violemment réprimé les manifestants</a>, y compris en tirant à balles réelles. Il y a eu plusieurs centaines de blessés et des dizaines d’arrestations.</p>
<p>La <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/08/10/le-premier-ministre-libanais-hassan-diab-annonce-la-demission-de-son-gouvernement_6048624_3210.html">démission du gouvernement d’Hassan Diab le 10 août</a> n’a pas calmé le mouvement de protestation. Nombre de Libanais exigent toujours de voir les responsables du drame du 4 août traduits en justice, réclament des comptes pour la négligence de l’État et demandent un changement radical. Or les partis confessionnels dominants cherchent déjà à contrôler les prochaines étapes.</p>
<p>Quelques heures après la démission d’Hassan Diab, Nabih Berry s’est par exemple entretenu avec le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, ainsi qu’avec Hussein Khalil, le bras droit d’Hassan Nasrallah. Était également présent l’ancien ministre Ali Hassan Khalil, conseiller politique de M. Berry. Les participants se seraient entendus sur le refus d’un gouvernement neutre et sur la mise en place d’un gouvernement d’entente nationale et de la tenue de législatives anticipées. Hassan Nasrallah, dans son <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/liban-nasrallah-pour-un-gouvernement-de-partis-traditionnels-20200814">discours</a> du 14 août, a d’ailleurs réitéré son souhait de voir la formation d’un gouvernement d’union nationale et accusé les manifestants de mener le pays vers la guerre civile en voulant renverser l’État et le président Aoun.</p>
<p>Le jeudi 13 août, les principales forces politiques libanaises au Parlement ont <a href="https://www.laprovence.com/article/france-monde/6076532/liban-le-parlement-doit-enteriner-letat-durgence-a-beyrouth-sinistree.html">entériné l’état d’urgence</a>, qui avait été décrété le 5 août. Cela donne au « pouvoir militaire suprême », pendant cette période – jusqu’au 21 août avec possibilité de prolongation dans le cas présent –, l’autorité sur l’ensemble des forces de sécurité du pays et la responsabilité de maintenir l’ordre. Durant l’état d’urgence, l’armée libanaise peut donc procéder à des arrestations sans avoir recours à la justice, limiter la liberté de la presse et des médias, interdire les rassemblements, etc. Mettre fin aux manifestations populaires est en effet une priorité pour les partis dominants.</p>
<p>Le Hezbollah, comme les autres formations confessionnelles, perçoit le mouvement populaire comme une menace existentielle et s’oppose à ses demandes de changement radical. Le Hezbollah ne propose aucune vision politique contestant le système économique néolibéral ou le système confessionnel. Au contraire, il considère ce système comme un moyen de servir ses propres intérêts.</p>
<p>Aucun changement radical ne pourra avoir lieu sans une rupture avec le système confessionnel néolibéral, ses élites dominantes et ses sponsors étrangers. Le Hezbollah n’est pas une exception et est inclus dans le slogan de l’Intifada libanaise <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/le-tour-du-monde-des-idees/tous-ca-veut-dire-tous">« Tous, ça veut dire tous »</a>, qui remet en cause <em>tous</em> les partis confessionnels dominants, jugés responsables de la misère sociale et économique du pays.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/144827/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joseph Daher ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans un Liban balayé par une puissante vague de protestation populaire, le Hezbollah cherche à tout prix à maintenir le système existant, fondé sur le confessionnalisme.Joseph Daher, Maitre de conférences, faculté sciences sociales et politiques, Université de LausanneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1442162020-08-13T19:31:48Z2020-08-13T19:31:48ZGéopolitique d’un Liban au bord du gouffre<p>Quelques jours après une explosion meurtrière d’un entrepôt renfermant 2750 tonnes de nitrate d’ammonium, le Liban est secoué par des <a href="https://theconversation.com/beyrouth-capitale-de-la-colere-144311">manifestations</a> et une cascade de <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1228887/les-demissions-au-sein-du-gouvernement-et-du-parlement-se-poursuivent.html">démissions</a> qui traduisent une exacerbation de la confrontation politique interne sur fond de bras de fer géopolitique régional.</p>
<p>L’explosion d’un stock de nitrate d’ammonium entreposé dans le port de Beyrouth, depuis 2014, dont le potentiel terriblement dévastateur <a href="https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/liban-a-lorigine-de-lexplosion-un-cargo-russe-delabre-qui-ne-devait-pas-accoster-a-beyrouth-1229056">était connu</a>, incarne une énième illustration mortifère de la corruption endémique qui caractérise le système libanais.</p>
<h2>Un échiquier politique bouleversé</h2>
<p>Dans le même temps, des hommes politiques se sont saisis de ce contexte pour régler violemment leurs comptes. Plusieurs députés ont démissionné : <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1228297/demission-du-depute-marwan-hamade.html">Marwan Hamadé</a> (du bloc de la Rencontre démocratique du leader druze Walid Jumblatt), <a href="https://libnanews.com/liban-explosion-une-serie-de-demissions-au-parlement/">suivi de tout le bloc parlementaire des Phalanges</a>.</p>
<p>Fragilisé par le <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1228784/la-ministre-de-linformation-demissionne-du-gouvernement-diab.html">départ de plusieurs ministres</a>, le gouvernement de <a href="https://www.lefigaro.fr/international/liban-qui-est-hassan-diab-le-nouveau-premier-ministre-qui-succede-a-hariri-20191219">Hassan Diab</a>, nommé fin 2019, a annoncé à son tour <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/08/10/le-premier-ministre-libanais-hassan-diab-annonce-la-demission-de-son-gouvernement_6048624_3210.html">sa démission le 10 août</a>, sur fond de campagne médiatique enjoignant le président libanais Michel Aoun de renoncer au pouvoir.</p>
<p>Or, ces deux figures sont considérées comme les principaux soutiens politiques du <a href="https://www.lesclesdumoyenorient.com/Hezbollah.html">Hezbollah</a> parti chiite libanais allié à l’Iran.</p>
<h2>La force du Hezbollah, du sud du Pakistan à Gaza</h2>
<p>Le Hezbollah est une <a href="https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2018/05/07/au-liban-le-camp-pro-hezbollah-sort-renforce-des-elections-legislatives_5295506_3218.html">force incontournable sur l’échiquier libanais</a> et joue depuis 2012 un rôle clef sur la scène régionale.</p>
<p>Il n’a cessé au fil des années de confirmer sa puissance militaire, révélée en 2000 dans le contexte de l’évacuation inconditionnelle d’Israël de la majeure partie du territoire libanais – occupée depuis 1978.</p>
<p>En 2006, le parti a montré sa force de frappe lors de la guerre des trente-trois jours contre le Liban – le rapport de la commission d’enquête israélienne Winograd concluant <a href="https://www.lefigaro.fr/international/2008/01/30/01003-20080130ARTFIG00597-guerre-du-liban-israel-revient-sur-son-grand-ratage.php">à un échec militaire israélien</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/352719/original/file-20200813-14-knbx5l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Carte du système de défense stratégique du Hezbollah, en juillet 2006." src="https://images.theconversation.com/files/352719/original/file-20200813-14-knbx5l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/352719/original/file-20200813-14-knbx5l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/352719/original/file-20200813-14-knbx5l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/352719/original/file-20200813-14-knbx5l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/352719/original/file-20200813-14-knbx5l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/352719/original/file-20200813-14-knbx5l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/352719/original/file-20200813-14-knbx5l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Système de défense stratégique du Hezbollah, en juillet 2006.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/File:Hezbollah_Defensive_System_in_Southern_Lebanon.png">Matt M. Matthews US army/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À partir de 2012, en s’impliquant activement dans plusieurs conflits, du sud du Pakistan à Gaza et auprès de divers alliés sur cet axe, l’organisation a consolidé son ancrage régional.</p>
<p>En effet, dans l’engrenage de la crise syrienne, le Hezbollah a su transformer la menace qui pesait sur l’organisation – se retrouver enclavée en cas de défaite militaire sans débouché syrien – en opportunité, en renforçant sa force de frappe balistique et sa capacité à mener des opérations offensives.</p>
<p>Il a parallèlement considérablement développé son arsenal militaire au sud-Liban et fortifié ses positions grâce au glissement des moyens militaires et à l’amélioration de ses <a href="https://www.jpost.com/jerusalem-report/hezbollah-at-a-crossroad-452309">capacités dans le domaine du renseignement</a>.</p>
<p>Ainsi ces deux dernières années, dans une logique régionale visant à contenir l’influence iranienne, le terrain libanais a occupé une place importante et l’enjeu s’est cristallisé autour du Hezbollah.</p>
<p>Depuis octobre 2019 et l’irruption du <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/10/20/la-contestation-gagne-de-l-ampleur-au-liban-pour-la-quatrieme-journee-de-manifestations_6016248_3210.html">mouvement de contestation au Liban</a>, le parti – qui a cherché à <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/04/09/au-liban-la-demonstration-de-force-du-hezbollah-face-au-coronavirus_6036109_3210.html">redorer son blason</a> avec la crise sanitaire – est décrié par une partie des Libanais.</p>
<p>Ces derniers lui reprochent ses jeux d’alliance dans une société traversée par des contradictions communautaires, sociales et nationales. Aujourd’hui, la catastrophe ravive les antagonismes et la défiance contre le Hezbollah dans un contexte de confrontation exacerbée entre l’Iran et ses alliés d’un côté, les États-Unis, Israël, l’Arabie saoudite et les Emirats de l’autre.</p>
<h2>Le Hezbollah mis sous pression sur tous les fronts</h2>
<p>Les adversaires politiques du Hezbollah, accusent l’organisation d’avoir délibérément ignoré l’existence de la cargaison à l’origine de la catastrophe, attaque à laquelle a répondu, le secrétaire général du parti dans son <a href="https://libnanews.com/le-hezbollah-refute-tout-lien-avec-la-cargaison-de-nitrate-dammonium/">allocution télévisée le 7 août dernier</a>, en ironisant sur le fait qu’il était plus informé sur le port de Haifa, en Israël, que celui de Beyrouth.</p>
<p>Et pour cause le Hezbollah se présente à l’opinion libanaise d’abord comme un mouvement dont la vocation première est la résistance à l’état d’Israël et non comme un acteur ayant un agenda politique en interne.</p>
<p>Or, c’est précisément pour cela que <a href="https://www.lorientlejour.com/article/amp/1193921/la-contestation-de-gauche-face-au-hezbollah">certains militants de gauche, soutiens du Hezbollah</a>, s’interrogent sur les objectifs de l’organisation. Parties prenantes des mouvements de contestation populaire au Liban, ces collectifs ne comprennent pas la direction prise par le parti chiite.</p>
<p>Mais l’organisation est surtout considérée comme la principale responsable de la politique de pression américaine à l’encontre du Liban, illustrée notamment par les sanctions contre des <a href="https://www.rfi.fr/fr/economie/20190830-financement-hezbollah-sanctions-americaines-contre-une-banque-libanaise">hommes d’affaires et des banques libanaises</a>, en raison de son lien organique avec l’Iran et de son implication dans les conflits régionaux.</p>
<p>Les États-Unis, la Grande-Bretagne et plus récemment l’Allemagne considèrent en effet ce parti comme une <a href="https://www.dw.com/en/hezbollah-accuses-germany-of-giving-in-to-us-israel-with-ban/a-53329469">organisation terroriste</a>.</p>
<p>Depuis le 4 août, l’hypothèse d’un bombardement ou d’un sabotage a très largement été véhiculée dans la presse, même si jusque-là aucune preuve n’a été avancée, le <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1228610/aoun-evoque-la-possibilite-dun-missile-ou-dune-bombe.html">président libanais ayant lui-même évoqué cette piste</a>.</p>
<p>Ce développement intervient dans un contexte géopolitique régional de durcissement de la confrontation entre l’axe Hezbollah- Syrie – Irak – Iran, et la coalition américano-israélo-saoudienne qui se traduit par une véritable <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/geopolitique/geopolitique-24-juin-2019">guerre hybride</a> dans laquelle la réalisation des objectifs stratégiques suppose une combinaison de moyens politiques, économiques, militaires et cybernétiques.</p>
<h2>Des confrontations de plus en plus tendues</h2>
<p>En juillet, l’intensification des raids israéliens contre des positions militaires des alliés du Hezbollah en Syrie a <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1226784/un-combattant-du-hezbollah-tue-dans-des-frappes-israeliennes-pres-de-damas.html">tué plusieurs combattants</a>.</p>
<p>Elle fait aussi suite à une série d’attaques « israéliennes » contre des sites stratégiques iraniens depuis le 25 juin dernier, comme <a href="https://fr.timesofisrael.com/la-frappe-israelienne-presumee-de-natanz-en-iran-aussi-complexe-que-stuxnet/">celle présumée sur une usine à centrifugeuse à Natanz</a>.</p>
<p>Tandis qu’Israël multiplie les démonstrations de force, Washington, de son côté, use de pressions maximales contre Téhéran afin d’entraver et affaiblir durablement son développement militaire et balistique, ainsi que celui de ses alliés.</p>
<p>Si officiellement les autorités israéliennes ont feint de se montrer solidaires de la tragédie libanaise, cette attitude a été qualifié de « vaste blague » sur les réseaux sociaux libanais tandis que Haaretz dénonce un <a href="https://www.haaretz.com/middle-east-news/.premium-israel-beirut-lebanon-blast-support-1.9050449">« spectacle abject d’hypocrisie »</a>. La veille de l’explosion, <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1228140/dix-violations-aeriennes-israeliennes-enregistrees-lundi.html">dix violations aériennes israéliennes ont été enregistrées</a> par le commandement de l’armée libanaise.</p>
<p>C’est dans cette configuration que le Hezbollah est sévèrement critiqué par ses adversaires politiques libanais (notamment le Courant du Futur et les forces Libanaises) qui considèrent que par la nature de ses alliances, il entraîne le Liban dans une polarisation régionale à l’heure où la neutralité du pays lui épargnerait les <a href="https://theconversation.com/au-chevet-de-beyrouth-que-peut-la-france-pour-le-liban-144100">affres des conflits voisins</a>.</p>
<h2>Influences extérieures</h2>
<p>Alors que la catastrophe humanitaire fait ressurgir des tensions internes, pour les rivaux de l’Iran, l’Arabie saoudite et les Émirats, ce drame offre un contexte propice pour tenter d’influer sur l’opinion libanaise et retourner une partie de la base sociale du Hezbollah contre lui.</p>
<p>Le traitement médiatique de chaînes saoudiennes, à l’exemple d’Al arabiya, a par ailleurs mis en lumière les réserves de Riyad vis-à-vis des positions prises par le président français, lors de sa visite à Beyrouth, espérant sans doute une réaction plus ferme à l’égard du Hezbollah.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/DJ1IgBHihPs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Intégralité du discours d’Emmannuel Macron au Libran, BFMTV.</span></figcaption>
</figure>
<p>Mais Emmanuel Macron ne s’est pas rallié spontanément à la position de Washington et à déployé des efforts de conciliation entre les sensibilités politiques différentes <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1228502/a-la-residence-des-pins-macron-rencontre-les-chefs-de-partis-et-la-societe-civile.html">invitant les chefs de tous les groupes parlementaires à s’asseoir avec lui</a>, le 6 août dernier.</p>
<h2>Un effort de médiation</h2>
<p>À l’issue de cette rencontre, le <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1228702/macron-a-beyrouth-trois-semaines-pour-agir-concretement.html">tête à tête de Macron avec le chef du groupe du Hezbollah</a>, Mohammad Raad, a marqué, à la fois, sa différence d’approche avec Washington qui ne reconnaît ni le Hezbollah, ni le gouvernement démissionnaire de Hassan Diab considéré comme étant sous l’influence de l’organisation, et son intention de jouer les médiateurs entre Washington et la partie libanaise.</p>
<p>Lors de son entretien téléphonique avec Donald Trump, le 7 août, le président français n’a pas manquer de <a href="https://www.lopinion.fr/edition/international/liban-macron-redessine-carte-politique-221800">souligner</a> à son homologue « que la politique de sanctions et de désertion américaine, ainsi que la fin de l’aide des pays du Golfe, faisait le jeu de l’Iran et du Hezbollah au Liban ».</p>
<p>De leurs côtés, Saoudiens et Émiratis ont exigé, lors de la <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1228806/les-donateurs-internationaux-au-chevet-du-liban-meurtri.htm">réunion dimanche des donateurs internationaux</a> en soutien au Liban, que l’aide soit accordée directement aux Libanais sans passer par les institutions étatiques.</p>
<p>Cette aide pourrait également servir de levier pour l’imposition d’autres conditionnalités politiques comme des garanties sur le contrôle de la frontière entre le Liban et la Syrie pour empêcher l’entrée des armes du Hezbollah.</p>
<h2>Un tourbillon de violences</h2>
<p>Dans ce climat tendu, le tribunal spécial pour le Liban, devrait rendre prochainement son <a href="https://libnanews.com/le-tribunal-special-sur-le-liban-devrait-rendre-son-verdict-le-18-aout-2020">verdict</a> quant au procès de quatre personnes accusées d’avoir fomenté l’assassinat de l’ex-Premier ministre libanais <a href="https://fr.euronews.com/2006/11/22/un-tribunal-international-pour-les-assassins-de-rafic-hariri">Rafic Hariri</a> le 14 février 2005.</p>
<p>Cet assassinat a entraîné une extrême instabilité au Liban et la polarisation excessive du paysage politique entre le mouvement du 8 mars (pro-syrien) et celui du 14 mars réclamant le départ des troupes syriennes, sur fond de bras de fer géopolitique entre l’Arabie saoudite et l’Iran.</p>
<p>Dans le contexte actuel, un verdict d’inculpation de membres du Hezbollah pourrait renforcer la pression en interne et la volonté des adversaires politiques alliés à des puissances rivales de l’Iran d’isoler davantage l’organisation. Cela risque d’entraîner le pays dans une spirale de violences à l’heure où la priorité est de définir les responsabilités, de produire un changement qualitatif dans la gestion des institutions publiques et de s’accorder sur les modalités de la reconstruction d’un pays ruiné et à bout de souffle.</p>
<hr>
<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie le 30 septembre et le 1er octobre 2021 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/144216/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lina Kennouche ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au Liban, l’exacerbation de la confrontation politique interne sur fond de bras de fer géopolitique régional peut embraser la région.Lina Kennouche, Doctorante en géopolitique, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1361672020-04-16T17:19:48Z2020-04-16T17:19:48ZQuand les mouvements terroristes, les gangs et les groupes d’insurgés s’engagent dans la lutte contre le coronavirus<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/327764/original/file-20200414-117562-1sczx8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C0%2C4580%2C3062&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des membres d'une branche du Hezbollah pulvérisent du désinfectant dans un quartier de Beyrouth pour lutter contre la propagation du coronavirus.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.apimages.com/metadata/Index/Virus-Outbreak-Hezbollah-New-Battle/1223e744fff7412084c3b1ad50e45580/3/0">AP Photo/Bilal Hussein</a></span></figcaption></figure><p>À Rio de Janeiro, les favelas représentent un <a href="https://www.reuters.com/article/us-health-coronavirus-brazil-favelas-fea/gangs-call-curfews-as-coronavirus-hits-rio-favelas-idUSKBN21B3EV">terrain propice à la contamination</a>. Les rues sont étroites et exiguës, le système de santé pratiquement inexistant et l’accès à l’eau potable si restreint que les habitants ne peuvent même pas se laver les mains correctement.</p>
<p>Dans ces conditions très favorables à la propagation du coronavirus, un couvre-feu a été imposé. Non pas par le gouvernement brésilien, qui n’a toujours pas décrété le confinement, mais par les gangs qui <a href="https://www.jstor.org/stable/3875501">font la loi dans ces quartiers</a>.</p>
<p>Dans ces zones, les membres des gangs ont <a href="https://www.reuters.com/article/us-health-coronavirus-brazil-favelas-fea/gangs-call-curfews-as-coronavirus-hits-rio-favelas-idUSKBN21B3EV">lancé un message clair aux habitants</a> : « Nous imposons un couvre-feu parce que personne ne prend la situation au sérieux. Toute personne qui sortira dans la rue malgré le couvre-feu receva un châtiment exemplaire. »</p>
<p>Ce qui se passe à Rio n’est pas un cas isolé. Dans le monde entier, des groupes criminels, des mouvements insurgés et des organisations terroristes luttent activement contre la pandémie.</p>
<h2>Quelles sont leurs méthodes d’action ?</h2>
<p>Au Liban, le Hezbollah a <a href="https://www.reuters.com/article/us-health-coronavirus-hezbollah/hezbollah-deploys-medics-hospitals-against-coronavirus-in-liban-idUSKBN21C3R7">mobilisé plus de 1 500 médecins, 3 000 infirmières et travailleurs paramédicaux</a>, et a mis 20 000 de ses militants à contribution.</p>
<p><a href="https://www.reuters.com/article/us-health-coronavirus-hezbollah/hezbollah-deploys-medics-hospitals-against-coronavirus-in-lebanon-idUSKBN21C3R7">« C’est une véritable guerre</a> ; nous nous devons donc de la livrer avec la même détermination que celle qui prévaut sur un champ de bataille », a déclaré à Reuters Sayyed Hashem Safieddine, le chef du conseil exécutif de Hezbollah. Le groupe gère plusieurs hôpitaux qui dispensent gratuitement des tests et des traitements pour le Covid-19. En outre, il a transformé <a href="https://www.jpost.com/middle-east/hezbollah-deploys-medics-hospitals-against-coronavirus-in-lebanon-622373">plusieurs hôtels</a> en centres de quarantaine.</p>
<p>En Afghanistan, les talibans se sont chargés de diffuser des vidéos expliquant comment <a href="https://www.ynetnews.com/article/BJyDuPQwU">se désinfecter correctement</a> et ont chargé leurs combattants de distribuer du savon et des masques chirurgicaux. En Libye, les <a href="https://www.africanews.com/2020/03/21/covid-19-libya-s-haftar-forces-enforce-night-curfew/">forces rebelles ont imposé un couvre-feu</a> de 18 heures à 6 heures du matin afin d’endiguer la diffusion du virus.</p>
<p>Le mouvement islamiste Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, est en passe d’y édifier <a href="https://www.dailysabah.com/world/mid-east/hamas-prepares-for-mass-quarantines-in-gaza-over-Covid-19-fears">deux gigantesques centres de quarantaine</a>. De son côté, l’État islamique a relayé un certain nombre d’instructions pour répondre à la crise <a href="http://www.aymennjawad.org/2020/03/islamic-state-advice-on-coronavirus-pandemic">dans un récent bulletin d’information</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/326559/original/file-20200408-103409-p5577n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/326559/original/file-20200408-103409-p5577n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/326559/original/file-20200408-103409-p5577n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/326559/original/file-20200408-103409-p5577n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/326559/original/file-20200408-103409-p5577n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/326559/original/file-20200408-103409-p5577n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/326559/original/file-20200408-103409-p5577n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">À Rio de Janeiro, les rues bondées des favelas sont un terrain propice à la propagation rapide des maladies. » zoomable = « true.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.apimages.com/metadata/Index/Virus-Outbreak-Brazil-Favela/d0e7b172318f46f79c3f68a50970cc6b/5/0">Silvia Izquierdo/AP Photo</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Pourquoi se préoccupent-ils autant de cette crise sanitaire ?</h2>
<p>En tant que <a href="https://scholar.google.com/citations?user=oMk9TRsAAAAJ&hl=en&oi=ao">spécialiste du comportement des organisations armées</a>, je n’ai pas été surpris de les voir agir ainsi. Dans la plupart de ces régions, les gangs, les forces rebelles et les groupes terroristes <a href="https://www.cambridge.org/core/books/rebel-governance-in-civil-war/C40247AED4FA30DC2704EB64EA5CFFD5#fndtn-information">contrôlent</a> des zones où le gouvernement a perdu tout pouvoir.</p>
<p>Certains de ces groupes fournissent déjà aux populations qui se trouvent sous leur contrôle des <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/international-organization/article/civil-war-as-statemaking-strategic-governance-in-civil-war/86B9C230BB0F29E0FCE6BF89B4A46860">prestations sociales</a> comme l’accès aux soins médicaux et à l’éducation, ainsi que des procédures de <a href="https://www.nytimes.com/2015/02/01/world/asia/taliban-justice-gains-favor-as-official-afghan-courts-fail.html">résolution des conflits</a> qui font office de système judiciaire rudimentaire.</p>
<p>Là où les gouvernements ne font rien ou pas assez pour endiguer l’épidémie du coronavirus, les groupes armés entrent en scène pour <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/international-organization/article/civil-war-as-statemaking-strategic-gouvernanceenguerrecivile/86B9C230BB0F29E0FCE6BF89B4A46860">gagner en légitimité</a> auprès de la population afin d’obtenir son soutien ainsi que celui d’éventuels partisans à l’étranger. Certains de ces groupes possèdent <a href="https://doi.org/10.1017/CBO9781316182468.004">leur propre drapeau et leur propre monnaie</a>, et leurs efforts en matière de lutte contre le coronavirus s’inscrivent dans cette stratégie de légitimation.</p>
<p>Même si l’intention de ces organisations à caractère violent <a href="https://doi.org/10.2139/ssrn.3010013">n’est pas toujours d’obtenir le pouvoir absolu</a>, elles <a href="https://www.cambridge.org/core/revues/organisation-internationale/article/vidage-de-la-mer-massacre-et-gu%C3%A9rilla/A4DD186DD876B363754AD358B8148014">dépendent toujours de la population locale</a> à qui elles <a href="https://doi.org/10.1177%2F0022002714547885">soutirent de l’argent</a> ou des informations en échange d’une protection contre les forces armées rivales. Quand les habitants souffrent, leur soutien aux groupes violents peut s’affaiblir ou disparaître ; si ceux-ci cherchent à protéger la population, c’est avant tout parce que c’est là leur intérêt.</p>
<p>En outre, bon nombre des membres de ces groupes opèrent dans des zones où vivent leur famille et leurs amis – ils veulent donc naturellement contribuer à la sécurité et à la santé de leurs proches.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/326575/original/file-20200408-118674-1ni4l1t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/326575/original/file-20200408-118674-1ni4l1t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/326575/original/file-20200408-118674-1ni4l1t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/326575/original/file-20200408-118674-1ni4l1t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/326575/original/file-20200408-118674-1ni4l1t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/326575/original/file-20200408-118674-1ni4l1t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/326575/original/file-20200408-118674-1ni4l1t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Construction par le Hamas de deux centres de quarantaine destinés à endiguer la pandémie du coronavirus. » zoomable = « true.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.apimages.com/metadata/Index/Virus-Outbreak-Gaza-Quarantine/550b483590b940b3a7a1c76bb616cc7a/18/0">Khalil Hamra/AP</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Comment cette aide se met-elle en place ?</h2>
<p>Si les zones contrôlées par les organisations armées sont souvent hors d’atteinte pour les gouvernements, elles ne sont en revanche pas protégées contre le coronavirus. Et le risque de la propagation du virus est si grand que la réponse ne doit pas être parasitée par les conflits entre les autorités légitimes et ces groupes. Afin de sauver le plus de vies possible, les divisions sectaires et politiques doivent être mises de côté. Toute organisation ayant la <a href="https://doi.org/10.1111/disa.12309">capacité et la volonté</a> de combattre l’épidémie doit être mise à contribution.</p>
<p>Les organisations humanitaires comme la Croix-Rouge et Médecins sans frontières <a href="https://www.genevacall.org/world-humanitarian-summit-armed-groups-hinderers-facilitators-humanitarian-action/">travaillent depuis longtemps avec les organisations armées</a> et voient en elles des partenaires incontournables pour que les populations vivant sous leurs contrôle aient accès aux soins.</p>
<p>Les talibans, ainsi que d’autres groupes armés, obligent les organisations humanitaires à se déclarer auprès d’eux, mais les laissent tout de même opérer sur leur territoire. Un porte-parole des talibans a récemment déclaré : « Si, qu’à Dieu ne plaise, l’épidémie se propage dans une zone que nous contrôlons, alors nous arrêterons les combats dans cette zone. » Le groupe a également <a href="https://www.ynetnews.com/article/BJyDuPQwU">garanti la sécurité</a> à tout organisme humanitaire agissant pour empêcher la propagation de l’épidémie et pour aider les personnes victimes du virus.</p>
<p>Mais les relations entre les organisations humanitaires et les groupes armés sont parfois très difficiles. Il arrive que les gouvernements <a href="https://www.odi.org/sites/odi.org.uk/files/odi-assets/publications-opinion-files/8591.pdf">empêchent les humanitaires</a> d’accéder aux territoires des forces rebelles ; il arrive aussi que ces groupes armés n’assurent pas la <a href="https://www.odi.org/publications/8053-talking-other-side-humanitarian-negotiations-al-shabaab-somalia">protection</a> des travailleurs humanitaires, ou <a href="https://apnews.com/bcfa5a72043941618c87e7d14d6b8849">n’utilisent pas les aides reçues</a> comme ils s’étaient engagés à le faire.</p>
<p>Malgré tout, le fait que tant de groupes se mobilisent pour protéger « leurs » populations face à l’épidémie reflète l’ampleur de la menace et souligne à quel point il est urgent de mettre en œuvre une collaboration efficace <a href="https://www.crisisgroup.org/global/contending-isis-time-coronavirus">entre les gouvernements, les organisations humanitaires et les groupes armés</a>, surtout dans les zones dont les États sont totalement absents.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136167/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jori Breslawski ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Là où les gouvernements sont faibles ou inexistants, ce sont les gangs, les insurgés et même les groupes désignés comme terroristes qui se retrouvent au premier plan dans la lutte contre la pandémie.Jori Breslawski, Ph.D. Candidate in Political Science, University of MarylandLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1276962019-11-24T16:33:38Z2019-11-24T16:33:38ZL’immense colère de la société iranienne<p>La multiplication par trois du prix de l’essence décidée par le gouvernement iranien le 15 novembre dernier a mis le feu aux poudres. Plusieurs jours durant, des <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/11/18/emeutes-en-iran-apres-la-hausse-du-prix-de-l-essence_6019571_3210.html">émeutes</a> sanglantes se sont déroulées dans une centaine de grandes et moyennes villes du pays. Le bilan est lourd : plus de 200 morts, de très nombreux blessés par balle et des milliers d’arrestations. Des dizaines de pompes à essence, des banques, des supermarchés, des sièges de municipalités, des voitures des forces de l’ordre ou encore des écoles théologiques ont été détruites ou brûlées. Le pouvoir a réussi, une nouvelle fois, à réprimer dans le sang les protestations populaires, mais compte tenu de l’ampleur de la crise écononomique, du chômage des jeunes et de la pauvreté, les contestations risquent de reprendre. De toute évidence, les autorités n’avaient pas compris que le seuil de tolérance aux privations de la population n’était plus aussi élevé que par le passé.</p>
<p>La décision d’augmenter le prix de l’essence a été prise en accord avec le Guide suprême Ali Khamenei âgé de 80 ans et deux de ses alliés conservateurs, les chefs des pouvoirs judiciaire, <a href="https://en.radiofarda.com/a/khamenei-appoints-larijani-head-of-expediency-council/29684216.html">Ebrahim Raisi</a>, et législatif, <a href="https://en.farsnews.com/newstext.aspx?nn=13980305000704">Ali Larijani</a>, mais ni le Parlement ni la population n’avaient été informés. Cet épisode illustre clairement la monopolisation du pouvoir par un cercle restreint. Les populations démunies – notamment les jeunes chômeurs et les travailleurs pauvres dépourvus d’espoir – se sont trouvées, une nouvelle fois après les <a href="https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-l-orient-2018-4-page-167.htm">émeutes de janvier 2018</a>, sur le devant de la scène pour protester contre les injustices sociales et les privations économiques imposées par les autorités.</p>
<h2>Une situation économique plus que précaire</h2>
<p>Dernièrement, la situation économique du pays n’a cessé de se dégrader, notamment depuis le retrait unilatéral de Donald Trump, en 2018, de l’accord sur le nucléaire (JCPOA) que l’Iran avait conclu en juillet 2015 avec les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU plus l’Allemagne. Ce retrait a rapidement été suivi du <a href="https://www.letemps.ch/monde/nouvelles-sanctions-americaines-contre-liran-entrent-vigueur">rétablissement des sanctions américaines</a> visant les exportations des hydrocarbures iraniens et les investissements étrangers en Iran, car les sanctions américaines ont un impact extra-territorial. Aujourd’hui, l’Iran ne vend plus que 300 000 barils de pétrole par jour contre 2 300 000 de barils en 2018. Le régime islamique n’a donc plus les moyens d’acheter la paix sociale à l’intérieur tout en finançant les <a href="https://www.mei.edu/publications/emergence-irans-proxy-model">groupes armés qu’il soutient à l’étranger</a> (le Hezbollah libanais, le Jihad islamique palestinien ou les milices irakiennes de Hachd al-Chaabi). Le Guide et les Gardiens de la révolution, qui déterminent la politique régionale du pays, semblent avoir décidé que les réserves de devises dont dispose l’Iran devraient êtres consacrées en priorité au financement de ces groupes étrangers, au détriment de la population iranienne.</p>
<p>Les slogans « Ni Gaza, ni Liban, je donne ma vie pour l’Iran » scandés pendant les émeutes dénoncent notamment le coût financier élevé des interventions de la République islamique dans les conflits régionaux. Les manifestations de colère sont également provoquées par la cherté de la vie, une <a href="https://en.radiofarda.com/a/iran-inflation-rate-hits-record-high-in-24-years/30075675.html">inflation galopante</a> que le Centre iranien des statistiques évalue à près de 50 %, la <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/l-iran-enleve-des-zeros-au-rial-et-renomme-sa-monnaie-20190731">dévalorisation</a> de 400 % depuis 2018 de la monnaie nationale, la mauvaise gestion de l’économie, la corruption des cercles du pouvoir ou encore le fossé qui ne cesse de se creuser entre une minorité qui s’est enrichie grâce à la manne pétrolière et la majorité de la population qui a du mal à joindre les deux bouts.</p>
<p>Ces révoltes spontanées – auxquelles les <a href="https://women.ncr-iran.org/2019/11/17/at-least-5200-women-took-part-in-3-days-of-iran-protests-in-100-cities/">jeunes femmes ont participé en nombre</a> – illustrent la force des demandes des classes populaires et moyennes, de <a href="https://en.radiofarda.com/a/iran-s-clerics-increasingly-worried-as-people-adopt-western-lifestyles/30101887.html">plus en plus laïcisées</a> : la limitation du pouvoir économique, financier et politique des structures monopolistiques (liées au Guide, aux institutions religieuses, aux fondations ou aux Gardiens de la révolution) ; une répartition plus juste de la richesse nationale gaspillée par les cercles du pouvoir ; la transparence ; la protection de l’environnement ; le respect des libertés individuelles et collectives ; et la séparation de la religion et de l’État.</p>
<p>Les manifestations contre le pouvoir sont récurrentes en Iran, notamment depuis le <a href="https://www.cairn.info/revue-tumultes-2012-1-page-187.htm**">Mouvement vert de 2009</a> contre les fraudes électorales massives puis les émeutes de décembre 2017–janvier 2018. Cependant, on constate aujourd’hui, pour la première fois, une concomitance entre d’une part les <a href="https://www.liberation.fr/planete/2019/11/04/irak-liban-la-rue-defie-l-iran_1761565">manifestations populaires au Liban et en Irak qui protestent en particulier contre l’ingérence iranienne</a> et d’autre part les manifestations des jeunes Iraniens contre le pouvoir à l’intérieur.</p>
<p>Tentant d’extérioriser les conflits sociaux, les tenants du régime islamique, au premier rang desquels le Guide, qui souffre d’une profonde crise de légitimité, ont d’ailleurs <a href="https://www.france24.com/en/20191122-iran-says-world-war-against-it-foiled">accusé les manifestants</a> d’être commandités par les États-Unis, l’Arabie saoudite ou encore Israël.</p>
<h2>La jeunesse et le pouvoir : une scission inexorable</h2>
<p>Confrontée au verrouillage du système politique – qui se manifeste en particulier par le biais du filtrage des candidat·e·s à toutes les élections par un Conseil de surveillance de la Constitution nommé par le Guide – et de plus en plus coupée de la gérontocratie au pouvoir (rappelons que l’âge moyen des Iraniens est de 30 ans alors que l’âge moyen des dirigeants est de 78 ans), la société civile, pourtant dépourvue d’organisation, de partis politiques ou de syndicats indépendants, s’engage de plus en plus dans l’action sociale et politique à travers des réseaux sociaux aussi bien traditionnels que modernes. Le cyberactivisme est devenu la forme dominante d’expression du fait de la <a href="https://www.hrw.org/fr/news/2019/01/17/iran-une-repression-implacable">répression qui frappe les activités contestataires de la société civile</a>.</p>
<p>En décembre 2017, l’Iran, dont la population s’élève à 82 millions de personnes dont 75 % habitent en milieu urbain, comptait 56 700 000 usagers d’Internet, un taux de pénétration de presque 70 % ; et 40 millions d’Iraniens possédaient un compte Facebook, un taux de pénétration de presque 50 %. Instagram a atteint 24 millions d » usagers actifs en Iran en janvier 2018, ce pays se plaçant au septième rang mondial. Depuis, ces chiffres ont <a href="https://persiadigest.com/en/news/7466/internet-penetration-rate-in-iran-reaches-90-percent">encore augmenté</a>. <a href="https://www.20minutes.fr/high-tech/2656915-20191121-iran-gouvernent-coupe-internet-tuer-huis-clos-manifestants-selon-experte">L’interruption volontaire d’Internet par les autorités pendant les journées d’émeutes</a> visait bien sûr à bloquer la diffusion des images vers l’extérieur du pays mais, aussi, à empêcher les réseaux sociaux de jouer leur rôle.</p>
<p>Malgré la violence de la répression, la contestation des jeunes issus des classes populaires et moyennes est susceptible, à terme, de rendre la société plus autonome et d’affaiblir un système politique autocratique dont la domination via la cooptation et le clientélisme est aujourd’hui en panne et rejetée par la population.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127696/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Azadeh Kian ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La semaine d’émeutes que vient de traverser l’Iran, qui s’est soldée par un lourd bilan humain, témoigne de l’exaspération de la société civile et, spécialement, de la jeunesse, vis-à-vis du pouvoir.Azadeh Kian, Professeure de sociologie, directrice du Centre d’Enseignement, de Documentation et de Recherches pour les Etudes Féministes (CEDREF), Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1263322019-11-05T17:05:59Z2019-11-05T17:05:59ZLiban : et demain, on fait quoi ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/300219/original/file-20191105-88372-d6p7z5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C0%2C3387%2C2622&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manifestation le 27 octobre à Jal El Dib, près de Beyrouth.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/tongeron91/48970273993">tongeron91/flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>Après deux semaines de rassemblements et de blocage des routes principales, cette question, qui a donné son titre à une célèbre pièce du dramaturge et compositeur Ziad Rahbani, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=v7IGgMSCiKQ"><em>Bennesbé la boukra chou ?</em></a>, s’impose : et demain, on fait quoi ? Les Libanais, qui manifestent depuis le 17 octobre contre la corruption de leurs élites et la cherté de la vie, ont gagné leur première bataille en obtenant la chute du gouvernement et la démission du premier ministre Saad Hariri. Mais la route est encore longue pour un véritable changement et l’établissement d’un gouvernement assaini. Quelles réformes pour quel pouvoir, et comment y arriver ?</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-libanais-entre-exaltation-et-angoisse-vent-debout-contre-la-corruption-des-elites-125610">Les Libanais entre exaltation et angoisse, vent debout contre la corruption des élites</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Comment réformer le pouvoir ?</h2>
<p>Si pour certains groupes issus de la société civile, le projet d’un nouveau Liban reste vague et s’arrête à la chute du régime et à l’arrestation des hommes politiques corrompus, pour d’autres, comme l’association dirigée par l’ancien ministre du Travail Charbel Nahhas, <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/10/26/au-liban-le-pouvoir-communautaire-est-tombe_6017019_3210.html">Citoyens et citoyennes dans un État</a>, il est temps de réformer pour construire un État démocratique, laïque et juste. </p>
<p><a href="https://mmfidawla.com">Selon ce mouvement</a>, il faut construire un « État civil qui traite avec les citoyens sans la médiation des religions. Un État démocratique, car la démocratie est la soupape de sécurité qui encadre la minorité au pouvoir. Un État juste, qui s’engage à respecter les droits individuels et sociaux. Un État compétent, qui remplit ses fonctions envers ses citoyens avec une grande efficacité. »</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/299980/original/file-20191103-88428-1k28puh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/299980/original/file-20191103-88428-1k28puh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/299980/original/file-20191103-88428-1k28puh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/299980/original/file-20191103-88428-1k28puh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/299980/original/file-20191103-88428-1k28puh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/299980/original/file-20191103-88428-1k28puh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/299980/original/file-20191103-88428-1k28puh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Inscription vue à Beyrouth, fin octobre 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jihane Sfeir</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour le mouvement citoyen <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2016/05/22/au-liban-la-percee-contestataire_4924175_3232.html">Beirut Madinati</a>, qui s’est imposé durant la <a href="https://rumor.hypotheses.org/4149">crise des ordures de 2015</a> et a effectué une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2016/05/22/au-liban-la-percee-contestataire_4924175_3232.html">percée remarquable lors des municipales de Beyrouth en 2016</a> face à la liste soutenue par Saad Hariri, il s’agit de mettre en œuvre un programme de réformes <a href="https://www.facebook.com/BeirutMadinati/photos/pcb.2523151504431255/2523150721098000/?type=3&theater">réalisable en quatre étapes</a>. Même si ce mouvement ne pèse pas très lourd numériquement, ses membres (pour la plupart des universitaires) ont une vision claire de l’avenir du pays. En 2016, ils avaient déjà élaboré un <a href="https://www.csis.org/npfp/garbage-green-space-rise-beirut-madinati">projet</a> issu des revendications de la société civile pour assainir la capitale.</p>
<p>En démissionnant le 29 octobre, Saad Hariri réalise la première étape de leur programme, celle de la chute du gouvernement, mais il ne part pas pour autant tout de suite : un gouvernement chargé des affaires courantes, doté d’un pouvoir limité, a été <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/10/30/liban-saad-hariri-charge-d-expedier-les-affaires-courantes_6017455_3210.html">mis en place</a> afin qu’il n’y ait pas de vide politique. La deuxième étape du programme est celle de la constitution d’un gouvernement d’experts n’ayant pas de liens avec l’élite politique. Pour cela, le président de la République – en accord avec les députés – doit choisir un nouveau premier ministre qui formera ce gouvernement d’experts restreint. La troisième étape consiste à organiser des élections législatives anticipées sur la base d’une nouvelle loi électorale, non confessionnelle. </p>
<p>Pour parvenir à cet objectif, le Parlement doit d’abord rédiger et faire voter une loi qui abolit le système confessionnel, loi qui sera ensuite ratifiée par le président de la République et par le premier ministre. Les élections seront organisées dans les six mois suivant l’adoption de la nouvelle loi. Enfin, la dernière étape est celle de la constitution d’un nouveau régime. Le nouveau parlement, élu par le peuple, élira à son tour le président de la Chambre et le président de la République (le Liban étant une démocratie parlementaire) ; ce dernier nommera un nouveau premier ministre qui formera un gouvernement avec des ministres qui correspondront aux exigences du peuple : pas de confessionnalisme, pas de clientélisme politique et, surtout, des ministres « propres ».</p>
<h2>Peut-on abolir le système confessionnel ?</h2>
<p>Le programme de réformes de ce mouvement citoyen exprime clairement un désir de changement, mais est-il réalisable en l’état ? Tout d’abord, est-il possible d’abolir le système confessionnel ?</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/299981/original/file-20191103-88399-1jv1y9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/299981/original/file-20191103-88399-1jv1y9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/299981/original/file-20191103-88399-1jv1y9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/299981/original/file-20191103-88399-1jv1y9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/299981/original/file-20191103-88399-1jv1y9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/299981/original/file-20191103-88399-1jv1y9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/299981/original/file-20191103-88399-1jv1y9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Beyrouth, fin octobre 2019. L’inscription vue ici, « Thawra », signifie « révolution ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jihane Sfeir</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>D’après des entretiens que nous avons menés les 27 et 28 octobre dernier avec des militants chrétiens – étudiants de la faculté de droit de l’Université libanaise et juristes –, il semble que l’abolition du système confessionnel ne soit pas entièrement souhaitable. Malgré le succès du slogan « ni chrétiens, ni musulmans, nous voulons une unité nationale », la plupart des chrétiens libanais que nous avons rencontrés se disent favorables au maintien du confessionnalisme. Conscients de leur nombre inférieur à celui des musulmans, influencés par l’héritage de la guerre, inquiets au vu du sort de leurs coreligionnaires d’Orient (notamment en <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/le-zoom-de-la-redaction/le-zoom-de-la-redaction-28-octobre-2019">Irak</a>), une grande partie des chrétiens ont peur du changement. </p>
<p>Cela ne veut pas dire pour autant que tous les Libanais tiennent ce discours. À Beyrouth, sur la Place des Martyrs, ou à Tripoli, sur la Place al Nour, l’engagement est neutre – pas d’affiliation religieuse affichée – et les demandes portent sur l’abolition du système confessionnel et l’établissement d’une république laïque. Pour mesurer de manière plus précise les positions de chaque camp sur la laïcité, il serait pertinent de mener, dans chaque région, une étude du profil des manifestants (classe sociale, âge, religion, influence politique, éducation, profession…). Autre questionnement essentiel : Enfin, les <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1166243/pourquoi-letat-narrive-toujours-pas-a-simposer-29-ans-apres-la-fin-de-la-guerre.html">seigneurs de la guerre au pouvoir depuis trente ans</a> sont-ils prêts à partir sans faire de bruit et à céder la place à de nouvelles formations politiques ?</p>
<h2>Peut-on changer la classe politique ?</h2>
<p>Critiqués, houspillés, les chefs historiques des partis musulmans et chrétiens ne lâchent pas prise pour autant. Ils accusent, menacent et certains, comme les partisans de Nabih Berri, chef du mouvement chiite Amal et président du Parlement, n’hésitent pas à envoyer des voyous <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1193044/jour-xiii-la-tension-monte-entre-automobilistes-bloques-et-manifestants.html">casser des manifestants et semer le chaos et la terreur</a>. <a href="https://www.la-croix.com/Monde/tabou-brise-Liban-colere-vise-aussi-leader-chiite-Hassan-Nasrallah-2019-10-22-1301055892">En perte de légitimité</a>, le leader du Hezbollah Hassan Nasrallah s’est exprimé lors d’un discours télévisé dans lequel il a affirmé comprendre les revendications des manifestants, assuré qu’il était bien sûr hostile à la corruption et appelé au dialogue et surtout à la vigilance, insinuant que le mouvement de protestation pourrait être manipulé par les <a href="https://libnanews.com/hassan-nasrallah-appelle-ses-partisans-a-se-retirer-un-vide-gouvernemental-amenera-au-chaos/">ambassades étrangères</a>. </p>
<p>De son côté, le président de la République Michel Aoun <a href="https://www.courrierinternational.com/article/crise-au-liban-la-rue-rejette-lappel-au-dialogue-du-president-aoun">ne convainc plus</a> et son discours de mi-mandat prononcé le 31 octobre, appelant à la constitution d’un gouvernement avec des ministres compétents et à la lutte contre la corruption, <a href="https://www.france24.com/fr/20191031-liban-president-michel-aoun-ministres-competences-manifestations-confessionnalisme">n’a pas réussi à apaiser la colère des manifestants</a>. Quant à Saad Hariri, même s’il essaye de gagner en crédibilité en citant son père Rafik dans son discours de démission, il <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/10/30/au-liban-la-demission-en-faux-semblants-du-premier-ministre-saad-hariri_6017381_3210.html">reste le symbole d’un pouvoir corrompu et incapable de gérer les affaires du pays</a>.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/300113/original/file-20191104-88428-2xgobc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/300113/original/file-20191104-88428-2xgobc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/300113/original/file-20191104-88428-2xgobc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/300113/original/file-20191104-88428-2xgobc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/300113/original/file-20191104-88428-2xgobc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/300113/original/file-20191104-88428-2xgobc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/300113/original/file-20191104-88428-2xgobc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Représentations de plusieurs personnalités de la politique libanaise, légendées « Recherchés par la justice », Beyrouth, fin octobre 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jihane Sfeir</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pourtant, les anciens chefs n’ont pas disparu. Il semble que, malgré les critiques à leur encontre, leur assise politique est toujours là et leur pouvoir de nuisance demeure. Ainsi, le 3 novembre, une <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/11/03/liban-les-soutiens-du-president-michel-aoun-defilent-dans-les-rues_6017865_3210.html">manifestation de soutien au président de la République a rassemblé plusieurs milliers de personnes</a> et révélé la division de la population libanaise – un épisode qui a rappelé les <a href="http://www1.rfi.fr/actufr/articles/063/article_34759.asp">manifestations qui avaient opposé en 2005 les partisans du Hezbollah (Courant du 8 mars) à ceux du Courant du Futur (le mouvement dit du 14 mars)</a>.</p>
<p>Un élément distingue cependant la situation de 2005 de celle d’aujourd’hui : l’union nationale autour du rejet de la corruption et de la nécessité de réformer le gouvernement. La contre-manifestation organisée par les partisans de Michel Aoun n’a fait qu’augmenter la colère des Libanais qui <a href="https://www.courrierinternational.com/article/liban-la-contestation-se-mobilise-massivement-apres-une-manifestation-propouvoir">se sont rassemblés encore plus massivement</a> à Tripoli, Beyrouth ou Jal el Dib, réclamant la formation assez rapide d’un gouvernement « propre » et bloquant à nouveau les routes du pays. Le bras de fer entre partisans des vieux seigneurs de la guerre et aspirants à un Liban renouvelé révèle la tension entre ceux qui restent dans l’héritage de la guerre et ceux qui s’en émancipent et <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/10/24/au-liban-pour-la-premiere-fois-on-met-fin-a-l-heritage-de-la-guerre_6016746_3210.html">souhaitent « décoloniser » les esprits de la mémoire du conflit</a>.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/300042/original/file-20191104-88368-l7a69t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/300042/original/file-20191104-88368-l7a69t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/300042/original/file-20191104-88368-l7a69t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/300042/original/file-20191104-88368-l7a69t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/300042/original/file-20191104-88368-l7a69t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/300042/original/file-20191104-88368-l7a69t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/300042/original/file-20191104-88368-l7a69t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Graffiti proclamant « Que notre peur tombe », Beyrouth, fin octobre 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jihane Sfeir</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En effet, pour sortir réellement de la guerre, il faudrait s’affranchir des discours des <a href="https://www.thechronicleherald.ca/news/world/hezbollah-warns-of-chaos-civil-war-in-lebanon-368058/">partis alliés au pouvoir qui laissent planer la menace de sa réactivation</a>. Mais le mur de la peur est tombé et les Libanais qui occupent toujours les places et bloquent les routes, appelant à « la fermeture du pays pour cause de travaux », semblent déterminés à ne plus céder au chantage bien rôdé des autorités.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/126332/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jihane Sfeir ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La mobilisation libanaise a déjà abouti au départ du premier ministre Saad Hariri. Mais à quoi le Liban de demain pourrait-il ressembler ?Jihane Sfeir, Historienne, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1256102019-10-21T20:10:39Z2019-10-21T20:10:39ZLes Libanais entre exaltation et angoisse, vent debout contre la corruption des élites<p>Tout a commencé avec l’annonce du projet de taxe sur les appels WhatsApp lancé le 17 octobre dernier. Ce fut la taxe de trop pour les Libanais qui sont descendus en masse manifester leur colère contre le système corrompu et kleptocrate de la classe dirigeante. « Tous ! Ça veut dire tous ! » (<em>Kellon ya’ni kellon</em>), fut le slogan lancé dès le début des mobilisations, appelant au départ de tous les dirigeants de toutes tendance politique et appartenance religieuse. Le gouvernement de Hariri accusé de corruption et de népotisme est contesté par les Libanais qui réclament sa démission.</p>
<p>Aucune des figures connues de la classe politique libanaise n’est épargnée. Ils vilipendent aussi bien Nabih Berri, chef du mouvement chiite Amal et président du Parlement, que Michel Aoun, président de la République et fondateur du parti chrétien le Courant patriotique libre ainsi que son gendre Gebran Bassil ministre des Affaires étrangères. Saad Hariri, premier ministre et chef du parti sunnite al Mustaqbal, Walid Joumblatt chef druze du Parti socialiste progressiste, Samir Geagea ministre et chef des Forces libanaises chrétiennes et enfin Hassan Nasrallah, icône sacrée presque intouchable de la résistance contre Israël et chef du parti chiite le Hezbollah n’échappent non plus à leur rage.</p>
<h2>Contre la corruption</h2>
<p>Tous doivent dégager, tous « puent la corruption et le vol systématique » des biens de l’État. Ces hommes politiques, seigneurs de la guerre civile (1975-1991) qui <a href="https://journals.openedition.org/conflits/515">règnent encore sur le Liban</a> ont construit leur pouvoir sur le <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2018-1-page-169.htm">clientélisme et la captation des fonds publics</a>. Joumblatt, Berri, Geagea ou Aoun tous ont participé à la guerre civile. Hariri a hérité du pouvoir de son père et Nasrallah justifie sa légitimité par la résistance armée contre Israël.</p>
<p>Ils ont posé les bases d’une économie de guerre mettant à genoux un pays entier. Près de 30 ans après la fin de la guerre, rien n’a changé : le système d’éducation et de santé publique est en faillite et la pénurie d’électricité et d’eau potable est chronique. Dans les deux cas le <a href="https://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2011-5-page-67.htm">privé prend le relais du public</a>, rendant la vie des citoyens chère et difficile.</p>
<p>Les Libanais en manifestant expriment leur colère contre des politiciens qui ont « volé le pays » et l’ont plongé dans une crise économique sans précédent avec une menace de dévaluation de la livre libanaise. Ainsi, malgré les aides internationales, notamment le programme d’aide pour la réforme de l’État lancé à Paris lors de la <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/liban/evenements/article/liban-conference-cedre-6-04-2018">conférence Cèdre en avril 2018</a>, les hommes politiques libanais n’ont pas réussi à assainir les institutions libanaises et leurs promesses de réformes arrivent aujourd’hui un peu tard…</p>
<h2>Le confessionnalisme mis à mal</h2>
<p>Les manifestations expriment aussi le rejet du système confessionnel créé il y a 100 ans par le mandat français et qui devait être réformé à la fin de la guerre civile lors de la signature des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Accord_de_Ta%C3%ABf">accords de Taëf en 1989</a>. Le slogan « Lâ Islâm wa lâ massihiyyé, badna wehdé wataniyy) » (ni musulmans, ni chrétiens nous voulons une unité nationale) était scandé partout du nord au sud du Liban et lors des manifestations de soutien à Paris, Londres, Montréal ou Sydney le 20 octobre dernier.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1186067958512128000"}"></div></p>
<p>Partout on pouvait entendre des chants contre la division de la population par confessions pour une identité nationale commune. « Dînî loubnâni, ma religion est le Liban » scandaient les manifestants. Une unité nationale qui se traduirait par une séparation de l’Église et de la Mosquée de l’État pour la naissance d’une république laïque.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/297939/original/file-20191021-56207-xxw3g3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/297939/original/file-20191021-56207-xxw3g3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/297939/original/file-20191021-56207-xxw3g3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=603&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/297939/original/file-20191021-56207-xxw3g3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=603&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/297939/original/file-20191021-56207-xxw3g3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=603&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/297939/original/file-20191021-56207-xxw3g3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=758&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/297939/original/file-20191021-56207-xxw3g3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=758&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/297939/original/file-20191021-56207-xxw3g3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=758&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">« Ils sont tous terrifiés par notre unité… ne reculez pas ! »</span>
<span class="attribution"><span class="source">FB Wissam Wael Beidas</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Coup de pied au patriarcat</h2>
<p>Une des images les plus fortes qui a circulé sur les réseaux sociaux montre une jeune femme qui donne un coup de pied à un homme armé, garde personnel du ministre de l’Éducation <a href="https://twitter.com/Nws_MENA/status/1184915536993538049">Akram Chehayeb</a>.</p>
<p>Cette image issue d’une captation vidéo est devenue virale, elle illustre la place centrale des femmes dans les manifestations, leur courage et leur volonté de changer le système patriarcal. Certaines femmes sur place revendiquent ainsi l’égalité avec les hommes à travers notamment la reconnaissance du droit de transmission de la citoyenneté libanaise par la mère ou la mise en place d’un système plus juste que celui des tribunaux religieux en matière de divorce pour la garde des enfants. Cette image illustre aussi la fin du règne des armes.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/297940/original/file-20191021-56242-de1iit.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/297940/original/file-20191021-56242-de1iit.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/297940/original/file-20191021-56242-de1iit.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=840&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/297940/original/file-20191021-56242-de1iit.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=840&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/297940/original/file-20191021-56242-de1iit.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=840&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/297940/original/file-20191021-56242-de1iit.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1056&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/297940/original/file-20191021-56242-de1iit.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1056&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/297940/original/file-20191021-56242-de1iit.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1056&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les réseaux sociaux se font les témoins d’un ras-le-bol face au patriarcat.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rami Kanso</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’exaltation d’un peuple uni</h2>
<p>Partout sur le territoire libanais des portraits d’hommes politiques sont arrachés et souillés ; la surprise venant de la communauté chiite que l’on croyait soudée autour de ces deux chefs historiques : <a href="https://www.lepoint.fr/monde/liban-nabih-berri-veteran-de-la-politique-et-allie-du-hezbollah-23-05-2018-2220736_24.php">Nabih Berri</a> et <a href="http://www.rfi.fr/moyen-orient/20191019-liban-contestation-social-hezbollah-hassan-nasrallah-saad-hariri-gebran-bassil">Hassan Nasrallah</a>.</p>
<p>Ils sont conspués et hués au même titre que les autres leaders. Le clientélisme n’est plus, la conscience politique d’un Liban solidaire qui unit tous les citoyens des villes (Beyrouth, Tripoli, Sayda et Tyr) et des villages (du Sud-Liban au Akkar) est en éveil.</p>
<p>On marche en criant à bas le gouvernement, on invente des slogans, on se réunit tous les soirs pour faire la fête sur des airs populaires détournés et le lendemain on balaie les rues. On rit beaucoup aussi des politiques et on rêve d’un Liban nouveau débarrassé des oripeaux de guerre. Un peuple déprimé mais heureux et exalté de vivre cet instant magique qui réunit musulmans et chrétiens toutes génération et classe confondues. Contrairement aux manifestations de 2005 où la population était divisée autour de deux courants : celui du 8 mars pro-Hezbollah et celui du 14 mars pro-Hariri, les mobilisations d’aujourd’hui rassemblent tous les déçus, les laissés-pour-compte, mais aussi toutes les catégories de la classe moyenne, qu’ils soient de l’un ou de l’autre mouvement.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1186170648403554304"}"></div></p>
<h2>Angoisse de l’avenir</h2>
<p>Les manifestations ont réussi à mettre au grand jour la corruption et à réunir le peuple libanais autour d’un même objectif : se débarrasser de la classe politique dirigeante.</p>
<p>Cependant, et si elles réunissent tous les jours des centaines de milliers dans une ambiance festive et pacifique, une profonde angoisse demeure quant à l’avenir qui se profile.
Certains prédisent une crise économique encore plus grave, d’autres brandissent la menace d’une <a href="https://www.cairn.info/pas-de-printemps-pour-la-syrie--9782707177759.htm">guerre civile comme en Syrie</a> enfin il y a ceux qui croient en un futur plus serein ; pour ceux-là, on ne peut plus regarder en arrière, il faut continuer à avancer pour apporter le changement.</p>
<p>Dans un <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/10/21/liban-le-gouvernement-sous-pression-adopte-une-serie-de-reformes-et-le-budget-2020_6016342_3210.html">discours daté du 21 octobre</a>, Hariri annonce entre autres les réformes suivantes : diminution des salaires des politiques, suppression des postes jugés inutiles (le ministère de l’information), et octroi de licences pour la construction de centrales électriques… Des réformes vraisemblablement insuffisantes pour faire cesser le mouvement, mais qui pourraient constituer une base de dialogue.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/125610/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jihane Sfeir ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Près de 30 ans après la fin de la guerre, rien n’a changé au Liban : le système d’éducation et de santé publique est en faillite et la pénurie d’électricité et d’eau potable est chronique.Jihane Sfeir, Historienne, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1208732019-07-26T09:54:51Z2019-07-26T09:54:51ZIran, un effondrement économique amorcé bien avant les sanctions américaines<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/285482/original/file-20190724-110175-tob06u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=215%2C179%2C2730%2C1500&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les gouvernements successifs ont toujours ignoré les avertissements des économistes.</span> <span class="attribution"><span class="source">Anton Watman / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Ce samedi, l’Iran a annoncé la mise en route de centrifugeuses avancées «devant augmenter son stock d’uranium enrichi» <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/09/08/nucleaire-iranien-teheran-denonce-les-promesses-non-tenues-des-europeens_5507904_3210.html">rapporte le journal</a> <em>Le Monde</em>. Cette annonce s'inscrit à dans la continuité du bras de fer qui se joue entre Téhéran et Washington, avec, en filigrane l'ombre de sanctions américaines de plus en plus rigides pour l'économie iranienne.</p>
<p>Or il n’est pas possible de comprendre l’impact de ces sanctions sans tenir compte du contexte politique et des évènements de ces dernières années. </p>
<p>En mai 2018, le président américain Donald Trump <a href="https://www.cnbc.com/2018/05/08/trump-to-announce-he-will-withdraw-us-from-iran-nuclear-deal.html">se retire unilatéralement</a> du <a href="https://www.armscontrol.org/factsheets/JCPOA-at-a-glance">Plan d’action global commun</a> (PAGC, Joint Comprehensive Plan of Action – JCPA – en anglais), l’<a href="https://www.un.org/securitycouncil/content/current-members">accord nucléaire signé en 2015</a> entre le régime islamique et les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU plus l’Allemagne, pour lancer une campagne de « pression maximale » sur la RII en vue de renégocier un accord.</p>
<p>Le 5 novembre 2018, les États-Unis infligent de <a href="https://www.mepc.org/us-economic-sanctions-against-iran-undermined-external-factors">nouvelles sanctions</a> à la République Islamique d'Iran (RII), annoncées quelques jours plus tôt sur le fil Twitter de Donald Trump par une photo pastiche de la série « Game of Thrones » ( !). Le Trésor public vise plus de 700 personnes, entités, avions et navires iraniens ou liés à l’Iran. Cette mesure porte à plus de 900 le nombre de cibles liées à la RII sanctionnées par l’administration Trump en moins de deux ans. Parmi elles figurent 50 banques et filiales iraniennes, plus de 200 personnes et navires, la compagnie aérienne publique iranienne Iran Air et plus de 65 de ses avions. Les sanctions américaines gèlent tous les avoirs que les personnes visées possèdent dans les juridictions américaines. Ils interdisent aux citoyens américains de faire affaire avec eux et <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3306653">pénalisent les firmes non américaines</a>, dont des <a href="http://premium.lefigaro.fr/conjoncture/2018/08/06/20002-20180806ARTFIG00288-iran-les-sanctions-americaines-penalisent-les-entreprises-francaises.php">françaises</a>, qui traitent avec des entreprises et des fonctionnaires iraniens sanctionnés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1058388700617498625"}"></div></p>
<p>En mai 2019, <a href="https://www.whitehouse.gov/briefings-statements/statement-president-donald-j-trump-regarding-imposing-sanctions-respect-iron-steel-aluminum-copper-sectors-iran/">des sanctions encore plus sévères</a> sont imposées. Depuis lors, les exportations de pétrole sont passées de 2,5 millions de barils par jour sur une production de plus de 3,8 millions avant les sanctions, à <a href="https://www.opec.org/opec_web/en/about_us/163.htm">environ 300 000 en juin 2019</a>. En outre, la RII ne peut pas rapatrier les devises fortes qu’elle tire des ventes de pétrole dans le commerce international. La sanction n’est pas seulement liée au dollar mais à toutes les transactions interbancaires internationales en devises.</p>
<p>Ce niveau d’exportation et de recettes pétrolières ne peut pas satisfaire le gouvernement islamique dans la conduite de ses opérations quotidiennes. Les ventes de pétrole représentent environ 80 % de tous les revenus de l’État en Iran. Avec un déficit budgétaire, l’administration du président Hassan Rohani ne peut financer les nombreuses entreprises et institutions publiques qui représentent au moins plus de 60 % des dépenses budgétaires de l’État et le poids prédominant de l’activité économique du pays. Pour y parer, le régime islamique vend des dollars provenant des revenus pétroliers à un taux beaucoup plus élevé que le taux officiel affecté à l’importation des produits essentiels pour couvrir ses dépenses d’exploitation intérieure. En l’absence de transparence, les diverses évaluations estiment les réserves de devises étrangères de l’Iran entre 25 et 100 milliards de dollars.</p>
<h2>Le pétrole pénalisé, mais pas que…</h2>
<p>Le pétrole n’est pas le seul produit interdit à l’exportation. Depuis mai 2019, les <a href="https://www.treasury.gov/resource-center/sanctions/OFAC-Enforcement/Pages/20190508.aspx">sanctions américaines</a> visent principalement les industries sidérurgiques et <a href="https://www.euronews.com/2019/06/07/new-us-sanctions-target-irans-petrochemical-industry">pétrochimiques</a>, ainsi que la force militaire d’élite du régime islamique en tant qu’organisation terroriste étrangère. La RII perd cependant plus de revenus d’exportation, et lutte pour financer les importations de produits essentiels. Les sanctions entravent également des investissements indispensables dans le pays.</p>
<p>Les sanctions américaines sont plus sévères que le régime islamique ne l’avait prévu. L’économie iranienne se contracte en 2019 pour la deuxième année consécutive. Selon les <a href="http://pubdocs.worldbank.org/en/930061553672411223/Iran-MEU-April-2019-Eng.pdf">estimations de la Banque mondiale</a>, la croissance économique de l’Iran devrait ralentir encore davantage au cours des prochains mois.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/285478/original/file-20190724-110166-16mn2jq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/285478/original/file-20190724-110166-16mn2jq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/285478/original/file-20190724-110166-16mn2jq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/285478/original/file-20190724-110166-16mn2jq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/285478/original/file-20190724-110166-16mn2jq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/285478/original/file-20190724-110166-16mn2jq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/285478/original/file-20190724-110166-16mn2jq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/285478/original/file-20190724-110166-16mn2jq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Évolutions et prévisions de la croissance iranienne.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://pubdocs.worldbank.org/en/930061553672411223/Iran-MEU-April-2019-Eng.pdf">Banque mondiale (2019).</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De nombreux secteurs économiques en souffrent. Le marché du logement et de la construction, deuxième activité du secteur industriel après le pétrole et avant l’automobile, a enregistré une baisse des ventes. Le système bancaire est en ruines. Les banques insolvables et le gouvernement empruntent de l’argent à la banque centrale pour aider les entreprises en faillite à payer les travailleurs et éviter les protestations. La Banque centrale inonde l’économie de liquidités. Dans ce contexte, peu de mesures sont prises pour s’attaquer aux problèmes de blanchiment d’argent signalés par les organismes de surveillance internationaux au sein du Groupe d’action financière internationale sur le blanchiment de capitaux.</p>
<h2>Chômage, inflation, misère</h2>
<p>La récession entraîne le chômage. L’emploi se détériore même pour les personnes instruites. Un tiers des hommes et la moitié des femmes de moins de 30 ans titulaires d’un diplôme universitaire sont au chômage. 44 % des chômeurs ont un diplôme universitaire. 20 000 personnes commencent un programme de doctorat chaque année, pour seulement 4 000 à 5 000 emplois disponibles.</p>
<p>L’inflation approche les 40 %. Les prix de nombreux produits alimentaires doublent ou triplent, et de nombreux médicaments sont en pénurie. Jusqu’à présent, les responsables iraniens envisageraient des mesures pour fournir des produits de base tels que le pain, le riz, le sucre et la viande aux couches à faible revenu de la société. Cela a pu être utile autrefois, mais n’a pas moins attisé la corruption et la mauvaise gestion. Deux indices officiels des prix à la consommation iraniens, ceux du Centre de statistiques et de la Banque centrale, estiment respectivement à 5,4 % et 6,1 % le taux d’inflation en septembre 2018, soit une inflation de 88 % et de 103 % pour l’ensemble de l’année. Le taux d’inflation a grimpé à 37,6 % au premier trimestre de l’année civile iranienne, qui débutait le 21 mars 2019.</p>
<p>Avec l’inflation, la parité de la monnaie nationale, le rial, se détériore également. Fin septembre 2018, les pressions de l’État sur les traders ont eu tendance à arrêter par la force la chute du taux de change. Le régime a arrêté de nombreux traders, et condamné à mort au moins deux fournisseurs d’or et de devises. Le taux s’est artificiellement stabilisé pendant un certain temps, mais s’est finalement établi à environ 120-140 000 rials pour un dollar américain, soit trois fois son taux, au moment du Nouvel an iranien.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/285479/original/file-20190724-110154-yam0rr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/285479/original/file-20190724-110154-yam0rr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=563&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/285479/original/file-20190724-110154-yam0rr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=563&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/285479/original/file-20190724-110154-yam0rr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=563&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/285479/original/file-20190724-110154-yam0rr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=708&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/285479/original/file-20190724-110154-yam0rr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=708&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/285479/original/file-20190724-110154-yam0rr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=708&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Évolutions et prévisions de la croissance iranienne.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://pubdocs.worldbank.org/en/930061553672411223/Iran-MEU-April-2019-Eng.pdf">Banque mondiale à partir des statistiques et de la Banque centrale iranienne (2019).</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le gouvernement continue de soutenir le rial au lieu de s’attaquer aux autres problèmes. La récession a toutefois réduit la demande de devises étrangères depuis l’entrée en vigueur des sanctions. Les taux de change fixes controversés drainent les finances publiques et enrichissent les élites corrompues. La Banque centrale a annoncé le 20 octobre l’octroi de 9,5 milliards de dollars à un taux officiel de 42 000 rials par dollar pour les biens essentiels. Toutefois, de nombreuses données indiquent que bon nombre de ces produits sont vendus à des prix qui font écho au taux du marché libre, c’est-à-dire environ 12 à 14 000 rials par dollar. À ces problèmes s’ajoute le fait que l’économie souterraine se développe également au détriment du bien-être intérieur.</p>
<p>La combinaison du chômage et de l’inflation fait s’envoler « l’indice de misère », mesure informelle de l’état d’une économie générée en additionnant le taux d’inflation et le taux de chômage, qui a atteint 39 % l’hiver dernier, alors qu’un an auparavant, <a href="https://en.radiofarda.com/a/iran-s-misery-index-up-as-production-and-oil-exports-crash/30045590.html">selon le dernier rapport du Centre statistique de l’Iran</a> (CSI), il était de 19,4 %. Les économistes indépendants font des estimations beaucoup plus élevées du chômage et de l’inflation. Les faibles statistiques officielles en Iran considèrent une heure de travail hebdomadaire comme un emploi. Le revenu mensuel de millions de travailleurs est maintenant d’environ 100 dollars, ce qui est bien inférieur aux estimations du seuil de pauvreté du pays. En 2018, la valeur de la monnaie iranienne a diminué de deux tiers.</p>
<h2>La politique économique en cause</h2>
<p>Tout espoir que les pays européens qui soutiennent le PAGC puissent contrebalancer, ne serait-ce que partiellement, les sanctions américaines s’est dissipé. Ces pays offrent un nouveau véhicule spécifique du système de paiement européen alternatif à celui basé sur le dollar, <a href="https://www.dalloz-actualite.fr/flash/l-instex-nouvel-instrument-europeen-pour-maintenir-transactions-commerciales-avec-l-iran#.XTHcUPIzb3g">appelé Instex</a>. Cependant, aucun de ces pays ne peut obliger ses banques et ses entreprises à faire du business avec l’Iran. Même s’ils le pouvaient, ils n’ont aucun intérêt à se placer dans la ligne de mire du département du Trésor américain. Les entreprises et institutions financières européennes se sont empressées de se désengager de leurs incursions post-PAGC sur le marché iranien. Pour l’instant, l’Instex se concentre sur la fourniture de nourriture, de médicaments et de matériel médical à l’Iran. Mais encore une fois, ces produits ne sont pas par définition soumis aux sanctions.</p>
<p>Comme le révèle ce qui précède, l’impact de la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=T7TiNhsmulM">« pression maximale »</a> américaine sur l’économie de la RII est considérable. Cependant, l’amère réalité est que ces sanctions ne sont pas à l’origine des difficultés économiques en Iran. Elles les ont aggravées. Le véritable générateur de difficultés économiques est le <a href="http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=37110">régime islamique et sa politique de recherche de rentes</a>, qui avait déjà causé de graves problèmes avant l’application des sanctions.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/285480/original/file-20190724-110187-1guqnpj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/285480/original/file-20190724-110187-1guqnpj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/285480/original/file-20190724-110187-1guqnpj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/285480/original/file-20190724-110187-1guqnpj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/285480/original/file-20190724-110187-1guqnpj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/285480/original/file-20190724-110187-1guqnpj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/285480/original/file-20190724-110187-1guqnpj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les ventes de pétrole représentent environ 80 % de tous les revenus de l’État en Iran.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Travelmania/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La politique révolutionnaire de nationalisations et d’expropriations massives menée par le régime islamique depuis sa création en 1979 a considérablement étouffé les entreprises industrielles à croissance rapide qui avaient contribué au développement de l’économie nationale pendant les décennies 1960 et 1970. Les sociétés expropriées, confiées à des militaires, des religieux et des locataires affiliés, ont progressivement disparu.</p>
<p>En 1977, l’année « normale » précédant celle du début des troubles en 1978 et la révolution en 1979, l’Iran était la 18e économie mondiale, devant la Turquie, 20e, ou encore la Corée du Sud, 28e. <a href="https://databank.worldbank.org/data/download/GDP.pdf">En 2018, l’Iran se classait au 28e rang, la Turquie au 19e et la Corée au 12e</a>. En 1977, le volume de l’économie iranienne était supérieur de 26 % à celle de la Turquie, et de 65 % à celle de la Corée. En 2017, le PIB nominal de l’Iran était 2,4 et 7,2 fois inférieur à celui de la Turquie et de la Corée. En 1980, première année du régime islamique, le <a href="https://en.radiofarda.com/a/iran-s-misery-index-up-as-production-and-oil-exports-crash/30045590.html">PIB nominal par habitant de l’Iran</a> (2 374 dollars) était encore supérieur à celui de la Turquie (2 169 dollars) et de la Corée (1 711 dollars). En 2018, il était bien plus faible : 4 838 dollars en Iran, contre 11 125 en Turquie et 32 774 en Corée.</p>
<h2>Le poids des pasdarans</h2>
<p><a href="https://www.heritage.org/index/country/iran">L’indice de liberté économique de la RII</a> est de 51,1, ce qui fait de son économie la 155e sur la liste des pays du monde selon l’indice 2019. L’Iran occupe le 13e rang parmi 14 pays de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, et son score global est inférieur à la moyenne régionale et mondiale.</p>
<p>De puissants groupes d’intérêts <a href="https://www.huffingtonpost.fr/simin-nouri/pasdaran-une-armee-redoutable-aux-usages-multiples-au-service-du-regime-iranien_a_23260321/">principalement liés aux pasdarans</a>, la garde révolutionnaire formée après la révolution islamique de 1979, et les institutions religieuses, s’opposent à la poursuite de la libéralisation économique et au réengagement dans l’économie mondiale. Le penchant des Gardiens de la révolution islamique pour la construction de barrages – 600 au cours des 30 dernières années, contre 14 au cours des 20 dernières années du Shah – enrichit considérablement leurs partisans, mais cause malheureusement des problèmes environnementaux tels que le détournement d’eau vers des projets agricoles inefficaces et l’exposition de cette source rare au soleil ardent d’un pays très chaud.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/285396/original/file-20190723-110170-7himd2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/285396/original/file-20190723-110170-7himd2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/285396/original/file-20190723-110170-7himd2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/285396/original/file-20190723-110170-7himd2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/285396/original/file-20190723-110170-7himd2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/285396/original/file-20190723-110170-7himd2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/285396/original/file-20190723-110170-7himd2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/285396/original/file-20190723-110170-7himd2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Indice de liberté de l’Iran en 2019.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.heritage.org/index/country/iran">Heritage.org</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En réponse aux protestations de nombreux militants écologistes, les forces armées des pasdarans du régime procèdent à des arrestations et des persécutions. Cependant, le président Hassan Rohani et son administration restent conciliants envers ces forces, car malgré des différends tactiques, elles sont toutes parties prenantes du même régime et le soutiennent. Tout ce que Rohani demande aux pasdarans, c’est d’être plus tolérants envers son gouvernement et ses politiques, du moins jusqu’en 2021.</p>
<p>Les importations diminuent et les exportations hors pétrole ont augmenté de 13,7 milliards de dollars d’avril à septembre 2018, contre 11,1 milliards un an auparavant. Toutefois, dans les statistiques nationales islamiques, les exportations de produits élaborés à base de pétrole sont considérées comme celles de produits non pétroliers.</p>
<p>Mi-octobre 2018, plus d’une trentaine d’économistes ont rencontré le président Hassan Rohani pour lui faire part de leurs préoccupations concernant les décisions politiques « à court terme » du gouvernement, et la qualité douteuse des membres de son équipe économique. Ce n’était pas le premier avertissement que les économistes iraniens adressaient aux gouvernements islamiques. Hassan Rohani a réagi comme les gouvernements précédents, en les ignorant.</p>
<h2>Affrontement inéluctable ?</h2>
<p>Ce qui est évident, c’est que la vie devient de plus en plus dure pour les Iraniens qui blâment dorénavant leur gouvernement pour les difficultés économiques. L’un des slogans majeurs des manifestations est bien : « L’ennemi n’est pas l’Amérique, notre ennemi est juste ici ». Compte tenu des positions, il est difficile de voir comment les parties peuvent sortir de l’escalade des tensions.</p>
<p>L’administration Trump ne semble pas disposée à réduire les sanctions et espère qu’elles ramèneront l’Iran à la table des négociations. Le 21 mai, le <a href="https://www.aljazeera.com/news/2018/05/mike-pompeo-speech-12-demands-iran-180521151737787.html">secrétaire d’État Mike Pompeo a présenté une liste de 12 demandes</a> qui doivent être satisfaites pour que les sanctions soient levées. Entre autres, le régime islamique doit mettre fin à son programme de missiles, cesser de soutenir les groupes terroristes du Moyen-Orient, notamment le Hezbollah, le Hamas et le Djihad islamique palestinien, retirer toutes les troupes sous son commandement en Syrie et démobiliser les milices chiites en Irak.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/285484/original/file-20190724-110183-15lq914.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/285484/original/file-20190724-110183-15lq914.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/285484/original/file-20190724-110183-15lq914.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=487&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/285484/original/file-20190724-110183-15lq914.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=487&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/285484/original/file-20190724-110183-15lq914.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=487&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/285484/original/file-20190724-110183-15lq914.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=612&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/285484/original/file-20190724-110183-15lq914.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=612&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/285484/original/file-20190724-110183-15lq914.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=612&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Liste des demandes américaines à l’Iran formulées le 21 mai dernier.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://iran.liveuamap.com/fr/2018/21-may-here-is-secretary-pompeos-list-of-12-demands-from">Iran.liveuamap.com</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le régime islamique ne s’y accommode pas et prend une décision délibérée et risquée pour démontrer aux États-Unis qu’il peut leur infliger des coûts importants s’ils suivent une stratégie qui ne comprend que des bâtons et pas de carottes. En voici quelques exemples :</p>
<p>En février 2019, la RII annonce le « test réussi » d’un nouveau missile de croisière, Hoveizeh, d’une portée de plus de 1 350 km. Plus tard, le régime islamique est accusé d’avoir attaqué plusieurs pétroliers internationaux à l’intérieur ou à proximité du détroit d’Ormuz, le plus important corridor énergétique du monde, certaines infrastructures de pipelines en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis en juin 2019, et d’avoir abattu un drone militaire américain.</p>
<p>Aujourd’hui, la RII s’éloigne des limites qui lui sont imposées dans le cadre de l’accord nucléaire en dépassant le stock des 300 kg d’uranium faiblement enrichi qu’il peut avoir en sa possession et en enrichissant plus que les 3,67 % autorisés aux termes de l’accord. Le régime islamique précise, du moins publiquement, qu’il ne renouvelle aucune négociation avec les États-Unis à moins que ces derniers n’assouplissent considérablement les sanctions. La médiation entre les belligérants échoue à son tour. Le premier ministre japonais puis l’envoyé du président de la République française ont quitté Téhéran les <a href="https://www.lepoint.fr/monde/en-un-tweet-trump-mine-la-mediation-francaise-en-iran-12-07-2019-2324251_24.php">mains vides</a>. Il faut dire que la médiation n’a pas été facilitée par le président Donald Trump qui, en parallèle, menaçait de nouvelles sanctions sur Twitter…</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1148958770770382849"}"></div></p>
<p>Y a-t-il alors un moyen de sortir de ce bourbier ? Deux scénarios sortent du lot :</p>
<p>Beaucoup pensent qu’un compromis est encore possible entre une Amérique qui accepterait de rétablir les dérogations pour certains pays afin d’acheter du pétrole iranien, et un régime islamique qui respecterait à nouveau l’accord nucléaire et promettrait en coulisse des ajouts au PAGC.</p>
<p>Un scénario moins probable, mais émergent, serait un changement radical en Iran, soit à l’extérieur soit à l’intérieur de l’establishment, pour remplacer le régime idéologique par un État pragmatique et démocratique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/120873/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Djamchid Assadi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Avant 1979, l’Iran était la 18e économie mondiale. Elle pointe aujourd’hui au 28e rang.Djamchid Assadi, Professeur associé au département « Digital Management », Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1123472019-03-18T20:35:45Z2019-03-18T20:35:45ZLe Liban aux prises avec sa politique syrienne<p>À l’issue de neuf mois d’âpres négociations sur la constitution du gouvernement <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1157541/le-gouvernement-hariri-iii-obtient-la-confiance-du-parlement.html">Hariri III</a>, un cabinet de 30 personnalités, dont 4 femmes, a vu le jour le 31 janvier dernier.</p>
<p>La genèse en fut d’autant plus difficile que le premier ministre Saad Hariri reconduit a vu son parti, le Courant du Futur, perdre 13 sièges au Parlement en mai 2018, et a dû relever le défi d’un gouvernement d’union nationale, appelé de ses vœux par la partie adverse, le Hezbollah chiite et ses alliés.</p>
<p>Les renversements d’alliance et revirements stratégiques ayant eu lieu depuis 2016 entre les différentes composantes des « blocs » des 8 et 14 mars <a href="https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2005/03/15/la-manifestation-de-l-opposition-libanaise-a-submerge-beyrouth_401634_3218.html">(respectivement favorable et opposé au régime de Damas)</a> ont contribué à brouiller la cartographie électorale libanaise issue de la période post-2005, et rendu nécessaire la constitution d’un gouvernement d’union nationale, afin de sortir le pays du marasme politique dans lequel il végète depuis bientôt un an.</p>
<p>Les négociations ont buté principalement sur la question de l’intégration de ministres sunnites proches du bloc du 8 mars, tranchant symboliquement avec la supposée suprématie du Courant haririste en milieu sunnite.</p>
<p>Finalement, la pression exercée sur les acteurs politiques libanais, notamment par la <a href="https://carnegie-mec.org/2018/04/16/fr-pub-76135">France, principal artisan de la Conférence CEDRE d’avril 2018</a>, organisant le soutien financier de près de 50 États et partenaires du secteur privé pour la restructuration de l’économie libanaise, mais également le relatif désintérêt ponctuel de l’Arabie saoudite pour la scène politique libanaise, auront peut-être permis ce déblocage en faveur d’une intégration de ministres sunnites proches du 8 mars.</p>
<h2>Une victoire du courant patriotique libre ?</h2>
<p>L’activisme de Gebran Bassil – chef du Courant patriotique libre (CPL, parti majoritairement chrétien) mais également ministre libanais des Affaires étrangères et gendre du Président Michel Aoun – dans les négociations ayant abouti à la formation du nouveau gouvernement, a conduit une partie de ses opposants à critiquer sa mainmise sur celui-ci ainsi que le supposé recul du premier ministre sunnite face l’inamovible ministre.</p>
<p>C’est notamment le cas du leader druze <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1138155/hariri-critique-bassil-et-reprend-linitiative.html">Walid Joumblatt</a>, reprochant à Saad Hariri de s’être effacé face à Bassil.</p>
<p>La genèse de la formation du nouveau cabinet, l’inflexibilité du chef du CPL, ainsi que son positionnement en faveur d’un retour des réfugiés syriens sur le sol libanais, font craindre à ses opposants un rapprochement de la politique gouvernementale des positions du CPL et de son allié chiite, le Hezbollah, notamment sur la question du positionnement par rapport au régime Assad, dont ces deux partis libanais sont sinon les alliés du moins les soutiens.</p>
<h2>L’instrumentalisation politique des réfugiés syriens</h2>
<p>Différentes initiatives du ministre des Affaires étrangères avaient été entreprises pour forcer le retour des réfugiés syriens (<a href="https://data2.unhcr.org/en/situations/syria/location/71">950 000 au Liban selon l’UNHCR</a>), indépendamment de toute solution politique préalable sur le théâtre syrien.</p>
<p>En juin 2018, le <a href="https://fr.reuters.com/article/frEuroRpt/idFRL5N1TA305">gel de la délivrance des permis de séjour</a> pour les personnels du Haut-Commissariat aux Réfugiés de l’ONU (vraisemblablement toujours d’actualité d’après des sources internes à l’UNHCR), travaillant sur le sol libanais, avait, à ce titre, déclenché une réaction du HCR à l’encontre du ministre.</p>
<p>La décision d’attribuer le ministère des réfugiés à Saleh Gharib, druze proche du régime de Damas, mais également les initiatives et déclarations médiatiques de Gebran Bassil concernant la déclaration ministérielle du nouveau gouvernement, préalablement à sa publication officielle, constituent, toujours selon Joumblatt, la preuve même que le leader chrétien se pose en véritable chef du gouvernement, et que Saad Hariri lui accorderait un certain nombre de concessions.</p>
<p>Le Premier a toutefois tenu à réaffirmer sa prédominance au sein du cabinet en se déplaçant seul, sans son ministre des réfugiés, à Bruxelles mardi 12 mars 2019, afin de traiter de la question du retour des réfugiés présents sur le sol libanais et de l’aide éventuelle que la France et l’UE sont susceptibles d’accorder à Beyrouth.</p>
<h2>Un rapprochement délicat avec Bachar Al-Assad</h2>
<p>La question syrienne est une fois de plus au centre des enjeux politiques libanais. Si la formation du gouvernement, l’inclusion des ministres sunnites proches du 8 mars (favorable au régime syrien), l’attribution du ministère des réfugiés à un allié de ce bloc et l’ascendant pris par Bassil sur la constitution du gouvernement, semblent donner l’avantage au système d’alliance chapeauté par le Hezbollah, c’est surtout à une ligne politique plus conciliante vis-à-vis de Damas, prônant le maintien du régime Assad et sa reconnaissance internationale que <a href="https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-l-orient-2017-2-page-41.htm">ces récentes manœuvres donnent du poids</a>.</p>
<p>La composition du gouvernement et la ligne politique qui semble émerger laissent entrevoir un basculement sensible en faveur du régime de Bachar Al-Assad, se faisant l’écho de plus en plus retentissant d’une tendance plus lourde se dessinant dans la région depuis 2018 dans certains États comme les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/27/syrie-les-emirats-rouvrent-leur-ambassade-a-damas_5402756_3210.ht">Émirats Arabes Unis</a> ou la <a href="https://www.jeuneafrique.com/696422/politique/vers-une-normalisation-des-relations-entre-les-pays-arabes-et-la-syrie">Tunisie</a>.</p>
<h2>Une tendance régionale pro-Damas</h2>
<p>Plusieurs signaux étaient d’ores et déjà visibles, notamment en amont du <a href="https://www.middleeasteye.net/node/75489">sommet économique de Beyrouth</a>, qui s’est tenu en janvier dernier.</p>
<p>Alors que le Hezbollah avait appelé de ses vœux à une invitation de la Syrie au sommet de Beyrouth, officiellement relayée par le Président Aoun, le Président chiite du Parlement Nabih Berry avait, quant à lui, évoqué la possibilité d’un report du sommet en cas d’absence syrienne.</p>
<p>Devant la levée de boucliers que ces déclarations ont déclenchée dans les milieux hariristes, la décision d’une réintégration de la Syrie au sein de la Ligue arabe (dont elle a été <a href="https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2011/11/12/la-ligue-arabe-exclut-la-syrie-et-exige-des-sanctions_1603010_3218.html">évincée en 2011</a>), a été repoussée à une date ultérieure.</p>
<p>Ceci n’a pas empêché Gebran Bassil de militer, dans son discours, pour un retour de la Syrie dans le concert des nations arabes – légitimant ainsi le régime Assad – ainsi que pour un retour rapide des quelque 950 000 réfugiés syriens présents sur le sol libanais.</p>
<p>Ce dernier point est également l’un des chevaux de bataille du Président Aoun. La prévention du risque d’une immigration massive menaçant également les pays européens, si le règlement de cette question tarde, constitue également un des arguments des partisans d’un retour rapide des réfugiés destinés à convaincre l’<a href="https://www.lorientlejour.com/article/1155863/bassil-aux-europeens-le-seul-moyen-pour-que-les-refugies-syriens-ne-viennent-pas-chez-vous-cest-quils-rentrent-chez-eux.html">Union européenne du bien-fondé de cette politique de retour</a>.</p>
<h2>Implications larges</h2>
<p>Ces positionnements discursifs ne sont pas sans implication, tant à l’échelle nationale que régionale. En effet, le retour des réfugiés syriens implique, pour les Nations unies ou l’Union européenne, une solution politique préalable c’est-à-dire un règlement de la crise syrienne n’excluant pas les négociations entre les différents acteurs du conflit.</p>
<p>Un retour des réfugiés sans solution politique, prôné par le bloc du 8 mars, signifie donc l’abandon de cette dernière et, par corollaire, la reconnaissance d’une forme de légitimité du régime Assad. C’est en tout cas dans cette dynamique que s’active la <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Russie-joue-carte-retour-refugies-syriens-2018-08-01-1200959061">diplomatie russe</a>, allié de Bachar Al-Assad dans la crise actuelle, une position que ne partage pas la France.</p>
<p>Les signaux s’accentuent en vue d’une potentielle réhabilitation du régime Assad. Outre les reconquêtes armées de ce dernier, la volonté américaine de <a href="http://www.lefigaro.fr/international/2018/12/30/01003-20181230ARTFIG00143-syrie-trump-pret-a-ralentir-le-retrait-des-troupes-americaines.php">retrait de ses 2 000 soldats au sol</a>, annoncé en décembre dernier et amorcé depuis, le recul supposé de l’État islamique (malgré la <a href="https://www.la-croix.com/Monde/En-Syrie-forces-anti-EI-prevoient-nouvelles-evacuations-reduit-jihadiste-2019-02-25-1301004924?from_univers=lacroix">forte résilience</a> de mouvements djihadistes dans la région d’Idlib), mais également la reprise progressive des relations diplomatiques, plus ou moins officieuses, de la Syrie avec les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/27/syrie-les-emirats-rouvrent-leur-ambassade-a-damas_5402756_3210.html">Émirats</a> ou encore la <a href="https://www.jeuneafrique.com/696422/politique/vers-une-normalisation-des-relations-entre-les-pays-arabes-et-la-syrie/">Tunisie</a>, laissent entrevoir une sortie de crise potentielle dont Assad sortirait vainqueur.</p>
<h2>Un camouflet à l’Arabie saoudite</h2>
<p>Avec un gouvernement mais également une chambre des députés et une présidence de la République dominés par les alliés du régime syrien, le Liban se fait donc la caisse de résonance de tendances de plus en plus lourdes à l’échelle régionale, constituant un nouveau camouflet à la <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1157145/la-visite-dalaoula-simple-geste-de-courtoisie-face-a-la-demonstration-de-force-iranienne-.html">politique saoudienne</a> prônée par le Prince héritier Mohammed Ben Salmane, désireux d’isoler l’Iran et ses alliés syriens et libanais sur la scène internationale.</p>
<p>Un rétablissement des relations diplomatiques entre Damas et le Liban qui a tant souffert des visées hégémoniques du régime Assad, viendrait valider et légitimer ce dernier sur la scène régionale.</p>
<p>Mais, à l’échelle libanaise, il est probable que cela engendre de nouveaux blocages au sein du gouvernement.</p>
<p>L’adoption d’une position conciliante vis-à-vis de Damas, ainsi que d’une politique de retour des réfugiés, implique également un certain nombre de questionnements vis-à-vis des principaux bailleurs de fonds, membres de la Conférence CEDRE, et moins favorables au régime Assad, France en tête.</p>
<p>L’aide financière structurelle de 11 milliards de dollars promise et destinée au <a href="http://www.rfi.fr/economie/20180406-conference-cedre-liban-obtient-onze-milliards-dollars-dons-prets-saad-hariri">redressement économique du pays</a>, ainsi qu’un positionnement en faveur d’un retour des réfugiés, dans le cadre de la Conférence de Bruxelles s’achevant cette semaine, ne risquent-ils pas de positionner un bailleur comme la France en contradiction avec ses positionnements diplomatiques dénonçant le régime syrien ?</p>
<p>Enfin, au niveau national, l’accentuation de la tendance à la normalisation des relations avec Damas risque d’accentuer la crise identitaire au sein du bloc du 14 mars, dont l’identité même repose sur une position hostile au voisin syrien, lui refusant de ce fait toute légitimité, mais dont le dynamisme et la vitalité sont actuellement en perte de vitesse, comme le montrent la <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1161563/que-reste-t-il-du-reve-14-mars-.html">composition actuelle du gouvernement</a>.</p>
<p>Si la Syrie d’Assad est réintégrée dans le concert des nations arabes, il est fort à parier qu’une partie des forces politiques libanaises perde un répertoire d’action mobilisateur et voit s’éroder l’essence même de son système d’alliance, et s’accentuer sa marginalisation au profit des alliés de Damas, Hezbollah en tête.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/112347/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raphaël Gourrada a reçu des financements de l'Institut Français du Proche-Orient (IFPO), de l'École doctorale de l'EHESS, et du Centre d'Études Turques, Ottomanes, Balkaniques et Centrasiatiques (CETOBaC, CNRS-EHESS-Collège de France) pour son travail de terrain au Liban et dans la région proche-orientale. Il est membre du Cercle des Chercheurs sur le Moyen-Orient et membre associé du CETOBaC.</span></em></p>Le Liban peut-il sortir le pays du marasme politique dans lequel il végète depuis bientôt un an? L'influence de la Syrie - qu'il s'agisse du poids des réfugiés ou du gouvernement de Damas - pèse.Raphaël Gourrada, Docteur en Études Politiques (CETOBaC), Collège de FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1073002018-12-06T23:50:39Z2018-12-06T23:50:39ZL’ambition régionale contrariée de l’Iran<p>Dans le contexte du retrait américain de l’accord sur le nucléaire, parmi les critiques les plus fondamentales émises par l’administration Trump – mais aussi par les États européens- à l’encontre de la République islamique figure la politique régionale expansionniste que Téhéran mènerait essentiellement au Levant et dans la Péninsule arabique. </p>
<p>Quelles sont les origines de cette politique et les moyens mis en œuvre par Téhéran. Quelles en sont aussi les limites ?</p>
<h2>Une série d’occasions offertes à Téhéran</h2>
<p>« La poursuite de la révolution dans le pays et à l’étranger » est clairement annoncée dans le préambule de la Constitution de la République islamique, même si – comme le souligne son article 154 – le régime iranien « tout en s’abstenant absolument de la moindre intervention dans les affaires intérieures des autres nations, soutient la lutte des opprimés pour la conquête de leurs droits contre les oppresseurs dans tous les points du globe ». La révolution islamique se rattache ainsi à la tradition des révolutions à vocation universelle.</p>
<p>Dans ce contexte, il est évident que des considérations idéologiques sous-tendent la politique internationale et surtout régionale du régime iranien. Mais les réalisations de cette politique, vu l’évolution des rapports de force au Moyen-Orient, n’ont pas uniquement été le fruit de la seule volonté de Téhéran. En fait, il a souvent – de manière très pragmatique – profité des occasions qui se sont offertes. Il ne les a pas créées. </p>
<p>Ainsi, les interventions américaines en Afghanistan en 2001 et en Irak en 2003, en éliminant les Taliban et le régime de Saddam Hussein, ennemis jurés de la République islamique, ont non seulement mis un terme aux pressions que ces deux pouvoirs hostiles pouvaient exercer sur elle, mais lui ont aussi ouvert de nouvelles possibilités d’influence dans ces deux pays voisins. </p>
<p>Les divisions au sein du monde arabe et les conséquences des « printemps » arabes qui ont élargi et approfondi, à partir de 2011, les lignes de fractures qui le traversent, ont par ailleurs permis à Téhéran de conforter ses positions à la fois au Levant et dans la Péninsule arabique. </p>
<p>La guerre civile en Syrie, déclenchée en 2011, et la prise de la ville de Mossoul en Irak par l’État islamique en 2014, ont contribué à la consolidation de la présence militaire iranienne dans les deux pays. Les troubles au Bahreïn et surtout <a href="https://theconversation.com/les-guerres-du-yemen-106806">la guerre civile au Yémen</a> lui ont offert l’occasion d’accroître son influence indirecte dans le voisinage saoudien.</p>
<h2>Une clientèle militante très étendue</h2>
<p>Sur le plan des moyens, la République islamique est sans doute l’État du Moyen-Orient qui, à l’extérieur de ses frontières, dispose de la plus importante clientèle militante. Elle l’utilise <a href="https://www.grip.org/fr/node/1956">pour réaliser ses objectifs stratégiques</a>. Parmi cette clientèle, il y a – certes avec d’importantes nuances et des limites substantielles – les populations de confession chiite et les réseaux cléricaux chiites, mais pas uniquement. </p>
<p>Le discours révolutionnaire ainsi que la propagande anti-américaine et anti-israélienne du régime iranien rencontrent aussi un écho favorable dans les populations arabes d’autres confessions. Quelle que soit leur appartenance religieuse, des Arabes – à titre individuel ou au sein de milices pro-iraniennes – peuvent agir en tant que relais ou mandataires locaux de Téhéran et contribuer à consolider son rôle régional, tout en lui assurant un avantage face à ses rivaux. C’est le cas de dizaines de milices chiites en Irak, du Djihad islamique palestinien ou du Hamas.</p>
<p>Enfin, il y a le cas particulier du Liban où la République islamique, plus rapidement que partout ailleurs, a commencé à exercer une influence prépondérante. Cela s’explique par les liens particuliers qui existaient, avant même la révolution, entre les mouvements chiites libanais et le clergé iranien proche de Khomeyni. </p>
<p>Téhéran a vite compris l’intérêt d’une présence au Liban, tout d’abord dans le contexte de la guerre contre l’Irak, et, par la suite, pour toute sa politique régionale. Il l’a construite par l’intermédiaire du Hezbollah, dont il a contribué à la formation en 1982. Cette présence a été facilitée par la faiblesse du Liban qui, contrairement à d’autres pays de la région, n’est jamais parvenu à se doter d’un État fort capable de résister aux pressions extérieures.</p>
<h2>Le frein économique</h2>
<p>La première limite que rencontre la politique régionale de l’Iran est d’ordre économique. Certes, durant les deux années qui ont suivi la conclusion de l’accord sur le nucléaire, en 2015, l’économie iranienne a connu une embellie. Mais dès le début 2018, la situation s’est très rapidement détériorée. Plus globalement, le poids économique de l’Iran n’a cessé de diminuer depuis 30 ans. Ainsi, en 1989, il était équivalent à celui de la Turquie. En 2017, calculé en parité de pouvoir d’achat (PPA), un indicateur qui permet de mieux comparer deux économies, il n’atteignait <a href="https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/fields/208rank.html#SA">que 75 % celui de son voisin turc </a>, qui n’est pourtant pas doté d’hydrocarbures ! </p>
<p>Depuis l’annonce du retrait américain de l’accord en mai 2018, l’économie iranienne traverse <a href="https://theconversation.com/iran-lunion-europeenne-peine-a-trouver-la-parade-pour-contourner-trump-96965">d’importantes turbulences</a>. Il est plus que probable qu’avec les nouvelles sanctions de Washington sur les secteurs pétrolier et financier, qui sont entrées en vigueur en novembre 2018, les capacités économiques du pays vont se restreindre. </p>
<p>Pour conduire sa politique régionale, la République ne dispose donc pas de moyens financiers comparables à ceux de son rival régional, l’Arabie saoudite, ni même de ceux des Émirats arabes unis, pour mener à bien ses interventions et financer les milices qui lui sont inféodées en Irak, en Syrie et au Liban. En fait, l’Iran est contraint de faire d’importants prélèvements sur ses réserves – ce qui a pour conséquence de créer de graves difficultés internes. </p>
<p>Au-delà du Proche et du Moyen-Orient, sur son flanc Est les aides financières généreuses qu’accorde l’Arabie saoudite au Tadjikistan, à l’Afghanistan et au Pakistan ont poussé ces voisins – culturellement et politiquement proches de Téhéran – à prendre leurs distances.</p>
<h2>Des capacités militaires limitées</h2>
<p>La deuxième limite concerne les faiblesses militaires de Téhéran. Certes, en nombre d’hommes, il possède la force militaire la plus importante de la région (523 000 hommes, dont 350 000 dans l’armée et 125 000 Gardiens de la révolution). Mais son budget de la Défense est de l’ordre de 16 milliards de dollars en 2017 contre 76,7 milliards pour l’Arabie saoudite et 18,5 milliards pour Israël (chiffres tirés de IISS, Military Balance 2018, London). </p>
<p>Son matériel est généralement ancien et ses forces aériennes ne disposent que d’une trentaine d’avions en état de marche. Sa capacité offensive est formée uniquement par <a href="https://fas.org/sgp/crs/nuke/IF10938.pdf">son arsenal balistique</a>, avec des missiles de courte (moins de 500 km, une centaine de lanceurs) et de moyenne portées (1800 à 2000 km, moins de 50 lanceurs et un nombre inconnu de missiles associés). Mais cette capacité est toutefois considérée à Téhéran comme un atout pour sa défense et pour sa dissuasion. C’est pourquoi il poursuit ses recherches et ses essais dans ce domaine, <a href="https://www.washingtontimes.com/news/2018/dec/3/trump-admin-condemns-irans-ballistic-missile-test-/">un choix vivement dénoncé par l’administration Trump</a>. </p>
<p>Au total, cependant, l’Iran ne dispose de rien de comparable aux équipements ultramodernes de ses adversaires régionaux livrés par les États-Unis et les pays occidentaux. Ce déséquilibre conventionnel explique d’ailleurs, en partie, l’intérêt iranien pour le nucléaire. Une option aujourd’hui encore gelée en vertu du Plan d’action global commun (PAGC) signé à Vienne en juillet 2015, mais dont l’administration américaine s’est retirée en mai 2018, jetant une ombre sur son maintien. En dépit des incertitudes, <a href="https://www.iaea.org/sites/default/files/18/11/gov2018-47_fr.pdf">l’AIEA a récemment confirmé que l’Iran respectait ses obligations dans le cadre de cet accord</a>. </p>
<p>Dans cette situation, le choix de Téhéran ne peut se porter que sur une stratégie indirecte, asymétrique, évitant l’opposition frontale avec ses adversaires – ce qui ne l’empêche pas, cependant, de transférer des équipements utiles à ses relais (comme des missiles au Hezbollah, afin d’accroître ses capacités de dissuasion indirecte).</p>
<h2>Un pays sans véritable allié de poids</h2>
<p>La troisième limite est d’ordre géopolitique. Téhéran, contrairement à ses adversaires régionaux, n’a pas de véritables alliés étrangers qui puissent lui offrir aide militaire et assistance politique. </p>
<p>La Chine est un partenaire commercial de premier plan, elle peut certes lui fournir un soutien diplomatique dans les instances internationales et elle lui a vendu certains types d’armements (notamment pour renforcer sa défense côtière). Mais Pékin ne souhaite pas mettre en danger ses relations avec Washington ni avec ses autres partenaires moyen-orientaux. </p>
<p>Il est, par ailleurs, indéniable que la République islamique s’est très fortement <a href="https://theconversation.com/russie-et-iran-une-entente-renforcee-a-lepreuve-de-la-syrie-et-de-trump-75189">rapprochée de la Russie</a>, surtout depuis 2015 en raison de leur implication commune en Syrie. Mais il s’agit d’une alliance de circonstance, fragile surtout du fait que précisément en Syrie et plus généralement au Moyen-Orient, les objectifs des deux pays ne coïncident pas toujours. Les Russes ont leur propre agenda, qui est différent de celui des Iraniens. Plus généralement, il y a une méfiance des Iraniens à l’égard de la Russie qui, durant le XIXe siècle, s’est emparée d’une part importante du territoire de l’Iran. </p>
<p>La seule tentative de Téhéran de créer autour de lui une coalition régionale concerne « l’axe de la résistance » qui réunit théoriquement les chiites d’Irak et du Liban, ainsi que la Syrie et le Hamas qui eux luttent contre Israël. Mais cette coalition informelle lui coûte plus qu’elle ne lui rapporte.</p>
<h2>Une politique impopulaire à l’intérieur du pays</h2>
<p>La quatrième limite de la politique régionale du régime iranien est son impopularité à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Son coût économique est une des causes principales de son impopularité grandissante à l’intérieur du pays. </p>
<p>En effet, durant les troubles de l’année 2018, comme d’ailleurs dans les mouvements de contestations populaires précédents qui ont toujours été une occasion d’exprimer ce qu’en temps normal on tait, des slogans comme : « Ni Gaza, ni Liban, je sacrifie ma vie pour l’Iran ! », « Laisse tomber la Syrie, occupe toi de nos problèmes ! » ou « mort au Hezbollah ! » ont été scandés par les protestataires, révélant leur mécontentement quand aux choix régionaux du régime. </p>
<p>L’aide et le soutien à l’Irak font cependant moins l’objet de critiques. Sans doute les Iraniens sont-ils conscients, depuis la guerre Iran-Irak (1980-1988), que leur sécurité dépend plus directement de la situation dans ce pays qu’ailleurs au Moyen-Orient. En Irak même, au delà des cercles politiques proches de la République islamique, <a href="https://www.washingtonpost.com/world/chanting-iran-out-iraqi-protesters-torch-iranian-consulate-in-basra/2018/09/07/2caa89b8-b2bd-11e8-8b53-50116768e499_story.html?utm_term=.cf57fe233487">comme les troubles anti-iraniens récents à Bassorah l’ont montré</a>, les interventions de Téhéran, même dans les régions chiites, sont peu appréciées par la population. </p>
<p>En ce qui concerne le Hezbollah, l’opinion publique iranienne le considère comme le grand bénéficiaire des largesses du régime. Elle accuse les Gardiens de la révolution de le favoriser dans toutes ses activités sociales au Liban, comme l’aide au logement des victimes des bombardements israéliens ou la construction d’hôpitaux publics souvent mieux dotés que ceux de l’Iran. </p>
<p>Quant à Bachar al Assad, l’allié régional de Téhéran, il ne jouit d’aucune sympathie particulière en Iran. <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/01/15/iran-l-enjeu-majeur-c-est-l-apres-khamenei_5241654_3232.html">Comme le résume Yann Richard</a>, l’opinion iranienne « n’accompagne pas les ambitions propalestiniennes, panislamistes ou panchiites de ses dirigeants ». D’où l’obligation pour le pouvoir de recourir à des combattants étrangers (Libanais, Afghans, Pakistanais, Irakiens) afin de former les milices qu’il soutient. </p>
<p>En même temps, le régime mène une campagne médiatique afin de présenter les Pasdarans comme des combattants héroïques de la cause nationale. Ce nationalisme étatique n’a, jusqu’à présent, rencontré que peu d’écho auprès des Iraniens. De fait, pour eux, la politique régionale interventionniste du régime ne constitue pas une cause nationale pour laquelle la population est prête à se mobiliser, comme cela fût le cas lors de la guerre Iran-Irak.</p>
<h2>La pérennité de l’influence iranienne en question</h2>
<p>Enfin, la question qui se pose, est celle de la pérennité de l’influence iranienne au Proche et Moyen-Orient. Téhéran a-t-il les moyens de poursuivre une politique régionale telle qu’il l’a menée jusqu’a présent ? </p>
<p>L’Iran – en sa qualité de pays important sur les plans démographique, culturel et historique – peut sans doute espérer peser sur son environnement, mais la profonde singularité de son parcours historique ainsi que de son identité culturelle et confessionnelle ne l’aident pas à apprivoiser ses voisins. </p>
<p>Il n’est pas sûr, en outre, que les conditions de politique interne et sa situation économique lui permettent de consolider son influence. Sans compter les réactions négatives des autres puissances régionales et internationales face à ses ambitions. Quant à assurer sa primauté dans la zone du golfe Persique, pour que les choses changent, il faut que Téhéran et Riyad trouvent le moyen de mettre un terme à <a href="https://theconversation.com/arabie-saoudite-iran-de-la-guerre-par-procuration-a-la-guerre-des-mots-52776">la guerre froide qui les oppose</a>, ce qui à ce jour semble difficilement imaginable.</p>
<p>Au final, <a href="https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/ramses2019_bat_nicoullaud.pdf">comme l’écrivait récemment l’ancien ambassadeur de France en Iran, François Nicoullaud</a>, malgré tous ses efforts, l’Iran paraît « aujourd’hui comme naguère, incapable d’exercer dans sa région une hégémonie à la fois positive et acceptée : deux conditions indispensables pour être pérenne ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107300/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La politique interventionniste du régime de Téhéran dans la région, qui ne constitue pas une cause nationale pour la population iranienne, se heurte à plusieurs freins structurels.Thierry Kellner, Chargé de cours (politique étrangère de la Chine), Université Libre de Bruxelles (ULB)Mohammad Reza Djalili, professeur émérite, Institut des hautes études internationales et de développement de GenèveLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/950462018-04-15T19:57:05Z2018-04-15T19:57:05ZSyrie : la couleur de la ligne rouge<p>Les frappes militaires occidentales en Syrie, dans la nuit du 12 ou 13 avril 2008, ont été justifiées par leurs auteurs au nom du franchissement par le régime de Damas d’une ligne rouge intolérable. En l’occurrence, l’usage réitéré d’armes chimiques sur des populations civiles. Cette initiative, qui a conduit à la destruction de plusieurs sites militaires syriens liés aux armements chimiques près de Damas et dans la région de Homs, ouvre plusieurs questions.</p>
<p>Quelles en sont les conséquences sur la situation au Proche-Orient, sur les équilibres globaux, et enfin quel sera l’avenir du concept de ligne rouge dans les usages stratégiques internationaux ?</p>
<h2>Les frappes occidentales : quel impact ?</h2>
<p>Selon toute vraisemblance, les frappes opérées n’avaient pas pour objectif d’ouvrir la voie à un affrontement plus global, ni de préparer un changement de régime en Syrie. Les trois chancelleries concernées – États-Unis, France, Royaume-Uni – ont pris soin de modérer leur propos au lendemain des opérations, de souhaiter la reprise du dialogue diplomatique, et même de proposer (comme la France) de nouvelles résolutions aux Nations unies. Elles ont pris soin, surtout, de ne pas frapper de cibles russes.</p>
<p>Sur le front militaire syrien proprement dit, ces frappes ne devraient donc pas bouleverser les équilibres. Leurs conséquences politiques pourraient néanmoins être importantes. En premier lieu, elles ont pour vocation de corriger l’épisode de 2013, lorsque les États-Unis de Barack Obama refusèrent de suivre la France dans sa volonté de frapper le régime de Damas après, déjà, l’utilisation très probable par ce dernier d’armes chimiques contre des populations civiles.</p>
<p>Cette séquence avait symbolisé les hésitations et sans doute la faiblesse de l’Occident face à un régime sans scrupule. L’entrée spectaculaire sur la scène syrienne de la Russie quelques mois plus tard, puis le <a href="http://www.lemonde.fr/syrie/article/2017/05/05/guerre-en-syrie-que-contient-l-accord-d-astana_5123198_1618247.html">processus d’Astana</a> co-piloté par Moscou, Ankara et Téhéran, avaient illustré avec force le recul des trois Alliés qui s’étaient jusqu’alors situés au premier plan des drames du « Grand Moyen-Orient », de l’Irak à l’Afghanistan, en passant par la Libye.</p>
<p>Par la suite, la lutte contre l’État islamique avait pris le pas sur l’objectif de punir Bachar Al-Assad, la Turquie s’était rapprochée de Moscou, et le gouvernement syrien avait repris le contrôle de l’essentiel du territoire. Il apparaissait donc en quelque sorte vainqueur, même s’il se trouvait affaibli et dépendant de ses sauveurs, l’Iran et le Hezbollah d’une part, la Russie de l’autre. Vainqueur, même, au point de se permettre de persévérer dans l’utilisation des armes chimiques, après avoir annoncé un accord russe sur leur démantèlement.</p>
<h2>Les Alliés à nouveau réunis</h2>
<p>L’un des points importants de ces frappes réside peut-être dans l’affichage d’un front (ré)uni des trois Alliés. L’Amérique, en dépit de son Président fantasque, a agi de concert avec son homologue français qui avait pourtant annoncé <a href="http://www.lepoint.fr/politique/macron-international-rompre-avec-le-neoconservatisme-30-08-2017-2153386_20.php">« la fin d’une forme de néoconservatisme importée en France depuis dix ans »</a>, et une première ministre britannique affaiblie par le Brexit et par les élections générales de juin 2017.</p>
<p>Le trio habituel de l’intervention extérieure s’est donc reconstitué, de surcroît sur un dossier où on le disait définitivement relégué au second plan. Cela change naturellement la donne, même si cela ne réglera pas tous les désaccords annoncés entre les partenaires. On pense, notamment, à l’accord sur le nucléaire iranien, auquel l’Élysée tient tandis que la Maison Blanche veut le remettre en cause.</p>
<p>Aujourd’hui, l’État islamique ayant été largement défait, les frappes occidentales rappellent quelques vérités : le régime de Damas n’est pas absous, la Russie n’a pas réglé le conflit syrien (elle n’a fait que sauver au moins provisoirement le régime), et la Turquie, membre de l’OTAN (qui a dû qualifier les frappes de réponse « appropriée » à l’attaque chimique présumée de Douma), n’a pas toujours les mêmes intérêts stratégiques que Moscou.</p>
<p>Les jeux ne sont pas faits, Bachar Al-Assad n’a pas triomphé, les États-Unis et leurs alliés sont toujours là, et les <a href="http://www.elysee.fr/communiques-de-presse/article/communique-de-presse-du-president-de-la-republique-sur-l-intervention-des-forces-armees-francaises-en-reponse-a-l-emploi-d-armes-chimiques-en-syrie/">lignes rouges annoncées</a> des deux côtés de l’Atlantique ont été, cette fois, tenues contrairement à 2013, et les promesses, suivies d’action. Tel semble être le message envoyé. Mais avec quelle crédibilité sur le long terme ?</p>
<h2>Quel horizon pour la ligne rouge ?</h2>
<p>Le choix de renouer avec la rhétorique de la « ligne rouge » constitue un pari politique assumé, et risqué. En premier lieu, il réintroduit l’idée d’une obligation d’agir face à l’inacceptable, renouant au moins en apparence avec la prise en compte de l’éthique ou de la morale en politique étrangère. En apparence, car comme l’a bien résumé <a href="https://www.lopinion.fr/edition/international/armes-chimiques-en-syrie-crime-compte-moins-que-l-arme-crime-147037">Jean‑Dominique Merchet dans <em>l’Opinion</em></a>, « le crime compte moins que l’arme du crime. » Ce ne sont pas les crimes de masse d’un régime qui sont punis ici, mais la banalisation de l’usage d’un type d’arme, qui est combattue.</p>
<p>Sur le plan stratégique, cela peut s’entendre, mais cela ouvre la voie à de nouveaux débats sur la gravité des actes commis (quid d’un régime qui n’utilise pas des armes chimiques mais la famine ou le viol comme arme de guerre ?), sur la marge de manœuvre pour les punir en fonction du poids militaire de leur auteur (on imagine mal des frappes sur une puissance dotée de l’arme nucléaire), et surtout sur la durabilité de la riposte au franchissement desdites lignes rouges.</p>
<p>Car revenons au constat initial : ces frappes occidentales ont bel et bien été annoncées comme un « one shot ». Plusieurs scénarios se font jour désormais.</p>
<ul>
<li><p>Les frappes ont véritablement porté un coup très dur aux capacités chimiques du régime. La rhétorique de la ligne rouge se traduit alors par une stratégie d’interdiction, c’est-à-dire par le fait d’anéantir l’instrument incriminé (ici, en une seule frappe)</p></li>
<li><p>Les frappes ont montré une volonté d’agir, mais n’ont pas détruit la totalité de l’arsenal visé, un usage ultérieur n’est pas à exclure, y compris pour tester la détermination occidentale. Nous sommes alors dans une stratégie de témoignage d’une détermination, ou de signal purement politique, mais qui pose inéluctablement la question de la suite : en rester là si le chimique persiste, ou si le régime reste impuni pour ses autres crimes, peut passer pour une nouvelle preuve de faiblesse. Certains alliés des États-Unis dans la région (comme Israël) n’excluent pas non plus que ces frappes soient un tour d’honneur américain sur le dossier syrien, avant l’annonce d’un désengagement. Ici, la ligne rouge se retournera, une nouvelle fois, contre ceux qui l’ont convoquée à l’appui de leur action.</p></li>
<li><p>D’autres exactions jugées intolérables ont lieu de la part du régime de Damas, pas forcément liées à l’utilisation de l’arme chimique, et les Alliés frappent à nouveau. On bascule alors, véritablement, dans un logique de punition, et de pression de plus en plus forte avec l’objectif d’aboutir <em>in fine</em> à une solution politique, idéalement sans Bachar Al-Assad. La logique de la ligne rouge aura de fait trouvé sa cohérence.</p></li>
</ul>
<h2>La question syrienne en termes éthiques</h2>
<p>Mais il faudra alors imaginer des pistes pour l’après-Bachar, renouer le dialogue avec Moscou comme Téhéran, aujourd’hui incontournables en Syrie, ou assumer le risque d’un engrenage possible engagé par une politique américaine très délétère qui pourrait vouloir enchaîner sur des frappes contre l’Iran. Sans compter, bien sûr, la gestion des tweets et des troubles trumpiens.</p>
<p>À la fin du quinquennat de François Hollande, un débat s’était engagé, entre diplomates et experts de politique étrangère français, sur les avantages et inconvénients d’avoir posé, comme l’avait fait Laurent Fabius, la question syrienne en termes éthiques, en termes de lignes rouges, en termes de positions de principe face à qui était acceptable et ne l’était pas. Les principaux éléments constitutifs de ce débat restent toujours valables.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/95046/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Charillon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il faut imaginer des pistes pour l’après-Bachar, renouer le dialogue avec Moscou comme Téhéran, incontournables en Syrie, ou assumer le risque d’un engrenage possible engagé par Donald Trump.Frédéric Charillon, professeur de science politique, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/878212017-11-23T21:30:51Z2017-11-23T21:30:51ZComprendre le Hezbollah, force régionale incontournable du Proche-Orient<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/195649/original/file-20171121-6044-7xty8b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Hasan Nasrallah durant une allocution télévisée à Baalbek, au Liban le 31 aoput 2017.</span> <span class="attribution"><span class="source">AFP</span></span></figcaption></figure><p>Le Hezbollah (ou Parti de Dieu), mouvement <a href="https://books.google.fr/books?id=x0MZOnnu8qcC&pg=PA30&redir_esc=y">créé dans les années 80</a>, a été officialisé comme parti en 1985 pendant une période de <a href="https://www.plutobooks.com/9780745336893/hezbollah/">crise politique intense</a> caractérisée par la guerre civile libanaise et l’<a href="http://www.lesclesdumoyenorient.com/La-guerre-du-Liban-1975-1990-entre.html">invasion du Liban par Israël en 1982</a>, et après l’instauration de la République Islamique d’Iran en 1979 au niveau régional.</p>
<p>C’est un mouvement politique fondamentaliste islamique chiite qui prend sa source idéologique <a href="https://www.ucpress.edu/book.php?isbn=9780520085039">directement du Khomeynisme</a> et de sa théorie du « Wilayat al-Faqih » (Théorie du Jurisconsulte). Dans la théorie du Willâyat al-Faqîh, le jurisconsulte devrait détenir le <a href="https://www.al-islam.org/shia-political-thought-ahmed-vaezi/what-wilayat-al-faqih">pouvoir politique ultime</a>.</p>
<p>En 1987, Hassan Nasrallah, devenu depuis 1992 <a href="http://www.aljazeera.com/archive/2006/04/2008410115816863222.html">secrétaire général du Hezbollah</a>, expliquait que l’autorité de ce chef est à la fois spirituelle et politique, et ne peut être contestée. Ce concept fondamental au parti doit être suivi de tous membres.</p>
<p>Le Hezbollah s’est ancré dans des régions libanaises à fortes <a href="https://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2009-3-page-149.htm">populations chiites</a> : Dahyeh, dans la « banlieue » de Beyrouth, au sud du pays ou encore la région de la Bekaa à l’est. C’est dans ces régions que le Hezbollah a fondé sa légitimité tout en se focalisant sur la résistance armée contre Israël, au cœur de son projet.</p>
<p>Peu à peu le Hezbollah est devenu un acteur incontournable et clivant de la scène libanaise et régionale.</p>
<p>Certains, comme l’<a href="http://www.france24.com/fr/20160302-conseil-cooperation-golfe-hezbollah-libanais-groupe-terroriste-arabie-saoudite">Arabie saoudite</a> et d’autres monarchies du Golfe l’accusent d’être une <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2017-11-19/arab-league-labels-lebanon-s-hezbollah-a-terrorist-organization-ja77de7b">organisation terroriste</a>. D’autres au contraire, notamment la Syrie et l’Iran, soutiennent que le Hezbollah est essentiel dans la résistance contre l’État d’Israël. C’est aussi le cas de plusieurs <a href="http://press.uchicago.edu/ucp/books/book/distributed/H/bo21619489.html">universitaires</a> et certains courants <a href="http://www.fayard.fr/le-hezbollah-9782213632285">situés pour certains à « gauche »</a> en France et dans la région levantine.</p>
<p>Mais ce clivage ne suffit pas à comprendre les dynamiques actuelles de ce mouvement : il faut ainsi s’intéresser plus en profondeur à sa portée locale et régionale, et le mettre en perspective avec la guerre en Syrie.</p>
<h2>Un parti puissant et bien implanté</h2>
<p>La montée politique du Hezbollah est indissociable de ses capacités militaires, qu’il a acquises durant la guerre civile libanaise. D’après un <a href="http://www.lefigaro.fr/international/2015/04/03/01003-20150403ARTFIG00330-en-cas-de-nouvelle-guerre-avec-le-hezbollah-israel-redoute-des-centaines-de-morts.php">article de 2015 du <em>Figaro</em></a>, le parti de Dieu pourrait lancer entre 1000 et 1500 roquettes quotidiennes sur Israël.</p>
<p>Il dispose par ailleurs d’un groupe parlementaire d’au moins 10 députés depuis les premières <a href="http://archive.ipu.org/parline-f/reports/arc/1179_92.htm">élections législatives de 1992</a>. Le Hezbollah a notamment confirmé sa popularité en remportant de nombreuses élections municipales, contrôlant désormais la grande majorité des zones à populations chiites du pays.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/195608/original/file-20171121-6072-1p5attm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/195608/original/file-20171121-6072-1p5attm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/195608/original/file-20171121-6072-1p5attm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=774&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/195608/original/file-20171121-6072-1p5attm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=774&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/195608/original/file-20171121-6072-1p5attm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=774&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/195608/original/file-20171121-6072-1p5attm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=973&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/195608/original/file-20171121-6072-1p5attm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=973&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/195608/original/file-20171121-6072-1p5attm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=973&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Répartition religieuse au Liban, 2015.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Lebanon_religious_groups_distribution.jpg">Sergey Kondrashov/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le Hezbollah se repose enfin sur un puissant réseau d’associations et d’institutions sociales, éducatives, caritatives et d’un vaste appareil culturel, services <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00355098">à la base même du mouvement</a>. Ce réseau est largement financé par l’Iran et ce dès les débuts du parti, diffusant également ainsi son idéologie politique. Le soutien de Téhéran, selon plusieurs <a href="http://www.middleeasteye.net/analyses/forces-par-procuration-et-politique-pourquoi-l-iran-finance-des-milices-trang-res-339414507">sources</a> serait estimé entre 100 et 400 millions de dollars par année.</p>
<p>Le Hezbollah reçoit ces fonds directement du <a href="http://english.al-akhbar.com/content/hezbollahs-iran-money-trail-its-complicated">leader suprême de la République Islamique d’Iran</a> (RII) qui a le contrôle exclusif sur leur distribution.</p>
<h2>Embourgeoisement</h2>
<p>Le Hezbollah a tout d’abord puisé ses racines dans les couches sociales chiites les plus pauvres de la population. Il a depuis étendu son emprise <a href="https://www.contretemps.eu/le-hezbollah-une-force-contre-revolutionnaire/">à d’autres classes sociales</a>.</p>
<p>Les classes moyennes et bourgeoises chiites du Liban et de la diaspora ont en effet eu une influence grandissante – en particulier à Beyrouth, au sein du mouvement islamique.</p>
<p>Dans la banlieue sud de Beyrouth, de nombreux membres des familles chiites les plus riches et la plupart des commerçants ont été intégrés au sein de cette organisation, tandis que les activités et les institutions du parti (en particulier ceux qui sont liés au tourisme et aux loisirs) répondent aux besoins et fournissent des services aux chiites de la classe moyenne.</p>
<p>Certaines classes aisées, fortes de capitaux disponibles notamment grâce aux réseaux iraniens, se sont aussi développées, investissant notamment dans l’immobilier et le commerce, favorisant l’instauration d’une fraction bourgeoise chiite – au Liban et dans la diaspora – liée au parti de Dieu.</p>
<p>Entre <a href="http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2008-01-30-Liban">juillet 2005 et novembre 2006</a>, le ministre Hezbollah Muhammad Fneich, alors ministre de l’Énergie et de l’Eau, a ainsi favorisé la privatisation de l’électricité au Liban (EdL), plaidant pour que les entreprises privées puissent <a href="http://rumor.hypotheses.org/207">fournir le réseau de l’étatique Électricité du Liban</a>.</p>
<p>Le Hezbollah s’est félicité de cet acte dans une déclaration <a href="http://www.dirasat.net/">consultable sur le site</a> du Consultative Center for Studies and Documentation, think tank du parti. Il l’a même jugé comme un résultat positif des accords de Paris III, à même d’aider au redressement des finances publiques libanaises.</p>
<p>Pourtant, la privatisation n’a pas nécessairement amélioré la situation des <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1038115/privatisation-de-lelectricite-quelles-implications-.html">ménages les plus pauvres et des salariés</a>, bien au contraire.</p>
<p>Depuis la participation du Hezbollah aux gouvernements libanais successifs à partir de 2005, aucun fonds supplémentaire n’a été alloué à l’éducation, la santé ou à des secteurs productifs de l’économie. Dans ses politiques urbaines, le Hezbollah a promu des politiques qui encouragent l’accumulation du capital au détriment des résidents les plus marginalisés.</p>
<p>Le Hezbollah a aussi renforcé ses liens clientélistes dans des régions agricoles telles que la vallée de la Bekaa, et a été critiqué pour sa proximité avec des hommes d’affaires impliqués dans <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1018829/reglement-de-comptes-ou-decision-du-hezbollah-.html">des affaires de corruption</a>, le parti lui-même <a href="http://www.thestar.com/news/world/2009/09/23/madofflike_scandal_soils_hezbollahs_clean_image.html">ayant parfois été mis en cause</a></p>
<h2>Alignement politique</h2>
<p>Par ailleurs, l’opposition radicale initiale du Hezbollah au <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2011-2-page-369.htm">système politique traditionnel libanais</a> a beaucoup diminué.</p>
<p>Par exemple, durant l’été 2015 et la <a href="https://syriafreedomforever.wordpress.com/2015/08/30/la-campagne-vous-puez-secoue-le-regime-confessionnel-au-liban/">campagne « tu pues »</a> contre le système de gouvernance au Liban, le Parti de Dieu n’a pris part à aucune revendication, démontrant ainsi son alignement sur les partis traditionnels en place.</p>
<p>En dépit d’un discours populiste contre ce qu’il nomme le « capitalisme sauvage » <a href="http://www.lebanonrenaissance.org/assets/Uploads/15-The-New-Hezbollah-Manifesto-Nov09.pdf">dans son manifeste de 2009</a>, le parti n’a pas développé d’alternative, au contraire soutenant les politiques néolibérales.</p>
<p>Le Hezbollah va néanmoins devenir une force régionale importance à travers ses interventions et implications dans des pays voisins.</p>
<h2>Interventions en Irak</h2>
<p>La capacité d’action du mouvement libanais islamique chiite n’a cessé de se développer dans la région. Déjà après l’invasion de l’Irak en 2003 menée par l’armée américaine et britannique, le Hezbollah avait <a href="http://iswiraq.blogspot.ch/2014/08/echoes-of-syria-hezbollah-reemerges-in.html">envoyé des conseillers</a> militaires et ont travaillé avec des milices fondamentalistes liées à groupes islamiques politiques chiites, sous la supervision des <a href="https://deepblue.lib.umich.edu/bitstream/handle/2027.42/64683/afshon_1.pdf;jsessionid=DF7BFA33BF18FF73E9117CB0504F14E1?sequence=1">Gardiens de la révolution iraniens</a>.</p>
<p>Au-delà de leur lutte contre diverses armées (milices fondamentalistes sunnite, autres forces irakiennes d’oppositions, et forces d’occupations américaines et britanniques) ces groupes ont aussi attaqué des civils (sunnites) irakiens et <a href="http://www.reuters.com/article/2014/11/12/us-mideast-crisis-militias-specialreport-idUSKCN0IW0ZA20141112#top">ont participé à la guerre civile</a> entre 2005 et 2008 en Irak.</p>
<h2>La question syrienne</h2>
<p>L’intervention la plus massive du Hezbollah reste néanmoins celle en Syrie depuis la fin de l’année 2011 et début de l’année 2012 aux côtés des forces militaires du régime d’Assad pour mater le mouvement populaire.</p>
<p>Les combattants du Hezbollah en Syrie sont estimés <a href="http://www.al-monitor.com/pulse/originals/2016/01/lebanon-hezbollah-teenagers-jihad-syria.html;">entre 7,000 et 9,000</a> et comprennent des combattants d’élite, des experts techniques et <a href="http://www.lorientlejour.com/article/862890/-marchands-de-legumes-commercants-ou-etudiants-les-hommes-du-hezb-fiers-de-combattre-en-syrie.html">des réservistes</a>.</p>
<p>Le Hezbollah a également formé et entraîné <a href="http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00263200500417801?src=recsys&journalCode=fmes20">des milices</a> combattant pour le régime syrien, notamment les « Comités populaires » (<em>lijan al-sha’biyya</em>) ou d’autres directement liées au Hezbollah comme <em>Quwat al-Rida</em>, en majorité composée de Syriens de confessions chiites, mais pas seulement. <a href="http://www.al-monitor.com/pulse/originals/2015/08/syrian-shiite-militia.html#ixzz3lQxXNYZE">Certaines milices</a> ont même adopté le nom de <em>Hezbollah fi Suriyya</em> (Hezbollah en Syrie) et l’idéologie du <em>wilayat al-faqih</em>. Avec, toujours, l’appui de Téhéran, l’envoi d’équipements, de spécialistes ont permis la formation de <a href="http://www.al-monitor.com/pulse/originals/2016/01/lebanon-hezbollah-teenagers-jihad-syria.html">10 000 à 20 000 miliciens pro-Assad en Syrie</a>.</p>
<p>Jusqu’à aujourd’hui, le Hezbollah continue de fournir un soutien crucial à l’armée du régime syrien et aux milices loyalistes, aux côtés des forces iraniennes et de l’armée de l’air russe, à travers tout le territoire syrien.</p>
<p><a href="http://www.atlanticcouncil.org/blogs/syriasource/hezbollah-is-embedded-in-syria">Selon diverses estimations,</a> (le parti ne publiant aucun chiffre officiel) entre 2 000 à 2 500 soldats du Hezbollah sont morts en Syrie (et 7 000 blessés) depuis 2011.</p>
<h2>Bras droit de l’Iran</h2>
<p>Ces implications du Hezbollah sont étroitement liées aux intérêts de l’Iran qui consolide et étend <a href="https://theconversation.com/the-rise-and-rise-of-iran-how-tehran-has-become-pivotal-to-the-future-of-the-middle-east-83160">son influence régionale</a>.</p>
<p>Cela explique aussi pourquoi la confrontation militaire entre le Hezbollah et Israël – malgré la guerre de 2006 <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2007/09/DA_SILVA/15143">lorsqu’Israël a envahi le Liban</a> – n’est plus l’unique priorité du parti libanais. Celui-ci se concentre d’abord à renforcer les intérêts de Téhéran, y compris au Liban, et dans ses interventions en Syrie et en Iraq. Des combattants et experts militaires du Hezbollah ont également été repérés au Yémen, <a href="http://iswiraq.blogspot.ch/2014/08/echoes-of-syria-hezbollah-reemerges-in.html">assistant les forces Houtis</a>, <a href="https://www.reuters.com/article/us-yemen-iran-houthis/exclusive-iran-steps-up-support-for-houthis-in-yemens-war-sources-idUSKBN16S22R">soutenus par l’Iran</a>.</p>
<h2>Où va le Hezbollah ?</h2>
<p>L’appareil militaire et de sécurité du Hezbollah reste ainsi un élément central dans le développement du parti pour asseoir sa position politique et s’opposer à toute menace qui réduirait ses intérêts. Ce faisant, il recherche pour l’instant un statu quo dans la gouvernance politique Liban pour s’y assurer une relative stabilité, tout en y maintenant une certaine domination et contrôle politique.</p>
<p>Mais, dans une région qui a vu des <a href="https://remmm.revues.org/9306">soulèvements populaires continus depuis 2011</a>, des changements politiques intenses et rapides, il va sans doute être de plus en plus difficile à la direction du Hezbollah de continuer à proclamer son soutien aux « opprimés du monde entier », tout en soutenant le néolibéralisme libanais et des régimes autoritaires comme la Syrie et l’Iran.</p>
<p>Fin octobre, les habitants du quartier défavorisé chiite de Hay Sellom à Beyrouth <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1080432/a-hay-el-sellom-des-protestataires-chiites-sen-prennent-publiquement-a-hassan-nasrallah.html">avait manifesté leur ras-le-bol</a> vis-à-vis d’un Hezbollah démissionnaire face à leurs revendications sociales quotidiennes, plus intéressé par l’envoi de soldats en Syrie.</p>
<p>Faute d’alternative politique, la base populaire du Parti de Dieu est pour l’instant toujours prête dans sa majorité à le soutenir et ce malgré des critiques internes croissantes. Mais qu’adviendra-t-il lorsqu’un mouvement politique démocratique, social et transconfessionel répondant à leurs intérêts apparaîtra ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/87821/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joseph Daher est fondateur du blog Syria Freedom Forever.</span></em></p>Le Hezbollah est devenu incontournable au Liban et au-delà. Comment ce parti, tiraillé entre une base populaire, des velléités néolibérales et un Iran interventionniste se dessine-t-il dans la région ?Joseph Daher, Maitre de conférences, faculté sciences sociales et politiques, Université de LausanneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/879242017-11-22T21:37:08Z2017-11-22T21:37:08ZSaad Hariri, ou la fin de la « République marchande » libanaise<p>Les pressions saoudiennes sur le premier ministre libanais Saad Hariri ont presque eu gain de cause d’un court état de grâce : en annonçant sa démission lors d’une conférence de presse tenue à Riyad, le 4 novembre 2017, c’est le <a href="https://conflits.revues.org/515">mythe</a> de l’unité nationale libanaise qui est encore mis à mal.</p>
<p>Saad Hariri a certes « suspendu » sa démission, à l’occasion de la fête d’indépendance libanaise, le 22 novembre 2017. Mais le Liban n’est pas loin de renouer avec une politique du vide caractéristique des années post-2005, une fois le retrait des troupes syriennes du Liban effectué : c’est plus traditionnellement la présidence de la République <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/publications/l_atlas_un_monde_a_l_envers/a53914">qui est vacante</a>, de novembre 2007 à mai 2008, puis de mai 2014 à octobre 2016.</p>
<h2>Les limites d’un compromis national</h2>
<p>Saad Hariri s’était donné la stature progressive d’un homme de compromis. À terme, ce fut aussi la figure d’un homme seul. Opposé à Damas, il s’engageait pourtant, en <a href="http://www.lesclesdumoyenorient.com/Entretien-avec-Aurelie-Daher-Le-point-sur-le-Liban-a-la-veille-de-la-seance.html">novembre 2015</a>, à soutenir la candidature à la présidence de la République de <a href="http://www.jeuneafrique.com/mag/286217/politique/liban-lautre-frangie/">Sleiman Frangie</a> – leader maronite du parti des Maradas, et partisan de Bashar al-Assad.</p>
<p>La politique de la main tendue avec la Coalition adverse du 8 mars – emmenée par le Hezbollah chiite- aboutit à l’élection à la présidence de la République de Michel Aoun, en octobre 2016, et à la <a href="https://www.un.org/press/fr/2016/cs12572.doc.htm">naissance d’un gouvernement d’union nationale</a>, deux mois plus tard.</p>
<p>Nul n’était pourtant dupe des tensions qui traversaient le Courant du futur – la formation de Saad Hariri- et les différents leaderships de la communauté sunnite libanaise : les <a href="http://orientxxi.info/magazine/un-plafond-de-verre-confessionnel-au-liban,1324,1324">élections municipales</a> de mai 2016 voyaient Tripoli tomber dans l’escarcelle de <a href="http://carnegie-mec.org/diwan/74703">Ashraf Rifi</a> – un ancien responsable des Forces de sécurité intérieures (FSI), particulièrement virulent envers l’Iran et le Hezbollah.</p>
<p>Les échelles libanaises et régionales se confondant, le <a href="http://afrique.latribune.fr/politique/2017-05-19/sommet-islamo-americain-les-chefs-d-etat-africains-presents-et-absents-a-riyad-717539.html">Sommet islamique arabo-américain de Riyad de mai 2017</a> accrut sans doute la pression sur Saad Hariri.</p>
<p>Américains et Saoudiens – ces derniers <a href="https://theconversation.com/quel-rapprochement-possible-entre-israel-larabie-saoudite-et-abu-dhabi-79319">soutenus de moins en moins discrètement par Israël</a> – ont fait de l’Iran, du Hezbollah – et du Hamas palestinien- des ennemis à abattre. La perspective d’un gouvernement d’union nationale intégrant le Hezbollah, et dirigé par Saad al-Hariri, si elle faisait sens au Liban, rentrait ainsi de plus en plus en contradiction avec les grandes lignes de force régionales, structurées par le conflit entre l’Arabie saoudite et l’Iran.</p>
<h2>Le récit sunnite libanais</h2>
<p>Saad Hariri n’est pas seulement la victime de pressions saoudiennes ou des contradictions internes du jeu politique libanais : il porte à bout de souffle un Courant du futur qui est en manque de récit historique – notamment pour la communauté sunnite, qu’il peine de plus en plus à <a href="http://www.france24.com/fr/20161014-liban-le-milliardaire-saad-hariri-affaibli-financierement-politiquement">mobiliser</a>. Le leadership de la famille Hariri n’est pas en totale continuité avec l’héritage des générations qui les ont précédées.</p>
<p>Premier ministre sunnite et père de l’indépendance libanaise de 1943, Riyad al-Solh (1894-1951) pensait un Liban inséré dans son environnement arabe – en même temps qu’il posa les bases d’un service public libanais pour toutes les confessions, comme le rappelle l’historien <a href="http://transcontinentales.revues.org/1143">Ahmed Beydoun</a>.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/195877/original/file-20171122-6035-idlz7k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/195877/original/file-20171122-6035-idlz7k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/195877/original/file-20171122-6035-idlz7k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=915&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/195877/original/file-20171122-6035-idlz7k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=915&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/195877/original/file-20171122-6035-idlz7k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=915&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/195877/original/file-20171122-6035-idlz7k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1149&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/195877/original/file-20171122-6035-idlz7k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1149&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/195877/original/file-20171122-6035-idlz7k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1149&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Riadh Solh (1894-1951), père de l’indépendance libanaise.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/a8/Riadh_elsolh.jpg">Yabebeyrouth/Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans les années 1950, la communauté sunnite libanaise avait ses grands récits : le Parti des Najadeh de Adnan al-Hakim s’inscrivait dans une <a href="https://books.google.fr/books?id=iAWBkDAv4TkC&pg=PA54&redir_esc=y">narration nationale et arabiste</a>. <a href="http://orientxxi.info/magazine/reflexions-sur-le-nationalisme-arabe-la-gauche-et-l-islam,1226">Le nassérisme égyptien</a> eut ses enfants sunnites libanais : dans les années 1970, les Mourabitouns de <a href="http://www.nytimes.com/1975/12/11/archives/troops-in-beirut-battling-gunmen-big-hotels-burned-prime-minister.html">Ibrahim Qoleilat</a> tenaient le quartier de Tariq al-Jdideh, à Beyrouth.</p>
<p>À la même époque, les jeunes générations sunnites se raccordaient aisément à une dynamique révolutionnaire régionale – emmenée par les <a href="http://books.openedition.org/editionscnrs/2432?lang=fr">Palestiniens</a> de l’OLP. Le discours confessionnel était plus atténué que de nos jours : au début des années 1980, une révolution iranienne chiite pouvait bien fasciner une partie des sunnites libanais comme en témoigna le chercheur français <a href="http://books.openedition.org/ifpo/3415?lang=fr">Michel Seurat</a> (1947-1986) à Tripoli.</p>
<p>Ces mouvements eurent certes leurs limites marquées notamment par l’échec d’un véritable dialogue avec les <a href="https://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2008-3-page-99.htm">maronites libanais</a>, même une fois la guerre civile terminée.</p>
<p>Toujours est-il que les sunnites du Liban avaient leur grand récit historique : il était arabe, parfois développementiste – le socialisme nassérien – ou s’accordait avec de grandes dynamiques populaires régionales.</p>
<h2>L’éphémère « République marchande » des Hariri</h2>
<p>Saad Hariri, quant à lui, hérite simplement du projet néo-libéral de son père, adossé aux capitaux du Golfe : celui d’une <a href="http://www.persee.fr/doc/bude_0004-5527_1950_num_1_10_4912_t1_0112_0000_4">« République marchande » libanaise</a>, selon les termes de l’écrivain libanais <a href="https://books.google.com.lb/books?id=YfZHBAAAQBAJ&pg=PA159&lpg=PA159&dq=michel+Chiha+Merchant+republic&source=bl&ots=F9xuUjO7QP&sig=knhkvmCUIf8WB9CQwHvICKjIjYc&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwilrqGhrNLXAhVMyKQKHZi8DcUQ6AEIJTAA#v=onepage&q=michel%20Chiha%20Merchant%20republic&f=false">Michel Chiha</a> (1891-1954).</p>
<p>Rafiq Hariri (1944-2005) pouvait cependant se prévaloir de ses origines populaires, d’un engagement passé dans les rangs du <a href="http://orientxxi.info/magazine/apres-la-defaite-la-gauche-arabe-a-l-offensive,1963">Mouvement des nationalistes arabes</a> (MNA), inspiré du nassérisme, de la figure du <em>self-made man</em> et d’un Rockefeller libanais attaché à la reconstruction du Liban post-guerre civile.</p>
<p>Les années 1990 fonctionnaient selon un partage des tâches : le premier Ministre Rafiq Hariri soutenait officiellement la résistance militaire d’un Hezbollah au sud du Liban occupé par Israël, et pouvait inscrire ses mandats dans un grand récit relatif au conflit israélo-arabe et à la cause palestinienne. Cela n’empêchait pas une opposition sur les volets économiques, mais la complémentarité fonctionnait – <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/1999/05/CHARARA/2966">jusqu’à un certain point.</a></p>
<p>Le fils ne peut avoir ces prétentions : il est « l’héritier de ». Son père était né à Saïda, d’une modeste famille d’agriculteurs. Saad Hariri est quant à lui né à Riyad. Il peut bien essayer de mobiliser la communauté sunnite libanaise : mais il manque d’une véritable narration historique. En conséquence, sa base populaire s’érode. Dénoncer la Syrie et l’Iran, certes : mais chercher l’<a href="http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2011/01/12/le-hezbollah-et-ses-allies-font-pression-sur-le-gouvernement-de-saad-hariri_1464395_3218.html">appui des États-Unis</a> dans une région traumatisée par les effets de l’invasion américaine de l’Irak d’avril 2003 n’est pas sans conséquence néfaste.</p>
<p>Le soutien saoudien devient plus handicapant que par le passé : le récent rapprochement israélo-saoudien n’aide pas à gagner en popularité, ni au Liban, ni dans le monde arabe.</p>
<p>Saad Hariri est dépendant des intrigues de palais du Royaume : mais la <a href="http://orientxxi.info/magazine/en-arabie-saoudite-modernisation-de-l-autoritarisme,2014">« modernisation de l’autoritarisme »</a> saoudien que décrit bien le politologue Stéphane Lacroix ne fait pas un projet politique porteur à l’échelle régionale. La rhétorique tout à la fois anti-américaine et anti-chiite des <a href="http://www.rfi.fr/moyen-orient/20150628-rhetorique-anti-chiite-jihadistes-etat-islamique">salafistes radicaux</a> concurrence un Courant du futur qui ne propose pas d’utopie concrète.</p>
<p>Quant à la « République marchande » libanaise rêvée par Hariri père, elle est à l’image de la compagnie qui fit sa fortune, <a href="https://www.bloomberg.com/research/stocks/private/snapshot.asp?privcapId=1611621">BTP Saudi Oger</a>, aujourd’hui gérée par Hariri fils. Durement affectée par la chute des cours du pétrole, l’entreprise <a href="https://www.challenges.fr/economie/hariri-a-paris-les-ex-employes-francais-de-saudi-oger-a-l-affut_514170">a plusieurs dettes françaises</a> un dossier discuté à Paris avec Emmanuel Macron lors du <a href="http://www.lefigaro.fr/international/2017/11/17/01003-20171117ARTFIG00192-emmanuel-macron-recevra-saad-hariri-samedi-a-l-elysee.php">« sauvetage » de Saad Hariri</a>.</p>
<p>Ce que l’historien américain Mike Davis a pu nommer un <a href="http://laboratoireurbanismeinsurrectionnel.blogspot.com/2011/07/le-stade-dubai-du-capitalisme.html">« stade Dubaï du capitalisme »</a> libanais se traduit surtout par un surendettement national chronique, et un accroissement des inégalités et des <a href="https://www.lecommercedulevant.com/article/27862-le-liban-parmi-les-pays-les-plus-inegalitaires-au-monde">écarts de richesses</a> – affectant particulièrement les classes populaires sunnites du Akkar, au nord du Liban.</p>
<h2>Entre le marteau saoudien et l’enclume salafiste</h2>
<p>En l’absence de grand récit national et communautaire, Saad Hariri – et son allié au sein du Courant du futur, le ministre de l’Intérieur Nohad Machnouk- sont devant un problème désormais insoluble.</p>
<p>L’une des options serait de se mobiliser contre le Hezbollah, et faire de l’épouvantail iranien le cœur de la politique libanaise. En ce cas, il renoncerait à un pouvoir logiquement fondé sur l’idée d’un compromis communautaire avec les chiites. Au pire, il s’engagerait dans une logique de confrontation civile et communautaire avec le Hezbollah. Ce fut le pari de l’ancien premier ministre Fouad Siniora, <a href="https://www.theguardian.com/world/2011/jan/12/lebanon-reels-hezbollah-topples-government">dans la seconde moitié des années 2000</a> qui se solda par un échec cuisant lorsque les ministres Hezbollah se retirèrent du gouvernement, paralysant la vie politique.</p>
<p>Ou bien, la direction du Courant du futur choisit le compromis national, l’idée de Saad Hariri depuis novembre 2015. Mais cette option a montré ses limites : il s’est retrouvé débordé par un front du refus allant des courants fondamentalistes sunnites libanais les plus radicaux – le Cheikh <a href="http://www.france24.com/fr/20150817-liban-ahmad-al-assir-salafiste-recherche-arrete-hezbollah-syrie-radical-armee">Ahmad al-Assir</a> à Saïda – à des figures nationales de son propre parti (Mustapha Allouch, Muin Merabi) lui reprochant de faire <a href="http://www.middleeasteye.net/opinions/guerre-au-hezbollah-le-pari-incertain-de-l-arabie-saoudite-311467344">trop de concessions</a> à ses adversaires. La politique saoudienne a fait le reste.</p>
<p>Le Courant du futur est également venu à bout de sa logique originelle : dans la seconde moitié des années 2000, il fonctionnait sur la dénonciation systématique d’une mainmise syrienne sur le Liban, en dépit du retrait militaire de 2005.</p>
<p>En 2017, cette stratégie ne porte plus : c’est désormais moins un régime syrien qui est présent au Liban, qu’une formation politique libanaise, le Hezbollah, qui est <a href="http://www.liberation.fr/debats/2016/05/25/quand-le-hezbollah-conforte-en-syrie-ses-positions-au-liban_1455166">militairement présente en Syrie</a>. Opposé à Bashar al-Assad, la coalition du 14 mars voulait voir la Syrie dehors : la ruse de l’histoire fit qu’au final, ce fut un parti libanais à dimension régionale qui imposa sa marque en Syrie. Reste alors l’éternel repoussoir iranien : mais ce terrain est désormais occupé par d’autres.</p>
<p>Saad Hariri est ainsi pris entre le marteau d’une Arabie saoudite puissante et soucieuse de son influence régionale, une logique d’État, et l’enclume d’un radicalisme salafiste qui a un projet et une utopie – fut-elle mortifère.</p>
<p>Le rêve d’une « République marchande » portée par son père a fait long feu.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/87924/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Dot-Pouillard est chercheur associé à l'IFPO, ses propos ne reflètent pas ceux de l'institution. Il est également membre du comité éditorial d'Orient XXI.</span></em></p>Saad Hariri s’était donné la stature progressive d’un homme de compromis. À terme, ce fut aussi la figure d’un homme seul.Nicolas Dot-Pouillard, Politologue, Chercheur associé, Institut français du Proche-OrientLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/663422016-10-02T18:44:19Z2016-10-02T18:44:19ZLa guerre d’extermination en Syrie et la fin du sens commun<p>Les opérations militaires d’Assad et de Poutine en Syrie ont un nom : c’est une guerre d’extermination. Celle-ci atteint désormais une échelle sans précédent : le bombardement délibéré des civils, notamment femmes, <a href="http://www.nytimes.com/2016/09/28/world/middleeast/syria-aleppo-children.html">enfants</a> et <a href="http://www.msf.fr/actualite/publications/discours-dr-joanne-liu-devant-conseil-securite-nations-unies-28-septembre-201">secouristes</a> des <a href="http://www.thedailybeast.com/articles/2016/09/26/u-s-was-warned-of-attack-on-aid-workers-in-syria.html">Casques Blancs</a>, ainsi que des <a href="https://www.theguardian.com/world/2016/sep/28/aleppo-two-hospitals-bombed-out-of-service-syria-airstrikes?CMP=share_btn_tw">hôpitaux</a> n’est <a href="https://www.icrc.org/en/document/speech-icrc-president-addressing-attacks-health-care-personnel-facilities-and-vehicles">pas nouveau</a>. Mais elle a désormais un caractère systématique avec un objectif clair : <a href="https://correspondent.afp.com/covering-syria-through-hunger-and-fear">tuer</a>, encore tuer, tout ce qui peut l’être. C’est une guerre totale dans laquelle la Russie de Poutine expérimente de nouvelles armes, comme ces <a href="https://www.theguardian.com/world/2016/sep/26/syria-aleppo-russia-bunker-buster-bomb-reports">bombes qui peuvent pénétrer les abris</a> et les pulvérisent ensuite.</p>
<p>Beaucoup, y compris dans un propos sensible et poignant, l’ambassadeur de France auprès des Nations unies, ont fait à juste titre l’analogie avec <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bombardement_de_Guernica">Guernica</a> : l’aviation de l’Allemagne nazie et de l’Italie fasciste avaient anéanti la ville tandis que les troupes franquistes agissaient au sol. En Syrie aussi, les avions russes dominent les airs tandis que les troupes de l’armée du régime et du Hezbollah soutenu et armé par l’Iran agissent à terre.</p>
<p>Cette guerre d’extermination est promise à s’intensifier dans les jours et les semaines qui viennent. Des crimes de guerre de plus en plus évidents et que la Russie ne cherche même plus à dissimuler s’ajoutent aux crimes contre l’humanité commis par le pouvoir d’Assad, notamment dans les <a href="http://www.newyorker.com/magazine/2016/04/18/bashar-al-assads-war-crimes-exposed">prisons du régime</a> où les <a href="https://www.theguardian.com/world/2015/oct/01/they-were-torturing-to-kill-inside-syrias-death-machine-caesar">tortures les plus sadiques</a> sont une pratique courante.</p>
<h2>« Tout est désormais vain »</h2>
<p>Cela, tout le monde le sait, ou devrait le savoir. Innombrables sont les écrits où cela fut exposé depuis plus de cinq ans. Tout est parfaitement documenté.</p>
<p>Tous ont dit et répété à l’envi que le « plus jamais cela » – proféré à nouveau après Auschwitz, Srebrenica, le Cambodge, le Rwanda, etc. – était devenu pitoyable.</p>
<p>Tous ont dit, convoquant les auteurs classiques, que l’indifférence était le pire péché, que le silence était crime, que l’inaction était complicité.</p>
<p>Tous ont dit et répété encore, moi comme tant d’autres, qu’il <a href="https://www.linkedin.com/pulse/il-faut-sauver-alep-le-devoir-des-nations-libres-nicolas-tenzer?published=t">fallait sauver Alep</a> et la Syrie, appliquer les principes de la <a href="http://www.franceonu.org/La-responsabilite-de-proteger-doit-rassembler-la-communaute-des-Nations">« responsabilité de protéger »</a>, faire respecter militairement une <a href="http://www.sacouncil.com/syria_needs_a_no_fly_zone">zone de non-survol</a>, qui reste encore une <a href="http://thehill.com/policy/defense/298641-petraeus-its-not-too-late-for-a-no-fly-zone-in-syria">option possible</a>, intervenir en somme.</p>
<p>Tous ont dit et redit que seuls les États-Unis, avec leurs alliés, en étaient capables et que c’était leur responsabilité première. Et ses plus fidèles soutiens, par ailleurs, ont dénoncé la pleutrerie de Barack Obama, son <a href="http://foreignpolicy.com/2016/02/05/obamas-disastrous-betrayal-of-the-syrian-rebels/amp/">irresponsabilité</a>, son cynisme, parfois sa <a href="http://foreignpolicy.com/2016/09/21/obamas-syria-strategy-is-the-definition-of-insanity/">stupidité</a> et, pour tout dire, sa responsabilité devant l’histoire. À la faillite morale des États-Unis s’ajoute ainsi sa déroute stratégique.</p>
<p>Tous ont dit, y compris l’auteur de ces lignes, que toute <a href="https://theconversation.com/pourquoi-il-ne-faut-pas-negocier-avec-la-russie-de-poutine-54748">négociation avec la Russie</a>, non pas solution, mais premier agresseur, était un jeu de dupes, que cela la renforçait en Syrie comme ailleurs.</p>
<p>Tous ont dit et redit que les multiples projets de trêve étaient voués à l’échec – et ils le furent, souvent plus vite que les plus pessimistes ne le pensaient.</p>
<p>Tous ont dit et redit combien les <a href="https://twitter.com/ajplus/status/778939423895400448">mots diplomatiques</a> – préoccupation, elle-même parfois vive ou même très vive, « injonction de », « demande expresse que », « condamnation sans ambiguïté de » – ajoutaient de l’indécence aux souffrances.</p>
<p>Tous, enfin, ont considéré, avec réalisme, que l’ONU ne pouvait rien faire, car bloquée par la <a href="https://www.amnesty.org/fr/press-releases/2014/05/un-russian-and-chinese-vetoes-syria-icc-resolution-callous/">capacité de veto de la Russie</a> – et souvent de la Chine – au Conseil de sécurité.</p>
<p>Et tous ont vu, enfin, les visages gris et terreux, zébrés de sang séché, le crâne parfois éclaté, les corps démembrés et éviscérés, des enfants assassinés et pour les plus chanceux – provisoirement – les pleurs et les larmes devant des linceuls sans fin – ceux de leur père, de leur mère, de leur frère, de leur sœur ; ils ont été bouleversés, ont pleuré eux aussi, ont appelé à l’action, ont dénoncé une prétendue « impuissance » qui n’est qu’un mot pudique pour dire la veulerie et l’indignité.</p>
<p>Un ami, engagé dans l’action humanitaire en Syrie, qui fut là-bas, m’a écrit l’autre soir que désormais tout était vain, que l’indignation, l’accablement, l’émotion – des responsables politiques, des commentateurs, de lui et de moi – l’écœuraient, qu’il n’en pouvait plus des gens « bouleversés », que c’en était assez, en somme, si je traduis bien, que les larmes mêmes et l’indignation devenaient immondes, que l’ignominie de la barbarie du régime, de la Russie et de l’Iran était notre ignominie, et que nos pleurs ne la rendaient même que plus abjecte. En mes propres termes, le mal avait contaminé le monde, le mal avait atteint le bien, les rires en écho des bourreaux avaient comme déteint sur notre compassion, notre générosité et notre attention.</p>
<h2>Combattre, donc parler</h2>
<p>Que devais-je lui répondre ? M’était-il – nous était-il – encore possible moralement de dire quelque chose et fallait-il le faire avec cette crainte redoutée que nos indignations ne soient que le soulagement pitoyable de notre bonne conscience ? En termes politiques aussi, convenait-il, de message en message posté sur les réseaux sociaux, d’article en article, d’ajouter l’impuissance des mots à la faillite des nations ? En termes de communication – car, oui, cela importe devant l’invasion des mensonges et la désinformation massive devenue arme de guerre –, ne prenions-nous pas le risque aussi d’adjoindre l’excès d’émotion à la surabondance de crimes, le défilement impuissant des images – au risque de la lassitude – à l’accumulation des cadavres ? Ai-je, d’ailleurs, seulement une réponse à ces questions ?</p>
<p>Mais quand même, dois-je absolument être contraint toujours d’opposer le sentiment à l’esprit, la froideur nécessaire de l’analyste à la révolte du citoyen, l’exigence absolue, car elle est telle, de la morale au conseil politique que je puis prodiguer ? Et là, je ne puis pas ne pas répondre.</p>
<p>En passant, j’ai revu cette image du <a href="http://www.telegraph.co.uk/news/2016/07/10/the-toy-smuggler-of-aleppo-how-one-man-brings-smiles-to-the-face/">camelot syrien</a>, vendeur de jouets à deux sous, allant de ville en ville, échappant – comme chacun, jusqu’à quand ? – aux bombardements, pour les distribuer, recevant en échange le sourire éphémère d’un de ces enfants peut-être fauché ou écrasé demain – et cet homme-là, je crois, n’avait jamais lu Kant, ni les Évangiles, peut-être pas davantage le Coran, comme ces Justes, parfois à peine lettrés, qui sauvèrent des Juifs parce qu’il le fallait, que c’était évident, indispensable, que la question ne se posait pas. Ceux-là, plus que des érudits qui soupesaient le danger, multipliaient les arguties sur les <em>pro</em> et <em>contra</em> et voulaient gagner du temps, avaient seulement, comme le disait Hannah Arendt, <em>pensé</em>.</p>
<p>Donc, tout cela n’est pas vain. Il faut aussi combattre – et cela impose de parler.</p>
<h2>L’aveugle, l’idiot et le salaud</h2>
<p>Tous avaient dit, affirmais-je… Tous ?</p>
<p>Non, il en reste encore – je crains, une majorité – pour s’en moquer, ou plutôt pour ne pas voir ce qu’est le réel en dehors de chez eux. Ils s’empressent de fermer la porte pour se retirer dans leurs « affaires ». Ils sont en dehors de la tragédie du monde sauf lorsqu’elle les touche ou sembler les menacer. En étant dans leur monde, ils sont en quelque sorte nulle part. Certains, peut-être, s’en sont un moment soucié, mais ont vite décroché – oui c’est usant de maintenir l’attention dans une société qui vise à la disperser. Et la « fatigue » de la Syrie – comme de l’Ukraine, du Soudan, du Yémen, etc. – l’emporte. « Il faut tenter de vivre ». Oui, certes… Voilà les aveugles.</p>
<p>Variante : il en reste encore pour qui le divertissement et la futilité sont plus importants que le reste – et ils préfèrent le n’importe quoi. C’est ce que Castoriadis désignait par la « montée de l’insignifiance ». Il en est pour considérer avec plus d’importance les informations sportives, les caniveaux locaux ou les petites phrases. La prédominance du crétin, pour reprendre le titre du livre de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Franco_Lucentini">Fruttero et Lucentini</a>, est le lot commun – aussi inquiétante qu’insupportable. Comment « tolérer » que le propos d’un animateur auto-adulateur de sa stupidité devienne sur les réseaux sociaux incommensurablement plus importante que les massacres d’Alep, de Homs ou de <a href="http://www.lemonde.fr/syrie/article/2016/08/26/le-regime-syrien-reprend-daraya-symbole-de-la-revolte_4988443_1618247.html">Daraya</a> ? La débilité est indécente à l’heure du crime, autant que les plaisirs de l’arrière lorsque le gaz moutarde asphyxiait les tranchées de la Grande Guerre. Voilà les idiots.</p>
<p>D’autres enfin voient, savent et, comme on dit, analysent. Ils vous disent déjà, en premier lieu, que c’est la « nature » de la guerre, que l’émotion et la compassion sont mauvaises conseillères, que, oui, le tragique habite le monde et qu’il faut « prendre le temps » de l’analyse – et que chaque heure rime avec des dizaines de suppliciés fait finalement leur affaire.</p>
<p>Or, le n’importe quoi entretenu de l’absence de pensée, <a href="http://kurultay.fr/blog/?p=940">déjà bien dénoncée</a> par Jean-Marc Lafon, tue. Car toute cette retenue polie devient vide immonde. Elle a un scolie : la désinformation qui emprunte quatre canaux rhétoriques.</p>
<p>Les révisionnistes, d’abord, vous parleront de l’État islamique, de la responsabilité des États-Unis dans sa montée (que ni Assad ni Poutine ne l’aient vraiment combattu, au contraire, ne les gênera pas), de l’importance de défendre d’abord la laïcité, des minorités (surtout chrétiennes) – qu’une partie ait été massacrée par Assad ne sera d’ailleurs à leurs yeux qu’un « détail » de l’histoire.</p>
<p>Les distracteurs, ensuite, vous demanderont d’abord de parler des horreurs (réelles) commises par l’Arabie saoudite au Yémen, des bombardements (inqualifiables) sur Gaza (suit parfois une digression un peu plus large sur l’État hébreu, son influence, l’exploitation de la Shoah, etc.), du chaos libyen (à éviter naturellement – ce qui signifie pour eux « Assad ou le chaos ») et, certainement, de la guerre du Vietnam.</p>
<p>Les relativistes, quant à eux, demanderont une vision équilibrée, rediront que la réalité n’est jamais blanche ou noire, évoqueront des responsabilités (toujours) partagées, déploreront l’exagération habituelle des médias, invoqueront la nécessité de ne pas voir la Syrie – le Moyen-Orient en général, mais aussi la Chine, l’Ouzbékistan, etc. – avec des lunettes occidentales (lire droits-de-l’hommistes), signaleront la chiffrage compliqué des victimes, les risques encourus par les Alaouites si… la nécessité de prendre en compte le point de vue de l’autre (la légitime défense du régime qui attaque à l’arme lourde et torture en prison des manifestants pacifiques qui demandent de manière irresponsable plus de démocratie).</p>
<p>Les généralistes, enfin, partiront dans de <a href="http://www.liberation.fr/debats/2016/08/16/le-guide-d-une-geopolitique-de-comptoir_1472810">grandes considérations librement inspirées de Bouvard et Pécuchet</a> et bien mises en valeur récemment par Bruno Tertrais, sur l’impossibilité de se passer de la Russie – tiens, de ses crimes de guerre aussi ! –, des rivalités des grandes puissances qui font du Moyen-Orient une poudrière, de l’Orient compliqué, de l’islamisme en général (et notamment de la division en sunnites et chiites, du respect indispensable de la démocratie et donc de la possibilité pour les Syriens de choisir leurs dirigeants (d’ailleurs Assad a été élu avec plus de 88,7 % des voix en 2014…), de l’échec général des printemps arabes, de la responsabilité (historique nécessairement) des <a href="http://www.rfi.fr/moyen-orient/20160516-accords-sykes-picot-redessinaient-moyen-orient-syrie-irak-siecle">accords Sykes-Picot</a>, etc.</p>
<p>À tout cela, évidemment, il a été répondu mille fois, par des faits fondés sur des connaissances, par des reportages de première main, en un mot par la vérité. Qu’à cela ne tienne : dès qu’il faut justifier un massacre – environ <a href="http://www.nytimes.com/2016/02/12/world/middleeast/death-toll-from-war-in-syria-now-470000-group-finds.html">500 000 morts en un peu plus de cinq ans</a> –, qu’il faut promouvoir le dirigeant d’un pays qui ne connaît <a href="http://foreignpolicy.com/2016/09/29/putin-is-playing-by-chechen-rules-in-aleppo-syria-russia/?utm_content=buffere3460&utm_medium=social&utm_source=twitter.com&utm_campaign=buffer">aucune limitation dans l’usage de la force brute depuis Grozny</a> et présenter ses crimes comme le combat pour la défense de l’Occident, la vérité n’est qu’un subterfuge de l’ennemi. Exécutons donc la vérité comme ces terroristes au visage de bébé ou de jeune enfant, jouant au ballon dans une cour, penchés sur un livre dans une cave à peine éclairée ou blottis encore dans leur lit – explosés ensuite dans le vacarme d’une bombe à sous-munitions ou soufflés par le phosphore blanc. Comme ces enfants, nécessairement terroristes en herbe, la vérité mérite le peloton.</p>
<p>Ceux-là, ce sont les salauds.</p>
<p>Ils ne méritent pas notre silence. Surtout, notre voix doit être plus forte.</p>
<h2>Mort de la communauté démocratique</h2>
<p>Il avait été dit, non sans raison, que ce qu’on appelle par commodité la <a href="https://www.project-syndicate.org/commentary/the-broken-tools-of-global-cooperation-by-richard-n--haass?barrier=true">communauté internationale</a> n’existait pas. J’avais pu moi-même prévoir, il y a six ans, l’<a href="http://www.xerficanal-economie.com/emission/Nicolas-Tenzer-Le-monde-a-l-horizon-2030_69.html">érosion progressive des organisations internationales de type politique</a>. Pour aller vite, ces deux mouvements peuvent s’expliquer par la renationalisation des stratégies de politique extérieure, l’affaiblissement des valeurs partagées au sein de ces institutions et l’avènement de qu’on a appelé le <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/G-Zero_world">G-Zéro</a>, autrement dit l’absence de directoire mondial et l’incapacité de la seule puissance universelle par son déploiement militaire, les États-Unis, d’assumer son rôle. La lâcheté de Washington en Syrie fait presque ainsi figure de prophétie auto-réalisatrice : l’<a href="http://www.ledevoir.com/international/etats-unis/462804/le-grand-renoncement-ou-les-etats-unis-face-au-genocide-syrien">histoire (universelle) américaine s’arrête à Alep</a>.</p>
<p>Or, ce manque de « communauté » internationale n’est jamais que le décalque de ce qui semble pouvoir fonder une communauté tout court – ici une communauté de valeurs. Revenons à l’évidence – évidence du crime. Celle-ci n’est possible que dans un monde</p>
<ul>
<li><p>qui respecte la vérité et sans doute la cherche ;</p></li>
<li><p>qui a globalement une perception à peu près analogue du bien et du mal ou, pour le moins, pour citer à nouveau Arendt, pour laquelle les notions de bien et de mal ont une signification ;</p></li>
<li><p>qui distingue l’essentiel de l’accessoire ;</p></li>
<li><p>qui communie dans les mêmes émotions ;</p></li>
<li><p>qui dissocie les valeurs et les intérêts, autrement dit pense les premières à l’échelle de l’universel.</p></li>
</ul>
<p>La principale difficulté, ici, est de tenir ensemble ces cinq propositions. À elles cinq, elles forment le substrat de ce que j’appellerais la communauté démocratique. La réaction devant les crimes syriens me paraît confirmer la fragilité d’une telle communauté.</p>
<p>Ils révèlent une relative indifférence devant la vérité qui, là comme ailleurs, renforce la capacité d’intrusion de la propagande, un relativisme accru en matière de bien et de mal – « Ah oui, des civils sont tués en grand nombre, mais au bout du compte c’est pour nous protéger » –, une absence de hiérarchie dans la perception des faits – échange conflit en Syrie contre émission de télé-réalité –, une absence de communion dans ce qui littéralement nous « injurie » – les victimes françaises des attentats, oui, mais on ne peut pas souffrir aussi pour un enfant syrien – qui rend incompréhensible, car non « éprouvée », la figure de l’universel.</p>
<p>Et là, faute d’expérience vécue de la souffrance, l’absence de blessure personnelle infligée par ces corps syriens, ce qui pourrait figurer une communauté politique devient impensable.</p>
<p>Devenant telle, elle instille le relativisme au sein même du droit, rend secondaire le crime contre l’humanité et banalise la violence extrême. C’est ainsi que nous préparons l’avenir.</p>
<p>Et de cela nous devons sans cesse parler, car c’est politique – et vital.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/66342/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Tenzer est président du Centre d'étude et de réflexion pour l'action politique (CERAP), un think tank français neutre politiquement et indépendant de tout parti et groupe d'intérêts, et directeur de la revue Le Banquet.</span></em></p>Après des semaines d'intenses bombardements, le régime de Damas va remporter la victoire à Alep. Face à l’impuissance affichée par la « communauté internationale », il ne faut surtout pas se résigner.Nicolas Tenzer, Chargé d'enseignement International Public Affairs, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/527762016-01-06T05:40:21Z2016-01-06T05:40:21ZArabie saoudite–Iran : de la guerre par procuration à la guerre des mots<p>Depuis que l’Arabie saoudite a exécuté le dignitaire chiite Nimr al-Nimr pour « incitation au terrorisme », les tensions entre Téhéran et Riyad n’ont cessé de s’aggraver. L’<a href="http://www.nytimes.com/2016/01/03/world/middleeast/saudi-arabia-executes-47-sheikh-nimr-shiite-cleric.html?_r=0">ambassade saoudienne</a> a été mise à sac par des manifestants dans la capitale iranienne. Riyad a rompu ses relations diplomatiques avec Téhéran, bientôt imité par des <a href="http://www.bbc.co.uk/news/world-middle-east-35222365">alliés fidèles</a> de la monarchie saoudienne – les Émirats arabes unis, Barheïn et le Soudan – à la suite de la menace proférée par l’Iran d’une <a href="http://www.cnbc.com/2016/01/03/iran-sees-divine-vengeance-after-saudis-execute-shiite-cleric.html">« vengeance divine »</a> qui s’abattrait sur Riyad en représailles à cette exécution.</p>
<p>Le président iranien, Hassan Rohani, a condamné ceux qui ont saccagé l’ambassade, tout en critiquant l’attitude du gouvernement saoudien qu’il a <a href="http://www.theguardian.com/world/2016/jan/03/saudi-execution-call-for-west-to-condemn-killing-of-shia-cleric">accusé</a>d’avoir « abîmé son image comme jamais sur la scène internationale, notamment au sein du monde islamique, en raison de cet acte contraire à l’islam ».</p>
<p>Les motifs qui ont conduit à l’exécution du cheikh Nimr – accusé d’être « un agent de l’étranger » – sont connus. Ce dignitaire chiite, qui a séjourné en Iran et en Syrie, ne ménageait pas ses critiques à l’encontre de la maison des Saoud. Il a joué un rôle prépondérant dans<a href="http://www.bbc.co.uk/news/world-middle-east-27619309">les émeutes qui ont éclaté en 2011</a> dans l’est du pays, à dominante chiite.</p>
<p>Mais au-delà de ce cas spécifique, les problèmes entre les deux pays ne datent pas d’aujourd’hui. Leurs relations sont tendues depuis l’instauration de la République islamique suite à la <a href="http://www.aljazeera.com/indepth/features/2014/01/iran-1979-revolution-shook-world-2014121134227652609.html">révolution de 1979</a>, qui a ajouté une compétition d’ordre religieux à une rivalité accrue pour le leadership régional.</p>
<p>Depuis lors, les gouvernements sunnites des pays du Golfe s’inquiètent de la capacité des Iraniens à manipuler les populations chiites de la région, souvent assimilées à une « cinquième colonne ». Le roi Adbdallah de Jordanie est sans doute celui qui a exprimé le plus clairement ce soupçon en évoquant, dès 2004, l’existence d’un <a href="https://www.opendemocracy.net/ranj-alaaldin/shia-crescent-selffulfilling-prophecy">« croissant chiite »</a> allant de l’Iran au Liban, situé dans la sphère d’influence de Téhéran.</p>
<p>Cette angoisse a été nourrie par la complicité active des Iraniens dans une série d’actes subversifs, parmi lesquels on peut citer : <a href="http://fpc.org.uk/fsblob/1496.pdf">une tentative de coup d’État</a> à Barheïn en 1981, une tentative d’assassinat de l’émir du Koweït en 1985 ou encore l’installation, deux ans plus tard, d’une <a href="http://english.alarabiya.net/en/views/news/middle-east/2015/10/01/Hezbollah-al-Hejaz-A-story-not-yet-written.html">franchise du Hezbollah</a> dans la région du Hedjaz, dans l’ouest de l’Arabie saoudite.</p>
<p>Cette peur est à l’origine des <a href="http://fpc.org.uk/fsblob/1614.pdf">guerres par procuration</a> auxquelles se sont livrées l’Arabie saoudite et l’Iran durant ces dernières années, mais aussi d’une compétition accrue entre les deux pays dans les pays où l’ordre politique traditionnel s’est effondré.</p>
<h2>L’ennemi de mon ennemi</h2>
<p><a href="http://www.independent.co.uk/news/world/middle-east/the-shia-are-in-power-in-iraq-but-not-in-control-8523280.html">Un gouvernement chiite</a> a été établi en Irak après la chute de Saddam Hussein. Sous l’autorité du <a href="http://www.bbc.co.uk/news/world-middle-east-11733715">Premier ministre Nouri al-Maliki</a>, les sunnites ont été marginalisés et persécutés en Irak. Une répression qui a nourri les rangs de l’État islamique, dont de nombreux officiers et combattants sont des sunnites <a href="https://www.globalpolicy.org/component/content/article/168/36306.html">victimes de purges</a> au sein de l’armée irakienne entraînée par les États-Unis. Mais cette politique n’a pas eu pour seul effet que d’alimenter une haine et une forte suspicion mutuelles, elle a permis à l’Iran de <a href="http://www.theguardian.com/world/2015/may/18/irans-state-within-state-in-iraq-shia">s’implanter durablement</a> en Irak, au grand dam de Riyad.</p>
<p>À Barheïn, <a href="http://www.mofa.gov.bh/AboutBahrain/Goverment/HMtheKing/tabid/137/language/en-US/Default.aspx">la monarchie al-Khalifa</a>, émanation de la minorité sunnite, gouverne la majorité chiite. Les liens tissés entre les Saoudiens et la monarchie al-Khalifa sont profonds. Du fait de la proximité entre Barheïn et la province orientale de l’Arabie saoudite, reliés par une route de 25 km, <a href="http://www.bbc.co.uk/news/blogs-news-from-elsewhere-26341129">« la route du roi Fahd »</a>, Riyad se montre extrêmement attentif à la préservation de la stabilité chez son voisin.</p>
<p>En Irak comme ailleurs, la moindre avancée dont bénéficient les chiites est perçue en Arabie saoudite comme un succès des Iraniens. Or, Riyad a tracé des lignes rouge on ne peut plus claires pour limiter toute concession à la majorité religieuse chez son voisin. En 2011, lors des manifestations pro-démocratiques qui se sont déroulées à Manama, la capitale de Barheïn, une force militaire mandatée par le <a href="https://www.alarabiya.net/articles/2011/03/14/141445.html">Conseil de coopération du Golfe</a> et emmenée par l’Arabie saoudite a aidé à étouffer la contestation.</p>
<h2>Du Yémen à la Syrie</h2>
<p><a href="https://theconversation.com/how-saudi-arabia-got-its-yemen-campaign-so-wrong-45664">Au Yémen</a>, l’Arabie saoudite a pris la tête d’une coalition de pays arabes pour tenter d’anéantir, à coups de <a href="https://theconversation.com/saudi-air-strikes-yemen-has-been-in-a-downward-spiral-ever-since-the-arab-spring-39269">bombardements aériens</a>, le mouvement rebelle des séparatistes Houthis (chiites), qui a poussé les dirigeants du pays à l’exil. Riyad est en effet convaincu de l’implication de Téhéran dans ce mouvement.</p>
<p>Ce conflit a déjà fait des <a href="http://www.reuters.com/article/us-yemen-security-un-idUSKBN0U51V720151222">milliers de morts civils</a>, mais l’Arabie saoudite n’en a cure. Sur place, la situation est rendue inextricable par la présence d’une multiplicité d’acteurs en concurrence pour le pouvoir, parmi lesquels figure al-Qaeda dans la péninsule arabique (AQPA), <a href="http://www.theguardian.com/world/2016/jan/04/yemen-declares-curfew-in-aden-as-government-forces-retake-strategic-port?CMP=twt_gu">l’une des plus anciennes et des plus puissantes filiales d’Al-Qaeda</a>.</p>
<p>Enfin, on ne saurait oublier la guerre par procuration la plus sanglante opposant Riyad à Téhéran : le conflit en Syrie, où les deux pays soutiennent des acteurs rivaux dans cette lutte sans merci qui a déjà fait entre <a href="http://www.ibtimes.com/syrias-civilian-death-toll-number-isis-victims-2015-much-less-assad-regime-inflicted-2242839">250 000 et 300 000 morts</a> et provoqué le <a href="http://www.unhcr.org/pages/49e486a76.html">déplacement de 11 millions d’autres</a>…</p>
<p>En 2011, l’éclosion de mouvements de protestation à travers toute la région a fourni l’occasion tant attendue par l’Arabie saoudite de ramener une Syrie soutenue depuis des années par Téhéran dans le « giron arabe ». Pour ce faire, Riyad n’a pas hésité à soutenir un certain nombre de groupes en lutte violente avec le régime, dont la plupart restent aujourd’hui en guerre contre Damas. Mais, grâce au <a href="http://foreignpolicy.com/2012/09/21/what-is-iran-doing-in-syria/">soutien de l’Iran</a>, conjugué à celui reçu du Hezbollah libanais, un autre <a href="http://www.haaretz.com/opinion/.premium-1.680180">allié de Téhéran,</a> Bachar al-Assad est parvenu à redresser son pouvoir.</p>
<p>Dans ce contexte, l’explosion de colère suscitée en Iran par les exécutions du 2 janvier est des plus préoccupantes. Elle prospère sur des décennies de méfiance mutuelle et de multiples guerres par procuration. Et alors qu’une rhétorique fielleuse continue de s’envenimer de part et d’autre, ce sont bien les peuples pris en tenailles dans un écheveau de conflits par procuration en Syrie, au Yémen, en Irak, à Barheïn et au Liban qui continuent d’en payer le prix fort.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/52776/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Simon Mabon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les tensions virulentes entre Riyad et Téhéran sont le dernier avatar d’une rivalité à la fois religieuse et géopolitique qui n’a jamais cessé depuis l’instauration de la Révolution islamique en 1979.Simon Mabon, Lecturer in International Relations, Lancaster UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/508782015-11-18T05:39:26Z2015-11-18T05:39:26ZContre Daech, l’introuvable coalition<p>Trois jours après les attentats, le président de la République et chef des Armées, <a href="http://www.elysee.fr/declarations/article/discours-du-president-de-la-republique-devant-le-parlement-reuni-en-congres-3/">François Hollande</a>, a détaillé la riposte que la France entendait mener sur plusieurs fronts. Paris veut mobiliser tous azimuts ses partenaires, notamment européens, pour intensifier la lutte contre Daech. Mais cet effort, pour louable et nécessaire qu’il soit, risque de se heurter aux agendas et intérêts contradictoires des puissances régionales, acteurs clés du règlement de la crise syrienne.</p>
<h2>Quelle alliance contre Daech ?</h2>
<p>Les événements majeurs, tels les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis ou ceux de janvier dernier à Paris, constituent une occasion – certes tragique mais bien réelle – de faire bouger les lignes du point de vue diplomatique. Paris essaie d’exploiter l’élan naturel de solidarité en provenance de différentes parties du monde. Cet élan offre la possibilité de constituer une coalition politique et militaire, dont la priorité serait la lutte contre Daech.</p>
<p>Mais le chemin pour atteindre cet objectif sera long, car les principaux acteurs concernés ont des intérêts contradictoires. Prenons le <a href="http://www.huffingtonpost.fr/2015/11/17/syrie-russie-france-poutine-hollande-daech_n_8582772.html">cas de la Russie</a> : va-t-elle faire des concessions concernant le sort de Bachar al-Assad, et s’insérer dans une coalition se concentrant sur Daech et non plus sur l’opposition au régime de Damas (comme cela a été le cas pour l’essentiel jusqu’ici) ? À quels ajustements la Turquie, l’Iran, les pays du Golfe vont-ils procéder ?</p>
<p>Même si la France ne fait plus du <a href="http://www.liberation.fr/planete/2015/11/16/al-assad-passe-au-second-plan_1413969">départ de Bachar al-Assad</a> un préalable, la mise en place d’une coalition « large et unique », selon le souhait exprimé par François Hollande, prendra du temps. À cet égard, le premier test sera le vote d’une résolution du Conseil de sécurité voulu par Paris. S’agira-t-il d’une simple pétition de principe ou le texte donnera-t-il réellement une légitimité internationale et juridique à la future coalition contre Daech ?</p>
<h2>Quid d’une présence de troupes étrangères ?</h2>
<p>En réalité, elles sont déjà à pied d’oeuvre : les Occidentaux ont envoyé des forces spéciales et des conseillers militaires auprès des forces kurdes et du gouvernement irakien. Mais ce ne sont pas des forces combattantes en tant que telles. L’essentiel des troupes présentes face à Daech sont composées de soldats du gouvernement de Bagdad, des Kurdes (en Irak ou en Syrie), des troupes de l’opposition syrienne et celles du régime de Damas (soutenues par des renforts du Hezbollah et des gardiens de la révolution iraniens, et sans doute quelques conseillers russes). Il s’agit donc d’un groupe extrêmement disparate et regroupant des acteurs eux-mêmes en conflit, du moins en Syrie.</p>
<p>Sur le plan militaire, il est indiscutable que la guerre se gagne au sol. Mais faut-il occuper le nord de l’Irak et de la Syrie ? L’intervention américaine en Irak, en 2003, incite à la prudence : elle a en effet <em>in fine</em> favorisé l’émergence de mouvements radicaux. La solution passe en réalité par la montée en puissance des acteurs locaux et la mobilisation des puissances régionales arabes, plutôt que par une intervention terrestre occidentale qui risquerait d’être immédiatement assimilée à une nouvelle opération des « croisés » au Moyen-Orient. Par ailleurs, il n’est pas politiquement souhaitable de mettre en place une forme de coordination avec le régime d’Assad, laquelle ne ferait qu’attiser la propagande de Daech sur la « duplicité » des Occidentaux.</p>
<h2>Quel rôle pour les Européens ?</h2>
<p>Paris a décidé de recourir à l’outil de solidarité contenu dans le Traité de Lisbonne – <a href="http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/11/16/francois-hollande-peut-il-contraindre-les-autres-pays-europeens-a-porter-assistance-a-la-france_4811308_4355770.html">l’article 42-7</a> plutôt que l’article V du Traité de l’Atlantique-Nord. Ce choix est doublement politique.</p>
<p>Premièrement, Paris fait traditionnellement montre d’une grande prudence vis-à-vis de l’OTAN. Il ne faudrait pas laisser entendre que la France aurait besoin des États-Unis (via l’Alliance atlantique) et ne serait pas totalement souveraine… Ce qui est en jeu ici, c’est avant tout un choix d’affichage motivé par des raisons de politique intérieure.</p>
<p>Deuxièmement, se tourner vers l’UE fait davantage partie de l’ADN de la diplomatie française, tout en répondant à la volonté de mobiliser les Européens trop absents de la gestion des crises liées au terrorisme international et aux questions de sécurité internationale. Avec quelles conséquences concrètes ? Au-delà d’une expression unanime de solidarité avec la France, il est peu probable que l’UE participe activement à la coalition contre Daech.</p>
<h2>Le clivage indépassable chiites-sunnites</h2>
<p>Quoi qu’il arrive, <a href="https://theconversation.com/le-levant-a-la-merci-du-grand-jeu-des-puissances-48406">ce clivage</a> survivra à Daech, même si l’État islamique devenait un groupe de second rang, comme Al-Qaeda aujourd’hui. L’engagement de l’Iran sur le terrain pose de nombreux problèmes. La forte présence de combattants iraniens et du Hezbollah libanais aux côtés du régime de Bachar al-Assad a contribué à l’essor de Daech, qui se présente comme le protecteur des sunnites en Irak et en Syrie. C’est pour cette raison, précisément, que les pays arabes sunnites sont les plus légitimes pour mener une opération terrestre.</p>
<p>Les attentats commis à Beyrouth, contre l’avion russe en Égypte, puis à Paris semblent attester d’un changement de stratégie du côté de Daech qui multiplie les opérations à l’extérieur de sa zone d’action. Il faut remonter aux attentats sanglants de Madrid, en 2005, pour déplorer un tel carnage. Cette inflexion tactique majeure a lieu alors que Daech donne des <a href="http://www.nytimes.com/2015/11/17/opinion/les-attentats-a-paris-revelent-les-limites-de-daesh.html?_r=0">signes de faiblesse</a> sur le terrain, qu’il apparaît sur la défensive. L’EI a en effet perdu le contrôle de Sinjar, qui assurait la continuité territoriale sur l’axe Rakka (en Syrie) et Mossoul (Irak). Dès lors, Daech n’est plus en mesure d’assurer ses fonctions de proto-État. À cet égard, les attentats de Paris sont sans doute une façon de mettre en scène sa capacité à monter des opérations complexes qui frappent l’imagination, alors même que l’organisation perd du terrain au plan militaire au Levant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/50878/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Camille Grand est le directeur de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). La FRS reçoit des financements du gouvernement et de l’Union européenne.</span></em></p>Après le choc des attentats du 13 novembre, la France veut mobiliser tous azimuts ses partenaires pour intensifier la lutte contre Daech. Mais le succès de cette entreprise est hautement aléatoire.Camille Grand, Directeur, Fondation pour la recherche stratégique et Associate lecturer, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/484062015-09-30T15:16:46Z2015-09-30T15:16:46ZLe Levant à la merci du « grand jeu » des puissances<p>Depuis les printemps arabes de 2011, la crise syrienne et l’émergence de Daech en Irak, puis en Syrie, ont accéléré un processus de transformation profonde du Moyen-Orient. Celui-ci a affecté non seulement ces deux pays, mais aussi les États voisins, dans un phénomène de décomposition/recomposition d’un ordre centenaire, construit pour l’essentiel à la fin de l’Empire ottoman. Un phénomène souvent décrit, de manière un peu simplifiée, comme la fin des accords Sykes-Picot (du nom des deux diplomates – britannique et français – qui ont dessiné en 1916 la carte du Proche-Orient).</p>
<p>Face à cette évolution rapide et brutale du système, les puissances – régionales et globales – semblent avoir le plus grand mal à construire un agenda de sortie de crise à même d’offrir quelques perspectives de stabilité au Moyen-Orient. Au-delà des rivalités parfois séculaires et des antagonismes régionaux et sectaires qui se superposent, il est frappant de constater à quel point ces différentes puissances ne partagent, en réalité, que peu d’objectifs stratégiques communs hormis la lutte affichée contre l’emprise de Daech sur une part croissante du Levant.</p>
<p>Les États-Unis sont apparus longtemps hésitants à s’engager aux côtés de la rébellion syrienne. Après avoir renoncé, en août 2013, à sanctionner militairement l’emploi d’armes chimiques par Bachar al-Assad, ils ont pris un an plus tard la tête d’une coalition à géométrie variable, destinée à endiguer l’expansion de Daech par des frappes aériennes et l’envoi de conseillers. Sans pour autant déployer de forces terrestres.</p>
<h2>Stratégie d’endiguement</h2>
<p>Or cette coalition manque cruellement de troupes fiables au sol dans la mesure où les forces irakiennes – à dominante chiite – pâtissent d’un défaut de combativité et, surtout, de légitimité en zone sunnite. Par ailleurs, l’opposition « modérée » à Bachar al-Assad, divisée et prise en tenaille entre les attaques du régime, et celles de Daech, peine à exister militairement en Syrie. Enfin, les Kurdes se cantonnent – logiquement – à la défense de leurs zones en Irak et en Syrie.</p>
<p>L’objectif affiché de Barack Obama – « degrade and ultimately destroy » (« affaiblir et à la fin détruire ») l’État islamique – semble loin d’être atteint, et la stratégie américaine s’apparente de plus en plus à une stratégie d’endiguement. Plus grave, la diplomatie américaine, tout en rêvant parfois à une recomposition des alliances au Moyen-Orient, a oscillé : elle est passée de la critique virulente d’Assad à la priorité accordée à la lutte contre Daech. Ces allers-retours laissent les Alliés et partenaires de Washington parfois perplexes.</p>
<p>Par la force des choses et compte tenu du poids militaire dominant des États-Unis dans la coalition, leurs alliés occidentaux – France et Royaume-Uni en tête – suivent, bon an mal an, ces évolutions américaines et ajustent eux-mêmes leurs priorités dans un contexte où la réalité des menaces terroristes sur l’Europe et la crise des migrants dominent actuellement l’agenda au Moyen-Orient.</p>
<h2>Foch et Napoléon</h2>
<p>Si Londres ou Paris n’ont pas renoncé au départ de Bachar al-Assad du pouvoir, les Européens ont cessé d’en faire un préalable et de mettre Daech et le régime de Damas sur le même plan. Certains se félicitent d’un réalisme retrouvé ouvrant la voie à un compromis. Mais d’autres y voient plus qu’une faute morale, une faute politique, dans la mesure où le maintien au pouvoir du dictateur syrien n’offre guère d’autres avantages que l’illusion d’un État syrien à la légitimité détruite par quatre années d’atrocités.</p>
<p>Les autres alliés et partenaires régionaux des États-Unis poursuivent leur propre agenda. L’engagement tardif de la Turquie contre Daech après des mois d’ambigüité, voire de complicité passive, semble avoir pour principal but d’empêcher l’émergence d’un Kurdistan syrien autonome dans le contexte d’une fuite en avant autoritaire et nationaliste du président Erdogan. Les monarchies du Golfe participent a minima aux frappes de la coalition contre Daech, mais semblent davantage préoccupées par l’influence croissante de l’Iran et le rapprochement esquissé entre Téhéran et Washington.</p>
<p>Le Maréchal Foch affirmait être moins admiratif de Napoléon après avoir commandé une coalition pendant la Grande Guerre. Il est clair que la coalition anti-Daech manque singulièrement d’objectifs partagés et d’unité de vue sur les buts de guerre. Même au plan militaire, elle fonctionne à géométrie variable.</p>
<h2>La Russie et l’Iran, partenaires indéfectibles de Damas</h2>
<p>Dans ce contexte, la Russie joue sa partition avec une efficacité et un cynisme redoutables. Vladimir Poutine met d’abord en avant la cohérence dans la durée de sa position : soutien au régime de Damas dont la légitimité doit être préservée, refus des changements de régime par la force et priorité donnée à la lutte contre les « terroristes », mêlant dans un même ensemble Daech et l’opposition – modérée ou non – à Bachar El Assad.</p>
<p>Cette politique répond aux intérêts stratégiques russes, dont la préservation de l’influence et de la présence en Syrie, notamment de la base navale de Tartous, et la lutte contre les nombreux combattants étrangers de nationalité russe (Tchétchènes, Daghestanais) au sein de l’État islamique. Ce soutien à Bachar al-Assad s’est manifesté par un appui diplomatique passant par plusieurs vetos au Conseil de sécurité des Nations unies, par un flot d’armes ininterrompu et, plus récemment, par le déploiement d’avions de combat et de quelques troupes au sol à Lattaquié.</p>
<p>Enfin, l’Iran apparaît comme le partenaire indéfectible du régime syrien et l’acteur clef de la région : plus influent en Syrie que la Russie et plus influent en Irak que les États-Unis. Téhéran est prêt à financer le régime syrien et les milices irakiennes, à envoyer conseillers et troupes issues du Hezbollah ou des Gardiens de la révolution.</p>
<p>Si l’Iran partage avec Moscou l’objectif de maintenir Bachar al-Assad au pouvoir coûte que coûte, son approche sectaire privilégie à Bagdad et à Damas des régimes contrôlés par les Chiites (ou leur variante alaouite), permettant ainsi à la République islamique de consolider son influence jusqu’aux rivages de la Méditerranée. <a href="http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2015/07/15/l-accord-avec-l-iran-bouleverse-l-equilibre-regional_4683811_3218.html">L’accord nucléaire du 14 juillet 2014</a> a bien permis un rapprochement avec les Occidentaux, mais là aussi, les objectifs stratégiques semblent encore fort éloignés.</p>
<h2>La guerre de Trente Ans</h2>
<p>Ce tableau montre à quel point le jeu des puissances au Moyen-Orient est incompatible avec l’idée poussée par Vladimir Poutine d’une grande coalition luttant contre Daech. Derrière cet objectif tactique – en apparence partagé – de contenir et d’éliminer Daech, la réalité des divergences stratégiques entre les puissances rend illusoire aujourd’hui tout accord politique.</p>
<p>À défaut d’un consensus minimal entre tous ces acteurs autour de quelques principes simples (transition politique en Syrie, maintien d’États multiconfessionnels et pluriethniques, maintien des frontières), l’hypothèse de référence reste hélas la poursuite d’un conflit d’une extrême violence qui, plus que jamais, appelle deux images dramatiques. Tout d’abord, la guerre de Trente Ans, qui a laissé l’Europe germanique exsangue et conduit à une recomposition des frontières politiques et religieuses du continent après trois décennies de conflit barbare. Mais aussi les « terres de sang », décrites par <a href="http://www.laviedesidees.fr/Timothy-Snyder-et-ses-critiques.html">Timothy Snyder</a> qui ont vu un espace réduit en Europe orientale concentrer, pendant trois décennies, un déchaînement de violence sans précédent et des massacres de masse.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/48406/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Camille Grand is affiliated with the Fondation pour la recherche stratégique, a defence and security think tank, as director. The Fondation pour la recherche stratégique receives funding from the French governement, and the European Union. </span></em></p>Depuis les printemps arabes de 2011, la crise syrienne et l’émergence de Daech en Irak, puis en Syrie, ont accéléré un processus de transformation profonde du Moyen-Orient. Celui-ci a affecté non seulement…Camille Grand, Directeur, Fondation pour la recherche stratégique et Associate lecturer, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.