tag:theconversation.com,2011:/us/topics/insecurite-alimentaire-25618/articlesinsécurité alimentaire – The Conversation2023-11-29T14:37:28Ztag:theconversation.com,2011:article/2183052023-11-29T14:37:28Z2023-11-29T14:37:28ZUne alimentation culturellement adaptée pourrait paver la voie à la sécurité alimentaire dans l’Arctique canadien<p><a href="https://cdn.dal.ca/content/dam/dalhousie/pdf/sites/agri-food/30083%20Food%20Price%20Report%20FR%20-%20Digital.pdf">Avec l’augmentation du prix du panier d’épicerie</a>, la sécurité alimentaire devient une préoccupation de plus en plus importante pour les Canadiens. Cependant, <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/fr/pub/75-006-x/2023001/article/00013-fra.pdf">tout le monde n’est pas logé à la même enseigne</a> face à l’augmentation des coûts.</p>
<p>Dans l’Inuit Nunangat – le territoire des Inuits du nord canadien –, la situation est alarmante. En 2017, dans l’une des nations les plus riches du monde, <a href="https://www.itk.ca/wp-content/uploads/2021/07/ITK_Food-Security-Strategy-Report_French_PDF-Version.pdf">76 % de la population inuite a été confrontée à l’insécurité alimentaire</a>, une statistique sombre qui a probablement empiré en raison du contexte actuel du prix des aliments.</p>
<p>La question omniprésente de l’insécurité alimentaire chez les Inuits, qui est <a href="https://doi.org/10.1017/S1368980020000117">étroitement liée à des effets néfastes sur la nutrition et la santé mentale</a>, constitue l’une des crises de santé publique les plus persistantes et les plus graves auxquelles est confrontée une partie de la population canadienne. </p>
<p>Mais il existe des solutions. Des solutions qui incluent des systèmes alimentaires culturellement adaptés qui garantissent l’accès à des aliments abordables, nutritifs, sûrs et prisés. En outre, de nouvelles pistes de recherche axées sur les déterminants de la santé propre aux Inuits peuvent inspirer des mesures qui leur sont spécifiques pour prévenir l’apparition de maladies associées à l’alimentation et à l’insécurité alimentaire. </p>
<p>Le programme interdisciplinaire <a href="https://sentinellenord.ulaval.ca/fr/accueil">Sentinelle Nord</a> de l’Université Laval a récemment regroupé les connaissances de ses équipes de recherche pour offrir de nouvelles perspectives sur les <a href="https://sentinellenord.ulaval.ca/fr/compendium-de-recherche/sante-metabolique">liens entre la sécurité alimentaire, la nutrition et la santé métabolique</a>. L’intégration des connaissances de différentes disciplines est primordiale pour aborder les problèmes complexes tels que celui de l’insécurité alimentaire dans le Nord.</p>
<h2>Les enjeux de la sécurité alimentaire dans l’Arctique</h2>
<p>La sécurité alimentaire dans l’Arctique revêt plusieurs aspects et est liée à l’accès, à la disponibilité, à la sécurité et à la qualité des aliments traditionnels (aliments récoltés, chassés, pêchés et cueillis sur terre, dans les rivières, les lacs et la mer) et des aliments achetés en magasin.</p>
<p>Au cœur de cette complexité se trouvent les dynamiques économiques qui pèsent sur les communautés arctiques. La pauvreté monétaire, amplifiée par le coût élevé de la vie dans l’Arctique, est <a href="https://www.itk.ca/wp-content/uploads/2021/07/ITK_Food-Security-Strategy-Report_French_PDF-Version.pdf">l’un des principaux facteurs d’insécurité alimentaire chez les Inuits</a>. Le <a href="https://doi.org/10.1016/j.foodpol.2018.08.006">revenu individuel médian des Inuits (de 15 ans et plus) dans le nord du Canada</a> représente les deux tiers de celui de l’ensemble des Canadiens. Parallèlement, les prix des aliments achetés en magasin, ainsi que ceux d’autres biens et services, peuvent être deux à plusieurs fois plus élevés que dans d’autres régions du pays en raison des coûts de transport. </p>
<p>À ces contraintes économiques s’ajoutent les <a href="https://www.itk.ca/wp-content/uploads/2021/07/ITK_Food-Security-Strategy-Report_French_PDF-Version.pdf">forces implacables du changement climatique, qui transforment fondamentalement les systèmes alimentaires de subsistance dans le Nord</a>. </p>
<p>Avec le recul de la glace marine, le dégel du pergélisol et la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes, l’accès aux territoires de chasse et de pêche traditionnels devient de plus en plus difficile. De surcroît, l’abondance et la répartition des espèces animales et végétales, dont les communautés dépendent depuis des générations, se modifient. </p>
<p>Mais le changement climatique n’est pas le seul sujet de préoccupation.</p>
<p>L’Arctique, malgré sa situation géographique éloignée, n’est pas à l’abri des polluants mondiaux. Les contaminants provenant des zones plus méridionales atteignent en effet la région, transportés par les courants atmosphériques et océaniques. Parmi ceux-ci, notons par exemple les <a href="https://theconversation.com/canada-takes-first-step-to-regulate-toxic-forever-chemicals-but-is-it-enough-207288">« polluants éternels »</a>, un groupe de composés chimiques qui se décomposent très lentement et s’accumulent dans les aliments traditionnels dont les communautés dépendent pour leur subsistance. </p>
<p>Si les avantages nutritionnels et culturels de ces aliments restent importants, l’exposition aux contaminants environnementaux est très préoccupante pour la santé et le bien-être des Inuits.</p>
<p>Ces transformations écologiques mettent en péril à la fois l’intégrité de la chaîne d’approvisionnement alimentaire et les traditions mêmes qui sont à la base de l’identité culturelle des peuples autochtones de l’Arctique.</p>
<h2>L’importance de l’alimentation traditionnelle</h2>
<p>Les aliments prélevés sur le territoire contribuent de manière substantielle à la nutrition, à la santé et à la sécurité alimentaire des communautés inuites. </p>
<p>Le régime alimentaire traditionnel des Inuits se distingue par sa richesse en acides gras oméga-3, due en grande partie à la consommation élevée de poisson et d’aliments d’origine marine. Une <a href="https://doi.org/10.1080/19490976.2022.2120344">recherche récente</a> a établi un lien entre la consommation d’huile de poisson et la prolifération d’<em>Akkermansia muciniphila</em>, une bactérie intestinale dont on vante les mérites dans la lutte contre les maladies métaboliques telles que l’obésité, le diabète de type 2 et les affections cardiovasculaires.</p>
<p>Outre les ressources marines, l’Arctique offre une abondance de <a href="https://doi.org/10.1016/j.tem.2019.04.002">baies, riches en polyphénols bénéfiques pour la santé</a>. Ces <a href="https://doi.org/10.1002/9781119545958">composés agissent comme des antioxydants</a> essentiels pour neutraliser les molécules susceptibles d’endommager les cellules, de favoriser le vieillissement et de contribuer à diverses maladies. </p>
<p>Une autre recherche sur les <a href="https://doi.org/10.1007/s00125-017-4520-z">extraits polyphénoliques</a> de la chicouté, de la busserole alpine et de l’airelle rouge a révélé que ces trois baies présentent des effets bénéfiques sur la résistance à l’insuline, ainsi que sur les taux d’insuline chez un modèle murin. Ces résultats suggèrent que la consommation régulière de ces baies arctiques pourrait constituer une stratégie culturellement adaptée pour lutter contre l’inflammation et les troubles métaboliques associés.</p>
<p>En plus d’être de riches sources de nutriments essentiels, les <a href="https://www.itk.ca/wp-content/uploads/2021/07/ITK_Food-Security-Strategy-Report_French_PDF-Version.pdf">aliments traditionnels sont profondément ancrés dans le tissu social inuit, améliorant le bien-être mental et émotionnel, favorisant les liens communautaires et fortifiant l’héritage culturel</a>. Le processus de collecte, de préparation et de partage des aliments traditionnels est également lié à l’activité physique, à la santé mentale et au mieux-être. </p>
<p>Pourtant, malgré le rôle intégral de l’alimentation traditionnelle, de multiples facteurs – depuis les effets durables de la colonisation et du changement climatique jusqu’aux enjeux socio-économiques et aux préoccupations liées aux contaminants environnementaux – <a href="https://nrbhss.ca/sites/default/files/health_surveys/Food_Security_report_en.pdf">ont accéléré la transition vers une dépendance à l’égard des aliments du commerce</a>.</p>
<p>Alors que les <a href="https://doi.org/10.17269/s41997-022-00724-7">habitudes alimentaires occidentales gagnent du terrain</a> dans l’Arctique canadien, les <a href="https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/4395401">problèmes de santé tels que l’obésité, le diabète et les maladies cardiométaboliques sont en augmentation</a>. L’élaboration d’approches personnalisées tenant compte des modes de vie, de la génétique et des traditions alimentaires propres aux Inuits est essentielle pour mettre en place des stratégies ciblées visant à atténuer et à prévenir ces problèmes de santé de plus en plus fréquents. </p>
<h2>Des systèmes alimentaires culturellement adaptés</h2>
<p>En réponse aux enjeux pressants de l’insécurité alimentaire, les communautés autochtones du nord du Canada ont mis en place divers programmes. </p>
<p>Les <a href="https://doi.org/10.1111/cag.12872">programmes alimentaires communautaires destinés à remédier à l’insécurité alimentaire sévère sont courants</a>. Mais pour garantir la résilience, c’est l’ensemble du système qui doit être revu – les politiques gouvernementales, les programmes et les investissements monétaires. </p>
<p>Des programmes qui encouragent les jeunes à acquérir des connaissances et des compétences en matière de récolte d’aliments traditionnels, qui améliorent les infrastructures et le stockage des denrées alimentaires dans les communautés et qui permettent de fournir des aliments traditionnels dans un cadre institutionnel ne sont que quelques exemples parmi d’autres. Ainsi, une <a href="https://nunatsiaq.com/stories/article/city-of-iqaluit-provides-funding-boost-for-healthy-food/">allocation de la ville</a> permettra à près de 50 enfants d’une garderie d’Iqaluit de recevoir deux repas par jour pendant un an, des repas qui comprennent des aliments traditionnels.</p>
<p>Ces initiatives renforcent non seulement la sécurité alimentaire, mais défendent également la souveraineté alimentaire par le biais d’efforts menés et dirigés par les communautés.</p>
<p>Le parcours pour résoudre l’insécurité alimentaire est complexe et il n’existe pas de solution unique. Les projets qui intègrent les connaissances et les compétences locales à des recherches fondées sur des données probantes ont le potentiel de tracer une voie durable vers l’avenir. Il est essentiel de mobiliser ces travaux pour informer et façonner les politiques, afin de s’assurer que les progrès réalisés ne sont pas simplement des solutions temporaires, mais qu’ils s’inscrivent dans une stratégie globale visant à assurer une sécurité alimentaire durable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218305/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tiff-Annie Kenny reçoit des fonds des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), du Fonds pour les nouvelles frontières de la recherche (IRSC), du Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord, d'ArcticNet, du Fonds de recherche du Québec - Santé (FRQS), de Génome Canada et du ministère des Relations avec les Autochtones et des Affaires du Nord de la Couronne.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pascale Ropars ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’insécurité alimentaire est un problème particulièrement ressenti par les Inuits du nord du Canada. La solution pourrait passer par des systèmes alimentaires culturellement adaptés.Pascale Ropars, Researcher, Sentinel North, Université LavalTiff-Annie Kenny, Assistant professor, Département de médecine sociale et préventive, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2052522023-08-08T14:02:53Z2023-08-08T14:02:53ZUn revenu de base garanti pour un système alimentaire plus juste et plus durable<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/524926/original/file-20230508-40482-cjmogq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=36%2C18%2C3971%2C2975&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une agricultrice de la ferme urbaine Roots Community Food Centre, dans le nord-ouest de l'Ontario, récolte les courges Gete-Okosomin.</span> <span class="attribution"><span class="source">(C. Levkoe)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Le système alimentaire canadien <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/62f0014m/62f0014m2022014-fra.htm">subit des bouleversements constants</a>. Perturbations de la chaîne d’approvisionnement, inflation des prix et évènements météorologiques extrêmes sont en cause. </p>
<p>Évidemment, la population ressent les effets de ces tensions : en 2021, près de 16 % des ménages provinciaux ont <a href="https://proof.utoronto.ca/wp-content/uploads/2022/08/Household-Food-Insecurity-in-Canada-2021-PROOF.pdf">connu une certaine forme d’insécurité alimentaire</a>.</p>
<p>Des programmes fédéraux tels que la <a href="https://www.canada.ca/fr/services/prestations/ae/pcusc-application.html">Prestation canadienne d’urgence (PCU)</a> et le récent <a href="https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/nouvelles/2023/04/le-ministre-fraser-presente-les-investissements-du-budget-de-2023-pour-fournir-un-nouveau-remboursement-propose-pour-lepicerie.html">remboursement des épiceries</a> témoignent des interventions gouvernementales directes sur le revenu pour garantir l’équité en période d’urgence, y compris l’accès à la nourriture.</p>
<p>Il a été évoqué que ce <a href="https://theconversation.com/does-ottawas-grocery-rebate-signal-a-shift-to-a-broader-guaranteed-basic-income-203132">nouveau remboursement des épiceries</a>, qui a été distribué par le biais du système de crédit pour la taxe sur les produits et services (TPS/TVH), ouvrait la voie à l’atteinte d’un revenu de base garanti. </p>
<p>Or, un revenu de base garanti doit passer par des paiements réguliers, et non un remboursement ponctuel. </p>
<p>Un revenu de base garanti pourrait jouer un rôle clé dans la lutte contre <a href="https://www.northernpolicy.ca/upload/documents/publications/reports-new/tarasuk_big-and-food-insecurity-fr.pdf">l’insécurité alimentaire individuelle et familiale</a> chez les personnes les plus vulnérables. Et il permettrait de s’assurer que chacun puisse répondre à ses besoins de base avec dignité.</p>
<h2>Ce que disent les recherches</h2>
<p>Les groupes et réseaux en faveur d’un revenu de base au Canada s’entendent sur la mise en place d’une <a href="https://basicincomecoalition.ca/fr/qu-est-revenu-de-base/revenu-de-base-que-nous-voulons/">évaluation du revenu</a>, impliquant des transferts d’argent aux personnes dont les revenus sont inférieurs à un certain seuil.</p>
<p>En tant qu’experts en systèmes alimentaires durables, nous suggérons qu’un revenu de base garanti pourrait non seulement être un outil important pour aborder l’accès économique à l’alimentation, mais également pour soutenir la durabilité de l’ensemble du système alimentaire.</p>
<p>Nous nous appuyons sur nos recherches réalisées en collaboration avec <a href="https://basicincomecoalition.ca/fr/">Coalition Canada</a>, un réseau de groupes de défense du revenu de base. Nos recherches ont réuni des équipes interdisciplinaires de chercheurs et de professionnels pour <a href="https://basicincomecoalition.ca/en/actions/case-for-basic-income/">développer une série d’études de cas</a> examinant le revenu de base dans différents secteurs. Ces secteurs comprennent les arts, la finance, la santé, les municipalités et le système de justice pénale.</p>
<p>Notre travail s’est concentré sur les secteurs de <a href="https://basicincomecoalition.ca/wp-content/uploads/2023/03/1.-Case-for-agriculture-March-3-2023.pdf">l’agriculture</a> et de la <a href="https://basicincomecoalition.ca/wp-content/uploads/2022/08/Fisheries-basic-income-case-formatted-July-2022.pdf">pêche</a>, avec l’implication des membres de l’Union nationale des fermiers, de l’Union paysanne, d’Ecotrust Canada et de l’Alliance des pêcheurs autochtones.</p>
<p>Dans l’ensemble, nos recherches suggèrent qu’un revenu de base garanti pourrait avoir un impact significatif sur les incertitudes économiques auxquelles sont confrontées les <a href="https://www.nfu.ca/fr/policy/towards-a-national-agricultural-labour-strategy-that-works-for-farmers-and-farm-workers/">agriculteurs</a> et les <a href="https://doi.org/10.1007/s10393-005-6333-7">communautés de pêcheurs</a> du Canada. Cet outil pourrait également contribuer à une <a href="https://theconversation.com/lautonomie-alimentaire-nest-pas-suffisante-il-faut-viser-un-systeme-alimentaire-sain-et-juste-195416">transition plus juste et durable du système alimentaire</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lautonomie-alimentaire-nest-pas-suffisante-il-faut-viser-un-systeme-alimentaire-sain-et-juste-195416">L’autonomie alimentaire n’est pas suffisante. Il faut viser un système alimentaire sain et juste</a>
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<h2>Réduire l’incertitude économique</h2>
<p>L’un des impacts potentiels d’un revenu de base garanti serait de réduire l’incertitude économique pour les travailleurs les plus vulnérables des secteurs de l’agriculture et des pêcheries. </p>
<p>Les personnes employées dans le secteur de la transformation alimentaire et de la pêche ainsi que les ouvriers agricoles sont particulièrement vulnérables au chômage saisonnier, aux bas salaires, aux avantages sociaux inéquitables, et aux conditions de travail dangereuses, y compris des <a href="https://doi.org/10.1016/j.aquaculture.2021.736680">taux élevés d’accidents du travail et de maladies professionnelles</a>.</p>
<p>Un revenu de base garanti pourrait offrir aux individus une plus grande sécurité financière et un plus grand contrôle sur leurs choix d’emploi et ainsi contribuer à résoudre les inégalités raciales, de classe et de genre <a href="https://doi.org/10.15353/cfs-rcea.v9i2.521">qui prévalent dans le travail lié aux systèmes alimentaires</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une moissonneuse-batteuse récolte une culture de blé dans un champ" src="https://images.theconversation.com/files/523316/original/file-20230427-20-qzpm6j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523316/original/file-20230427-20-qzpm6j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523316/original/file-20230427-20-qzpm6j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523316/original/file-20230427-20-qzpm6j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523316/original/file-20230427-20-qzpm6j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523316/original/file-20230427-20-qzpm6j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523316/original/file-20230427-20-qzpm6j.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un revenu de base garanti pourrait avoir un impact significatif sur les incertitudes économiques auxquelles font face les travailleurs-euses des industries agricoles et de la pêche au Canada.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Jeff McIntosh</span></span>
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<h2>Soutenir les nouveaux pêcheurs et agriculteurs</h2>
<p>Un deuxième impact potentiel d’un revenu de base garanti pourrait être de soutenir la relève dans les secteurs de l’agriculture et de la pêche. Dans l’ensemble du Canada, la main-d’œuvre des industries de la <a href="https://atlanticfisherman.com/the-greying-of-the-fleet/">pêche commerciale</a> et de <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/220511/dq220511a-fra.htm">l’agriculture</a> vieillit.</p>
<p>Soutenir les nouveaux agriculteurs et pêcheurs, en particulier ceux qui utilisent des pratiques socialement et écologiquement durables, est essentiel pour construire un système alimentaire plus résilient.</p>
<p>La relève en agriculture et dans le milieu de la pêche commerciale <a href="https://foodsecurecanada.org/fr/communaute-et-reseaux/nouveaux-agriculteurs-et-pecheurs">fait face à d’importantes barrières</a> liées aux coûts élevés d’entrée tels que l’accès à la terre et aux équipements ou l’achat d’un bateau et d’une licence de pêche combinés à des prix fluctuants et incertains pour leurs produits.</p>
<p>Bien qu’un revenu de base garanti ne puisse pas à lui seul résoudre ces défis, il pourrait offrir une <a href="https://www.nfu.ca/wp-content/uploads/2020/04/Income-Stability-Supplement-Proposal.pdf">plus grande stabilité économique aux nouveaux agriculteurs et pêcheurs</a>, particulièrement dans l’optique où ils doivent investir dans les infrastructures et la formation.</p>
<h2>Se préparer aux futurs facteurs de stress</h2>
<p>Un revenu de base garanti pourrait également constituer une étape vers la construction d’une résilience face aux facteurs de stress persistants, tels que la crise climatique et les évènements météorologiques extrêmes, en plus de permettre de se préparer aux urgences futures.</p>
<p>La pandémie de Covid-19 a démontré que ceux et celles ayant des revenus plus stables et des conditions de travail flexibles sont <a href="https://doi.org/10.3389/fsufs.2021.614368">mieux équipés pour s’adapter aux chocs imprévus</a>. Par exemple, pendant la pandémie, les entreprises de transformation de produits de la mer de type <a href="https://open.library.ubc.ca/soa/cIRcle/collections/ubctheses/24/items/1.0390311">« du bateau à la fourchette »</a> ont mieux résisté aux perturbations de la chaîne d’approvisionnement des produits de la mer en raison de capacité d’adaptation et de leur proximité avec les consommateurs.</p>
<p>Actuellement, les agriculteurs et pêcheurs à petite échelle bénéficient de moins de soutien, car la plupart des <a href="https://doi.org/10.3389/fmars.2020.539214">subventions vont aux grandes entreprises industrielles</a>. Cependant, ces petits producteurs jouent un rôle crucial dans <a href="https://theconversation.com/the-future-of-food-is-ready-for-harvest-103050">l’approvisionnement alimentaire des marchés régionaux et locaux</a>, ce qui peut servir de tampon important en période de crise, réduisant le stress lié aux chaînes d’approvisionnement de longue distance.</p>
<p>La mise en place d’un revenu de base garanti serait une mesure proactive pour <a href="https://doi.org/10.1080/19320248.2015.1004220">soutenir des moyens de subsistance équitables</a> pour les petits agriculteurs et pêcheurs.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Des personnes se tiennent sur le pont d’un petit bateau de pêche qui flotte dans le port d’un plan d’eau" src="https://images.theconversation.com/files/523094/original/file-20230426-20-ukmpko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523094/original/file-20230426-20-ukmpko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523094/original/file-20230426-20-ukmpko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523094/original/file-20230426-20-ukmpko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523094/original/file-20230426-20-ukmpko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523094/original/file-20230426-20-ukmpko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523094/original/file-20230426-20-ukmpko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des pêcheurs autochtones quittent le port de Saulnierville, Nouvelle-Écosse en octobre 2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Andrew Vaughan</span></span>
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<h2>Les prochaines étapes pour le système alimentaire</h2>
<p>Un revenu de base garanti aurait le potentiel d’apporter de nombreux impacts positifs. Mais il ne devrait pas remplacer les programmes gouvernementaux existants de soutien à l’agriculture et à la pêche tels que les subventions, la recherche publique et la formation et les programmes de développement des compétences.</p>
<p>Un revenu de base garanti ne devrait pas non plus remplacer les programmes contributifs tels que les <a href="https://www.canada.ca/fr/services/prestations/ae/assurance-emploi-pecheur.html">prestations d’assurance-emploi pour les pêcheurs</a>. Un revenu de base garanti offrirait un soutien aux pêcheurs dont les revenus sont trop faibles pour être admissibles à l’assurance-emploi ou qui sont dans l’incapacité de partir en mer.</p>
<p>Des recherches et des efforts politiques supplémentaires seront essentiels pour mieux comprendre comment un revenu de base garanti pourrait chevaucher d’autres formes de soutien financier telles que les assurances, les prêts et le financement climatique.</p>
<p>Des recherches supplémentaires seront également essentielles pour comprendre comment un revenu de base garanti pourrait soutenir les travailleurs migrants recrutés dans le cadre du <a href="https://www.canada.ca/fr/emploi-developpement-social/programmes/travailleurs-etrangers-temporaires.html">Programme des travailleurs étrangers temporaires</a>. Les travailleurs migrants sont essentiels à la transformation des produits de la pêche, de la viande et de l’horticulture.</p>
<p>Il est également nécessaire de réfléchir de manière systématique et holistique au rôle du revenu de base dans l’ensemble du système alimentaire. La seule façon de le faire est d’obtenir davantage de contributions des communautés agricoles et de pêche et des communautés autochtones en collaboration avec des organisations de lutte contre la pauvreté, de souveraineté alimentaire et de justice alimentaire.</p>
<p>Nous pensons qu’un revenu de base garanti est un outil prometteur pour contribuer à la durabilité et à la justice dans les secteurs de l’agriculture et de la pêche, tout en encourageant le développement de réseaux intersectoriels, de recherches et de politiques communes.</p>
<hr>
<p><em>Les auteurs tiennent à souligner la contribution des équipes d’auteurs de la série de documents de Coalition Canada sur le revenu de base.</em></p>
<p><em>Cet article a été traduit de l’anglais par Marie-Camille Théorêt, assistante de recherche de <a href="https://theconversation.com/profiles/bryan-dale-1145023/">Bryan Dale</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205252/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kristen Lowitt a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Charles Z. Levkoe a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et du gouvernement de l'Ontario.</span></em></p>Le revenu de base garanti est un outil prometteur pour contribuer à la durabilité et à la justice dans les secteurs de l’agriculture et de la pêche.Kristen Lowitt, Assistant Professor, Environmental Studies, Queen's University, OntarioCharles Z. Levkoe, Canada Research Chair in Equitable and Sustainable Food Systems, Lakehead UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2029332023-07-13T16:03:27Z2023-07-13T16:03:27ZInsécurité alimentaire : au-delà du prix des aliments, il faut s’attaquer aux obstacles systémiques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/520632/original/file-20230412-18-1auiz5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C2%2C1905%2C1273&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une baisse des prix des denrées alimentaires pourrait immédiatement remédier au manque d'accès économique à la nourriture, mais ne s'attaquera pas aux causes profondes de l'insécurité alimentaire.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>L’augmentation des prix des aliments et la stagnation des revenus ont été identifiées comme des <a href="https://foodsecurecanada.org/fr/consommation-durable-pour-tous">obstacles majeurs à la sécurité alimentaire</a>. Environ une <a href="https://proof.utoronto.ca/resource/household-food-insecurity-in-canada-2021/">famille sur six, soit 15,9 % des foyers, au Canada souffre d’insécurité alimentaire</a>.</p>
<p>Les barrières économiques, comme les prix des aliments, ne sont pas les seuls obstacles à la sécurité alimentaire. Notre étude, publiée par le <a href="https://foodsecurecanada.org/fr/ressources-et-nouvelles/nouvelles-et-medias/rapport-de-recherche-une-consommation-durable-pour-tous">Réseau pour une alimentation durable</a>, montre que les barrières systémiques telles que le colonialisme, le racisme et d’autres systèmes d’injustice sont parmi les causes profondes de l’insécurité alimentaire au Canada.</p>
<p>Selon l’<a href="https://www.fao.org/3/y7352e/y7352e00.htm">Organisation pour l’alimentation et l’agriculture</a> des Nations unies, la sécurité alimentaire repose sur l’accès économique, physique et social à la nourriture.</p>
<p>L’accès <em>économique</em> implique des facteurs tels que le revenu, la pauvreté et l’accessibilité à la nourriture. L’accès <em>physique</em> est lié aux infrastructures et aux équipements tels que les routes et les transports. L’accès <em>social</em> consiste à s’assurer que les personnes ont accès à toutes les ressources nécessaires au sein de la société pour obtenir des aliments nutritifs et culturellement appropriés. L’insécurité alimentaire survient lorsque l’une de ses composantes est compromise.</p>
<h2>La sécurité alimentaire et ses obstacles interconnectés</h2>
<p>Nos travaux de recherche sur l’insécurité alimentaire révèlent trois obstacles majeurs qui entravent l’accès aux aliments :</p>
<ul>
<li><p>L’accessibilité financière ;</p></li>
<li><p>Les politiques qui perpétuent la disparité salariale et de richesse ; et</p></li>
<li><p>Les formes systémiques de discrimination telles que le colonialisme et le racisme.</p></li>
</ul>
<p>Les résultats démontrent que les personnes vivant avec un faible revenu nécessitent des solutions durables qui répondent de manière globale à toutes les formes d’accès à l’alimentation.</p>
<p>Notre étude a identifié la question de l’abordabilité comme le principal obstacle à l’accès à l’alimentation. L’<a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/230221/dq230221a-fra.htm">Indice des prix à la consommation</a> montre que les prix des aliments ont augmenté de 10,4 % en 2022. De même, le <a href="https://cdn.dal.ca/content/dam/dalhousie/pdf/sites/agri-food/30083%20Food%20Price%20Report%20FR%20-%20Digital.pdf">Rapport annuel sur les prix alimentaires au Canada en 2023</a> indique que les prix des aliments se retrouvent au cœur des préoccupations des Canadiens et des Canadiennes, et a pour effet d’accroître la pression sur la sécurité alimentaire des ménages.</p>
<p>L’inégalité des revenus au Canada a augmenté au cours des <a href="https://www.conferenceboard.ca/hcp/caninequality-aspx/#:%7E:text=Key%20Messages-,Income%20inequality%20in%20Canada%20has%20increased%20over%20the%20past%2020,income%20Canadians%20also%20lost%20share">20 dernières années</a>. La <a href="https://www.canada.ca/fr/agence-revenu/services/prestations/faire-demande-pcu-aupres-arc.html">Prestation canadienne d’urgence</a> (PCU) est une politique visant à réduire les effets de la perturbation de l’emploi pendant la pandémie. Pour de nombreuses personnes qui <a href="https://hungercount.foodbankscanada.ca/assets/docs/FoodBanks_HungerCount_FR_2021.pdf">participent au mouvement d’activisme alimentaire</a>, la PCU est un exemple de mesure de revenu de base pouvant remédier à l’inégalité des revenus. Cependant, les <a href="https://proof.utoronto.ca/resource/household-food-insecurity-in-canada-2021/">statistiques récentes</a> montrent qu’elle n’a pas amélioré la sécurité alimentaire pour ceux et celles qui en bénéficient.</p>
<p>Cela suggère que les politiques futures doivent mieux aborder les disparités de revenus. Les politiques doivent également aborder la raison pour laquelle certains groupes – comme les Autochtones, la nouvelle population immigrante et les personnes en situation de handicap – font systématiquement <a href="https://www.canada.ca/fr/emploi-developpement-social/programmes/reduction-pauvrete/document-information.html">partie des personnes vivant avec de faibles revenus</a>, par rapport à d’autres groupes.</p>
<h2>Discrimination, racisme et colonialisme</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="Première nation autochtone canadienne Wet’suwet’en pêchant le saumon près de la chute d’eau du canyon de Moricetown, en Colombie-Britannique" src="https://images.theconversation.com/files/514287/original/file-20230308-26-j0wigj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514287/original/file-20230308-26-j0wigj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514287/original/file-20230308-26-j0wigj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514287/original/file-20230308-26-j0wigj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514287/original/file-20230308-26-j0wigj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514287/original/file-20230308-26-j0wigj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514287/original/file-20230308-26-j0wigj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les communautés autochtones ont du mal à maintenir des pratiques telles que la chasse et la pêche, nécessaires à l’obtention d’une nourriture culturellement appropriée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Divers systèmes de discrimination, tels que le racisme et le colonialisme, ont en outre un impact sur l’accès à la nourriture. <a href="https://proof.utoronto.ca/resource/household-food-insecurity-in-canada-2021/">Les groupes les plus touchés par l’insécurité alimentaire</a> au Canada sont les personnes autochtones (30,7 %), arabes et asiatiques occidentales (27,6 %) et noires (22,4 %). Notre étude souligne également que le racisme et le colonialisme ont un effet marqué sur la relation que les personnes <a href="https://www.ledevoir.com/societe/618969/des-mots-pour-mieux-dire-l-alliance-des-non-blancs">BIPOC</a> entretiennent avec la nourriture. Une personne ayant participé à l’étude a déclaré ce qui suit : </p>
<blockquote>
<p>Le colonialisme a un impact permanent sur la façon dont on perçoit la nourriture, les portions et nos relations avec la nourriture. Cet impact doit être remis en question afin qu’on puisse évoluer vers une consommation durable.</p>
</blockquote>
<p><a href="https://foodsecurecanada.org/fr/alimentation-pensionnat-autochtone">Le colonialisme historique et permanent</a> a séparé les peuples autochtones de leurs terres et de leurs systèmes alimentaires. Cela a créé des obstacles majeurs à l’accès aux aliments qui font partie intégrante de la santé et du bien-être des communautés autochtones. Ces communautés ont également des difficultés à maintenir des pratiques telles que la chasse et la pêche, nécessaires à l’obtention d’aliments culturellement appropriés. </p>
<p>Notre étude a également révélé que les initiatives communautaires menées par les personnes noires, de couleur et autochtones se heurtent à des obstacles dans l’obtention de subventions et de financements en raison des structures et processus eurocentriques inclus dans les procédures de demande et d’établissement de rapports. Cela limite le nombre de programmes spécifiques à la culture ou au patrimoine que les organisations peuvent offrir à leurs communautés.</p>
<h2>Une feuille de route vers la sécurité alimentaire pour tous</h2>
<p>Une baisse des prix des produits alimentaires pourrait immédiatement remédier au manque d’accès économique à la nourriture, mais ne s’attaquera pas aux causes profondes de l’insécurité alimentaire. Il est essentiel de s’attaquer aux obstacles systémiques pour garantir l’accès économique, physique et social à la nourriture pour tous, à tout moment. Ces trois types d’accès à la nourriture sont interconnectés.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="un homme choisit de la nourriture dans un supermarché" src="https://images.theconversation.com/files/514289/original/file-20230308-24-tblgx9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514289/original/file-20230308-24-tblgx9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514289/original/file-20230308-24-tblgx9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514289/original/file-20230308-24-tblgx9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514289/original/file-20230308-24-tblgx9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514289/original/file-20230308-24-tblgx9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514289/original/file-20230308-24-tblgx9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Il est essentiel de s’attaquer aux obstacles systémiques pour garantir l’accès économique, physique et social à l’alimentation pour tous, à tout moment.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les personnes qui ont participé à notre étude ont souligné certaines initiatives qui représentent un pas dans la bonne direction. Par exemple, en 2021, la ville de Toronto a approuvé le <a href="https://www.bfstoronto.ca/bfs-plan"><em>Toronto Black Food Sovereignty Plan</em></a> (Plan de souveraineté alimentaire pour les personnes noires de Toronto). Il s’agit d’un programme quinquennal dirigé par la communauté et axé sur la recherche et la création de solutions à long terme à l’insécurité alimentaire des personnes noires de Toronto.</p>
<p>L’une des personnes interrogées en a décrit l’importance :</p>
<blockquote>
<p>Le plan vise à défendre le droit des personnes d’ascendance africaine à une alimentation saine et culturellement appropriée, produite par des méthodes écologiquement saines et durables, ainsi que leur droit à définir leurs propres systèmes alimentaires et agricoles et à construire leurs propres institutions pour faire progresser la capacité et la résilience des communautés en matière d’accès à l’alimentation.</p>
</blockquote>
<p>Il ne suffit pas d’identifier les obstacles systémiques à la sécurité alimentaire pour que les choses changent. Pour trouver des solutions à long terme, il faudra que les personnes élues et à la tête du secteur procèdent à des changements institutionnels majeurs. Comme le propose le <a href="https://www.fao.org/publications/sofi/2021/fr/">rapport de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture</a> des Nations unies (FAO), la lutte contre l’insécurité alimentaire passe par l’inclusion et la prise en compte des inégalités structurelles.</p>
<p>Notre étude affirme que toute solution doit être élaborée de manière démocratique, juste et inclusive. Ces approches devraient prendre en compte les connaissances traditionnelles autochtones et s’attaquer au racisme, au colonialisme et à d’autres systèmes de discrimination. Pour atteindre la sécurité alimentaire, les Canadiens et les Canadiennes doivent se concentrer sur les causes sous-jacentes de l’insécurité alimentaire et pas seulement sur les économies réalisées à la caisse de l’épicerie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202933/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nous remercions tout particulièrement Juliette Clochard du Réseau pour une alimentation durable pour la traduction de l'article original en français. Pour le rapport « Une consommation durable pour tous: Retour sur l'accessibilité des aliments produits durablement au Canada dans le contexte de la COVID-19 », le Réseau pour une alimentation durable a reçu du financement en vertu du Programme de contributions pour les organisations sans but lucratif de consommateurs et de bénévoles d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nous remercions tout particulièrement Juliette Clochard du Réseau pour une alimentation durable pour la traduction de l'article original en français. Pour le rapport « Une consommation durable pour tous: Retour sur l'accessibilité des aliments produits durablement au Canada dans le contexte de la COVID-19 », le Réseau pour une alimentation durable a reçu du financement en vertu du Programme de contributions pour les organisations sans but lucratif de consommateurs et de bénévoles d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada.</span></em></p>Une baisse des prix des produits alimentaires pourrait immédiatement remédier au manque d’accès économique à la nourriture, mais ne s’attaquera pas aux causes profondes de l’insécurité alimentaire.Farzaneh Barak, Research scientist, School of Human Nutrition, McGill UniversityMonika Korzun, McCain Foundation Postdoctoral Fellow at Faculty of Agriculture, Dalhousie UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2054212023-05-24T17:31:33Z2023-05-24T17:31:33ZGrâce à la Grande muraille verte, une meilleure qualité de vie dans le Sahel ?<p>Au cours des dernières décennies, des millions d’habitants ont dû quitter leurs terres arides et semi-arides d’Afrique Sub-Saharienne pour se mettre en quête de sols plus fertiles. Les catastrophes naturelles et les conflits internes aggravent aujourd’hui une insécurité alimentaire déjà aiguë dans certaines zones rurales.</p>
<p>Au Nigeria, les inondations du mois de novembre 2022 ont par exemple généré plus de 1,5 million de déplacés en l’espace de quelques semaines seulement. Dans la bande sahélienne s’opère une extension des terres cultivées, menant à une grande pression sur les terres arables depuis les années 1970.</p>
<p>Cette extension des cultures, ainsi que l’absence de <a href="https://theconversation.com/quelle-agroecologie-pour-le-sahel-rencontre-avec-les-agropasteurs-du-nord-senegal-177850">jachères</a>, engendre une <a href="https://theconversation.com/la-degradation-des-sols-un-probleme-planetaire-qui-affecte-deux-milliards-detres-humains-79299">érosion de couches superficielles des sols</a> qui tend à réduire leur fertilité et donc les rendements agricoles.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/525922/original/file-20230512-16695-1buxmk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/525922/original/file-20230512-16695-1buxmk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/525922/original/file-20230512-16695-1buxmk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=265&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/525922/original/file-20230512-16695-1buxmk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=265&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/525922/original/file-20230512-16695-1buxmk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=265&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/525922/original/file-20230512-16695-1buxmk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=333&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/525922/original/file-20230512-16695-1buxmk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=333&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/525922/original/file-20230512-16695-1buxmk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=333&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Expansion des terres cultivées au Sahel.</span>
<span class="attribution"><span class="source">USGS</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>C’est pour contrer cette tendance, désignée comme « désertification » – au risque de généraliser des évolutions parfois limitées à certaines zones et d’origine plus anthropique que climatique – que les dirigeants africains se sont accordés à créer une immense bande de verdure visant à lutter contre la désertification et la dégradation des sols.</p>
<p>Appelée <a href="https://theconversation.com/grande-muraille-verte-au-sahel-les-defis-de-la-prochaine-decennie-169177">« Grande muraille verte »</a> (GMV), le projet a été lancé en 2007 dans le but de planter une ceinture d’arbres et d’arbustes de 15 km de large qui s’étendrait de la côte du Sénégal sur l’Atlantique à Djibouti sur la Corne de l’Afrique. Ces nouveaux écrins de verdure devaient ainsi générer des emplois saisonniers et favoriser les rendements et la biodiversité.</p>
<hr>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<hr>
<h2>Des débuts poussifs</h2>
<p>La GMV a vu le jour il y a désormais plus de 15 ans. En 2020, une <a href="https://www.theguardian.com/environment/2020/sep/07/africa-great-green-wall-just-4-complete-over-halfway-through-schedule">évaluation</a> réalisée par des experts indépendants mandatés par les Nations unies indiquait que l’objectif de restauration (de 100 millions d’hectares) n’avait été atteint qu’à hauteur de 4 %. Elle atteindrait 20 % de ces objectifs selon les <a href="https://www.afd.fr/fr/actualites/grande-muraille-verte-linitiative-en-3-questions">estimations les plus optimistes</a>, probablement largement fondées sur des déclarations des récipiendaires de l’aide et non sur des estimations fiables.</p>
<p>Le projet a alors tenté de renouer avec l’élan de ses débuts en bénéficiant d’une couverture médiatique importante lors du <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/01/12/sahel-la-grande-muraille-verte-relancee-lors-du-one-planet-summit_6065972_3212.html"><em>One Planet Summit</em></a> de janvier 2021. Pas moins de 11 milliards d’euros de financement supplémentaire ont ainsi été promis par des banques de développements et des bailleurs de fonds bilatéraux (<a href="https://www.mediapart.fr/journal/international/280521/la-grande-muraille-verte-en-afrique-nouvelle-marotte-de-l-elysee">dont la France pour 600 millions via l’AFD</a>) afin de poursuivre l’effort de reboisement. Ces promesses des bailleurs sont souvent en décalage avec les besoins du terrain et ne cherchent pas à améliorer la <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/05/06/a-travers-l-accelerateur-de-la-grande-muraille-verte-c-est-bien-une-forme-de-neocolonialisme-vert-qui-emerge_6172296_3232.html">qualité de la mise en œuvre</a> pourtant plus complexe qu’elle n’y paraît, au risque de passer pour une opération de communication.</p>
<h2>Une évaluation complexe</h2>
<p>Malgré cette seconde chance, la <a href="https://www.unccd.int/resources/global-land-outlook/global-land-outlook-2nd-edition">dernière édition du Global Land Outlook</a> de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification, publiée en mai 2022, ne révèle pas davantage d’amélioration.</p>
<p>L’exercice de suivi est également rendu compliqué par la multiplicité des donateurs et parties prenantes impliqués dans l’initiative. L’instauration récente de l’<a href="https://theconversation.com/la-grande-muraille-verte-enfin-en-passe-daccelerer-198900">Accélérateur de la GMV</a> devrait contribuer à mieux évaluer les progrès de reboisement réalisés par rapport aux objectifs et surmonter les <a href="https://www.sciencemag.org/news/2021/02/great-green-wall-could-save-africa-can-massive-forestry-effort-learn-past-mistakes">nombreux défis</a>, comme le <a href="https://www.theguardian.com/world/2020/jan/30/most-of-11m-trees-planted-in-turkish-project-may-be-dead">faible taux de survie des arbres plantés</a>, ou les <a href="https://www.worldagroforestry.org/sites/agroforestry/files/2020-05/580-full.pdf">effets négatifs indésirables</a>.</p>
<p>La disponibilité de données sur la localisation des projets de restauration pourrait toutefois permettre une évaluation beaucoup plus fiable, vu la grande quantité de données historiques permises aujourd’hui par les technologies de télédétection (imagerie satellite).</p>
<h2>Des impacts hétérogènes</h2>
<p>Si les évaluations d’impact à grande échelle sont encore limitées par l’accès aux données, les chercheurs peuvent néanmoins bâtir des conclusions sur des expériences très localisées. Les sciences sociales ont notamment un rôle important à jouer dès lors que l’impact de ces projets ne se mesure pas qu’en couverture forestière ou indice de biodiversité, mais également en qualité de vie humaine.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/525919/original/file-20230512-23-t2brt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/525919/original/file-20230512-23-t2brt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/525919/original/file-20230512-23-t2brt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=852&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/525919/original/file-20230512-23-t2brt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=852&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/525919/original/file-20230512-23-t2brt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=852&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/525919/original/file-20230512-23-t2brt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1070&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/525919/original/file-20230512-23-t2brt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1070&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/525919/original/file-20230512-23-t2brt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1070&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Projets de haies et verger communautaire au nord du Nigeria.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Google Earth</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au Nigeria, il serait par exemple tentant de conclure que le programme est une réussite si on le mesure à la <a href="https://www.unccd.int/our-work/ggwi/impact">quantité de plantes produites (environ 7 millions), de vergers (plus de 300 hectares) ou de haies (plus de 700km) crées</a>. Ici, la simple comparaison d’une zone avant et après la mise en œuvre d’un verger, illustre bien ce constat.</p>
<p>Il est tout aussi indispensable de s’assurer que ces gains profitent aux catégories de la population les plus vulnérables. <a href="https://www.nytimes.com/2022/01/23/opinion/great-green-wall-niger.html">Dans certaines zones</a>, les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0743016721002850">femmes</a> n’ont parfois pas été assez associées aux opportunités économiques portées par la Grande muraille verte et dans d’autres, les administrations locales ont cherché à <a href="https://dailytrust.com/billions-invested-yet-great-green-wall-still-wobbly/">privatiser les terres</a> restaurées qui auraient pu être détenues par tous les membres de la communauté.</p>
<h2>Une meilleure santé des enfants au Nigeria ?</h2>
<p>Dans une <a href="https://hal.inrae.fr/hal-03958274">récente étude</a>, nous évaluons la capacité de la GMV à améliorer le bien-être des enfants vivant à proximité des zones nouvellement verdies au Nigeria. L’accès aux données géolocalisées de projets de haies et de vergers communautaires nous a permis d’identifier des enfants ayant pu bénéficier des activités de la muraille verte et de les comparer à leurs semblables non exposés à ces projets.</p>
<p>Les résultats suggèrent que les enfants vivant à moins de 20km des projets ont tendance à être plus grands : ce résultat est très robuste statistiquement dans le cas des vergers communautaires.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/525857/original/file-20230512-15-fruj8z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/525857/original/file-20230512-15-fruj8z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/525857/original/file-20230512-15-fruj8z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/525857/original/file-20230512-15-fruj8z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/525857/original/file-20230512-15-fruj8z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/525857/original/file-20230512-15-fruj8z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/525857/original/file-20230512-15-fruj8z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/525857/original/file-20230512-15-fruj8z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Résultats des auteurs dont l’étude est disponible à ce lien.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si cette amélioration de la santé peut s’expliquer par la restauration de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0167880914005106">services écosystémiques</a>, elle peut aussi être liée à la progression de l’emploi sur le court terme, qui soutient la demande et l’activité locale (marchés).</p>
<p>Les données disponibles ne suffisent pas en l’état à effectuer un diagnostic rigoureux du marché de l’emploi dans les zones exposées au programme, ni de bien apprécier les services écosystémiques rendus par les espaces arborés. Seule l’analyse de la diversité du régime de ces enfants, augmentée dans le cas des vergers communautaires, nous laisser penser que des effets directs existeraient.</p>
<h2>Réconciliation des approches</h2>
<p>Selon une <a href="https://www.nature.com/articles/s41893-021-00801-8">étude récente sur la rentabilité de la restauration environnementale</a>, 1 dollar investi dans de tels programmes bénéficierait déjà aux populations riveraines à hauteur de 2,4 dollars au Nigeria contre 1,2 dans l’ensemble du Sahel. Elle ne prend pourtant pas en compte les effets indirects, comme l’amélioration de l’alimentation des enfants en bas âge.</p>
<p>Bien que les mécanismes à l’œuvre soient encore à documenter, ces résultats précisent le débat sur l’intérêt de ce programme, la GMV étant notamment critiquée pour son incapacité à impliquer les populations rurales environnantes et à apporter un réel soutien aux populations vulnérables. Les objectifs initiaux de reboisement et de stockage du carbone, suggérés par les bailleurs, pourraient être finalement en décalage avec les besoins locaux.</p>
<p>En se détournant de l’idée initiale de reboisement exogène pour évoluer vers une mosaïque d’interventions adaptées aux contextes locaux, la Grande muraille verte tend à réconcilier les approches. La restauration de milliers d’hectares de couvert arboré offre aux populations locales un éventail d’opportunités économiques plus diversifiées et plus productives. Reste à surveiller si ces activités porteront leurs fruits sur le long terme, considérant le défi de la survie des essences choisies.</p>
<hr>
<p><em>Pauline Castaing, qui travaille à la Banque mondiale, a contribué à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205421/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Leblois ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Malgré des débuts chaotiques et des résultats globaux encore peu concluants, la Grande muraille verte du Sahel semble avoir certains effets positifs sur les enfants au Nigeria.Antoine Leblois, Chargé de recherches, économie de l'environnement et du développement, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1954162023-03-14T14:29:24Z2023-03-14T14:29:24ZL’autonomie alimentaire n’est pas suffisante. Il faut viser un système alimentaire sain et juste<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/512997/original/file-20230301-14-xiowmo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les semis poussent dans une serre en Outaouais, Québec. C'est le moment de réfléchir à l'avenir de notre système alimentaire.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Bryan Dale)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>[<em>Note d’autrices : Afin de faciliter la lecture du texte, nous avons employé le féminin comme genre neutre pour désigner tous les genres.</em>]</p>
<p>Ayant mis en lumière les défaillances et la fragilité d’un système alimentaire globalisé, la pandémie de la Covid-19 a créé un <a href="https://www.lenouvelliste.ca/2021/02/16/sondage--82--des-quebecois-font-des-efforts-pour-acheter-local-video-c67432c73c16b52ba4df8d2345057ca9">réel engouement pour la consommation locale</a>, largement promue par le gouvernement québécois comme mesure de mitigation des effets de la pandémie. </p>
<p>D’un côté, la <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1694883/gouvernement-quebec-incitatif-quebecois-agriculture">perturbation de l’arrivée de travailleurs étrangers</a> et <a href="https://ici.radio-canada.ca/mordu/3639/euthanasie-poulet-quebec-exceldor-olymel-2022">celle du fonctionnement des abattoirs</a> ont été parmi les grandes difficultés vécues par les agricultrices québécoises. De l’autre, l’un des plus grands défis pour les plus petites productrices de proximité écologiques (PPÉ) (ou, autrement dit, les agricultrices de fermes durables à l’échelle humaine) a été de satisfaire une demande décuplée pour des produits frais, locaux et écologiques. </p>
<p>Mais les chiffres ne se maintiennent pas : si un brusque retour à la normale s’est opéré en 2021 (par rapport à 2020), certaines PPÉ rapportent même une <a href="https://www.ledevoir.com/economie/722988/consommation-minuit-moins-une-pour-les-producteurs-maraichers-bios">baisse de la demande en 2022</a>. </p>
<p>Pourtant, le gouvernement québécois redouble d’ardeur pour promouvoir les aliments locaux, que ce soit en bonifiant son soutien à <a href="https://www.alimentsduquebec.com/fr/"><em>Aliments du Québec</em></a>, en adoptant sa <a href="https://www.quebec.ca/gouvernement/politiques-orientations/strategie-nationale-achat-aliments-quebecois">Stratégie nationale d’achats d’aliments québécois</a>, ou en investissant massivement, voire uniquement, dans des technologies comme des <a href="https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/croissance-serres">serres</a> ou des infrastructures de transformation alimentaire. </p>
<p>Alors, comment expliquer cette baisse d’engouement ? </p>
<p>Chercheuses sur les systèmes alimentaires durables, nous proposons d’apporter un éclairage sur les raisons pour lesquelles les politiciennes et les citoyennes doivent viser à soutenir les changements beaucoup plus ambitieux que le soutien éphémère pour la production et la consommation locale.</p>
<h2>L’autonomie alimentaire est insuffisante</h2>
<p>La principale conclusion que nous tirons de la recherche que nous avons menée auprès de PPÉ et autres actrices issues d’initiatives alimentaires alternatives est la suivante : l’<em>autonomie alimentaire</em> comme cadre d’action pour (ré)organiser le système alimentaire québécois n’est pas suffisante ; il faut plutôt opérer ce qu’on nomme une <em>transition juste</em>. </p>
<p>En quoi l’autonomie alimentaire est-elle insuffisante ? Tout d’abord, elle ne remet pas suffisamment en question les modèles de production. Ceux des PPÉ, qui peuvent être très divers, sont à privilégier et à reproduire. </p>
<p>Face aux <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/environnement/2020-12-13/le-rechauffement-climatique-affecte-l-agriculture-quebecoise.php">changements climatiques</a>, notamment, les PPÉ interrogées sont d’avis qu’une plus grande (bio)diversité sur de plus petites surfaces favorise la résilience des <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/2021-03-28/agriculture-regeneratrice/la-nature-est-dans-la-ferme.php">écosystèmes agricoles</a>. À l’inverse, les modèles conventionnels, souvent « hyperspécialisés » et dépendants d’une grande quantité et variété d’intrants, ne permettent pas cette résilience. </p>
<h2>La précarité des productrices agricoles</h2>
<p>Cependant, peu importe le mode de production, un autre angle mort de l’autonomie alimentaire est la grande précarité dans laquelle vivent les productrices. Notre recherche a confirmé ce qui avait déjà été <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1728349/canada-agriculture-manitoba-sante-mentale">largement démontré</a> : la charge financière et mentale des fermières est préoccupante et insoutenable. </p>
<p>Parmi ce qui contribue à ce fardeau, on compte le manque bien connu de main-d’œuvre agricole locale, manque que l’on tente de compenser par la venue de travailleurs étrangers temporaires dont les conditions de vie et de travail sont <a href="https://www.ledevoir.com/societe/606993/travailleurs-etrangers-temporaires-des-normes-de-logement-inferieures-a-toutes-les-autres">trop souvent déplorables</a>. </p>
<p>De plus, les PPÉ, en particulier, doivent très souvent porter à la fois les chapeaux de productrices et d’expertes en marketing et distribution, alors qu’elles sont très peu soutenues tant au niveau de la production qu’à celui de la mise en marché. Cette dernière est d’ailleurs particulièrement difficile pour les produits issus de la production de proximité écologique. </p>
<p>Alors que les PPÉ ne peuvent satisfaire aux exigences des chaînes d’approvisionnement menant aux supermarchés conventionnels, telles qu’un approvisionnement stable durant l’année ou encore une longue durée de conservation, la mise en marché directe dans les marchés fermiers ou via des abonnements de type <a href="https://www.fermierdefamille.org/lagriculture-soutenue-par-communaute">« Agriculture soutenue par la communauté » (ASC)</a>, par exemple, est coûteuse en temps et relativement inefficace. </p>
<p>De plus, l’accessibilité physique, logistique et économique de ces types de mise en marché est compromise par des facteurs socioéconomiques sortant largement du strict cadre alimentaire ; la production de proximité écologique étant la plupart du temps incompatible avec la lutte contre <a href="https://banquesalimentaires.org/qui-sommes-nous/nos-publications/">l’insécurité alimentaire</a>. La rencontre entre les consommatrices et les PPÉ se fait donc difficilement et dans la marge. </p>
<p>En somme, il est évident que l’autonomie alimentaire ne permet pas de prendre en compte tous ces enjeux, et c’est pourquoi des chercheuses y réfèrent comme étant le « piège local » (<a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0739456X06291389"><em>local trap</em></a> en anglais) lorsqu’elle est promue comme un cadre d’action en elle seule. </p>
<p>L’unique consommation locale ne permet pas de relever la grande majorité des problèmes au cœur de notre système alimentaire.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Graphique représentant l’autonomie alimentaire par rapport à la transition juste et la souveraineté alimentaire" src="https://images.theconversation.com/files/512969/original/file-20230301-1635-47vis9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512969/original/file-20230301-1635-47vis9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512969/original/file-20230301-1635-47vis9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512969/original/file-20230301-1635-47vis9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512969/original/file-20230301-1635-47vis9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=608&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512969/original/file-20230301-1635-47vis9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=608&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512969/original/file-20230301-1635-47vis9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=608&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Bien que la consommation locale soit fondamentale à la souveraineté alimentaire, qu’elle rejoigne l’agroécologie, et qu’elle fasse partie du processus de transition juste, l’autonomie alimentaire seule mène inévitablement au « piège local », car elle ne permet pas de prendre en compte les enjeux environnementaux et socioéconomiques indissociables des systèmes alimentaires.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Graphique par Bryan Dale)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Vers une transition juste</h2>
<p>L’objectif ne doit donc pas être simplement d’atteindre l’autonomie alimentaire, mais d’entreprendre le processus d’une transition juste vers un système alimentaire souverain et <a href="https://cjf.qc.ca/revue-relations/publication/article/aux-champs-citoyens-agroecologie-et-transition-juste-au-quebec/">agroécologique</a>. Il s’agit d’une opportunité pour repenser activement le modèle alimentaire actuel, dont les règles ne permettent pas sa transformation. </p>
<p>Il est important de préciser que ce processus doit être structuré de façon à ce que toutes les actrices de l’agroalimentaire s’unissent et se dirigent vers un but commun : une agriculture de proximité écologique pour une alimentation saine, ainsi qu’accessible et inclusive, sans compromis. En d’autres termes, la <a href="https://iris-recherche.qc.ca/publications/qu-est-ce-que-la-transition-juste/">transition juste</a>, c’est inviter tout le monde à la table, des fermières aux consommatrices, pour penser au-delà des modèles établis et des pratiques populaires. </p>
<p>Jusqu’à maintenant, nos recherches nous permettent d’estimer que le développement d’infrastructures du milieu (<a href="https://foodpolicyforcanada.info.yorku.ca/rebuilding-infrastructure-of-the-middle/"><em>infrastructure of the middle</em></a> en anglais) offrirait une structure physique et logistique efficace pour les PPÉ et les consommatrices. Brièvement, ces infrastructures à la fois matérielles et immatérielles – réseaux, ressources, logistiques – permettent de réunir une masse suffisante de PPÉ et autres productrices et transformatrices alimentaires, d’un côté, et de consommatrices, de l’autre, afin de surmonter les difficultés de la mise en marché directe tout comme celles liées aux chaînes d’approvisionnement conventionnelles. </p>
<p>Plus précisément, les infrastructures du milieu s’adaptent aux réalités locales et peuvent prendre la forme de <a href="https://recolte.ca/salim-info/poles/">pôles logistiques alimentaires</a>, <a href="https://www.lepetitabattoir.com">d’abattoirs communautaires et coopératifs</a>, ou encore, de <a href="https://www.atestrie.com/">marchés alimentaires coopératifs</a>. </p>
<h2>Une question de responsabilité collective</h2>
<p>Bien évidemment, il est possible de nommer ces exemples puisqu’ils existent déjà. Cependant, les formes existantes de mise en commun et de coopération entre fermes, organismes et consommatrices sont marginales et doivent être soutenues. Nos recherches démontrent effectivement que ces infrastructures intermédiaires requièrent une contribution externe au milieu agricole. </p>
<p>Présentement, la plupart des initiatives de mise en marché alternatives et collaboratives est réalisée par de tierces parties, souvent des <a href="https://carrefoursolidaire.org/">organismes communautaires</a> de lutte contre l’insécurité alimentaire, et elles sont du même avis : le développement des infrastructures du milieu requiert un soutien substantiel du gouvernement de même qu’un profond engagement de la population. En d’autres mots, le déploiement de nouvelles infrastructures et nouvelles pratiques en général doit être envisagé comme un processus de transition – juste.</p>
<p>Finalement, la transition juste comme cadre d’action nous oblige à ne plus ignorer les angles morts de l’autonomie alimentaire qui incluent la crise climatique, le bien-être humain et la justice sociale. Effectivement, s’engager dans notre système alimentaire, c’est réaliser que les aliments sont au cœur de notre tissu social. </p>
<p>Comme nous l’a dit l’artisan fermier et auteur <a href="https://www.enpleinegueule.com/">Dominic Lamontagne</a>, « puisque tout le monde profite de l’acte alimentaire, tout le monde devrait mettre l’épaule à la roue. » </p>
<p>Nous avons toutes besoin de ce système alimentaire sain et juste. Nous devons toutes mettre la main à la pâte, d’une façon ou d’une autre, pour non seulement façonner le système alimentaire de demain, mais aussi des communautés saines et résilientes où il fera bon vivre. </p>
<p>En fait, il en va de notre responsabilité collective.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195416/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bryan Dale a reçu des financements de l'Université Bishop's pour soutenir ses recherches. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marianne Granger a reçu des financements de l'Université Bishop's. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mélodie Anderson a reçu des financements de l'Université Bishop's. </span></em></p>À la lumière des changements engendrés par la pandémie, il est clair que l’autonomie alimentaire comme cadre de référence pour (ré)organiser le système alimentaire québécois n’est pas suffisante.Bryan Dale, Assistant Professor, Bishop's UniversityMarianne Granger, Auxiliaire de recherche en agriculture et systèmes alimentaires durables, Bishop's UniversityMélodie Anderson, Auxiliaire de recherche en Agriculture et systèmes alimentaires durables, Bishop's UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1839912022-06-16T20:41:39Z2022-06-16T20:41:39ZSe débrouiller face à une précarité qui n’en finit plus<p>La guerre en Ukraine a, depuis février 2022, rapidement monopolisé les préoccupations, géopolitique d’abord mais aussi celles de la population française déjà fragilisée par la crise sanitaire. Cette dernière, si elle a relativement épargné les salariées et les salariés en contrat stable grâce au dispositif de l’activité partielle, a particulièrement touché les travailleurs et travailleuses précaires, indépendants et intérimaires avec une réduction de revenu et une incertitude quant à leurs horizons professionnels.</p>
<p>Selon le baromètre CSA d’avril 2022, le conflit occupe désormais la deuxième place derrière la <a href="https://csa.eu/news/les-preoccupation-des-francais-pouvoir-dachat-guerre-en-ukraine/">perte de pouvoir d’achat</a>. Aux combats s’est ajoutée une augmentation fulgurante du coût de l’énergie (plus du 20 % en plus du 2021), suivie d’une hausse généralisée des prix, notamment liés à l’alimentaire, aux produits manufacturés et aux services. L’inflation atteint en 2022 son niveau le plus haut depuis des décennies : un bond du 4,8 % sur un an, <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6439021">selon les données Insee</a> d’avril 2022. Premier exemple parmi d’autres, le prix de l’essence qui atteint désormais à <a href="https://www.20minutes.fr/societe/3303443-20220607-prix-essence-barre-2-euros-litre-franchie-semaine-derniere">plus de 2 euros le litre</a>.</p>
<p>De fait, les personnes et les ménages les plus précaires sont les premiers concernés. D’après un <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/panoramas-de-la-drees/minima-sociaux-et-prestations-sociales-2021">rapport de 2018 de la DREES</a>, 40 % des Français disposent d’un niveau de vie de moins de 1582 euros mensuels (ménages définis comme « modestes »). En 2019 ce sont <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5759045">9,2 millions de personnes</a> (14,6 %) qui vivent sous le seuil de pauvreté monétaire fixé à 1 102 euros mensuels (60 % du niveau de vie médian de la population).</p>
<h2>La précarité comme mode de vie</h2>
<p>Les ressources à leur disposition sont toujours au « fil de l’eau », avec des difficultés parfois sévères à boucler les fins de mois et une inquiétude permanente. Pour y faire face, nombreux sont ceux qui multiplient les formes de travail, formelles comme <a href="https://ilostat.ilo.org/fr/resources/concepts-and-definitions/description-informality/">informelles</a>, c’est-à-dire sans contrat de travail, ni de couverture sociale ou possibilité de congés.</p>
<p>Pour ces sujets, la précarité se manifeste d’abord de manière matérielle (bas revenu, emploi temporaire ou instable…), mais également à travers une expérience d’instabilité du présent et de fragilité quant aux perspectives futures.</p>
<p>Certes les formes de redistribution et les minima sociaux permettent d’atténuer les conséquences de ces crises multiples, toutefois, pour de plus en plus d’individus, il devient nécessaire de s’inventer des solutions pour faire face aux à la précarité et aux nombreuses incertitudes qu’elle entraîne, fragmentant d’autant plus les temps de vie, d’activité et de repos.</p>
<p>Autrement dit, une journée type peut débuter à 8h avec l’étude et la recherche d’annonces d’emplois, s’enchaîne avec un travail d’hôte de caisse jusqu’à 14h30, se poursuit par la taille des haies chez une voisine au « noir » jusqu’à 18h, puis il faut encore récupérer quelques denrées à la banque alimentaire à 19h et enfin refaire des CV le reste de la soirée. Tout en jonglant avec les impératifs familiaux et les tâches de la vie courante.</p>
<h2>Trois formes de travail qui s’imbriquent</h2>
<p>Schématiquement, ce qui caractérise l’expérience du travail actuelle pour ceux qui traversent ces multiples précarités est donc le possible recours aux formes de travail indépendant, aux activités informelles et à une composition entre diverses formes de travail. Pour quels résultats ?</p>
<p>La diffusion du travail indépendant a pris de l’élan, notamment depuis 2009 suite à l’introduction du statut d’auto-entrepreneur (puis de « micro-entrepreneur »). Selon l’Urssaf, en <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/social/le-nombre-dauto-entrepreneurs-a-fortement-augmente-entre-2020-et-2021-1382753">juin 2021</a>, lors de la crise sanitaire, il y a eu une augmentation annuelle du 17,2 % d’autoentrepreneurs, cumulant un total de 2,23 millions administrativement actifs.</p>
<p>Les gouvernements successifs ont fortement mis en avant ce dispositif, en mobilisant surtout une rhétorique autour de sa capacité présumée d’offrir des opportunités aux habitants de banlieue discriminés dans les embauches. Bien que ce dispositif accompagne plusieurs <a href="https://lentreprise.lexpress.fr/creation-entreprise/entreprendre-en-banlieue-c-est-possible_1918125.html">« success story »</a>, la moitié des auto-entrepreneurs a déclaré un chiffre d’affaires nul ou négatif en 2021 (51,3 % selon l’Urssaf) et même Emmanuel Macron, alors candidat, soulignait dans un entretien <a href="https://www.mediapart.fr/journal/france/021116/emmanuel-macron-face-la-redaction-de-mediapart?onglet=full">à Médiapart le 2 novembre 2016</a> que chez Uber, les jeunes des quartiers « parfois travaillent 60-70 heures par semaine pour toucher le smic ».</p>
<p>Le recours à l’auto-entrepreneuriat pour les personnes ayant d’abord la volonté de créer leur propre emploi est souvent le reflet des échecs dans l’intégration de conditions plus stables d’emploi, et peut être considéré, <a href="https://lvsl.fr/luberisation-retour-au-XIXeme-si%C3%A8cle-entretien-avec-sarah-abdelnour/">comme le souligne la chercheuse Sarah Abdelnour</a>, comme une conséquence de la promotion d’un contournement délibéré du salariat.</p>
<h2>La recherche d’une autonomie supplémentaire</h2>
<p>Cette pratique offre une opportunité supplémentaire pour obtenir du revenu, même au prix d’une intériorisation croissante de la responsabilité nécessaire pour gérer la continuité et la rentabilité de l’activité (tâches administratives, fiscales, etc.).</p>
<p>Le recours à l’indépendance se fait dans la recherche d’une autonomie supplémentaire dans le rapport au travail (« être son propre patron »), mais laisse souvent apparaître maintes formes de soumissions aux donneurs d’ordre (comme les plates-formes pour chauffeurs et livreurs), aux clients, maîtres de l’évaluation et au volume de rétributions en encourageant à travailler toujours plus.</p>
<p>Le recours à l’indépendance mobilisant des compétences techniques et entrepreneuriales peut également se faire dans le cadre de l’économie informelle, estimée selon un rapport de France Stratégie en 2019 <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/coe-rapport-travail-non-declare-fevrier-2019.pdf">à 2,5 millions de personnes</a></p>
<p>Nous rencontrons ici un large spectre de figures sociales proposant de produits ou de services hors du cadre légal et fiscal : comme les personnes engagées dans <a href="https://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/le-bizness-une-economie-souterraine-9782130558361/">« le bizness »</a> de produits de contrefaçons ou « tombés du camion » ou les travailleurs informels tels que les <a href="https://theconversation.com/le-mecanicien-de-rue-un-expert-de-la-debrouille-au-coeur-de-la-precarite-110573">mécaniciens de rue</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-mecanicien-de-rue-un-expert-de-la-debrouille-au-coeur-de-la-precarite-110573">Le mécanicien de rue, un expert de la « débrouille » au cœur de la précarité</a>
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<h2>Des frontières poreuses entre formel et informel</h2>
<p>Loin d’une accumulation capitaliste, ces propositions de services s’inscrivent plutôt dans une logique économique que le collectif de chercheurs et chercheuses Rosa Bonheur <a href="http://www.editionsamsterdam.fr/la-ville-vue-den-bas/">a défini</a> de « centralité populaire » permettant d’obtenir du revenu et une circulation de biens et de services au sein de populations précaires.</p>
<p>Les porosités entre économie formelle et informelle <a href="https://www.octares.com/serie-colloques-congres/210-aux-marges-du-travail.html">demeurent fréquentes</a>, mais ont pris une ampleur nouvelle à l’aune de l’économie de plate-forme où s’enracine le contournement de règles fiscales et du code du travail.</p>
<p>Un exemple est le cas des <em>jobbers</em>, les personnes qui se proposent pour des services ou pour la réalisation de tâches (même minuscules) sur des plates-formes qui ont le rôle d’intermédiaires, comme se popularise sur <em>le bon coin</em> par exemple.</p>
<p>Comme l’ont illustré Marine Snape et Marion Plaut dans leur récent rapport <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/sites/default/files/59c9fe47828f2fa42060b2f811fa2e35/Rapport-Le%20jobbing-Une%20enqu%C3%AAte%20sociologique%20sur%20le%20travail%20de%20plateforme.pdf">pour la DARES</a>, les jobbers s’insèrent dans un « halo d’activités professionnelles » dans laquelle on peut trouver des auto-entrepreneurs, des personnes payés en cash (au noir), en prestation de service ou en chèques emploi service.</p>
<h2>Les cumulards, un mode de vie ?</h2>
<p>L’expérience de travail de personnes précaires est donc toujours plus composée d’une multiplication d’activités entre lesquelles jongler pour arriver à la fin du mois : salariat, informalité et autoentrepreneuriat. Ces « cumulards » de plusieurs activités (déjà 2,1 millions de personnes selon les chiffres <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5391996?sommaire=5392045">à fin 2018</a> veulent sécuriser une continuité de revenu et peuvent être motivés par des raisons diverses : parfois par choix (composer un travail « de passion » et un « boulot alimentaire »), le plus souvent comme conséquence d’une situation subie.</p>
<p>La multiplication des engagements de travail pour faire face à la précarisation nous consigne la diffusion d’une expérience d’intensification des temporalités de travail.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/slashers-pluriactivite-et-transformations-du-travail-opportunite-ou-menace-pour-le-management-84939">« Slashers », pluriactivité et transformations du travail : opportunité ou menace pour le management ?</a>
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<p>La journée et les fardeaux professionnels débordent dans la vie personnelle, en arrivant souvent à une <a href="http://www.editionsamsterdam.fr/la-colonisation-du-quotidien/">colonisation du quotidien</a> pour reprendre l’expression de Patrick Cingolani.</p>
<h2>Monopolisation du temps de vie</h2>
<p>L’intensification s’accompagne d’un manque de temps pour alimenter les relations sociales et affectives, mais également pour « sortir la tête du guidon » et permettre une réflexivité sur les parcours professionnels et de vie. La possibilité de réfléchir au sens et aux valeurs de propre travail représente ainsi une forme de privilège dans une époque d’intensification de l’engagement professionnel pour faire face aux crises.</p>
<p>Cette monopolisation du temps de vie par une expérience de travail dominée par la logique individualiste du surinvestissement peut conduire à un autre risque majeur : celui d’une réduction des espaces pour des formes de débrouille inscrites dans la convivialité, la solidarité et le mutualisme, alors que celles-ci pourraient au contraire dessiner une solution collective aux défis de la précarité comme on a pu voir avec les <a href="http://www.citego.org/bdf_fiche-document-810_fr.html">banques du temps</a> ou les <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/tontine-1375068">tontines</a> par exemple.</p>
<p>Ou tout du moins commencer à esquisser une possible ligne de fuite à l’intérieur de l’expérience contemporaine du travail : une expérience certes de précarité, mais réorientée par la tentative de réduire la dépendance à la (sur)consommation et au surinvestissement individuel, telle qu’on peut la trouver parfois dans des formes de travail « à côté » au sens <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782713214066-la-travail-a-cote-etude-d-ethnographie-ouvriere-florence-weber/">où l’écrit Florence Weber</a>, entre initiatives d’autoproduction et de partage de ressources matérielles et culturelles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183991/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Denis Giordano ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour faire face à l’inflation, de plus en plus de Français multiplient les formes de travail dans les secteurs formels comme informels.Denis Giordano, Enseignant-chercheur en sociologie du travail à OCE em-lyon de Lyon et chercheur associé au CMH de Paris., EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1704932021-10-24T15:23:41Z2021-10-24T15:23:41ZL’inquiétante flambée des prix des matières agricoles<p>À la COP26 de Glasgow, la transition énergétique et la sortie des énergies fossiles ont été au cœur des débats. Les enjeux agricoles n’ont guère été abordés.</p>
<p>La hausse des prix des matières agricoles rappelle pourtant combien réchauffement climatique, résilience agricole et sécurité alimentaire sont liés.</p>
<h2>Des prix agricoles proches de leurs plus hauts historiques</h2>
<p>La FAO, l’organisation onusienne en charge des questions agricoles et alimentaires, publie chaque mois un <a href="https://www.fao.org/worldfoodsituation/foodpricesindex/en/">indice du prix</a> des denrées agricoles assurant l’alimentation de base. Depuis un an, cet indice ne cesse de grimper.</p>
<p>En novembre 2021, l’indice a encore progressé de 1,2 % du fait de la poussée des céréales et des produits laitiers. Sur un an, les prix des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ol%C3%A9agineux">oléagineux</a> ont doublé. Ceux des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Paille">céréales à paille</a> (hors riz) sont proches de leurs plus hauts historiques. Le renchérissement des produits animaux est un peu moins marqué. Le riz, qui joue un rôle central dans les approvisionnements de l’Asie, échappe à la surchauffe des marchés agricoles. C’est une différence importante avec la précédente crise de 2008-2009.</p>
<p>Exprimé en pouvoir d’achat relativement aux biens industriels, le prix de ces matières agricoles a dépassé les pics atteints au lendemain de la crise financière de 2008-2009. Il s’approche de son plus haut historique, atteint lors de la crise de 1973 lorsque les États-Unis avaient imposé leur embargo sur le soja et l’OPEP celui sur le pétrole.</p>
<p>Peu d’observateurs s’attendent aujourd’hui à un reflux rapide des tensions sur ces marchés. Dans son dernier bilan sur les <a href="https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/Food%20Outlook%20-%20Biannual%20Report%20on%20Global%20Food%20Markets%2C%20November%202021.pdf">perspectives des marchés agricoles</a>, la FAO n’anticipe pas de reconstitution rapide des stocks. Elle souligne également que les prix agricoles continueront de subir l’influence du renchérissement des prix de l’énergie.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/435405/original/file-20211202-19469-9ziwdt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/435405/original/file-20211202-19469-9ziwdt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/435405/original/file-20211202-19469-9ziwdt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/435405/original/file-20211202-19469-9ziwdt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/435405/original/file-20211202-19469-9ziwdt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/435405/original/file-20211202-19469-9ziwdt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/435405/original/file-20211202-19469-9ziwdt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/435405/original/file-20211202-19469-9ziwdt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">C. de Perthuis à partir des données FAO</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<h2>Perturbations climatiques et redémarrage chinois</h2>
<p>Côté offre, les perturbations climatiques ont tendance à se multiplier avec le réchauffement global. Elles ont touché cette année très sévèrement les récoltes au Canada, dans l’Ouest américain, au Brésil et en Russie.</p>
<p>Les difficultés logistiques perturbent de nombreux circuits d’approvisionnement et accroissent les pertes de récolte. Le prix de l’énergie se répercute sur les coûts de production agricole (engrais et machinisme principalement).</p>
<p>Côté demande, le regain d’activité plus rapide qu’anticipé dans les pays émergents dope la demande. Les besoins sont considérables en Chine, qui cherche notamment à reconstituer son cheptel porcin <a href="https://theconversation.com/de-leurope-a-lasie-le-role-cle-des-elevages-de-porcs-dans-lemergence-des-pandemies-155617">décimé entre 2018 et 2020 par l’épidémie de peste porcine</a>. La demande pour les grains et tourteaux nourrissant le bétail est très forte.</p>
<p>Un autre facteur tirant la demande concerne la désorganisation des circuits alimentaires locaux provoquée par la crise du Covid dans nombre de pays moins avancés.</p>
<h2>Ceux qui tirent leur épingle du jeu…</h2>
<p>À court terme, les gagnants sont les producteurs et exportateurs des denrées agricoles de base et les grands opérateurs de négoce.</p>
<p>Côté producteurs figurent en premier lieu les exportateurs de grains (céréales et oléagineux) qui valorisent mieux leur récolte, à l’exception de ceux ayant subi de fortes pertes pour raisons climatiques. Le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bl%C3%A9_tendre">blé tendre</a> exporté depuis le port de Rouen a par exemple franchi la barre historique des 300 €/t fin novembre avant de légèrement fléchir.</p>
<p>Comme la moisson a été bonne, cela permet de reconstituer les trésoreries des céréaliers après quelques campagnes difficiles. L’Indonésie double ses recettes d’exportation d’huile de palme, mais pas la Malaisie où les règles sanitaires anti-Covid ont bloqué la main-d’œuvre et fait chuter la récolte. Les gros exportateurs de viande et de produits laitiers (Brésil, Argentine et Nouvelle-Zélande, à titre principal) tirent également leur épingle du jeu, ainsi que ceux de sucre.</p>
<p>Les produits tropicaux (café, thé, cacao) qui ne figurent pas dans l’indice FAO des produits de base ont connu depuis un an une hausse de même ordre de grandeur. Les producteurs des pays concernés travaillant pour l’exportation ont également bénéficié de la remontée des cours. Ils ne constituent toutefois qu’une minorité des agriculteurs des pays moins avancés sur le plan économique.</p>
<p>Le commerce mondial de produits agricoles est dominé par quatre <a href="https://www.economist.com/business/2021/07/29/as-food-prices-soar-big-agriculture-is-having-a-field-day">compagnies de négoce</a> – ADM, Bunge, Cargill et Louis Dreyfus – qui sont toutes plus que centenaires. Rompues aux arbitrages entre marchés, elles tirent profit de ces tensions multiformes sur les prix. Signe qui ne trompe pas, les cours boursiers de celles qui sont cotées (ADM et Bunge) ont plus que doublé en un an.</p>
<h2>… et ceux qui subissent</h2>
<p>Les perdants se trouvent du côté des consommateurs ou des producteurs qui n’ont pas eu accès aux marchés pour mieux valoriser leurs produits.</p>
<p>Dans les pays riches, la tension sur les denrées agricoles de base n’a que modérément impacté les budgets des ménages. En France, l’Insee a certes relevé une certaine accélération des <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/serie/001759964">prix de produits frais</a> au détail (hausse de l’ordre de 7 % sur un an), mais pas sur les autres produits. Cela pourrait changer dans les prochains mois, avec la hausse annoncée du prix de la baguette.</p>
<p>Il en va tout autrement dans les pays moins avancés où l’alimentation représente une composante bien plus importante du budget des familles. Dans ces pays, la <a href="https://www.economist.com/graphic-detail/2021/09/22/high-food-prices-are-here-to-stay">« facture alimentaire »</a> importée s’est accrue bien plus rapidement que le PIB. Au plan macroéconomique cela a fragilisé leur balance commerciale. Le choc des prix importés a lourdement frappé les ménages. Il aggrave l’insécurité alimentaire.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/428053/original/file-20211022-15-barzr5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/428053/original/file-20211022-15-barzr5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/428053/original/file-20211022-15-barzr5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/428053/original/file-20211022-15-barzr5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/428053/original/file-20211022-15-barzr5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/428053/original/file-20211022-15-barzr5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/428053/original/file-20211022-15-barzr5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/428053/original/file-20211022-15-barzr5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.economist.com/graphic-detail/2021/09/22/high-food-prices-are-here-to-stay">The Economist</a></span>
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<h2>Menaces sur la sécurité alimentaire</h2>
<p>D’après le <a href="https://www.fao.org/documents/card/fr/c/cb4474en/">dispositif de suivi</a> de la FAO, d’importants progrès ont été obtenus dans la lutte contre la faim dans le monde. En 1970, la sous-nutrition affectait un tiers de la population mondiale. En 1990, cette proportion était ramenée à 20 % pour passer en dessous de 10 % vers 2010.</p>
<p>Depuis 10 ans, ces progrès sont interrompus. La FAO a observé une lente remontée du nombre de personnes souffrant de la faim à partir de 2015. Le déclenchement du Covid a aggravé les choses. En 2020, le nombre de personnes affectées par le fléau est probablement remonté aux alentours de 800 millions de personnes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/428056/original/file-20211022-9803-1i6a7dx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/428056/original/file-20211022-9803-1i6a7dx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/428056/original/file-20211022-9803-1i6a7dx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/428056/original/file-20211022-9803-1i6a7dx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/428056/original/file-20211022-9803-1i6a7dx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/428056/original/file-20211022-9803-1i6a7dx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/428056/original/file-20211022-9803-1i6a7dx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/428056/original/file-20211022-9803-1i6a7dx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.fao.org/3/ca9692en/online/ca9692en.html#chapter-1_1">FAO</a></span>
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<p>La tension sur les prix agricoles intervient ainsi dans un contexte déjà fortement fragilisé par la pandémie. Elle affecte en premier lieu les budgets des familles vivant dans les villes ou leurs périphéries. L’essentiel de la nourriture y est acheté sur des marchés où les hausses peuvent être amplifiées par des intermédiaires en situation de position dominante.</p>
<p>Dans les pays moins avancés, les pires foyers de sous-nutrition ne se trouvent pas dans les villes, mais dans le monde rural. Contrairement à une opinion commune, la hausse des prix des produits agricoles de base ne rééquilibre que marginalement la distribution des revenus au profit des campagnes. Elle contribue au contraire à y aggraver l’insécurité alimentaire.</p>
<p>Comme l’a analysé la FAO lors de la précédente crise de 2008–2009, la majorité des familles vivant hors des villes sont en effet devenu acheteuses nettes de produits agricoles. Leurs revenus monétaires sont généralement très faibles. Le renchérissement des cours agricoles affecte lourdement leur capacité d’achat.</p>
<p>Un autre paramètre important concerne les structures de production agricole. Si les exploitations agricoles tournées vers le marché mondial bénéficient de la tension des marchés agricoles, ce n’est pas le cas de la grande majorité des agriculteurs. Approvisionnant des marchés locaux aux configurations multiples, ces agriculteurs ne touchent bien souvent que des miettes de la hausse des cours mondiaux. Quand ils touchent quelque chose !</p>
<p>Dans une <a href="http://www.agrisud.org/wp-content/uploads/2021/10/Decryptage-Agrisud-systemes-alimentaires-durables-juin-2021.pdf">note d’analyse</a>, l’ONG de développement Agrisud observe ainsi de multiples cas où les prix obtenus par les producteurs en 2020 et 2021 sont laminés alors que les cours sont mieux orientés sur les marchés internationaux.</p>
<h2>Comment faire face à court terme ?</h2>
<p>Pour lutter contre la montée de l’insécurité alimentaire, il convient d’agir à court terme sur quatre leviers.</p>
<p>L’affaiblissement de la capacité financière des ménages les plus pauvres est la première cause de montée de l’insécurité alimentaire. Pour la contrer, il convient de distribuer du pouvoir d’achat sans contrepartie à ces ménages. Les conditions économiques et financières d’une telle redistribution ont été décrites par les économistes Esther Duflo et Abhijit Banerjee dans leur <a href="https://www.fondation-cdf.fr/2020/05/14/quels-enjeux-pour-les-pays-en-developpement-face-au-covid-19/">analyse</a> plus globale des conséquences du Covid.</p>
<p>Simultanément, les pays exportateurs doivent éviter d’amplifier et de propager la crise en érigeant des barrières à l’exportation. N’oublions pas les précédents de 1973 – avec l’embargo US sur le soja –, de la crise de 2008-2009 avec le contingentement des exportations de riz par l’Inde et le Vietnam, qui rebondit en 2011-2012 avec celui de la Russie sur le blé.</p>
<p>Au sein des pays moins avancés, il convient de soutenir beaucoup mieux les producteurs vivriers travaillant sur de petites structures. C’est sur eux que repose la majorité des approvisionnements. Cela exige de rééquilibrer très vite les moyens du développement agricole bien trop concentrés sur les grandes exploitations agro-exportatrices. Une difficulté majeure tient à la grande dispersion de ces unités économiques de petite taille. Concrètement, les leviers d’action passent par le relais des regroupements de producteurs et la surveillance des circuits commerciaux.</p>
<p>L’une des conditions de réussite de ces actions locales est la protection des producteurs locaux contre la concurrence des produits issus des marchés internationaux. Ce type de compétition est intenable pour les petits producteurs. Comme l’indique l’agronome Marc Dufumier dans son ouvrage paru en 2020 <a href="https://allary-editions.fr/products/marc-dufumier-de-la-terre-a-assiette"><em>De la Terre à l’assiette</em></a>, les écarts de productivité du travail peuvent aller d’un à mille entre ces producteurs vivriers et leurs concurrents situés dans les grandes puissances agro-exportatrices.</p>
<p>Il est d’autant plus crucial de manier ces quatre leviers d’action à court terme que les contraintes résultant du réchauffement seront plus rudes demain.</p>
<h2>L’incontournable variable du réchauffement climatique</h2>
<p>Comme le rappelle le <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/">premier tome</a> du 6° rapport d’évaluation du GIEC paru en août 2021, les impacts du réchauffement global vont se durcir pendant les trois prochaines décennies, quelle que soit la vitesse de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ces impacts fragilisent les producteurs agricoles.</p>
<p>Le réchauffement a des effets directs : il déplace vers les hautes latitudes les zones propices à la culture et à l’élevage, ce qui est globalement défavorable aux petits producteurs vivriers majoritairement situés plus près des tropiques.</p>
<p>Il a de multiples effets indirects, plus complexes à anticiper : la perturbation du régime des précipitations qui multiplie, ici les sécheresses, là-bas les inondations ; les changements de régime des fleuves ; la multiplication des évènements extrêmes ; la montée du niveau des mers qui exerce une pression redoutable sur les agricultures de deltas (avec notamment le phénomène de salinisation des sols).</p>
<h2>A moyen et long terme, réussir la transformation agroécologique</h2>
<p>Les méthodes d’adaptation pour accroître la résilience des systèmes agricoles et alimentaires ont fait l’objet d’un examen complet dans le <a href="https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/4/2021/02/08_Chapter-5_3.pdf">rapport spécial du GIEC sur la Terre</a>, paru en 2019.</p>
<p>Elles consistent à adopter des pratiques s’appuyant au maximum sur les cycles biologiques naturels qu’on peut regrouper sous le terme générique d’agroécologie : diversification des assolements, sélection locale des semences intégrant les contraintes du réchauffement, complémentarités entre cultures et élevages (engrais organiques), protection biologique contre les attaques des cultures et des troupeaux sans passer par les produits chimiques affaiblissant la biodiversité…</p>
<iframe src="https://embed.acast.com/5f63618a37b1a24c4ff25896/60ffbea7b233780012126129" frameborder="0" width="100%" height="110px"></iframe>
<p>Dans les systèmes vivriers, ces méthodes permettent de réduire la dépendance aux intrants bien trop coûteux et généralement mal conçus pour ce type d’agriculture. Elles exigent en revanche un investissement plus lourd en capital humain et des structures de développement agricoles performantes qui font souvent défaut.</p>
<p>L’agroécologie doit également s’imposer dans les grandes exploitations qui ont su maîtriser des systèmes agro-industriels efficaces à court terme, mais dont le haut degré de spécialisation épuise les écosystèmes ce qui menace à terme les gains initiaux.</p>
<p>Les signaux se multiplient en ce sens : stagnation depuis deux décennies des rendements céréaliers en Europe de l’Ouest ; chute de la production au Canada que la position septentrionale ne protège plus contre les canicules (et l’invasion de nouveaux parasites) ; multiplication des accidents climatiques au Brésil, condamnant selon <a href="https://www.istoebresil.org/post/la-puissance-agricole-du-br%C3%A9sil-est-menac%C3%A9e">l’analyse de l’économiste Jean‑Yves Carfantan</a>, la stratégie agro-exportatrice actuelle.</p>
<p>Cette bascule vers l’agroécologie est aussi une condition requise pour réduire les émissions du secteur agricole (méthane, protoxyde d’azote et rejets de CO<sub>2</sub> liés à l’usage des sols). C’est notamment le cas du Brésil où le retour en force du lobby agro-industriel a déjà mangé depuis 2015, une partie des gains antérieurs obtenus dans la lutte contre la déforestation.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/435406/original/file-20211202-25-1ploib8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/435406/original/file-20211202-25-1ploib8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/435406/original/file-20211202-25-1ploib8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/435406/original/file-20211202-25-1ploib8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/435406/original/file-20211202-25-1ploib8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/435406/original/file-20211202-25-1ploib8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/435406/original/file-20211202-25-1ploib8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/435406/original/file-20211202-25-1ploib8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">C. de Perthuis à partir des données INPE</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Ainsi, le climat va doublement contraindre l’ensemble des systèmes agricoles à muter vers l’agroécologie : pour résister au durcissement des effets du réchauffement ; pour réduire les émissions qui le provoquent. En opérant cette mutation, l’agriculture participera à la fois à l’adaptation et à l’atténuation du changement climatique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170493/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian de Perthuis est administrateur de l’ONG de développement Agrisud-International. </span></em></p>Cette tension sur les prix agricoles intervient dans un contexte déjà fragilisé par la pandémie. Portée par les dérèglements climatiques, elle souligne la nécessité de développer l’agroécologie.Christian de Perthuis, Professeur d’économie, fondateur de la chaire « Économie du climat », Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1466362020-09-22T14:00:48Z2020-09-22T14:00:48ZEn temps de pandémie, voici ce que dit notre engouement pour les conserves<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/359081/original/file-20200921-24-1a4e4i4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En ces temps de pandémie, faire des conserves, c’est détenir une compétence, un savoir-faire. C’est avoir une prise sur le concret.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Pour finir la saison, il me restait à faire des confitures de bleuets. Après plusieurs tentatives infructueuses, j’ai finalement réussi à mettre la main sur des pots Mason. Mais j’ai eu de la chance.</p>
<p>C’est un étrange effet de la pandémie de Covid-19 : tout le monde fait des conserves. <a href="https://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/le-15-18/segments/entrevue/196084/cuisine-recoltes-conservation">Les quincailleries ont été littéralement prises d’assaut.</a> Au printemps, le pain maison avait aussi eu son heure de gloire, et les tablettes des épiceries avaient été vidées de leur stock de farine et de levure. Comment expliquer cet engouement ?</p>
<p><a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/01490400.2020.1773980">Le cas du pain a été amplement discuté</a>. Celui des conserves obéit à des logiques similaires. Dans des temps incertains et difficiles, la cuisine peut devenir une valeur refuge. Elle propose un but simple à atteindre, scande le temps des journées, nous plonge dans le concret et stimule nos sens. En plus, l’aliment donne du plaisir et nous fait entrer en relation avec autrui. Autant de bonheurs précieux, et moins petits qu’on le dit.</p>
<p>Je m’intéresse aux représentations de l’aliment et de la gastronomie. Au-delà des effets de mode, que disent-elles de nos préoccupations, de nos visions du monde, de nos sociétés ? J’explore ces concepts dans ma production la plus récente, une <a href="https://www.signesdevie-vitalsigns.com/">œuvre de littérature numérique portant sur l’expérience et les résonances affectives de la nourriture</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/aux-fetes-etes-vous-un-nostalgique-alimentaire-107488">Aux Fêtes, êtes-vous un nostalgique alimentaire?</a>
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<h2>L’imaginaire des aliments</h2>
<p>L’imaginaire associé aux aliments comporte une part subjective, mais il résonne aussi avec l’histoire et l’expérience de la collectivité. <a href="http://ressources-socius.info/index.php/lexique/21-lexique/156-imaginaire-social">Il a une dimension sociale</a>, et ses impacts sur les pratiques et les usages alimentaires sont bien concrets.</p>
<p>Pourquoi, dans les moments que nous traversons, élisons-nous comme aliments significatifs le pain plutôt que la viande, la confiture plutôt que la crème glacée ?</p>
<p>Tout un ensemble de représentations imaginaires positives se rattache aux conserves et peut expliquer leur attrait.</p>
<h2>Goûter le temps</h2>
<p>Dans le geste de faire des conserves, il y a la quête d’un certain rapport au temps.</p>
<p>L’été a passé trop vite. Quoi de mieux, pour essayer de saisir ce temps enfui, que de le placer dans de jolis bocaux de verre ? Les conserves permettent ainsi de préserver des moments — la cueillette des framboises en juillet, ou l’émerveillement au marché devant la profusion des récoltes. Ces merveilles échappent au temps et à la finitude.</p>
<p>Les conserves supposent aussi un rapport au temps à venir. Ces confitures que l’on cuisine, on peut bien y goûter maintenant, mais c’est en février qu’elles trouveront tout leur sens. Elles seront alors un doux rappel, une réminiscence concrète de la chaleur de l’été.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/359094/original/file-20200921-14-fycg1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/359094/original/file-20200921-14-fycg1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/359094/original/file-20200921-14-fycg1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/359094/original/file-20200921-14-fycg1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/359094/original/file-20200921-14-fycg1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/359094/original/file-20200921-14-fycg1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/359094/original/file-20200921-14-fycg1k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Manger une confiture de bleuts au mois de février nous rappelle les douceurs de l’été.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Cet imaginaire permet ainsi de se projeter ailleurs. Loin du quotidien difficile de cette époque de pandémie, il nous fait rêver à un temps idéalisé où règnerait le rythme cosmique des saisons.</p>
<h2>Un idéal de maîtrise technique</h2>
<p>La confection des conserves demande des connaissances spécifiques, au moins quelques pièces d’équipement de base, des gestes précis. Ce savoir peut avoir été acquis par la transmission familiale. Mais désormais, les ateliers de formation, les livres de cuisine, les sites web ou les tutoriels sont aussi d’excellentes sources d’information.</p>
<p>Quelle que soit notre source, au final, il faut poser les bons gestes. Car si une technique déficiente peut avoir des conséquences bénignes, <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/conseils-generaux-salubrite/conseils-salubrite-mise-conserve-aliments.html">elle peut aussi mener à l’empoisonnement</a>.</p>
<p>Cette nécessaire précision associe la confection des conserves à un idéal de maîtrise technique. Alors que nous n’avons pas le contrôle sur nos vies, cette représentation est certainement attrayante. Faire des conserves, c’est détenir une compétence, un savoir-faire. C’est avoir une prise sur le concret.</p>
<h2>Un rêve d’autosuffisance</h2>
<p>Des représentations d’autosuffisance alimentaire se rattachent aussi aux conserves.</p>
<p><a href="https://www.inspq.qc.ca/publications/3027-pandemie-insecurite-alimentaire#:%7E:text=L%E2%80%99ins%C3%A9curit%C3%A9%20alimentaire%20correspond%20%C3%A0,qui%20maximise%20les%20choix%20sains">Alors que l’insécurité alimentaire est de plus en plus répandue</a>, que le système de production agricole a montré ses fragilités et <a href="https://www.upa.qc.ca/fr/covid-19/">que des récoltes ont dû rester aux champs</a>, que des pénuries ont marqué les derniers mois ou que nous avons simplement évité les sauts trop fréquents au supermarché, l’autosuffisance alimentaire s’est présentée comme une voie séduisante. L’explosion des potagers au cours de l’été en témoigne.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/359111/original/file-20200921-14-v3lpyf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/359111/original/file-20200921-14-v3lpyf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/359111/original/file-20200921-14-v3lpyf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/359111/original/file-20200921-14-v3lpyf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/359111/original/file-20200921-14-v3lpyf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/359111/original/file-20200921-14-v3lpyf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/359111/original/file-20200921-14-v3lpyf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un potager urbain au cœur du Plateau Mont-Royal, à Montréal. Dans nos conserves, il y a des aliments que l’on a produits, cueillis et cuisinés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>La popularité des conserves a certainement à voir avec cette quête d’autonomie. Il y a dans la prévoyance et l’accumulation quelque chose de sécurisant, <a href="https://theconversation.com/coronavirus-dou-vient-cette-peur-de-manquer-de-papier-hygienique-et-comment-lattenuer-133487">comme le cas du papier de toilette l’a amplement démontré</a>.</p>
<p>Mais plus encore, les conserves ne sont pas un banal produit industriel acheté au supermarché. Elles sont significatives parce qu’elles contiennent des aliments produits, cueillis et cuisinés localement. Dans ces bocaux, il y a un peu du territoire que nous habitons.</p>
<p>Les conserves mobilisent ainsi des représentations positives qu’on associe à l’écologie et à des manières inspirantes d’habiter le territoire et l’environnement.</p>
<h2>Partage et don</h2>
<p>Les conserves sont enfin des denrées éminemment « collectivisables ». Elles sont souvent faites en groupe, à cause des quantités impliquées et de l’équipement requis. Et elles peuvent facilement être offertes.</p>
<p>Ces caractéristiques font en sorte que des représentations liées au partage et au don leur sont associées.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/359095/original/file-20200921-18-8zoec6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/359095/original/file-20200921-18-8zoec6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=806&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/359095/original/file-20200921-18-8zoec6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=806&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/359095/original/file-20200921-18-8zoec6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=806&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/359095/original/file-20200921-18-8zoec6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1013&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/359095/original/file-20200921-18-8zoec6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1013&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/359095/original/file-20200921-18-8zoec6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1013&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La popularité des conserves a à voir avec une quête d’autonomie. Il y a dans la prévoyance et l’accumulation quelque chose de sécurisant.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Or face à la pandémie, nous avons dû radicalement changer nos manières de vivre ensemble et d’interagir. Plusieurs se sont trouvés isolés, coupés de leurs proches. Les représentations associées aux conserves peuvent mettre un baume sur ces difficultés, car elles évoquent une cuisine par et pour la collectivité.</p>
<h2>Les pouvoirs de l’imaginaire</h2>
<p>S’il y a un engouement pour les conserves, c’est parce que ces préparations font vibrer des cordes sensibles dans la situation de pandémie que nous vivons. Faire des conserves, c’est imaginer un rapport serein au temps, maîtriser le concret et la technique, habiter un territoire local où l’autosuffisance serait possible, et rêver autrement la collectivité.</p>
<p>La nourriture n’est pas liée qu’à la subsistance. Quand nous faisons la cuisine et que nous mangeons, nous mettons en jeu des représentations, des visions du monde, des croyances. C’est cet imaginaire qui rend les aliments véritablement significatifs et savoureux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146636/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Geneviève Sicotte a reçu du financement du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.</span></em></p>Dans des temps incertains et difficiles, la cuisine devient une valeur refuge. Elle propose un but simple à atteindre, scande le temps, nous plonge dans le concret et stimule nos sens.Geneviève Sicotte, Professeure, Études françaises, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1401372020-06-29T19:14:09Z2020-06-29T19:14:09ZLa crise du Covid-19 met en lumière la nécessaire remise en cause de l’aide alimentaire<p>Avec la crise du Covid-19, de nombreux foyers ont été précipités dans une situation d’insécurité alimentaire grave. Grâce à la réactivité des associations et à une multitude d’initiatives <a href="https://utaa.fr/2020/05/18/de-laide-alimentaire-a-laide-humanitaire-recit-dun-derapage-social/">locales, citoyennes et bénévoles</a>, l’aide alimentaire a pu être multipliée au moins par 3.</p>
<p>Face à l’urgence, le gouvernement a décidé de verser une aide ponctuelle à environ 4 millions de ménages. Il a annoncé une enveloppe de 39 millions d’euros, dont 25 millions à destination des associations d’aide alimentaire et 14 à destination des territoires. On ignore sur quelles bases les modalités de ces aides d’urgence ont été définies.</p>
<p>En France, le système d’aide alimentaire est principalement basé sur des dons de produits et il est entièrement délégué au monde associatif. Il recèle de très nombreuses failles structurelles : économiques, nutritionnelles, sociales, éthiques, organisationnelles…</p>
<h2>Casse-tête logistique</h2>
<p>Encadrée par des politiques publiques, l’aide alimentaire est un enchevêtrement de <a href="http://www.senat.fr/notice-rapport/2018/r18-034-notice.html">diverses sources de financement (public, privé, bénévolat)</a> croisant différentes formes de distribution par le biais d’une myriade d’associations de tailles et missions différentes. Ces politiques génèrent un énorme dispositif bureaucratique et un véritable <a href="http://www.igas.gouv.fr/spip.php?article754">casse-tête logistique</a>.</p>
<p>L’essentiel des ressources à distribuer arrive aux associations sous forme de denrées. C’est le cas pour les produits issus du Fond européen d’aide aux plus démunis (FEAD) et pour les produits dits de « la ramasse ». Ceux-ci proviennent des invendus de la grande distribution et des dons industriels ou agricoles, encouragés par les <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/gaspillage-alimentaire-0">dispositifs fiscaux des récentes lois Garot et Egalim</a>.</p>
<p>Cette logique de flux poussés des « donateurs » vers les utilisateurs exige des moyens logistiques (matériels et humains) conséquents pour stocker massivement les produits du FEAD, organiser les tournées de ramasse, trier les produits et les distribuer dans des délais très courts.</p>
<h2>Une dépendance paradoxale au gaspillage</h2>
<p>L’idée du législateur est qu’un usage « noble » des excédents alimentaires de nos sociétés opulentes consiste à les « recycler » dans l’aide alimentaire, dans une démarche anti-gaspillage.</p>
<p>Cette approche génère des gisements de denrées auxquels les associations, sur le terrain concret de la distribution de l’aide, se réjouissent d’accéder. Paradoxalement, gaspillage et aide alimentaire fonctionnent en vases communicants : la baisse souhaitée du premier met la seconde en difficulté. Ainsi, face à des approvisionnements fluctuants, les associations dépensent beaucoup d’énergie à essayer de conserver un niveau stable de satisfaction des besoins alimentaires.</p>
<p>L’administration des dispositifs d’aide étatique ou européenne induit une bureaucratie croissante. Pour recevoir les denrées issues du FEAD (dont les achats sont contrôlés par l’organisme public France Agrimer) et pour pouvoir défiscaliser les dons issus de la ramasse, plus de 2 000 associations sont concernées ou impactées par une procédure d’habilitation.</p>
<p>Les directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf) publient la liste des associations agréées.</p>
<p>De nombreuses tâches de contrôle requises pour garantir le bon usage des deniers publics sont déléguées aux associations (par exemple les documents administratifs attestant de dons ouvrant droit aux avantages fiscaux pour les entreprises). Elles mobilisent ainsi leurs ressources pour des activités administratives et logistiques, ce qui les empêche de se consacrer pleinement à la promotion de l’insertion sociale et à la prévention de l’insécurité alimentaire.</p>
<h2>Une couverture insuffisante</h2>
<p>L’aide alimentaire ne touche qu’une partie des personnes en insécurité alimentaire et ne couvre qu’une partie des besoins de ses utilisateurs. En 2017, une <a href="https://www.anses.fr/fr/content/inca-3-evolution-des-habitudes-et-modes-de-consommation-de-nouveaux-enjeux-en-mati%C3%A8re-de">étude de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation</a> a estimé le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire en France à 8 millions.</p>
<p>La même année, le Secours populaire <a href="https://www.secourspopulaire.fr/sondage-ipsossecours-populaire-2018">a évalué à 13 millions</a> le nombre de personnes en situation de précarité alimentaire.</p>
<p>L’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a de son côté annoncé que le <a href="http://www.igas.gouv.fr/spip.php?article754">nombre d’usagers de l’aide alimentaire était de 5,5 millions</a> en 2018.</p>
<p>Sur la base de ces trois études, il apparaît donc qu’entre 3 et 8 millions de personnes éprouvent des difficultés financières pour s’alimenter, mais n’ont pas recours à l’aide alimentaire. Elles doivent donc se procurer 100 % de leur alimentation au sein du circuit commercial.</p>
<p>Une enquête réalisée en 2008 et jamais actualisée depuis 15 ans, montre que même pour les utilisateurs de l’aide alimentaire, les dons alimentaires ne couvrent en moyenne que 40 % de leurs <a href="https://www.researchgate.net/publication/250766033_Enquete_aupres_des_associations_d%E2%80%99aide_alimentaire_E3A_mode_de_fonctionnement_des_structures_et_valeur_nutritionnelle_des_colis_et_repas_distribues">besoins énergétiques</a>. Il leur faut donc se procurer les 60 % restant dans les circuits de distribution classiques.</p>
<p>À ces chiffres, s’ajoute en creux le <a href="http://www.mdpi.com/2072-6643/10/2/205/pdf">rôle des cantines scolaires</a>, qui contribuent à hauteur de 40 % des besoins énergétiques des enfants les jours d’école. Pendant la crise du Covid-19, leur fermeture inopinée – comme celle des restaurants universitaires – a aggravé l’insécurité alimentaire d’un nombre important de personnes, dont on ne connaît pas, à ce jour, le nombre.</p>
<h2>Déséquilibres nutritionnels</h2>
<p>Trop souvent, <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/nutrition-et-activite-physique/documents/article/enquete-aupres-des-associations-d-aide-alimentaire-e3a-mode-de-fonctionnement-des-structures-et-valeur-nutritionnelle-des-colis-et-repas-distri">l’aide apportée présente des déséquilibres nutritionnels</a>, liés au manque de produits frais et de certaines familles de denrées (le pain par exemple).</p>
<p>Dépendantes de dons en nature dont elles ne maîtrisent pas le contenu, les structures d’aide sont souvent confrontées à d’importantes difficultés financières et pratiques (approvisionnement, stockage, transport…), qui favorisent, assez logiquement, des aliments secs, pratiques d’emploi, faciles à transporter et à stocker, et qui ne risquent pas de se périmer et <a href="http://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/6522/expcol_2014_inegalites-sociales.pdf">donc d’être gaspillés</a>.</p>
<p>Ainsi, l’aide alimentaire n’est pas en mesure de rééquilibrer l’alimentation des personnes qui y ont recours.</p>
<p>Le dispositif d’aide alimentaire existant ne permet pas d’assurer le respect des droits <a href="https://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/">humains fondamentaux</a>. Le système est asymétrique dans sa construction et n’offre pas l’égalité de dignité : l’utilisateur (la personne aidée ou même l’association « intermédiaire ») est dans une situation d’infériorité, de dépendance à ce qui est proposé en quantité et en qualité.</p>
<p>Une étude nationale réalisée par ATD Quart Monde <a href="https://www.atd-quartmonde.fr/wp-content/uploads/2016/07/Se-nourrir-lorsquon-est-pauvre.pdf">a recueilli des témoignages édifiants à cet égard</a>. Le donateur, quant à lui, en retire une image sociale positive en plus de l’avantage fiscal associé au don.</p>
<h2>L’aide alimentaire n’assure pas l’égalité des droits</h2>
<p>La couverture territoriale de l’aide alimentaire est inégale. Les critères d’accès sont parfois spécifiques aux associations et sont mal connus ou mal compris des utilisateurs. Le volontariat rend le système dépendant de la disponibilité des bénévoles.</p>
<p>L’aide alimentaire est la seule réponse apportée face à l’insécurité alimentaire et ne permet pas le libre et plein développement de la personnalité. Si elle apparaît nécessaire pour gérer des situations d’urgence, elle devrait être uniquement positionnée comme transitoire et « constituer une porte d’entrée vers l’insertion sociale ».</p>
<p>Ce constat a été posé par les pouvoirs publics dans la politique de <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006074069&idArticle=LEGIARTI000037550332">lutte contre la pauvreté</a>. Mais dans les faits, il n’existe pas de dispositif public assurant la construction de parcours de vie permettant à toutes et tous de s’alimenter de façon autonome, de pouvoir partager ses connaissances et convictions, et ainsi participer pleinement à la vie démocratique.</p>
<p>L’esprit de fraternité repose presque essentiellement sur du bénévolat peu valorisé et peu soutenu par les pouvoirs publics.</p>
<p>Le financement public ne représente que <a href="http://www.senat.fr/notice-rapport/2018/r18-034-notice.html">30 % des ressources de l’aide alimentaire</a>. L’activité des associations repose en grande partie sur le travail bénévole (valorisé à 30 % de leurs ressources) et elles doivent par ailleurs mobiliser une part croissante de leurs ressources à la recherche de financements privés. La dépendance aux bénévoles, majoritairement retraités, a montré ses limites au début de la crise du Covid-19, ceux-ci ne pouvant plus intervenir sur le terrain.</p>
<p>La fraternité envers les générations futures est absente de la gestion publique de l’aide alimentaire : l’impact environnemental de ce casse-tête organisationnel (impacts du transport et des modes de conditionnement notamment) n’est jamais pris en compte dans les politiques publiques.</p>
<h2>Pour une sécurité sociale de l’alimentation</h2>
<p>L’aide alimentaire ne permet pas d’assurer la sécurité alimentaire des citoyens, elle ne fait que panser les symptômes de l’insécurité alimentaire. Elle doit donc être fondamentalement remise en question.</p>
<p>Mettre en place une sécurité sociale de l’alimentation, <a href="https://www.academia.edu/39880534/Pour_une_S%C3%A9curit%C3%A9_Sociale_de_lAlimentation;https://declic-solutions.org/">ainsi que le proposent des voix de plus en plus nombreuses</a>, permettrait de changer de paradigme.</p>
<p>Il s’agirait de passer de l’assistance alimentaire à l’instauration d’un droit à l’alimentation, à savoir un accès autonome de chacun·e à son alimentation.</p>
<p>Un budget mensuel de l’ordre de 120 euros par personne serait attribué (soit le <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0174679">montant minimal nécessaire pour accéder à une alimentation équilibrée</a>) pour l’achat d’aliments dans des circuits d’approvisionnement répondant à des critères de santé, d’environnement et d’éthique.</p>
<p>Les associations de terrain seraient ainsi déchargées de la gestion logistique complexe des stocks de denrées, et pourraient se consacrer à de l’accompagnement pour créer du lien social – animer des ateliers de prévention ou de cuisine, gérer un restaurant social – et prendre en charge les cas urgents.</p>
<p>Cette transformation n’est pas envisageable sans politiques publiques ambitieuses s’inscrivant dans le long terme et qui soutiendraient une dynamique d’innovations sociales coconstruites et portées localement par des collectifs d’acteurs : associations, chercheurs, travailleurs sociaux et collectivités territoriales.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140137/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le système d’aide alimentaire a bénéficié à de nombreux foyers durant la crise du Covid-19. Mais il repose quasi entièrement sur le monde associatif et recèle de nombreuses failles.Nicole Darmon, Directrice de Recherche en Nutrition et Santé Publique, InraeCatherine Gomy, Chargée d'enseignement AgroParisTech, consultante-formatrice en stratégies de transition, systèmes alimentaires et économie circulaire, AgroParisTech – Université Paris-SaclayDoudja Saïdi-Kabeche, Enseignante-Chercheuse en siences de Gestion, AgroParisTech – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1404472020-06-14T17:12:17Z2020-06-14T17:12:17ZCrise alimentaire : cinq pistes pour fluidifier les approvisionnements en Afrique<p>Plus de 10 ans après la <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/toc/15740862/2008/39/s1">crise alimentaire de 2007-2008</a>, la pandémie actuelle et son impact potentiel sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle posent les <a href="http://www.fao.org/2019-ncov/q-and-a/fr/">mêmes questions</a>, avec en filigrane quelques idées reçues utiles à déconstruire à nouveau en ce 15 juin, journée mondiale contre la faim : les circuits alimentaires vont-ils être rompus ? La crise va-t-elle priver l’Afrique de riz ? Est-ce bien là la preuve qu’il faut relocaliser la production pour sécuriser les approvisionnements ou est-ce une <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/05/24/isabelle-mejean-la-relocalisation-est-une-fausse-bonne-idee_6040611_3234.html">fausse bonne idée</a> ?</p>
<p>En pleine crise du Covid-19, la nourriture à prix abordable ne manque pas, comme le martèle <a href="http://www.fao.org/africa/news/detail-news/es/c/1272643/">l’économiste en chef</a> de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).</p>
<p>Par ailleurs, les erreurs qui avaient aggravé la crise alimentaire en 2008 n’ont pas été reproduites : de nombreux gouvernements ont mis en place des <a href="https://blogs.worldbank.org/africacan/covid-19-africa-how-can-social-safety-nets-help-mitigate-social-and-economic-impacts">transferts monétaires</a> pour soutenir les plus pauvres ; et les restrictions d’exportations restent <a href="https://www.ifpri.org/project/covid-19-food-trade-policy-tracker">très limitées</a> par rapport à celles qui avaient prévalu en 2008.</p>
<p>Offre alimentaire disponible, commerce international <a href="https://www.ifpri.org/blog/covid-19-trade-restrictions-are-worst-possible-response-safeguard-food-security">maintenu</a>, demande soutenue par les gouvernements… n’y a-t-il donc aucun risque d’insécurité alimentaire et nutritionnelle en Afrique en ces temps perturbés par la pandémie ? Certes non.</p>
<p>Mais au-delà de la hausse de la pauvreté, les risques résident surtout dans les défauts d’approvisionnements alimentaires et dans une potentielle inadéquation des politiques publiques nationales pour y remédier. Notre analyse nous permet de présenter cinq pistes pour contrer les idées reçues et garantir une meilleure qualité des échanges au sein du continent.</p>
<h2>Des risques colossaux persistent</h2>
<p>Les <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01168312">travaux de recherche</a> post-2008 ont réaffirmé que les crises alimentaires ne sont pas toujours liées à des chutes de production, mais aussi à la pauvreté des consommateurs ou à des barrières commerciales.</p>
<p>Des travaux de cartographies permettent d’identifier les pays et zones du continent actuellement les plus à risque concernant l’<a href="https://fews.net/">insécurité alimentaire</a> (Soudan, Soudan du Sud, Éthiopie, Somalie, Mauritanie… ).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/341286/original/file-20200611-80754-z8rpd7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/341286/original/file-20200611-80754-z8rpd7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/341286/original/file-20200611-80754-z8rpd7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/341286/original/file-20200611-80754-z8rpd7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/341286/original/file-20200611-80754-z8rpd7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/341286/original/file-20200611-80754-z8rpd7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/341286/original/file-20200611-80754-z8rpd7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/341286/original/file-20200611-80754-z8rpd7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Cartographie de l’insécurité alimentaire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fews.net/">Fews.net/</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Aujourd’hui, c’est avant tout le manque d’argent pour acheter de la nourriture qui fragilise la situation des <a href="http://www.fao.org/3/ca5162fr/ca5162fr.pdf">820 millions</a> de personnes sous-alimentées dans le monde.</p>
<p>Des milliers de personnes ont perdu leur emploi du fait des mesures visant à limiter la propagation du virus. Que ce soit dans le secteur formel ou <a href="https://ideas4development.org/covid-19-soutenir-le-secteur-informel/">informel</a>, du vendeur de bananes au détail aux gros exportateurs de roses et de thé kenyans, les pertes économiques <a href="https://www.ilo.org/global/about-the-ilo/multimedia/video/institutional-videos/WCMS_744031/lang--en/index.htm">et d’emplois</a> sont énormes.</p>
<p>Les consommateurs urbains, déjà particulièrement vulnérables à l’insécurité alimentaire, sont fortement affectés, sans pouvoir, pour la plupart, s’exiler à la campagne et retrouver une parcelle agricole. Les transferts monétaires des États ne suffiront pas et ceux envoyés par la diaspora sont fortement <a href="https://www.imf.org/external/pubs/ft/fandd/2020/06/COVID19-pandemic-impact-on-remittance-flows-sayeh.htm">touchés par la crise</a>.</p>
<p>Ce qui fait défaut ensuite, c’est l’infrastructure logistique pour acheminer les denrées alimentaires du port, ou du champ, jusqu’aux consommateurs : les circuits d’échanges internationaux <a href="https://www.economist.com/leaders/2020/05/09/the-global-food-supply-chain-is-passing-a-severe-test">ne sont pas rompus</a>, mais les circuits d’approvisionnement et de distribution nationaux et <a href="https://arii.uneca.org/fr-FR">intra-africains</a>, eux, sont beaucoup moins robustes et résilients (Soudan, Angola, République démocratique du Congo…).</p>
<p><a href="https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/6610">Cette fragilité</a> est connue depuis longtemps, mais la crise amplifie les <a href="https://www.ifpri.org/node/23344">problèmes aux frontières</a> et les <a href="https://www.trademarkea.com/safe-trade-emergency-facility-programme-briefs/">délais d’acheminement</a> une fois sur les corridors intra-africains.</p>
<h2>Fluidifier les échanges</h2>
<p>Selon la Banque mondiale, l’alimentation reste aujourd’hui le <a href="http://datatopics.worldbank.org/consumption/">premier poste de dépense</a> des ménages africains. Y améliorer l’accès est donc crucial pour la sécurité alimentaire et la santé, mais aussi pour la lutte contre la pauvreté.</p>
<p>L’économie alimentaire est aussi la première source d’emplois en Afrique. Elle va <a href="http://www.worldbank.org/en/topic/food-system-jobs">bien au-delà</a> des seules activités de production agricole. On estime en effet qu’elle représentera un <a href="https://www.worldbank.org/en/news/press-release/2013/03/04/africas-food-markets-could-create-one-trillion-dollar-opportunity-2030">marché de mille milliards de dollars</a> d’ici à 2030.</p>
<p>Or, sans possibilité de commercer de façon fluide, il n’y aura pas d’accès aux marchés pour les producteurs, pas d’économie d’agglomération ni d’économies d’échelle, pas de diversification des activités dans le secteur ni de compétitivité des économies et des villes africaines.</p>
<p>On le voit actuellement : c’est en partie à cause des <a href="https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---africa/---ro-abidjan/documents/briefingnote/wcms_741864.pdf">difficultés de circulation</a> des transporteurs et des commerçants, des couvre-feux, des congestions aux frontières et des interdictions de déplacements que les opportunités économiques et les emplois disparaissent.</p>
<p>La crise actuelle jette une lumière crue sur la nécessité d’améliorer les circuits d’approvisionnements. Au niveau continental, c’est l’affaire de la zone de libre-échange africaine, prévue pour le 1<sup>er</sup> janvier 2021. Mais au niveau national, c’est l’affaire des <a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/lafd-et-lalimentation-des-villes">gouvernements et des villes</a>.</p>
<p>Or, ce domaine a été largement négligé dans les dernières décennies. <a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/systemes-agroalimentaires-afrique">L’ouvrage collectif</a> édité par l’Agence française de développement et la Banque mondiale, qui repose sur un travail analytique de Toulouse School of Economics et des <a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/les-systemes-de-distribution-alimentaire-dans-les-pays-dafrique-mediterraneenne-et-subsaharienne">analyses de terrain</a> effectuées notamment par le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), propose cinq pistes pour y remédier.</p>
<h2>Agir sans déstabiliser</h2>
<p>Premièrement, il devient crucial de comprendre les facteurs qui motivent les producteurs à desservir tel ou tel marché, et les consommateurs à se rendre à tel ou tel point de vente. Ces facteurs sont centraux pour comprendre les forces d’attraction (centripètes) ou de dispersion (centrifuges) qu’exerce la ville sur les zones de production agricole. Dans le cas contraire, les politiques publiques pourraient avoir un effet contraire à celui recherché.</p>
<p>Prenons l’exemple d’une amélioration des conditions d’accès des consommateurs à un marché en subventionnant le transport public par exemple. Cela pourrait augmenter les prix sur ce marché si l’afflux de consommateurs n’est pas suivi d’une augmentation de l’offre.</p>
<p>Autre exemple : l’investissement dans la réduction de la périssabilité des produits (chaîne du froid, usines de première transformation des produits) pourrait faire fuir les consommateurs si cela entraîne une hausse des prix qu’ils ne sont pas prêts à supporter.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/340991/original/file-20200610-34688-hbz7q3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/340991/original/file-20200610-34688-hbz7q3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/340991/original/file-20200610-34688-hbz7q3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/340991/original/file-20200610-34688-hbz7q3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/340991/original/file-20200610-34688-hbz7q3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/340991/original/file-20200610-34688-hbz7q3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/340991/original/file-20200610-34688-hbz7q3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">S’éloigner des villes ou s’en rapprocher ? Forces à l’œuvre pour la production agricole.</span>
<span class="attribution"><span class="source">auteurs</span></span>
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<p>Deuxièmement, il convient d’identifier les pertes de compétitivité des produits sur toute la chaîne : au-delà de la production, les producteurs sont-ils en mesure de mettre en commun leurs récoltes pour bénéficier d’<a href="https://econpapers.repec.org/article/oupajagec/v_3a87_3ay_3a2005_3ai_3a3_3ap_3a717-734.htm">économies d’échelle dans le transport</a> ? Peut-on favoriser la transformation alimentaire pour limiter ces pertes post-récolte ? Faut-il plutôt améliorer les conditions de stockage et la chaîne du froid ? Cela dépend aussi des préférences des consommateurs.</p>
<p>Troisièmement, les infrastructures légères comme <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/app.2.3.46">l’accès à l’information</a> et la confiance dans les contrats de vente, de crédit, de qualité restent primordiales.</p>
<p>Sans un diagnostic précis, les politiques publiques risquent de déstabiliser les systèmes de confiance interpersonnelle, les réseaux de distribution familiaux, ou la gestion du crédit entre fournisseurs et acheteurs. Par exemple, la qualité attribuée à un produit par les consommateurs repose souvent sur la réputation des vendeurs. Mettre en place des labels qualité doit prendre en compte ces habitudes.</p>
<p>Quatrièmement, l’intervention politique reste souvent freinée par la diversité des acteurs impliqués dans le secteur de l’alimentation, avec des mandats flous et des moyens limités. Leur prise en compte s’avère pourtant essentielle sous peine d’échec des tentatives de régulation et d’amélioration de la gouvernance.</p>
<p>Enfin, et peut-être faut-il commencer par là, il s’agit de lutter contre certaines <a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/repenser-lalimentation-dans-les-villes-du-sud">idées reçues</a> sur l’alimentation des villes africaines. En effet, une vision fragmentée de la filière agroalimentaire implique des politiques publiques concentrées soit en amont, soit en aval.</p>
<p>Or, seule une prise en compte de la filière dans sa globalité et sa complexité permettra le déploiement de projets et politiques publiques plus « systémiques » à même de résoudre les enjeux alimentaires dans les villes d’Afrique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140447/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gaëlle Balineau est salariée de l'Agence française de développement</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nicole Madariaga est salariée de l'Agence française de développement.</span></em></p>Au-delà de la pauvreté, le continent souffre de la mauvaise circulation des denrées due aux défaillances des circuits commerciaux nationaux et intra-africains.Gaëlle Balineau, Économiste du développement, Agence française de développement (AFD)Nicole Madariaga, Economiste du développement, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1373102020-05-04T19:42:14Z2020-05-04T19:42:14ZCes criquets pèlerins qui menacent d’affamer l’Afrique de l’Est<p>Depuis des mois, la région de la Corne de l’Afrique fait face à une invasion inédite de criquets pèlerins. Depuis 2019, ils ont déjà atteint le Kenya, l’Éthiopie, l’Érythrée, Djibouti, la Somalie, l’Ouganda, le Soudan et la Tanzanie.</p>
<p>Ces essaims aggravent le problème de sécurité alimentaire dans l’une des régions les plus pauvres et les plus vulnérables du monde, dévorant les quelques récoltes de maïs et de sorgho que la sécheresse avait épargnées.</p>
<p>Cette crise environnementale a considérablement augmenté la pression sur une région qui était déjà sous tension et soumise à des variations climatiques extrêmes. La mise en place d’une réponse devient urgente pour éviter qu’à la crise sanitaire du Covid-19 s’ajoute une grave crise alimentaire dans la région.</p>
<h2>Le criquet pèlerin, solitaire ou grégaire</h2>
<p>Parmi les insectes appelés les locustes, le criquet pèlerin (<em>Schistocerca gregaria</em>) est l’une des espèces acridiennes les <a href="https://doi.org/10.1111/gcb.13739">plus importantes</a> en raison de leur capacité à migrer sur de grandes distances et à augmenter rapidement ses effectifs, et du fait de leur capacité morphologique (de couleur et de forme), physiologique et comportementale à passer de la forme solitaire <a href="https://doi.org/10.1016/S0065-2806(08)60091-0">à la forme grégaire</a>.</p>
<p>Cet herbivore vit <a href="https://doi.org/10.1111/gcb.13739">dans les prairies arides et les déserts d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie du Sud-Ouest</a>. Pendant les périodes de récession, les individus sont le plus souvent solitaires et inoffensifs. Mais lors des phases de pullulation, le nombre d’individus augmente et des groupes denses se forment selon les conditions environnementales de leur aire d’habitat : c’est le phénomène de grégarisation.</p>
<p>Par ailleurs, dans les conditions favorables, les criquets pèlerins <a href="https://www.franceculture.fr/environnement/criquet-pelerin-en-afrique-il-ne-faut-pas-le-sous-estimer-il-peut-sattaquer-a-toute-la-vegetation">peuvent se multiplier par vingt par génération</a>. Ils forment ainsi des nuages massifs très visibles d’insectes grégaires, et produisent des <a href="https://doi.org/10.1111/j.1469-185X.1999.tb00038.x">dégâts agricoles importants</a>.</p>
<p>Par ailleurs, ces invasions acridiennes remontent à bien très loin dans l’histoire de l’humanité. Il a été rapporté que ces ravages ont continué du Moyen-Âge jusqu’à nos jours <a href="http://agritrop.cirad.fr/341962/">sous forme de risques intermittents</a>. Des invasions de criquets furent signalées depuis la période pharaonique dans l’Égypte ancienne.</p>
<p>L’aire d’invasion du Criquet pèlerin couvre environ 31 millions de kilomètres carrés, soit presque la <a href="http://agritrop.cirad.fr/341962/">superficie totale de l’Afrique du Nord, la péninsule Arabique et l’Asie du Sud-ouest</a>.</p>
<h2>Les causes de cette prolifération</h2>
<p>De nombreux travaux montrent que la formation d’une invasion généralisée résulte d’une succession de pluies abondantes <a href="http://locust.cirad.fr/ouvrages_pratiques/pdf/DFPV6.pdf">sur de grandes surfaces</a>.</p>
<p>De plus, la structure de la végétation et la topographie de certains habitats favorisent la grégarisation, s’ils reçoivent les précipitations nécessaires pour permettre à la végétation de <a href="http://agritrop.cirad.fr/341962/">se développer</a>.</p>
<p>Si la saison des pluies se prolonge ou que la pluviosité est très abondante (tout particulièrement en zone tropicale), l’environnement est particulièrement propice aux étapes de la reproduction : <a href="http://locust.cirad.fr/ouvrages_pratiques/pdf/DFPV6.pdf">maturation, ponte, développement embryonnaire et développement larvaire de ces insectes</a>.</p>
<p>Les passages de cyclones successifs, qui se sont accompagnés de fortes pluies, en mai et octobre 2018 dans le Croissant vide de la péninsule Arabique ont été identifiés comme les causes majeures de la <a href="http://www.fao.org/3/ca7610fr/CA7610FR.pdf">résurgence actuelle de ces insectes</a>.</p>
<p>La fréquence et l’intensité accrues des événements extrêmes dans le contexte du changement climatique perturbent les écosystèmes et les rend vulnérables aux invasions, offrant ainsi des possibilités exceptionnelles de <a href="https://www.cabi.org/Uploads/CABI/expertise/invasive-alien-species-working-paper.pdf">dispersion et de croissance des espèces invasives</a>.</p>
<h2>Une menace pour la sécurité alimentaire</h2>
<p>En phase grégaire, un petit essaim de criquets pèlerins consomme en une journée une quantité de nourriture équivalente à celle de 35 000 personnes. Il peut donc être extrêmement destructeur et causer des pertes considérables <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007%2F978-3-0348-9202-5_64">sur les cultures et les pâturages</a>.</p>
<p>Il menace déjà de façon cyclique l’agriculture et les pâturages d’environ 25 pays parmi lesquels les <a href="https://doi.org/10.1098/rstb.1979.0069">plus pauvres du monde</a>, dans une zone <a href="http://agris.fao.org/agris-search/search.do?recordID=XF2004406453">s’étalant de la Mauritanie, en Afrique de l’Ouest, jusqu’à l’Inde à l’Est</a>.</p>
<p>En Afrique de l’Est, ces invasions acridiennes touchent les moyens de subsistance et pèsent sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle de plus de 10 millions de personnes. Elles y aggravent la pauvreté et la vulnérabilité des ménages vivant déjà <a href="http://www.fao.org/ag/locusts/common/ecg/1913/en/DesertLocustEvalReportE.pdf">dans des conditions très précaires</a>.</p>
<p>À terme, l’invasion acridienne risque de provoquer un exode rural, un appauvrissement des ménages et la réduction de la main-d’œuvre agricole. L’importance relative des différents types d’impacts varie selon les pays et les zones étudiés.</p>
<h2>Détection précoce</h2>
<p>Sur le plan institutionnel, deux institutions distinctes jouent un rôle central dans la gestion préventive du criquet pèlerin en Afrique de l’Est : la Commission pour la région centrale de la FAO (CRC-FAO) et le Desert Locust Control Organization for Eastern Africa (DLCO-EA).</p>
<p>L’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) a adopté avec les pays touchés une stratégie de lutte préventive pour tenter de freiner l’augmentation des populations acridiennes au début du processus de grégarisation.</p>
<p>Cette stratégie est fondée sur la détection précoce, afin de prévenir les recrudescences de criquets menaçants. Parmi les données recueillies figurent le type de criquets, le type d’habitat et les précautions de traitement et de sécurité nécessaires pour y remédier.</p>
<p>Après transmission au centre de lutte antiacridienne, les données sont utilisées en combinaison avec les données relatives aux précipitations et à la végétation provenant d’images satellites, ou d’autres sources de données et de modèles de développement et de trajectoire des criquets. L’objectif étant <a href="http://www.un-spider.org/node/7804">d’analyser la propagation du ravageur</a>.</p>
<p>Les informations géo-référencées sur les criquets pèlerins et les conditions environnementales sont analysées par un Système d’Information Géographique (SIG) <a href="https://www.cabdirect.org/cabdirect/abstract/20103333311">appelé RAMSES (Système de Reconnaissance et de gestion de l’Environnement de Schistocerca gregaria)</a>.</p>
<h2>L’impossible éradication</h2>
<p>Malgré la menace qu’il représente, le criquet pèlerin joue aussi un rôle essentiel dans la chaîne alimentaire. Il représente notamment une ressource en protéines importante <a href="https://pascal-francis.inist.fr/vibad/index.php?action=getRecordDetail&idt=PASCAL82X0385054">pour les humains</a>. Sous les tropiques, où la consommation d’insectes par la population est bien établie, elle représente une source de revenus pour les populations locales.</p>
<p>L’élimination totale de l’insecte nuisible réduirait dans un même temps la quantité de nourriture disponible pour ses ennemis naturels. La lutte préventive est alors la solution la plus appropriée. Elle consiste essentiellement à identifier les zones de reproduction intense, afin de s’attaquer au problème dès le début de la grégarisation où la probabilité d’empêcher la propagation de l’infestation est la plus élevée.</p>
<p>Cependant, la lutte préventive peut s’avérer parfois inefficace, notamment à cause des conflits armés qui sévissent au Yémen où il n’y a pas eu de gestion préventive de cette menace.</p>
<p>Les efforts prioritaires de recherche devraient porter sur le développement des cultures de base à rendement élevé et tolérantes à la sécheresse, et résistantes aux maladies, en vue de réduire l’insécurité alimentaire et la pauvreté.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137310/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dr. Sougueh Cheik a reçu des financements de l'Institut de Recherche pour le Développement dans le cadre de ses travaux de recherche.</span></em></p>En Afrique de l’Est, les criquets pèlerins ravagent depuis des mois les récoltes de maïs et de sorgho épargnées par la sécheresse. Une menace qui pèse sur la sécurité alimentaire de la région.Sougueh Cheik, Docteur en sciences de l’environnement (écologie des sols), iEES-Sorbonne Université UPMC PARIS VI, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1364452020-04-21T16:33:50Z2020-04-21T16:33:50ZL’urgence de systèmes alimentaires territorialisés<p>En relançant les débats en matière de santé et de configuration économique, la crise du Covid-19 nous interpelle aussi sur l’avenir de la mondialisation.</p>
<p>Si l’on se réfère aux critères de la croissance du PIB moyen par tête et à celui du confort matériel, le bilan de cette mondialisation est positif pour les <a href="https://databank.worldbank.org/source/world-development-indicators#">trois quarts de l’humanité</a>. Mais en ce début du XXI<sup>e</sup> siècle des impacts négatifs de grande ampleur se dessinent clairement, comme en témoignent une abondante littérature scientifique ainsi que les récents rapports du <a href="https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/2/2019/06/SR15_Full_Report_High_Res.pdf">GIEC</a> sur le climat, de l’<a href="https://ipbes.net/news/Media-Release-Global-Assessment-Fr">IPBES</a> sur la biodiversité, de l’<a href="https://apps.who.int/iris/handle/10665/324835">OMS</a> sur la santé et de l’<a href="https://www.oecd.org/fr/publications/inegalites-de-revenu-l-ecart-entre-les-riches-et-les-pauvres-9789264300408-fr.htm">OCDE</a> sur les inégalités de revenus.</p>
<p>Avec l’avènement des chaînes globales de valeur agro-industrielles, ces externalités négatives sont particulièrement intenses dans le domaine vital de l’alimentation.</p>
<h2>Les limites des « chaînes globales de valeur » mondialisées</h2>
<p>Le concept de « chaîne globale de valeur » (CGV), proposé par le sociologue <a href="https://gvcc.duke.edu/cggc_author/gary-gereffi/">Gary Gereffi</a> au milieu des années 1990, dérive de celui de « filière », en lui ajoutant deux dimensions : l’espace géographique concerné et la gouvernance.</p>
<p>Appliquée au domaine de l’alimentation, une CGV va inclure les différents acteurs de la production et de la commercialisation d’un produit alimentaire : fournisseurs d’intrants (semences, pesticides, etc.), agriculteurs, industriels de la transformation, services de distribution et restauration, équipementiers, services d’appui, tels que recherche, vulgarisation, formation, financement et assurances, administration de normalisation et de contrôle.</p>
<p>Depuis la seconde moitié du XX<sup>e</sup> siècle, on assiste à l’expansion d’un modèle de <a href="http://www.ipes-food.org/_img/upload/files/Concentration_FullReport.pdf">CGV agro-industrielles concentrées</a>. Ces dernières sont étendues, souvent mondialisées, gouvernées par un objectif de maximisation du profit, et caractérisées par un partage déséquilibré de la valeur créée.</p>
<p>Selon l’Observatoire français des prix et des marges de FranceAgriMer, un agriculteur français ne recevait, par exemple, en 2015 que <a href="https://observatoire-prixmarges.franceagrimer.fr/sites/default/files/sauv/documents-divers/lettre_ofpm_n16_version_1911.pdf">6,5 % du prix du produit</a> payé par le consommateur, les entreprises agroalimentaires 11,2 % et les commerçants 15,2 %.</p>
<p>Dans un contexte financier dominé par un petit nombre de bourses dites « spot » (Chicago, Londres), il faut également rappeler la grande volatilité – observée lors des crises de 1974, 1986, 1996 et 2008 – des marchés mondialisés des matières premières agricoles. Ces marchés à terme réagissent à des prévisions spéculatives amplifiant les variations de prix dues à l’inélasticité de la demande par rapport à l’offre des produits alimentaires.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/riz-cafe-et-petrole-une-plongee-dans-lhistoire-des-bourses-de-matieres-premieres-70834">Riz, café et pétrole : une plongée dans l’histoire des bourses de matières premières</a>
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<p>Il en résulte pour les consommateurs une difficulté à exercer leur droit à l’alimentation pour tous, tel qu’il figure dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1947. Du fait des variations extrêmes des prix, les exploitations agricoles et les PME agroalimentaires sont confrontées à une forte instabilité de leurs revenus.</p>
<h2>Près de 4 milliards de personnes en insécurité alimentaire</h2>
<p>En dépit des progrès accomplis par la science et les techniques en termes de productivité et de sûreté des aliments, l’insécurité alimentaire et nutritionnelle persiste pour près de 4 milliards de personnes dans le monde. La sous-alimentation, qui touche environ 2 milliards d’individus, est principalement imputable à la misère, aux conflits, mais également à l’exportation vers les pays pauvres de surplus alimentaires des pays riches qui par leurs prix bas ruinent les paysans autochtones. Simultanément, la sur-alimentation concerne aussi près de 2 milliards de personnes. La progression dans la plupart des pays du surpoids et de l’obésité s’explique par la médiocre qualité nutritionnelle de certains produits abondamment consommés, principalement les <a href="https://theconversation.com/alimentation-protegez-votre-sante-et-la-planete-grace-a-la-regle-des-3v-117033">aliments ultra-transformés</a>.</p>
<p>Dans le contexte de la pandémie COVID-19, l’obésité et les maladies chroniques d’origine alimentaire, notamment le diabète de type 2, sont des facteurs aggravants des pathologies respiratoires et cardio-vasculaires.</p>
<p>Enfin, les CGV mondialisées conduisent les agricultures à se spécialiser sur les productions pour lesquelles elles sont les plus compétitives. Cette spécialisation sur un nombre restreint d’espèces et de variétés végétales et de souches animales, rend le mode de production agro-industriel fortement exposé aux risques sanitaires et économiques.</p>
<p>La réduction de la diversité génétique s’accompagne d’un usage accru des pesticides, dont les effets toxiques, directs ou indirects, sont avérés. Ces effets sont d’autant plus difficiles à contenir que ces produits, lorsqu’ils sont interdits dans l’Union européenne, restent autorisés dans des pays dont nous importons des denrées alimentaires.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"966944340428943360"}"></div></p>
<h2>Les systèmes alimentaires territorialisés</h2>
<p>Il est peu probable aujourd’hui qu’une simple adaptation des « chaînes globales de valeur » agro-industrielles permette de relever les lourds défis d’une <a href="https://eatforum.org/eat-lancet-commission/">sécurité alimentaire durable</a>.</p>
<p>Pour affronter la crise systémique en cours, un scénario alternatif est proposé dans différentes prospectives, dont <a href="https://agriculture.gouv.fr/quel-avenir-de-lagriculture-et-de-la-foret-francaises-en-2050">« Agri 2050 »</a>, un récent rapport du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation.</p>
<p>Ce modèle qualifié de <a href="https://classiques-garnier.com/systemes-alimentaires-food-systems-2018-n-3-varia.html">« système alimentaire territorialisé »</a> (SAT) ne constitue pas un retour nostalgique à l’organisation des systèmes alimentaires dans les économies rurales du début du XX<sup>e</sup> siècle. Il s'agit d'une mutation du modèle de production : diversification, réduction des intrants de synthèse par l’<a href="https://osez-agroecologie.org/rousval-videos">agroécologie</a> et la bioéconomie circulaire, éco-conception aux niveaux industriel et logistique et consommation orientée vers une alimentation variée, réduisant les aliments ultra-transformés et l’apport des protéines animales au profit des protéines végétales.</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/257704753" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’agroécologie au lycée agricole d’Auzeville. (Solagro/Vimeo, 2018).</span></figcaption>
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<h2>Autonomie, proximité, solidarité</h2>
<p>Dans un tel scénario, le changement est mis en œuvre selon plusieurs principes interdépendants : l’autonomie, la proximité et la solidarité, dans une stratégie de <a href="http://www.fao.org/3/md776f/md776f.pdf">sécurité alimentaire et nutritionnelle</a> comme la définit par la FAO.</p>
<p>L’autonomie correspond à un objectif d’accroissement de l’autosuffisance pour les denrées de base et de souveraineté alimentaire. Le double choc – économique et sanitaire – mentionné plus haut apporte de solides arguments à cet objectif lorsque l’on observe la longueur et la complexité des filières agroindustrielles mondialisées et des dispositifs logistiques et de gouvernance qui les accompagnent.</p>
<p>La proximité recouvre trois dimensions : entre productions agricoles végétales, animales et la forêt, la diversification des espèces cultivées et élevées contribuant à la résilience de l'agro-écosystème local ; entre matières premières et transformation agroalimentaire par la formation de réseaux contractuels, favorables au partage de la valeur et à l’innovation ; entre producteurs et consommateurs par des <a href="https://theconversation.com/le-confinement-un-test-grandeur-nature-pour-les-circuits-courts-135666">circuits courts</a> de commercialisation.</p>
<p>La solidarité se traduit par des statuts d’entreprise intégrant la responsabilité sociale et environnementale, des formes coopératives d’organisation des filières et une mutualisation des ressources. Les SAT sont concevables à l’échelle des États, régions et provinces de la plupart des pays du monde avec une gouvernance territoriale et un maillage national et macro-régional basé sur le co-développement (<a href="http://www.ipemed.coop/fr/nos-projets-r16/la-verticale-c161/projet-la-verticale-sc260/la-verticale-">Afrique-Méditerranée-Europe</a> pour les pays de l’Union européenne).</p>
<h2>L’alimentation comme un « bien commun »</h2>
<p>De tels systèmes ont la capacité d’assurer un développement local durable par la reconquête du marché intérieur, mais aussi par l’exportation, sur un marché international très porteur pour les produits de terroir.</p>
<p>Ces marchés sont en phase avec une dynamique de consommation orientée vers une plus grande qualité nutritionnelle, sensorielle et sociale des aliments, et la recherche de traçabilité. Ils devraient contribuer à réduire les fractures territoriales en revitalisant les espaces ruraux.</p>
<p>Un <a href="https://www.academie-agriculture.fr/publications/publications-academie/avis/rapport-transition-alimentaire-pour-une-politique-nationale">récent rapport</a> de l’Académie d’agriculture de France propose à ce titre diverses pistes d’action pour aider à l’émergence de tels systèmes alimentaires, en insistant sur le rôle central de la recherche pluridisciplinaire, de l’innovation et de la formation.</p>
<p>On observe sur le terrain, en France et dans de nombreux pays, l’émergence de micro-initiatives pour une <a href="https://www.resolis.org/programme/alimentation-responsable-et-durable-a-l-international/12">alimentation responsable et durable</a>, autant de « briques » de futurs systèmes alimentaires territorialisés. La construction de SAT impliquera toutefois des politiques volontaristes considérant l’alimentation comme un bien commun qui doit être régulé par la puissance publique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136445/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Face aux crises sanitaire et environnementale, une évolution en profondeur des modèles mondialisés et financiarisés de la production alimentaire s’impose.Jean-Louis Rastoin, Professeur honoraire en économie et gestion des entreprises à Montpellier SupAgro, chercheur associé à l’UMR 1110 Moisa, InraeJean-Marc Meynard, Directeur de recherche en agronomie, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1283612019-12-09T19:43:03Z2019-12-09T19:43:03ZVenezuela : bientôt la première crise migratoire mondiale<p><a href="https://r4v.info/es/situations/platform">4,6 millions de Vénézuéliens</a>, soit plus de 15 % de la population, ont quitté leur pays au cours de ces dernières années, un phénomène ancien qui augmente de manière exponentielle depuis 2017. En ampleur numérique, il s’agit du quatrième phénomène au niveau mondial, derrière les théâtres d’intervention étasuniens de ces dernières décennies (Syrie, Irak et Afghanistan), mais du premier en dehors des pays en guerre.</p>
<p>Cet exode s’accentue. Selon l’envoyé spécial de l’ONU sur les migrations vénézuéliennes, Eduardo Stein, ils seront <a href="https://www.unhcr.org/fr/news/press/2019/11/5dcc50fda/refugies-migrants-venezueliens-lancement-dun-plan-regional-daide-135-milliard.html">6,5 millions</a> dès l’année prochaine à être partis, provoquant la principale crise migratoire de la planète.</p>
<p>La population vénézuélienne est aujourd’hui disséminée dans plus de 90 pays dans le monde. 80 % des Vénézuéliens qui ont quitté leur pays se trouvent en Amérique latine : plus de 1,4 million dans la Colombie voisine, 0,9 million au Pérou à plusieurs milliers kilomètres du Venezuela, 0,4 million en Équateur et autant au Chili… Les Vénézuéliens sont donc sans surprise les plus nombreux à mourir sur les routes migratoires latino-américaines. Sur le premier semestre 2019, 89 d’entre eux ont ainsi perdu la vie en mer des Caraïbes, et 17 autres étaient morts d’hypothermie ou d’arrêt respiratoire en septembre 2018, en essayant de traverser le Páramo de Berlin, une zone de haute montagne à la frontière colombienne.</p>
<p>Ces chiffres apparaissent infinitésimaux au regard des tragédies que nous connaissons en Méditerranée, pour des raisons géographiques simples : la migration vénézuélienne s’opère essentiellement par voie terrestre. Mais les risques seront accrus si le phénomène, comme prévu, continue de prendre de l’ampleur.</p>
<h2>Une émigration à l’ampleur nouvelle</h2>
<p>Pour le Venezuela, cette émigration massive est d’autant plus déstabilisante que le pays était traditionnellement une terre d’accueil, pour les Latino-américains et pour les Européens fuyant les régimes autoritaires ou attirés par son abondance pétrolière. Le 18 février 1983, le <em>Viernes Negro</em> (vendredi noir), jour de la première dévaluation de la monnaie nationale, le bolívar, est le début d’une crise économique aiguë. Celle-ci se double d’une crise politique jusqu’à l’arrivée d’Hugo Chávez au pouvoir en 1999, qui inverse peu à peu les flux migratoires.</p>
<p>Sous Hugo Chávez, ce sont principalement les classes possédantes qui fuient le pays, en invoquant l’insécurité physique et les incertitudes politiques plus que des motifs économiques. Après l’accession à la présidence en 2013 de Nicolás Maduro, on constate une généralisation du phénomène, qui touche désormais tous les secteurs de la société, des plus aisés aux plus déshérités.</p>
<p>Des chercheurs qui ont étudié un échantillon de 12 957 migrants vénézuéliens à destination <a href="https://www.cpalsocial.org/documentos/830.pdf">du Pérou, de l’Équateur, de la Colombie et du Chili</a>, ont mis au jour les principales caractéristiques de ces émigrés. La majorité d’entre eux a moins de trente ans et leur motivation est principalement économique. 8 migrants sur 10 évoquent la recherche de meilleures opportunités de travail, et plus de 70 % d’entre eux souhaitent aider économiquement un proche.</p>
<p>L’invocation de causes politiques est plus rare. La moitié mentionne un manque d’accès à l’emploi, au logement ou à la retraite pour des raisons politiques et autour de 10 % évoquent des persécutions politiques à proprement parler. Pour les autres, l’émigration est purement économique.</p>
<h2>Un président aveuglé</h2>
<p>La réaction du gouvernement de Nicolás Maduro à cette crise peut être résumée en trois aspects : le mépris, l’euphémisation et la volonté de rapatriement. Le mépris se manifeste dans des phrases récurrentes des principaux responsables de l’exécutif vénézuélien, notamment du chef de l’État en personne <a href="https://www.youtube.com/watch?v=F9tkFDq-J_8">qui a notamment accusé les migrants vénézuéliens</a> d’être abusé par « l’offre fausse de la droite », assurant qu’ils partent pour « profiter des miels d’autres pays et terminent en récurant les toilettes, comme esclaves et mendiants ».</p>
<p>L’euphémisation peut être constatée dans l’une des rares estimations de Nicolás Maduro lors d’un entretien télévisé <a href="https://www.dailymotion.com/video/x71s5q5">début février 2019</a>, où il évalue l’émigration à entre 0,6 et 0,8 million de personnes. La volonté de rapatriement s’incarne dans la mise en place du plan « Vuelta a la patria » (retour à la patrie). Selon les données du gouvernement, 15 946 Vénézuéliens en auraient bénéficié, soit 0,3 % du total des migrations. Or le rythme de l’émigration est actuellement estimé à 5 000 partants par jour, c’est-à-dire que le solde migratoire du plan « Vuelta a la patria » est atteint en seulement trois jours.</p>
<p>Initialement, les migrants ont reçu dans les pays latino-américains voisins un accueil plutôt favorable, fidèle à la <a href="https://www.unhcr.org/fr/about-us/background/4b14f4a5e/declaration-carthagene-refugies-adoptee-colloque-protection-internationale.html">Déclaration de Carthagène</a> de 1984. Contrairement au Vieux Continent, on n’a pas vu émerger de forces politiques capitalisant électoralement sur la xénophobie ressentie par les locaux à l’égard de ces populations fraîchement arrivées. Aux élections municipales de Lima, le candidat Ricardo Belmont a expérimenté ce positionnement et l’a payé par une cuisante défaite, n’obtenant que 3,9 % des suffrages exprimés. Au Brésil, la campagne présidentielle victorieuse du dirigeant d’extrême droite Jair Bolsonaro s’est davantage fondée sur la lutte contre l’insécurité et la corruption que sur le rejet des migrants vénézuéliens.</p>
<h2>Des discriminations en hausse</h2>
<p>Si l’accueil initial apparaissait plus humaniste que le rejet constaté en Europe, on assiste depuis quelques mois à une tendance à la fermeture des frontières, principalement <a href="https://theconversation.com/comment-le-perou-a-ferme-la-porte-aux-migrants-venezueliens-126321">au Chili, en Équateur et au Pérou</a>, condamnant des milliers de Vénézuéliens à se déplacer dans l’illégalité.</p>
<p>Si la xénophobie ne s’exprime pas pour l’heure électoralement, les discriminations visant les « venecos » (surnom péjoratif attribué aux Vénézuéliens) se multiplient. On peut ainsi citer l’attaque en août 2018 d’un camp de migrants vénézuéliens à Pacaraima, à la frontière brésilienne, ou le vote sur l’expulsion des Vénézuéliens sous deux mois dans le district de Pichari au Pérou en octobre 2019. Des responsables politiques ont également tenu des propos inquiétants : Esther Saavedera, parlementaire péruvienne du parti fujimoriste (partisans de l’ancien autocrate Alberto Fujimori), <a href="https://www.youtube.com/watch?v=K1zzSsPWoAo">a déclaré en septembre 2019</a> : « Bons ou mauvais, ils doivent partir du Pérou ! » Le président équatorien Lenin Moreno <a href="https://www.elcomercio.com/actualidad/moreno-brigadas-control-venezolanos-ecuador.html">a quant à lui appelé</a> à « la formation immédiate de brigades pour contrôler la situation légale des immigrants vénézuéliens » quelques heures après un assassinat commis par un Vénézuélien en janvier 2019.</p>
<p>Au-delà de ces faits isolés, les entretiens du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés indiquent en octobre 2019, que <a href="https://apnews.com/9a87709dd6794ebb975bf770bc83f10e">46,9 % des Vénézuéliens se sont sentis discriminés à travers l’Amérique latine, contre 36,9 % au début de l’année</a>.</p>
<p>Aux États-Unis également, le sort des Vénézuéliens est un enjeu de discorde. Les sanctions économiques imposées depuis 2017 asphyxient encore davantage l’économie du pays. À l’instar de ce qui est imposé à l’égard de Cuba, ces mesures limitant le commerce sont généralement conjuguées à des facilités migratoires. Le statut de protection spéciale (<em>temporary protected status</em>, TPS) concède ainsi des permis de séjour de manière extraordinaire aux citoyens de nations affectées par des conflits ou des désastres naturels.</p>
<p>Une loi étendant ce dispositif aux Vénézuéliens a été votée en juillet 2019 par la Chambre des Représentants à majorité démocrate mais <a href="https://www.miamiherald.com/news/local/news-columns-blogs/andres-oppenheimer/article235948032.html">se heurte à l’opposition des républicains et de Donald Trump</a>, qui refusent toute concession sur la thématique de l’immigration si chère à leur électorat. L’ensemble des principaux candidats à la primaire démocrate se sont affirmés favorables à l’octroi du TPS aux Vénézuéliens, sujet qui ne manquera pas de devenir un enjeu de la prochaine élection présidentielle de 2020.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128361/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Posado est membre du Conseil d’Administration du Groupe d’Etudes Interdisciplinaires sur le Venezuela (GEIVEN), association loi 1901 rassemblant des chercheurs travaillant sur le Venezuela. </span></em></p>Depuis le début de la crise, le pays connaît un véritable exode, dont les raisons sont principalement économiques.Thomas Posado, Chargé de cours, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1252592019-10-15T18:57:19Z2019-10-15T18:57:19ZL’alimentation n’est pas une marchandise comme les autres<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/297203/original/file-20191015-98666-cw2u5w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=57%2C38%2C4177%2C2787&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De nombreuses contradictions notamment juridiques conduisent à l’exclusion massive de populations de l’accès aux biens alimentaires essentiels. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/8eWDd_vROPw">PatKay/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>L’alimentation est à l’agenda international depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. La <a href="http://www.textes.justice.gouv.fr/textes-fondamentaux-10086/droits-de-lhomme-et-libertes-fondamentales-10087/declaration-universelle-des-droits-de-lhomme-de-1948-11038.html">Déclaration universelle des droits de l’homme</a> de 1948 proclame, sans ambiguïtés, dans son article 25, le droit à l’alimentation. Ce droit est réitéré et précisé en 1966 dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Les Nations unies lui dédient en 2015 un des Objectifs de développement durable : l’élimination de la faim d’ici 2030.</p>
<p>Et pourtant, près d’un milliard de personnes, soit une <a href="https://docs.wfp.org/api/documents/WFP-0000107325/download/?_ga=2.45072364.911034177.1571144536-997654796.1571144536">personne sur neuf</a>, souffre de malnutrition.</p>
<p>D’après les <a href="http://www.fao.org/3/i9553fr/i9553fr.pdf">chiffres</a> récents, le nombre de personnes sous-alimentées est en augmentation depuis trois ans. La faim touche ainsi 821 millions d’individus. A l’échelle mondiale, la malnutrition est responsable d’un tiers des décès chez les enfants de moins de cinq ans.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/297135/original/file-20191015-98661-14y3oms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/297135/original/file-20191015-98661-14y3oms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/297135/original/file-20191015-98661-14y3oms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/297135/original/file-20191015-98661-14y3oms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/297135/original/file-20191015-98661-14y3oms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/297135/original/file-20191015-98661-14y3oms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/297135/original/file-20191015-98661-14y3oms.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">De l’Afrique et de l’Asie à l’Amérique latine et au Proche-Orient, 821 millions de personnes, soit plus d’une personne sur neuf dans le monde, n’ont pas assez à manger.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://docs.wfp.org/api/documents/WFP-0000107325/download/?_ga=2.45072364.911034177.1571144536-997654796.1571144536">Programme alimentaire mondial</a></span>
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<p>Pourquoi un tel échec ? Quelles solutions s’offrent aujourd’hui ? <a href="https://www.afd.fr/fr/faire-de-lalimentation-un-bien-commun-les-enseignements-tires-de-trois-experiences-de-lutte-contre-la-malnutrition">Nos travaux récents</a> font le constat suivant : il faut cesser de traiter l’alimentation comme n’importe quelle autre marchandise.</p>
<h2>Une conception de l’alimentation à revoir</h2>
<p>Depuis de nombreuses décennies, nos sociétés traitent l’alimentation comme une marchandise quelconque, c’est-à-dire comme une commodité qui s’échange sur un marché.</p>
<p>D’une part, les <a href="http://multinationales.org/Comment-l-industrie-agro-alimentaire-et-la-grande-distribution-asphyxient-le">marchés</a> de l’alimentation hyperconcentrés et fortement capitalistiques ne sont aucunement tournés vers la satisfaction des besoins essentiels.</p>
<p>Ensuite, le droit international souffre de contradictions juridiques. D’un côté, le droit à l’alimentation est proclamé comme un droit fondamental de la personne. De l’autre, des institutions relatives au commerce mondial (le GATT, l’OMC) ont des missions contraires à ce droit individuel.</p>
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<p>Ainsi, les <a href="https://www.persee.fr/doc/ridc_0035-3337_2014_num_66_2_20400">droits « sociaux »</a> restent aujourd’hui des droits « seconds ». Le droit de propriété sous sa forme exclusive, comme celui qui en dérive du « libre commerce » inscrit dans les traités de libre échange, exercent de fait un primat sur les droits sociaux.</p>
<p>Enfin, le sujet du droit international n’est pas la personne mais l’État national, qui est « souverain » dans l’application des règles auxquelles il est supposé se soumettre. Il peut, dès lors, échapper aux contraintes auxquelles il est supposé avoir adhéré en signant traités et conventions internationaux (par exemple les engagements climatiques).</p>
<p>Cette posture a conduit à l’exclusion massive de populations de l’accès aux biens alimentaires essentiels.</p>
<h2>L’alimentation, un bien commun ?</h2>
<p>Cette situation explique que de <a href="http://www.fao.org/fsnforum/cfs-hlpe/sites/default/files/discussions/contributions/Handbook%20Ch%201%20-%20Food%20commons%20are%20coming%20Vivero-Pol%20et%20al%202019.pdf">nouvelles réflexions</a> soient en cours d’affirmation : celui de faire de l’alimentation un bien commun.</p>
<p>Les biens communs dans la définition proposée par une <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Stefano_Rodot%C3%A0">commission italienne de juristes</a> sont « « des choses qui expriment une utilité fonctionnelle à l’exercice des droits fondamentaux ainsi qu’au libre développement de la personne ». En conséquence, et en tant que tels, ils « doivent être protégés et sauvegardés par le système juridique, y compris dans l’intérêt des générations futures ».</p>
<p>Ce nouveau discours est animé par des acteurs multiples. Il milite à créer les conditions pour que l’accès aux biens alimentaires puisse être garanti pour toute personne, à commencer par les personnes les plus démunies.</p>
<p>Cette démarche ne contredit pas la vision portée par le droit à l’alimentation. Elle vient la compléter. Faire de l’alimentation « un bien commun », c’est penser les conditions de l’institutionnalisation de ce droit.</p>
<h2>Et concrètement ?</h2>
<p>Il s’agit d’abord de sortir de l’illusion que la réalisation du droit à l’alimentation pourra reposer sur le « bon vouloir » des États, soumis par ailleurs à la défense de droits et d’intérêts particuliers multiples. C’est donc promouvoir des initiatives multiples, émanant notamment de la société civile.</p>
<p>Il ne s’agit pas d’utopie. Trois exemples de telles initiatives (<a href="https://www.nutriset.fr/">Nutriset</a>, <a href="https://misola.org/">Misola</a> et <a href="https://www.afd.fr/fr/nutrizaza-une-entreprise-sociale-contre-la-malnutrition">Nutri’zaza</a>) peuvent guider notre réflexion.</p>
<p>L’entreprise normande <a href="https://drive.google.com/file/d/1We_VAVIlR9y8uG3fiTpED2NYr4iwZj1S/view">Nutriset</a>, fondée en 1986, est aujourd’hui leader sur le marché mondial des aliments thérapeutiques prêts à l’emploi. Elle a mis au point un produit de lutte contre la malnutrition aiguë, le Plumpy’Nut, d’une efficacité jusque-là jamais atteinte. Sa « forme » (une pâte concentrée) a rendu sa distribution possible hors des centres de santé, en facilitant l’accès pour les populations.</p>
<p><a href="https://drive.google.com/file/d/1RUDeQrbM8Suhwiu5svyReN-yTF2vCyy3/view">Misola</a> est une association française qui a déposé une marque sur un complément alimentaire déployé en Afrique de l’ouest pour prévenir la malnutrition des jeunes enfants de moins de cinq ans.</p>
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<p>La farine est conçue entièrement à base de composants issus de l’agriculture locale et est produite dans les villages eux-mêmes. La marque Misola, déposée par l’association, est cédée gratuitement à tout utilisateur qui s’engage à respecter dans la fabrication un cahier des charges strict.</p>
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<p><a href="https://drive.google.com/file/d/1gnLXdmMClb37KtcBT86wkkwhG-GZwMw3/view">Nutri’zaza</a> est une entreprise sociale de droit malgache engagée dans la lutte contre la malnutrition chronique à Madagascar. Ses objectifs d’utilité sociale sont affirmés dans ses statuts. Elle s’inspire de plusieurs grandes traditions : celles de l’économie sociale et solidaire, du social business et des <a href="http://www.theses.fr/2015ENMP0010">entreprises à mission</a>. Ces dernières sont des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Entreprise_%C3%A0_mission#cite_note-1">nouvelles formes de sociétés commerciales</a> qui se définissent statutairement, en plus du but lucratif, par une finalité d’ordre social ou environnemental.</p>
<p>Ainsi, le pouvoir du capital peut être marginalisé pour promouvoir l’objet social de l’entreprise. Les actionnaires peuvent être rémunérés, mais seulement jusqu’à la hauteur du capital investi. Un comité d’éthique et de surveillance est en charge de veiller au respect des objectifs et de s’assurer de l’impact de son action.</p>
<h2>Trois considérations à prendre en compte</h2>
<p>Pour que ces entités puissent être considérées comme contribuant au droit à l’alimentation, trois considérations majeures doivent être prises en compte.</p>
<p>La première a trait aux conditions (politiques de prix, modalités de fabrication et de distribution) dans lesquelles les biens alimentaires sont physiquement mis à disposition. De ce point de vue Misola comme Nutri’zaza, en rendant disponible un complément alimentaire produit localement et distribué à bas prix, sont des acteurs importants pour faire de l’alimentation un bien commun.</p>
<p>Dans le cas de Nutriset, le prix très élevé du produit rend son accès entièrement dépendant de la capacité des organismes internationaux à les acheter et à les distribuer. Malgré sa contribution, le « modèle Nutriset », présente donc de sérieuses limites quant à son approche de l’accès.</p>
<p>La seconde considération est d’ordre social. Elle porte sur la manière dont les initiatives traitent les questions de propriété intellectuelle des produits qu’elles développent. Tout, ici, tourne autour de la manière dont l’usage des différents attributs du droit de propriété est (ou non) mis au service de la recherche du bien commun.</p>
<p>Les initiatives Nutriset et Misola fournissent ici des cas opposés. En dépit de sa contribution, Nutriset s’est mise hors jeu du processus d’institutionnalisation de l’accès dès lors qu’elle a breveté et protégé par divers moyens son invention.</p>
<p>À l’opposé, Misola, en cédant la marque Misola sous réserve du respect de la charte de l’association, a su fortement innover : elle utilise ainsi la propriété intellectuelle comme instrument de diffusion d’un savoir-faire et de garantie de qualité pour des aliments fabriqués au sein même des villages.</p>
<p>Enfin, la troisième considération repose sur la forme sociétaire des entités. Misola, entreprise associative qui favorise localement des coopératives de femmes pour la production de son complément alimentaire, ou Nutri’zaza, entreprise « sociale » qui statutairement s’interdit de verser des profits, illustrent la possibilité de concevoir et de déployer des formes sociétaires innovantes et tournées vers l’objectif de favoriser l’accès aux plus démunis.</p>
<p>Le chemin vers une alimentation réellement inclusive semble exister à travers ce type d’initiatives. Mais seule la construction d’institutions spécifiques, conçues juridiquement et économiquement pour garantir l’accès aux ressources, c’est-à-dire faire de ces ressources des biens communs, permettra d’atteindre les objectifs poursuivis.</p>
<hr>
<p><em>Nicolas Le Guen (AFD), Nadège Legroux (AFD) et Magali Toro (chargée de recherche nutrition/santé) ont contribué à cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/125259/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’alimentation est à l’agenda mondial depuis 70 ans et pourtant près d’une personne sur neuf souffre encore de malnutrition. Comment un tel écart peut-il s’expliquer ? Qui peut agir ? Et comment ?Benjamin Coriat, Professeur Sciences Economiques, Université Sorbonne Paris NordStéphanie Leyronas, Chargée de recherche sur les communs, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1177872019-05-29T11:54:31Z2019-05-29T11:54:31ZDons d'aliments aux organismes de charité: ce n'est pas une solution pour l'environnement… ni la pauvreté<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/276643/original/file-20190527-193510-y0apn6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Donner des aliments qui, autrement, seraient envoyés dans des sites d'enfouissement ne contribue guère à assurer le bien-être des Canadiens qui vivent dans l'insécurité alimentaire.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1161815/rechauffement-climatique-climat-rapport-fuites">Le Canada se réchauffe deux fois plus vite que le reste du monde</a>. Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) en a pris acte et demande que des mesures urgentes soient prises pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.</p>
<p>Réduire les pertes et les déchets alimentaires est une mesure importante que nous pouvons prendre. Lorsque les déchets alimentaires sont envoyés à la décharge, ils se décomposent en méthane, un hydrocarbure 25 fois plus puissant que le dioxyde de carbone. De plus, les déchets alimentaires représentent une perte énorme d'énergie, de la terre à l'eau en passant par la main-d'œuvre qu'il a fallu pour produire, cueillir et transformer ces aliments.</p>
<p>Et nous gaspillons beaucoup de nourriture. <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1147385/gaspillage-nourriture-poubelle-second-harvest">Près de 60 pour cent de toute la celle produite au Canada est soit perdue, soit gaspillée </a>. Il s'agit d'une énorme quantité, d'une valeur de près de 50 milliards de dollars, selon un <a href="https://secondharvest.ca/research/the-avoidable-crisis-of-food-waste/">rapport de l'organisme caritatif torontois Second Harvest</a>.</p>
<p>La <a href="https://drive.google.com/drive/folders/1r9BmXfXLKINQRxG7-keKiBtKmzecyjTd">première stratégie proposée</a>, par ECCC dans un document préliminaire distribué au début du printemps 2019 à des universitaires et à ceux ayant un intérêt et une expertise sur la question est la plus évidente : réduire la quantité d'aliments gaspillés, dont la plupart proviennent des secteurs de la transformation et de la distribution.</p>
<p>La deuxième stratégie proposée consiste à accroître les dons de denrées alimentaires excédentaires pour nourrir les personnes dans le besoin. Cette stratégie semble tout aussi évidente que la première. Quelque 233 000 Canadiens ont signé <a href="https://www.change.org/p/lawrence-macaulay-stop-au-gaspillage-alimentaire-au-canada">une pétition sur Change.org</a> pour mettre fin au gaspillage alimentaire. Les commentaires sur le site de la pétition montrent que de nombreux Canadiens estiment qu'il est moralement répréhensible de gaspiller des aliments comestibles, surtout lorsque certains Canadiens ne mangent pas à leur faim.</p>
<p>Donner des aliments qui, autrement, seraient envoyés dans des sites d'enfouissement peut peut-être contribuer à réduire les gaz à effet de serre. Mais cela ne contribuera guère à assurer le bien-être des <a href="https://proof.utoronto.ca/resources/proof-annual-reports/annual-report-2014/">quatre millions de Canadiens qui vivent de l'insécurité alimentaire</a>, selon un rapport de l'Université de Toronto. </p>
<p>Il s'agit plutôt d'une solution simpliste et moralement douteuse. Elle offre l'illusion réconfortante d'une solution au problème de la faim, alors que celui sous-jacent - la pauvreté - n'est pas abordé.</p>
<h2>Insécurité alimentaire</h2>
<p>L'insécurité alimentaire - l'accès inadéquat ou incertain à de la nourriture en raison de contraintes financières - est à la fois un symptôme et le résultat de la pauvreté. Il s'agit d'une crise de santé publique qui a des conséquences profondes sur la santé individuelle et sur les coûts en soins de santé. Elle ne peut être résolue par la charité alimentaire. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/276188/original/file-20190523-187189-1506ov3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/276188/original/file-20190523-187189-1506ov3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/276188/original/file-20190523-187189-1506ov3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/276188/original/file-20190523-187189-1506ov3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/276188/original/file-20190523-187189-1506ov3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/276188/original/file-20190523-187189-1506ov3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/276188/original/file-20190523-187189-1506ov3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La plupart des déchets alimentaires au Canada proviennent de l'industrie alimentaire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Seulement un Canadien sur cinq qui souffre de la faim a recours aux banques alimentaires. Et même lorsqu'ils le font, ils demeurent en situation d'insécurité alimentaire. Lorsque les banques alimentaires et les soupes populaires distribuent des aliments comestibles qui seraient autrement envoyés à la décharge, cela signifie que certains ont certes moins faim qu'ils ne l'auraient été autrement. Mais la charité n'est pas une solution au problème de fond.</p>
<p>L'archevêque Desmond Tutu, lauréat du prix Nobel de la paix, a raconté la profonde pauvreté qui frappait les Sud-Africains noirs lorsqu'il était enfant. Il <a href="https://onbeing.org/programs/desmond-tutu-a-god-of-surprises/">a expliqué que les repas scolaires gratuits fournis aux écoliers blancs - mais pas aux écoliers noirs</a> étaient souvent jetés à la poubelle. Les jeunes blancs préféraient les repas préparés à la maison. </p>
<p>Regarder des jeunes noirs fouiller dans les ordures pour trouver la nourriture que les enfants blancs avaient rejetée a profondément marqué Desmond Tutu. « C'était de la nourriture parfaitement comestible. Mais je savais que c'était mal », dit-il. Pour l'archevêque Tutu, l'idée que certaines personnes doivent manger des aliments que d'autres ne veulent pas est un symbole puissant d'injustice profonde et systémique. </p>
<p>Je m'attends à ce qu'il soit choqué que le gouvernement d'un des pays les plus riches du monde, qui a la réputation internationale d'être une société juste, envisage d'appuyer une telle proposition.</p>
<h2>Le droit à un niveau de vie adéquat</h2>
<p>Bien que le Canada se soit engagé à atteindre l'objectif de développement durable de <a href="http://www144.statcan.gc.ca/sdg-odd/goal-objectif12-eng.htm">réduire de moitié les déchets alimentaires par habitant dans le monde d'ici 2030</a> et de <a href="https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/changements-climatiques/emissions-gaz-effet-serre/septieme-communication-nationale-troisieme-rapport-biennal.html">réduire les émissions de gaz à effet de serre de 232 millions de tonnes d'ici 2030</a>, nous devons nous rappeler que nous avons également d'autres obligations internationales. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/276190/original/file-20190523-187143-9770tc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/276190/original/file-20190523-187143-9770tc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/276190/original/file-20190523-187143-9770tc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/276190/original/file-20190523-187143-9770tc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/276190/original/file-20190523-187143-9770tc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/276190/original/file-20190523-187143-9770tc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/276190/original/file-20190523-187143-9770tc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>En 2012, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l'alimentation, Olivier De Schutter, s'est dit préoccupé par l'écart croissant entre les engagements internationaux du Canada en matière de droits humains et leur mise en œuvre au pays. <a href="https://centdegres.ca/magazine/alimentation/au-quebec-protege-droit-de-tous-alimentation%E2%80%89/">Il a recommandé que le Canada assure la sécurité du revenu pour tous les citoyens à un niveau suffisant</a> pour « jouir du droit à un niveau de vie adéquat », ce qui comprend le droit à l'alimentation.</p>
<p>Il n'y a aucune raison pour laquelle nous ne pourrions pas atteindre nos objectifs de réduction du gaspillage alimentaire et des émissions de gaz à effet de serre tout en assurant à tous les Canadiens le revenu dont ils ont besoin pour avoir un niveau de vie adéquat, y compris la possibilité d'acheter leurs propres aliments. La réduction de la pauvreté grâce à des politiques publiques efficaces, comme la stratégie de réduction de la pauvreté <a href="https://proof.utoronto.ca/wp-content/uploads/2016/06/public-policy-factsheet.pdf">mise en place par le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador</a> et <a href="https://assets.nationbuilder.com/bicn/pages/42/attachments/original/1551664357/BICN_-_Signposts_to_Success.pdf">le projet pilote sur le revenu de base en Ontario </a>, réduit l'insécurité alimentaire. </p>
<p>Dans un pays aussi riche que le nôtre, il est immoral, injuste et inadmissible que le gouvernement du Canada appuie un plan qui relègue quatre millions de Canadiens au rang de citoyens de deuxième classe en leur recommandant de manger les déchets dont personne d'autre ne veut.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117787/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elaine Power a reçu des des financements du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Elle est membre fondatrice du Kingston Action Group for a Basic Income Guarantee.</span></em></p>Envoyer nos surplus alimentaires à des organismes de bienfaisances est une solution simpliste et moralement douteuse. Elle ne règle rien au problème qui cause la faim: la pauvreté.Elaine Power, Associate Professor in Health Studies, Queen's University, OntarioLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/868982017-11-27T20:22:41Z2017-11-27T20:22:41ZLes plantes pesticides au secours des cultures<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/195070/original/file-20171116-15412-1x4e7ji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les feuilles du margousier ont des propriétés insecticides. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/azadirachta-indica-neem-leaf-677312965">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>« Chenille légionnaire d’automne ». Derrière ce nom guerrier se cache un <a href="https://theconversation.com/afrique-pourquoi-la-lutte-contre-la-chenille-legionnaire-est-si-difficile-73247">redoutable ravageur des cultures</a>, qui s’attaque à plus de 80 espèces de plantes, parmi lesquelles le maïs, le riz, le sorgho, le coton ou les cultures maraîchères.</p>
<p>Espèce des régions tropicales et subtropicales des Amériques, cette chenille brune a été détectée pour la première fois dans l’ouest du continent africain au début de l’année 2016. Le papillon (stade adulte) peut se déplacer de plus de 100 km en une nuit, ce qui pourrait expliquer son avancée fulgurante : l’espèce est aujourd’hui présente dans une vingtaine de pays, du Sénégal à l’Afrique du Sud et au Kenya en passant par le Togo, la RDC ou le Malawi.</p>
<p>Cette nouvelle menace s’ajoute aux nombreux autres ravageurs qui affectent la productivité des agricultures du continent. Ainsi, de 2003 à 2005, l’Afrique de l’Ouest a fait face à une spectaculaire invasion de criquets pèlerins. Son contrôle a coûté plus de <a href="http://www.fao.org/newsroom/en/news/2006/1000418/index.html">400 millions de dollars</a>, et les nuées de ces insectes ont entraîné des pertes de récoltes estimées à près de <a href="http://www.oecd.org/general/thedesertlocustoutbreakinwestafrica.htm">2,5 milliards de dollars</a>.</p>
<p>Champignons, bactéries, virus, vers nématodes, acariens, insectes… de très nombreux agresseurs s’attaquent aux cultures des paysans africains. Si leurs dégâts ne sont pas toujours aussi spectaculaires que ceux des criquets, leur impact sur les rendements agricoles n’en est pas moins réel. Chaque année, les pertes économiques dues aux ravageurs se chiffrent en millions de dollars, et menacent la sécurité alimentaire de dizaines de milliers de personnes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"925719581968056326"}"></div></p>
<h2>Toujours plus de pesticides</h2>
<p>Pour lutter contre cette concurrence vorace, les cultivateurs ont recours aux pesticides. En Afrique de l’Ouest, leurs importations ont <a href="http://rstb.royalsocietypublishing.org/content/369/1639/20120272">augmenté de 19 %</a> par an durant les années 1990, alors même que la production agricole ne progressait que de 2,5 % par an sur la même période. Le montant qui leur est alloué représente jusqu’à <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3928896/pdf/rstb20130491.pdf">2 % du PIB global</a>, voire 6 % si on ne considère que la part agricole.</p>
<p>Au-delà de leur coût, les pesticides ont un impact important sur la santé humaine, la faune sauvage (terrestre et aquatique) et l’environnement (pollution des sols, des eaux…). Souvent de mauvaise qualité ou illégaux, en raison du faible niveau de contrôle des circuits de vente et de distribution, les pesticides sont généralement mal employés, car les agriculteurs sont peu formés à leur maniement et connaissent mal la biologie des ravageurs.</p>
<p>De fait, les paysans et leurs familles sont fréquemment exposés à des produits toxiques à fortes concentrations, dont certains sont interdits en Europe (comme le <a href="http://chm.pops.int/Implementation/DDT/Overview/tabid/378/Default.aspx">DDT</a> ou le <a href="http://www.inrs.fr/publications/bdd/fichetox/fiche.html?refINRS=FICHETOX_81&section=caracteristiques">lindane</a>). Et en bout de chaîne, les consommateurs risquent également d’être exposés à des résidus de pesticides néfastes.</p>
<h2>Des plantes comme alternative à la chimie</h2>
<p>Si le recours aux produits de synthèse est une tendance qui ne semble pas devoir s’inverser dans un futur proche, des stratégies de long terme sont mises en place pour en limiter l’utilisation. Outre la formation des agriculteurs, divers moyens alternatifs de lutte contre les ravageurs sont actuellement testés : filets de protection, lutte biologique, systèmes de cultures diversifiés…</p>
<p>Au nombre de ces approches <em>a priori</em> plus respectueuses de l’environnement figure l’utilisation de plantes aux propriétés pesticides. Utilisées en Afrique de façon traditionnelle, les plantes à effet phytosanitaire sont employées de diverses façons : production d’extraits appliqués sur les feuilles des cultures à protéger, utilisation sous forme de plantes entières ou d’huiles essentielles pour protéger les denrées stockées, culture en association dans les champs…</p>
<p>Plusieurs études ont évalué le potentiel des plantes pesticides utilisées traditionnellement en Afrique de l’Ouest. Leurs conclusions sont intéressantes : de nombreuses plantes ont un réel effet sur les agresseurs des cultures.</p>
<p>C’est notamment le cas du margousier ou neem (<em>Azadirachta indica</em>), arbre originaire d’Inde dont les feuilles et les graines ont des propriétés insecticides, antifongiques et vermifuges. L’application d’extraits de margousier sur des cultures de tomates permet notamment de diminuer la sévérité des infections par les champignons, de limiter l’éclosion des œufs des lépidoptères, ou de modifier la fécondité ou le comportement de certains insectes. Les populations de chenilles ou de pucerons sont moins importantes sur les parcelles traitées de cette façon que sur les autres.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/195174/original/file-20171117-7547-nt9e82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/195174/original/file-20171117-7547-nt9e82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=495&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/195174/original/file-20171117-7547-nt9e82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=495&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/195174/original/file-20171117-7547-nt9e82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=495&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/195174/original/file-20171117-7547-nt9e82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=622&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/195174/original/file-20171117-7547-nt9e82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=622&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/195174/original/file-20171117-7547-nt9e82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=622&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Poivre de Guinée.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Xylopia_aethiopica#/media/File:Xylopiaaethiopica.jpg">stephenbuchan/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>D’autres plantes permettent d’obtenir des résultats similaires : c’est notamment le cas de substances épicées tirées du poivre de Guinée (<em>Xylopia aethiopica</em>), de la moutarde noire (<em>Sinapsis nigra</em>) ou du tabac (<em>Nicotiana tabacum</em>). Sur des parcelles traitées par ces extraits, les populations de coléoptères, d’aleurodes ou de thrips voient leurs tailles <a href="http://agritrop.cirad.fr/585511/">diminuer de 61 à 78 %</a>. L’éradication n’est pas totale, mais permet d’assurer un rendement équivalent à celui obtenu sur des parcelles traitées par des insecticides de synthèse. Qui plus est, ces effets peuvent être améliorés en mélangeant des extraits de diverses espèces de plantes pesticides.</p>
<p>Enfin, certaines espèces, comme celles appartenant au genre <em>Ocimum</em> (qui contient notamment le basilic), présentent l’avantage d’avoir non seulement des vertus pesticides, mais aussi médicinales, et d’être également consommées comme légumes feuilles ou épices. Cette polyvalence renforce grandement leur intérêt.</p>
<h2>Un usage limité</h2>
<p>Les plantes pesticides n’éliminent pas la totalité des ravageurs, mais maintiennent leurs populations en dessous du seuil de nuisibilité, tout en présentant de nombreux avantages sur les pesticides de synthèse. Généralement moins dangereuses pour la santé, les extraits de plantes pesticides se décomposent rapidement dans l’environnement ; ce qui limite les risques de pollution environnementale et améliore la qualité sanitaire des produits cultivés. Cultivées en association, les plantes pesticides permettent de maintenir l’équilibre entre ravageurs des cultures et animaux auxiliaires associés.</p>
<p>L’emploi de ces produits naturels permet dans certains cas d’accroître les rendements, pour un rapport coût-bénéfice similaire à celui des pesticides de synthèse. Pour réaliser leur plein potentiel, il reste toutefois encore plusieurs barrières à lever.</p>
<p>La première concerne leur acceptation par les agriculteurs, qui considèrent que leur utilisation est trop contraignante (temps nécessaire pour produire les extraits, nombre de traitements requis, spécificité des extraits limitante, variabilité des résultats…). Leurs effets sur les auxiliaires des cultures (coccinelles, par exemple) ne sont pas bien connus. Leur coût est aussi problématique, car pour l’instant ces produits, lorsqu’ils sont destinés à être commercialisés, sont fabriqués en faible quantité par de petites unités de production.</p>
<p>Enfin, ces dernières ne peuvent s’inscrire dans les démarches d’évaluation requises par les (rares) cadres réglementaires existants. Ces derniers, très lourds, sont en effet les mêmes que ceux exigés pour les pesticides de synthèse, et les petites structures de production ne peuvent s’y conformer. Cette contrainte, notamment, limite la viabilité commerciale des plantes pesticides.</p>
<h2>Organiser les connaissances</h2>
<p>Au-delà de ces problèmes intrinsèques et structurels, le développement des pesticides végétaux est également freiné par la disponibilité et la diffusion des connaissances.</p>
<p>Bien que l’utilisation des plantes pesticides soit une pratique ancestrale, les savoirs associés sont fragmentés, dispersés au sein des communautés. Le recensement de ces connaissances, qui a déjà été entrepris dans certains pays africains anglophones, doit encore être mené dans les pays francophones.</p>
<p>C’est notamment l’objectif du <a href="https://ur-aida.cirad.fr/nos-recherches/projets-de-recherche/knomana">projet « Knomana »</a> (Knowledge management on pesticides plants in Africa). Initié dans le cadre de <a href="http://www.glofoods.inra.fr/">« Glofoods »</a>, un programme mené conjointement par l’Inra et le Cirad, il vise à recenser à travers la littérature les plantes pesticides, leurs usages, leurs modes d’action, les organismes qu’elles sont susceptibles de cibler, leurs effets collatéraux (sur des organismes non ciblés par exemple) etc.</p>
<p>Les connaissances collectées seront formalisées via une base de connaissances puis diffusées. Car si les pesticides végétaux sont loin de remplacer les pesticides de synthèse dans les grandes cultures, ils pourraient néanmoins constituer une alternative viable en production maraîchère, sur de petites surfaces. Or celles-ci constituent une importante ressource pour assurer la sécurité alimentaire des populations : aujourd’hui, les exploitations de moins de 15 ha génèrent en effet <a href="http://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/11/12/124010">près de 80 %</a> des denrées consommées en Afrique subsaharienne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/86898/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>En Afrique, les pertes dues aux ravageurs se chiffrent en millions et menacent la sécurité alimentaire. Pour faire face à cette menace, le recours aux pesticides chimiques n’est pas la seule voie.Pierre Silvie, Entomologiste, CiradPierre Martin, Knowledge manager, CiradLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/732472017-02-19T20:18:38Z2017-02-19T20:18:38ZAfrique : pourquoi la lutte contre la chenille légionnaire est si difficile<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/157422/original/image-20170219-10209-igmbyh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La chenille légionnaire d’automne a été repérée pour la première fois en Afrique début 2016. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/confirm/447052915?size=huge_jpg">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>L’aire de répartition de la chenille légionnaire d’automne (<em>Spodoptera frugiperda</em>) se situe en Amérique. Mais cette larve de papillon se propage actuellement à grande vitesse dans la partie sud de l’Afrique. Son apparition sur le continent a été détectée pour la première fois en janvier 2016 <a href="http://dx.doi.org/10.1371%2Fjournal.pone.0165632">au Nigeria</a>. En une année, elle s’est répandue pour <a href="http://ewn.co.za/2017/02/03/sa-confirms-presence-of-fall-armyworm">atteindre, en janvier dernier, l’Afrique du Sud</a>.</p>
<p>La présence de la chenille légionnaire d’automne ajoute aux dégâts déjà causés par sa cousine africaine, <a href="http://theconversation.com/armyworms-are-wreaking-havoc-in-southern-africa-why-its-a-big-deal-72822"><em>Spodoptera exempta</em></a>.</p>
<p>Cette situation a des répercussions considérables pour les populations touchées. Car ce papillon est un terrible ravageur du maïs et d’autres plantes cultivées, comme le sorgho. Il s’agit d’une menace sérieuse pour l’agriculture et par conséquent la sécurité alimentaire en Afrique ; c’est de même un problème pour le commerce international avec la mise en place de quarantaines. La situation est tout particulièrement préoccupante pour les cultures sud-africaines qui viennent tout juste de se remettre d’une <a href="http://www.unocha.org/el-nino-southern-africa">terrible sécheresse</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Afrique australe : les chenilles détruisent dangereusement les cultures (France 24, 2017).</span></figcaption>
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<p>En Afrique subsaharienne, 208 millions de personnes <a href="https://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Events/DakAgri2015/Cereal_Crops-_Rice__Maize__Millet__Sorghum__Wheat.pdf">dépendent du maïs</a> pour assurer leur alimentation. Ces cultures sont également essentielles aux petits agriculteurs de la région qui en tirent la majorité de leurs revenus.</p>
<p>Comprendre comment les chenilles légionnaires se reproduisent, se déplacent et se nourrissent est indispensable pour faire face à la menace qu’elles représentent. Ces insectes possèdent en effet des qualités qui les rendent particulièrement difficiles à contrôler : ils volent très bien, se reproduisent en masse et leurs larves peuvent se nourrir d’une grande variété de plantes. En outre, ils développent très rapidement des résistances aux pesticides.</p>
<h2>Des espèces venues d’ailleurs</h2>
<p>De telles invasions biologiques menacent la biodiversité, l’équilibre des écosystèmes naturels et agricoles et, à terme, la sécurité alimentaire. L’Afrique subsaharienne est considérée comme particulièrement vulnérable face à ces espèces invasives, en raison de sa grande dépendance à l’<a href="http://www.pnas.org/content/113/27/7575">égard de l’agriculture</a>.</p>
<p>En général, l’expansion de l’aire géographique de telles espèces est empêchée par des barrières naturelles, océans ou montagnes. Mais avec le développement des échanges commerciaux et des déplacements au niveau mondial, on a observé une multiplication ces dernières décennies de ces invasions biologiques. On peut citer, le grand capucin du maïs, <em>Prostephanus truncatus</em>, lui aussi originaire des Amériques, introduit par accident en <a href="http://www.cabi.org/isc/datasheet/44524">Tanzanie dans les années 1970</a>. Ce coléoptère s’est rapidement propagé via des lots de maïs et de manioc séché infestés. Cette espèce <a href="http://www.cabi.org/isc/datasheet/44524">s’est depuis propagée</a> à de nombreux pays d’Afrique.</p>
<p>Les avis divergent à propos de la chenille légionnaire d’automne en Afrique. Une piste possible avance que l’espèce est arrivée via des denrées alimentaires en <a href="http://theconversation.com/armyworms-are-wreaking-havoc-in-southern-africa-why-its-a-big-deal-72822">provenance d’Amérique</a>. Ceci est tout à fait envisageable : les insectes peuvent facilement traverser les frontières via des matières végétales infestées. Et ces espèces ont été à <a href="http://ec.europa.eu/food/plant/plant_health_biosecurity/europhyt/interceptions_en">maintes reprises</a> interceptées dans des envois destinés à l’Europe.</p>
<p>Il est également possible que cette chenille ait traversé l’Atlantique <a href="http://theconversation.com/armyworms-are-wreaking-havoc-in-southern-africa-why-its-a-big-deal-72822">grâce aux vents</a>, les insectes adultes pouvant être portés par les vents sur de très grandes distances. L’exemple le plus connu de ce phénomène concerne le papillon monarque, <em>Danaus plexippus</em>, qui a de cette façon traversé l’Atlantique des Amériques aux <a href="http://www.ukbutterflies.co.uk/species.php?species=plexippus">îles britanniques</a>.</p>
<p>Quelle que soit la façon dont la chenille légionnaire d’automne a atteint l’Afrique, sa progression rapide à travers le continent témoigne de sa grande capacité de dispersion. Le vol endurant des papillons adultes leur permet de passer facilement les frontières. Aux États-Unis, on sait depuis longtemps que ces espèces s’appuient sur les courants-jets pour la <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/international-journal-of-tropical-insect-science/article/div-classtitlemigration-and-the-life-history-strategy-of-the-fall-armyworm-span-classitalicspodoptera-frugiperdaspan-in-the-western-hemispherea-hreffn01-ref-typefnadiv/EB7A3F758E7F1436A2FECDE39278CB61">dispersion des adultes</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/156738/original/image-20170214-26007-gkij2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/156738/original/image-20170214-26007-gkij2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/156738/original/image-20170214-26007-gkij2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/156738/original/image-20170214-26007-gkij2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/156738/original/image-20170214-26007-gkij2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/156738/original/image-20170214-26007-gkij2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/156738/original/image-20170214-26007-gkij2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/156738/original/image-20170214-26007-gkij2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Au stade adulte, la chenille légionnaire d’automne peut passer les frontières grâce à son vol.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/wildreturn/14935803778/in/photolist-d3SNDY-6QqoXh-oDMjaL-gpfrtU-d3Uao7-d79a3h-oKPU7f-gpfpE3-6RGevB-gpfSJq-go4894-d8cJF5-6Vgc4Q-4SbUPG-fBJVZ2-bjeW4X-gpfGi4-go3K4K-fBJWmZ-go3LYr-go3AtY-jVVicb-kTMHYr-AvMn4p-jVSM8P-B9KERi-AvMsjz-yH2GUF-kTPkJ1-jVT77P-jVUMTG-jVSRpz-y3EsBr-go3Vmj-gpfHcD-aidc9j-bjeY2a-bjeXbR-vXH3Hz-w8WXXh-xeeuGH-d4uCF3-8SX6Kb-fmApcZ-ofsohw-wHoGwS-wHoG23-umzPC6-65nRGS-65ixHi">Andy Reago & Chrissy McClarren/Flickr</a></span>
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</figure>
<h2>La biologie de la chenille légionnaire</h2>
<p>Son nom scientifique, <em>Spodoptera frugiperda</em>, fait référence aux ailes à motifs gris des papillons adultes et aux ravages qu’elles occasionnent sur les fruits. Son nom courant renvoie au fait que les chenilles se déplacent en masse à l’automne.</p>
<p>Plusieurs caractéristiques de cet insecte en font une espèce particulièrement difficile à contrôler : en plus de leur impressionnante endurance de vol, les femelles adultes sont extrêmement fertiles, avec plus de 1 000 œufs pondus durant leur vie.</p>
<p>Ces chenilles peuvent coloniser plus de 100 plantes appartenant à <a href="http://dx.doi.org/10.1371%2Fjournal.pone.0165632">27 espèces différentes</a>. Si elles sont polyphages – c’est-à-dire capables de se nourrir d’une grande variété de plantes –, leurs hôtes préférés demeurent le maïs, le sorgho, le millet, le riz et la cane à sucre.</p>
<p>Une autre raison de la difficulté à les appréhender réside dans leur capacité à <a href="http://dx.doi.org/10.1371%2Fjournal.pone.0165632">résister aux pesticides</a>. On a ainsi essayé d’éradiquer cette chenille à l’aide de maïs BT, mais ces plantations sont toujours très controversées dans de <a href="http://dx.doi.org/10.1371%2Fjournal.pone.0165632">nombreux pays africains</a>.</p>
<p>On a imputé à la chenille légionnaire d’automne des dégâts ayant occasionné des pertes annuelles de 600 millions de dollars <a href="http://dx.doi.org/10.1371%2Fjournal.pone.0165632">pour le seul Brésil</a>. Ces chenilles représentent également une menace pour d’autres cultures essentielles : le niébé, la pomme de terre et le soja.</p>
<p>À l’heure qu’il est, nous ne disposons pas d’informations suffisantes au sujet de son impact sur l’ensemble des cultures africaines. Mais l’inquiétude grandit.</p>
<h2>Agir vite</h2>
<p>Compte tenu de la forte menace économique, gouvernements et organisations internationales ont mis en place des plans d’urgence pour lutter contre cette invasion.</p>
<p>Ces mesures comprennent notamment une surveillance s’appuyant sur des pièges à la phéromone pour évaluer la progression de l’invasion, des campagnes itinérantes pour informer le public et l’<a href="http://reliefweb.int/report/south-africa/pest-alert-detection-spodoptera-frugiperda-fall-army-worm-first-time-south-0">homologation d’urgence</a> de pesticides.</p>
<p>L’éradication de la chenille légionnaire d’automne va prendre du temps. À l’heure qu’il est, le contrôle de ce ravageur doit d’abord passer par une coopération internationale avec les pays d’Afrique touchés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/73247/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kerstin Kruger ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’Afrique australe est touchée par une invasion de ravageurs qui détruit ses cultures. Mobiles, très fécondes et résistantes aux pesticides, ces chenilles sont difficilement contrôlables.Kerstin Kruger, Associate Professor in Zoology & Entomology, University of PretoriaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/682042016-11-06T19:59:01Z2016-11-06T19:59:01ZLa Méditerranée aux premières loges des changements climatiques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/144667/original/image-20161105-27925-fo0etr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/ileohidalgo/9444020307/in/photolist-fox5dk-ooh6uz-pnyoay-or4cvU-9aKhhJ-fovcBo-nNnKSt-24AMtp-qLoUva-byA3kv-r22CUK-ooC5M5-bkF9KA-foMkAJ-3efWLn-9nsQf2-7DY3Dd-arM7Z5-s3nq97-7R86rK-dSuHgT-qfoc1k-fox6jr-8kiPaU-9TsspM-duyTmG-9Tvn7N-dbnqPr-r14pBj-aQsf9i-cwGeyL-dbnrka-9Tv9YY-9Tv4P5-dbnt3m-3RLWwm-nrXakX-feNmYU-6kTVSq-8Jw4Vk-9jV6yG-fox6DH-pfM3yR-fovceQ-JzzcPY-efPFBo-7td2Sa-2yxCSA-6ogf7B-6J6sRZ">Leo Hidalgo/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Les 28 organismes membres de l’Alliance nationale de recherche pour l’environnement <a href="http://www.allenvi.fr/">(Allenvi)</a> viennent de publier, à l’occasion de la COP22, un ouvrage de synthèse exceptionnel qui s’efforce de présenter un état des lieux de la recherche scientifique sur l’évolution du climat, les conséquences de son dérèglement et les solutions d’atténuation et d’adaptation dans le contexte particulier de la Méditerranée. <a href="http://www.ird.fr/toute-l-actualite/actualites/communiques-et-dossiers-de-presse/cp-2016/parution-de-l-ouvrage-la-mediterranee-face-au-changement-climatique"><em>La Méditerranée face au changement climatique</em></a> est disponible en consultation ou en téléchargement.</p>
<p>De par son passé géologique, son environnement semi-aride – dont le climat se distingue des zones tempérées par de fortes variations intersaisonnières – et son rôle dans l’histoire tourmentée des sociétés humaines, la Méditerranée constitue un authentique laboratoire « en miniature ».</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/144603/original/image-20161104-27914-up277o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/144603/original/image-20161104-27914-up277o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/144603/original/image-20161104-27914-up277o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/144603/original/image-20161104-27914-up277o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/144603/original/image-20161104-27914-up277o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/144603/original/image-20161104-27914-up277o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=460&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/144603/original/image-20161104-27914-up277o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=460&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/144603/original/image-20161104-27914-up277o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=460&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mer_M%C3%A9diterran%C3%A9e#/media/File:Carte_Mediterranee_02.jpg">Wikimédia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une zone test</h2>
<p>Quoiqu’elle ne représente que 1,5 % de la surface terrestre, elle constitue une « zone test » qui concentre la quasi-totalité des enjeux potentiellement catastrophiques pour la planète : risques naturels, réchauffement climatique, modification du cycle de l’eau, changements des fonctions des sols et des couvertures végétales, modifications de la diversité biologique et atteintes à la biodiversité, répartition inégale des ressources, contraction des rapports politiques, économiques et sociaux Nord-Sud débouchant sur des conflits, flux migratoires massifs, occupation des territoires, urbanisation et littoralisation rapides.</p>
<p>On ne saurait en outre oublier l’impact de la zone méditerranéenne sur les régions avoisinantes : rôle des extrêmes climatiques méditerranéens sur les diverses composantes du système Terre, rôle des échanges hydrologiques avec la mer Noire et avec l’Atlantique, les eaux méditerranéennes transitant par le détroit de Gibraltar influençant le climat européen.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/144665/original/image-20161105-27911-12925vm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/144665/original/image-20161105-27911-12925vm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/144665/original/image-20161105-27911-12925vm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/144665/original/image-20161105-27911-12925vm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/144665/original/image-20161105-27911-12925vm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/144665/original/image-20161105-27911-12925vm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/144665/original/image-20161105-27911-12925vm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le détroit de Gibraltar sépare l’océan atlantique (à l’ouest) et la mer Méditerranée (à l’est).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.nasa.gov/multimedia/imagegallery/index.html">NASA</a></span>
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<p>Aujourd’hui où une <a href="http://leclimatchange.fr/les-elements-scientifiques/">augmentation</a> de la température mondiale de 1,4 à 5,8 °C est, en l’absence de contre-mesures radicales, attendue (3 à 7 °C pour la région méditerranéenne à la fin du XXI<sup>e</sup> siècle), ce sont les eaux profondes de la Méditerranée qui, en premier, ont enregistré l’effet de serre. Dans cette région, les changements planétaires semblent d’autre part affecter la fréquence d’occurrence des événements extrêmes : <a href="http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosclim1/motscles/devellop.html">cyclogenèses</a>, phénomènes hydrométéorologiques ou éoliens, sécheresses et dégradation des sols.</p>
<h2>Agir malgré les incertitudes</h2>
<p>Les contributions incluses dans l’ouvrage ne manquent toutefois pas de souligner les fortes incertitudes qui persistent quant à la dynamique réelle de l’impact du changement climatique, en général, et aux différentes échelles spatiales du bassin méditerranéen.</p>
<p>Des incertitudes qui ne doivent pas servir de prétexte à l’inaction. Bien au contraire : ces dernières doivent inciter à mieux comprendre les chaînes causales complexes qui relient le climat et les autres paramètres environnementaux et anthropiques, et à agir sans tarder afin de minimiser celles des conséquences du changement global qui menacent l’environnement, la santé et le bien-être des populations.</p>
<p>Plusieurs des contributions démontrent que la recherche fournit directement des bases scientifiques pour une meilleure gestion des milieux, des ressources et des patrimoines, pour préserver et renforcer les services de la biodiversité et des écosystèmes, et pour diffuser les concepts et les connaissances appropriées dans la société, auprès des décideurs et des acteurs concernés.</p>
<h2>Le rôle central de la science</h2>
<p>La science est l’outil le mieux à même de lier la lutte contre le changement climatique, les objectifs du développement durable et le financement du développement.</p>
<p>La redéfinition de l’agenda international qui est intervenue au cours de l’année 2015 nous en fait d’ailleurs une obligation : avant la COP21 de Paris s’étaient successivement tenues la <a href="http://www.un.org/esa/ffd/ffd3/">3e Conférence</a> internationale sur le financement du développement puis le Sommet des Nations unies qui a vu l’adoption des 17 nouveaux « objectifs du développement durable » <a href="http://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/summit/">(ODD)</a>. Des objectifs universels censés, selon le rapport de synthèse du secrétaire général Ban Ki Moon, tracer la route vers « la dignité pour tous d’ici à 2030 » en « éliminant la pauvreté, en transformant nos vies et en protégeant la planète ».</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/144666/original/image-20161105-27904-w1h1jx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/144666/original/image-20161105-27904-w1h1jx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=295&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/144666/original/image-20161105-27904-w1h1jx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=295&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/144666/original/image-20161105-27904-w1h1jx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=295&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/144666/original/image-20161105-27904-w1h1jx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=370&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/144666/original/image-20161105-27904-w1h1jx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=370&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/144666/original/image-20161105-27904-w1h1jx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=370&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les 17 objectifs de développement durable adoptés en 2015 par les 193 États-membres de l’ONU.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/2015/09/26/onu-appelle-contributions-secteur-prive/#prettyPhoto">Nations unies</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Comme tout consensus international, tant ces objectifs que le contenu de l’Accord de Paris sur la lutte contre le réchauffement climatique (dont la COP22 s’efforcera de concrétiser les premières traductions opérationnelles) ont représenté des avancées dont on peut se féliciter, mais ont inévitablement été le fruit d’un compromis entre intérêts différents, voire contradictoires, et entre des gouvernements dont les contraintes et visions géostratégiques sont multiples, voire franchement divergentes.</p>
<h2>Pour un développement vraiment durable</h2>
<p>Les ODD dans leur lettre même ne sont pas exempts d’incohérences que leur mise en œuvre effective peut, si l’on n’y prend pas garde, exacerber : une vision à court terme des nécessités de la lutte contre la pauvreté ou pour la sécurité alimentaire (objectifs 1 et 2) peut, par exemple, favoriser des choix technologiques et économiques qui hypothèquent à moyen terme la réalisation des objectifs 15, 14 et 13 qui concernent respectivement la préservation de l’environnement terrestre, des océans et contre les effets du réchauffement climatique.</p>
<p>De même, la satisfaction à court terme des besoins énergétiques des pays en développement de la rive sud de la Méditerranée comme du continent africain peut se heurter à la nécessaire décarbonation des économies qu’impose la lutte contre le réchauffement planétaire. On pourrait multiplier les exemples analogues.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/9mwoK_uP-SE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La Méditerranée est aussi menacée par la pollution, « Enquête sur une mer en danger » (Thalassa, 2016).</span></figcaption>
</figure>
<p>Ce sont des avancées de la science que l’on peut raisonnablement attendre des solutions qui permettent de concilier les objectifs de développement durable, de construire les coalitions innovantes d’acteurs qui permettront de les imposer en pratique, et de fournir en quantité suffisante les biens publics globaux dont la planète a besoin.</p>
<p>Il est avéré que l’humanité éprouve de graves difficultés à se doter de tels biens publics pour faire face à des enjeux globaux qui, par essence, dépassent les frontières nationales car elle se heurte à ce que les chercheurs en science politique qualifient de « paradoxe westphalien », du nom du <a href="http://www.irenees.net/bdf_fiche-analyse-773_fr.html">Traité européen de 1648</a> qui instaura, pour la première fois, un ordre international fondé sur le strict respect de la souveraineté des États. L’histoire millénaire, comme l’actualité récente, de la Méditerranée ont maintes fois illustré ce paradoxe.</p>
<p>Espérons que la mobilisation contre le réchauffement climatique, dont le Maroc et la France se veulent l’un des fers de lance, contribuera à faire de la Méditerranée l’exemple de son dépassement et de la solidarité entre les acteurs, les gouvernements et les populations face aux périls communs et pour un développement au service de tous.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/68204/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Véritable « laboratoire » pour observer les effets des changements climatiques, la situation de la Méditerranée fait l’objet d’une impressionnante synthèse scientifique qui vient de paraître.Jean-Paul Moatti, Président-directeur général, Institut de recherche pour le développement (IRD)Stéphanie Thiébault, Directrice de l’Institut écologie et environnement (INEE), Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/662932016-09-30T04:52:12Z2016-09-30T04:52:12ZLes petits pêcheurs, acteurs sous-estimés de l’économie africaine<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/139789/original/image-20160929-27017-1p1ib1m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C13%2C1022%2C691&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">À M’Bour au Sénégal. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/slosada/3174843753/in/photolist-5QxUrp-9znhab-9eF66j-9Q1WZZ-7Z6noB-qaHXsj-6g94FD-5QxVNB-5Qy66n-4zkxNW-4zgjsz-5QCggh-4zkwFS-4zgj6H-748ZPT-7Z6MSt-9bYcvx-9fBGof-4upuz1-5QC9kj-4QhH9y-YzN5z-dQaPeL-7CkBCa-nFcqB-hmpV3T-9HUz7D-oXCFSf-ak1amY-pf5Qk3-ak1a3J-pf7QYB-ak1agy-ak1a6u-ajXnUK-ak1aiW-pf5QwL-ak1apA-oXC327-ajXoc6-ajXnXt-ajXnZR-ajXogc-ajXoj6-ajXohn-ajXodV-te8WuE-s5ExV6-GhRYJc-Gc1Jv6">Sebastián Losada/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>En Afrique de l’Ouest, près de <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0964569115001039">7 millions de personnes</a> dépendent directement des pêcheries locales. Si celles-ci ont longtemps constitué un secteur attractif, elles doivent aujourd’hui faire face à de nombreux défis, dont la surpêche et la pêche illégale.</p>
<p>Les communautés vivant traditionnellement de cette activité se sont ainsi enfoncées dans la pauvreté, nombre de personnes se retrouvant avec <a href="http://opensample.info/feeding-the-poor-contribution-of-west-african-fisheries-to-employment-and-food-security">moins d’un dollar par jour</a> pour survivre. Or ces pêcheries contribuent à hauteur de <a href="http://www.fao.org/3/a-i3917%3Csup%3Ee%3C/sup%3E.pdf">3 milliards de dollars par an</a> aux économies africaines.</p>
<p>Mais la surexploitation des ressources halieutiques – induite par une pêche industrielle intense dans les années 1970 et des pratiques de pêche illégale conduites par des <a href="http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371%2Fjournal.pone.0118351">vaisseaux</a> européens et asiatiques – a provoqué l’écroulement des stocks au large <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2211464515300026">des côtes ouest-africaines</a>. Et la pression se maintient sur cette région où la concurrence entre les grandes pêcheries du monde entier fait rage.</p>
<p>Les populations les plus touchées par cette situation vivent sur les côtes ; pour elles, le poisson représente à la fois un moyen de se nourrir et de gagner sa vie. Selon la FAO, les communautés de cette zone consomment en moyenne 17,5 kilos de poisson par an et par personne. Mais en réalité, cette consommation individuelle s’élève à 35 kilos, selon les bases de données de <a href="http://www.seaaroundus.org">Sea Around Us</a>. Ce qui signifie que ces habitants ont assez de poisson pour couvrir leurs besoins en protéines.</p>
<p>C’est la raison pour laquelle il est crucial de protéger et de soutenir ces pêcheries traditionnelles d’Afrique de l’Ouest.</p>
<h2>Un rôle sous-évalué et sous-apprécié</h2>
<p>L’importance des pêcheries locales, ou des pêcheries de petite taille, est sous-estimée du fait que leurs prises ne sont pas correctement déclarées. En conséquence de quoi, les revenus qu’elles génèrent ne sont pas pris en compte à leur juste valeur. Et si on peut évaluer leurs poids en observant les marchés locaux, celui-ci n’apparaît presque jamais dans les statistiques officielles.</p>
<p>Pour chaque kilo de poisson pêché et déclaré, un autre kilo échappe à la comptabilité des autorités. Nous sommes arrivés à cette conclusion après cinq années d’enquête sur place. Le fait que tout le poisson pêché ne soit pas déclaré pose un problème, car sa valeur passe ainsi inaperçue. Cela explique que les pêcheries traditionnelles ne soient pas considérées comme des acteurs économiques dignes de ce nom. Et le fait qu’elles procurent les protéines nécessaires aux habitants est pareillement ignoré.</p>
<p>Pendant la crise provoquée par le virus Ebola en Sierra Leone, le ministère de la Pêche avait souligné que la consommation de poisson avait augmenté. Les gens y voyaient en effet le moyen le plus sûr de consommer des protéines animales. Mais les chiffres officiels n’ont pas reflété cette réalité, donnant ainsi l’impression que la consommation de poisson n’avait pas joué le rôle d’alternative pour éviter de consommer de la viande de brousse contaminée. Une <a href="http://science.sciencemag.org/content/306/5699/1180">étude</a> a pourtant montré que la tendance à préférer le poisson à la viande était bien réelle. Une telle situation ne va pas dans le sens d’une promotion des petites pêcheries.</p>
<p>Ce qui est ici le plus à déplorer, c’est que des décisions importantes soient prises dans l’ignorance de ce qui se passe sur le terrain. Le rôle des petites pêcheries étant sous-estimé, les gouvernements agissent souvent au détriment des petits pêcheurs. On peut citer, par exemple, le fait d’autoriser toujours plus de gens à pêcher ; de subventionner toujours davantage la pêche et, enfin, de donner la priorité aux gros bateaux de pêche.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/137075/original/image-20160908-25240-1qgll6i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/137075/original/image-20160908-25240-1qgll6i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/137075/original/image-20160908-25240-1qgll6i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/137075/original/image-20160908-25240-1qgll6i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/137075/original/image-20160908-25240-1qgll6i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/137075/original/image-20160908-25240-1qgll6i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/137075/original/image-20160908-25240-1qgll6i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/137075/original/image-20160908-25240-1qgll6i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un navire pratiquant la pêche illégale intercepté dans les eaux de Sierra Leone.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Reuters</span></span>
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</figure>
<h2>Du côté des gros poissons</h2>
<p>Les grands navires de pêche posent deux types de problème. Ils exercent premièrement une pression accrue sur des réserves halieutiques déjà surexploitées, empêchant les stocks de se reconstituer.</p>
<p>Ensuite, les revenus générés par ces prises n’atterrissent pas dans les coffres des États concernés. Des navires en provenance de Chine et d’Europe ont ainsi pêché sur une période de 10 ans pour <a href="http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371%2Fjournal.pone.0118351">8,3 milliards de dollars</a> de poissons dans la région. Seule une petite fraction – <a href="http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371%2Fjournal.pone.0118351">0,5 milliard de dollars</a> – ayant bénéficié aux économies locales.</p>
<p>De plus, on estime que des réserves halieutiques d’une valeur de 2 milliards de dollars ont soit été prélevées sans l’accord des autorités locales ou jamais déclarées à cause d’une pêche illégale, non déclarée ou non régulée.</p>
<p>D’immenses vaisseaux chinois ont ainsi <a href="http://www.bbc.com/news/world-africa-36734578">été repérés</a> en train de piller les eaux des côtes d’Afrique de l’Ouest. On se souvient à ce titre de l’histoire des <a href="http://www.seashepherdglobal.org/news-and-commentary/commentary/the-end-of-the-bandit-6.html">six vaisseaux pirates</a>, venus chasser en toute illégalité la légine. Les marins de ces bateaux, recherchés par Interpol, tentèrent de trouver refuge sur la côte.</p>
<p>Mais la plupart du temps, ces malfaiteurs n’attirent pas tant l’attention médiatique.</p>
<p><a href="http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371%2Fjournal.pone.0118351">Des recherches</a> montrent que la Chine est massivement impliquée dans la pêche illégale. L’Europe, la Russie et les pays d’Asie sont également concernés par cette pratique. Un navire espagnol a récemment été pris en train de pêcher sans aucune autorisation dans les <a href="http://researcherdiaries.com/2016/07/busted-the-gotland-to-pay-1-5-million-euros-in-fines-to-the-government-of-senegal/">eaux sénégalaises</a>.</p>
<p>La corruption et la mauvaise gouvernance sont en cause dans ces activités impliquant des prises de poissons non régulées, non comptabilisées ou carrément illégales. La bonne nouvelle, c’est que la région est aujourd’hui le théâtre de profonds changements, qui s’accompagnent d’une visibilité internationale inédite et d’un intérêt nouveau du côté de la recherche.</p>
<p>La Guinée a ainsi fait savoir au comité des pêches de la FAO qu’elle avait adopté une <a href="http://researcherdiaries.com/2016/07/a-journey-where-international-policies-are-born/">nouvelle régulation</a> pour lutter contre la pêche illégale. Pour décourager cette pratique, le Sénégal a de son côté adapté sa législation, s’autorisant désormais à <a href="https://www.issafrica.org/iss-today/how-can-senegal-combat-illegal-fishing">affliger de lourdes amendes</a>. De son côté, la Gambie a mis fin à toute pêche industrielle, en attendant la mise en place d’une nouvelle législation.</p>
<p>Des mesures d’incitations positives, comme une coopération internationale renforcée pour combattre la pêche illégale et des investissements supplémentaires pour gérer les stocks de poissons et protéger le littoral, connaissent d’autre part un succès grandissant de par le monde.</p>
<p>Mais pour que tous ces efforts portent leurs fruits, les petites pêcheries doivent être prises en compte. Et les géants de la pêche devraient, eux, s’appliquer à devenir des acteurs du développement économique plutôt que des pilleurs de stocks de poissons.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/66293/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dyhia Belhabib a reçu des financements de la MAVA Foundation.</span></em></p>Les pêcheries artisanales font vivre des millions d’Africains de l’Ouest, mais leur rôle est clairement sous-estimé et la pêche illégale les menace.Dyhia Belhabib, Research Associate and Fisheries Scientist, University of British ColumbiaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/559192016-03-08T05:46:07Z2016-03-08T05:46:07ZLes multiples formes de l’insécurité alimentaire en Afrique sub-saharienne<p>C’est la zone du monde qui connaît la plus forte insécurité alimentaire : <a href="http://www.fao.org/3/a-i4635e.pdf">220 millions</a> de personnes environ souffrent d’une alimentation inadéquate en Afrique sub-saharienne. La nature même de ce problème évolue rapidement, et l’apparition du surpoids et de l’obésité en sont autant de nouvelles formes, tandis que la malnutrition persiste. On constate cependant que les politiques de santé publique des pays concernés ne s’adaptent guère à cette nouvelle donne. </p>
<p>L’insécurité alimentaire résulte du fait d’être trop pauvre pour pouvoir produire ses propres aliments ou en faire l’achat. Mais nous ne parlons pas ici de n’importe quel type d’aliments. <a href="http://www.who.int/trade/glossary/story028/en/">Selon la FAO</a>, chaque individu a besoin d’« une nourriture suffisante, saine et nourrissante pour mener une vie saine et active ». Les politiques actuelles concentrent leurs efforts sur une production alimentaire et un accès accrus à la nourriture. Mais elles ne font pas grand cas des aspects systémiques qui guident les choix des individus. Or ceci pourrait bien constituer un facteur aggravant. </p>
<p>La réflexion sur la question de la sécurité alimentaire en Afrique est au point mort, même si des voix toujours plus nombreuses réclament des approches plus nuancées. On pense en effet généralement que ceux qui souffrent le plus de cette situation sont les pauvres, les affamés, ceux qui ne peuvent s’acheter à manger. Une autre conception erronée veut que les personnes obèses soient en surpoids et en mauvaise santé à cause de ce qu’elles mangent ; elles seraient ainsi responsables de mal s’alimenter. Cela conduit à penser qu’il suffirait d’éduquer les gens sur le plan nutritif pour les aider à faire les bons choix. </p>
<p>Or ces deux façons de voir les choses sont aussi biaisées l’une que l’autre. Car la sécurité alimentaire répond à des critères économiques et géographiques. </p>
<h2>Une vague d’obésité liée à la pauvreté</h2>
<p>Dans <a href="http://ebrary.ifpri.org/utils/getfile/collection/p15738coll2/id/130126/filename/130337.pdf">la zone sub-saharienne</a>, 33 % des adultes sont en surpoids et plus de 11 % sont obèses. Les taux de <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0140673614604608">maladies</a> non contagieuses liées à l’alimentation connaissent une hausse liée à l’urbanisation rapide, à la pauvreté citadine et aux <a href="http://www.foresightfordevelopment.org/featured/food-insecurity">changements rapides</a> de régimes alimentaires. </p>
<p>L’obésité touche autant les riches que les pauvres. Dans les pays développés, les <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0140673614604608">taux d’obésité</a> se stabilisent, tandis qu’ils continuent de croître dans les pays en voie de développement. Ceci a, bien sûr, de graves conséquences : en 2010, le surpoids et l’obésité <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0140673614604608">ont provoqué</a> près de 3,4 millions de décès. </p>
<p>Les <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0140673610615140">taux d’obésité</a> n’ont pas doublé ou triplé ces dernières décennies parce que les gens auraient décidé spontanément et collectivement de faire de mauvais choix alimentaires. Les plus démunis se nourrissent mal pour des raisons économiques. En Afrique du Sud, le système alimentaire est <a href="http://www.plaas.org.za/plaas-publication/rr-42">aux mains</a> de quelques grandes entreprises, le <a href="http://journals.plos.org/plosmedicine/article?id=10.1371/journal.pmed.1001253"><em>Big Food</em></a>. La <a href="http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/19452829.2014.896323">libéralisation des échanges</a> a ainsi permis l’importation d’une nourriture industrielle de piètre qualité ; de grandes compagnies privées qui vendent de tels produits peuvent désormais exercer des <a href="http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(12)62089-3/abstract">pressions</a> sur les autorités. </p>
<p>Les alternatives favorables à la santé, comme les aliments peu gras, sont généralement <a href="https://theconversation.com/why-bad-food-is-good-for-business-23438">plus onéreuses</a> ; les aliments à la qualité nutritive médiocre, parce que pleins de sucre et de glucides raffinés, sont eux bien <a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21074973">moins coûteux</a>. Quant au prix des <a href="http://www.odi.org/sites/odi.org.uk/files/odi-assets/publications-opinion-files/9580.pdf">produits frais</a>, il a connu une hausse plus rapide que celui des aliments industriels. </p>
<p>La logique économique se trouve renforcée par le marketing et la publicité qui envoient des messages contradictoires. Les compagnies vendant des sodas ou les chaînes de restauration rapide s’associent à des événements sportifs et véhiculent une image de vie saine et équilibrée ; les écoles qui promeuvent des régimes alimentaires équilibrés, abritent aussi des magasins de friandises vendant de la <em>junk food</em>. </p>
<p>Les plus pauvres ont également des capacités limitées pour stocker et <a href="http://www.foresightfordevelopment.org/featured/food-insecurity">conserver</a> les aliments au froid, ce qui réduit d’autant leur choix alimentaire. </p>
<h2>Quelle attitude adopter ?</h2>
<p>Tenir les plus démunis responsables de répondre logiquement à un problème d’ordre systémique n’aide en rien la situation, et l’éducation nutritionnelle ne pourra pas à elle seule changer la façon dont les gens se nourrissent. Les gouvernements doivent déplacer leur attention des individus aux systèmes dans lesquels ces derniers évoluent. Il faut également savoir tirer les conséquences de situations où des politiques sanitaires vertueuses se trouvent écartées au nom de la croissance économique privilégiant des produits industriels. </p>
<p>Le ministre des finances sud-africain, Pravin Gordhan, a récemment déclaré que le pays mettrait en place une taxe sur les boissons sucrées <a href="http://www.treasury.gov.za/documents/national%20budget/2016/speech/speech.pdf">à partir de 2017</a>. L’industrie du sucre a déclaré qu’il s’agissait là d’une décision qui aurait des conséquences économiques désastreuses et pénaliserait <a href="http://ewn.co.za/2016/02/26/Beverage-Association-disappointed-by-proposed-Sugar-Tax">les plus pauvres</a>. C’est en partie vrai. </p>
<p>Vouloir contrôler les aliments néfastes à la santé sans un système d’incitation à consommer des aliments plus sains n’avance à rien. De même, si les questions d’accès, de conservation, de réfrigération et de transports ne sont pas traitées, les efforts pour influencer les choix de produits alimentaires par le prix ne sera qu’une taxe supplémentaire pour les plus pauvres. </p>
<p>L’insécurité alimentaire en Afrique doit être considérée dans un système alimentaire plus vaste, de la même manière que l’alimentation est liée à l’économie et à d’autres facteurs. Il est donc nécessaire de reconfigurer les politiques de santé publique pour se concentrer sur la nature et la dynamique des systèmes alimentaires. Sans quoi, on risque juste d’accélérer la transition d’une forme d’insécurité alimentaire à une autre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/55919/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jane Battersby receives funding from the ESRC and DFID as part of the Joint Fund for Poverty Alleviation Research project, Consuming Urban Poverty.</span></em></p>Pour comprendre et lutter contre les nouveaux phénomènes de l’insécurité alimentaire, obésité en tête, une approche systémique doit être adoptée.Jane Battersby, Senior Researcher in Urban Food Security and Food Systems, University of Cape TownLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.