tag:theconversation.com,2011:/us/topics/kamala-harris-91367/articlesKamala Harris – The Conversation2021-05-04T17:36:34Ztag:theconversation.com,2011:article/1602042021-05-04T17:36:34Z2021-05-04T17:36:34ZLes cent jours de Kamala Harris : une vice-présidente sur tous les fronts<p>Loin d’être réduite à une fonction symbolique, la vice-présidente des États-Unis, Kamala Harris, est sur tous les fronts pour mettre en œuvre l’agenda de l’administration Biden en matière de politique intérieure comme extérieure.</p>
<p>Sa voix est décisive au Sénat, dont elle est la présidente. Elle aurait pu l'être lors de <a href="https://www.letemps.ch/monde/etape-decisive-senat-approuve-plan-relance-1900-milliards-dollars-joe-biden">l’adoption du plan de relance</a> de 1 900 milliards de dollars si un sénateur républicain ne s'était pas désisté. Kamala Harris ne sera pas, pour Joe Biden, ce que Mike Pence était pour Donald Trump. Elle n’est pas, en effet, cantonnée à un rôle de figuration consistant à récolter des fonds pour le parti ou à rassurer, encore moins à flatter, le président. Dès le départ, Harris a été impliquée dans les gros dossiers de la Maison Blanche. L’exécutif américain, qui se veut à l’image de l’Amérique, <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/joe-biden/etats-unis-joe-biden-et-son-administration-feminine-et-feministe_4269195.html">multiculturel et féminisé</a>, entend promouvoir l’expertise. Et cette expertise réside aussi, précisément, dans cette diversité. Biden, <a href="https://time.com/5956887/biden-race/">poussé et convaincu par un militantisme de terrain intersectionnel</a>, a souhaité s’entourer, pour gagner et pour gouverner, d’une pluralité de compétences et de regards sur la société.</p>
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<p>Kamala Harris l’incarne de manière emblématique. Ancienne procureure de Californie, elle suit avec le président Biden le procès de Derek Chauvin, le policier reconnu coupable du meurtre de George Floyd, et dont la sentence sera connue le 25 juin prochain. Ils ont tous deux <a href="https://www.courrierinternational.com/article/video-lemouvant-appel-de-joe-biden-et-kamala-harris-la-famille-de-george-floyd-apres-le">accompagné la famille de la victime</a> et travaillent de concert à un <a href="https://www.congress.gov/bill/116th-congress/house-bill/7120">projet de réforme de la police et de la justice</a> pour combattre le racisme systémique.</p>
<h2>Lutter contre toutes les inégalités</h2>
<p>Dans les grands plans de relance comme dans la gouvernance du pays, Biden et Harris, qui se définissent comme des partenaires, entendent cibler les populations les plus vulnérables aux inégalités et discriminations : emploi, salaire, accès à l’emprunt, à la santé, aux études supérieures, à la garde d’enfants… les femmes et les minorités ethniques (en particulier les Afro-Américains), sont souvent les plus concernées.</p>
<p>Lorsque Kamala Harris – qui, dans son <a href="https://www.nationalheraldindia.com/international/kamala-harris-victory-speech-full-text">discours de victoire</a> en novembre dernier, a rappelé le rôle des femmes, et notamment des femmes noires, dans la construction de l’Amérique – <a href="https://www.nytimes.com/2021/02/18/us/politics/women-pandemic-harris.html">déclare en mars</a> que « l’économie ne pourra véritablement repartir que lorsque les femmes pourront pleinement y participer », elle met en mots un objectif de prise en compte des inégalités de genre et d’origine dans la gestion de la Covid-19.</p>
<p>Symone Sanders, la porte-parole de la vice-présidente Harris (et qui fut la porte-parole de son homonyme Bernie Sanders lors de la campagne de 2016), a, de fait, <a href="https://www.pbs.org/wnet/amanpour-and-company/video/symone-sanders-on-bidens-plans-to-address-racial-inequality/">rappelé</a> que le nouvel exécutif souhaitait adopter une approche systémique en matière de lutte contre ces inégalités. Non pas pour oublier les autres populations, mais au contraire pour promouvoir un universel plus inclusif car ce qui s’adresse aux plus fragiles s’adresse à toutes et à tous, à l’instar des allocations familiales exceptionnelles déployées dans le premier plan de relance et destinées <em>in fine</em> à plus de 90 % des enfants américains.</p>
<p>La vice-présidente est aussi, comme Joe Biden, la VRP de l’<a href="https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2021/03/31/fact-sheet-the-american-jobs-plan/">American Jobs Plan</a>, le grand projet de rénovation des infrastructures : les deux têtes de l’exécutif se sont rendues en Caroline du Nord il y a peu et d’autres États les accueilleront bientôt.</p>
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<p>Il s’agit d’expliquer en quoi des milliers d’emplois durables, dans l’économie verte, devraient être créés et, globalement, d’être plus pédagogiques et de mieux communiquer sur l’action politique en cours que pendant l’ère Obama. Harris chemine également le pays pour parler d’équité dans l’accès à l’eau, de combat contre la pauvreté infantile, d’éducation pour toutes et tous. Elle rencontre élu·e·s, associations, groupes militants. Au <a href="https://nihrecord.nih.gov/2021/02/19/vice-president-visits-nih-complete-covid-vaccination">National Institutes of Health</a>, elle a rendu un hommage appuyé aux femmes noires scientifiques et rencontré l’une d’elles, l’immunologiste <a href="https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=10158767832637923&id=24413227922&__tn__=-R">Kizzmekia Corbett</a>, qui a participé à la création du vaccin Moderna. Avec Joe Biden, elle a salué, lors de la Journée internationale des droits des femmes, le rôle des femmes dans l’histoire du pays et <a href="https://www.defenseone.com/policy/2021/03/biden-nominates-two-women-lead-combatant-commands/172531/">promu deux générales quatre étoiles</a>.</p>
<h2>Contre l’entre-soi du pouvoir</h2>
<p>Joe Biden a par ailleurs <a href="https://www.latribune.fr/depeches/reuters/KBN2BG30K/usa-biden-charge-harris-de-travailler-avec-le-mexique-sur-les-flux-de-migrants.html">confié à Kamala Harris</a> l’épineux dossier des négociations avec les pays d’Amérique centrale concernant l’immigration clandestine – un dossier dont il avait lui-même eu la charge lorsqu’il était le vice-président de Barack Obama.</p>
<p>Harris doit obtenir une réduction des flux migratoires vers la frontière sud des États-Unis en échange d’un accroissement de l’aide humanitaire et de l’aide au développement économique. C’est ce qui se joue en ce moment avec le Guatemala, où elle se rendra en juin, et qui sera bientôt sur la table avec le Honduras et le Salvador. Elle <a href="https://edition.cnn.com/videos/politics/2021/04/25/kamala-harris-intv-immigration-role-mexico-northern-triangle-countries-biden-bash-sotu-vpx.cnn">vise</a> la coopération, le dialogue avec les responsables politiques mais aussi les associations locales de ces trois pays, dont étaient originaires la moitié des immigrés illégaux tenant de franchir la frontière américaine en mars dernier. Comme il fallait s’y attendre, les Républicains la <a href="https://edition.cnn.com/2021/04/01/politics/kamala-harris-migration-border/index.html">prennent pour cible</a> et l’accusent de laxisme.</p>
<p>Les prérogatives de la vice-présidente ne s’arrêtent pas là en matière de politique étrangère et de leadership américain : Harris est ainsi impliquée dans la gestion multilatérale des grandes crises planétaires – environnementale, sanitaire ou économique – et s’est, à ce titre, déjà <a href="https://www.washingtontimes.com/news/2021/feb/18/wheres-biden-veep-takes-solo-calls-foreign-leaders/">entretenue avec plusieurs dirigeants étrangers</a>. Elle va également diriger le <a href="https://edition.cnn.com/2021/05/01/politics/kamala-harris-chair-national-space-council/index.html">Conseil national de l’espace</a>, en se concentrant notamment sur la cybersécurité des actifs des États-Unis dans l’espace, la promotion de l’enseignement des sciences, de l’ingénierie et des mathématiques, les liens entre conquête spatiale et développement durable.</p>
<p>La pandémie a renforcé l’urgence d’appréhender la société à partir d’une perspective tenant compte des questions de <a href="https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/A-9-2020-0229_FR.html">genre</a> et d’<a href="https://www.letemps.ch/sciences/coronavirus-sattaque-davantage-aux-minorites">origine</a>. Le choix, par le nouvel exécutif, d’un agenda programmatique fondé sur les besoins de toutes et de tous va de pair avec une <a href="https://blogs.mediapart.fr/marie-cecile-naves/blog/010221/la-democratie-selon-biden-inclusion-equite-et-expertise">rupture avec le traditionnel entre-soi dans la prise de déci-sion</a>. La vice-présidente des États-Unis donne à voir qu’une femme noire peut s’occuper de tous les sujets au plus haut niveau de responsabilités. La page Trump se tourne aussi de cette façon.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160204/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Cécile Naves est membre de l'IRIS.</span></em></p>Le rôle central que Kamala Harris, vice-présidente des États-Unis depuis cent jours, joue dans l’administration Biden montre que sa nomination ne se limite absolument pas à sa dimension symbolique.Marie-Cécile Naves, Docteure en science politique, chercheuse associée au CRI Paris, Learning Planet Institute (LPI)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1541342021-02-03T20:23:45Z2021-02-03T20:23:45ZFact check US : La gauche du parti démocrate peut-elle enfin impulser une réforme de l’assurance-santé ?<p>Les démocrates ont repris le pouvoir. De ce camp politique émanent des appels favorables à une transformation complète du système de protection maladie, notamment par la voix du sénateur progressiste Bernie Sanders. Celui-ci vient précisément d’être élu au poste stratégique de président du comité du Budget du Sénat. Faut-il comprendre que la gauche et le centre du parti démocrate vont réussir à s’entendre sur un programme d’assurance santé plus universel ?</p>
<p><a href="https://www.politico.com/news/2021/01/12/bernie-sanders-big-budget-plans-458461">Bernie Sanders</a> a déjà repris avec force son plaidoyer de campagne en faveur du « Medicare for All », un modèle d’assurance santé universelle et publique :</p>
<blockquote>
<p>« Je suis un ardent défenseur de “Medicare for All”. J’ai introduit le projet de loi au Sénat. Je pense qu’au bout du compte, les Américains comprennent que notre système de santé est si dysfonctionnel, si cruel, si cher, que nous devons faire ce que tous les autres grands pays sur cette planète font et proposer une protection santé à tout le monde. Ce qu’on va faire maintenant, c’est travailler dans le cadre défini par Biden. »</p>
</blockquote>
<p>Ce discours n’est pas étonnant. L’instauration d’un grand système public de santé proche des modèles de l’Europe continentale, notamment français, est un combat politique mené depuis de nombreuses années par l’élu de l’État progressiste du Vermont. Il s’inscrit au cœur de la pensée des <a href="http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?gcoi=27246100830610">élites progressistes du Wisconsin</a> à l’aube du <em>new deal</em> rooseveltien jusqu’aux partisans du « single payer » en 1993, au moment des débats sur la réforme de la santé voulue par Bill Clinton. L’aile gauche démocrate préconisait alors que l’État soit le « payeur unique », en lieu et place d’assurances privées.</p>
<h2>Sur fond de pandémie, la quête d’un système de santé plus juste</h2>
<p>Pour bien des observateurs américains, le débat reste le même : il s’agit toujours de choisir entre la « grande illusion » et la <a href="https://ajph.aphapublications.org/doi/10.2105/AJPH.2019.305315">« solution faisable »</a>. La catastrophe sanitaire liée aux effets de la pandémie Covid-19, avec plus de 400 000 décès, permet cependant aux partisans de l’établissement d’un système de santé publique de faire fortement entendre leur voix au moment même où l’administration de Joe Biden se met en place. Mais que faut-il attendre du président ?</p>
<p>Durant la campagne des primaires démocrates, Joe Biden, représentant de l’aile modérée du parti, était clairement opposé à « Medicare for All ». Il disait privilégier la voie d’une amélioration de l’Obamacare, surnom de la grande réforme du système de soin initiée par Barack Obama qui a permis d’élargir la couverture santé à des millions d’Américains en étant dépourvus. L’incitation à souscrire à une assurance privée, avec l’aide publique en cas de ressources insuffisantes, y complétait alors les deux grands programmes publics rigoureusement encadrés : Medicare (à destination des plus de 65 ans) et Medicaid (ciblant les mineurs et les femmes isolées).</p>
<p>Joe Biden a ainsi parlé d’un projet d’Affordable Care Act 2.0 (ACA 2.0), qui consisterait à augmenter les subventions publiques afin que tous les citoyens puissent payer leur prime d’assurance. Sans aller plus loin : le coût de Medicare for All pour les finances publiques – ajouté à l’attachement d’une bonne partie des citoyens américains à l’assurance maladie fournie par l’employeur (<em>employer based system</em>) – étant alors considéré comme rédhibitoire pour le sénateur du Delaware.</p>
<p>Ce n’est qu’avec le choix de Kamala Harris comme colistière, et afin de tendre une main à l’aile gauche du parti démocrate, qu’il a été amené à faire certaines concessions politiques. Entre autres, il a envisagé une réforme plus substantielle de l’Obamacare afin d’y introduire la possibilité de souscrire à une assurance maladie publique (<em>public option</em>). Prenant le sens inverse, Kamala Harris s’est, elle, dite partisane d’une version de Medicare for All « ouverte », incluant la possibilité de contracter une assurance privée complémentaire. L’un comme l’autre emprunte finalement une voie médiane autour d’un système mixant privé et public. Toutefois, ce type de réforme devant être intégrée à une loi budgétaire ne peut être votée à majorité simple (rappelons que les démocrates disposent en effet d’une majorité simple au Sénat). Il leur faudrait une majorité qualifiée de 60 voix pour y parvenir et échapper au pouvoir d’obstruction des élus républicains (le fameux <a href="https://theconversation.com/fact-check-us-lobstruction-parlementaire-lun-des-obstacles-majeurs-a-venir-pour-joe-biden-153902"><em>filibuster</em></a>).</p>
<p>De surcroît, avec la priorité absolue donnée à la lutte contre la pandémie de Covid-19, il n’est pas sûr que le président Biden fasse un pas supplémentaire vers la grande réforme voulue par l’aile gauche du parti démocrate. Si l’on regarde la composition de la nouvelle administration Biden, rien ne permet d’évaluer précisément l’importance que pourra prendre cet enjeu sur l’agenda politique à venir. Sur les <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/interactive/2020/biden-appointee-tracker/">19 postes de direction</a> du ministère de la Santé en cours d’affectation et d’évaluation devant le Sénat, seul celui du directeur de National Institutes of Health est à ce jour confirmé (Dr Francis Collins). Celui de Xavier Becerra (ministre) et celui des numéros deux et trois du ministère de la Santé sont en attente d’approbation. </p>
<p>Si l’on compare avec la composition de l’administration Obama en 2008-09, on constate que ce dernier s’était alors entouré d’une sorte de <em>task force</em> composée de vétérans de l’administration Clinton. Ces conseillers présents en grand nombre à la Maison Blanche et au ministère de la Santé étaient porteurs d’un projet de réforme consensuel et attrape-tout de l’assurance maladie. Rien de cela n’est actuellement présent dans l’administration en cours de formation.</p>
<h2>Les limites de la majorité démocrate au Congrès</h2>
<p>Pour le président Biden, il s’agit avant tout de lutter contre la pandémie. Il a ainsi promis <a href="https://www.forbes.com/sites/roberthart/2021/12/29/biden-promises-100-million-covid-19-vaccinations-in-first-100-days-warning-that-trumps-approach-would-take-years/?sh=6efbc5892a97">« 100 jours 100 millions de vaccins »</a>. C’est dans ce sens qu’il a recruté un <em>chief of staff</em>, <a href="https://theconversation.com/fact-check-us-joe-biden-peut-il-arreter-le-virus-aux-etats-unis-comme-il-laffirme-et-comment-150558">Ron Klain</a>, ayant l’expérience de la gestion de l’épidémie Ebola sous l’administration Obama. La réponse au Covid-19 permet le retour en force au sein de l’administration des chercheurs qui sous l’administration Trump avaient été aussi maltraités que peu écoutés. </p>
<p>La sélection des 10 personnes formant la <a href="https://www.statnews.com/2021/01/21/the-10-biden-officials-to-watch-covid-19/">task force Biden</a> marque un profond changement de cap. La nomination de Jeff Zients, ex-conseiller de l’administration Obama, pour coordonner au niveau fédéral la politique de vaccination conforte ce choix. Cet économiste avait réparé le désastre du lancement du site web du marché fédéral d’assurance maladie sur lequel reposait la mise en œuvre de l’ACA.</p>
<p>Pour évaluer ses possibilités de réforme, il faut enfin faire une lecture attentive et nuancée du résultat des dernières élections. Certes, Joe Biden a été élu confortablement malgré les dénégations de Donald Trump. En revanche, il n’y a pas eu de « grande vague bleue » au Congrès. Les démocrates ont perdu des sièges à la Chambre de représentants, et la majorité au Sénat ne tient qu’à la voix de Kamala Harris. Tout projet de grande réforme du type Medicare for All tombera inévitablement sous le coup de la critique des républicains dénonçant alors la perspective de la mise en place d’une « médecine socialisée ». Thématique qui a permis aux Républicains de gagner des élections dans des États où ils n’étaient pas favoris dans les sondages, comme dans le Maine, la Caroline du Nord, l’Iowa et le Kansas entre autres. </p>
<p>De surcroît, pour lutter contre les effets de la Covid-19 le gouvernement a déjà – et projette encore – d’engager des sommes d’argent public importantes (1 900 milliards de dollars) qui feront gravement défaut pour le financement d’un passage au Medicare for All. Pour cette raison, il est fort probable que Biden fasse le choix de l’amélioration de l’ACA en introduisant des mesures via le vote d’une loi fiscale ou d’équilibre budgétaire que ne nécessite que la majorité relative au Sénat (50 voix).</p>
<p>Quant à la vice-présidente Kamala Harris, il y a fort à parier qu’elle laisse de côté ses convictions réformatrices sur l’assurance maladie pendant un temps. L’engagement d’une réforme de l’assurance maladie devant le Sénat en l’absence de 60 voix démocrates constitue un risque politique majeur à deux ans des élections de mi-mandat. Il y a certainement d’autres sujets comme le droit des minorités, la régularisation des 11 millions de sans-papiers ou encore de 700 000 « dreamers » (jeunes mineurs migrants nés sur le sol américain) que le président Trump n’a pas cessé de stigmatiser. Ces combats politiques, tout aussi symboliques que Medicare for All, sont aujourd’hui sûrement moins risqués pour la personnalité politique qui devrait incarner l’après-Biden au sein du parti démocrate.</p>
<hr>
<p><em>Ce Fact check a été réalisé avec Lydia Reynaud de l’École publique de journalisme de l’Université de Tours (EPJT).</em></p>
<p><em>La rubrique Fact check US a reçu le soutien de <a href="https://craignewmarkphilanthropies.org/">Craig Newmark Philanthropies</a>, une fondation américaine qui lutte contre la désinformation</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154134/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>De Kamala Harris à Bernie Sanders, des voix se sont élevées durant la campagne pour un système de santé plus universel. Qu’attendre de l’administration Biden ?William Genieys, Directeur de recherche CNRS au CEE, Sciences Po Larry Brown, Professeur invité au Laboratoire interdisciplinaire d'évaluation des politiques publiques (LIEPP), Sciences Po, Columbia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1539022021-01-27T18:35:14Z2021-01-27T18:35:14ZFact check US : L’obstruction parlementaire, l’un des obstacles majeurs à venir pour Joe Biden ?<p>Le 6 janvier 2021, le Sénat américain a basculé à majorité démocrate avec l’obtention des deux sièges de l’État de Géorgie. Mais cette victoire ne protège pas le camp démocrate de l’usage par leurs opposants du « filibuster », processus d’obstruction législative dont il va être question ici. Les 51 voix du camp présidentiel, en comptant celle de la vice-présidente Kamala Harris, lui offrent en effet la majorité simple. C’est insuffisant pour contrer un filibuster, à savoir l’action d’un élu, appartenant à la minorité dans la plupart des cas, décidant de bloquer le processus d’adoption d’une loi par une prise de parole sans interruption. Il faut alors les voix de soixante sénateurs, sur les cent qui composent la chambre haute, afin de suspendre cette manœuvre.</p>
<p>Devant l’accroissement de l’usage du filibuster depuis les années 2000, les projets de loi sont peu nombreux à être actés et ce, quel que soit le président. Ainsi en 2009, l’administration Obama avait-elle abandonné toute tentative de faire adopter le Clean Energy and Security Act, visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, devant les obstacles sénatoriaux qu’elle anticipait et alors que le texte avait été adopté sans coup férir à la chambre basse (<a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/sciences-politiques-et-sociologie/limpossible-presidence-imperiale/">nous y revenons en détail dans cet ouvrage</a>).</p>
<p>Cet état de fait a été <a href="https://www.nytimes.com/2020/12/08/us/politics/tom-udall-farewell-speech-senate.html">dénoncé par Tom Udall</a>, sénateur du Nouveau-Mexique lors de son discours de départ à la retraite le 8 décembre 2020. Il y qualifie le Sénat de « cimetière du progrès » et appuie sur « la réalité du filibuster [qui est] une paralysie, une profonde paralysie ». Ce phénomène de blocage est redouté par une partie des démocrates pour les quatre années à venir. Certains appellent donc Joe Biden à en finir avec le filibuster, à l’instar d’Harry Reid, ancien sénateur du Nevada, au micro d’Associated Press en octobre 2020 : « Le temps viendra où [Joe Biden] devra intervenir et se débarrasser du filibuster. » L’obstruction législative représente-t-elle bel et bien un obstacle pour Joe Biden et sa politique ? Ce dernier a-t-il la volonté de supprimer le filibuster et en a-t-il les pouvoirs en tant que président ? Légalement, il n’en a pas les moyens. En outre, il n’en montre pas la volonté.</p>
<h2>Courte histoire du filibuster</h2>
<p>Pour comprendre l’importance de l’obstruction législative, revenons sur sa genèse. Le filibuster est une spécificité du Sénat américain, qui n’a aucun équivalent ni dans une autre chambre, ni à l’étranger. Cette procédure, apparue de manière involontaire lors d’une réforme du Sénat, au début du XIX<sup>e</sup> siècle, permet à un sénateur de s’exprimer aussi longtemps qu’il le souhaite, sans être interrompu. </p>
<p>Légitimé comme un moyen de préservation de la parole des minorités, le filibuster donne son identité institutionnelle au Sénat. Chaque sénateur a ainsi l’impression d’être un homme ou une femme d’envergure car cela leur confère le pouvoir d’arrêter une loi, même si elle est soutenue par les 99 autres sénateurs. À l’issue du discours, il pourrait être envisageable de remettre le projet de loi sur la table. Toutefois, face à un blocage, le Sénat, débordé de travail et caractérisé par une culture du respect des prérogatives sénatoriales, préfère abandonner le projet de loi en cours et passer au suivant. Le filibuster fonctionne en cela comme un véritable veto sur une proposition législative.</p>
<h2>Que peut le président face à l’obstruction législative</h2>
<p>Face au filibuster, le président n’a, lui, aucun veto. En raison de la séparation des pouvoirs aux États-Unis, il ne peut agir sur les règlements intérieurs du Congrès. Ainsi, seuls les sénateurs peuvent modifier le filibuster. Joe Biden pourrait inciter Chuck Schumer, leader démocrate au Sénat, à se charger de cette procédure. Mais le président élu est un institutionnaliste. Après avoir passé 20 ans en tant que sénateur, il est <a href="https://www.nytimes.com/2021/01/23/us/politics/joe-biden-senate.html">attaché aux traditions</a> de cette chambre et se montre <a href="https://www.newsweek.com/video-joe-biden-saying-filibuster-about-compromise-moderation-resurfaces-1564276">peu favorable</a> à la suppression du filibuster. D’autant plus qu’il ne pourra pas se permettre de perdre son temps dans un débat procédural qui n’intéresse pas beaucoup les Américains, en dehors des spécialistes de la question. C’est pourquoi il s’occupera plutôt de mettre en avant son programme afin de le faire adopter par le Congrès.</p>
<p>Si une partie du camp Biden souhaite la suppression du filibuster, c’est qu’il y a toutes les chances que l’obstruction législative soit utilisée régulièrement en raison des équilibres au sein du 117<sup>e</sup> Congrès. Le Sénat va fonctionner avec autant de démocrates que de républicains. La vice-présidente devra voter à chaque fois pour donner la majorité aux démocrates. Alors en infériorité numérique, les républicains déclencheront un filibuster comme dernière arme de résistance. </p>
<p>Depuis les années 2000, la baisse du nombre de projets de loi devenus lois s’accroît, en même temps que la polarisation partisane s’affirme. <a href="https://www.americanprogress.org/issues/democracy/reports/2019/12/05/478199/impact-filibuster-federal-policymaking/">L’exception est presque que la loi soit adoptée</a>. Il est très difficile pour les deux partis de collaborer dans des projets communs. Totalement opposés en termes politiques, la plupart des républicains suivent une logique de refus absolu de la collaboration, ce qui compliquera le mandat de Joe Biden.</p>
<h2>Vers un dépassement du filibuster</h2>
<p>C’est en tout cas le constat qui pouvait être fait avant l’invasion du Capitole, le 6 janvier 2020. Depuis, le Parti républicain est en déconfiture. Même Mitch McConnell, leader du groupe au Sénat, a <a href="https://www.nytimes.com/2021/01/19/us/politics/mcconnell-trump-capitol-riot.html">pris ses distances avec Donald Trump</a>. Le sénateur pourrait se montrer bienveillant envers Joe Biden. En tant que démocrate centriste, le président élu va essayer de dépasser le clivage partisan, à l’instar de Barack Obama. Ce dernier s’était heurté au mur républicain, en vain. Aujourd’hui, devant l’éclatement des soutiens trumpistes, certains sénateurs républicains pourraient accepter la main tendue de Joe Biden, faisant naître l’espoir d’une volonté bipartisane et consensuelle. Cette politique de la main tendue ne se fait pas sans arrière-pensée. Joe Biden a conscience qu’il lui est impossible d’obtenir la super majorité à soixante voix par son propre parti.</p>
<p>Dans le cas où les républicains resteraient fermés à toute coopération avec la majorité présidentielle, les démocrates pourraient déclencher des moyens procéduraux pour les contrer, comme ils l’ont fait sous Barack Obama. En premier, ils disposent de la mesure dite de « réconciliation », utilisée pour faire adopter l’Obamacare en 2010. Elle permet de faire adopter toute loi qui a un impact sur le budget national par le vote d’une majorité simple au Sénat. En second, la manœuvre un peu brutale de l’« option nucléaire », souvent évoquée sous George W. Bush, offre la possibilité au chef de la majorité sénatoriale d’empêcher l’usage du filibuster pour un certain type de loi. </p>
<p>Une mesure similaire a été utilisée en 2013 afin d’abroger le filibuster pour les nominations institutionnelles, <a href="https://eu.usatoday.com/story/news/factcheck/2020/10/01/fact-check-gop-ended-senate-filibuster-supreme-court-nominees/3573369001/">sauf à la Cour suprême</a>. Puis en 2017, les républicains ont également recouru à cette version limitée de l’option nucléaire afin de supprimer le filibuster pour la nomination de Neil Gorsuch comme juge à la Cour suprême, sachant pertinemment qu’il serait le cas échéant utilisé par les Démocrates.</p>
<p>Au-delà de la question de l’adoption des mesures de Joe Biden, il faut noter que le filibuster entraîne un immobilisme patent de l’institution législative qui risque de faire de l’actuel Congrès l’un des moins productifs de l’histoire. Les sondages montrent à quel point l’institution est d’ailleurs détestée par les Américains, seulement 10 % se disent satisfaits du travail de leur Congrès.</p>
<hr>
<p><em>Ce Fact check a été réalisé avec Lucie Diat et Émilie Chesné de l’École publique de journalisme de l’Université de Tours (EPJT).</em></p>
<p><em>La rubrique Fact check US a reçu le soutien de <a href="https://craignewmarkphilanthropies.org/">Craig Newmark Philanthropies</a>, une fondation américaine qui lutte contre la désinformation</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153902/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Vergniolle de Chantal ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’usage immodéré du « filibuster », outil d’obstruction parlementaire, rend le Congrès américain inefficace. Est-ce, comme certains démocrates le craignent, l’un des obstacles majeurs face à Joe Biden ?François Vergniolle de Chantal, Professeur de civilisation américaine à l'Université de Paris (LARCA - CNRS/UMR 8225)., Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1539972021-01-26T20:38:15Z2021-01-26T20:38:15ZLe discours d’investiture de Joe Biden : un retour à la normale ?<p>Au-delà des circonstances extraordinaires dans lesquelles s’est déroulée l’inauguration de Joe Biden, en l’absence de son prédécesseur et de la foule (remplacée symboliquement par 200 000 drapeaux), et en présence de 26 000 membres de la Garde nationale dans une capitale qui semblait assiégée, le <a href="https://www.whitehouse.gov/briefing-room/speeches-remarks/2021/01/20/inaugural-address-by-president-joseph-r-biden-jr/">discours d’investiture</a> du 46<sup>e</sup> président des États-Unis constitue-t-il un « retour à la normale », comme le <a href="https://www.washingtonpost.com/opinions/2021/01/20/bidens-inauguration-offered-what-america-needs-return-normalcy/">suggère l’intellectuel Max Boot</a> ? Bien sûr, tout dépend de ce que l’on entend par « normalité ».</p>
<p>Le discours d’investiture qui suit le serment a une fonction cruciale dans le rituel de transition du pouvoir. Comme l’ont montré les <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/P/bo5759249.html">chercheuses américaines Karlyn Kohrs Campbell et Kathleen Hall Jamieson</a>, la fonction d’un « bon discours inaugural » est double : premièrement, unifier le peuple après les divisions politiques de la campagne ; et, deuxièmement, rappeler aux citoyens leur identité en tant que peuple, à savoir ce qui les unit et leur communauté de destin – en d’autres termes, expliquer pourquoi la nation demeure une nécessité.</p>
<h2>L’unité dans la religion civile</h2>
<p>Le discours de Joe Biden peut être qualifié de « normal » par son thème principal, qui était clairement l’unité. À cet égard, il contrastait fortement avec le discours prononcé quatre ans plus tôt par Donald Trump sur le « carnage américain » qui opposait l’<em>establishment</em> au « peuple » et ne mentionnait l’État qu’en termes négatifs.</p>
<p>Alors que Trump n’avait fait aucune mention de la citoyenneté ou de la responsabilité collective, le discours de Joe Biden est particulièrement remarquable par <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2021/01/20/unique-words-biden-inauguration-speech/?arc404=true">son importante utilisation de termes liés à la collectivité</a>, à la <a href="https://www.newstatesman.com/world/2021/01/joe-biden-s-inauguration-speech-was-angriest-ever-according-sentiment-analysis">gouvernance et à la responsabilité citoyenne</a>. On trouve par exemple dans son discours la plus grande récurrence du pronom sujet « nous » depuis l’investiture de Calvin Coolidge en 1925.</p>
<p>Afin d’unir le peuple, Joe Biden a également tenté de re-sacraliser les principes de la religion civile américaine. Par exemple, le Capitole, parfois appelé « le temple de la démocratie américaine », a été désigné comme « terre sacrée ». Ainsi, le nouveau président a rappelé à son auditoire que « la foule d’émeutiers pensait pouvoir utiliser la violence pour faire taire la volonté du peuple, pour arrêter le travail de notre démocratie et pour nous chasser de ce lieu sacré ». Il a également récité les premiers mots de la Constitution, « Nous, le peuple, en vue de former une union plus parfaite », notant la « résilience » de ce document fondateur qu’il a liée à « la force de notre nation ».</p>
<p>Plus encore que les autres présidents, Joe Biden a invoqué l’esprit d’Abraham Lincoln, citant les mots de son illustre prédécesseur qui déclarait que « toute son âme » se trouvait dans la Proclamation d’émancipation des esclaves, et promettant que lui aussi mettait aujourd’hui « toute son âme » dans le rassemblement et l’union de l’Amérique. Bien entendu, invoquer une telle figure symbolique liée à la victoire contre l’esclavage dans la guerre de Sécession, qui s’apparente à un saint national, est particulièrement pertinent alors que la nation est en proie à ce que Biden appelle une « guerre incivile », face à un risque de « désunion ».</p>
<h2>Le prêtre en chef : La foi plus que l’espérance</h2>
<p>Pour tenter de rassembler le peuple, Joe Biden a endossé le rôle traditionnel des présidents américains en cas de crise : celui de Prêtre-en-chef national, mais dans une plus large mesure encore que ses prédécesseurs. Comme l’a montré une <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2021/01/20/unique-words-biden-inauguration-speech/?arc404=true">analyse du <em>Washington Post</em></a>, son discours inaugural contenait plus de mots liés à la religion que tout autre discours inaugural depuis Dwight Eisenhower en 1957.</p>
<p>Il a conduit la nation dans un moment de prière silencieuse en l’honneur des victimes de la pandémie, a invoqué Saint Augustin et a cité les Écritures. Son discours ne portait pas tant sur la religion que sur la foi, une foi qui, avec la raison, montrera la « voie de l’unité », et une foi qui « soutient » dans les moments difficiles, comme l’illustre sa citation du psaume 30 :5 « le soir arrivent les pleurs et le matin l’allégresse ».</p>
<p>Il offre une vision très différente de celle de Donald Trump qui, en <a href="https://www.politico.com/story/2017/01/full-text-donald-trump-inauguration-speech-transcript-233907">2017</a>, parlait d’un Dieu qui protège l’Amérique pour la rendre toute-puissante (« totalement invincible »). Tout comme il l’a fait avec succès pendant la campagne, Joe Biden exprime ses convictions religieuses non pas en termes politiques, mais en termes émotionnels et personnels, y compris à travers son propre chagrin, afin d’établir un lien d’empathie avec le peuple américain.</p>
<h2>L’histoire de l’Amérique</h2>
<p>Un moyen important d’unifier le peuple est de lui raconter à nouveau l’histoire de la nation. Le mot « récit » (<em>story</em>) est mentionné neuf fois. C’est l’une des métaphores les plus efficaces : il rappelle le passé (« l’appel de l’histoire »), tout en se concentrant sur l’action du présent pour façonner l’avenir des « enfants de nos enfants » :</p>
<blockquote>
<p>« Le récit ne dépend pas de l’un d’entre nous, ni de certains d’entre nous, mais de nous tous. […] Et lorsque ce sera le cas, nous écrirons le prochain chapitre du récit américain. […] C’est un récit qui pourrait ressembler à une chanson qui signifie beaucoup pour moi, le récit qui nous inspire. […] Ajoutons notre propre travail et nos prières au récit de notre nation qui se déroule. […] Et ensemble, nous allons écrire un récit américain d’espoir, et non de peur. […] Un récit américain de décence et de dignité, d’amour et de guérison, de grandeur et de bonté. […] Que ce récit soit celui qui nous guide, celui qui nous inspire. Le récit qui raconte les siècles à venir où nous avons répondu à l’appel de l’histoire. »</p>
</blockquote>
<p>L’histoire de l’Amérique est essentiellement un récit d’héroïsme : comment la nation a surmonté des épreuves dans le passé, telles que « la guerre civile, la Grande Dépression, la guerre mondiale, le 11 Septembre, par la lutte, le sacrifice et les revers » et comment « nos meilleurs anges », une expression bien connue de Lincoln utilisée dans son premier discours d’investiture, ont toujours fini par l’emporter. L’évocation des épreuves passées assure aux Américains que leur nation a un avenir. Mais pour être héroïque, le présent doit aussi être exceptionnel :</p>
<blockquote>
<p>« Peu de périodes de l’histoire de notre nation ont été plus difficiles ou plus éprouvantes que celle dans laquelle nous nous trouvons actuellement. »</p>
</blockquote>
<p>Contrairement à ses prédécesseurs, Joe Biden se concentre presque exclusivement sur les périls intérieurs. Et contrairement à Donald Trump, il ne présente pas ces périls comme étant un groupe de personnes (les politiciens) mais comme des idéologies telles que l’« extrémisme » et le « suprémacisme blanc », des actions telles que « l’anarchie, la violence », des émotions telles que « la colère, le ressentiment, la haine » et des fléaux tels que « la maladie, le chômage, le désespoir, l’inégalité croissante, le racisme systémique » ou la « pandémie » – autant de maux susceptibles de conduire à « la désunion et à la guerre incivile ».</p>
<p>En fait, dans son discours d'investiture, la politique étrangère occupe une place <a href="https://www.newstatesman.com/world/2021/01/joe-biden-s-inauguration-speech-was-angriest-ever-according-sentiment-analysis">nettement moins importante</a> que dans ceux de ses deux derniers prédécesseurs. S’en prenant indirectement à Donald Trump, et de façon remarquable, il a également fait le lien entre l’attaque contre la démocratie et l’attaque contre la vérité, dénonçant les « mensonges proférés pour le pouvoir et le profit » et appelant tous les citoyens américains à la bataille « pour défendre la vérité et vaincre les mensonges ».</p>
<p>Mais c'est aussi un récit optimiste. Joe Biden souligne l'espoir du changement en rappelant le combat politique et historique des minorités, évoquant Martin Luther King, ainsi que celui des femmes, faisant le lien entre leurs luttes passées et l'élection de Kamala Harris, première femme au poste de vice-président.</p>
<h2>La nécessité d’une action héroïque</h2>
<p>Le récit mythique de l’Amérique présentée par Biden est celui d’une lutte héroïque « perpétuelle » entre le bien (« lumière et unité ») et le mal (« ténèbres et division »), entre l’idéalisme (« ce que nous devons être ») et la « dure réalité », parfois « laide, qui a longtemps déchiré le pays ».</p>
<p>Les États-Unis se trouvent à nouveau dans une « période d’épreuve », un « moment historique de crise et de défi », qui offre au pays une chance d’en « ressortir plus fort ».</p>
<p>Immédiatement après les mentions de menaces intérieures, le président propose une série d’actions à travers l’anaphore « Nous pouvons » (répété sept fois). Mais l’héroïsme américain ne se définit pas seulement par la force et la puissance, <a href="https://theconversation.com/trump-et-le-fantasme-du-heros-143106">comme le faisait son prédécesseur</a>, mais aussi par la vertu, afin que l’Amérique puisse être « une fois de plus le phare du monde » :</p>
<p>« Nous ne dirigerons pas seulement par l’exemple de notre puissance », dit ainsi Joe Biden, « mais par la force de notre exemple ».</p>
<p>À travers cette histoire héroïque, les Américains peuvent ainsi révéler leur caractère (« actifs, audacieux et optimistes ») et redéfinir leurs valeurs (« dignité, respect et honneur »).</p>
<h2>Plus Biden-esque que « normal »</h2>
<p>Comme le <a href="https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2021/01/why-bidens-inaugural-address-succeeded/617779/">conclut James Fallows</a>, ancien écrivain de discours présidentiels, le discours inaugural de Joe Biden est peut-être remarquable non pas tant par son éloquence que par son authenticité, son « optimisme conditionnel » et son plan d’action pour l’avenir.</p>
<p>Son langage clair et direct, ses expressions familières comme « I get it » ou « folks » et sa foi pleine d'empathie bien connue rendent sa proximité avec le peuple plus plausible que pour tout autre politicien blanc de sa génération. Sa collaboration avec un écrivain de discours jeune et d'origine indienne, <a href="https://www.cnbctv18.com/india/who-is-vinay-reddy-first-indian-american-in-charge-of-presidential-speechwriting-8055531.htm">Vinay Reddy</a>, achève le contraste symbolique avec Donald Trump dont le discours d'investiture avait été écrit par un homme, Stephen Miller connu pour ses <a href="https://www.splcenter.org/hatewatch/2019/11/12/stephen-millers-affinity-white-nationalism-revealed-leaked-emails">liens idéologiques avec le nationalisme blanc</a>. C'est peut-être de ce changement de ton et de vision qu'une bonne partie du peuple américain avait besoin en cette période de grands bouleversements et d’incertitude.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153997/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Viala-Gaudefroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’analyse textuelle du discours d’investiture de Joe Biden révèle les principaux axes de sa communication à venir, qui sera marquée par une nette rupture avec celle de son prédécesseur.Jérôme Viala-Gaudefroy, Assistant lecturer, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1529502021-01-10T19:11:32Z2021-01-10T19:11:32ZDonald Trump banni des grands réseaux sociaux : et maintenant ?<p>Alors que 2021 démarrait à peine, les médias du monde entier ont assisté, sidérés, au <a href="https://www.nouvelobs.com/l-amerique-selon-trump/20210106.OBS38481/fortes-tensions-autour-du-capitole-des-supporters-de-trump-ont-fait-irruption-dans-le-batiment.htmlons-autour-du-capitole-des-supporters-de-trump-ont-fait-irruption-dans-le-batiment.html">saccage du Congrès</a> américain par des partisans d’un Donald Trump arc-bouté sur son refus du résultat de l’élection présidentielle qui venait de donner la victoire à Joe Biden.</p>
<p>Dès le 3 novembre, Donald Trump évoque une fraude généralisée et concertée qui aurait été mise en œuvre afin de faire élire Biden et de spolier le peuple américain de son véritable vote. Bien que ces allégations n’aient pas résisté à leur examen par le pouvoir judiciaire et aux enquêtes diligentées dans plusieurs États, le président sortant s’obstine et <a href="https://www.reuters.com/article/us-usa-election-protests/trump-summoned-supporters-to-wild-protest-and-told-them-to-fight-they-did-idUSKBN29B24S">appelle ses partisans</a> à s’élever contre la certification du résultat de l’élection présidentielle prévue le 6 janvier.</p>
<p>Suite à la mise à sac du Capitole, les réactions ne se sont pas fait attendre : des membres de l’administration Trump ont <a href="https://www.lefigaro.fr/international/demissions-en-chaine-dans-l-entourage-de-trump-apres-l-assaut-du-capitole-20210108">démissionné de leurs fonctions</a> et certains de soutiens se sont désolidarisés de lui. </p>
<p>Et à peine 24 heures après le saccage, alors même que Donald Trump venait de condamner les violences survenues au Capitole et de s’engager à assurer une transition sereine du pouvoir, plusieurs réseaux sociaux ont <a href="https://www.socialmediatoday.com/news/president-trump-banned-from-various-social-networks-after-us-capitol-riots/593007/,http://french.xinhuanet.com/2021-01/08/c_139651391.htm">annoncé le bannissement de ses comptes</a>.</p>
<h2>Un ban unanime des réseaux</h2>
<p>Il n’aura fallu que 24 heures pour que les entreprises américaines gestionnaires de médias sociaux interdisent l’accès à leurs plates-formes au président Trump.</p>
<p>La raison invoquée était que les propos qu’il avait proférés en ligne avaient incité la foule à recourir à la violence dont le monde a été témoin. Afin de prévenir de nouvelles violences, et estimant que certains tweets du président avaient participé au déclenchement des événements, Twitter a annoncé un <a href="https://www.blog.twitter.com/en_us/topics/company/2020/suspension.html">ban à durée indéterminée</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/P3MhOcoOLTs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Facebook, pourtant souvent non aligné avec Twitter en ce qui concerne les politiques de restriction et de contrôle de la parole des personnalités politiques, a <a href="https://www.theverge.com/2021/1/7/22218725/facebook-trump-ban-extended-capitol-riot-insurrection-block">suivi la même ligne</a>, expliquant que, au vu de l’importance des risques induits par la diffusion des propos de Donald Trump, ses comptes Facebook et Instagram étaient suspendus pour une durée indéterminée et, <em>a minima</em>, <a href="https://www.twitter.com/fbnewsroom/status/1347211647245578241">pour les deux prochaines semaines</a>.</p>
<p>Outre ces mastodontes, YouTube mais aussi Twitch et Snaptchat, qui regroupent <a href="https://www.businessofapps.com/data/twitch-statistics/">d’autres profils d’abonnés</a>, ont eux aussi annoncé des restrictions. YouTube a supprimé plusieurs vidéos publiées par Donald Trump et averti les utilisateurs que toute chaîne qui publierait de fausses allégations sur les élections américaines trois fois en 90 jours serait <a href="https://www.arstechnica.com/tech-policy/2020/12/youtube-bans-videos-claiming-trump-won/">définitivement exclue de la plate-forme</a>. Pour sa part, Twiitch a bloqué le compte du président <a href="https://www.theverge.com/2021/1/7/22219144/twitch-trump-ban-indefinitely-capitol-attack">jusqu’à la fin de son mandat</a> et Snapchat <a href="https://techcrunch.com/2021/01/06/snapchat-locks-president-donald-trumps-account/">a fait de même</a> à partir du mercredi fatidique, ajoutant que la société suivrait de près la situation avant de réévaluer sa décision.</p>
<h2>Les restrictions après la catastrophe</h2>
<p>Si les restrictions apportées aux comptes de Donald Trump ont été assez rapides, certains regrettent néanmoins un manque de réactivité ou, plutôt, d’anticipation et de prévention.</p>
<p>Un ancien investisseur de Twitter, John Sacca, a violemment apostrophé les dirigeants de Twitter et de Facebook, les accusant d’avoir du sang sur les mains pour avoir trop attendu avant de prendre des mesures à l’encontre du président américain.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1346921144859783169"}"></div></p>
<p>Si les mots employés sont durs, ils n’en reflètent pas moins la pensée de plusieurs analystes qui craignaient que la récurrence des messages paroxystiques diffusés par Trump pendant ces quatre dernières années ne finisse par susciter de telles flambées de violence.</p>
<p>Car on peut bien ici parler de répétitions. En effet, les tweets de Donald Trump ont plus d’une fois défrayé la chronique, qu’il s’agisse de <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2017/nov/29/trumps-anti-muslim-retweets-prompt-backlash-in-washington-the-president-is-racist">retweets de propos anti-musulmans</a>, de <a href="https://www.bbc.com/news/technology-54440662">fake news</a> sur <a href="https://www.nytimes.com/interactive/2017/business/media/trump-fake-news.html">divers sujets</a>, ou même d’<a href="https://www.nytimes.com/2020/06/28/us/politics/trump-white-power-video-racism.html,https://www.vox.com/identities/2020/5/29/21274754/racist-history-trump-when-the-looting-starts-the-shooting-starts">incitation à la haine</a>.</p>
<p>Dans la même ligne, de nombreuses voix ont alerté sur l’incapacité des grandes plates-formes à <a href="https://www.thehill.com/opinion/technology/524999-qanon-proves-internet-companies-arent-up-to-the-task-of-defending">freiner la prolifération de mouvements complotistes, parmi lesquels QAnon</a>, susceptibles de servir de caisse de résonance à certaines personnalités politiques. Ce groupe, devenu trop célèbre, a des racines dans 4chan, plus particulièrement la partie ayant migré vers 8chan, devenu 8kun.</p>
<p>Pour mémoire, 4chan est un imageboard, c’est-à-dire une plate-forme sur laquelle une image est quasi systématiquement associée à un commentaire. 4chan est un imageboard connu pour l’anonymat qui y règne et pour ses règles de modération pour le moins laxistes. C’est pourquoi de nombreux mouvements y sont nés, si on parle des <a href="https://www.linternaute.com/hightech/internet/1014062-anonymous-leurs-actions-les-plus-marquantes/1014065-qui-sont-ils">Anonymous</a>, mais ceux-ci sont loin d’être les seuls et d’autres sont particulièrement radicaux. Avec le temps, 4chan a donné naissance à d’autre « chan », dont 8chan – « eight chan » à la prononciation proche de « <em>hate chan »</em> traduisible par « canal de la haine » –, créé en 2013 par Fredrick Brennan. Connu pour être particulièrement antisémite et anti-féministe, 8chan a été impliqué dans la <a href="https://www.liberation.fr/planete/2019/03/15/autour-de-l-attentat-de-christchurch-un-dispositif-numerique-renvoyant-a-l-extreme-droite_1715280">diffusion des images du massacre anti-musulman de Christchurch (Nouvelle-Zélande) en 2019</a>.</p>
<p>Quant à QAnon, ce mouvement affirme qu’une cabale secrète contrôle le gouvernement et organise un trafic pédophile au niveau mondial, trafic et cabale que seul le président Trump tenterait d’arrêter. L’effet d’entraînement et les liens entre QAnon et la rhétorique trumpienne ressortent clairement de l’analyse des nombreuses discussions qui, sur cette plate-forme et d’autres qui lui sont sont liées, ont cherché à planifier l’invasion du Capitole depuis plusieurs semaines, ainsi que du nombre de T-shirts et chapeaux aux couleurs de QAnon <a href="https://www.qz.com/1954265/the-attack-on-the-us-capitol-shows-the-real-danger-of-qanon/">arborés par des manifestants</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1347215549231726592"}"></div></p>
<p>Les théories de ce groupe, qui n’est pas un cas isolé, ont fait florès sur Facebook comme sur YouTube. Lorsque, en octobre dernier, la compagnie de Mark Zuckerberg a décidé de <a href="https://www.theguardian.com/technology/2020/oct/06/qanon-facebook-ban-conspiracy-theory-groups">bannir les pages liées à ce mouvement</a>, celles-ci représentaient quelque 3 millions d’abonnés et de membres. À cette même période, Facebook et YouTube ont procédé à une mise à jour de leur politique afin de cibler davantage de vidéos de théories du complot promouvant la violence dans le monde réel. Néanmoins, il n’y a pas eu d’interdiction systémique des contenus de QAnon, notamment au nom de la liberté d’expression.</p>
<p>S’agissant des interdictions et de la liberté d’expression, il est intéressant de constater que si les <a href="https://www.newsweek.com/trump-says-american-patriots-wont-disrespected-first-tweet-after-concession-1560040">deux tweets de Trump</a> à l’origine de son bannissement des plates-formes ne sont <a href="https://news.sky.com/story/us-election-donald-trumps-45-most-controversial-tweets-12098204">pas plus violents que d’autres précédemment mis en ligne</a>, ils sont ceux dont les effets ont été le plus dramatiques au vu des conséquences du saccage du Capitole.</p>
<p>Ainsi, un virage s’est opéré avec les derniers évènements : si auparavant le discours de Trump était suspecté de pouvoir susciter la violence, il est cette fois apparu qu’il y avait effectivement contribué.</p>
<p>Par ailleurs, les explications de Twitter soutiennent que c’est l’interprétation que les supporters de Trump ont fait de ses derniers propos qui ont conduit au saccage du Capitole. Ainsi, la connotation positive de la formule « American patriots », utilisée par le président pour désigner ses électeurs au lendemain de l’attaque du Capitole, aurait été comprise comme un encouragement à l’action menée ; et l’affirmation que ces « American patriots » ne doivent pas être « traités injustement » aurait laissé supposer que, malgré ses déclarations, Trump n’envisage pas de faciliter la transition. Cela présuppose que ceux à qui ces posts sont destinés tendent à y voir des messages codés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1347705927139545089"}"></div></p>
<p>Si les incitations à la haine ne peuvent évidemment pas être permises, leur traitement préventif intégrant l’interprétation pouvant être faite par l’auditoire permettant leur interdiction se heurte à un écueil : ramené à un contexte moins troublé, le risque existe que des auteurs puissent être bannis non pas pour leurs propos eux-mêmes, mais pour l’interprétation que des tiers pourraient en faire. </p>
<p>Dans un régime autoritaire, une telle approche ouvrirait la porte à de nombreuses dérives. Néanmoins, la journée de mercredi a permis à des figures comme Jim Steyer, soutien très actif de la campagne Stop Hate for Profit qui a notamment appelé les annonceurs à boycotter Facebook pour des propos haineux et a déjà <a href="https://theguardian.com/technology/2020/jun/30/third-of-advertisers-may-boycott-facebook-in-hate-speech-revolt">coûté des millions à la firme de Mark Zuckerberg</a>, de déclarer que les plates-formes doivent être tenues pour responsables de leur complicité dans la destruction des démocraties, appelant le Congrès à adopter une législation efficace pour lutter contre les discours de haine sur les réseaux sociaux.</p>
<p>Conscientes de l’émergence de cette tendance déjà sous-jacente et soucieuses de pérenniser leurs activités qui ont besoin de l’adhésion de l’opinion publique, les plates-formes, confrontées au désastre survenu dans le monde réel le 6 janvier, auraient alors voulu prendre les devants.</p>
<h2>La possibilité de l’émergence de nouveaux canaux</h2>
<p>Au lendemain du gel de ses comptes, Donald Trump a indiqué qu’il pourrait <a href="https://i.pcmag.com/imagery/articles/01vIOeICHmlNVlIcTLSxyCZ-2.fit_lim.size_1536x.png">créer son propre réseau social</a>. Si les esprits taquins noteront que Trump a voulu faire cette annonce sur Twitter qui a bloqué très rapidement la publication, il reste une réalité : la migration des contenus que l’on souhaite bloquer. En effet, ceux qui voudront diffuser des contenus radicaux de manière proactive le feront toujours. Aussi, même s’il est nécessaire que les plates-formes dont l’audience est forte ou très forte opèrent une filtration sévère des messages en ligne, il est illusoire de croire que ce filtrage suffira pour éradiquer ces courants. </p>
<p>De même que 4chan a produit 8chan, d’autres canaux seront utilisés, gangrenés ou créés. Déjà, DLive, un site de diffusion en direct de jeux, a été utilisé par des radicaux de droite pour <a href="https://wired.com/story/dlive-livestreaming-site-extremist-haven/">relayer le saccage du Capitole à des milliers de personnes</a>. Dans le cas de Dlive, beaucoup de nationalistes blancs et de partisans de l’extrême droite s’y sont retrouvés après avoir été ciblés par des interdictions sur YouTube, Twitch et Facebook. Cette migration a d’ailleurs largement contribué à la croissance de la plate-forme. Ce cas, loin d’être isolé, doit être gardé à l’esprit.</p>
<p>Les plates-formes sont conscientes de ces migrations et tentent de limiter la contagion avec les réseaux regroupant les internautes plus radicaux, particulièrement quand l’incitation à la haine et à la violence y est monnaie courante. Ce fut notamment le cas avec <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/etats-unis/donald-trump/google-apple-et-amazon-coupent-les-ponts-avec-parler-reseau-social-prise-des-partisans-de-trump-7112932">Parler</a>, un réseau social où, parmi de nombreux internautes prônant la haine et la violence, se sont retrouvés des partisans de Donald Trump venus ici (ainsi que sur <a href="https://www.ladn.eu/media-mutants/reseaux-sociaux/mewe-parler-rumble-reseaux-sociaux-extreme-droite/">MeWe</a>) après avoir été touchés par les restrictions visant, sur les grands réseaux sociaux, les théories promouvant la théorie de la fraude électorale lors de la présidentielle américaine. À la suite de cette restriction, <a href="https://www.ladepeche.fr/2020/11/18/lapplication-parler-va-t-elle-concurrencer-twitter-et-facebook-9207932.php">Parler est devenue l’application la plus téléchargée</a>, et sa base d’utilisateurs a doublé pour atteindre plus de <a href="https://onezero.medium.com/parler-users-are-gathering-on-facebook-to-complain-about-parler-36f799bb75ef">10 millions de membres</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1348179837710700544"}"></div></p>
<p>Enfin, le cas des publications Donald Trump mais aussi de son bannissement et le séisme causé par le saccage du Capitole posent de nombreuses problématiques qui dépassent le seul cadre juridique et couvrent aussi bien la communication des gouvernants sur ce type de plate-forme que les lignes rouges qui doivent être tracées. </p>
<p>De fait, il est nécessaire de préserver la liberté d’expression contre les conséquences qui pourraient résulter de l’interprétation d’un propos tout en assurant la protection des structures démocratiques comme des internautes qui, par fragilité ou « naïveté », pourraient basculer, par porosité plus que par véritable adhésion idéologique, vers des courants délétères et violents. </p>
<p>Si l’actualité braque aujourd’hui les projecteurs sur les États-Unis, cette même problématique concerne bien d’autres pays démocratiques qui, bien que devant traiter avec les acteurs non étatiques que sont les grandes plates-formes, tentent de concilier la protection de leurs principes fondamentaux et de leurs valeurs avec la préservation des droits des individus.</p>
<p>Or, l’augmentation constante de la consommation de données accentue la prégnance de ce sujet, aujourd’hui devenu majeur. Cette progression a été particulièrement marquée en 2020, les confinements successifs ayant participé à accroître la fréquentation des réseaux sociaux. On le voit, le débat est bien loin d’être clos et les enjeux vont s’amplifier.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152950/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christine Dugoin-Clément ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le bannissement de Donald Trump des principaux réseaux sociaux pose de nombreuses questions, à commencer par celle de la responsabilité qu’ont les plates-formes dans les contenus qu’elles hébergent.Christine Dugoin-Clément, Analyste en géopolitique, membre associé au Laboratoire de Recherche IAE Paris - Sorbonne Business School, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chaire « normes et risques », IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1525392020-12-28T18:56:57Z2020-12-28T18:56:57ZFact check US : L’élection sénatoriale en Géorgie va-t-elle déterminer la présidence Biden ?<p>Toute l'Amérique a les yeux tournés vers la Géorgie. Ce week end, le <a href="https://www.washingtonpost.com/"><em>Washington Post</em></a> a révélé que Donald Trump avait tenté de faire pression sur le secrétaire d’État Brad Raffensperger afin de modifier le résultat du scrutin du 3 novembre 2020 et de lui «trouver 11 780 voix». L'affaire fait scandale Outre-Atlantique. </p>
<p>Et ce mardi 5 janvier, des élections décisives ont donc lieu en Géorgie. Elles détermineront la majorité au Sénat pour les années à venir. Si la victoire de Joe Biden et de Kamala Harris est actée au scrutin présidentiel et si les démocrates sont assurés de garder leur majorité à la Chambre des représentants, la bataille n'est en effet pas tout à fait terminée au Sénat. </p>
<p>Lors des élections de novembre, sur les 100 sièges de sénateurs, les républicains en ont remporté 50 et les démocrates 48, deux sièges de l’État de Géorgie restant à pourvoir. Cette situation, pour le moins inhabituelle, vient du fait qu’aucun candidat en Géorgie n’avait obtenu plus de 50 % des voix. La loi électorale géorgienne, <a href="https://theconversation.com/a-brief-history-of-georgias-runoff-voting-and-its-racist-roots-150356">legs de la résistance à la déségrégation</a> des années 1960, prévoit un second tour avec les deux candidats en tête dans chaque course.</p>
<p>Dans l’hypothèse où les démocrates gagnent ces deux sièges au Sénat, ils atteindront alors l’égalité des voix (50). Mais ils auront effectivement la majorité, puisqu’en cas d’égalité des votes, le vice-président, en la personne de Kamala D. Harris, a le droit de vote.</p>
<p>L’enjeu est donc de taille. Mais cette élection peut-elle, à elle seule, également déterminer la capacité de Joe Biden et des démocrates à gouverner ?</p>
<p>C’est l’impression que donne la couverture médiatique de ce nouveau scrutin. Le <a href="https://www.nytimes.com/2020/12/20/us/politics/georgia-senate-runoffs-ads.html"><em>New York Times</em></a> la qualifie ainsi d’« élection spéciale la plus exceptionnelle de l’histoire de l’Amérique ». La réalité est plus complexe et nuancée : le fonctionnement institutionnel des États-Unis laisse une marge de manœuvre, certes étroite mais réelle, au président, avec ou sans majorité parlementaire, et donne un rôle non négligeable à la minorité au Sénat.</p>
<p>Pour le comprendre, il faut regarder de plus près le pouvoir très particulier du Sénat américain. La Constitution américaine, basée sur le principe de la séparation des pouvoirs, définit un système fédéraliste de freins et contrepoids qui donne au Sénat un rôle majeur. En plus de sa fonction législative, il a ainsi le pouvoir de donner (ou non) son « consentement » aux nominations par le président des membres de son cabinet (postes ministériels, secrétaires adjoints, ou sous-secrétaires) ou des juges fédéraux (<a href="https://www.senate.gov/reference/reference_index_subjects/Judicial_Branch_vrd.htm">à la Cour suprême, dans les cours d’appel et dans les tribunaux de district</a>.)</p>
<h2>La confirmation des candidats aux postes ministériels</h2>
<p>Historiquement, les candidats aux postes les plus importants de la branche exécutive du gouvernement fédéral, du cabinet ou de la haute administration sont très majoritairement approuvés par le Sénat au début du premier mandat d’un président, avec un <a href="https://www.politifact.com/article/2020/dec/14/how-hard-will-it-be-joe-biden-get-his-cabinet-conf/">taux de confirmation de 95 % au cours des 28 dernières années</a>. Il y a, toutefois, peu de précédents historiques à un premier mandat présidentiel avec un Sénat dominé par l’autre parti. Pour cela, il faut remonter à 1989 avec l’élection de George H. Bush où, pour la première fois, un <a href="https://www.senate.gov/artandhistory/history/common/briefing/Nominations.htm">candidat au cabinet d’un futur président a été rejeté</a>. Or nous sommes, désormais, dans un contexte hyperpartisan.</p>
<p>D’ores et déjà, certains républicains ont exprimé leur <a href="https://www.npr.org/sections/biden-transition-updates/2020/12/03/941597232/why-biden-budget-pick-neera-tanden-already-faces-republican-opposition">opposition à certaines nominations</a>. Cependant, un simple vote majoritaire suffit à confirmer un candidat et le chef des républicains, Mitch McConnell, a envoyé <a href="https://www.politico.com/news/2020/12/22/mitch-mcconnell-biden-cabinet-nominees-449805">quelques signaux positifs</a>. On peut penser que même s’ils conservent le contrôle du Sénat, la plupart des sénateurs républicains ne s’opposeront qu’aux candidats qu’ils jugent réellement répréhensibles. Et, dans le pire des scénarios, Joe Biden pourrait éventuellement suivre l’exemple de Donald Trump et installer des membres de cabinet « intérimaires » (<em>acting secretaries</em>) qui n’ont pas besoin de confirmation.</p>
<h2>La confirmation des juges</h2>
<p>En revanche, un Sénat majoritairement républicain réduirait considérablement la marge de manœuvre pour la confirmation des juges. Au mieux, quelques juges modérés dans les tribunaux inférieurs pourraient alors être nommés. Cela ne permettrait donc pas de contrebalancer les nombreuses <a href="https://projects.propublica.org/trump-young-judges/">nominations de juges</a> effectuées par Donald Trump (près d’un <a href="https://www.pewresearch.org/fact-tank/2020/07/15/how-trump-compares-with-other-recent-presidents-in-appointing-federal-judges/">quart de tous les juges fédéraux en activité</a> et trois juges à la Cour suprême), souvent <a href="https://www.ft.com/content/032b3101-9b8b-4566-ace4-67b86f42370b">jeunes et très conservateurs</a>. Or le système de freins et contrepoids confère un grand pouvoir aux tribunaux fédéraux et à la Cour suprême.</p>
<p>Ainsi, quelle que soit la majorité au Sénat, la capacité des démocrates à mettre en œuvre des lois dans certains domaines (réglementation électorale, contrôle des armes à feu, extension des soins de santé, changement climatique, voire les mesures sanitaires contre le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1752506/etats-unis-liberte-culte-juge-barrett-andrew-cuomo">coronavirus</a>), risque d’être sérieusement contrainte par ces juges conservateurs. Même avec une majorité démocrate au Sénat, les démocrates seront limités dans leur capacité de nomination de juges par le fait même qu’il y a beaucoup moins de postes de juges vacants.</p>
<p>Par ailleurs, une <a href="https://www.politico.com/news/2020/10/22/joe-biden-court-packing-judicial-reforms-commission-431157">réforme judiciaire d’ampleur</a> est peu susceptible de voir le jour faute, pour le président, d’un soutien de démocrates centristes, <a href="https://www.rollcall.com/2020/11/09/joe-manchin-kills-dreams-of-expanding-supreme-court-eliminating-the-filibuster/">comme Joe Manchin</a>, qui n’y seront pas favorables. Et, bien évidemment, si le contrôle du Sénat revient aux républicains, aucune réforme ne saurait être envisagée.</p>
<h2>Gouverner avec un Sénat du même bord politique</h2>
<p>Du point de vue législatif, une simple majorité de 51 voix suffit, en théorie, pour faire adopter une loi par le Sénat et le chef de la majorité a le pouvoir de décider si la Chambre se saisit d'une question ou d'un projet de loi. En réalité, en dehors de quelques législations spécifiques liées aux règles budgétaires, tout sénateur peut bloquer une loi en faisant de l’obstruction (<a href="https://www.senate.gov/artandhistory/history/common/briefing/Filibuster_Cloture.htm"><em>filibuster</em></a>). Il faut alors un vote de motion dit de « clôture » avec une super majorité de 60 voix pour lever cette obstruction, une procédure <a href="https://www.brookings.edu/policy2020/votervital/what-is-the-senate-filibuster-and-what-would-it-take-to-eliminate-it/">largement utilisée dans les dernières décennies</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/376612/original/file-20201224-57963-19jge75.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/376612/original/file-20201224-57963-19jge75.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/376612/original/file-20201224-57963-19jge75.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/376612/original/file-20201224-57963-19jge75.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/376612/original/file-20201224-57963-19jge75.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/376612/original/file-20201224-57963-19jge75.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=648&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/376612/original/file-20201224-57963-19jge75.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=648&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/376612/original/file-20201224-57963-19jge75.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=648&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La forte augmentation des méthodes d’obstruction parlementaire, empêchant le passage de lois au Sénat.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Brookings Institution</span></span>
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<p>Les règles procédurales du Sénat peuvent être modifiées par une majorité simple, comme en <a href="https://www.cairn.info/revue-civitas-europa-2017-2-page-235.htm">2013 et 2017</a>. Mais, avec un président démocrate, les républicains n’auront aucun intérêt à la faire et certains sénateurs démocrates plus conservateurs, tels que le sénateur <a href="https://www.nytimes.com/2020/11/30/us/politics/joe-manchin-interview.html">Joe Manchin</a>, ont déjà annoncé leur opposition à un vote mettant fin à l’obstruction parlementaire, même en cas de majorité démocrate.</p>
<p>Quelle que soit la majorité au Sénat, l’ambition affichée des démocrates pendant la campagne devra donc être revue à la baisse. Ils devront tenir compte d’un certain nombre de membres conservateurs dans leur propre camp, comme <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Joe_Manchin">Joe Manchin</a> ou la sénatrice <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Kyrsten_Sinema">Kyrsten Sinema</a>. D’un autre côté, ce sont ces mêmes sénateurs qui seront plus à même de coopérer avec les républicains les plus modérés. Le système législatif américain fait qu’en réalité très peu de lois sont adoptées sans le soutien des deux partis. <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/L/bo51795068.html">L’analyse de deux chercheurs américains</a> en sciences politiques, James M. Curry and Frances E. Lee, remet en cause l’idée reçue selon laquelle une <a href="https://www.nytimes.com/2020/11/18/opinion/joe-biden-mitch-mcconnell-congress.html">majorité au Sénat est cruciale pour gouverner</a>.</p>
<h2>Le duo Mitch et Joe</h2>
<p>Comme souvent en politique, les relations interpersonnelles jouent un rôle majeur. La longue et bonne relation, <a href="https://www.npr.org/2020/11/08/932744275/how-biden-and-mcconnell-will-work-together">souvent qualifiée d’amitié</a>, qu’entretiennent Joe Biden et Mitch McConnell, est de bon augure pour que des compromis aient lieu sur un certain nombre de sujets, comme l’immigration (sur la <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/01/11/comprendre-la-situation-des-dreamers-jeunes-immigres-aux-etats-unis_5240502_4355770.html">régularisation des Dreamers</a> notamment). Mais il ne faut pas oublier que McConnell est déterminé à maintenir l’influence des républicains : il sera d’autant plus enclin à faire des compromis s’il ne contrôle pas le Sénat et n'a pas la majorité dans les puissantes commissions sénatoriales.</p>
<p>Tout ce que nous avons évoqué ici pourrait être suspendu au pouvoir de nuisance de Donald Trump. Si, en général, les présidents perdent rapidement leur influence lorsqu’ils quittent leurs fonctions, Trump est atypique. Il est impossible de savoir ce qu’il en sera après le 20 janvier, surtout s’il laisse planer l’idée qu’il se représentera en 2024 (et ce même s’il y a peu de chances qu’il se concentre sur les procédures législatives).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/376667/original/file-20201228-15-svztqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/376667/original/file-20201228-15-svztqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/376667/original/file-20201228-15-svztqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/376667/original/file-20201228-15-svztqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/376667/original/file-20201228-15-svztqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/376667/original/file-20201228-15-svztqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=407&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/376667/original/file-20201228-15-svztqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=407&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/376667/original/file-20201228-15-svztqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=407&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Les élections du 5 janvier en Géorgie seront un premier test : gagner les deux sièges dans cet État, qui demeure <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/interactive/2020/georgia-senate-runoff-guide/">conservateur malgré une démographie changeante</a>, est un défi pour les démocrates mais pas impossible à atteindre. En effet, les fausses affirmations de Trump selon lesquelles l’élection a été truquée pourraient <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/12/14/etats-unis-comprendre-les-elections-en-georgie-qui-pourraient-faire-basculer-le-senat_6063273_3210.html">dissuader certains républicains de voter</a>, et ce d’autant qu’il tire à boulets rouges sur le gouverneur et le secrétaire d’État de Géorgie, tous deux républicains.</p>
<p>Mais Donald Trump est avant tout focalisé sur la confirmation officielle du résultat des élections du Collège électoral par les deux chambres du Congrès le 6 janvier, jusqu’ici une simple formalité. Si l’élection est contestée par des membres des deux Chambres, il faut en effet procéder à un nouveau vote dans chacune d’entre elles. Et c'est la voie que semblent vouloir emprunter certains élus républicains : quelques dizaines de représentants (jusqu’à <a href="https://edition.cnn.com/2020/12/31/politics/electoral-college-house-republicans/index.html">140 selon CNN</a>) et <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/senators-challenge-election/2021/01/02/81a4e5c4-4c7d-11eb-a9d9-1e3ec4a928b9_story.html">une douzaine de sénateurs, dont les très ambitieux Ted Cruz et Josh Hawley</a>. Ils n’auront pas la majorité pour remettre en cause le résultat final. Mais ce vote forcera chaque élu républicain à se positionner. Cela pourrait diviser et affaiblir le parti, ce que ne voulait pas McConnell.</p>
<p>Pour Donald Trump, c’est un véritable <a href="https://www.nytimes.com/2020/12/13/us/politics/trump-allies-election-overturn-congress-pence.html">test de loyauté</a>, y compris pour son vice-président <a href="https://www.nytimes.com/2021/01/02/us/politics/gop-senators-josh-hawley-election.html">Mike Pence</a> qui doit faire l’annonce officielle des résultats de chaque État. Le président n’hésite pas à menacer publiquement de <a href="https://twitter.com/realDonaldTrump/status/1341547750710800385">mettre fin à la carrière politique</a> des membres de son parti qui ont déjà reconnu le résultat de l’élection présidentielle, en leur opposant d’autres candidats aux prochaines primaires en 2022. Il <a href="https://twitter.com/realDonaldTrump/status/1340185773220515840?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1340185773220515840%7Ctwgr%5E%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.thetrumparchive.com%2F%3Fsearchbox%3D22wild22">en appelle même à la rue</a>, en demandant à ses partisans de venir manifester à Washington DC. Certains groupes extrémistes, comme <a href="https://www.washingtonpost.com/local/for-dc-protests-proud-boys-settle-in-at-citys-oldest-hotel-and-its-bar/2020/12/27/0eb6afcc-3fb0-11eb-8bc0-ae155bee4aff_story.html">les Proud Boys</a>, ont promis d’être présents et d’aucuns <a href="https://www.washingtonpost.com/local/washington-dc-protests/2021/01/01/da743c20-4a68-11eb-839a-cf4ba7b7c48c_story.html">craignent des violences</a>. Reste à savoir si les républicains se déplaceront en masse.</p>
<p>La difficulté principale pour Joe Biden pourrait ne pas venir de la couleur de la majorité au Sénat, mais plutôt de la remise en cause du processus démocratique par le président sortant. Une bonne partie des américains verront l’administration Biden comme illégitime : <a href="https://www.npr.org/2020/12/09/944385798/poll-just-a-quarter-of-republicans-accept-election-outcome">trois quarts des républicains, soit 60 millions d’Américains</a>, continuent de croire que les élections ont été truquées ou leur ont été volées.</p>
<hr>
<p><em>La rubrique Fact check US a reçu le soutien de <a href="https://craignewmarkphilanthropies.org/">Craig Newmark Philanthropies</a>, une fondation américaine qui lutte contre la désinformation</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152539/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Viala-Gaudefroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>On lit souvent que la capacité de Joe Biden à gouverner dépendra de l’issue de la double élection à venir en Géorgie, qui déterminera la couleur politique du Sénat. La réalité est plus nuancée.Jérôme Viala-Gaudefroy, Assistant lecturer, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1498672020-11-11T17:32:30Z2020-11-11T17:32:30ZAvant Kamala Harris : ces femmes noires qui ont visé la Maison Blanche<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/368669/original/file-20201110-17-14ctao6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3574%2C2395&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Kamala Harris, d'origine jamaïcaine et indienne, deviendra la 20 janvier 2021 la vice-présidente des États-Unis.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Pavlo Conchar/SOPA Images/LightRocket via Getty Images</span></span></figcaption></figure><p>La future vice-présidente des États-Unis est la <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/i-am-who-i-am-kamala-harris-daughter-of-indian-and-jamaican-immigrants-defines-herself-simply-as-american/2019/02/02/0b278536-24b7-11e9-ad53-824486280311_story.html">fille américaine d’immigrés jamaïcains et indiens</a>.</p>
<p>La <a href="https://www.nytimes.com/video/us/politics/100000007442400/biden-trump-presidential-election.html">victoire annoncée de Joe Biden sur Donald Trump</a> signifie que la sénatrice Kamala Harris s’apprête à devenir la première femme vice-présidente du pays et la première personne noire à occuper le poste de vice-président. Harris est <a href="https://theconversation.com/with-kamala-harris-americans-yet-again-have-trouble-understanding-what-multiracial-means-145233">également d’origine indienne</a>, ce qui fait de l’élection de 2020 un véritable jalon pour deux communautés « de couleur ».</p>
<p>Harris n’est pas la première femme noire à avoir aspiré à la vice-présidence dans l’histoire américaine. La journaliste afro-américaine et militante politique californienne Charlotta Bass s’est présentée à la vice-présidence en 1948 <a href="https://www.aaihs.org/charlotta-bass-for-vice-president-americas-two-parties-and-the-black-vote/">sur le ticket du Parti progressiste</a>.</p>
<p>Avant de devenir la colistière de Biden, Harris a été son adversaire lors des primaires présidentielles démocrates. Elle est l’une des nombreuses femmes noires américaines à avoir <a href="https://www.thoughtco.com/black-women-who-have-run-for-president-4068508">brigué la plus haute fonction du pays</a> en dépit des nombreux obstacles qu’elles eurent à surmonter.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/368171/original/file-20201109-13-tq4ith.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C253%2C3600%2C2139&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/368171/original/file-20201109-13-tq4ith.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/368171/original/file-20201109-13-tq4ith.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/368171/original/file-20201109-13-tq4ith.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/368171/original/file-20201109-13-tq4ith.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/368171/original/file-20201109-13-tq4ith.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/368171/original/file-20201109-13-tq4ith.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pendant le premier discours de Kamala Harris en tant que 49e vice-président élu des États-Unis, le 7 novembre 2020 à Miami, en Floride.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/haitian-american-supporters-of-the-democratic-party-listen-news-photo/1229530998?adppopup=true">Johnny Louis/Getty Images</a></span>
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<h2>Des mains qui autrefois cueillaient le coton…</h2>
<p>Dans l’histoire des États-Unis, les Afro-Américains ont longtemps été dans l’impossibilité de s’approcher du pouvoir politique, du fait de l’esclavage d’abord, puis des <a href="http://jumelage.org/francais/les-lois-jim-crow/">lois Jim Crow</a> et de diverses mesures visant à empêcher les Noirs d’exercer pleinement leurs droits civiques et, spécialement, le droit de vote.</p>
<p>La tâche a été particulièrement ardue pour les femmes noires. Les femmes n’ont obtenu le droit de vote aux États-Unis qu’en <a href="https://www.nps.gov/articles/african-american-women-and-the-nineteenth-amendment.htm">1920</a>, et même à cette époque, les Noirs – y compris bien sûr les femmes – ne pouvaient toujours pas voter dans la plupart des États du Sud. Dans les années 1960, les femmes noires ont largement <a href="https://theconversation.com/the-hidden-history-of-black-nationalist-womens-political-activism-89695">contribué à la création du mouvement des droits civiques</a>, mais elles ont été tenues à l’écart des postes de direction.</p>
<p>J’aborde ces questions lors des cours de politique gouvernementale et de politique des minorités que j’enseigne en tant que <a href="https://scholar.google.com/citations?user=V8VhlpAAAAAJ&hl=en">professeur de sciences politiques</a>. Mais j’explique dans le même temps à mes étudiants que, malgré tout, les femmes noires des générations passées ont été nombreuses à caresser des ambitions politiques et même à obtenir certains succès dans ce domaine. Comme l’a dit le révérend Jesse Jackson en 1984 à propos de la montée en puissance des <a href="https://www.nytimes.com/1984/02/10/us/jackson-tells-alabama-it-will-never-be-the-same.html">électeurs noirs au siècle dernier</a>, « des mains qui autrefois cueillaient le coton élisent désormais le président du pays ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/351166/original/file-20200804-16-zpao3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/351166/original/file-20200804-16-zpao3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/351166/original/file-20200804-16-zpao3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/351166/original/file-20200804-16-zpao3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/351166/original/file-20200804-16-zpao3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/351166/original/file-20200804-16-zpao3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/351166/original/file-20200804-16-zpao3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Joe Biden, lui-même ancien vice-président, a pleinement conscience de l’importance de cette fonction.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/presumptive-democratic-presidential-nominee-former-vice-news-photo/1227818356?adppopup=true">Mark Makela/Getty Images</a></span>
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<p>Aujourd’hui, des <a href="https://theconversation.com/americas-black-female-mayors-face-dual-crises-of-covid-19-and-protests-but-these-women-are-used-to-uphill-battles-140415">maires noires</a> dirigent plusieurs des plus grandes villes américaines, dont Atlanta, Chicago et San Francisco. Des femmes noires sont <a href="https://www.latimes.com/nation/la-na-seattle-portland-chiefs-20180816-story.html">chefs de police</a>, <a href="https://www.nbcwashington.com/news/local/virginia-democrat-runs-to-become-first-black-woman-governor-in-us/2336934/">candidates au poste de gouverneur</a> et, de plus en plus souvent, <a href="https://www.cawp.rutgers.edu/women-color-elective-office-2019">élues au Congrès</a>.</p>
<p>Aujourd’hui, les femmes noires – qui, longtemps, n’étaient pas autorisées à voter pour élire le président, sans même parler de concourir à la fonction suprême du pays – voient l’une des leurs à un pas du Bureau ovale.</p>
<h2>« Inaptes » pour le poste ?</h2>
<p>Kamala Harris est une Démocrate qui a été procureur général de Californie, puis sénatrice. Son appartenance partisane tend plutôt à faire d’elle une exception : historiquement, la plupart des candidates noires à la présidence se sont présentées en tant qu’indépendantes.</p>
<p>En 1968, Charlene Mitchell, 38 ans, originaire de l’Ohio, est devenue la première femme noire à se présenter à la présidence, en tant que communiste. Comme de nombreux autres Afro-Américains nés dans les années 1930, elle a rejoint le parti communiste en raison de <a href="https://www.thecrimson.com/article/1968/11/5/charlene-mitchell-pbtbhe-frederick-douglas-book/">l’importance que celui-ci accorde à l’égalité des races et des sexes</a>. Les femmes noires communistes ont <a href="https://www.peoplesworld.org/article/communists-and-the-long-struggle-for-african-american-equality/">dénoncé</a> les lois Jim Crow, les lynchages et les pratiques injustes dans le monde du travail affectant les hommes et les femmes de toutes les couleurs de peau.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/352378/original/file-20200811-13-1chj8s8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt=" Charlene Mitchell" src="https://images.theconversation.com/files/352378/original/file-20200811-13-1chj8s8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/352378/original/file-20200811-13-1chj8s8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=818&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/352378/original/file-20200811-13-1chj8s8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=818&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/352378/original/file-20200811-13-1chj8s8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=818&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/352378/original/file-20200811-13-1chj8s8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1028&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/352378/original/file-20200811-13-1chj8s8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1028&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/352378/original/file-20200811-13-1chj8s8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1028&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Charlene Mitchell, première candidate noire à la présidence des États-Unis.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/4/4c/Charlene_Mitchell.jpg/176px-Charlene_Mitchell.jpg">Wikimedia</a></span>
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<p>La campagne présidentielle de Mitchell, qui était axée sur les <a href="https://www.aaihs.org/a-black-woman-communist-candidate-charlene-mitchells-1968-presidential-campaign/">droits civiques et la lutte contre la pauvreté</a>, était probablement vouée à l’échec dès le départ. En 1968, de nombreux États n’ont <a href="https://diva.sfsu.edu/collections/sfbatv/bundles/220770">pas autorisé les communistes à voter</a>. Les médias, du <a href="https://www.aaihs.org/a-black-woman-communist-candidate-charlene-mitchells-1968-presidential-campaign/"><em>Boston Globe</em> au <em>Chicago Tribune</em></a>, ont été nombreux à juger Mitchell inadaptée au poste qu’elle briguait <a href="https://www.aaihs.org/a-black-woman-communist-candidate-charlene-mitchells-1968-presidential-campaign/">parce qu’elle était à la fois noire et femme</a>. Mitchell n’a finalement récolté que <a href="https://www.jofreeman.com/politics/womprez.htm">1 075 voix</a>.</p>
<p>Parmi les autres candidates noires indépendantes à la présidence figurent l’activiste communautaire <a href="https://nursingclio.org/2016/11/08/rosie-the-riveter-for-president-margaret-wright-the-peoples-party-and-black-feminism/">Margaret Wright</a>, qui s’est présentée sous l’étiquette du Parti populaire en 1976, et <a href="https://www.telegraph.co.uk/news/obituaries/politics-obituaries/8788002/Isabell-Masters.html">Isabell Masters</a>, une enseignante qui a créé son propre parti, appelé Looking Back, et qui s’est présentée en 1984, 1992 et 2004.</p>
<p>En 1988, la psychologue Lenora Fulani est devenue la première femme et la première Afro-Américaine à se présenter à la présidence dans chacun des 50 États. Se présentant comme indépendante, elle a récolté <a href="https://awpc.cattcenter.iastate.edu/directory/lenora-b-fulani/">plus de votes lors d’une élection présidentielle américaine que toute autre femme candidate avant elle</a>. L’enseignante Monica Moorehead, du <a href="https://www.ourcampaigns.com/CandidateDetail.html?CandidateID=4227">Workers World ticket</a>, a concouru à la présidence en 1996, 2000 et 2016.</p>
<p>En 2008, l’année où Barack Obama a été élu président, Cynthia McKinney, une ancienne représentante américaine de Géorgie, était candidate du <a href="https://www.gp.org/">Parti Vert</a>. Et en 2012, Peta Lindsay s’est présentée avec un programme plus à gauche que celui du président Obama, sur le ticket du <a href="https://www.pslweb.org/about">Parti pour le socialisme et la libération</a>.</p>
<p>Une seule femme noire a brigué l’investiture républicaine : Angel Joy Charvis, une conservatrice religieuse de Floride, qui a expliqué, en présentant sa candidature en 1999, vouloir « <a href="https://www.orlandosentinel.com/news/os-xpm-1999-03-24-9903240069-story.html">recruter une nouvelle espèce de Républicains</a> ».</p>
<h2>Incorruptible et indépendante</h2>
<p>Toutes ces candidates noires à la présidence étaient peu connues. Mais en tant que première femme noire membre du Congrès, Shirley Chisholm avait derrière elle des années d’expérience dans la fonction publique et bénéficiait d’une notoriété nationale lorsqu’elle est devenue la première Noire américaine et la première femme à briguer l’investiture démocrate à la présidence en 1972. Le slogan de sa campagne était <a href="https://theundefeated.com/features/shirley-chisholm-unbought-and-unbossed-presidential-campaign-poster-cover-stories/">« Unbought and Unbossed »</a> (que l’on pourrait traduire par « Incorruptible et indépendante »).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/351167/original/file-20200804-20-1gcru4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/351167/original/file-20200804-20-1gcru4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/351167/original/file-20200804-20-1gcru4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/351167/original/file-20200804-20-1gcru4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/351167/original/file-20200804-20-1gcru4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/351167/original/file-20200804-20-1gcru4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/351167/original/file-20200804-20-1gcru4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Shirley Chisholm annonce sa candidature à l’investiture démocrate à la présidentielle de 1972.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/representative-shirley-chisholm-of-brooklyn-announces-her-news-photo/3240579?adppopup=true">Don Hogan Charles/New York Times Co. via Getty Images</a></span>
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</figure>
<p>Shirley Chisholm, qui a <a href="https://theundefeated.com/features/shirley-chisholm-unbought-and-unbossed-presidential-campaign-poster-cover-stories/">financé elle-même l’essentiel de sa campagne</a>, s’est concentrée sur les <a href="https://www.nytimes.com/2019/07/06/sunday-review/shirley-chisholm-monument-film.html">droits civiques et la lutte contre la pauvreté</a>.</p>
<p>Elle a rapidement fait l’objet d’attaques sexistes véhémentes. Un <a href="https://www.nytimes.com/1972/06/25/archives/the-short-unhappy-life-of-black-presidential-politics-1972-black.html">article du New York Times de juin 1972</a> la qualifie ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« [Elle n’est] pas belle. Son visage est osseux et anguleux, son nez large et plat, ses yeux petits presque comme des perles, son cou et ses membres décharnés. Ses dents saillantes expliquent probablement en partie son zézaiement perceptible. »</p>
</blockquote>
<p>Chisholm n’a guère été soutenue par les électeurs noirs et les femmes, et n’a <a href="https://web.archive.org/web/20141111182057/http://www.uic.edu/orgs/cwluherstory/jofreeman/polhistory/chisholm.htm">remporté aucune primaire</a>.</p>
<p>Les femmes noires qui ont suivi les traces de Chisholm, du Congrès aux primaires présidentielles démocrates, y compris <a href="https://www.haverford.edu/college-communications/news/carol-moseley-braun-presents-views-government-democratic-party">Carol Moseley Braun, sénatrice de l’Illinois</a> et Harris elle-même, n’ont guère connu plus de succès. Harris a compté parmi les premiers candidats démocrates aux primaires de 2020 à <a href="https://www.cnn.com/2019/12/03/politics/kamala-harris-ends-presidential-bid/index.html">se retirer de la course, en décembre 2019</a>.</p>
<h2>Les défis auxquels sont confrontées les femmes noires</h2>
<p>Pourquoi ces candidatures, et celles des <a href="https://www.washingtonpost.com/nation/2020/08/12/bass-kamala-first-black-vp/">autres femmes noires</a> qui visaient de hautes fonctions, ont-elles échoué ?</p>
<p>Dans la plupart des cas, les candidates noires à la présidence n’ont pas pu aller jusqu’au bout de leurs campagnes électorales. Et celles qui l’ont fait ont éprouvé des difficultés à récolter des fonds.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/368361/original/file-20201109-17-g989hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/368361/original/file-20201109-17-g989hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/368361/original/file-20201109-17-g989hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/368361/original/file-20201109-17-g989hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/368361/original/file-20201109-17-g989hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/368361/original/file-20201109-17-g989hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/368361/original/file-20201109-17-g989hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/368361/original/file-20201109-17-g989hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Fresque murale, œuvre de l’artiste Danielle Mastrion, au Shirley Chisholm State Park, ouvert en 2019 à Brooklyn, New York.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Catesby Holmes</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Leurs candidatures n’ayant <a href="https://www.washingtonpost.com/outlook/2020/03/03/losing-primary-candidates-still-influence-race/">pas été prises au sérieux</a> par les médias, elles ont eu du mal à faire entendre leur message. Historiquement, les candidates noires à la présidence n’ont reçu <a href="https://theconversation.com/how-strategic-bias-keeps-americans-from-voting-for-women-and-candidates-of-color-145906">aucun soutien réel de la part d’un segment quelconque des électeurs américains</a>, y compris les Afro-Américains et les femmes. En général, les gens – même ceux qui auraient pu être encouragés par l’idée que quelqu’un qui leur ressemblait puisse aspirer à la Maison-Blanche – <a href="https://www.smithsonianmag.com/smithsonian-institution/unbought-and-unbossed-when-black-woman-ran-for-the-white-house-180958699/">pensaient qu’elles ne pouvaient pas gagner</a>.</p>
<p>En tant que vice-président ayant joué un rôle majeur durant les deux mandats de Baracj Obama, Joe Biden sait ce que cette fonction implique. En Kamala Harris, il a choisi une femme qui non seulement l’a aidé à remporter l’élection, mais qui est également prête à gouverner.</p>
<p>2020 restera comme une année charnière pour les Afro-Américains, les Américains d’origine asiatique et les femmes – autant de catégories qui ont été si longtemps exclues de tant d’aspects de la vie politique américaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149867/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sharon D. Wright Austin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Avant Kamala Harris, d’autres femmes de couleur se sont portées candidates aux plus hautes fonctions aux États-Unis. Coup de projecteur sur les plus remarquables de ces pionnières.Sharon D. Wright Austin, Professor of Political Science, University of FloridaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1451332020-08-28T14:02:13Z2020-08-28T14:02:13ZLes femmes arrivent ! Les nouveaux postes – prestigieux – de Chrystia Freeland et de Kamala Harris sont dans l’air du temps<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/355346/original/file-20200828-23-18hivhp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Chrystia Freeland est devenue ministre des Finances après la démission de Bill Morneau à la suite de l’affaire UNIS (WE).</span> <span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Adrian Wyld</span></span></figcaption></figure><p>Deux nominations, qui ont eu lieu la semaine dernière, font éclater le plafond de verre en Amérique du Nord.</p>
<p>Aux États-Unis, la sénatrice Kamala Harris, ancienne procureure générale de Californie, <a href="https://www.ledevoir.com/monde/etats-unis/583962/joe-biden-choisit-kamala-harris-comme-colistiere">a été nommée colistière de Joe Biden</a>, candidat démocrate à la présidence âgé de 77 ans. Il s’agit de la troisième femme à être nommée à ce poste et, en tant que fille de parents indiens et jamaïcains, de la première femme racisée.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/aGzJr_andDA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le discours de Kamala Harris après sa nomination comme colistière.</span></figcaption>
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<p>Et <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/politique/2020-08-18/chrystia-freeland-devient-la-premiere-femme-ministre-des-finances.php">Chrystia Freeland est devenue la première femme ministre des Finances</a> au Canada. J’avais rêvé que je serais celle qui briserait ce plafond de verre lorsque j’étais la porte-parole officielle de l’opposition en matière de finances pour le NPD. Cela n’a pas été le cas, mais je suis heureuse pour Mme Freeland. Il y a eu déjà des femmes à la tête des finances dans des gouvernements provinciaux, mais cela ne s’était encore jamais produit au fédéral. Ces changements offrent de l’espoir aux filles et aux jeunes femmes de partout dans le monde.</p>
<p>Mais les transformations se font très lentement. Si l’on observe la situation dans le monde, on constate que parmi les dirigeants mondiaux élus, <a href="https://www.statista.com/statistics/1058345/countries-with-women-highest-position-executive-power-since-1960/">il n’y a que 16 femmes</a>, soit environ 10 %. Ni le Canada ni les États-Unis n’ont jamais eu une femme à la tête du pays. Les conseils d’administration des entreprises ne sont pas beaucoup plus performants : <a href="https://www.catalyst.org/research/women-in-management/">17 % des PDG dans le monde sont des femmes</a>.</p>
<p>Kamala Harris et Chrystia Freeland prennent tous deux leur fonction pendant une période trouble, ce qui amène certains à se demander <a href="https://information.tv5monde.com/terriennes/covid-19-les-pays-diriges-par-des-femmes-gerent-ils-mieux-la-crise-355335">pourquoi est-ce en temps de crise qu’on met de l’avant les femmes</a> ? Et la réponse semble être parce qu’elles font alors preuve d’une grande efficacité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/plus-il-y-a-de-femmes-au-gouvernement-plus-la-population-est-en-sante-109697">Plus il y a de femmes au gouvernement, plus la population est en santé</a>
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<h2>Un souffle nouveau</h2>
<p>L’administration américaine actuelle a mal géré la pandémie de Covid-19, et le pays est devenu celui qui a connu le <a href="https://ici.radio-canada.ca/info/2020/coronavirus-covid-19-pandemie-cas-carte-maladie-symptomes-propagation/">plus grand nombre de cas et de morts</a>. Les manifestations en <a href="https://www.nytimes.com/interactive/2020/07/03/us/george-floyd-protests-crowd-size.html">lien avec le mouvement Black Lives Matter</a> ont dénoncé le profilage racial des forces de l’ordre et la persistance du privilège blanc dans le monde politique, économique et social ainsi que dans les entreprises. Aux États-Unis, on craint que les <a href="https://www.thestar.com/news/world/2020/08/23/justified-fear-jeffrey-toobin-on-what-donald-trumps-re-election-would-mean-for-us-democracy.html">fondements de la démocratie ne soient menacés</a> par les actions du président Trump.</p>
<p>Kamala Harris insuffle de <a href="https://www.ajc.com/life/opinion-kamala-harris-the-hope-excitement-and-trepidation-of-black-america/72FEOKMJTNGE3MAY2RXTQYLLJQ/">la vie, un changement générationnel, de l’énergie et de l’enthousiasme</a> dans la campagne démocrate pour reconquérir la présidence. Elle devrait motiver les électeurs progressistes, jeunes, racisés et les femmes à se rendre aux urnes pour détrôner le président actuel. Sa nomination comme colistière est inédite, mais si elle devait passer à l’étape suivante, à savoir la présidence, elle pourrait bien aider les États-Unis à se remettre complètement de leur humeur maussade et de leur instabilité.</p>
<p>Ici, au Canada, il est regrettable que le gouvernement libéral soit embourbé dans <a href="https://www.cbc.ca/news/politics/grenier-trudeau-ethics-we-1.5645464">son troisième scandale éthique</a>. Le premier ministre Trudeau, déjà reconnu coupable deux fois de violation de règles d’éthique, souhaitait désespérément changer le cadre politique, mais au moment même où le gouvernement publiait des milliers de documents sur l’affaire UNIS (WE), <a href="https://www.ledevoir.com/politique/canada/584315/le-ministre-bill-morneau-demissionne">Bill Morneau, ministre des Finances, donnait sa démission</a>. Chrystia Freeland, ancienne journaliste et auteure, l’a alors remplacé tout en gardant son poste de vice-première ministre.</p>
<p>Mme Freeland a démontré son talent de négociatrice lors du <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1407996/aceum-alena-chrystia-freeland-libre-echange-amerique-nord-mexique-etats-unis">renouvellement de l’accord ALENA</a> et en tant que responsable des Affaires intergouvernementales. Elle est brillante, compétente et expérimentée. Elle peut faire un très bon travail aux finances, et beaucoup la voient comme une future première ministre – il est donc triste que d’autres la considèrent comme un <a href="https://www.politico.com/news/2020/08/18/chrystia-freeland-canada-first-female-finance-minister-398251">paravent politique</a>.</p>
<h2>Envoyez la cavalerie</h2>
<p>Il ne fait aucun doute que Mesdames Harris et Freeland sont toutes les deux solides, compétentes et à la hauteur de leurs nouvelles fonctions. C’est peut-être le meilleur moment pour faire appel aux femmes afin de remédier à tout ce qui cloche en politique. Certains affirment que si l’on compare le bilan des dirigeantes depuis le début de la pandémie, <a href="https://www.forbes.com/sites/avivahwittenbergcox/2020/04/13/what-do-countries-with-the-best-coronavirus-reponses-have-in-common-women-leaders/#367bed313dec">elles obtiennent de très bons résultats</a>, surtout si on les compare aux hommes forts qui sont à la tête de différents pays.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pandemie-les-femmes-font-elles-de-meilleures-leaders-137048">Pandémie : les femmes font-elles de meilleures leaders ?</a>
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<p>Le Canada, même avec un <a href="https://theconversation.com/trudeaus-new-cabinet-gender-parity-because-its-2019-or-due-to-competence-126646">cabinet égalitaire</a>, se classe 61e au monde pour la représentation des femmes dans les parlements nationaux. C’est une honte et nous devons élire davantage de députées qui correspondent à la grande diversité canadienne.</p>
<p>Si on regarde dans le monde entier, on remarque qu’il existe une nouvelle génération de femmes dirigeantes comme <a href="https://www.lapresse.ca/international/asie-et-oceanie/2020-08-18/nouvelle-zelande-ardern-qualifie-de-fausse-la-declaration-de-trump-sur-le-virus.php">Jacinda Ardern, en Nouvelle-Zélande</a>, ou <a href="https://www.courrierinternational.com/article/politique-sanna-marin-la-finlande-entre-les-mains-de-femmes-trentenaires">Sanna Marin et sa coalition de cinq jeunes femmes</a> dirigeantes de parti en Finlande, qui ont fait preuve d’excellentes qualités de meneuses.</p>
<p>Que ce soit au Canada, aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande ou en Finlande, nous espérons que la prochaine génération n’aspirera pas seulement au pouvoir pour elle-même, mais qu’elle permettra une meilleure représentation pour les années à venir. Qu’on puisse cesser de chercher à briser le plafond de verre et parler enfin d’une véritable égalité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145133/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Peggy Nash Peggy est membre du NDP et membre du conseil d'administration de l'Institut Broadbent.</span></em></p>Les femmes occupent de plus en plus de postes de direction à haute visibilité. Cela reflète leur capacité à gérer efficacement, comme l’ont démontré Chrystia Freeland et Kamala Harris.Peggy Nash, senior Advisor to the Dean of Arts, Toronto Metropolitan UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1443692020-08-12T11:08:32Z2020-08-12T11:08:32ZAvec Kamala Harris, Joe Biden espère recueillir les votes des jeunes Noirs américains<p>En choisissant la sénatrice Kamala Harris comme <a href="https://www.nytimes.com/live/2020/08/11/us/biden-vs-trump">colistière et candidate à la vice-présidence</a>, le candidat démocrate Joe Biden, 77 ans, pourrait gagner le vote des jeunes Noirs américains.</p>
<p>Notre <a href="https://www.american.edu/spa/news/upload/bsvp-deck-sf-7-28-2.pdf">enquête</a> sur les intentions de vote des électeurs noirs et les indécis, publiée en juillet, montrait que seuls 47 % des Noirs américains de moins de 30 ans se positionnaient pour Biden.</p>
<p>Mais avec Harris à ses côtés, les intentions de vote pour Biden passent à 73 % dans ce groupe, une hausse significative, bien que moins importante comparée aux autres groupes d’âge.</p>
<p>La liste menée par Kamala Harris et Joe Biden pourrait ainsi devenir beaucoup plus attractive pour les jeunes Noirs américains qui représentent une proportion importante de ce que nous nommons les électeurs indécis. Or le comportement de vote de ces « indécis » n’a rien à voir avec celui des générations précédentes.</p>
<h2>Le vote des indécis</h2>
<p>La plupart des spécialistes définissent les <a href="https://fivethirtyeight.com/features/just-how-many-swing-voters-are-there/">« électeurs indécis »</a> comme ceux dont le vote fluctue d’un parti à l’autre, d’une élection à l’autre, <a href="https://www.ifop.com/publication/le-suivi-des-electeurs-indecis-pour-lelection-presidentielle-vague-3/">pouvant facilement changer d’avis</a> et pesant ainsi lourdement dans la balance politique.</p>
<p>Selon les analyses, aux États-Unis les « indécis » représentent traditionnellement un électorat <a href="https://nymag.com/intelligencer/2019/06/the-tyranny-of-the-unwoke-white-swing-voter.html">blanc et ouvrier</a> plutôt originaire du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Midwest">Midwest américain</a>. Soit, une population à séduire pour qui convoiterait la <a href="https://www.dataforprogress.org/blog/6/18/electoral-college-win-for-biden">Maison Blanche</a>.</p>
<p>Par opposition, les experts perçoivent souvent les électeurs Noirs américains comme un bloc monolithique et loyal aux Démocrates, prêt à répondre aux moindres besoins du parti <a href="https://thehill.com/homenews/house/218362-black-caucus-rallies-churches-to-boost-turnout">pourvu que les pasteurs donnent des directives pendant l’office</a>.</p>
<p>Certes, ces représentations n’ont pas complètement disparu, mais, sur la base de <a href="https://www.american.edu/spa/faculty/dbarker.cfm">trente ans de recherches</a> sur les comportements électoraux, nous pouvons affirmer qu’elles sont aujourd’hui obsolètes.</p>
<p>Ces indécis du passé sont en <a href="http://www.stat.columbia.edu/%7Egelman/research/unpublished/swing_voters.pdf">voie de disparition</a> – au Midwest comme ailleurs.</p>
<p>Désormais, ce qui fait la différence et pèse dans la balance politique, est le fait de voter ou non.</p>
<p>Ce qui nous amène à considérer plus en détail le vote des Noirs américains.</p>
<h2>Le vote des électeurs noirs</h2>
<p>Notre récente <a href="https://www.american.edu/spa/ccps/upload/bsvp-fact-sheet-db-8-4-updated.pdf">enquête</a> portait sur un échantillon de 1,215 électeurs Afro-Américains. Ils vivent dans des états clefs sur le plan politique – Wisconsin, Pennsylvanie, Michigan, Floride, Caroline du Nord et Georgie. D’après nos résultats, les plus de 60 ans restent fidèles au Parti Démocrate, suivis de près par les 40-59 ans. Mais c’est loin d’être le cas pour les moins de 30 ans (la moitié de notre échantillon).</p>
<p>Cathy Cohen, professeure de sciences politiques à l’université de Chicago et spécialiste des comportements politiques des jeunes Noirs a bien résumé cette tendance dans un <a href="https://news.uchicago.edu/black-lives-matter-protests-hope-future">podcast récent</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Ils ont vu l’arrivée de maires Noirs, ils ont vu l’élection du premier président américain Noir, et ils ont vu que rien n’a changé dans leurs vies. »</p>
</blockquote>
<p><iframe id="oqN1d" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/oqN1d/7/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Défiance vis-à-vis du vote</h2>
<p>Ces jeunes électeurs pourraient tout à fait renoncer à voter au mois de novembre, comme ils l’ont d’ailleurs déjà fait en <a href="https://www.brookings.edu/blog/the-avenue/2017/05/18/census-shows-pervasive-decline-in-2016-minority-voter-turnout/">2016</a>. Leur abstention, parmi d’autres facteurs, avait favorisé <a href="https://www.washingtonpost.com">l’élection de Donald Trump</a>.</p>
<p>Dans notre sondage, <a href="https://www.american.edu/spa/news/upload/bsvp-deck-sf-7-28-2.pdf">31 %</a> des jeunes Noirs américains de moins de 30 ans ont déclaré qu’ils n’iraient probablement pas voter lors de la présidentielle de 2020.</p>
<p>Cela ne semble pas si grave au vu de la participation électorale moyenne aux États-Unis <a href="https://www.fairvote.org/voter_turnout">forte d’un taux de 60 % lors des dernières élections</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/351156/original/file-20200804-14-1wx3hse.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Joe Biden avec un groupe de personnes l’église Bethel, Wilmington, Delaware." src="https://images.theconversation.com/files/351156/original/file-20200804-14-1wx3hse.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/351156/original/file-20200804-14-1wx3hse.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/351156/original/file-20200804-14-1wx3hse.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/351156/original/file-20200804-14-1wx3hse.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/351156/original/file-20200804-14-1wx3hse.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/351156/original/file-20200804-14-1wx3hse.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/351156/original/file-20200804-14-1wx3hse.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Biden tente de rassembler le vote des Noirs américains, ici lors d’une réunion à l’église évangélique Bethel de Wilmington, Delaware le 1ᵉʳ juin 2020.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/former-vice-president-and-democratic-presidential-candidate-news-photo/1216880122?adppopup=true">Jim Watson/AFP</a></span>
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</figure>
<p>Cependant, les enquêtés, toutes cohortes confondues, ont globalement tendance <a href="https://www-jstor-org.proxyau.wrlc.org/stable/40660537?seq=1#metadata_info_tab_contents">à surestimer</a> leur intention de vote.</p>
<p>Ainsi, près de la <a href="https://www.american.edu/spa/ccps/upload/bsvp-fact-sheet-db-8-4-updated.pdf">moitié</a> de nos sondés de moins de 30 ans déclarent que voter « ne fait aucune différence », ce qui donne une idée plus réaliste du nombre de ces jeunes qui ne se déplacera pas aux urnes.</p>
<p>Or ce nombre ne tient même pas compte des <a href="https://www.theatlantic.com/politics/archive/2020/06/voter-suppression-novembers-looming-election-crisis/613408/">perturbations</a> induites par les suspicions quant au vote à distance ou en raison de la pandémie.</p>
<p>Seuls <a href="https://www.american.edu/spa/ccps/upload/bsvp-fact-sheet-db-8-4.pdf">64 %</a> des jeunes de notre enquête ont exprimé avoir confiance en l’État sur la gestion des votes, et moins de la moitié, <a href="https://www.american.edu/spa/ccps/upload/bsvp-fact-sheet-db-8-4.pdf">30 %</a> ont déclaré vouloir utiliser le vote à distance.</p>
<h2>Distance vis-à-vis des Démocrates</h2>
<p>Le cynisme exprimé par les jeunes Noirs américains se retrouve aussi dans leur attitude face au parti Démocrate.</p>
<p>Seuls <a href="https://www.american.edu/spa/news/upload/bsvp-deck-sf-7-28-2.pdf">47 %</a> d’entre eux pensent que le parti est favorable aux Noirs américains et seuls <a href="https://www.american.edu/spa/news/upload/bsvp-deck-sf-7-28-2.pdf">43 %</a> font confiance aux élus démocrates au Congrès pour représenter au mieux leurs intérêts.</p>
<p>Et, contrairement aux générations précédentes, <a href="https://www.american.edu/spa/ccps/upload/bsvp-fact-sheet-db-8-4-updated.pdf">seule la moitié</a> des moins de 30 ans interrogés perçoit les Démocrates comme meilleurs que les Républicains.</p>
<h2>« Ils veulent tous la même chose »</h2>
<p>Dans notre enquête quantitative comme lors d’entretiens réalisés auprès des différents groupes interrogés, nous avons régulièrement entendu la même frustration émaner des jeunes Noirs américains : le sentiment que le parti Démocrate compte sur leurs votes mais ne fait pas grand chose pour le mériter, hormis être moins « raciste » que son adversaire.</p>
<p>Comme le souligne l’un de nos enquêtés :</p>
<blockquote>
<p>« Au bout du compte, ils veulent tous la même chose ».</p>
</blockquote>
<p>Ces enseignements montrent que le futur de l’Amérique Noire ne s’inscrira pas forcément sous la bannière bleue du parti Démocrate, participation électorale ou non, car il apparaît désormais que le <a href="https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2020/01/other-swing-voter/604474/">club des indécis</a> a changé de camp. Il se situe aujourd’hui du côté de la jeunesse Noire américaine qui peut faire basculer la donne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/144369/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sam Fulwood III est Senior Fellow du Center for American Progress.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>David C. Barker reçoit des financements de la Hewlett Foundation et de la National Science Foundation sur d'autres projets. Ce projet a reçu le soutien financier du The Hub Project.</span></em></p>Les résultats d’une enquête récente montrent que la participation électorale des Noirs américains de moins de 30 ans aura un rôle déterminant dans la présidentielle américaine.Sam Fulwood III, Fellow, Center for Congressional and Presidential Studies, American UniversityDavid C. Barker, Professor of Government and Director of the Center for Congressional and Presidential Studies, American University School of Public AffairsLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.