tag:theconversation.com,2011:/us/topics/maires-78688/articlesmaires – The Conversation2023-05-03T20:47:03Ztag:theconversation.com,2011:article/2033482023-05-03T20:47:03Z2023-05-03T20:47:03ZLutte contre le réchauffement : comment les villes montrent la voie par l’expérimentation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/524133/original/file-20230503-25-xvfehm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C426%2C4128%2C2669&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur les bords du Rhône à Lyon. </span> <span class="attribution"><span class="source">Romain Girot / Unsplash</span></span></figcaption></figure><p>Novembre 2022 : la COP27 s’achève sur des engagements <a href="https://theconversation.com/cop27-will-be-remembered-as-a-failure-heres-what-went-wrong-194982">manquant d’ambition</a>, <a href="https://www.reuters.com/business/cop/cop27-climate-summit-missed-chance-ambition-fossil-fuels-critics-say-2022-11-28/">étouffés</a> par les producteurs d’énergies fossiles et des garanties financières nettement insuffisantes ; cette fin de conférence mondiale sur le réchauffement climatique avait ainsi laissé les observateurs <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-022-03812-3">frustrés</a> et <a href="https://www.france24.com/en/live-news/20221107-why-are-we-here-climate-activists-shunted-to-cop27-sidelines">déçus</a>. </p>
<p>Malgré la déception, <a href="https://theconversation.com/6-reasons-2023-could-be-a-very-good-year-for-climate-action-197680">l’espoir de trouver des solutions</a> à la hauteur de ces problématiques de plus en plus complexes demeure.</p>
<p>Le constat est bien connu : les politiques ambitieuses, à l’image d’un <a href="https://theconversation.com/green-deal-seeks-to-make-europe-the-first-climate-neutral-continent-by-2050-128887">Green New Deal</a> européen ou des traités approuvés par l’ONU, se heurtent à l’éternelle difficulté d’emporter l’adhésion politique, et sont en outre notoirement peu fiables. </p>
<p>Parmi les échecs récents, citons le fiasco qu’a constitué en 2017 la sortie des États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat. Donald Trump avait alors <a href="https://edition.cnn.com/2017/06/01/politics/paris-pittsburgh-trump-nationalist-decision/index.html">clamé</a> avoir été élu pour représenter « les habitants de Pittsburgh, pas ceux de Paris ».</p>
<h2>De Pittsburgh à Paris</h2>
<p>Ce qui aurait pu apparaître comme une mise en garde contre l’imprévisibilité des États à s’engager dans la lutte contre le réchauffement climatique a finalement servi à nous rappeler que les actions concrètes s’opèrent souvent à d’autres échelles. </p>
<p>En 2017, il a ainsi fallu moins d’une semaine aux maires de Pittsburgh et de Paris, Bill Peduto et Anne Hidalgo, pour publier un <a href="https://www.nytimes.com/2017/06/07/opinion/the-mayors-of-pittsburgh-and-paris-we-have-our-own-climate-deal.html">communiqué commun</a> réaffirmant les objectifs de l’Accord de Paris. Depuis, des centaines de villes aux États-Unis et dans le monde ont adhéré à des pactes pour le climat, à l’image de la campagne <a href="https://www.wearestillin.com/">« We’re Still In »</a> ou le <a href="https://www.globalcovenantofmayors.org/">Global Covenant of Mayors</a>, initiatives soutenues par des philanthropes et des personnalités politiques.</p>
<p>La volonté des maires de jouer un rôle significatif dans la résolution des problèmes les plus urgents de la planète suggère qu’un des moyens d’inverser le cours du changement climatique est de se concentrer sur l’expérimentation et l’innovation à partir de la base.</p>
<p>Au lieu d’essayer de mettre en œuvre de grands projets ambitieux, les villes et les communautés peuvent continuer à montrer la voie par l’expérimentation.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/512299/original/file-20230226-2316-j8qqpi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512299/original/file-20230226-2316-j8qqpi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512299/original/file-20230226-2316-j8qqpi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512299/original/file-20230226-2316-j8qqpi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512299/original/file-20230226-2316-j8qqpi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512299/original/file-20230226-2316-j8qqpi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512299/original/file-20230226-2316-j8qqpi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La maire de Paris Anne Hidalgo s’exprimant sur les villes durables lors de la COP21 de 2015.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/cop21/23460775051">Public domain</a></span>
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<p>Les villes méritent-elles un tel optimisme ? Oui, avec une réserve, comme le montre l’exemple de la construction économe en énergie, que j’ai étudiée ces dernières années au sein du <a href="https://pacscenter.stanford.edu/research/civic-life-of-cities-lab/">Laboratoire de la vie civile des villes</a> de l’université de Stanford et à l’<a href="https://miurban.uchicago.edu/">Institut Mansueto d’innovation urbaine</a> de l’université de Chicago. </p>
<p>La construction verte représente une part essentielle de la solution au problème du changement climatique. Selon les <a href="https://architecture2030.org/why-the-building-sector/">estimations</a>, 40 % des émissions carbone dans les villes industrialisées sont générées par le secteur du bâtiment, tandis que la construction verte connaît depuis deux décennies une croissance rapide et constante.</p>
<p>Les innovations technologiques utilisées dans la construction de bâtiments verts <a href="https://theconversation.com/a-green-trifecta-how-a-concrete-alternative-can-cut-emissions-resource-use-and-waste-192501">existent déjà</a>. Leur application généralisée, en introduisant des standards raisonnablement élevés dans la construction et la rénovation de bâtiments, pourrait <a href="https://www.c40.org/what-we-do/scaling-up-climate-action/energy-and-buildings/">marquer une différence significative</a> dans la lutte contre le changement climatique à l’échelle mondiale. </p>
<p>Si les investissements dans l’efficacité énergétique des bâtiments n’ont jamais été aussi élevés, un <a href="https://www.unep.org/news-and-stories/press-release/co2-emissions-buildings-and-construction-hit-new-high-leaving-sector">rapport de situation</a> de la COP27 indique toutefois que l’augmentation des émissions de CO<sub>2</sub> engendrées par les nouvelles constructions surpasse l’efficacité énergétique des bâtiments. Si construire des bâtiments plus écologiques n’est <a href="https://theconversation.com/we-cant-afford-to-just-build-greener-we-must-build-less-170570">pas suffisant</a>, la construction verte montre que les villes peuvent se trouver à l’avant-garde de profonds changements.</p>
<p>Pour autant, la recherche globale de solutions techniques ne rend pas compte d’un élément essentiel dans l’action menée par les villes en faveur du climat : toutes n’ont pas adhéré d’emblée à ce mouvement en direction de constructions plus vertes, et certaines demeurent à la traîne. Les municipalités de plus petite taille, plus pauvres et dirigées de manière plus conservatrice sont moins susceptibles de prendre des mesures concrètes pour lutter contre le changement climatique. </p>
<p>Mes <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0275074020930362">recherches</a> suggèrent que cette situation n’est pas seulement liée à des raisons politiques ou à un manque de moyens financiers, mais aussi à l’absence d’une société civile dynamique.</p>
<h2>L’écologisation par la base</h2>
<p>Dans une <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1086/722965">nouvelle étude</a> publiée dans la revue <em>American Journal of Sociology</em>, j’ai analysé le recours au <a href="https://www.usgbc.org/leed">LEED</a> (Leadership in Energy and Environmental Design) – une certification développée par le US Green Building Council qui promeut la haute qualité environnementale des bâtiments – dans plus de 10 000 villes et villages aux États-Unis. </p>
<p>Dans ce cadre, j’ai répertorié les villes qui se sont tournées les premières vers la construction verte. Puis j’ai inventorié le nombre de bâtiments d’une ville faisant partie des quelque <a href="https://www.statista.com/statistics/323383/leed-registered-projects-in-the-united-states/">60 000</a> à avoir reçu la certification LEED, 15 ans après être devenue un standard disponible dans le domaine du bâtiment.</p>
<p>Je montre que les villes qui témoignent d’une présence plus importante d’organisations à but non lucratif et d’une volonté à prendre des risques pour s’engager dans une mission sociale ont emprunté plus tôt le virage vers la construction verte. Les villes qui jouissent d’un secteur associatif plus vigoureux comptent également un nombre plus élevé de bâtiments efficaces sur le plan énergétique. </p>
<p>Washington DC, par exemple, fait partie des villes leaders aux États-Unis en termes de construction verte et bénéficie d’un riche réseau d’organisations à but non lucratif. Un des planificateurs urbains de cette ville m’a dit en 2017 que « le nombre de bâtiments LEED représente un critère de référence important de l’impact du secteur du bâtiment sur le climat ».</p>
<p>Pourquoi ce lien si étroit ? Dans des villes comme Chicago, Cincinnati et San Francisco, ce sont les musées, les laboratoires et les fondations qui, au début des années 2000, ont ouvert la voie aux premiers bâtiments verts. Les immeubles de bureaux, les résidences d’habitation et les commerces leur ont emboîté le pas lorsqu’il est apparu évident que les bâtiments possédant une bonne efficacité énergétique permettaient à la fois de réaliser des économies et de bénéficier d’une reconnaissance nationale. Le lien manifeste entre organisations à but non lucratif et construction verte demeure, même lorsque l’on prend en compte les mesures de réglementation municipales qui relèvent les standards environnementaux.</p>
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<img alt="Le Plateau Mont-Royal" src="https://images.theconversation.com/files/499592/original/file-20221207-11743-ram4pa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C18%2C3159%2C2085&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/499592/original/file-20221207-11743-ram4pa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/499592/original/file-20221207-11743-ram4pa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/499592/original/file-20221207-11743-ram4pa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/499592/original/file-20221207-11743-ram4pa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/499592/original/file-20221207-11743-ram4pa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/499592/original/file-20221207-11743-ram4pa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue aérienne du Plateau Mont Royal, à Montréal, l'un des quartiers les plus densément peuplés au Canada.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Cela ne signifie pas que les maires peuvent se contenter de déléguer les initiatives pour le climat aux communautés locales. La législation locale crée une réelle différence. D’après mes analyses, environ 10 à 18 bâtiments écologiques supplémentaires sont construits chaque année après que la mairie a adopté une mesure d’incitation ou d’obligation d’obtention d’une certification verte pour les nouveaux bâtiments.</p>
<p>Le législateur adopte surtout de telles mesures dans des villes qui possèdent déjà une forte proportion de bâtiments écologiques, construits par des promoteurs passionnés de durabilité. Les États peuvent alors s’inspirer des réglementations locales réussies en matière de construction verte et <a href="https://www.usgbc.org/articles/illinois-and-california-lead-green-building-practices">placer la barre plus haut</a> pour les municipalités et les promoteurs.</p>
<h2>Faire pression en faveur de la neutralité carbone</h2>
<p>En conclusion, ces résultats suggèrent que les initiatives en faveur de la construction écologique ne sont pas issues des politiques nationales et internationales, ni même des politiques proactives développées par les maires. </p>
<p>La solution provient des organisations à but non lucratif qui attestent concrètement de la validité d’un concept, des organismes spécialisés engagés (tels que le <a href="https://worldgbc.org/">World Green Building Council</a> ou encore le <a href="https://www.usdn.org/index.html">Urban Sustainability Directors Network</a>), qui élaborent et diffusent des protocoles d’action, ainsi que des administrations des villes qui rendent les meilleures pratiques visibles – voire obligatoires lorsqu’elles ont fait leurs preuves.</p>
<p>De nombreuses villes, de New York à Buenos Aires en passant par Copenhague, s’engagent sur la voie de la <a href="https://www.bbc.com/future/article/20211115-how-cities-are-going-carbon-neutral">neutralité carbone</a>. Si nous voulons atteindre cet objectif, nous devons faire en sorte que dans les villes du monde entier puisse s’épanouir une société civile qui aura la place d’expérimenter et de partager ses expériences. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/contre-la-clim-concevoir-des-villes-eoliennes-en-zone-tropicale-132483">Contre la clim, concevoir des « villes éoliennes » en zone tropicale</a>
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<p>Il est donc primordial de soutenir le tissu associatif et les communautés locales qui œuvrent pour lutter contre le dérèglement climatique, même lorsque les retours sur investissement ne sont pas immédiats. Cela veut dire fournir à ces structures les moyens financiers et les ressources qui leur permettront de prendre des risques.</p>
<p>Les solutions de « haut niveau », mobilisant de grandes ambitions, ne régleront pas le problème du changement climatique. Les événements tels que la COP demeurent un lieu essentiel pour que les administrations infranationales partagent leurs meilleures pratiques. Néanmoins, la majeure partie de l’action devra s’opérer aux interfaces entre les administrations locales et les organisations citoyennes. </p>
<p>La prochaine grande idée sur la manière dont nous parviendrons à enrayer le changement climatique ne viendra pas de Dubaï, qui accueillera la COP28 en 2023, mais de Lyon, Montréal, Nairobi, Grenoble ou Vienne. Pour que cela se concrétise, nos dirigeantes et dirigeants doivent s’inspirer d’expérimentations et d’innovations vues sur le terrain et s’employer à cultiver une société civile dynamique avec au moins autant de sérieux qu’elles et ils mènent les pourparlers entre États centrés sur leurs propres intérêts.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203348/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christof Brandtner ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Plus que les maires, ce sont les organisations à but non lucratif qui constituent la véritable force des villes pour réaliser les transitions locales face aux dérèglements climatiques.Christof Brandtner, Assistant professor in organisational and economic sociology, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1838762022-06-07T18:17:26Z2022-06-07T18:17:26ZLe sport au secours de la politique de la ville ?<p><em>Le sport et la politique entretiennent des liens ambigus. La pratique sportive et les compétitions peuvent être des lieux de lutte et d'émancipation mais aussi de contrôle social. Notre série d’été « Sport et politique : liaisons dangereuses ? » explore et décrypte la place qu’occupe aujourd’hui le sport dans nos sociétés.</em></p>
<p><em>Après un premier épisode sur les <a href="https://theconversation.com/dans-la-charte-olympique-de-la-politique-entre-les-lignes-164960">Jeux Olympiques</a> et un deuxième sur le façonnement de la citoyenneté dans les <a href="https://theconversation.com/les-piscines-publiques-une-fabrique-a-citoyens-184960">piscines publiques</a>, explorons comment le sport est parfois utilisé directement par les politiques.</em></p>
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<p>En janvier 2021, les maires membres du Comité interministériel des <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/719661/le-gouvernement-a-enfin-un-plan-pour-les-quartiers-populaires">villes proposaient</a> de consacrer une enveloppe de 1 % du budget global des Jeux olympiques et paralympiques au financement de projets dédiés aux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).</p>
<p>Grande manifestation de l’élite sportive mondiale, les JO de Paris 2024 doivent-ils également apporter une réponse aux problématiques sociales qu’affrontent les quartiers populaires défavorisés ? C’est le vœu de nombreux acteurs tant du sport français que des <a href="https://www.maire-info.com/insertion-par-le-sport-les-10-propositions-d%27un-collectif-d%27elus-et-d%27acteurs-du-monde-sportif-pour-250-000-jeunes-des-quartiers--article-24970">collectivités territoriales</a>.</p>
<p>Considéré comme un lieu de brassage et un vecteur d’égalité républicaine, le sport amateur serait-il délaissé dans les banlieues ? Cette question avait déjà été identifié dans le <a href="https://www.ville-et-banlieue.org/wp-content/uploads/2018/05/Re%CC%81sume%CC%81-des-19-programmes-PlanBanlieue-JL.BORLOO.pdf">rapport Borloo</a> sur les banlieues françaises (2018) mais également par les précédents gouvernements. Parmi les 19 recommandations de Jean-Louis Borloo, le sport arrivait en sixième position avec des propositions dans la formation et le recrutement de coachs d’insertion par le sport.</p>
<p>Le Premier ministre Édouard Philippe déclarait par ailleurs en avril 2018 :</p>
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<p>« Il y a 500 000 jeunes au chômage dans les quartiers et on n’a pas le droit de les laisser à l’écart. Le sport est l’une des clés du vivre-ensemble ».</p>
</blockquote>
<p>La circulaire interministérielle <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/circulaire/id/44771">« Sports-Villes-Inclusion »</a> de 2019 précise d’ailleurs que chaque contrat de ville doit comprendre un volet intitulé « Action sportive à vocation d’inclusion sociale et territoriale ». L’activité sportive y est présentée comme « révélatrice de talents » mobilisables pour l’accès à la formation et à l’emploi mais également comme « porteuse de valeurs citoyennes ». Plus que toute autre activité, le sport serait ainsi susceptible de mobiliser les jeunes publics dans une dynamique d’insertion et/ou de citoyenneté.</p>
<p>Qu’est-ce qui explique le recours récurrent au sport dans les banlieues ? Quel modèle sportif y est véhiculé ?</p>
<h2>Le mythe du sport intégrateur</h2>
<p>Reposant sur un mythe qui s’exprime à travers l’idéologie sportive promue par les pères fondateurs du <a href="https://www.cairn.info/sociologie-du-sport--9782707169501.htm">sport moderne</a>, le consensus autour des fonctions sociales d’un sport naturellement intégrateur et socialisant est aujourd’hui <a href="https://www.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2008-1-page-7.htm">largement partagé</a>.</p>
<p>En premier lieu, parce que le sport présente de nombreuses <a href="https://journals.openedition.org/hommesmigrations/1186">figures de la réussite sociale</a> tant populaires qu’issues de <a href="https://www.liberation.fr/sports/2015/10/25/les-sportifs-de-haut-niveau-poussent-dans-le-beton_1408740/">l’immigration</a>.</p>
<p>Ainsi, selon une conviction largement partagée dans nos sociétés démocratiques, la seule pratique sportive pourrait produire, au-delà des stades, un comportement citoyen et éthique. Le sport serait alors porteur de valeurs susceptibles de pacifier les quartiers, de créer du vivre-ensemble et de constituer un tremplin pour l’emploi. Cependant, le transfert de compétences sportives dans d’autres espaces sociaux (travail, école…) n’est en rien mécanique.</p>
<h2>Usages valeurs et images en mutation</h2>
<p>Le respect de la règle sportive ou des consignes de match n’entraîne pas forcément le respect de règles sociales comme en témoignent les multiples affaires auxquelles sont mêlés des acteurs du monde sportif : pensons ainsi à la condamnation de Karim Benzema dans <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Chronologie-de-l-affaire-de-la-sextape-benzema-valbuena-cinq-ans-de-tensions/1149395">l’affaire dite de la sextape</a> ou encore les <a href="https://www.france24.com/fr/sports/20210109-abus-sexuels-dans-le-patinage-sarah-abitbol-soulag%C3%A9e-par-la-mise-en-examen-de-gilles-beyer">abus sexuels dans le patinage de haut niveau</a>.</p>
<p>Née avec le <a href="https://www.cairn.info/sociologie-du-sport--9782707169501.htm">sport moderne</a>, cette conviction est aujourd’hui relayée par un cercle de croyants bien plus large que les seuls sportifs : élus politiques, dirigeants d’entreprise, recruteurs, consultants, éducateurs accréditent l’idée que le sport est un tremplin pour l’insertion professionnelle.</p>
<p>Pourtant, les usages, les valeurs et l’image du sport ont changé depuis la naissance du sport moderne. Dans les quartiers populaires, le sport est aujourd’hui davantage la vitrine d’une réussite sociale et économique (à travers le modèle du sport de compétition) que le vecteur d’une réelle citoyenneté.</p>
<p>Et l’individualisme et les revendications d’ordre identitaire qui minent le corps social n’épargnent pas le monde du sport. On pourra citer le <a href="https://www.francetvinfo.fr/sports/tennis/novak-djokovic/covid-19-novak-djokovic-se-dit-pret-a-sacrifier-sa-saison-pour-echapper-au-vaccin_4962222.html">refus</a> de Djokovic de se plier à la règle de la vaccination contre le Covid-19 tout en revendiquant le droit de concourir à l’Open d’Australie. La revendication des <a href="https://www.europe1.fr/societe/hijabeuses-les-femmes-ont-le-droit-de-porter-le-voile-au-foot-assure-moreno-4093033">hijabeuses</a> de porter le <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/02/26/william-gasparini-les-clubs-sportifs-doivent-etre-preserves-de-l-empreinte-du-religieux_6030845_3232.html">voile islamique</a> pour jouer sur un terrain de football, la demande de repas spécifiques aux fédérations sportives ou les demandes d’horaires de piscine réservés aux femmes illustrent l’incidence dans le sport de la montée récente de la communautarisation de nos sociétés.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-le-sport-est-devenu-une-cible-pour-les-islamistes-148817">Pourquoi le sport est devenu une cible pour les islamistes</a>
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<h2>Permettre l’expression de valeurs bourgeoises</h2>
<p>L’histoire du sport en explique les transformations mais également l’évolution de son usage politique et social. Dès 1830, le pasteur anglais Thomas Arnold enseigne le sport au collège de Rugby car il est censé permettre l’expression de valeurs bourgeoises comme le <em>fair-play</em> (le respect de l’adversaire, des règles, des décisions de l’arbitre et de l’esprit du jeu) et le <em>self government</em>(la capacité de se contrôler dans le jeu, de ne pas <a href="https://books.openedition.org/msha/16682?lang=fr">« être pris par le jeu »</a>).</p>
<p>Tout au long du XX<sup>e</sup> siècle, à mesure qu’il se démocratise, le sport de compétition désigne conjointement un idéal (l’éthique ou l’esprit sportif) et une pratique physique de compétition régie par des règles communes. Pour les institutions (sportives ou éducatives), « faire du sport » c’est non seulement se dépenser physiquement dans un cadre sportif mais surtout acquérir une morale et, plus récemment, accéder à une forme de citoyenneté.</p>
<p>Des éducateurs des <em>public schools</em> (destinées à l’élite sociale anglaise) du milieu du XIX<sup>e</sup> siècle aux dirigeants sportifs des années 1980, en passant par les ministres gaullistes de la Jeunesse et des Sports et les militants communistes de la Fédération Sportive et Gymnique du Travail dans les années 60, tous ont contribué à promouvoir et consolider la vision d’un sport de compétition intrinsèquement <a href="https://www.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2008-1-page-7.htm">vertueux et éducatif</a>. Pour le général De Gaulle aussi, « le sport est un moyen exceptionnel d’éducation » (De Gaulle, 1934, p. 150).</p>
<h2>Montée en puissance du sport-spectacle</h2>
<p>À partir des années 1980, le sport sort du cercle restreint de la stricte compétition et acquiert le statut d’outil d’intégration à destination des banlieues dans le contexte d’une montée en puissance du sport-spectacle lié à la privatisation des télévisions. Le football devient le sport le plus regardé par les jeunes hommes des quartiers populaires et leur offre un modèle d’excellence. En France, Bernard Tapie (président de l’Olympique de Marseille de 1986 à 1993) symbolisera l’avènement du sport-business et <a href="https://esprit.presse.fr/article/alain-ehrenberg/le-show-meritocratique-platini-stephanie-tapie-et-quelques-autres-37832">d’une nouvelle méritocratie par le sport</a>.</p>
<p>Sous l’effet conjugué des transformations du monde des sports (démocratisation, professionnalisation, médiatisation, marchandisation) et de nouvelles dynamiques (libéralisation du marché, désengagement de l’État et décentralisation, montée des inégalités, crise économique, chômage, premières émeutes urbaines, changements politiques), le sport est de plus en plus convoqué pour lutter contre les nouvelles exclusions sociales à mesure qu’il offre une vitrine de la réussite dans les sports les plus populaires (football, basket, athlétisme, boxe).</p>
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<figcaption><span class="caption">Archives de l’INA, le quartier des Minguettes, 22 septembre 1981.</span></figcaption>
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<p>Le sport devient alors « social » et les dispositifs mis en place à destination des jeunes des cités sont progressivement qualifiés de <a href="https://www.ufolep.org/?titre=william-gasparini---il-y-a-plusieurs-socio-sports-&mode=actualites&rubrique=0&id=158593">« socio-sportifs »</a>. En arrivant au pouvoir, la gauche crée un ministère du Temps Libre intégrant la Jeunesse et les Sports alors que les premières émeutes urbaines éclatent à l’été 1981 dans le quartier des Minguettes à Lyon et où l’on enregistre les premiers effets du regroupement familial lié à l’immigration sur fond de hausse du chômage et d’émergence du Front national.</p>
<h2>« pacifier » les banlieues</h2>
<p>A partir de 1990 (date de création d’un ministère d’État chargé de la politique de la ville), les ministères de la Ville et des Sports travaillent ainsi de concert pour redynamiser et « pacifier » les banlieues. Sous les ministres de la Ville <a href="https://www.lesechos.fr/1991/05/violence-dans-les-banlieues-delebarre-dos-au-mur-947394">Michel Delebarre</a> puis Bernard Tapie, des équipements sportifs de proximité et des animations sportives de quartiers, animés par des policiers et des éducateurs, <a href="https://www.cairn.info/le-sport-dans-les-quartiers--9782130569718.htm">voient progressivement le jour</a>.</p>
<p>La volonté de faire du sport un outil de développement social est ensuite largement partagée par les gouvernements qui se sont succédés depuis 1991. Profitant de la dynamique créée par la victoire de l’équipe de France « Black Blanc Beur » en 1998, de nombreux dispositifs ont ainsi été mis en place par les pouvoirs publics (État et collectivités territoriales) et les fédérations sportives selon cette logique qui traverse les frontières des appartenances politiques sans qu’une évaluation objective et longitudinale des effets de ces politiques sur l’insertion sociale et/ou professionnelle des publics cibles ait été diligentée.</p>
<p>Par ailleurs, ces dispositifs encadrés par les <a href="https://www.cairn.info/anthropologie-de-la-fraternite-dans-les-cites--9782130475330.htm">« grands-frères »</a>, ont longtemps ciblé prioritairement les garçons et jeunes adultes. Ce faisant, la volonté politique d’intégrer prioritairement des jeunes adolescents par le sport afin d’éviter la rébellion la plus visible a paradoxalement entraîné une exclusion des filles et des jeunes femmes et une masculinisation de <a href="https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2018-2-page-218.htm">l’espace public</a> à travers les sports urbains, libres ou encadrés. Et force est de constater qu’après la fin de la scolarité obligatoire, beaucoup de jeunes filles des classes populaires cessent toute activité physique.</p>
<p>Ce n’est qu’à partir des années 2000, dans le contexte de politiques plus affirmées en faveur de la parité que l’action sportive publique dans les banlieues se féminise. Mais si l’égalité hommes femmes est proclamée, les terrains de sports publics et les dispositifs d’insertion professionnelle via le sport dans les QPV restent encore majoritairement conçus pour les garçons et les jeunes hommes. Il faut, au contraire, que les élus locaux et l’État s’engagent pour que le sport devienne, avec l’école, l’un des lieux privilégiés de la mixité et de la lutte contre les stéréotypes sexistes cantonnant les filles à des pratiques et des tenues « adaptées » à leur genre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183876/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>William Gasparini ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Qu’est-ce qui explique le recours récurrent au sport dans les banlieues et quartiers populaires ? Quel modèle sportif y est véhiculé ?William Gasparini, Professeur, sociologie du sport, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1704962021-11-18T21:32:39Z2021-11-18T21:32:39ZMigrants : plus de 10 millions de Français vivent dans une commune accueillante<p>Les événements à la <a href="https://theconversation.com/crise-migratoire-entre-la-bielorussie-et-lue-tragique-geopolitique-171885">frontière biélorusse</a> illustrent une nouvelle fois à quel point l’agenda des États européens sur les migrations reste guidé par des considérations sécuritaires. À contre-courant des politiques nationales, des municipalités s’efforcent, dans la mesure de leurs moyens et de leurs compétences, à développer une autre approche des migrations.</p>
<p>En septembre 2021, 73 maires du monde entier, de Marseille à Los Angeles, de Freetown à Mannheim, ont signé une déclaration commune affirmant que leurs villes se tiendraient prêtes à accueillir des <a href="https://www.mayorsmigrationcouncil.org/welcomeafghans">réfugiés afghans</a>. Le 21 octobre, le <a href="https://globalparliamentofmayors.org/summit2021/">Parlement Global des Maires</a> s’est réuni à Palerme pour discuter des migrations climatiques. Ces événements récents reflètent une tendance de fond observable partout dans le monde.</p>
<p>En Europe, mais aussi en Amérique du Nord et Latine, des municipalités mettent en place des politiques destinées à améliorer les conditions de vie des migrants en situation de vulnérabilité. Elles le font d’abord pour des raisons pragmatiques : on ne peut laisser dans la rue des populations sans droit, ne serait-ce que pour des raisons sanitaires, humanitaires ou de sécurité. Aux États-Unis, 12 millions de sans-papiers habitent et travaillent dans le pays sans aucun droit. En Europe, ils seraient entre 3 et 4 millions à vivre dans la <a href="https://www.pewresearch.org/global/2019/11/13/europes-unauthorized-immigrant-population-peaks-in-2016-then-levels-off/">marginalité</a>. Elles le font ensuite pour faciliter à long terme une intégration dans le tissu social et économique local en favorisant l’accès au logement, à l’emploi ou encore en déconstruisant les préjugés sur l’immigration.</p>
<p>À <a href="https://picum.org/wp-content/uploads/2017/11/CityOfRights_Health_EN.pdf">Düsseldorf</a>, une clinique associative est ouverte pour assurer un accès aux soins aux migrants en situation irrégulière ; San Francisco demande à ces fonctionnaires municipaux de ne pas demander leur titre de séjour afin de construire une relation de confiance avec ces populations ; <a href="https://cmsny.org/new-york-city-offers-municipal-id-for-all-new-yorkers-including-unauthorized-immigrants/">New York</a> délivre une carte d’identité municipale ouvrant un accès à une multiplicité de services ; Villeurbanne s’appuie sur ses associations et le centre d’action sociale pour trouver des solutions en matière de logement, d’alimentation ou de soin ; et <a href="https://www.compas.ox.ac.uk/wp-content/uploads/SR19-Netherlands-country-report.pdf">Amsterdam</a> développe un programme avec sa police municipale pour permettre aux sans-papiers de déposer plainte lorsqu’ils sont victimes d’une infraction… Toutes ces mesures furent initiées ou soutenues par les mairies et/ou les collectivités régionales (länders, États fédéraux, etc.).</p>
<h2>750 villes européennes accueillantes</h2>
<p>Pour rendre compte de ces initiatives méconnues, des ONG allemandes ont mis en ligne une <a href="https://moving-cities.eu/">carte recensant près de 750 villes européennes</a> qui auraient pris des initiatives similaires. On en compte 123 en France : au total, plus de 10 millions de Français vivent dans une commune qui met en œuvre une politique pour l’accueil et l’intégration des migrants. Ils sont 23 millions en Allemagne et 32 millions en Grande-Bretagne.</p>
<p>De fait, une grande partie de la population européenne et américaine a élu un maire, un élu régional ou un député qui agit en faveur des migrants.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/432348/original/file-20211117-17-1pd57ay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Carte des villes française ayant pris des mesures pour accueillir des personnes immigrées" src="https://images.theconversation.com/files/432348/original/file-20211117-17-1pd57ay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/432348/original/file-20211117-17-1pd57ay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/432348/original/file-20211117-17-1pd57ay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/432348/original/file-20211117-17-1pd57ay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/432348/original/file-20211117-17-1pd57ay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/432348/original/file-20211117-17-1pd57ay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/432348/original/file-20211117-17-1pd57ay.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">43 villes françaises ont pris des initiatives pour accueillir dans des conditions décentes des personnes immigrées.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Ces idées circulent… À la Chaux-de-Fonds, en Suisse, le conseil municipal a voté en faveur de la création d’une <a href="https://www.letemps.ch/suisse/sanspapiers-auront-carte-didentite-chauxdefonds">carte d’identité municipale</a>. Cette carte permettrait d’emprunter des livres à la bibliothèque, faire une demande de logement à la gérance de la ville, de servir de monnaie locale ou encore de titre de transport. La ville de <a href="https://www.rts.ch/info/regions/autres-cantons/12462456-la-ville-de-zurich-veut-creer-une-city-card-pour-ses-sanspapiers.html">Zurich</a> pourrait aussi suivre cet exemple.</p>
<p>Ces dernières années, la constitution d’associations et de réseaux de municipalités abordant les questions d’accueil et d’intégration s’est multipliée. Ainsi, en France, l’<a href="https://www.anvita.fr">Association Nationale des Villes et Territoires Accueillants</a>, fondée en 2016, propose un modèle alternatif d’accueil fondé sur le <a href="https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2021-3-page-99.htm">principe d’inconditionnalité</a>. Selon ce principe, adopté dans la charte de l’organisation, les membres de l’association s’engagent sur l’accès des migrants à l’hébergement, la nourriture, l’hygiène, la santé ou l’éducation, quel que soit leur statut, y compris les personnes en situation de transit.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/lhJl_imvxZk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vidéo réalisée et diffusée par l’ANVITA, décembre 2020.</span></figcaption>
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<p>L’association constitue un espace d’échange entre municipalités sur des thématiques aussi variées que l’hébergement d’urgence, la participation citoyenne des exilés ou encore les cartes d’identité locales.</p>
<p>Ailleurs en Europe, au Moyen-Orient, en Afrique, en Amérique du Nord et Latine, d’associations similaires sont créés. Au total, on en dénombre une <a href="https://journals.openedition.org/e-migrinter/2281">soixantaine de réseaux de villes</a> dans le monde. Dans les pays du Sud, ces réseaux sont le plus souvent soutenus par des organisations internationales ou régionales, à l’image de l’Unesco qui finance le la coalition des villes africaines contre le racisme et la discrimination. Mais l’on trouve également des regroupements de villes qui se sont spontanément créés à la suite d’une situation migratoire préoccupante. C’est le cas au <a href="https://academic.oup.com/jrs/article/34/1/596/5553803?login=true">Brésil</a>, où l’État et la ville de Sao Paulo sont en pointe sur l’accueil des réfugiés venus d’Haïti ou du Vénézuela depuis le début des années 2000 : la loi fédérale sur l’immigration votée en 2017 s’appuie largement sur les recommandations formulées par la mairie de Sao Paulo.</p>
<h2>De la mer à la ville</h2>
<p>Lors de l’<a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/09/09/un-incendie-se-declare-dans-le-camp-de-migrants-de-moria-a-lesbos_6051482_3210.html">incendie d’un camp sur l’île grecque de Lesbos</a> le 9 septembre dernier, et face aux conditions de vie insalubres dans les camps surpeuplés des îles grecques, Munster, Hanovre, Amsterdam, Barcelone ou encore Düsseldorf ont invité les États à accélérer les <a href="https://eurocities.eu/latest/moria-fire-cities-ready-to-take-in-refugees/">réinstallations</a> et se sont dites prêtes à recevoir des exilés en fonction de leur capacité d’hébergement. Dans les semaines qui suivirent, sur les 12 000 migrants dans le camp au moment de l’incendie, <a href="https://ec.europa.eu/home-affairs/news/one-year-after-fires-lesvos-relocations-more-efficient-asylum-procedures-and-new-reception_en">4000 ont été déplacés en Europe</a>, notamment 1 500 accueillis en Allemagne.</p>
<p>Un autre exemple de solidarité nous est donné par le projet <a href="https://fromseatocity.eu/">« From the Sea to the City »</a> porté par une soixantaine de villes dont font partie Palerme, Barcelone, Utrecht, Marseille ou Kiel. A l’origine de ce projet, le refus par le gouvernement italien, en juin 2018, de laisser le <a href="https://www.nouvelobs.com/monde/migrants/20180611.OBS8011/la-terrible-epopee-de-l-aquarius-le-bateau-de-migrants-rejete-par-l-italie.html">navire Aquarius</a> affrété par SOS Méditerranée de débarquer les 600 migrants qu’il avait recueillis à son bord.</p>
<p>Cet incident a suscité une discussion entre ONGs de sauvetage en mer, villes portuaires méditerranéennes et villes allemandes prêtes à accueillir les migrants débarqués dans les ports méditerranéens. <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/10/11/leoluca-orlando-il-faudrait-abolir-le-permis-de-sejour-c-est-la-peine-de-mort-de-notre-temps_5011787_3212.html">Leoluca Orlando</a>, le maire de Palerme, a su réactiver des <a href="https://www.rfi.fr/fr/emission/20150624-italie-palerme-leoluca-orlando-plaide-cause-refugies">liens de solidarité</a> entre la Méditerranée et l’Allemagne tissés lors de l’arrivée massive d’immigrants en 2015.</p>
<p>À de nombreux endroits dans le monde, les élus mettent en avant leurs capacités d’accueil et les besoins du marché du travail local pour justifier la mise en place de <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-des-etudes-du-developpement-2020-1-page-65.htm">corridors humanitaires</a> entre villes qui reçoivent et villes qui souhaitent accueillir des migrants.</p>
<p>Une source d’inspiration est notamment le programme <a href="http://www.couloirshumanitaires.fr/index.html">Mediterranean Hope</a>, initié par la communauté de San’Egidio en Italie : sur la base d’un accord avec le gouvernement italien, l’ONG protestante a fait venir plus de 2000 réfugiés depuis 2016 vivant dans les camps libanais, ensuite accueillis par différentes associations et paroisses partout en Italie (Latium, Piémont, Sicile et Toscane).</p>
<h2>Les villes dessinent une autre politique migratoire</h2>
<p>On le voit à travers cette diversité d’actions : les villes dessinent les contours d’une politique migratoire basée sur les capacités d’accueil locales plutôt que sur le contrôle des frontières.</p>
<p>D’une part, elles négocient la mise en place de corridors humanitaires mettant en relation les espaces où se trouvent les migrants et les espaces de leur accueil. D’autre part elles s’appuient sur leurs ressources propres, mais aussi sur les associations et habitants pour proposer hébergement, accès aux droits et insertion économique. Forts de cet agenda, les acteurs locaux cherchent à peser sur la formulation des politiques migratoires au niveau national et international.</p>
<p>En Europe, le réseau <a href="https://eurocities.eu/">Eurocités</a> milite pour la création d’instruments de financements de l’Union qui bénéficieraient directement aux municipalités sans passer par la médiation des États. Autre exemple, celui du programme <a href="https://www.uia-initiative.eu/fr">« Urban Innovative Action »</a> qui attribue des financements directs aux villes sous la forme de bourses, de transferts de fonds, ou de financements de partenaires locaux pour la mise en place de politiques innovantes en matière d’accueil et d’intégration.</p>
<p>Mais les villes reçoivent aussi le soutien de l’ONU. Ainsi, elles ont pu, grâce à l’appui de plusieurs réseaux de villes signataires de la <a href="https://www.uclg.org/sites/default/files/mechelen-declaration-final.pdf">déclaration de Mechelen</a> qui revendique un plus grand rôle dans la gouvernance des migrations, peser sur la rédaction du <a href="https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/277029-quest-ce-que-le-pacte-de-marrakech-sur-les-migrations">Pacte de Marrakech sur les migrations</a> : l’objectif 15 relatif à l’accès aux droits à la santé et à l’éducation intègre le principe d’inconditionnalité. Cet objectif enjoint les pouvoirs publics de garantir l’accès aux services dans discrimination de genre, d’origine ou de statut légal.</p>
<h2>Une autre façon de gérer les migrations</h2>
<p>Les villes possèdent aujourd’hui leurs organes de représentation dans le système onusien : le Forum des maires pour la mobilité et le développement, le <a href="https://www.mayorsmechanism.org/">Mécanisme des maires</a> et le <a href="https://www.mayorsmigrationcouncil.org">conseil des maires sur les migrations</a> avec lequel l’ANVITA et ses membres collaborent régulièrement.</p>
<p>Loin des lumières médiatiques, les villes mettent en résonance leurs initiatives pour proposer une autre façon de gérer les migrations. Vont-elles parvenir à contrebalancer les politiques nationales en la matière ? La mise en cause judiciaire des acteurs locaux de l’accueil montre que le rapport de force avec les États a commencé.</p>
<p>Les <a href="https://www.nicematin.com/faits-divers/cedric-herrou-interpelle-et-place-pour-la-11e-fois-en-garde-a-vue-425924">multiples interpellations</a> de Cédric Herrou, l’agriculteur militant de la Roya, ont mis en évidence la façon dont les pouvoirs publics peuvent chercher à bloquer l’action des acteurs de terrain. Il en va de même pour les maires qui s’impliquent en faveur des migrants.</p>
<p>En octobre, Domenico Lucano, le maire de la petite commune calabraise de Riace écope d’une peine de treize années de <a href="https://www.liberation.fr/international/europe/crise-migratoire-en-italie-le-maire-de-riace-condamne-a-une-lourde-peine-de-prison-20210930_ZM2C3R46UBCIFEFOKSUY7QFT6I/">prison ferme</a>, deux fois les réquisitions du procureur. Il avait été poursuivi une première fois en octobre 2018 pour aide à l’immigration clandestine alors que le leader d’extrême droite, Matteo Salvini, était au pouvoir. Son tort ? Tenter de répondre à la désertification de son village en proposant à des familles de migrants d’occuper les logements abandonnés. Après 18 mois d’assignation à domicile, puis d’exil hors de sa commune, il fut reconnu non coupable. En septembre 2021 un nouveau procès le condamne pour association de malfaiteurs visant à aider l’immigration irrégulière et mariage de convenance pour des déboutés du droit d’asile. Nul ne doute que derrière sa condamnation, c’est le <a href="https://www.mediapart.fr/journal/international/260921/mimmo-lucano-il-faut-defendre-cet-autre-monde-possible-face-la-violence-du-populisme ?onglet=full">« modèle de Riace »</a> de l’accueil qui était visé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170496/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Lacroix a reçu des financements de Institut convergences Migration. </span></em></p>Loin des images de policiers chassant les migrants, des murs et des barbelés, des municipalités s’organisent pour accueillir des exilés vulnérables et leur donner accès à des droits.Thomas Lacroix, Directeur de recherche CNRS, CERI SciencePo, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1559152021-11-02T18:03:36Z2021-11-02T18:03:36ZDe la crise sanitaire à la réforme 3Ds : une opportunité pour la décentralisation ?<blockquote>
<p>« La France a eu besoin d’un pouvoir fort et centralisé pour se faire, elle a aujourd’hui besoin d’un pouvoir décentralisé pour ne pas se défaire. »</p>
</blockquote>
<p>Cette tirade de <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/715829/francois-mitterrand-le-president-des-sous-prefectures/">François Mitterrand date de 1981</a>. Quarante ans plus tard, la crise sanitaire du Covid-19 a réveillé des tensions anciennes entre l’État et ses territoires, sera-t-elle <em>in fine</em> l’opportunité d’un nouvel acte de décentralisation ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/404254/original/file-20210603-13-43m8lv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/404254/original/file-20210603-13-43m8lv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/404254/original/file-20210603-13-43m8lv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/404254/original/file-20210603-13-43m8lv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/404254/original/file-20210603-13-43m8lv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/404254/original/file-20210603-13-43m8lv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/404254/original/file-20210603-13-43m8lv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">François Mitterrand, Gaston Defferre et Pierre Mauroy en 1971, les futurs artisans de la décentralisation.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fondation Jean-Jaurès</span></span>
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<p>La tragédie de la crise sanitaire aurait dû être un moment d’union nationale, or elle a vu multiplier les incidents mettant aux prises pouvoir central et élus locaux. L’utilisation de la réquisition par la puissance publique en est une parfaite illustration. La réquisition est un outil utile en temps de crise. Elle permet à l’État et aux collectivités de s’approprier (temporairement) autant de biens que nécessaire pouvant permettre de mettre fin à une crise. À titre d’exemple, en avril 2019, la préfecture du Grand Est n’hésite pas à réquisitionner des <a href="https://www.europe1.fr/societe/coronavirus-la-requisition-des-masques-fait-grincer-des-dents-3960535">masques destinés au département des Bouches-du-Rhône</a></p>
<p>Ce cas fut l’un des rares à être médiatisé, mais dans ce contexte de crise sanitaire, il y a eu « une vague de <a href="http://www.revuedlf.com/droit-administratif/linteret-des-mesures-de-requisition-administrative-en-periode-de-crise-sanitaire-exceptionnelle/">réquisitions massives</a> » dont la plupart est passée inaperçue.</p>
<h2>Frictions entre État et collectivités territoriales</h2>
<p>Les réquisitions de l’État envers des collectivités locales s’expliquent par l’intérêt national, qui dans un État unitaire, l’emporte sur les intérêts locaux ; cependant la décentralisation suppose aussi la prise en compte des territoires dans l’adaptation de la politique centrale.</p>
<p>À la fin du premier confinement, les élus locaux sont priés de rouvrir les écoles en mettant en place des protocoles sanitaires pas toujours adaptés à la structure des bâtiments. Il en résulte une profonde inquiétude des maires concernant leur <a href="https://www.lejdd.fr/Politique/edito-deconfinement-les-maires-ont-raison-de-sinquieter-mais-ils-auraient-tort-de-se-revolter-3965968">responsabilité juridique</a>. En mars 2021, cette problématique refait surface. Les élus locaux seraient responsables pénalement, alors qu’une grande partie de la décision leur échappe ? Le risque d’une rupture entre l’État et ses collectivités territoriales est alors réel.</p>
<h2>Inflexion réelle du gouvernement ou atavisme centralisateur ?</h2>
<p>Le <a href="https://www.gouvernement.fr/partage/11654-declaration-de-politique-generale-de-m-jean-castex-premier-ministre-assemblee-nationale">discours gouvernemental</a> évolue toutefois au début de l’été pour prendre en compte ce malaise des maires. En juin, à l’occasion du remaniement gouvernemental, le nouveau premier ministre Jean Castex promet de placer les territoires au cœur de sa politique gouvernementale et illustre son propos en mettant en avant le <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/691287/face-a-la-reprise-jean-castex-place-le-couple-maire-prefet-en-pointe/">« couple maire/préfet »</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Cette confiance dans les territoires suppose que le droit à la différenciation soit consacré dans une loi organique. Elle passe également, comme l’a indiqué le président de la République, par une nouvelle étape de la décentralisation. Elle repose tout autant sur une évolution profonde de l’organisation interne de l’État. Je m’étais fait le défenseur, à l’occasion de la mission qui m’avait été confiée par le précédent gouvernement sur le déconfinement du couple “maire–préfet de département”. Notre intention est de rendre rapidement plus cohérente et efficace l’organisation territoriale de l’État, en particulier au niveau du département. »</p>
</blockquote>
<p>Le premier ministre mélange astucieusement les notions de décentralisation et déconcentration. Il évoque la première mais n’applique que la seconde. En effet la décentralisation permet aux élus locaux de s’administrer librement, alors que la déconcentration se fonde sur un système de délégation de l’autorité de l’État vers des échelons inférieurs. Pour résumer, la décentralisation offre davantage de marge de manœuvre aux élus locaux qui prennent leurs décisions au nom de leurs administrés et non au nom de l’État. Le maire est à ce titre un <a href="https://www.franceculture.fr/politique/le-maire-et-ses-pouvoirs-a-laune-du-covid-19">personnage ambigu</a> car il est à la fois à la tête d’une collectivité territoriale décentralisée, mais est aussi une autorité déconcentrée. À chaque fois qu’un maire prend un arrêté municipal par exemple sur le port obligatoire d’un masque, il agit en tant qu’agent déconcentré de l’État.</p>
<p>Une véritable décentralisation en matière de santé signifierait par exemple que les Agences Régionales de Santé soient placées sous l’autorité non plus du ministre de la Santé comme actuellement, mais des conseils régionaux.</p>
<h2>Les élus locaux critiques mais force de propositions</h2>
<p>Si les élus locaux ne peuvent mettre en place eux-mêmes des politiques locales différentes que celle voulue par l’État, ils peuvent néanmoins lui proposer publiquement des politiques alternatives.</p>
<p>En décembre 2020, le <a href="https://rmc.bfmtv.com/emission/comment-expliquer-le-retard-de-la-france-en-matiere-de-vaccins-contre-le-covid-19-2025977.html">retard</a> de la France dans la mise en place de la vaccination expose une nouvelle fois au grand public les divergences entre l’État et les collectivités : contrairement aux pays voisins, le gouvernement avait dans un premier temps refusé la mise en place de <a href="https://www.francebleu.fr/infos/sante-sciences/pas-de-vaccinodrome-a-valentigney-qu-ils-assument-que-l-etat-n-a-pas-assez-de-doses-de-vaccin-dit-le-1611248167">« vaccinodromes »</a>. Toutefois, face aux initiatives nombreuses de maires qui mettent à disposition des salles et commandent le matériel médical nécessaire et interpellent les ARS pour disposer de doses de vaccins, le gouvernement est obligé de revoir sa <a href="https://www.20minutes.fr/sante/2950175-20210111-coronavirus-gouvernement-fait-volte-face-centres-vaccination">politique vaccinale</a>.</p>
<p>Un autre épisode démontre cet antagonisme entre État et collectivités lorsque, fin décembre 2020, les élus du Grand Est <a href="https://www.google.com/amp/s/mobile.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/confinement/coronavirus-des-elus-du-grand-est-plaident-pour-un-reconfinement-local_4236361.amp">appellent à un nouveau confinement</a> alors qu’à l’<a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/confinement-maires-du-sud-ouest-plaident-commerces-lettre-au-premier-ministre-1890054.html">ouest</a>, les élus demandent de rouvrir les commerces « non essentiels ».</p>
<p>En Île-de-France, Anne Hidalgo, la maire de Paris préconise à la fois un confinement de <a href="https://www.google.com/amp/s/www.leparisien.fr/amp/paris-75/covid-19-le-confinement-de-paris-imagine-par-anne-hidalgo-se-precise-26-02-2021-8426377.php">trois semaines</a> pour éradiquer le virus et ensuite une réouverture des commerces non essentiels.</p>
<p>Ces suggestions sont jugées sévèrement par le gouvernement qui considère que la remise en cause de ses décisions n’incitent pas à respecter les mesures sanitaires prises. Seulement, la prise de décision s’effectue bien en amont, sans consultation des chefs de partis ou des élus locaux, et dans l’opacité du <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/armee-et-securite/conseil-de-defense-est-ce-une-institution-opaque_4178541.html">« conseil de défense »</a>“.</p>
<p>En mars 2021, un <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/covid-19-les-francais-saluent-l-action-des-maires-et-des-entreprises-mais-critiquent-gouvernement-et-opposition-selon-notre-sondage_4329017.html">sondage</a> affirme que les Français sont critiques envers l’action du gouvernement, ils plébiscitent celle des entreprises et des élus locaux.</p>
<h2>Le président siffle la fin du match</h2>
<p>A la fin du mois d’avril, Emmanuel Macron annonce un <a href="https://www.franceinter.fr/societe/voici-le-calendrier-du-deconfinement-annonce-par-emmanuel-macron">calendrier</a> du déconfinement. Cette communication verticale tranche après des mois de <a href="https://www.lejdd.fr/Politique/revelations-emmanuel-macron-edouard-philippe-lhistoire-secrete-de-leur-divorce-4039330">tergiversations au sommet de l’État</a> sur les mesures à prendre, et de nombreux accrochages avec les collectivités, le tout répercuté par les médias.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/404249/original/file-20210603-17-6lefan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/404249/original/file-20210603-17-6lefan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/404249/original/file-20210603-17-6lefan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=700&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/404249/original/file-20210603-17-6lefan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=700&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/404249/original/file-20210603-17-6lefan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=700&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/404249/original/file-20210603-17-6lefan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=879&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/404249/original/file-20210603-17-6lefan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=879&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/404249/original/file-20210603-17-6lefan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=879&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« Louis XIV en Jupiter vainqueur de la Fronde », huile sur toile attribuée à Charles Poerson, château de Versailles, vers 1654.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikipédia</span></span>
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<p>Dans <a href="https://theconversation.com/de-louis-xvi-a-emmanuel-macron-lheritage-monarchique-de-la-v-republique-90324">l’esprit monarchique des institutions de la Vᵉ République</a>, le président a décidé chaque détail de la reprise. Un calendrier simple, accessible et qui répond à presque toutes les questions que chaque citoyen est en droit de se poser. Pour autant, c’est aussi une décision nationale qui s’applique à tout le territoire métropolitain sans possibilité d’être aménagé sur tel ou tel territoire.</p>
<p>Ce calendrier est plutôt <a href="https://www.lci.fr/politique/covid-19-coronavirus-pandemie-epidemie-les-francais-majoritairement-favorables-au-plan-de-deconfinement-selon-notre-sondage-2184818.html">bien accueilli</a> par la population et même par les élus locaux qui acceptent ce contrôle paternaliste de l’État. Cette recherche de cadre témoigne de la persistance du jacobinisme français dans les mentalités. Les mêmes élus qui avaient critiqué l’État incapable d’acheminer masques, tests et vaccins se réjouissent à présent de cette progressive <a href="https://www.europe1.fr/politique/deconfinement-jean-rottner-salue-un-calendrier-sage-et-raisonnable-4041836">sortie de crise</a>, la fronde des territoires a été vaincue.</p>
<p>Le 12 juillet, c’est encore une <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/07/12/allocution-d-emmanuel-macron-passe-sanitaire-etendu-tests-pcr-payants-obligation-vaccinale-pour-les-soignants-le-resume_6088062_823448.html">allocution présidentielle</a> qui donne le la : passe sanitaire étendu, tests PCR payants, obligation vaccinale pour les soignants… Emmanuel Macron durcit la ligne du gouvernement et est rapidement récompensé par des <a href="https://www.lefigaro.fr/politique/covid-19-67-des-francais-approuvent-le-passe-sanitaire-20210902">sondages très favorables</a> : en septembre 67 % des Français acceptent le passe sanitaire. Malgré cela, les manifestations chaque samedi dénotent une incompréhension d’une partie de la population envers ces restrictions sanitaires.</p>
<h2>Rapprocher la santé publique du citoyen</h2>
<p>Au plus fort de la crise sanitaire, la gouvernance des agences régionales de santé, avait fortement été remise en cause. La loi 3Ds, votée au sénat le 21 juillet propose de <a href="https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/decentralisation-le-senat-renforce-le-role-des-elus-locaux-dans-la-gouvernance">maigres progrès</a> pour rapprocher les décideurs des citoyens : par exemple un conseil d’administration paritaire coprésidé par le préfet et le président de région sera chargé de contrôler l’action des ARS.</p>
<p>Autre mesure symbolique, les sénateurs souhaitent que la <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/757440/decentralisation-ce-que-prevoit-desormais-le-projet-de-loi-3ds/">médecine scolaire</a> soit transférée au département après la fin de la crise sanitaire.</p>
<p>Il faudra en tout cas attendre décembre pour savoir si les députés partageront la vision des sénateurs sur la loi 3Ds, car la ministre Jacqueline Gourault vient d’annoncer le <a href="https://www.acteurspublics.fr/articles/lexamen-du-projet-de-loi-3ds-a-lassemblee-nationale-repousse-a-decembre">report de l’examen de la loi</a> à l’Assemblée nationale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/155915/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nedjoua Halil-Merad est membre de l'AFDD (association française des docteurs en droit). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Guillaume Bagard et Sophie Le Coz ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>La crise sanitaire du Covid-19 a réveillé des tensions anciennes entre l’État et ses territoires, sera-t-elle in fine l’opportunité d’un nouvel acte de décentralisation ?Nedjoua Halil-Merad, Docteur en droit public - Élève avocate à l'ERAGE, Université de LorraineGuillaume Bagard, Docteur en droit, élève avocat et chercheur associé à l'Institut François Gény, Université de LorraineSophie Le Coz, Doctorante Sciences en Economiques (Finances locales, Histoire des communes, Histoire bancaire et financière) au BETA (UMR 7522) et ATER à l'UFR DEA de Metz, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1412552020-06-23T20:55:02Z2020-06-23T20:55:02ZLes élus locaux sont-ils à l’abri des groupes d’intérêt ?<p>Dans un <a href="https://www.amisdelaterre.org/wp-content/uploads/2020/06/lobbying-epidemie-cachee-at-odm-juin2020.pdf">rapport récent</a>, deux associations (Les Amis de la Terre et l’Observatoire des multinationales) accusent des acteurs économiques d’avoir profité de la crise provoquée par le Covid-19 pour demander des assouplissements en matière de réglementations environnementales et sociales, considérées trop contraignantes pour leurs affaires.</p>
<p>Cette dénonciation laisse entendre que des intérêts privés agiraient en coulisses pour peser sur les décideurs. C’est là une idée fort ancienne, contemporaine de l’autonomisation (au XIX<sup>e</sup> siècle) des dirigeants politiques qui seraient désormais soumis aux pressions d’intérêts privés.</p>
<p>Longtemps, les restrictions censitaires du suffrage ont garanti la promotion des intérêts des plus privilégiés (<a href="https://www.cairn.info/explication-du-vote--9782724605667-page-106.htm?contenu=plan">et notamment des propriétaires</a>. Cependant, à partir de la III<sup>e</sup> République, alors que l’accès au pouvoir est désormais arbitré par le suffrage universel, les groupes sociaux, et notamment les plus dominants, ont dû développer de nouvelles pratiques pour faire entendre leur cause : non seulement présenter des candidats directement, mais aussi peser sur les préférences des élus.</p>
<p>Ainsi s’instaure, dans le discours républicain, une distinction entre l’intérêt général, dont seraient dépositaires les élus, et les intérêts particuliers <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00964020/document">qui n’auraient d’autres choix que de « faire pression »</a>.</p>
<p>Mais, longtemps, la démocratie locale a semblé épargnée par cette lecture grâce notamment à sa supposée « proximité ». Celle-ci garantirait une fluidité des relations entre élus et citoyens, ainsi qu’une plus grande transparence. Est-ce à dire que les élus locaux sont préservés des activités de lobbying auxquelles seraient soumis les dirigeants nationaux ?</p>
<p>Cette question mérite d’être posée dès lors qu’en campagne, les candidats aux élections municipales rivalisent de projets volontaristes pour l’avenir d’un territoire, et notamment sur les questions écologiques lors de ce cru électoral 2020. Aux propositions de « forêts urbaines », de « trames vertes » et de <a href="https://c.leprogres.fr/politique/2020/01/15/metropole-francois-noel-buffet-devoile-son-central-parc-a-la-lyonnaise">« Central Parc »</a> répondent des surenchères sur les superficies d’arbres à planter ou encore sur les kilomètres de pistes cyclables.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/343445/original/file-20200623-188900-180djes.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/343445/original/file-20200623-188900-180djes.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/343445/original/file-20200623-188900-180djes.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/343445/original/file-20200623-188900-180djes.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/343445/original/file-20200623-188900-180djes.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/343445/original/file-20200623-188900-180djes.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/343445/original/file-20200623-188900-180djes.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À l’image de la maire sortante et candidate à la mairie de Paris Anne Hidalgo (ici le 21 juin), de nombreux candidats aux municipales ont proposé des mesures écologistes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alain Jocard/AFP</span></span>
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</figure>
<p>D’autres prétendent contrecarrer la densification immobilière, ou encore revoir la commande publique dans un sens plus durable. Le temps d’une élection est effectivement celui des promesses et des engagements. Mais les élus peuvent-ils les tenir ? Rien n’est moins sûr tant les leviers de l’action publique locale cristallisent des convoitises. Pour autant, cela n’oblige pas à succomber à une vision simplifiée en termes d’intérêts cachés manipulant les décideurs.</p>
<h2>Les oublis de l’effervescence électorale</h2>
<p>Les campagnes constituent des rituels démocratiques. Candidats et électeurs sont enclins à croire que les élus auront la capacité de maîtriser et de transformer le réel en appliquant leurs programmes.</p>
<p>Mais cette vision occulte les contraintes multiples (budgétaires, techniques, médiatiques… et même les événements imprévus de l’actualité comme peut l’être une crise sanitaire) avec lesquelles composent les élus une fois en position de pouvoir.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/dictionnaire-des-politiques-publiques--9782724611755-page-201.html">Bien trop de facteurs</a> interfèrent et complexifient une <a href="http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?GCOI=27246100416230">chaîne décisionnelle qui n’a rien de linéaire</a>. Oublier cela, c’est se condamner aux déceptions postélectorales.</p>
<p>À ce titre, l’existence de groupes organisés constitue un paramètre susceptible d’affecter les promesses et les intentions affichées. Même parés de l’onction du suffrage universel, les élus locaux doivent faire avec les mobilisations régulières de groupes et d’organisations qui entendent faire valoir les intérêts de certains segments de la population. Dès lors, la question qui se pose est plus de savoir avec qui gouverne une équipe municipale ?</p>
<p>Localement, les élus sont confrontés à des sociétés pluralistes. Ils sont d’abord tenus d’interagir avec des organisations économiques (les chambres consulaires) dotées statutairement d’un droit à l’expression sur les principaux documents d’action publique (comme un plan local d’urbanisme).</p>
<p>Par-delà ces interlocuteurs institués, les intérêts défendus collectivement s’expriment au travers d’une myriade d’associations (sportives, culturelles, comités de quartier), de collectifs en tous genres (riverains, usagers), de groupements professionnels (commerçants notamment), alors que les fédérations syndicales (de salariés et de patrons), traditionnellement centralisées, souffrent en France d’une implantation locale très fragile.</p>
<p>Les intérêts portés peuvent également revêtir une forme plus individualisée par l’action propre des entreprises. Mais tous ces acteurs ne disposent pas des mêmes chances de succès et des mêmes accès aux élus.</p>
<h2>Inégalité de moyens</h2>
<p>Primo, ces acteurs ne bénéficient pas de moyens identiques pour se faire entendre des élus. Quand certains se prévalent principalement de leur nombre ou de leur attachement à un territoire pour plaider leur cause, d’autres mobilisent des expertises pour se doter d’une crédibilité.</p>
<p>De grandes entreprises au contact régulier des élus locaux – dans les domaines notamment de la promotion immobilière, de la distribution, de l’économie numérique, des réseaux – se sont ainsi dotées de services de relations institutionnelles et de lobbying pour travailler auprès des collectivités.</p>
<p>Cette inégalité de moyens oblige de fait bon nombre d’associations à redoubler d’efforts pour se faire entendre. On le voit quand des édiles cèdent aux sirènes de grands promoteurs commerciaux invoquant les richesses et emplois induits, études à l’appui, par l’implantation d’un nouveau centre commercial : les riverains et associations de défense du cadre de vie sont contraints de multiplier leurs actions (manifestations, pétitions, recours, contre-expertises…) pour espérer infléchir un tel projet.</p>
<p>Ainsi, après des années de mobilisation, le projet de megacomplexe « EuropaCity », qui devait voir le jour à Gonesse (Val d’Oise), <a href="https://www.leparisien.fr/val-d-oise-95/gonesse-europacity-un-projet-abandonne-dix-ans-apres-ses-debuts-21-11-2019-8198847.php">a finalement été enterré, en novembre 2019</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/343449/original/file-20200623-188900-dlz2vo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/343449/original/file-20200623-188900-dlz2vo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/343449/original/file-20200623-188900-dlz2vo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/343449/original/file-20200623-188900-dlz2vo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/343449/original/file-20200623-188900-dlz2vo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/343449/original/file-20200623-188900-dlz2vo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/343449/original/file-20200623-188900-dlz2vo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans la ville de Gonesse (Val d’Oise), le 5 octobre 2019, des riverains défilent contre le projet’EuropaCity’.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jacques Demarthon/AFP</span></span>
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</figure>
<p>Secundo, l’écho des intérêts défendus dépend des liens entretenus avec les élus locaux. Plus les acteurs sont sociologiquement et idéologiquement proches des élus, plus il leur est aisé d’en être entendu : en toute logique, les élus <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2016-1-page-117.htm">sont portés à écouter ceux qui partagent les mêmes codes et langages</a>.</p>
<p>On comprend mieux l’importance pour tel ou tel segment de la société d’avoir l’un de ses représentants sur une liste. Dans cette perspective, l’élection possible d’équipes écologistes à la tête de municipalités pourrait bien représenter une opportunité pour des associations environnementales partageant les points de vue de ces nouveaux élus.</p>
<p>Tertio, les causes défendues résonnent différemment selon les conjonctures. Tout laisse penser que, dans les prochains mois, les arguments autour de l’emploi et du développement économique auront une portée renforcée auprès des élus. Il est vrai que, compte tenu des échéances électorales, les demandes mesurables quantitativement (comme les emplois) sont plus aisément monnayables que des biens communs auprès d’élus tenus d’afficher des bilans.</p>
<h2>Des élus sous observation</h2>
<p>Tous ces éléments dessinent dès lors des relations entre élus et groupes très variées selon les territoires. Ils rendent surtout la <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2018-2-page-215.html">destinée d’une promesse électorale incertaine</a>. Ils nous rappellent que gérer une ville demeure une affaire de conciliation d’intérêts et de paramètres (partiellement) contradictoires.</p>
<p>C’est bien pourquoi les soutiens d’une équipe municipale nouvellement élue auraient bien tort, une fois l’élection passée, d’attendre passivement des actes. D’ailleurs, des associations l’ont bien compris en demandant aux candidats de s’engager sur des chartes ou des manifestes durant la campagne <a href="https://reseauactionclimat.org/kit-municipales-2020/">afin de suivre plus efficacement par la suite les engagements pris</a>.</p>
<p>Après avoir évalué et parfois noté les programmes, il leur revient ainsi de faire preuve d’une capacité d’observation, de vigilance et d’interpellation. Autant d’exigences qui sont, néanmoins, difficiles à assumer pour des groupements aux moyens très souvent limités (grâce à quelques bénévoles) dans les espaces locaux.</p>
<h2>Les échelles de la défense des intérêts</h2>
<p>Les stratégies pour se faire entendre des élus se compliquent aujourd’hui avec le pluralisme des scènes de décision. En effet, bon nombre de responsabilités et de moyens ont désormais été transférés aux intercommunalités, devenues de véritables centres de pouvoir. Pour en rester aux questions écologiques, la plupart des politiques (eau, mobilité, déchets, habitat, climat) sont du ressort de telles instances intercommunales.</p>
<p>Elles se discutent et se négocient dans des territoires, institutionnels et géographiques, élargis. Sauf que bon nombre de groupements associatifs conservent une assise communale et dépassent rarement ce périmètre (ou se concentrent dans les villes-centres). La métropolisation des intérêts et des mobilisations <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-00653922/">est encore balbutiante</a>.</p>
<p>Ainsi se crée une déconnexion croissante entre l’échelle des compétences, de plus en plus intercommunales, et l’échelle des groupements de la société civile à forte dimension municipale. Doit-on parler dans ce cas de politiques publiques destinées à rester sans interlocuteurs ?</p>
<p>En fait, là encore, la capacité d’adaptation à ce nouveau jeu institutionnel est inégale. Les plus à même de s’y ajuster sont les intérêts les plus volatiles et flexibles (sans doute les moins attachés à un espace particulier), et en premier lieu ceux du monde des affaires et des entreprises. Pour la plupart des groupes, cette recomposition institutionnelle constitue un nouveau défi exigeant. C’est dire si, l’élection passée, le travail des groupes localisés ne fait que… continuer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141255/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Cadiou ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les élus locaux doivent faire avec la mobilisation de groupes divers qui font valoir leurs intérêts. Mais ces acteurs ne disposent pas des mêmes chances de succès et des mêmes accès aux élus.Stéphane Cadiou, Politologue, Université Jean Monnet, Saint-ÉtienneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1403612020-06-16T20:47:56Z2020-06-16T20:47:56ZLe socialisme français peut-il être sauvé par ses maires ?<p>Éclipsés par la crise sanitaire, les résultats du premier tour des élections municipales n’en sont pas moins intéressants pour réfuter deux idées reçues sur la vie politique française de l’après 2017.</p>
<p>Par-delà un taux d’abstention record largement imputable à la peur du Covid-19, ils ont mis en lumière la résilience de l’axe droite-gauche et rappelé que Les Républicains (LR) et le Parti socialiste (PS) demeuraient les seules formations réellement implantées sur l’ensemble du territoire national.</p>
<p>Ces deux partis de gouvernement, fortement fragilisés par le « séisme » de l’élection présidentielle de 2017 et les résultats des dernières élections européennes, ont probablement vu leurs candidats sortants profiter de l’inclination des électeurs à la stabilité dans un contexte de crise. Les suffrages exprimés lors du premier tour témoignent, de manière plus profonde, d’une résistance du système partisan à l’onde de choc de 2017, même si celui-ci en est ressorti <a href="https://www.cairn.info/la-cinquieme-republique-demystifiee--9782724624557-page-137.htm">profondément reconfiguré</a>.</p>
<p>Si la dynamique favorable aux candidats socialistes se confirme le 28 juin, ce scrutin municipal contredira une deuxième idée trop hâtivement affirmée par maints observateurs de la vie politique française, celle d’une disparition inéluctable du PS à très court terme. Grâce à ses mairies et, plus largement, à la <a href="https://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2007-4-page-47.htm">force de frappe de ses élus locaux</a>, ce dernier reste toujours en 2020 un acteur qui compte au plan national.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/municipales-un-scrutin-decisif-pour-le-parti-socialiste-133022">Municipales : un scrutin décisif pour le Parti socialiste</a>
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<p>À la veille du premier tour, le <a href="https://theconversation.com/municipales-un-scrutin-decisif-pour-le-parti-socialiste-133022">politiste Rémi Lefebvre</a> rappelait qu’en dépit de la forte érosion de ses positions, le parti demeurait la deuxième force municipale du pays, quatorze des cinquante villes les plus peuplées de France étant dirigées par un élu socialiste. Quoique considérablement affaibli, surtout au regard de la situation de 2012 lorsqu’il détenait tous les pouvoirs, du local au national, le PS semble en passe de remplir l’objectif modeste fixé par sa nouvelle direction : celui de conserver les grandes villes et villes moyennes épargnées par la <a href="http://www.lours.org/archives/default4c0e.html?pid=939">sévère défaite de 2014</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1271401862516924421"}"></div></p>
<p>La probabilité de conquérir Nancy, Bourges et Saint-Ouen, de même que les victoires acquises dès le premier tour à Denain, Cahors ou Bourg-en-Bresse, ont même conduit le <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/politique/elections-municipales-nancy-le-mans-rouen-le-ps-retrouve-quelques-couleurs_2120976.html">porte-parole du parti</a> à se réjouir du « vrai retour politique » de sa formation.</p>
<h2>Un enracinement local inscrit dans la longue durée</h2>
<p>La capacité de résilience (relative) du socialisme municipal aux crises nationales traversées par le parti ne devrait pourtant pas surprendre <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2004-2-page-237.htm">ceux qui connaissent son histoire longue</a>.</p>
<p>Depuis les premières conquêtes de la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, nombre de dirigeants et d’élus socialistes, qui sont souvent les mêmes, conçoivent la mairie comme un laboratoire d’expérimentation de politiques publiques originales et un lieu de formation à l’exercice du pouvoir pour ses cadres. Il est tout sauf anodin qu’au début des années 1920, le « père » de l’École nationale d’administration municipale (ENAM), disparu au début des années 1970 et depuis tombé dans l’oubli, ait été Henri Sellier, maire SFIO de Suresnes pendant 22 ans et <a href="https://www.persee.fr/doc/polix_0295-2319_2001_num_14_53_1141">figure emblématique du socialisme municipal de l’entre-deux-guerres</a>.</p>
<p>Jusqu’aux années 1980, de bons résultats aux élections locales constituaient une condition de survie pour un Parti socialiste accédant <a href="https://www.fayard.fr/sciences-humaines/l-ambition-et-le-remords-9782213621043">rarement aux responsabilités nationales</a>. L’objectif de conquête des mairies pour en faire des foyers de résistance au pouvoir central s’accordait en outre bien avec la culture de résistance à l’État portée par nombre de militants jusque tard dans le XX<sup>e</sup> siècle.</p>
<h2>Le parti socialiste, une véritable « social-démocratie municipaliste » ?</h2>
<p>Peut-on néanmoins faire du PS une « social-démocratie municipaliste », comme l’affirmait <a href="https://esprit.presse.fr/article/cambadelis-jean-christophe/repenser-l-avenir-de-la-gauche-entretien-8193">Jean‑Christophe Cambadélis</a>, lors d’un entretien accordé à la revue <em>Esprit</em> en 2003 ?</p>
<p>L’élégance de la formule ne doit pas faire oublier son caractère discutable. Au cours de son histoire, le Parti socialiste français n’est jamais parvenu – à l’exception non négligeable de la fédération du Nord <a href="https://www.theses.fr/1992LIL20016">au sortir de la Seconde Guerre mondiale</a> – à devenir un véritable parti de masse de types social-démocrate sur le <a href="https://www.bloomsbury.com/us/one-hundred-years-of-socialism-9781780767611">modèle de ses camarades allemands, nordiques ou britanniques</a>. L’accent mis par Jean‑Christophe Cambadélis sur le municipalisme comme facteur central de la longévité du parti, touche en revanche plus juste.</p>
<p>En vidant les sections locales de ses militants – au premier chef ses employés municipaux – et en privant le parti de ressources financières et matérielles indispensables à son rayonnement, la perte de bastions historiques, <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2004-2-page-237.htm">comme Roubaix en 1983</a> ou <a href="https://www.cairn.info/revue-histoire-politique-2015-1-page-103.htm">Marseille en 1995</a>, marque le déclin durable de son influence sur ces territoires.</p>
<p>Réciproquement, la conquête du Grand Ouest, notamment breton, qui s’amorce à partir des élections municipales de 1977, trouve une traduction presque immédiate <a href="http://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/la-rose-et-le-granit/">dans les scrutins nationaux</a>.</p>
<h2>Le parallèle entre les municipales de 1959 et de 2020</h2>
<p>Bien qu’estompée par l’exercice régulier des responsabilités gouvernementales depuis 1981, l’identité du PS demeure donc toujours profondément façonnée par le local. À l’image de la « vieille » <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/section-francaise-de-l-internationale-ouvriere/">Section française de l’Internationale ouvrière</a> (SFIO) de Jean Jaurès et Léon Blum, ce parti de gouvernement est aussi un « parti des mairies », selon <a href="https://www.vie-publique.fr/catalogue/273082-municipales-quels-enjeux-democratiques">Rémi Lefebvre</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/N5VRFDIJmb4?wmode=transparent&start=117" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« De quoi est né le socialisme ? », Léon Blum, 1938.</span></figcaption>
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<p>En observant sa situation actuelle, les historiens du socialisme songeront peut-être à la SFIO de 1959 préparant les premières élections municipales de la V<sup>e</sup> République. Comme le PS après l’élection d’Emmanuel Macron et la proclamation par ce dernier d’un « nouveau monde », ce parti alors dirigé par Guy Mollet traversait une <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1964_num_14_3_403442">crise politique et identitaire profonde</a>, aggravée par la naissance d’un régime que le <a href="https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2001-4-page-101.htm">général de Gaulle</a> avait institué pour mettre fin – sans succès – à la « République des partis ».</p>
<p>À l’échelle des gauches, l’union demeurait un horizon lointain. Le Parti communiste, de loin sa plus puissante organisation après-guerre, se refusait – comme aujourd’hui La France insoumise (LFI) – à toute alliance, même tactique, et constituait une <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1969_num_10_4_1590">« contre-société » repliée sur elle-même</a>.</p>
<p>Enfin, l’exercice malheureux du pouvoir en 1956-1957 où Guy Mollet, à la tête d’un gouvernement de coalition, échoua à ramener la paix en Algérie et couvrit l’usage de la torture, provoqua en 1958 une scission dans les rangs de la SFIO débouchant, deux ans plus tard, sur la naissance du <a href="https://www.theses.fr/1992PA010550">Parti socialiste unifié (PSU)</a>.</p>
<p>Cet affaiblissement du parti, directement induit par l’exercice du pouvoir, évoque par ses conséquences politiques le quinquennat Hollande. <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/08/25/francois-hollande-la-faute-originelle_5502751_823448.html">Son crédit dans l’opinion est au plus bas</a> et il subit le départ d’une partie de ses troupes criant – à l’instar des fondateurs du mouvement Génération·s réunis autour de Benoît Hamon – à la trahison de l’idéal socialiste.</p>
<h2>Alliances avec la droite et désunion de la gauche : l’exemple de la SFIO</h2>
<p>L’analogie entre la SFIO des années 1960 et le PS actuel présente certes d’indéniables limites, qui s’expliquent principalement par les transformations de nos institutions républicaines et, plus largement, de la démocratie libérale occidentale depuis les années 1970. Elle fait toutefois sens si on l’envisage sous l’angle de la question municipale. En dépit de ses déboires, la formation de Guy Mollet demeurait une force avec laquelle compter grâce à la persistance de son enracinement <a href="https://www.pantheonsorbonne.fr/unites-de-recherche/crps/membres/chercheurs-et-enseignants-chercheurs-titulaires/sawicki-frederic/">dans ses fiefs historiques</a> (Nord, Pas-de-Calais, Bouches-du-Rhône et Sud-Ouest).</p>
<p>Le prix de la résistance fut toutefois lourd à payer. Comme sous la IV<sup>e</sup> République, il impliquait le maintien d’alliances locales avec la droite. Si ces dernières s’avéraient efficaces au plan électoral, elles accentuèrent la mauvaise réputation d’un parti fragile et de plus en plus « notabilisé », selon l’historienne <a href="https://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2007-4-page-35.htm">Noëlline Castagnez</a>. Les politiques gestionnaires promues par ses édiles alimentaient en outre une image d’immobilisme et constituèrent un frein à toute union de la gauche. Sans en être la seule cause, l’approche conservatrice et dépolitisée du local alors dominante contribua à la sclérose de la SFIO et à <a href="https://www.latribune.fr/journal/archives/edition-du-1807/politique-france/238816/en-1969-la-mort-de-la-sfio.html">sa disparition en 1969</a>.</p>
<h2>Quel visage pour le socialisme municipal après 2020 ?</h2>
<p>Le socialisme municipal ne prit pas toujours cette forme, même si la plupart des élus du PS tendent à la privilégier depuis 1981. Sans remonter aux années 1890 où <a href="https://www.cairn.info/sociologie-de-lille--9782707189233-page-83.htm?contenu=resume">Jules Guesde</a>, un soir de victoire électorale, érigea Roubaix en « Mecque du socialisme », des campagnes municipales plus récentes ont contribué à dynamiser le projet national du parti. L’élection de 1977 en constitue peut-être l’exemple le plus emblématique. Elle permit l’installation d’une nouvelle génération d’élus – dont beaucoup furent battus en 2014 – à la tête de <a href="https://www.theses.fr/084447273">nombreuses villes de plus de 50 000 habitants</a>. Elle accéléra également la professionnalisation du PS et légitima, aux yeux des dirigeants comme des militants, la stratégie de conquête du pouvoir national par <a href="https://fresques.ina.fr/mitterrand/parcours/0019/l-union-de-la-gauche.html">l’union de la gauche</a> fixée par François Mitterrand au congrès d’Épinay de juin 1971.</p>
<p>À la lumière de l’histoire longue du socialisme municipal, deux voies semblent aujourd’hui se dessiner pour le PS, bien qu’il soit toujours dangereux de s’aventurer sur le terrain de la prospective : celle de la continuité gestionnaire ou celle de la <a href="https://www-cairn-info.acces-distant.sciencespo.fr/revue-critique-internationale-2010-3-page-207.htm">« repolitisation »</a>, à savoir la promotion d’une politique locale affirmant ouvertement son caractère socialiste et sa singularité par rapport à celle de ses adversaires de droite ou de gauche.</p>
<p>Par-delà la question – cruciale – des alliances, notamment avec le mouvement écologiste, cette « deuxième voie » pourrait évoquer le « socialisme de l’eau et du gaz », approche politique mise en œuvre par la SFIO dans les années 1900 bien analysée par <a href="http://arbre-bleu-editions.com/le-socialisme-municipal.html">l’historienne Patrizia Dogliani</a>.</p>
<p>Celui-ci se fondait sur la municipalisation des services publics sous la forme de régies directes (eau, gaz, électricité), le développement conséquent de l’aide sociale publique et des investissements substantiels dans les équipements collectifs et l’école laïque. Cette approche socialiste du local contribua largement au succès de la SFIO dans les milieux populaires et, de manière plus profonde, à son enracinement durable dans le paysage politique républicain. En promouvant dans leur commune un avatar moderne de ce « socialisme de l’eau et du gaz », les élus PS pourraient donner une incarnation concrète au plaidoyer de leur parti en faveur d’un <a href="http://www.lours.org/document-declaration-de-principes-du-ps-2008">développement également respectueux des impératifs sociaux et écologiques</a>. Premier jalon d’une (longue) marche vers la reconquête d’une audience nationale ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140361/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathieu Fulla ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quoique très affaibli, le PS a bien résisté au premier tour des municipales. Cette résilience s’explique par la tradition d’enracinement local du parti. Peut-il se réinventer un avenir national ?Mathieu Fulla, Agrégé et docteur en histoire, membre permanent du Centre d’histoire de Sciences Po (CHSP), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1326392020-06-08T18:17:48Z2020-06-08T18:17:48ZPolitiques culturelles : comment les maires reprennent la main<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/340380/original/file-20200608-176550-1uy2w7u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C4%2C1000%2C658&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">A Nantes, les machines de l'ïle rencontrent un grand succès. </span> </figcaption></figure><p>La culture fait partie des tout premiers postes budgétaires de nombreuses villes de France, mais elle est tout à fait absente des débats de la campagne des élections municipales 2020. Ce phénomène est d’autant plus étrange que de nombreux maires en ont fait le levier majeur de leur action. Cet article revient sur certains enjeux et évolutions des futures politiques culturelles municipales.</p>
<h2>Une baisse des budgets relative</h2>
<p>Si l’on aime encore en France se référer au ministère de la Culture pour penser les politiques culturelles, il faut d’abord rétablir le fait qu’en termes budgétaires ce sont bien les communes qui en sont l’acteur majeur. Leurs dépenses sont évaluées à près de 9 milliards d’euros quand celles du ministère se situent autour de 6 milliards d’euros. En 2015, la dépense publique culturelle se répartirait « entre les communes (44 %), les groupements de communes (13 %), les départements (11 %), les régions (6 %) et l’État (26 %) », <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/ou-investit-le-plus-dans-la-culture-en-france">mais serait en baisse</a>.</p>
<p>La tendance serait à la baisse, mais quiconque affirme pouvoir donner le chiffre des dépenses culturelles exact en France prendrait un bien grand risque. D’une part, parce que les dépenses culturelles dans les ministères comme dans les collectivités territoriales sont le fait de nombreux services, culturels bien sûr, mais également, ceux de la jeunesse, des loisirs, du tourisme, parfois des sports et aujourd’hui des « politiques du numérique » qui se voient réattribuer des budgets autrefois culturels. D’autre part, parce que la définition de la culture varie énormément à l’intérieur même des politiques publiques. Entre des définitions artistiques élitistes et des définitions récentes qui puisent plutôt du côté des loisirs ou des droits culturels, le gouffre est immense et brouille toutes les statistiques.</p>
<p>La baisse des dépenses des villes serait donc toute relative, à différencier déjà en ce qui concerne les investissements ou les dépenses de fonctionnement pour lesquels l’Observatoire des politiques culturelles note que « 71 % des villes de plus de 100 000 habitants […] augmentent leurs budgets culturels de fonctionnement entre 2017 et 2018, et 21 % les réduisent ». Plus que d’une baisse, il faudrait plutôt parler d’une stabilisation des dépenses qui s’accompagne d’une réorientation des budgets vers de nouvelles priorités ; nous allons y revenir.</p>
<h2>Trois cas de figure nationaux</h2>
<p>Au-delà des questions de budget, il faut également distinguer des cas de figure communaux très différents en termes de contexte à l’échelle nationale. On pointera d’abord la situation exceptionnelle de l’Île-de-France avec une dépense culturelle publique sans commune mesure avec le reste du pays.</p>
<p>Le contraste est fort avec la situation des communes rurales et ce que Françoise Nyssen nommait les « zones blanches culturelles » dans son plan « Culture près de chez vous » en 2018. Dans le contexte rural, non seulement l’offre est rare mais les politiques culturelles structurées le sont encore plus. Seules les intercommunalités permettent des actions et la construction d’équipements. Mais au-delà de rares conservatoires, dans cette situation, les salles des fêtes ou les gymnases jouent très souvent le rôle de lieux culturels.</p>
<p>Il existe bien ça et là de grands festivals estivaux, des parcs d’attraction à vocation touristique mais, épars, ils sont plutôt pris en charge par les Départements et les Régions et apparaissent décalés <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01439297">par rapport aux attentes culturelles locales</a>. À l’année, l’offre culturelle se limite bien souvent à une fête de village, aux traditionnels feux d’artifices et repose largement, lorsqu’elle existe, sur le bénévolat des habitants.</p>
<p>Reste la situation des villes françaises hors Ile-de-France et si des nuances importantes existent entre les villes moyennes et les grandes métropoles, entre les centres et les périphéries, c’est bien là que se concentrent les velléités politiques municipales les plus importantes en matière culturelle.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/debat-trois-idees-fausses-a-lorigine-des-politiques-culturelles-francaises-128415">Débat : Trois idées (fausses) à l’origine des politiques culturelles françaises</a>
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<p>Dans cette France urbaine, les maires ont érigé la culture en enjeu politique majeur sous deux angles principaux. D’abord, emboîtant le pas des politiques culturelles nationales, ils reposent la question de l’accessibilité des publics et de l’action culturelle. Mais surtout, ils se sont saisis de la culture comme d’un levier à (presque) tout faire des politiques locales, en matière de cohésion sociale, de communication, mais surtout de développement territorial et économique.</p>
<h2>« Est bon ce qui se voit » : politiques événementielles et attractivité du territoire</h2>
<p>Pour les maires qui se sont ainsi emparés de la culture, « est surtout bon, ce qui se voit ». La tendance spectaculaire qui s’affirme depuis les années 2000, d’abord <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/07/12/il-y-a-une-festivalisation-de-la-culture-en-france_5488551_3232.html">avec la « festivalisation</a> » des politiques culturelles, chaque ville voulant son festival qui la distingue à l’échelle nationale. Une politique qui se poursuit aujourd’hui vers de nouvelles tendances : à travers la construction d’équipements pensés comme des mises en scène urbaines spectaculaires (Lyon, Marseille, Saint-Étienne, Bordeaux), ou par la multiplication des manifestations dans l’espace public (Nantes, Lille, Dunquerke).</p>
<p>Cette politique événementielle s’accompagne le plus souvent d’un discours sur l’attractivité du territoire et le développement touristique. Le rayonnement culturel nourrit ici l’image dynamique des villes pour attirer des populations jeunes, à fort pouvoir d’achat et des entreprises. On retrouve là la désormais bien connue instrumentalisation de la culture <a href="https://www.iau-idf.fr/fileadmin/NewEtudes/Etude_1265/Lieux_culturels_versionfinale.pdf">à des fins de développement territorial</a>. Tournée vers l’extérieur, outil de communication nationale, cette politique s’adresse également aux populations locales, moteur de cohésion et de l’identité d’une ville, mais surtout amplificateur de l’action des élus.</p>
<p>Il ne faudrait pas cependant réduire cette tendance au spectaculaire à un simple enjeu électoraliste. D’abord, parce que ces politiques culturelles participent bien depuis 20 ans du réaménagement de nombreux quartiers des villes de France, l’Île de Nantes ou Confluence à Lyon en étant de bons exemples. De plus, parce que si cette politique d’événements permet bien en période d’élection de valoriser un bilan, elle procède également de la volonté de certains élus de sortir d’une offre culturelle classique jugée de plus en plus inadaptée.</p>
<p>Si globalement depuis les années 1970, les villes se sont progressivement équipées et proposent une offre culturelle standard (théâtre, musée, bibliothèque), cette offre ne touche pas l’ensemble des populations. Malgré les efforts réalisés pour la démocratisation culturelle depuis plusieurs décennies, les enquêtes démontrent chaque fois que les théâtres et les musées sont toujours fréquentés par les mêmes milieux sociaux, plutôt diplômés, plutôt d’origine sociale supérieure, plutôt aisés.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quelle-place-pour-la-culture-dans-les-elections-municipales-131944">Quelle place pour la culture dans les élections municipales ?</a>
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<p>Pour les élus, la politique événementielle vise également de ce point de vue à la prise en compte de la demande de publics plus larges et de sortir à moindres frais d’une situation de saturation et d’essoufflement de l’offre standard, pour des villes qui n’ont plus les moyens d’investir dans des équipements ou des formes culturelles nouvelles.</p>
<h2>Droits culturels, tiers lieux, une nouvelle coquille vide ?</h2>
<p>Cette perspective événementielle n’est pas sans provoquer un certain malaise parmi les professionnels locaux de la culture. Face à l’évolution de l’offre, leur hégémonie de prescripteur et gestionnaire des équipements est remise en cause. Les budgets peuvent dans certaines villes être réorientés vers des projets plus grand public et il peut leur être demander de participer à ces projets, selon des thématiques à l’année. Et de voir certains professionnels dénoncer une politique tape-à-l’œil, l’abandon de l’action artistique au profit de l’animation, ainsi que le passage à une politique de financement par projet aux dépens d’un accompagnement et des subventions étatiques. La situation devient d’autant plus problématique que d’un autre côté les acteurs traditionnels se voient débordés également par une autre tendance qui ne cesse de s’amplifier, fondée sur le concept de droit culturel.</p>
<p>Si l’accès à la culture a toujours été le moteur et la légitimité première de l’action publique culturelle et des professionnels, aujourd’hui un déplacement s’opère de la question de l’œuvre vers celles des pratiques contemporaines et d’autres manières de vivre la culture.</p>
<p>Plus que l’accès aux œuvres ou l’éducation artistique, les droits culturels orientent l’action publique vers l’expression de la diversité des pratiques dans toutes les catégories de la population. Cette notion s’incarne également dans de nouveaux équipements, les tiers lieux culturels.</p>
<p>Ces nouvelles politiques tentent également de dépasser les segmentations entre disciplines artistiques et secteurs de l’action publique, rapprochant par exemple l’artistique du numérique et de l’économique. Se voulant moins élitistes, elles sont supposées reconnaître des pratiques jusque là non prises en compte par l’action publique, se voulant plus proches des habitants en réinscrivant la culture dans un temps quotidien entre le travail et le domicile.</p>
<p>Mais la représentativité de ces nouvelles orientations des droits culturels reste à nuancer. Leur mise en œuvre reste rare dans les communes car méconnue des élus. La notion de tiers lieux à laquelle sont associés les droits culturels apparaît dans certaines villes comme la solution fourre-tout à ces demandes locales. Elle vient rejoindre le cortège de concepts flous qui suivent les modes, comme les friches culturelles des années 2000, les lieux intermédiaires et autres fab labs sous toutes leurs déclinaisons…</p>
<p>Enfin, ces pratiques – pour certaines réellement en phase avec des diversités d’attentes moins prestigieuses que l’offre traditionnelle – sont surtout caractérisées par une culture du sous-financement, comme si populaire rimait nécessairement avec précaire.</p>
<p>Malgré les évolutions réelles pointées ici et la bonne volonté de certains maires, les dépenses de fonctionnement de l’offre culturelle dominent toujours dans les financements municipaux. Les marges de manœuvre sont étroites pour les élus les plus ouverts, et le deviendront certainement davantage après la crise sanitaire que nous venons de connaître.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132639/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Raffin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Entre événementiel et tiers-lieux, les politiques culturelles françaises se redessinent et définissent l’attractivité des territoires.Fabrice Raffin, Maître de Conférence à l'Université de Picardie Jules Verne et chercheur au laboratoire Habiter le Monde, Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1394202020-05-29T00:12:07Z2020-05-29T00:12:07ZLe sentier du littoral à l’épreuve de la stratégie de déconfinement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/337652/original/file-20200526-106862-k2reqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C31%2C5168%2C3414&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les autorités locales doivent faire preuve d’agilité pour satisfaire les attentes de leurs concitoyens après deux mois de confinement.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/girl-her-dog-walking-on-sentier-607945553">Claudiovidri/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le sentier du littoral désigne la totalité du linéaire ouvert, bordant le domaine public maritime et dont le tracé emprunte des terrains de nature juridique différente (public/privé) permettant d’accéder au rivage de la mer et de cheminer le plus possible le long du littoral.</p>
<p>Certains itinéraires empruntent d’anciens chemins des douaniers, dont le célèbre GR 34, qui longe le littoral du Mont-Saint-Michel à Saint-Nazaire. Les 2 000 kilomètres de ce sentier recevraient plus de 9 millions de visiteurs annuels.</p>
<p>Dans le cadre de l’épidémie du coronavirus et de la mise en place des mesures de confinement, les préfets ont pris des arrêtés qui ont conduit à une fermeture totale ou partielle du sentier du littoral pendant plus de 50 jours.</p>
<p>Dans la perspective du déconfinement, de <a href="https://www.lejdd.fr/Societe/deconfinement-les-plages-pourraient-elles-rouvrir-avant-le-2-juin-3965696">nombreux élus et acteurs économiques</a> de territoires littoraux se sont mobilisés pour réclamer une réouverture des plages. Depuis le 7 mai, le gouvernement a donc conféré aux préfets la responsabilité d’autoriser un accès aux plages à la demande des maires sur présentation d’un dispositif et des aménagements suffisants pour garantir une distanciation physique.</p>
<p>Mais quel est l’impact sur l’accès au sentier du littoral ?</p>
<h2>Autorité municipale</h2>
<p>Nombreux sont les acteurs qui interviennent dans la <a href="https://journals.openedition.org/soe/1897">gestion du sentier du littoral</a>. D’abord l’État, via les directions départementales des territoires et de la mer, est garant d’une servitude de passage des piétons le long du littoral et s’assure auprès des communes de son application et de l’entretien des sentiers par convention.</p>
<p>Ensuite, dans le cas où un sentier du littoral est labellisé « grande randonnée » GR par la Fédération française de randonnée pédestre (la fameuse marque de peinture blanche et rouge), il convient que les communes concernées fassent inscrire cet itinéraire dans un plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée, afin d’assurer un balisage homogène et financer l’entretien.</p>
<p>Beaucoup de communes ont déjà transféré les compétences relatives à l’entretien des sentiers aux intercommunalités. Pour autant, en pratique, l’entretien est souvent confié et assuré par diverses associations.</p>
<p>Les communes ont pourtant un rôle majeur concernant les sentiers du littoral, puisque le maire dispose d’un pouvoir de police afin de s’assurer du respect des propriétés privées. De plus, le maire doit se montrer garant via la police municipale, de la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Aussi toute décision concernant l’accès et les conditions d’usage du sentier du littoral revient au maire.</p>
<p>Dans cette crise sanitaire liée à la propagation du virus Covid-19, les maires ont été mis à rude épreuve. D’abord, ils ont une responsabilité de santé publique, notamment en cherchant par tous les moyens à fournir des masques à leurs concitoyens. Ensuite, ils sont depuis le 15 mars (ré)élus sans officialisation ou encore candidats aux élections municipales, le second tour ayant été suspendu pour cause de confinement.</p>
<p>Les « premiers magistrats » de la commune ne pouvaient pas espérer pire scénario.</p>
<p>Dans le cadre du processus de déconfinement, bien que la décision finale soit prise par les préfets, les maires doivent donc agir en leur âme et conscience afin d’assurer un équilibre entre la liberté de circuler sur le sentier du littoral et la sécurité, afin de limiter la propagation du virus.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/337634/original/file-20200526-106842-123doge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/337634/original/file-20200526-106842-123doge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=453&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/337634/original/file-20200526-106842-123doge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=453&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/337634/original/file-20200526-106842-123doge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=453&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/337634/original/file-20200526-106842-123doge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=569&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/337634/original/file-20200526-106842-123doge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=569&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/337634/original/file-20200526-106842-123doge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=569&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Interdiction d’accéder à des portions du sentier du littoral à La Trinité-sur-Mer (Morbihan, mai 2020).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marie-Noëlle Rimaud</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À partir du 11 mai, des réglementations départementales et municipales sont intervenues prenant en compte les particularités des sentiers du littoral et notamment la portion du GR 34. Voici quelques exemples des mesures prises en cette période de « post-confinement », à la suite d’une observation de terrain sur le GR 34.</p>
<h2>Des conditions d’accès hétérogènes</h2>
<p>Sur les premiers kilomètres du GR 34 au sein de la presqu’île de Guérande, on s’aperçoit que les communes, bien que limitrophes et reliées entre elles par le sentier du littoral n’appliquent pas la même réglementation concernant l’usage du sentier littoral.</p>
<p>Cette situation s’explique par la latitude laissée aux maires dans l’<a href="https://www.cheixenretz.fr/digishop/arrete-prefectoral-n-cab-2020-201-relatif-a-la-frequentation-de-certains-espaces-publics-de-la-loire-atlantique-2038/">arrêté préfectoral</a> daté du 12 mai 2020. L’article 3 stipulant que :</p>
<blockquote>
<p>« L’accès aux chemins côtiers […] est autorisé sous réserve du respect des mesures sanitaires définies par le maire localement, à qui il appartient de réglementer l’accès à ces espaces si leur configuration ou leur fréquentation ne permet pas de faire respecter les règles d’hygiène et de distanciation physique. »</p>
</blockquote>
<p>Ainsi, sur le sentier du littoral à Pornichet, un promeneur qui chemine d’ouest en est sans restriction, se voit refuser la poursuite de son itinéraire, dès lors qu’il arrive sur la commune de Saint-Nazaire. Une signalétique lui mentionne une interdiction d’accès aux piétons.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/337636/original/file-20200526-106866-5uq6pt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/337636/original/file-20200526-106866-5uq6pt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/337636/original/file-20200526-106866-5uq6pt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/337636/original/file-20200526-106866-5uq6pt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/337636/original/file-20200526-106866-5uq6pt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/337636/original/file-20200526-106866-5uq6pt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/337636/original/file-20200526-106866-5uq6pt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Signalétique de sens unique de circulation sur le chemin côtier à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique, mai 2020).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jérôme Piriou</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Et pour cause, le maire de Saint-Nazaire a instauré un sens obligatoire d’est en ouest pour parcourir le sentier du littoral, obligeant les usagers à emprunter les rues adjacentes au retour.</p>
<p>À une quinzaine de kilomètres de là, une fois passé la baie de La Baule, les promeneurs qui ont parcouru sans restriction le sentier du littoral sur la commune du Pouliguen, doivent rebrousser chemin en arrivant à Batz-sur-Mer.</p>
<p>Dans cette commune, un <a href="http://www.batzsurmer.fr/fr/actualite/177240/covid-19-actualites-mises-jour">arrêté municipal</a> du 14 mai 2020, interdit l’accès aux chemins et sentiers côtiers « en raison de l’exiguïté des espaces qui ne permettent pas de garantir les conditions de sécurité sanitaire requise ».</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/337646/original/file-20200526-106823-165viqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/337646/original/file-20200526-106823-165viqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=778&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/337646/original/file-20200526-106823-165viqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=778&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/337646/original/file-20200526-106823-165viqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=778&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/337646/original/file-20200526-106823-165viqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=978&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/337646/original/file-20200526-106823-165viqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=978&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/337646/original/file-20200526-106823-165viqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=978&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Port du masque obligatoire sur le sentier du littoral au Croisic (Loire-Atlantique, mai 2020).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jérôme Piriou</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À l’ouest de Batz-sur-Mer, la commune limitrophe du Croisic a fait le choix d’autoriser la pratique du sentier du littoral, mais le maire a pris un arrêté municipal le 11 mai 2020, rendant le <a href="https://www.saintnazairenews.fr/news/le-croisic-le-port-du-masque-obligatoire-sur-le-sentier-cotier">port du masque obligatoire</a>.</p>
<p>Enfin, au nord du Croisic, les communes de La Turballe et de Piriac-sur-Mer ont ouvert le sentier du littoral et installées des affiches, dont un pictogramme qui recommande le port du masque, mais sans obligation ni arrêtés municipaux.</p>
<p>Les mêmes types de mesures ont été observés dans le Morbihan, avec par exemple l’interdiction du sentier côtier à La Trinité-sur-Mer et le <a href="https://www.ville-quiberon.fr/actualites/officiel/plages-et-chemins-cotiers">port du masque recommandé ou obligatoire</a> (si distance de moins d’un mètre) à Quiberon…</p>
<h2>Une harmonisation souhaitable</h2>
<p>Cette crise sanitaire majeure a remis le maire au cœur de l’action publique, alors que l’intercommunalité avait tendance à gagner du terrain dans diverses actions liées aux transferts de compétences.</p>
<p>Concernant la gestion du sentier du littoral, il est marquant de constater que chaque commune cherche à appliquer sa propre réglementation, mais après tout n’est-ce pas là le rôle premier du politique que de défendre ses idées, compte tenu de sa connaissance privilégiée du territoire et de ses habitants ?</p>
<p>Ce mode de gestion a généré une incompréhension de la population face aux interdictions pesant sur certains espaces uniquement (voir le florilège de commentaires sur les réseaux sociaux). De plus, il reste difficile pour les habitants des environs de suivre l’évolution de la situation, du fait d’un accès compliqué aux informations (hétérogénéité dans l’affichage sur le terrain, réseaux sociaux et sites Internet des municipalités pas toujours mis à jour, etc.).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1260182251221942273"}"></div></p>
<p>Une harmonisation entre les communes, en particulier une réouverture conjointe des espaces, aurait évité toute confusion entre lieux fermés et lieux ouverts, qui a conduit à une ruée vers ces derniers.</p>
<p>Soumis à la tutelle des représentants de l’État (préfets de départements), les maires doivent faire preuve d’agilité pour satisfaire les attentes de leurs concitoyens, dans ce besoin d’accès à l’espace public littoral après deux mois de confinement.</p>
<p>L’exercice n’est pas sans risques, mais les administrés devraient être en mesure de comprendre un message qui, à défaut d’être uniforme, est sans équivoque.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
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<p><em>Les recherches de Jérôme Piriou sur l’impact politique des usages pédestres sur les sentiers du littoral s’inscrivent dans le programme <a href="https://www.vips2.fr/imterped/">IMTERPED</a>, soutenu par la Fondation de France (2016-2020). Premier réseau de philanthropie en France, la <a href="https://www.fondationdefrance.org/fr">Fondation de France</a> réunit, depuis 50 ans et sur tous les territoires, des donateurs, des fondateurs, des bénévoles et des acteurs de terrain.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139420/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Piriou est membre du projet IMTERPED, Impacts TERritoriaux des loisirs PEDestres sur le littoral : innovations, changements et transformations des usages, soutenu par la Fondation de France.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marie-Noëlle Rimaud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Cet itinéraire de grande randonnée traverse plusieurs municipalités, ce qui rend difficile l’harmonisation des conditions d’accès et de promenade.Jérôme Piriou, Professeur assistant, pôle marketing, ExceliaMarie-Noëlle Rimaud, Professeur associé, pôle marketing, ExceliaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1368762020-05-10T21:44:05Z2020-05-10T21:44:05ZÉlections municipales : ce que révèle l’analyse du premier tour de mars 2020<p>La plupart des observateurs des élections municipales qui se sont tenues le dimanche 15 mars en ont essentiellement retenu le taux de participation – le plus faible jamais enregistré pour ce type de scrutin –, commentant notamment le lien entre cette abstention record et la situation sanitaire entourant la crise du Covid-19.</p>
<p>Le contexte spécifique dans lequel ces élections ont eu lieu et les incertitudes qui subsistent autour de l’<a href="https://www.ouest-france.fr/elections/municipales/municipales-quels-scenarios-pour-le-report-du-second-tour-6812997">organisation du second tour</a>, engendrent aujourd’hui des tensions qui conduisent certaines associations ou citoyens à remettre en cause le <a href="https://www.lavoixdunord.fr/746421/article/2020-04-28/les-resultats-des-municipales-contestes-dans-cinq-villes-du-bethunois-22">scrutin</a>.</p>
<p>Malgré cela, l’analyse des résultats de ce premier tour (agrégés et dans leur contexte) permet de jauger l’état des forces politiques dans le pays, trois ans après l’accession d’Emmanuel Macron au pouvoir.</p>
<h2>Les éléments à prendre en compte</h2>
<p>Que donnent donc à voir les élections de mars 2020 ? Comme tout scrutin de « mi-mandat », les <a href="https://theconversation.com/le-difficile-atterrissage-municipal-de-lrem-132043">scores du parti présidentiel</a> La République en Marche (LREM) sont bien à observer en regard de ceux des forces d’opposition, en l’occurrence les deux partis traditionnels de l’échiquier politique français (le <a href="https://theconversation.com/municipales-un-scrutin-decisif-pour-le-parti-socialiste-133022">Parti socialiste</a> PS et les Républicains, LR), l’extrême droite, et la gauche radicale. Mais il faut aussi compter sur d’autres éléments :la recomposition en cours du système partisan français, la résistance possible de certains bastions, le <a href="https://theconversation.com/municipales-a-qui-va-profiter-le-jeu-de-pele-mele-electoral-130662">brouillage de l’offre politique induit par la multiplication des alliances</a> et des listes étiquetées « citoyennes », ou encore la dynamique ascendante des écologistes.</p>
<p><a href="https://espol-lille.eu/en/project-projet-pelican-municipales-2020-dans-les-hauts-de-france/">Notre projet de recherche s’est focalisé sur</a> toutes les villes de plus de 15 000 habitants, leur paysage politique étant généralement le plus <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/le-billet-politique/le-billet-politique-du-vendredi-10-janvier-2020">lié à la scène politique nationale</a>.</p>
<p>Au total, avec près de 18 millions d’électeurs inscrits, ces villes représentent 37,5 % de l’électorat du pays.</p>
<h2>État des lieux avant le scrutin</h2>
<p>Retracer les résultats de la gauche et de la droite depuis 2001 permet de rendre compte de l’évolution des forces politiques locales à moyen terme.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/332370/original/file-20200504-83740-y6mibf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/332370/original/file-20200504-83740-y6mibf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=346&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/332370/original/file-20200504-83740-y6mibf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=346&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/332370/original/file-20200504-83740-y6mibf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=346&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/332370/original/file-20200504-83740-y6mibf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=435&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/332370/original/file-20200504-83740-y6mibf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=435&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/332370/original/file-20200504-83740-y6mibf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=435&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Graphique 1. Évolution du nombre de villes de plus de 15 000 habitants gagnées par les tendances depuis 2001.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Calculs des auteurs, données du Ministère de l’Intérieur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Nous nous appuyons sur les étiquettes attribuées aux différentes listes par le <a href="https://www.data.gouv.fr/fr/reuses/municipales-2020-nuances-des-listes-par-effectifs/">ministère de l’Intérieur</a> afin de les classer en trois catégories : la gauche (de l’extrême gauche aux écologistes en passant par les listes socialistes), la droite (listes d’extrême droite, de droite traditionnelle et du centre) et une catégorie « divers » (comprenant les étiquettes non immédiatement liées à l’une des deux catégories mentionnées précédemment, comme les listes régionalistes par exemple).</p>
<p>Comme le montre le Graphique 1, les élections municipales de 2014 avaient été marquées par une nette victoire de la droite au niveau national, largement interprétée comme une sanction contre François Hollande alors président à mi-mandat. Six ans auparavant, en 2008, la gauche avait profité de la fin de la courte lune de miel de Nicolas Sarkozy avec les Français pour remporter 53,9 % des villes de notre panel.</p>
<p>À la veille des élections de mars 2020, la situation est donc largement favorable à la droite et autres alliances de centre droit. Cette tendance dirige 408 villes grandes et moyennes (soit 63,0 % d’entre elles), alors que la gauche n’en détient que 231 (35,6 %) – parmi lesquelles seulement 36 sont étiquetées exclusivement socialistes (l’immense majorité des autres listes de gauche s’étant imposées en 2014 étant des listes d’union de la gauche).</p>
<h2>L’offre électorale du 15 mars</h2>
<p>Indicateur de l’ancrage local des différents partis tout autant que de la structure de leur base militante, le nombre de listes présentées permet également d’évaluer le morcellement de l’offre politique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/332372/original/file-20200504-83751-16m532e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/332372/original/file-20200504-83751-16m532e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/332372/original/file-20200504-83751-16m532e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/332372/original/file-20200504-83751-16m532e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/332372/original/file-20200504-83751-16m532e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=556&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/332372/original/file-20200504-83751-16m532e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=556&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/332372/original/file-20200504-83751-16m532e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=556&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>Le Tableau 1 montre qu’entre 2001 et 2020, le nombre moyen de listes dans les municipalités de plus de 30 000 habitants a augmenté de près de 50 %, passant de 4,1 à 6,2.</p>
<p>Cette hausse est constante sur la période et se produit dans toutes les catégories de villes observées, quelle que soit leur population.</p>
<p>Sans surprise, les (très) grandes villes affichent en moyenne un nombre plus élevé de listes. Le nombre de villes de plus de 100 000 habitants avec plus de 10 listes a d’ailleurs explosé en 2020 (24 contre 6 en 2014). En d’autres termes, plus la ville est grande, plus l’offre politique est abondante. Surtout, c’est dans les très grandes villes, et dans celles-ci uniquement, que 2020 se distingue des autres scrutins l’ayant précédé en y enregistrant une bien plus forte progression. La fragmentation de la vie politique nationale se donnerait donc à voir de par la multiplication des listes présentées, surtout dans les grandes métropoles.</p>
<p>En ce qui concerne l’ancrage local des partis, notons qu’en 2020 l’extrême droite (listes RN ou associées) a constitué des listes dans presque toutes les villes de plus de 100 000 habitants, dans 42 des villes comptant entre 50 000 et 100 000 habitants et dans 53 de celles situées entre 30 000 et 50 000 habitants. À l’exception d’un certain <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/03/24/pourquoi-le-fn-fait-vraiment-mieux-qu-en-2008_4388677_4355770.html">« passage à vide »</a> en 2008 son ancrage ne semble pas en fait avoir fondamentalement <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2014-3-page-18.htm">évolué</a> depuis 2001 (suite à la scission entre le FN et le MNR), et est même légèrement en deçà des chiffres observés en 2014 (avec respectivement 46, 58 et 90 listes).</p>
<p>La présence accrue de listes du centre est aussi à relever. Cette tendance était absente en 2001, mais s’était déjà fortement organisée sous l’impulsion du MoDem en 2008, présentant notamment 44 listes dans les villes de plus de 100 000 habitants. En 2020, la forte présence centriste n’est pas sans rapport avec celle de LREM qui a présenté à elle seule 161 listes. Mais le parti présidentiel a surtout créé de nombreuses alliances, principalement avec d’autres partis du centre ou de droite (MoDem, UDI, LR). C’est le cas dans 311 villes.</p>
<h2>Pertes, gains et reconductions</h2>
<p>Le taux de reconduction des majorités municipales sortantes en 2008 et 2014 constitue un autre indicateur pertinent des recompositions nationales.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/332367/original/file-20200504-83745-6un061.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/332367/original/file-20200504-83745-6un061.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/332367/original/file-20200504-83745-6un061.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/332367/original/file-20200504-83745-6un061.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/332367/original/file-20200504-83745-6un061.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/332367/original/file-20200504-83745-6un061.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/332367/original/file-20200504-83745-6un061.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>La comparaison de ces taux de reconduction (par grandes tendances politiques) à la fin des premiers tours des différentes élections, montre que si la droite n’avait conservé que 42,3 % de ses mairies précédemment détenues en 2008, ce score est passé à 50,1 % en 2014 (Tableau 2).</p>
<p>En miroir, l’élection de 2014 n’avait permis à la gauche de reconquérir directement après le premier tour qu’un pourcentage historiquement bas de 30,6 % de ses municipalités, contre 59,8 % lors du scrutin précédent. Dimanche 15 mars, les deux tendances se sont largement neutralisées avec des taux de renouvellement dès le premier tour davantage resserrés, s’élevant respectivement à 50,9 % pour la droite et 40,6 % pour la gauche. Au total, sur les 229 communes détenues par la gauche au matin du premier tour, 93 lui sont directement revenues le soir même, alors que la droite a ruiné tout suspense dans 207 des 407 communes qu’elle administrait déjà.</p>
<p>Ce qui a néanmoins changé, c’est bien l’étiquetage et la composition des listes des deux côtés, avec notamment la résurgence politique des listes de centre gauche (notamment EELV) et surtout de centre droit (alliances électorales autour de LREM).</p>
<h2>Vers un nouveau jeu d’alliances ?</h2>
<p>Mais c’est peut-être davantage l’ampleur des taux de reconduction à l’issue du second tour qui, jusqu’en 2014, confirmait le phénomène de fortes implantations locales. Ainsi, même lorsqu’une tendance perd les élections, elle parvient depuis 2008 à conserver une large majorité de ses mairies (que ce soit la gauche en 2014 ou la droite en 2008). La tenue du second tour, même si elle est encore entourée de diverses incertitudes, permettra de confirmer ou d’infirmer ce constat pour 2020 – le contexte de crise sanitaire et les efforts des municipalités en place pour y faire face pouvant potentiellement d’autant plus jouer en faveur des équipes sortantes.</p>
<p>Il est en définitive bien difficile de dégager un vainqueur à l’issue de ce premier tour. Si LREM ne sort pas grandi du scrutin et continue de s’éloigner de ses scores de 2017, sa stratégie d’alliances lui a permis de limiter les dégâts et de maintenir le bloc de droite (du centre droit à la droite traditionnelle) dans ses clous. Pour autant, les bastions de gauche ont tenu ou sont en position de le faire. Là où les fusions de listes doivent d’habitude se décider en quelques jours, un entre-deux-tours de plusieurs mois risque bien de redessiner les stratégies d’alliances des partis.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136876/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Malgré le contexte de crise sanitaire dans lequel il a eu lieu, le bilan du premier tour des élections municipales françaises de 2020 permet de dresser un état des forces politiques dans le pays.Marie Neihouser, PhD, lecturer in Political Science, Université LavalCamille Kelbel, Post-doctoral researcher, Institut catholique de Lille (ICL)François Briatte, Assistant Lecturer in Political Science, Institut catholique de Lille (ICL)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1308022020-03-23T18:47:04Z2020-03-23T18:47:04ZLa décentralisation, une histoire longue minée par les incohérences<p>La France peut-elle réellement adopter une décentralisation cohérente de son territoire ? Le 25 avril 2019, à l’occasion du Grand Débat national, le président de la République avait affirmé sa volonté d’ouvrir <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/un-nouvel-acte-de-decentralisation-et-un-nouveau-pacte-territorial%29">« un nouvel acte de décentralisation adapté à chaque territoire »</a>.</p>
<p>Deux textes, la <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/268675-loi-du-27-decembre-2019-engagement-dans-la-vie-locale-loi-sur-les-maires">loi engagement et proximité</a> et le <a href="https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/projet-de-loi-3d-decentralisation-differenciation-et-deconcentration">projet de loi 3D</a>, ainsi que plusieurs rapports parlementaires (rapport <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/colter/l15b1687_rapport-information">Cazeneuve et Viala</a>, rapport <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_lois/l15b2539_rapport-information">Questel et Schellenberger</a>) ont été annoncés ou adoptés depuis sans pour autant qu’une visibilité totale du contenu de la réforme ne soit apparue.</p>
<h2>Une vision gestionnaire de la décentralisation</h2>
<p>D’où vient ce besoin crucial de décentralisation en France ? L’idéal des libertés locales, en tant que liberté de s’organiser à l’échelon de proximité a été construit dès l’Ancien Régime autour de l’imaginaire collectif et de la commune érigeant celle-ci comme un bastion puissant et relativement indépendant porteur de sens et de solidarité. Une vision politique de la décentralisation s’est ainsi peu à peu forgée, dans laquelle les communes resteraient maîtresses des grandes orientations de la vie publique locale.</p>
<p>Le [rapport Guichard en 1976](https://www.senat.fr/rap/r99-447-1/r99-447-13.html](https://www.senat.fr/rap/r99-447-1/r99-447-13.html) fait un constat de sclérose du fonctionnement de l’État et d’un besoin de décentralisation. Ce texte a fait émerger l’idée de décentralisation et la création d’un terreau favorable.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/319823/original/file-20200311-116270-18e1b2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/319823/original/file-20200311-116270-18e1b2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=761&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/319823/original/file-20200311-116270-18e1b2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=761&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/319823/original/file-20200311-116270-18e1b2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=761&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/319823/original/file-20200311-116270-18e1b2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=957&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/319823/original/file-20200311-116270-18e1b2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=957&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/319823/original/file-20200311-116270-18e1b2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=957&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Hubert Dubedout, maire de Grenoble dans les années 80, penseur de la décentralisation.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/b/b8/H._Dubedout0002.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Portée au début des années 80 par des hommes politiques comme Gaston Deferre (alors <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Gaston_Defferre#Ministre">ministre de l’Intérieur</a> et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hubert_Dubedout">Hubert Dubedout</a> (maire de Grenoble), la décentralisation se traduisait par la construction d’un espace public à l’échelon local.</p>
<p>Cette vision politique était corroborée par une mise en perspective du principe de <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1979/79104DC.htm">libre administration par le Conseil constitutionnel</a> et une valorisation de la clause générale de compétence. Cette dernière permet de prendre les décisions à l’échelon local sur toute question d’intérêt public local.</p>
<p>Ainsi, alors même que la décentralisation bénéficiait d’une aura positive et était présentée comme un élément de dynamique territoriale ayant amené du service à la population et la construction d’un certain nombre d’équipements (maisons de retraite, salles omnisports, terrains de tennis, salles de concert) la crise de 2008 allait marquer un tournant.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/IJ5ObeaEPgI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Un regard très critique de la classe politique</h2>
<p>D’un discours valorisant de la décentralisation, la classe politique de façon quasi unanime a changé de ton pointant les dérives et juxtapositions d’échelons de ces processus.</p>
<p>Le discours de Toulon du 25 septembre 2008 de <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2009/03/06/reforme-des-collectivites-locales-nicolas-sarkozy-choisit-de-temporiser_1164467_823448.html">Nicolas Sarkozy</a>, et le <a href="https://www.fayard.fr/documents-temoignages/il-est-temps-de-decider-9782213644158">rapport Balladur</a> (<em>Il est temps de décider</em>, 2009) ont été particulièrement marquants, mettant en avant l’idée qu’il y a trop d’échelons, trop d’élus et que cela coûte trop cher.</p>
<p>La rationalisation des moyens et des structures est devenue le maître mot des réformes territoriales depuis, dans un contexte financier contraint et sous contrôle européen. Les lois qui se sont succédé, parfois loin de la logique de décentralisation – comme la <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/19610-la-loi-du-16-decembre-2010-de-reforme-des-collectivites">loi du 16 décembre 2010</a> de réforme des collectivités territoriales – sont venues dès lors essayer de rationaliser le paysage institutionnel, sans d’ailleurs y réussir.</p>
<p>Or l’édifice dans lequel l’ensemble des protagonistes a évolué semble vaciller depuis.</p>
<h2>Des attentes et des ambitions contraires</h2>
<p>L’État n’a ainsi pas abouti à une organisation rationnelle des structures et des compétences, en témoigne la juxtaposition toujours présente des échelons et des structures. Les élus locaux doivent composer avec des réformes imposées comme la <a href="http://www.leparisien.fr/politique/fusion-des-regions-le-bilan-severe-de-la-cour-des-comptes-25-09-2019-8159958.php">fusion des régions</a> ; les administrés peinent à se reconnaître dans des structures où les aspects techniques et technocratiques prennent le dessus sans questionner la base.</p>
<p>La fusion des intercommunalités et la constitution <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tablissement_public_de_coop%C3%A9ration_intercommunale">d’Établissements publics de coopération intercommunale XXL</a> (EPCI, partir de 50 communes) en constituent une bonne illustration.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/319826/original/file-20200311-116281-u6gg35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/319826/original/file-20200311-116281-u6gg35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/319826/original/file-20200311-116281-u6gg35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/319826/original/file-20200311-116281-u6gg35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/319826/original/file-20200311-116281-u6gg35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/319826/original/file-20200311-116281-u6gg35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/319826/original/file-20200311-116281-u6gg35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/319826/original/file-20200311-116281-u6gg35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte des intercommunalités du département de la Loire, France. Composition au 1ᵉʳ janvier 2019.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_intercommunalit%C3%A9s_de_la_Loire#/media/Fichier:42-Loire-intercos-2019.png">Roland45/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Chaque réforme, au lieu de simplifier, a au contraire complexifié le phénomène en y ajoutant de nouveaux éléments.</p>
<p>La création des <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/20131-que-sont-les-poles-metropolitains-crees-par-la-loi-de-2010">pôles métropolitains en 2010</a> en constitue une bonne illustration. Cette création a elle-même été suivie en 2014 de celle des pôles d’équilibre territoriaux et ruraux en milieu rural.</p>
<p>C’est aussi dans cette ligne que les réformes ont été effectuées sous la mandature de François Hollande. Elles ont été en grande partie imposées aux collectivités territoriales, peu concertées, comme la loi NOTRe adoptée le 7 août 2015 et portant sur la <a href="https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/loi-portant-sur-la-nouvelle-organisation-territoriale-de-la-republique-notre">nouvelle organisation du territoire</a>.</p>
<h2>Un bilan sévère de la loi NOTRe</h2>
<p>[Le rapport d’information](http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rap-info/i2539.pdf](http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rap-info/i2539.pdf) de l’Assemblée nationale publié le 21 janvier 2020 dresse un bilan sévère de cette loi.</p>
<p>Les titres et sous-titres des différents chapitres de ce rapport parlent d’eux-mêmes :</p>
<blockquote>
<p>« Une loi mal née qui n’a pas atteint ses objectifs »</p>
<p>« Un big bang territorial conduit à marche forcée »</p>
<p>« Une organisation territoriale plus complexe et une perte de proximité pour les citoyens »…</p>
</blockquote>
<p>Le constat semble sans appel tant sur la méthode que sur le fond. Les recompositions opérées n’ont pas permis de trouver une cohérence globale et ne se sont pas traduites par des économies. La fusion des régions par exemple s’est révélée coûteuse et n’a pas généré les <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-09/20190924-synthese-Finances-publiques-locales-2019-fascicule2_0.pdf">économies attendues</a>.</p>
<p>Il est ainsi pointé que la fusion des régions avec la création des grandes régions ou encore le développement d’<a href="https://www.lagazettedescommunes.com/645071/le-rapport-qui-rehabilite-les-intercommunalites-xxl">intercommunalités</a> ont été entrepris de façon dogmatique et sans que les économies annoncées ne soient au rendez-vous.</p>
<h2>Donner des gages aux élus locaux</h2>
<p>Afin de donner des gages aux élus locaux à la veille des élections municipales, un nouveau texte a été présenté alors même que se dessine en creux la <a href="https://www.cget.gouv.fr/actualites/edouard-philippe-et-jacqueline-gourault-presentent-le-projet-de-loi-3d">réforme dite 3D</a> : « décentralisation, déconcentration et différenciation » qui fait actuellement <a href="https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/projet-de-loi-3d-decentralisation-differenciation-et-deconcentration">l’objet de concertations</a> à travers le territoire. L’examen de la loi a été récemment ajourné à <a href="https://www.lagazetedescommunes.com/665857/loi-3d-jacqueline-gourault-annonce-un-examen-plutot-apres-lete/">« après l’été »</a> d’après la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault.</p>
<p>Ce n’est donc pas une révision constitutionnelle que nous aurons mais un projet de loi suscitant des attentes qu’il ne faudra pas décevoir…</p>
<h2>Revaloriser la commune ?</h2>
<p>Il n’est pas sûr pour autant que le discours actuel de revalorisation de la commune, (par exemple avec des scissions d’<a href="https://www.collectivites-locales.gouv.fr/cartographie-des-epci-a-fiscalite-propre">EPCI à fiscalité propre</a>, de mesures en faveur des petites communes, soit porteur de sens alors que la perspective globale semble quand même aller vers un renforcement de l’intercommunalité. On est ainsi soumis à des mouvements de composition, recompositions dont on peine à voir la cohérence globale.</p>
<p>Si depuis 2010 le législateur s’est attaché à mettre en place des moyens coercitifs de regroupement, revaloriser la commune comme idéal semble tout aussi discutable.</p>
<p>Par ailleurs, alors même que les <a href="https://www.francebleu.fr/infos/societe/pourquoi-les-communes-se-regroupent-elles-1547573504">communes nouvelles</a> commencent à trouver leur place dans le paysage institutionnel, la revalorisation du statut des élus des petites communes pose question.</p>
<p>Pour autant, la création d’une commune nouvelle constitue très certainement une hypothèse d’étude intéressante pour pallier l’émiettement communal et faire face à des dépenses que ne peuvent plus assumer les plus petites communes.</p>
<h2>La différenciation en question</h2>
<p>La différenciation, qui vise à permettre une adaptation de la règle en fonction des réalités locales, au cœur du projet de loi 3D, même si ce dernier est évolutif, permet par exemple à certaines communes de délivrer des <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/606788/droit-a-la-differenciation-vers-une-nouvelle-etape-de-la-decentralisation/">cartes d’identité</a>. Dans d’autres cas, cela permet à un département d’élaborer un Schéma de cohérence territoriale (SCoT) ou entre <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/inter-scot-des-territoires-en-devenir">départements</a>, une mesure aujourd’hui plébiscitée et valorisée par l’ensemble des acteurs que ce soit la classe politique, les élus locaux ou encore le gouvernement.</p>
<p>Certes, la prise en compte des spécificités territoriales existe déjà dans le texte constitutionnel (article 73, collectivité à statut particulier) ou dans les dispositifs prévus (Loi littoral, loi montagne, expérimentations…).</p>
<p>Mais le fait d’en permettre un exercice élargi semble susciter un engouement sans commune mesure avec les risques d’inégalités engendrés. Pourtant, au lieu de faire un véritable diagnostic de l’état des lieux de l’exercice des compétences, le gouvernement préfère donner des gages qui risquent d’être limités.</p>
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<figcaption><span class="caption">La loi littoral permet à certaines communes d’agir en fonction de leurs spécificités (ici en 2018 discussion autour de modifications de cette loi).</span></figcaption>
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<h2>Des écueils à prévoir</h2>
<p>La possibilité de différenciation restera ainsi encadrée au regard du principe d’égalité et elle évoluera dans un cadre constitutionnel inchangé comme l’a souligné le <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/272705-jacqueline-gourault-06012020-decentralisation">discours de Mme Gourault</a> du 6 janvier 2020 à l’occasion de la première des concertations régionales avec les élus locaux à Arras.</p>
<p>La différenciation engendrera aussi une complexité juridique à tous les niveaux, qui pourrait se traduire par une perte de confiance dans les institutions et le développement de territoires à deux vitesses entre ceux qui auront les moyens de faire, ceux qui auront des spécificités suffisantes à faire valoir et les autres restant soumis au corpus général.</p>
<p>L’enjeu est bien réel dans la mesure où il s’agit à la fois de permettre à des collectivités de même rang de gérer des compétences différentes ou encore de maintenir notamment au-delà d’une expérimentation un dispositif dérogatoire.</p>
<p>Pour autant, comme l’a souligné le <a href="https://www.conseil-etat.fr/ressources/avis-aux-pouvoirs-publics/derniers-avis-publies/differenciation-des-competences-des-collectivites-territoriales-relevant-d-une-meme-categorie-et-des-regles-relatives-a-l-exercice-de-ces-competences">Conseil d’État</a> dans un avis rendu le 7 décembre 2017, la différenciation de compétence doit demeurer limitée. Elle ne doit pas remettre en question les distinctions opérées par la Constitution entre les collectivités qui relèvent de l’article 72 et d’un principe d’identité législative et celles qui relèvent de l’article 73 et d’un principe d’adaptation législative (reconnu pour les départements et les régions d’outre-mer).</p>
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<figcaption><span class="caption">Cette nouvelle collectivité va se substituer aux deux départements alsaciens à partir de 2021.</span></figcaption>
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<p>Une différenciation ne peut être ainsi légitimée que par une différence de situation ou encore des considérations d’intérêt général en lien avec l’objet de la réglementation. Pour les collectivités de même rang, il faudra ainsi faire valoir la spécificité et les considérations d’intérêt général comme cela a été le cas, de façon limitée, pour la collectivité européenne d’Alsace.</p>
<p>Le véritable changement en droit des collectivités territoriales serait alors très certainement de revenir à des fondamentaux structurant la matière tels le principe de libre administration et l’autonomie financière. Cela permettrait de redonner du sens à des territoires porteurs de projets pour répondre aux besoins locaux sans ouvrir une boîte à outils administratifs qui risque de creuser les écarts entre les territoires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130802/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Martine Long est membre d'une structure de démocratie participative.
Membre du conseil de développement de Loire Angers </span></em></p>Les attentes et ambitions de la décentralisation en France présentent de nombreuses contradictions.Martine Long, Maitre de conférences (HDR) en droit public, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1332572020-03-23T18:47:03Z2020-03-23T18:47:03ZPourquoi la décentralisation à la française ne marche pas ?<p>Aux examens de la fonction publique, un texte ne peut être ignoré. Il s’agit de <em>Qu’est-ce qu’une Nation</em> <a href="http://www.iheal.univ-paris3.fr/sites/www.iheal.univ-paris3.fr/files/Renan_-_Qu_est-ce_qu_une_Nation.pdf">d’Ernest Renan</a>, considéré comme le texte fondateur de la conception de la Nation à la Française. On y apprend qu’une « province » doit avoir son mot à dire concernant la façon dont elle s’autogouverne. Cela contredit le centralisme français ? Non. Il s’agit d’une idée qu’on retrouve dans la constitution telle qu’elle est depuis 2003, <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006527579&cidTexte=LEGITEXT000006071194&dateTexte=20030329">selon laquelle</a> « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon ».</p>
<p>Aujourd’hui, un <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b2203_projet-loi">projet de loi constitutionnelle</a> enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale vise à répéter encore une fois le même principe avec d’autres mots : il souhaite introduire dans la constitution un <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/22035-collectivites-locales-deputes-droit-differenciation">droit à la différenciation</a> entre collectivités territoriales.</p>
<h2>La France, l’un des pays les plus centralisé</h2>
<p>Pourtant, malgré la répétition inlassable de ce même principe, la France reste, avec le Royaume-Uni, un des grands pays européens les plus centralisé. Les indicateurs internationaux, tels que le <a href="https://www.arjanschakel.nl/index.php/regional-authority-index">Regional Authority Index</a> montrent que la France est l’une des grandes démocraties au monde qui s’est le moins décentralisée pendant ces trente dernières années.</p>
<p>La dotation générale de fonctionnement aux collectivités territoriales depuis 2012 a baissé d’environ <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/455909/baisse-des-dotations-une-si-longue-histoire">10 milliards d’euros</a>. Les élus locaux montrent par leurs actions et par leurs paroles un malaise à cause des nombreuses contraintes législatives et réglementaires. En témoigne <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/Rapport%20Enquete%20maires%208_11_19-1.pdf">l’enquête du CEVIPOF auprès des maires de juillet 2019</a>.</p>
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<p>Sept maires sur dix estiment que l’État veut reprendre la main sur l’action des municipalités. Ces affirmations sont cohérentes avec le fait que, sur la période 2014-2018 qui correspond aux quatre premières années de leur mandat, <a href="https://www.lefigaro.fr/politique/2018/08/09/01002-20180809ARTFIG00259-vague-inedite-de-demissions-chez-les-maires-de-france.php">1 021 maires ont démissionné</a>.</p>
<p>Cela constitue un record historique et c’est un chiffre presque deux fois plus élevé qu’au mandat précédent sur une période identique.</p>
<h2>Décalage de principes</h2>
<p>Comment se fait-il que nous n’y arrivions pas ? Le décalage entre des principes constitutionnels fortement décentralisateurs et une réalité toujours jacobine est lié à la façon dont la loi encadre ces principes.</p>
<p>En effet, si les <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=8957B128FE76820527FE394B05D08200.tplgfr37s_2?idSectionTA=LEGISCTA000006095833&cidTexte=JORFTEXT000000571356&dateTexte=20030329">articles 72, 72-1 et 72-2</a> de notre Constitution accordent une grande liberté aux collectivités territoriales, ils ne font pas moins de 14 fois référence à la nécessité de se conformer aux conditions prévues par la loi.</p>
<p>Par exemple, l’alinéa 2 de l’article 72 précise que les collectivités s’administrent librement « dans les conditions prévues par la loi ». De même, l’alinéa 3 ouvre la possibilité aux collectivités de déroger aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences, mais toujours « lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l’a prévu ». Ce ne sont que deux exemples parmi les quatorze qui offrent des opportunités pour aller vers une plus forte décentralisation, mais qui ont besoin, pour cela, que la loi suive l’esprit du texte constitutionnel.</p>
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<h2>Un code des collectivités de 1583 pages</h2>
<p>C’est le code général des <a href="http://codes.droit.org/CodV3/collectivites_territoriales.pdf">collectivités territoriales</a> qui régule et encadre ces principes constitutionnels. La simple taille de ce document tel qu’on le trouve sur Internet (1583 pages) permet de comprendre l’ampleur du problème.</p>
<p>Ainsi, aujourd’hui, les collectivités territoriales s’administrent librement dans les limites définies dans 1583 pages plus annexes. Lorsque des compétences sont déléguées au niveau local – par exemple lors du transfert aux Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de la <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/gestion-des-milieux-aquatiques-et-prevention-des-inondations-gemapi">gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations</a> – elles sont accompagnées d’un ensemble d’instructions sur comment gérer cette compétence et comment la financer.</p>
<p>On pourrait penser que déléguer une compétence à une collectivité territoriale accroît la décentralisation. Mais cela n’est vrai que lorsqu’on délègue également la liberté de choisir comment la collectivité exerce, finance et transforme cette compétence. Autrement, les collectivités ne seront pas autonomes, mais de simples administrations soumises aux ordres du pouvoir central.</p>
<h2>Identifier les verrous stratégiques</h2>
<p>Pourtant la solution est selon nous, assez simple. Nous venons de la détailler dans un rapport en libre accès pour le think tank <a href="https://www.generationlibre.eu/le-pouvoir-aux-communes/">GénérationLibre</a>. Elle n’exige pas de bouleverser le code des collectivités territoriales et encore moins de modifier notre constitution.</p>
<p>Elle consiste simplement à identifier les verrous stratégiques qui permettent aux collectivités d’obtenir plus d’autonomie à leur initiative. Autrement dit, qui leur permettent de déroger au code général des collectivités territoriales lorsqu’elles souhaitent exercer des nouvelles compétences dont elles ne disposent pas aujourd’hui.</p>
<p>L’avantage de cette approche est que ces modifications ne produisent pas un changement sensible dans l’immédiat, dans la mesure où beaucoup de collectivités territoriales ne sont aujourd’hui pas prêtes à assumer un grand nombre de compétences supplémentaires, notamment en matière fiscale.</p>
<p>Elle produirait, en revanche, une évolution incrémentale des pratiques qui permet de rendre nos collectivités territoriales progressivement plus autonomes.</p>
<p>L’article qui nous concerne est le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000028528557&cidTexte=LEGITEXT000006070633&dateTexte=20140129">L.1111-8-1</a> introduit par la loi n°2014-58 du 27 janvier 2014 – art. 1. Il porte sur les conditions qui régissent la délégation de compétences entre l’État et les collectivités territoriales.</p>
<p>Ce texte est basé sur deux principes : premièrement,</p>
<blockquote>
<p>« l’État <em>peut</em> déléguer par convention à une collectivité territoriale […] qui en fait la demande l’exercice de certaines de ses compétences ».</p>
</blockquote>
<p>Deuxièmement, ces compétences</p>
<blockquote>
<p>« <em>ne</em> peuvent habiliter les collectivités territoriales […] à déroger à des règles relevant du domaine de la loi ou du règlement ».</p>
</blockquote>
<h2>Plus de marges pour innover et expérimenter</h2>
<p>Ces principes peuvent être modifiés afin d’être plus conformes à l’esprit de notre constitution. Il s’agit premièrement de transformer le caractère facultatif de l’attribution de compétences par l’État en caractère obligatoire. Ainsi, l’État <em>doit</em> (et non <em>peut</em>) déléguer une compétence à une collectivité qui lui en fait la demande. Cette modification permet à chaque collectivité territoriale de choisir quelles compétences elle souhaite exercer.</p>
<p>Deuxièmement, les collectivités doivent pouvoir être habilitées à déroger à des règles relevant du domaine de la loi ou du règlement lorsqu’elles obtiennent une délégation des compétences. Sans cette deuxième condition, cette délégation de compétence se bornerait à une gestion administrative et ne permettrait pas aux collectivités d’innover et d’expérimenter comme notre constitution les encourage à le faire. Ainsi, il suffirait de supprimer le mot « ne » dans l’énonciation du second principe.</p>
<p>Une telle modification, accompagnée d’ajustements mineurs, permettrait aux collectivités de choisir les compétences qu’elles souhaitent exercer et la façon dont elles souhaitent le faire.</p>
<h2>Cette décentralisation est-elle vraiment souhaitable ?</h2>
<p>Devant un tel enjeu, c’est le moment de se demander sérieusement si la décentralisation est souhaitable.</p>
<p>Plus de 30 ans d’études sur cette question sont unanimes : oui, la décentralisation est souhaitable, du moins dans des pays avec un niveau de développement économique avancé comme la France. Elle produit plus de légitimité, car les décisions y sont prises au plus près des habitants. Cela est aussi vrai en France. Selon le sondage un <a href="https://www.amf.asso.fr/documents-enquete-juillet-2019les-attentes-franais-vis-vis-leurs-maires-proximite-reconduction/39532">sondage du Cevipof en 2019</a>, 71 % des Français font ainsi confiance au maire de leur commune, contre 49 % à leur conseiller régional et 40 % à leur député.</p>
<p>Plus généralement, la décentralisation fiscale produit un <a href="http://www.socialcapitalgateway.org/sites/socialcapitalgateway.org/files/data/paper/2017/03/20/rredistributionlighartetal2015-ngovernmentwetrust-theroleoffiscaldecentralizationejpe.pdf">accroissement de la confiance</a> dans les services publics, dans le parlement et dans les partis politiques.</p>
<p>En outre, d’un point de vue économique, la décentralisation est associée à une plus grande efficience et un plus grand développement. L’obstacle principal à surmonter repose sur l’économie d’échelle que les systèmes centralisateurs permettent. Le renoncement à cet avantage produit, cependant, la possibilité de mieux adapter l’économie d’un territoire à ses caractéristiques et de bénéficier davantage des retours d’expérience d’autres territoires.</p>
<p>Si les avantages produits par une économie d’échelle sont substantiels dans un pays pauvre, ils deviennent marginaux dans un pays riche, si bien que les <a href="https://www.econstor.eu/bitstream/10419/208190/1/IDB-WP-1037.pdf">pays développés et très décentralisés s’en sortent mieux économiquement</a>.</p>
<h2>Egalité réelle des territoires</h2>
<p>Pour finir, il y a la question de l’égalité entre territoires. Une idée répandue consiste à penser que la centralisation favorise l’égalité entre territoires. <a href="http://eprints.lse.ac.uk/33244/1/sercdp0025.pdf">Les analyses</a> qui comparent plusieurs pays riches du monde nous disent pourtant le contraire : la décentralisation favorise davantage l’égalité entre régions, à travers un mélange d’émulation et de solidarité.</p>
<p>À l’inverse, l’égalisation des règlements ne produit pas égalisation des conditions. Certains règlements pénalisent des territoires et en avantagent d’autres. De plus, la centralisation permet à une région (celle de la capitale) d’avoir un pouvoir disproportionné par rapport aux autres.</p>
<p>Ainsi, par exemple, l’Ile de France <a href="http://www.prefectures-regions.gouv.fr/ile-de-france/Region-et-institutions/Portrait-de-la-region/Chiffres-cles/Les-chiffres-de-la-region-Ile-de-France/Economie/#titre">produit à elle seule 30 % des richesses de la France</a> ce qui est impensable dans un système décentralisé.</p>
<p>Donc, oui, comme nos chercheurs, nos constituants et nos élus le savent, la décentralisation est souhaitable. Il est temps de s’en occuper sérieusement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133257/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raul Magni-Berton (et ses co-auteures) a reçu un financement du think tank GeneratonLibre pour écrire le rapport cité dans cet article, qui a été reversé à l'association Institut de Recherche Territoire Démocratique (IRTD) pour ses recherches sur la promotion de la démocratie directe et l'autonomie locale. Raul Magni-Berton est par ailleurs membre des associations Dauphiné démocratique (qui promeut ces deux objectifs) et du Collectif Cortecs (qui promeut la pensée critique).</span></em></p>Malgré le vœu pieux de décentraliser les pouvoirs, la France reste l’un des grands pays européens les plus centralisés. Et si l’on modifiait un peu le code général des collectivités territoriales ?Raul Magni-Berton, Professeur de sciences politiques, Sciences Po Grenoble, UMR Pacte, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1322892020-03-08T17:02:51Z2020-03-08T17:02:51ZLa loi « Paris–Lyon–Marseille » : un scrutin opaque, complexe et peu démocratique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/317121/original/file-20200225-24676-4b9g3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Façade de l'hôtel de ville de Marseille. </span> <span class="attribution"><span class="source">Alain Lauga/shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000880034">La loi n°82-1170 du 31 décembre 1982</a>, dite « PLM » (Paris–Lyon–Marseille), a fixé un statut particulier aux trois plus grandes villes françaises. Une loi qui offre aux élections municipales un mode de scrutin comparable à la présidentielle américaine.</p>
<p>Le vote se déroule en effet par secteurs (comparables aux différents états américains) ; des secteurs correspondant aux arrondissements à Paris (sauf les quatre premiers qui <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/20466-statut-de-paris-collectivite-unique-ville-de-paris-arrondissements">sont aujourd’hui regroupés</a>), à Lyon et à des paires d’arrondissements à Marseille.</p>
<p>Lyon et Marseille deviennent de fait des collectivités territoriales à statut particulier. Paris, elle, est à la fois une commune et un département, et dispose d’un statut dérogatoire antérieur à 1982.</p>
<h2>Gaston Defferre à la manœuvre</h2>
<p>C’est Gaston Defferre, ministre de l’Intérieur de l’époque, qui porte cette loi. Cette réforme s’inscrit dans le cadre de la politique de décentralisation. Il est en effet question de renforcer, grâce au nouveau mode de scrutin, la démocratie locale en rapprochant le pouvoir municipal des citoyens via des mairies de secteurs. Ces dernières sont dotées de prérogatives particulières et permettent de jouer la carte de la proximité dans ces villes de grande taille.</p>
<p>Mais, au-delà de l’habillage administratif, les <a href="https://www.persee.fr/doc/coloc_0291-4700_1988_num_8_1_1037">raisons de cette réforme</a> sont aussi éminemment politiques. En effet, Gaston Defferre aurait imaginé ce nouveau mode de scrutin afin d’assurer sa réélection – incertaine – à la mairie de Marseille en 1983. Coté parisien, cette loi permettait au pouvoir mitterrandien en place d’affaiblir la puissance de Jacques Chirac, maire de la capitale et nouveau leader de l’opposition. Deux excellentes raisons donc de faire passer cette loi et de lui offrir les habits de la proximité et de la décentralisation.</p>
<p>Concrètement, cette loi crée un modèle d’organisation à deux niveaux : le niveau central, qui correspond au Conseil de Paris ou aux conseils municipaux de Lyon et Marseille d’une part, et le niveau des secteurs.</p>
<p>Ainsi à Paris, depuis 2019, sont élus 120 conseillers de Paris et 254 conseillers d’arrondissements sur 17 secteurs mais aussi des conseillers métropolitains pour le Grand Paris. À Lyon sont élus, 73 conseillers municipaux et 148 conseillers d’arrondissements dans 9 secteurs. Et enfin à Marseille, 101 conseillers municipaux et 174 conseillers d’arrondissements dans 8 secteurs.</p>
<p>Presque 40 ans après l’adoption et la promulgation de cette loi et après sa première application en 1983, des voix s’élèvent régulièrement pour critiquer le mode de scrutin défini par loi PLM.</p>
<p>Un mode de scrutin qui n’est peut-être pas des plus démocratiques, qui permet de gagner tout en perdant, et qui peut aussi rigidifier les situations politiques, voire favoriser des stratégies territoriales et rendre l’alternance difficile.</p>
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<h2>Perdre, puis gagner et réciproquement</h2>
<p>La loi PLM c’est un peu comme l’histoire d’Hillary Clinton aux USA face à Donald Trump. Un scrutin archaïque qui a fait de Trump son 45<sup>e</sup> président, malgré les plus 200000 voix supplémentaires d’Hillary Clinton au niveau populaire. Autrement dit le candidat n’est pas élu directement au suffrage universel, mais sera élu in fine par des grands électeurs.</p>
<p>En France, le scrutin correspond peu ou prou à cela. Même si ce scrutin mixte réservé aux grandes villes en France est un peu plus fin que la présidentielle américaine. En effet, sur le secteur, la liste arrivée en tête du suffrage reçoit la moitié des sièges de conseillers, l’autre moitié étant distribuée proportionnellement aux scores obtenus, incluant la liste en tête. Une liste qui obtient plus de 50 % des suffrages se voit donc accorder au moins 75 % des sièges au conseil municipal. Aux USA, il suffit de gagner de 0,1 % un État pour que celui-ci (ses grands électeurs) passe en totalité dans un camp.</p>
<p>Malgré un scrutin mixte peut-être plus juste, nous avons déjà connu en France des aberrations de ce type. Et ce dès 1983 ! Gaston Defferre est en effet réélu à la mairie de Marseille avec moins de voix que son adversaire de droite Jean‑Claude Gaudin. Cette bizarrerie s’est aussi <a href="http://www.slate.fr/france/85197/municipales-documentaire-delanoe-2001">produite en 2001</a> pour Gérard Collomb, élu marie de Lyon avec 10 000 voix de moins que la droite ou encore Bertrand Delanoë élu maire de Paris avec 4 000 voix de retard sur la droite.</p>
<p>Ces résultats n’enlèvent peut-être rien à la légitimité de ceux qui sont élus, mais ils sont le produit d’un mode de scrutin particulier qui a certainement fait son temps et qui doit désormais être revu.</p>
<h2>Des territoires plus forts que les suffrages</h2>
<p>L’anomalie du mode de scrutin réside en fait dans la prime qui est donnée aux territoires par rapport au total des suffrages obtenus. En effet, avec un scrutin classique, il est nécessaire de recueillir 50 % +1 des suffrages, dans la loi PLM, il est nécessaire de compter 50 % +1 des conseillers municipaux. Autrement dit, l’idée est de gagner la moitié des secteurs rapportant le plus de conseillers municipaux.</p>
<p>À Paris, par exemple, le <a href="https://www.parisiennes-parisiens.fr/15e-arrondissement/">15ᵉ arrondissement</a> peut rapporter jusqu’à 18 conseillers et 36 conseillers d’arrondissements (soit en tout 54) ; c’est un secteur très important qu’il est donc stratégique de séduire. Gaspard Gantzer, qui a fait campagne sur son seul nom ou quasi, avant de rejoindre Agnès Buzin et LREM, avait d’ailleurs fait un travail de fond dans ce seul arrondissement très porteur.</p>
<p>Plus généralement, dans ce mode de scrutin, des écarts très différents en voix peuvent, d’une circonscription à l’autre, produire le même écart en sièges : toutes les voix n’ont donc alors pas le même poids. Ce qui écorne le principe selon lequel les bulletins de vote se valent.</p>
<h2>De la stratégie avant toute chose</h2>
<p>L’élection du maire peut aussi être remise en question. Car, finalement, il suffit d’être un très bon stratège pour gagner une de ces villes. Il faut occuper le terrain seulement en partie pour potentiellement pouvoir diriger la mairie.</p>
<p>Durant la campagne électorale, les prétendants au titre ont intérêt à avoir des bastions solides et de savoir les conserver.</p>
<p>À Lyon par exemple, il ne servait pas grand-chose à Gérard Collomb en 2014 d’aller faire une campagne agressive dans le très bourgeois quartier de la Tête d’Or. À Paris, il ne sert pas à grande chose à Anne Hidalgo d’aller « perdre » du temps dans le 16<sup>e</sup> arrondissement qu’elle lui sait très défavorable.</p>
<p>Pour exemple, en 2014, Claude Goasguen, candidat de droite rafle quasiment tous les conseillers (23 de secteur et 12 municipaux ; soit 35) avec 63 % des suffrages (contre 2 et 1 pour Anne Hidalgo, soit 3). Il est donc préférable d’aller solidifier ses bases comme le 19<sup>e</sup> arrondissement, photographie exactement inverse de celle du 16<sup>e</sup> arrondissement. L’UMP est à 5 conseillers tout compris contre 35 pour Hidalgo. La carte ci-dessous nous donne une photographie très parlante des répartitions des votes.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/318025/original/file-20200302-18295-16zal19.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/318025/original/file-20200302-18295-16zal19.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/318025/original/file-20200302-18295-16zal19.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=922&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/318025/original/file-20200302-18295-16zal19.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=922&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/318025/original/file-20200302-18295-16zal19.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=922&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/318025/original/file-20200302-18295-16zal19.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1158&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/318025/original/file-20200302-18295-16zal19.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1158&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/318025/original/file-20200302-18295-16zal19.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1158&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Ville de Paris</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Par conséquent il faut faire campagne dans son camp, quitte à ignorer les quartiers ingagnables, et s’intéresser aux secteurs les plus lourds en nombre de conseillers et regarder s’il n’y a pas des « swing » secteurs à la manière américaine.</p>
<p>Dans ces conditions, Gaudin à Marseille peut être le maire des quartiers sud, et Hidalgo à Paris, la maire du nord-est de la capitale.</p>
<h2>Paris, Lyon, Marseille racontées par leurs votes</h2>
<p><a href="https://www.ieif.fr/revue_de_presse/paris-lyon-marseille-racontees-par-leurs-votes">Rappelons tout d’abord</a> que le maire est élu en 3 étapes. Tout d’abord il est élu conseiller d’arrondissement ou de secteur dans sa propre circonscription électorale. Il est élu ensuite conseiller municipal par le conseil d’arrondissement ou de secteur dont il est élu et enfin maire par le conseil municipal.</p>
<p>Prenons l’exemple de Jean‑Claude Gaudin le maire de Marseille. Il fut tout d’abord élu conseiller de secteur par les habitants des arrondissements 6 et 8 (4<sup>e</sup> secteur) en 2008, puis conseiller municipal et enfin maire par les 101 conseillers municipaux de Marseille.</p>
<p>Ce mode d’élection du maire comporte deux problèmes. Le premier est le nombre très faibles d’électeurs votant directement pour le futur maire : reprenons l’exemple de l’élection de Jean Claude Gaudin à Marseille qui en 2008 est élu conseiller de secteur dans le 4<sup>e</sup> secteur de Marseille correspondant au 6<sup>e</sup> et 8<sup>e</sup> arrondissement de Marseille (arrondissements historiquement de droite).</p>
<p>Cette liste, qu’il menait, l’emporta au premier tour avec 52,09 % des suffrages exprimés ce qui correspond à 23 600 voix sur 474 806 inscrits au total sur Marseille et 274 151 votants au premier tour de l’élection municipale de mars 2008. Un maire élu par un nombre si restreint d’électeurs sur une si petite partie de la commune est-il dans les meilleures conditions pour gouverner la ville ? Peut-il être le maire de tous les habitants de sa ville et pas seulement celui des électeurs de son secteur d’origine ?</p>
<p>Sur des territoires aussi vastes et disparates que Marseille, Paris ou Lyon tout doit être fait pour que l’autorité du maire, tout en respectant et renforçant les contre-pouvoirs, s’exerce le plus facilement sur l’ensemble du territoire : la loi PLM ne le permet pas. Elle favorise une stratégie électorale pensée géographiquement.</p>
<p>De même, pour la mobilisation ou l’abstention des électeurs peuvent répondre à des calculs : pour exemple une personne de gauche vivant dans le 8<sup>e</sup> arrondissement de Paris, peut considérer que son vote ou son abstention auront le même poids, face à un ras de marée de droite. La mobilisation électorale est alors ici difficile à obtenir.</p>
<p>On comprend aussi pourquoi cette élection fige quelque peu la donne ; une fois en place, le maire met son attention sur les secteurs lui permettant de conserver la mairie, et peut la conserver. Juste en préservant son capital spatial.</p>
<p>D’ailleurs les maires en place sont plutôt réélus : Gérard Collomb par trois fois, Bertrand Delanoë deux fois puis Anne Hidalgo dans la continuité, Jean‑Claude Gaudin quatre fois. Une alternance politique difficile voire impossible.</p>
<p>La présence nouvelle de LREM va-t-elle perturber le jeu ? À Marseille la réponse est non, à Lyon c’est plus ambigu compte tenu des protagonistes et à Paris, Agnès Buzyn peut plutôt ennuyer la candidature de Rachida Dati sur des arrondissements comme le 15<sup>e</sup> justement.</p>
<p>Mais, comme l’élection se passe en 3 temps via de grands électeurs, des alliances, même contre nature, sont toujours possibles.</p>
<h2>Opacité et complexité</h2>
<p>C’est là ou se pose justement la question de l’opacité. En effet le maire n’étant pas élu au suffrage universel la question de savoir qui sera le maire une fois le scrutin passé n’est pas toujours évidente et peut échapper aux citoyens si les listes en lice ne se sont pas clairement exprimées.</p>
<p>Le maire n’est certes pas non plus désigné au suffrage universel direct dans les communes de plus de 3500 habitants mais le conseil municipal nouvellement élu confie toujours l’écharpe de maire au candidat ayant conduit la liste majoritaire. Dans le cadre de la PLM, le scrutin se déroulant dans plusieurs circonscriptions électorales contrairement aux autres communes de plus de 3500 habitants, le problème est qu’il y a jusqu’à de nombreuses listes et têtes de liste dans ces villes.</p>
<p>Les électeurs peuvent donc être appelés à se prononcer sans savoir clairement pour quel aspirant maire ils votent. Cette opacité poussa, à plusieurs reprises, les listes candidates à faire preuve d’imagination pour contourner le mode d’élection du maire au suffrage indirect.</p>
<p>C’est le cas en 2001, à Lyon ou la liste s’est appelée G.E.R.A.R.D.C.O.L.L.O.M.B. pour « Groupe d’études, de réflexion, d’action, de réalisation, et de développement par une croissance ordonnée de Lyon et l’organisation de la métropole bimillénaire ». Ils avaient pour le moins gagné en visibilité.</p>
<p>Mais finalement plutôt que de continuer à chercher des noms de liste évocateurs et parlants, imaginer un mode de scrutin transparent et compréhensible par tous serait sûrement plus utile.</p>
<p>Dans ces conditions, on comprend combien les sondages exprimés pour ces villes sont eux aussi d’une grand opacité. Les effets d’annonce masquent un processus complexe qui est construit sur le territoire ; donc il serait peut être plus utile d’annoncer combien de conseillers potentiels tel ou tel candidat peut gagner plutôt que de titrer « Un sondage place Rachida Dati en tête avec 25 % des intentions de vote au 1<sup>er</sup> tour, devant Anne Hidalgo et Agnés Buzyn » <a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/municipales/municipales-a-paris-un-sondage-place-rachida-dati-en-tete-devant-anne-hidalgo-et-agnes-buzyn_3847487.html">francetvinfo.fr/elections/municipales/municipales-a-paris-un-sondage-place-rachida-dati-en-tete-devant-anne-hidalgo-et-agnes-buzyn_3847487.html</a>. En effet, cette élection n’étant pas au Suffrage universel direct, ce n’est pas exactement comme cela qu’il convient de rapporter ces intentions de vote.</p>
<p>Au total, si divers responsables politiques de droite comme de gauche se sont élevés contre le mode de scrutin prévu par la loi PLM, ceux qui sont en place n’ont aucun intérêt à ce qu’un mode de scrutin plus simple, moins opaque et favorisant un peu plus l’alternance soit mise en place.</p>
<p>Pourtant repenser cette loi doit être un enjeu de vitalité démocratique, alors que la conserver serait un prolongement des arrière-pensées politiciennes de 1982.</p>
<h2>Quelles alternatives ?</h2>
<p>Aujourd’hui, la <a href="https://www.lejdd.fr/Politique/municipales-2020-pour-labrogation-de-la-loi-plm-3704810">nécessité</a> de changer ce mode scrutin pour rapprocher l’élu maire de ses électeurs paraît inévitable.</p>
<p>Les pistes à venir doivent correspondre à 3 critères principaux</p>
<ul>
<li><p>Que l’élection du Maire soit le reflet des suffrages qui ont été exprimés ; de fait le suffrage universel direct doit être rétabli pour cette élection. Conséquemment et logiquement, le/la maire serait obligé·e d’être l’homme ou la femme de toute la ville, et pas seulement d’une partie du territoire au regard de stratégies électoralistes.</p></li>
<li><p>Que la proportionnelle soit revue afin que l’opposition soit plus présente. On pourrait par exemple imaginer l’organisation d’un double scrutin à suffrage universel direct visant à élire directement le maire central en même temps que l’ensemble des représentants de sa circonscription. Ces derniers pourraient être élus sur la base d’une logique plus proportionnelle, et donc baisser la prime majoritaire à 25 % au lieu de 50 % actuellement, on pourrait permettre à la fois l’existence d’une réelle majorité, mais aussi donner à l’opposition un rôle effectif et pas seulement une présence de « témoignage » comme c’est le cas actuellement.</p></li>
<li><p>Que les élus locaux de secteurs soient dotés de vraies compétences et puissent animer la démocratie locale</p></li>
</ul>
<p>Dans cet esprit, les conseillers municipaux, de secteurs et conseillers n’éliraient donc plus le maire central. Ainsi, le maire central serait, comme dans les autres villes françaises, élu directement par les citoyens.</p>
<p>La démocratie n’en serait que plus renforcée ; l’alternance redeviendrait une option moins exceptionnelle ; et ce mode de scrutin archaïque pourrait enfin être remisé dans les pages des livres d’histoire.</p>
<hr>
<p><em>Merci à Régis Correard et à Yves Zoberman pour leurs regards.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132289/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Virginie Martin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De plus en plus décrié, la loi PLM apparaît comme un système désuet, opaque et complexe qui freine la relation entre le maire et ses électeurs.Virginie Martin, Docteure sciences politiques, HDR sciences de gestion, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1323712020-03-08T16:55:47Z2020-03-08T16:55:47ZComment le Brexit a mis fin au vote et à l’élection locale des Britanniques dans la France rurale<p>Lorsque le Royaume-Uni a quitté l’UE le 31 janvier, le passage à la période de transition a signifié que rien n’a vraiment changé du jour au lendemain. Les ressortissants britanniques conservent globalement les mêmes <a href="https://www.instituteforgovernment.org.uk/explainers/british-citizens-europe-after-brexit?gclid=CjwKCAiAp5nyBRABEiwApTwjXmGIcQehBVjumts4ehtyBR6wtrjKCM4tkuqMkcTQM1AcQP1yqQUVBRoCvmQQAvD_BwE%20%22%22">droits de vivre, de travailler et de voyager</a> que dans les autres pays de l’UE, et le Royaume-Uni reste pour l’instant dans le marché unique. Mais les citoyens britanniques ont perdu officiellement, leur <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/la-citoyennete-europeenne">citoyenneté européenne</a>, entraînant des conséquences importantes pour les Britanniques vivant dans l’UE.</p>
<p>En effet, ceux-ci perdent, à moins que des accords bilatéraux ne soient conclus, leur droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales. Et si <a href="https://www.theyworkforyou.com/wms/?id=2019-06-18.HLWS1591.h">l’Espagne, le Portugal et le Luxembourg</a> ont signé de tels accords, la France, elle, ne l’a pas. En conséquence, les résidents britanniques en France ont déjà été privés de leur droit de vote et sont <a href="https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Actualites/Communiques/Sortie-du-Royaume-Uni-de-l-Union-europeenne-les-conditions-de-l-accord-de-retrait">« rayés des listes électorales »</a>.</p>
<h2>La France : un foyer pour 757 élus britanniques</h2>
<p>Cela revêt une importance particulière pour ces <a href="https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/repertoire-national-des-elus-1/#discussion-5e4720066f444114de77161f">nombreux citoyens britanniques</a>, actuellement élus comme conseillers municipaux, et dont le mandat expire lors des prochaines élections de mars. Bien qu’il n’existe malheureusement pas de chiffres complets pour indiquer combien de Britanniques ont été élus dans d’autres pays de l’UE, tous les éléments disponibles indiquent que la France représente un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/14782801003638760">cas particulier</a> qui mérite l’attention.</p>
<p>La spécificité du contexte français tient au fait que les structures de gouvernance municipale n’ont toujours pas été sérieusement rationalisées depuis les <a href="https://www.persee.fr/doc/rnord_0035-2624_1994_num_76_305_4904">années 1880</a> lorsque chaque village ou commune a été doté de son propre maire et conseil élu.</p>
<p>Les derniers chiffres montrent qu’en dépit d’une décennie de <a href="https://www.senat.fr/rap/l09-169/l09-16921.html">réformes</a> encourageant les petites communes à fusionner, le nombre est seulement passé de 36 570 en 2010 à <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/20079-populations-legales-les-chiffres-pour-2020">35 416 en janvier 2020</a>. Cela représente environ <a href="http://www.courrierdesmaires.fr/77905/en-europe-toujours-plus-de-fusions-de-communes-pour-des-resultats-en-demi-teinte/">41 % de l’ensemble des autorités municipales de l’UE</a>.</p>
<p>En outre, comme le montre le tableau ci-dessous, l’écrasante majorité des communes ne comptent que quelques centaines d’habitants, mais disposent encore de conseils d’une taille disproportionnée, ce qui rend les fonctions élues très accessibles.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/315739/original/file-20200217-10995-1noztvg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/315739/original/file-20200217-10995-1noztvg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/315739/original/file-20200217-10995-1noztvg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/315739/original/file-20200217-10995-1noztvg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/315739/original/file-20200217-10995-1noztvg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/315739/original/file-20200217-10995-1noztvg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/315739/original/file-20200217-10995-1noztvg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Nombre de communes selon la taille de la population et le nombre de conseillers.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Depuis que <a href="https://www.peterlang.com/view/9783035198164/xhtml/chapter017.xhtml">l’accès a été étendu</a> aux migrants de l’UE, les « structures d’opportunité » offertes par le système français ont servi de berceau à la citoyenneté européenne. Les chiffres montrent que les Britanniques sont devenus les plus nombreux à saisir ces opportunités politiques.</p>
<h2>Les Britanniques dans la campagne française</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/315740/original/file-20200217-10980-11j0rrm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/315740/original/file-20200217-10980-11j0rrm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=616&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/315740/original/file-20200217-10980-11j0rrm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=616&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/315740/original/file-20200217-10980-11j0rrm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=616&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/315740/original/file-20200217-10980-11j0rrm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=774&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/315740/original/file-20200217-10980-11j0rrm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=774&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/315740/original/file-20200217-10980-11j0rrm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=774&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Nombre de conseillers municipaux en France par nationalité.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cela peut s’expliquer par le <a href="https://www.researchgate.net/publication/233606097_A_Case_Study_of_Intra-EU_Migration_20_Years_of_Brits%E2%80%99_in_the_Pays_d%E2%80%99Auge_Normandy_France">phénomène de migration de mode de vie</a> vers certaines régions de la France rurale à partir de la fin des années 1980, popularisé par <a href="https://www.goodreads.com/book/show/40189.A_Year_in_Provence">l’Année de la France de Peter Mayle</a>, qui a entraîné un afflux important de Britanniques à la recherche d’une <a href="https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=5666">idylle rurale</a>. Les statistiques varient, mais <a href="https://www.ons.gov.uk/peoplepopulationandcommunity/populationandmigration/internationalmigration/articles/livingabroad/april2018">l’Office national de la statistique</a> a estimé qu’environ 153 000 citoyens britanniques vivaient en France en 2017. Un nombre sûrement en deçà de la réalité.</p>
<h2>« L’entente cordiale »</h2>
<p>Il est peut-être surprenant d’observer ce développement de « l’entente cordiale » dans une campagne française dite profondément conservatrice et hostile aux étrangers (qui sont injustement étiquetés comme « parisiens »). Mais alors que les Parisiens sont largement réputés pour traiter les « paysans » locaux avec dédain, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/14782801003638760">mes recherches</a> montrent que les Britanniques (du moins ceux qui ont choisi d’intégrer et d’apprendre la langue) ont surtout été désireux d’interagir avec les populations locales et flattés par l’invitation à rejoindre une « liste » de candidats.</p>
<p>En retour, beaucoup de ces villages dépeuplés, désertés par les Français dans l’exode d’après-guerre vers les villes, ont été reconnaissants d’accueillir les nouveaux arrivants et de mettre leurs compétences professionnelles au service des conseils municipaux.</p>
<p>Le système français de démocratie rurale ressemble à bien des égards aux <a href="https://www.localgov.co.uk/Parish-council-responsibilities/29135">conseils de paroisse</a> en Angleterre, et parfois la politique locale peut rappeler <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2012/01/25/heureux-comme-des-anglais-a-clochemerle_1634299_3214.html">Clochemerle</a> (roman satirique français de Gabriel Chevallier, publié en 1934), comme je l’ai découvert pendant mon mandat de 2008 à 2014 dans un petit village de Normandie.</p>
<p>J’étais perplexe face à la complexité apparemment irrationnelle du chevauchement des responsabilités à travers une myriade de types d’agences différentes pour des services comme l’eau, le recyclage, les déchets ou les routes (une situation que <a href="https://welections.wordpress.com/2014/03/22/election-preview-france-municipal-elections-2014-part-i/">« l’intercommunalité »</a> tente maintenant de résoudre). J’ai également été frappé par le temps et l’argent consacrés au dépassement des obligations conférées aux communes par l’État laïque en ce qui concerne <a href="https://www.ouest-france.fr/elections/municipales/municipales-saint-gervais-des-sablons-la-liste-d-alain-picco-est-presque-totalement-renouvelee-6731981">l’entretien de l’église</a> et du cimetière, qui dans notre cas n’est utilisé que pour des mariages et des enterrements occasionnels.</p>
<p>Pour moi, l’expérience globale a été intéressante plutôt que gratifiante, mais des circonstances personnelles m’ont malheureusement empêché d’apporter le genre de contribution positive que d’autres ont apportée ailleurs.</p>
<p>Dans les communes de moins de 1000 habitants (3500 auparavant), les élections fonctionnent un peu comme un concours de personnalité, où les électeurs <a href="https://www.completefrance.com/living-in-france/utilities-services/elections-in-france-2020-what-you-need-to-know-1-6463947">peuvent rayer</a> de la liste des candidats ceux qu’ils n’aiment pas, un système connu sous le nom de <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/20203-municipales-mode-de-scrutin-communes-de-moins-de-1000-habitants">« panachage »</a>.</p>
<p>De nombreux conseillers britanniques ont obtenu le plus grand nombre de voix (comptées individuellement), mais la loi française les empêche de devenir maire ou député, en raison de leur rôle dans l’élection des sénateurs. Pour occuper un poste « exécutif », il faut obtenir la citoyenneté française, comme l’a fait l’un des pionniers : <a href="https://www.thelocal.fr/20140124/why-more-expats-should-become-mayors-in-france">Ken Tatham</a>. Il a, en effet, acquis une réputation en tant que maire, à partir de 1995, de l’un des plus beaux villages de Normandie, avant même la mise en œuvre de la citoyenneté européenne.</p>
<h2>La citoyenneté française comme seule option</h2>
<p>L’acquisition de la citoyenneté française reste aujourd’hui la seule option pour les Britanniques qui souhaitent continuer à exercer leur fonction de conseiller municipal, mais c’est un processus long, coûteux et bureaucratique et si certains ont déjà fait une demande, d’autres ont trouvé cette perspective décourageante.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/dDrtErLUQ7s?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Sans la naturalisation en temps voulu, de nombreux conseillers d’origine britannique ne pourront pas se représenter aux élections..</span></figcaption>
</figure>
<p>Le Brexit a mis fin prématurément à ce chapitre peu connu des relations franco-britanniques harmonieuses, enfoui dans « la France profonde », dont de nombreux <a href="https://www.lci.fr/population/brexit-pour-rester-en-place-un-conseiller-municipal-britannique-d-un-village-normand-demande-la-nationalite-francaise-2141769.html">reportages français</a> témoignent du nombre de conseillers britanniques qui manqueront cruellement aux villages où ils sont souvent devenus les piliers de leur communauté locale.</p>
<p>Mais pour certains, les conséquences sont encore plus graves : ceux qui ont quitté le Royaume-Uni il y a plus de 15 ans n’ont plus du tout <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/1467-923X.12729">leur droit de vote</a>. Les conséquences de Brexit vont, donc, bien au-delà de ce qui fait la une des journaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132371/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Susan Collard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le Brexit a une signification particulière pour les 757 citoyens britanniques actuellement élus en France, dont le mandat expire lors des prochaines élections municipales en mars.Susan Collard, Senior Lecturer in French Politics & Contemporary European Studies, University of SussexLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1317192020-02-23T19:33:59Z2020-02-23T19:33:59ZCommunes rurales : comment faire naître l’espoir<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/315070/original/file-20200212-61966-2v0irj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C21%2C1079%2C589&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le pont-génois près du village de Petreto-Bicchisano (Vallée du Taravo, Corse-du-Sud). </span> <span class="attribution"><span class="source">Paul-Mathieu Caitucoli</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Sept ministres, dont le premier ministre Édouard Philippe, se déplaçaient jeudi 20 février dans les Vosges pour assister au <a href="https://www.francebleu.fr/infos/politique/le-premier-ministre-et-une-partie-de-son-gouvernement-dans-les-vosges-ce-jeudi-20-fevrier-1582040966">Comité interministériel aux ruralités</a>. L’événement annonce un enjeu de taille lors des prochaines élections municipales : la place des communes rurales. Les 15 et 22 mars prochains, quelques 3,4 millions de personnes issues de <a href="https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/144000475.pdf">ces communes</a> pourraient se rendre aux urnes.</p>
<p>Plutôt que d’éplucher les énièmes communications électorales, accordons du temps au ressenti des populations des villages français et à la façon dont l’État et les maires peuvent y répondre.</p>
<h2>L’expression d’une « ruralité-bocal »</h2>
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<figcaption><span class="caption">Gauvin Sers, « Les oubliés » : « On est les oubliés, la campagne, les paumés, les trop-loin de Paris, le cadet d’leurs soucis ».</span></figcaption>
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<p>Ce sentiment d’abandon exprimé dans la chanson « Les oubliés » de l’artiste creusois Gauvain Sers est partagé par de nombreux habitants ruraux. Il a largement été relayé par les médias comme une évidence, une réalité que l’on associe par synonymie à tout un ensemble de qualificatifs renvoyant au déclin : le sentiment d’abandon, d’exaspération, de mépris ou d’oubli est exprimé <a href="http://theconversation.com/la-crise-des-gilets-jaunes-revele-lhistoire-dune-france-qui-disparait-107842">sans distinction</a> par un panel d’experts souvent adeptes de la théorie des deux France : une France des métropoles, bien-portante, et une France des territoires perdus de la mondialisation.</p>
<h2>Un sentiment d’injustice</h2>
<p>Ce renvoi systématique au déclin nous a fait admettre l’idée, en convainquant les populations rurales elles-mêmes, que ces dernières vivraient dans un désert en voie d’extinction. Ce discours nourrit d’autant plus une forme de fatalisme dans les campagnes. <a href="https://drm.dauphine.fr/fr/drm/membres/detail-cv/profile/paul-mathieu-caitucoli.html">Or nos recherches</a> montrent qu’il convient de nuancer ces expressions diverses pour poser un regard adapté sur l’expression de ce ressenti.</p>
<p>En effet, il semblerait que les habitants ruraux expriment moins un sentiment d’abandon qu’un sentiment d’injustice, le premier participant du dernier.</p>
<p>Les deux sentiments relèvent moins du constat que du processus. En effet, ils expriment la crainte de voir s’accentuer la relégation des territoires ruraux. Ce discours trouve régulièrement un adversaire, l’État, accusé de favoriser les métropoles. À travers lui, c’est comme si le spectre de <a href="https://www.la-croix.com/Culture/Livres-et-idees/histoire-francaise-campagnes-racontee-Jean%E2%80%91Pierre-Rioux-2019-04-18-1201016491">l’exode rural</a> ressurgissait, avec ses craintes les plus vives, dont celle de disparaître de la carte.</p>
<h2>La nostalgie d’un passé qu’ils sont peu nombreux à avoir connu</h2>
<p>« Moi, je ne comprends pas ce désir de tout concentrer dans les métropoles » m’a confié la maire d’une commune d’un des départements visités.</p>
<p>La dénonciation de lois urbano-centrées ou le sentiment d’être des sous-citoyens participe de ce mouvement. Nombreux sont les signaux – les radars, le prix du tabac, les 80 km/h – qui expriment moins un abandon qu’une entrave à la liberté, une <a href="https://theconversation.com/les-radars-de-la-colere-109352">intrusion</a>.</p>
<p>Dans son dernier ouvrage, <a href="https://theconversation.com/plongee-dans-le-quotidien-des-campagnes-en-declin-125388">Benoit Coquard</a> montre que la nostalgie du passé, temps lointain que de nombreux habitants n’ont eux-mêmes pas connu, s’exprime à travers le sentiment d’une perte d’autonomie dans le mode de vie.</p>
<p>L’impression d’assignation à résidence est alors largement partagée et contribue à la résignation de nombreux habitants. Ils se sentent prisonniers d’un bocal à travers lequel ils voient derrière eux un monde rural qui n’est plus et devant eux un monde urbain qui concentre les emplois, les activités, les moyens.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/315995/original/file-20200218-11011-15vr8t4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/315995/original/file-20200218-11011-15vr8t4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/315995/original/file-20200218-11011-15vr8t4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=312&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/315995/original/file-20200218-11011-15vr8t4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=312&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/315995/original/file-20200218-11011-15vr8t4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=312&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/315995/original/file-20200218-11011-15vr8t4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=392&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/315995/original/file-20200218-11011-15vr8t4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=392&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/315995/original/file-20200218-11011-15vr8t4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=392&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte des villages visités en 2019.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.google.com/maps/d/u/0/viewer?amp%3Busp=sharing&mid=1rQbaSeeoGXUWC3BJ5NORqrEYwmtoZIak&ll=46.210778209249966%2C2.3058033279088477&z=6">Paul-Mathieu Caitucoli</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<h2>Un attachement sans faille aux services publics</h2>
<p>Pour répondre à ce sentiment, on ne peut se passer de solutions concrètes en termes de présence de services publics, qui fondent l’attractivité des territoires ruraux.</p>
<p>Les habitants rencontrés dans les quinze villages sillonnés pour mon enquête déclarent unanimement leur attachement à ces services. Ainsi, la moindre velléité de réorganisation amplifie le sentiment d’injustice. Et le maire, souvent seul <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/le-temps-du-debat/congres-des-maires-de-france-qui-veut-encore-etre-maire">interlocuteur</a> face à ses administrés, se retrouve alors en porte-à-faux, entre injonctions gouvernementales et réalités locales.</p>
<p><a href="https://journals.openedition.org/cybergeo/27439">La ruralité est cependant plurielle</a> et présente des situations contrastées. On observe notamment une inégalité entre les campagnes en déclin et les campagnes proches des villes, plus dynamiques et bénéficiant de l’ensemble des commodités et des services. Ceux qui hésitent à franchir le pas de l’installation n’hésitent pas à identifier le manque de services publics comme freins à leur projet.</p>
<p>Par ailleurs, toutes les catégories de population ne sont pas sensibles à <a href="https://www.famillesrurales.org/sites/multisite.famillesrurales.org._www/files/ckeditor/actualites/fichiers/Rapport%20Etude%20RURALITES%20d%8Ef_0.pdf">l’idylle rurale</a> comme les jeunes de 18-25 ans qui projettent dans la ville leur envie d’émancipation.</p>
<h2>Des espaces de dialogues à encourager</h2>
<p>Ce sentiment d’injustice, nourri par les contrastes cités, est également prégnant dès que l’on évoque les lieux de sociabilité. Les résultats de mes premiers entretiens ont montré que les résidents sont plus pessimistes quant à l’avenir du monde rural à mesure que leurs lieux de rencontres disparaissent.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/316017/original/file-20200218-10991-1pirb23.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/316017/original/file-20200218-10991-1pirb23.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/316017/original/file-20200218-10991-1pirb23.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/316017/original/file-20200218-10991-1pirb23.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/316017/original/file-20200218-10991-1pirb23.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=585&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/316017/original/file-20200218-10991-1pirb23.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=585&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/316017/original/file-20200218-10991-1pirb23.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=585&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les Journées européennes du Patrimoine, une véritable réussite chaque année dans la commune d’Argiusta-Moriccio (Corse-du-Sud). Chaque année des conférences, expositions et moments de convivialité sont organisés autour d’un thème. En 2019, l’huile d’olive était à l’honneur.</span>
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</figure>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/316024/original/file-20200218-10976-9283pl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/316024/original/file-20200218-10976-9283pl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=246&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/316024/original/file-20200218-10976-9283pl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=246&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/316024/original/file-20200218-10976-9283pl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=246&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/316024/original/file-20200218-10976-9283pl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=309&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/316024/original/file-20200218-10976-9283pl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=309&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/316024/original/file-20200218-10976-9283pl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=309&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans l’Allier, les confréries jouent un rôle important de structuration et d’animation du lien social.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Montagne</span></span>
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<p>Ainsi les petits commerces ont cristallisé les débats sur l’existence d’une nouvelle <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/france-espaces-ruraux-periurbains/articles-scientifiques/disparition-commerces-proximite">désertification</a>, d’un point de vue autant économique que social.</p>
<p>Dans son ouvrage <em>Les Petites Villes</em>, <a href="https://www.cairn.info/revue-tous-urbains-2018-1-page-54.htm">Éric Chauvier</a> montre étonnamment que la fermeture de la permanence du PCF de son village est vécue comme la fermeture d’un commerce.</p>
<p>De retour dans la commune qui l’a vu grandir à Saint-Yrieix-la-Perche (Haute-Vienne), il explique que la fermeture de chaque commerce (et par extension de chaque lieu ouvert au tout venant) est vécue comme une destitution par les habitants.</p>
<h2>Abandonner la rhétorique du couple « dé-ré »</h2>
<p>Comment faire évoluer les perspectives dans ce contexte ? <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2017/07/13/nous-devons-changer-le-regard-que-nous-portons-sur-nos-campagnes_5160179_3232.html">La tribune</a> dans <em>Le Monde</em> publiée par Thomas Janicot et Quentin Jagorel, élèves de l’ENA et publiée à l’été 2017, indiquait que le préalable à la refonte de celles-ci était le changement d’image que nous portions sur nos campagnes. Se défaire de nos pré-notions sur la « ruralité » doit nous conduire à abandonner ce que j’ai nommé le couple « dé-ré ».</p>
<p>C’est-à-dire mettre de côté le constat de déprise, de désertification, de dévitalisation, de désengagement tout en cessant de valoriser la rhétorique consistant à réinvestir, revitaliser, redynamiser, repeupler.</p>
<p>Pourquoi ne pas tout simplement investir ou encore vitaliser ? Ce « ré », loin d’être anodin, n’existerait pas sans le « dé » qui nous rappelle une histoire qui, dans l’ensemble, aujourd’hui n’est plus.</p>
<p>Lorsque l’on souhaite « revitaliser » les territoires ruraux, quelle vision porte-t-on de leur avenir ? Celui de recréer une ruralité d’antan ? Celui de repeupler le monde rural à travers un exode urbain ? Et de ce point de vue, assiste-t-on à un étalement urbain vers les campagnes ou à une vraie dynamique migratoire en faveur des villages ?</p>
<h2>Valoriser nos campagnes : oui, mais comment ?</h2>
<p>Récemment plusieurs maires de communes rurales ont souhaité adresser un message positif, visant à présenter nos campagnes comme un vaste champ d’opportunités. Le <a href="https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/sites/default/files/2019-07/Rapport_Mission-ruralite_juillet-2019.pdf">rapport</a> visant à alimenter l’agenda rural du gouvernement s’inscrit dans cette perspective. À sa suite, le projet d’ouvrir <a href="https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/le-gouvernement-sengage-pour-les-tiers-lieux-lancement-de-lappel-manifestation-dinteret-pour-les">150 nouveaux tiers-lieux</a> a été validé courant 2019 afin de proposer aux habitants des lieux culturels, économiques, écologiques et sociaux alternatifs dans des territoires parfois désertés. C’est dans la même optique que <a href="https://www.1000cafes.org/">l’opération 1000 cafés</a> sera mise en place par le groupe SOS avec le soutien du gouvernement.</p>
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<figcaption><span class="caption">« La Cité Fertile, à Pantin » (l’Info durable).</span></figcaption>
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<p>De tels discours positifs permettent de montrer les nombreux atouts des espaces ruraux et même leur <a href="https://www.lefigaro.fr/vox/societe/jean-pierre-rioux-la-disparition-de-nos-villages-et-notre-malaise-identitaire-actuel-sont-lies-20190412">caractère indispensable</a> pour le développement de la France. Mais il a aussi ses limites.</p>
<h2>« C’est nous qui allons sauver le système »</h2>
<p>L’envie de valoriser les territoires se heurte ainsi à une très forte opposition à l’encontre des « métropoles » qui « appauvriraient » et « videraient de leurs ressources » les « mondes ruraux » comme me le confie Alfred X., maire d’une commune de 1 000 habitants.</p>
<p>Les élus dénoncent la mainmise des métropoles sur le système territorial. Dans ce cas, comment faire co-exister un discours positif de leur part avec la dénonciation d’un système qui reléguerait intentionnellement nos campagnes ?</p>
<p>L’idée que le monde rural retrouve ses lettres de noblesse ou soit promis à un avenir radieux revient souvent dans les entretiens :</p>
<blockquote>
<p>« De toute façon, on pourra plus s’engorger dans les villes. C’est nous qui allons sauver le système. » (Julie, fonctionnaire territorial).</p>
</blockquote>
<p>L’idéalisation d’un monde rural aux <a href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/2019/01/06/01016-20190106ARTFIG00141-arvieu-ce-village-numerique-qui-defie-le-declin-demographique.php">valeurs</a> plus humanistes qu’ailleurs rejoue d’une certaine façon les oppositions « ruraux/urbains » et les clichés portés sur la campagne.</p>
<p>Dynamiser les campagnes françaises nécessite donc de sortir de ce double discours stéréotypé aussi bien au sein de l’opinion publique urbaine que chez les habitants des campagnes et leurs élus.</p>
<p>Faire <a href="https://blogs.univ-poitiers.fr/o-bouba-olga/2017/09/02/dynamiques-territoriales-eloge-de-la-diversite/">l’éloge de la diversité rurale</a> doit reléguer derrière nous le <a href="https://theconversation.com/les-territoires-peuvent-ils-se-developper-sils-ne-sont-pas-des-metropoles-106956">fatalisme territorial</a> au risque de se perdre dans une nouvelle opposition rural-urbain, que l’on souhaite pourtant dépasser.</p>
<hr>
<p><em>La thèse de l’auteur est dirigée par Valérie Guillard (Professeure des Universités, Directrice de Dauphine Recherches en Management), et Fabrice Larceneux (chargé de recherche au CNRS, Université Paris-Dauphine).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/131719/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paul-Mathieu CAITUCOLI est financé par le Ministère de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l'Innovation (Contrat doctoral). </span></em></p>Pour changer le regard sur les campagnes françaises, il faut d’abord changer de discours, dans les villes mais aussi dans les campagnes.Paul-Mathieu Caitucoli, Doctorant contractuel en sciences de gestion, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1313112020-02-13T18:02:39Z2020-02-13T18:02:39ZUne société du care : un projet municipal loin d’être « nunuche »<p>Dans le film de Nicolas Pariser sorti l’an passé, <em>Alice et le maire</em>, un magistrat lyonnais fictif se questionne : la pensée et la pratique politique sont-elles compatibles ? Blasé de la vie politique, ce personnage va chercher l’inspiration auprès d’une jeune philosophe. Une trame qui, d’après <em>Télérama</em>, reflète la <a href="https://www.telerama.fr/cinema/alice-et-le-maire,-reflet-cinematographique-de-notre-epoque,n6445258.php">lassitude contemporaine</a> que notre société éprouve à propos du politique.</p>
<p>Pour lutter contre ce sentiment de vacuité, nous aurions pu suggérer à cet édile de se tourner vers l’idée d’une « société du care », que l’on pourrait traduire en français par « société du prendre soin » ou de l’« attention à l’autre ». Cette proposition se fonde sur une forme d’éthique née aux États-Unis dans les années 80, dans le contexte d’une réflexion féministe initiée par la psychologue américaine <a href="https://editions.flammarion.com/Catalogue/champs-essais/une-voix-differente">Carole Gilligan</a>. Depuis, ce sont près de 40 ans de travaux en sciences humaines et sociales (psychologie, philosophie, sociologie) qui sont venus enrichir la réflexion autour de cette éthique. La notion a croisé le chemin des sciences politiques sous la plume de <a href="https://journals.openedition.org/gss/1699">Joan Tronto</a>, politologue américaine et professeure à City University of New York, qui l’a conceptualisée en un sujet « politique ».</p>
<h2>La « nunucherie » de Martine Aubry</h2>
<p>Il existe un précédent, même si peu de citoyens se souviennent de la <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2010/05/14/la-societe-du-care-de-martine-aubry-fait-debat_1351784_823448.html">tentative malheureuse</a> d’une Martine Aubry se lançant sur le sujet en 2010 et faisant « chou blanc ». Elle souhaitait promouvoir alors « une société du bien-être et du respect, qui prend soin de chacun et prépare l’avenir ». Dans sa vision, cette « société du bien-être » devait notamment se pencher sur la question du vieillissement et de son accompagnement.</p>
<p>Le parti pris médiatique à l’époque a particulièrement desservi l’ancienne ministre. Sa proposition a ainsi été perçue uniquement au travers d’un prisme « maternant », un journaliste allant jusqu’à qualifier cette approche de <a href="https://next.liberation.fr/culture/2010/04/19/le-ricanement-nerveux-de-jean-michel-aphatie_621563">« nunucherie »</a>, moquant les « bons sentiments » de l’élue.</p>
<p>Pourtant, si l’on accepte de dépasser les clichés trop facilement associés à la notion de <em>care</em>, cette forme d’éthique pourrait opportunément enrichir les débats. La vie publique gagnerait en effet à discuter une éthique dont les mots clés sont : vulnérabilité, réciprocité, interdépendances, relation de service (et de soin), responsabilité et reconnaissance – tant vis-à-vis de ses personnels que de ses usagers.</p>
<p>Non seulement on peut y voir une résonance forte avec <a href="https://www.vuibert.fr/ouvrage/9782311406610-replacer-vraiment-l-humain-au-coeur-de-l-entreprise">plusieurs grandes questions managériales</a>, mais on peut y lire plus spécifiquement un ancrage dans la sphère publique ainsi que l’a démontré Joan Tronto.</p>
<h2>Les fondements de la « société du care »</h2>
<p>Que pourrait donc être cette « société (municipale) du care » ? Curieusement, peu d’écrits et de travaux portent sur l’application de cette forme d’éthique au champ du management public.</p>
<p>À l’hôpital, d’abord, où la notion de « soin » est d’une certaine manière une évidence, ses implications possibles en termes de management ne semblent pas passionner les foules, sauf à restreindre le care à la seule logique, certes puissante, des lieux de vie des patients et des professionnels. C’est ce que la philosophe et psychanalyste française Cynthia Fleury explore dans le cadre de sa <a href="https://chaire-philo.fr/">Chaire de philosophie</a> à l’hôpital en lien avec l’agence de design <a href="https://www.sismodesign.com/fr/design-with-care/">Les Sismo</a>. À travers la notion de « design with care », ils s’efforcent de repenser les espaces de l’hôpital afin de les rendre plus <em>hospitaliers</em>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Prend-on suffisamment soin les uns des autres ? Face au mal-être de la société, la philosophe Cynthia Fleury a discuté avec Arte d’un remède : le « care ».</span></figcaption>
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<p>Même à l’hôpital, donc, l’éthique du care demeure un espace à défricher, comme s’y emploient d’ailleurs certains acteurs et penseurs du milieu. Citons notamment les <a href="http://comjyeh.free.fr/0/Le%20Caring%20-%20Walter%20Hasbeen.pdf">travaux</a> de Walter Hesbeen. Cet infirmier et docteur en santé publique de l’Université catholique de Louvain explore la notion de « caring » à l’hôpital, mais ses travaux demeurent assez confidentiels.</p>
<h2>Des démarches innovantes qui mobilisent la notion de « care »</h2>
<p>Et si les candidats aux élections municipales s’emparaient de l’éthique du care ? Il existe déjà, ici et là, des initiatives qui s’inscrivent dans cette logique du prendre soin, mais il n’existe nulle part des démarches systémiques, globales, appréhendant le care comme un pivot des politiques publiques. Appuyons-nous sur deux exemples, celui d’une métropole (Lyon) et celui d’un territoire de taille plus modeste (Aix-les-Bains Riviera des Alpes).</p>
<p>Notons que l’on rejoint ici ce qu’un spécialiste du champ urbain, <a href="https://www.payot.ch/Detail/limage_de_la_cite-lynch_kevin-9782100037162?fp=1">Kevin Lynch</a>, a nommé la « ville sensible », plaidant pour une forme d’urbanisme moins centrée sur la technicité et davantage sur les perceptions et le vécu des habitants.</p>
<p>Ainsi, cette ville « sensible » ou « qui prend soin », c’est déjà cet espace qui se soucie des aidants : la France compte en effet plus de 8 millions d’aidants. Il s’agit de personnes qui accompagnent un proche qui ne peut vivre pleinement sans leur soutien actif : un enfant atteint d’un handicap ou d’une maladie chronique, un parent âgé en perte d’autonomie… Ils sont quelque 165 000 sur la métropole lyonnaise. La métropole a créé pour les accompagner un <a href="https://www.metropole-aidante.fr/">lieu d’accueil</a> d’écoute, d’information et d’orientation afin de les soutenir dans la prise en charge de leurs besoins. Ce projet a pris la forme d’une expérimentation sur trois ans visant à mieux coordonner l’ensemble des acteurs et des services qui existent.</p>
<p>C’est une première application de l’éthique du care et l’on sent bien, au regard des enjeux du vieillissement notamment, que la question des aidants va prendre une importance croissante.</p>
<h2>Quand le care se met au service du marketing touristique</h2>
<p>Mais la logique du care peut inspirer des démarches holistiques visant une plus large portée. Ainsi, l’Office de Tourisme d’Aix-les-Bains a-t-elle entrepris un vaste chantier autour du positionnement « bien-être » de la <a href="https://www.aixlesbains-rivieradesalpes.com/infos-pratiques/office-de-tourisme/">« Riviera des Alpes »</a> (sa signature). L’éthique du care aide ici à dépasser le stade de la promotion d’une station thermale : en s’appliquant à elle-même cette logique, cet office entend être exemplaire du point de vue du prendre soin de ses équipes.</p>
<p>Un projet managérial s’est donc mis en place en 2019 pour repenser les métiers (améliorer l’accueil des publics, mais aussi les métiers du centre des congrès), accompagner les personnes (notamment en termes de développement personnel) et faire de l’office et de son territoire, un espace « pacifié » (où règnent donc des valeurs de respect mutuel, de bien-être, de care). Sur la base du volontariat, les collaborateurs peuvent être accompagnés par un coach, et la dirigeante elle-même est aidée dans l’évolution de sa propre posture. Des actions autour du bien-être sont aussi proposées.</p>
<p>L’évolution rapide des besoins en compétences et la « guerre » des talents contraignent aujourd’hui les collectivités territoriales <a href="https://www.modernisation.gouv.fr/nous-decouvrir/organisation-de-la-direction-interministerielle-de-la-transformation-publique-arrete-du-22-fevrier-2018-0">à renouveler</a> leurs pratiques de management, l’organisation et les conditions du travail afin de faire face à de nombreux défis comme celui d’un <a href="https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/statistiques/rapports_annuels/2019/Rapport_annuel_FP-2019.pdf">absentéisme en hausse</a>.</p>
<p>Le « prendre soin » pourrait susciter alors de nouvelles pratiques managériales et autant de nouvelles modalités d’accompagnement des salariés des collectivités territoriales, ouvrant un vaste champ d’exploration qui pourrait aider à « réenchanter » la sphère publique et les projets de nos futurs édiles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/131311/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benoît Meyronin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Souvent décrié, la « société du care » réapparaît peu à peu dans l’inconscient collectif. Et alors que les municipales approchent, ce système ressemble de plus en plus à une alternative prometteuse.Benoît Meyronin, Professeur senior à Grenoble Ecole de Management, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1308962020-02-11T19:38:06Z2020-02-11T19:38:06ZEt si les municipales étaient l’occasion de mettre en place un RIC ?<p>L’un des principaux points de revendication lors du mouvement des « gilets jaunes » a été le Référendum d’initiative citoyenne – le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/referendum-dinitiative-citoyenne-ric-64737">RIC</a>. Une revendication qui a été largement relayée par la presse nationale entre <a href="https://blogs.mediapart.fr/raul-magni-berton/blog/181219/la-presse-nationale-et-le-ric">décembre 2018 et mars 2019</a> mais qui, depuis, fait de moins en moins la une dans le débat public.</p>
<p>Avec l’essoufflement du mouvement des « gilets jaunes » et la mobilisation importante des derniers mois sur la réforme des retraites, l’appel à la démocratisation par le RIC a perdu sa force. En fait, le <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/04/26/macron-enterre-le-ric-et-confirme-la-proportionnelle-a-l-assemblee_5455257_823448.html">refus catégorique</a> de cette mesure de la part de la majorité en place semble avoir découragé ses soutiens.</p>
<p>Pourtant, le RIC local, et plus généralement la démocratisation de la vie locale, sera l’un des enjeux des prochaines élections municipales.</p>
<p>Cette revendication n’est certes plus dans la rue ni dans les médias, mais elle continue à faire son chemin dans des cercles plus restreints. Plusieurs associations visent à consulter les citoyens sur la forme que peut prendre un RIC, à l’image d’<a href="https://objectif-ric.org">Objectif RIC</a> ou de <a href="https://culture-ric.fr/">Culture RIC</a>.</p>
<p>Plusieurs référendums locaux organisés par les habitants ont été lancés, à <a href="https://www.lepoint.fr/politique/a-grenoble-un-ric-pour-empecher-la-demolition-de-logements-28-10-2019-2343796_20.php">Grenoble</a> entre le 14 et le 20 octobre 2019 ou à <a href="https://www.liberation.fr/france/2019/11/11/a-saint-affrique-le-ric-a-l-epreuve-du-reel_1762805">Saint-Affrique dans l’Aveyron le 11 novembre</a>.</p>
<p>Enfin, depuis un an nous voyons émerger des think tanks, <a href="https://www.laliguecitoyenne.fr/">groupes de pression</a>, mobilisations locales visant à instaurer le RIC au niveau national et local. Des instituts se spécialisent également sur ce processus et sa mise en place concrète en France, comme l’<a href="https://irtd.fr/">Institut de recherche territoire démocratique</a> dont je suis membre.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1197877528184152073"}"></div></p>
<h2>Des initiatives à concrétiser lors des municipales</h2>
<p>Les élections municipales constitueront la première étape qui permet d’évaluer l’activité de ces groupes. Plusieurs personnes impliquées dans le mouvement des « gilets jaunes » ont choisi, au niveau municipal, soit de lancer une association pour faire pression sur les candidats, soit de créer des <a href="http://www.leparisien.fr/elections/municipales/municipales-citoyennete-le-mot-a-la-mode-chez-les-candidats-15-01-2020-8236332.php">listes citoyennes</a> indépendantes de tout parti politique, soit encore d’entrer dans des listes soutenues par des partis politiques à la condition d’exiger le RIC.</p>
<p>C’est le cas par exemple, de la <a href="https://www.lepoint.fr/politique/municipales-a-paris-simonnet-lfi-veut-rehumaniser-la-ville-contre-la-betonnisation-22-01-2020-2359227_20.php">France Insoumise</a>, d’<a href="https://ecologieparis.fr/2019/12/17/pas-decologie-sans-democratie/">Europe Écologie les Verts</a> ou du <a href="http://www.leparisien.fr/oise-60/beauvais-le-rn-fait-du-gringue-aux-gilets-jaunes-16-01-2020-8237343.php">Rassemblement national</a>.</p>
<p>Promouvoir le RIC au niveau local n’est pas un combat évident. La France est un pays très centralisé et bien peu de compétences sont déléguées, qu’il s’agisse du niveau local, et encore plus municipal. Cependant, promouvoir le RIC au niveau local est une stratégie qui vise avant tout à refaire vivre cette revendication, à la faire connaître aux citoyens et à l’exercer concrètement.</p>
<h2>Illégalité de la mesure</h2>
<p>Le principal problème lié à cette revendication au niveau municipal est que le RIC est, en tant que tel, illégal.</p>
<p>Plus généralement, les communes n’ont pas la prérogative qui consiste à décider comment elles vont prendre des décisions, puisque celle-ci revient à l’État et apparaît dans le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006070633">Code général des collectivités territoriales</a>. D’après celui-ci, les deux instruments clefs du RIC – la pétition et le référendum – sont prévus, mais d’une façon qui n’est pas compatible avec le fonctionnement du RIC. Ce dernier prévoit qu’une pétition puisse déclencher automatiquement un référendum dont le résultat est contraignant pour les pouvoirs publics. Par conséquent, il s’agit d’une procédure où, à aucun moment, les représentants ont leur mot à dire.</p>
<p>Or, quatre dispositifs prévoient l’utilisation de la pétition ou du référendum.</p>
<h2>D’autres mesures déjà prévues</h2>
<p>Tout d’abord, il existe dans la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006527593&cidTexte=JORFTEXT000000571356&dateTexte=20030329">Constitution</a> la possibilité de lancer une pétition pour demander l’inscription d’une question à l’ordre du jour d’une assemblée locale.</p>
<p>Il n’y a pas encore de texte d’application de ce dispositif, mais les communes peuvent y faire appel dans la mesure où il s’agit d’un droit constitutionnellement protégé. Cependant, ce droit ne permet pas de déclencher un référendum.</p>
<p>Il existe également la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=42E41C2E93CC2FF57C1DAEE0E8C38A00.tplgfr29s_3?idArticle=LEGIARTI000006389073&cidTexte=LEGITEXT000006070633&dateTexte=20130304">consultation d’initiative populaire</a>, selon laquelle 20 % des inscrits peuvent déclencher un référendum à travers une pétition, mais ce référendum n’est pas contraignant pour les pouvoirs publics.</p>
<p>D’où son label « consultation », qui signifie qu’il est consultatif. Il faut également noter que le déclenchement du référendum n’est pas contraignant non plus, si bien qu’à chaque étape le conseil municipal peut arrêter le processus.</p>
<p>Par ailleurs si les consultations <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=AF793644428038654511E5F7F3853613.tplgfr25s_1?idArticle=LEGIARTI000006389072&cidTexte=LEGITEXT000006070633&dateTexte=2013030">à l’initiative de la collectivité territoriale</a> existent, elles ne prévoient ni d’initiative citoyenne, ni de référendum contraignant.</p>
<p>Enfin, si le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idArticle=LEGIARTI000006389035&idSectionTA=LEGISCTA000006192582&cidTexte=LEGITEXT000006070633&dateTexte=20200130">référendum local</a> lui est bien contraignant, il faut que la participation atteigne 50 %. Et, l’initiative de ce référendum revient au conseil municipal.</p>
<h2>Un guide pour le RIC</h2>
<p>Au-delà de ces dispositifs, aucune autre procédure ne peut être mise en place, sous peine d’être dénoncée par le préfet et annulée par le juge administratif. Le dernier cas en date remonte à 2018, quand la <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01996725/">municipalité de Grenoble</a> a vu son RIC – appelé Interpellation et votation citoyenne – <a href="https://www.cairn.info/revue-participations-2018-1-page-85.htm">annulé de cette façon</a>. Dès lors, il est préférable se contenter des dispositifs existants. La méthode la plus intuitive est de pousser les candidats à utiliser la consultation d’initiative populaire, comme le fait efficacement le <a href="https://clic-ric.org/comment-declencher-un-ric-local/">Comité de liaison pour l’initiative citoyenne</a>. Ce comité est devenu un véritable lobby pour promouvoir le RIC, en rassemblant les personnes morales qui défendent cette institution et en faisant pression sur les élus.</p>
<p>Cependant, il existe une alternative juridique pour mettre en place un RIC au niveau local bien plus efficace que la consultation. Les détails sont donnés dans le <a href="https://irtd.fr/project/ric-local/">« Guide pour mettre en place le Référendum d’initiative citoyenne dans une commune dès aujourd’hui »</a> en accès libre sur le site de l’Institut de recherche Territoire démocratique et auquel j’ai moi-même participé.</p>
<p>La préconisation de ce guide, écrit à l’origine pour la mise en place du RIC à Grenoble, a été reprise par plusieurs listes candidates aux élections municipales, dont deux des trois citées plus haut.</p>
<p>Il s’agit d’enchaîner trois dispositifs parfaitement légaux : le vœu, la pétition et le référendum local.</p>
<h2>Trois dispositifs cruciaux</h2>
<p>Tout d’abord, il faut que le conseil municipal formalise son intention politique d’octroyer ce nouveau droit aux citoyens à travers un acte écrit, mais non contraignant. Ceci peut se faire par <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006389895&cidTexte=LEGITEXT000006070633&dateTexte=19960224"><strong>le vœu</strong></a>.</p>
<p>Cela signifie que le conseil municipal demande au maire d’être saisi sur toute question faisant l’objet d’une pétition écrite par les citoyens et remise au conseil municipal ; c’est une subtilité légale qui permet d’engager le conseil municipal et le maire, tout en n’ayant pas de valeur légale. Il ne confère donc pas un « droit » mais un engagement à faire comme si ce droit existait.</p>
<p>Ainsi, le tribunal administratif de Paris a considéré en 2011 qu’un vœu du conseil de Paris tendant à ce que le maire le saisisse de certaines pétitions n’était pas <a href="https://www.lalibrairie.com/livres/guide-pratique-de-la-democratie-participative_0-5948309_9782701320489.html">contraire au droit</a>. Cette étape consiste à rendre crédible le dispositif aux yeux des citoyens.</p>
<p>La deuxième étape consiste à utiliser le droit de <strong>pétition</strong> pour demander l’inscription d’une question à l’ordre du jour d’une assemblée locale inscrit dans la constitution. Il s’agit ici de mettre concrètement en œuvre le dispositif.</p>
<p>Puisque ce dispositif pétitionnaire n’est pas réglementé par la loi, chaque commune est libre de réglementer comme il le souhaite. Ainsi, elle peut s’engager à rendre compte de toute pétition qui atteint un seuil entre 1 % et 5 % (selon la taille de la commune), ou elle peut également accepter les signatures des résidents non nationaux. Il s’agit d’une procédure assez courante qui, si elle ne débouche pas habituellement sur un référendum, fait souvent l’objet de débats au sein des conseils municipaux, comme, par exemple, c’est le cas à <a href="https://participer.strasbourg.eu/petitions">Strasbourg</a>.</p>
<p>Finalement, l’engagement du conseil municipal consiste à mettre en place un <strong>référendum local</strong> sur tout objet de pétition qui atteint le seuil requis.</p>
<p>Le référendum local n’est contraignant que si le seuil de 50 % de participation est atteint. Si ce seuil n’est pas atteint, le conseil municipal est libre de suivre ou non le résultat majoritaire. Ce seuil est très exigent : il est non seulement très rarement atteint pour les référendums, mais aussi pour les élections locales. Il est donc important que le conseil municipal s’engage auprès des citoyens à suivre systématiquement l’avis majoritaire même si le seuil de participation n’est pas atteint.</p>
<h2>Est-ce que cela fonctionne ?</h2>
<p>Cette formulation a deux avantages et un inconvénient. Premièrement, elle combine trois dispositifs légaux, et est donc légale face au juge administratif (même s’il y a encore un risque dans l’interprétation du vœu). Deuxièmement, il permet de construire un RIC basé sur des seuils de signatures abordables et sur des institutions contraignantes.</p>
<p><a href="https://www.franceculture.fr/oeuvre/le-referendum-dinitiative-citoyenne-explique-a-tous-au-coeur-de-la-democratie-directe">Il a été démontré</a> que des seuils trop hauts conduisent à des dispositifs inopérants, et des dispositifs non contraignants découragent l’utilisation du RIC comme instrument de contestation, en lui enlevant ainsi sa première qualité.</p>
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<p>L’inconvénient majeur de ce dispositif – comme tous les autres qui peuvent être mis en place au niveau local à l’heure actuelle – est qu’il repose sur la bonne volonté des élus. Un inconvénient de taille, mais qui ne pourra pas être évité. Comme noté plus haut, le RIC local aura plus une valeur pédagogique et expérimentale qu’une valeur proprement institutionnelle.</p>
<p>Actuellement, des dispositifs démocratiques sont proposés par les différentes listes, même s’ils sont plus ou moins opérants. Une autre initiative de chercheurs – le <a href="https://irtd.fr/project/participometre">Participomètre</a> – vise à étudier et donner les moyens à tous d’évaluer l’aspect démocratique des programmes des candidats aux municipales.</p>
<p>Pour la première fois, les programmes peuvent être comparés dans chaque commune par les internautes comme les chercheurs. « Les résultats des évaluations sont publiés et mis en parallèle de ceux résultant de l’évaluation réalisée par les chercheurs » indique le site du Participomètre. Parmi les dispositifs évalués, le référendum d’initiative citoyenne aura une place de choix.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130896/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raul Magni-Berton est membre de Dauphiné démocratique et de l'Institut de recherche territoire démocratique, toutes deux associations qui promeuvent la démocratie directe et l'autonomie locale
</span></em></p>Le RIC local, et plus généralement la démocratisation de la vie locale, sera l’un des enjeux des prochaines élections municipales.Raul Magni-Berton, Professeur de sciences politiques, Sciences Po Grenoble, UMR Pacte, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1310942020-02-06T18:21:15Z2020-02-06T18:21:15ZLe maire doit-il gérer une ville comme une entreprise ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/313337/original/file-20200203-41527-ijs2gu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=146%2C34%2C4327%2C3069&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les maires cherchent dorénavant à concilier missions de service public et nouvelles manières de gouverner l’espace public.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shocky / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La fonction de maire fait aujourd’hui face à une transformation du paradigme qui fondait l’action publique locale : les collectivités territoriales sont passées de l’administration de la chose publique à une gouvernance de l’action publique, détournant le rôle d’administrateur du maire vers un rôle de manager.</p>
<p>Certes, la casquette d’administrateur subsiste. Il s’agirait plutôt d’évoquer une hybridation de la place du maire, qui doit aujourd’hui concilier la traditionnelle mission de service public, avec les nouvelles manières de gouverner l’espace public.</p>
<h2>Notions de performance et d’efficacité</h2>
<p>Ainsi, le maire fait cohabiter un rôle public, dans lequel il doit <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/535291/portrait-robot-le-maire-manager/">respecter un cadre juridique</a> drastique tel que prévu par le code général des collectivités territoriales ou encore les règles textuelles et jurisprudentielles, avec un environnement de plus en plus managérial intégrant les notions de performance, d’efficacité et tous les indicateurs d’actions provenant du secteur privé.</p>
<p>Le maire ne peut qu’endosser ce rôle de manager correctement s’il noue des collaborations à l’intérieur de la collectivité et l’extérieur de la collectivité. Les collaborations peuvent se faire aussi bien lorsque le maire agit pour le compte de la collectivité en faisant des partenariats public-privée, ou encore en mettant en place des mécanismes de décision publique intégrant les administrés, cela est le produit d’un management de nature externe favorisant une inclusion économique et citoyenne.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/313532/original/file-20200204-41516-1tl93bj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/313532/original/file-20200204-41516-1tl93bj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/313532/original/file-20200204-41516-1tl93bj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/313532/original/file-20200204-41516-1tl93bj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/313532/original/file-20200204-41516-1tl93bj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/313532/original/file-20200204-41516-1tl93bj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/313532/original/file-20200204-41516-1tl93bj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Projet de « manager de rue » porté par le candidat à la mairie de Paris Benjamin Griveaux.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://twitter.com/le_Parisien/status/1223681781892820993?s=20">Le Parisien/Twitter</a></span>
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<p>Cette inclusion économique permet de réduire les coûts de l’action publique territoriale en ayant recours à des marchés publics avec des acteurs privés. Le maire va ainsi prendre en compte le critère du mieux-disant pour retenir l’offre de service ayant le meilleur ratio coût/efficacité pour la collectivité. Concernant l’inclusion citoyenne, elle permet une démocratie de proximité favorisant une prise de décision collective des administrés sur des problématiques les concernant directement.</p>
<p>Cette collaboration a un second volet beaucoup plus concret pour traduire la fonction de manager de maire : la collaboration interne intégrant des acteurs à l’intérieur de la collectivité.</p>
<h2>Un maire DRH</h2>
<p>Dans le secteur public, le maire, qui fixe la politique de recrutement de la collectivité, joue ainsi un rôle de directeur des ressources humaines. Lorsqu’il recrute, il le fait sur la base du statut de la fonction publique territoriale, mais il a aussi la possibilité de recruter des contractuels. Cette deuxième option permet au maire d’avoir plus de flexibilité car il n’a plus le souci de respecter scrupuleusement le cadre statutaire de la fonction publique. Par ailleurs, il doit faire attention dans le cadre de sa gestion afin de trouver un équilibre entre les ressources et les dépenses de la collectivité. Cela signifie qu’il doit veiller à ne pas avoir une masse salariale trop conséquente.</p>
<p>Ajoutons que le maire, dans sa fonction de manager, peut mettre en place des dispositifs de travail innovants empruntés au secteur privé, par exemple, le télétravail, pour permettre aux employés municipaux d’avoir un équilibre vie privée/vie professionnelle. Il peut aussi mettre en place des mécanismes incitatifs de lutte contre l’absentéisme par l’allocation de primes, ou encore des primes aux résultats pour favoriser l’implication des agents territoriaux.</p>
<p>La taille de la commune est un critère important dans cette notion de maire manager, puisque plus une commune est grande, plus les espaces de collaborations seront manifestes dans l’espace interne et externe. De même, plus une commune sera implantée dans un territoire urbanisé, plus cette dimension managériale s’imposera, car l’urbanisation produit un échange des pratiques du secteur privé avec le secteur public créant de fait une interdépendance des deux secteurs.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1149195779594170368"}"></div></p>
<h2>Réalité politique</h2>
<p>Un autre critère permet aussi de situer le maire dans une configuration managériale, c’est la configuration politique. En effet, les communes, dans l’organisation décentralisée française, unissent leurs actions dans des structures de coopération intercommunales. Ces entités sont les nouvelles arènes de gouvernance, puisque la mutualisation de l’action des communes implique une pluralité des sources pour certains financements stratégiques. Dans ces structures, le maire doit savoir gérer de manière efficace les intérêts de sa commune en faisant des compromis.</p>
<p>Toutefois, le rôle de maire garde une dimension politique évidemment plus prononcée que pour manager. Il doit notamment gérer sa majorité, de sorte qu’elle fasse passer des délibérations municipales en conseil municipal. Il doit donc <a href="http://www.managerattitude.fr/9938001/le-maire-un-manager-de-proximite.html">susciter l’union sacrée dans ses rangs politiques</a>, et parfois avec l’opposition en nouant des coalitions ou des alliances de circonstances.</p>
<p>Surtout, si le fruit de son travail peut être évalué par des tableaux de bords sociaux, des chiffres, des actions concrètes, le scrutin reste la seule évaluation qui vaille. C’est souvent lors d’une élection municipale qu’un maire peut présenter ce qu’il a fait pour la commune, et c’est le vote qui va déterminer le bien-fondé de son bilan politique.</p>
<hr>
<p><em>Article rédigé par Médy Ouichka, doctorant en droit public à l’Université de Lorraine, sous la direction de Léonard Matala-Tala, maître de conférences (habilité à diriger des recherches) de droit public (Université de Lorraine).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/131094/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Médy Ouichka ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les élus doivent désormais composer avec des notions issues du secteur privé telles que la « performance ». Leur gestion communale garde toutefois un certain nombre de spécificités.Médy Ouichka, Doctorant en droit public, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1271842019-12-06T08:23:28Z2019-12-06T08:23:28ZL’auto-stop réinventé par Rezo Pouce : au-delà de la belle histoire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/304724/original/file-20191202-67011-q0pag8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C275%2C1767%2C1158&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Deux auto-stoppeurs usagers de Rezo Pouce.</span> <span class="attribution"><span class="source">Rezo Pouce</span></span></figcaption></figure><p><strong>Comme l’ont montré les « gilets jaunes », la voiture est un élément essentiel dans de nombreux territoires. Sans elle, l’exclusion guette. Pourquoi alors ne pas favoriser des formes de partage, y compris l’auto-stop ? Développer une pratique qui a toujours été marginale n’est pas si simple. Chronique d’une aventure entrepreneuriale initiée à Moissac, dans le Tarn-et-Garonne : Rezo Pouce.</strong></p>
<p>« Ce qu’il y a d’intéressant dans votre révolte, c’est qu’elle met l’imagination au pouvoir », disait Jean‑Paul Sartre à Daniel Cohn-Bendit en 1968. Nombre de soixante-huitards ont toutefois pu découvrir ensuite qu’il n’est pas aisé de laisser la bride à l’imagination lorsqu’on exerce le pouvoir. Mais l’éloge de l’imagination peut conduire sur une fausse piste si on la réduit à l’originalité d’un propos, d’une cause, d’une revendication ou d’un nouveau produit. Son sort se joue en effet souvent sur le <em>comment faire</em> plutôt que sur le <em>quoi faire</em>.</p>
<h2>Une mise en œuvre très imaginative</h2>
<p>Adjoint au maire en charge du Développement durable de Moissac, ville du Tarn-et-Garonne de 13 000 habitants, Alain Jean se penche en 2010 sur la question de la mobilité : 15 % des ménages ruraux ne possèdent pas de voiture et 50 % n’en ont qu’une, ce qui immobilise les autres personnes au foyer.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304722/original/file-20191202-66982-1rqkwov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304722/original/file-20191202-66982-1rqkwov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304722/original/file-20191202-66982-1rqkwov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304722/original/file-20191202-66982-1rqkwov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304722/original/file-20191202-66982-1rqkwov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304722/original/file-20191202-66982-1rqkwov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304722/original/file-20191202-66982-1rqkwov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Alain Jean.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rezo Pouce</span></span>
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<p>Il lui vient une idée : réhabiliter l’auto-stop. Cela résoudrait beaucoup de problèmes de mobilité quotidienne, diminuerait les encombrements et la pollution, et créerait du lien social. Il s’agit d’une des formes les plus anciennes de l’autopartage, mais son image est désuète. Si Michel Fugain l’a placé haut dans l’imaginaire français avec sa « belle histoire », c’était justement dans la lignée de 1968. Depuis la pratique est restée marginale, réservée aux étudiants sans-le-sou qui attendent pendant des heures une bonne âme aventureuse. Car l’auto-stop fait peur. Autant au conducteur qu’à l’auto-stoppeur.</p>
<h2>Des rites bien pensés</h2>
<p>Le manque de confiance est le premier frein des activités humaines, commerciales ou non. Tous les initiateurs de projet doivent interroger leur « bonne idée » à l’aune de cet écueil. Le produit, le service, la pratique promus sont-ils rassurants pour le consommateur comme pour le producteur ?</p>
<p>BlaBlaCar a longtemps buté sur cette difficulté. C’est en traçant et en notant les conducteurs sur son application que les premiers freins se sont desserrés chez les transportés. Les accords noués avec les compagnies d’assurances ont ensuite apporté leur lot à la construction de la confiance. Pour les conducteurs, c’est le paiement de la participation aux frais réalisé à l’avance et via l’application qui les a convaincus qu’ils ne perdraient plus leur temps à attendre un covoituré qui ne viendrait pas sur le parking d’un supermarché un soir de pluie.</p>
<p>C’est sur ce même point que l’équipe du projet appelé Rezo Pouce a fait preuve d’imagination en créant des rites de nature à créer la confiance et instaurer des habitudes.</p>
<ul>
<li><p>La <em>carte d’auto-stoppeur</em> que reçoivent les personnes s’inscrivant au dispositif sur Internet ou en mairie après avoir validé une charte et remis une photo ou scan de pièce d’identité. Chaque personne inscrite reçoit son kit d’information pour lui permettre de mieux appréhender l’auto-stop, en connaître les avantages et les limites.</p></li>
<li><p>Les inscrits se reconnaissent entre eux, soit par la fiche de destination qu’ils peuvent réaliser à partir du site, soit, pour les conducteurs, par le macaron qu’ils reçoivent et apposent sur leur pare-brise.</p></li>
<li><p>Les arrêts d’auto-stop. Pour inscrire l’auto-stop dans le territoire, l’idée, géniale, est venue de créer des arrêts d’auto-stop, installés à des endroits où prendre des passagers sans danger. L’auto-stoppeur s’y rend muni d’une fiche indiquant sa destination. On en trouve près des gares, à la sortie des agglomérations et dans divers hameaux du territoire.</p></li>
</ul>
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<h2>Une croissance fulgurante</h2>
<p>Le démarrage est très lent, comme le rappelle Alain Jean :</p>
<blockquote>
<p>À Moissac, je jouissais, comme membre de l’équipe municipale, de la confiance du maire. Puis les communes voisines ont suivi, mais les comportements changent lentement. La première année, 1,5 % à 2 % des Moissagais se sont inscrits. Après neuf ans d’existence, ils sont 7 %, ce qui est considérable. Nous avons beaucoup travaillé, avec des psychologues et des anthropologues, sur l’image de l’auto-stoppeur, car bien des gens avaient l’impression de se dégrader en sollicitant ce service. Nous avons communiqué pour faire évoluer les mentalités. Nous avons accompagné les personnes dont c’était la première expérience.</p>
<p>Nous formons désormais des animateurs de transition, qui visitent les territoires et aident au développement de cette nouvelle formule, en s’assurant la collaboration des mairies, des CCAS, des missions locales de service public, et parfois même du département, voire de la région. Nous n’imaginions pas en 2010 que notre petite association prendrait une telle ampleur !</p>
</blockquote>
<p>Nombreuses sont en effet les collectivités qui adoptent le dispositif. Elles étaient 150 en 2015 et plus de 2000 aujourd’hui. Elles prennent un abonnement au réseau, en assurant la gratuité du dispositif aux usagers. Les tests et les retours indiquent que la moitié des auto-stoppeurs attendent aujourd’hui moins de 5 minutes, et 90 % moins de 10 minutes, pour une moyenne de 15 km. Autant de femmes que d’hommes utilisent Rezo Pouce.</p>
<p>Rezo Pouce a créé une application sur smartphone. Il expérimente aussi un Rezo Senior, permettant de prendre rendez-vous un ou deux jours à l’avance. Une version Rezo Pro facilite le covoiturage domicile-travail dans les entreprises. Celles-ci paient l’abonnement, en offrant la gratuité du service à leurs salariés, voire même en leur proposant des gratifications (places de cinéma, de concert, de piscine, etc.) pour les inciter à pratiquer le covoiturage. Le développement, et la communication, du réseau sont appuyés par des défis par exemple des courses d’auto-stop.</p>
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<p>Alain Jean préside le réseau et anime une équipe de 11 salariés et de plusieurs dizaines de bénévoles sur l’ensemble du territoire. Rezo Pouce devrait donc largement couvrir les territoires ruraux français, jusqu’aux villes petites et même moyennes.</p>
<h2>Des enseignements à méditer</h2>
<p>Le fameux effet réseau qui couronne de succès de nombreuses initiatives à la mode n’est pas réservé aux applications numériques mondiales d’origine anglo-saxonne. Des initiatives locales peuvent en bénéficier, qu’elles soient marchandes ou non. Ce n’est sans doute pas un hasard si une telle initiative a prospéré à Moissac. L’idée aurait pu germer ailleurs, y compris dans un bureau parisien. Mais tenir la distance pour lever un à un les obstacles d’une pratique socialement si mal installée dans les esprits n’est pas évident. Pas plus que de trouver les concours notamment financiers pour soutenir un démarrage forcément lent.</p>
<p>Une telle énergie, une telle constance et une telle créativité ne pouvaient provenir que d’individus au contact du besoin, frustrés par l’absence de solution d’un problème ressenti comme crucial dans un territoire isolé. De plus, Alain Jean étant un des fondateurs du parti Europe Écologie les Verts, il voyait dans ce projet une façon de concrétiser les idées qu’il défendait.</p>
<p>La participation des territoires est une nécessité indépassable lorsqu’on parle de développement, économique ou non. Il ne s’agit pas simplement de susciter un surplus d’imagination pour identifier une idée qu’on ne trouverait pas ailleurs, mais d’y mobiliser créativité et énergie pour lever un à un tous les obstacles. Car le diable est dans les détails et même les bonnes idées se perdent vite en chemin, surtout en rase campagne.</p>
<hr>
<p><strong>Retrouvez toutes les initiatives de la série « Le Jardin des entreprenants » en cliquant <a href="https://theconversation.com/fr/topics/le-jardin-des-entreprenants-79569">ici</a>.</strong></p>
<hr>
<p><em>Pour en savoir plus, voir <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/1340-bonnes-nouvelles-de-l-innovation-citoyenne">Bonnes nouvelles de l’innovation citoyenne</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127184/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et responsable du Jardin des entreprenants</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christophe Deshayes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Sans la voiture, l’exclusion guette, ont rappelé les « gilets jaunes ». Pourquoi alors ne pas favoriser le partage y compris l’auto-stop ? Mais développer une pratique marginale n’est pas si simple…Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines Paris - PSLChristophe Deshayes, Animateur du cycle « Transformations numériques », L'École de Paris du ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1270592019-11-20T22:39:49Z2019-11-20T22:39:49ZLe sport, cet atout politique des maires<p>Salle de sport, terrains de football, gymnases : au moment du bilan, les maires n’hésitent pas à mettre en avant <a href="https://www.lavoixdunord.fr/659993/article/2019-11-02/mouchin-construction-de-la-salle-de-sport-et-renovation-de-la-mairie-au-bilan-du#&VP=0">leurs efforts en matière d’équipement sportifs</a>, rappelant à quel point le sport, son accessibilité et sa diffusion sont cruciaux dans l’espace politique local.</p>
<p>En 2019 <a href="http://www.sports.gouv.fr/accueil-du-site/actualites/article/L-agence-nationale-du-sport-est-nee">lors de la création de l’Agence nationale du sport</a> (24 avril), David Lazarus, maire de Chambly (Hauts-de-France) et co-président du groupe de travail « sports » de l’association des maires de France (AMF) n’hésitait d’ailleurs pas à souligner,</p>
<blockquote>
<p>« On porte déjà le sport au quotidien en soutenant les équipements et les clubs. En nous mettant autour de la table, l’État nous donne un pouvoir de décision au niveau national mais aussi territorial. Disposer d’un guichet unique au niveau régional, ce sera un accélérateur formidable pour les collectivités. »</p>
</blockquote>
<p>Depuis le <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2004-3-page-13.htm">début du XX<sup>e</sup> siècle tout particulièrement</a>, les liens entre mondes sportif et politique se sont développés à mesure que le sport est devenu un enjeu médiatique, notamment sur une échelle nationale et internationale, et à tel point qu’on évoque régulièrement l’impact de la diplomatie sportive dans les <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2013-1-page-131.htm">relations internationales</a>, bien qu’il soit plus supposé que réel et durable.</p>
<p>Mais on connaît moins les <a href="https://koebel.pagesperso-orange.fr/ListePubli1.htm">enjeux politiques locaux du sport</a> et plus particulièrement les profits symboliques que les instances locales de pouvoir peuvent tirer de la mise en scène du sport et des sportifs, quand ils sont porteurs d’une identité locale.</p>
<h2>Des parcours similaires vers le pouvoir</h2>
<p>Les deux espaces – politique et associatif – tirent profit l’un de l’autre pour plusieurs raisons. Il existe tout d’abord de nombreuses similitudes entre eux, quant à la manière d’accéder aux positions de pouvoir respectives.</p>
<p>Les compétences nécessaires pour accéder à des positions de pouvoir dans ces deux espaces (dirigeants associatifs ou édiles locaux) favorisent <a href="https://injep.fr/publication/parcours-de-jeunes-maires-de-france-inegalites-dacces-et-accentuation-des-clivages-au-cours-du-mandat/">ceux qui les ont déjà acquises</a> dans d’autres espaces (familial, scolaire, professionnel) et constituent un puissant filtre social : on ne trouve que 6 % d’ouvriers parmi les présidents d’associations – et ce chiffre tombe à 1 % dans celles qui ont plus de 20 salariés. De la même façon, on ne compte que <a href="https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/repertoire-national-des-elus-1/">0,8 % d’ouvriers</a> parmi les maires des communes de plus de 2 500 habitants.</p>
<p>Les instances de décision qui sont censées être des lieux de délibération démocratique ne sont le plus souvent que des chambres d’enregistrement de décisions qui se prennent entre acteurs centraux (ce que je soulève dans <a href="https://koebel.pagesperso-orange.fr/pdf/LePouvoirLocal.pdf"><em>Le pouvoir local ou la démocratie improbable</em></a>, éditions du Croquant) et n’ont pas grand-chose à voir avec la démocratie, et ce, d’autant plus que la ville ou l’association sont plus grandes.</p>
<p>On sait que l’investissement associatif peut constituer un tremplin politique, notamment pour accéder au poste d’adjoint chargé des sports. C’est le cas aussi de sportifs ayant conquis une certaine notoriété, à qui l’on peut proposer de faire partie du conseil municipal. On peut citer la récente candidature de <a href="https://www.atlantico.fr/atlantico-light/3582594/l-ancien-footballeur-vikash-dhorasoo-sera-candidat-a-la-mairie-de-paris-sous-les-couleurs-de-la-france-insoumise-et-avec-danielle-simonnet-lfi-ludovic-obraniak-lr-lille-marc-philippe-daubresse">Vikash Dhorasoo, ancien footballeur, à la mairie de Paris</a> sous les couleurs de la France Insoumise.</p>
<p>Ainsi les élus locaux savent – ou apprennent très vite – que les associations sportives de la commune sont une richesse qu’il peuvent/doivent utiliser à leur profit.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/301770/original/file-20191114-26207-6o04um.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/301770/original/file-20191114-26207-6o04um.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/301770/original/file-20191114-26207-6o04um.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/301770/original/file-20191114-26207-6o04um.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/301770/original/file-20191114-26207-6o04um.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/301770/original/file-20191114-26207-6o04um.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/301770/original/file-20191114-26207-6o04um.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Fête du sport à Jacou, dans la région de Montpellier. Démonstration de capoeira après le discours du maire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/168987">Pxhere</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Grâce aux communes, le foot n’est pas un sport de riches</h2>
<p>Aucune loi n’a jamais obligé les élus locaux à subventionner les associations ou à construire et mettre à leur disposition des équipements sportifs (sauf ceux destinés à l’EPS scolaire et sauf dans le cas où une structure intercommunale s’est dotée de cette compétence), mais tous le font.</p>
<p>C’est qu’il y a bien un intérêt à cela. Pourquoi est-il si facile, par exemple, d’obtenir en mairie ou sur son site Internet la liste à jour de toutes les associations sportives de la commune ?</p>
<p>Parce qu’elle constitue une belle carte de visite pour le maire, le <a href="https://www.marckolsheim.fr/Cultures-Sports-Loisirs/Sports/Activites-sportives.html">dynamisme associatif local étant repris à son compte pour symboliser son propre rayonnement</a>.</p>
<p>Les collectivités territoriales investissent entre 5 et 10 % de <a href="https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/184000764.pdf">leur budget annuel dans le sport</a>, soit environ 8,5 milliards de dépenses sportives (pour les seules communes et communautés) sur 99 milliards au total, ce qui représente deux tiers de l’investissement public dans ce domaine (près de 10 milliards d’euros).</p>
<p>Si elles arrêtaient de financer le football par exemple et que les clubs devaient acheter leurs terrains, les aménager et les entretenir seuls, dans certaines villes moyennes ou grandes, cela coûterait aussi cher que le golf et on stigmatiserait le football comme « un sport de riches »…</p>
<h2>Rester attractif à tout prix</h2>
<p>Les baisses drastiques de subventions de l’État aux collectivités et l’incitation corrélative à devenir de plus en plus attractif (sur un fond de crise financière et économique) ont provoqué une compétition presque généralisée entre collectivités.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/301768/original/file-20191114-26262-jttest.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/301768/original/file-20191114-26262-jttest.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/301768/original/file-20191114-26262-jttest.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=492&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/301768/original/file-20191114-26262-jttest.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=492&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/301768/original/file-20191114-26262-jttest.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=492&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/301768/original/file-20191114-26262-jttest.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=619&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/301768/original/file-20191114-26262-jttest.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=619&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/301768/original/file-20191114-26262-jttest.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=619&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Mise en compétition entre les collectivités. Recherche « google » simple sur les mots clefs : « communes gagner en attractivité ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Google</span></span>
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<p>Il s’agit ainsi d’attirer sur son territoire les entreprises et les emplois, les touristes et leur pouvoir d’achat, les citoyens solvables et leurs impôts, et ce, qu’on le veuille ou non, au détriment des communes moins bien loties – on dira « moins dynamiques » –, des départements et des régions moins attractifs, des pays voisins moins bien évalués par les agences de notation financière…</p>
<p>Comment devient-on attractif ? La réponse est très simple : il faut savoir se vendre. Or le sport joue dans cette quête un rôle non négligeable qui peut même parfois devenir central.</p>
<h2>Renforcer l’identité locale</h2>
<p>De nombreuses municipalités misent d’abord sur les résultats sportifs de leurs habitants et de leurs équipes. Ces dernières incarnent l’identité de la commune (elles en portent d’ailleurs souvent le nom) et c’est en partie ce qui explique qu’elles sont soutenues financièrement par la mairie : leurs victoires – bien plus que leurs défaites – <a href="http://www.savoir-agir.org/IMG/pdf/SA15-Koebel.pdf">sont aussi celles des édiles et des habitants</a> qui en retirent une certaine fierté.</p>
<p>La notoriété des divers champions qui habitent la commune ou en sont originaires rejaillit en partie sur celle-ci, à condition de savoir la mettre en scène, comme à travers une <a href="https://www.dna.fr/edition-de-obernai-barr-rosheim/2019/02/07/les-champions-de-la-ville-sportifs-meritants">cérémonie de remise de récompenses aux sportifs méritants</a> : tout en honorant les sportifs, le maire peut ainsi espérer les fidéliser, développer leur attachement à la commune, et honorer celle-ci en retour, tout en justifiant sa politique sportive.</p>
<p>Il arrive parfois que les meilleurs d’entre eux conquièrent la scène sportive internationale et que, lors d’une compétition où la France a des chances de médaille, un duplex soit organisé au cœur même de sa ville ou de son village d’origine, histoire de rendre la victoire encore plus « authentique », parce que enracinée dans la « France profonde ». De tels moments sont parfois uniques pour un maire qui n’aurait jamais pu espérer autrement « passer en direct » sur une chaîne nationale.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/CenUTpMAIT0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le cycliste Romain Bardet, la « fierté » de Brioude, à l’honneur dans un reportage de France 3.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Ménager la population et les notables</h2>
<p>La vie municipale ordinaire est donc marquée par des projets concernant le sport : la construction d’une piscine ou d’une patinoire, d’un gymnase, d’un stade de football ou d’autres équipements spécialisés peuvent déchaîner les passions et les critiques, et décider au final du devenir d’un élu local…</p>
<p>Ce dernier doit ainsi prendre grand soin dans ses décisions, lorsqu’il attribue des subventions, des créneaux d’utilisation des équipements, quand il décide de les entretenir ou les améliorer, car il met en jeu ses relations avec une partie non négligeable de la population.</p>
<p>Et ce, d’autant plus qu’à la tête des clubs locaux les plus importants on trouve souvent des notables qui, en plus du fait qu’ils représentent un nombre important d’habitants et d’électeurs, <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2016-2-page-99.htm">ont localement un certain poids politique (comme les chefs d’entreprise)</a>.</p>
<p>C’est ce qui explique que les alternances politiques dans une ville ne remettent guère fondamentalement en cause la politique sportive menée précédemment, <a href="https://koebel.pagesperso-orange.fr/pdf/Koebel_Jurisport175.pdf">et que l’on observe une certaine inertie dans ce domaine</a>.</p>
<p>De plus en plus d’élus aujourd’hui sont conscients que la pratique sportive fédérale représente moins de la moitié de la pratique sportive réelle. Pas seulement du fait de l’augmentation de l’offre privée marchande : il s’agit le plus souvent d’activité physique auto-organisée (en famille, seul ou entre amis).</p>
<p>Les élus commencent à investir dans les aménagements urbains accessibles à tous, pour favoriser les mobilités actives – pistes cyclables, <a href="https://www.strasbourg.eu/vitaboucle">parcours urbains</a> – petits aménagements en plein air pour l’entretien physique par exemple, avec des objectifs de santé publique.</p>
<p>Contraintes par les fortes baisses de dotations de l’État, les subventions aux associations sportives sont en baisse, l’accès aux équipements devient de plus en plus souvent payant, et l’investissement en infrastructures nouvelles laisse place à des politiques de réhabilitation et de mutualisation. <a href="https://f3s.unistra.fr/websites/f3s/Formation/Plaquettes_des_Formations/Plaquettes_2019-2020/PK_masterPSAT_mars2019-300ex.pdf">Des professionnels s’y préparent dans de nouvelles formations spécialisées</a>.</p>
<p>On peut se demander quels seront les impacts sur la pratique sportive en club : une augmentation progressive du prix de la licence et, corrélativement, un phénomène de discrimination dans l’accès au sport organisé et encadré ?</p>
<p>La volonté des élus locaux d’impliquer les citoyens à l’élaboration des politiques sportives locales – dans divers dispositifs de démocratie participative – suffira-t-elle à les amadouer ?</p>
<hr>
<p><em>Cet article est inspiré d’une <a href="https://www.cairn.info/revue-savoir-agir.htm">précédente publication de l’auteur</a> apparue dans la revue Savoir/Agir.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127059/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Koebel est membre de l'association Savoir/Agir qui publie la revue du même nom. </span></em></p>Les instances de pouvoir locales se préoccupent particulièrement de la mise en scène du sport et des sportifs pour gagner sur le plan politique.Michel Koebel, Professeur de sociologie, chercheur au laboratoire « Sport et sciences sociales », Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1273382019-11-19T22:22:35Z2019-11-19T22:22:35ZLes Français face à leurs territoires : résultats d’une enquête inédite<p>Le territoire est à la mode : le <a href="https://www.nouvelobs.com/politique/20191119.OBS21265/l-operation-reconquete-de-macron-au-congres-des-maires.html">congrès des maires de France</a> n’est-il pas l’occasion de rappeler à quel point communes, régions, intercommunalités vont être au cœur du débat politique ? Pourtant que sait-on de la relation qu’entretiennent les Français avec leurs territoires ? Sont-ils satisfaits des nouvelles régions telles que définies par l’État et des limites de l’Union européenne ? </p>
<p>Réalisée à l’automne 2017 sur un panel représentatif de la population française, notre <a href="http://www.parisgeo.cnrs.fr/spip.php?article7643&lang=fr">enquête GlocalMap</a> apporte des <a href="http://cist.cnrs.fr/portfolio/dossier_7-premiers-resultats-de-lenquete-glocalmap/">résultats inédits</a> sur l’attachement des Français à leurs territoires.</p>
<p>Il s’agit en particulier de vérifier s’il existe, dans leurs attentes, une complémentarité ou une compétition entre le niveau national (État), et les niveaux infranationaux (quartier, commune, intercommunalité, département, région) ou supranationaux (Union européenne, Monde).</p>
<h2>Le « mille-feuille » territorial fort apprécié</h2>
<p>Contrairement à la plupart des travaux antérieurs qui se focalisaient sur seulement un ou deux niveaux d’action publique, l’enquête GlocalMap a demandé aux personnes enquêtées d’évaluer simultanément dans une même question la pertinence de ces niveaux pour l’action publique et d’indiquer lesquels ils souhaiteraient « supprimer, diminuer, garder en l’état ou renforcer ».</p>
<p>Ainsi formulée, la question suggère implicitement la possibilité d’opérer des arbitrages entre des niveaux territoriaux voisins et pousse les personnes enquêtées à proposer des systèmes de maillages territoriaux qu’ils estiment former des hiérarchies cohérentes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/302476/original/file-20191119-111635-1m2qylm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/302476/original/file-20191119-111635-1m2qylm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/302476/original/file-20191119-111635-1m2qylm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/302476/original/file-20191119-111635-1m2qylm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/302476/original/file-20191119-111635-1m2qylm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/302476/original/file-20191119-111635-1m2qylm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/302476/original/file-20191119-111635-1m2qylm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/302476/original/file-20191119-111635-1m2qylm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Quelle politique publique sur quels territoires ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">CIST 2019</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Mais contrairement à ce que l’on pouvait penser à la lecture des travaux existants sur la <a href="https://www.fayard.fr/sciences-humaines/la-fin-des-territoires-9782213594606">fin des territoires</a> ou sur l’affaiblissement de l’État sous l’effet de la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/096922998347633">mondialisation et de la métropolisation</a>, les Français proposent majoritairement de garder en l’état, voire de renforcer l’ensemble des niveaux territoriaux qui forment le <a href="http://www.abf.asso.fr/fichiers/file/Midi-Pyrenees/FORMATION/20181120_Re%CC%81forme%20territoriale.pdf">mille-feuille territorial français</a>.</p>
<p>Il existe certes des nuances importantes dans le choix des niveaux qu’ils souhaitent le plus renforcer ou garder en l’état (commune, État, région, département, quartier) et ceux dont ils souhaitent le plus réduire la capacité d’action politique (Europe, intercommunalité).</p>
<p>Mais les systèmes de maillages proposés par les Français se déploient toujours sur une large gamme de niveaux territoriaux et excluent une simplification drastique.</p>
<p>L’opposition la plus intéressante est celle qui se dessine entre ceux qui privilégient le système territorial issus de la <a href="https://www.mgm.fr/PUB/Mappemonde/M489/p2-7.pdf">Révolution française</a> (commune-département-État) et ceux qui privilégient le système issu des réformes territoriales et de la construction européenne (intercommunalités, régions, Europe) au risque de provoquer un <a href="https://books.google.fr/books/about/Big_Bang_Territorial.html?id=15QmCwAAQBAJ">« big bang territorial »</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/302481/original/file-20191119-111650-2dtwtj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/302481/original/file-20191119-111650-2dtwtj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/302481/original/file-20191119-111650-2dtwtj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=247&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/302481/original/file-20191119-111650-2dtwtj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=247&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/302481/original/file-20191119-111650-2dtwtj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=247&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/302481/original/file-20191119-111650-2dtwtj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=310&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/302481/original/file-20191119-111650-2dtwtj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=310&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/302481/original/file-20191119-111650-2dtwtj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=310&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Quels territoires donnent plus de satisfaction aux enquêtés ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">CIST 2019</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Afin de mieux comprendre l’attitude des Français à l’égard des niveaux territoriaux les plus récents, l’enquête GlocalMap a interrogé les personnes enquêtées sur leur degré de satisfaction ou d’insatisfaction quant aux limites de l’Union européenne et des nouvelles régions issues de la réforme territoriale de 2015.</p>
<h2>Un tiers des enquêtés plébiscitent une coupure ouest-est en Europe</h2>
<p>Après avoir demandé aux personnes enquêtées si elles étaient satisfaites ou non des limites de l’UE, il était proposé aux personnes insatisfaites (38 %) d’ajouter ou de retirer des pays membres afin de définir des limites « idéales ». La moitié du panel a répondu à l’aide d’une liste de noms de pays, l’autre moitié à l’aide d’une carte interactive ce qui a permis de vérifier l’effet éventuel du mode de questionnement utilisé sur les résultats.</p>
<p>D’une manière générale, les personnes non satisfaites des limites de l’Union européenne souhaiteraient revenir aux limites de l’Europe des 15, c’est-à-dire à la situation précédant le <a href="https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=17341&razSqlClone=1">grand élargissement aux pays d’Europe Centre Orientale</a> en 2005 et 2007.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/302649/original/file-20191120-515-1ktbv6n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/302649/original/file-20191120-515-1ktbv6n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/302649/original/file-20191120-515-1ktbv6n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/302649/original/file-20191120-515-1ktbv6n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/302649/original/file-20191120-515-1ktbv6n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/302649/original/file-20191120-515-1ktbv6n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/302649/original/file-20191120-515-1ktbv6n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/302649/original/file-20191120-515-1ktbv6n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Pays que les enquêtés souhaitent voir sortir de l’UE.</span>
<span class="attribution"><span class="source">CIST 2019</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Mais ils sont également modérément favorables au maintien de la Grèce et du Royaume-Uni dans l’Union européenne, tandis que certains proposeraient d’y ajouter des pays riches tels que la Suisse, la Norvège ou l’Islande. Des facteurs non seulement économiques mais aussi politiques conditionnent l’attitude des <a href="http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/livre/?GCOI=27246100238000">Européens face à l’élargissement</a>.</p>
<p>Le fait d’interroger les personnes à l’aide d’une carte les incite intégrer davantage les pays balkaniques. Inversement, la Russie est davantage intégrée lorsque la question est posée sous la forme d’une liste de noms. Mais il s’agit de nuances de détail et le message principal est celui du maintien d’une coupure ouest-est dans la tête d’au moins un tiers des Français, 30 ans après la chute du Rideau de Fer.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/302646/original/file-20191120-524-10yjqxe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/302646/original/file-20191120-524-10yjqxe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/302646/original/file-20191120-524-10yjqxe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/302646/original/file-20191120-524-10yjqxe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/302646/original/file-20191120-524-10yjqxe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/302646/original/file-20191120-524-10yjqxe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/302646/original/file-20191120-524-10yjqxe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/302646/original/file-20191120-524-10yjqxe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://cist.cnrs.fr/">CIST 2019</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<h2>Les nouvelles régions : une satisfaction très inégale</h2>
<p>Suivant la même procédure que pour l’Union européenne, nous avons interrogé les personnes enquêtées sur leur satisfaction face aux limites de leur région et nous leur avons proposé de redéfinir son contour « idéal » s’ils n’en étaient pas satisfaits.</p>
<p>Nous avons également ajouté une question sur le choix de la capitale régionale car, dans le contexte de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_relative_%C3%A0_la_d%C3%A9limitation_des_r%C3%A9gions,_aux_%C3%A9lections_r%C3%A9gionales_et_d%C3%A9partementales_et_modifiant_le_calendrier_%C3%A9lectoral">réforme de 2015</a>, plusieurs régions ont perdu « leur » capitale à la faveur des <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/politique/decentralisation-et-redecoupage-des-regions_1314788.html">fusions</a>. La France est ainsi passée de 22 à 13 régions. Cela qui a pu se traduire par des <a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-regionale-et-urbaine-2018-3-page-651.htm?try_download=1">allongements</a> et plus rarement des raccourcissements de distances à la capitale.</p>
<p>Au-delà de ces aspects pratiques, les changements de limite des régions et de leur capitale mettent également en jeu des aspects psychologiques qui s’enracinent souvent dans l’histoire et la perception des identités locales.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/302488/original/file-20191119-111655-1rhm8hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=18%2C299%2C4063%2C2955&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/302488/original/file-20191119-111655-1rhm8hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=479&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/302488/original/file-20191119-111655-1rhm8hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=479&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/302488/original/file-20191119-111655-1rhm8hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=479&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/302488/original/file-20191119-111655-1rhm8hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=602&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/302488/original/file-20191119-111655-1rhm8hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=602&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/302488/original/file-20191119-111655-1rhm8hu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=602&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Moult moules et cætera, en 2016 Lille Nord.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/Commons:Photo_challenge/2016_-_September_-_Local_culture#/media/File:Lille_Et%C3%A92016_les_moules-frites_toujours_l%C3%A0_(2).jpg">Pierre André Leclerc/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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</figure>
<p>L’État a ainsi reconnu récemment une <a href="https://www.ouest-france.fr/grand-est/l-alsace-retrouve-son-identite-au-sein-de-la-region-grand-est-6458683">identité spécifique de l’Alsace à l’intérieur de la région Grand-Est</a></p>
<p>Réalisée sur un échantillon représentatif de la France entière, l’enquête GlocalMap ne permet pas de tirer des conclusions statistiquement fiables sur le degré de satisfaction des habitants d’anciennes régions qui ont été fusionnées et ont perdu leur capitale. Mais elle permet de repérer globalement, parmi les 13 nouvelles régions de France métropolitaine, celles où en septembre 2017 les habitants se déclaraient le plus satisfaits ou le plus insatisfaits des choix opérés en matière de régionalisation.</p>
<p>On peut tout d’abord observer que l’insatisfaction la plus forte concerne le choix des capitales régionales (24 %) plutôt que celui des limites (18 %). On observe ensuite que les deux types d’insatisfaction ne sont pas toujours associés.</p>
<p>Il existe certes des régions présentant un double mécontentement comme le Grand-Est (36 % de remise en cause des limites et 45 % de remise en cause de la capitale).</p>
<p>Mais on trouve également d’insatisfaction vis-à-vis des limites régionales mais pas de la capitale comme en Bretagne (32 % et 11 %). Ou le cas inverse de satisfaction vis-à-vis des limites régionales mais d’insatisfaction vis-à-vis du choix de la capitale comme en région Centre-Val-de-Loire (11 % et 31 %).</p>
<p>L’Ile de France est finalement la seule région à être doublement satisfaite de ses limites et de sa capitale. Elle fait partie des régions où les habitants affichent un certain <a href="https://www.cairn.info/revue-espace-geographique-2006-4-page-298.htm">sentiment d’appartenance</a> même si c’est à un degré moindre qu’en Bretagne, en Alsace ou en Corse.</p>
<hr>
<p><em><a href="http://cist.cnrs.fr/portfolio/dossier_7-premiers-resultats-de-lenquete-glocalmap/">L’étude dans son intégralité</a> a été rédigée par l’ensemble des chercheurs du projet GlocalMap : Claude Grasland, Clarisse Didelon-Loiseau, Arnaud Brennetot, Hugues Pecout, Pierre Pistre, Sandrine Berroir et Sophie de Ruffray.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127338/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Grasland est membre de l'UMR Géographie-cités et directeur du Collège International des Sciences du Territoire (CIST). Fondé en 2009, le CIST qui associe une vingtaine d’équipes dans le cadre d’une fédération de recherche organisée en axes de recherche sur les questions transdisciplinaires de santé, de gouvernance, de médiatisation ou de géopolitique des territoires, du local au global. L' enquête « Hiérarchisation, délimitation et identification des échelles territoriales » (GlocalMap) a été conçue et coordonnée par Claude Grasland et Clarisse Didelon suite à une réponse à un appel à projet du DIME-SHS. Les données du panel ELIPSS ont été produites par le Centre de données socio-politiques (CDSP/Sciences Po–CNRS), dans le cadre de l’équipement d’excellence DIME-SHS financé par une aide de l’État gérée par l’Agence nationale de la recherche (ANR) au titre du programme Investissements d’avenir portant la référence ANR-10-EQPX-19-01. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Clarisse Didelon Loiseau est membre du Collège International des Sciences du Territoire (CIST). Fondé en 2009, le CIST qui associe une vingtaine d’équipes dans le cadre d’une fédération de recherche organisée en axes de recherche sur les questions transdisciplinaires de santé, de gouvernance, de médiatisation ou de géopolitique des territoires, du local au global.</span></em></p>Premiers résultats d’une enquête inédite concernant l’attitude des Français face aux territoires dans lesquels s’élaborent les politiques publiques.Claude Grasland, Professeur de Géographie, Université Paris CitéClarisse Didelon Loiseau, Professeur de géographie, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1273352019-11-19T22:22:29Z2019-11-19T22:22:29ZDevenir maire avant 40 ans : mission impossible ?<p>Plusieurs enquêtes ont souligné ces dernières années le vieillissement accru des élus municipaux, plus particulièrement au niveau de l’exécutif avec une part de maires de moins de 40 ans passant de 12,16 % en 1983 à seulement <a href="https://www.amf.asso.fr/page-statistiques/36010">3,80 % en 2014</a>.</p>
<p>Comment expliquer ce chiffre relativement bas ?</p>
<p>À un âge de la vie marqué par un ensemble de franchissements statutaires (au niveau familial avec la mise en couple, l’arrivée d’un enfant ; au niveau professionnel avec une entrée encore récente dans la vie active et un mandat qui vient parfois interrompre totalement ou partiellement une carrière professionnelle), les jeunes femmes et hommes se trouvent plus fortement pénalisés que des retraités ou des actifs en fin de carrière.</p>
<p>Les conditions d’accès se trouvent également plus drastiques. Les jeunes prétendant à un mandat municipal rencontrent plus fréquemment que les autres catégories d’âge un déficit de notoriété locale ou d’expérience municipale souvent nécessaire pour être élu.</p>
<p>Ils doivent donc combler ce déficit par des capitaux politiques, scolaires, professionnels plus conséquents qui accroissent les inégalités d’accès au mandat.</p>
<p>Il en résulte une logique de sur-sélection : par rapport aux autres élus d’âge plus avancé, il est demandé aux jeunes candidats de fournir davantage de preuves sur leur niveau de compétence par un diplôme ou une profession directement en adéquation avec l’administration territoriale.</p>
<p>Les jeunes élus apparaissent de ce fait comme un miroir grossissant des logiques de sélection à l’œuvre dans l’accès à un mandat municipal.</p>
<h2>Accentuation des inégalités entre jeunes maires</h2>
<p>Une fois élu municipal, l’enquête fait également ressortir une accentuation des inégalités dans l’exercice des fonctions entre des jeunes maires « hypersocialisés politiquement » d’un côté où l’élection n’est qu’une étape dans un projet de carrière politique plus large, et des « néophytes » de l’autre qui découvrent au moment de leur élection les rouages de la politique municipale tout en étant fortement contraint par leur agenda professionnel.</p>
<p><a href="https://injep.fr/publication/parcours-de-jeunes-maires-de-france-inegalites-dacces-et-accentuation-des-clivages-au-cours-du-mandat">Notre recherche</a>, conduite par l’Institut National de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) avec le laboratoire Printemps de l’Université de Versailles-Saint-Quentin, s’appuie sur une enquête par questionnaire à laquelle ont répondu de façon complète 4 784 jeunes élus municipaux. Ses derniers sont maires, adjoints au maire, conseillers municipaux de France métropolitaine et de territoires ultra-marins et âgés de 18 à 35 ans en 2014. Nous avons également mené des entretiens auprès de 36 jeunes maires (29 hommes et 7 femmes) sélectionnés selon des critères de territoire, de taille de la commune, de caractéristiques économiques et sociales et d’orientation politique.</p>
<h2>Des jeunes élus municipaux « sur-dotés »</h2>
<p>La grande majorité des jeunes maires de notre enquête ayant eu précédemment à leur mandat une expérience de conseiller municipal (65 %), il importe au préalable de mieux connaître les principes de sélection pour ce premier échelon de la représentation démocratique.</p>
<p>Notre étude présente une population de jeunes élus municipaux nettement plus avantagée d’un point de vue professionnel que les élus plus âgés. À titre d’exemple, 26 % des jeunes élus de cette enquête appartiennent à la catégorie des cadres supérieurs contre seulement 16 % pour l’ensemble des élus municipaux toutes classes d’âge confondues. Il ressort également de notre enquête que les jeunes élus ne sont en revanche que 3 % d’ouvriers.</p>
<p>Le constat est similaire s’agissant du parcours scolaire, avec des jeunes élus nettement plus diplômés que l’ensemble des jeunes Français.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/302497/original/file-20191119-111663-kmk1lp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/302497/original/file-20191119-111663-kmk1lp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/302497/original/file-20191119-111663-kmk1lp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/302497/original/file-20191119-111663-kmk1lp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/302497/original/file-20191119-111663-kmk1lp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/302497/original/file-20191119-111663-kmk1lp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/302497/original/file-20191119-111663-kmk1lp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/302497/original/file-20191119-111663-kmk1lp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Niveau de diplôme des jeunes élus municipaux. Enquête INJEP/Printemps sur les jeunes élus municipaux (2019) et Insee, Enquête emploi, traitements MENESR-DEPP (champ : jeunes sortis de formation initiale en 2010, 2011 et 2012.</span>
<span class="attribution"><span class="source">INJEP 2019</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À ces paramètres professionnels et scolaires s’ajoutent également la dimension associative avec des jeunes élus nettement <a href="https://www.pacte-grenoble.fr/programmes/european-values-study-evs">plus engagés</a> avant leur élection que les jeunes Français du même âge : 74 % étaient membres d’une association avant leur élection contre 37 % pour l’ensemble des Français de 18-35 ans. En amont de leur élection, ces jeunes élus sont surreprésentés dans les associations sportives et culturelles, mais également dans les syndicats et partis politiques. Les jeunes élus sont davantage impliqués dans des formes d’engagement politique conventionnelles.</p>
<h2>Enfance et adolescence : moments clefs du politique</h2>
<p>D’importantes variations sont également observables au niveau de la socialisation politique des jeunes élus (discussions politiques avec les parents, les amis, l’appartenance à un mouvement de jeunesse, un syndicat lycéen, la participation des parents à un conseil municipal)</p>
<p>L’enquête statistique réalisée auprès des jeunes élus municipaux par l’analyse de correspondances multiples a permis de réaliser une classification en trois **catégories.</p>
<p>Nous avons ainsi distingué les « hypersocialisés politiques » caractérisés par une forte imprégnation durant leur enfance et adolescence à un environnement politique ou militant (14 % de notre échantillon).</p>
<p>Ils sont suivis ensuite par les « néophytes », marqués par l’absence de toute socialisation politique (20 % de notre échantillon).</p>
<p>Enfin les « socialisés politiques » correspondant à une situation intermédiaire où la politisation intervient de manière plus indirecte (66 % de notre échantillon), par exemple un jeune élu qui n’a pas grandi dans un environnement familial politisé, mais qui s’est investi par la suite dans des mouvements de jeunesse.</p>
<p>Cette socialisation politique différenciée pendant l’enfance varie fortement du point de vue du sexe. Les « hypersocialisés politiques » sont davantage constitués d’hommes (61 %) que de femmes (39 %). Ces différences très marquées sont à rapprocher des <a href="https://www.cairn.info/la-dialectique-des-rapports-hommes-femmes--9782130503811-page-27.htm">travaux d’Anne Muxel</a> qui soulignent le fait que la famille est le lieu de socialisation politique primaire différenciée pour les garçons et les filles avec « la prégnance d’un modèle masculin d’interprétation de l’intérêt comme de l’engagement politique ».</p>
<h2>D’importants clivages dans l’accès au mandat de maire</h2>
<p>La socialisation politique et les formes qu’elle prend se traduisent ensuite par d’importants clivages notamment en termes d’accès à l’exécutif.</p>
<p>Ainsi les hypersocialisés politiques pendant l’enfance et l’adolescence accèdent plus fréquemment aux fonctions de maire ou de maire-adjoint que les néophytes. Cette socialisation politique précoce aux côtés de responsables politiques leur permet en effet bien souvent de constituer un capital militant et de consolider un réseau politique local qui faciliteront ensuite leur entrée sur la scène municipale.</p>
<p>Par ailleurs, plus la taille de la municipalité est importante, plus les jeunes hypersocialisés politiquement sont surreprésentés au détriment des autres. On retrouve aussi ces inégalités en termes de formation : pour ceux qui ont bénéficié d’une socialisation politique précoce et d’un réseau politique plus important, le type de formation choisi est majoritairement en adéquation avec le mandat de maire : IEP de province, Sciences Po Paris, droit, communication politique, expertise en action publique territoriale.</p>
<h2>Une entrée en fonction déstabilisante pour les nouveaux venus</h2>
<p>Pour les candidats à la mairie ayant bénéficié d’un parcours scolaire et un début de trajectoire professionnelle autour du politique (chef du cabinet du maire, assistant d’un député, etc.) ou qui ont déjà été conseillers municipaux et/ou adjoints au maire, l’entrée en mandat s’en trouve facilitée.</p>
<p>Pour ceux qui n’avaient pas de socialisation antérieure à un mandat municipal, leur prise de fonction peut être assez brutale, nécessitant une acquisition des compétences et des connaissances des dossiers sur un temps extrêmement court.</p>
<p>Ainsi, cette jeune maire d’une commune de la région Normandie <a href="https://injep.fr/wp-content/uploads/2019/11/IAS29_Parcours-de-jeunes-maires-de-F_BD.pdf">nous faisait part</a> de ses premiers ressentis :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai l’impression d’être passée sous un tsunami. Il y a eu la constitution des groupes de travail, et je me souviens que cela était très compliqué, car la première chose que nous avons eu à faire était de voter le budget. Donc, quand il faut tout découvrir et quand vous sortez de nulle part, cela pose une vraie question en termes de renouvellement politique. »</p>
</blockquote>
<p>Pour ces maires plus éloignés de la dimension militante, managériale ou technique du mandat municipal, la formation par le biais d’associations de maires ou d’autres réseaux s’avère nécessaire. </p>
<p>Or, ils ont paradoxalement moins recours aux formations que les élus hypersocialisés, accroissant là encore les écarts entre ces deux profils. Ils travaillent souvent dans le secteur privé, et ne peuvent arrêter leur carrière professionnelle en raison de la faiblesse des <a href="https://www.collectivites-locales.gouv.fr/regime-indemnitaire-des-elus">indemnités de maire</a>.</p>
<h2>Le clivage se poursuit à d’autres échelles</h2>
<p>Le clivage entre les maires sur-dotés en capitaux politiques antérieurement au mandat et intégrés politiquement dans le monde associatif ou dans les partis et ceux sous-dotés politiquement se rejouent également à d’autres niveaux que le mandat municipal, comme le conseil communautaire ou départemental.</p>
<p>Ces <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2000-3-page-439.htm">nouveaux territoires d’exercice du politique</a> renforcent la division du travail politique local. Les moins dotés politiquement des jeunes maires sont exclus de la gouvernance des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et investissent peu les mandats des conseils départementaux en raison notamment du poids des partis pour y accéder, ces derniers étant le plus souvent non-encartés et n’ont pas le temps disponible pour y prétendre.</p>
<p>La gestion d’une collectivité favorise le profil de jeunes qui ont cumulé le plus de capitaux politiques depuis leur plus jeune âge. Ces inégalités d’accès aux mandats politiques sont légitimées par le <a href="https://www.eyrolles.com/Droit/Livre/sociologie-politique-du-pouvoir-local-9782200603793/">fonctionnement même des instances municipales et intercommunales</a> où la technicité des dossiers s’est fortement accrue et tend à privilégier les plus ajustés à la fonction, questionnant ainsi la difficulté de renouvellement politique.</p>
<p>Ces polarisations invitent à une réflexion sur l’importance de la formation et de la reconnaissance du statut de l’élu pour réduire les écarts structurels entre professionnels de la politique et nouveaux entrants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127335/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Lacroix est également chercheuse associée à l'INJEP.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laurent Lardeux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les jeunes prétendant à un mandat municipal rencontrent souvent un déficit de notoriété locale ou d’expérience municipale : seuls les très diplômés et mieux exposés à la politique sortent du lot.Isabelle Lacroix, Sociologue, Chercheuse associée INJEP; Laboratoire Printemps-Université Versailles-Saint-Quentin/Paris-Saclay, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Laurent Lardeux, Chargé d'études et de recherche, sociologue, Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaireLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1142412019-03-25T21:05:02Z2019-03-25T21:05:02ZLe grand débat national : des demandes contradictoires sur un arrière-fond populiste et moralisateur<p>Le lancement du grand débat et son prolongement au-delà du 15 mars 2019 ont donné à Emmanuel Macron l’occasion de lancer une opération massive de démocratie participative. En témoignent le succès – au moins sur le plan quantitatif – aussi bien du site officiel que des réunions locales organisées dans les municipalités, ou bien encore l’afflux de commentaires spontanés ou recueillis par des sites officieux comme « le vrai débat ».</p>
<p>Pour connaître les demandes des contributeurs en matière de démocratie, qui ont du répondre à un questionnaire (souvent assez mal rédigé) de 34 questions ouvertes, on a fait l’<a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/Version%202_Grand%20de%CC%81bat_de%CC%81mocratie_premie%CC%80re%20synthe%CC%80se_LR_2019.pdf">analyse d’un échantillon aléatoire de 600 contributions</a> sur les 46 340 qui avaient été déposées sur le site officiel entre le moment de son ouverture et le 21 février 2019. Statistiquement, l’échantillon présente une marge d’erreur de 4 % avec un taux de confiance de 95 %.</p>
<h2>Des problèmes méthodologiques importants</h2>
<p>L’analyse des contributions est une affaire complexe. Comme on ne dispose d’aucune variable signalétique précise, on ne peut apprécier la représentativité ni des contributeurs ni de l’échantillon au regard de l’ensemble des 47 millions d’électeurs inscrits. Et c’est là que réside un premier problème politique puisque la restitution officielle des résultats ne pourra légitimer ni la politique d’Emmanuel Macron ni celle des gilets jaunes, ni même refléter la volonté réelle de l’ensemble des citoyens. On peut, néanmoins, estimer que l’on est en face d’un témoignage historique de grande importance puisque cette aventure participative nationale est la première du genre.</p>
<p>Le traitement de ces données a donc dû faire l’objet d’une attention méthodologique particulière de notre part. Tout d’abord, les contributions ont été codées ligne à ligne sans recours à des techniques lexicométriques dont la rapidité apparente s’accompagne d’énormes problèmes : absence de prise en compte des sans réponse, difficulté à restituer les nuances, impossibilité de restituer le sens caché de réponses prenant la forme de questions.</p>
<p>Ensuite, il a fallu écarter les fausses contributions qui ne répondaient jamais à aucune des questions pour se focaliser sur un thème obsessionnel sans rapport avec le questionnaire (du 80 km/h à l’euthanasie, en passant par la protection animale) et qu’on peut assimiler à une volonté de contester le principe même du questionnaire, comme les contributions multiples des mêmes auteurs qui entendaient sans doute fausser les résultats.</p>
<p>Enfin, <em>last but not least</em>, la restitution des réponses peut se faire soit en pourcentages valides, c’est-à-dire en écartant les sans réponse, soit en présentant la proportion de sans réponse. Celle-ci est toujours importante, passant d’un minimum de 11 % à la question sur le non-cumul des mandats à 65 % pour celle portant sur les moyens d’améliorer le civisme. Au total, seuls 9 contributeurs sur 600 ont répondu à toutes les questions.</p>
<p>De cette présentation peuvent découler des interprétations politiques très différentes : soit on met l’accent sur la volonté « majoritaire », qui n’en est pas une, soit sur l’incertitude ou la critique dans lesquelles sont les contributeurs. On a choisi ici la seconde solution.</p>
<h2>Une démocratie représentative jugée immorale</h2>
<p>L’ouverture du grand débat national n’a pas apparemment réconcilié les contributeurs et les élus. Néanmoins, cette critique porte bien plus sur le comportement des élus, leurs privilèges ou leur indifférence aux électeurs que sur le principe de la démocratie représentative elle-même.</p>
<p>À la question « en qui faites-vous confiance pour vous faire représenter dans la société ? », 26 % des contributeurs répondent « les élus locaux » (désignant généralement le maire), 10 % « les élus en général » et 8 % « les députés » en mentionnant le fait qu’ils connaissent leur circonscription. L’absence totale de confiance, renvoyant « aux citoyens seulement » ou « à personne » ne caractérise que 27 % des contributeurs (voir graphique ci-dessous). Le tropisme local est clair et revient d’ailleurs très souvent dans les réponses aux questions portant sur le renouvellement de la démocratie.</p>
<p>Du reste, à la question de savoir s’il faut donner un rôle plus important aux syndicats et aux associations, les réponses sont mitigées : 12 % ne savent pas, 48 % répondent positivement mais 40 % négativement. Et les associations inspirent bien plus confiance que les syndicats souvent caractérisés de manière très péjorative : « oui, s’ils s’occupent des salariés et pas de leurs intérêts », « les associations professionnelles apolitiques, pas les syndicats ».</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/265619/original/file-20190325-36260-171328l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/265619/original/file-20190325-36260-171328l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/265619/original/file-20190325-36260-171328l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/265619/original/file-20190325-36260-171328l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/265619/original/file-20190325-36260-171328l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/265619/original/file-20190325-36260-171328l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/265619/original/file-20190325-36260-171328l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Graphique 1 : En qui avez-vous confiance pour vous faire représenter ? (%).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Enquête Luc Rouban/Cevipof (2019).</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Cela étant, la détestation du personnel politique est toujours là et reste fortement motivée par la fracture qui séparerait l’oligarchie élective de l’ensemble des citoyens, fracture souvent déclinée sur le registre moral. Si 70 % des contributeurs pensent que le non-cumul des mandats est une bonne chose, c’est généralement parce qu’ils estiment que cela permet des carrières et des cumuls de rémunérations injustifiables ou l’absentéisme en séance plénière à l’Assemblée nationale. De la même façon, 62 % d’entre eux voudraient que le nombre d’élus diminue.</p>
<p>Sur ce terrain, néanmoins, les réponses sont nuancées (7 % seulement répondent « tous ») et l’on s’aperçoit qu’une critique très forte s’est développée non seulement contre le personnel politique national mais encore contre les élus départementaux et régionaux. Le département est très souvent considéré comme inutile. On enregistre même des critiques à l’égard du personnel municipal et notamment des conseillers municipaux pléthoriques qui n’ont d’ailleurs plus beaucoup de pouvoir réel, surtout dans les petites communes.</p>
<p>En revanche, et contrairement à ce que l’on pouvait attendre, la suppression du Sénat n’est demandée que par 17 % des contributeurs et celle du Conseil économique, social et environnemental (CESE) par 18 %. La plupart des critiques visent surtout leur mode de recrutement ou la réduction de leurs effectifs en voulant les ouvrir davantage à la société civile.</p>
<p>Le traitement de la question portant sur les moyens de renouer les liens entre les élus et les citoyens a fait l’objet d’une recherche assez poussée en utilisant dix variables ayant chacune 26 modalités afin de restituer au mieux les réponses les plus fréquentes.</p>
<p>Les résultats montrent que trois thèmes se détachent : l’honnêteté morale, le respect de ses engagements, la transparence (16 % des réponses) ; l’écoute plus attentive des citoyens (12 %) ; la présence plus fréquente sur le terrain, la connaissance des réalités de la vie quotidienne (11 %). À cela s’ajoute des items visant plus particulièrement la moralité du personnel politique : qu’ils aient moins de privilèges (9 %), qu’ils n’aient pas de casier judiciaire, qu’ils soient condamnés comme les citoyens ordinaires (5 %).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/265624/original/file-20190325-36244-146pc42.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/265624/original/file-20190325-36244-146pc42.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/265624/original/file-20190325-36244-146pc42.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/265624/original/file-20190325-36244-146pc42.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/265624/original/file-20190325-36244-146pc42.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/265624/original/file-20190325-36244-146pc42.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/265624/original/file-20190325-36244-146pc42.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Graphique 2 : Quels sont les élus dont il faut réduire le nombre ? (%).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Enquête Luc Rouban, Cevipof (2019).</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>La mise en place de procédures de démocratie participative, notamment par des sites Internet ou des budgets participatifs locaux est également évoquée, mais moins fréquemment (7 %). Les procédures de démocratie directe comme le référendum ou le référendum d’initiative citoyenne (RIC) sont citées par 9 % des contributeurs et l’idée de mettre en place <a href="https://theconversation.com/referendums-assemblees-citoyennes-des-propositions-a-ne-pas-sous-estimer-108927">des assemblées citoyennes tirées au sort</a> par 4 % d’entre eux.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/debat-le-referendum-dinitiative-populaire-la-solution-108355">Le RIC en tant que tel</a>, revendication centrale des gilets jaunes, n’est mentionné de manière systématique que par 4 % des contributeurs sur la base de trois questions portant sur les moyens de renforcer la participation des citoyens, d’améliorer la démocratie participative et l’engagement citoyen. Cela peut s’expliquer par la sociologie différente des gilets jaunes et des contributeurs au grand débat qui a pu être <a href="https://www.liberation.fr/debats/2019/03/14/un-public-eloigne-des-traits-sociologiques-des-gilets-jaunes_1715170">notamment mesurée dans le cadre des réunions locales</a>, les seconds étant généralement plus diplômés et plus âgés que les premiers.</p>
<h2>Un nouveau visage pour la V<sup>e</sup> République</h2>
<p>La série de questions portant sur les moyens d’améliorer la représentation ou de promouvoir la démocratie participative suscite des réponses qui viennent dessiner un nouveau visage à la V<sup>e</sup> République.</p>
<p>Pour 46 % des contributeurs, il faudrait introduire au moins une <a href="https://theconversation.com/la-proportionnelle-derniere-etape-de-la-strategie-demmanuel-macron-79286">dose de proportionnelle</a> pour améliorer la représentation des sensibilités politiques. On remarque que les solutions innovantes ne font pas vraiment recette : le changement complet du mode de scrutin (scrutin majoritaire à un tour ou jugement majoritaire) n’attire que 4 % des contributeurs, alors que le recours systématique au tirage au sort est encore plus rarement évoqué (2 %). Un tiers des contributeurs ne répondent pas à la question.</p>
<p>Les avis sont bien plus tranchés, en revanche, en ce qui concerne la participation électorale. L’argument de l’immoralité politique reste toujours en arrière-fond, mais 76 % des contributeurs demandent la <a href="https://theconversation.com/les-votes-blancs-et-nuls-feront-cette-election-77183">reconnaissance du vote blanc</a>. Pour 32 % des contributeurs, une proportion importante de votes blancs, qu’ils définissent de manière très variable, devrait pouvoir déclencher de nouvelles élections avec interdiction aux premiers candidats de se représenter.</p>
<p>À cela s’ajoute le fait que le tiers des contributeurs demandent que l’on passe au vote obligatoire. La lecture des propositions montre qu’il existe une volonté de s’émanciper de l’offre politique et de recentrer la vie démocratique sur la demande émanant des citoyens.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/265628/original/file-20190325-36270-10h6cud.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/265628/original/file-20190325-36270-10h6cud.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/265628/original/file-20190325-36270-10h6cud.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/265628/original/file-20190325-36270-10h6cud.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/265628/original/file-20190325-36270-10h6cud.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/265628/original/file-20190325-36270-10h6cud.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/265628/original/file-20190325-36270-10h6cud.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Graphique 3 : Comment améliorer la démocratie participative (%).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Enquête Luc Rouban, Cevipof (2019).</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Du reste, c’est bien dans la formulation de cette demande que s’affirme la <a href="https://theconversation.com/gilets-jaunes-lurgence-democratique-commence-par-le-bas-109598">volonté de renforcer la démocratie participative</a>, notamment au niveau local. On remarque dans de très nombreuses contributions une demande de pédagogie et de lisibilité de l’action publique jugée opaque, trop complexe, indéchiffrable.</p>
<p>La mise en place « d’une démocratie plus participative » appelle donc des réponses nuancées qui ne font pas systématiquement appel au RIC, mais plutôt à des référendums bien ciblés et encadrés. La démocratie directe n’est pas considérée comme une solution-miracle et de nombreuses contributions s’orientent plutôt vers des débats citoyens ou sur les possibilités qu’offre Internet pour donner son avis notamment sur des projets locaux.</p>
<h2>Vers une démocratie illibérale ?</h2>
<p>L’arrière-fond populiste et moralisateur reste, néanmoins, très présent dans la tonalité des contributions. Cette dimension autoritaire se retrouve avec encore plus de force dans les réponses aux questions portant sur le civisme, les valeurs de la République et l’immigration.</p>
<p>Si la défense des valeurs de la République appelle, pour plus d’un quart des contributeurs, un effort renouvelé d’éducation, autant de la part des parents que de l’institution scolaire, c’est souvent sur un registre critique à l’égard des communautés religieuses ou de la communautarisation de la société française. Plus de 20 % des contributeurs en appellent, d’une manière ou d’une autre, à « la fin du laxisme », demandent un service militaire ou civique, voire un serment d’allégeance aux valeurs républicaines, notamment de la part des immigrés.</p>
<p>Les réponses aux questions portant sur l’engagement citoyen recèlent souvent la même tonalité de contrainte civique. Mais, là encore, il faut se méfier du taux de sans réponse qui atteint 43 % pour la question sur les valeurs de la République et 49 % sur l’engagement citoyen. L’incertitude reste toujours la réponse majoritaire.</p>
<p>Les avis sont plus tranchés, mais aussi plus partagés, en matière de laïcité (34 % de sans réponse) et d’immigration (33 % de sans réponse). En matière de laïcité, les réponses sont réparties en deux groupes à peu près égaux. Le premier insiste sur le fait que l’État doit rester neutre et laisser la question religieuse dans la sphère privée, que l’éducation reste le meilleur moyen de compréhension et de tolérance, que la loi de 1905 suffit et que l’on n’a pas besoin de la modifier. Le second est plus ouvertement critique à l’égard de l’islam, condamne le port de signes religieux dans l’espace public, exige plus de fermeté face aux communautarismes.</p>
<p>Il en va de même en matière d’immigration, même si le centre de gravité est plus à droite de l’espace politique : 24 % des contributeurs demandent une immigration plus sélective laissant passer les réfugiés politiques mais pas les réfugiés économiques, une politique calée sur les besoins du marché du travail et sur la qualification des immigrés, alors que 20 % des contributeurs affirment qu’il faut arrêter toute immigration car celle-ci est jugée déjà excessive. Par ailleurs, 42 % des contributeurs répondent par l’affirmative à la question portant sur le fait de savoir s’il faut établir une politique de quotas en matière d’immigration. Seule une minorité défend l’idée d’un meilleur accompagnement des immigrés voire d’un accueil plus ouvert. On retrouve ici la structure des attitudes politiques que mesurent très régulièrement les sondages en matière d’immigration.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/265632/original/file-20190325-36267-1tuztw4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/265632/original/file-20190325-36267-1tuztw4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/265632/original/file-20190325-36267-1tuztw4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/265632/original/file-20190325-36267-1tuztw4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/265632/original/file-20190325-36267-1tuztw4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/265632/original/file-20190325-36267-1tuztw4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/265632/original/file-20190325-36267-1tuztw4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Graphique 4 : La politique migratoire souhaitée par les contributeurs (%).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Enquête Luc Rouban, Cevipof (2019).</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Des réponses ambiguës et contradictoires</h2>
<p>Il ressort donc de la lecture de cette première synthèse que le grand débat, notamment sur le terrain démocratique, peut se révéler être un jeu dangereux pour le gouvernement. Tout d’abord parce que la question méthodologique est décisive et que la restitution des réponses, comme leur interprétation, dépendent étroitement du taux de sans réponse et de sa prise en compte.</p>
<p>Sur bien des questions, l’incertitude demeure et seuls les contributeurs les plus radicaux ou les plus engagés ont parfois répondu – ce qui laisser toujours béante la question de savoir quelle est la représentativité réelle de ce grand débat.</p>
<p>Ensuite, parce que les réponses témoignent d’une insatisfaction de fond quant au fonctionnement de la V<sup>e</sup> République sans proposer pour autant des solutions foncièrement cohérentes. Il en va ainsi, notamment, de la demande contradictoire qui associe la réduction du nombre des élus et la recherche d’un contact plus étroit entre eux et les citoyens.</p>
<p>Il est indéniable que bon nombre de réponses vont clairement dans le sens des propositions d’Emmanuel Macron, tant dans le domaine de la réduction du personnel politique que de la dose de proportionnelle à instiller dans les élections ou bien de la limitation du cumul des mandats dans le temps. Les réponses sont, par ailleurs, en retrait face aux demandes plus radicales de démocratie directe des gilets jaunes.</p>
<p>Le gouvernement risque donc d’être coincé entre décevoir un mouvement de contestation puissant, que confirme le succès du grand débat, et s’engager dans une politique de réforme institutionnelle allant bien au-delà de ses projections, qui appellerait une nouvelle décentralisation bien plus ambitieuse, une refonte du Sénat et du CESE et un retour, <em>horresco referens</em>, à la pratique gaullienne du référendum, qui fait tant peur au personnel politique – qu’il soit de l’ancien ou du nouveau monde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/114241/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Rouban ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le gouvernement risque d’être coincé entre le fait de décevoir un mouvement de contestation puissant et s’engager dans une politique de réforme institutionnelle allant bien au-delà de ses projections.Luc Rouban, Directeur de recherche CNRS, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1092872019-01-03T00:22:20Z2019-01-03T00:22:20ZUn portrait officiel en gilet jaune : humour irrévérencieux ou atteinte aux symboles républicains ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/252215/original/file-20190102-32142-davav9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=137%2C8%2C1147%2C745&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">À Boulogne, durant le conseil municipal du 29 novembre 2018, le portrait officiel du président de la République a été « habillé » d’un gilet jaune.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://lavdn.lavoixdunord.fr/498348/article/2018-11-30/un-gilet-jaune-sur-le-portrait-officiel-du-president-en-mairie">Facebook/Jean-Claude Étienne/LaVoixduNord</a></span></figcaption></figure><p>Le bruit médiatique a lentement essaimé. D’abord sur les réseaux sociaux où, très tôt après le début de la mobilisation des Gilets jaunes, les premiers détournements du portrait officiel d’Emmanuel Macron <a href="https://twitter.com/marc63fr/status/1063134208875528194">sont apparus.</a> Puis dans la presse régionale lorsque ces photomontages se sont immiscés dans la vie municipale. </p>
<p>À <a href="https://twitter.com/FBCreuse/status/1071368285067927557">Genouillac</a> comme à <a href="https://www.dna.fr/edition-de-saverne/2018/12/11/sur-fond-de-gilet-jaune">Phalsbourg</a>, c’est par exemple l’ouverture d’un cahier de doléances qui s’est déroulée sous le regard d’un président de la République affublé d’un gilet jaune. À <a href="http://lavdn.lavoixdunord.fr/498348/article/2018-11-30/un-gilet-jaune-sur-le-portrait-officiel-du-president-en-mairie">Boulogne</a>, c’est une délégation de manifestants qui la coiffait symboliquement du même accessoire. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1071368285067927557"}"></div></p>
<h2>Un geste d’humour très symbolique</h2>
<p>Si le journaliste des Dernières nouvelles d’Alsace évoquait alors « une touche d’humour irrévérencieuse », c’est pourtant bien un nouvel épisode d’une geste symbolique qui s’est joué dans ces communes. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un regard sur l’actualité des derniers mois : début octobre, des maires retournaient symboliquement les portraits d’Emmanuel Macron après que celui-ci a refusé de les recevoir lors de <a href="https://www.francebleu.fr/infos/politique/des-maires-de-la-creuse-retournent-le-portrait-d-emmanuel-macron-dans-leurs-mairies-1507566830">sa visite à Égletons</a> ; fin septembre, d’autres élus les avaient décrochés avant de les déposer devant la sous-préfecture de Châteauroux, pour manifester leur soutien au maintien de la maternité <a href="https://www.lanouvellerepublique.fr/chateauroux/le-blanc-indre-des-maires-rendent-le-portrait-officiel-de-macron">d’une commune de l’Indre</a>…</p>
<p>Ce qui se joue autour de cette photographie serait donc bien plus qu’une blague de potache ou qu’un éphémère canular. Pour en saisir tous les sens, il faut toutefois non pas examiner uniquement ce que cette image nous donne à voir, mais aussi interroger les moments clés de son existence, de sa création aux conditions de sa diffusion.</p>
<h2>Représenter le souverain</h2>
<p>Le portrait officiel apparaît véritablement au tournant du XIXe siècle, lorsque le portrait d’apparat, vulgarisation de la personnalité physique du souverain autant que figuration de son autorité et dramatisation de son règne, s’affiche dans les lieux où s’exprime le pouvoir et où se prennent les décisions. Sous Louis XVIII d’abord, lorsque les communes disposant de ressources suffisantes furent invitées à en faire « l’inauguration et offrir à leurs administrés l’image du meilleur des rois ». </p>
<p>Sous Louis-Philippe ensuite, lorsque les commandes, provenant d’administrations toujours plus nombreuse, de reproductions de son portrait peint par François Gérard furent honorées. Sous le Second Empire enfin, lorsqu’un programme prévoyant l’attribution gracieuse de plus de deux mille copies du tableau de Franz-Xaver Winterhalter sera mis en place – programme qui se heurtera cependant aux coûts comme aux difficultés d’approvisionnement.</p>
<h2>Du portrait au symbole</h2>
<p>En réponse à la nécessité de briser les attaches émotionnelles qui lient le portrait de Napoléon III à l’incarnation omniprésente d’un pouvoir et d’un régime, la République naissante s’inspirera des principes imaginés par ses aînées. La mise en représentation du pouvoir abandonnera ainsi l’apparence du chef au profit d’une figure abstraite et l’on frappera les premières pièces de monnaie à l’effigie de Marianne seulement trois jours après le 4 septembre 1870. De portrait officiel, il n’en est pas encore question. Le général Trochu n’occupe qu’une fonction provisoire, nécessairement appelée à disparaître. </p>
<p>Et l’Assemblée, à majorité monarchiste, attend surtout le couronnement du comte de Chambord. Ce ne sont pas non plus les deux premiers Présidents – Adolphe Thiers, tardivement rallié à la République conservatrice, puis Patrice de Mac-Mahon, monarchiste de cœur qui confiera le gouvernement au duc de Broglie, chef de file des orléanistes – ni l’extrême personnalisation de la fonction présidentielle qui satisferont les exigences les plus républicaines.</p>
<h2>La République dans chaque commune</h2>
<p>Il faudra ainsi attendre Jules Grévy pour que le président de la République bénéficie d’un portrait officiel profitant de l’adoption des lois constitutionnelles qui affirmeront définitivement le caractère républicain des institutions et définiront une fonction présidentielle derrière laquelle s’effacera son titulaire ; de la « révolution des mairies » aux majorités municipales désormais républicaines ; de la loi de 1884 enfin qui imposera à chaque commune une salle pour le Conseil municipal. En l’absence de dispositif d’allocation systématique comme d’obligation d’affichage, l’arrivée au cœur de la maison commune sera toutefois progressive, conditionnée à une commande des conseils municipaux comme à l’accord de l’administration préfectorale.</p>
<p>Ce n’est qu’au début de la Quatrième République que le gouvernement tentera de formaliser cette tradition républicaine afin de remplacer les effigies du maréchal Pétain et du général de Gaulle qui peuplaient encore les murs de nombreuses municipalités. Devant l’échec d’un premier essai par l’intermédiaire des préfectures et contre remboursement du prix d’achat – en juin 1948, seulement 2 692 communes disposaient d’un portrait de Vincent Auriol – un nouveau dispositif fut arrêté. Désormais, un exemplaire sera gratuitement mis à la disposition de l’ensemble des services déconcentrés de l’État et des collectivités territoriales par la Documentation française, détentrice de l’exclusivité des droits de diffusion et d’exploitation.</p>
<h2>Portrait « officiel » (ou pas)</h2>
<p>Le portrait officiel ne dispose donc d’aucun fondement « officiel », et ce malgré de nombreuses tentatives pour en faire plus qu’une tradition républicaine. La proposition de loi tendant à rendre sa présence obligatoire dans toutes les mairies, déposée en décembre 1959 par le député gaulliste René Plazanet, restera par exemple lettre morte. Tout comme les questions récurrentes posées au gouvernement qui attirent l’attention « sur le cas des rares maires qui, pour des raisons strictement politiques, refusent d’accrocher le portrait officiel » ou encouragent le ministre de l’Intérieur à contraindre les mairies à l’afficher dans la salle commune. </p>
<p>Contrairement à ce qu’affirme une des personnes interviewées par <em>La Voix du Nord</em> en déclarant que lorsqu’on « porte atteinte aux symboles de la République, comme peut l’être l’image d’un président de la République élu au suffrage universel, on porte atteinte à la République elle-même », l’effigie présidentielle n’est donc en rien un symbole officiel de la République – la Constitution ne reconnaissant d’ailleurs que le « bleu, blanc, rouge » comme drapeau, la Marseillaise comme hymne national et la trilogie « Liberté, Égalité, Fraternité » comme devise.</p>
<p>Mais, si l’effigie présidentielle n’est pas un symbole de la République, de quoi est-elle finalement la représentation ? De Jules Grévy à Georges Pompidou, elle offre une mise en scène uniformisée et institutionnalisée de la fonction présidentielle : le portrait interchangeable d’un homme en majesté, portant sous son frac noir le grand cordon moiré et sur sa poitrine la plaque de grand’croix de la Légion d’honneur. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/252201/original/file-20190101-32154-15cbwqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/252201/original/file-20190101-32154-15cbwqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/252201/original/file-20190101-32154-15cbwqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/252201/original/file-20190101-32154-15cbwqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/252201/original/file-20190101-32154-15cbwqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=597&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/252201/original/file-20190101-32154-15cbwqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=597&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/252201/original/file-20190101-32154-15cbwqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=597&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La fiction républicaine d’une fonction présidentielle qui transcenderait l’homme qui l’occupe à travers l’exemple d’une carte postale à système.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Coll. personnelle</span></span>
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<h2>Une fonction et une fiction</h2>
<p>Il s’agissait alors de sacraliser la fonction présidentielle à travers un dispositif symbolique traduisant, par-delà les changements de personne, une charge et un statut. En abandonnant cette mise en représentation impersonnelle de la fonction présidentielle pour un « instantané » plus intime – François Mitterrand dans « sa » bibliothèque, Jacques Chirac ou François Hollande dans « leur » jardin – le portrait officiel suit certes la présidentialisation de la vie politique. </p>
<p>Mais surtout, il délaisse la fiction républicaine d’une charge qui transcenderait l’homme qui l’incarne au profit d’une fiction politique d’un homme qui transcenderait la fonction qu’il occupe. Le passage d’une mise en représentation du pouvoir à une présentation de son titulaire, semble donner raison aux républicains les plus radicaux qui, sous la Troisième République, voyaient dans cette photographie une dérive vers une personnalisation de la fonction présidentielle et une personnification du pouvoir. </p>
<p>Ce basculement de ce que nous donne à voir le portrait officiel du président de la République, tout comme l’absence de texte encadrant son statut, explique pour une large part que cette image soit devenue le symbole le plus courant pour contester l’homme qui incarne la fonction présidentielle comme la politique qu’il conduit.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/109287/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yvan Boude ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Affubler le portrait présidentiel officiel d'un gilet jaune, est-ce un canular ou une atteinte aux symboles de la République ? Retour historique sur cette image présente dans toutes les mairies.Yvan Boude, Docteur en Sciences politiques et ingénieur de recherche, spécialiste de communication politique, Directeur de la communication, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1083532018-12-06T23:50:52Z2018-12-06T23:50:52Z« Gilets jaunes » : les maires face à l’émergence du citoyen consumériste<p>La révolte des « gilets jaunes » a fait l’objet de nombreux commentaires mettant en évidence la fracture territoriale qui opposerait les centres urbains aux espaces ruraux désertés par les services publics. La restructuration des bureaux de poste, la disparition des maternités, la fermeture des classes ou des écoles ont produit des surcoûts en temps et en argent pesant sur toutes les catégories populaires ou modestes observant avec colère leur déclassement social. Mais les gilets jaunes expriment également dans leurs revendications une demande de démocratie horizontale et une défiance profonde à l’égard des institutions républicaines comme de la démocratie représentative.</p>
<p>Cette crise pose donc directement la question de la décentralisation et de son évolution. Le problème, aujourd’hui, est que le seul garde-fou institutionnel qui permettait de contenir ou de canaliser cette colère populaire, à savoir l’échelon communal, est lui-même menacé par le désenchantement démocratique. À la crise des gilets jaunes répond celle qui secoue les maires des petites communes alors même que la solution de sortie de crise proposée par le gouvernement est précisément de renvoyer les débats aux arènes locales.</p>
<p>La crise des gilets jaunes se noue dans cette opposition entre l’expérience des pratiques quotidiennes – enracinées par définition dans le local – et une action publique dont les justifications macroéconomiques sont réelles (réduire les déficits, relancer l’économie dans le contexte de la mondialisation), mais ne parlent plus à un nombre croissant de citoyens qui ne veulent plus attendre les lendemains qui chantent.</p>
<p>Le point de contact précis où s’exerce la démocratie de proximité est constitué par les communes de moins de 500 habitants, rurales pour l’essentiel. Or c’est à ce niveau que les difficultés sont les plus grandes. On s’appuiera ici sur <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/fr/content/les-maires-de-france">l’enquête que le Cevipof a menée</a> à l’automne 2018 auprès des maires pour le compte de l’Association des maires de France. Celle-ci repose sur les réponses des 4 657 maires (dont 2 147 de communes de moins de 500 habitants) au questionnaire envoyé à l’ensemble des 35 610 maires de France.</p>
<h2>Graphique 1 – L’échantillon de l’enquête</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/249287/original/file-20181206-128202-1s5it1g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/249287/original/file-20181206-128202-1s5it1g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/249287/original/file-20181206-128202-1s5it1g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/249287/original/file-20181206-128202-1s5it1g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/249287/original/file-20181206-128202-1s5it1g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/249287/original/file-20181206-128202-1s5it1g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/249287/original/file-20181206-128202-1s5it1g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="source">Enquête Maires Cevipof -- AMF, 2018.</span></span>
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<h2>La crise des vocations</h2>
<p>La crise qui traverse les maires des petites communes s’est manifestée tout d’abord à la fin de l’été 2018 par l’annonce d’un taux inhabituel de démissions de maires élus en 2014. De nombreux témoignages se sont alors accumulés pour dénoncer une situation financière, mais aussi institutionnelle, devenue insupportable. L’enquête que l’on a menée confirme largement un état de crise de la démocratie de proximité qui ne touche pas toutes les communes mais seulement les plus petites d’entre elles, là où le contact entre le maire et les habitants est fréquent et inévitable.</p>
<p>Les maires des communes de moins de 500 habitants – qui constituent la moitié des communes françaises – présentent des caractéristiques sociales particulières qui les rapprochent fortement de leurs administrés. En effet, ils sont plus souvent originaires des classes populaires et des classes moyennes (69 %) que les maires des communes au-dessus de 3 500 habitants (41 %), sont bien plus souvent composés d’agriculteurs actifs ou à la retraite (13 % contre 4 %) et beaucoup moins de cadres du privé (13 % contre 23 %) ou de grands indépendants, patrons ou membres des professions libérales (5 % contre 15 %). À ce titre, on ne peut donc pas parler des maires ou des communes en général en s’appuyant sur des données moyennes qui cachent la réalité du terrain.</p>
<p>C’est bien dans les communes rurales que s’affirme la crise des vocations : 54 % de leurs maires souhaitent abandonner tout mandat local ou national en 2020. C’est sensiblement supérieur à ce que l’on observe dans les communes de plus de 3 500 habitants (29 %). Qui plus est, ce désir de départ concerne 48 % des maires des petites communes qui en sont à leur premier mandat et qui ont été élus en 2014 contre 57 % de ceux qui en sont à leur second mandat et 63 % de ceux qui en sont à leur troisième. Ce retrait de la vie politique ne vise donc pas seulement les plus âgés qui voudraient passer la main.</p>
<h2>Graphique 2 – Souhait des maires de quitter tout mandat selon la taille de la commune (%)</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/249213/original/file-20181206-128187-271au0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/249213/original/file-20181206-128187-271au0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=340&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/249213/original/file-20181206-128187-271au0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=340&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/249213/original/file-20181206-128187-271au0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=340&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/249213/original/file-20181206-128187-271au0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/249213/original/file-20181206-128187-271au0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/249213/original/file-20181206-128187-271au0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Enquête Maires Cevipof -- AMF, 2018.</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Une grosse fatigue démocratique</h2>
<p>Pourquoi ces maires veulent-ils abandonner tout mandat ? La question des moyens financiers et de la dépossession de leur pouvoir de décision par les intercommunalités dont les compétences obligatoires ont été élargies notamment par la loi NOTRe de 2015 pèsent de manière générale sur les petites communes. Ces arguments ont été largement présents lors du congrès 2018 de l’Association des maires de France.</p>
<p>Mais le désarroi des maires des communes rurales ne peut être uniquement expliqué par des raisons institutionnelles ou économiques. Seuls 15 % des maires indiquent que la situation financière de leur commune est critique ou très critique. La volonté de départ n’est pas liée à la situation budgétaire de la commune, bien au contraire, puisque 53 % des maires dont la commune est en situation difficile veulent partir contre 59 % des maires dont la commune est en bonne condition financière.</p>
<p>Lorsqu’on examine les résultats en détail, on voit que les maires sur le départ évoquent surtout une grosse fatigue démocratique. Bien entendu, ils sont 35 % à invoquer l’absence de moyens financiers et 16 % le manque de personnel territorial. Ils sont également 19 % à se sentir inutiles contre 6 % dans les communes de plus de 3 500 habitants. Mais ils sont 68 % à mettre en avant le désir de se consacrer à leur vie privée et familiale et 51 % à dire qu’ils ont rempli leur devoir civique. Et 36 % d’entre eux évoquent un niveau d’exigence trop important de leurs administrés. Globalement, la charge de travail est devenue excessive. Interrogés sur l’intensité de leur engagement personnel depuis leur première élection, 68 % des maires disent qu’il est devenu beaucoup plus important. Mais cette proportion monte à 75 % pour ceux qui en sont à leur premier mandat.</p>
<p>Pour l’essentiel, le départ est motivé par l’idée qu’ils ont suffisamment contribué au bien commun et qu’il est temps de profiter de leur vie personnelle, dans un mouvement de retrait qui n’est pas dû à leur âge. Les plus jeunes (les moins de 57 ans) sont notamment les plus nombreux en proportion à évoquer le fait d’être confrontés à des exigences excessives de la part des administrés : 47 % contre 32 % pour ceux qui ont entre 65 et 70 ans, et 29 % pour les plus de 70 ans.</p>
<h2>L’émergence du citoyen consumériste</h2>
<p>L’environnement des maires des petites communes, lorsqu’ils évoquent leur métier, est dominé par trois facteurs : </p>
<ul>
<li><p>le risque juridique et pénal que leur fait courir leur fonction (86 % le dénoncent) ;</p></li>
<li><p>le fait que le niveau d’exigence des citoyens est trop élevé (73 % le mentionnent) </p></li>
<li><p>le fait que le mandat de maire est difficile à concilier avec une vie professionnelle parallèle alors même que les indemnités sont faibles (70 %).</p></li>
</ul>
<p>Si le dernier point soulève la question d’un éventuel statut des élus locaux, afin d’en diversifier les profils générationnels et sociaux, les deux premiers se répondent et renvoient tous deux à la montée en puissance d’un nouveau type de démocratie où les citoyens se font plus exigeants et plus prompts à engager des poursuites.</p>
<p>On est ici au cœur d’un changement qui voit évoluer le lien de citoyenneté conçu non plus comme une participation à un espace public ouvert où s’organisent des arbitrages complexes, mais comme un investissement fiscal exigeant une contrepartie claire et rapide dans le cadre d’une interaction directe avec les élus. </p>
<p>De nombreux maires font des commentaires fort significatifs sur cette évolution dans le cadre d’une question ouverte sur les motifs de leur insatisfaction qui montrent que la proximité n’est pas nécessairement synonyme de sérénité. Cela va du laconique :</p>
<blockquote>
<p>« subir les cons » (homme, 60 ans, agriculteur, deuxième mandat, commune de 60 habitants, Ardennes)</p>
</blockquote>
<p>à :</p>
<blockquote>
<p>« individualisme, égoïsme, dégradation de la notion de citoyen responsable » (homme, 66 ans, enseignant, premier mandat, commune de 105 habitants, Aude)</p>
</blockquote>
<p>en passant par :</p>
<blockquote>
<p>« Constater l’absence de participation de plus en plus d’habitants à la vie communale (scolaire, loisirs, festive). J’ai le sentiment que les habitants arrivés depuis quelques années ou récemment vivent en majorité dans leur bulle qu’ils ont posée dans la commune, en étant consommateurs de ce qu’ils trouvent ici ou là-bas, surtout là-bas, autant en matière de commerce que d’école ! tant que le carburant pour se déplacer ne coûtera pas une fortune. Ce sont les problématiques d’une petite commune rurale. » (homme, 66 ans, troisième mandat, cadre de la fonction publique, commune de 386 habitants, Côtes-d’Armor).</p>
</blockquote>
<h2>Entre le marteau des citoyens et l’enclume de l’État</h2>
<p>C’est donc pris entre le marteau des citoyens et l’enclume de l’État, qu’ils critiquent souvent pour son désintérêt ou son ignorance des questions de la ruralité, que les maires des petites communes vivent cette crise territoriale. </p>
<p>Celle-ci appelle à l’évidence une réflexion sur la décentralisation. Une décentralisation qui est devenue fonctionnelle et mise au service d’une division du travail entre l’État et les communes dans la recherche d’économies budgétaires. Mais le mal n’est pas seulement institutionnel, il est plus profond : il touche aussi la conception même du lien de citoyenneté.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108353/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Rouban ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À la crise des « gilets jaunes » répond celle qui secoue les maires des petites communes alors même que la solution de sortie de crise du gouvernement est de renvoyer les débats aux arènes locales.Luc Rouban, Directeur de recherche CNRS, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/985142018-06-20T18:46:16Z2018-06-20T18:46:16ZL’énergie des terrils : le fabuleux redressement de Loos-en-Gohelle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/223751/original/file-20180619-126566-1ozt2sq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Patchwork sur les te A DB</span> </figcaption></figure><p><em>Nous republions cet article dans le cadre de la 6e édition de <a href="http://www.reportersdespoirs.org/la-semaine-des-solutions">l’opération la France des Solutions</a> dont The Conversation est partenaire. Du 8 au 14 octobre retrouvez des solutions dans 50 médias dans toute la France !</em></p>
<hr>
<p><strong><em>Sur un même territoire, deux villes voisines sont citées en exemple : Hénin-Beaumont, connue pour vivre sous l’œil des caméras les spasmes du “dégagisme” à chaque élection, et Loos-en-Gohelle, devenue la commune de référence de la COP21. Comment expliquer une telle différence de destins ?</em></strong> </p>
<p>L’ancien bassin minier de Lens est lentement mais sûrement devenu une terre de désolation. Y ont jailli de monumentales montagnes artificielles qui rappellent à tous le rôle économique historique de la région, mais aussi et surtout la richesse que fut l’énergie extraite de la mine, partie ailleurs en ne laissant sur place que le rebut, les crassiers.</p>
<h2>La mue d’une ville minière où tout allait mal</h2>
<p>Jean‑François Caron, élu en 2001 maire écologiste de Loos-en-Gohelle, s’est retrouvé face à un défi :</p>
<blockquote>
<p>« Le sol a baissé de quinze mètres suite aux affaissements miniers, les ruisseaux coulent à contre-sens et les points bas ne cessent de changer. Le chômage est considérable. Les mineurs qui étaient vus comme le fleuron de l’activité ouvrière sont devenus les « tarés » de la France : une banderole affichant au Parc des Princes « Nordistes = consanguins, pédophiles, alcooliques » a été reprise en boucle par les médias. Quand un journaliste veut parler du Nord à la télévision, il choisit des interlocuteurs parlant ch’ti et qu’il pourra sous-titrer, des enfants qui ont le nez qui coule et des carreaux cassés. »</p>
</blockquote>
<p>Reconquérir cette dignité perdue a été essentiel dans sa stratégie.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/223752/original/file-20180619-126531-145jhtp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/223752/original/file-20180619-126531-145jhtp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/223752/original/file-20180619-126531-145jhtp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/223752/original/file-20180619-126531-145jhtp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/223752/original/file-20180619-126531-145jhtp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/223752/original/file-20180619-126531-145jhtp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/223752/original/file-20180619-126531-145jhtp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/223752/original/file-20180619-126531-145jhtp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">JF Caron.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il a fait du développement durable l’affaire de tous, si bien que Loos-en-Gohelle fut choisie pour être la commune de référence de la Cop21. Les incivilités ont quasiment disparu et le taux de plaintes entre voisins est très inférieur à ceux des communes alentour. Le retour de la fierté et de la confiance a créé une nouvelle civilité. Jean‑François Caron a été réélu maire en 2008 avec 82,1 % des voix, en 2014 avec 100 %… une première pour un politique, un rêve éveillé pour un écologiste !</p>
<h2>Créer de la fierté</h2>
<p>Redonner à la population une estime de soi a été sa priorité. Découvrant que les deux terrils de la ville avaient la même taille que la pyramide de Khéops, il a lancé le projet de la Chaîne des terrils en 1988, qui suscita l’enthousiasme et abouti, en 2012, à l’inscription du bassin minier au Patrimoine mondial de l’Unesco.</p>
<p>Le maire encourageant ses administrés à prendre des initiatives originales, les femmes du foyer logement, qui tricotaient des carrés de laine que les enfants du collège vendaient 1 euro pour alimenter les Restos du cœur, ont mobilisé la population pour faire une couverture pour le terril. Le maire a dû négocier avec elles, car il aurait fallu des engins de manutention lourds pour l’installer et la sécuriser, et a obtenu qu’elles fassent une écharpe qui a été déroulée du haut en bas du terril. L’événement a eu lieu devant les caméras de France 3.</p>
<blockquote>
<p>« C’était une œuvre collective, réalisée juste pour le plaisir d’être ensemble et de prendre sa part à l’inscription du terril à l’inventaire de l’Unesco, et cela s’est terminé par un pique-nique géant », témoigne Jean‑François Caron.</p>
</blockquote>
<h2>Associer tout le monde</h2>
<p>Il a beaucoup travaillé à la mise au point d’une démocratie « impliquante ». La mise en route a été longue, car il fallait donner confiance aux administrés et convaincre les cadres de la mairie d’écouter et de ne pas chercher uniquement à se justifier. À la longue, les habitants sont devenus plus pertinents, voire impertinents.</p>
<blockquote>
<p>« Plus on travaille avec eux, plus l’expertise d’usage est présente et meilleure est l’intelligence des projets. C’est ainsi que Loos est devenue un haut lieu de l’économie de la fonctionnalité et de la coopération. »</p>
</blockquote>
<p>Le nombre d’associations a doublé, la participation de la population à des dynamiques comme les fêtes de quartier ou les voyages pour faire découvrir la mer à des enfants a été multipliée par dix. Le concept de fifty-fifty a été développé : si les habitants prennent des initiatives, la commune y contribue dans le cadre d’une charte qui définit les rôles respectifs.</p>
<h2>Une dynamique vertueuse</h2>
<p>Les initiatives se sont ainsi multipliées : renouvellement de l’éclairage public, investissement dans l’écoconstruction, élaboration d’une politique d’écomobilité, promotion de l’économie circulaire par les commandes publiques. La toiture de l’église a été entièrement couverte de panneaux solaires, ce qui frappe les imaginaires. Un modèle agricole et alimentaire centré sur la production locale et bio se met en place, etc.</p>
<p>Le nombre de commerces augmente et les locaux commencent à manquer. Un pôle de compétitivité fédérant les principaux acteurs de l’économie circulaire est créé à Loos-en-Gohelle. La Fondation d’Auteuil installe un centre pour 350 apprentis dans les métiers de l’écoconstruction. Cette dynamique, génératrice d’emplois, montre que la croissance verte peut être bénéfique pour tous.</p>
<h2>Faire école</h2>
<p>Les réussites des entreprenants ne sont pas facilement contagieuses, mais Jean‑François Caron s’attache maintenant à essaimer en transmettant son « code source » qu’il définit ainsi :</p>
<ul>
<li><p>impliquer les habitants, ce qui demande du temps et un apprentissage des animateurs ;</p></li>
<li><p>trouver une « étoile » qui donne envie à tous d’avancer, et poser les « petits cailloux » balisant le chemin (refaire le toit de l’église avec des panneaux solaires, modifier les repas de la cantine scolaire, etc.) ;</p></li>
<li><p>savoir désobéir à la pensée unique, sans affoler les habitants, pour oser changer de modèle : faire d’un terril une œuvre d’art a été une transgression fondatrice d’une nouvelle dynamique.</p></li>
</ul>
<p>En rendant fertile la terre en apparence la plus stérile, en transformant les montagnes artificielles en modèles, Jean‑François Caron montre la puissance communicative de l’esprit entreprenant, qui peut s’exprimer bien au-delà du seul champ économique. Il illustre à merveille la plupart des qualités des entreprenants citées dans le <a href="http://www.lejardindesentreprenants.org/le-manifeste-des-entreprenants/">Manifeste des entreprenants</a> et prend place dans la catégorie de ceux qui veulent concrétiser des utopies.</p>
<h2>Pour en savoir plus</h2>
<p>Compte rendu d’un débat de l’École de Paris du management avec Jean‑François Caron, <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/1177-transposer-la-reussite-singuliere-de-loos-en-gohelle">« Transposer la réussite singulière de Loos-en-Gohelle »</a></p>
<p>On pourra lire le passionnant ouvrage <a href="https://www.ecole.org/fr/la-collection-le-changement-est-dans-l-air/3-resilience-ecologique-loos-en-gohelle-ville-durable">Résilience écologique, Loos-en-Gohelle, ville « durable »</a>, éditions Atelier Henry Dougier.</p>
<figure>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/98514/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et animateur du Jardin des entreprenants</span></em></p>Sur un même territoire, Hénin-Beaumont est connue pour ses soubresauts politiques et Loos-en-Gohelle, devenue la commune de référence de la COP21. Comment expliquer une telle différence de destins ?Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.