tag:theconversation.com,2011:/us/topics/maladie-de-la-vache-folle-79192/articlesmaladie de la vache folle – The Conversation2024-03-11T16:13:53Ztag:theconversation.com,2011:article/2245332024-03-11T16:13:53Z2024-03-11T16:13:53ZProtéines de type prion : quels liens avec Alzheimer et d’autres maladies neurodégénératives ?<p>Une étude britannique parue fin janvier 2024 dans <a href="https://www.nature.com/articles/s41591-023-02729-2"><em>Nature Medicine</em></a> révèle que des patients ayant reçu une hormone de croissance il y a près de 40 ans ont développé une forme précoce de la maladie d’Alzheimer. Un résultat qui conforte l’hypothèse selon laquelle, dans des circonstances très particulières et dans de rares cas, la <a href="https://theconversation.com/la-maladie-dalzheimer-une-maladie-contagieuse-108118">maladie d’Alzheimer pourrait être transmissible à l’homme</a>.</p>
<p>En France, cette publication nous renvoie aux scandales passés des <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-infectieuses-d-origine-alimentaire/maladie-de-creutzfeldt-jakob/documents/article/le-point-sur-la-maladie-de-creutzfeldt-jakob-iatrogene-apres-traitement-par-hormone-de-croissance-extractive-en-france-aspects-cliniques-epidemi">hormones de croissance contaminées par le prion</a> et de la « vache folle ».</p>
<p>Les prions représentent-ils un nouveau risque sanitaire ? Que nous dit la science sur les liens possibles entre la maladie d’Alzheimer (et d’autres pathologies dégénératives) et cet agent infectieux ? On fait le point sur l’état des connaissances scientifiques à ce jour.</p>
<h2>Les prions : des protéines mal repliées au niveau des neurones</h2>
<p>Pour mieux comprendre ce que sont les prions, il faut remonter au début des années 80 au moment de leur découverte. C’est précisément en 1982 que <a href="https://doi.org/10.1126/science.6801762">Stanley Prusiner décrit l’agent infectieux de la scrapie ou tremblante du mouton</a>, qui fait partie de la famille des <a href="https://www.anses.fr/fr/content/que-sont-les-enc%C3%A9phalopathies-spongiformes-transmissibles-est">encéphalopathies spongiformes transmissibles</a>.</p>
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<p>Comme les nouvelles propriétés de l’agent responsable de la tremblante le distinguent des virus, bactéries et autres agents infectieux connus, le terme « prion », est proposé pour désigner cette particule infectieuse qui est une protéine.</p>
<p>Les prions responsables de la scrapie sont des agents transmissibles non conventionnels. Ils résultent d’un changement de conformation, plus exactement d’un mauvais repliement, d’une protéine prion baptisée PrP.</p>
<p>Les protéines prion mal repliées (PrPSc) se propageraient de neurone en neurone entraînant la conversion de la protéine normale (PrP) et une neurotoxicité majeure. En 1985, Stanley Prusiner décrit l’existence de prions chez l’homme pour la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ). <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJM198501103120202">Là encore, la protéine PrP est mise en cause</a>.</p>
<h2>Les scandales des hormones de croissance et de la « vache folle »</h2>
<p>En France, nous avons effectivement été confrontés à deux crises sanitaires majeures dans lesquelles les prions ont été incriminés : la contamination des hormones de croissance et la « crise de la vache folle »</p>
<p>L’hormone de croissance n’a pas toujours été synthétique et produite en laboratoire. Pendant une trentaine d’années, des milliers d’enfants ont ainsi été traités dans le monde avec une hormone de croissance qui, à l’époque, était extraite de l’hypophyse (glande située à la base du cerveau) de cadavres humains.</p>
<p>Aux États-Unis, la survenue de cas suspects de MCJ chez des individus ayant reçu une hormone de croissance extraite de cadavres humains met fin à cette pratique en 1985. En France, il y a eu environ 1700 enfants traités. Parmi eux, <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-infectieuses-d-origine-alimentaire/maladie-de-creutzfeldt-jakob/donnees/#tabs">environ 120 sont décédés de la MCJ</a>, après avoir reçu, entre 1983 et 1988, des injections d’hormone de croissance contaminée par des prions. C’est le scandale de l’hormone de croissance.</p>
<p>En 1996, au Royaume-Uni, une forme de scrapie est décrite chez les bovins : il s’agit de l’encéphalopathie spongiforme bovine. Ce nouveau variant de la protéine prion est transmissible à l’homme, notamment par la consommation de viande bovine contaminée, et provoque une variante de la MCJ. <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-infectieuses-d-origine-alimentaire/maladie-de-creutzfeldt-jakob/donnees/#tabs">29 décès ont été recensés en France</a> et 178 au Royaume-Uni. Les individus décédés présentaient tous un même profil génétique pour le gène de la protéine PrP.</p>
<h2>Des protéines de type prion dans les maladies d’Alzheimer, Parkinson, Charcot…</h2>
<p>Depuis 1992, l’épidémiologie de la MCJ et ses variants est suivie par un réseau de laboratoires, d’épidémiologistes, de neurologues et d’anatomopathologistes à l’interface entre l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-infectieuses-d-origine-alimentaire/maladie-de-creutzfeldt-jakob/le-scan/">Santé Publique France</a>. Il permet d’identifier les formes sporadiques, héréditaires (transmises de manière génétique) ou iatrogènes (provoqué par un traitement ou un geste chirurgical) de MCJ.</p>
<p>Comme la MCJ, la plupart des maladies neurodégénératives sont des protéinopathies, c’est-à-dire qu’elles se caractérisent par l’accumulation dans le cerveau de protéines mal repliées. D’ailleurs, Stanley Prusiner, premier chercheur à avoir décrit le prion, a rapidement affirmé que ce mécanisme de conversion de type prion pourrait jouer un rôle dans le développement de pathologies comme la <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-neurodegeneratives/maladie-d-alzheimer-et-autres-demences/la-maladie/#tabs">maladie d’Alzheimer</a>, de <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2023/maladie-de-parkinson-quelle-evolution-entre-2016-et-2020">Parkinson</a>, de <a href="https://www.inserm.fr/dossier/sclerose-laterale-amyotrophique-sla-maladie-charcot/">Charcot (ou sclérose latérale amyotrophique)</a>…</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Les différentes protéines qui se retrouvent agrégées dans le cerveau de patients présentant des maladies neurodégénératives sont regroupées sous le terme de « protéines de type prion » ou <a href="https://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2016/12/809-820.pdf">« prion-like »</a>. L’alpha-synucléine dans la maladie de Parkinson, le peptide amyloïde Aß ainsi que les <a href="https://www.inserm.fr/actualite/agregation-ou-propagation-tau-ne-suivrait-pas-meme-sequence-selon-demences/">protéines tau</a> dans la maladie d’Alzheimer sont différentes de la protéine PrP.</p>
<p>Cependant, de <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/ces-proteines-folles-qui-minent-notre-cerveau">nombreuses évidences expérimentales</a> suggèrent que ces protéines peuvent se comporter comme des prions et se propager de neurone en neurone selon des chemins propres à chacune de ces pathologies. Par exemple, dans la <a href="https://www.inserm.fr/dossier/alzheimer-maladie/">maladie d’Alzheimer</a>, la dégénérescence liée à la protéine tau débute dans le cerveau au niveau de l’hippocampe, avant de s’étendre à plusieurs régions cérébrales.</p>
<h2>Une transmission de la maladie d’Alzheimer suggérée par plusieurs études récentes</h2>
<p>La possibilité d’une éventuelle transmission iatrogène de la maladie d’Alzheimer, c’est-à-dire à l’occasion d’un geste ou traitement médical, a été relancée en <a href="https://www.nature.com/articles/nature15369">2015 au Royaume-Uni par le groupe de recherche de John Collinge</a> et par <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00401-017-1791-x">celui de Stéphane Haïk en France en 2018</a>. Les deux équipes ont examiné des patients décédés de MCJ suite à l’administration d’hormone de croissance contaminée.</p>
<p>En effet, l’analyse du cerveau de ces individus indiquait la présence d’une MCJ. Mais elle a également mis en évidence plusieurs marqueurs de la maladie d’Alzheimer. Ces personnes décédées d’une MCJ iatrogène ont donc pu être exposées à de l’hormone de croissance contaminée à la fois par des prions de MCJ ainsi que par des protéines de type prion caractéristiques de la maladie d’Alzheimer.</p>
<p>D’autres observations, en 2016, après des greffes de dure-mère (la membrane fibreuse qui protège le cerveau), suggéraient également une <a href="https://theconversation.com/la-maladie-dalzheimer-une-maladie-contagieuse-108118">transmissibilité iatrogène de la maladie d’Alzheimer</a>. Néanmoins, comme la maladie d’Alzheimer est la forme la plus fréquente de maladies neurodégénératives, ces travaux ne permettaient pas de conclure à une transmission iatrogène.</p>
<h2>Des cas d’Alzheimer survenus 40 ans après traitement par hormone de croissance</h2>
<p>Dans cette nouvelle étude du groupe de John Collinge publiée en janvier 2024, huit individus sont concernés. Tous ont reçu, avant 1985, de l’hormone de croissance contaminée provenant d’extraits hypophysaires humains. Ils n’ont pas développé une MCJ mais une forme précoce de la maladie d’Alzheimer.</p>
<p>Après trois ou quatre décennies, cinq des huit individus présentaient des symptômes compatibles avec une maladie d’Alzheimer précoce. Ils étaient âgés de 38 à 55 ans au début de leur maladie. Parmi les cinq, trois sont décédés entre 47 et 57 ans.</p>
<p>Parmi les trois personnes non diagnostiquées, deux souffraient néanmoins de troubles de la mémoire (plaintes mnésiques) ou du comportement. La dernière était asymptomatique.</p>
<p>Dans l’ensemble, le seul facteur commun à tous les patients décrits dans cette étude est le traitement à l’hormone de croissance. Cela suggère que des lots d’extraits d’hypophyses humains utilisés pour ce traitement ont pu être contaminés par des protéines de type prion caractéristiques de la maladie d’Alzheimer.</p>
<p>Étant donné les preuves expérimentales solides concernant la transmission des peptides Aß et des protéines tau, le syndrome clinique développé par ces personnes peut être qualifié de maladie d’Alzheimer iatrogène.</p>
<p>Comme la maladie d’Alzheimer est beaucoup plus fréquente que la MCJ, il est possible que d’autres personnes traitées avec de tels extraits d’hypophyses puissent évoluer vers une maladie d’Alzheimer après des périodes d’incubation encore plus longues que celles décrites par l’équipe de John Collinge.</p>
<p>Il est important de souligner que les cas décrits ici ont développé des symptômes après une exposition répétée à l’hormone de croissance contaminée, sur une période de plusieurs années et que ce traitement a été stoppé en France en 1988.</p>
<p>Cependant, même si la maladie d’Alzheimer peut désormais être reconnue comme potentiellement transmissible, il s’agit de cas très particuliers de transmission interhumaine.</p>
<h2>Faut-il s’inquiéter ?</h2>
<p>Aujourd’hui, les situations décrites dans l’étude (en l’occurrence des traitements anciens à l’hormone de croissance humaine) ne sont plus d’actualité.</p>
<p>De plus, l’exposition à des instruments de neurochirurgie, utilisés au préalable chez un patient possiblement atteint de maladie d’Alzheimer et non désinfectés, est actuellement peu probable.</p>
<p>Enfin, on déplore le <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2023/11/27/maladies-a-prions-apres-le-deces-de-plusieurs-chercheurs-la-securite-des-laboratoires-en-question_6202615_1650684.html">décès récent de plusieurs chercheurs</a> qui étudiaient la <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-infectieuses-d-origine-alimentaire/maladie-de-creutzfeldt-jakob/notre-action/">MCJ</a>. Le risque le plus grand se situe sans doute au sein des laboratoires de recherche. De <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2023/11/27/alzheimer-parkinson-la-recherche-sur-les-agents-pathogenes-ressemblant-aux-prions-sera-mieux-encadree_6202610_1650684.html">nouvelles recommandations</a> ont d’ailleurs été émises quant à la protection des personnels travaillant sur les protéines de type prion.</p>
<h2>De nouvelles pistes de recherche pour des traitements</h2>
<p>Ces résultats de recherche viennent renforcer l’hypothèse des maladies de type prion comme bien sûr la MCJ, la maladie d’Alzheimer mais aussi la maladie de Parkinson, et ouvrent de nouvelles perspectives diagnostiques et thérapeutiques.</p>
<p>Identifier les protéines de type prion permettrait un diagnostic plus précoce. Les cibler par de nouvelles approches thérapeutiques, notamment les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/immunotherapie-126914">immunothérapies</a>, éviterait la propagation de ces protéines de type prion et diminuerait la progression de ces maladies neurodégénératives.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224533/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Buée a reçu des des subventions publiques (ANR, Horizon Europe) et des soutiens de fondations (FRM, France Alzheimer, Alzheimer's Association/Rainwater Charitable Foundation).</span></em></p>Une étude révèle que des patients traités à l’hormone de croissance ont développé une forme précoce de la maladie d’Alzheimer 40 ans après. On fait le point sur les protéines de type prion en cause.Luc Buée, Chercheur en neurosciences, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1274252019-11-27T14:47:49Z2019-11-27T14:47:49ZLes scientifiques aussi peuvent se tromper : voilà pourquoi il vaut mieux être curieux qu’avoir raison<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/303594/original/file-20191125-74562-12j7iiu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les scientifiques peuvent se tromper: c’est pourquoi ils doivent être ouverts d’esprit faire preuve de curiosité au cours de leurs recherches.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Je suis généticien. J’étudie le lien entre information et biologie – essentiellement ce qui fait d’une mouche une mouche, et d’un être humain, un humain. Ce qui est intéressant, c’est que <a href="https://droso4schools.wordpress.com/">nous ne sommes pas si différents</a>. Je suis un généticien professionnel depuis le début des années 1990. Je suis assez doué dans le domaine, et <a href="https://www.g3journal.org/content/7/8/2651">mon équipe de recherche a produit de beaux résultats au fil des ans</a>.</p>
<p>Mais l’un des défis de ma profession est d’accepter que beaucoup de choses que nous tenons pour acquises sont en fait fausses. Parfois, on tombe juste à côté de la vérité et on tente de se rapprocher de la bonne réponse. Mais à un certain moment, il est probable que nous soyons complètement à côté de la plaque sur certains aspects.</p>
<p>On ne peut pas savoir quand on se trompe, mais l’important est de garder une ouverture d’esprit et une certaine souplesse pour nous permettre d’apprendre de nos erreurs. Surtout parce que parfois les enjeux sont tellement importants, qu’ils peuvent mettre des vies en cause (j’y reviendrai).</p>
<h2>Des tissus infectés</h2>
<p>À la fin des années 80, du bétail a commencé à dépérir. Dans les ultimes étapes de ce que les scientifiques ont lentement reconnu comme une maladie, le <a href="https://www.cnn.com/2013/07/02/health/mad-cow-disease-fast-facts/index.html">bétail a commencé à se comporter de façon tellement bizarre</a> que leur condition – l’encéphalopathie bovine spongiforme – a été surnommée « la maladie de la vache folle ». De manière frappante, le cerveau des bovidés atteints était plein de trous (d’où le vocable spongiforme), et ces trous étaient recouverts de plaquettes de protéines agglutinées ; ces protéines existaient déjà dans le cerveau des vaches en bonne santé, mais dans le cas des animaux malades, leur forme n’était pas naturelle.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/302523/original/file-20191119-111630-14ems4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=48%2C0%2C6442%2C2647&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/302523/original/file-20191119-111630-14ems4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=246&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/302523/original/file-20191119-111630-14ems4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=246&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/302523/original/file-20191119-111630-14ems4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=246&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/302523/original/file-20191119-111630-14ems4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=309&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/302523/original/file-20191119-111630-14ems4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=309&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/302523/original/file-20191119-111630-14ems4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=309&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La plupart des scientifiques ayant travaillé sur la maladie de la vache folle ont émis des hypothèses sur sa cause.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Les protéines font partie de chaînes longues, mais elles se plient en formes complexes. Les protéines du cerveau des bovidés étaient mal pliées. Peu après, des gens sont morts de symptômes identiques, et un lien a été établi entre la consommation de viande infectée et le fait de contracter cette maladie. Les chercheurs en ont conclu que la culpabilité en revenait à la consommation de cervelle et de tissu rachidien, seul tissu à présenter les symptômes physiologiques de l’infection.</p>
<p>L’un des obstacles à la compréhension de la maladie de la vache folle était l’intervalle entre l’infection, la maladie et le décès. Nous savions que les maladies se transmettent par des virus et des bactéries, mais aucun chercheur n’avait réussi à isoler celui qui pouvait expliquer cette maladie. De plus, personne ne savait s’il existait d’autres virus et bactéries qui prendraient aussi longtemps à aboutir à la mort. Le consensus scientifique penchait en faveur d’une origine virale, et des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1365-2559.1992.tb00909.x">carrières et réputations se sont bâties à la recherche de ce virus à évolution lente</a>.</p>
<h2>Des protéines mal pliées</h2>
<p>C’est vers la fin des années 80 que deux chercheurs britanniques ont <a href="https://www.nature.com/articles/214764a0">suggéré que la clé du problème était ces protéines mal pliées trouvées dans les plaques</a>. Ce postulat a été vite défendu par Stanley Prusiner, un jeune chercheur américain en début de carrière. Le concept était simple : la protéine mal pliée serait à la fois le résultat et la cause de l’infection.</p>
<p>Les plaquettes de protéine mal pliées tuaient les tissus du cerveau et contamineraient le pliage des autres protéines. L’hypothèse défendue par Prusiner était simple, mais elle ne rentrait pas dans le cadre scientifique reconnu sur la façon dont les maladies se propagent.</p>
<p>Pour avoir osé soutenir sa théorie sur une infection à base de protéine, <a href="https://www.theguardian.com/science/2014/may/25/stanley-prusiner-neurologist-nobel-doesnt-wipe-scepticism-away">Prusiner a été littéralement et métaphoriquement mis au ban de la conversation</a>. Il a ensuite démontré de manière expérimentale et élégante que les protéines mal pliées, qu’il a nommé des prions, étaient bien la cause de la maladie. C’est pour cette découverte qu’on lui a décerné le <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/medicine/1997/summary/">prix Nobel de médecine en 1997</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/299550/original/file-20191030-17893-kz6hlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/299550/original/file-20191030-17893-kz6hlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/299550/original/file-20191030-17893-kz6hlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/299550/original/file-20191030-17893-kz6hlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/299550/original/file-20191030-17893-kz6hlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/299550/original/file-20191030-17893-kz6hlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/299550/original/file-20191030-17893-kz6hlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/299550/original/file-20191030-17893-kz6hlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Dessin d’artiste représentant une chaîne de protéines pliées.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Nous savons désormais que les prions sont responsables de bien des maladies tant chez les humains que chez d’autres animaux, <a href="https://www.ofah.org/issues/cwd/">y compris l’encéphalopathie des cervidés dont la diffusion menace les populations des cerfs et wapitis en Ontario</a>.</p>
<p>Certains croient que de faire trop cuire la viande infectée va la rendre sécuritaire. Mais c’est faux. Et comme les cerfs et wapitis sauvages attrapent aussi des maladies causées par les prions, les chasseurs doivent être vigilants et ne jamais consommer la viande d’animaux qui auraient pu être infectés. En Amérique du Nord, <a href="https://mbio.asm.org/content/10/4/e01091-19">on estime que la viande de près de 15 000 animaux infectés pourrait être consommée chaque année, présentant un énorme risque pour la santé</a>. Le <a href="http://www.cidrap.umn.edu/cwd">Center for Infectious Disease Research and Policy à l’Université du Minnesota</a>, détient des informations précieuses sur l’encéphalopathie des cervidés sauvages.</p>
<p>L’information nécessaire pour déterminer la transmission de cette maladie se trouve donc dans la forme même de la protéine et non dans le code génétique d’un virus ou d’une bactérie infectieuse. Ce qui m’interpelle tout particulièrement en tant que généticien. Car durant toute ma carrière, j’ai été conditionné à chercher des solutions dans les séquences d’ADN, les prions m’ont fait comprendre que parfois les bonnes réponses se trouvent là où on ne les attend pas.</p>
<h2>Le coût du déni</h2>
<p>La leçon à retenir, c’est qu’il nous faut à la fois demeurer sceptiques tout en restant curieux. Regarder le monde qui nous entoure avec les yeux grand ouverts. Être prêts à remettre en question nos préjugés. Et ne pas ignorer ce qu’on a sous le nez sous prétexte que ça ne colle pas à notre compréhension du monde.</p>
<p>Les changements climatiques, par exemple, sont bien réels. Et cela illustre mon propos, c’est-à-dire l’importance d’accepter nos erreurs et la nécessité d’y remédier. La communauté médicale n’a pu commencer à contrôler la maladie de la vache folle qu’après avoir accepté le rôle joué par les prions, et ces années de déni ont coûté la vie à un nombre incalculable d’individus.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/302292/original/file-20191118-66921-4wazy0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/302292/original/file-20191118-66921-4wazy0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/302292/original/file-20191118-66921-4wazy0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/302292/original/file-20191118-66921-4wazy0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/302292/original/file-20191118-66921-4wazy0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/302292/original/file-20191118-66921-4wazy0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/302292/original/file-20191118-66921-4wazy0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/302292/original/file-20191118-66921-4wazy0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Agir pour le climat, c’est d’abord reconnaître notre rôle dans son dérèglement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>De la même manière, le refus d’accepter l’énormité des changements climatiques et notre responsabilité en la matière, <a href="https://www.theguardian.com/environment/ng-interactive/2018/dec/21/deadly-weather-the-human-cost-of-2018s-climate-disasters-visual-guide">nous conduisent tout droit à une succession d’événements météorologiques catastrophiques, et aux morts concomitantes</a>.</p>
<p>J’ai consacré une bonne partie de ma carrière à modéliser le fonctionnement biologique du monde, mais je sais pertinemment que des éléments de ces modèles sont faux. Je peux presque vous assurer qu’on y trouvera quelque chose d’aussi fondamentalement erroné que dans le cas de ceux qui ont nié le rôle des prions. C’est juste que je ne sais pas où est l’erreur. Pas encore.</p>
<p>Mais l’important, ce n’est pas d’avoir raison. C’est d’être capable de le reconnaître quand on a tort.</p>
<p>[<em>Vous aimez ce que vous avez lu ? Vous en voulez plus ?</em> <a href="https://theconversation.com/ca-fr/newsletters">Abonnez-vous à notre infolettre hebdomadaire</a>. ]</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127425/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Merritt reçoit du financement du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et du Programme des chaires de recherche du Canada.</span></em></p>Des erreurs peuvent se produire au cours d’une recherche et avoir des effets dévastateurs. Garder l’esprit ouvert à cette possibilité et la corriger peut faire la différence entre la vie et la mort.Thomas Merritt, Professor and Canada Research Chair, Chemistry and Biochemistry, Laurentian UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1240432019-10-29T19:32:29Z2019-10-29T19:32:29ZDemain, tous cannibales ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/298917/original/file-20191028-113953-1h76dwz.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1287%2C816&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une image de la série Santa Clarita Diet</span> <span class="attribution"><span class="source">Capture d'écran</span></span></figcaption></figure><p>Depuis le XIX<sup>e</sup> siècle, les médias se font régulièrement le relais d’événements liés au cannibalisme : côté faits-divers, évoquons ce cas de <a href="https://www.persee.fr/doc/polix_0295-2319_1991_num_4_13_2154">violence collective en Dordogne</a>, ou le <a href="https://www.independent.co.uk/news/world/americas/cannibalism-andes-plane-crash-1972-survivors-terrible-decision-stay-alive-a6895781.html">cannibalisme de survie dans la Cordillère des Andes</a> ; <a href="https://www.atlantico.fr/atlantico-light/370943/un-artiste-japonais-cuisine-ses-organes-genitaux">artistes</a> et <a href="https://papillesetpupillesannexes.blogspot.com/2006/02/hufu-le-tofu-got-de-chair-humaine.html">provocateurs de tout poil n’étant pas en reste sur le sujet</a>. En septembre 2019, un scientifique suédois, (<a href="https://emc.be/academic-group/professor-magnus-soderlund/">Magnus Soderlund</a>) a heurté l’opinion publique en proposant d’institutionnaliser le cannibalisme en Occident pour <a href="https://lesobservateurs.ch/2019/09/07/manger-de-la-chair-humaine-pourrait-sauver-la-planete-selon-un-professeur-suedois/">lutter contre le réchauffement climatique</a>. Décryptage.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/295696/original/file-20191006-118228-1oxyx79.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/295696/original/file-20191006-118228-1oxyx79.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=589&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/295696/original/file-20191006-118228-1oxyx79.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=589&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/295696/original/file-20191006-118228-1oxyx79.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=589&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/295696/original/file-20191006-118228-1oxyx79.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=740&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/295696/original/file-20191006-118228-1oxyx79.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=740&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/295696/original/file-20191006-118228-1oxyx79.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=740&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des hamburgers au goût de « chair humaine », inspirés de la série <em>The Walking Dead</em> et vendus à Londres.</span>
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<h2>Le cannibalisme, qu’est-ce que c’est ?</h2>
<p>Le cannibalisme représente <a href="https://www.puf.com/content/Dictionnaire_des_cultures_alimentaires">« l’action de se nourrir d’un être d’une même espèce, qui devient de l’anthropophagie quand le terme est appliqué à l’espèce humaine »</a>. Il existerait <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00963880/document">4 grands types de cannibalisme</a> : le cannibalisme nutritionnel (ou gastronomique), le cannibalisme curatif (ou thérapeutique), le cannibalisme des morts (maintenir un contact avec les défunts), et le cannibalisme sacrificiel (religieux, guerrier).</p>
<p>Ces typologies s’organisent autour de règles spécifiques : la proximité entre le mangeur et le mangé (endo et exo-cannibalisme : est-ce que l’on mange les morts de sa communauté ou est-ce que l’on mange les étrangers ?), la position sociale du mangeur et du mangé (chef, ennemi, ascendant, descendant), la finalité de la pratique (fonctionnelle, culturelle, symbolique).</p>
<p>Ces règles culturelles permettent d’organiser les pratiques cannibales selon une échelle de proximité allant des pratiques cannibales les plus intégrées dans une société, à celles en apparence les plus éloignées. L’anthropophagie en tant que telle a disparu, pour laisser place à des expressions métaphoriques et thérapeutiques de cannibalisme.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/295694/original/file-20191006-118239-19sd2vo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/295694/original/file-20191006-118239-19sd2vo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/295694/original/file-20191006-118239-19sd2vo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/295694/original/file-20191006-118239-19sd2vo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/295694/original/file-20191006-118239-19sd2vo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/295694/original/file-20191006-118239-19sd2vo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/295694/original/file-20191006-118239-19sd2vo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Proposition de visualisation qui synthétise les différentes typologies de cannibalisme identifiées par les chercheurs en sciences sociales.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fanny Parise</span></span>
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<h2>Déjà tous cannibales ?</h2>
<p>Notre société occidentale s’est construite par la <a href="https://www.huffingtonpost.fr/jean-jacques-rault/abattoir-vigan-viande-animaux-agriculture_b_9346176.html">mise à distance entre production et consommation de viande</a>, ce qui amène l’individu à renoncer à la dimension symbolique qui encadrait sa consommation au profit d’une dimension utilitariste et purement fonctionnelle de l’animal. Quel est l’avenir d’une société carnivore, <a href="https://www.philomag.com/lactu/breves/florence-burgat-lhumanite-prend-conscience-delle-meme-en-se-construisant-contre-les">quel genre d’humanité émerge des sociétés qui cautionnent de telles pratiques</a> ? Pour l’<a href="https://www.telerama.fr/livres/nous-sommes-tous-des-cannibales,94523.php">anthropologue Claude Lévi Strauss</a> « nous sommes tous des cannibales ». En ce sens, pour <a href="https://www.liberation.fr/debats/2018/05/23/comment-nous-sommes-redevenus-cannibales_1652141">Mondher Kilani</a>, la mise au jour de certaines pratiques des abattoirs industriels participe à réduire la distance entre le barbare et l’homme civilisé.</p>
<p>Renouant avec un passé qu’il a pourtant voulu oublier, (les <a href="https://www.persee.fr/doc/vita_0042-7306_2011_num_183_1_1709">romains buvaient fréquemment du sang</a>, en <a href="https://journals.openedition.org/ideo/379">Chine médiévale la chair de condamnés était un plat prisé</a>), l’individu octroie un nouveau statut au cannibalisme, <a href="https://blog.slate.fr/chasseur-d-etrange/2010/10/09/nous-sommes-tous-des-cannibales/">comme l’explique</a> le journaliste Marc De Boni : </p>
<blockquote>
<p>« La nouvelle tendance est à positiver l’idée de dévorer, voire de se laisser dévorer par l’autre afin d’accroître sa puissance, pour transgresser, pour se dépasser ou tout simplement pour s’en sortir. »</p>
</blockquote>
<p>La fiction rend compte de ce phénomène en proposant un nouveau statut social au cannibale (<a href="http://www.allocine.fr/series/ficheserie_gen_cserie=20389.html"><em>Santa Clarita Diet</em></a>, <a href="https://www.lexpress.fr/culture/le-phenomene-twilight_1615798.html"><em>Twilight</em></a>).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/EJYMbtB9Mo8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande annonce de la série télévisée <em>Santa Clarita Diet</em>.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Survivance du cannibalisme</h2>
<p><a href="https://journals.openedition.org/etudesrurales/27">Claude Lévi Strauss</a>, considère comme cannibale toute pratique d’insertion volontaire de parties de corps (humain ou animal) dans un autre corps (humain ou animal). Il compare deux phénomènes qu’il assimile à la pratique cannibale : l’apparition d’une <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/quand-le-cannibalisme-donnait-la-tremblote-le-cas-kuru_29146">maladie dégénérative au sein du peuple Kuru</a> (Nouvelle-Guinée) et la <a href="https://journals.openedition.org/lectures/11351">maladie de Creutzfeldt Jakob</a>, qui représentent des cas de transplantation d’organes qu’il qualifie de cannibalisme thérapeutique.</p>
<p>La <a href="https://www.lemonde.fr/livres/article/2009/11/11/les-hommes-malades-des-animaux_1265864_3260.html">crise de la vache folle</a> a révélé la <a href="http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/31156/ESB.pdf?sequence=1">dimension économique</a> du cannibalisme (<a href="https://www.cairn.info/revue-connexions-2003-2-page-93.htm#">réduction des coûts de l’alimentation bovine grâce aux farines animales</a>). A l’inverse, pour l’anthropophagie le chercheur <a href="https://www.puf.com/content/Dictionnaire_des_cultures_alimentaires">Oscar Alavia Saez</a> propose une explication à sa non-institutionnalisation : les circonstances rendant possible la consommation de « chair humaine », généralement cérémonielle, sont très coûteuses et ne permettraient pas de nourrir au quotidien toute une communauté.</p>
<p>Magnus Soderlund ou <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2000/11/SWIFT/2569">Jonathan Swift avant lui</a>, propose d’institutionnaliser le cannibalisme de survie en consommation ordinaire : ils veulent le rendre économiquement et écologiquement viable. Les freins symboliques, économiques et sanitaires qui entourent la question de sa généralisation dans notre société questionnent : sont-ils contournables ? Et sous quelles conditions un néo-cannibalisme peut-il être envisageable ?</p>
<h2>Le design fiction, un moyen de se projeter dans une société cannibale vraisemblable</h2>
<p>C’est la question à laquelle nous avons tenté de répondre dès 2018, dans le cadre d’un projet de recherche sur l’alimentation du futur, réalisé avec l’<a href="http://dsaadesign-lyon.fr/fr/presentation/">ESAA de la Martinière Diderot</a>. Nous avons construit un scénario extrême, à travers une méthodologie de <a href="https://medium.com/design-friction/entretien-avec-nicolas-nova-near-future-laboratory-4cf7e7cb2f76">design fiction</a> : explorer différemment notre réalité à travers des futurs possibles, probables et/ou disruptifs, par l’intermédiaire du prototypage de scénarios immersifs visant à susciter le débat, tout en réinterrogeant les pratiques et les représentations actuelles.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/295691/original/file-20191006-118213-gjp6k1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/295691/original/file-20191006-118213-gjp6k1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=861&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/295691/original/file-20191006-118213-gjp6k1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=861&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/295691/original/file-20191006-118213-gjp6k1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=861&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/295691/original/file-20191006-118213-gjp6k1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1082&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/295691/original/file-20191006-118213-gjp6k1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1082&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/295691/original/file-20191006-118213-gjp6k1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1082&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Visuel réalisé dans le cadre du « design fiction sur l’alimentation du futur ». Il présente les trois étapes imaginées pour le nouveau rituel funéraire : extraction des protéines du corps du défunt, consommation des protéines par la communauté, inhumation du corps dans le potager des âmes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fanny Parise</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La restitution de ce projet prenait la forme d’un nouveau rituel funéraire où les spectateurs étaient conviés à l’enterrement (fictif) d’un membre de leur communauté et où le corps du défunt était immergé dans l’eau.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/295686/original/file-20191006-118222-32cw9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/295686/original/file-20191006-118222-32cw9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/295686/original/file-20191006-118222-32cw9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/295686/original/file-20191006-118222-32cw9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/295686/original/file-20191006-118222-32cw9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=439&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/295686/original/file-20191006-118222-32cw9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=439&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/295686/original/file-20191006-118222-32cw9u.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=439&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Photographie représentant le corps du défunt et auprès duquel les individus devaient se recueillir pendant l’enterrement fictif. La mise en scène visait à brouiller les frontières entre le vrai et le faux afin que l’enterrement soit le plus vraisemblable possible.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fanny Parise</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce scénario immersif, qui proposait le cannibalisme comme option culturelle, interroge les futurs possibles de l’évolution de la consommation de protéines par les individus (en particulier animales), dans un contexte de volonté de réduction de l’<a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/agriculture/arreter-la-viande-pour-sauver-la-planete_3595681.html">empreinte carbone générée par leurs productions</a> : <a href="https://www.capital.fr/polemik/faut-il-interdire-les-elevages-industriels-intensifs-en-france-1317334">élevage intensif</a>, <a href="http://www.agro-media.fr/analyse/dechets-de-lagroalimentaire-valoriser-21246.html">déchets agro-alimentaires</a>. Le projet L’eau-delà questionne également la <a href="https://www.franceculture.fr/societe/du-meuble-letre-sensible-la-protection-des-animaux-en-cinq-dates">sensibilité croissante des occidentaux à la cause animale</a>, qui peut se traduit par la <a href="http://www.agro-media.fr/analyse/flexitarisme-lindustrie-agroalimentaire-face-a-un-phenomene-en-progression-32775.html">montée du flexitarisme</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/296902/original/file-20191014-135483-1qts87l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/296902/original/file-20191014-135483-1qts87l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=532&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/296902/original/file-20191014-135483-1qts87l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=532&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/296902/original/file-20191014-135483-1qts87l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=532&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/296902/original/file-20191014-135483-1qts87l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=669&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/296902/original/file-20191014-135483-1qts87l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=669&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/296902/original/file-20191014-135483-1qts87l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=669&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une entreprise américaine propose de transformer le corps d’un défunt en compost.</span>
<span class="attribution"><span class="source">AFP</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le choix de prototyper un rite funéraire n’est pas anodin et s’inscrit dans un ensemble d’innovations de ce secteur qu’a pu identifier le designer <a href="https://www.linkedin.com/in/h%C3%A9l%C3%A8ne-revat-dontenwill-511090b6">Hélène Revat-Dontenwill</a> : <a href="https://reporterre.net/Apres-la-mort-devenir-un-arbre">devenir un arbre après la mort</a>, combinaison funéraire à base de champignons <a href="https://creapills.com/combinaison-biodegradable-champignons-corps-decompose-coeio-20190726">accélérant la décomposition du corps</a>, <a href="http://abcremation.org/">cercueil en carton</a>, <a href="http://www.aquamation.ca/">technique de l’aquamation</a> ou encore <a href="http://www.leparisien.fr/environnement/le-compost-humain-une-alternative-ecologique-aux-funerailles-classiques-29-04-2019-8062881.php">transformer le corps humain en compost</a>.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/295690/original/file-20191006-118234-1stf61c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/295690/original/file-20191006-118234-1stf61c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=693&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/295690/original/file-20191006-118234-1stf61c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=693&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/295690/original/file-20191006-118234-1stf61c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=693&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/295690/original/file-20191006-118234-1stf61c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=871&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/295690/original/file-20191006-118234-1stf61c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=871&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/295690/original/file-20191006-118234-1stf61c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=871&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le projet Witchelium est inspiré des rituels de sorcières. Entre retour à la nature et retour à ma nature, ces rituels utilisaient les « déchets » de mon propre corps comme ingrédients. Ongles et cheveux devenaient alors potion et onguent.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Imprudence</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>D’autres acteurs, comme le collectif <a href="http://imprudence.fr/">Imprudence</a>, mobilisent le design fiction comme moyen de réflexion sur les futurs de la consommation, en proposant un nouveau rapport au cannibalisme. Par exemple, le projet <a href="http://imprudence.fr/projets-design-speculatif#witchelium">Witchelium</a> propose la culture de champignons comestibles grâce à ses propres cheveux ; ou encore le projet <a href="http://imprudence.fr/beaute-du-futur/egrie.html">DNA Beauty</a> qui s’intéresse au futur de la beauté par l’intermédiaire d’une médecine esthétique rendant possible l’ingestion d’ADN d’autres individus.</p>
<h2>Le cannibalisme, une option culturelle ?</h2>
<p>Ces exemples participent à brouiller les frontières entre cannibalisme métaphorique et anthropophagie ; entre cannibalisme de survie et cannibalisme institutionnalisé. Si l’on tente de s’extraire de la dimension morale du cannibalisme : « est-ce éthique de se nourrir de chair humaine ? », d’autres questions restent en suspend comme nous l’avons vu : est-ce économiquement viable ? Est-ce sans danger d’un point de vue sanitaire ? Quelles sont les conditions d’accessibilité de ce type de viande dans nos sociétés hypermodernes ? Dans quels types de rituels doivent s’intégrer ces pratiques ? </p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/295692/original/file-20191006-118228-1bfc4ll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/295692/original/file-20191006-118228-1bfc4ll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/295692/original/file-20191006-118228-1bfc4ll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/295692/original/file-20191006-118228-1bfc4ll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/295692/original/file-20191006-118228-1bfc4ll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/295692/original/file-20191006-118228-1bfc4ll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/295692/original/file-20191006-118228-1bfc4ll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le projet DNA Beauty s’inspire de l’industrie cosmétique qui a très largement recours aux égéries et aux influenceuses. Représentant à la fois les idéaux de beauté véhiculés par la marque et l’effet supposé du produit, elles deviennent elles-mêmes des produits, un spectacle marchand.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Imprudence</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces questions se positionnent dans un contexte spécifique où la filière de la viande est en pleine révolution, la <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/rechauffement-climatique-viande-in-vitro-encore-pire-planete-vraie-75120/">viande cultivée</a> suscite de nombreux débats, et trouve également son pendant dans la culture de la viande humaine, pratiquée à Lyon par l’entreprise l’Oréal dans son « usine à peaux » <a href="https://www.ladepeche.fr/article/2016/02/07/2272291-lyon-etonnante-usine-peaux-reconstruites-oreal.html">Episkin</a>, pour ses tests cosmétiques.</p>
<p>En définitive, il semble que la prise de position provocatrice de Magnus Soderlund amène chaque individu à questionner la place de l’Homme dans notre société et sur notre planète de manière plus globale : ce dernier est-il voué à violer l’un des tabous les plus ancrés en Occident en institutionnalisant le cannibalisme pour survivre ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124043/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fanny Parise ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le scientifique suédois Magnus Soderlund a récemment questionné les freins symboliques, économiques et sanitaires qui entourent le cannibalisme : décryptage.Fanny Parise, Chercheur associé, anthropologie, Institut lémanique de théologie pratique, Université de LausanneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1147972019-04-14T19:41:39Z2019-04-14T19:41:39ZLa saga du prion : après la vache folle, les élans et les rennes fous ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/268990/original/file-20190412-76856-1ev26sz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le renne norvégien, première espèce de cervidés victime d'une maladie à prion en Europe.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/reindeers-natural-environment-tromso-region-northern-234537685?src=c0H8P-ZrQrYcSvDue485dg-1-6">Dmitry Chulov/Shutterstock.com</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Depuis le printemps 2016, une <a href="https://veterinaryresearch.biomedcentral.com/articles/10.1186/s13567-016-0375-4">épidémie inédite</a> a commencé à toucher les élans et les rennes en Norvège. Au mois de mars 2018, c’était au tour d’un élan finlandais d’être atteint, suivi d’un élan suédois en mars 2019. Cette progression inquiète, à juste titre, les autorités locales et la communauté scientifique tout entière.</p>
<p>La maladie en question a déjà sévi sous une autre forme en Europe, et plus particulièrement au Royaume-Uni durant les années 1985-2010. Il s’agit de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), une <a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/maladies-prions-maladie-creutzfeldt-jakob">maladie à prion</a> plus populairement dénommée maladie de la vache folle.</p>
<p>Les maladies à prion sont des maladies neurodégénératives provoquant des troubles neurologiques progressifs d’issue fatale, après une période d’incubation longue et silencieuse. Elles touchent l’Homme (<a href="https://www.orpha.net/consor/cgi-bin/Disease_Search.php?lng=FR&data_id=697">maladie de Creutzfeldt-Jakob</a>, <a href="https://www.orpha.net/consor/cgi-bin/OC_Exp.php?lng=FR&Expert=466">Insomnie fatale familiale</a>) et les animaux d’élevage (maladie de la vache folle, tremblante du mouton et de la chèvre, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29652245">maladie à prion du dromadaire</a>) ou sauvages (maladie du dépérissement chronique des cervidés).</p>
<p>Les symptômes peuvent être d’ordres locomoteurs, sensoriels et comportementaux.</p>
<h2>Un agent pathogène vraiment atypique</h2>
<p>Contrairement aux virus, les bactéries ou des parasites, un prion ne dispose pas d’acide nucléique (ADN ou ARN) comme matrice de l’information infectieuse. L’agent responsable est composé exclusivement de particules protéiques. Tel un Janus aux deux visages ou un Dr Jekyll et Mr Hyde, chaque protéine du prion existe sous deux formes : une forme normale associée à des fonctions biologiques, et une <a href="https://www.researchgate.net/publication/233978592_Le_phenomene_prion_differents_aspectsd%27un_nouveau_concept_en_biologie">forme mal repliée infectieuse</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/268964/original/file-20190412-76853-1aqszd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/268964/original/file-20190412-76853-1aqszd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/268964/original/file-20190412-76853-1aqszd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=245&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/268964/original/file-20190412-76853-1aqszd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=245&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/268964/original/file-20190412-76853-1aqszd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=245&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/268964/original/file-20190412-76853-1aqszd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=308&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/268964/original/file-20190412-76853-1aqszd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=308&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/268964/original/file-20190412-76853-1aqszd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=308&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Visualisation du changement de structure de la protéine normale en protéine pathologique, et type de dépôt que l’on peut visualiser dans un cerveau.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La propagation du prion se fait par contact entre la forme anormale et la forme normale. Ceci induit un changement de l’architecture de la protéine normale qui devient pathogène. Par un effet domino, ce phénomène se propage de protéine en protéine, par un mécanisme autoréplicatif au sein du tissu nerveux et conduit, à une mort neuronale.</p>
<h2>Le cas de la maladie de la vache folle</h2>
<p>Si la maladie de la vache folle a été maîtrisée grâce aux mesures prises par les autorités (épidémiosurveillance, interdiction des farines animales vecteurs de la maladie, abattage, retrait et élimination des tissus à risque des carcasses destinées à l’alimentation : cerveau, moelle épinière) et grâce aux avancées scientifiques (tests de diagnostic à l’abattoir et à l’équarrissage depuis janvier 2001 en Europe), le passage des prions de l’ESB à l’homme en donnant le <a href="https://www.nature.com/articles/383685a0">variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob</a> (v-MCJ) a fait trembler toute l’Europe en 1996.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/268967/original/file-20190412-76846-n56p2m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/268967/original/file-20190412-76846-n56p2m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/268967/original/file-20190412-76846-n56p2m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/268967/original/file-20190412-76846-n56p2m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/268967/original/file-20190412-76846-n56p2m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/268967/original/file-20190412-76846-n56p2m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/268967/original/file-20190412-76846-n56p2m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La maladie de la vache folle a entraîné une véritable crise sanitaire à la fin des années 1990 en France.</span>
<span class="attribution"><span class="source">M. Moudjou</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/269051/original/file-20190412-76856-1vik9kh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/269051/original/file-20190412-76856-1vik9kh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/269051/original/file-20190412-76856-1vik9kh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/269051/original/file-20190412-76856-1vik9kh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/269051/original/file-20190412-76856-1vik9kh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/269051/original/file-20190412-76856-1vik9kh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/269051/original/file-20190412-76856-1vik9kh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/269051/original/file-20190412-76856-1vik9kh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Répartition et nombre de cas d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) dans le monde en 2016.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.oie.int/fr/sante-animale-dans-le-monde/situation-de-lesb-dans-le-monde-et-taux-dincidence-annuel/">M. Moudjou, d’après les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé animale</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce franchissement de la barrière d’espèce a été en apparence peu efficace. En effet moins de 250 cas de v-MCJ sont actuellement recensés dans le monde, principalement au Royaume-Uni (<a href="https://www.cjd.ed.ac.uk/">178 cas au RU</a>, <a href="http://invs.santepubliquefrance.fr">27 cas en France</a>). Cependant, il est possible que des infections humaines par ces prions d’origine bovine puissent demeurer silencieuses et affecter un nombre plus important de personnes, selon <a href="https://www.bmj.com/content/347/bmj.f5675.long">des études britanniques</a> récentes.</p>
<p>La prévalence de ces porteurs dits asymptomatiques se situerait autour d’1 personne sur 2 000 dans la population à risque au Royaume-Uni. Ces chiffres suggèrent un risque non négligeable de transmission interhumaine liée à ces porteurs sains, notamment par la voie de dons d’organes ou celle de la transfusion sanguine. Quatre cas de transmission du v-MCJ par transfusion sanguine ou don de plaquettes ont été comptabilisés en Angleterre avant la mise en place de mesure de sécurisation de la transfusion sanguine, démontrant les risques associés à cette voie.</p>
<h2>Une autre maladie à prion sévit outre-Atlantique</h2>
<p>Si les États-Unis ne recensent que très peu de cas d’ESB (quatre cas jusqu’en 2016), ils sont touchés par une autre maladie à prion : la maladie du dépérissement, ou débilitante, chronique (MDC) des cervidés (élans, rennes, wapiti), appelée aussi <em>chronic wasting disease</em> (CWD). C’est la seule maladie à prion recensée qui touche les animaux sauvages.</p>
<p>La première description de la MDC aux États-Unis remonte à 1967 dans l’État du <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/1617203">Colorado</a>. Depuis, elle a été recensée dans 25 autres États américains ainsi que dans deux provinces canadiennes (Alberta au Saskatchewan, et au Québec à la frontière de l’Ontario) et en <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed?cmd=Retrieve&db=PubMed&list_uids=29887133&dopt=Abstract">Corée du sud</a>. La MDC est plutôt proche de la tremblante du mouton dans la mesure où l’agent responsable peut se disséminer, en sus du tissu nerveux dans différents organes périphériques (tissus lymphoïdes, muscle…). On retrouve également des traces du prion MDC dans la plupart des liquides biologiques (sang, salive, urine) et dans les excréments.</p>
<p>Le prion est connu pour sa grande résistance à la dégradation. Ainsi, un pâturage infecté par un animal malade ou un cadavre peut résister aux conditions environnementales extrêmes et reste infectieux durant de très nombreuses années. Il présente alors un risque de contamination pour d’autres animaux de la faune sauvage. Par conséquent, le prion de la MDC est l’un des prions dont la transmissibilité horizontale (par contact) est la plus redoutable, participant à la contagiosité de cette maladie et à son extension, jugée incontrôlable en Amérique du Nord.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/268979/original/file-20190412-76846-8jnhns.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/268979/original/file-20190412-76846-8jnhns.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/268979/original/file-20190412-76846-8jnhns.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/268979/original/file-20190412-76846-8jnhns.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/268979/original/file-20190412-76846-8jnhns.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/268979/original/file-20190412-76846-8jnhns.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/268979/original/file-20190412-76846-8jnhns.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’élan, en Amérique du Nord, a été l’une des premières espèces touchées par le prion de la MDC.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/MVIqwQvkwG4">Shivam Kumar/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>Des premiers cas apparus en Europe</h2>
<p>Les premiers cas de MDC européens ont été <a href="https://veterinaryresearch.biomedcentral.com/articles/10.1186/s13567-016-0375-4">reportés en Norvège</a> en 2016. Un renne et trois élans se sont trouvés atteints. Les principaux symptômes d’une maladie à prion y ont été décrits : apathie, salivation, perte de poids, agressivité, difficulté à rester debout. Le cas du renne se trouvait dans une région distante de 400 km de celle où les élans malades ont été trouvés, ce qui exclut une transmission entre les deux espèces.</p>
<p>Les premières analyses montrent que si le prion de la MDC du renne norvégien ressemble aux plans biochimique et immunohistochimique à celui identifié en Amérique et au Canada, le prion identifié chez les élans norvégiens semble, lui, différent. L’origine de leur apparition en Norvège n’est toujours pas connue. S’agit-il d’une forme sporadique de prion, comme il en existe chez l’homme pour la maladie de Creutzfeldt-Jakob ? La détection d’une MDC chez le renne montre que celui-ci représente une autre espèce de cervidé susceptible à cette maladie. En effet, seuls les élans, le wapiti, le cerf-mulet et le cerf de Virginie étaient <a href="https://wwwnc.cdc.gov/eid/article/24/12/18-0702_article">décrits comme espèces vulnérables</a> aux États-Unis et au Canada.</p>
<p>Cette émergence de la MDC en Norvège, puis en <a href="http://www.promedmail.org/post/20180313.5684473">Finlande</a> (mars 2018) et récemment chez un autre élan en <a href="https://www.plateforme-esa.fr/article/suede-declaration-d-un-premier-cas-de-maladie-du-deperissement-chronique-des-cervides">Suède</a> (mars 2019) ou encore pour la première fois chez un cerf rouge sauvage en <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/30920905">Norvège</a> (mars 2019) montre que cette maladie peut potentiellement se propager assez rapidement à d’autres territoires européens et représenter un <a href="http://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/7890/MS_2012_06-07_565.html?sequence=19">risque de transmission à d’autres espèces</a> d’animaux sauvages ou d’élevage.</p>
<p>Il est aussi possible que cette maladie soit présente depuis longtemps dans les pays scandinaves mais sous-estimée, du fait de l’absence de tests à grande échelle.</p>
<h2>Un fort impact socio-économique potentiel</h2>
<p>L’impact socioéconomique dans des pays où l’élevage des rennes fait partie des traditions ancestrales pourrait être très important. La population <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Samis">Sami</a>, dont une grande partie vit de cette activité se situe autour de 80 000 en Norvège, 20 000 en Suède, 6 400 en Finlande et de 2 000 en Russie.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/268987/original/file-20190412-76862-1hplxro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/268987/original/file-20190412-76862-1hplxro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/268987/original/file-20190412-76862-1hplxro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/268987/original/file-20190412-76862-1hplxro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/268987/original/file-20190412-76862-1hplxro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/268987/original/file-20190412-76862-1hplxro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/268987/original/file-20190412-76862-1hplxro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La vie du peuple Sami, ici dans la région de Tromso, en Norvège, est étroitement liée à l’élevage de rennes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/tromso-norway-march-12-2018-unidentified-1063620899?src=QBTGssQlIVkY2j3mp0kqmQ-1-1">Suwipat Lorsiripaiboon/Shutterstock</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Des efforts à l’échelle européenne seront nécessaires afin de bloquer ou de limiter la propagation de ce nouvel agent pathogène (appelé Nor-16CWD pour le prion des élans) dans le reste du continent. En mars 2019, on recensait 19 cas de MDC chez les rennes, 4 chez les élans, 1 cas chez les cerfs en Norvège, plus les 2 cas d’élans finlandais et suédois.</p>
<p>Qu’en est-il des risques de transmission de la MDC à l’homme ? Il est connu qu’en Amérique du Nord, la chasse et la consommation de cervidés se pratique régulièrement. La surveillance épidémiologique aux États-Unis et au Canada n’a reporté aucun cas de transmission de la MDC à l’homme chez la population à risque, les chasseurs. Il reste néanmoins possible que la maladie chez l’homme puisse être confondue avec la maladie de Creutzfeldt-Jakob classique. Les cas de MDC reportés en Europe sont trop récents pour que l’évaluation de leur risque zoonotique – transmission de l’animal à l’humain – ait été reportée.</p>
<p>Au-delà des aspects du concept « one health » (une seule santé animale et humaine) ou des considérations économiques, il est essentiel de réagir face à ces nouveaux pathogènes émergents qui touchent un patrimoine ancestral de l’humanité et menacent la faune sauvage.</p>
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<p><em>Pour en savoir plus sur les maladies à prion, l’auteur a écrit un livre de vulgarisation, <a href="http://www.edilivre.com/le-mouton-la-vache-et-le-vieux-papou-l-histoire-d-1e80563954.html/#.Vpii_1JxJaU">« Le mouton, la vache et le vieux Papou, l’histoire d’une mauvaise graine »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/114797/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mohammed Moudjou est impliqué dans des projets de recherches ayant reçu des financements de la Fondation pour la Recherche Médicale (FRM), de la région Ile de France (DIM/MALINF), de la fondation Alliance Biosecure, de l'ANSM.</span></em></p>Rappelant la douloureuse crise de la vache folle, une nouvelle maladie à prion détectée chez les cervidés en Europe du Nord fait craindre une épidémie, questionnant aussi une possible transmission à l’humain.Mohammed Moudjou, Ingénieur de recherche à l'Inra. Biochimiste, spécialiste des maladies à prion, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1107212019-01-29T20:47:44Z2019-01-29T20:47:44ZComprendre l’épidémiologie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/256180/original/file-20190129-108355-ag5cq2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2973%2C1989&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’épidémiologie s’intéresse à l’état de santé des populations plutôt qu’à la santé des individus, objet de la médecine clinique.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Nous connaissons tous les méfaits du tabac, de l’alcool, d’une alimentation non équilibrée. Nous avons tous été sensibilisés au bénéfice du dépistage de l’hypertension artérielle, de certains cancers, ou de maladies infectieuses comme le SIDA. Mais saviez-vous que, pour pouvoir formuler ces recommandations, des scientifiques et des médecins ont suivi des dizaines de milliers d’individus, pendant plusieurs années ? Sans ces études épidémiologiques, impossible de connaître précisément la répartition des maladies au sein des populations, ou de déterminer quels sont les facteurs qui augmentent le risque de leur survenue.</p>
<p>De fait, l’épidémiologie est au cœur de nombreux débats de société : <a href="https://www.lemonde.fr/planete/video/2017/09/25/en-quoi-le-glyphosate-pose-t-il-probleme_5191253_3244.html">glyphosate</a>, <a href="https://www.lemonde.fr/planete/video/2018/07/28/chlordecone-le-scandale-sanitaire-explique-en-six-minutes_5337044_3244.html">chlordécone</a>, <a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/perturbateurs-endocriniens">perturbateurs endocriniens</a>, <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2018/05/02/la-pollution-de-l-air-tue-7-millions-de-personnes-par-an-dans-le-monde-alerte-l-oms_5293076_3244.html">particules fines</a>, <a href="https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/salmonellose">salmonelles</a>, <a href="https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/ebola">Ebola</a>, autant de termes qui ont fait la une de nos journaux cette année. Mais en quoi consiste, au juste, cette discipline scientifique ?</p>
<p>Avant tout, faire de l’épidémiologie revient à estimer un risque : le risque d’être ou de tomber malade, et son augmentation potentielle, en fonction de certaines caractéristiques comme nos gènes, nos comportements, notre environnement…</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Q6JCq8Bne44?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Surveiller et modéliser : l’épidémiologie descriptive</h2>
<p>L’épidémiologie descriptive surveille les maladies sur le territoire national ou planétaire. Elle détecte des « signaux » : par exemple un début d’épidémie, qui déclenchera l’intervention des équipes d’investigation. Elle est utilisée pour estimer le fardeau de la maladie (le « burden of disease » des Anglo-saxons), afin d’adapter les moyens de prise en charge aux besoins de la population. Enfin, elle permet d’évaluer l’impact des actions de prévention et des actions curatives mises en place par les pouvoirs publics.</p>
<p>Initialement dédiée aux maladies infectieuses, cette surveillance s’est étendue aux maladies chroniques comme les maladies cardio-vasculaires, les cancers ou les maladies neurodégénératives. Elle est réalisée par les agences de sécurité sanitaire, dont <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/">Santé Publique France</a>, et repose sur des réseaux de cliniciens, de laboratoires, et des registres. L’épidémiologie descriptive permet aussi de suivre l’impact des politiques menées, et d’identifier les zones de faiblesse, les populations à risque, afin de prioriser les actions.</p>
<p>Grâce à elle, on sait par exemple qu’en France <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/publications/recueils-ouvrages-et-rapports/recueils-annuels/l-etat-de-sante-de-la-population/article/l-etat-de-sante-de-la-population-en-france-rapport-2017">l’espérance de vie à la naissance est de 85 ans pour les femmes</a>, deuxième rang européen derrière l’Espagne, et de 79 ans pour les hommes. Ou encore que plus de la moitié des décès qui surviennent dans notre pays sont dus aux maladies cardio-vasculaires et aux cancers, à peu près à parts égales.</p>
<p>Il est néanmoins des situations où les données n’existent pas encore, notamment quand il s’agit de prédire le devenir d’une épidémie en cours. Dans ces circonstances, les modèles mathématiques viennent au secours de la surveillance. Alimentés par les données disponibles, ils produisent des prédictions sur l’évolution d’une maladie ou l’efficacité respective de différents scénarios. L’exercice est toutefois délicat.</p>
<p>Dans le cas de la variante de la <a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/maladies-prions-maladie-creutzfeldt-jakob">maladie de Creutzfeldt-Jakob</a> (transmise par les bovins atteints de la maladie de la « vache folle »), certains modèles, issus d’équipes de recherche réputées, avaient initialement prédit qu’à l’horizon 2020, le nombre de cas pourrait se situer entre 70 et <a href="https://www.nature.com/articles/35020688">136 000</a>. Cette fourchette très large était due aux incertitudes concernant la durée d’incubation de la maladie. Un modèle ultérieur, basé sur une durée d’incubation <a href="https://www.researchgate.net/publication/11634650_Estimation_of_Epidemic_Size_and_Incubation_Time_Based_on_Age_Characteristics_of_vCJD_in_the_United_Kingdom">estimée à 17 ans grâce à de nouvelles données</a>, a en revanche permis de prédire de façon très fiable le nombre total de cas au Royaume-Uni (205 prédits, contre 177 finalement observés).</p>
<h2>L’épidémiologie analytique : comprendre la survenue des maladies</h2>
<p>L’autre grand versant de l’épidémiologie est appelé épidémiologie analytique. Son objectif est d’identifier les déterminants des maladies. Il peut s’agir non seulement de nos gènes, mais également de nos « expositions », c’est-à-dire nos comportements (alcool, tabac, alimentation…), la pollution atmosphérique, les médicaments que nous prenons, les agents infectieux présents dans notre environnement (parfois transmis par des vecteurs comme les moustiques), etc.</p>
<p>Par analogie avec le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=pnYNsbCWBLg">génome</a>, on parle d’ailleurs aujourd’hui d’« exposome », terme décrivant l’ensemble des expositions non génétiques que subit un individu de sa conception jusqu’à la fin de sa vie.</p>
<p>La naissance de l’épidémiologie analytique a suivi la transition épidémiologique dans les pays industrialisés. Dans ces derniers, la mortalité par maladies infectieuses a chuté au XX<sup>e</sup> siècle. Cette baisse a été à l’origine d’un bond sans précédent de l’espérance de vie dans l’histoire de l’humanité : 23 années de vie gagnées lors de la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle. On doit cette baisse avant tout aux progrès de l’hygiène et de l’alimentation, la vaccination et les antibiotiques prenant le relais lors de la deuxième moitié du XX<sup>e</sup> siècle pour consolider ces résultats.</p>
<iframe src="https://ourworldindata.org/grapher/life-expectancy?year=2015" style="width: 100%; height: 600px; border: 0px none;" width="100%" height="400"></iframe>
<p><em><strong>Espérance de vie, 2015 :</strong> cette infographie indique l'espérance de vie à la naissance. Celle-ci correspond à une estimation du nombre moyen d'années qu'un nouveau-né pourrait vivre si les tendances en terme de mortalité qui prévalaient au moment de sa naissance restaient les mêmes tout au long de sa vie.</em></p>
<p>Avec l’augmentation de l’espérance de vie, des maladies au développement plus lent allaient prendre le relais des maladies infectieuses comme première cause de mortalité dans les pays industrialisés : les maladies chroniques, dites « non transmissibles », comme le cancer et les maladies cardio-vasculaires ou, plus récemment, les maladies neurodégénératives. </p>
<p>Ces pathologies ont posé de nouveaux problèmes méthodologiques aux épidémiologistes. En effet, le modèle « une infection, un microbe » ne fonctionne plus pour ces maladies dont l’origine est plurifactorielle. De nouvelles méthodes d'étude ont donc dû être inventées durant la seconde moitié du XX<sup>e</sup> siècle, donnant naissance à l’épidémiologie moderne.</p>
<h2>Les apports de l’épidémiologie en santé publique</h2>
<p>Parmi les études épidémiologiques emblématiques, on peut citer la première étude dite cas-témoins, initiée en 1948 par Richard Doll et Austin Bradford Hill dans les hôpitaux de Londres. L’idée était de comparer la consommation tabagique (l’exposition) entre une série de cas, les cancers du poumon, et les témoins, des patients du même âge et du même sexe hospitalisés pour des affections non cancéreuses. Une consommation tabagique supérieure chez les cas comparés aux témoins suggérerait l’implication du tabac dans la genèse du cancer du poumon. C’est bien ce qu’ont révélé les résultats de cette étude, publiés dans le <a href="https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/56933/RA_1999_1_185-197_fre.pdf?sequence=1&isAllowed=y">British Medical Journal en 1950</a>.</p>
<p>Le deuxième grand chantier a été celui des facteurs de risque cardio-vasculaires. Le décès de Franklin D. Roosevelt d’une hémorragie cérébrale en 1945 a servi d’électrochoc pour les pouvoirs publics américains. En 1948, Harry Truman signe le National Heart Act, et octroie 500 000 dollars pour débuter une étude de cohorte dédiée à l’étude des facteurs de risque cardio-vasculaire. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-facteurs-de-risque-cardiovasculaires-une-decouverte-revolutionnaire-et-recente-103472">Les facteurs de risque cardiovasculaires, une découverte révolutionnaire… Et récente !</a>
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<p>L’idée était de suivre <a href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/463/etudes_cohortes.pdf?1548806602#page=2">plus de 5 000 habitants de la ville de Framingham, Massachusetts</a>, pendant des dizaines d’années, afin d’identifier chez eux les facteurs associés à la survenue de maladie coronarienne ou d’accidents vasculaires cérébraux. Il s’agit d’un autre type d’étude épidémiologique, dite « de cohorte », par analogie avec les cohortes de soldats romains, qui une fois enrôlés, restaient à vie dans la cohorte. La troisième génération de participants à cette étude a été incluse en 2002.</p>
<p>Une autre cohorte américaine, la <a href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/463/etudes_cohortes.pdf?1548806602#page=2">« Nurses’ Health Study »</a>, s’est attachée à décrire les conséquences sur la santé de la contraception orale et des comportements alimentaires. Les effectifs sont considérables : plus de 200 000 femmes suivies pour certaines depuis plus de 40 ans.</p>
<p>Les études de cohortes sont réputées fiables, mais sont cependant très longues et coûteuses. Les études cas-témoins ont moins bonne réputation, du fait des risques de biais de sélection des témoins et de la moins bonne mesure des expositions qui se fait de façon rétrospective. Néanmoins, elles ont déjà pu rapidement apporter des éléments probants en faveur d’une association, quitte à ce que ces premiers résultats soient confirmés par la suite au cours d’études de cohorte.</p>
<p>Ainsi, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/ijc.2910270102">une étude cas-témoins</a> menée en Grèce a montré que les femmes exposées au tabagisme de leur mari risquaient davantage de développer un cancer du poumon, comparées à des femmes non exposées. Ce constat a ouvert la voie à l’interdiction du tabagisme dans les lieux publics, puisqu’un fumeur ne mettait plus simplement sa vie en danger en fumant, mais aussi celle des autres. Une série d’études cas-témoins a aussi permis de montrer que le coucher des nouveau-nés en position ventrale augmentait fortement le risque de mort subite du nourrisson. Les recommandations qui ont suivi ces travaux ont permis, en France, de réduire le nombre de cas de 70 % en cinq ans (1464 décès en 1991 contre 451 en 1996).</p>
<h2>Les limites de l’épidémiologie</h2>
<p>La question des expositions environnementales est l’une de celles qui posent le plus de problèmes aux épidémiologistes. Particules fines dans l’atmosphère, produits phytosanitaires, métaux lourds… Les expositions individuelles à ces agents physiques, chimiques et biologiques présents dans l’air, l’eau, les sols, ou l’alimentation sont difficiles à mesurer. Elles sont en effet multiples et souvent simultanées : vous êtes le plus souvent exposés à plusieurs insecticides en même temps. L’un d’entre eux peut être responsable d’un effet sanitaire, et les autres être sans effet. Comment savoir lequel est incriminé ?</p>
<p>Par ailleurs, ces facteurs peuvent avoir des effets synergiques entre eux, et leurs effets ne se faire sentir qu’au bout de plusieurs décennies. Ainsi, l’exposition <em>in utero</em> aux perturbateurs endocriniens peut avoir des conséquences des années plus tard, à l’âge adulte. Enfin, l’effet de ces agents est faible, et il faut des tailles d’échantillon de population importantes pour le mettre en évidence.</p>
<p>Face à ces difficultés, l’épidémiologie atteint ses limites, notamment pour répondre à la demande des pouvoirs publics, qui veulent la garantie que le produit est sans danger pour la santé.</p>
<p>Dans ce contexte, les études les plus probantes ont été celles menées chez des sujets très exposés par leur pratique professionnelle. Pour le risque en population générale, l’avenir est aux cohortes de grande taille, certaines démarrant dès la vie fœtale et utilisant des marqueurs biologiques ou des capteurs de pollution.</p>
<p>En l’état actuel des choses, en absence d’effet documenté chez l’être humain, la réponse est politique : c’est le <a href="http://www.vie-publique.fr/th/glossaire/principe-precaution.html">principe de précaution </a> face à des produits ayant démontré une toxicité <em>in vitro</em> ou chez l’animal, mais pour lesquels on n’a pas pu mettre en évidence d’effet chez l’Homme.</p>
<h2>Et demain ?</h2>
<p>Après l’enthousiasme des débuts, marqué par l’espoir de prédire notre risque individuel de développer telle ou telle maladie, est venue une phase de perplexité. Celle-ci est liée aux résultats contradictoires d’études rapportant des associations sans fondement biologique, et basées sur le croisement sans discernement de toutes les données disponibles sur expositions et maladies, dans des cohortes de grande taille.</p>
<p>L’épidémiologie s’interroge également sur le chemin à suivre. Doit-elle se focaliser sur les déterminants génétiques des maladies, répondant ainsi aux possibilités offertes par les nouvelles technologies de biologie moléculaire, qui permettent aujourd’hui de séquencer un génome pour 1 000€ ? Doit-elle garder le cap sur les déterminants plus généraux des maladies, comme les comportements addictifs et alimentaires, dont on sait qu’ils continuent de représenter la part la plus importante et modifiable des causes de notre morbidité et mortalité ? Ou doit-elle embrasser de façon plus complète l’ensemble des expositions, regroupées sous le vocable d’exposome, étendu aux dimensions sociales et communautaires ?</p>
<p>Les inégalités sociales en matière de santé ont en effet été peu étudiées, même si elles restent flagrantes. Ainsi, si l’espérance de vie progresse en France, les écarts d’espérance de vie à 35 ans entre ouvriers et cadres (soit le nombre d’années de vie restantes pour ceux qui ont atteint l’âge de 35 ans) ne se réduisent pas. Ils restent de 3 ans entre femmes cadres et ouvrières, et de 6 ans et demi entre hommes cadres et ouvriers…</p>
<p>Une chose est certaine : comme beaucoup d’autres disciplines scientifiques, le futur de l’épidémiologie va être profondément impacté par l’irruption des analyses des <em>big data</em>. Ces données massives nous dépassent par leur abondance et leur diversité. Les résultats des analyses du génome humain, qui se rajoutent aux autres expositions typiquement étudiées, en sont emblématiques. Une des initiatives les plus avancées dans ce domaine est portée par la <a href="https://academic.oup.com/brain/article/138/12/3463/416249">UK Biobank</a>. Près de 500000 individus ont été recrutés il y a dix ans au sein de cette étude de cohorte, où leurs données médicales sont mises en relation avec le séquençage de leur génome.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/s-KJR4UKqUw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>D’autres cohortes, américaines pour la plupart, sont en cours de constitution, dans les milieux académiques et privés, et portent sur des centaines de milliers d’individus également. On peut citer la <a href="https://www.research.va.gov/mvp/">« million veteran study »</a> et le <a href="https://allofus.nih.gov/">« all of us research program »</a>. La France aussi a lancé ses propres études. La première fut la <a href="http://www.gazel.inserm.fr/fr/">cohorte Gazel</a>, qui suivait les employés d’EDF/GDF. Depuis, plusieurs autres ont vu le jour : <a href="https://www.etude-nutrinet-sante.fr/">NutriNet</a>, sur les liens entre alimentation et santé, <a href="https://compare.aphp.fr/">cohorte ComPaRe</a>, pour les patients atteints de maladies chroniques, <a href="http://www.constances.fr/">CONSTANCES</a>, dont l’originalité est de s’appuyer sur un échantillonnage représentatif de la population française, ainsi que plusieurs <a href="http://eden.vjf.inserm.fr/index.php/fr/">cohortes</a> <a href="https://www.elfe-france.fr/">pédiatriques</a> et thématiques (notamment sur le VIH et les hépatites virales).</p>
<p>Sur le papier, ces avancées sont séduisantes. La possibilité de connaître notre risque de développer telle ou telle maladie sur la base de notre génome est à portée de main. Mais elles suggèrent un changement de paradigme : alors que l’approche de santé publique traditionnelle est basée sur des messages de prévention universels, adressés à la collectivité, et où l’effet d’entraînement a sa place, le modèle qui se dessine est individualiste, plus coûteux, inégalitaire, et vraisemblablement moins performant… </p>
<hr>
<p><strong><em>Pour aller plus loin</em></strong><br></p>
<p><em>- La page dédiée au bloc d’enseignements consacrés à <a href="https://www.college-de-france.fr/site/arnaud-fontanet/course-2018-2019__1.htm">l'histoire de l'épidémiologie et l’étude des pandémies</a>, sur le site du Collège de France ;</em><br></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110721/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Fontanet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Subtile science de l'estimation du risque, l’épidémiologie a joué un rôle déterminant dans l'augmentation de l'espérance de vie au XXᵉ siècle. Retour sur une discipline parfois mal comprise.Arnaud Fontanet, Médecin, directeur de l’Unité d’épidémiologie des maladies émergentes à l’Institut Pasteur de Paris, professeur de santé publique, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1081292019-01-16T21:13:42Z2019-01-16T21:13:42ZPourquoi on mange moins de viande en France<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/254168/original/file-20190116-163283-lllsxn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C16%2C5573%2C3715&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La consommation de viande aurait baissé de 10 % en France depuis les années 2010. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/close-woman-holding-wrapped-meat-grocery-674119927">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Par sa charge symbolique, la viande n’est pas une denrée alimentaire comme les autres. Vue comme une offrande ou une source de force, elle constitue aussi un critère de niveau de vie et <a href="https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1975_num_30_2_293623">d’appartenance sociale</a>.</p>
<p>C’est au XIX<sup>e</sup> siècle que la viande devient un produit. Les abattoirs entrent dans les centres-villes et une segmentation travail – de l’élevage au traitement de la viande – s’établit.</p>
<p>Avant cela, les bêtes étaient prélevées dans des fermes familiales situées à proximité des <a href="https://journals.openedition.org/lhomme/7968">centres urbains</a>, amenées directement chez les <a href="http://sciencepress.mnhn.fr/sites/default/files/articles/pdf/az1992n16a10.pdf">bouchers et abattus sur place</a>, ce qui ne manquait pas de causer des problèmes de <a href="https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2004-3-page-79.htm">salubrité publique</a> et de multiples nuisances environnementales. Au Moyen Âge, pour répondre aux problèmes d’hygiène et de conservation posés par ces modes d’abattage, la population cuisinait la viande bouillie ou à <a href="https://www.news.uliege.be/cms/c_9986569/fr/les-grands-mythes-de-la-gastronomie-les-epices-et-la-viande-avariee">grand renfort d’épices</a>.</p>
<p><a href="http://www.pur-editions.fr/couvertures/1368603817_doc.pdf">Le XIXᵉ siècle</a> est aussi celui de profondes <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/cel-01476345/document">transformations sociétales</a>, d’une consommation carnée moins frugale et d’une augmentation généralisée de la <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/cel-01476345/document">quantité moyenne de nourriture consommée</a>. Les joufflus sont alors considérés comme bien portants et riches, les <a href="https://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_2002_num_80_4_4680">dames en chair</a> comme de bonnes reproductrices. Les apparences <a href="https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1975_num_30_2_293615">affectent la consommation</a> en général et celle de la viande, en raison notamment de sa <a href="https://www.medecine-nutrition.org/articles/mnut/abs/2012/04/mnut2012484p38/mnut2012484p38.html">valeur symbolique mais aussi nutritive</a>.</p>
<p>Celle-ci décolle et <a href="https://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_2002_num_80_4_4680">continuera de croître</a> au XX<sup>e</sup> siècle : entre 1803 et 1812, les Français consomment en moyenne 19 kg de viande par an et par habitant ; 40,2 kg entre en 1885 et 1894 ; 68,9 kg en 1974 pour atteindre 100 kg dans les années 1985.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1079523907529572353"}"></div></p>
<h2>Une consommation en pleine évolution</h2>
<p>Depuis la situation a évolué de manière contrastée. La France abat chaque année près de 43 millions d’animaux et produit 3,7 millions de tonnes de viande consommable. L’industrie de la viande présente un chiffre d’affaires annuel de 33 milliards d’euros, c’est le <a href="http://www.franceagrimer.fr/fam/filiere-lait/Informations-economiques/Chiffres-et-bilans">premier secteur</a> de l’industrie alimentaire.</p>
<p><a href="http://www2.assemblee-nationale.fr/documents/notice/14/rap-enq/r4038-tI/(index)/depots">L’activité englobe</a> 265 abattoirs d’ongulés et 669 abattoirs de lapins et volailles, 2600 entreprises (abattage et transformation) et 99 000 salariés à temps plein. Le taux de valeur ajoutée de l’industrie de la viande est cependant plus faible (17,6 %) que celle de l’industrie alimentaire (19,4 % en moyenne). En cause, une <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3636392-">masse salariale supérieure</a> dans les unités de production de la filière viande.</p>
<p>En 2017, les Français ont consommé près de <a href="http://www.franceagrimer.fr/fam/filiere-lait/Informations-economiques/Chiffres-et-bilans">84 kilos de viande</a>, contre 86 en 2016. Selon une étude du Crédoc, parue en 2018, on observe une <a href="https://www.credoc.fr/publications/les-nouvelles-generations-transforment-la-consommation-de-viande">baisse de plus de 10 %</a> de cette consommation depuis les années 2010 en France.</p>
<p>En 2017, les plus gros consommateurs de viande au monde sont les États-Unis (98,2 kg de viande en moyenne par an et par habitant), suivis des Australiens (95 kg) et des Argentins (91 kg). À titre de comparaison, les pays en voie de développement consomment en moyenne <a href="https://www.planetoscope.com/elevage-viande/1235-consommation-mondiale-de-viande.html">34 kg de viande</a> par an par habitant – et, parmi eux, une vingtaine en consomment moins de 10 kg par an.</p>
<h2>Les causes du désamour</h2>
<p>Comment expliquer cette baisse de la consommation de viande dans l’Hexagone, pays de la bonne chère, jaloux de sa gastronomie ?</p>
<p>On pourra d’abord évoquer une succession de crises sanitaires qui ont affecté l’image de la viande au cours des trente dernières années. En 1991, surgit le premier cas de vache folle dans les Côtes-d’Armor. Puis la fièvre aphteuse des moutons en 2000 et la grippe aviaire en 2001. Le dernier en date n’est autre que le scandale de la viande de cheval retrouvée dans des lasagnes de la marque Findus en 2013.</p>
<p>Mais les raisons qui motivent cette baisse sensible de la consommation semblent plus profondes.</p>
<p>On peut ainsi évoquer la cause environnementale. En France, les contributions aux émissions de gaz à effet de serre sont de 27 % pour les transports contre <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/emissions-gaz-effet-serre-france-poursuit-efforts">16 % pour l’élevage</a>. En raison de l’alimentation nécessaire aux animaux d’élevage (maïs et soja dont les principaux producteurs sont les États-Unis, le Brésil et l’Argentine), la consommation de viande d’un Français cause la déforestation de <a href="https://www.liberation.fr/france/2018/11/08/deforestation-un-francais-consomme-chaque-annee-352-metres-carres-de-foret_1690583">16 m² en Amazonie</a>.</p>
<p>La raison sanitaire, ensuite. Les préconisations de l’OMS alertent désormais sur les <a href="https://www.who.int/features/qa/cancer-red-meat/fr/">effets néfastes</a> des graisses animales dans l’apparition de certains cancers, notamment le cancer colorectal. En 2015, l’OMS-CIRC et l’Institut national du cancer valident ces mises en garde en classant la viande rouge comme <a href="http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2015/cancer-red-meat/fr/">« probablement cancérogène »</a> pour l’homme, tout comme les viandes transformées.</p>
<p>L’enjeu sociétal et éthique entre également en ligne de compte. Avec les révélations de l’<a href="https://www.l214.com/">association L214</a> qui dénonce régulièrement les conditions d’abattage des animaux, les Français disent se sentir <a href="http://www.larepubliquedespyrenees.fr/2018/10/12/la-defense-des-animaux-de-ferme-revendiquee-par-des-associations-moderees,2443040.php">plus concernés</a> par la souffrance et le respect de leur statut d’êtres sensibles, établie par la <a href="https://www.30millionsdamis.fr/actualites/article/8451-statut-juridique-les-animaux-reconnus-definitivement-comme-des-etres-sensibles-dans-le-code/">loi de 2015</a>. Les prises de position de nombreuses personnalités en faveur du végétarisme – à l’image de Mathieu Ricard, Aymeric Caron, Franz-Olivier Giesbert ou Pamela Anderson – aura accompagné cette prise de conscience.</p>
<p>Enfin et surtout, le facteur économique. Une <a href="https://bit.ly/2vXVZDD">étude Eurostat de 2016</a> révèle que le prix de la viande en France est 31 % plus élevé que dans le reste de l’Europe. Ce qui la place en 5<sup>e</sup> position, derrière le Danemark, l’Autriche, le Luxembourg et la Suède. Les prix ont augmenté de 24 % en dix ans : en 1992, le kilo d’entrecôte coûtait <a href="http://www.lafranceagricole.fr/actualites/prix-de-la-viande-la-france-en-haut-de-lechelle-europeenne-1,2,1242789.html">14,45 euros contre 24,82 euros</a> aujourd’hui.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1060725140919648256"}"></div></p>
<h2>Une tradition toujours bien ancrée</h2>
<p>La France est pourtant loin de devenir végétarienne. L’alimentation y revêt une dimension culturelle particulièrement forte et la viande fait partie intégrante des traditions culinaires – de la poule au pot d’Henri IV à l’incontournable agneau pascal. Les recettes culinaires à base de produits carnés font toujours la réputation des grands chefs de la gastronomie française.</p>
<p>De nouveaux profils de mangeurs de viande émergent toutefois : à l’image des flexitariens, qui représenteraient <a href="https://www.kantarworldpanel.com/fr/A-la-une/TendancesConso">34 % de la population française</a> en 2017, contre 24 % en 2015. Sans renier la viande, ces derniers la consomment avec parcimonie, privilégiant les fruits et légumes. À noter également qu’en 2017, pour la 3<sup>e</sup> année consécutive, le panier moyen du Français baisse, mais la dépense en fruits et légumes frais augmente <a href="http://www.interbev.fr/info-veille-scientifique/">(+ 0,8 %)</a>. L’alimentation bio et végétale séduit de plus en plus, tout comme la traçabilité des produits à l’aide de certains labels, à l’image du Cruelty free, par exemple.</p>
<p>Les liens des Français avec la viande se distendent mais ce désamour varie en fonction de l’<a href="http://viandesetproduitscarnes.com/phocadownload/vpc_vol_34/3436_hocquette_inra_clcv.pdf">appartenance sociale</a> : si les plus riches en consomment moins pour des raisons de santé et d’apparence (prise de poids), les moins aisés continuent d’y voir un indice de richesse et de réussite sociale.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"956645586626908160"}"></div></p>
<h2>Des exigences nouvelles</h2>
<p>De nouvelles considérations économiques s’invitent en parallèle dans le débat sur la viande : l’Union européenne négocie actuellement avec quatre pays du Mercosur (l’Argentine, le Brésil,le Paraguay et l’Uruguay) un accord sur l’importation de 90 000 tonnes de viande. La démarche est très décriée, à la fois <a href="http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2018/02/23/20002-20180223ARTFIG00142-qu-est-ce-que-l-accord-ue-mercosur-qui-inquiete-tant-les-agriculteurs.php">par les agriculteurs</a>, qui y voient une concurrence déloyale, et par les consommateurs. La viande importée sera moins chère, de moins bonne qualité et en désaccord avec les normes sanitaires françaises – pas de traçabilité, emploi d’hormones de croissance, bétail nourri au soja OGM – déplorent-ils.</p>
<p>Sous l’influence des mouvements antispécistes et de défense animale, ainsi que du respect de la loi de 2015, des éleveurs et industriels de la viande craignent également un <a href="https://www.letemps.ch/suisse/eleveurs-repliquent-aux-antispecistes">durcissement des conditions</a> d’élevage et d’abattage. Dans le même temps, en raison de records de chaleur récurrents, 80 000 éleveurs bovins français réclament une <a href="https://www.lesoir.be/174540/article/2018-08-23/apres-les-records-de-chaleur-les-eleveurs-europeens-sinquietent-de-lenvolee-des">augmentation de 20 % du prix</a> de vente pour être rentables et faire face aux coûts de la nourriture du bétail, des installations et contrôles sanitaires, etc.</p>
<p>Certaines études ont enfin montré que nombre d’éleveurs sont favorables au <a href="https://reporterre.net/L-abattage-a-la-ferme-le-combat-d-un-eleveur-pas-comme-les-autres">retour de l’abattage à la ferme</a>, que les Français réclament davantage de symbiose avec leur territoire, le respect du bien-être animal mais aussi celui de leur porte-monnaie. Difficile désormais pour la filière viande de faire la sourde oreille face à des demandes si nombreuses et variées…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108129/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Annie Lapert-Munos ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Malgré son ancrage profond dans la culture française, les enjeux environnementaux et sanitaires autour de la viande affectent sensiblement sa consommation en France.Annie Lapert-Munos, Docteur en sciences de gestion, HDR, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1081182018-12-11T21:48:25Z2018-12-11T21:48:25ZLa maladie d’Alzheimer, une maladie contagieuse ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/250056/original/file-20181211-76977-j8fwyn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C10%2C6776%2C4694&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La maladie d'Alzheimer est en augmentation.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Plus d’une cinquantaine de démences résultant de maladies neurodégénératives sont recensées à ce jour, la maladie d’Alzheimer étant la plus largement répandue. On estime aujourd’hui qu’environ <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24398425">35 millions de personnes en souffrent dans le monde</a>, et que le nombre de malades pourrait atteindre les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19909903">115 millions de personnes</a> d’ici 30 ans. Dans notre pays, l’association France-Alzheimer considère que le quart des personnes âgées de plus de 65 ans sera diagnostiqué malade d’Alzheimer d’ici à 2020.</p>
<p>Bien que, dans certains rares cas, la maladie d’Alzheimer puisse être due à un problème génétique, le facteur de risque majeur est le vieillissement. Il est donc logique que la prévalence de ces maladies soit corrélée à l’augmentation de l’espérance de vie.</p>
<p>Mais des travaux récents suggèrent aussi que la maladie d’Alzheimer pourrait, dans certaines conditions, se transmettre entre individus. Son mécanisme rappelle en effet celui des maladies à prions comme la maladie de Creutzfeldt-Jakob, dont des dizaines de cas sont survenus suite à la crise de la vache folle. Explications.</p>
<h2>La maladie d’Alzheimer, un problème de protéines</h2>
<p>D’un point de vue symptomatique, la maladie d’Alzheimer se manifeste par une détérioration drastique des facultés psychiques et physiques, en raison de la mort des neurones cérébraux. Lorsqu’on analyse les cerveaux des patients décédés de la maladie, on constate la présence de deux types de dépôts constitués de protéines.</p>
<p>Les protéines sont de grosses molécules constituées d’un enchaînement de molécules plus petites, les acides aminés. Il s’agit de composants essentiels de la vie : les cellules et tissus des êtres vivants contiennent des milliers de protéines, dont les fonctions sont variées et spécifiques (hormones, enzymes, protéines de structure comme le collagène, tubuline qui constitue le « squelette » des cellules et leur donne leur forme…). Dans la maladie d'Alzheimer, certaines de ces protéines deviennent anormales et s'accumulent.</p>
<p>Le premier type de dépôts protéiques retrouvés dans le cerveau de patients atteints par la maladie contient une protéine appelée « protéine Tau » (de l’anglais <em>Tubulin-associated unit</em>). En temps normal, l’une de ses fonctions est de stabiliser la structure des neurones. Dans la maladie d’Alzheimer, Tau est modifiée et ne joue plus son rôle. Les neurones dégénèrent, tandis que les protéines anormales s’agrègent entre elles et s’accumulent dans les cellules nerveuses.</p>
<p>Le second type de dépôt est formé par le peptide bêta-amyloïde ou Aβ (les peptides sont des enchaînements d’acides aminés, comme les protéines, mais beaucoup plus courts). Le peptide Aβ provient de la coupure d’une grosse protéine appelée APP. Située à la surface des neurones, APP intervient notamment dans leur croissance, leur survie et leur réparation. </p>
<p>En temps normal, les peptides Aβ sont éliminés, mais dans la maladie d’Alzheimer, ils s’accumulent à l’extérieur des cellules nerveuses, sous forme de plaques amyloïdes, aussi parfois appelées plaques séniles. Ces dépôts se retrouvent également autour des capillaires sanguins du cerveau et <a href="https://www.jle.com/fr/revues/stv/e-docs/angiopathies_amyloides_cerebrales_275625/article.phtml?tab=texte">peuvent être à l’origine de microhémorragies cérébrales</a> appelées angiopathies amyloïdes cérébrales.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/250069/original/file-20181211-76965-nbk24w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/250069/original/file-20181211-76965-nbk24w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/250069/original/file-20181211-76965-nbk24w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=131&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/250069/original/file-20181211-76965-nbk24w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=131&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/250069/original/file-20181211-76965-nbk24w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=131&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/250069/original/file-20181211-76965-nbk24w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=165&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/250069/original/file-20181211-76965-nbk24w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=165&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/250069/original/file-20181211-76965-nbk24w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=165&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Formation des plaques amyloïdes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des protéines capables d’en contaminer d’autres</h2>
<p>Le point le plus remarquable des mécanismes à l’origine de la maladie d’Alzheimer est que la neurodégénérescence ne découle pas d’une simple accumulation passive de protéines.</p>
<p>En réalité, les protéines impliquées dans la maladie d’Alzheimer changent de forme, ce qui modifie leur action à l’échelle cellulaire. Il faut savoir que le rôle d’une protéine dépend généralement de sa forme (qui elle-même dépend en grande partie de l’enchaînement des acides aminés qui la compose). C’est ce changement de morphologie qui confère au peptide Aβ des propriétés totalement différentes de celles de sa forme normale. Devenu capable de s’auto-agréger, il peut former les dépôts de fibres amyloïdes qui sont probablement à l’origine de la mort des neurones.</p>
<p>Mais ce n’est pas tout : les chercheurs ont démontré que les formes toxiques sont capables de forcer leurs alter-egos normaux à les imiter, et à adopter eux aussi une forme pathogène ! Ce phénomène, dit « auto-réplicatif », explique comment une cellule malade produisant la forme toxique du peptide peut « contaminer » la cellule voisine. </p>
<p>Cette contagion de proche en proche explique aussi pourquoi, durant l’évolution de la maladie d’Alzheimer, la propagation des lésions cérébrales s’étend progressivement à tout le cerveau en suivant un schéma bien déterminé, chez tous les patients.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/QmGTgcuivj4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Qu’est-ce que la maladie d’Alzheimer ?</span></figcaption>
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<h2>Des mécanismes qui rappellent ceux des prions</h2>
<p>Ce processus auto-réplicatif rappelle ce qui est observé dans le cas d’une autre maladie neurodégénérative, la <a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/maladies-prions-maladie-creutzfeldt-jakob">maladie de Creutzfeldt-Jakob</a>. Cette dernière est due à la propagation au sein du cerveau d’un agent pathogène très particulier : le prion.</p>
<p>Ni bactérie, ni parasite, ni virus, ni champignon, le prion est pourtant transmissible. La découverte de ces « particules protéiques infectieuses » (l’acronyme prion vient de l’anglais <em>proteinacious infectious particule</em>) <a href="https://www.jle.com/download/vir-285674-le_phenomene_prion_differents_aspects_d_un_nouveau_concept_en_biologie--XA-E8H8AAQEAACans40AAAAK-a.pdf">a fait couler beaucoup d’encre</a> et a obligé les chercheurs à forger un nouveau concept, celui d’« agents transmissibles non conventionnels ». Contrairement aux autres agents pathogènes, les prions sont en effet dépourvus de génome (ils n’ont pas d’ADN ou d’ARN) et sont composés exclusivement d’une seule et même protéine.</p>
<p>Tout comme pour les protéines impliquées dans la maladie d’Alzheimer, les cellules produisent naturellement une version « normale » du prion. Elle remplirait de nombreuses fonctions biologique, mais ses divers rôles sont encore mal connus. Elle possède aussi la propriété de se replier et de s’agréger pour former des particules infectieuses. Sous leur forme infectieuse, les prions sont capables d’infecter un nouvel individu après ingestion de certains tissus contaminés, ou via le sang par exemple.</p>
<p>La grande résistance des prions aux procédés de destruction classiques a été à l’origine de plusieurs crises économico-sanitaires majeures, comme la <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/expliquez-nous/expliquez-nous-la-maladie-de-la-vache-folle_1779203.html">crise de la vache folle</a> dans les années 1980 et 1990 ou le <a href="https://www.futura-sciences.com/sante/dossiers/medecine-scandale-hormone-croissance-1042/">scandale de l’hormone de croissance contaminée</a>.</p>
<h2>La maladie d’Alzheimer est-elle contagieuse ?</h2>
<p>Les processus d’agrégation du peptide Aβ et de la protéine Tau présentent des similitudes avec celui observé chez les prions. Est-il possible, dès lors, que la maladie d’Alzheimer puisse se transmettre entre individus, selon le même mécanisme que le prion ? Divers groupes de scientifiques ont cherché à répondre a cette question.</p>
<p>Expérimentalement, plusieurs équipes de chercheurs ont été en mesure d’induire la prolifération d’agrégats de peptides Aβ <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/16990547">chez des animaux</a> de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24982137">laboratoire</a>. Par ailleurs, plus récemment, différents travaux suggèrent l’existence de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26354483">cas de transmission</a> <a href="http://www.cnrtl.fr/definition/academie9/iatrog%C3%A8ne">iatrogène</a> <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28349199">du peptide Aβ pathogène</a>, entraînant des angiopathies amyloïdes cérébrales. Les hormones de croissance produites avant 1977, notamment, n’auraient pas seulement été contaminées par le prion, mais également par le peptide Aβ, et auraient pu être impliquées dans le <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/le-scandale-de-l-hormone-de-croissance-responsable-de-la-maladie-d-alzheimer_1077841.html">développement de la maladie d’Alzheimer</a>.</p>
<p>Parallèlement à la publication de ces travaux, une autre population dite « à risque » a été particulièrement détaillée, celle des patients ayant reçu une greffe de dure-mère. Cette fine membrane fibreuse qui protège le cerveau pouvait être prélevée sur des cadavres pour servir de « pansement » suite à des opérations neurochirurgicales invasives. Cette pratique a été <a href="http://www.creutzfeldt-jakob.aphp.fr/p_prev_mes_ctrl.htm">interdite en France en 1994</a>, car des greffons de dure-mère ont été à l’origine de cas de transmission iatrogène du prion humain.</p>
<p>Trois études (suisse, japonaise et internationale) ont respectivement montré que <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26812492">71,4 %</a> <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27314593">81 %</a> et <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29310723">61,5 %</a> des patients qui ont reçu ce type de greffe ont ensuite développé des angiopathies amyloïdes cérébrales. Bien que la preuve formelle de la contamination par les greffons ne puisse être apportée, la localisation des lésions et des dépôts protéiques suggèrent très fortement que le greffon est à l’origine du changement de forme et de l’agrégation des peptides Aβ du receveur.</p>
<p>Une étude a également suggéré que les instruments chirurgicaux utilisés en neurochirurgie pourraient peut-être aussi parfois constituer une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00401-018-1822-2">source de contamination</a>, même si le risque est probablement très limité. Les auteurs de ces travaux suggèrent néanmoins d’<a href="https://www.santemagazine.fr/actualites/alzheimer-les-outils-chirurgicaux-pourraient-propager-la-maladie-305791">améliorer les procédures de stérilisation</a>.</p>
<h2>La maladie d’Alzheimer est-elle une maladie à prion ?</h2>
<p>D’un point de vue mécanistique, il apparaît clairement que la maladie d’Alzheimer ressemble aux <a href="https://www.msdmanuals.com/fr/accueil/troubles-du-cerveau,-de-la-moelle-%C3%A9pini%C3%A8re-et-des-nerfs/maladies-%C3%A0-prions/pr%C3%A9sentation-des-maladies-%C3%A0-prions">maladies à prions</a>. Si on se cantonne à la définition stricte du mot prion, particule protéique infectieuse, alors la maladie d’Alzheimer devrait en faire partie, étant donné que le caractère transmissible des assemblages protéiques toxiques qui la provoquent a été démontré, au moins expérimentalement.</p>
<p>Toutefois, au fil des résultats de recherche, le concept de prion s’est élargi : l’existence de différentes <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5500360/">souches de prion</a> a été révélée, tout comme sa capacité à « muter » et à s’adapter à son nouvel hôte. En cela, les maladies à prions diffèrent de la maladie d’Alzheimer. En l’état actuel des connaissances, il apparaît donc plus juste de qualifier cette dernière de « maladie de type prion » ou « d’amyloïdes infectieux ». Ou d’étendre le terme d’agent transmissible non-conventionnel aux assemblages protéiques responsables de la maladie d’Alzheimer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108118/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Angélique Igel-Egalon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le vieillissement est le principal facteur de risque de la maladie d’Alzheimer. Mais des recherches récentes suggèrent que la maladie pourrait aussi parfois se transmettre entre individus.Angélique Igel-Egalon, Ingénieure de recherche, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/995252018-07-08T21:24:17Z2018-07-08T21:24:17ZVogue du vegan en Allemagne : adieu la « currywurst » ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/226603/original/file-20180708-122280-1tcs23k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C6%2C2038%2C1161&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un supermarché vegan à Berlin, </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/72616463@N00/8210827852">Josefine S./Flickr</a></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.bundesregierung.de/Content/DE/_Anlagen/2018/03/2018-03-14-koalitionsvertrag.pdf?__blob=publicationFile&v=6">L’accord de coalition</a> signé par l’Union chrétienne-démocrate (CDU-CSU) et le SPD, en mars 2018, prévoit de faire de l’Allemagne l’un des pays pionniers en matière de bien-être animal.</p>
<p>Mais dans un pays champion de l’exportation de produits d’élevage et où la viande est particulièrement bon marché, cet objectif semble difficilement réalisable à court terme.</p>
<h2>Un label bien-être animal</h2>
<p>L’accord de coalition prévoit toute une série de mesures en faveur du bien-être animal : investissements pour améliorer les structures des élevages, renoncement aux interventions non-curatives (épointage, etc.), interdiction de l’élimination des poussins mâles, développement d’alternatives à la castration des porcelets, réduction de l’utilisation des antibiotiques, engagement au niveau européen pour une réduction des temps de transport des animaux, etc.</p>
<p>Parmi les mesures envisagées, la mise en place d’un label officiel concernant le bien-être animal fait figure de mesure phare. Il s’agit de labéliser les produits carnés dont les producteurs s’engagent, de façon volontaire, à aller au-delà des prescriptions légales en matière de bien-être animal.</p>
<p>Ce projet qui avait été amorcé sous le précédent gouvernement sans déboucher sur sa réalisation concrète est désormais de la responsabilité de la nouvelle ministre de l’Alimentation et de l’Agriculture, Julia Klöckner (CDU). Le label devrait distinguer trois niveaux de qualité et d’exigence. Les producteurs, désireux de s’engager davantage pour le bien-être animal pourraient donc apposer ce label sur leurs produits vendus dans les supermarchés ou distribués auprès des restaurateurs.</p>
<p>Les éleveurs participant à l’initiative privée, « Initiative Tierwohl », lancée en 2015 par plusieurs chaînes de supermarchés, dont Aldi et Lidl, seront les premiers à être concernés par le programme. Les produits carnés affichant ce label devraient apparaître dans les rayons des supermarchés en 2021.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/226606/original/file-20180708-122280-ywcmpe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/226606/original/file-20180708-122280-ywcmpe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/226606/original/file-20180708-122280-ywcmpe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/226606/original/file-20180708-122280-ywcmpe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/226606/original/file-20180708-122280-ywcmpe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=580&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/226606/original/file-20180708-122280-ywcmpe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=580&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/226606/original/file-20180708-122280-ywcmpe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=580&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une ferme participant au programme Initiative Tierwohl (ici en 2016).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://de.wikipedia.org/wiki/Biologisch-dynamische_Landwirtschaft#/media/File:Mobile_H%C3%BChnerst%C3%A4lle.jpg">Ökodorf Brodowin/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Toutefois, le marché potentiel est estimé à seulement 20 % de l’ensemble du marché de la viande – ce qui signifie que cette viande haut de gamme continuera de voisiner dans les magasins avec la viande à bas prix dont la production ne respecte guère le bien-être animal.</p>
<p>Les premiers animaux d’élevage concernés seront les cochons, dans la mesure où la viande de porc est traditionnellement la plus consommée en Allemagne. L’introduction d’un tel label intervient dans un contexte tendu pour la filière de l’élevage allemand. En effet, en 2017, la consommation de viande a baissé, de même que la production, tandis que la question même de l’acceptabilité de l’élevage est posée par le développement d’un fort mouvement vegan dans le pays.</p>
<h2>Une baisse sensible de la consommation de viande en Allemagne</h2>
<p>Les chiffres publiés par l’<a href="http://www.fleischwirtschaft.de/wirtschaft/nachrichten/Fleischkonsum-Deutsche-essen-immer-weniger-36419">Agence fédérale pour l’agriculture et l’alimentation</a> font état d’une baisse de la consommation de viande en Allemagne qui est passée sous la barre des 60 kg par an et par personne en 2017.</p>
<p>Il s’agit là du niveau le plus bas jamais atteint depuis vingt ans et comparable à la situation rencontrée lors de la crise de la vache folle. Si la viande de porc constitue toujours la viande la plus consommée dans le pays, on observe une hausse de la consommation de bœuf et de poulet.</p>
<p>Plusieurs raisons expliquent ce déclin de la consommation de viande : la plus grande fréquence des repas pris en dehors du domicile où l’on sert des portions de viande plus réduites, le vieillissement de la population dans la mesure où les personnes âgées consomment moins de viande, l’impact des scandales sanitaires et l’intérêt croissant pour les problématiques de santé qui font se diriger les consommateurs vers les alternatives à la viande de porc.</p>
<h2>Une production qui a vraisemblablement atteint son apogée</h2>
<p>Ces changements dans les habitudes de consommation ont des conséquences directes sur le sort des animaux d’élevage, puisqu’en 2017 8 millions d’animaux d’élevage de moins qu’en 2016 ont été abattus en Allemagne. Cette baisse concerne tous les animaux d’élevage, y compris les poulets, dont la viande est pourtant de plus en plus populaire. En effet, le poids des poulets abattus a augmenté par rapport à 2016, mais cela ne permet pas à l’Allemagne de couvrir ses besoins sans recours à l’importation.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/1iz0a78iM5Y?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Si en comparaison européenne, l’Allemagne occupe en 2017 la huitième place en ce qui concerne la consommation, elle fait partie des trois plus grands producteurs de viande avec la France et l’Espagne. L’Allemagne présente des atouts manifestes pour l’industrie de la viande, notamment des abattoirs aux coûts de revient particulièrement compétitifs. En effet, ce sont le plus souvent des travailleurs étrangers d’Europe de l’Est qui travaillent dans les abattoirs allemands dans des conditions particulièrement rudes.</p>
<p>Toutefois, de nombreux experts estiment que la production de la viande en Allemagne a atteint son apogée et qu’elle ne pourra vraisemblablement que décliner dans les années à venir, notamment en raison des exigences environnementales et relatives au bien-être animal de plus en plus fortes. La production de viande qui avait continué à progresser jusqu’en 2016 a donc baissé en 2017, de même que l’exportation de produits d’élevage ou bien le commerce des animaux vivants (import et export). Toutefois, les premiers chiffres disponibles au sujet du premier semestre 2018 indiquent une tendance inverse avec une légère hausse de 1,8 %.</p>
<h2>Un mouvement vegan particulièrement fort</h2>
<p>Si l’Allemagne a considérablement développé, ces dernières années, son industrie de la viande et du lait, elle se caractérise également par l’émergence d’un mouvement vegan particulièrement fort. En ce qui concerne la production de lait, l’Allemagne occupe la première position au sein de l’Union européenne. De nombreuses fermes usines pouvant compter jusqu’à 3 000 vaches ont été construites dans le nord et l’est du pays.</p>
<p>Ce fort productivisme explique certainement aussi, en partie, l’importance du mouvement vegan en Allemagne. <a href="https://vebu.de/veggie-fakten/entwicklung-in-zahlen/anzahl-veganer-und-vegetarier-in-deutschland/">D’après l’association végétarienne allemande VEBU</a>, le pays compte 8 millions de végétariens (10 % de la population) et 1,3 million de vegans (1,6 %). C’est en Allemagne que le nombre de nouveaux produits vegan (sans aucune substance animale) mis sur le marché chaque année est le plus important en Europe.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/226605/original/file-20180708-122256-4g2pyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/226605/original/file-20180708-122256-4g2pyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/226605/original/file-20180708-122256-4g2pyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/226605/original/file-20180708-122256-4g2pyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/226605/original/file-20180708-122256-4g2pyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/226605/original/file-20180708-122256-4g2pyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/226605/original/file-20180708-122256-4g2pyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans un restaurant vegan à Berlin, dans le quartier de Kreuzberg (en 2014).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/72616463@N00/8210827852">Tony Webster/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Berlin, avec ses très nombreux restaurants et magasins vegan, est souvent considérée comme la capitale du mouvement sur le continent européen. Les livres de cuisine vegan sont de véritables best-sellers (par exemple ceux d’Attila Hildmann, vendus à plus d’un million d’exemplaires), tandis que les supermarchés non-spécialisés distribuent de plus en plus de produits vegan, alimentaires ou cosmétiques. Un <em>newsmagazine</em> mensuel consacré à la question animale, <a href="http://veganmagazin.de/"><em>Das Vegan Magazin</em></a>, a réussi à s’installer durablement dans le paysage médiatique.</p>
<p>Le mouvement vegan rencontre particulièrement de succès auprès de la jeune génération. A Berlin, un restaurant universitaire 100 % végétarien/vegan a ainsi ouvert ses portes en 2010. Dans cette ville, et ailleurs en Allemagne, il est ainsi désormais possible de trouver relativement facilement des <em>currywurst</em> en version classique, végétarienne ou vegan.</p>
<h2>Un impact politique limité</h2>
<p>S’il apparaît probable que la consommation de viande continue ainsi de chuter dans les années à venir, on peut se demander si ce fort mouvement social en faveur du bien-être animal parviendra à faire bouger les lignes au niveau politique. Dans le monde germanique, ce sont plutôt l’Autriche et la Suisse qui font jusque-là figure de pionniers du bien-être animal.</p>
<p>Il faut noter, cependant, qu’un <a href="https://www.tierschutzpartei.de/">parti animaliste existe en Allemagne</a> depuis plus de 25 ans et que les Verts allemands lors de la dernière campagne électorale avait inscrit dans leur programme la fin de l’élevage industriel d’ici vingt ans. Le programme de la coalition actuellement au pouvoir est évidemment bien plus mesuré. Reste à savoir quelle sera la portée des mesures envisagées ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/99525/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Sellier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La consommation de viande a baissé, de même que la production, tandis que la question même de l’acceptabilité de l’élevage est posée par le développement d’un fort mouvement vegan dans le pays.Julien Sellier, MCF d'allemand, Faculté d'AEI, IMAGER, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/608182016-08-23T04:44:24Z2016-08-23T04:44:24ZBien-être animal : sommes-nous prêts à jouer le jeu ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/130230/original/image-20160712-9285-19n7mey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C61%2C600%2C414&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans That Cow Game, ce sont les hommes qui se font découper en morceaux. </span> <span class="attribution"><span class="source">nomand.itch.io</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Nous sommes outrés de <a href="http://www.20minutes.fr/planete/1103043-20130218-viande-cheval-chronologie-affaire">manger du cheval</a> alors qu’on nous promet du bœuf, nous sommes indignés que la vache puisse être <a href="http://www.vie-publique.fr/chronologie/chronos-thematiques/crise-vache-folle-1985-2004.html">« folle »</a>, nous sommes choqués des <a href="http://www.l214.com/">images violentes</a> réalisées dans certains abattoirs. Bref, nous refusons le « crime alimentaire ».</p>
<p>Pour autant, sommes-nous prêts à devenir végétariens ? Pouvons-nous continuer à consommer de la viande sans culpabiliser ? Comment les <em>serious games</em> peuvent-ils nous aider à aborder cette question sensible ?</p>
<h2>Dans la peau d’une vache</h2>
<p>Pour faire prendre conscience aux consommateurs de la réalité crue de l’élevage industriel et de l’abattage, les médias optent en général pour les images-chocs qui bousculent nos émotions.</p>
<p>Dans cette veine, le jeu <a href="https://nomand.itch.io/ld33">That Cow Game</a>, du développeur néozélandais Alexey Botkov, propose au joueur de devenir une vache dans un abattoir qui exploite de la viande… humaine. Ce dernier explore ici toutes les étapes de la fabrication, des corps humains suspendus dans l’attente de l’abattage à l’empaquetage des steaks.</p>
<p>Le joueur ne peut qu’observer, et il assiste, impuissant, à l’amoncellement continu des paquets de viande. Exactement comme dans un abattoir. Malaise garanti.</p>
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<figcaption><span class="caption">Une joueuse de That Cow Game rompt le stress par l’humour.</span></figcaption>
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<p>Réalisé en août 2015 lors d’un «Ludum Dare» – un concours de création de jeu en 48 heures dont le thème était « Vous êtes le monstre » –, ce divertissement relève de la catégorie des <em>advergames</em>. Il s’agit de jeux courts, jouables en ligne ou via des applications mobiles, et utilisés à des fins commerciales en marketing ou à des fins de sensibilisation.</p>
<p>Certains d’entre eux traitent de problématiques sociales (Joinville, On the Grand Reporter), de la santé (Ben’s Game, Posornot, Leukos War, Attraction) ou encore de défi écologique (Répercussion, My2050, The Riverbed, Rizk, Eco Ego, Harpooned).</p>
<p>Au sein de ces jeux, on trouve la sous-catégorie des <em>anti-wargames</em> qui dénoncent des situations conflictuelles, comme les conflits internationaux. Dans un <em>anti-wargame</em>, le joueur ne peut cependant ni gagner, ni perdre : seulement constater et prendre conscience. Ces jeux ont pour but de sensibiliser, souvent en choquant, pour susciter chez le joueur de nombreux questionnements, à l’image de That Cow Game.</p>
<p>Ces dispositifs entraînent néanmoins un transfert souvent binaire du jeu vers la réalité : ils invitent à changer radicalement de posture (ici, devenir végétarien) ou à assumer son acte (ici, continuer à consommer de la viande) en « faisant abstraction ».</p>
<h2>Dans la peau d’un éleveur</h2>
<p>Faire abstraction, c’est justement ce que proposent certains <em>serious games</em> qui se permettent d’appréhender une situation en transformant le joueur un gestionnaire.</p>
<p>Suite à la crise de la vache folle, la Région Poitou-Charentes a ainsi fait développer <a href="http://vacheland.playmoa.fr/">Vacheland</a>. En permettant de mieux comprendre le fonctionnement d’un élevage bovin, ce jeu visait également à donner une meilleure image du métier d’éleveur, des produits issus de la filière et de la Région elle-même.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/126510/original/image-20160614-22416-m1muye.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/126510/original/image-20160614-22416-m1muye.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/126510/original/image-20160614-22416-m1muye.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/126510/original/image-20160614-22416-m1muye.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/126510/original/image-20160614-22416-m1muye.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/126510/original/image-20160614-22416-m1muye.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/126510/original/image-20160614-22416-m1muye.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vacheland mise sur des bovins tout mignons.</span>
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<p>Ce <em>serious game</em> propose pour cela de nommer une vache et de prendre soin d’elle : il s’agit de la laver, la nourrir, nettoyer son étable, acheter des céréales à un bon prix, les stocker, semer les champs et préparer les récoltes en tenant compte des conditions météorologiques. Pour progresser dans le jeu, l’acquisition de connaissances réelles s’avère indispensable.</p>
<p>Nos recherches menées auprès des joueurs de Vacheland n’ont cependant pas mis en évidence une influence directe sur leur consommation : les deux mondes restent bien séparés.</p>
<p>Les joueurs aimeraient discuter en ligne avec des éleveurs, voire visiter une ferme, mais pas forcément davantage. Ils ne repensent pas au jeu lorsqu’ils achètent de la viande… même si certains achètent des gadgets en forme de vache. Ce transfert qui demeure partiel s’explique par le décalage qui persiste entre le réel et le jeu.</p>
<p>Ce décalage passe notamment par une forme de « disneylandisation » des situations : ici, les vaches et les cochons sont souriants et tout mignons. C’est également le cas d’Harmonyculteurs, autre <em>advergame</em>.</p>
<p>Conçu pour l’entreprise agroalimentaire Lu, en 2010 dans le cadre de l’année de la biodiversité, ce jeu propose de surveiller une culture de blé. Pour gagner, il faut respecter un certain niveau d’harmonie avec la nature. Les décors et l’ambiance générale de ce jeu reflètent là encore une certaine « disneylandisation ».</p>
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<figcaption><span class="caption">Harmonyculteurs, un parfait exemple de « disneylandisation ».</span></figcaption>
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<p>Les notions de « simulation » et « simulacre » décrites par <a href="https://www.youtube.com/watch?v=kiHpGAjA33E">Baudrillard</a> peuvent aider à mieux comprendre ce qui se « joue » ici : pour certains participants, ces divertissements font référence à quelque chose qui a déjà existé, ou qui existe encore, ou qui est perçu comme ayant déjà existé. Ceci peut être interprété comme une simulation, une représentation symbolique de la réalité.</p>
<p>Pour d’autres, les références sous-jacentes de jeux comme Vacheland sont déjà fictives ou fictionnelles. Il s’agit alors d’un simulacre. Le jeu ne peut dès lors plus faire réagir le joueur : le lien entre signifié et signifiant, séparant les mondes du jeu et de la réalité a été rompu. L’objet élevé ne redevenant qu’un élément de la mécanique du jeu.</p>
<h2>Dans la peau du consommateur</h2>
<blockquote>
<p>« Si les abattoirs avaient des vitres, tout le monde serait végétarien »
<br> (Paul McCartney).</p>
</blockquote>
<p>Qu’adviendrait-il si les jeux remplaçaient les murs, non par des vitres, mais par des écrans ? Comment permettre aux consommateurs, citoyens, et joueurs de faire des choix conscients – sans pour autant choquer ni « disneylandiser » les situations ?</p>
<p>Peut-être en proposant, au-delà de la prise de conscience, des alternatives de consommation. C’est notamment le cas d’<a href="http://www.etiktable.fr/jeu/">Etiktable</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/130240/original/image-20160712-9271-rmnu6l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/130240/original/image-20160712-9271-rmnu6l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/130240/original/image-20160712-9271-rmnu6l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/130240/original/image-20160712-9271-rmnu6l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/130240/original/image-20160712-9271-rmnu6l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/130240/original/image-20160712-9271-rmnu6l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/130240/original/image-20160712-9271-rmnu6l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Etiktable donne des pistes pour consommer autrement.</span>
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<p>Ce jeu sensibilise à la consommation équitable en apprenant à distinguer les produits de saison, à découvrir les avantages des circuits courts, à reconnaître et à définir les labels. Il propose ensuite d’approfondir ces nouvelles connaissances grâce à des articles disponibles sur <a href="http://www.etiktable.fr/">son site</a>) ou des liens vers des sites partenaires, (AMAP ou ventes à la ferme).</p>
<p>Mais ici, seuls les fruits et légumes sont concernés. Il n’est pas encore question d’évaluer le rapport à l’animal.</p>
<h2>Dans la peau du boucher</h2>
<p>De façon globale, les tabous liés à la viande et au meurtre alimentaire perdurent. Il existe pourtant des méthodes éthologiques de manipulation du bétail, mises au point par la professeure américaine <a href="http://lesculottees.blog.lemonde.fr/files/2016/04/16-temple.jpg">Temple Grandin</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Temple Grandin, la femme qui pense comme les vaches » (Youtube, 2014).</span></figcaption>
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<p>Ces dispositifs permettent à la fois de réduire la violence dans les abattoirs et les coûts en fluidifiant, accélérant et sécurisant le processus ; la qualité de la viande s’en trouve également améliorée. <a href="http://www.grandinlivestockhandlingsystems.com/index.html">De telles méthodes</a> ont été mises en place dans une grande partie des abattoirs américains et canadiens.</p>
<p>À quand donc de nouveaux mécanismes et approches ludiques pour se familiariser avec le bien-être animal ?</p>
<p><br>
<em>Pour échanger autour des _serious games</em>, rendez-vous le 27 septembre prochain au <a href="http://recherche.grenoble-em.com/agenda-cafe-recherche-raffi-duymedjian-lingeniosite-de-la-fuite-en-arriere-sep-2016">Café-Recherche</a> de Grenoble École de management avec Raffi Duymedjian autour du thème « L’ingéniosité de la fuite (en arrière) »._</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/60818/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les serious games peuvent-ils faire évoluer le regard et l’attitude du consommateur ? Peuvent-ils lui faire prendre conscience des réalités de sa consommation de viande ?Hélène Michel, Professeur - Serious Games & Innovation Management, Grenoble École de Management (GEM)Dominique Kreziak, Maître de conférences en sciences de gestion, Université Savoie Mont BlancIsabelle Patroix, Docteur en littérature, Post Doc Serious Game et Innovation, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/502812015-11-09T05:47:59Z2015-11-09T05:47:59ZLes Français mangent et mangeront moins de viande (2)<p><em>Cet article constitue le second volet d’une série sur la consommation de viande en France. Le <a href="https://theconversation.com/les-francais-mangent-et-mangeront-moins-de-viande-1-49680">premier volet</a> se proposait d’analyser les résultats d’une étude* réalisée en juin dernier. Ces résultats témoignaient d’une baisse de la consommation carnée dans l’Hexagone ces dernières années, et de l’intention d’un nombre grandissant de personnes de réduire cette consommation à l’avenir.</em></p>
<p>La plupart des travaux de recherche expliquent – tout particulièrement depuis la première <a href="http://www.larecherche.fr/savoirs/dossier/crise-vache-folle-01-05-2010-76358">crise de la « vache folle »</a> du printemps 1996 –, la baisse de consommation de viande en se référant au risque perçu par les consommateurs à l’idée d’en manger. Ce « risque perçu » peut être motivé par différentes raisons. Avant même la crise de la « vache folle », le danger de cette consommation sur un plan médical était déjà clairement évoqué, principalement via l’excès de cholestérol. Depuis, c’est la question du lien entre consommation carnée et cancer qui préoccupe, comme en témoignent les <a href="http://www.who.int/features/qa/cancer-red-meat/fr/">récentes annonces</a> de l’OMS.</p>
<p>Une autre source de risque, apparue récemment dans les médias, concerne les menaces que l’élevage fait peser sur l’environnement, à cause des <a href="http://www.fao.org/news/story/fr/item/198099/icode/">émissions de gaz</a> mais aussi de l’utilisation de quantités de protéines végétales pour nourrir les troupeaux et ne produire au final que peu de protéines animales. Enfin, si, dès 1996, la question du risque éthique lié à la mort infligée à un animal pour le manger était présente, on constate depuis une préoccupation grandissante concernant les conditions de vie de l’animal avant sa mort (dans ce cadre précis, <a href="http://www.cprac.org/consumpediamed/sites/all/documents/link-int-ext_FR.htm">les élevages intensifs s’opposent aux extensifs</a>).</p>
<h2>Un nouvel état d’esprit chez les mangeurs</h2>
<p>Notre étude avait pour but de déterminer si la fréquence de consommation de viande, ainsi que la baisse de celle-ci dans le passé ou à l’avenir, pouvait s’expliquer par le risque perçu, lui-même influencé par la préoccupation des répondants concernant leur santé, la protection de l’environnement ou le bien-être animal.</p>
<p>Que disent les résultats bruts relatifs à ces différentes mesures ? Sur une échelle de 1 à 7 points (le score le plus bas signifiant « pas de risque perçu », « pas de préoccupation envers la santé, l’environnement ou le bien-être animal »), on note que le risque perçu à consommer de la viande est globalement très moyen (3,7/7). Au niveau des différentes préoccupations liées à ce risque, les chiffres sont les suivants : 5,43/7 en ce qui concerne la préoccupation des répondants à l’égard de l’environnement, 5,51/7 pour leur propre santé et, 5,86/7, pour le souci du bien-être animal. Ces données nous semblent refléter un nouvel état d’esprit chez les mangeurs, assez différent du discours médiatique centré sur les arguments santé.</p>
<h2>L’enjeu éthique de la qualité</h2>
<p>La fréquence de consommation et son éventuelle diminution dépend-elle bien du risque perçu ? Oui : plus on perçoit de risque, plus on aura tendance à s’abstenir fréquemment de viande maintenant et à l’avenir. Le risque perçu dépend-il des facteurs que nous avions prévu ? Pas tout à fait : la préoccupation pour sa santé en général et le souci du bien-être animal n’augmentent pas le risque perçu. Seule la préoccupation pour l’environnement, en particulier pour la biosphère (règnes végétaux et animaux), augmente le risque perçu. En revanche, la fréquence actuelle de consommation de viande ne dépend pas seulement du risque perçu, mais aussi du <a href="http://www.huffingtonpost.fr/2014/12/30/droits-des-animaux-2014-bien-etre-animal-francais_n_6371002.html">souci du bien-être animal</a> : plus cette question est importante aux yeux des répondants, moins souvent ils consommeront de la viande.</p>
<p>Ces résultats ne préfigurent probablement pas une augmentation massive du nombre de végétariens ; en revanche, ils doivent interpeller les acteurs de la filière et en particulier les éleveurs : l’élevage intensif risque d’être de moins en moins bien toléré. Il semblerait qu’une partie des mangeurs de viande se dirigent vers une consommation moindre, mais de plus haute qualité. Un phénomène qu’a connu le milieu viticole à la fin du siècle dernier. Et qui permettrait peut-être aux éleveurs extensifs de mieux vivre de leur travail ? À condition que les déclarations des répondants soient suivies d’actes, et qu’ils acceptent de payer le prix d’une production naturellement moins productive…</p>
<p><em><br>* Enquête auprès de 500 personnes représentatives de la population française de 15 ans et plus, conduite online avec le panel Toluna du 29 mai au 1<sup>er</sup> juin 2015 et financée par la chaire SDSC (Sustainable Demand-Supply Chain) d’AgroParisTech (Université Paris-Saclay). Elle a été réalisée à des fins scientifiques par G. Cazes-Valette (Toulouse Business School), P. Gurviez et L. Valette-Blanc (toutes deux Université Paris-Saclay).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/50281/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Geneviève Cazes-Valette est l’épouse d’un éleveur de bovins viande.
Le recueil de données a été financé par la chaire SDSC (Sustainable Demand-Supply Chain) d’AgroParisTech (Université Paris-Saclay). </span></em></p>Comment la prise en compte des risques liés à la santé, à l’environnement ou au bien-être animal influence-t-elle le comportement des carnivores français.Geneviève Cazes-Valette, Anthropologue, professeur de marketing, TBS EducationLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.