tag:theconversation.com,2011:/us/topics/menages-65323/articlesménages – The Conversation2024-02-15T14:09:50Ztag:theconversation.com,2011:article/2231212024-02-15T14:09:50Z2024-02-15T14:09:50ZComment le télétravail impacte-t-il nos mobilités ?<p>Le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/teletravail-34157">télétravail</a>, longtemps perçu comme une aspiration lointaine, est devenu une réalité <a href="https://forumviesmobiles.org/dictionnaire/12887/teletravail#author-0">incontournable</a>, <a href="https://doi.org/10.1007/978-3-030-98052-8_3">propulsé par la pandémie de Covid-19</a> et les mesures de confinement. Les débats sur ses implications n'ont pas cessé depuis, notamment en ce qui concerne les <a href="https://www.nature.com/articles/s41599-021-00749-2">dynamiques spatiales</a>, et les pratiques de <a href="https://theconversation.com/topics/mobilite-34776">mobilité quotidienne</a>. Pendant que certains y voient une opportunité pour une mobilité plus durable en termes de congestion et de pollution (plus de télétravailleurs, c'est moins d'aller-retours entre domicile et travail), d'autres comme l'Ademe à la sortie du premier confinement ont souligné ses <a href="https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-36194-rapport-ademe-effets-rebond-induits-teletravail.pdf">effets rebonds</a>, en particulier sur l’<a href="https://doi.org/10.1111/gec3.12657">augmentation des déplacements privés</a>, de l’usage de la voiture, de l’étalement urbain des populations et des activités et la hausse des distances domicile-travail.</p>
<p>Nous avons appréhendé la question à partir des données de notre enquête en ligne menée au printemps 2022 en France métropolitaine dans le cadre du <a href="https://lability.univ-gustave-eiffel.fr/fileadmin/contributeurs/LABILITY/Rapport_final_Smart_Lab_Lability.pdf">projet Lability</a>. </p>
<h2>Une grande satisfaction à télétravailler</h2>
<p>En 2022, un <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/activite-et-conditions-demploi-de-la-main-doeuvre-pendant-la-crise-sanitaire-Covid-19-janvier-2022">quart des salariés français</a> pratiquait le télétravail de manière régulière et juridiquement formalisée, contre seulement <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publications/quels-sont-les-salaries-concernes-par-le-teletravail">3 % en 2019</a>. Initialement, pratiqué de manière ponctuelle, par des cadres et dans des secteurs d’activités spécifiques, le « distanciel » s’est non seulement <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6209490">étendu à d’autres catégories d’actifs</a> (professions intermédiaires ou employés), mais est aussi pratiqué de manière plus régulière, sur un nombre de jours plus important, 2 la plupart du temps par semaine.</p>
<p><iframe id="8SJiO" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/8SJiO/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Comme de nombreuses études, nos résultats montrent que la majorité des télétravailleurs éprouvent une grande satisfaction à télétravailler, et expriment leur intention de maintenir, voire d’augmenter leur fréquence de télétravail, notamment parmi ceux qui télétravaillent un à deux jours par semaine. Le point de satisfaction jugé idéal est en moyenne de 2,5 jours de télétravail par semaine. En ce qui concerne les jours de télétravail, bien que peu d’études existent, nos données révèlent une concentration des jours de télétravail pratiqués et idéaux les vendredis, suivis des lundis et des mercredis.</p>
<p><iframe id="0Y9dh" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/0Y9dh/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En Île-de-France, une <a href="https://www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/le-mass-transit-a-lheure-du-teletravail-et-de-la-sobriete-energetique/">baisse significative de la fréquentation des transports en commun</a> les vendredis et lundis a également été observée. Les « jours de pointe » apparaissent ainsi en plus des « heures de pointe ».</p>
<h2>Plus de déplacements autour de son domicile</h2>
<p>Notre recherche récente se distingue en comparant les pratiques des télétravailleurs avant et après sa mise en place avec trois résultats clés.</p>
<p>Premièrement, le télétravail a entraîné un recentrage des déplacements non professionnels à proximité du domicile. 55 % des télétravailleurs interrogés indiquent qu’ils ne sortent pas de chez eux pendant les jours de télétravail. Mais ce n’est que pour 41 % que le télétravail n’a eu aucun impact sur leurs déplacements autour de leur domicile : 56 % des télétravailleurs ont déclaré avoir augmenté leurs déplacements autour de leur domicile. Il est important de noter que les télétravailleurs ont tendance à suivre les <a href="https://doi.org/10.3141/1752-20">mêmes horaires</a> que leurs horaires habituels de travail, ce qui explique des schémas de répartition temporelle relativement similaires entre les jours de télétravail et les jours de travail.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1749413896367018035"}"></div></p>
<p>Ceci pourrait être lié à un <a href="https://hal.science/hal-03697461">effet de compensation</a> : plus les télétravailleurs ont augmenté leurs achats dans les petits commerces de proximité (comme les épiceries, boucheries, primeurs, etc.), moins ils fréquentent les grandes surfaces, supermarchés ou hypermarchés. Par exemple, certains organisent leur emploi du temps en télétravail pour faire leurs courses le mercredi, jour de marché, plutôt que le samedi pour éviter la foule des grandes surfaces. De même, cela leur permet d’accéder à certains créneaux de loisirs, rendez-vous médicaux ou administratifs tôt le matin, pendant la pause méridienne, en fin d’après-midi ou en soirée.</p>
<p><iframe id="ft4m6" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ft4m6/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="kHeKu" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/kHeKu/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Moins de déplacements mais pas moins de voitures</h2>
<p>Deuxième conclusion, le recentrage vers le domicile ne devrait pas entraîner de changement significatif dans le taux de motorisation. Si, avec le télétravail, seulement 1 % des répondants estiment qu’il leur manque une voiture, seuls 8 % envisagent d’en vendre une. Le télétravail semble pourtant diminuer les distances moyennes parcourues pour 55 % des répondants.</p>
<p>Dans les faits, la diminution des déplacements pendulaires pourrait entraîner un <a href="https://doi.org/10.1016/j.tra.2022.03.026">transfert d’activités</a> vers d’autres membres du ménage. C’est ce que nous avons constaté : 18 % des répondants affirment que la voiture est utilisée par un autre membre du ménage les jours où ils télétravaillent.</p>
<p><iframe id="HqVY7" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/HqVY7/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Télétravailler n’incite pas spécialement à déménager</h2>
<p>Enfin, notre enquête contredit, comme d’autres <a href="https://www.urbanisme-puca.gouv.fr/l-exode-urbain-petits-flux-grands-effets-les-a2388.html">études récentes</a>, l’hypothèse d’un exode urbain massif lié au télétravail. Seuls 6 % des répondants ont déménagé en raison de la possibilité de télétravailler, dont 2 % avant la pandémie liée au coronavirus et 4 % depuis. Ils ne sont que 26 % de télétravailleurs à affirmer qu’ils pourraient habiter plus loin de leur lieu de travail actuel, et 27 % qu’ils pourraient postuler à un emploi plus loin.</p>
<p><iframe id="3vIXl" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/3vIXl/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Bien que les télétravailleurs aient tendance à <a href="https://doi.org/10.2148/benv.45.4.582">habiter plus loin de leur lieu de travail</a> que les non-télétravailleurs, le sens de la causalité entre télétravail et distance domicile-travail n’est néanmoins toujours pas établie. On ignore donc si la possibilité de télétravailler incite les actifs à s’éloigner de leur lieu de travail ou si le télétravail est <a href="https://journals.sagepub.com/doi/epdf/10.1068/a36218?src=getftr">plus attrayant pour ceux qui vivent déjà plus loin</a> de leur lieu de travail.</p>
<p>Bien que le choix de localisation résidentielle reste un processus complexe, influencé par des arbitrages familiaux et personnels, le télétravail semble jouer un <a href="https://journals.openedition.org/eps/13081">rôle indirect et secondaire dans ce processus</a>. Il semble davantage répondre aux besoins des individus qu’être le moteur de changements majeurs dans leurs stratégies résidentielles. Néanmoins, il est susceptible de modifier les critères de choix en termes de surface et d’aménagement du logement et de localisation. La plurirésidentialité, voire le <a href="https://doi.org/10.1007/s41978-018-00030-y">nomadisme numérique</a>, peuvent constituer des choix alternatifs pour certains individus.</p>
<p>Ces transformations des modes de vie mettent en lumière un potentiel jusqu’alors sous-exploité du télétravail pour <a href="https://doi.org/10.1016/j.jtrangeo.2023.103740">réorganiser la vie quotidienne des actifs</a> et de leurs familles. Cette pratique offre une opportunité significative, en libérant du temps, de disposer d’un <a href="https://doi.org/10.1016/j.trd.2022.103362">plus large éventail de choix</a>, d’appréciation, de plaisir et de confort rencontrés dans les changements de pratiques de mobilités plus souhaitées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223121/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le télétravail a certes conduit à recentrer les déplacements autour du domicile, mais son impact reste faible en ce qui concerne la motorisation des ménages et leur lieu de résidence.Eléonore Pigalle, Postdoctoral fellow, École des Ponts ParisTech (ENPC)Anne Aguiléra, Docteur en Sciences Economiques, Université Gustave EiffelLeslie Belton-Chevallier, Chargée de recherche du Développement Durable, Université Gustave EiffelLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2204062024-01-07T15:38:37Z2024-01-07T15:38:37ZMénages surendettés : comment la France a changé de philosophie<blockquote>
<p>« Que faire du crédit, sinon le risquer ? »</p>
</blockquote>
<p>La question posée par Jean-Paul Sartre dans <em>Le Diable et le Bon Dieu</em> en 1951 illustre bien la problématique qui anime chaque « homo consumericus » que nous sommes, contraints par notre pouvoir d’achat mais poussés aussi par notre vouloir d’achat et les tentations fortes de la société de consommation. L’offre de biens et services, et de <a href="https://theconversation.com/topics/credit-62431">crédits</a> pour les financer coûte que coûte, est toujours plus abondante.</p>
<p>L’<a href="https://theconversation.com/topics/dette-20647">endettement</a> est utile pour financer un logement ou un équipement coûteux, tant que l’équilibre entre les intérêts (ou charges financières) et le « reste à vivre » est assuré et que l’information est précise pour l’emprunteur. Néanmoins, à chaque époque, les situations de surendettement ont constitué un enjeu socio-économique majeur. Au niveau individuel d’abord, la situation est souvent associée à un sentiment d’échec et de honte qui pousse certains à ne pas en parler autour de soi, voire à ne pas même solliciter l’aide des pouvoirs publics.</p>
<p>Au niveau collectif ensuite, le sort réservé aux surendettés au travers des âges est un indicateur utile pour comprendre le rapport des hommes au matériel et aux plus faibles. Dans l’antiquité, tout débiteur indélicat devenait l’esclave de son créancier qui détenait sur lui droit de vie ou de mort. Au Moyen-Âge, la dette devient synonyme de faute et de péché et conduit à l’emprisonnement et au déclassement social. L’ère contemporaine voit la distinction entre la faillite d’entreprise et la faillite personnelle s’établir clairement, et l’on s’étonnera certainement que, jusqu’en 1989 et la loi dite <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000343019">« Neiertz »</a>, il n’existait en France aucun mode organisé de traitement et de protection des personnes surendettées.</p>
<p>En 2023, dans un <a href="https://theconversation.com/qui-paye-linflation-importee-217706">contexte inflationniste</a> et alors que les séquelles de la crise sanitaire se font encore ressentir, la Banque de France a enregistré <a href="https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/info-rtl-economie-les-dossiers-de-surendettement-ont-augmente-de-8-en-2023-7900337052">8 % de dossiers de surendettement déposés en plus</a> par rapport à 2022. Celle-ci multiplie d’ailleurs les initiatives pour informer et prévenir à ce propos. Après la mise en place d’un numéro de téléphone dédié (le 34 14), elle déploie actuellement le <a href="https://www.banque-france.fr/en/node/2521#:%7E:text=Issu%20des%20travaux%20men%C3%A9s%20en,les%20publics%20en%20difficult%C3%A9%20financi%C3%A8re">dispositif test « Aide-Budget »</a> dans 11 départements avec les fournisseurs d’énergie et les bailleurs sociaux pour repérer les ménages fragiles dès les premiers impayés et les orienter vers un des 500 « Points Conseil Budget » en France. Ceux-ci délivrent des conseils confidentiels et personnalisés sur la gestion budgétaire du ménage.</p>
<p>La philosophie sous-jacente mais aussi les réalités de ce qu’est le surendettement ont néanmoins, même discrètement, radicalement évolué depuis 1989.</p>
<h2>À l’origine, un droit plus favorable aux prêteurs</h2>
<p>La procédure a beau être assez jeune, le législateur a fait preuve, en moins de 35 ans, d’une particulière nervosité juridique avec pas moins de sept réformes majeures (1995, 1998, 2003, 2005, 2010, 2014, 2018). Elles s’expliquent notamment par la forte progression du nombre de dépôts de dossiers de surendettement auprès de la Banque de France jusqu’en 2014 et par la proportion élevée de redépôts.</p>
<p><iframe id="BbCeJ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/BbCeJ/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>À partir de 2014, le nombre de dossiers déposés suivait une tendance baissière particulièrement remarquable avant que la crise sanitaire ne marque une première rupture. Elle a été confirmée récemment par une hausse de 6 % des dépôts sur les neufs premiers mois de 2023. Dans l’attente d’une accalmie sur le front de l’inflation pour 2024 et d’un retour de taux d’intérêt directeurs stables, le <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/surendettement-malgre-l-inflation-le-nombre-de-dossiers-augmente-legerement-980470.html">chiffre de 6 % a été qualifié de « modéré »</a> par la banque de France, ce qui paraît logique quand on sait qu’en l’espace de deux années et demi, l’inflation alimentaire a atteint près de 21 %.</p>
<p>Au-delà de l’aspect conjoncturel, les évolutions juridiques en la matière marquent en réalité un profond changement de philosophie dans l’appréhension du phénomène de surendettement des particuliers, passé relativement inaperçu, en 2004, alors même qu’il a connu un certain succès.</p>
<p>Au moment de leur institution en 1989, les commissions de surendettement avaient pour principal objectif de faire en sorte que les personnes en grandes difficultés financières (et de bonne foi) puissent bénéficier d’un délai pour payer leurs dettes. Elles visaient ensuite, à permettre aux prêteurs de récupérer tout ou partie de leurs fonds. Les autorités privilégiaient donc la conciliation et les biens nommés « plans conventionnels de redressement » incluant recommandations, réaménagement des dettes et patience afin de trouver une solution devant nécessairement conduire à un remboursement des fonds prêtés sans distinction de créances.</p>
<p>Dans un contexte de fort développement du crédit à la consommation, et donc d’un surendettement plus actif (ou provoqué) que passif (ou subi), cette orientation privilégiant l’intérêt des prêteurs n’a pas permis de contenir l’explosion du nombre de surendettés entre 1995 et 2004. Cela s’explique principalement par la longueur des procédures, le manque de moyens alloués et surtout par un fort taux d’échec des plans de redressement conclus, en dépit des modifications positives mais trop timides apportées par les réformes de 1995 et 1998.</p>
<h2>Une inversion des priorités</h2>
<p>C’est alors que la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGIARTI000006826545/2003-08-02/">« loi Borloo »</a>, votée en août 2003 et appliquée à partir de 2004, institue la procédure de rétablissement personnel (PRP) aussi qualifiée de « droit à la seconde chance » pour les plus fragiles. Le changement d’approche puise son inspiration dans le régime de « faillite civile » du droit local d’Alsace et de Moselle. Est ainsi introduite une solution alternative aux plans conventionnels de redressement pour les ménages dont la situation est jugée « irrémédiablement compromise », c’est-à-dire sans espoir d’amélioration.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567450/original/file-20231228-25-cemnu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567450/original/file-20231228-25-cemnu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567450/original/file-20231228-25-cemnu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567450/original/file-20231228-25-cemnu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567450/original/file-20231228-25-cemnu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567450/original/file-20231228-25-cemnu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567450/original/file-20231228-25-cemnu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">C’est à Jean Louis Borloo, alors ministre de la Ville, que l’on doit une évolution légale majeure concernant les ménages surendettés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jacques Witt/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Pour ces derniers, il est possible de bénéficier d’un rétablissement personnel sous la forme d’un effacement total des dettes. Cela vaut à condition d’être de bonne foi. Celle-ci est présumée mais peut être remise en cause, par exemple, en cas d’endettement volontaire, de recours à de nouveaux crédits pendant la procédure, de dépenses superflues, somptuaires ou de gestion irresponsable.</p>
<p>Ce virage législatif va prendre quelques années à se manifester dans les chiffres. Près de vingt années après sa mise en place, il apparaît néanmoins clairement que la PRP s’est imposée comme une solution majeure à la détresse des ménages les plus endettés, au détriment des plans de redressement. Il peut s’interpréter comme une inversion de priorité des autorités publiques puisque cette procédure implique l’impossibilité définitive pour les créanciers de récupérer leur mise de fonds. Leurs pertes s’élèvent, pour l’exercice 2022, à 1,3 milliard d’euros au total, soit moins de 0,05 % du PIB, pour un montant moyen effacé de <a href="https://www.banque-france.fr/system/files/2023-02/suren-2022_enquete-typologique.pdf#page=23">20 224 euros par ménage ayant bénéficié d’une PRP</a>.</p>
<p><iframe id="scA8K" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/scA8K/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les réformes suivantes (2010, 2014) vont renforcer et simplifier le dispositif pour lui donner plus de souplesse et de visibilité tout en limitant la publicité et les abus relatifs aux pratiques des sulfureux crédits renouvables.</p>
<h2>Un endettement de plus en plus passif</h2>
<p>Amorcée en 2014, la décrue du nombre de dossiers de surendettement s’explique par le renouveau du processus législatif qui pousse à une plus large prise en charge collective des situations les plus compromises, mais aussi par une modification substantielle de l’équilibre entre endettement actif et passif. En effet, au cours des quinze dernières années, on observe une progression de la part des ménages surendettés de façon passive, accumulant des dettes de la vie courante (loyers, énergie, communication, transport, assurance, santé, éducation, alimentation, fiscalité), souvent à la suite d’accidents de la vie (accident, décès d’un proche, séparation, pertes d’emplois).</p>
<p>Aussi, la plupart (56 %) des personnes déposant un dossier de surendettement sont des personnes vivant seules. 55 % sont des femmes âgées entre 18 à 54 ans. 25 % sont au chômage. Le niveau de vie médian des ménages ayant bénéficié d’une PRP est de 859 euros. À ce titre, il est à craindre que la crise sanitaire récente puisse encore se manifester dans les statistiques en 2024, notamment dans un contexte d’arrêt des aides publiques pour les ménages les plus modestes (bouclier tarifaire, chèque énergie, prime carburant), mais aussi en raison d’une inflation qui rogne l’épargne accumulée et d’un <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7713975#tableau-chomage-g1-fr">chômage qui repart à la hausse</a>.</p>
<p>Les initiatives déployées par la Banque de France sont à encourager et à démocratiser auprès de tous et partout pour enrayer la spirale du surendettement des ménages. Le secteur associatif est aussi un relais important pour toucher tous les publics. En effet, l’éducation financière personnelle et la diffusion de l’information sur des procédures de plus en plus favorables aux débiteurs sont des vecteurs importants pour limiter les comportements dangereux, orienter efficacement les personnes concernées mais aussi mettre fin au sentiment de honte lié au phénomène de surendettement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220406/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ydriss Ziane ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le droit, hier plus favorable aux prêteurs, l’est aujourd’hui surtout pour les ménages, ce qui n’est pas neutre dans un contexte où l’endettement est de plus en plus subi.Ydriss Ziane, Maître de conférences de Finance, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2177062023-11-15T21:17:49Z2023-11-15T21:17:49ZQui paye l’inflation importée ?<p>Le <a href="https://www.ofce.fr/pdf/revue/13-180OFCE.pdf">retour de l’inflation</a> en France depuis deux ans, dont l’origine vient principalement d’un choc de prix d’<a href="https://theconversation.com/topics/importations-114407">importations</a> lié à la hausse vertigineuse de la facture énergétique, pose la question centrale de la répartition de ce choc au sein des agents économiques. Qui en a principalement subit les effets ?</p>
<p>Sous l’effet, d’abord de la forte reprise postCovid, puis de la guerre en Ukraine, le prix des composants industriels et des matières premières, notamment énergétiques et agricoles, a fortement augmenté. Le prix des importations s’est ainsi accru de 20 % en l’espace d’un an, conduisant à un choc de grande ampleur sur l’économie française.</p>
<p>Une part de cette <a href="https://theconversation.com/topics/inflation-28219">inflation</a> importée s’est diffusé dans l’économie domestique, à travers la hausse du prix des intrants, des <a href="https://theconversation.com/topics/salaires-26163">revenus du travail</a> et du capital. Entre septembre 2021 et 2023, l’indice des prix à la consommation a crû de près de 11 %. Sur la même période, les seuls prix de l’énergie ont augmenté de 32 % et ceux de l’alimentaire de 21 %. Ces deux composantes, qui représentent environ un quart de la consommation totale des ménages, ont contribué à près de 60 % à l’inflation au cours des deux dernières années.</p>
<p>En parallèle le besoin de financement de l’économie nationale vis-à-vis de l’extérieur est passé de 1 point à 2 points de PIB entre le second semestre 2021 et la mi-2023… mais celui-ci a atteint jusque 4,6 points de PIB au 3<sup>e</sup> trimestre 2022. Si le reflux des prix de l’énergie et des matières premières à partir de la fin 2022 a conduit à réduire le besoin de financement extérieur, celui-ci a donc connu une hausse de plus de 3 points de PIB en un an, soit l’équivalent du premier choc pétrolier de 1973.</p>
<p>Deux après le début de l’épisode inflationniste, il est possible de tirer un premier bilan sur la diffusion d’un tel choc dans l’économie et d’avoir une idée de qui paye cette inflation importée.</p>
<h2>Une inflation différenciée selon les ménages</h2>
<p>En raison du recours plus important des déplacements en voiture et d’une facture énergétique liée au logement plus élevée, la hausse des prix de l’énergie a frappé en premier lieu les habitants des communes rurales et périurbaines, et dans une moindre mesure ceux des grandes agglomérations. Alors que les ménages vivant en dehors des unités urbaines ont vu le coût de la vie augmenter de 9 % entre la mi-2021 et la fin 2022, ceux résidant en agglomération parisienne ont subi un choc inflationniste plus modéré, de l’ordre de 6 %.</p>
<p>Au cours des douze derniers mois, l’inflation a cependant changé de nature, la contribution de l’énergie à la hausse de l’indice des prix à la consommation s’est réduite au profit de l’alimentaire. Depuis un an, les ménages les plus impactés par l’inflation sont ainsi les plus modestes car la part de l’alimentaire dans la consommation est d’autant plus élevée que le niveau de vie est faible. L’inflation actuelle du premier quintile de niveau de vie (les 20 % des messages les plus modestes) est près de 1 % supérieure à celui du dernier quintile (les 20 % les plus aisés).</p>
<p><iframe id="GBXoi" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/GBXoi/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’analyse du choc inflationniste ne peut cependant pas s’arrêter là. Il est nécessaire également de comprendre la réaction des revenus à cette hausse brutale des prix. Salaires, prestations sociales et revenus du capital se sont-ils élevés d’autant ?</p>
<h2>Un tassement des salaires vers le bas</h2>
<p>Du côté des revenus du travail, le salaire mensuel de base a crû de près de 8 % entre la mi-2021 et la mi-2023. Certes, une telle hausse n’a jamais été vue depuis plus de trente ans mais elle reste insuffisante pour compenser l’inflation. Autrement dit, le salaire réel a diminué de près de 3 % en deux ans.</p>
<p>Le smic, avec une hausse de 12 % depuis octobre 2021, a connu, lui, une progression plus rapide que la moyenne en raison de son mécanisme d’indexation sur l’inflation. Si ce mécanisme permet de protéger les travailleurs les plus modestes de l’inflation, rien ne garantit que cette hausse dynamique du smic bénéficie également aux salaires juste au-dessus. De fait, la proportion de salariés touchant ce salaire minimum est passée de 12 % en 2021 à près de 15 % en 2022. Cela confirme l’idée d’un tassement de la grille des salaires vers le bas, de même que la forte hausse des exonérations de cotisations sociales patronales, bien supérieure à la croissance de la masse salariale.</p>
<p>Les prestations sociales, elles, augmentent pour faire face à la hausse des prix. Cela se fait néanmoins avec retard en raison d’une réévaluation annuelle, en janvier ou en avril, calculée sur l’inflation passée. Ainsi, depuis fin 2021, les pensions de retraite n’ont crû que de 6 % mais celles-ci seront revalorisées de 5,2 % en janvier 2024. Pour les autres prestations, elles ont augmenté significativement seulement à partir d’août 2022 avec une augmentation globale de 7,3 % au cours des deux dernières années. Une nouvelle revalorisation de 4,8 % est attendue au 1<sup>er</sup> avril 2024.</p>
<p>Les revenus du patrimoine financier ont, de leur côté, fortement grimpé, de 35 % entre la mi-2021 et la mi-2023. Cela s’est fait sous l’impulsion de la remontée des taux d’intérêt et de la forte hausse des dividendes versés. Si le pouvoir d’achat par unité de consommation a crû de 0,5 % entre la mi-2021 et la mi-2023, résistant au choc inflationniste, c’est d’ailleurs en partie dû au fort dynamisme des revenus du capital et à la baisse de fiscalité. L’analyse macroéconomique du pouvoir d’achat, bien qu’indispensable, n’est cependant pas suffisante pour comprendre celle par niveau de vie, avec des ménages dont les revenus ont évolué très différemment sur la période récente.</p>
<h2>Les entreprises tirent leur épingle du jeu</h2>
<p>Au cours des huit derniers trimestres, les entreprises ont vu leur revenu réel (déflaté des prix de valeur ajoutée) s’accroitre de 4,3 % et le taux de marge des sociétés non financières a augmenté de 1,2 point de valeur ajoutée pour atteindre 33 % de la valeur ajoutée, son plus haut niveau depuis 2008 si l’on exclut les années exceptionnelles (2019 l’année du double CICE ou la période Covid marquée par des aides exceptionnelles).</p>
<p>Enfin les administrations publiques, en mettant en place des dispositifs pour limiter la hausse des prix de l’énergie (boucliers tarifaires…) ont vu leur déficit se dégrader malgré la fin des mesures d’urgence liées à la crise Covid. Il est ainsi passé de 4,5 % du PIB fin 2021 à 5,9 % fin 2022, avant de se réduire à 4,6 % à la mi-2023 avec la fin du bouclier tarifaire du gaz et de la remise carburant.</p>
<p>Pour résumer, face à l’inflation importée, les entreprises ont jusqu’à présent bien tiré leur épingle du jeu même si les situations sont très hétérogènes selon les secteurs et les entreprises. Les ménages ont vu leur pouvoir d’achat résister mais cela masque des dynamiques très différentes entre les revenus du travail et du capital. Enfin, les administrations publiques en absorbant une partie du choc inflationniste ont vu leur situation financière se dégrader.</p>
<hr>
<p><em>Cette contribution à The Conversation France est publiée en lien avec les Jéco 2023 qui se tiennent à Lyon du 14 au 16 novembre 2023. Retrouvez ici le <a href="https://www.journeeseconomie.org/affiche-conference2023">programme complet</a> de l’événement.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217706/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathieu Plane ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ménages, entreprises et administrations publiques ont encaissé le choc lié à des produits importés de plus en plus coûteux de façon très hétérogène.Mathieu Plane, Economiste - Directeur adjoint au Département Analyse et Prévision OFCE, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1993302023-02-08T19:50:50Z2023-02-08T19:50:50ZQuelle communication pour stimuler l’adoption des énergies renouvelables ?<p>Quel est l’impact des différents types d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/information-23501">information</a> sur l’adoption des technologies durables et les décisions des consommateurs ? Il s’agit d’une question importante pour les pouvoirs publics et les fournisseurs de technologies durables comme les sources d’énergies renouvelables. Si l’Europe veut atteindre ses objectifs ambitieux en matière d’émissions de CO<sub>2</sub> et devenir le <a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/272297-pacte-vert-et-paquet-climat-lue-vise-la-neutralite-carbone-des-2050">premier continent neutre en carbone d’ici 2050</a>, l’adoption de systèmes d’énergie renouvelable doit s’accélérer, et vite.</p>
<h2>Un fossé entre « dire » et « faire »</h2>
<p>Dans le passé, diverses <a href="https://www.hec.edu/en/knowledge/articles/what-s-best-way-governments-support-renewable-energy">stratégies</a> ont visé à promouvoir les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/energies-renouvelables-22981">énergies renouvelables</a>, notamment auprès des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/menages-65323">ménages</a>. Elles consistent généralement en des subventions pour l’installation de systèmes et/ou en <a href="https://www.hec.edu/en/knowledge/articles/optimizing-feed-tariffs-boost-renewable-energy-production">tarifs de rachat</a> généreux pour garantir aux consommateurs un retour sur investissement total ou partiel. Mais au fur et à mesure que le coût des énergies renouvelables (en particulier l’installation de panneaux photovoltaïques) baisse, ces stratégies incitatives se raréfient.</p>
<p>Les principaux outils pour encourager l’adoption des énergies renouvelables prennent donc de plus en plus souvent la forme de campagnes de sensibilisation et de promotion de leurs avantages sociaux, économiques et environnementaux. Il est vrai que la population y est de plus en plus sensible.</p>
<p>Mais il est aussi vrai que l’écart est important entre le comportement de chacun en public et en privé : si l’on parle volontiers de la nécessité des énergies durables et des technologies vertes, on ne passe pas toujours à l’acte en investissant dans ces systèmes.</p>
<p>Nos <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0925527321002541?via%3Dihub">recherches</a> se sont intéressées de près à ce qui se cache derrière ce fossé entre « dire » et « faire » pour étudier l’impact de différentes formes d’information sur l’adhésion au développement durable et les décisions prises par les consommateurs. Nos deux grandes interrogations ont été : « quel type d’information favorise l’adoption des innovations ? » et « quand, dans ce processus d’adoption, l’information est-elle la plus efficace ? »</p>
<p>Nos résultats suggèrent que l’hypothèse prédominante, selon laquelle l’information et la sensibilisation favorisent l’adoption des innovations, reste peut-être trop simpliste. Les résultats de notre étude remettent en question l’idée selon laquelle l’abondance d’informations entraîne l’adoption des écotechnologies in fine.</p>
<p>L’information a certes une incidence directe sur les attitudes et les comportements durables en améliorant la sensibilisation et la connaissance des technologies à faible émission de carbone. Cependant, l’information a également un effet <em>indirect</em>, car elle permet aux consommateurs de prendre conscience des normes et des croyances sociales. La communication agit donc sur le « compromis entre soi et les autres », c’est-à-dire l’équilibre entre les considérations égoïstes de son bien-être personnel et la notion de retombées plus larges sur la société (par exemple, pourquoi devrais-je être le seul à faire un effort qui profitera à tous ?).</p>
<p>En revanche, toutes les informations n’entraînent pas un changement de comportement durable ni l’adoption des écotechnologies de la part des consommateurs : elle va provoquer ou non l’adoption des écotechnologies en fonction de sa nature, des canaux par lesquels elle parvient aux consommateurs et du moment, dans le processus d’adoption, où le public la reçoit.</p>
<h2>Messages génériques vs. messages ciblés</h2>
<p>Nous avons constaté que les informations génériques, non personnalisées, communiquées au début du processus d’adoption ou d’achat sensibilisent le consommateur et le poussent à adopter une attitude positive à l’égard des technologies durables. Ce type d’information attire l’attention des consommateurs et leur fait comprendre les bienfaits collectifs des différentes solutions écologiques.</p>
<p>Les messages non personnalisés jouent un rôle important au début, en fournissant des informations pérennes et en préparant le terrain pour les étapes suivantes du processus d’adoption. Sans ce minimum de connaissances, il serait difficile pour les utilisateurs potentiels de poser des questions pertinentes au moment où ils décident d’adopter telle ou telle solution.</p>
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<p>Mais à mesure que les consommateurs approchent de la décision finale d’adoption ou d’achat, ils ont besoin d’informations plus spécifiques pour répondre à leurs questions et à leurs besoins. Ces informations personnalisées comblent leurs doutes et leurs incertitudes associés aux décisions écologiques et facilitent la recherche d’un compromis entre soi et les autres. Cette approche individualisée a aussi plus de chances de répondre aux éventuelles préoccupations des consommateurs à l’égard des technologies durables : esthétique, performances, coût…</p>
<h2>Cette source est-elle fiable ?</h2>
<p>Nos conclusions indiquent également que la source d’information influence le comportement des consommateurs en matière de développement durable, et ce, d’autant plus que les consommateurs approchent de la fin du processus d’adoption d’une nouvelle technologie. Les informations provenant de sources commerciales (publicités) sont plus utiles au début du processus, lorsque les consommateurs commencent à adopter une attitude durable : elles les sensibilisent et suscitent leur l’intérêt pour les questions environnementales visées par la technologie.</p>
<p>Plus tard, lorsque les personnes disposent déjà d’informations suffisantes sur la technologie, ont déjà manifesté leur intérêt et sont prêtes à passer d’une attitude durable (dire) à un véritable comportement (faire) via leurs achats, les choses sont différentes. À ce stade, elles doivent avoir confiance dans la source d’information.</p>
<p>Ainsi, les informations impartiales fournies par des tiers de confiance, comme les organismes de réglementation ou de conseil indépendants, sont beaucoup plus efficaces que celles qui défendent un certain intérêt commercial. Les informations supplémentaires émanant de sources commerciales peuvent alors provoquer des attitudes négatives, susciter la méfiance voire compromettre l’investissement.</p>
<p>Notre étude met aussi en évidence le lien entre l’adoption des technologies durables, les revenus des consommateurs et la notion de rapport qualité-prix. Toute proportion gardée, plus les revenus sont élevés et plus le coût de la technologie est faible, plus l’attitude ou l’intention d’adopter une technologie est positive, mais ces facteurs ne jouent aucun rôle significatif dans le comportement d’adoption réel.</p>
<p>Les conclusions de notre étude peuvent donc aider les responsables politiques à mettre au point des mécanismes favorisant la pénétration de technologies durables sur le marché, mais aussi les fabricants de produits et de services écologiques/durables à optimiser leurs campagnes <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marketing-21665">marketing</a>.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été co-publié en anglais sur le site <a href="https://www.hec.edu/en/knowledge/articles/how-gender-diversity-law-firms-driven-competition-business">Knowledge@HEC</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199330/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une étude montre que les ménages se montrent sensibles à une information générique pour prendre conscience des enjeux puis à une information personnalisée au moment d’adopter les technologies.Andrea Masini, Professeur associé, HEC Paris Business SchoolSam Aflaki, CMA CGM Professor of Supply Chain Analytics and Sustainability, Information Systems and Operations Management Department Chair, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1850562022-06-14T22:24:29Z2022-06-14T22:24:29ZPouvoir d’achat : le bouclier tarifaire, un soutien de 100 euros par trimestre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/468714/original/file-20220614-12-kovned.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C21%2C1264%2C829&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Selon l’Insee, le bouclier tarifaire a permis une réduction de l’inflation d’environ un point entre février 2021 et février 2022.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/argent-en-espèces-euro-entreprise-6952006/">Alexandr Podvalny/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La forte reprise amorcée à la fin de la crise sanitaire a été stoppée par la guerre en Ukraine. L’arrêt des importations en provenance de Russie et d’Ukraine créée un risque de stagflation, c’est-à-dire un moment de faible de croissance accompagné d’une forte inflation.</p>
<p>Ce contexte nourrit les préoccupations de recul du pouvoir d’achat. Alors que les prix de vente augmentent, une activité au ralenti ne peut générer que de faibles progressions de revenu, rendant donc les fins de mois plus difficiles. Ces problèmes touchant tous les pays du monde, les baisses de pouvoir d’achat seraient alors partagées par tous.</p>
<p>Toutefois, les chiffres montrent que certains pays résistent mieux que d’autres. C’est en particulier de cas de la France.</p>
<p>Avant l’invasion russe de l’Ukraine, les prévisions de croissance française étaient de 4 % pour 2022 et 2 % pour 2023 ; selon la Banque de France, elles pourraient chuter <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/la-banque-de-france-prevoit-moins-de-croissance-et-plus-d-inflation-a-cause-de-la-guerre-en-ukraine-906043.html">à 2,8 % pour 2022 et 1,3 % pour 2023</a>. Du côté de l’inflation, le scénario s’inverse : les prévisions étaient de 1,2 % pour 2022 et 2023, elles seraient maintenant de 4 % et 2,5 % pour 2022 et 2023 (prix à la production mesurés pas le déflateur du PIB). Cette dégradation de la situation en France contraste avec ce que l’on observe ailleurs.</p>
<p>En Allemagne, selon les chiffres de la Banque centrale allemande (Bundesbank), la <a href="https://www.challenges.fr/finance-et-marche/allemagne-la-bundesbank-abaisse-ses-previsions-de-croissance-releve-celles-sur-l-inflation_816571">prévision de croissance pour 2022 passe de 4,9 % à 1,9 %</a> et celle de l’inflation passerait de 3,6 % à 7,1 % (indice des prix à la consommation). Aux États-Unis pour l’année 2022, les prévisions de croissance ont été révisées de <a href="https://www.lemoci.com/conjoncture-les-previsions-de-croissance-de-locde-en-baisse-pour-2022-et-2023/">3,7 % à 2,5 %</a>, alors que les dernières prévisions de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) feraient passer l’inflation de 4,6 % à 5,9 %.</p>
<p><iframe id="fnAf9" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/fnAf9/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le choc économique étant lié à la forte hausse des prix de l’énergie, la meilleure résilience de l’économie française peut s’expliquer, en partie, par le bouclier tarifaire mis en place en octobre 2021 par le gouvernement français.</p>
<h2>Un point d’inflation en moins</h2>
<p>Ce bouclier tarifaire fige les tarifs réglementés de vente du gaz à leur niveau d’octobre 2021 et limite à 4 % la revalorisation de ceux de l’électricité de février 2022. Ces tarifs réglementés concernent près de 70 % de la consommation d’électricité des ménages et 30 % de celle de gaz. La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a calculé que, sans le bouclier tarifaire, les prix auraient progressé de <a href="https://www.expertise-energie.fr/trv-du-gaz-naturel-la-cre-maintient-les-tarifs/">66,5 % entre octobre 2021 et février 2022</a>. Quant à ceux de l’électricité, ils auraient augmenté de 35,4 % le 1<sup>er</sup> février 2022.</p>
<p>Face à l’envol des prix de l’énergie, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) indique que <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6215309?sommaire=6215395">l’inflation aurait été de 5,1 %</a> entre février 2021 et février 2022 « sans bouclier tarifaire », alors qu’elle n’a été que de 3,6 % dans les faits, soit 1,5 point d’inflation en moins grâce au bouclier tarifaire. Si le gouvernement, <a href="https://www.gouvernement.fr/communique/12687-le-gouvernement-etend-le-bouclier-tarifaire-sur-le-gaz">comme il l’a annoncé</a>, étend sur l’année 2022 ce bouclier, alors nous pouvons anticiper, en restant mesurés, une réduction d’un point de l’inflation sur l’année à venir.</p>
<p><strong>Inflation contrefactuelle estimée sans bouclier tarifaire et inflation d’ensemble finalement observée</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/468709/original/file-20220614-18-9v7jbm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/468709/original/file-20220614-18-9v7jbm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468709/original/file-20220614-18-9v7jbm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=201&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468709/original/file-20220614-18-9v7jbm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=201&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468709/original/file-20220614-18-9v7jbm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=201&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468709/original/file-20220614-18-9v7jbm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=252&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468709/original/file-20220614-18-9v7jbm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=252&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468709/original/file-20220614-18-9v7jbm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=252&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Inflation en glissement annuel, en %, contributions en points. Lecture : sans mesures limitant les hausses des prix énergétiques, l’inflation d’ensemble aurait été de 5,1 % sur un an en février, contre 3,6 % observé en réalité. L’énergie aurait contribué à hauteur de 3,2 points à cette inflation contrefactuelle, contre 1,6 point dans l’inflation réalisée.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6215309?sommaire=6215395">Insee (mars 2022)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour évaluer l’impact de la hausse des prix de l’énergie sur le pouvoir d’achat des Français, nous sommes partis de prévisions de prix du baril de pétrole pour les années 2022 à 2024. Le pétrole est généralement retenu comme indicateur du prix des énergies, les contrats de vente de gaz incluant des clauses d’indexation sur le cours du baril de pétrole, le prix de l’électricité étant quant à lui fortement dépendant de celui du gaz.</p>
<p>Trois scénarios sont comparés afin d’apprécier l’effet de la hausse des prix de l’énergie et d’évaluer l’impact du bouclier tarifaire :</p>
<ul>
<li><p>le premier retrace l’évolution de l’économie française avec un prix du pétrole se stabilisant 98 % de son prix du quatrième trimestre 2019, qui correspond aux prévisions économiques avant l’invasion russe de l’Ukraine ;</p></li>
<li><p>le second intègre un doublement du prix du baril à l’horizon du premier trimestre 2024 ;</p></li>
<li><p>et un troisième où le doublement des prix de l’énergie est partiellement amorti par le bouclier tarifaire. Ce dernier scénario est calibré pour que l’inflation soit réduite de 1 point de pourcentage par rapport au scénario sans bouclier tarifaire.</p></li>
</ul>
<p>Bien entendu, face à ces très fortes hausses des prix des produits énergétiques, les entreprises adaptent leurs politiques tarifaires pour ne pas perdre trop de clients. Les baisses de marges estimées sont de 12 points de pourcentage en moyenne entre fin 2021 et début 2024.</p>
<h2>Un point de PIB par tête en plus</h2>
<p>Avec ces ajustements de marge, les prédictions d’inflation sont en accord avec celles de la Banque de France jusqu’au premier trimestre 2024, soit 4 % par an en moyenne sur ces deux années à venir, ce qui est beaucoup plus élevé que ce qui était prévu avant l’invasion russe de l’Ukraine (2,5 % par an en moyenne). Sans le bouclier tarifaire, le taux d’inflation aurait été de 5 % par an. À court terme, cette inflation réduit la demande et donc la production.</p>
<p>Nos estimations indiquent que la France perdra chaque trimestre, entre début 2022 et début 2024, une richesse de l’ordre de 1,6 % du PIB par habitant par rapport à fin 2019. Ceci représente une perte de 221 euros par trimestre et par habitant. Sans bouclier tarifaire, les baisses de pouvoir d’achat étant plus importantes, la perte trimestrielle serait de 2,5 %, soit 345 euros par trimestre et par habitant. C’est donc 1 point de PIB par tête qui est gagné grâce au bouclier tarifaire, soit plus de 220 euros par trimestre.</p>
<p>Toutefois, la production totale qui représente l’ensemble des revenus, qu’ils soient issus du travail ou des placements financiers, peut sembler être un mauvais indicateur du pouvoir d’achat, le plus souvent entendu comme une mesure de la capacité de consommation des salariés. Il est alors préférable de mesurer les gains de pouvoir d’achat en se limitant aux variations des revenus du travail.</p>
<p>Sans bouclier tarifaire, la réduction des revenus du travail aurait été de 2,1 % par trimestre par rapport à ceux de fin 2019, soit 148 euros par trimestre et par personne. Le bouclier tarifaire permet de limiter ces pertes à 0,6 %, soit 42 euros par trimestre. Ce sont donc un peu plus de 100 euros par trimestre de pouvoir d’achat qui sont gagnés grâce au bouclier tarifaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185056/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Langot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La mesure, en vigueur depuis octobre 2021, a permis de limiter à 0,6 % au lieu de 2,1 % les pertes des revenus des ménages engendrées par la crise du Covid et la guerre en Ukraine.François Langot, Professeur d'économie, Chercheur à l'Observatoire Macro du CEPREMAP, Le Mans UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1838652022-05-30T18:43:38Z2022-05-30T18:43:38ZPouvoir d’achat : face aux difficultés, les ménages privilégient les produits essentiels… et de luxe<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/465676/original/file-20220527-11-q45f9n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1200%2C802&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans le cas du produit de luxe, le consommateur a le sentiment d’un investissement intelligent puisqu’il échange une monnaie dont personne ne connaîtra la valeur demain contre un produit dont tout le monde connaîtra la valeur après-demain.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/portefeuille-vuitton-euro-argent-2302241/">Jackmac34/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’inflation galope dans la plupart du monde comme en France où son taux a récemment bondi de presque un point en rythme annuel pour passer de <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6325575">3,6 % à 4,8 % en à peine deux mois</a>. Cette situation grignote le pouvoir d’achat des ménages, un enjeu qui a constitué l’un des grands thèmes de la dernière campagne présidentielle et qui reste au cœur des préoccupations des Français.</p>
<p>Certes, les dépenses de consommation <a href="https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/finance-perso/revenus/consommation/evolution-consommation_menages/">augmentent régulièrement depuis les années 1970</a>, tout comme leur pouvoir d’achat qui, en 2020 et 2021, a encore enregistré en moyenne des hausses respectivement de 0,4 % et 2,2 %. Cependant, la part des dépenses contraintes (logement, transport, énergie, télécommunications, assurances, etc.) <a href="https://www.letelegramme.fr/economie/les-depenses-contraintes-representent-un-tiers-du-budget-c-est-deux-fois-plus-qu-il-y-a-60-ans-17-12-2021-12890311.php">a en parallèle doublé depuis 60 ans</a> dans les budgets, ce qui peut expliquer les inquiétudes, notamment chez les moins aisés. Ces derniers n’ont en effet pas d’autre choix que d’y faire face pour la simple raison que celles-ci leur sont vitales.</p>
<p><iframe id="2DuWG" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/2DuWG/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Comme nous l’avons montré dans notre <a href="https://www.e-marketing.fr/Marketing-Magazine/Article/Le-comportement-du-consommateur-21393-1.htm">livre</a> <em>Le comportement du consommateur</em> (éditions Gualino, 2007), les consommateurs passent par deux phases pour compenser les pertes que les mécanismes économiques leur imposent. La première phase consiste à <a href="https://www.latribune.fr/supplement/comment-les-modes-de-consommation-ont-evolues-depuis-la-crise-sanitaire-covid-19-848256.html">consommer différemment</a>, ce qui a été prégnant avec la récente crise sanitaire. Autrement dit, avant de renoncer à l’achat, ils essayent de trouver des solutions alternatives. En ce sens, face aux poussées inflationnistes, les ménages deviennent plus attentifs aux prix au kilogramme ou au litre. Plutôt que de ne comparer que le montant de l’achat en valeur absolue, ils développent ainsi une très forte sensibilité aux promotions.</p>
<h2>Taille de guêpe</h2>
<p>Le consommateur peut ainsi trouver des alternatives et séquencer ses dépenses, par exemple en optimisant ses déplacements grâce au covoiturage ou aux transports en commun, en attendant les soldes, en choisissant des marques plus modestes ou en explorant le marché de l’occasion, des comportements que nous avons analysés dans une <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03520026">récente recherche</a>.</p>
<p>Cependant, cette première phase s’avère parfois insuffisante ; le consommateur va alors entamer la seconde phase de sa stratégie de gestion de la diminution de ses ressources : le renoncement. Certes, le consommateur ne renonce pas aux fondamentaux de ses besoins, nous l’avions évoqué là aussi dans un <a href="https://theconversation.com/comment-le-coronavirus-rehabilite-la-pyramide-des-besoins-de-maslow-132779">article précédent</a>. En revanche, si la pression inflationniste persiste, puisque sa gestion de ses besoins est déjà optimisée, il doit alors sacrifier d’autres postes de dépenses car la baisse de son pouvoir d’achat est une forme de perte de revenu.</p>
<p>Il doit donc impérativement faire des choix de consommation car le capital disponible n’est plus à la hauteur de ses besoins et de ses envies. Lorsque la perte de revenu survient, on observe alors la plupart du temps une répartition des dépenses qui adopte la forme d’une taille de guêpe ou d’un sablier, <a href="https://www.grasset.fr/livres/l-effet-sablier-9782246755418">forme que l’on emprunte d’ailleurs souvent pour expliquer des phénomènes sociaux</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-le-coronavirus-rehabilite-la-pyramide-des-besoins-de-maslow-132779">Comment le coronavirus réhabilite la pyramide des besoins de Maslow</a>
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<p>Si l’on imagine cette représentation, on constate la présence de trois grands domaines économiques de possibles dépenses. Le premier concerne les produits essentiels à la vie et au travail, la nourriture, le logement, le chauffage, les assurances, le carburant pour les déplacements, etc. Le deuxième concerne les loisirs, les vacances, les échappées, les moments entre amis, le cinéma, les discothèques, les bars et les restaurants. Et le troisième concerne les produits de luxe, autrement dit les marques dont la valeur traverse le temps en restant stable ou en augmentant. (Précisons qu’il s’agit bien ici de produits de luxe et non pas de services de luxe).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/465675/original/file-20220527-19-kkav4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/465675/original/file-20220527-19-kkav4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/465675/original/file-20220527-19-kkav4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/465675/original/file-20220527-19-kkav4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/465675/original/file-20220527-19-kkav4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/465675/original/file-20220527-19-kkav4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/465675/original/file-20220527-19-kkav4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Lorsque la perte de revenu survient, on observe alors la plupart du temps une répartition des dépenses qui adopte la forme d’un sablier.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/22244945@N00/3278869535">Erik Fitzpatrick/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Dans le cas de produits de luxe, une montre par exemple, l’objet cristallise en effet un investissement, donc la possibilité d’une revente avec bénéfice. Car le luxe a deux particularités remarquables : l’occasion peut coûter plus cher que le neuf, on le voit avec de <a href="https://www.breitling.com/fr-fr/watches/navitimer/ref-806-1959-re-edition/AB0910371B1/">vieux modèles réhabilités</a> ou lorsque <a href="https://www.41watch.com/fr/blog/le-second-marche-de-lhorlogerie-de-luxe-n58">l’offre ne parvient pas à satisfaire la demande</a> ; et la <a href="https://www.chrono24.fr/magazine/pourquoi-les-montres-rolex-sont-elles-devenues-si-cheres%E2%80%AF-p_84909/">valeur de l’objet reste constante</a> là où celle d’une devise peut fortement fluctuer du jour au lendemain, en témoigne la chute rouble depuis le 24 février 2022 et l’invasion de l’Ukraine par les forces russes.</p>
<p>Déjà lors de la première crise ukrainienne en 2014, la dépréciation du rouble avait provoqué l’achat massif de produits de luxe de la part des <a href="https://www.leparisien.fr/archives/les-russes-depensent-au-lieu-de-paniquer-18-12-2014-4383109.php">Russes</a>. En 2020, la pandémie de Covid-19 avait déclenché l’apparition du phénomène dit d’achat « revanche », notamment en <a href="https://www.lopinion.fr/economie/le-revenge-buying-ne-sauvera-pas-la-consommation-sinistree">Chine</a> où les produits de luxe ont été les premiers à être choisis comme antidote à la frustration de l’enfermement. Aujourd’hui, avec la seconde crise ukrainienne accompagnée de l’interdiction d’exporter des produits de luxe européens en Russie comme l’une des sanctions économiques imposées à Moscou, là encore la demande a fortement augmenté. En effet, l’avenir étant plus qu’incertain pour ces populations, mieux vaut avoir son argent transformé en marque de luxe que déposé en banque.</p>
<h2>Les petits plaisirs sacrifiés en premier</h2>
<p>En situation de crise, les premiers postes sacrifiés sont donc les dépenses intermédiaires que l’on pourrait qualifier d’hédonistes ou de socialisantes car elles sont injustifiables à la fois en termes de besoins et en termes de rationalité.</p>
<p>Cinémas, restaurants, glaces sur la plage ou marrons chauds dans la rue sont ainsi abandonnés car ils ne sont pas des besoins mais des envies. En outre, ils représentent des dépenses « sèches », c’est-à-dire sans contrepartie tangible. A contrario, dans le cas du produit de luxe, le consommateur a le sentiment d’un investissement intelligent et rationnel puisqu’il échange une monnaie dont personne ne connaîtra la valeur demain contre un produit dont tout le monde connaîtra la valeur après-demain.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/465679/original/file-20220527-23-wi9jdd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/465679/original/file-20220527-23-wi9jdd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/465679/original/file-20220527-23-wi9jdd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/465679/original/file-20220527-23-wi9jdd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/465679/original/file-20220527-23-wi9jdd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/465679/original/file-20220527-23-wi9jdd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/465679/original/file-20220527-23-wi9jdd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La glace au bord de la mer pourrait bien être sacrifiée cet été….</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.rawpixel.com/image/447686/free-photo-image-ice-cream-cup-blue">Rawpixel</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans « <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782070758043-les-origines-du-totalitarisme-eichmann-a-jerusalem-hannah-arendt/">Les origines du totalitarisme</a> – Eichmann à Jérusalem » (éditions Quarto Gallimard), la philosophe allemande naturalisée américaine Hannah Arendt l’écrivait en 1951 :</p>
<blockquote>
<p>« La richesse sans fonction apparente est beaucoup plus intolérable parce que personne ne comprend pourquoi on devrait la tolérer. »</p>
</blockquote>
<p>Dans le cas d’une perte de revenu, la richesse a incontestablement une fonction, celle de permettre un investissement de protection économique.</p>
<p>Quant aux ménages plus modestes, pour peu que leurs membres aient la culture de la valeur dans le luxe, ils adopteront le même comportement en choisissant l’investissement dans le haut de gamme tout en conservant les dépenses pour leurs besoins de vie. Mais ils renonceront à « tout le reste », quitte à limiter leurs interactions sociales et les « petits plaisirs de tous les jours » donnant ainsi du sens à leur taille de guêpe dans toutes ses acceptions à renoncer à une partie de leur consommation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183865/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Mouillot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En période de tensions économiques, la consommation prend une forme de « sablier » dans laquelle les dépenses intermédiaires sont sacrifiées.Philippe Mouillot, Maître de Conférences HDR en Sciences de Gestion, IAE de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1809212022-04-11T21:04:21Z2022-04-11T21:04:21ZLe sentiment de bien-être des Français est aujourd’hui suspendu à l’inflation<p>Depuis cinq ans, l’Observatoire du bien-être le Centre pour la recherche économique et ses applications (CEPREMAP), dresse un portrait de la France au prisme du bien-être subjectif. Le dernier <a href="http://www.cepremap.fr/publications/le-bien-etre-en-france-rapport-2021/">rapport</a>, qui s’appuie sur une enquête trimestrielle de 20 questions, donne aujourd’hui l’image d’une population dont le niveau de bien-être s’est retrouvé fortement influencé par la pandémie de Covid, surtout par les confinements et déconfinements successifs, et pour laquelle les craintes liées à l'inflation s'intensifient.</p>
<p>Ainsi, au printemps 2020, l’entrée en confinement a représenté un choc pour beaucoup de Français, qui ont dû <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/N1_Effets_sur%20_emploi_SB.pdf">s’adapter brutalement au travail à distance</a>, à l’école à la maison et à la fermeture des lieux de sociabilité. L’<a href="https://www.santepubliquefrance.fr/etudes-et-enquetes/coviprev-une-enquete-pour-suivre-l-evolution-des-comportements-et-de-la-sante-mentale-pendant-l-epidemie-de-covid-19">enquête CoviPrev</a> de Santé publique France montre ainsi un niveau de satisfaction dans la vie fortement déprimé dans les premières semaines du confinement au mois de mars et d’avril.</p>
<p><strong>Satisfaction dans la vie moyenne pour les deux enquêtes.</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/457142/original/file-20220408-21-4opa0s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/457142/original/file-20220408-21-4opa0s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457142/original/file-20220408-21-4opa0s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=199&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457142/original/file-20220408-21-4opa0s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=199&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457142/original/file-20220408-21-4opa0s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=199&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457142/original/file-20220408-21-4opa0s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=250&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457142/original/file-20220408-21-4opa0s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=250&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457142/original/file-20220408-21-4opa0s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=250&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<p>Cependant, passé l’effet de surprise, la crise a conduit une partie des Français à <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03070242/document">réévaluer leur santé</a>, <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03070063">voire leur situation en général</a>, un effet particulièrement prononcé chez <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2021.635145/full">ceux qui anticipaient un confinement plus long</a>. C’est ainsi que la période de confinement a été perçue comme un moment de réflexion par 56 % des enquêtés et comme une phase stressante <a href="https://www.cepremap.fr/depot/2021/04/2021-04-Le_Bien-etre_des_Francais-Mars_2021-1.pdf">seulement pour 19 % d’entre eux</a>, tandis que beaucoup apprenaient à compenser la <a href="https://www.researchgate.net/publication/342816887_Gender_Differences_in_Telecommuting_and_Implications_for_Inequality_at_Home_and_Work">perte des relations sociales directes</a> par des contacts virtuels.</p>
<h2>Usure et montagnes russes</h2>
<p>À l’été 2020, la sortie du premier confinement a par la suite été marquée par un grand soulagement, qui s’est traduit dans pratiquement toutes les métriques de bien-être. La réévaluation de ce qui compte dans la vie, enclenchée par le confinement, s’est étendue. Nous le lisons en particulier dans le décalage entre l’évaluation de la satisfaction dans la vie sur cette période et leurs anticipations quant à la situation économique. Historiquement très proches, ces dimensions divergent au sortir du premier confinement.</p>
<p><strong>Satisfaction dans la vie et indice de confiance des ménages</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/457143/original/file-20220408-20-crc9ue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/457143/original/file-20220408-20-crc9ue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457143/original/file-20220408-20-crc9ue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=199&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457143/original/file-20220408-20-crc9ue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=199&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457143/original/file-20220408-20-crc9ue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=199&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457143/original/file-20220408-20-crc9ue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=250&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457143/original/file-20220408-20-crc9ue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=250&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457143/original/file-20220408-20-crc9ue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=250&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<p>Une partie de ce soulagement peut avoir procédé d’un effet d’optique. Beaucoup de ménages ont constaté qu’ils étaient peu ou prou épargnés par les aspects les plus graves de la crise, maladie ou perte d’emploi, tout en étant conscients que d’autres étaient touchés. On voit ainsi que la réévaluation positive touche aussi fortement l’évaluation de sa situation individuelle par rapport aux autres Français et par rapport au niveau de vie, la dimension comparative jouant aussi fortement sur ce dernier indicateur.</p>
<p>La recrue de l’épidémie, fin octobre 2020, a conduit à un nouveau confinement du 29 octobre au 15 décembre, puis à un troisième du 3 avril au 3 mai 2021. Les beaux jours de 2021 et le succès de la campagne de vaccination ont ensuite donné l’impression d’un possible retour à la normale, brisé à l’orée de l’hiver 2021 par l’arrivée du variant omicron.</p>
<p>Au cours de ces périodes, les sentiments d’être heureux et de dépression suivent de près ces à-coups de l’épidémie et de sa gestion, avec des points hauts inédits, et des points bas, que nous n’avions pas vus depuis la crise des « gilets jaunes » à l’hiver 2018. Ces derniers se trouvent de surcroît coïncider avec les mois de décembre, saison propice, en tant que telle, à la morosité.</p>
<h2>Et maintenant, l’inflation…</h2>
<p>En outre, notre enquête de conjoncture suggère que l’épidémie a traversé l’ensemble de la société sans en modifier les stratifications sociales en termes bien-être. Ainsi, la satisfaction dans la vie moyenne est restée fortement différenciée selon le revenu du ménage, et les trois classes de revenu que nous distinguons ont connu des fluctuations parallèles et synchrones.</p>
<p><strong>Satisfaction dans la vie et indice de confiance des ménages</strong></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/457144/original/file-20220408-42629-zgo0yx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/457144/original/file-20220408-42629-zgo0yx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457144/original/file-20220408-42629-zgo0yx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457144/original/file-20220408-42629-zgo0yx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457144/original/file-20220408-42629-zgo0yx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457144/original/file-20220408-42629-zgo0yx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457144/original/file-20220408-42629-zgo0yx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457144/original/file-20220408-42629-zgo0yx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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</figure>
<p>Dans le rapport de l’an dernier, nous rappelions d’ailleurs que le revenu pesait particulièrement lourd dans la satisfaction de vie des Français. Nous interprétions cette relation comme la manifestation de la défiance et de l’inquiétude de la population. Autrement dit, dans une société peu confiante dans les autres et dans son propre avenir, marquée par le sentiment de fragilité de son système de protection sociale, les Français trouvent dans leur revenu une forme d’assurance contre les risques de pauvreté ou de stagnation.</p>
<p>Ce n’est donc pas sans doute pas un hasard si l’inflation est aujourd’hui citée, parmi la santé et l’environnement, comme l’un des risques qui préoccupent le plus les ménages français au sortir de deux de pandémie. En décembre 2021, le sentiment que les prix ont fortement augmenté en 2021 est à son plus haut niveau depuis avril 2012, et le sujet reste présent dans l’actualité avec la guerre en Ukraine.</p>
<p><strong>Poids du revenu dans la satisfaction dans la vie (normalisé)</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/457145/original/file-20220408-25011-vd2z76.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/457145/original/file-20220408-25011-vd2z76.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457145/original/file-20220408-25011-vd2z76.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457145/original/file-20220408-25011-vd2z76.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457145/original/file-20220408-25011-vd2z76.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457145/original/file-20220408-25011-vd2z76.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457145/original/file-20220408-25011-vd2z76.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457145/original/file-20220408-25011-vd2z76.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Or plusieurs travaux mettent en évidence le lien négatif entre le niveau d’inflation et la satisfaction de vie. Si on imagine bien la détresse que peuvent créer des épisodes d’hyperinflation tels que celui que connaît actuellement le Liban, cette relation est également vraie à des niveaux d’inflation moins extraordinaires. Dans les pays européens, l’enquête Eurobaromètre permet de constater qu’une augmentation de l’inflation (officielle) s’accompagne, toutes choses égales par ailleurs, d’une diminution de la satisfaction dans la vie moyenne des pays concernés.</p>
<p>Pour les ménages, l’inflation signifie la menace d’une érosion difficilement contrôlable du coût de la vie dès lors que leurs revenus risquent de ne pas suivre. Toutefois, si le bulletin de salaire ou le bilan comptable nous informent régulièrement sur nos revenus, l’effet de l’inflation sur notre pouvoir d’achat reste difficile à mesurer, d’où le poids non négligeable de la subjectivité dans l’évaluation que les Français font de leur situation d’ensemble. Les anticipations de hausse des prix et d’évolution du pouvoir d’achat pèsent néanmoins dans la satisfaction de vie. La conjoncture sera donc un facteur déterminant de l’évolution du bien-être des Français dans les prochains mois et années.</p>
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<p><em>Mathieu Perona, directeur exécutif de l’Observatoire du bien-être du CEPREMAP, a co-rédigé cet article et co-dirigé, avec Claudia Sénik, les rapports <a href="https://www.cepremap.fr/publications/le-bien-etre-en-france-rapport-2020/">2020</a> et 2021 « Le Bien-être en France ». Le rapport <a href="https://www.cepremap.fr/publications/le-bien-etre-en-france-rapport-2021/">2021</a> sera présenté lors d’une conférence en ligne le 15 avril 2022</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180921/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claudia Senik ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Après deux ans de Covid, l'envolée des prix est désormais citée par les ménages parmi les principaux risques qui pèsent sur leur satisfaction, selon le dernier rapport de l’Observatoire du bien-être.Claudia Senik, Directrice de l'Observatoire du bien-être du CEPREMAP, Professeur à Paris School of Economics, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1769202022-02-14T18:13:44Z2022-02-14T18:13:44ZPouvoir d’achat : quelques perspectives rassurantes pour 2022<p>À quelques semaines de l’élection présidentielle, les sondages indiquent que la question du pouvoir d’achat reste en tête des <a href="https://www.bfmtv.com/politique/elections/presidentielle/sondage-bfmtv-presidentielle-2022-le-pouvoir-d-achat-principale-preoccupation-des-francais_AN-202201260350.html">principales préoccupations des Français</a>. Cette tendance est renforcée par les tensions inflationnistes, entretenues en premier lieu par la <a href="https://theconversation.com/linflation-reste-pour-linstant-tiree-par-les-prix-de-lenergie-170403">hausse des prix de l’énergie</a> qui frappe les dépenses contraintes des ménages.</p>
<p>Pour l’année 2021, la <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/documents/2995521/14083883/2-07012022-AP-FR.pdf/633e6191-cc43-7fce-3016-83a427bc8ace">hausse des prix en France a ainsi atteint 3,4 %</a> selon Eurostat, soit un taux inférieur à la moyenne de la zone euro, à savoir un peu plus de 5 %. Outre l’énergie, cette inflation s’explique par le redémarrage concomitant des grandes économies mondiales.</p>
<p><iframe id="oMBVm" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/oMBVm/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La reprise économique se caractérise en effet par une forte demande, de matières premières tout particulièrement. Ce grand redémarrage a ainsi entraîné des défauts d’approvisionnement, des embouteillages dans les ports, des embouteillages d’acheminement. Cependant, l’on peut déjà constater un début de désengorgement des <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/02/08/l-insee-prevoit-une-acceleration-de-l-inflation-qui-atteindrait-de-3-a-3-5-d-ici-a-juin-2022_6112835_3234.html">chaînes de production</a>. Cet embouteillage était en effet dû au fait que tout le monde s’était mis à consommer, des biens industriels notamment, au même moment.</p>
<p>Il s’agit là d’un premier indice qui peut nous laisser penser, même s’il faut être prudent, que les prix, qui continuent d’augmenter en janvier 2022, pourraient se stabiliser en cours d’année, <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/02/08/l-insee-prevoit-une-acceleration-de-l-inflation-qui-atteindrait-de-3-a-3-5-d-ici-a-juin-2022_6112835_3234.html">voire même baisser quelque peu en fin d’année</a>.</p>
<h2>Relance post-crise</h2>
<p>Sur le front de l’énergie, l’augmentation du prix du gaz s’explique aujourd’hui par des raisons climatiques mais aussi par des raisons géopolitiques, notamment par notre dépendance à la Russie dont la position régionale et internationale est des plus instables en plein conflit avec l’Ukraine. Quant à l’électricité, pour des raisons légitimes d’ordre écologique, l’on a remplacé l’utilisation du charbon par le gaz, y compris dans les centrales de production d’électricité.</p>
<p>Puisque le prix du gaz augmente, le prix de l’électricité augmente mécaniquement. Il y a donc une forte interdépendance des prix dans cette hausse récente de l’inflation, qui concerne aussi, dans une moindre mesure, les services et l’alimentation. Enfin, lorsque l’inflation augmente les prix d’autres biens ou services vont augmenter car ils sont indexés, parfois en des termes juridiques, sur l’inflation. Ainsi il y a des contrats qui lient les sociétés d’<a href="https://www.20minutes.fr/dossier/autoroute">autoroutes</a> à l’État qui prévoient une augmentation automatique des tarifs des péages tous les ans au 1<sup>er</sup> février en fonction notamment de l’<a href="https://www.20minutes.fr/economie/inflation/">inflation</a>, ce qui explique la <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/autoroutes-les-tarifs-des-peages-vont-augmenter-d-environ-2-le-1er-fevrier_4934835.html">dernière hausse d’environ 2 %</a>.</p>
<p>Or, la hausse des prix du gaz devrait diminuer, voire s’arrêter en 2022. Certes le scénario ukrainien inquiète et crée une incertitude sur le prix du gaz russe. Mais l’on peut envisager aussi certaines nouvelles sources d’approvisionnement et, dans un scénario politique favorable, l’ouverture du nouveau gazoduc russe, Nord Stream 2, qui permettrait de réduire les coûts en acheminant des <a href="https://www.sudouest.fr/international/europe/gazoduc-nord-stream-2-l-operateur-se-dit-pret-a-livrer-du-gaz-7478897.php">volumes supplémentaires de gaz</a>.</p>
<p>En ce qui concerne les carburants, on a effectivement pu constater une baisse du prix du baril de pétrole au printemps 2020 car l’activité économique avait fortement ralenti. Les producteurs avaient alors baissé la production afin de stabiliser les cours. Avec la reprise économique, la demande de pétrole a augmenté fortement et les prix du Brent sont <a href="https://www.boursorama.com/bourse/matieres-premieres/cours/8xBRN/">revenus à leur niveau de 2018</a>, mais restent loin de ceux enregistrés entre 2012 et 2014.</p>
<p><iframe id="hUy9S" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/hUy9S/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’économie mondiale entre donc dans une phase de relance post-crise pour laquelle les entreprises, semble-t-il, sont prêtes. Les mesures sanitaires n’ont pas dégradé l’appareil productif et la stratégie du « quoi qu’il en coûte » et des plans relance mondiaux <a href="https://theconversation.com/covid-19-a-quoi-aurait-ressemble-leconomie-francaise-sans-les-mesures-de-soutien-175088">a été efficace</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/covid-19-a-quoi-aurait-ressemble-leconomie-francaise-sans-les-mesures-de-soutien-175088">Covid-19 : à quoi aurait ressemblé l’économie française sans les mesures de soutien ?</a>
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<p>En 2020, l’on a connu une récession, <a href="https://theconversation.com/recession-economique-francaise-le-creux-est-passe-mais-les-effets-perdurent-172068">courte mais de grande ampleur</a>, de l’ordre de 8 % (tout en maintenant le pouvoir d’achat constant) et l’on ne craignait pas l’inflation, mais potentiellement une crise économique majeure avec une hausse du chômage.</p>
<h2>Le pouvoir d’achat toujours en hausse</h2>
<p>Or, deux ans plus tard, ce sont plutôt aussi les « vagues de grandes démissions » et les <a href="https://theconversation.com/le-mystere-de-la-grande-demission-comment-expliquer-les-difficultes-actuelles-de-recrutement-en-france-173454">difficultés de recrutement</a> dans certains secteurs qui préoccupent. La situation impose désormais aux entreprises de se remettre à la table des négociations et de prendre leur part en 2022. Le taux de chômage devrait en outre <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/social/le-taux-de-chomage-devrait-refluer-en-france-dici-a-lete-2022-1372535">rester à des niveaux bas</a>, et, d’après nos projections, l’on peut supposer que les salaires jusqu’à 1,7 fois le smic augmentent en moyenne en 2022, peut-être de 2 ou 2,5 %.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-mystere-de-la-grande-demission-comment-expliquer-les-difficultes-actuelles-de-recrutement-en-france-173454">Le mystère de la « Grande démission » : comment expliquer les difficultés actuelles de recrutement en France ?</a>
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<p>Dans ce contexte, il est alors loisible d’envisager un scénario de conjoncture économique positif pour la France en 2022. Dans ce scénario, la croissance serait autour de 3-3,5 % et le pouvoir d’achat pourrait encore progresser. Selon la direction générale du Trésor, cette hausse pourrait être de <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/955572b2-749e-4e9f-9645-742bef30ff65/files/35e14352-1582-4d77-beef-75b8c7acebd0">1 % en 2022</a> après avoir atteint 2,2 % en 2021 et 0,4 % en 2020.</p>
<p><iframe id="FQj0A" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/FQj0A/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cette mesure du pouvoir d’achat se fait de manière statistique à partir des comptes nationaux. Et l’on calcule l’évolution du pouvoir d’achat pour l’ensemble des ménages en tant que différence l’entre l’évolution du revenu des ménages et l’évolution de l’inflation, donc ce que l’on appelle en France l’indice des prix à la consommation.</p>
<h2>Des inégalités</h2>
<p>Cependant, si le pouvoir d’achat des ménages français a augmenté depuis 2017, l’on constate aussi que les gains qui en sont issus ne concernent pas tous les ménages de manière homogène. De manière complémentaire, l’Institut des politiques publiques estime dans une étude récente que pour les ménages les <a href="https://www.ipp.eu/actualites/resultats-les-impacts-du-budget-2022-sur-les-menages/">5 % les plus modestes, le niveau de vie a même très légèrement diminué</a>.</p>
<p>Ainsi, derrière nos statistiques nationales qui portent sur des moyennes, l’on doit prendre en compte la réalité que peuvent vivre les Français les plus modestes qui, en raison de leur mode de vie, peuvent connaître une baisse du pouvoir d’achat. En effet, si ces ménages modestes doivent utiliser très fréquemment leur voiture, se chauffent au gaz et habitent une passoire thermique, alors l’augmentation nominale de leurs dépenses contraintes est susceptible d’entraîner une perte de pouvoir d’achat en dépit des aides de l’État comme les chèques énergie et l’indemnité inflation.</p>
<p><em>A contrario</em>, un ménage au revenu confortable prenant les transports en commun et habitant un logement récent aura un gain de pouvoir d’achat davantage significatif. Même s’il ne reçoit pas les récentes aides de l’État, ses dépenses restent moins contraintes par la hausse des prix de l’énergie et il aura en outre pu bénéficier d’avantages fiscaux, comme la réduction ou la suppression de la taxe d’habitation, la défiscalisation des heures supplémentaires, etc.</p>
<h2>Le risque des taux</h2>
<p>Partant, le contexte actuel nous rappelle que nous sortons d’une crise économique, et que nos économies sont dans une phase de relance post-récession très particulière, dans laquelle les ménages les moins aisés ne doivent pas être les plus fragilisés. L’inflation est plutôt le marqueur d’une économie qui se porte bien et, en raison de ce contexte particulier, il faut dissiper, pour le moment au moins, les doutes sur les risques d’une spirale inflationniste (le fait que la hausse des prix implique une demande d’augmentation des salaires qui implique ensuite une nouvelle hausse des prix des entreprises qui veulent répercuter cette hausse des salaires, et ainsi suite) ainsi que ceux sur les risques d’une stagflation (coexistence de l’inflation et du chômage). </p>
<p>Cependant, une question importante qui se posera dans la deuxième partie de 2022 sera la remontée des taux d’intérêt. La Banque centrale européenne devra en effet gérer la “fin” de ses politiques monétaires accommodantes (<em>quantative easing</em>) en optant pour une remontée tardive et très progressive des taux d’intérêt, afin de ne pas pénaliser la reprise économique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176920/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Virgile Chassagnon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Plusieurs indices laissent penser que la hausse des prix pourrait être contenue et que les salaires pourraient augmenter dans les prochains mois.Virgile Chassagnon, Professeur des Universités en Economie (FEG-CREG), Directeur de l'Institut de Recherche pour l'Economie Politique de l'Entreprise, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1602062021-10-12T17:48:37Z2021-10-12T17:48:37ZMaël : « Pourquoi on met son argent à la banque ? »<blockquote>
<p>« Moi, parfois quand je range bien ma chambre, que je travaille bien à l’école ou que je rends service à mes parents en débarrassant la table, je gagne de l’argent de poche que je mets dans ma tirelire. Mais pourquoi quand mes parents travaillent et gagnent de l’argent, ils ne le mettent pas dans leurs tirelires comme moi ? Quand je leur demande, ils me répondent que leur argent est à la banque. Mais qu’est-ce qu’une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=8I4sdXbgk4g">banque</a> ? À quoi ça sert ? »</p>
</blockquote>
<h2>C’est un coffre-fort</h2>
<p>Quand on gagne de l’argent, on n’a pas forcément envie ou besoin de le dépenser tout de suite. On préfère le garder pour l’utiliser plus tard. Se pose alors la question du meilleur endroit pour conserver son argent. Dans une tirelire ? Sous son matelas ? Dans un coffre-fort ? À la maison ? La liste des possibilités est longue. Alors, comment choisir ? Qu’est-ce qui est important ?</p>
<p>Si tu veux aller au cinéma avec tes amis ou à la boulangerie pour acheter des bonbons, tu veux pouvoir retrouver ton argent avec certitude et pouvoir l’utiliser facilement et rapidement sans avoir à passer des heures pour le récupérer. Tu veux donc que ton argent soit en <a href="https://www.jstor.org/stable/1837095">sécurité et disponible</a>.</p>
<p>Ces deux caractéristiques sont élémentaires dans le choix du lieu où mettre son argent. Et une banque t’offre cette possibilité. Une banque, c’est un lieu où tu peux déposer ton argent qui sera en sécurité dans un coffre-fort en attendant que tu le dépenses. Par contre, dès que tu en as besoin, la banque s’engage à te rendre ton argent immédiatement.</p>
<h2>Que fait la banque quand je n’ai pas besoin de mon argent ?</h2>
<p>En effet, une banque collecte l’argent des personnes qui en ont mais qui ne prévoient pas de le dépenser immédiatement. Cet argent pour l’instant ne sert donc à rien. Or c’est dommage car certaines personnes peuvent ne pas avoir assez d’argent pour acheter une voiture par exemple et aller travailler. C’est là que la banque peut intervenir.</p>
<p>En effet, une banque recevant beaucoup de dépôts d’argent peut proposer de prêter une partie de cette somme à des personnes qui en ont besoin. La seule condition est que ces personnes s’engagent à rembourser la somme reçue plus tard. Dans notre exemple, la personne peut donc aller voir la banque et demander un peu d’argent pour acheter une voiture. Avec sa nouvelle voiture, cette personne peut maintenant aller travailler et recevoir un salaire. Grâce à ce salaire, elle peut aller faire ses courses et elle peut aussi rembourser la banque. Et une fois l’emprunt auprès de la banque remboursé, elle peut garder non seulement la voiture mais aussi son travail tout en continuant de percevoir son salaire. Cette personne sera alors plus riche grâce à la solution proposée par la banque.</p>
<h2>Et si on ne peut pas rembourser ?</h2>
<p>Cette question est au cœur du métier de la banque. Imagine, ton ami Paul te demande 5 euros pour acheter un livre. Tu sais que le lendemain à l’école il te rendra les 5 euros car c’est ton ami depuis la maternelle, tu vas souvent jouer chez lui et vos parents sont amis également. Maintenant, serais-tu aussi à l’aise pour prêter 5 euros à un enfant que tu croises dans la rue mais que tu ne connais pas. Probablement pas et pourquoi à ton avis ? Car tu ne connais rien de lui.</p>
<p>Le rôle d’une banque est d’apprendre à connaître ses clients. Elle peut organiser des rendez-vous et demander des informations sur notre vie personnelle et professionnelle afin d’établir une véritable relation avec ses clients. Ainsi, elle peut mesurer le risque qu’une personne ne rembourse pas la somme prêtée. Et plus ce risque augmente, plus elle vendra ton argent à un prix élevé qu’on appelle taux d’intérêt. Cela lui permet de se protéger en partie contre une perte d’argent future et donc, ce faisant elle te protège également et peut te garantir que ton argent restera disponible.</p>
<p>Finalement, une banque c’est une entreprise, ni bonne ni mauvaise, dans laquelle tu peux venir déposer ton argent, en sécurité, si tu n’en as pas besoin immédiatement. Elle va utiliser cet argent pour prêter à des gens que tu ne connais pas forcément toi, car c’est son métier de les connaitre.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : <a href="mailto:tcjunior@theconversation.fr">tcjunior@theconversation.fr</a>. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160206/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Pourquoi quand mes parents travaillent et gagnent de l'argent, ils ne le mettent pas dans leurs tirelires comme moi ?Jérémie Bertrand, Professeur de finance, IÉSEG School of ManagementAurore Burietz, Professeur de Finance, LEM-CNRS 9221, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1500992020-11-17T20:52:53Z2020-11-17T20:52:53ZFinancement des mesures d’urgence : et si on rétablissait l’ISF ?<p>Face à la crise économique liée à la pandémie de Covid-19, l’heure reste encore aux mesures d’urgence, comme en témoigne l’adoption le 4 novembre en Conseil des ministres de la quatrième loi de finance rectificative de l’année qui prévoit de débloquer 20 milliards d’euros supplémentaires de crédit.</p>
<p>Cependant, le débat fiscal commence à s’ouvrir. En effet, comme l’annulation de la dette, ou encore la dévaluation de la monnaie, ne constituent pas des leviers de réduction de la dette publique actionnables, les ajustements budgétaires pourraient, au moins en partie, <a href="https://theconversation.com/pourra-t-on-vraiment-eviter-de-futures-hausses-dimpots-pour-financer-les-mesures-durgence-149453">reposer sur des hausses d’impôt</a>.</p>
<p>Face à la situation exceptionnelle que vit le pays depuis le mois de mars, des voix issues de responsables politiques de gauche, de syndicalistes et de prix « Nobel » d’économie comme la Française <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/esther-duflo-plaide-pour-le-retablissement-de-l-isf-848138.html">Esther Duflo</a> s’élèvent pour demander le rétablissement de cet impôt ô combien symbolique, transformé en impôt sur la fortune immobilière (IFI) en 2018, qui permettrait de contraindre les plus aisés à plus de solidarité.</p>
<h2>Une facture de 500 milliards d’euros</h2>
<p>Leurs arguments sont multiples. Ils rappellent d’abord que le Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital s’interroge toujours sur l’efficacité économique de la suppression de l’ISF, comme le montre son <a href="https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/276598.pdf">dernier rapport</a> publié en octobre 2020.</p>
<p>Ils soulignent ensuite que la théorie du ruissellement, prônée par les partisans de la suppression de cet impôt et selon laquelle les revenus des ménages les plus riches sont réinjectés dans l’économie en consommation ou investissement ne <a href="https://youtu.be/IlDVBUqRR0A">s’est jamais vérifiée</a>.</p>
<p>Toutefois, les montants d’ISF dans son format rétabli seraient bien éloignés des sommes faramineuses à financer. Tout au plus, cela permettrait de financer une partie de la hausse des salaires des personnels de santé.</p>
<p>En effet, avant sa suppression, l’ISF avait rapporté <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/le-mot-de-l-eco-isf-l-impot-sur-la-fortune-revient-dans-le-debat-national_3976685.html">4,2 milliards d’euros</a>, contre deux fois moins pour l’IFI en 2019.</p>
<p>Quant aux mesures du « quoi qu’il en coûte » afin de faire face à la crise, pour reprendre l’expression du président Emmanuel Macron mi-mars, leur coût total pourrait s’élever à plus de <a href="https://www.lci.fr/population/video-la-chronique-eco-crise-sanitaire-un-cout-faramineux-2166788.html">500 milliards d’euros</a> – si l’on prend en compte les garanties de l’État et le plan de relance à 100 milliards.</p>
<p>Aujourd’hui, les quatre branches de la Sécurité sociale (accidents du travail, famille, retraite, santé) se retrouvent pour la première fois dans le rouge depuis 2012. Le déficit budgétaire est estimé à <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/securite-sociale-un-deficit-de-44-4-milliards-d-euros-en-2020-20200929">44,4 milliards d’euros en 2020</a> et 27,1 milliards en 2021.</p>
<p>Environ 10 milliards d’euros seront dépensés cette année pour les masques, les tests et les arrêts de travail. <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/le-covid-19-coutera-plus-de-10-milliards-d-euros-a-la-securite-sociale-858318.html">4,3 milliards sont déjà provisionnés pour 2021</a> dont 1,5 milliard pour une éventuelle campagne de vaccination.</p>
<p>Il faudra également financer les <a href="https://www.lemonde.fr/sante/article/2020/07/09/segur-de-la-sante-un-projet-d-accord-trouve-entre-les-syndicats-et-le-gouvernement_6045681_1651302.html">« accords de Ségur »</a> dont 5,7 milliards seront dédiés à la revalorisation des salaires des soignants et 1,6 milliard aux investissements dans le système de santé.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1324312853638189059"}"></div></p>
<p>Ce sont donc ces dernières mesures seulement qui pourraient être financées par les sommes recouvertes par un éventuel rétablissement de l’ISF.</p>
<h2>Les épargnants à contribution ?</h2>
<p>Jusqu’à présent, l’exécutif a quoi qu’il en soit systématiquement écarté la possibilité de revenir sur la promesse du candidat Emmanuel Macron, qui souhaitait en 2017 favoriser les « investissements productifs », dans une optique de soutien aux entrepreneurs.</p>
<p>Une solution alternative pourrait alors être de faire contribuer à l’effort général un plus grand nombre d’entre nous, en taxant des actifs qui présentent un risque limité et qui participent peu au développement de l’économie nationale : l’épargne.</p>
<p>Au premier trimestre 2020, les ménages français disposent ainsi de <a href="https://www.amf-france.org/fr/actualites-publications/publications/rapports-etudes-et-analyses/cartographie-2020-des-marches-et-des-risques">1 662 milliards d’assurance-vie en euros et de 1 052 milliards de dépôts bancaires rémunérés</a> (dont 781 d’épargne réglementée). Ces placements sans risque rapportent peu. Taxer de 1 % ces encours rapporteraient environ 27 milliards d’euros, plus de 6 fois les recettes d’un retour de l’ISF.</p>
<p>La solidarité des ménages jouait alors à plein en finançant une partie de la facture sanitaire avec des intérêts issus de placements peu risqués et peu rentables. Cette taxation aurait en outre peut-être pour effet d’inciter certains ménages à effectuer des retraits ce qui bénéficierait à la consommation.</p>
<hr>
<p><em>Éric Le Fur a co-écrit l’article de recherche <a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-regionale-et-urbaine-2016-3-page-487.htm">« Géographie des ménages fortunés en France : Étude des déterminants de la localisation des ménages soumis à l’Impôt de Solidarité sur la Fortune »</a> avec Benoit Faye et Claude Lacour (Revue d’économie régionale et urbaine, 2016)</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/150099/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Le Fur ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une telle décision de l’exécutif, qui ne permettrait de rembourser qu’une partie infime de la facture, aurait une portée avant tout symbolique.Éric Le Fur, Professeur associé , INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1434852020-08-18T17:53:06Z2020-08-18T17:53:06ZConfinement : des ménages en surmenage<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/350826/original/file-20200803-22-1m20vm3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C60%2C6709%2C4355&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les ménages explosent suite au confinement qui a révélé le poids des tâches domestiques inégalement réparties.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/photo/multicolored-socks-drying-on-rope-with-clothespins-in-open-air-4495756/">karolina grabowska/pexels </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Violences conjugales en hausse – plus de 30 % de signalements selon les <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/03/30/hausse-des-violences-conjugales-pendant-le-confinement_6034897_3224.html">autorités françaises</a> – divorces et séparations en <a href="https://www.globaltimes.cn/content/1181829.shtml">Chine</a>, en <a href="https://www.elmundo.es/espana/2020/05/18/5ec25baafdddffe03e8b4575.html">Espagne</a> ou en <a href="https://www.ifop.com/publication/etat-des-lieux-de-la-vie-sexuelle-et-affective-des-francais-durant-le-confinement/">France</a> : le confinement a eu raison de nombreuses vies de couple.</p>
<p>Nous reposant sur une <a href="https://forms.gle/3T6CfgcfaCNcBuop6">enquête en ligne</a> menée en France du 21 avril au 10 mai, nous avons analysé sur un échantillon de plus de 3 000 couples hétérosexuels les effets du confinement. Ce questionnaire a déjà fait l’objet d’un premier article dans <a href="https://theconversation.com/comment-le-confinement-a-t-il-bouscule-lemploi-du-temps-des-enfants-141153">The Conversation</a> au sujet des effets du confinement sur l’apprentissage des enfants.</p>
<p>Afin que nos résultats soient représentatifs, et faute de participation suffisante des hommes à notre enquête, nous avons uniquement sélectionné les couples pour lesquels la femme est le répondant de l’enquête.</p>
<h2>Le temps passé aux tâches domestiques s’est accru</h2>
<p>Le confinement, de par sa nature et sa temporalité relativement imprévisible et soudaine, a projeté de nombreux couples dans une situation délicate, jonglant entre travail, enfants et partenaire, et entraînant potentiellement bon nombre de tensions autour de la gestion de la vie quotidienne. Cette situation particulière s’est aussi illustrée sur le partage des tâches domestiques, celles-ci augmentant nécessairement avec la multiplication du temps passé à domicile.</p>
<p>Le confinement imposant pour la plupart des couples une quarantaine à domicile, et supprimant la possibilité d’externaliser les activités (avec l’aide à domicile par exemple), le temps passé aux tâches domestiques s’est logiquement accru.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/349630/original/file-20200727-29-1kmhnjm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/349630/original/file-20200727-29-1kmhnjm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/349630/original/file-20200727-29-1kmhnjm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/349630/original/file-20200727-29-1kmhnjm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/349630/original/file-20200727-29-1kmhnjm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/349630/original/file-20200727-29-1kmhnjm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/349630/original/file-20200727-29-1kmhnjm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Figure 1 : Temps passé aux tâches ménagères et éducations des enfants.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ainsi, la Figure 1 nous montre que toutes les femmes avec ou sans enfant ont connu une augmentation notable du nombre d’heures par semaine consacrées aux activités de nettoyage, de cuisine et de blanchisserie.</p>
<p>Pour les couples avec enfant, le temps passé par les mères avec leurs enfants sur des activités éducatives et pédagogiques s’est multiplié passant de deux à huit heures par semaine en moyenne pendant le confinement. La charge de l’école à domicile a donc pesé sur l’emploi du temps des femmes concernées, déjà accaparées par un temps accru à l’entretien du ménage.</p>
<h2>Un écart d’investissement entre partenaires</h2>
<p>En étudiant la part individuelle de travail accompli par rapport à la charge totale de travail domestique du ménage, nous pouvons établir les écarts d’investissement aux tâches entre les partenaires.</p>
<p>La comparaison des situations avant et après le confinement nous permet de retracer l’évolution de la distribution de ces tâches au sein des ménages.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/349631/original/file-20200727-15-dtsj86.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/349631/original/file-20200727-15-dtsj86.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/349631/original/file-20200727-15-dtsj86.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/349631/original/file-20200727-15-dtsj86.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/349631/original/file-20200727-15-dtsj86.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/349631/original/file-20200727-15-dtsj86.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/349631/original/file-20200727-15-dtsj86.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Figure 2 : Évolution de la distribution des tâches entre homme et femme dans le ménage.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La Figure 2 nous montre que tous les couples avec ou sans enfant ont connu une légère redistribution des tâches domestiques entre les époux pendant le confinement. Si ces tâches restent largement de l’apanage des femmes, le confinement a cependant réduit l’écart d’investissement sur ces activités entre les partenaires.</p>
<p>Nous pouvons noter que les écarts entre homme et femme de participation aux tâches domestiques sont systématiquement plus élevés – la femme assume plus de charge – pour les couples avec enfants que sans enfants.</p>
<p>Néanmoins, en analysant pour chacune des activités domestiques, nous remarquons que cette réduction n’est significative que pour l’activité relative aux achats et autres commissions à l’extérieur du domicile.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/d1K3Bmp5fd0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Après 55 jours de confinement, 5 couples racontent comment leur relation a évolué, dans le bon ou le mauvais sens. Une chose est sûre : chacun a appris beaucoup sur son partenaire pendant cette période.</span></figcaption>
</figure>
<p>Les hommes ont globalement maintenu une faible participation sur la plupart des tâches ménagères sauf lorsque celle-ci se passe en dehors de la sphère familiale (faire les courses). Nous avançons deux points pour expliquer le mécanisme sous-jacent à cette évolution.</p>
<p>Le premier est que cette activité est devenue plus risquée en raison de la pandémie, et que les hommes prennent un « rôle de protection » vis-à-vis des autres membres du ménage en prenant le risque pour eux-mêmes. L’autre raison réside sur le caractère exceptionnel des sorties en confinement.</p>
<p>Le fait est que cette activité devient parfaitement bien identifiée par les autres membres du ménage, et que l’homme peut ainsi se targuer de participer aux tâches domestiques. En outre, le caractère monotone et contraignant du confinement offre à cette activité un potentiel de loisirs, celle-ci étant l’occasion de sortir du foyer sans durée limitée.</p>
<h2>Évolution des conflits et tâches ménagères</h2>
<p>Durant le confinement, la majorité des couples ont déclaré ne pas connaître une hausse des conflits. Pour autant, comme illustrée par la Figure 3, la part de ceux déclarant une hausse est légèrement plus importante pour les couples avec enfants.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/349632/original/file-20200727-21-l8wq8h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/349632/original/file-20200727-21-l8wq8h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/349632/original/file-20200727-21-l8wq8h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/349632/original/file-20200727-21-l8wq8h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/349632/original/file-20200727-21-l8wq8h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/349632/original/file-20200727-21-l8wq8h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/349632/original/file-20200727-21-l8wq8h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/349632/original/file-20200727-21-l8wq8h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 3 : Part des répondants sur l’occurrence des conflits.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De par un modèle économétrique, nous réalisons une relation entre le partage des tâches et l’occurrence des conflits pendant le confinement. Les résultats de ce modèle nous montrent qu’il existe une relation significative entre un partage des tâches déséquilibré et la hausse des conflits durant la même période uniquement pour les couples avec enfant.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1285123622147850240"}"></div></p>
<p>Lorsqu’on analyse de plus près les raisons de cette augmentation, on peut voir que la hausse du conflit intervient principalement lorsque le partage des tâches sur le nettoyage du foyer est déséquilibré pendant le confinement.</p>
<p>Pour les couples sans enfant, malgré qu’ils connaissent eux aussi une hausse des conflits, celle-ci n’a cependant pas de lien avec la distribution des tâches.</p>
<p>Cette tâche, qui cristallise les tensions au sein du couple en confinement, est d’ailleurs celle qui concentre plus de la moitié du temps total passé aux tâches domestiques selon <a href="https://www.insee.fr/fr/metadonnees/source/operation/s1362/processus-statistique">l’enquête Emploi du Temps effectuée en France en 2009-2010</a>.</p>
<p>En définitive, le confinement a été une période où, malgré l’afflux de travail, peu de tâches ménagères ont été rebalancées dans les ménages. Pourtant, lorsqu’il y a des enfants, la répartition de celles-ci semblent jouer un rôle significatif dans l’occurrence des conflits entre les partenaires. Si pour certains, le confinement fut l’occasion de <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/tribune-nouslespremiers-elus-personnalites-publiques-ou-citoyens-ils-s-adressent-a-emmanuel-macron-pour-dessiner-le-monde-dapres_3937031.html">penser le monde de demain</a> dans les ménages, le quotidien des femmes ressemblait pour beaucoup au monde d’hier.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/143485/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une étude récente montre que confinement et tâches domestiques n’ont pas fait bon ménage pour les couples, avec et sans enfants.Hugues Champeaux, Doctorant en économie du développement, Université Clermont Auvergne (UCA)Francesca Marchetta, Maîtresse de conférences en économie, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1409472020-06-17T17:35:25Z2020-06-17T17:35:25ZLe monde est-il devenu « too big to fail » ?<p>Le <em>monde d’après</em>. Voilà des mois que ce terme s’est imposé dans le débat public et alimente les réflexions des <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/05/07/le-monde-d-apres-il-est-temps-de-ne-pas-reprendre-comme-avant_6038917_3232.html">intellectuels</a>, des <a href="http://www.lcp.fr/actualites/58-parlementaires-appellent-les-francais-construire-le-monde-dapres">politiques</a> et des <a href="https://www.mediapart.fr/journal/dossier/culture-idees/le-monde-dapres-0">médias</a>. Comme une incantation pour que notre société opère un véritable tournant vers un avenir plus soutenable sur le plan écologique, plus solidaire sur le plan humain, plus juste sur le plan économique.</p>
<p>Mais pour que <em>ce</em> monde d’après advienne, il faudrait une modification substantielle des fondamentaux de notre mode de vie et de notre modèle de développement économique. Et, disons-le tout de go : ces dimensions ont peu de chance d’évoluer en profondeur.</p>
<p>Non seulement parce que nos sociétés ont une inclination naturelle à l’inertie, mais aussi parce que notre système économique mondialisé est en quelque sorte devenu… « too big to fail » (trop gros pour échouer).</p>
<p>Cette expression, <a href="https://www.lafinancepourtous.com/2012/11/16/quatre-banques-francaises-maintenues-dans-la-liste-des-too-big-to-fail/">employée à l’origine pour les banques</a>, traduit l’idée que la chute d’une organisation aura de telles répercussions que les pouvoirs publics ne peuvent plus se permettre de la laisser disparaître, quelles que soient ses difficultés.</p>
<p>Osons une rapide analyse articulée autour des principales catégories d’agents et de quelques exemples emblématiques qui semblent indiquer que c’est désormais l’ensemble du système économique mondial, qui n’a jamais été aussi interdépendant, auquel on peut dorénavant accoler l’étiquette « too big to fail ».</p>
<h2>Intrication inédite</h2>
<p>Résultante logique de plusieurs décennies d’accélération sur le front de la mondialisation économique et de la libéralisation des échanges commerciaux et financiers, jamais dans l’histoire nos économies n’ont été aussi interconnectées. Les chaînes de valeur sont <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/blog/la-dependance-aux-intrants-chinois-et-italiens-des-industries-francaises/">fragmentées</a> à l’échelle de la planète, les <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/la-dette-mondiale-flambe-a-250000-milliards-de-dollars-1148484">dettes publiques</a> et privées sont toujours plus largement détenues par des intérêts étrangers, le prix des matières premières se détermine sur des <a href="https://www.atlantico.fr/decryptage/3590427/ce-que-l-evolution-du-prix-des-matieres-premieres-nous-apprend-sur-notre-avenir-economique-petrole-or-coton-fer-acier-cuivre-aluminium-acier-ble-mais-soja-dov-zerah">marchés financiers globalisés</a>, et les grandes entreprises visent un marché d’emblée mondial, et ne réalisent plus qu’une faible part de leurs activités dans leurs pays d’origine.</p>
<p>Ce niveau d’intrication inédit a rendu les grandes économies mondiales plus interdépendantes que jamais. Ainsi, la crise sanitaire de la Covid-19 nous a privés de nombreux biens de consommation dont une part substantielle du processus de production se trouve délocalisée à l’autre bout de la planète.</p>
<p>À ce titre, la pénurie de masques dans nombre de pays occidentaux illustre aussi bien les failles d’un système de santé piloté aux instruments comptables, que celles de notre ultra dépendance à des chaînes d’approvisionnement complexes et fragmentées.</p>
<p>Réjouissons-nous toutefois. C’est parce que nos économies sont interdépendantes et que la crise sanitaire n’a épargné aucune d’entre elles que nous ne devrions pas connaître, même au plus fort de la crise économique qui se profile, une récession aussi forte qu’elle n’aurait pu l’être.</p>
<p>En effet, l’ensemble des États et des banques centrales ont décidé, dans des temps record, des <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/coronavirus-le-g20-injecte-5-000-milliards-de-dollars-dans-l-economie-mondiale-843483.html">injections massives de liquidités</a> pour soutenir l’économie, en s’affranchissant d’ailleurs de tous les <a href="https://lequotidien.lu/economie/covid-19-lallemagne-va-faire-625-milliards-deuros-de-dette-supplementaire/">dogmes de maîtrise des déficits publics</a> qui ont guidé leurs politiques ces dernières années.</p>
<p>Certes, des asymétries existeront, et certains États étant plus durement touchés que d’autres manipuleront le levier budgétaire avec moins de parcimonie. Mais dans l’ensemble, à la sortie de la crise sanitaire, les grandes économies de ce monde se seront davantage endettées… auprès d’elles-mêmes, de leurs populations, et d’investisseurs étrangers. Et le bilan de la plupart des banques centrales sera <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/le-bilan-de-la-fed-depasse-7-000-milliards-de-dollars-1370902">hypertrophié</a>.</p>
<h2>Pragmatisme</h2>
<p>Plus encore qu’une crise financière, cette profonde symétrie et synchronicité de l’endettement a toutes les chances de faire naître une solidarité existentielle, en cela que les grands acteurs de l’économie mondiale n’auront aucun intérêt qu’un de leurs partenaires institutionnels et commerciaux fasse défaut et s’enfonce trop profondément dans la crise.</p>
<p>Dans un tel contexte, qui prendrait le risque de ne pas soutenir une banque majeure en difficulté, quand on connaît les <a href="https://www.lepoint.fr/phebe/phebe-pourquoi-il-aurait-fallu-sauver-lehman-brothers-13-06-2019-2318671_3590.php">effets de propagation mondiaux</a> qui sont nés de la chute de Lehman Brothers en 2008 ?</p>
<p>Prenons également le pari que les grandes zones économiques et monétaires ne devraient pas renouveler l’expérience de l’austérité budgétaire imposée avec la plus extrême des fermetés, quand on a vu ce qu’il a coûté à la zone euro de <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/il-y-a-dix-ans-cette-crise-grecque-qui-faillit-tout-emporter-1155383">pressuriser la Grèce</a> comme elle l’a fait. Le monde est devenu “too big to fail”, car le décrochage trop brutal d’une économie majeure risquerait d’entraîner toutes les autres dans son sillage.</p>
<p>Il est d’ailleurs possible de retrouver ce pragmatisme dans les choix politiques opérés depuis le début de la crise. Pour ne prendre que le cas français, au plan de soutien d’Air France (9 milliards d’euros) s’est ajouté un plan de 10 milliards d’euros dont bénéficiera l’ensemble de la filière aéronautique. Ce sont également plus de 8 et de 18 milliards qui vont être respectivement injectés dans les industries automobile et touristique, notamment pour mener à bien des <a href="https://www.lechotouristique.com/article/un-plan-marshall-de-13-milliard-deuros-pour-soutenir-le-tourisme-francais">projets antérieurs</a> (tels que le Futuroscope 2) parfois bien éloignés des objectifs de tourisme durable.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/342396/original/file-20200617-94066-d6ivrg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/342396/original/file-20200617-94066-d6ivrg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/342396/original/file-20200617-94066-d6ivrg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/342396/original/file-20200617-94066-d6ivrg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/342396/original/file-20200617-94066-d6ivrg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/342396/original/file-20200617-94066-d6ivrg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/342396/original/file-20200617-94066-d6ivrg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La compagnie aérienne Air France va bénéficier d’un plan d’aide de 9 milliards d’euros.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pascal Pavani/AFP</span></span>
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<p>Il ne faut pas s’en étonner. En temps de crise, les gouvernements ont une propension marquée pour la préservation « <a href="https://theconversation.com/quoi-quil-en-coute-la-relance-economique-porte-le-risque-de-futures-crises-pandemiques-135435">quoi qu’il en coûte</a> » de l’existant, car c’est celui qui limite les destructions d’emplois massives sur le court terme, et ce faisant, apaise l’électorat.</p>
<p>Et tant pis si cela revient à préserver les rentes de situation plutôt que de préparer les investissements d’avenir, notamment dans la transition écologique : l’appareil productif national est lui aussi « too big to fail » ! Osons alors une simple question : est-ce avec les méthodes et acteurs d’hier que nous pourrons bâtir le monde de demain ?</p>
<h2>« Business as usual »</h2>
<p>En effet, les entreprises n’apprécient rien de plus que la stabilité. En interne, elles cherchent à parfaire un processus de production et à développer des routines. En externe, elles aiment, par exemple, établir des <a href="https://www.jstor.org/stable/3003645?seq=1">contrats de longue durée</a> avec leurs fournisseurs, de façon à se couvrir contre d’éventuels risques de modification tarifaire ou d’approvisionnement. En un mot, l’entreprise requiert de la constance au niveau de ses process et activités de façon à assurer la prévisibilité de ses résultats.</p>
<p>Tout cela a nécessairement des conséquences.</p>
<p>Premièrement, en période de crise, les entreprises cherchent avant tout à préserver l’existant. Certaines, comme <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/coronavirus-airbnb-decide-de-licencier-le-quart-de-ses-employes-1200735">Airbnb</a> ou <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/uber-durcit-son-plan-durgence-et-se-recentre-sur-lessentiel-1203996">Uber</a>, ont par exemple annoncé renoncer à des projets de diversification pour se recentrer sur leur cœur de métier.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1268903713973899267"}"></div></p>
<p>Deuxièmement, les ajustements de court terme se font en général sur les volumes de production, ce qui induit des cessions d’actifs et/ou des réductions de masse salariale. Renault, par exemple, a annoncé <a href="https://www.ladepeche.fr/2020/05/28/crise-du-coronavirus-renault-prevoit-de-supprimer-4-600-emplois-en-france,8907474.php">plusieurs milliers de suppressions de postes</a> en dépit des aides perçues auprès de l’État-actionnaire.</p>
<p>Troisièmement, les entreprises disposant de liquidités sont davantage enclines à constituer des réserves de précaution, ou à opérer des opérations de consolidation en reprenant des entreprises en difficulté, plutôt que de se lancer dans de grands projets innovants. Peut-on leur en vouloir alors que l’incertitude de leur environnement stratégique est <a href="https://theconversation.com/la-radicale-incertitude-de-la-finance-mondiale-122065">radicale</a> et que les actionnaires sont plus volatils que jamais et disposent d’une préférence marquée pour le court terme ?</p>
<p>En période de crise, les entreprises sont davantage préoccupées par leur survie que par la remise en cause de leur mission, antichambre de la construction du monde d’après. Comment se convaincre du contraire quand, mobilisant le levier de l’emploi, elles parviennent à faire reculer le législateur sur l’application des normes environnementales, comme nous avons pu en être le témoin aux <a href="https://www.theguardian.com/environment/2020/mar/27/trump-pollution-laws-epa-allows-companies-pollute-without-penalty-during-coronavirus">États-Unis</a> ou en <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2020-03-18/china-s-rethink-on-car-pollution-may-signal-a-retreat-on-climate">Chine</a> ? Comment se convaincre du contraire quand elles s’interrogent quant à l’opportunité d’obtenir des baisses de salaire pour leurs employés, comme cela a été proposé par <a href="https://www.europe1.fr/economie/le-chantage-de-ryanair-a-ses-salaries-baisse-de-salaire-ou-licenciement-3972514">RyanAir</a> ou, encore plus proche de nous, par <a href="https://www.touleco.fr/Aeronautique-Chez-Derichebourg-l-accord-de-performance-conteste,29021">Derichebourg Aeronautics</a> via un accord de performance collective ?</p>
<h2>Prêts à payer plus ?</h2>
<p>Restent les ménages. Collectivement, ces individus disposent – au moins sur le papier – d’un immense pouvoir de transformation des sociétés et des marchés, qu’ils peuvent exercer par leur bulletin de vote (tout du moins, dans les pays démocratiques), par leurs choix d’employeurs, et par leurs actes de consommation. Or, les choix de production, de transformation, d’approvisionnement, opérés par les entreprises ne sont jamais que le résultat de programmes d’optimisation <em>relativement</em> rationnels au regard de la réalité de la demande.</p>
<p>Soyons honnêtes. Nous appelons le changement, mais sommes-nous réellement prêts à en payer le prix ? Sommes-nous prêts à accepter des hausses substantielles de prix qui résulteraient d’une lutte effective contre les pratiques de dumping fiscal, social ou environnemental ? Sommes-nous prêts à <a href="https://www.senat.fr/commission/dvpt_durable/mission_dinformation_sur_lempreinte_environnementale_du_numerique.html">limiter nos usages numériques</a> à l’essentiel, ou à réapprendre la patience d’une livraison à domicile décalée de plusieurs jours dans le temps, quand on connaît l’empreinte environnementale de ces services ? En bref, sommes-nous prêts consommer moins, mais à consommer mieux ?</p>
<p>Il est trop tôt pour faire le bilan de l’impact de la Covid-19 sur les pratiques de consommation de long terme, et il serait malhonnête de s’appuyer sur, par exemple, les <a href="https://actu.fr/societe/coronavirus/des-heures-queue-commander-mcdonalds-limite-lacces-drive_33252310.html">queues interminables</a> aux drives des temples de la « malbouffe rapide » sitôt leur réouverture annoncée sur les réseaux sociaux pour en tirer la conclusion que rien ne changera.</p>
<p>Nous préférerons mesurer l’inertie des comportements de consommation à l’aune de faits passés. Et constater que les résultats des très grandes marques mondiales – qui ne sont pas toujours les mieux-disantes sur les dimensions environnementales, fiscales ou sociales – sont d’une remarquable stabilité, y compris lorsqu’elles sont suspectées de pratiques potentiellement illicites ou éclaboussées par des scandales.</p>
<p>Par exemple, quels impacts réels sur la performance commerciale des entreprises concernées par les révélations de l’affaire <a href="https://www.leparisien.fr/economie/tout-comprendre-aux-lux-leaks-icij-07-11-2017-7378935.php">LuxLeaks</a> ? L’utilisation très extensible de nos données personnelles dont les géants du numérique sont régulièrement accusés, notamment dans le cadre de l’affaire <a href="https://theconversation.com/comment-lusage-de-vos-donnees-peut-influencer-les-elections-140001">Cambridge Analytica</a>, est-elle de nature à nous dissuader de recourir à leurs services ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/342400/original/file-20200617-94101-19vmp53.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/342400/original/file-20200617-94101-19vmp53.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/342400/original/file-20200617-94101-19vmp53.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/342400/original/file-20200617-94101-19vmp53.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/342400/original/file-20200617-94101-19vmp53.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/342400/original/file-20200617-94101-19vmp53.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/342400/original/file-20200617-94101-19vmp53.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les clients se sont rués sur les restaurants de fast-food dès leurs réouvertures.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bertrand Guay/AFP</span></span>
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<p>Il est vrai qu’à force de laisser nos industries se concentrer, nous ne disposons pas toujours d’alternatives aussi efficaces. Mais la force de l’habitude, la pression sociale et le marketing agressif dont sont capables les très grands groupes sont également des explications à notre relatif immobilisme consumériste.</p>
<h2>Le « monde d’après » sera ce que nous en ferons</h2>
<p>Bien naturellement, cette analyse pourra être interprétée selon le prisme du réalisme par certains, de la dystopie pour d’autres. Comme toute vision prospective un rien provocatrice, elle n’a pour autre objectif que d’ouvrir le champ des possibles, de heurter nos imaginaires et d’inviter à l’introspection et la réflexivité.</p>
<p>Il n’y a pas de fatalité à ce que nos sociétés, que nous avons présentées comme profondément enclines à l’inertie, reproduisent à l’identique les schémas du passé.</p>
<p>Mais, c’est précisément parce que les forces de rappel sont multiples et puissantes, qu’aucun changement structurel majeur ne pourra advenir sans un élan volontariste partagé entre les sphères politique, entrepreneuriale, et citoyenne. Le « monde d’après » sera ce que nous déciderons d’en faire, collectivement. Pour le pire, mais peut-être bien, pour le meilleur.</p>
<hr>
<p><em>La version intégrale de cet article sera disponible dans le numéro de juillet 2020 de la revue Relais éditée par <a href="https://www.ifgexecutive.com/">IFG Executive Education</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140947/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les mesures d’urgence, les habitudes des entreprises ou encore des consommateurs rendent le scénario du maintien de l’existant plus plausible que celui de l’avènement d’un « monde d’après ».Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie et Stratégie (Inseec U.) / Pr. et Chercheur associé (U. Paris Saclay), INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1270462019-11-20T22:40:12Z2019-11-20T22:40:12ZAssurance-vie : les épargnants français peu disposés à s’orienter vers les contrats plus risqués<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/301796/original/file-20191114-26237-xge8b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=22%2C31%2C965%2C634&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les épargnants français privilégient historiquement les produits financiers non risqués.</span> <span class="attribution"><span class="source">Mintr / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’assurance-vie est un service financier particulier dans le monde de la finance, dont la demande (souscription, variation des encours, résiliation), semble fortement liée aux perceptions, attentes et attitudes des consommateurs. Il s’agit du <a href="https://www.banque-france.fr/communique-de-presse/publication-du-rapport-2017-de-lobservatoirede-lepargne-reglementee">placement préféré des Français</a>, représentant 39 % du total du patrimoine financier des ménages, avec <a href="https://www.ffa-assurance.fr/etudes-et-chiffres-cles/assurance-vie-collecte-nette-positive-en-septembre-2019">1 776 milliards d’euros d’encours</a> en septembre 2019 et <a href="https://www.ffa-assurance.fr/actualites/les-francais-et-assurance-vie-une-confiance-mutuelle-selon-une-etude-ipsos-ffa">54 millions de contrats souscrits</a>.</p>
<p>Il existe aujourd’hui plus de 500 contrats d’assurance-vie différents que l’on peut regrouper en deux grandes familles. Un souscripteur a la possibilité de choisir un contrat monosupport ou multisupport.</p>
<p>Les contrats monosupports, constitués de fonds en valeur (euros), sont des contrats où le souscripteur ne subit aucun risque. Le capital placé ne peut jamais diminuer : l’assureur s’engage sur un taux de revalorisation minimale chaque année, auquel il ajoute en fin d’exercice des « participations aux bénéfices ». Une fois crédités sur le compte de l’épargnant, les gains ne peuvent plus être remis en cause et ils profitent à leur tour des revalorisations annuelles. Les fonds sont souvent placés par les assureurs majoritairement en obligations (plus sûres) mais aussi en actions et en investissement immobilier non risqué.</p>
<h2>Les contrats risqués n’ont pas la cote</h2>
<p>Les contrats multisupports sont quant à eux plus risqués : ils comprennent en effet à la fois des fonds en valeur (euros) et des fonds en unités de compte (constitués de plusieurs compartiments d’investissements). Ces fonds unités de compte permettent aux assurés d’investir dans des produits financiers très variés. Dans des OPCVM – organismes de placement collectif en valeurs mobilières, c’est-à-dire des sociétés d’investissement à capital variable (SICAV) ainsi que dans des Fonds Communs de Placement (FCP). La valeur de l’épargne évolue alors à un rythme identique à ces produits, à la hausse comme à la baisse.</p>
<p>Par exemple, alors que le rendement moyen des fonds en euros était de 1,8 % en 2018, le rendement des fonds en unités de compte a été <a href="https://www.cbanque.com/assurance-vie/actualites/73251/assurance-vie-un-rendement-moyen-de-1,8-en-2018-comme-en-2017">négatif avec -8,9 % sur la même période</a>.</p>
<p>La part des fonds en euros (non risqué) a toujours été majoritaire dans les encours totaux de l’assurance-vie. À la fin 2018, 72 % des fonds étaient en euros contre 28 % en unités de comptes et en fonds « euro croissance », un autre type de contrat lancé en 2014 qui constitue un compromis entre les fonds risqués et moins risqués.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/301784/original/file-20191114-26262-1ln6928.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/301784/original/file-20191114-26262-1ln6928.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/301784/original/file-20191114-26262-1ln6928.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/301784/original/file-20191114-26262-1ln6928.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/301784/original/file-20191114-26262-1ln6928.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/301784/original/file-20191114-26262-1ln6928.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=552&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/301784/original/file-20191114-26262-1ln6928.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=552&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/301784/original/file-20191114-26262-1ln6928.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=552&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ffa-assurance.fr/file/2738/download?token=FyfOIw6A">ffa-assurance.fr</a></span>
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<p>Les compagnies d’assurances veulent aujourd’hui inverser la tendance en <a href="https://votreargent.lexpress.fr/assurance-vie-pourquoi-et-comment-les-assureurs-vous-poussent-a-prendre-des-risques_1772461.html">poussant leurs clients</a> à opter pour les fonds en unités de compte qui sont plus rémunérateurs, surtout dans un contexte de taux bas voire négatifs, mais également plus risqués.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1184225407295471622"}"></div></p>
<p>Or, tout indique que les épargnants français risquent de ne pas les suivre. Tout d’abord, les consommateurs financiers sont plus thésauriseurs qu’investisseurs. Selon une <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/les-francais-lepargne-et-lassurance-vie">étude conjointe FFA-Ipsos</a> en 2017, 72 % d’entre eux préfèrent un risque zéro pour un rendement modéré (fonds en euros), 26 % sont prêts à prendre un risque léger pour un rendement supérieur (fonds « euro croissance ») et uniquement 2 % prendrait une forte prise de risque pour un rendement élevé (fonds en unités de compte).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/301787/original/file-20191114-26273-is75nd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/301787/original/file-20191114-26273-is75nd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/301787/original/file-20191114-26273-is75nd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/301787/original/file-20191114-26273-is75nd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/301787/original/file-20191114-26273-is75nd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/301787/original/file-20191114-26273-is75nd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/301787/original/file-20191114-26273-is75nd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/301787/original/file-20191114-26273-is75nd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ipsos.com/fr-fr/les-francais-lepargne-et-lassurance-vie">Extrait de l’étude FFA-Ipsos « Les Français, l’épargne et l’assurance vie » (2017)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais, au-delà de cette traditionnelle aversion au risque, les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2214804319301351">recherches récentes</a> sur la demande en assurance-vie montrent que celle-ci dépend étroitement de la perception du contexte économique (plus que du contexte économique lui-même) des ménages.</p>
<p>Ainsi, entre 2009 et 2011, période de forte dégradation de la confiance des ménages, les épargnants se sont fortement tournés vers l’assurance-vie et plus particulièrement vers les fonds en euros. À l’inverse, entre 2013 et 2017, la hausse de la confiance des ménages a entraîné une moindre collecte de fonds, mais les épargnants ont privilégié les supports plus risqués en unités de compte.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/301793/original/file-20191114-26207-1tio1ep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/301793/original/file-20191114-26207-1tio1ep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/301793/original/file-20191114-26207-1tio1ep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/301793/original/file-20191114-26207-1tio1ep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/301793/original/file-20191114-26207-1tio1ep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/301793/original/file-20191114-26207-1tio1ep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/301793/original/file-20191114-26207-1tio1ep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/301793/original/file-20191114-26207-1tio1ep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ffa-assurance.fr/file/2738/download?token=FyfOIw6A">ffa-assurance.fr</a></span>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/301792/original/file-20191114-26262-1xe5x47.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/301792/original/file-20191114-26262-1xe5x47.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/301792/original/file-20191114-26262-1xe5x47.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/301792/original/file-20191114-26262-1xe5x47.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/301792/original/file-20191114-26262-1xe5x47.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/301792/original/file-20191114-26262-1xe5x47.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/301792/original/file-20191114-26262-1xe5x47.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/301792/original/file-20191114-26262-1xe5x47.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Indicateur synthétique de confiance des ménages.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4178061#graphique-enquete-menages-g1-fr">Insee</a></span>
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<p>En étant plus méfiants et même défiants envers le contexte économique, les consommateurs financiers auraient tendance à vouloir se protéger d’un avenir incertain. A contrario, en ayant confiance envers la situation économique, ils voudraient profiter davantage en préférant investir ou dépenser leur revenu.</p>
<h2>Faisceau d’indices inquiétants</h2>
<p>C’est pourquoi le pari des assureurs de réorienter l’épargne vers des fonds plus risqués apparaît loin d’être gagné dans le contexte actuel. En effet, si la confiance des ménages n’apparaît pas à l’heure actuelle dégradée (elle s’est stabilisée depuis deux mois après plusieurs mois de hausse continue), la situation pourrait rapidement évoluer tant les signaux pouvant générer une méfiance envers l’avenir se multiplient.</p>
<p>Pour la première fois depuis 10 ans, de nombreux analystes prédisent par exemple une crise financière mondiale qui pourrait faire disparaître jusqu’à un <a href="https://www.challenges.fr/finance-et-marche/banques/un-tiers-des-banques-mondiales-pourrait-disparaitre-en-cas-de-choc-financier_680896">tiers des banques mondiales</a>. Les causes seraient diverses : l’endettement mondial des ménages qui équivaut à <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/la-crise-financiere-qui-vient-1137201">230 % du PIB</a> en 2018, la <a href="https://theconversation.com/lenseignement-prive-lucratif-premier-responsable-de-la-crise-de-la-dette-etudiante-americaine-114788">dette des étudiants américains</a> qui a atteint 1 605 milliards de dollars (soit le PIB de l’Espagne) ou encore la valorisation excessive des produits financiers américains avec des ratios cours/bénéfice <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/les-cinq-ingredients-qui-preparent-la-crise-de-2020-140865">supérieurs de 50 % à leur moyenne historique</a>.</p>
<p>La banque fédérale américaine a par ailleurs injecté <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/09/20/pourquoi-la-fed-injecte-des-liquidites-sur-les-marches-monetaires_6012374_3234.html">270 milliards de dollars de liquidités</a> en urgence dans l’économie sous forme de <a href="https://www.fimarkets.com/pages/repo.php">repo</a>, la semaine du 16 septembre 2019, ce qu’elle n’avait pas fait depuis la précédente crise des surprimes de 2008. On pourrait aussi ajouter à ce faisceau d’indices « l’inversion des taux » entre les bons du trésor américain à court et long terme, un signal que les analystes interprètent comme <a href="https://theconversation.com/la-radicale-incertitude-de-la-finance-mondiale-122065">avant-coureur d’une récession</a>.</p>
<p>Dans ce contexte, il est fort probable que les épargnants qui perçoivent cet environnement économique comme négatif et incertain souscriront à des contrats d’assurance-vie sans risque et préféreront des fonds en euros, au grand dam des assureurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127046/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Samy Mansouri ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les compagnies d’assurance poussent aujourd’hui les clients à opter pour des placements moins sûrs, mais la perception du contexte économique par les ménages complique cette stratégie.Samy Mansouri, Enseignant-chercheur, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1204732019-07-24T19:58:52Z2019-07-24T19:58:52ZConforama, victime des grands chamboulements dans le secteur du meuble<p>Les déboires de Conforama ne peuvent réjouir personne. L’annonce de la <a href="http://www.lefigaro.fr/societes/conforama-va-supprimer-20-de-ses-effectifs-en-france-20190701">fermeture de dizaines de magasins</a>, le 2 juillet dernier, va laisser sur le carreau 1 900 salariés en 2020, soit 20 % des effectifs. Les pouvoirs publics ne peuvent voir que d’un mauvais œil ce qui fut jadis « le pays où la vie est moins chère » traverser de sombres moments.</p>
<p>Bien sûr, pour un observateur extérieur, il est ardu d’expliquer les raisons des défaillances d’une entreprise aussi grande et aussi ancienne. La prudence s’impose. L’échec d’une société résulte toujours d’un mélange complexe et interdépendant de facteurs internes et externes. Pour les facteurs endogènes, seul un auditeur patenté (et encore ?) pourrait expliquer les mécomptes de Conforama. Erreurs d’investissements ? Stratégie erronée ? <a href="https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/economie-proprietaire-de-conforama-le-geant-sud-africain-steinhoff-au-coeur-dun">Conseil d’administration</a> incompétent ? Mauvais positionnement prix ? Ratage du <a href="http://www.lefigaro.fr/societes/2016/04/27/20005-20160427ARTFIG00037-la-fnac-sur-le-point-de-prendre-le-controle-de-darty.php">rachat de Darty</a> ? Les actionnaires, les dirigeants, les salariés et les syndicats doivent débattre sans fin des décisions, parfois des fautes de gestion ou de management, qui ont provoqué les épreuves actuelles.</p>
<p>Cet article tente d’identifier spécifiquement les facteurs exogènes, propres au marché et à l’environnement, qui expliqueraient les déconvenues d’un des leaders de l’ameublement en France. Des facteurs qui peuvent aussi expliquer la <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/entreprises/pourquoi-les-magasins-fly-ferment-les-uns-apres-les-autres-5978442">chute précipitée de l’enseigne Fly</a>, <a href="https://www.distrijob.fr/actualites/emploi/but-pourquoi-le-geant-du-meuble-redonne-de-lespoir-aux-salaries-de-fly/">rachetée fin 2018 par But</a>, concurrent de Conforama qui s’est d’ailleurs <a href="https://www.lopinion.fr/edition/economie/conforama-prevoit-suppression-1-900-postes-en-france-en-2020-191552">porté candidat à son rachat</a> en mars 2019 sans que l’opération n’aboutisse.</p>
<h2>Un marché cyclique où les prix comptent</h2>
<p>Le marché du meuble est un marché extrêmement cyclique. Il est très sensible à l’environnement économique et à la croissance du PIB. D’après l’<a href="http://www.ipea.fr/">IPEA</a> (Institut de prospective et d’études de l’ameublement), le marché aurait décru de 2,7 %, après avoir connu une reprise de trois ans.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/284765/original/file-20190718-116573-1g5znz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/284765/original/file-20190718-116573-1g5znz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/284765/original/file-20190718-116573-1g5znz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/284765/original/file-20190718-116573-1g5znz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/284765/original/file-20190718-116573-1g5znz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/284765/original/file-20190718-116573-1g5znz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/284765/original/file-20190718-116573-1g5znz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/284765/original/file-20190718-116573-1g5znz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Sur ce marché, mis à part des niches dites « haut de gamme », l’immense majorité des ménages se montre très sensible au prix. D’ailleurs, les slogans historiques de Conforama et de But le martelaient : « Le pays où la vie et moins chère » et le « juste prix ». Le marché du meuble connaît, depuis au moins une décennie, une mutation sans précédent sur le plan des comportements d’achat et du rôle statutaire et symbolique que le mobilier occupe dans l’esprit des gens.</p>
<p>Essayons de recenser, par ordre croissant d’importance, les facteurs exogènes pouvant expliquer les ennuis de Conforama. D’abord, les grands distributeurs ont été impactés par l’essor d’Internet et des outils numériques. Le commerce en ligne est en effet un formidable outil de désintermédiation, qui rabote les coûts, baisse les prix et lamine les marges. Amazon, qui a d’ailleurs annoncé le <a href="http://premium.lefigaro.fr/flash-eco/amazon-va-recruter-1800-personnes-en-cdi-en-france-20190702">recrutement de 1 800 personnes</a> en CDI en France le jour même de l’annonce du plan social chez Conforama, s’est ainsi construit un avantage concurrentiel en investissant dans des <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/logistique-les-entrepots-geants-ces-nouvelles-cathedrales-142196">plates-formes logistiques géantes et ultrarobotisées</a> permettant de stocker tout type de biens – y compris des meubles.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Inside An Amazon Warehouse On Cyber Monday » (Un entrepôt d’Amazon vu de l’intérieur lors des grandes promotions du Cyber Monday, vidéo Tech Insider, 2016).</span></figcaption>
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<p>Ensuite, des sites, comme Leboncoin ou eBay, permettent d’acheter très facilement des meubles d’occasion à bon compte. Dans une société où la mobilité et les divorces sont légion, beaucoup hésitent à investir durablement dans le mobilier. Mais c’est surtout l’irruption d’<a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/confo-a-perdu-la-bataille-contre-ikea-1035147">Ikea</a> et sa montée en puissance en France et dans le monde qui a chamboulé le marché.</p>
<h2>L’exploit d’Ikea</h2>
<p>Le numéro un mondial suédois est aussi devenu leader dans l’hexagone, grâce à une stratégie de rupture jouant sur la symbolique même du meuble et transformant ainsi la façon dont les clients achètent des meubles. La <a href="https://www.ikea.com/fr/fr/this-is-ikea/about-us/notre-vision-et-notre-idee-des-affaires-pub9cd02291">vision affichée d’Ikea</a> sur son site est de « créer un meilleur quotidien pour le plus grand nombre ». Sa stratégie est à ranger dans la catégorie « Océan Bleu » décrite en 2005 par W. Chan Kim et Renée Mauborgne, chercheurs à l’INSEAD, selon laquelle une entreprise parvient à se créer un nouvel espace de marché où elle se retrouve face à peu de concurrence (océan bleu), lorsque les autres continuent de s’entre-déchirer à coup de baisses des prix (océan rouge).</p>
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<figcaption><span class="caption">« Comprendre la stratégie Océan Bleu » (vidéo Xerfi canal, 2016).</span></figcaption>
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<p>En effet, sur le marché du meuble, Ikea c’est du « low cost différent ». Grâce à des stockages de meubles à plat, des magasins qui ressemblent à de vastes <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/ikea-les-secrets-d-une-croissance-incassable-446833">hangars bleus et jaunes</a>, généralement éloignés des centres-villes, où le client doit presque tout faire soi-même, des achats de matières et meubles groupés, Ikea parvient à vendre à des prix très compétitifs. La marque suédoise s’est dotée d’une image de bien-être, à moindre coût, originale, conviviale et familiale. Ses magasins proposent cafétérias, espaces pour les enfants, épiceries suédoises, etc.</p>
<p>L’achat chez Ikea se rapproche d’une sortie en famille où l’on va vivre une expérience particulière. Faisant oublier au passage les difficultés pour se garer, circuler dans le labyrinthe imposé, choisir les produits (peu de vendeurs dans les rayons), trouver les emballages sur des étagères haut perchées, attendre aux caisses, transporter les cartons plats, les rentrer dans le véhicule, les ramener dans le logement et les monter soi-même en suivant laborieusement un mode d’emploi parfois sibyllin. C’est le prix à payer (les efforts) pour ne pas payer cher !</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/284944/original/file-20190719-116562-1vxc3cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/284944/original/file-20190719-116562-1vxc3cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/284944/original/file-20190719-116562-1vxc3cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=748&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/284944/original/file-20190719-116562-1vxc3cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=748&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/284944/original/file-20190719-116562-1vxc3cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=748&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/284944/original/file-20190719-116562-1vxc3cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=940&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/284944/original/file-20190719-116562-1vxc3cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=940&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/284944/original/file-20190719-116562-1vxc3cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=940&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Catalogue du printemps 2019.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ikea.com/fr/fr/customer-service/catalogues/">Ikea</a></span>
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<p>Ikea, en outre, a réussi un exploit qui passe inaperçu, mais réel. Son <a href="http://www.cotemaison.fr/on-aime/catalogue-ikea-2019-nouveautes-date-de-sortie_30863.html">très attendu catalogue</a> ne présente pas simplement des meubles et des objets de décoration, mais une ambiance où l’on voit des familles vivre « l’expérience IKEA » en situation. L’exploit réside dans le fait que ce catalogue, conçu comme un magazine de presse spécialisée dans la maison, est destiné à rester posé sur la table du salon pendant dans des mois pour que les clients potentiels le feuillètent et y récoltent des idées d’ameublement ou de décoration ! Ikea ne se contente pas de satisfaire le besoin de meubles, mais suscite le désir de renouveler sans cesse son décor de vie.</p>
<h2>Un lit, ce n’est plus pour la vie</h2>
<p>Ikea a profondément changé la façon dont les gens font leur achat de meubles, vivent leurs meubles et pensent leur meuble. L’entreprise a surfé, voire impulsé, la vague de fond qui a chamboulé le statut du meuble dans notre société. Pendant longtemps, l’ameublement a été réservé à une élite religieuse, politique et économique. L’immense majorité de la population, jusqu’au début du XX<sup>e</sup> siècle, possédait peu ou pas de meubles. Un lit, une table, des chaises et une armoire suffisaient à combler les besoins des gens, contraints par des revenus faibles.</p>
<p>L’ameublement va véritablement décoller en France, <a href="http://www.creil.fr/files/2017/T1/2015_conferencemusee_une-histoire-du-mobilier.pdf">dans les Trente glorieuses</a>, avec tous les autres équipements de la maison, l’électroménager puis la décoration. Mais jusqu’à l’arrivée d’Ikea, le meuble reste un « bien d’équipement », au sens économique du terme. C’est donc, comme les autres biens d’équipement, un achat raisonné, impliquant et onéreux. On achète un meuble quand on en a besoin. On cherche un canapé, et donc un achète un canapé. On change peu de meubles. Les générations se les transmettent. Un lit, c’est pour la vie. Une salle à manger aussi. Les meubles coûtent cher par rapport au salaire de base. Ils sont souvent lourds, massifs, peu faciles à déplacer ou à transporter. Il faut des spécialistes ou d’excellents bricoleurs pour les monter. Avec les nouveaux matériaux puis les délocalisations industrielles en Chine et autres pays émergents, les coûts chutent. Et Ikea fait passer l’ameublement de la catégorie « biens d’équipement » à celle des « biens de consommation ».</p>
<h2>La désacralisation des meubles</h2>
<p>Ikea a donné envie de renouveler plus fréquemment son mobilier et sa décoration. La firme scandinave a désacralisé le meuble. Ce dernier a perdu son statut iconique qui symbolisait la pérennité, la longévité et la stabilité. Ikea donne envie d’en changer plus souvent et suscite l’<a href="https://www.lsa-conso.fr/la-definition-du-jour-achat-d-impulsion,145021">achat d’impulsion</a>. On rentre chez Ikea pour acheter un bureau et on ressort avec le bureau, une bibliothèque, une lampe, des ustensiles de cuisine et un vase, après avoir consommé des boulettes de saumon. On est passé d’un achat rationnel à un achat émotionnel. Ce faisant, le meuble s’est démystifié. À quoi bon investir à grands frais, si l’on déménage ou si l’on veut changer ses meubles plus souvent ?</p>
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<figcaption><span class="caption">« How Ikea gets you to impulsively buy more » (Comment Ikea vous incite à acheter plus, vidéo Vox, 2018).</span></figcaption>
</figure>
<p>Face à un concurrent dont les prix sont très agressifs, Conforama a sans doute manqué le virage du « meuble objet de consommation ». Sa tentative passée de monter en gamme a fait chou blanc. On pourrait résumer le positionnement des grandes enseignes en présence, en fonction de leur prix (accessible ou premium) et de leur style (moderne ou traditionnel) : Conforama et But seraient de « l’accessible traditionnel ». Maison du Monde et Habitat seraient du « premium moderne ». Ikea serait de « l’accessible moderne ». Ce dernier n’aurait fait que concrétiser une mutation plus profonde, celle de la relation que les ménages entretiennent avec leurs meubles. Jusqu’à ce qu’un entrepreneur imaginatif ne vienne à nouveau chambouler le marché.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/120473/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Villemus ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Concurrence d’Internet et d’Ikea, nouveaux comportements des consommateurs… Les transformations structurelles ont mis en difficulté l’ex-numéro français, qui va réduire ses effectifs de 20 %.Philippe Villemus, Professeur chercheur en marketing et leadership, Montpellier Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1155382019-05-16T19:30:53Z2019-05-16T19:30:53ZL’essor des banques panafricaines a d’abord profité aux entreprises et aux ménages les plus riches<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/274137/original/file-20190513-183100-14xq9mt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C7%2C997%2C658&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les banques régionales gèrent aujourd'hui plus d’actifs que les banques locales ou que les autres banques étrangères.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Red Confidential / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>Cet article a été co-écrit par Florian Léon et Alexandra Zins, qui vient de finir sa thèse en gestion à l’Université de Strasbourg sur les banques panafricaines.</em></p>
<hr>
<p>Un changement peu visible mais profond est en cours dans de nombreux pays en développement : la <a href="https://academic.oup.com/rof/article/21/4/1513/2670120">régionalisation des systèmes bancaires</a>. Les banques étrangères ont toujours été des acteurs importants dans de nombreux pays d’Asie, d’Europe centrale, d’Amérique latine et d’Afrique. Cependant ces banques étaient originaires d’Europe occidentale et des États-Unis. Une tendance actuelle est au retrait relatif des banques occidentales au profit des banques des pays émergents, et notamment des banques régionales (banques étrangères issues de pays du même continent).</p>
<p>L’expansion de ces groupes bancaires régionaux s’est accélérée après les difficultés qu’ont connues les banques européennes et américaines lors de la crise de 2008, laissant le champ libre à ces nouveaux acteurs. Mais les conséquences de la régionalisation sur les marchés d’accueil sont encore mal connues. Dans une série de travaux, nous avons étudié ces effets à partir du cas africain.</p>
<h2>Connaissance du terrain</h2>
<p>La situation africaine est particulièrement intéressante à plusieurs niveaux. Premièrement, le continent a été marqué par une rapide expansion des banques régionales qui sont devenues des acteurs majeurs en quelques années seulement.</p>
<p>Les plus grands groupes, tel que Standard Bank Group, Attijariwafa Bank, Ecobank ou United Bank for Africa, sont implantés dans une vingtaine de pays de la région et les banques régionales gèrent plus d’actifs que les banques locales ou que les autres banques étrangères. Ces banques sont issues de plusieurs pôles régionaux, qu’il s’agisse de l’Afrique du Sud (Standard Bank Group), du Kenya (Kenya Commercial Bank Group), du Nigeria (United Bank for Africa, Guaranty Trust bank, Diamond Bank), d’Afrique de l’Ouest francophone (Ecobank, Bank of Africa) ou du Maroc (Attijariwafa, BMCE). Après une expansion vers les pays voisins, ces grandes banques sont sorties de leur zone d’influence pour ouvrir des succursales sur l’ensemble de l’Afrique. Ainsi Ecobank, originaire du Togo, est aujourd’hui présente partout en Afrique.</p>
<p>Deuxièmement, la question de l’efficacité du système financier est cruciale pour ces pays. En raison de la dynamique démographique en cours, les pays africains sont dans l’obligation de stimuler le secteur privé afin de <a href="https://ideas4development.org/la-creation-demplois-en-afrique-viendra-de-plus-en-plus-du-secteur-prive/">créer suffisamment d’emplois</a>. Or, la difficulté de l’accès au financement est l’un des obstacles principaux au développement des entreprises. Les systèmes bancaires africains remplissent aujourd’hui mal cette fonction et l’accès au crédit reste complexe pour la plupart des entreprises et des ménages.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1075220325871353857"}"></div></p>
<p>Une littérature riche a étudié les effets des banques étrangères dans les pays en développement sans pour autant aboutir à un consensus clair. Si les banques étrangères sont plus performantes que les banques locales d’un point de vue technique (meilleure technologie, accès aux fonds plus aisé, etc.), elles souffrent d’un désavantage informationnel. En effet, une banque internationale est mal équipée pour opérer dans un marché dans lequel les clients ne peuvent pas toujours produire des documents écrits (fiches de salaire, bilans comptables certifiés). La connaissance du terrain est cruciale pour pouvoir évaluer correctement les projets soumis. Les banques locales ont l’avantage de cette connaissance, notamment dans les pays les plus pauvres.</p>
<p>Les banques régionales combinent ces deux avantages, technique et informationnel. Leur envergure internationale leur permet d’innover dans des technologies de pointe et d’accéder à des fonds à moindre coût que les banques locales. D’autre part, leur proximité (géographique et/ou culturelle) leur permet d’acquérir une meilleure connaissance du terrain que leurs concurrents occidentaux. À partir du cas des banques régionales africaines, aussi dénommées banques panafricaines, nous étudions les conséquences de l’entrée des banques étrangères régionales sur les marchés d’accueil. L’un des objectifs majeurs des travaux de recherches sur les banques étrangères a souvent été de déterminer si ces dernières étaient capables d’offrir des services financiers à moindre coût que les banques.</p>
<h2>Bénéfices pour les plus aisés</h2>
<p>Les travaux distinguant les banques étrangères régionales des autres banques étrangères (<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0378426617302844">ici</a> ou <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0939362518300232">ici</a>) n’aboutissent pas à des résultats consensuels. Les résultats sont conditionnels à la méthode retenue pour évaluer le coût de production des services financiers.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/273643/original/file-20190509-183109-1lp2lcc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/273643/original/file-20190509-183109-1lp2lcc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/273643/original/file-20190509-183109-1lp2lcc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/273643/original/file-20190509-183109-1lp2lcc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/273643/original/file-20190509-183109-1lp2lcc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/273643/original/file-20190509-183109-1lp2lcc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/273643/original/file-20190509-183109-1lp2lcc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Immeuble de United bank of Africa à Lagos, au Nigeria.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ariyo Olasunkanmi/Shutterstock</span></span>
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<p>Dans un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0264999318313087">travail récent</a>, nous avons étudié les effets de l’entrée des banques panafricaines sur l’accès aux services financiers par les ménages et les entreprises. Nos résultats montrent que les banques panafricaines ont eu un effet modéré sur l’accès aux services financiers des ménages (accès à un compte, à une épargne ou à un crédit). Plus particulièrement, seuls les ménages les plus riches et les mieux éduqués ont su tirer bénéfice de l’entrée des banques panafricaines. Cet effet positif s’explique sans doute par des services financiers fournis par les banques panafricaines qui répondent bien à leur mode de vie et notamment leur mobilité à travers le continent.</p>
<p>L’entrée des groupes régionaux en Afrique a eu en revanche un effet fort sur l’accès aux crédits des entreprises. Nous montrons dans notre étude que la part des entreprises ayant accès à un crédit s’est accrue avec le développement des banques régionales. Notre étude cherche aussi à comprendre les mécanismes par lesquels les banques panafricaines ont amélioré l’accès aux crédits. Il ressort de nos analyses que la principale raison tient aux stratégies agressives déployées par ces banques. Afin de gagner des parts de marché, elles ont été plus flexibles que les banques existantes dans l’octroi de prêts (tant au niveau des documents demandés que des décisions d’acceptation). Ce constat est en phase avec nos travaux ultérieurs montrant que la concurrence bancaire s’est fortement intensifiée suite à l’entrée des banques régionales. Il entre également en résonance avec la densification rapide des réseaux bancaires de ces banques, à la fois en nombre de pays et au sein de chacun des pays.</p>
<h2>Les risques induits par une croissance trop rapide</h2>
<p>Cette quête de croissance, si elle a permis d’améliorer l’accès aux crédits des entreprises, peut s’avérer dangereuse, à l’image des difficultés d’Ecobank. Ecobank a été particulièrement agressive en s’implantant dans 20 nouveaux pays en une dizaine d’années (Ecobank est aujourd’hui implantée dans 35 pays), doublant ses actifs en moins de 5 ans. Ecobank s’est trouvée dans la tourmente à partir du milieu des années 2010 et a connu une crise de gouvernance qui n’est pas sans lien <a href="https://blogs.alternatives-economiques.fr/hassan/2014/03/17/ecobank-pourquoi-le-futur-de-la-grande-banque-africaine-est-un-enjeu-important">avec sa forte croissance</a>.</p>
<p>Or, la situation d’Ecobank n’est pas isolée. D’autres banques souvent issues d’Afrique de l’Ouest (comme United Bank of Africa ou Bank of Africa qui ont ouvert dans plus de 15 pays nouveaux en dix ans) ont également fortement accru leur couverture géographique au cours des dernières années afin de combler l’étroitesse du marche d’origine. De tels phénomènes suscitent des interrogations quant à l’impact de ces acteurs régionaux sur la stabilité financière et économique des pays d’accueil. L’élaboration d’une réglementation adéquate devient un enjeu majeur des régulateurs sur le continent.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/273641/original/file-20190509-183086-1cvtz7u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/273641/original/file-20190509-183086-1cvtz7u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/273641/original/file-20190509-183086-1cvtz7u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/273641/original/file-20190509-183086-1cvtz7u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/273641/original/file-20190509-183086-1cvtz7u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/273641/original/file-20190509-183086-1cvtz7u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/273641/original/file-20190509-183086-1cvtz7u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue du siège d’Ecobank à Kigali, au Rwanda.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jennifer Sophie/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les travaux futurs devront étudier les conséquences en termes de stabilité financière de l’expansion des banques régionales en Afrique. Les banques panafricaines restent de taille modeste, ont un portefeuille peu diversifié, et sont peu capitalisées. Il est peu certain que la plupart d’entre elles soient capables de faire face à une hausse rapide des non-remboursements. Une telle situation pourrait induire un effet domino en raison de l’importance prise par les banques panafricaines sur certains marchés et de la faiblesse de la régulation bancaire transnationale en Afrique. Or, les effets d’une telle crise pourraient s’avérer dramatiques pour les acteurs privés en les coupant durablement de l’accès aux crédits bancaires, comme cela fut le cas lors des <a href="http://www.bibliotheque.auf.org/doc_num.php?explnum_id=530">crises des années 1980 et 1990</a>. Si les acteurs politiques veulent favoriser l’emploi et la croissance, ils devront considérer l’importance du secteur bancaire et de sa régulation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115538/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florian Léon est Research Fellow pour la Ferdi (Fondation pour les Etudes et Recherches sur le Développement International). </span></em></p>Ni locaux, ni internationaux, ces établissements régionaux qui émergent depuis une dizaine d’années n’ont favorisé que modérément l’accès au crédit des plus modestes.Florian Léon, Post doctorant en économie à l'Université du Luxembourg, Research Fellow à la Ferdi, Agence Universitaire de la Francophonie (AUF)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1140952019-04-17T20:19:19Z2019-04-17T20:19:19ZComment atteindre plus d’égalité entre hommes et femmes en Europe ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/269334/original/file-20190415-147514-1xlo3fu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C56%2C1973%2C1341&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les inégalités salariales persistent dans le monde et notamment en Europe. Quels sont les leviers sur lesquels les pouvoirs publics européens peuvent s'appuyer ?</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Selon le <a href="http://reports.weforum.org/global-gender-gap-report-2018/shareable-infographics/">dernier rapport du Forum économique mondial</a>, l’Islande – suivi par le reste des pays nordiques – serait la société la plus égalitaire en Europe, et au monde. Mais les autres pays européens – y compris au sein de l’Union européenne – restent à la traîne.</p>
<p>En effet si les écarts entre hommes et femmes dans les pays de l’OCDE ont diminué pendant les 50 dernières années, les <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/docserver/9789264203426-fr.pdf?expires=1553097607&id=id&accname=ocid195751&checksum=D4594D2815C5D74D87D58F9873588B88">inégalités persistent dans tous les domaines de la vie sociale et économique</a>.</p>
<p>De façon plus générale, à ce rythme il faudra attendre 108 ans pour que l’écart entre les genres se résorbe dans le monde.</p>
<p>Quels sont les leviers sur lesquels les pouvoirs publics européens peuvent s’appuyer ?</p>
<h2>Les femmes toujours inégales face aux rémunérations et carrières</h2>
<p>Si les femmes font des études plus longues que les hommes, elles sont moins susceptibles d’étudier dans les domaines lucratifs et participent moins souvent à l’emploi.</p>
<p>Lorsqu’elles travaillent, elles gagnent moins que les hommes et restent sous-représentées aux fonctions de direction : en moyenne, dans la zone OCDE, les femmes salariées médianes gagnent <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/docserver/9789264203426-4-fr.pdf">15 % de moins</a> que leurs homologues masculins, et n’occupent que <a href="https://stats.oecd.org/index.aspx?queryid=54753&lang=fr">22 % des postes au conseil d’administration</a>.</p>
<p>Malgré des efforts, les <a href="https://doi.org/10.1787/9789264300040-en">inégalités de salaire restent importantes</a>, et ce y compris dans les pays nordiques. Ces écarts se creusent avec l’âge, notamment parce que la <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/docserver/9789264203426-fr.pdf?expires=1553097607&id=id&accname=ocid195751&checksum=D4594D2815C5D74D87D58F9873588B88">maternité a des effets négatifs sur la rémunération et la progression des carrières</a>, les femmes continuant à supporter la majorité des tâches domestiques et de garde d’enfants.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/268380/original/file-20190409-2898-1o4stk3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/268380/original/file-20190409-2898-1o4stk3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/268380/original/file-20190409-2898-1o4stk3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=531&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/268380/original/file-20190409-2898-1o4stk3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=531&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/268380/original/file-20190409-2898-1o4stk3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=531&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/268380/original/file-20190409-2898-1o4stk3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=667&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/268380/original/file-20190409-2898-1o4stk3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=667&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/268380/original/file-20190409-2898-1o4stk3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=667&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Top 10 de l’indice mondial de l’écart salarial entre les sexes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www3.weforum.org/docs/WEF_GGGR_2018.pdf">Global Gender Gap Report 2018, World Economic Forum</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Quelle politique de l’aide ?</h2>
<p>Face à ces enjeux, les pays cherchent à réduire les inégalités en matière d’éducation, d’emploi, d’entrepreneuriat et de vie publique, notamment à travers les politiques d’aide à la conciliation entre travail et vie familiale.</p>
<p>Les pays nordiques occupent les quatre premières places sur l’<a href="http://www3.weforum.org/docs/WEF_GGGR_2018.pdf">indice mondial de l’écart entre les sexes</a> avec un indice autour de 0,83 tandis que la France occupe la 12<sup>e</sup> place, avec un indice de 0,77.</p>
<p>Cela est en partie dû aux politiques universelles en matière de garde d’enfants et de congés parentaux généraux.</p>
<p>Mais ces congés ont-ils vraiment l’effet escompté ?</p>
<p>La France occupe une place plutôt favorable par rapport aux autres pays en matière d’emploi des femmes et des aides pour concilier travail et vie familiale. Ce n’est pas le cas de <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/01/26/conge-parental-europeen-un-petit-pas-pour-l-europe-sociale_5414958_3234.html">sept pays de l’Union européenne qui ne rémunèrent pas du tout le congé parental</a> : le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Irlande, la Grèce, les Pays-Bas et Chypre.</p>
<h2>Les pays scandinaves, chefs de file des quotas « mère et père »</h2>
<p>À l’inverse, les pays scandinaves sont devenus des chefs de file dans le développement d’une politique familiale et d’égalité des genres moderne. Ils ont été les premiers à introduire les quotas dits « mère et père », c’est-à-dire un quota de congé <a href="https://www.persee.fr/doc/caf_2431-4501_2016_num_122_1_3159">réservé au père distinct de celui de la mère</a> et l’impliquant à parti entière dans le cadre des systèmes de congés parentaux rémunérés selon les données de l’<a href="https://doi.org/10.1787/9789264300040-en">OCDE</a>.</p>
<p>La <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/01/26/conge-parental-europeen-un-petit-pas-pour-l-europe-sociale_5414958_3234.html">Suède</a> possède la politique de congés parentaux la plus généreuse au monde. Chaque parent dispose de 480 jours par enfants à répartir entre les parents, sous réserve de 90 jours qui ne sont pas transférables d’un parent à l’autre.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/269328/original/file-20190415-147508-8o3gbb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/269328/original/file-20190415-147508-8o3gbb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/269328/original/file-20190415-147508-8o3gbb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/269328/original/file-20190415-147508-8o3gbb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/269328/original/file-20190415-147508-8o3gbb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/269328/original/file-20190415-147508-8o3gbb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/269328/original/file-20190415-147508-8o3gbb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pères suédois, Skanse, près de Stockholm 2009.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/34325628@N05/3695230988">Chris Goldberg/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La Suède est aussi le pays qui rémunère le mieux les parents. Ainsi le congé parental ouvre droit à un revenu correspondant à 80 % du salaire antérieur, pendant les treize premiers mois, tout en bénéficiant de la garantie du retour à son poste.</p>
<p>Mais il faut toutefois avoir travaillé au moins huit mois avant l’arrêt, ce qui incite donc fortement à s’intégrer sur le marché du travail avant d’avoir des enfants. Même logique en Allemagne : si les deux parents prennent le congé, ils ont droit à deux mois supplémentaires. Pareil au <a href="https://www.persee.fr/doc/caf_2431-4501_2016_num_122_1_3161">Portugal</a>, où la dernière réforme de 2009 a introduit un système de « bonus » d’un mois si le couple partage le congé parental « initial » de cinq mois, ce qui permet au père de prendre un ou plusieurs mois de congé seul payé à 83 %.</p>
<p><a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/01/26/conge-parental-europeen-un-petit-pas-pour-l-europe-sociale_5414958_3234.html">L’Islande</a> a un modèle plus égalitaire avec un congé parental de neuf mois, dont un tiers est réservé à la mère, un tiers au père et un tiers partageable entre les deux, avant les dix-huit mois de l’enfant. Il est rémunéré à 80 % pour tout salaire en dessous de 1 260 euros et 75 % pour les salaires supérieurs.</p>
<p>En <a href="https://www.weforum.org/agenda/2018/12/nordic-countries-women-equality-gender-pay-gap-2018/">Norvège</a>, depuis 2013, les mères et les pères sont obligés de prendre un congé de travail d’au moins 14 semaines après la naissance d’un enfant.</p>
<h2>En France, un soutien plus traditionnel</h2>
<p>En France, le <a href="http://dx.doi.org/10.1111/j.1728-4457.2011.00390.x">soutien aux familles est considéré comme plus traditionnel</a>. La fiscalité n’est pas conçue pour encourager la participation des deux parents au marché du travail et le congé parental n’est que très faiblement rémunéré (<a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/05/14/a-bruxelles-la-france-s-oppose-a-un-conge-parental-mieux-remunere_5298434_3214.html">moins de 400 euros par mois, contre 950 euros pour les congés maladie</a>). La raison pour laquelle uniquement 4 % de pères français profitent de leur congé parental.</p>
<p>Les modèles nordiques ont donc inspiré un projet européen de directive sur la conciliation entre vie privée et vie professionnelle destinée à favoriser un meilleur partage des responsabilités familiales entre les femmes et les hommes.</p>
<h2>Repenser le congé parental : La France s’oppose</h2>
<p>La directive proposée par la Commission européenne en 2017 porte sur une harmonisation européenne du congé parental et un congé mieux rémunéré. La <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/05/14/a-bruxelles-la-france-s-oppose-a-un-conge-parental-mieux-remunere_5298434_3214.html">directive</a> « équilibre entre vie professionnelle et vie privée » propose que chacun des parents ait droit à quatre mois de congés rémunérés à hauteur des indemnités maladie.</p>
<p>Cependant, et notamment en raison de l’<a href="https://www.lesechos.fr/21/06/2018/lesechos.fr/0301857797894_conge-parental---la-france-obtient-de-bruxelles-une-reforme-a-bas-cout.htm">opposition de la France</a>, pour des raisons financières, la durée minimale du congé non transférable a été réduite de 4 à 2 mois ainsi que la durée minimale d’indemnisation (de 4 à 1,5 mois).</p>
<p>Ce projet, reposant sur le <a href="https://theconversation.com/et-si-la-france-repensait-le-conge-paternite-et-offrait-enfin-plus-degalite-aux-femmes-109986">principe de faire dépendre les droits à la sécurité sociale</a> est au cœur des systèmes scandinaves qui explique la réussite relative de ces pays en termes d’égalité des genres.</p>
<h2>Quels résultats ?</h2>
<p>En matière d’emploi, les politiques familiales dans les pays nordiques contribuent à créer des écarts relativement faibles entre les sexes en matière de participation sur le marché du travail. À l’exception du Danemark, les <a href="https://doi.org/10.1787/9789264300040-en">écarts sont inférieurs à 5 points de pourcentage</a> ce qui semble plutôt positif en terme d’accès égal au marché du travail.</p>
<p>La France figure aussi étonnement, malgré une politique moins égalitaire parmi les pays les plus performants avec un écart de <a href="https://doi.org/10.1787/9789264300040-en">7,9 points de pourcentage</a>, inférieur à la moyenne de l’OCDE.</p>
<p>L’Allemagne affiche un écart plus élevé que la France mais reste parmi les pays modérément performants. À l’inverse, l’Italie affiche un écart de <a href="https://doi.org/10.1787/9789264300040-en">20 points de pourcentage</a> qui la place parmi les pays les moins performants.</p>
<p>L’Allemagne apparaît donc comme moins égalitaire que la France, mais plus égalitaire que l’Italie.</p>
<p>Cependant, au-delà des faibles écarts de participation sur le marché du travail entre les hommes et les femmes, qui sous-entendrait une hausse des égalités, ces dernières demeurent moins favorisées que les hommes quant à la progression de leur carrière et restent sous-représentées aux postes de décisionnaires et gestionnaires.</p>
<h2>Le plafond de verre persiste</h2>
<p>Au Danemark, par exemple, les femmes représentent environ 27 % des gestionnaires, alors qu’elles constituent 47 % de la population active. <a href="https://doi.org/10.1787/9789264300040-en">La proportion de femmes parmi les gestionnaires</a> est plus élevée en Finlande (34 %) et plus encore en Islande, en Norvège et en Suède (38-39 %), avec une <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SL.TLF.TOTL.FE.ZS?locations=DK-FI-NO-SE&view=chart">part des femmes parmi la population active autour de 47 %</a>.</p>
<p>En France, cette part est de 33 % et la moyenne de l’OCDE est de 32 %.</p>
<p>Ce phénomène pourrait être attribué à la <a href="https://www.nytimes.com/2017/07/21/sunday-review/women-ceos-glass-ceiling.html">persistance des stéréotypes genrés</a> selon lesquels les femmes sont considérées comme moins capables d’occuper des postes de responsabilité.</p>
<p>En termes d’attitude égalitaire, les hommes nordiques semblent avoir des opinions et des comportements plus égalitaires qu’ailleurs.</p>
<blockquote>
<p>« un père doit mettre sa carrière avant de s’occuper de son jeune enfant » :</p>
</blockquote>
<p>Cette affirmation semblerait être désormais remise en question par plus de 59 % des hommes au <a href="https://eige.europa.eu/gender-statistics/dgs/indicator/ta_attperc_equal__eb_spec_workwomen/datatable">Danemark, et 77 % en Suède</a> qui souscrivent, au moins en partie, aux déclarations égalitaires fondées sur le sexe telles que</p>
<blockquote>
<p>« l’égalité entre hommes et femmes est un droit fondamental ».</p>
</blockquote>
<p>Les différences de contextes historiques et sociopolitiques en termes de politiques familiales peuvent expliquer ces écarts d’attitudes. Les États providences nordiques caractérisés par un <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/0001699306071680">« féminisme étatique »</a>, offrent un soutien plus ancien et plus étendu à la garde d’enfants que les autres pays européens.</p>
<h2>L’impact réel du congé parental</h2>
<p>Bien que le congé parental pour les hommes comme pour les femmes est un instrument important pour promouvoir une égalité femmes-hommes, il ne résout pas complètement le problème des inégalités professionnelles.</p>
<p>S’il permet aux femmes de participer plus au marché du travail, les inégalités salariales persistent. C’est ce que montrent les économistes <a href="https://wpcarey.asu.edu/sites/default/files/child_penalty_same_sex_couples_new.pdf">Martin Andersen et Emily Nix</a> (2018) qui trouvent que les femmes des couples hétérosexuels subissent une baisse moyenne de revenu d’environ 22 % après la naissance du premier enfant et que cette baisse persiste dans le temps, alors que leur partenaire masculin ne subit aucune pénalité dans le revenu.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/269378/original/file-20190415-147499-y49ybv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/269378/original/file-20190415-147499-y49ybv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=938&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/269378/original/file-20190415-147499-y49ybv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=938&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/269378/original/file-20190415-147499-y49ybv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=938&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/269378/original/file-20190415-147499-y49ybv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1178&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/269378/original/file-20190415-147499-y49ybv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1178&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/269378/original/file-20190415-147499-y49ybv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1178&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La Crèche par Henri Jules Jean Geoffroy (1899).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cr%C3%A8che_(enfant)#/media/File:00059-A-creche.jpg">Ricardo André Frantz</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette pénalité subie par les femmes est due en grande partie aux <a href="https://wpcarey.asu.edu/sites/default/files/child_penalty_same_sex_couples_new.pdf">préférences et aux normes de genre</a> qui renforcent les rôles traditionnels des genres et font que les femmes continuent à travailler moins d’heures et à occuper des emplois moins rémunérateurs et favorables à la famille quand elles commencent à avoir des enfants.</p>
<h2>Palier l’inégalité persistante des salaires</h2>
<p>Deux politiques pourraient pallier cette inégalité consistante : le congé paternité et les soins subventionnés à la petite enfance. L’accès subventionné à des services de garde de haute qualité peut réduire la pénalité relative à l’enfant en fournissant aux ménages un substitut viable au temps passé par la mère à la maison.</p>
<p>En effet, si le congé paternité n’a pas eu d’impact sur le revenu des mères en <a href="https://wpcarey.asu.edu/sites/default/files/child_penalty_same_sex_couples_new.pdf">Norvège entre 2005 et 2014</a>, c’est parce qu’en ciblant les pères, la politique ne s’avère pas suffisante pour permettre aux mères de réduire le temps passé à la maison. À l’inverse, l’impact de l’accès à des services de garde de haute qualité sur les pénalités imposées aux parents à l’égard des enfants est positif sur le revenu de travail des mères.</p>
<p>D’autres <a href="https://www.henrikkleven.com/uploads/3/7/3/1/37310663/klevenetal_aea-pp_2019.pdf">études</a> montrent que l’ampleur des pénalités infligées aux femmes à la suite de la naissance d’un enfant est corrélée aux normes de genre établies qui influencent les préférences des femmes en matière de famille et de carrière. À travers le monde, une <a href="https://www.nber.org/papers/w24219.pdf">majorité d’hommes et de femmes</a> sont d’avis que les femmes ne devraient pas travailler à plein temps tant qu’elle a des enfants à la maison, et cette pénalité est transmise de génération en génération.</p>
<p>Comme montré en Suède et au Danemark, des politiques en faveur de l’égalité peuvent modifier ces normes culturelles au fil du temps. Mais la politique ne suffirait pas à elle seule à surmonter les inégalités entre les sexes. Cela nécessiterait des changements de comportement, y compris de la part des hommes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/114095/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ce projet a reçu le soutien de la Chaire pour l'entrepreneuriat des femmes, dont les partenaires sont La Fondation CHANEL, Goldman Sachs, le Fonds AXA pour la Recherche et la Fondation PepsiCo</span></em></p>Les pays nordiques dominent les indices d’égalité de genre grâce à leurs politiques en matière de garde d’enfants et de congés parentaux généraux. Mais ces congés ont-ils vraiment l’effet escompté ?Rawane Yasser, Assistante de recherche sur la Chaire pour l'Entrepreneuriat des femmes, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1121712019-02-25T21:03:43Z2019-02-25T21:03:43ZLa culture matérielle des « gilets jaunes », une lecture anthropologique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/259982/original/file-20190220-148509-z6xxnp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C4%2C986%2C661&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'analyse de l'évolution de la classe moyenne au niveau mondial peut aider à mieux comprendre le mouvement des « gilets jaunes » en France. </span> <span class="attribution"><span class="source">Mathis Boussuge / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Toutes les analyses dans les journaux, la radio et la télévision l’ont bien montré, le mouvement des « gilets jaunes » est socialement et politiquement <a href="https://www.bfmtv.com/societe/gilets-jaunes-une-grogne-eparse-heterogene-et-disparate-selon-les-services-de-renseignement-1571566.html">hétérogène</a>. Et pourtant le mouvement a été soutenu pendant longtemps par près de <a href="https://www.nouvelobs.com/politique/20181219.OBS7415/70-des-francais-approuvent-toujours-les-gilets-jaunes.html">70 % des Français</a>. L’enquête anthropologique, qui repose sur une l’accumulation d’observations qualitatives plutôt que sur une méthodologie déductive, montre que, derrière l’hétérogénéité sociale, la culture matérielle fait apparaître une communauté de pratiques et de problèmes à résoudre propres à la classe moyenne la moins favorisée en France et dans le monde.</p>
<p>L’analyse présentée ici s’appuie à la fois sur des observations qui ont été faites dans les livings, les cuisines, les salles de bains ou les jardins, en France, en Chine, au Brésil ou aux États-Unis, depuis 1990, et sur les reportages audio et visuels présentés depuis novembre 2018. Dès 2011, avec la montée des dépenses contraintes, on pouvait observer ce que j’ai appelé <a href="http://www.argonautes.fr/2011-04-d-desjeux-classe-moyenne-mondiale-le-chasse-croise/">« le chassé-croisé des classes moyennes mondiales »</a> dont les « gilets jaunes » en sont, pour une part, la résultante.</p>
<h2>La peur de la panne</h2>
<p>Le mouvement des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/gilets-jaunes-62467">« gilets jaunes »</a> tient son unité symbolique à un objet matériel, le gilet obligatoire de sécurité jaune fluo dont le prix peut varier de 3 à 7 euros. Sa symbolique est simple et forte : comment être mieux vue quand on est avec sa voiture sur le bas-côté de la route suite à un accident ou à une panne.</p>
<p>La peur de la panne et la crainte d’un accident de la vie, comme le chômage ou une séparation conjugale, sont au cœur des inquiétudes de la vie de la classe moyenne à revenu tendu et irrégulier, dont les « gilets jaunes » dans leur diversité en sont l’expression. La panne menace la plupart des budgets familiaux dont l’équilibre tient bien souvent à l’existence d’un ou plusieurs crédits. Les pannes les plus critiques portent sur quatre objets : celle de la machine à laver qui conditionne l’organisation de la vie domestique, celle du réfrigérateur qui contribue à la gestion des courses alimentaires, celle de la chaudière, au fioul, au gaz ou au bois, qui permet de se chauffer et d’avoir de l’eau chaude et celle de la voiture sans laquelle certains ne pourraient pas aller au travail, conduire les enfants à l’école et à leur activité de loisir, faire les courses et remplir le caddie.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/259955/original/file-20190220-148520-bbqvhy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/259955/original/file-20190220-148520-bbqvhy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/259955/original/file-20190220-148520-bbqvhy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/259955/original/file-20190220-148520-bbqvhy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/259955/original/file-20190220-148520-bbqvhy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/259955/original/file-20190220-148520-bbqvhy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/259955/original/file-20190220-148520-bbqvhy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La voiture fait partie des objets dont la panne est la plus redoutée par les ménages.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Patat/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Toutes ces incertitudes qui se traduisent par des dépenses imprévues constituent comme un fonds commun à l’hétérogénéité politique et sociale des « gilets jaunes » et des Français qui se reconnaissent dans le mouvement, au moins entre novembre et décembre 2018. Consommation, vie quotidienne et image positive de soi sont en permanence menacée par les <a href="https://theconversation.com/la-dependance-energetique-source-dinegalites-entre-les-menages-francais-108212">coûts de l’énergie</a> (essence, gasoil, gaz, électricité) dont dépendent le chauffage, l’eau chaude, la voiture, l’entretien du jardin, les pratiques de bricolage et les technologies de la communication. </p>
<p>Selon l’<a href="https://www.credoc.fr/download/pdf/4p/219.pdf">Insee</a>, les coûts alimentaires qui, bien qu’ils aient baissé en moyenne dans le budget des ménages de 27 % en 1960 à 15 % aujourd’hui, pèsent beaucoup plus fort sur les revenus les plus bas. À l’inverse, les coûts du logement dans la part du budget sont passés de 8 % à 20 % en 50 ans, et peuvent atteindre 50 % pour les ménages aux revenus les plus bas. La communication digitale représentait moins de 1 % du budget en 1960, puisqu’elle était presque inexistante en dehors de la télévision et du téléphone fixe. Elle atteint 8 % en moyenne aujourd’hui et monte 17 % pour les budgets des plus pauvres, avec l’ordinateur, le téléphone mobile, les tablettes, la télévision et les consoles de jeux.</p>
<p>Quand une dépense de consommation de la classe moyenne à bas revenu dépasse la moyenne de celle de la population, elle est l’indicateur que l’on a à faire à une dépense contrainte socialement, ce qui est un peu plus large que le terme de dépenses préengagées des économistes qui ne tiennent pas compte de la pression des enfants, de l’importance des réseaux numériques ou du sentiment de rejet social quand certains ont l’impression de ne pas pouvoir tenir leur rang dans le mouvement général de la consommation.</p>
<h2>Changement des modes de vie</h2>
<p>Cette pression est très visible dans le living, la pièce à vivre, qui dans les années 1960 soit n’existait pas, soit représentait une pièce plus formelle, le « salon ». C’est le lieu qui depuis les années 2000 concentre une grande partie des écrans utilisés par la famille de la télévision aux jeux vidéo. On y trouve le « salon complet », avec le canapé, la bibliothèque et le meuble pour la télévision, achetés à crédit. Un insert à bois y a souvent été installé pour économiser l’énergie. Pour les familles monoparentales, le living, la cuisine, la salle de bain et la chambre à coucher peuvent ne faire qu’une seule pièce.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/259961/original/file-20190220-148533-1nl0q9q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/259961/original/file-20190220-148533-1nl0q9q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/259961/original/file-20190220-148533-1nl0q9q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/259961/original/file-20190220-148533-1nl0q9q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/259961/original/file-20190220-148533-1nl0q9q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/259961/original/file-20190220-148533-1nl0q9q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/259961/original/file-20190220-148533-1nl0q9q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Depuis les années 2000, le salon concentre une grande partie des écrans utilisés par la famille.</span>
<span class="attribution"><span class="source">ThomasDeco/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Depuis 2000, la dynamique générale consumériste qui avait démarré dans les années 1920 aux États-Unis et 1950 en Europe de l’Ouest, s’est déplacée de l’Ouest vers l’Est, avec la montée d’une nouvelle classe moyenne mondiale qui représente près de 2 milliards de personnes aujourd’hui et 5 milliards dans une trentaine d’années. Elle se trouve principalement en Asie et en Asie du Sud-Est, avec la Chine, l’Inde et l’Indonésie, mais aussi ailleurs avec le Brésil, le Mexique, la Russie, l’Afrique du Sud, l’Éthiopie, la Turquie ou Israël. Entre 2000 et 2008, les cours du soja <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2008/05/BAILLARD/15864">ont explosé</a> parce que la classe moyenne chinoise s’est mise à manger de la viande, ce qui a pesé directement sur les coûts de production du porc en France. Les changements de la consommation et des modes de vie déterminent maintenant les changements de société, de la production à la distribution, aux usages des biens et services et à leurs effets sur la pollution, le réchauffement climatique et les risques de guerre.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-metamorphoses-du-consommateur-producteur-distributeur-72162">Les métamorphoses du consommateur-producteur-distributeur</a>
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<p>Le renversement du champ de force au sein de la mondialisation, plus que sa nouveauté, puisqu’elle a existé depuis les débuts de l’humanité, donne un des sens possibles de la revendication des « gilets jaunes » qui se demandent ce qu’ils deviennent dans cet immense maelstrom incontrôlable et avec une mobilité de plus en plus limitée et chère.</p>
<h2>Les grandes contradictions</h2>
<p>On comprend cette hésitation quand on est conscient que le nouveau contrat social doit prendre en compte quatre grandes contradictions qui paraissent insolubles : celle de l’augmentation du pouvoir d’achat et en même temps celle d’une consommation plus économe, celle d’un soutien aux entreprises pour qu’elles produisent plus de valeur tout en mobilisant moins de matières premières et d’énergie fossiles, celle d’une diminution de la pression fiscale et des dépenses de l’État tout en améliorant la qualité des services administratifs, celle d’une plus grande autonomie locale sans que cela conduise à plus de dépenses de l’État ou à plus de dérogations sur les permis de construire qui concourent à l’ampleur des catastrophes dites naturelles ou la limitation de la vitesse sur les routes mortellement dangereuses.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1097638678724296712"}"></div></p>
<p>Paradoxalement la solution à tous ces problèmes ne tient pas tant d’un « manque de démocratie », quand on voit le nombre de réunions municipales, d’associations, d’États généraux ou de conférences de citoyens qui se sont tenues à travers la France depuis plusieurs dizaines d’années. La solution ne vient pas non plus de son corollaire, le « mépris des élites », mais plutôt d’un manque de méthode, celle qui permettrait d’augmenter les capacités de négociation entre les acteurs pour les amener à construire des compromis acceptables, comme cela se fait dans les pays scandinaves ou en Allemagne. L’urgence écologique, la concurrence internationale et la menace populiste autoritaire peuvent amener les Français à accélérer ce processus d’apprentissage qui autrement demande au moins une génération.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/259964/original/file-20190220-148513-kz4y9o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/259964/original/file-20190220-148513-kz4y9o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=851&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/259964/original/file-20190220-148513-kz4y9o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=851&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/259964/original/file-20190220-148513-kz4y9o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=851&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/259964/original/file-20190220-148513-kz4y9o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1070&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/259964/original/file-20190220-148513-kz4y9o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1070&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/259964/original/file-20190220-148513-kz4y9o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1070&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Dominique Desjeux est l’auteur du livre « L’empreinte anthropologique du monde. Méthode inductive illustrée » sur la montée de la classe moyenne mondiale publié aux Éditions Peter Lang (2018).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/112171/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dominique Desjeux a reçu des financements d'enquêtes de terrain pour Pernod Ricard, Danone, L’Oréal, Chanel, EDF, Bouygues Telecom, La FDJ, l'ADEME, Lego et de nombreuses autres entreprises, ONG et administrations pour des enquêtes en Chine, à Singapour, à Taïwan, au Brésil, aux États-Unis, en France, en Grande Bretagne, en Espagne, au Danemark et en Afrique</span></em></p>L’approche anthropologique permet de révéler des pratiques et des problématiques communes dans un mouvement particulièrement hétérogène.Dominique Desjeux, Professeur émérite en anthropologie, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1107382019-02-05T20:57:19Z2019-02-05T20:57:19ZGagnants et perdants des réformes fiscales du début du quinquennat<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/256324/original/file-20190130-108367-vt8euc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C4%2C985%2C661&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le budget 2019 implique une hausse globale de pouvoir d’achat de 8,8 milliards d’euros.</span> <span class="attribution"><span class="source"> EQRoy / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est tiré de la note <a href="https://www.ipp.eu/wp-content/uploads/2019/01/n37-notesIPP-janvier2019.pdf">« Budget 2019 : quels effets pour les ménages ? »</a> signée de Mahdi Ben Jelloul, économiste à l’IPP, Antoine Bozio, directeur de l’IPP, maître de conférences à l’EHESS et professeur associé à l’École d’économie de Paris, Thomas Douenne, doctorant à l’École d’Économie de Paris et à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et doctorant affilié à l’IPP, Brice Fabre, économiste à l’IPP, et Claire Leroy, économiste à l’IPP.</em></p>
<hr>
<p>En 2019, une large partie des ménages devrait enregistrer un gain de 1 % de leur revenu disponible. C’est ce qu’il ressort de l’analyse des grandes réformes socio-fiscales portant sur les ménages menée par l’Institut des politiques publiques (IPP) publiée dans une note intitulée <a href="https://www.ipp.eu/actualites/note-ipp-n37-budget-2019-quels-effets-pour-les-menages/">« Budget 2019 : quels effets pour les ménages ? »</a>.</p>
<p>Cette note évalue les effets redistributifs des mesures affectant les prélèvements obligatoires et les prestations sociales des ménages qui figurent dans le budget 2019, le budget 2018, ainsi que les mesures annoncées en décembre à la suite du mouvement des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/gilets-jaunes-62467">« gilets jaunes »</a> (ces mesures « d’urgence » représentant à elles seules un gain de pouvoir d’achat de 0,8 % en moyenne pour l’ensemble des ménages).</p>
<h2>Hétérogénéité</h2>
<p>Le budget 2019 propose une baisse concomitante des prélèvements obligatoires (–10,2 milliards d’euros selon le gouvernement) et des prestations sociales (–1,4 milliard d’euros), ce qui implique une hausse globale de pouvoir d’achat de 8,8 milliards d’euros pour 2019. Cette hausse est précédée par une année 2018 caractérisée par la stabilité du pouvoir d’achat des ménages au niveau agrégé, toujours selon les prévisions du gouvernement.</p>
<p>Néanmoins, ces effets agrégés masquent une forte hétérogénéité. Lorsque l’on considère l’ensemble des mesures socio-fiscales prises depuis le début du quinquennat (c’est-à-dire les mesures entrées en vigueur en 2018 ou 2019), les actifs voient en moyenne leur revenu disponible augmenter de 2,4 %, notamment du fait de la <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/dossiers/030373858612/030373858612-csg-ce-que-veut-faire-macron-2092842.php">bascule des cotisations sociales en CSG</a> et de la <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/gilets-jaunes/quatre-questions-sur-la-prime-d-activite-dont-macron-veut-se-servir-pour-augmenter-les-salaries-au-smic_3094947.html">revalorisation de la prime d’activité</a>.</p>
<p>Une large classe moyenne va également disposer d’un supplément de revenu lié à l’exonération de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu sur les heures supplémentaires, mais dans une moindre mesure. Les ménages concernés par la <a href="http://www.leparisien.fr/economie/impots/pouvoir-d-achat-nouvel-allegement-de-la-taxe-d-habitation-en-novembre-24-01-2019-7995630.php">baisse de la taxe d’habitation</a> voient également leur revenu s’accroître.</p>
<p>Enfin, les 1 % des ménages les plus aisés voient leur pouvoir d’achat augmenter de manière relativement importante. Pour ces ménages, leur revenu disponible augmente en moyenne de 6,4 % du fait du remplacement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par l’<a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/dossiers/030655430833/030655430833-ifi-le-nouvel-isf-version-macron-2119468.php">impôt sur la fortune immobilière (IFI)</a>.</p>
<h2>Les retraités aisés mis à contribution</h2>
<p>Les retraités voient en moyenne leur revenu disponible baisser, en particulier ceux appartenant aux 20 % des ménages les plus aisés. Ces derniers sont mis à contribution, avec une perte moyenne de 3 % de leur revenu disponible. Ces pertes concentrées au niveau des retraités les plus aisés s’expliquent principalement par la sous-revalorisation des pensions de retraite, la hausse de la CSG, et la non-éligibilité de ces retraités à la baisse de la taxe d’habitation. Quant aux retraités touchant une pension inférieure à 2 000 euros mensuels, la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000037851899&categorieLien=id">loi portant mesures d’urgence économiques et sociales</a> de décembre 2018 annule la hausse de CSG introduite en 2018, limitant leur perte de revenu.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/257196/original/file-20190205-86228-1jped09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/257196/original/file-20190205-86228-1jped09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/257196/original/file-20190205-86228-1jped09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/257196/original/file-20190205-86228-1jped09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/257196/original/file-20190205-86228-1jped09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/257196/original/file-20190205-86228-1jped09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/257196/original/file-20190205-86228-1jped09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/257196/original/file-20190205-86228-1jped09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Effets cumulés des budgets 2018 et 2019 : décomposition par mesure/Lecture : en moyenne, pour les ménages du 50ᵉ centile de revenu disponible par unité de consommation, les mesures des budgets 2018 et 2019 relatives aux cotisations sociales augmentent le revenu disponible de 2,3 %, et celles relatives aux prélèvements sociaux le diminuent de 1,5 %.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ipp.eu/wp-content/uploads/2019/01/n37-notesIPP-janvier2019.pdf"> « Budget 2019 : quels effets pour les ménages ? », Note de l’IPP n°37.</a></span>
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</figure>
<p>Enfin, pour certaines catégories de la population, les effets des mesures gouvernementales sont de relativement faible ampleur. C’est le cas notamment des ménages les plus modestes : ces ménages ne bénéficient pas des grandes mesures de soutien au pouvoir d’achat portant sur la prime d’activité ou les heures supplémentaires, puisque la plupart d’entre eux ne sont pas en activité. Les deux réformes principales qui les concernent sont la <a href="https://www.capital.fr/votre-argent/cheque-energie-montant-bareme-plafond-conditions-2019-1261779">hausse du chèque énergie</a> de 50 euros et son extension, ainsi que la <a href="https://www.lesechos.fr/22/10/2018/lesechos.fr/0600003183101_le-quasi-gel-des-prestations-sociales-economisera-pres-de-7-milliards.htm">sous-revalorisation</a> des prestations sociales (aides au logement, prestations familiales). Les effets de ces deux mesures se compensent en moyenne, d’où les faibles effets redistributifs observés pour les 10 % des ménages les plus modestes.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=121&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=121&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=121&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=152&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=152&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=152&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Créé en 2007 pour favoriser le partage des connaissances scientifiques sur les questions de société, AXA Research Fund soutient plus de 600 projets à travers le monde portés par des chercheurs de 54 nationalités. Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site du AXA Research Fund <a href="https://www.axa-research.org">axa-research.org</a> ou <a href="https://twitter.com/axaresearchfund">@AXAResearchFund</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110738/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Brice Fabre a reçu des financements du fonds AXA pour la recherche.</span></em></p>Jusqu’à présent, la politique budgétaire favorise les actifs et met à contribution les retraités aisés.Brice Fabre, Economiste, Paris School of Economics – École d'économie de ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1099122019-01-27T20:45:57Z2019-01-27T20:45:57Z« Ma coiffeuse galère », ou la vie des entrepreneurs au quotidien<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/254977/original/file-20190122-100288-qvm0kn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=33%2C0%2C4465%2C2995&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Rendez-vous chez la coiffeuse. Même en vérifiant ses comptes et limitant ses dépenses, une coiffeuse indépendante est souvent à découvert.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/93243867@N00/8360730860"> Tobias Nordhausen/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est issu d’un travail de recherche mené par Théo Mainbourg et Manon Petit, étudiants de troisième année de sociologie de l’université Paris Est Marne-la-Vallée dirigés par Hélène Ducourant (LATTS), dans le <a href="https://enquetesurendettementsociologieupem.wordpress.com/">cadre d’enquêtes de terrain</a> destinées à éclairer les difficultés budgétaires des ménages, actuellement au cœur de la crise des « gilets jaunes ».</em></p>
<hr>
<p>A quoi ressemble le quotidien d’un <a href="https://www.cairn.info/dictionnaire-sociologique-de-l-entrepreneuriat--9782724616408.htm">petit entrepreneur</a> ? Pour répondre à cette question, <a href="https://enquetesurendettementsociologieupem.wordpress.com/2018/08/26/enquete-aupres-dune-surendettee-largent-de-la-coiffeuse/">nous avons rencontré Géraldine, 52 ans</a>, coiffeuse indépendante ayant son propre salon depuis de nombreuses années dans un village de Seine-et-Marne. Être coiffeuse, ce n’est pas seulement enchaîner les coupes de cheveux, c’est surtout jongler pour ne pas être (trop souvent) à découvert.</p>
<h2>De l’argent qui entre et sort de la caisse</h2>
<p>Chaque matin, Géraldine se rend à la banque pour y déposer l’argent gagné la veille.</p>
<blockquote>
<p>« C’est tous les jours. La banque – les chèques – les clientes. »</p>
</blockquote>
<p>La fréquence élevée de ces passages à la banque, un rituel du matin, ne s’explique pas tant par l’envie de ne se prémunir contre le risque de vol, mais plutôt par l’objectif d’éviter les prélèvements refusés ou de voir des frais bancaires s’ajouter en cas de découvert. Plus tard dans la journée, elle vérifie via son smartphone que l’argent déposé le matin a bien été crédité.</p>
<blockquote>
<p>« Je le pose tous les jours à la banque, parce qu’il y a tous les jours des prélèvements, un coup c’est l’électricité, un coup c’est le loyer, un coup c’est l’URSSAF. »</p>
</blockquote>
<p>L’accumulation de ses différentes charges et la fréquence des prélèvements expliquent qu’elle soit si attentive. Au <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Union_de_recouvrement_des_cotisations_de_s%C3%A9curit%C3%A9_sociale_et_d%27allocations_familiales">prélèvement mensuel de l’URSSAF</a> s’ajoutent les factures des produits du salon, le retrait des chèques par les fournisseurs.</p>
<p>Mais Géraldine garde aussi un peu d’argent liquide sur elle, argent qu’elle consacre à deux types d’achats du quotidien.</p>
<blockquote>
<p>« Si j’ai besoin d’acheter de la viande, bah les 18 euros du Monsieur, je les garde pour moi, et je vais chercher un bifteck. »</p>
</blockquote>
<p>Même chose pour les cigarettes, payées avec l’argent de la caisse et qui représentent environ 200 euros par mois. Piocher dans la caisse n’est pas une pratique qu’elle s’accorde à volonté.</p>
<blockquote>
<p>« Ça dépend de ce que j’ai fait dans ma journée, si j’ai fait mon chiffre. »</p>
</blockquote>
<p>Géraldine n’a pas souhaité partager « le chiffre », c’est-à-dire le chiffre d’affaires journalier qu’elle s’est fixé mais elle a tout de même concédé réaliser en moyenne un chiffre d’affaires compris entre 4 000 et 5 000 euros par mois pour se permettre de se verser ensuite un salaire situé en 1 000 et 1 200 euros/mois, « un petit smic » à ses yeux.</p>
<p>Cigarettes et viande constituent deux dépenses quotidiennes dont elle ne veut se passer mais qu’elle ne peut financer au vu du salaire qu’elle s’octroie.</p>
<h2>Une activité variable</h2>
<p>Le chiffre d’affaires de Géraldine dépend fortement du nombre de clients qui se présenteront au salon dans la journée. Selon elle, l’affluence est forte en début de mois lorsque le compte en banque des clients (salariés pour la plupart) est approvisionné. Au contraire, il y a moins de clients en fin de mois. Le 20 du mois est un jour clivant : les coupes déclinent invariablement !</p>
<blockquote>
<p>« La semaine du 20, c’est franchement pas terrible. Les clients n’ont plus trop de trésorerie pour se rendre chez le coiffeur, hein. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/254991/original/file-20190122-100295-1xhbtls.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/254991/original/file-20190122-100295-1xhbtls.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/254991/original/file-20190122-100295-1xhbtls.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/254991/original/file-20190122-100295-1xhbtls.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/254991/original/file-20190122-100295-1xhbtls.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/254991/original/file-20190122-100295-1xhbtls.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/254991/original/file-20190122-100295-1xhbtls.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’affluence au salon dépend des fêtes, des événements personnels (anniversaires, mariages) et joue donc considérablement sur les revenus d’un indépendant.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/en/people-girl-beauty-cosmetics-salon-2561845/">Stocksnap/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Elle explique que la variabilité de la clientèle n’est pas seulement pertinente à une échelle mensuelle, mais aussi au cours de l’année. En clair, il y aurait des mois où le chiffre d’affaires est plus important que d’autres. Ainsi, le mois de décembre est un très bon mois pour la coiffeuse en raison de la période des fêtes de fin d’année et des repas de famille où hommes et femmes prennent plus particulièrement soin d’eux. Dans une moindre mesure, avril (autour de Pâques) est également un bon mois.</p>
<p>Cette variation de revenus était l’une de ses principales sources de disputes avec l’ex-mari de Géraldine qui estimait que ses petites rentrées d’argent ne justifiaient pas le maintien de l’activité. Impossible pourtant d’envisager de céder pour Géraldine qui, après avoir goûté à l’absence de rapport hiérarchique, refuse à reprendre un emploi sous la coupe d’une patronne.</p>
<p>La variabilité de l’activité et la modestie du chiffre d’affaires demeurent cependant une source de tension au quotidien pour notre entrepreneure.</p>
<h2>Comment payer les factures ?</h2>
<p>Contrairement à l’activité qui est fluctuante, les charges, factures et cotisations sont elles largement régulières. L’inadéquation entre le rythme des entrées et des sorties d’argent oblige Géraldine à rechercher un périlleux équilibre. Elle évoque avec nous ses « trucs », partagés avec nombres d’entrepreneurs pour équilibrer son budget.</p>
<p>Ainsi, Géraldine paye ses fournisseurs (de shampoings, couleurs, etc.) après avoir utilisé ou vendu leurs produits.</p>
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<span class="caption">Géraldine jongle avec les modalités de paiement proposées par ses différents fournisseurs de produits.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/691425">Pxhere</a></span>
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<p>En payant à la fin du mois la commande reçue le 1<sup>er</sup>, elle parvient à ne pas devoir financer sur fonds propre le stock de son magasin. Mais cette pratique ne suffit pas toujours.</p>
<p>Elle jongle alors avec les modalités de paiement proposées par ses différents fournisseurs. Certains fournisseurs font passer (par prélèvement) leur facture en deux fois (à J+30 et J+60) car ils connaissent bien les difficultés de trésorerie de leurs clients coiffeurs. Minimisant ainsi les montants prélevés, ils diminuent le risque de se voir rejeter leur prélèvement par la banque et les frais qui vont avec pour le client.</p>
<p>Si cette pratique est appréciée de Géraldine, elle ne peut pour autant choisir ses fournisseurs en fonction de leur souplesse. C’est pourquoi, quand elle le peut ou quand elle est y obligée (une couleur qui manque par exemple), elle se déplace chez certains fournisseurs qui proposent des produits parfois moins onéreux mais nécessitant de payer comptant. Dans ce cas, elle règle avec sa carte bancaire personnelle, afin de ne pas entamer la maigre trésorerie de son compte professionnel. Ces petits trucs, s’ils permettent d’éviter de petits tracas au quotidien, ne permettent pour autant pas de se projeter dans l’avenir.</p>
<h2>Rester dans la course</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/254985/original/file-20190122-100261-13ihftw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/254985/original/file-20190122-100261-13ihftw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/254985/original/file-20190122-100261-13ihftw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/254985/original/file-20190122-100261-13ihftw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/254985/original/file-20190122-100261-13ihftw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/254985/original/file-20190122-100261-13ihftw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/254985/original/file-20190122-100261-13ihftw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/254985/original/file-20190122-100261-13ihftw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La mode des « barbiers » concurrence directement les petits salons traditionnels.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/mrmystery/2246127110/">Pat Guiney/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Être entrepreneur c’est devoir investir régulièrement de différentes manières, même quand les résultats actuels ne sont pas au rendez-vous. Géraldine fait régulièrement des formations pour apprendre les dernières coupes à la mode.</p>
<p>Ses concurrents sont multiples. Depuis quelques années elle a vu arriver sur le marché la mode <a href="http://www.leparisien.fr/economie/les-echoppes-de-barbiers-reviennent-a-la-mode-24-08-2018-7862829.php">des « barbershops », ces barbiers</a> qui font des coupes peu chères et à la mode pour les hommes, et par ailleurs une prolifération de salons <a href="https://www.lindependant.fr/2013/04/29/coiffure-esthetique-quand-l-argument-du-prix-tue-l-emploi,1750042.php">low cost</a> aux prix imbattables par rapport aux artisans coiffeurs « traditionnels ».</p>
<p>Pour suivre ces tendances et toucher de nouveaux clients, elle a récemment fait appel (gratuitement) à son fils pour concevoir un site Internet et être présente sur les réseaux sociaux.</p>
<blockquote>
<p>« Il m’a créé mon site et une [page] sur Facebook […] il a mis en valeur tous mes prix, des photos, de la coiffure à domicile, mes prestations. Des prestations style pour le mariage en offrant des maquillages. »</p>
</blockquote>
<p>Chaque année, plusieurs matinées sont désormais occupées par le soin à de jeunes mariées. Si le niveau du prix qu’elle pratique pour ces clientes particulières rend finalement cette activité moins rentable que les rendez-vous classiques refusés ces matins-là, Géraldine est aussi fière de rendre belles jeunes mariées des villages environnants.</p>
<h2>Des investissements angoissants</h2>
<p>D’autres coûts impondérables sont à prévoir. Il faut ainsi changer la décoration du salon, qui représente un coût important au regard de ses revenus. Au-delà de la rénovation des équipements, ces investissements ont surtout pour but principal de garder la clientèle ou de la rajeunir.</p>
<blockquote>
<p>« Il faut qu’il y ait des nouveaux posters, de la nouvelle peinture, des nouveaux fauteuils. Du mobilier récent. Donc j’ai déjà changé trois fois de mobilier en vingt ans. Donc c’est des frais ça. »</p>
</blockquote>
<p>Ces investissements sont autant de <a href="https://journals.openedition.org/nrt/1498">source d’angoisse</a> pour Géraldine.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/254982/original/file-20190122-100273-wenzqc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/254982/original/file-20190122-100273-wenzqc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/254982/original/file-20190122-100273-wenzqc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/254982/original/file-20190122-100273-wenzqc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/254982/original/file-20190122-100273-wenzqc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/254982/original/file-20190122-100273-wenzqc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/254982/original/file-20190122-100273-wenzqc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les professionnels investissent régulièrement dans de nouveaux équipements comme des fauteuils massant ou une décoration contemporaine pour garder leur clientèle.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/691432">Pxhere</a></span>
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<p>Pour gérer le mieux possible ses comptes professionnels, elle fait appel à comptable qu’elle paye 230 euros par trimestre.</p>
<blockquote>
<p>« Il fait le bilan [comptable]. Moi, les factures, je les enregistre chez moi. Je sais ce que j’ai à payer. J’ai un grand calendrier sur lequel, à la date bien précise je marque les prélèvements [à venir]. »</p>
</blockquote>
<p>Malgré une gestion quotidienne attentive de son budget, elle est régulièrement à découvert.</p>
<blockquote>
<p>« Ah bah tous les mois, tous les mois ! Tous les mois je suis à découvert ! J’ai un découvert autorisé de 300 euros. Ah bah je les prends parce qu’il faut bien qu’on mange hein. Mais je m’arrête toujours pile poil à mon découvert autorisé. Ou alors bah je demande à mes enfants qu’ils fassent un plein de courses. »</p>
</blockquote>
<p>Ce glissement dans le découvert est ainsi un glissement contrôlé, qui lui permet de rester dans le jeu budgétaire permis par la banque. Ses fils ou son petit ami peuvent alors lui éviter de franchir le seuil autorisé. C’est d’ailleurs uniquement en cas de coups durs qu’ils sont mobilisés.</p>
<h2>Du « noir » pour boucler les fins de mois</h2>
<p>Un entrepreneur déclare rarement l’ensemble de ses revenus. C’est ce que nous « avoue » Géraldine qui ne s’estime pas pour autant dans l’illégalité.</p>
<blockquote>
<p>« Étant donné que les impôts, ils se disent que nous, les artisans commerçants, on fait environ 20 % de travail au noir, donc il faut les prendre. Il y a quelques coupes que je m’octroie. Au lieu de les passer dans le chiffre d’affaires, je les garde pour moi. »</p>
</blockquote>
<p>Elle travaille ainsi les jours de fête, pour augmenter son chiffre d’affaires et augmenter sa part de <em>black</em>.</p>
<blockquote>
<p>« J’ai travaillé samedi 23 et dimanche 24 décembre, mais aussi le 31 décembre cette année. »</p>
</blockquote>
<p>Cet argent gagné au <em>black</em> a un rôle très précis dans ses achats. Géraldine a même, à un moment donné, dédié un petit cahier à ce revenu : elle notait précisément chaque fois qu’elle puisait dans sa caisse.</p>
<p>La sociologue Viviana Zelizer qualifie ce phénomène de <a href="https://journals.openedition.org/lectures/270">« différenciation de l’argent »</a>. En affectant l’argent du <em>black</em> à des dépenses précises (des cigarettes et de la viande dans ce cas), Géraldine « marque » symboliquement cet argent en fonction de son origine. Selon Géraldine, s’il était « bancarisé », cet argent ne pourrait l’aider à vivre au quotidien.</p>
<p>Paradoxalement, si le black est le salut de Géraldine, la grande diffusion de travail au black dans la coiffure est aussi une source d’inquiétude.</p>
<p><a href="http://www.leparisien.fr/val-de-marne/dix-salons-de-coiffure-epingles-pour-travail-au-noir-17-05-2006-2006991406.php">Nombreux sont ainsi les coiffeurs à domicile ou les salons</a> employant des personnes « au noir », qui oublient de déclarer leurs coupes, cassent les prix et n’affrontent pas les mêmes charges qu’un salon comme celui de Géraldine, défiant ainsi toute concurrence.</p>
<h2>Un métier au cœur du lien social</h2>
<p>Pourtant Géraldine tient bon. Outre sa volonté de rester indépendante, elle valorise aussi les relations sociales qu’elle noue et créé par le biais de son métier, relations qui lui permettent de maintenir une clientèle.</p>
<blockquote>
<p>« Aujourd’hui on va dire que je coiffe essentiellement le mari et la femme ensemble. Et des clientes seules et beaucoup d’hommes aussi. »</p>
</blockquote>
<p>Le bouche à oreille fonctionnant très bien dans un village où l’on est établit depuis vingt ans, la clientèle de Géraldine vient se coiffer au salon entre amis ou en famille.</p>
<blockquote>
<p>« Ce matin j’ai une cliente qui m’a emmenée son amie, c’est pas pour me lancer des fleurs mais elle était super contente. Et elle m’a dit “je vais jamais chez le coiffeur”. Donc voilà, ça va être comme la restauration, ça va être du bouche-à-oreille. Et fidéliser les clients. Moi au bout de onze passages, le brushing il est gratuit. »</p>
</blockquote>
<p>Géraldine compte aussi sur l’une de ses fidèles clientes pour garder la main sur sa situation budgétaire personnelle : sa conseillère bancaire.</p>
<blockquote>
<p>« J’ai son numéro personnel, je peux l’appeler quand je veux. »</p>
</blockquote>
<p>Très probablement, à chaque fois que votre coiffeuse prend soin de vos cheveux elle effectue elle aussi la même gymnastique mentale que Géraldine, son esprit encombré par des nombres, des calculs, des arbitrages, des dates et des échéances qui rythment ainsi son quotidien.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/109912/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hélène Ducourant ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le mythe de l’entrepreneur continue d’émailler les discours politiques. Pourtant, comme l’illustre la vie de Géraldine, être entrepreneur c’est souvent… travailler à ne pas être à découvert.Hélène Ducourant, Sociologue, Laboratoire Territoires Techniques et Sociétés, UPEM, École des Ponts ParisTech (ENPC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.