tag:theconversation.com,2011:/us/topics/metiers-23736/articlesmétiers – The Conversation2023-12-20T19:59:09Ztag:theconversation.com,2011:article/2199802023-12-20T19:59:09Z2023-12-20T19:59:09ZPourquoi les travailleurs immigrés sont-ils surreprésentés dans les secteurs « essentiels » ?<p>Parmi les nombreuses questions soulevées par le projet de loi immigration du gouvernement, l’emploi des travailleurs étrangers en situation irrégulière a fait l’objet de débats animés, y compris au sein des institutions. Le Sénat a ainsi <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/08/loi-immigration-le-senat-supprime-la-mesure-du-gouvernement-sur-les-metiers-en-tension_6199048_823448.html">rejeté une proposition visant à pérenniser l’emploi des travailleurs immigrés sans papiers</a> via l’octroi de cartes de séjours d’un an dans les secteurs particulièrement touchés par une <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/les-tensions-sur-le-marche-du-travail-en-2022">pénurie de main-d’œuvre</a>. L’Assemblée nationale avait ensuite réinscrit l’article dans le projet de loi avant que la <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/immigration/projet-de-loi-immigration-ce-que-contient-le-texte-negocie-entre-la-majorite-presidentielle-et-la-droite-largement-durci-par-rapport-a-la-version-initiale_6251754.html">commission mixte paritaire n’opte pour une version durcie du texte</a> : le préfet du territoire concerné aurait, selon la version adoptée par les deux chambres le mardi 19 décembre au soir, toute latitude pour octroyer ou non les titres en question.</p>
<p>Il y a trois ans, la pandémie de Covid-19 soulignait déjà l’importance des travailleurs immigrés dans les <a href="https://ec.europa.eu/social/main.jsp?langId=en&catId=89&furtherNews=yes&newsId=9630">secteurs dits « essentiels »</a>, au sens de la terminologie européenne, tels que la santé, les transports, ou l’agriculture, indispensable à la résilience des économies. En France, selon une analyse du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (<a href="https://theconversation.com/institutions/cepii-2912">CEPII</a>), certains métiers essentiels sont en effet très dépendants de la main-d’œuvre immigrée : c’est le cas des agents de propreté et des aides à domicile, mais aussi des médecins hospitaliers.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/dossier-limmigration-en-france-quels-enjeux-218289">Dossier : l’immigration en France, quels enjeux ?</a>
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<p>À l’échelle de l’Union européenne (UE), la France ne constitue pas une exception. Un an avant le début de la crise sanitaire et économique liée au Covid-19, les travailleurs nés à l’étranger, et en particulier les immigrés extracommunautaires, étaient en proportion <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/00197939231173676">plus nombreux à travailler dans les métiers essentiels</a> que les natifs dans la plupart des pays de l’UE.</p>
<p>Dans une étude en cours, nous explorons des facteurs qui permettent d’expliquer cette surreprésentation.</p>
<h2>Des disparités à profil équivalent</h2>
<p>Nous avons tout d’abord comparé la probabilité d’exercer un emploi dans les secteurs essentiels pour des travailleurs natifs et immigrés en tenant compte de plusieurs caractéristiques observables telles que l’âge, le genre, l’expérience professionnelle, le niveau d’éducation et le statut matrimonial. Ces facteurs permettent-ils d’expliquer les différences observées ?</p>
<p>Nos résultats montrent qu’à profil équivalent, les disparités entre immigrés et natifs sont encore largement visibles. Dans près de deux tiers des pays de l’UE la probabilité de travailler dans les secteurs essentiels est plus élevée pour les immigrés que pour les natifs. Cela vaut particulièrement pour l’Italie, le Royaume-Uni (inclus dans notre étude de même que la Suisse et la Norvège) et dans les pays nordiques. Cette probabilité est supérieure de 5 % pour un travailleur immigré en France, et grimpe jusqu’à 12 % en Suède. Le Luxembourg, où cette différence est négative, fait figure d’exception.</p>
<p><iframe id="mTwaJ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/mTwaJ/6/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Lorsqu’on s’intéresse aux emplois peu qualifiés dans les secteurs essentiels (<a href="https://www.oecd.org/coronavirus/policy-responses/Covid-19-and-key-workers-what-role-do-migrants-play-in-your-region-42847cb9/">au sens de l’OCDE</a>), l’écart s’avère encore plus marqué. Les immigrés sont par exemple surreprésentés dans le secteur du nettoyage dans trois quarts des pays de l’étude. Dans d’autres secteurs essentiels comme les transports ou la santé, cette différence est moins marquée mais les immigrés restent surreprésentés dans la moitié des pays, notamment au Royaume-Uni, au Danemark, en Allemagne, en Italie et en Suède.</p>
<p><iframe id="l3yhk" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/l3yhk/6/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si les caractéristiques individuelles ne suffisent pas à expliquer cette surreprésentation, quelles sont les raisons qui conduisent les immigrés à occuper des emplois peu qualifiés dans les secteurs essentiels ? Une des explications plausibles tient dans le désavantage structurel des immigrés sur le marché du travail en raison des obstacles institutionnels, linguistiques, juridiques, ou discriminatoires qu’ils peuvent rencontrer.</p>
<h2>Ceux qui ont émigré à l’âge adulte</h2>
<p>Notre étude analyse ainsi la manière dont la surreprésentation des travailleurs nés à l’étranger évolue en fonction de caractéristiques propres aux immigrés et susceptibles d’influencer leur intégration économique.</p>
<p>D’une part, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0927537122000719">l’âge auquel les travailleurs nés à l’étranger ont émigré</a> est largement corrélé avec leur taux d’emploi. Les immigrés qui émigrent plus jeunes dans leur pays d’accueil bénéficient pour la plupart d’un avantage comparatif dans l’apprentissage de la langue du pays d’accueil et d’un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0014292119300200">bagage culturel et éducatif plus adapté</a> à leur insertion dans le marché du travail.</p>
<p><iframe id="ADrd6" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ADrd6/6/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>À l’exception du Danemark, du Royaume-Uni et de la Suède, nos résultats indiquent que la surreprésentation des immigrés dans les secteurs essentiels touche ainsi exclusivement les immigrés qui ont émigré dans leur pays d’accueil après l’âge de 15 ans.</p>
<h2>Des différences selon les lieux de naissance et d’étude</h2>
<p>On sait également que l’éducation et l’expérience professionnelle acquises à l’étranger restent <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/abs/10.1086/209957">moins valorisées que celles obtenues dans le pays d’accueil</a>. Les immigrés formés à l’étranger ont ainsi <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/sites/1293de83-en/index.html?itemId=/content/component/1293de83-en">plus de risques</a> de se retrouver au chômage ou d’occuper un emploi pour lequel ils sont surqualifiés que les immigrés titulaires d’un diplôme obtenu dans leur pays d’accueil.</p>
<p>À profil équivalent, on n’observe ainsi aucune différence entre les travailleurs nés à l’étranger qui possèdent un diplôme obtenu en Belgique, en France, en Espagne, en Autriche et en Suisse, par rapport aux travailleurs natifs de ces pays. À l’inverse leurs homologues titulaires de diplômes étrangers ont une probabilité beaucoup plus forte de travailler dans les secteurs essentiels.</p>
<p><iframe id="9s57N" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/9s57N/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Enfin, les immigrés originaires de pays membres de l’Union européenne occupent sur le marché de l’emploi des autres pays membres de l’UE des postes assez similaires à ceux des natifs, tandis que les perspectives d’emploi des immigrés extracommunautaires apparaissent <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/jep.35.2.49">nettement inférieures</a>. Cela tient notamment à la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2214658X1630006X">discrimination raciale et ethnique</a> dont ils sont victimes et à un statut légal défavorable.</p>
<p>Dans notre étude, le lieu de naissance semble ainsi importer autant que celui de l’obtention du diplôme : la probabilité qu’un immigré né dans un pays de l’UE travaille dans un secteur essentiel est identique à celle d’un natif en Belgique, en Espagne, en Irlande et en Norvège. Elle est plus élevée mais reste nettement inférieure à celle des immigrés extracommunautaires au Royaume-Uni, en Suède, au Danemark et en Allemagne.</p>
<h2>Et le texte de loi dans tout cela ?</h2>
<p>Des analyses complémentaires confortent l’hypothèse selon laquelle la surreprésentation des immigrés dans les secteurs essentiels découlerait de la position moins favorable de ces derniers sur le marché du travail.</p>
<p>Cette surreprésentation s’observe ainsi davantage dans les pays où les secteurs essentiels se distinguent par rapport au reste de l’économie nationale par une demande de main-d’œuvre accrue, un nombre significatif d’employés à temps partiel, une recherche active d’emploi, un sentiment élevé de surqualification et un statut professionnel faible, et lorsque la proportion d’employés percevant un salaire inférieur à la médiane de la distribution des revenus y est particulièrement élevée.</p>
<p>Face aux écueils que nous avons identifiés, pénalisant à la fois les pays d’accueil, qui se privent des compétences réelles des immigrés présents sur leur territoire, et les travailleurs immigrés eux-mêmes, la régularisation des travailleurs étrangers en situation irrégulière, envisagée dans la première mouture du projet de loi du gouvernement, n’aurait eu que peu de chances de faire évoluer la situation.</p>
<p>À l’inverse, l’ouverture du statut de fonctionnaires aux non-Européens – comme le propose le <a href="https://www.sens-du-service-public.fr/communiques">collectif de fonctionnaires Le Sens du service public</a> – pourrait par exemple permettre d’améliorer la mobilité professionnelle des travailleurs extracommunautaires et leur insertion sur le marché du travail, avec des bénéfices économiques pour l’ensemble des parties concernées. Une alternative qui semble toutefois hautement improbable après le vote définif du projet de loi immigration par le Parlement mardi 19 décembre.</p>
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<p><em><a href="https://nikolajbroberg.org/">Nikolaj Broberg</a>, économiste et analyste à la Direction de l’éducation et des compétences de l’OCDE est co-auteur de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219980/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Gonnot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La surreprésentation des immigrés dans les secteurs essentiels, point sensible des débats sur la loi immigration, ne s'explique ni par leur situation familiale ni par leur niveau de qualification.Jérôme Gonnot, Maître de conférences en économie à l’Université catholique de Lille-Espol, Institut catholique de Lille (ICL)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2122052023-09-21T16:29:43Z2023-09-21T16:29:43ZEnseignement : quelles stratégies pour durer dans le métier ?<p>Très régulièrement nous assistons à une frénésie de discours sociaux, politiques et médiatiques autour de sujets scolaires volontiers <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-clivant-195749">clivants</a> – l’uniforme en est un exemple – dont le point commun est de considérer l’école comme la cause et/ou la solution à de nombreux problèmes non pris en charge par ailleurs.</p>
<p>Souvent empreints d’urgence, de simplisme et invitant à la surenchère de réformes, ces discours s’accordent mal avec le temps long de l’apprentissage des élèves et la nécessaire sérénité de l’enseignement. Ils écrasent aussi toute possibilité de comprendre les difficultés selon différents facteurs et d’exprimer les réussites pourtant présentes dans les établissements.</p>
<p>Concernant les enseignants, le discours prégnant pointe un <a href="https://theconversation.com/declassement-manque-de-reconnaissance-ces-enseignants-qui-veulent-changer-de-metier-176293">métier dégradé et usant</a>. Trois causes principales sont identifiées par les acteurs et par la recherche :</p>
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<li><p>le sentiment d’échec à ne pas faire réussir tous les élèves aux profils de plus en plus hétérogènes ;</p></li>
<li><p>les incertitudes liées à l’évaluation de leur travail et à sa reconnaissance aussi bien à l’interne qu’à l’externe du système scolaire ;</p></li>
<li><p>la porosité entre la vie professionnelle et la vie personnelle, en raison d’une part invisible du travail en dehors des heures de classe.</p></li>
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<p>Aussi, depuis plusieurs années, la recherche en éducation, en particulier le <a href="https://ecp.univ-lyon2.fr/">laboratoire Éducation Cultures politiques</a>, a pour objectif, d’une part, de comprendre le travail enseignant comme une activité située, c’est-à-dire liée à des contextes et des prescriptions multiples (du local à l’international), et d’autre part, de l’étudier selon différentes temporalités et caractéristiques sociodémographiques – en se centrant par exemple sur les débuts ou les fins de carrière, les trajectoires de reconversion, ou encore la féminisation du métier.</p>
<h2>Routine, nouveaux objectifs et posture critique</h2>
<p>Les résultats montrent que les parcours d’enseignants sont rythmés par des alternances de dynamiques professionnelles (exploration, développement, remise en question, désengagement, réengagement, etc.) rendant caduque l’idée, pourtant fréquente, d’un groupe professionnel homogène.</p>
<p>Plus précisément, deux enquêtes – l’une intitulée <a href="https://journals.openedition.org/rechercheformation/5319"><em>Durer dans le métier d’enseignant</em></a>, l’autre centrée sur les <a href="https://ecp.univ-lyon2.fr/axe-1-professionnalite-activite-et-parcours/rapport-de-recherche-parcours-et-developpement-professionnel-des-enseignants-de-lycee-professionnel-en-fin-de-carriere">carrières en lycée professionnel</a> – établissent que les enseignants qui déclarent durer de façon satisfaisante selon eux, dans un métier jugé pourtant de plus en plus difficile, s’appuient sur cinq stratégies majeures, plus ou moins conscientisées.</p>
<p>D’abord ils ou elles cultivent une posture critique et réflexive vis-à-vis des prescriptions et à l’égard de leurs propres pratiques (l’articulation des deux éléments étant le point central), ce qui ne se traduit pas par un désengagement mais plutôt par une affirmation de valeurs, un gain d’autonomie et d’efficacité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/reforme-des-retraites-le-probleme-des-fins-de-carriere-dans-leducation-nationale-128559">Réforme des retraites : le problème des fins de carrière dans l’Education nationale</a>
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<p>Ensuite, ils ou elles agissent avec et contre la routine professionnelle, qui est à la fois une ressource nécessaire pour développer sa professionnalité mais aussi un empêchement dans la durée pour évoluer. Ils questionnent par exemple certains aspects de la forme scolaire traditionnelle comme la dimension magistrale des cours ou l’évaluation par les notes. Ils invitent aussi à revoir certaines organisations de travail locales sclérosées, en réaménageant les salles de classe et les emplois du temps pour favoriser la coopération et dépasser le cloisonnement disciplinaire.</p>
<p>Troisième stratégie : ils ou elles construisent des sources de reconnaissance multiples et régulières, autant symboliques que fonctionnelles (sur lesquelles nous revenons dans la dernière partie de cet article), souvent entre pairs choisis et/ou en dehors de la sphère professionnelle immédiate, mobilisant également en ces circonstances des ressources personnelles importantes (soutien familial, implications associatives, etc.).</p>
<p>Quatrième stratégie : ils ou elles mettent en place des stratégies de préservation de soi (souvent de façon transitoire, parfois durablement), par exemple en choisissant certains niveaux d’enseignements, en déclinant certaines responsabilités, en renforçant l’autonomie des élèves ou bien en ayant recours au temps partiel. Cela contribue à une réappropriation des temporalités de vie dans une visée d’équilibre.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/debat-face-a-la-penurie-denseignants-repenser-un-systeme-a-bout-de-souffle-189715">Débat : Face à la pénurie d’enseignants, repenser un système à bout de souffle</a>
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<p>Enfin, ils ou elles demeurent en quête de nouveaux objectifs c’est-à-dire que, ne se réfugiant pas dans un discours nostalgique sur l’école, ils n’hésitent pas à se mettre à l’épreuve pour expérimenter, pour faire évoluer certaines pratiques professionnelles au sein ou en dehors de classe. Cela peut également se traduire par un changement de poste ou de fonction, nécessitant parfois – nouveau défi – une reprise d’études ou la préparation d’un concours.</p>
<h2>Favoriser les espaces de discussion et de coopération</h2>
<p>Parmi les ressources évoquées, l’appartenance à des collectifs de travail choisis et/ou la coopération autour d’un projet ou dispositif commun (y compris dans le cadre de la formation continue institutionnelle) semblent décisives pour <a href="https://journals.openedition.org/edso/8330">se réassurer dans le métier, voire se développer</a>.</p>
<p>En ce sens, expliquer à autrui – un co-enseignant, un formateur ou un étudiant stagiaire – ses choix et ses interrogations pédagogiques est l’occasion d’une réflexivité et d’une reconquête de sens, au même titre que l’accompagnement d’un pair et de sa pratique. Des expériences personnelles significatives (difficultés scolaires de son propre enfant, première carrière en particulier pour les enseignants de la voie professionnelle scolaire, pratiques éducatives culturelles ou sportives, etc.) contribuent également à repenser son engagement et sa pratique de l’enseignement.</p>
<p>Pour qu’une dynamique vertueuse de développement professionnel s’enclenche, il faut que soient rendus possibles des espaces de discussion et d’élaboration sécurisés (au sens de bienveillants, avec un protocole précis, animés par des personnes formées). C’est, à cet endroit, un enjeu fort pour l’institution, les organisations professionnelles, les mouvements pédagogiques, la communauté scientifique. Cela permet de revisiter les expériences réussies ou difficiles, de traduire et d’adapter les prescriptions en situation, de faire circuler des savoirs de métier et des savoirs scientifiques.</p>
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<p>Cela passe assurément par le développement des compétences d’accompagnement, comme c’est le cas par exemple avec des dispositifs d’analyse de l’activité enseignante ou d’expérimentation guidée. Il est possible aussi de prendre appui, pour les différents acteurs, sur le vécu de la formation initiale, souvent décriée mais finalement en avance sur ces dimensions, se heurtant ensuite à une frilosité culturelle de l’institution et du groupe professionnel quant à ces pratiques.</p>
<p>Redonner du sens à l’enseignement passe par (re) faire parler le métier et le travail, afin de se départir de conceptions erronées (« l’enseignant seul dans sa classe », « une profession uniforme », etc.), pour que de ces délibérations (re) naissent une activité bien vivante.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212205/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thierry Bouchetal ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La pénurie de candidatures aux concours d’enseignants met sous les feux de l’actualité les difficultés du métier. Quelles sont les stratégies qui aident à y faire face et à durer dans le métier ?Thierry Bouchetal, Maître de conférences en Sciences de l’Education et de la Formation, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2100152023-08-17T20:53:34Z2023-08-17T20:53:34ZFiables alliés ou affreux méchants ? Les géologues et James Bond<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/538074/original/file-20230718-8443-j1whqx.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C12%2C2865%2C1178&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">James Bond (Daniel Craig) lui-même a endossé le rôle d’un géologue… à son insu, dans un quiproquo de «&nbsp;Quantum of Solace&nbsp;» (2008).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=co_-kuXZNO0&t=163s">Quantum of Solace</a></span></figcaption></figure><p>« C’était le violon d’Ingres de Strangways, la géologie ? » Une question que se pose James Bond dans <em>Dr. No</em> (1962) alors qu’il mène l’enquête en Jamaïque sur l’assassinat de son collègue, ledit Strangways. Tout porte à croire qu’un géologue est impliqué… Ça commence plutôt mal pour l’image de ce scientifique du sous-sol dans les aventures du plus célèbre agent secret de Sa Majesté !</p>
<p>De fait, le professeur R.J. Dent (Anthony Dawson), géologue et minéralogiste, est un sbire de Dr No (Joseph Wiseman) qui a fait assassiner l’espion John Strangways (Timothy Moxon).</p>
<p>Celui-ci lui avait envoyé des roches prélevées sur l’île de Crab Key, le repaire de son patron. Le géologue Dent essaie alors de cacher à 007 l’origine des échantillons : « pauvre Strangways, c’était une de ses marottes, la géologie en amateur. Il m’a apporté des bouts de roches pour faire des analyses, convaincu que cela valait quelque chose. Ça ne valait rien, un minerai faible en sulfure de fer ». Bond insiste, déterminé à trouver où se cache son ennemi : « à Crab Key peut-être bien ? », et le géologue répond : « certainement pas, du point de vue géologique c’est impossible ».</p>
<p>Ici, le géologue est présenté sous un angle négatif, usant de son expertise au service du méchant, et cachant la vérité à 007.</p>
<p>Les <a href="https://www.onisep.fr/ressources/Univers-Metier/Metiers/geologue">géologues</a> sont assez présents dans la saga James Bond. Ils ne jouent pas toujours un aussi mauvais rôle. Alors, qui sont ces experts du sous-sol qui gravitent autour de 007 ?</p>
<h2>Géologues : des spécialistes du sous-sol, un ressort scénaristique récurrent dans James Bond</h2>
<p>Souvent cantonnée aux dinosaures et aux volcans, la géologie demeure une science méconnue du grand public. Les sciences de la Terre englobent pourtant tout un ensemble de thématiques largement connectées à notre quotidien :</p>
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<li>Trouver des <a href="https://mineralinfo.fr/fr">ressources minérales</a> : des métaux, dont certains indispensables aux <a href="https://theconversation.com/pourquoi-parle-t-on-de-criticite-des-materiaux-105258">transitions énergétique</a> et numérique ; des roches et minéraux industriels ; de l’uranium (pour le nucléaire civil et militaire) ; du pétrole, gaz et charbon ; de la <a href="https://theconversation.com/il-existe-plusieurs-types-de-geothermie-comment-marchent-ils-et-quels-sont-les-risques-153923">chaleur, exploitable avec des centrales géothermiques</a> ;</li>
</ul>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/538073/original/file-20230718-29-19622i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="géologue dans une rivière" src="https://images.theconversation.com/files/538073/original/file-20230718-29-19622i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538073/original/file-20230718-29-19622i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538073/original/file-20230718-29-19622i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538073/original/file-20230718-29-19622i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538073/original/file-20230718-29-19622i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538073/original/file-20230718-29-19622i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538073/original/file-20230718-29-19622i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Géologue faisant des relevés de terrain au Malawi pour établir une carte géologique (dans la vraie vie).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nicolas Charles</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
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<li><p>Estimer et gérer les ressources en <a href="https://theconversation.com/reserves-deau-souterraine-des-cartes-pour-mieux-comprendre-la-secheresse-143154">eau souterraine</a> ;</p></li>
<li><p>Comprendre et gérer les <a href="https://www.georisques.gouv.fr/">risques géologiques</a> (séismes, volcanisme, mouvements de terrain, <a href="https://theconversation.com/la-perception-des-risques-derosion-cotiere-et-de-submersion-marine-par-la-population-du-littoral-les-cas-de-wissant-et-oye-plage-147074">érosion littorale</a>, radon, etc.) ;</p></li>
<li><p>Appuyer l’<a href="https://www.brgm.fr/fr/actualite/video/geologie-urbaine-enjeu-majeur-avenir-villes">aménagement du territoire</a> (géotechnique et génie civil, cartographie, etc.).</p></li>
</ul>
<h2>Une géologue pour alliée</h2>
<p>Dans <em>Dangereusement vôtre</em> (1985), c’est un personnage du géologue bien plus positif qui est mis en avant. Il s’agit de Stacey Sutton (Tanya Roberts), qui, ayant hérité de l’entreprise pétrolière familiale, a suivi des études de géologie, avant d’être employée à la Direction des hydrocarbures et des mines de l’État de Californie.</p>
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<p>Stacey Sutton apporte à James Bond (Roger Moore) une expertise géologique sur la compréhension du système de failles de San Andreas et de Hayward : elle lui explique quelles seraient les conséquences d’un séisme majeur dans la zone. En effet, Maximilian Zorin (Christopher Walken) entend détruire la Silicon Valley en déclenchant un <a href="https://www.georisques.gouv.fr/minformer-sur-un-risque/seisme">« séisme induit »</a>, par l’explosion d’une bombe et l’injection d’eau de mer le long des couloirs de faille : c’est l’opération « Le Filon » – ce nom lui-même est un clin d’œil à la géologie, puisqu’il s’agit d’un terme désignant un gisement de minerai (métaux ou minéraux), en masse allongée, recoupant d’autres roches.</p>
<p>D’ailleurs, le passage du film qui montre la bombe devant exploser se déroule dans une ancienne mine d’argent – selon Stacey Sutton. Dans la réalité, l’entrée de la mine correspond à une ancienne carrière de craie localisée à Amberley… dans le Sussex de l’Ouest, en Angleterre ! Ce lieu de tournage est aujourd’hui un <a href="https://www.amberleymuseum.co.uk/explore/explore-industry/chalk-pits/">musée dédié à l’ancienne extraction de la craie</a> entre les années 1840 et 1960.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/538078/original/file-20230718-17-q8zypn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="carte géologique et légendes" src="https://images.theconversation.com/files/538078/original/file-20230718-17-q8zypn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538078/original/file-20230718-17-q8zypn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=641&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538078/original/file-20230718-17-q8zypn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=641&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538078/original/file-20230718-17-q8zypn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=641&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538078/original/file-20230718-17-q8zypn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=806&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538078/original/file-20230718-17-q8zypn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=806&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538078/original/file-20230718-17-q8zypn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=806&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une carte géologique à 1/50 000 de Loma Prieta en Californie, autour de la faille de San Andreas, un document semblable à ceux apparaissant dans « Dangereusement vôtre » (1985) et établi grâce aux relevés des géologues.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://ngmdb.usgs.gov/Prodesc/proddesc_68889.htm">USGS ; McLaughlin et coll., 2004</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Autre clin d’œil au travail des géologues, des cartes géologiques de la Californie sont affichées au mur de la salle des archives où Stacey Sutton et James Bond consultent des documents pour mieux comprendre l’opération « Le Filon ».</p>
<p>La <a href="https://www.brgm.fr/fr/actualite/video/histoire-carte-geologique-france">carte géologique</a> est un document capital pour comprendre le sous-sol, elle est réalisée par le géologue au bout d’un long travail d’acquisition et de synthèse de données sur le terrain et en laboratoire.</p>
<h2>Hydrogéologue : le scientifique des eaux souterraines</h2>
<p>Autre opus bondien où le personnage du géologue est évoqué, c’est <em>Quantum of Solace</em> (2008), où la course-poursuite de l’introduction traverse les carrières du célèbre marbre de Carrare, en Italie.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/538079/original/file-20230718-29-ml0b22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Carrière de marbre" src="https://images.theconversation.com/files/538079/original/file-20230718-29-ml0b22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538079/original/file-20230718-29-ml0b22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538079/original/file-20230718-29-ml0b22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538079/original/file-20230718-29-ml0b22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538079/original/file-20230718-29-ml0b22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538079/original/file-20230718-29-ml0b22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538079/original/file-20230718-29-ml0b22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carrière de marbre de Carrare, en Italie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Blocks_of_marble_in_Carrara_marble_quarry_6386.jpg">Vmenkov, Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Dans ce film, James Bond (Daniel Craig) passe même pour géologue sans le savoir durant quelques minutes en Haïti : alors qu’il monte dans la voiture de l’espionne bolivienne Camille Montes Rivero (Olga Kurylenko), elle le confond avec le géologue duquel elle devait récupérer des informations secrètes… un géologue que le méchant Dominic Greene a fait tuer (bien que, avoue-t-il, « ça tombe mal, c’était un de mes meilleurs géologues »), et a remplacé par un faux géologue, un tueur engagé par le méchant pour éliminer l’espionne. Le nom de ce faux géologue aurait peut-être dû mettre la puce à l’oreille de nos héros : s’appeler Edmund Slate, alors que « <em>slate</em> » signifie « ardoise » en anglais, semble un hasard trop bien ficelé.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/538076/original/file-20230718-7745-k0vy8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="le désert de l’Atacama" src="https://images.theconversation.com/files/538076/original/file-20230718-7745-k0vy8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538076/original/file-20230718-7745-k0vy8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538076/original/file-20230718-7745-k0vy8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538076/original/file-20230718-7745-k0vy8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538076/original/file-20230718-7745-k0vy8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538076/original/file-20230718-7745-k0vy8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538076/original/file-20230718-7745-k0vy8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le désert d’Atacama, au Chili, où a été tourné une partie de « Quantum of Solace » (2008).</span>
<span class="attribution"><span class="source">E. Beaufils (BRGM)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Dans <em>Quantum of Solace</em>, Dominic Greene acquiert d’immenses étendues de terre en Bolivie, qui, selon les recherches de Camille Montes Rivero, « ne recèlent aucune richesse, mais les géologues avaient des preuves contraires ». En fait, il s’agit d’une richesse du sous-sol autre que le pétrole ou les métaux : de l’eau souterraine. Dans la réalité, le lieu de tournage pour illustrer le désert bolivien est celui d’Atacama, au Chili, près d’Antofagasta.</p>
<p>Dans le cinéma, le rôle du géologue est souvent positif, il apporte son expertise et concourt alors à améliorer une situation donnée ou à en comprendre les enjeux (par exemple le risque volcanique dans <em>Le Pic de Dante</em> de Roger Donaldson, 1997). Le géologue peut aussi utiliser son savoir à des fins moins positives, souvent comme assistant corrompu du méchant principal, comme on l’a vu ici.</p>
<p>Ce constat sur le personnage du scientifique n’est pas propre au géologue, d’autres disciplines scientifiques sont représentées au sein des 27 films où apparaît l’agent secret britannique : physicienne nucléaire (Christmas Jones (Denise Richards) dans <em>Le Monde ne suffit pas</em>), biologiste marin (Dexter Smythe (Lew Hooper) dans <em>Octopussy</em>), généticien (Dr Alvarez (Simón Andreu) dans <em>Meurs un autre jour</em>), informaticien (Boris Grishenko (Alan Cumming) dans <em>Goldeneye</em>), mathématicien (Le Chiffre (Mads Mikkelsen) dans <em>Casino Royale</em>), chimiste (Lyutsifer Safin (Rami Malek) dans <em>Mourir peut attendre</em>), pour ne citer qu’eux !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210015/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Charles ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une série estivale sur la sulfureuse et insoupçonnée liaison entre James Bond et la géologie… et plus précisément, avec les géologues.Nicolas Charles, Géologue, PhD, BRGMLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2057892023-05-29T10:56:32Z2023-05-29T10:56:32ZL’IA ravive l’enjeu de l’identité professionnelle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/526559/original/file-20230516-7070-r63w69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=127%2C19%2C1070%2C776&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Plus d’un Français sur deux pense que l’IA modifie profondément les usages de consommation.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.wallpaperflare.com/illustration-of-woman-s-face-and-computer-codes-artificial-intelligence-wallpaper-zzahr">Wallpaperflare.com</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Début 2023, l’ouverture au grand public de l’outil conversationnel ChatGPT développé par la société Open IA a relancé les craintes de voir la technologie remplacer de nombreux métiers. <a href="https://www.telerama.fr/ecrans/chatgpt-l-intelligence-artificielle-qui-va-remplacer-les-journalistes-de-telerama-7013327.php">Journalistes</a>, développeurs et même <a href="https://theconversation.com/une-ia-remplacera-t-elle-bientot-votre-psychiatre-188193">psychiatres</a> : plusieurs corps professionnels s’inquiètent du constat de l’évolution de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/intelligence-artificielle-ia-22176">l’intelligence artificielle (IA)</a> et de voir comment celle-ci parvient progressivement à les remplacer sur certaines tâches professionnelles.</p>
<p>Cependant, plusieurs études montrent que rares seront les professions complètement substituées par l’IA. En revanche, toutes soulignent son impact considérable sur le <a href="https://www.ifop.com/publication/notoriete-et-image-de-lintelligence-artificielle-aupres-des-francais-et-des-salaries-vague-3/">travail</a>. L’<a href="https://www.mazars.fr/Accueil/Insights/Publications-et-evenements/Etudes/Etude-Les-Francais-et-l-IA">étude</a> menée en mai 2022 par le cabinet Mazars indique par exemple que 54 % pensent que l’IA a un apport majeur dans des usages de consommation.</p>
<p>Reste à savoir quelle forme prendra la collaboration humain-machine dans ces situations, ou plus précisément : quelle place cette transformation laissera-t-elle à l’humain ?</p>
<p>Comme nous le montrons dans une recherche récente qui nous présenterons en juin prochain, lors de la 32<sup>e</sup> Conférence annuelle de l’Association internationale de management stratégique (AIMS), ces enjeux interrogent directement la notion d’<a href="https://www.cairn.info/la-reeducation-contre-l-ecole-tout-contre--9782749205106-page-17.htm">identité professionnelle</a>, c’est-à-dire la manière dont les salariés perçoivent et définissent leur rôle dans leur <a href="https://theconversation.com/fr/topics/travail-20134">travail</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Cette identité professionnelle se définit par une combinaison de compétences et de connaissances spécifiques qui caractérisent une profession et permet ainsi de la distinguer des autres. Cette notion reflète tout d’abord la capacité des salariés à faire sens de leur activité. Dans un deuxième temps, elle permet de développer un sentiment d’appartenance à une communauté professionnelle particulière. La possibilité de définir son identité professionnelle constitue ainsi un facteur de motivation au travail, et contribue plus largement à la <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/redonner-du-sens-au-travail-thomas-coutrot/9782021503234">perception de son utilité au sein de la société</a>.</p>
<h2>Remise en cause de l’expertise humaine</h2>
<p>Loin d’être uniquement perçue comme une menace, l’apparition de l’IA dans l’activité professionnelle peut également permettre aux salariés de développer de nouvelles compétences en les déchargeant de tâches répétitives et laborieuses. Par exemple, Malakoff Humanis propose d’utiliser l’IA pour détecter les cas de fraudes à l’assurance. Les salariés peuvent ensuite venir vérifier les suggestions faites par l’IA et y contrevenir si nécessaire. Dans ce cas, l’IA peut favoriser l’identité professionnelle des salariés en les déchargeant des tâches de vérification manuelle de chaque cas lorsqu’il existe un soupçon de fraude, et ainsi leur permettre de se concentrer sur les activités à plus forte valeur ajoutée dans la relation client.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1003561998649524224"}"></div></p>
<p>Dans d’autres situations en revanche, l’IA permet de réaliser des tâches qui constituent le cœur de métier de certains professionnels. C’est ainsi le cas des comptables dont une part croissante des tâches manuelles est réalisée par l’IA. Par exemple, le remboursement de notes de frais peut aujourd’hui être opéré par des technologies basées sur la reconnaissance optique de caractère sur les documents papier. Dans le secteur médical, l’IA se montre plus performante que des équipes médicales pour la détection de cancer, ou le diagnostic de <a href="https://sante.lefigaro.fr/article/l-intelligence-artificielle-excelle-dans-le-diagnostic-du-melanome/">mélanome</a>.</p>
<p>Dans ces cas, l’IA vient directement questionner la valeur ajoutée du professionnel, son expertise, et ainsi la façon dont il établit son identité professionnelle. Que devient, dès lors, l’identité professionnelle lorsque le potentiel de remplacement par l’IA devient de plus en plus une réalité dans un <a href="https://theconversation.com/fr/topics/metiers-23736">métier</a> ? Les freins de la digitalisation des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/entreprises-20563">entreprises</a> ne pourront être levés que si l’on s’attaque à la question de la reconstruction de l’identité professionnelle liée à l’arrivée de l’IA au travail.</p>
<h2>Le jugement humain toujours essentiel</h2>
<p>La première étape de la reconstruction de l’identité professionnelle menacée par l’IA consiste à repenser la nature de la collaboration humain-machine. Si l’IA était tout d’abord destinée à la gestion de données massives, elle est aujourd’hui de plus en plus utilisée pour des tâches complexes, jusqu’ici réservées aux humains. Au-delà d’un outil, elle peut alors devenir un conseiller voire un collaborateur utile sur lequel s’appuyer pour développer de nouvelles compétences.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/voici-pourquoi-lintelligence-artificielle-ne-peut-etre-consideree-comme-un-simple-outil-186014">Voici pourquoi l'intelligence artificielle ne peut être considérée comme un simple outil</a>
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<p>Il est donc nécessaire d’identifier ces nouvelles compétences à valoriser pour reconstruire son identité professionnelle et ainsi faire évoluer le sens de son travail. Pour cela, il faut se concentrer sur les expertises « tacites », c’est-à-dire difficilement descriptibles et donc substituables par l’IA. De nombreux chercheurs insistent en effet sur la singularité de certaines capacités humaines, et notamment le rôle important du jugement humain dans des contextes où l’empathie et les particularités de chaque personne impliquent des nuances, parfois irrationnelles, que les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/algorithmes-24412">algorithmes</a> ne peuvent comprendre.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lintelligence-artificielle-est-elle-vraiment-creative-205352">L’intelligence artificielle est-elle vraiment créative ?</a>
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<p>En ce sens, l’utilisation de l’IA dans les processus de recrutement a été largement décriée. Tout d’abord en raison des biais algorithmiques qui consistent à reproduire les inégalités et discriminations de la société. De plus, les algorithmes occultent un ensemble d’éléments liés à l’environnement et aux conditions particulières de chaque situation humaine : un retard de transport, des difficultés techniques qui placent le candidat dans une situation de stress, une originalité qui ne rentre pas dans les critères préconçus par l’algorithme… et tant d’autres éléments qui influencent la « prestation » du candidat sans pouvoir être intégrés par la machine programmée.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lintelligence-artificielle-pour-mieux-recruter-vraiment-197734">L’intelligence artificielle pour mieux recruter… vraiment ?</a>
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<p>Pour pallier ces manquements, le jugement humain apparaît nécessaire pour toute prise de décision conduisant à des conséquences tangibles telles que l’accord d’un prêt pour une personne vulnérable, un traitement médical personnalisé, ou encore le parcours de formation d’un étudiant au profil atypique.</p>
<p>Dans cette perspective, repenser la relation humain-machine consiste alors à concevoir la place du jugement humain dans la prise de décision automatisée. Il faut ainsi renforcer la capacité des salariés à pouvoir intervenir sur les prises de décision opérées par l’IA, soit en faisant en sorte que l’IA propose des actions à réaliser parmi lesquelles le salarié peut choisir, soit en laissant la possibilité à celui-ci de contrevenir à une décision prise par l’IA dans des cas particuliers.</p>
<p>C’est donc sur ces expertises tacites qu’il faut miser pour pouvoir reconstruire une identité professionnelle valorisante, et complémentaire aux capacités de l’IA. En s’appuyant sur l’IA comme un réel outil d’aide à la décision, la profession évoluera vers un renforcement de l’expertise tacite et par conséquent une « augmentation » du rôle du professionnel. Les professions qui font face à l’émergence de l’IA doivent anticiper son impact sur l’identité professionnelle très en amont afin de réfléchir sur la construction d’une complémentarité humain-machine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205789/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’irruption de ChatGPT remet notamment en question les compétences et les caractéristiques inhérentes à certains métiers aujourd’hui appelés à se renouveler pour perdurer.Clara Letierce, Professeur assistant, responsable de la spécialisation bachelor « management digital , Burgundy School of Business Yann Truong, Professor, Strategy, Entrepreneurship and International Business, ESSCA School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2043772023-05-17T18:12:09Z2023-05-17T18:12:09ZÉboueurs : un métier essentiel mais souvent méprisé<p>La grève des éboueurs de la ville de Paris, menée et reconduite face à la réforme des retraites, a permis d’attirer l’attention sur la pénibilité d’un métier qui <a href="https://theconversation.com/travailler-plus-longtemps-mais-dans-quel-etat-le-cas-des-eboueurs-198888">met la santé à l’épreuve</a>, a un impact négatif sur <a href="https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2006-3-page-62.htm?contenu=article">l’espérance de vie</a> et condamne, lors du départ à la retraite, à la modestie des pensions perçues et à la vulnérabilité des corps usés par un travail qui concentre la plupart des contraintes qui caractérisent le <a href="https://www.cairn.info/travailleurs-des-dechets--9782749214368-page-145.htm">monde subalterne</a> – ouvrier et employé – d’aujourd’hui.</p>
<p>En effet, comme le soulignent plusieurs études, aux contraintes de temps et physiques s’ajoutent des formes plus insidieuses mais parfois lourdes de souffrance morale, psychique ou identitaire notamment liées aux <a href="https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2015-1-page-105.htm">relations avec les usagers-riverains</a>, en dépit des satisfactions (sociabilités, reconnaissance, dons, étrennes, etc.) que celles-ci offrent par ailleurs.</p>
<p>Ces contraintes relationnelles indiquent et actualisent concrètement, lors des interactions avec le public (riverains, automobilistes, commerçants, etc.), le <a href="https://www.cairn.info/travailleurs-des-dechets--9782749214368.htm">processus de stigmatisation et de disqualification sociale</a> dont les éboueurs font l’objet. L’exercice du métier conduit notamment à faire régulièrement l’expérience de la déconsidération et du mépris.</p>
<h2>Au-delà des pénibilités physiques : faire face au mépris</h2>
<p>Les agents doivent souvent apprendre à se défaire du regard des autres et du poids des stigmates associés à leur métier, toujours ancrés dans l’imaginaire collectif (échec scolaire, « travail d’immigrés » occupé faute de mieux, etc.).</p>
<p>Ils sont également confrontés à l’invisibilisation et à l’indifférence structurelle qui les assignent au statut de non-personne dans l’espace public (« Tu existes pas pour les gens », « Tu fais partie du décor »). Ces situations quotidiennement éprouvées entretiennent et renforcent un sentiment de dévalorisation déjà existant lié à l’exercice d’un « sale boulot » (« On ramasse la merde des autres », « On est de la merde pour les gens »).</p>
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<p>Le stress des ripeurs (ceux qui sont situés à l’arrière du camion et chargés de collecter les ordures), confrontés aux dangers de la circulation et aux contraintes de temps, est amplifié par l’impatience des automobilistes qui les pressent (klaxons, insultes, etc.) lors de la collecte des déchets. Les balayeurs sont chaque jour témoins des incivilités qui ont lieu sous leurs yeux (jeter une cigarette ou un papier par terre, ne pas ramasser une déjection canine, etc.). S’ils décident de réagir, leurs rappels à l’ordre entraînent parfois des réponses qui les relèguent au statut de « larbin » (« Je vous paye avec mes impôts »).</p>
<p>Invisibilisés sauf lorsqu’il s’agit d’être mal vus, rendus responsables de la malpropreté des rues ou surveillés, chaque seconde passée à ne pas mettre en scène le travail (par exemple lors d’une pause cigarette ou dans un bistrot) alimente le soupçon de fainéantise que des riverains ne manquent pas d’exprimer directement ou par le biais de plaintes adressées aux services techniques. Des agents subissent parfois des propos malveillants, racistes ou relatifs au genre (des balayeuses à qui on fait comprendre qu’elles ne devraient pas faire un « métier d’hommes »). Elles et ils sont aussi exposés à des provocations ainsi qu’à des risques d’agression verbale et physique.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le quotidien d’un éboueur parisien (Brut).</span></figcaption>
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<p>D’autres formes de violence, en apparence plus euphémisées, peuvent marquer durablement les esprits. Par exemple, des passants qui expliquent à leurs enfants (souvent fascinés par les éboueurs), devant un agent en plein travail : « Si tu travailles pas à l’école, tu finiras comme ça », « Le monsieur balaye parce qu’il n’est pas directeur comme Papa », etc.</p>
<p>Ces contraintes s’inscrivent par ailleurs dans des rapports sociaux spécifiques. Par exemple, elles risquent d’être exacerbées par les effets de la distance sociale pour des agents qui exercent leur métier au sein de zones urbaines investies par des catégories sociales intermédiaires ou supérieures. Pour les agents, ces riverains, loin d’être systématiquement perçus comme étant irrespectueux ou hostiles, peuvent néanmoins manifester des comportements qui sont interprétés comme une forme spécifique de <a href="https://editions-croquant.org/sociologie/708-mepris-de-classe.html">mépris de classe</a>. Dans un contexte de creusement des inégalités et de renforcement des <a href="https://www.cairn.info/paris-sans-le-peuple--9782707191021.htm">processus de relégation spatiale</a> des catégories plus modestes en dehors de la capitale – la majorité des agents, issue des classes populaires, réside en banlieue –, ces expériences contribuent à nourrir un sentiment de marginalisation et à occasionner des blessures sociales parfois importantes.</p>
<h2>Les racines sociales du mal-être</h2>
<p>Cette expérience de la déconsidération est différemment appréhendée selon le profil, les propriétés ou la trajectoire sociales des agents. Mais elle révèle et ravive souvent un décalage, plus ou moins important selon leur situation, entre ce qu’ils sont professionnellement et ce qu’ils sont socialement (c’est-à-dire leurs ressources, leurs aspirations, leurs modes de vie, leur image de soi).</p>
<p>Ces ouvriers réalisent un « sale boulot » en « bas » de la fonction publique, investie pour ses vertus stabilisatrices et protectrices, sans être nécessairement en « bas » de la structure sociale. En effet, ils disposent souvent de ressources suffisantes pour aspirer à vivre simplement mais dignement, <a href="https://www.raisonsdagir-editions.org/catalogue/etre-comme-tout-le-monde/">« comme tout le monde »</a>, mais qu’ils peinent à faire reconnaître, trop souvent réduits à un travail sans qualité (« Nous aussi on a des diplômes ! », « Je suis pas une merde, moi aussi j’ai un pavillon », « C’est pas parce que je suis éboueur que je sais pas lire ni écrire », etc.).</p>
<p>Mais si ces ressources (notamment l’emploi public) procurent une relative stabilité sur le plan socio-économique, leur modestie (notamment celle des salaires) rend la situation des agents fragile, incertaine, rarement débarrassée du risque de la précarisation (parfois éprouvée), empêche la pleine satisfaction des aspirations (par exemple l’accès à la propriété) ainsi que la possibilité de se soustraire totalement aux stigmates souvent associés au « bas » de l’échelle socioprofessionnelle.</p>
<p>C’est à l’aune de cette tension entre stabilité et insécurité que l’on peut sans doute comprendre l’indignation suscitée par la réforme des retraites.</p>
<h2>La réforme des retraites : autre indice de la déconsidération ?</h2>
<p>On peut en effet penser que cette réforme vient comme accentuer ce déficit de reconnaissance, celle à l’égard de la réalité du métier, de son utilité et de ses pénibilités, de la fragilité économique et de la vulnérabilité physique des agents.</p>
<p>Rappelons que la condition des éboueurs parisiens a été fragilisée dans les années 1980 (<a href="https://www.persee.fr/docAsPDF/rfeco_0769-0479_2008_num_22_3_1653.pdf">externalisation, affaiblissement syndical et baisse de la valeur des salaires</a>) puis 2000 (<a href="https://journals.openedition.org/nrt/1624">intensification du travail</a>).</p>
<p>Les agents, craignant pour leur avenir, la perçoivent comme menacée. D’autres indices nourrissent l’inquiétude, notamment : la difficile prise en charge par l’employeur des problèmes de santé (qui interviennent parfois tôt dans la carrière) et de l’absentéisme qui en résulte au sein d’un groupe vieillissant ; une mobilité professionnelle limitée ; l’état de santé des anciens qui partent à la retraite, le montant des pensions qu’ils perçoivent et l’âge auquel certains décèdent.</p>
<p>Dans ce contexte, on peut comprendre l’incompréhension mais aussi l’angoisse provoquée par la réforme, qui prévoit de reculer l’âge de départ à la retraite (57 à 59 ans dans le public, 62 à 64 ans dans le privé), chez celles et ceux qui exercent un métier indispensable au bon fonctionnement de la cité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204377/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugo Bret ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les agents doivent souvent apprendre à se défaire du regard des autres et du poids des stigmates associés à leur métier.Hugo Bret, Sociologue - chercheur associé au CERLIS, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1989082023-02-26T17:11:00Z2023-02-26T17:11:00ZChoisir une filière scientifique : l’importance des « role models » pour les lycéennes<p>L’égalité entre les femmes et les hommes a été déclarée grande cause nationale par le président de la République. Réaliser les conditions de cette égalité commence dès le plus jeune âge, à l’école, comme le rappelle <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043982346/2023-02-09">l’article L121-1 du Code de l’éducation</a> qui stipule que « Les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d’enseignement supérieur […] contribuent à favoriser la mixité et l’égalité entre les hommes et les femmes, notamment en matière d’orientation ». Or les chiffres montrent que nous sommes encore loin du compte en la matière.</p>
<p>Après le collège, premier temps fort dans l’orientation des élèves, les <a href="https://www.education.gouv.fr/filles-et-garcons-sur-le-chemin-de-l-egalite-de-l-ecole-l-enseignement-superieur-edition-2022-340445">filles s’orientent pour la plupart vers la voie générale et technologique (71 %)</a>, quand seulement un peu plus de la moitié des garçons optent pour cette voie (57 %), l’autre moitié se dirigeant vers la voie professionnelle. C’est ensuite au lycée que les jeunes filles commencent à se détourner massivement des sciences dites « dures » (mathématiques et sciences de l’ingénieur) et du numérique, quand les garçons se détournent eux des filières plus littéraires.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-legalite-entre-les-sexes-nefface-t-elle-pas-les-segregations-dans-les-filieres-scientifiques-152272">Pourquoi l’égalité entre les sexes n’efface-t-elle pas les ségrégations dans les filières scientifiques ?</a>
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<p>À la rentrée 2021, les filles ne représentent, par exemple, que <a href="https://www.education.gouv.fr/media/117109/download">40 % des effectifs de l’enseignement de spécialité de mathématiques et seulement 13 % des effectifs de sciences de l’ingénieur et du numérique</a>. Ces choix d’enseignements de spécialités préfigurent très largement l’orientation post-bac des élèves, où les filles ne constituent que <a href="https://www.ipp.eu/wp-content/uploads/2022/10/Note_IPP_D_penses_sup_genre-1-2.pdf">17 % des effectifs d’étudiants en mathématiques, ingénierie et informatique</a>.</p>
<p>Or le simple fait que filles et garçons ne fassent pas les mêmes choix d’orientation, et notamment le fait que les filles soient sous-représentées au sein de certaines filières scientifiques, explique <a href="https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-note017.pdf">entre un tiers et un quart des écarts de rémunérations</a> entre les femmes et les hommes sur le marché du travail.</p>
<h2>Le poids des stéréotypes de genre</h2>
<p>Si les causes de ce désintérêt des filles pour les filières scientifiques <a href="https://www.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie-2014-2-page-99.htm">sont multiples</a>, le poids des normes sociales et des stéréotypes de genre est aujourd’hui reconnu par la communauté scientifique comme l’une des causes principales des inégalités d’orientation entre les filles et les garçons.</p>
<p>Dans une <a href="http://cache.media.education.gouv.fr/file/revue_97/07/0/depp-2018-EF97-web_1007070.pdf">enquête réalisée auprès de 8 500 lycéens</a> d’Île-de-France, nous montrons que la prévalence des stéréotypes de genre demeure élevée : entre 20 % et 30 % des filles et des garçons de notre échantillon sont d’accord avec l’affirmation selon laquelle les hommes seraient naturellement plus doués en mathématiques que les femmes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-filles-ont-delaisse-linformatique-110940">Pourquoi les filles ont délaissé l’informatique</a>
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<p>Contrecarrer l’influence de ces stéréotypes associés aux rôles masculins et féminins et promouvoir une image plus inclusive des filières scientifiques semble donc être un des premiers leviers à mobiliser pour favoriser des choix éducatifs moins genrés.</p>
<p>Une piste prometteuse pour y parvenir est de mettre les élèves au contact de <em>role models</em> féminins auxquels les jeunes filles puissent s’identifier. C’est ce que proposent diverses associations et programmes, à l’instar de <a href="https://www.ellesbougent.com/association/">« Elles bougent »</a> ou encore <a href="https://femmes-et-maths.fr/de-lecole-au-lycee/filles-et-maths-une-equation-lumineuse/">« Femmes et maths »</a>. Notre équipe de recherche <a href="https://www.ipp.eu/wp-content/uploads/2019/09/n45-notesIPP-septembre2019.pdf">a évalué l’impact de l’une de ces initiatives : le programme « For girls in science »</a> porté par la fondation L’Oréal. Il consiste en des interventions dispensées par des femmes scientifiques en classes de seconde générale et de terminale scientifique, deux moments clés dans l’orientation des élèves.</p>
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<p>L’objectif de cette heure d’échanges est double : déconstruire les stéréotypes associés à la présence de femmes en sciences et susciter l’intérêt des jeunes filles pour les filières scientifiques. L’évaluation de ce programme a été conduite dans 600 classes, réparties dans 98 lycées représentatifs des trois académies d’Île-de-France.</p>
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<figcaption><span class="caption">Des ingénieures rencontrent des lycéennes – Exemple d’actions menées par l’association Femmes et Mathématiques (France 3 Grand Est, 2022).</span></figcaption>
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<p>Afin de déterminer l’effet causal de l’intervention des femmes scientifiques sur les perceptions et sur les choix d’orientation des élèves, nous avons procédé à une évaluation par assignation aléatoire, qui consiste à tirer au sort la moitié des classes pour bénéficier de l’intervention (groupe « traité »), l’autre moitié servant de groupe de comparaison (groupe « témoin »).</p>
<p>Le tirage au sort garantit que les classes bénéficiant de la venue d’une femme scientifique sont en moyenne identiques aux classes témoins, puisqu’elles n’ont pas été choisies sur la base de caractéristiques spécifiques, comme une implication plus ou moins grande des enseignants dans le processus d’orientation, ou encore en fonction de la part plus ou moins élevée d’élèves projetant de faire des études scientifiques. Toute différence observée par la suite entre les classes traitées et témoins peut donc être interprétée comme l’effet direct de l’intervention.</p>
<h2>Des représentations qui évoluent</h2>
<p>Les résultats de notre étude montrent d’abord que l’intervention a eu des effets importants sur la manière dont les élèves se représentent les aptitudes des femmes et des hommes en sciences (Graphique 1). Parmi les élèves des classes traitées, la proportion se déclarant d’accord avec l’affirmation selon laquelle les hommes sont naturellement plus doués en mathématiques que les femmes, ou selon laquelle les cerveaux des hommes et des femmes sont différents diminue de 15 % à 23 % par rapport aux élèves des classes témoins.</p>
<p>L’intervention a par ailleurs rendu plus visible la sous-représentation des femmes en sciences, comme en témoigne la part d’élèves d’accord avec le fait qu’il y a plus d’hommes dans ce domaine qui augmente de 12 à 17 points de pourcentage. En revanche, un effet non anticipé du programme est qu’en mettant l’accent sur la sous-représentation des femmes en sciences, les interventions ont renforcé chez les élèves le sentiment que les femmes ont une moindre appétence pour les sciences et qu’elles sont discriminées dans les carrières scientifiques.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/512000/original/file-20230223-20-eyb8mr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512000/original/file-20230223-20-eyb8mr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512000/original/file-20230223-20-eyb8mr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512000/original/file-20230223-20-eyb8mr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512000/original/file-20230223-20-eyb8mr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512000/original/file-20230223-20-eyb8mr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512000/original/file-20230223-20-eyb8mr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Graphique 1. Impact du programme sur la perception des différences de genre face aux sciences.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>En suivant les élèves l’année après l’obtention de leur baccalauréat, nous montrons que, si le programme n’a en moyenne pas modifié les choix d’orientation des garçons ou des filles de seconde, il a néanmoins permis d’orienter une partie des filles de terminale scientifique vers des filières dans lesquelles elles sont largement sous-représentées. La proportion de filles inscrites en classe préparatoire scientifique passe ainsi de 11 % dans les classes témoins à 14,1 % dans les classes traitées, soit une augmentation de près de 30 %.</p>
<p>Dit autrement, cet effet est équivalent à avoir fait basculer une fille toutes les deux classes en classe préparatoire scientifique. Le graphique 2 montre que l’effet se concentre principalement sur les filles figurant parmi les 20 % les meilleures en mathématiques, avec une proportion d’inscrites en classe préparatoire scientifique passant de 28 % à 43 %.</p>
<p>Dans la toute dernière partie de notre étude, nous montrons que les intervenantes qui ont été les plus efficaces pour faire changer l’orientation des jeunes filles sont celles qui ont réussi à susciter l’intérêt des filles pour les métiers scientifiques. Celles ayant plus insisté sur la sous-représentation des femmes dans les métiers ne sont en moyenne pas parvenues à modifier les choix d’orientation.</p>
<p>Bien que les interventions de <em>role models</em> féminins en milieu scolaire constituent une piste prometteuse pour susciter l’intérêt des jeunes filles pour les filières scientifiques, cela ne saurait suffire à résorber l’ampleur des inégalités d’orientation entre les filles et les garçons. Ce type d’intervention doit donc s’intégrer dans un ensemble plus large de mesures oeuvrant en faveur de l’égalité filles-garçons à l’école.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198908/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marion Monnet a reçu des financements de la fondation l'Oréal pour mener à bien ce travail. Une charte déontologique a été signée par les deux parties afin de garantir l'indépendance scientifique de l'équipe de recherche ainsi que la libre publication de leurs résultats. </span></em></p>À partir du lycée, nombreuses sont les jeunes filles qui se détournent des filières scientifiques. Leur permettre de dialoguer avec des ingénieures et chercheuses peut-il modifier leurs choix ?Marion Monnet, Maitresse de conférence en économie, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1923602023-01-03T20:09:53Z2023-01-03T20:09:53ZLa disparition progressive des femmes médecins du Moyen Âge, une histoire oubliée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/499582/original/file-20221207-8673-qwv7pb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C343%2C1588%2C925&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'école de médecine de Salerne telle qu'elle apparaît dans une miniature du Canon d'Avicenne. L'image représente l'histoire légendaire de Robert, duc de Normandie. Mortellement blessé par une flèche, il fut héroïquement sauvé par sa femme qui aspira le poison comme l'avaient prescrit les médecins de Salerne.</span> <span class="attribution"><span class="source">Wikipédia</span></span></figcaption></figure><p>La plupart des <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/la-chasse-aux-sorcieres-n-est-pas-le-fait-du-moyen-age-3679491">« sorcières »</a> persécutées en Europe à partir du XV<sup>e</sup> siècle étaient en réalité des sages-femmes et des guérisseuses, héritières d’une longue tradition d’exercice laïc de la médecine, plus pragmatique que théorique.</p>
<p>Mais pour <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27464406">raconter l’histoire</a> de ces expertes (avant qu’elles soient totalement évincées), les chercheurs se heurtent à plusieurs obstacles : les informations sont peu nombreuses et disparates, fragmentées en de nombreuses sources très différentes ; sources biographiques, par exemple, mais aussi sources économiques, judiciaires, administratives. Quelquefois ne subsistent que des prénoms ou des noms, comme ceux des femmes inscrits à l’<em>Ars Medicina</em> de Florence (un traité médical), ou celui de la religieuse apothicaire Giovanna Ginori, inscrite sur les registres fiscaux de la pharmacie dans laquelle elle travaillait pendant les années 1560.</p>
<p>Ces recherches permettent néanmoins de mieux comprendre comment les femmes ont peu à peu été exclues de la médecine, de sa pratique et de ses études, de par un système institutionnel et hiérarchique totalement dominé par les hommes.</p>
<h2>La Scola Salernitana</h2>
<p>Il faut d’abord évoquer la plus célèbre École de Médecine active au début du Moyen Âge, celle de Salerne, la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cole_de_m%C3%A9decine_de_Salerne">Scola Salernitana</a>. Elle comptait dans ses rangs plusieurs femmes médecins : <a href="https://www.biusante.parisdescartes.fr/histoire/biographies/?refbiogr=8138">Trota</a> (ou Trotula), pionnière de la gynécologie et chirurgienne, Costanza Calenda, Abella di Castellomata, Francesca di Romano, Toppi Salernitana, Rebecca Guarna et Mercuriade, <a href="https://www.treccani.it/enciclopedia/scuola-medica-salernitana_%28Federiciana%29/">qui sont assez connues</a> et aussi celles qu’on nommait les <em>mulieres salernitanae</em>.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Contrairement aux femmes médecins de l’École, les <em>mulieres</em> travaillaient à un niveau plus empirique. Leurs remèdes étaient examinés par les médecins de l’École, qui décidaient ou non de les accepter, comme en témoignent le manuel <a href="https://ilpalazzodisichelgaita.wordpress.com/2016/09/30/scuola-medica-salernitana-istruzioni-per-luso-pubblicata-la-practica-brevis-di-giovanni-plateario/"><em>Practica Brevis</em></a> de <a href="https://www.treccani.it/enciclopedia/plateario_(Dizionario-Biografico)/">Giovanni Plateario</a> et les écrits de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23610222/">Bernard de Gordon</a>. A Salerne se croisaient savants chrétiens, juifs et musulmans ; différentes cultures y cohabitaient, faisant de l’École un lieu exceptionnel, vivier de rencontres et d’influences scientifiques.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/499594/original/file-20221207-4221-c4okzz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/499594/original/file-20221207-4221-c4okzz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=843&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/499594/original/file-20221207-4221-c4okzz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=843&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/499594/original/file-20221207-4221-c4okzz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=843&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/499594/original/file-20221207-4221-c4okzz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1059&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/499594/original/file-20221207-4221-c4okzz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1059&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/499594/original/file-20221207-4221-c4okzz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1059&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un médecin femme, peut-être Trotula de Salerne, tenant un flacon d’urine. Miscellanea medica XVIII, Folio 65 recto (=33 recto), début du XIVᵉ siècle.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cole_de_m%C3%A9decine_de_Salerne">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des femmes accusées d’exercer illégalement</h2>
<p>Cependant, dès 1220, la situation se complique car nul ne peut plus exercer la médecine s’il n’est pas diplômé de <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8539706t/f60.item">l’Université de Paris</a> ou s’il n’a pas obtenu l’accord des médecins et du chancelier de l’Université, sous peine d’excommunication. Citons l’exemple de Jacoba Felicie de Alemannia. Selon un document produit par l’Université de Paris en 1322, elle traitait ses patients sans connaître « vraiment » la médecine (c’est-à-dire sans avoir reçu d’enseignement universitaire) et était passible d’excommunication ; elle devait par conséquent payer une amende. Les actes du litige décrivent le déroulement d’un examen médical prodigué par cette femme : on apprend qu'elle analysait visuellement l’urine, prenait les pouls, palpait les membres du malade, et qu’elle soignait des hommes. C’est l’un des rares témoignages qui mentionne le fait que les femmes soignaient aussi des hommes.</p>
<p>Le procès de la jeune médecin a lieu pendant une période où l’on dénonçait et condamnait celles et ceux qui n’étaient pas diplômés de l’université. Avant elle, Clarice de Rouen avait été excommuniée pour l’exercice de la profession de médecin pour la même raison – avoir soigné des hommes – tandis que d’autres femmes expertes en médecine furent à nouveau condamnées en 1322 : Jeanne la converse de Saint-Médicis, Marguerite d’Ypres et la juive Belota.</p>
<p>En 1330, les rabbins de Paris sont également accusés d’exercer illégalement l’art de la médecine, ainsi que quelques autres « guérisseurs » qui se faisaient passer pour des experts sans l’être (selon les autorités) : on les taxait d'imposture, même s'ils étaient compétents. En 1325, le pape Jean XXII, opportunément sollicité par les professeurs de l’Université de Paris après l’affaire Clarice, s’adresse à l’évêque de Paris Stephen en lui ordonnant d’interdire aux ignorantes de la médecine et aux sages-femmes l’exercice de la médecine à Paris et dans les environs, en insistant sur le fait que ces femmes pratiquaient des sortilèges.</p>
<h2>La formalisation des études</h2>
<p>L’interdiction progressive de la pratique de la médecine pour le genre féminin a lieu parallèlement à la formalisation du canon des études, le début de contrôle minutieux par les hiérarchies d’enseignants et par les corporations, marginalisant toujours plus les femmes médecins.</p>
<p>Elles continuent pourtant d’exister et d’exercer – parmi les italiennes on connaît les Florentines Monna Neccia, mentionnée <a href="https://archiviodistatofirenze.cultura.gov.it/asfi/fileadmin/risorse/allegati_inventari_on_line/N91_Estimo.pdf">dans un registre fiscal, l’Estimo</a> de 1359, Monna Iacopa, qui a soigné les pestiférés en 1374, les dix femmes inscrites à la corporation des médecins de Florence – l’Arte dei Medici e degli Speziali – entre 1320 et 1444, ou les Siennoises Agnese et Mita, payées par la Ville pour leurs services en 1390, par exemple.</p>
<p>Toutefois, pratiquer la médecine devient très risqué pour elles, les soupçons de sorcellerie se faisant de plus en plus pesants.</p>
<p>Malheureusement, les sources officielles manquent de données au sujet des femmes médecins, car elles exerçaient dans une société dans laquelle seuls les hommes accédaient aux plus hautes fonctions.</p>
<p>Malgré tout, le cadre historique que l’on peut reconstituer montre l’existence non seulement de femmes qui étaient expertes et pratiquaient l’art de la médecine, mais aussi de femmes médecins qui ont étudié, souvent à titre non officiel – la plupart étaient instruites par leur père, leur frère ou leur mari.</p>
<h2>Les femmes médecins dans les sources littéraires</h2>
<p>Les sources non institutionnelles, comme les textes littéraires, sont très précieuses. Par exemple, Bocacce évoque une femme médecin dans le <em>Decameron</em>. Le narrateur, Dioneo, parle d’une certaine Giletta di Nerbona, une femme médecin intelligente qui parvint à épouser l’homme qu’elle aimait – Beltramo da Rossiglione – en récompense d’avoir guéri le roi de France d’une fistule à la poitrine. Boccacce fait dire à Giletta, qui perçoit bien le manque de confiance du souverain en elle, en tant que femme et jeune femme :</p>
<blockquote>
<p>« Je vous rappelle que je ne suis pas médecin grâce à ma science, mais avec l’aide de Dieu et grâce à la science de Maître Gerardo Nerbonese, qui fut mon père et un célèbre médecin de son vivant ».</p>
</blockquote>
<p>Boccace nous présente donc une femme experte en médecine d’une manière simple et naturelle : c’est peut-être un signe du fait qu’il se référait à des situations plus communes et connues par son public de lecteurs qu’on ne le croit généralement. Ce que dit Giletta au reflète une réalité de l'époque pour les femmes qui pratiquaient la médecine : ce qu’elle sait, elle l'a appris de son père.</p>
<p>Il existe en particulier beaucoup de données concernant les femmes médecins juives, actives en particulier dans le Sud de l’Italie et en Sicile, qui apprenaient l’art médical dans leur familles.</p>
<p>L’Université de Paris a joué un rôle très important dans le processus historique de normalisation et d’institutionnalisation de la profession médicale. Dans son article <a href="https://www.utpjournals.press/doi/abs/10.3138/cbmh.13.1.3">« Les femmes et les pratiques de la santé dans le Registre des plaidoiries du Parlement de Paris, 1364–1427 »</a>, Geneviève Dumas a bien montré l’importance des sources judiciaires parisiennes du XIV<sup>e</sup> et XV<sup>e</sup> siècle, parce qu’on y trouve la <a href="https://journals.openedition.org/medievales/7977">mémoire des femmes</a> qui ont été condamnées pour avoir pratiqué illicitement la médecine ou la chirurgie. Dumas a publié deux procès : celui qui a été mené contre Perette la Pétone, chirurgienne, et contre Jeanne Pouquelin, barbier (les barbiers étaient aussi autorisés à pratiquer certains actes de chirurgie).</p>
<p>Tandis que l’enseignement de la médecine à l’Université de Paris devenait la seule formation valable en Europe et que l’École de Salerne perdait en influence, les femmes ont été peu à peu exclues de ces professions.</p>
<p>La disparition progressive des femmes médecins est à mettre en relation avec les interdictions ecclésiastiques, mais aussi avec la professionnalisation progressive de la médecine et avec la création d’institutions de plus en plus strictes telle que les Universités, les Arts et les Guildes, fondées et contrôlées par des hommes.</p>
<p>En Europe, il faudra attendre le milieu du XIX<sup>e</sup> siècle pour que les premières femmes médecins diplômées <a href="https://www.biusante.parisdescartes.fr/histoire/medica/presentations/entree-femmes-en-medecine.php">puissent exercer</a>, non sans essuyer de vives critiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192360/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabella Gagliardi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les femmes ont peu à peu été exclues de la médecine, de sa pratique et de ses études, par un système institutionnel et hiérarchique totalement dominé par les hommes.Isabella Gagliardi, Professeur Associé d’Histoire du christianisme, Fondation Maison des Sciences de l'Homme (FMSH)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1925222022-11-30T17:55:29Z2022-11-30T17:55:29ZPourquoi il faut s’intéresser aux émotions des enseignants débutants<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/497259/original/file-20221124-7159-gqzmet.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C23%2C994%2C724&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Émotions et cognition sont indissociables.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-illustration/mind-fog-series-3d-rendering-human-1186220500">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Après avoir longtemps été passées sous silence, <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8601505n.image">car jugées néfastes et contraires à la raison</a>, les émotions connaissent aujourd’hui un regain d’intérêt tant au sein du grand public que dans le cadre de la recherche. En montrant qu’émotions et cognition sont indissociables, <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences/neurosciences/erreur-de-descartes_9782738124579.php">Damasio</a> a redonné leurs lettres de noblesse aux émotions dans le contexte éducatif.</p>
<p>Depuis la fin des années 1990, des études internationales se sont penchées sur les émotions dans la salle de classe. Ces recherches portent le plus souvent sur les émotions des élèves et leur lien avec les apprentissages. Lorsqu’elles s’intéressent aux émotions des enseignants, c’est généralement pour analyser leur impact sur les élèves et les apprentissages. Mais dans le contexte actuel de <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/285423-crise-dattractivite-du-metier-denseignant-en-europe">crise d’attractivité</a> du métier, les étudier en tant que telles pourrait aider à comprendre comment les enseignants vivent leur métier, et ce qui pousse un nombre croissant d’entre eux à démissionner, et notamment en début de carrière.</p>
<p>S’il existe initialement une <a href="https://www.publicsenat.fr/emission/les-reportages-de-la-redaction/le-monde-enseignant-entre-malaise-et-desillusions-209897">crise de vocation</a> qui explique pour une part la pénurie d’enseignants, un grand nombre de stagiaires s’inscrivent toujours en formation initiale en manifestant une grande motivation pour le métier. Ce n’est qu’en cours d’année qu’ils expriment un certain mal-être.</p>
<p>Peu de recherches ont été jusque-là consacrées aux enseignants novices (les stagiaires et les enseignants nouvellement titularisés) en France. Quelles émotions ressentent-ils au quotidien ? Qu’est-ce qui déclenche leurs émotions ?</p>
<h2>Un tourbillon émotionnel</h2>
<p>Rappelons qu’une émotion n’est pas une simple réponse à un stimulus comme on l’a longtemps pensé. Elle ne peut se définir de manière isolée car elle a <a href="https://www.peterlang.com/document/1052335">besoin d’un contexte pour se construire</a>. Son point de départ réside dans la représentation/l’image mentale/le scénario qu’une personne se fait d’une situation. Lorsque ce scénario se confronte à la réalité, le <a href="https://www.theses.fr/s172311">décalage engendré fait alors émerger l’émotion</a>.</p>
<p>Les enseignants novices débutent leur carrière avec des représentations du métier liées à leur parcours d’élèves en réussite, aux clichés véhiculés par les médias et le grand public tels « Les profs sont toujours en vacances », « être enseignant est le plus beau métier du monde », « enseigner l’anglais à des débutants demande peu de préparation », « dans certains quartiers, ça ne peut que mal se passer », etc.</p>
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<p>Ces images mentales génèrent chez les débutants des représentations fantasmées de ce qu’est un « bon » enseignant, un « bon » élève, un « bon » cours, de l’institution, des collègues, etc. La réalité effective en classe peut être fort différente et ce décalage peut engendrer des émotions intenses, voire douloureuses.</p>
<p>Afin de comprendre quelles sont les émotions les plus fréquentes chez les enseignants, ce qui les déclenche et comment elles évoluent avec l’expérience, une <a href="https://www.theses.fr/s172311">étude</a> a été menée durant quatre ans, de 2016 à 2019, avec des cohortes de professeurs d’anglais novices et des enseignants plus expérimentés à différents stades de leur carrière.</p>
<p>L’analyse des réponses obtenues a permis d’observer que, quels que soient leur ancienneté et leur niveau de compétences, les enseignants ressentent majoritairement des émotions négatives au quotidien (57,5 % chez les enseignants novices). Cependant, si on établit un classement des émotions en fonction de leur nombre d’occurrences, la joie arrive toujours en première place, et la colère en deuxième position. Ceci signifie que le métier d’enseignant joue sur les extrêmes et n’est pas de tout repos émotionnellement parlant.</p>
<h2>Entre doutes et colère</h2>
<p>De manière assez cohérente, la rupture du contrat pédagogique, et plus spécifiquement le « comportement inadapté des élèves » émerge comme le premier élément déclencheur de la colère, comme on peut l’observer dans l’exemple suivant :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai ressenti de la colère avec une classe de sixième pénible aujourd’hui : bavarde, passive, travail non fait. Si l’on ne peut plus compter sur les petits sixièmes pourtant assez craintifs face à l’autorité, alors où va-t-on ? ! »</p>
</blockquote>
<p>On constate ici que la représentation que l’enseignant s’est construite à propos des élèves de sixième (« petits sixièmes pourtant assez craintifs face à l’autorité ») est en décalage avec la réalité en classe (« une classe de sixième pénible »), ce qui génère de la colère.</p>
<p>Un autre enseignant raconte : </p>
<blockquote>
<p>« J’avais tout orchestré comme on nous l’a appris et comme le fait ma tutrice. Je me suis même procuré un clavier et une souris sans fil pour que les élèves écrivent eux-mêmes. Tout était fait pour bien se passer. Mais, comme d’habitude, trop de bavardages, insolence, des “mais je n’ai rien fait” alors que je VOIS les élèves faire ! J’en ai eu marre et j’ai fini par hurler. » </p>
</blockquote>
<p>Là, ce sont trois scénarios qui sont contrariés : celui de « l’enseignant stagiaire performant » qui parvient à faire un « bon » cours et auquel « les élèves adhèrent ». La colère ne peut qu’être forte comme en attestent ses hurlements.</p>
<p>La colère peut être en lien avec l’enseignant lui-même, surtout en début de carrière. Elle peut venir de sa difficulté à mettre en place son identité professionnelle, à ses doutes et questionnements sur ses pratiques et sa légitimité, ce qui est très fréquent chez les novices et pourrait expliquer certaines démissions précoces. Je ressens de la « colère de ne pas avoir réussi à canaliser une de mes classes et d’avoir pris du retard. J’ai fait un cours très éloigné de ce que j’avais prévu », note ainsi un participant de l’enquête. La représentation mentale du cours est ici explicite, à travers « ce que j’avais prévu ».</p>
<p>Quelle que soit l’ancienneté des enseignants, tous ressentent de la colère lorsqu’ils ont le sentiment d’avoir donné un « mauvais cours » et/ou ont conscience de leurs difficultés et erreurs, comme le montre le témoignage suivant : </p>
<blockquote>
<p>« J’ai ressenti de la colère envers moi-même en excluant un élève. C’était pour moi un échec. Je n’ai pas réussi à sauver cet élève. »</p>
</blockquote>
<p>On y voit un décalage entre la représentation du professeur tout-puissant et sans faille, et la réalité du terrain.</p>
<p>La colère peut aussi provenir d’un décalage entre la vision que l’enseignant a de l’institution et la réalité : « Je ressens de la colère et de la solitude car je me sens jugée, évaluée, critiquée, mais pas soutenue », dit l’un des participants ; « La colère, la fureur. Le sentiment que notre matière est totalement sacrifiée, que notre travail, notre profession sont dévalorisés, réduits à néant. Ras-le-bol, envie de me barrer de l’éducation nationale », écrit un autre.</p>
<h2>Déconstruire les représentations</h2>
<p>Si le métier engendre de la colère, il suscite aussi beaucoup de joie. La réalisation effective peut être en adéquation (décalage zéro) avec le scénario que l’enseignant a élaboré, voire aller au-delà (décalage positif) en se passant « mieux que prévu ».</p>
<p>Voici quelques exemples d’émergence de la joie, liés à l’implication des élèves : « Je m’attendais à ce que peu d’entre eux fassent quelque chose de constructif. Joie qu’ils soient impliqués dans l’activité et montrent de l’enthousiasme », à leur réussite : « joie de voir mes élèves réussir leur évaluation finale mieux que je le pensais », et à leur connivence avec leurs professeurs : « surprise et joie qu’un élève me dise qu’il espère que je serai sa prof l’année prochaine ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/nouveaux-profs-ces-enseignants-qui-viennent-du-monde-de-lentreprise-189190">Nouveaux profs : ces enseignants qui viennent du monde de l’entreprise</a>
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<p>Ce sont des vecteurs importants, quelle que soit l’ancienneté des enseignants, tout comme la perception d’avoir donné un « bon cours ». Les novices ressentent aussi de la joie lorsqu’ils se sentent progresser et soutenus par l’institution.</p>
<p>Les enseignants novices sont pris dans un tourbillon émotionnel au quotidien dans lequel les émotions négatives dominent. Si la colère est très présente et douloureuse, la joie est aussi au rendez-vous. Ces émotions sont engendrées par le décalage (négatif ou positif) entre les scénarios échafaudés et la réalisation effective. Une réflexion sur ces représentations afin de les analyser pour les déconstruire apparait aujourd’hui comme un axe central de travail à généraliser au sein de la formation initiale pour lutter contre la souffrance des enseignants novices et l’échec des débuts de carrière.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192522/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Claire Lemarchand-Chauvin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une fois en classe, la réalité du métier peut s’avérer très différente de ce à quoi s’attendaient les enseignants débutants et ce décalage peut engendrer des émotions intenses, voire douloureuses.Marie-Claire Lemarchand-Chauvin, Docteure en didactique de l'anglais (chercheure associée à l'université Sorbonne-Nouvelle, laboratoire PRISMES, SeSyLIA), Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1891902022-08-31T19:13:03Z2022-08-31T19:13:03ZNouveaux profs : ces enseignants qui viennent du monde de l’entreprise<p>Émaillée d’incertitudes, d’isolement et de télétravail, la crise du Covid a conduit un certain nombre d’actifs à s’interroger sur leurs projets de vie et accru un mouvement déjà bien engagé, celui des reconversions professionnelles. Le baromètre Unédic de mars 2022 mentionne que 30 % des actifs en emploi sont en <a href="https://www.unedic.org/sites/default/files/2022-03/Barom%C3%A8tre-L-envie-de-changement-professionnel-dopee-par-la-crise.pdf">cours de changement de métier</a> ou envisagent de le faire. Pour les personnes demandeuses d’emploi, la proportion atteint 54 %.</p>
<p>Parmi ces cadres, ces ingénieurs, ces infirmiers, commerciaux ou banquiers, certains rejoignent les bancs des formations aux métiers du professorat. Un choix qui peut sembler à contre-courant à l’heure où l’on s’alarme d’une pénurie de <a href="https://www.education.gouv.fr/profil-des-admis-aux-concours-enseignants-2020-du-premier-degre-et-du-second-degre-326320">candidats aux concours</a>. Un récent rapport sénatorial sur <a href="https://www.senat.fr/rap/r21-649/r21-6491.pdf">« la crise d’attractivité du métier d’enseignant »</a> note que le « nombre d’inscrits au concours de l’enseignement du second degré a diminué de plus de 30 % en quinze ans, passant de 50 000 candidats présents en 2008 à 30 000 en 2020 ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/declassement-manque-de-reconnaissance-ces-enseignants-qui-veulent-changer-de-metier-176293">Déclassement, manque de reconnaissance… ces enseignants qui veulent changer de métier</a>
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<p>Ces aspirants à une reconversion vers l’enseignement représentent-ils une opportunité pour une Éducation nationale qui peine à séduire les nouveaux diplômés du supérieur ? De quels atouts disposent-ils pour réussir dans ce métier, du fait de leurs précédentes expériences professionnelles, et que peuvent-ils leur apporter ?</p>
<h2>Une envie de transmettre</h2>
<p>Penchons-nous d’abord sur les motivations qui animent ces personnes ayant connu une première vie professionnelle avant de devenir enseignants. <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-02113366/document">Une série d’entretiens</a> auprès de personnes ayant effectué une reconversion permet de distinguer quatre grandes tendances dans cette envie de bifurquer.</p>
<p>Une partie d’entre eux, comme Ivan, 37 ans (les prénoms ont été modifiés) invoquent le goût ou la passion pour une matière connue à l’université. Peu épanoui dans son ancien métier, qu’il ne considérait que « comme une roue de secours, un moyen de remplir le frigo », cet ancien livreur-conditionneur a passé le CAPES d’espagnol.</p>
<p>Pour d’autres, c’est le désir de travailler avec les jeunes et de les aider dans leur construction identitaire qui joue. « Ce que j’aime beaucoup, c’est le fait de pouvoir accompagner mes élèves, les éduquer, les instruire […] d’avoir un rôle social », raconte ainsi Virginie, 34 ans, ingénieure agronome qui a choisi de devenir enseignante en biotechnologie en lycée professionnel.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/N7aWaPISCsc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Reconversion : devenir enseignant (reportage de TV78, 2017).</span></figcaption>
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<p>À travers une reconversion, il peut s’agir aussi de rendre au système éducatif français ce qu’il a pu donner. À 56 ans, Yasmine développe un sentiment de générativité, tel que décrit par <a href="https://www.nytimes.com/1994/05/13/obituaries/erik-erikson-91-psychoanalyst-who-reshaped-views-of-human-growth-dies.html">Erik Erikson</a>. « J’ai tellement reçu de l’Éducation nationale que, au fond de moi-même, il n’y avait pas d’autre choix que de partager ce que j’ai reçu, raconte-t-elle. […] C’est mon moteur ». Pour cela, elle a laissé son emploi de secrétaire de direction et est devenue enseignante de français-anglais en lycée professionnel.</p>
<p>Enfin jouent les avantages réels – ou idéalisés – du métier d’enseignant. « J’ai travaillé 10 ans au commissariat à l’énergie atomique, dans la gestion […] jusqu’à mes deux enfants. J’ai fait neuf ans de congé parental parce que j’ai cinq enfants. […]. J’ai fini par me rendre à l’évidence, il me fallait un poste avec des vacances scolaires », note Gabrielle, 45 ans, contrôleur de gestion, devenue professeure documentaliste.</p>
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<p>Ces raisons correspondent à celles qui sont aussi invoquées par les <a href="https://www.cnesco.fr/wp-content/uploads/2017/04/Attractivite_Dossier_synthese.pdf">enseignants débutants</a> directement issus de l’enseignement supérieur, tout comme est partagée la revendication d’une vocation.</p>
<p>Pour Pauline, 29 ans, détentrice d’un CAPES histoire-géographie, l’envie d’enseigner remonterait à l’enfance : « je faisais l’école à mes poupées, pour apprendre mes leçons généralement ». En attendant de pouvoir concrétiser son projet professionnel de petite fille, elle a occupé des emplois de guide de châteaux touristiques et d’ASH en milieu hospitalier.</p>
<p>Si, contré par les vicissitudes de la vie, le projet se trouve repoussé temporellement, il y a toujours un <a href="https://www-cairn-info.ezproxy.uca.fr/revue-recherche-et-formation-2019-1-page-57.htm">élément déclencheur</a> qui vient remémorer cette envie d’enseigner : un licenciement, le décès d’un proche, la naissance d’un enfant, un accident domestique, professionnel de la circulation…</p>
<h2>Un réinvestissement de l’expérience</h2>
<p>Nous retrouvons donc un ensemble de motivations tout à fait légitimes à l’entrée dans le métier d’enseignant pour ces anciens professionnels du secteur privé. Pour autant, chacun d’eux dispose d’un vécu professionnel, plus ou moins présent selon la durée de cette première activité, qui induit naturellement une posture pouvant différer des autres enseignants débutants.</p>
<p>Plus âgés lorsqu’ils prennent leur premier poste d’enseignant, ces débutants affichent, face à leurs élèves, une distanciation que les autres débutants ont parfois du mal à avoir. Ils ne sont pas les « grands frères, copains […] animateurs extrascolaires » tels que <a href="https://journals.openedition.org/rechercheseducations/464">Gelin, Rayou et Ria</a> l’évoquent pour les jeunes enseignants. Leur tenue vestimentaire, leur langage, leur posture, tout les rend similaires à leurs collègues expérimentés.</p>
<p>Pourtant, le passage d’un statut d’expert dans leur précédent emploi à débutant dans celui d’enseignant fragilise leur identité professionnelle et les conduit à tendre vers deux positions plutôt opposées.</p>
<p>Soit ils revendiquent face à leurs élèves, leurs collègues et l’institution ce vécu professionnel. Pierre, 33 ans, commercial, titulaire du CAPLP économie-Gestion-Vente, indique clairement vouloir « construire mes cours à partir de mon expérience professionnelle », ces différents postes occupés correspondant à beaucoup de points du référentiel baccalauréat professionnel dans lequel il enseigne.</p>
<p>Soit ils la dissimulent, voire tronquent la vérité. Ainsi, Ivan, se présentant à son chef d’établissement et à ses collègues, évoque « une expérience dans le privé ». Tout l’auditoire pense à une expérience dans un établissement scolaire privé. Il ne les a pas démentis : « la confusion m’arrange ».</p>
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<p>Le lien entre l’ancien métier et la discipline enseignée contribue donc fortement à créer ces résurgences de l’ancien passé professionnel. Ce vécu pourrait donc être une plus-value non négligeable pour le système éducatif français et, in fine, pour les élèves en face de ces débutants atypiques.</p>
<p>Cependant, pour acquérir les <a href="https://www.education.gouv.fr/le-referentiel-de-competences-des-metiers-du-professorat-et-de-l-education-5753">compétences attendues</a> telles que définies par le bulletin officiel du 25 juillet 2013 et préparer le concours, une formation de deux ans en INSPÉ (Institut National Supérieur du Professorat et de l’Éducation) est désormais nécessaire. Or, les congés de formation sont souvent que d’une année ce qui rend très compliqué, voire impossible, de se reconvertir dans de bonnes conditions, pour des personnes ayant charge de famille et devant rembourser des crédits. Une situation à repenser sous peine de se priver d’un intéressant vivier de vocations ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189190/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvie Dozolme ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quelles sont les motivations qui animent les professionnels qui se tournent vers l’enseignement en deuxième partie de carrière ? Leurs expériences précédentes sont-elles vécues comme des atouts ?Sylvie Dozolme, Formatrice et responsable de master à l'INSPE, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1837522022-06-27T16:03:37Z2022-06-27T16:03:37ZFace à la « culture charrette », les architectes arriveront-ils à réinventer leur profession ?<p>La question de la « culture de la charrette » a beau revenir régulièrement dans les médias, faire l’objet d’un groupe de travail ministériel et de mesures dans les écoles nationales supérieures d’architecture, elle reste un sujet difficile quand on discute le modèle professionnel des architectes.</p>
<p>Tandis que je terminais la rédaction de cet article et échangeais avec mes collègues sociologues sur son contenu, j’ai été frappée de leurs réactions face à cette pratique qui consiste à travailler jusqu’à l’épuisement : « fais attention où tu mets les pieds », m’a-t-on dit. Comme si l’évocation de la « charrette » des architectes était une peine perdue, attaquant dangereusement l’un des traits identitaires phares du corps professionnel. Un architecte sans « charrette » est-il vraiment architecte ?</p>
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<a href="https://theconversation.com/faut-il-souffrir-pour-meriter-son-doctorat-175250">Faut-il souffrir pour mériter son doctorat ?</a>
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<p>C’est donc à la fois du point de vue personnel que j’aimerais lancer la discussion, car j’ai été charrette entre 2004 et 2010 pour obtenir le titre d’architecte d’État. Mais aussi du point de vue de l’enseignante-chercheuse que je suis devenue, ce qui me permet de mieux comprendre comment la « charrette » structure une identité et un groupe professionnels, et plus récemment, d’observer comment les nouveaux diplômés s’en détournent, réinventant leur profession.</p>
<h2>L’envers d’un « métier passion »</h2>
<p>Tradition héritée des Beaux-arts au XIX<sup>e</sup> siècle et perpétuée dans les ateliers de projets des écoles d’architecture, la « charrette » consiste à travailler intensément jusqu’à se priver de dormir pour terminer un projet, avant de le présenter à ses professeurs afin d’être évalué.</p>
<p>Entre la fierté d’appartenir à un groupe social balisé et la souffrance physique et mentale, deux camps d’étudiants se côtoient en atelier de projet. Si la charrette sélectionne par la force des choses les plus tenaces (ou les plus soumis au système institutionnel ?), elle exclut ceux qui n’adhèrent pas à cette culture et qui ne résistent pas à une telle pression. La pratique s’avère en effet risquée en termes de santé et je garde de vifs souvenirs de la médecine préventive passant nous rendre visite après avoir été alertée par des tentatives de suicide, trouvant là des étudiants aux faibles tensions.</p>
<p>En 2018, l’Union nationale des étudiants en architecture et paysage alertait sur le mal-être dans les Écoles nationales supérieures en architecture. Dans leur <a href="https://www.architectes.org/sites/default/files/atoms/files/synthese_enquete_sante_etudiants_en_architecture_uneap.pdf">enquête</a> menée auprès de plus de 5 000 élèves, deux tiers confirment l’existence de cette <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2020/11/19/en-ecole-d-architecture-les-derives-de-la-culture-charrette_6060305_4401467.html">« culture de la charrette »</a>, considérée par la majorité comme « épuisante, éprouvante et banalisée ». Plus d’un tiers des étudiants disaient dormir « moins de quatre heures » par nuit durant la semaine qui précède un gros rendu. Une situation qui a poussé le ministère de la Culture à constituer un groupe de travail en 2019 avec les acteurs du secteur, consacré aux <a href="https://www.culture.gouv.fr/Presse/Communiques-de-presse/Deploiement-d-un-plan-d-action-pour-ameliorer-le-bien-etre-et-la-sante-des-etudiants-des-20-ecoles-nationales-superieures-d-architecture-et-de-paysage">enjeux de bien-être et de santé étudiante</a> dans les écoles et qui cible également les discriminations, les violences et harcèlement sexistes et sexuels.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-souffrance-psychologique-des-etudiants-est-difficile-a-apprehender-149590">Pourquoi la souffrance psychologique des étudiants est difficile à appréhender</a>
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<p>La charrette s’entretient dans les agences, sélectionnant une seconde fois les plus résilients, et excluant généralement cette fois les femmes de ce mode d’organisation. La première limite du métier passion est en effet la charge et les horaires de travail. Plus de la moitié des répondants à <a href="https://www.grenoble.archi.fr/wp-content/uploads/2020/03/devenir-professionnel-des-diplomes-en-architecture-2018.pdf">l’enquête ministérielle</a> affirme être amenés à travailler « occasionnellement » le samedi, 40 % peuvent de manière occasionnelle travailler le dimanche. Ils sont également nombreux (65 %) à pouvoir le faire de temps en temps « entre 20h et minuit » voire « entre minuit et 5 h » (20 %) ou encore « entre 5h et 7h » (16 %).</p>
<p>Ce qui était une pratique courante à l’école devient plus difficile dans le monde professionnel et de nombreux diplômés s’interrogent finalement sur la possible conciliation entre l’exercice de l’architecture et d’une vie sociale et familiale.</p>
<h2>La menace de la précarité</h2>
<p>La deuxième limite à l’exercice d’un <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-les_architectes_mutations_d_une_profession_guy_tapie-9782738488039-1103.html">métier passion</a> est économique. Les architectes figurent parmi les moins payées des professions libérales en France, près de trois fois moins que les activités juridiques et comptables.</p>
<p>Cette précarité économique est liée à plusieurs facteurs. D’abord, une image d’artiste héritée de la Renaissance renvoie aux autres acteurs du cadre de vie et au grand public un personnage désintéressé, qui travaillerait gratuitement. Ensuite un rôle de la figure de l’architecte amenuisé dans la chaine de production, <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782842875923-etre-architecte-les-vertus-de-l-indetermination-olivier-chadoin/">partageant les compétences</a> et les honoraires avec une complexité d’acteurs de plus en plus nombreux (promoteurs, ingénieurs, urbanistes, économistes…).</p>
<p>Enfin, la troisième limite est l’inégalité hommes/femmes, certes non spécifique à la profession d’architecte, mais qui s’incarne sous plusieurs formes chez ce corps professionnel. Du point de vue de l’exercice de la maîtrise d’œuvre d’abord, les détentrices de l’habilitation à la maîtrise d’œuvre en nom propre (HMONP) sont <a href="https://www.grenoble.archi.fr/wp-content/uploads/2020/03/devenir-professionnel-des-diplomes-en-architecture-2018.pdf">moins nombreuses que leurs confrères</a> à être inscrites au Tableau de l’Ordre des architectes (28 % contre 41 %). Dans le quotidien ensuite, des pressions pèsent et des pénalités s’appliquent aux femmes, comme ce témoignage l’exprime : « Je travaille tous les soirs et tous les week-ends pour compenser le <a href="https://www.architectes.org/sites/default/files/atoms/files/2020-12-09-archigraphie-2020-web.pdf">fait d’avoir un enfant</a>). »</p>
<p>Charrette, horaires, salaires, inégalités hommes-femmes font tendre les nouvelles générations de diplômés vers une certaine <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2020/11/29/on-nous-a-vendu-un-reve-different-de-la-realite-de-l-ecole-a-l-agence-les-desillusions-des-jeunes-architectes_6061533_4401467.html">désillusion</a> et les invitent à exercer d’autres activités que celles traditionnellement attribuées aux architectes : ils peuvent devenir dessinateurs, critiques, écrivains, enseignants, chercheurs, journalistes, ingénieurs, urbanistes, paysagistes, designers, architectes d’intérieur, révélant une pluralité de facettes complémentaires aux activités de l’architecture.</p>
<h2>De futurs défis pour les diplômés</h2>
<p>La mise en place de l’habilitation à la maîtrise d’œuvre en nom propre (HMONP) offre des perspectives aux architectes en termes de création d’entreprises, ce qui les engage à rompre avec un modèle libéral qui a visiblement atteint ses limites. Des agences nouvelles générations s’inscrivent dans ce changement et entrent avec succès dans des modèles entrepreneuriaux.</p>
<p>Certaines, telles que <a href="http://cityzen-architectes.com/a-propos.html">Citizen architectes</a> proposent par exemple d’orienter les compétences de leurs salariés vers des segments d’activités adaptés à chacun (conception, chantier, communication) et bannissent la pratique de la charrette. D’autres comme <a href="https://www.polyarchitecture.net/">Poly Rythmic</a> sont polyfonctionnelles, composées non seulement d’architectes mais aussi d’ingénieurs, bénéficiant ainsi d’un mélange de cultures professionnelles pour trouver une voie alternative au modèle traditionnel.</p>
<p>Une <a href="https://www.lavue.cnrs.fr/publications/article/generation-hmonp-la-formation-a-l-habilitation-a-exercer-la-maitrise-d-oeuvre">enquête sociologique</a> menée sur la mise en situation professionnelle HMONP a recueilli les pratiques idéales des architectes d’État projetées dans 10 ans et voici les projections des nouveaux diplômés :</p>
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<li><p>exercer sous forme associative, de réseaux, avec une ouverture pluridisciplinaire et une synergie des compétences ;</p></li>
<li><p>exercer avec un ancrage dans un territoire en région d’origine, sur des thématiques territoriales (ruralité, montagnes, littoral) ;</p></li>
<li><p>exercer dans une structure « à taille humaine » ;</p></li>
<li><p>exercer avec engagement et suivant ses valeurs : une importance est donnée à la qualité de la commande, à la relation au client, à un engagement social et plus écologique ;</p></li>
<li><p>s’ouvrir, se former à d’autres compétences, s’épanouir : une des préoccupations des diplômés est de ne pas s’enfermer dans une pratique unique, mais bien d’avoir des pratiques professionnelles plurielles et une vie privée épanouie.</p></li>
</ul>
<p>Finalement, la charrette éclaire les conditions d’accès à une profession ancienne et codifiée, celle de l’architecte, soumise aux enjeux démographiques (vieillissement, intergénérationnel), écologiques et énergétiques (RE2020, réhabilitation, frugalité) et économiques (crises, transition). De nombreux défis attendent donc chaque jour (et peut-être moins chaque nuit) les étudiants, professeurs, les professionnels et les institutions pour apporter des solutions et des visions d’avenir sur un cadre bâti et un environnement en profonde transformation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183752/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laura Brown ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Héritée des Beaux-Arts au XIXᵉ siècle, la tradition des nuits blanches pour terminer des projets se perpétue chez les élèves architectes, avec des souffrances qui posent des défis à la profession.Laura Brown, Enseignante-chercheuse à l'école supérieure des professions immobilières, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1815052022-05-04T18:41:19Z2022-05-04T18:41:19ZLes « mad skills », au cœur des métiers de demain ?<p>Alors que les innovations technologiques s’accélèrent, les frontières des métiers se redéfinissent sans cesse et de nouvelles fonctions apparaissent. Difficile donc quand on entre dans l’enseignement supérieur de savoir exactement de quelles missions une carrière sera faite. Pour aider les étudiants à se projeter dans l’avenir, la presse magazine explore régulièrement ces nouveaux terrains, à l’instar du mensuel Capital qui, fin 2021, s’est arrêté sur <a href="https://www.capital.fr/votre-carriere/10-metiers-que-vous-pourrez-exercer-dans-10-ans-1422286">« 10 métiers que vous pourrez exercer</a>… dans 10 ans ».</p>
<p>Quelles compétences faudra-t-il pour les pratiquer ? Quels sont les postures et savoir-faire qui feront la différence dans la maitrise d’un poste ? Et surtout, notre pédagogie est-elle en phase pour former dès à présent à ces métiers ?</p>
<p>Pour répondre à ces questions – et parce qu’ils sont au cœur de nos ambitions pédagogiques – nous nous appuierons sur trois des dix métiers cités dans l’article : « nudge designer », éducateur de robot et anticipateur de crise.</p>
<h2>Sortir des cadres connus</h2>
<p>Le nudge designer est celui qui « imagine des solutions pour influencer les comportements des usagers ou des consommateurs », nous dit l’article ; c’est celui qui dessinera par exemple des pas sur un trottoir vers la poubelle pour inciter à la propreté.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-nudges-un-coup-de-pouce-non-violent-95306">Les nudges : un coup de pouce non violent ?</a>
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<p>Bien sûr, il lui faut des compétences fondamentales, en l’occurrence des <a href="https://www.contrepoints.org/2021/02/16/390698-lanatomie-dun-nudge#comments_container">connaissances en psychologie comportementale/cognitive</a> afin de déterminer ce qui fait qu’une personne va agir ou non et des compétences transversales comme l’empathie, la communication. Cependant pour imaginer des dispositifs vraiment innovants, le nudge designer devra posséder une manière de voir complètement décalée, voire déviante du formatage classique…</p>
<p>Pour devenir éducateur de robot, il sera préférable de savoir coder (« hard skill »), cela demandera également de comprendre la relation homme machine (« soft skill ») mais aussi d’être capable d’imaginer des scénarii où les robots seront plus compétents que l’humain. Il s’agira enfin de réfléchir à la manière dont le robot pourra apprendre l’éthique et l’empathie. Ces nouvelles manières d’enseigner aux robots devront sûrement être très inventives, très surprenantes, voire inattendues…</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/9NdmAw7LETY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Elever un robot journaliste : le cas de Flint (Benoît Raphaël – Ouest Médialab, 2017).</span></figcaption>
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<p>Prenons maintenant le cas d’une avalanche que devrait gérer un anticipateur de crise. Se préparer à ce type de scénario mobilise des compétences techniques : cartographie, topographie, nivologie, etc. mais aussi des soft skills comme la compréhension des réactions humaines dans cette situation (panique, peur, angoisse). Cependant pour anticiper toutes les crises (im)probables, il faudra aller plus loin en inventant les simulateurs de demain, dans la lignée du Hitlab de Chrischurch qui travaille sur des <a href="https://www.canterbury.ac.nz/hitlab/">outils multisensoriels</a> pour faire face à des événements tels que les tremblements de terre.</p>
<p>Il arrive d’ailleurs de plus en plus que les simulateurs virtuels fassent appel à des spécialistes des jeux vidéo car ceux-ci ont cette imagination capable de faire vivre des expériences hors du commun relevant parfois de la fiction. Une fiction qui, dans certains cas, peut devenir réalité et qu’il faudra anticiper.</p>
<h2>Capacité d’expérimentation</h2>
<p>Si les « hard skills » (les connaissances fondamentales et les compétences techniques, comme la maitrise d’un outil, d’un langage de programmation, la maitrise de gestes) et les « soft skills » (souvent transverses, comme la négociation, la créativité, l’agilité, etc.) sont déjà identifiées pour soutenir les métiers de demain, il semble qu’elles ne suffisent pas.</p>
<p>Souvent mises en évidence par les start-up californiennes, les « mad skills » pourraient être ce complément dont la nécessité se ressent de plus en plus. Dans cette catégorie se trouvent des compétences comme la « déviance positive » (le fait de ne pas emprunter forcément le chemin tracé tout en ayant des intentions positives) ou encore le sens critique, l’ingéniosité, la singularité. Souvent ce sont les qualités propres aux profils décalés, atypiques, etc.</p>
<p>Ces compétences sont facilement identifiables chez un aventurier comme Mike Horn ou des personnages de fiction comme Mac Gyver ou Indiana Jones. Ces héros ont une incroyable capacité à <a href="https://theconversation.com/eloge-de-la-fuite-en-arriere-episode-1-68468">« saisir des voies détournées pour arriver à [leurs] fins »</a>. Ce qui leur permet de s’orienter avec les étoiles, de trouver à manger dans la nature, de construire un abri avec des matériaux de récupération, de réparer un véhicule pour se sortir d’une situation délicate. Il s’agit de « <a href="https://theconversation.com/eloge-de-la-fuite-en-arriere-episode-1-68468">se rendre, donc, disponibles aux choses du monde</a>, mais à l’unique condition de cultiver une polyvalence qui ouvre le regard ; et expérimenter des agencements de toute sorte qui traceront la route vers une sortie encore à imaginer ».</p>
<p>Il nous semble que ce sont ces postures, attitudes et osons le terme, ces « mad skills » qui feront la différence pour devenir « nudge designer », éducateur de robot ou encore anticipateur de crise. Car ce sont elles qui apparaissent dans ce grain de folie qui sera propre à ces métiers. Ce sont elles que les entreprises viennent déjà chercher et ce sont ces « mad skills » qu’il nous faut tenter, en tant que pédagogues, de repérer et de renforcer.</p>
<h2>Créativité adaptative</h2>
<p>Nous pensons que même si nous ne pouvons pas tous être Mac Gyver, il y a tout de même souvent, au fond de chacun de nous, cette créativité adaptative qui permet de <a href="https://www.welcometothejungle.com/fr/articles/mad-skills-competences-atypiques-post-Covid">faire face à des situations imprévues</a>.</p>
<p>Notre mission de formation n’est donc plus seulement de délivrer un savoir, mais de faire émerger cette capacité de chacun à sortir des sentiers battus. Il s’agirait donc d’imaginer des dispositifs pédagogiques qui permettent de mettre en évidence ces « mad skills », de faire prendre conscience aux apprenants qu’ils les possèdent et les aider à renforcer ces compétences atypiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/innovation-pedagogique-un-jeu-pour-reveler-la-creativite-des-etudiants-123141">Innovation pédagogique : un jeu pour révéler la créativité des étudiants</a>
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<p>Le jeu (serious game) pourra être un de ces révélateurs de mad skills. « On en apprend plus sur quelqu’un en une heure de jeu qu’en une année de discussion », disait Platon. Au travers du jeu, la personne montre sa véritable personnalité et ses traits de caractère. D’ailleurs, les entreprises tentent de plus en plus de <a href="https://www.cairn.info/revue-agrh1-2014-1-page-11.htm">recruter par le jeu</a>.</p>
<p>Plus que révéler les mad skills et les talents différents, le <a href="https://theconversation.com/le-jeu-peut-il-nous-sauver-136813">jeu</a> permet aussi de former dès à présent, les anticipateurs de scénario de crise ; c’est le cas de l’armée française qui a créé <a href="https://app.sindup.com/read/news/mdlweH-iiqJ2pKKlZJpp/newsletter-14785-8084651191-robct46n2se-w4R3qludi2ebqmpMVefJwe2MuuSty8R1xe2RhFWzhn6qVoWkcoh-VcrotISY662unFp3omudh2edm8U%7E">« Red Team »</a> en faisant appel à une dizaine d’auteurs de science-fiction pour imaginer les menaces militaires et technologiques à l’horizon 2030-2060. L’objectif est assumé : se faire peur pour mieux anticiper. Ce qui est notable dans cet exemple c’est justement que l’armée n’a pas fait appel à des géopoliticiens par exemple, mais bien à un regard neuf, un grain de folie de la part des auteurs et ce pour s’entrainer de manière concrète.</p>
<p>En conclusion, au terme de « déviant positif », nous préférerons le terme de « corporate hacker ». Celui-ci intègre le grain de folie sans oublier d’être corporate afin de ne pas déstabiliser l’organisation. Rappelons qu’il faut aussi comprendre, respecter les équilibres et l’hétérogénéité qui fait la richesse des équipes. Pour <a href="https://www.belbin.com/about/dr-meredith-belbin">Meredith Belbin</a> « nobody is perfect but a team can be » : personne n’est parfait, mais l’équipe peut l’être – avec ses grains de folie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181505/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La mission de la formation n’est plus seulement de délivrer un savoir, mais de faire émerger cette capacité de chacun à sortir des sentiers battus.Isabelle Patroix, Docteur en littérature, Playground Manager, Grenoble École de Management (GEM)Christian Rivet, Professeur associé en marketing, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1776492022-03-09T19:16:46Z2022-03-09T19:16:46ZLes hommes qui travaillent en crèche sont-ils plus progressistes que les autres ?<p>La mixité des métiers évolue lentement et s’observe d’abord dans les professions de cadres et les publics très diplômés ; ainsi, 20 % des ingénieurs et cadres techniques d’entreprises <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-des-affaires-sociales-2013-1-page-201.htm">étaient des femmes</a> en 2008.</p>
<p>À l’inverse de ce mouvement, le secteur de la petite enfance demeure très féminisé, avec seulement <a href="https://www.editions-eres.com/ouvrage/3429/l-egalite-des-filles-et-des-garcons-des-la-petite-enfance">2 % à 4 % d’hommes en crèche</a> et 10 % en maternelle. C’est le cas aussi du secteur des services, ainsi que des emplois peu qualifiés relevant du <a href="https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2008-2-page-243.htm">triptyque <em>care, cure, clean</em></a>, soit les métiers du service à la personne, du soin et de l’entretien ménager.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-legalite-entre-les-sexes-nefface-t-elle-pas-les-segregations-dans-les-filieres-scientifiques-152272">Pourquoi l’égalité entre les sexes n’efface-t-elle pas les ségrégations dans les filières scientifiques ?</a>
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<p>En dépit des objectifs européens en faveur d’une plus grande mixité professionnelle, l’entrée des hommes en maternelle ou en crèche reste donc discrète et mérite que l’on s’y intéresse si on veut en comprendre les freins et les obstacles. Parmi ceux-ci, il faut compter avec le poids d’un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=22qmyUvq4bs">héritage patriarcal</a>, assignant les femmes au rôle de maternage et les hommes aux métiers rémunérateurs et de pouvoir.</p>
<p>Beaucoup se satisfont de cet état de fait considérant que c’est dans l’ordre des choses, entendons par là dans l’ordre établi des genres où chaque sexe devrait être à une place inégale qui serait définie par la tradition et la nature.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1460879058355511297"}"></div></p>
<p>D’autres souhaitent une société plus ouverte à la complémentarité entre les sexes, <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/publications/Revue_Travail-et-Emploi/pdf/74_3320.pdf">comprise comme un atout</a> dans la division sexuée du travail au sein de collectifs professionnels mixtes : les qualités « naturelles » de chacun et chacune enrichissant le collectif, les hommes pouvant apporter leurs goûts et compétences en informatique ou dans certaines activités sportives par exemple, et les femmes déployer leurs aptitudes maternantes.</p>
<p>Au nom du principe égalitaire et en <a href="https://www.centre-hubertine-auclert.fr/article/le-genre-et-le-sexisme-expliques-en-3-min">référence aux Droits humains</a>, au droit à la liberté et à la démocratie, d’autres encore cherchent à inventer une société nouvelle, où la distinction entre hommes et femmes n’est plus un repère valable pour distinguer des types de tâches ou de postes de travail.</p>
<p>Comme on peut le voir la pertinence de la question ne va pas de soi pour tout le monde et la manière d’en fonder la visée n’est pas toujours partagée en regard du principe d’égalité.</p>
<h2>Masculinités plurielles</h2>
<p>Alors que la mixité professionnelle dans tous les secteurs est encouragée par les politiques publiques et considérée comme un levier pour faire avancer l’égalité entre les sexes, il s’agirait ici d’évaluer si ces hommes travaillant dans un secteur féminisé, la petite enfance en l’occurrence, penchent plutôt pour une conviction égalitaire. Cette enquête s’inscrit dans un <a href="http://irihs.univ-rouen.fr/fr/projets-de-recherche/mixprim">large programme de recherche, MIXPRIM</a>.</p>
<p>Les résultats de notre enquête reposent sur l’analyse de 75 entretiens biographiques menés auprès d’hommes exerçant en crèche ou en maternelle. Leur profil sociologique révèle des masculinités plurielles, moins cantonnées aux injonctions à la virilité. Leur socialisation familiale a été suffisamment ouverte pour leur permettre de s’orienter vers la petite enfance.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1284018890356531200"}"></div></p>
<p>Pour les plus jeunes, qui ont choisi d’emblée un parcours de formation pour accéder à ces métiers, cela constitue une manière de réussir. Pour les plus âgés s’étant reconvertis, ce secteur représente une voie de sortie de métiers plus typiquement « masculins », jugés plus durs et plus compétitifs, comme le bâtiment, le commerce ou l’ingénierie. Ils disent y trouver un havre de paix, un univers enfantin où ils apprécient la relation humaine et le « care ».</p>
<p>Compte tenu de ces caractéristiques plus ouvertes sur les progrès de l’égalité entre les sexes, et du fait d’un contexte politique national et européen très favorable, on pouvait s’attendre à observer une réelle évolution dans les attitudes et les discours de ces hommes. Si c’est en partie vrai, leurs manières de vivre les situations de travail restent toutefois prisonnières des stéréotypes de genre. Par exemple, il n’est pas rare d’y rencontrer encore des jugements dépréciatifs du type : « Une crèche c’est un nid de vipères ! Quand on est un homme, tous ces petits trucs nous passent au-dessus de la tête. »</p>
<h2>Représentations clivées</h2>
<p>De plus, l’horizon masculin est celui de la complémentarité « naturelle » entre les sexes : leur réflexion se déploie à partir de représentations très clivées du genre conçu sur le mode dichotomique homme/femme. La force physique, les manifestations de l’autorité sont souvent convoquées comme autant d’atouts naturels des hommes : « Le fait que ce soit un directeur homme ça peut faciliter les choses avec les parents parce que voilà c’est un homme, il peut être méchant ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1436200261916270594"}"></div></p>
<p>Des représentations partagées par leurs collègues femmes qui les accueillent à bras ouverts : « Pendant un remplacement dans une crèche on m’a dit : un homme enfin ! Tu vas pouvoir crier très fort pour que les enfants se calment. » L’équilibre entre les sexes représente un idéal à atteindre : « Dans ma classe, ça fait un peu couple, on reproduit le modèle familial papa-maman. »</p>
<p>Cela permet aussi de justifier l’entrée des hommes dans ces métiers selon une posture de réparation de ce qui serait néfaste aux enfants, comme les familles monoparentales. Un paternalisme débonnaire qui n’empêche pas ces hommes de se dire favorables à l’égalité entre les sexes et d’être pétris de bonnes intentions. « Nous en tant qu’hommes, on a cette place de régulateur on va dire » ; « La mixité, ça évite les histoires de bonnes femmes. Avec un homme on rigole plus. »</p>
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<p>Ainsi, les hommes promeuvent la mixité mais ils le font sur la base de la complémentarité et non de l’égalité, autrement dit ils ont intérêt à démontrer qu’ils apportent des compétences et « qualités » spécifiquement masculines dont la petite enfance a besoin.</p>
<p>Ils bénéficient de bonnes opportunités pour accéder rapidement à des postes de direction, reproduisant alors la hiérarchie sexuée des statuts plus élevés pour les hommes. C’est ce que Christine L.Williams de l’université du Texas nomme « l’escalator de verre » par opposition au « plafond de verre » qui bloque les carrières ascendantes des femmes vers des postes à responsabilités.</p>
<h2>S’inscrire dans un héritage</h2>
<p>Sans soutien institutionnel ni formation spécifique des équipes, ils explorent avec leurs collègues femmes aussi désarmées qu’eux un nouvel univers mixte de travail avec les cadres anciens de pensée, et tentent de bricoler une pratique professionnelle encore soumise aux rôles sociaux de sexe. En sorte que cette politique de mixité se révèle en l’état peu propice au développement de l’égalité professionnelle.</p>
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<p>Tant que les hommes entreront en crèche et en maternelle en étant persuadés qu’ils apportent des compétences et des « qualités » spécifiquement masculines dont la petite enfance a besoin, l’éducation restera bloquée dans la différence entre les sexes au sein des équipes et comme modèle renvoyé aux jeunes enfants.</p>
<p>Au contraire, ils devraient comme leurs collègues femmes être formés à s’inscrire dans l’héritage de la longue histoire pédagogique de la petite enfance forgée par les pionnières, notamment Pauline de Kergomard et Maria Montessori. Et au même titre que les femmes, contribuer à une éducation égalitaire. En somme, l’ouverture de la petite enfance aux hommes est une bonne chose, mais à la condition qu’elle soit accompagnée par un programme de formation aux études de genre solide.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177649/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sophie Devineau a reçu des financements de :
Contrat de recherche de la Région Normandie (2016-2019).</span></em></p>Seuls 2 % à 4 % des professionnels en crèche et en maternelle sont des hommes. Travailler dans un secteur très féminisé en fait-il des hérauts de l’égalité des sexes ? La réalité est plus complexe.Sophie Devineau, Professeure des universités en sociologie, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1780392022-03-03T19:58:02Z2022-03-03T19:58:02ZLe pain, une longue histoire d’innovations techniques et sociales<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/448859/original/file-20220228-21-1foasw7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=547%2C355%2C3028%2C2195&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Bien qu’en forte baisse, la consommation globale de pain avoisine actuellement une centaine de grammes par jour.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixnio.com/food-and-drink/bread/pastry-wheat-bread-food-diet#">Pixnio</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Aliment emblématique de la culture française, empreint de dimensions identitaires et symboliques, le pain est aussi un miroir de l’évolution de nos modes de vie. <a href="http://www.observatoiredupain.fr/actualites/millennials-des-gouts-et-des-valeurs_250.aspx">De moins en moins consommé au petit déjeuner ou en accompagnement des plats</a>, il l’est de plus en plus sous forme de sandwichs ou de hamburgers, notamment par les jeunes. Si d’un point de vue nutritif il reste le <a href="https://www.agro-media.fr/dossier/pain-lemergence-de-nouvelles-attentes-31421.html">premier contributeur en glucides et fibres dans le régime alimentaire des adultes</a>, sa consommation globale est très nettement en baisse depuis un siècle, puisqu’elle est passée de <a href="https://www.planetoscope.com/Autre/957-consommation-de-baguettes-de-pain-en-france.html">900 grammes par jour en moyenne en 1900 à une centaine de grammes aujourd’hui</a>.</p>
<p>En même temps, les Français <a href="http://www.observatoiredupain.fr/">privilégient encore aujourd’hui les établissements artisanaux</a> pour acheter leur pain, avec des produits jugés plus qualitatifs. Ces comportements sont notamment renforcés par la tendance sociétale vers une nourriture plus saine et consciente, ainsi que par la succession des crises sanitaires : les consommateurs se soucient de plus en plus des aliments qu’ils ingèrent et sont ainsi d’autant plus demandeurs de produits artisanaux, auxquels ils associent qualités gustatives et nutritionnelles.</p>
<p>Historiquement, c’est au hasard qu’est le plus souvent attribué l’invention du pain par les Égyptiens : de la pâte sans levain (eau, lait et farine d’orge et de millet) aurait été oubliée, se serait « gâtée » mais aurait été cuite malgré tout. Ainsi aurait eu lieu la découverte du pain avec levain. Depuis, l’histoire du pain est intimement mêlée aux innovations techniques, tant dans le processus de fabrication que dans l’évolution des outils.</p>
<p>Mais à celles-ci s’ajoutent un certain nombre d’innovations sociales, organisationnelles ou réglementaires, tout aussi fondamentales – par exemple le développement d’alternatives autour de filières territorialisées ou de chaînes locales. C’est cette intrication que nous avons pu mettre en évidence dans le cadre <a href="http://www.openscience.fr/L-innovation-ordinaire-d-un-produit-du-quotidien-l-exemple-du-pain">d’une recherche dédiée</a> à l’innovation de ce produit du quotidien.</p>
<p>Le pain fait partie de la nourriture de base de l’homme depuis que ce dernier a compris l’intérêt de la culture et de la sédentarisation. La domestication d’espèces végétales à intérêt alimentaire, dont font partie les céréales panifiables, marque une double rupture démographique importante : la densification et la sédentarisation. Le pain est le symbole de ces évolutions majeures, en particulier en France.</p>
<p>Selon l’historien espagnol Benigno Cacérès, toute l’histoire de l’humanité est comme « rythmée par la production des céréales panifiables : des révoltes, des guerres, des conquêtes se sont déclenchées à cause du pain. Objet de pouvoir, il sera vite réglementé : son poids, son prix, ses ingrédients et bien sûr l’organisation de la profession de boulanger. Mais avant le boulanger, il y a le meunier et les paysans : c’est toute une architecture sociale qui repose sur la protection et la commercialisation du pain ».</p>
<p>Pour obtenir du pain, il faut trois composants dont l’action est complémentaire et indissociable : l’amidon qui fournit les sucres ; le gluten qui assure la cohésion de l’ensemble ; et enfin la levure qui produit la levée et l’allègement de la pâte. Cette association se fait à partir de trois ingrédients : la farine (issue de céréales panifiables – blé tendre (froment), épeautre ou seigle), l’eau, et en général, le sel, ajouté pour ses propriétés gustatives.</p>
<h2>De la cueillette à la culture</h2>
<p>Avant le pain, il y eut le blé. Des recherches récentes des restes d’un foyer en Jordanie montrent cependant que du pain avait en réalité déjà été produit il y a 14 000 ans, quatre millénaires avant le début de l’agriculture. Si l’exploitation des céréales n’est pas courante à cette époque, il semble que la préparation et la consommation de produits semblables au pain (aliments à base de racines par exemple) précédent d’au moins 4 000 ans l’émergence de l’agriculture.</p>
<p>Cependant, les repas à base de céréales comme le pain ne deviennent des aliments de base que lorsque, semble-t-il, s’établit l’agriculture fondée sur la culture des céréales, d’abord dans le « Croissant fertile », au Moyen-Orient, puis dans d’autres régions dont l’Europe. C’est au cours de cette période appelée « Révolution néolithique », il y a de cela 100 000 à 5 000 ans, que l’homme commence à gérer la production de son environnement et qu’il passe de prédateur/cueilleur à cultivateur.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1019183910117310465"}"></div></p>
<p>La première série d’innovations en lien avec le pain concerne donc d’abord ce passage de la cueillette vers la culture : l’innovation est autant sociétale – puisqu’il s’agit de passer d’un mode de vie itinérant en fonction des stocks de nourriture à un mode de vie sédentaire autour d’une culture – que technique (domestiquer des variétés, préparer le sol, semer, récolter, et conserver les grains).</p>
<p>Cette première série se poursuit par une seconde série d’innovations technologiques déterminantes, qui conduit l’humanité à savoir extraire la farine et à la transformer en pain. Les techniques de transformation du blé permettent progressivement d’améliorer le produit. Les céréales sauvages, ancêtres du blé domestiqué (orge, millet et seigle d’abord, puis épeautre et blé) sont brisées, décortiquées, écrasées, moulues à la main, pierre par pierre, tamisées puis mélangées à de l’eau et cuites sur des braises ou des pierres chaudes.</p>
<h2>À Rome, l’aliment de base</h2>
<p>L’invention du pain au levain est attribuée aux Égyptiens, qui avaient découvert les effets « magiques » de la fermentation. Pour réaliser ce pain, ils prennent soin d’ajouter un morceau de pâte restant de la veille au mélange de grains moulus et d’eau. Ces « pâtes mères » sont d’ailleurs considérées comme des objets sacrés d’origine presque surnaturelle dans les maisons égyptiennes.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/448857/original/file-20220228-15-n6fmms.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/448857/original/file-20220228-15-n6fmms.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448857/original/file-20220228-15-n6fmms.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448857/original/file-20220228-15-n6fmms.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448857/original/file-20220228-15-n6fmms.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448857/original/file-20220228-15-n6fmms.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448857/original/file-20220228-15-n6fmms.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448857/original/file-20220228-15-n6fmms.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Croquis d’un moulin à trémie d’Olynthe. Actes du colloque international « Meules à grains » de La Ferté-sous-Jouarre (2002).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Moulin_%C3%A0_tr%C3%A9mie_d%27Olynthe.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Ces savoir-faire sont ensuite transmis aux Grecs, qui associent au pain des significations religieuses importantes. À l’époque, il existe plus de 70 variétés de pain et on utilise, pour faire lever la pâte, des levures issues du vin et conservées dans des amphores. Vers le début du V<sup>e</sup> siècle av. J.-C., les Grecs inventent le moulin à trémie d’Olynthe, allégeant ainsi le travail des meuniers. Surtout, ils développent le métier de boulanger, qui bénéficie alors d’un grand prestige : chaque ville a un four public et l’espace est organisé autour de la cuisson de la pâte.</p>
<p>À l’époque de l’Empire romain, l’empereur doit garantir l’accès au pain pour la population, qui est l’aliment de base d’une grande partie de celle-ci. Plusieurs innovations techniques et organisationnelles ont lieu durant cette période : les Romains reprennent le mode de fabrication grec à base de levure provenant du moût de vendange, et perfectionnent le pétrissage. Ils améliorent le système des moulins en 100 av. J.-C. en utilisant la force de l’eau : de grosses roues plongées dans le courant actionnent les meules et viennent remplacer les esclaves. Un collège de meuniers-boulangers ainsi que de grandes meuneries-boulangeries voient le jour dans la cité.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/448855/original/file-20220228-19-f0hcx4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448855/original/file-20220228-19-f0hcx4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=581&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448855/original/file-20220228-19-f0hcx4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=581&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448855/original/file-20220228-19-f0hcx4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=581&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448855/original/file-20220228-19-f0hcx4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=729&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448855/original/file-20220228-19-f0hcx4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=729&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448855/original/file-20220228-19-f0hcx4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=729&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Fresque représentant un morceau de pain et deux figues, provenant de Pompéi, Musée archéologique national de Naples.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/carolemage/14843173354">Carole Raddato/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Les plus riches mangent des pains de farine blanche, les pauvres un pain de farine et de son, les esclaves du pain d’orge. Le gradilis est un pain distribué aux gens pendant les jeux dans les amphithéâtres, pour honorer la promesse de distribuer le pain et le plaisir aux gens. Il arrive qu’il soit distribué gratuitement à la population pauvre de Rome pour éviter les émeutes.</p>
<h2>Au Moyen Âge, un sujet royal</h2>
<p>Au Moyen Âge, la place du pain prend encore plus d’importance dans l’alimentation. Vers 630, on trouve les premiers écrits concernant la réglementation de la vente et pesage du pain, qui est attribuée à Dagobert. Les boulangeries se situaient dans les cours royales, les villes fortifiées et les abbayes. Annonçant ce qui deviendra la filière, le boulanger ou « talmelier » s’occupe de l’ensemble des opérations, de l’approvisionnement, depuis l’achat des céréales, jusqu’à la vente à l’ouvroir (fenêtre-comptoir de la boutique).</p>
<p>Au fur et à mesure que le pouvoir royal renforce son pouvoir, la qualité, le prix et le contrôle du pain, aliment de base de la population, sont soumis à de nombreuses règles édictées par l’État. En 1217, le boulanger doit obtenir une autorisation du roi pour exercer. Au XIII<sup>e</sup> siècle, à Paris, Étienne Boileau rédige, à la demande de Saint-Louis, le livre des Métiers, qui indique que l’apprentissage du métier de « talmelier » dure cinq ans à partir de l’âge de quatorze ans ; au moment de devenir patron, il doit être en mesure d’acheter un fonds de commerce et de payer régulièrement les taxes en usage. En 1260, la corporation des boulangers voit le jour à Paris, qui poursuit la réglementation.</p>
<p>Le pain et les céréales nécessaires à son élaboration sont l’objet de très nombreuses innovations entraînées par sa place centrale dans l’alimentation et l’impact commercial de cette position : améliorer la production du pain et son goût, et accroître les rendements pour obtenir un excédent commercialisable. Les stocks et les produits transformés à partir de céréales (pain et bière) servent en effet également comme moyens de paiement.</p>
<h2>Accélérations techniques</h2>
<p>Dès la Renaissance, le développement des sciences se traduit par à des avancées en matière de technologie meunière et boulangère. Apparus en France en 400 ap. J.-C., les moulins à eau se comptent par centaines de milliers au XIII<sup>e</sup> siècle. Ces innovations vont affecter la production de la farine, jusqu’à leur remplacement à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle par des minoteries industrielles.</p>
<p>Le premier pétrin est inventé en 1751 et se perfectionne surtout au XIX<sup>e</sup> siècle, devenant mécanique en même temps que les machines à mouture se peaufinent. Parmentier ouvre la première école de boulangerie en 1780. Durant la Révolution française, le décret du 17 mars 1791 supprime les corporations et donne le droit aux boulangers d’exercer librement leur métier.</p>
<p>L’invention du microscope au XVII<sup>e</sup> siècle bénéficie aux premiers travaux scientifiques applicables à la levure, et la fermentation par la levure de bière se développe. La production de pain se diversifie et on ne consomme plus de pains de pois, de fèves ou de glands sauf en période de disette. C’est en 1860, que Louis Pasteur identifie la levure comme le micro-organisme responsable de la fermentation alcoolique, et très rapidement ensuite à partir de 1867, la fabrication industrielle de la levure se développe.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/448868/original/file-20220228-27-6sbbdy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448868/original/file-20220228-27-6sbbdy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448868/original/file-20220228-27-6sbbdy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448868/original/file-20220228-27-6sbbdy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448868/original/file-20220228-27-6sbbdy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448868/original/file-20220228-27-6sbbdy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448868/original/file-20220228-27-6sbbdy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’invention du microscope au XVIIᵉ siècle bénéficie aux premiers travaux scientifiques applicables à la levure.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Levure.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Heudebert développe en 1903 en France un pain dont la recette sera utilisée durant la Première Guerre mondiale pour fabriquer les pains de longue conservation. La période d’après-guerre accélère l’utilisation de nouvelles techniques : le pétrin mécanique, puis le pétrin à deux vitesses, la panification directe à la levure, le façonnage mécanique, les premières diviseuses. Ces évolutions vont progressivement se traduire par une concentration de la production de farines autour de grands moulins même si la fabrication et la distribution de pain restent dominées par l’artisanat. Le système industriel est en place.</p>
<h2>Faire son pain soi-même</h2>
<p>Du point de vue du processus d’innovation, l’industrie agroalimentaire est paradoxale à plusieurs titres. Elle est considérée comme d’un faible niveau technologique, et les entreprises du secteur innovent pourtant au même titre que les entreprises des autres secteurs industriels. Si on lui demande de fournir une alimentation parfaitement sûre sur le plan sanitaire, variée et bon marché, les consommateurs réclament des produits qui soient le plus proche possible d’aliments naturels.</p>
<p>Alors que quelques dizaines de groupes internationaux représentent la grande majorité des emplois et dominent le marché, le <a href="https://www.ania.net/presentation-ania/nos-chiffres-cles#:%7E:text=L%E2%80%99agroalimentaire%20constitue%20le%20premier,sur%20tout%20le%20territoire%20national">secteur se compose en France à 98 % de TPE et PME</a> qui élaborent une très grande variété de produits et innovent en permanence. On y trouve ainsi à la fois des technologies de pointe et la préservation de gestes manuels fondamentaux.</p>
<p>Alors que le pain conserve une place de premier choix dans l’alimentation des Français, faire son pain soi-même est une tendance en hausse, favorisée par les épisodes récents de confinement. Les hausses spectaculaires des ventes de farines <a href="https://www.franceagrimer.fr/Actualite/Etablissement/2020/Consommation-alimentaire-post-COVID19-faits-marquants-et-scenarios">(+135 % du CA sur la période de confinement, par rapport à l’année précédente) ou de levure et sucre aromatisé (+148 %)</a> illustrent bien cela.</p>
<p>Du fait de la succession des crises sanitaires, les consommateurs n’ont jamais été aussi inquiets vis-à-vis des aliments qu’ils ingèrent. Le <a href="https://journals.openedition.org/terrain/15808">consommateur est en quête de sens, facilement nostalgique d’une tradition perçue plus authentique</a> et il plébiscite les critères éthiques comme les produits naturels, l’origine France ou régionale, l’écologie, le développement durable, la proximité. Il est <a href="https://www.vitagora.com/blog/2012/intention-achats-bio-equitable/">prêt à payer plus cher</a> pour des signes de rassurance sur la qualité, sur la provenance du produit et le lien social symboliquement associé au pain acheté directement au producteur ou en circuit court.</p>
<p>Pour autant, certaines entreprises agroalimentaires cherchent quant à elles à capter de la valeur en innovant et en développant des produits pour des marchés de niche. Ainsi, pour des raisons de santé, des produits sont créés de manière à répondre aux <a href="https://www.researchgate.net/publication/341193608_Agroalimentaire_-_Les_defis_a_relever_par_l%27innovation_face_a_la_transition_alimentaire">besoins de populations spécifiques comme les seniors</a>.</p>
<p>Le pain, c’est toute histoire, et à l’heure post-Covid, de la quête de sens et du développement durable, il n’a donc pas fini d’évoluer !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178039/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les évolutions du processus de fabrication et des outils, mais aussi de la réglementation, ont influencé l’histoire du pain depuis son invention attribuée aux Égyptiens à l’Antiquité.Sophie Reboud, Professeur, Chercheur en management des PME et innovation, Burgundy School of Business Corinne Tanguy, Professeure d'économie, AgroSup Dijon, Institut Agro DijonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1762932022-02-16T22:53:27Z2022-02-16T22:53:27ZDéclassement, manque de reconnaissance… ces enseignants qui veulent changer de métier<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/446466/original/file-20220215-17-5yx5um.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quand leur métier n'est plus une source de reconnaissance, certaines enseignantes cherchent des portes de sorties vers les services «enfance» de collectivités.</span> </figcaption></figure><p>Y aurait-il une crise des vocations vers l’enseignement ? Régulièrement, face aux <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/somme/amiens/education-des-profs-remplacants-font-un-roubaix-paris-pour-reclamer-des-postes-2422030.html">problèmes de remplacements de profs</a>, exacerbés par la crise du Covid, les médias soulèvent cette question. Lors des <a href="https://www.devenirenseignant.gouv.fr/cid159189/donnees-statistiques-crpe-2021.html">concours de recrutement d’enseignants</a> en 2021, un certain nombre de postes sont restés <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/07/20/dans-l-enseignement-la-crise-du-recrutement-perdure_6088825_3224.html">non pourvus</a>. Et la baisse du nombre d'admissibles pour cette session 2022 <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/05/12/concours-enseignants-la-chute-du-nombre-de-candidats-notamment-en-mathematiques-et-en-allemand-inquiete-la-profession_6125769_3224.html">a alerté les syndicats</a>. </p>
<p>En novembre dernier, un article du <em>Monde</em> pointait ainsi <a href="http://www.senat.fr/rap/a21-168-32/a21-168-328.html">un autre phénomène</a>, celui des démissions : encore discret du point de vue statistique, il aurait cependant triplé entre 2013 et 2018, <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/11/22/les-demissions-d-enseignants-un-phenomene-en-expansion_6103110_3224.html">pour atteindre 1648 démissions</a> en 2020-2021. Une donnée qui peut cacher un mouvement plus vaste <a href="https://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2019-1-page-119.htm">comme le rappelaient Magali Danner, Géraldine Farges et leurs co-autrices</a> dans la revue <em>Education et Sociétés</em> :</p>
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<p>« la démission n’est pas la seule manière de quitter la classe ; d’autres existent, moins visibles, tels la disponibilité – permettant de quitter temporairement la fonction publique – les mobilités vers d’autres corps, les détachements dans des associations ou des services administratifs. »</p>
</blockquote>
<p>Sur le terrain, nombreux pourtant sont encore les lycéennes et les lycéens, les étudiantes et les étudiants qui expriment l’envie d’embrasser cette profession, surtout dans le premier degré. C’est donc plus en aval dans les parcours que se joueraient les désaffections. Celles-ci concernent des enseignants dont la vocation était très forte au départ et qui commencent à douter, une fois en poste, face aux conditions d’exercice du métier, comme le pointait un numéro de la Revue internationale de sociologie de l’éducation autour des <a href="https://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2019-1.htm">professions éducatives à l’heure des réformes</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1417504779576745987"}"></div></p>
<p>Plusieurs facteurs matériels et symboliques d’une désaffection du professorat ont ainsi pu être identifiés dans les recherches récentes, qu’il s’agisse du faible niveau des rémunérations en regard des diplômes exigés, du manque de reconnaissance des difficultés du métier et du niveau important de responsabilité envers les élèves et les familles. Des éléments structurels auxquels s’ajoutent de profonds bouleversements dans les politiques publiques qui ont instauré un <a href="https://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2013-2.htm">système managérial</a> inédit dans le domaine de l’éducation, vecteur d’effets négatifs sur l’attachement des professeurs à leur activité professionnelle.</p>
<p>Par exemple, la <a href="https://theconversation.com/les-professeurs-francais-sont-ils-prets-a-etre-manages-80084">quantification</a> des actes pédagogiques comme celle des compétences acquises par les élèves et leur évaluation en continu, en se multipliant, empiète sur le temps consacré aux échanges avec les élèves, technicisant à outrance la relation éducative. Celle-ci se trouve soumise à des contrôles dont la cadence nie le temps long nécessaire aux apprentissages.</p>
<h2>Bureaucratisation croissante</h2>
<p>Nous avons pu éclairer cette fragilisation des vocations dans une étude auprès de <a href="https://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2019-1-page-137.htm">femmes enseignantes en reprise d’études</a> dans un master professionnel de la petite enfance. Leur but étant de « sortir de l’école, quitter leur métier ». Le fait que le professorat dans le premier degré soit très féminisé (80 % en moyenne) justifie cette focalisation de l’enquête sur les enseignantes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1349377782149738497"}"></div></p>
<p>Surtout, il s’agit d’explorer les déterminants sociaux qui pèsent sur la remise en cause d’un choix de métier à l’origine très solide, fréquemment, forgé dès l’enfance et vécu sur le mode de la vocation et de l’amour des enfants du fait des mécanismes de genre assignant les femmes aux métiers du <em>care</em> (éducation des enfants et soin à autrui).</p>
<p>Les profils sociologiques des enseignantes sont ceux de bonnes élèves qui se sont conformées avec application aux injonctions sexuées d’orientation vers l’enseignement, de telle manière qu’elles ont été éduquées à vivre leur choix du professorat comme un destin professionnel parfait pour les femmes, contrairement aux hommes, déclarant des motivations plus utilitaires comme la sécurité de l’emploi.</p>
<p>Les observations recueillies pour l’étude concernent des enseignantes de maternelle et d’éducation spécialisée âgées de 30 à 50 ans, entrées dans ce métier d’abord longtemps rêvé au fil de leurs études, puis réalisé avec fierté, mais ensuite vécu dans la souffrance au travail et les désillusions. Dans cette perturbation de la vocation, on retrouve les motifs de la dégradation des conditions de travail ou l’incertitude entretenue sur le statut des fonctionnaires, de leur rémunération et les droits à la retraite.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1473594490292158466"}"></div></p>
<p>Mais apparaît aussi la découverte d’autres milieux professionnels comme les services « Enfance » dans les villes, et d’autres façons de travailler ouvrant la perspective d’une mobilité sociale ascendante pour ces femmes très diplômées. Parmi les conditions favorisant cette envie d’une bifurcation professionnelle et son passage à l’acte figurent des leviers non négligeables comme une vie de couple égalitaire et le féminisme de certaines.</p>
<p>Les réformes qui ont imposé une <a href="https://www.erudit.org/en/journals/crs/1900-v1-n1-crs04877/1064725ar.pdf">bureaucratisation croissante des actes éducatifs</a> sont en toile de fond de ces remises en question. Chronophage, le pilotage par contrats d’objectifs et indicateurs de performance érode le temps long nécessaire à la pédagogie. L’injonction à monter des projets implique de sortir des préoccupations strictement centrées sur les contenus à transmettre et de les intégrer dans une architecture large d’actions et de partenariats de tous ordres comme les projets de cité éducative ou d’innovation pédagogique.</p>
<h2>Manque de reconnaissance</h2>
<p>Faute de temps et de moyens, les enquêtées disent ne plus supporter de devoir faire autre chose que veiller à l’accompagnement patient et bienveillant des apprentissages fondamentaux. Selon elles, l’éloignement de leur cœur de métier produit de la perte de sens et entame leur passion initiale, au point de les pousser à changer de secteur, voir même à rejeter tout métier de la relation directe à l’enfant.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-boom-des-profs-non-titulaires-un-tournant-pour-leducation-nationale-123290">Le boom des profs non titulaires, un tournant pour l’Éducation nationale ?</a>
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<p>Plus encore, l’expérience imposée de partenariats avec de nombreux services d’éducation périscolaires à travers le montage de projets éducatifs conduit à des remaniements identitaires non négligeables. L’école, la professeure, perdant leur position centrale et quasi exclusive de la question pédagogique, les professionnelles vont reconsidérer les avantages de leur statut et découvrir les atouts d’autres métiers dans le champ éducatif. En sorte qu’un nouvel horizon s’est ouvert pour les plus jeunes, quand pour les plus âgées il s’agit d’emprunter une voie de secours pour tenir jusqu’à la retraite.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1204135948788916227"}"></div></p>
<p>En effet, le spectre d’une période d’activité allongée pose le problème de l’énergie nécessaire au quotidien pour faire face à des groupes importants d’élèves dont les familles éprouvent de grandes difficultés sociales. Dès lors, incarnant des modèles de renoncement professionnel, ces femmes ne jouent plus le rôle attractif qu’elles avaient auprès des candidates au professorat. De figure sociale admirée et enviée, le professorat perd de son aura et ne sort pas vainqueur de la comparaison avec d’autres métiers moins exposés, moins prenants et mieux rémunérés.</p>
<p>La désaffection est bien entendu multifactorielle. Il est ainsi remarquable d’observer dans notre échantillon que ces ruptures biographiques touchent des enseignantes d’origine populaire dont l’école a pu constituer une première étape d’ascension sociale, et à l’inverse des femmes d’origine favorisée vivant mal le déclassement du métier. Quand l’enseignement n’est plus une source de reconnaissance et de satisfaction à la hauteur, elles cherchent des portes de sortie vers des directions de services « enfance » dans des collectivités locales ou le pilotage de dispositifs éducatifs variés développés par la Caisse d’allocations familiales par exemple.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/entre-les-enseignants-des-ecarts-de-salaires-qui-persistent-109545">Entre les enseignants, des écarts de salaires qui persistent</a>
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<p>Levier d’émancipation, la qualification élevée des enseignantes peut être mobilisée dans cet objectif de réalisation de soi autrement que dans le professorat. Mais cela concerne surtout celles qui bénéficient de rapports de genre favorables, en tant que fille réussissant dans la famille et conjointe dont la place est égale dans le couple. Elles peuvent ainsi imposer leur projet et recevoir les soutiens indispensables pour se décharger de l’articulation contraignante entre tâches domestiques et impératifs professionnels, qui pèse d’abord sur les femmes.</p>
<p>En somme, la déstabilisation des vocations observée à travers les réorientations des enseignantes a l’avantage d’éclairer les effets des transformations de l’activité sur des choix pourtant fermement ancrés au départ, autant que les besoins féminins d’une meilleure valorisation de leurs compétences</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176293/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sophie Devineau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si les candidats aux concours de l’Éducation nationale sont encore nombreux, la désillusion gagne nombre de professionnels sur le terrain. Bilan d’une enquête auprès d’enseignantes en reconversion.Sophie Devineau, Professeure des universités en sociologie, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1765912022-02-08T20:59:36Z2022-02-08T20:59:36ZLes mannequins, une quête de lumière à n’importe quel prix<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/444787/original/file-20220207-127284-vs82ip.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=176%2C10%2C1005%2C671&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Derrière le glamour de la mode, les identités personnelles tendent à s’effacer.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/524077">Thomas8047 / Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La fashion week parisienne s’est achevée le 23 janvier dernier avec les défilés pour hommes. Cette année, point de scandale. Pourtant la mode est régulièrement attaquée dans les médias et souvent à raison pour la violence qu’elle couve et esthétise. Les gens de la mode aiment à provoquer régulièrement au nom de la création artistique. Rappelez-vous du défilé de Rick Owens pour sa collection automne/hiver 2015 mettant <a href="https://www.lemonde.fr/m-styles/article/2015/01/23/rick-owens-le-createur-qui-affole-la-twittosphere_4562305_4497319.html">explicitement en scène le sexe</a> des mannequins.</p>
<p>D’autres scandales sont notamment rapportés dans le documentaire <a href="https://www.vogue.fr/mode/news-mode/articles/scandales-de-la-mode-documentaire-loic-prigent/44230"><em>Scandales de la mode</em></a> de Loïc Prigent (2016) : la performance d’hommes au crâne rasé vêtus de pyjamas munis de matricules par la marque Comme des garçons en 1995, la collection Sommeil, au moment même de la commémoration de la libération du camp d’Auschwitz au carreau du Temple, ou encore, l’utilisation de croix gammées sur des vestons par Alexander McQueen.</p>
<p>Sont plus souvent tues cependant, les souffrances des mannequins. Quelques rares fois certains·e·s rompent le silence, comme ces dizaines de mannequins hommes et femmes qui ont <a href="https://www.nytimes.com/2018/01/13/style/mario-testino-bruce-weber-harassment.html">accusé</a> d’agressions sexuelles de célèbres photographes décrits comme des prédateurs. En 20 ans, une quarantaine de suicides de mannequins ont été médiatisés.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/xQvPRJyN0Sk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande-annonce du documentaire de Loïc Prigent « Scandales de la mode » (2016).</span></figcaption>
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<p>Dans une démarche de recherche auto-ethnographique, notre <a href="https://www.editions-eres.com/ouvrage/4856/entre-glamour-et-souffrance-le-metier-de-mannequin#:%7E:text=Ce%20r%C3%A9cit%20auto%2Dethnographique%20relate,et%20comment%20s%27en%20d%C3%A9gager%20%3F">livre</a> <em>Entre glamour et souffrance, le métier de mannequin</em> (Éditions Érès), rapporte une enquête de huit années au cœur de la mode, à travers le récit de l’un d’entre eux. Issus du travail d’une <a href="https://www.theses.fr/2018PA01E028">thèse doctorale</a>, soutenue en juillet 2018 à l’ESCP sous la direction du professeur Gilles Arnaud, l’ouvrage explore les ressorts d’un métier qui fascine le grand public et les quelques individus s’accrochant à cette activité, certes glamour, mais inévitablement aliénante.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/abus-sexuels-anorexie-derriere-la-magie-des-podiums-le-mal-etre-bien-reel-des-mannequins-171054">Abus sexuels, anorexie… Derrière la magie des podiums, le mal-être bien réel des mannequins</a>
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<p>Pour cet exercice, nous avons commencé par repérer les moments clés du travail de mannequin, puis collecté un très grand nombre de données représentatives des systèmes de gestion du mannequinat et de l’expérience du métier. L’examen des violences systémique et symbolique montre notamment l’effacement des identités personnelles au profit de cet idéal qu’incarne le rêve de la mode. Une affaire « paradoxante », d’autant que les mannequins doivent s’inventer leur propre look (souvent dicté par les managers), tout en se fondant dans un rôle spécifique pour chaque marque.</p>
<h2>« Envie de tuer quelqu’un »</h2>
<p>L’adhésion à un idéal organisationnel entraîne les mannequins dans une course effrénée vers l’excellence. Ils entrent dans un projet de dépassement perpétuel, dans une poursuite d’un <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-societe-malade-de-la-gestion-ideologie-gestionnaire-pouvoir-managerial-et-harcelement-social-vincent-de-gaulejac/9782020689120">idéal inaccessible</a>, notamment par un <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1111/j.1467-954X.2006.00671.x">travail esthétique</a> qui « doit être violent » comme les régimes et le travail du corps par exemple.</p>
<p>Les agences de mannequins impriment de cette manière une culture, au sens où elles rencontrent les aspirations des mannequins avides de reconnaissance et confrontés à l’angoisse de savoir qui ils sont. Ce système, qui cherche à provoquer la motivation des mannequins, leur adhésion et leur productivité, crée des personnalités narcissiques à la fois produits et producteurs de ce système.</p>
<p>Réifiés et travestis, les mannequins doivent, par un travail esthétique et <a href="https://www.cairn.info/revue-travailler-2003-1-page-19.htm">émotionnel</a>, incarner sur scène les fantasmes des stylistes. Comme le déplore Timéo* :</p>
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<p>« Je ne suis qu’un morceau de viande. [Tu es] un produit à vendre […] T’es un objet, il ne faut pas l’oublier, t’es un objet, t’es là pour être mannequin. »</p>
</blockquote>
<p>La sublimation ordinaire de la souffrance passive n’est plus possible. Le réel déborde, ce surplus d’affects qu’ils ne peuvent symboliser parce que les identifications auxquelles ils se plient ne pourront jamais pleinement les définir, jusqu’à, comme en témoigne Pierre, perdre sens de qui ils sont :</p>
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<p>« Si tu n’obéis pas, tu te retrouves démuni et es mis sur la touche… C’est un vrai truc de schizophrène le mannequinat. J’avais envie de tuer quelqu’un. Parce que la case humaine il faut l’oublier, c’est un univers déshumanisé où je dois rentrer dans un personnage. »</p>
</blockquote>
<p>Agressions envers d’autres concurrents, violences verbales, bizutages sont les symptômes visibles d’une subjectivité étriquée, voire piégée. Plus inquiétant encore, les agressions sexuelles et attouchements à l’endroit des mannequins par des photographes sont laissés sous silence. Signe d’une rupture de confiance entre les managers et les mannequins. Ils n’osent pas en parler, souligne Sarah, une manager :</p>
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<p>« Je me souviens d’un photographe qui essayait de tripoter les mannequins pendant qu’ils étaient testés. Je l’ai fait bosser pendant un an et demi, jusqu’à ce qu’il y ait un mannequin qui finisse par me le dire, sinon je ne l’aurai jamais su. J’ai convoqué tout le monde et la seule réponse que j’ai eue c’était du style : “oui effectivement il était un peu bizarre”. »</p>
</blockquote>
<p>Pourquoi alors les mannequins continuent-ils leur activité malgré cette violence qui devient banale et circule à travers des mythes et histoires qu’ils se racontent entre eux. Cette question, nous l’explorons actuellement dans un travail en cours d’écriture avec Bénédicte Vidaillet, professeure à l’Université Paris-Est, à partir des nombreuses données que nous avons pu collecter sur le métier de mannequin. Le livre, lui, se concentre sur l’examen des actes de résistance que ces mêmes acteurs entreprennent pour se « <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1350508412461292">libérer</a> des formes de travail aliénantes et restrictives du développement de la conscience humaine », pour reprendre les mots des chercheurs Isabelle Huault, Véronique Perret et André Spicer.</p>
<h2>Actes de résistance</h2>
<p>Il y a d’abord l’exemple de Lucas, ce mannequin quarantenaire, captivé par « cette lumière qu’il recherche… parce que le miroir c’est aussi le plaisir du mannequin ». Après être tombé malade au cours d’un voyage en Chine, et être revenu en France avec trop peu d’économies pour subvenir à ses besoins tandis que ses managers ne lui proposaient plus de contrats, il décida de rompre avec les processus formels de sélection aux castings.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/vH68XEJCUaI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Présentation du livre « Entre glamour et souffrance » (Éditions Érès, octobre 2021).</span></figcaption>
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<p>Patienter des heures durant aux côtés de 500 concurrents pour un contrat qu’il ne peut qu’espérer décrocher était son quotidien pendant des années. Il a décidé de démarcher directement les clients, sans passer par ses agents qui normalement contrôlent les rencontres, les tarifs des prestations, et les négociations des contrats. L’agence d’un mannequin est rémunérée en France 33 % du montant de chaque contrat, auxquels s’ajoute 10 % facturé directement au client. Un second tiers revient aux impôts, et le mannequin perçoit donc logiquement le dernier tiers de chaque contrat. Aux États-Unis en moyenne, un mannequin touche <a href="https://www.lepoint.fr/culture/chez-les-mannequins-ce-sont-les-hommes-qui-gagnent-le-moins-18-06-2017-2136284_3.php">30 000 dollars</a> par an (tout sexe confondu).</p>
<p>En coupant le cordon avec ses agents, Lucas pouvait ainsi gagner beaucoup plus, souvent sans déclarer les commissions perçues. Les agences facturent également les mannequins pour d’autres prestations : impression de composites (sorte de carte de visite du mannequin), des books (livres photos présentant le look du mannequin), envois postaux de ces derniers, chauffeurs imposés, parfois le loyer de chambres… En effet, les mannequins voyagent continuellement, sans véritablement d’attaches fixes et souvent très jeunes. Les mannequins démarrent en effet leur carrière vers 16 ans.</p>
<h2>Effondrement narcissique</h2>
<p>Il y a cet autre exemple de Timéo. Après une période où il « mourrait de faim », il décida de quitter son agence pour signer chez un concurrent. Cet acte isolé, dans le fond, s’apparente à un <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0893318907310941">acte de résistance décaféiné</a> : il en a l’apparence, mais ne permet en rien de subvertir les mécanismes dominants du système de gestion en place. Mais à la suite de cet acte posé, Timéo décida également de s’engager dans la création d’une entreprise d’aide à la comptabilité et aux finances des mannequins. </p>
<p>Las de la désinformation sur les pratiques de gestion de carrière et des négociations de contrat par ses agents, il réussit à créer un contre-pouvoir à la toute-puissance des agents de mannequins. Il décida aussi d’outrepasser leur position de pouvoir, en se faisant l’intermédiaire de contrats à l’étranger, notamment en Chine, avec des mannequins qu’ils connaissaient – sans percevoir d’argent sur les possibles contractualisations.</p>
<p>Alors pourquoi et comment ces mannequins ont-ils réussi à s’affranchir du pouvoir de subsidiarité de leurs agents ? Il y a tout d’abord le constat d’un effondrement narcissique que chacun a vécu. Des situations limites, lorsque le corps lâche par exemple, et que la haine, la honte ou encore la colère se cristallisent pour devenir de l’indignation. <a href="https://journals.openedition.org/lectures/10033">L’affect de la résistance</a>. Dans ce moment qui n’obéit à aucune règle généralisable, la fonction narcissique remplie par le système angoisse/plaisir de l’organisation ne remplit plus le contrat psychologique entre le mannequin et l’organisation.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/444807/original/file-20220207-25-2fxak6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/444807/original/file-20220207-25-2fxak6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/444807/original/file-20220207-25-2fxak6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=942&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/444807/original/file-20220207-25-2fxak6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=942&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/444807/original/file-20220207-25-2fxak6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=942&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/444807/original/file-20220207-25-2fxak6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1184&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/444807/original/file-20220207-25-2fxak6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1184&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/444807/original/file-20220207-25-2fxak6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1184&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« Entre glamour et souffrance, le métier de mannequin ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.editions-eres.com/ouvrage/4856/entre-glamour-et-souffrance-le-metier-de-mannequin">Éditions Érès</a></span>
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<p>Ce qui était alors de l’ordre d’un <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0018726703056003614?journalCode=huma">collage imaginaire</a> au métier, une identification forte à l’image du mannequin et aux désirs des clients jusqu’à une quasi-disparition de la subjectivité, laisse place à l’angoisse et son pendant, le désir. Certains s’effondrent complètement, tandis que d’autres s’engagent dans un travail de réflexivité. Ce concept que les managers en ressources humaines <a href="https://start.lesechos.fr/travailler-mieux/vie-entreprise/pourquoi-la-reflexivite-est-la-nouvelle-competence-a-maitriser-1177112">aiment à s’approprier</a> aujourd’hui, l’affichant comme une des nouvelles soft skills à maîtriser en entreprise.</p>
<p>Commence un long travail de mise à distance de leurs identifications au métier de mannequin, en cherchant de nouveaux repères sur lesquels s’appuyer – cercles intimes et familiaux bien souvent, parce que les contre-pouvoirs dans ce secteur sont rares. Quelques tentatives persistent, comme la création d’un groupe Facebook de mannequins français en 2020, cherchant en ce lieu virtuel les ressources d’une entraide nécessaire pour défendre leurs droits face à une crise du secteur marqué par la Covid.</p>
<p>Ces expériences restent néanmoins rares et n’aboutissent généralement qu’à peu de résultats concrets de transformation des pratiques et de l’organisation du travail. Le groupe en question devient aussi et surtout un repère de dénonciation des mauvais payeurs et de cristallisation de la colère à l’endroit d’un nouveau bouc émissaire : le mannequin qui accepte tout contrat, quel qu’en soit le prix.</p>
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<p><em>* Les prénoms ont été changés.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176591/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kévin Flamme ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le livre « Entre glamour et souffrance » décrit un système qui impose de nombreux paradoxes que les mannequins sont peu nombreux à remettre en cause.Kévin Flamme, Maître de conférences en sciences de gestion à l'Université Catholique de l'Ouest, chercheur associé à l’IRG (Université Paris-Est), docteur, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1728112021-12-07T21:25:00Z2021-12-07T21:25:00ZL’invisible décrochage scolaire des jeunes ruraux<p>En 2010, la France a signé les engagements européens intitulés <a href="https://eduscol.education.fr/891/enjeux-et-objectifs-de-la-lutte-contre-le-decrochage">« Europe 2020 »</a> dont l’un des objectifs était de faire passer le taux de décrochage scolaire sous la barre des 10 % pour 2020. C’est-à-dire que moins de 10 % des jeunes quittent leur formation avec un niveau inférieur à celui du CAP-BEP. En 2019, le taux de décrochage scolaire <a href="https://www.education.gouv.fr/la-lutte-contre-le-decrochage-scolaire-7214#:%7E:text=Dans%20ce%20cadre%2C%20la%20France,ensemble%20de%20la%20population%20scolaris%C3%A9e.">se situait à 8 %</a>.</p>
<p>Si, bien entendu, la lutte contre ce phénomène a comme objectif premier la réduction des inégalités entre les élèves, elle constitue également un enjeu social et économique. <a href="https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-dynamiques-2015-1-page-16.htm">Un rapport de 2014</a> estime le « coût » du décrochage d’un élève à 230 000 € sur une vie, ce qui équivaudrait pour à un « coût » annuel pour l’État de l’ordre de 30 milliards.</p>
<p>Au niveau individuel l’enjeu est également grand, et cela malgré l’inflation du niveau de diplôme. <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2429772">Les chiffres de l’Insee de 2021</a> indiquent que le taux de chômage 1 à 4 ans après la sortie du système de formation est de 48 % pour les non-diplômés contre 11 % chez les détenteurs d’un diplôme de niveau bac+2 ou supérieur.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/une-jeunesse-des-jeunesses-des-diplomes-pour-imaginer-lavenir-171223">« Une jeunesse, des jeunesses » : des diplômes pour imaginer l’avenir ?</a>
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<p>Les mesures prises pour lutter contre le décrochage scolaire laissent pourtant apparaitre un clivage important entre les espaces urbains et les espaces ruraux, moins densément peuplés et marqués par l’éloignement aux services. L’absence d’écoles d’écoles de la deuxième chance, d’Établissements pour l’insertion dans l’Emploi (EPIDE), ou tout simplement la moins forte concentration en dispositifs liésaux Missions Locales font apparaitre <a href="https://journals.openedition.org/formationemploi/6510?lang=en">ces inégalités territoriales</a>.</p>
<h2>Des territoires de réussite</h2>
<p>Plus qu’une question d’accès à ces structures, les décrocheurs ruraux sont désavantagés par des mesures reposant sur une perception très urbanocentrée des marqueurs du risque du décrochage scolaire, puisque basées sur des recherches faites en ville.</p>
<p>Nous ne disposons effectivement que de très peu d’indicateurs sur les causes, conséquences et modalités du décrochage scolaire au sein de ces espaces qui regroupent pourtant, <a href="https://www.cairn.info/revue-formation-emploi-2018-2-page-99.htm">comme le montre Joël Zaffran</a>, près d’un cinquième des effectifs des décrocheurs scolaires. Des prérogatives politiques concernant la lutte contre le décrochage scolaire mettent pourtant bien en avant la nécessité d’un pilotage par les régions, mais l’aspect rural des espaces n’est pas pris en considération.</p>
<p>Les études pointent une corrélation claire entre une origine sociale plus modeste et une plus faible réussite scolaire ainsi qu’un plus fort taux de décrochage scolaire. Si les espaces ruraux incluent plus d’employés et d’ouvriers et moins de cadres et de professions intellectuelles supérieures que les villes, ils déjouent les prévisions. <a href="https://www.education.gouv.fr/sites/default/files/imported_files/document/IGEN-Rapport-activite-2018-web_1188762.pdf">Le rapport de 2018</a> de l’IGEN et de l’IGAENR sur l’éducation rurale montre que les élèves y ont des résultats légèrement supérieurs aux urbains à l’entrée au collège et qu’ils ne souffrent en définitive pas réellement de manques, de retards ou de déficits liés à leur éducation.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-agora-debats-jeunesses-2014-2-page-21.htm">Plusieurs éléments</a> ont été invoqués par la sociologie pour expliquer ces résultats. D’abord, une implication familiale importante dans la vie éducative des enfants, ainsi qu’une plus grande confiance entre parents et enseignants, notamment rendue possible par des interconnaissances plus fortes dans ces espaces. Ensuite, la petitesse des effectifs dans les classes et la plus forte présence de classes multiniveaux permettant d’apporter plus de temps par élève et de favoriser le développement.</p>
<p>Les espaces ruraux ne sont donc pas des espaces de « manques » culturels ou éducatifs et semblent même limiter les difficultés de certains élèves. Notons également qu’ils manifestent une <a href="https://www.cairn.info/revue-espaces-et-societes-2009-1-page-33.htm">forte correspondance entre formation, emploi et territoire</a>, avec une orientation plus importante vers des études plus courtes et plus professionnalisantes qu’en ville.</p>
<p>Toujours selon l’IGEN et l’IGAENR nous pouvons observer que 61 % des élèves ruraux se trouvent dans une filière de bac pro contre 39 % en ville. Cette orientation plus courante vers ces filières fait que les jeunes ruraux se sentent moins dévalués par de tels cursus dans un milieu où réside pour beaucoup une forme d’« évidence » d’un parcours scolaire court et professionnalisant.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/inegalites-scolaires-les-eleves-des-territoires-ruraux-manquent-ils-vraiment-dambition-161112">Inégalités scolaires : les élèves des territoires ruraux manquent-ils vraiment d’ambition ?</a>
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<p>Le milieu rural n’est donc pas un milieu propice au décrochage scolaire, puisque ses particularités éducatives et la plus grande fréquence d’orientations professionnalisantes semblent apporter une certaine résistance à ce phénomène. Ceci explique ainsi pourquoi les jeunes ruraux représentent un quart de la population jeune du territoire national et seulement 17 % des décrocheurs en France.</p>
<h2>Des signaux complexes à repérer</h2>
<p>En réalité, ce qui rend le décrochage scolaire en milieu rural problématique c’est la forme que ce dernier prend et la difficulté de mettre en œuvre une politique de prévention adaptée. En milieu rural, comme ailleurs, le décrochage scolaire est l’aboutissement d’un processus long de distanciation avec sa scolarité, très fréquemment motivé par un souhait d’insertion rapide sur le marché de travail.</p>
<p>Chez les jeunes ruraux qui décrocheront, l’attirance du monde du travail est la motivation principale qui est mise en avant pour justifier l’acte du décrochage scolaire. En somme, celui-ci est perçu comme une voie d’accélération vers l’indépendance de la vie adulte.</p>
<p>Hormis cette volonté d’insertion professionnelle très importante dans l’acte du décrochage scolaire, c’est la discrétion et le caractère abrupt du décrochage scolaire rural qui le rend particulier. La sociologie propose généralement deux types de comportements qui semblent indiquer un risque élevé de décrochage scolaire :</p>
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<li><p>des comportements « internalisés », qui correspondent à de la dépression, des tentatives de suicide, de l’automutilation ou encore une faible estime de soi ;</p></li>
<li><p>des comportements « externalisés », comme la rébellion, la violence, les retards fréquents et surtout un crescendo de l’absentéisme.</p></li>
</ul>
<p>Or, afin de déceler les risques de décrochage scolaire et de faire un travail de lutte en amont, ce sont principalement les comportements externalisés – plus visibles – qui sont mobilisés comme marqueurs d’un potentiel décrochage scolaire.</p>
<p>La difficulté lorsque l’on s’intéresse au phénomène du décrochage scolaire en milieu rural est alors la faible fréquence de ces comportements, et notamment de l’absentéisme. Si les comportements intériorisés sont tout aussi fréquents qu’en ville, les actes de rébellion et surtout la distanciation physique de l’école sont bien plus rares dans des espaces marqués par l’éloignement et où l’école reste le centre névralgique des relations et pratiques juvéniles.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/bac-professionnel-des-lycees-pour-inventer-sa-voie-127385">Bac professionnel : des lycées pour inventer sa voie ?</a>
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<p>L’espace rural étant plus difficile à s’approprier pour des jeunes ayant peu, voire pas de moyen de déplacement, les élèves ruraux – et les futurs décrocheurs – présentent bien <a href="http://www.theses.fr/s204087">moins souvent ce type de comportements</a> mobilisés pour déceler le risque d’abandon scolaire.</p>
<p>Le décrochage de ces jeunes n’est pas l’aboutissement d’un crescendo de l’absentéisme comme en ville, mais a plutôt lieu lors de vacances, après lesquelles ces jeunes ne reviennent tout simplement pas en cours. Très souvent, un refus dans son choix d’orientation, un mauvais bulletin ou un redoublement sera l’élément déclencheur du décrochage, mais sans que l’élève ait exprimé des comportements externalisés en amont.</p>
<p>Ce que montre ce phénomène, c’est l’absence de politiques claires et dédiées aux espaces ruraux en matière de repérage des risques de décrochage scolaire, mais aussi en matière de remédiation alors qu’aujourd’hui les institutions en charge du raccrochage sont toutes – ou presque – en ville.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/estime-de-soi-et-difficultes-scolaires-un-cercle-vicieux-161384">Estime de soi et difficultés scolaires, un cercle vicieux ?</a>
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<p>Ce décrochage invisible est inquiétant puisque, bien que les <a href="https://www.cairn.info/revue-formation-emploi-2018-2-page-99.htm">travaux de Joël Zaffran</a> semblent indiquer une insertion professionnelle meilleure à la campagne qu’en ville pour les non-diplômés, les espaces ruraux sont très loin d’être exempts des phénomènes de vulnérabilité liés à l’absence de diplôme. Il est donc nécessaire de prendre en compte les caractéristiques spatiales du phénomène de décrochage scolaire afin de poursuivre une lutte efficace sur l’intégralité du territoire.</p>
<p>S’intéresser aux comportements intériorisés comme la faible estime de soi ou les violences autocentrées sont une piste intéressante à étudier et marquent le caractère complexe et polymorphe que doit prendre aujourd’hui la lutte contre le décrochage scolaire sur l’ensemble du territoire national.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172811/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Clément Reversé a reçu des financements de la Région Nouvelle-Aquitaine. </span></em></p>Le décrochage dans les espaces ruraux n’est pas l’aboutissement d’un crescendo de l’absentéisme comme en ville et se produit souvent après des vacances. Comment l’expliquer et le repérer ?Clément Reversé, Sociologie de la jeunesse, sociologie des espaces ruraux, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1636822021-09-12T16:31:10Z2021-09-12T16:31:10ZLe système d'apprentissage en Allemagne : un modèle de formation ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/419102/original/file-20210902-17-dblmh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C9%2C1019%2C648&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">A Dortmunt, en 2020, Andrea, apprentie en boulangerie, prépare avec son maître d'apprentissage les traditionnelles pâtisseries de Pâques. </span> <span class="attribution"><span class="source">Ina Fassebender / AFP</span></span></figcaption></figure><p><em>Cet article a été co-écrit avec Barbara Ofstad, doctorante au Business Science Institute.</em></p>
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<p>En Allemagne, le système de formation par apprentissage garantit un niveau d’emploi parmi les jeunes qui est admiré au niveau européen. Par ailleurs, 47 % des cadres en Allemagne sont issus de ce type de cursus, complété ensuite par la formation continue avec des diplômes de « technicien » (Techniker) ou de « maître professionnel » (Industriemeister). Ils sont ainsi plus nombreux que les <a href="https://www.iwkoeln.de/studien/regina-flake-dirk-werner-karrierefaktor-berufliche-fortbildung.html">39 % de cadres</a> issus d’une formation académique (c’est-à-dire ayant validé au minimum un niveau Licence).</p>
<p>La formation allemande par l’apprentissage est souvent citée en exemple en France, comme une voie permettant l’insertion professionnelle dans les entreprises, et un rempart contre le chômage des jeunes. Or, 86 % des élèves allemands en éducation secondaire sont inscrits dans des programmes combinant le travail et l’école, alors qu’ils ne sont qu’<a href="http://www.cedefop.europa.eu/de/publications-and-resources/statistics-and-indicators/databases/reference-dataset-2017-masterfile">environ 25 % en France</a>. Pourquoi ?</p>
<h2>Une histoire ancienne</h2>
<p>Le système dual d’apprentissage est né de la tradition artisanale au Moyen Âge. Il a été adapté avec succès à l’époque industrielle, pour devenir la pierre angulaire du système d’éducation professionnelle allemand. Il a, bien sûr, connu des changements profonds : des professions nouvelles y sont préparées comme les professions du numérique ou de mécatronicien et des compétences transversales comme la digitalisation et le développement durable ont été ajoutés.</p>
<p>Aux antipodes du collège unique pour tous les jeunes Français, le système scolaire allemand prévoit le choix d’une filière dès la fin des quatre années d’école primaire, à l’âge de 10 ou 11 ans :</p>
<ul>
<li><p>la voie d’excellence passe par les « Gymnasium » (englobant l’équivalent du collège et du lycée) où approximativement <a href="https://www.bildungsbericht.de/static_pdfs/bildungsbericht-2020.pdf">40 % des jeunes d’une classe d’âge</a> préparent en 8 ou 9 années scolaires le « Abitur » (baccalauréat allemand) ; si on y ajoute les baccalauréats professionnels donnant accès à l’enseignement supérieur technologique (Fachhochschulreife), ce taux monte à plus de 50 % – alors que 80 % d’une classe d’âge obtient son baccalauréat en France ;</p></li>
<li><p>une voie de niveau d’exigence intermédiaire passe par les « Realschulen » qui se terminent après 6 années d’études par l’équivalent d’une année de seconde technologique, souvent à l’âge de 16 ou 17 ans ;</p></li>
<li><p>une voie de niveau plus léger, dans les « Hauptschulen » ou « Werkrealschulen », d’une durée de 5 ans ;</p></li>
<li><p>ou encore des formes mixtes de ces différentes voies, les « Gesamtschulen ».</p></li>
</ul>
<p>Traditionnellement, c’étaient les élèves de la « Realschule » ou de la « Hauptschule » qui choisissaient par la suite une formation par apprentissage. Aujourd’hui, les frontières sont moins nettes. Environ 30 % des bacheliers passent par une formation par apprentissage (souvent avant d’enchaîner par des études supérieures), tandis qu’une partie des élèves des « Hauptschulen » et « Realschulen » poursuivent par d’autres formations scolaires. Seulement environ <a href="https://www.bildungsbericht.de/static_pdfs/bildungsbericht-2020.pdf">45 % des jeunes</a> quittant les « Hauptschulen » ou « Realschulen » s’engagent ainsi aujourd’hui dans une formation par apprentissage.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’apprentissage en Allemagne face à ses défis (Céreq, 2019).</span></figcaption>
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<p>En Allemagne, une formation par apprentissage prépare à un métier précis, et dure entre deux ans et trois ans et demi. Il s’agit d’un système dual : une partie de la formation s’effectue en entreprise où l’apprenti/e est embauché/e avec un contrat d’apprentissage ; l’autre partie se fait au centre de formation professionnelle.</p>
<p>Les formations par apprentissage portent, par définition, sur des niveaux d’études pré-baccalauréat, et se terminent par l’obtention d’une équivalence avec le baccalauréat (même si les universités <a href="https://www.hochschulkompass.de/studium/voraussetzungen-fuer-studium/hochschulzugangsberechtigung/studieren-ohne-abitur.html">peuvent leur faire passer un examen</a> avant de leur faire commencer des études). L’<a href="https://www.bibb.de">Institut fédéral de formation professionnelle</a> conseille les pouvoirs publics et coordonne avec les partenaires sociaux la définition des contenus de la formation professionnelle.</p>
<p>La formation professionnelle dépend du ministère de l’Économie, qui collabore dans ce contexte avec la Conférence des ministres de l’Éducation des 16 Länder qui ont compétence sur l’éducation scolaire, et le ministère de l’Éducation supérieure et de la Recherche. La majorité des compétences pratiques et manuelles sont ainsi sous la responsabilité des entreprises.</p>
<h2>Réussites et difficultés du système allemand</h2>
<p>La formation par apprentissage en Allemagne reste forte de ses succès : rappelons que 47 % des cadres sont issus de la formation par apprentissage. Les entreprises qui recrutent des apprentis le font le plus souvent dans la perspective d’intégrer les jeunes durablement dans leur organisation. Dans les grandes entreprises industrielles, les managers établissent des plans de succession, souvent à cinq ans : ils définissent donc en 2021 combien d’apprentis ils recruteront en 2022 afin que ceux-ci prennent des postes pérennes au sein du service en 2025 et 2026, à l’issue de leur apprentissage.</p>
<p>L’attractivité de l’apprentissage allemand a cependant souffert, dans une société qui semble davantage valoriser des diplômes académiques que des diplômes professionnels attribués par les Chambres de Commerce et d’Industrie. Beaucoup de professeurs des lycées n’ont pas de connaissances particulières des carrières professionnelles, et ne conseillent guère cette voie aux bacheliers, alors qu’elle permet d’obtenir des rémunérations comparables aux ceux des diplômés de formations académiques.</p>
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<figcaption><span class="caption">En Alsace, un bac pro en alternance franco-allemand (France 3 Grand Est, 2021).</span></figcaption>
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<p>Depuis une quinzaine d’années, les « études duales », similaires à l’apprentissage dans l’éducation supérieure en France, gagnent du terrain. Les études y alternent avec des phases de travail en entreprise. En Allemagne, deux modèles d’études duales coexistent : le modèle de la « formation intégrée » (« ausbildungsintegriertes Duales Studium ») qui comprend un diplôme délivré par la CCI, et le modèle « orientée vers la pratique » (« praxisintegriertes Duales Studium ») qui y renonce. Mais qu’il s’agisse de la filière par apprentissage traditionnelle ou d’études duales avec ou sans diplôme délivré par les CCI, un contrat avec l’entreprise est la base d’un emploi qui a une finalité de formation.</p>
<p>Face à la pénurie de travailleurs allemands possédant des niveaux de qualification intermédiaires (Facharbeiter) et au vu des changements démographiques, il est probable que le nombre d’apprentis se stabilisera dans les années à venir. Il faudra en revanche que le système gagne en dynamisme et en flexibilité pour réussir à s’adapter aux évolutions en cours, et à former aux compétences clés futures. Des solutions face au travail de plus en plus en virtuel, à la transformation digitale, et, par conséquent, la dynamisation du savoir-faire sont souhaitables.</p>
<h2>Le système est-il transposable en France ?</h2>
<p><a href="https://www.researchgate.net/profile/Kurt-Schmid-3/publication/299395981_Success_factors_for_the_Dual_VET_System_Possibilities_for_Know-how-Transfer/links/56f3eac008ae7c1fda2d526e/Success-factors-for-the-Dual-VET-System-Possibilities-for-Know-how-Transfer.pdf">Selon une étude</a> basée sur une comparaison internationale, les facteurs clé de succès d’un système de formation par l’apprentissage sont les suivants :</p>
<ul>
<li><p>une gouvernance par les entreprises et les partenaires sociaux, responsables de la formation ;</p></li>
<li><p>des cursus avec une forte orientation métier, mais incluant également des compétences transversales et évolutives ;</p></li>
<li><p>la performance et la profitabilité du système pour les entreprises ;</p></li>
<li><p>une responsabilité partagée de la qualité des formations, et des mécanismes de contrôle de cette qualité ;</p></li>
<li><p>la flexibilité du système pour pouvoir adapter et faire évoluer les formations ;</p></li>
<li><p>une attractivité du système d’apprentissage vis-à-vis des jeunes ;</p></li>
<li><p>une gestion efficace et transparente. En France, la marge de progrès reste importante sur de nombreux points.</p></li>
</ul>
<p>Les différences entre la France et l’Allemagne portent notamment sur le rôle des entreprises dans le système de formation, et les avantages qu’elles en retirent. Cette différence se voit dès la sélection des apprentis : en Allemagne, l’entreprise recrute un jeune – sa place en centre de formation (voire dans l’enseignement supérieur pour les études duales) en découle automatiquement. En France, ce sont les établissements qui sélectionnent des jeunes qui recherchent ensuite un contrat en entreprise nécessaire pour la formation – mais la sélection se fait en premier lieu par l’école.</p>
<p>Par ailleurs, ce sont les formations et leurs tutelles qui définissent très largement les contenus des formations quand, en Allemagne, les entreprises sont pleinement impliquées dans l’établissement des programmes par les représentants du patronat et des salariés. Enfin, les entreprises allemandes recrutent « leurs » apprentis pour une durée de deux à trois ans et demi – quand les formations en apprentissage françaises durent en moyenne deux ans.</p>
<p>Les cursus dans les centres de formation professionnelle sont caractérisés par la prédominance d’une pédagogie scolaire et, surtout, les apprentis ne sont pas réellement intégrés dans la planification stratégique des ressources humaines. Cette faiblesse est néanmoins palliée par la possibilité offerte aux entreprises de créer leurs propres centres de formation, permettant de voir l’alternance comme un réel investissement. Le rapprochement progressif des formes d’apprentissage dans l’éducation supérieure entre la France et l’Allemagne pourrait entraîner à l’avenir des effets positifs sur l’apprentissage traditionnel en France.</p>
<p>L’apprentissage de niveau CAP et BEP est beaucoup moins attractif pour les jeunes Français car il n’ouvre guère la voie à des formations ultérieures. La situation des formations par apprentissage post-bac dans des licences ou masters professionnels, les écoles d’ingénieurs ou de commerce, équivalente aux « études duales » en Allemagne, est différente et son image s’est considérablement améliorée ces dernières années.</p>
<p>Les carrières types des cadres supérieurs <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S026323731200062X">restent très différentes</a> entre la France et l’Allemagne. En Allemagne, ils commencent encore souvent leur vie professionnelle « à la base » et changent peu souvent (ou pas) d’entreprise. La carrière type d’un cadre français, en revanche, passe par une formation académique et de « grandes écoles » (privées et publiques), des postes à responsabilités dès l’entrée dans la vie professionnelle, et des changements d’employeurs et de postes fréquents.</p>
<p>Commencer sa formation par un apprentissage au niveau CAP et BEP interdit quasiment de viser à terme des postes de haut niveau dans une grande entreprise, et ne prédestine pas non plus à des postes de techniciens bien rémunérés et possédant des compétences pointues. En terminant leur apprentissage, les jeunes Allemands obtiennent une équivalence du baccalauréat, et beaucoup poursuivent ultérieurement des études supérieures. C’est ainsi surtout au niveau culturel que se situent les barrières à une plus grande valorisation de l’apprentissage en France.</p>
<p>Mais la transformation digitale et l’arrivée de nouvelles générations sur le marché du travail sont aussi en train de bouleverser ces hiérarchies à la française : elles entraînent le besoin d’un nouveau style de management, moins hiérarchisé, basé davantage sur les compétences que les titres. Dans ce contexte, l’apprentissage à tous les niveaux de formation <a href="https://www.researchgate.net/profile/Michael_Neubert7/publication/337007715_How_Do_Corporate_Valuation_Methods_Re_ect_the_Stock_Price_Value_of_SaaS_So_ware_Firms/links/5dbff9a64585151435e52988/How-Do-Corporate-Valuation-Methods-Re-ect-the-Stock-Price-Value-of-SaaS-So-ware-Firms.pdf#page=25">pourrait alors connaître une renaissance</a> en France et contribuer à l’innovation. Si on y ajoute la pénurie d’ouvriers et de techniciens qualifiés français, un changement des mentalités et des systèmes n’est-il pas inévitable ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163682/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Bartel-Radic ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Regard sur un système de formation qui a souvent été cité au niveau européen comme exemple de rempart contre le chômage des jeunes.Anne Bartel-Radic, Management international, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1638232021-09-02T17:56:05Z2021-09-02T17:56:05ZLumière sur les Atsem, ces actrices de l’ombre des écoles maternelles<p>La rentrée scolaire est un rituel bien institué qui véhicule son lot d’images et de personnages emblématiques : les salles de classe impeccables, les cours d’école pimpantes, les enfants avec leurs sacs d’école tout neufs sur le dos, et beaucoup d’émotions du côté des parents et des enseignants.</p>
<p>Il est pourtant un personnage dont on parle peu alors qu’il est central dans la vie des écoles maternelles, et fortement mis à contribution pour la mise en œuvre de la rentrée en maternelle : l’Atsem, ou agente territoriale spécialisée des écoles maternelles – le féminin s’imposant pour <a href="https://www.csfpt.org/sites/default/files/35_-_rapport_atsem.pdf">ces emplois à 99 % occupés par des femmes</a>.</p>
<p>Longtemps invisibles, car très dominées dans l’espace social de l’école, les Atsem entrent petit à petit dans la lumière, mais restent en position de faiblesse dans les rapports sociaux au travail. Alors qu'elles sont <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/recherche-d-emploi/fonction-publique/on-n-a-rien-aucune-reconnaissance-depuis-des-annees-les-atsem-en-greve-lundi-pour-des-salaires-revalorises_5341933.html">en grève en cette rentrée 2022</a> pour une meilleure reconnaissance de leurs missions et une revalorisation de leurs salaires, revenons sur le cœur de ce métier et son quotidien, pour mieux comprendre à quelles tensions il est soumis aujourd’hui.</p>
<h2>Vers un rôle éducatif</h2>
<p>La présence d’une « femme de service » apparait dès 1838 dans la législation sur la salle d’asile. Cette institution philanthropique <a href="https://www.persee.fr/issue/inrp_0000-0000_1982_ant_1_1">a précédé l’école maternelle</a> instituée par les lois scolaires des années 1880, dites lois Ferry. La femme de service doit balayer, aérer, allumer le poêle le matin (et donc arriver une heure avant). Mais dès le XIX<sup>e</sup> siècle, <a href="http://www.theses.fr/1992PA070080">comme l’a montré Henri Petit</a>, dans des établissements où les enfants sont nombreux et où l’encadrement est faible, on lui confie des tâches qui la rapprochent des enfants. Elles vont les garder (en fin de journée, les jours fériés, quand la directrice est occupée, etc.), puis, progressivement, se charger des soins corporels.</p>
<p>Dans la deuxième partie du XX<sup>e</sup> siècle, l’école maternelle se massifie et se transforme. L’introduction d’un abondant matériel pédagogique dans les classes rend nécessaires de nouvelles tâches d’entretien (nettoyage, préparation, rangement). Celles-ci sont attribuées aux femmes de service. Leur statut d’emploi évolue vers celui de fonctionnaires territoriales, dans le sillage des lois de décentralisation : elles deviennent Asem (agentes spécialisées des écoles maternelles) avec <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000835569">l’arrêté du 27 avril 1971 sur les emplois communaux</a>, puis Atsem (t pour territorial) avec le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000541270/">décret du 28 aout 1992</a> qui va cadrer et définir officiellement leur métier pendant vingt-six ans.</p>
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<figcaption><span class="caption">Fiche métier sur les missions de l’ATSEM (Ouest-France, 2016).</span></figcaption>
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<p>Dans les dernières décennies du XX<sup>e</sup> siècle, l’école maternelle devient une étape <a href="https://journals.openedition.org/rfp/1278">propédeutique</a> (préparatoire) à l’école élémentaire, et le <a href="https://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=LS_156_0057&contenu=article">langage y devient une priorité</a>. Les enseignements se densifient et des activités en petits groupes très exigeantes sur le plan langagier et cognitif sont prescrites aux enseignant·e·s (conversations, phonologie, jeux mathématiques, etc.). Les Atsem entrent alors progressivement dans les classes : <a href="https://journals.openedition.org/ree/2826">on leur confie</a> l’installation puis, petit à petit, l’animation d’activités manuelles puis d’« ateliers de graphisme ».</p>
<h2>Des enjeux de reconnaissance</h2>
<p>Cette évolution vers un métier de plus en plus éducatif est emblématique d’un processus décrit en <a href="http://editions.ehess.fr/nos-auteurs/bibliographie/everett-c-hughes/">sociologie du travail par Everett Hughes</a> qui étudia les infirmières hospitalières aux États-Unis dans les années 1950. Une division du travail socialement hiérarchisée s’établit entre différents métiers plus ou moins prestigieux (soin vs médecine ; entretien et hygiène vs pédagogie et enseignement).</p>
<p>Elle se recompose au fur et à mesure que les métiers évoluent avec l’augmentation des connaissances et la reconfiguration des attentes sociales. Ainsi, les travailleurs subalternes se voient confier des tâches autrefois réservées aux métiers plus prestigieux qu’ils côtoient : tout comme les infirmières hospitalières des années 1950-60 aux États-Unis accèdent à des tâches techniques préalablement réalisées par les médecins, les femmes de service accèdent à des tâches éducatives au fur et à mesure que l’école maternelle et le métier d’enseignant·e en maternelle évoluent.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/417631/original/file-20210824-27-arqqnj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/417631/original/file-20210824-27-arqqnj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/417631/original/file-20210824-27-arqqnj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/417631/original/file-20210824-27-arqqnj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/417631/original/file-20210824-27-arqqnj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/417631/original/file-20210824-27-arqqnj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/417631/original/file-20210824-27-arqqnj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les femmes de service accèdent à des tâches éducatives au fur et à mesure que l’école maternelle et le métier d’enseignant·e en maternelle évoluent.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/children-tutor-study-together-creative-school-1930109807">Shutterstock</a></span>
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<p>C’est un premier ressort de la visibilisation des Atsem : elles sont désormais reconnues comme personnel éducatif de l’école maternelle. Néanmoins, cette reconnaissance n’efface pas leur domination dans les rapports sociaux au travail et vis-à-vis de l’emploi. Tout d’abord, leur place dans l’école maternelle se décline de manière hétérogène selon les territoires : si <a href="https://journals.openedition.org/ree/2826">certaines enquêtes</a> montrent qu’un binôme enseignant·e-Atsem associé à leur forte présence dans la classe et à la reconnaissance de leurs compétences éducatives semble la norme, <a href="https://doi.org/10.3917/pox.130.0047">d’autres montrent</a> qu’ailleurs toutes les classes maternelles ne sont pas dotées d’une Atsem et que leur place reste plus proche du pôle du nettoyage et de la surveillance que du pôle pédagogique.</p>
<p>De fait, la <a href="https://doi.org/10.3917/pox.130.0047">porosité de leur statut</a> avec celui des agent·e·s d’entretien et de restauration est forte, d’autant qu’elles entrent souvent dans le métier par ces emplois et qu’une bonne partie d’entre elles conservent le statut d’agente de service alors qu’elles font fonction d’Atsem. Cela a des conséquences sur leur stabilité d’emploi, leurs rémunérations et leurs carrières et les rend vulnérables vis-à-vis de leur employeur : « retourner faire du ménage » (et seulement ça) est une menace qui pèse lourd sur une partie d’entre elles.</p>
<h2>Problèmes de pénibilité</h2>
<p>De plus, l’évolution de leurs missions vers des tâches éducatives et même proprement pédagogiques n’a pas pour autant fait disparaître leurs tâches historiques d’entretien des locaux, des matériels et d’hygiène des enfants (une mise à contribution exacerbée par la crise sanitaire), alors même que leurs prérogatives s’étendent à présent à l’accueil des enfants à besoin éducatifs particuliers, aux animations périscolaires et même aux accueils de loisirs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/417633/original/file-20210824-15638-1cxyapl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/417633/original/file-20210824-15638-1cxyapl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/417633/original/file-20210824-15638-1cxyapl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/417633/original/file-20210824-15638-1cxyapl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/417633/original/file-20210824-15638-1cxyapl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/417633/original/file-20210824-15638-1cxyapl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/417633/original/file-20210824-15638-1cxyapl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">ATSEM lors d’une manifestation contre le projet de réforme des retraites (Paris, septembre 2019).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Les_ATSEMS_en_gr%C3%A8ve.Manifestation_contre_le_projet_de_r%C3%A9forme_des_retraites._Paris._24_septembre_2019_(49519841748).jpg">Paule Bodilis/Wikimedia</a></span>
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<p>L’accès aux missions éducatives se paye donc au prix d’une extension impressionnante de leurs tâches, comme le montre l’article 1 du <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000036666089">décret du 1ᵉʳ mars 2018</a> qui cadre et définit désormais leur travail :</p>
<blockquote>
<p>« Les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles sont chargés de l’assistance au personnel enseignant pour l’accueil et l’hygiène des enfants des classes maternelles ou enfantines ainsi que de la préparation et la mise en état de propreté des locaux et du matériel servant directement à ces enfants.</p>
<p>[…] Ils peuvent participer à la mise en œuvre des activités pédagogiques prévues par les enseignants et sous la responsabilité de ces derniers. Ils peuvent également assister les enseignants dans les classes ou établissements accueillant des enfants à besoins éducatifs particuliers.</p>
<p>En outre, ils peuvent être chargés de la surveillance des enfants des classes maternelles ou enfantines dans les lieux de restauration scolaire. Ils peuvent également être chargés, en journée, des missions prévues au premier alinéa et de l’animation dans le temps périscolaire ou lors des accueils de loisirs en dehors du domicile parental de ces enfants. »</p>
</blockquote>
<p>Ce phénomène est au principe d’un autre ressort de leur visibilisation : les Atsem se rendent visibles <a href="https://infos.emploipublic.fr/article/atsem-les-agents-specialises-des-ecoles-maternelles-sont-en-colere-eea-7610">pour revendiquer</a> d’une part la reconnaissance symbolique à laquelle elles estiment avoir droit au regard du travail qu’elles réalisent et d’autre part l’amélioration de leurs conditions de travail eu égard à la charge et à la pénibilité de ce travail (périodes et durées de travail, multiplicité et polyvalence des tâches, pénibilité spécifique du travail auprès des jeunes enfants).</p>
<p>Très présentes sur les réseaux sociaux depuis quelques années, notamment à travers un collectif Atsem de France créé en janvier 2016, elles tissent des liens et échangent au-delà du seul périmètre de leur école et de leur commune, <a href="https://fr-fr.facebook.com/Collectif.ATSEM/posts/1145980819218819?__tn__=K-R">décrivent la réalité de leur travail</a>, organisent une Journée nationale des Atsem en mars et impulsent ou soutiennent des mouvements sociaux, comme celui qui a opposé <a href="https://www.francebleu.fr/infos/education/l-impossible-dialogue-a-montpellier-entre-mairie-et-syndicats-sur-les-atsem-1627307336">les Atsem de Montpellier à leur employeur</a> sur la question, justement, de l’extension de leur durée quotidienne de travail, et qui a été très soutenu.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163823/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabienne Montmasson Michel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Autrefois appelées femmes de service, les Atsem ne sont pas toujours reconnues à la hauteur du rôle essentiel qu’elles jouent dans les écoles maternelles aux côtés des enseignants et de leurs élèves.Fabienne Montmasson Michel, Maîtresse de conférences en sociologie, Université de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1522722021-01-10T19:11:49Z2021-01-10T19:11:49ZPourquoi l’égalité entre les sexes n’efface-t-elle pas les ségrégations dans les filières scientifiques ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/376693/original/file-20201228-13-18orst0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C8%2C1796%2C1264&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Plus nombreuses que les hommes dans l'enseignement supérieur, les femmes sont moins nombreuses à choisir les sciences.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/illustrations/doctor-research-chemical-observes-3822863/">Image by mohamed Hassan from Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Aujourd’hui, les femmes sont <a href="https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/7/EESR7_ES_24-la_parite_dans_l_enseignement_superieur.php">plus nombreuses</a> que les hommes dans l’enseignement supérieur. Elles restent cependant fortement sous-représentées dans les <a href="https://www.inegalites.fr/Filles-et-garcons-dans-l-enseignement-superieur-des-parcours-differencies?id_theme=22">filières</a> qui mobilisent le plus les mathématiques. Cette sous-représentation contribue aux inégalités sur le marché du travail puisque les filières scientifiques <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/dares-etudes-et-statistiques/etudes-et-syntheses/autres-publications/article/les-inegalites-professionnelles-entre-femmes-et-hommes">mènent en moyenne</a> à des emplois <a href="http://www.parisschoolofeconomics.com/breda-thomas/working_papers/wp_role_models_HAL_v3.pdf">mieux rémunérés</a>.</p>
<p>Elle est aussi susceptible de représenter une perte potentielle de talents dans des domaines à forte demande de compétences tels que l’informatique et l’IA. Enfin, on sait que les algorithmes et les technologies vont de plus en plus régir nos vies. Or ces algorithmes et technologies sont souvent le reflet de leurs concepteurs.</p>
<p>L’absence des femmes dans les filières d’études concernées pose alors un véritable problème éthique. Ainsi, si l’on n’y prend pas garde, un algorithme d’analyse d’image aura tendance à interpréter une photo de femme en blouse blanche comme étant celle d’une infirmière. Alors qu’un homme en blouse blanche sera identifié comme scientifique ou médecin. Non pas que l’algorithme soit sexiste mais il n’analyse le présent qu’à l’aune du passé et reproduit donc les biais de ce passé sauf si on pense à corriger en amont ses modes d’apprentissage.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1330067103529971715"}"></div></p>
<p>De nombreuses recherches tentent de mieux comprendre les causes de la ségrégation sexuée entre disciplines scolaires et métiers. Elles mettent en lumière le rôle des influences sociales, des éventuelles discriminations ou encore des différences de niveau scolaires, elles-mêmes étant façonnées par l’environnement socioculturel dans lequel les enfants grandissent et apprennent.</p>
<p>Dans un article récent publié dans PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States), nous nous sommes intéressés à un phénomène particulier connu sous le nom de <a href="https://sciencepost.fr/paradoxe-de-legalite-de-genre-femmes-detudes-scientifiques-pays-egalitaires/">« paradoxe de l’égalité des sexes »</a> : la sous-représentation des femmes dans les filières scientifiques (et en particulier celles liées aux mathématiques telles que la physique, l’informatique ou l’ingénierie) est plus forte dans les pays les plus développés et les plus égalitaires.</p>
<h2>Poids des stéréotypes</h2>
<p>Le paradoxe s’observe même avec des indicateurs d’égalité de genre : les pays qui sont le plus parvenus à limiter les inégalités de genre, notamment en termes de représentation politique ou d’accès à des postes à responsabilités sont ceux dans lesquels les choix scolaires des filles et des garçons sont le plus « genrés ».</p>
<p>Certains auteurs, notamment les <a href="https://www.researchgate.net/publication/323197652_The_Gender-Equality_Paradox_in_Science_Technology_Engineering_and_Mathematics_Education">chercheurs</a> Gijsbert Stoet et David Geary, voient dans le paradoxe une preuve de l’existence de différences d’intérêt fondamentales (comprendre innées) entre les filles et les garçons, qui seraient intrinsèquement enclins à effectuer des choix d’étude ou de métiers différents lorsqu’on en leur en laisse la liberté.</p>
<p>Dans les pays développés et égalitaires, les contraintes économiques pèseraient moins sur les choix scolaires et les filles se sentiraient plus libres d’exprimer leurs « vraies » préférences. La forte ségrégation dans ces pays serait donc la preuve que ces « vraies » préférences des filles sont très différentes de celles des garçons…</p>
<p>Dans notre étude, nous proposons une autre explication du paradoxe de l’égalité des sexes : les différences entre pays en termes d’identités de genre culturellement construites (stéréotypes). Pour cela, nous proposons une méthode pour tenter de mesurer les stéréotypes associant principalement les mathématiques aux hommes. Ces stéréotypes tels que nous les mesurons apparaissent nettement plus forts dans les pays développés et égalitaires, y compris les pays les plus réputés pour l’égalité entre les sexes, comme la Norvège, la Suède ou le Danemark.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1104879928212893696"}"></div></p>
<p>Sans grande surprise, les stéréotypes associant les mathématiques aux hommes sont aussi fortement associés aux différences de choix scolaire entre filles et garçons : c’est dans les pays où ces stéréotypes sont les plus forts que relativement aux garçons les filles s’orientent le moins vers les filières mathématiques. Des analyses statistiques assez rudimentaires permettent finalement de montrer que les stéréotypes peuvent expliquer le paradoxe de l’égalité des sexes.</p>
<p>En effet, lorsqu’on tente d’expliquer les différences de choix scolaires entre filles et garçons dans un pays simultanément par notre mesure des stéréotypes de genre et les mesures de développement ou d’égalité, ce sont systématiquement les stéréotypes qui continuent de prédire les choix scolaires, tandis que la relation entre développement ou égalité et ségrégation scolaire disparaît complètement. Les stéréotypes de genre pourraient donc être la variable cachée qui explique le paradoxe.</p>
<h2>Enquêtes PISA</h2>
<p>Deux questions restent en suspens à ce stade. D’abord peut-on vraiment mesurer les stéréotypes et le fait-on correctement ? Ensuite, si notre explication est valide, pourquoi donc y aurait-il plus de stéréotypes de genre concernant les maths dans les pays plus développés ou égalitaires ?</p>
<p>Commençons par la première question. Pour mesurer les stéréotypes, nous utilisons les écarts de réponses entre filles et garçons à deux questions particulières de <a href="http://www.oecd.org/pisa/keyfindings/pisa-2012-results.htm">PISA 2012</a> : « bien réussir en mathématiques dépend entièrement de moi » et « mes parents pensent que les mathématiques sont importantes pour ma carrière ». Ces questions ne mentionnent pas explicitement le genre et les réponses ne sont donc pas biaisées par des préoccupations de conformisme social.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/six-facons-de-faire-aimer-les-maths-a-votre-enfant-104008">Six façons de faire aimer les maths à votre enfant</a>
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<p>D’autre part, la mesure est obtenue en contrôlant par le niveau en mathématiques ce qui garantit que les écarts observés ne sont pas la conséquence de différences de niveau (évidemment susceptibles d’influencer l’attitude des élèves à l’égard des mathématiques).</p>
<p>Notre approche consiste donc à considérer que les différences systématiques de réponses aux deux questions ci-dessus entre filles et garçons ayant le même niveau en maths (et parfois aussi le même intérêt pour les maths dans des définitions alternatives) capturent l’influence des normes de genre environnantes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-hommes-posent-ils-plus-de-questions-que-les-femmes-dans-les-seminaires-scientifiques-93875">Pourquoi les hommes posent-ils plus de questions que les femmes dans les séminaires scientifiques ?</a>
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<p>Bien sûr, cela ne constitue pas une preuve et il n’existe d’ailleurs pas de méthode parfaitement validée pour capturer les « stéréotypes » qui demeurent un concept impossible à appréhender parfaitement d’un point de vue empirique.</p>
<p>N’en demeure pas moins vrai que c’est dans les pays développés ou égalitaires que, par rapport aux garçons, les filles vont accorder moins d’importance aux mathématiques que les garçons, ou moins considérer pouvoir réussir dans cette discipline, quand bien même elles ont le même niveau et le même intérêt déclaré qu’eux. C’est en ce sens que nous considérons qu’il y a plus de stéréotypes dans les pays développés ou égalitaires.</p>
<h2>Idéologies de genre</h2>
<p>Pour tenter d’expliquer l’émergence de ces « stéréotypes », qui peut sembler paradoxale, nous nous référons principalement à un large corpus de travaux en sociologie et en études de genre, <a href="https://www.researchgate.net/publication/249902145_Occupational_Ghettos_The_Worldwide_Segregation_of_Women_and_Men_review">initié</a> notamment par <a href="https://www.researchgate.net/publication/246080688_Equal_But_Separate_A_Cross-National_Study_of_Sex_Segregation_in_Higher_Education">Maria Charles</a> et ses coautrices. Ces travaux insistent sur l’importance de distinguer différents types d’idéologies de genre.</p>
<p>Il s’agit notamment de distinguer les sociétés où dominerait l’idéologie de la « primauté masculine » selon laquelle l’homme serait supérieur à la femme de façon générale, et les sociétés où dominent des formes d’essentialisme de genre consistant à se représenter les femmes et les hommes comme fondamentalement différents sans nécessairement présupposer de hiérarchie entre eux.</p>
<p>Il semble que les pays ayant au cours de leur développement limité le mieux l’idéologie de la primauté masculine aient développé plus que les autres d’autres normes de genre essentialistes plus horizontales, telles que celles associant davantage les mathématiques aux hommes.</p>
<p>Une raison possible à cela est que les pays plus développés (ou égalitaires) ont également développé des valeurs plus émancipatrices, individualistes et progressistes qui accordent beaucoup d’importance à la réalisation de soi et à l’expression de soi.</p>
<p>Dans un contexte de forte liberté individuelle, les individus peuvent être amenés à se reposer sur des identités de groupe et notamment de genre pour développer leur identité propre et prendre leurs décisions.</p>
<p>Cela s’applique en particulier aux choix scolaires, qui dans les pays où ils sont moins déterminés par les contraintes économiques (la nécessité de choisir un métier rémunérateur pour pouvoir s’en sortir) peuvent devenir une expression directe du « vrai moi », laissant alors la place au développement de normes de genre <a href="https://www.researchgate.net/publication/26889935_Indulging_Our_Gendered_Selves_Sex_Segregation_by_Field_of_Study_in_44_Countries1">concernant ces choix</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Encourager les filles à suivre des filières scientifiques (France 3-Bourgogne-Franche-Comté).</span></figcaption>
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<p>Ainsi, les pays qui ont le plus éliminé l’idéologie de la primauté masculine selon laquelle « les femmes ne seraient pas faites pour travailler en dehors de la maison ou avoir des postes à responsabilités » sont également les pays qui ont développé davantage de « normes essentialistes horizontales » concernant les compétences appropriées des femmes et des hommes.</p>
<p>Par ailleurs, en analysant les données <a href="http://www.oecd.org/fr/education/scolaire/programmeinternationalpourlesuividesacquisdeselevespisa/apprendreaujourdhuireussirdemainpremiersresultatsdepisa2003.htm">PISA 2003</a> et 2012, nous constatons que les pays qui ont le plus progressé entre 2003 et 2012 en <a href="https://data.worldbank.org/indicator/NY.GDP.PCAP.KD">termes de PIB</a> ont vu croitre, plus que d’autres, les stéréotypes de genre concernant les mathématiques sur cette période.</p>
<p>Ces résultats amènent à conclure que la ségrégation entre les sexes dans les domaines d’études et les professions, ne diminuera pas d’elle-même à mesure que les sociétés deviennent plus développées et égalitaires. Non parce qu’elle découle de facteurs innés, mais parce qu’elle est le produit de nouvelles formes de différenciation sociale entre femmes et hommes qui ont remplacé l’idéologie de la primauté masculine. Des politiques appropriées semblent donc nécessaires pour induire le changement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152272/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elyès Jouini est Fellow de l'Econometric Society, de l'Institute of Labor Economics (IZA) et de l'Institut Louis Bachelier dont il est également vice-président.
Elyès Jouini a reçu des financements de la Fondation Dauphine dans le cadre de la Chaire Femmes et Science (soutenue par la Fondation L'Oréal, Generali France, le Groupe La Poste, Safran et Talan).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Clotilde NAPP a reçu des financements de la Fondation Dauphine dans le cadre de la Chaire Femmes et Science (soutenue par la Fondation L'Oréal, Generali France, le Groupe La Poste, Safran et Talan).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Georgia Thebault a reçu des financements de la Fondation Dauphine dans le cadre de la Chaire Femmes et Science (soutenue par la Fondation L'Oréal, Generali France, le Groupe La Poste, Safran et Talan).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Thomas Breda est Fellow de l'Institute of Labor Economics (IZA) et directeur du programme Travail et Emploi de l'Institut des politiques publiques. Thomas Breda a reçu des financements de la Fondation Dauphine dans le cadre de la Chaire Femmes et Science (soutenue par la Fondation L'Oréal, Generali France, le Groupe La Poste, Safran et Talan.</span></em></p>La sous-représentation des femmes dans les filières liées aux mathématiques est plus forte dans les pays les plus développés et les plus égalitaires. Un paradoxe lié aux stéréotypes de genre.Elyès Jouini, Professeur de mathématiques, Université Paris Dauphine – PSLClotilde Napp, Directrice de Recherche CNRS, Université Paris Dauphine – PSLGeorgia Thebault, Doctorante en Economie , École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)Thomas Breda, Chargé de recherche au CNRS et économiste à l’Institut des politiques publiques, membre associé , Paris School of Economics – École d'économie de ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1462682020-10-06T18:55:50Z2020-10-06T18:55:50ZÉtudiants, qu'ont-ils à faire sur LinkedIn ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/361397/original/file-20201002-17-mcmgzn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C14%2C1914%2C1261&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les étudiants doivent comprendre que leur profil LinkedIn ne peut être qu’une simple copie de leur CV.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/photos/computer-pc-workplace-home-office-1185626/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>« Avez-vous un compte LinkedIn ? » À chaque fois qu’on leur pose cette question, au début de cours sur le « Personal Branding » que nous animons à l’ESCP Business School, 100 % des étudiants lèvent la main. Mais lorsqu’on les interroge sur la manière dont ils utilisent ce réseau social, leurs réponses convergent vers ce type de propos : « je sais que je dois y être mais je ne sais pas comment agir et m’en servir réellement ».</p>
<p>Pourquoi ces étudiants, pourtant souvent addicts à Facebook et à Instagram, semblent-ils entretenir une relation circonspecte avec ce réseau social, et ce, alors même que les recherches soulignent les effets positifs de l’usage de LinkedIn sur la carrière ? (<a href="https://www-sciencedirect-com.revproxy.escpeurope.eu/science/article/pii/S000187912030021X">Davis et al</a>).</p>
<p>Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer leur posture paradoxale.</p>
<h2>Apparaître plus que paraître</h2>
<p>Force est de constater que de nombreux étudiants se sentent obligés d’être présents sur LinkedIn mais ne savent pas exactement pourquoi. Leur présence sur Facebook, Instagram et plus récemment TikTok, est devenue pour eux « une norme implicite de rigueur » où ils exposent plutôt facilement des « métaphorisations » d’eux (selon les propos de <a href="https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-du-numerique-2013-3-page-111.htm">De Rigail</a>, 2013). Ils ont ainsi pris l’habitude de prendre part à des « mondanités numériques » qu’ils ont sélectionnées, pour entretenir ou élargir leurs liens amicaux, ou tout simplement se montrer et être vus.</p>
<p>Loin de ces visées personnelles, LinkedIn correspond plus pour eux à une norme sociale développée par d’autres, à laquelle ils doivent adhérer pour prétendre développer leurs réseaux professionnels, et qu’ils ont souvent du mal à identifier et à choisir.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"885488492322713600"}"></div></p>
<p>Si les étudiants ont pris l’habitude de parler d’eux sur les réseaux sociaux, ils ont ainsi souvent plus de facilités à montrer leur identité personnelle que leur identité professionnelle. Leurs photos, leurs participations à des événements et leurs passions sont exposées plus facilement que leurs parcours et leurs réalisations. Le « paraître », parfois assorti d’artifices ou de projections de soi, tend ainsi à être une démarche plus aisée pour ces jeunes adultes, que d’« apparaître » à l’aide de faits et de réalisations aux yeux d’une nouvelle sphère professionnelle.</p>
<p>L’enjeu de LinkedIn est d’élargir leur réseau au-delà de leur cercle rapproché de connaissances. Mais les jeunes s’arrêtent parfois à cette étape, n’osant pas solliciter des personnes plus expérimentées. Ils peinent à dynamiser leur profil, par leurs activités, par des réactions ou des posts. Beaucoup s’estiment peu légitimes à relayer de l’information, à réagir aux activités des autres et à créer de l’information.</p>
<p>LinkedIn offre <a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Social-Media-Use-in-Organizations%3A-Exploring-the-of-Treem-Leonardi/67bb79d762425ec00f37749adde2378200e47cd5">quatre types de potentialités</a> à ses membres :</p>
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<li><p>la visibilité</p></li>
<li><p>la persistance (en récupérant les posts)</p></li>
<li><p>l’édition de contenu</p></li>
<li><p>l’association entre les personnes.</p></li>
</ul>
<p>Beaucoup d’étudiants se contentent d’exploiter le potentiel de visibilité, a minima, en renseignant les rubriques avec des copier-coller de leurs CV, et donc en restant une ombre sur LinkedIn avec le sentiment du devoir accompli. Ils passent alors à côté des opportunités offertes par ce réseau social qui compte <a href="https://www.forbes.fr/business/les-chiffres-fous-des-reseaux-sociaux/">700 millions</a> d’inscrits dans le monde et <a href="https://www.linkinfluent.com/chiffres-cles-linkedin/#_ftn8">20 millions</a> de membres en France (soit 64 % de la population active).</p>
<p>Les étudiants ont dès lors à (re)penser leur présence sur LinkedIn, et ce, en suivant trois objectifs.</p>
<h2>Se différencier</h2>
<p>Le premier objectif est d’inciter les jeunes à enrichir leur identité déclarative pour se différencier. Les étudiants doivent comprendre que leur profil LinkedIn ne peut être qu’une simple copie de leur CV. Ils doivent sortir d’une logique de substitution pour aller vers une vision de complémentarité entre ces deux outils. Il s’agit d’en dire plus et de donner envie d’en savoir plus encore.</p>
<p>Cela passe en premier lieu par des actions assez simples. La partie « infos » n’est souvent pas ou trop peu renseignée et n’attire pas l’attention de potentiels recruteurs. Au cours de formations que l’on pourrait considérer comme génériques, certains choix de spécialisations ou des réalisations (mémoires, projets…) permettent de différencier un étudiant d’un autre, d’estimer son potentiel et ses centres d’intérêt.</p>
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<p>De nombreuses rubriques sont aussi pertinentes et sous-utilisées par les étudiants comme les investissements dans des associations, les réalisations, les appartenances à des groupes et le suivi de personnes ou organisations. C’est donc un travail à mener avec les étudiants, pour les amener d’abord à identifier dans leurs parcours ce qu’ils pourraient mettre en valeur.</p>
<h2>Dynamiser son profil</h2>
<p>Le challenge est ensuite de ne pas se contenter de ce travail déclaratif. L’enjeu pour les étudiants est d’oser passer à une utilisation active du réseau social : nouer de nouveaux contacts, poster des informations sur leurs sujets d’intérêts professionnels et participer à des groupes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1134249324752318464"}"></div></p>
<p>Cette mise en action a un préalable incontournable pour eux : savoir pourquoi et pour quoi initier et développer ces démarches, afin d’aller vers une <a href="https://global.oup.com/academic/product/an-intelligent-career-9780190494131?cc=fr&lang=en&">posture active</a>. La cohérence de ces activités doit donc être pensée pour asseoir leur crédibilité numérique. Cela signifie donc sortir de leur spontanéité habituelle sur les réseaux sociaux pour penser son activité et ses finalités.</p>
<h2>Gérer sa réputation</h2>
<p>Le nombre de personnes dans le réseau est un indicateur certes, mais insuffisant si l’on aspire à être repéré. La diversité des membres de son réseau (organisations, postes, formations) indique aussi le capital social que peut et pourrait avoir un étudiant, futur salarié demain. Plus encore, le nombre de personnes ayant lu, réagi et commenté les posts représente un outil clef pour mesurer l’audience de leur marque personnelle et surtout son évolution.</p>
<p>Il existe des outils, comme Shield ou Social Selling Index, qui permettent de mesurer les effets de l’activité sur LinkedIn. Ces outils inscrivent la démarche, au-delà des mesures quantitatives, dans une perspective dynamique et non statique.</p>
<p>En définitive, LinkedIn permet de donner et de dépasser la première impression que l’on peut avoir sur un individu. Il donne une épaisseur numérique à une personne à travers les trois facettes de sa personnalité : déclarative, agissante et calculée.</p>
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<p>Comme le disait le philosophe Alain, « le secret de l’action, c’est de s’y mettre ». Concernant LinkedIn, cette étape d’activation du profil, que tout étudiant a souvent bien consciencieusement construite, est donc cruciale pour leur insertion professionnelle. Leur reste cependant le choix de penser leurs particularités, d’inventer leurs propres manières d’utiliser les fonctionnalités du réseau social et de s’adapter aux contextes professionnels auxquels ils aspirent.</p>
<p>LinkedIn n’agrège donc pas que des contraintes mais peut aussi être vu comme un espace de liberté pour permettre à ces jeunes de montrer qui ils sont, ou pourraient être, dans une sphère professionnelle. À condition de les y accompagner.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146268/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Géraldine Galindo est membre de l'AGRH.
</span></em></p>LinkedIn est le réseau social professionnel sur lequel les étudiants ont l’impression de devoir être. Mais ils ne savent pas toujours en actionner toutes les fonctionnalités. Explications.Géraldine Galindo, Professeur, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1411552020-09-07T18:20:50Z2020-09-07T18:20:50ZFaire évaluer les cours par les étudiants : une épreuve pour les profs ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/356084/original/file-20200902-20-13vvkrn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C20%2C1911%2C1462&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En se systématisant et en s’institutionnalisant, l’évaluation affecte le cœur de l’identité de l’enseignant </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/illustrations/feedback-survey-review-best-3584509/">Image by mohamed Hassan from Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Un aéroport, dans le hall d’embarquement. À la sortie des toilettes, face à moi, une petite boîte blanche, un peu usée, m’invite à apprécier mon expérience d’usager. Trois options, pas plus, matérialisées par trois icônes de couleurs différentes. Je regarde cette boîte et je me surprends à penser à la dénonciation de l’esprit du temps prononcée par <a href="https://www.cairn.info/l-evaluation-du-travail-a-l-epreuve-du-reel--9782759224609.htm">Christophe Desjours</a>, pour qui tout en ce monde est devenu évaluable et quantifiable, y compris le travail.</p>
<p>Je médite sur l’impact que peut avoir une somme de jugements sur des personnes dont l’activité professionnelle peut constituer une part centrale de l’identité. À partir de quand et comment ces évaluations retombent-elles sur une personne ? Combien peuvent-elles déployer d’effets sur une subjectivité et sur une vie professionnelle ?</p>
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<p>Dans l’avion, je pense à mon institution, qui développe et systématise l’évaluation des cours par les étudiants, et aux enseignants, dont l’identité semble affectée par cette évaluation. La question qui sous-tend cet article prend forme : quel est l’impact de l’évaluation des cours par les étudiants sur l’enseignant du supérieur et comment cela interagit-il avec son identité professionnelle ?</p>
<h2>Apprécier une performance</h2>
<p>L’évaluation des cours par les étudiants est une pratique fort répandue dans l’enseignement supérieur. Sa mise en œuvre diffère selon les institutions et les intentions des hiérarchies. Dans cette diversité, il est cependant possible de repérer deux fonctions qui lui sont attribuées, consciemment ou inconsciemment :</p>
<ul>
<li><p>le développement professionnel des enseignants</p></li>
<li><p>le contrôle de la qualité de la prestation du corps enseignant, qui peut être associée à d’autres outils de gestion du personnel par les hiérarchies.</p></li>
</ul>
<p>L’évaluation à visée de développement professionnel implique une certaine confidentialité des résultats, une adaptabilité aux besoins des enseignants, la possibilité d’un accompagnement favorisant une réflexivité sur son activité professionnelle, voire l’accès à un catalogue de formations.</p>
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<p>Dans une évaluation à visée de contrôle, les résultats sont communiqués aux hiérarchies, la démarche est relativement rigide et ne propose pas de ressources susceptibles de favoriser un apprentissage à partir des pratiques évaluées. Ces deux fonctions de l’évaluation sont cependant à appréhender comme les pôles d’un continuum sur lesquels placer les pratiques plutôt que comme des catégories exclusives. Il peut y avoir des recoupements.</p>
<p>Ces pratiques invitent les étudiants à apprécier l’enseignement en remplissant des questionnaires, ceci afin de canaliser, contenir et stimuler leurs appréciations à l’intérieur de certaines limites. L’évaluation porte sur des sujets tels que les supports proposés, l’organisation de l’enseignement ou la communication orale. Ce qui devrait être apprécié par les étudiants, ce sont donc des performances censées favoriser l’apprentissage. Les résultats des évaluations individuelles sont ensuite quantifiés. Ce que l’enseignant reçoit une fois les questionnaires traités, c’est une synthèse des appréciations des étudiants, voire parfois l’intégralité brute de ces appréciations. Ces questionnaires peuvent également contenir une partie dédiée à des commentaires.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/356087/original/file-20200902-14-1fwflhu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/356087/original/file-20200902-14-1fwflhu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/356087/original/file-20200902-14-1fwflhu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/356087/original/file-20200902-14-1fwflhu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/356087/original/file-20200902-14-1fwflhu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/356087/original/file-20200902-14-1fwflhu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/356087/original/file-20200902-14-1fwflhu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les appréciations des étudiants sur leurs cours passent par des questionnaires pré-établis.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/illustrations/online-education-internet-3412498/">Image by Mudassar Iqbal /Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Le vécu par l’enseignant de ces pratiques est sous la dépendance de la fonction objective de l’évaluation, mais aussi de la lecture subjective qu’il en a. Fonction objective et perception peuvent correspondre. Il n’est cependant pas rare que l’enseignant vive comme relevant du contrôle un dispositif pensé par les hiérarchies dans une visée de développement professionnel. Ou, inversement, qu’un enseignant se réapproprie, pour son propre développement professionnel, un dispositif d’évaluation à visée de contrôle.</p>
<h2>Vers une nouvelle forme de souffrance ?</h2>
<p>Ces pratiques d’évaluation transforment le rôle et l’imaginaire attachés au corps estudiantin. Enseigner fait partie de ces métiers impossibles. La matière avec laquelle travaille l’enseignant est dotée de parole, d’une subjectivité, d’attentes et de modèles issus d’expériences diverses. Avec les pratiques d’évaluation, cette matière peut devenir un accélérateur du processus de formation professionnelle mais aussi, dès lors que l’évaluation est utilisée par les hiérarchies comme un outil de management, et selon l’appréhension qu’en ont les enseignants, constituer un danger potentiel pour les enseignants.</p>
<p>L’évaluation est le plus souvent annoncée à l’avance aux enseignants et aux étudiants. Elle s’immisce alors au cœur de la relation pédagogique, et la complexifie. Elle fait de cette relation une relation à trois : enseignant, étudiants, hiérarchie.</p>
<p>Les étudiants possèdent des attentes sur les modalités pédagogiques et les modèles d’enseignants qui peuvent ne pas correspondre à l’image que l’enseignant s’est forgée de lui-même et de sa pratique, voire aux impératifs pédagogiques que les hiérarchies peuvent imposer. Ces écarts peuvent être source de tension et trouver dans l’évaluation un lieu où se matérialiser.</p>
<p>Cette relation enseignant/étudiants/hiérarchie peut engendrer une <a href="https://www.changerletravail.fr/plaisir-et-souffrance-au-travail">nouvelle forme de souffrance</a> pour le corps enseignant. Il faut comprendre la souffrance comme immanente au travail. Elle indique la résistance du réel. Elle peut être vecteur d’apprentissage dans la mesure où elle peut pousser à modifier sa pratique et à compléter ses savoirs. Mais elle peut aussi faire s’effondrer la puissance d’agir et le sens du travail.</p>
<h2>Accélérateurs ou agents doubles ?</h2>
<p>La formule « les étudiants me forment » résume l’idée exprimée par certains enseignants et s’inscrit dans ce versant positif de la souffrance. L’enseignant du supérieur n’a que rarement une formation en pédagogie. Devenir enseignant du supérieur, c’est dans une certaine mesure apprendre sur le tas et dans une certaine solitude. L’évaluation peut convertir les étudiants en partenaires de la formation professionnelle de l’enseignant. L’appréciation de leur enseignement est alors comprise par les enseignants comme une procédure permettant de prendre conscience de leurs performances relativement aux diverses dimensions évaluées.</p>
<p>La formule « les étudiants ne sont ni bienveillants ni compétents pour évaluer mon enseignement et pourtant la hiérarchie les utilise pour gérer ma carrière » résume une autre idée exprimée par certains enseignants rencontrés. Pour certains membres du corps enseignant, l’évaluation convertit malgré eux les étudiants en agents doubles au service d’une hiérarchie qui utilise l’évaluation comme un outil de contrôle et de mise en concurrence. Dans ce cas de figure, la relation pédagogique peut perdre, du moins pour l’enseignant, un peu de ses caractéristiques de bienveillance et de confiance.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/356086/original/file-20200902-22-1j1zsmk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/356086/original/file-20200902-22-1j1zsmk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/356086/original/file-20200902-22-1j1zsmk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/356086/original/file-20200902-22-1j1zsmk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/356086/original/file-20200902-22-1j1zsmk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/356086/original/file-20200902-22-1j1zsmk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/356086/original/file-20200902-22-1j1zsmk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La possibilité d’une évaluation change la relation pédagogique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/photos/lecture-school-university-meeting-2044621/">Image by Alexas_Fotos /Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Allons plus loin : est-il possible d’enseigner dans la méfiance et l’hostilité, d’enseigner à un public perçu comme un potentiel danger ? Dès lors que la hiérarchie est perçue comme hostile, et que les étudiants sont considérés comme un maillon d’un système pervers, la mobilisation dans l’activité et la dynamique de développement professionnel ne risquent-elles pas l’épuisement ?</p>
<h2>Des identités</h2>
<p>L’évaluation du travail de l’enseignant a un impact sur son développement professionnel et une incidence notable sur la relation pédagogique. Mais l’évaluation de sa performance s’immisce plus en profondeur. Gernet et Desjours <a href="https://www.cairn.info/revue-nouvelle-revue-de-psychosociologie-2009-2-page-27.htm">insistent</a> sur un point auquel il faut en effet être attentif : le travail ne peut s’appréhender comme une chose séparée de celui qui le réalise. L’évaluation, en se systématisant et en s’institutionnalisant, affecte le cœur de l’identité de l’enseignant qu’elle remet en effet périodiquement en question.</p>
<p>Elle multiplie et resserre les étapes de confirmations. Cette situation, relativement nouvelle pour le corps enseignant, donne lieu à une sorte de précarité identitaire chez les enseignants.</p>
<p>Dans l’étude sur la façon dont l’évaluation est vécue par les enseignants rencontrés, le concept de formes identitaires <a href="http://ses.ens-lyon.fr/articles/entretien-avec-claude-dubar-37900">développé par Claude Dubar</a> constitue une entrée d’analyse intéressante. Claude Dubar définit les formes identitaires comme des configurations socialement pertinentes et subjectivement significatives permettant aux individus de se définir et de définir les autres dans la durée d’une vie. Ses travaux proposent quatre formes identitaires qui actuellement coexistent dans nos sociétés : communautaire, statutaire, réflexive et narrative.</p>
<p>Lorsque l’on écoute les enseignants que nous avons rencontrés, il semble bien qu’au-delà de la fonction objective attribuée à l’évaluation et de la perception subjective par l’enseignant de cette fonction, il soit possible de repérer deux formes identitaires qui, pour une part, déterminent la façon dont l’évaluation est vécue et intégrée par l’enseignant :</p>
<ul>
<li><p>la première forme est la forme narrative de l’identité enseignante. Cette forme privilégie le récit de conquêtes afin de réaliser des engagements éthiques. Dans cette forme narrative, les évaluations sont appréhendées comme des opportunités afin de se développer, comme des occasions de se construire et de réaliser au mieux ses engagements.</p></li>
<li><p>la seconde est la forme statutaire de l’identité enseignante. Elle se construit autour du statut valorisé et pérenne d’enseignant. L’enseignant se définit ici massivement dans et par un système hiérarchisé et institué. Cette forme est plus menacée par l’évaluation dans la mesure où celle-ci fragilise le statut de l’enseignant, reconfigure la relation pédagogique traditionnelle et met à mal la possibilité d’une stabilité acquise, et conquise, une fois pour toutes.</p></li>
</ul>
<p>Pour qui est intégré dans des actions de mises en place de dispositifs d’évaluation, il est frappant de constater le peu de place donnée à la subjectivité des enseignants, et plus largement à la façon dont l’évaluation reconfigure aujourd’hui l’identité de l’enseignant du supérieur.</p>
<p>L’évaluation suppose en effet des changements identitaires majeurs chez certains enseignants et il est pertinent de se pencher sur la crise que génèrent sa diffusion et sa généralisation dans l’enseignement supérieur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141155/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Juan Carlos Pita ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De plus en plus d’établissements du supérieur demandent à leurs étudiants d’évaluer leurs cours. Faut-il y voir un moyen de contrôler les enseignants ou de les aider à évoluer ?Juan Carlos Pita, Docteur en sciences de l'éducation, conseiller pédagogique, Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1273852020-02-12T19:24:21Z2020-02-12T19:24:21ZBac professionnel : des lycées pour inventer sa voie ?<p>Il faut « changer le discours de nos concitoyens sur l’enseignement professionnel », <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/173471-declaration-de-m-xavier-darcos-ministre-de-leducation-nationale-sur">assurait en 2008</a> le ministre de l’Éducation, Xavier Darcos. La réforme du <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2008/04/07/le-bac-pro-en-trois-ans-une-reforme-qui-divise-syndicats-et-lyceens_1031794_823448.html">bac pro</a>, qui allait désormais être préparé en trois ans au lieu de quatre, était censée « lui conférer la même dignité qu’au bac général et au bac technologique ».</p>
<p>Dix ans plus tard, son successeur Jean‑Michel Blanquer reste sur la même ligne, <a href="https://etudiant.lefigaro.fr/article/pour-revaloriser-la-filiere-professionnelle-blanquer-veut-des-harvard-du-pro-_8439453a-005b-11e8-974b-c4e0f256b4ed/">déclarant</a> : « Nous voulons un enseignement pro qui fasse envie », des « Harvard du professionnel ». Une première <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/des-campus-nouvelle-generation-pour-doper-l-attractivite-de-la-voie-pro-6724365">liste</a> de ces « <a href="https://www.education.gouv.fr/cid149279/les-premiers-campus-des-metiers-et-des-qualifications-d-excellence.html">campus</a> des métiers et des qualifications d’excellence » a d’ailleurs été publiée le 6 février 2020.</p>
<p>Faut-il déduire de ces <a href="https://www.lemonde.fr/education/article/2019/09/24/la-revalorisation-de-l-enseignement-professionnel-est-un-eternel-recommencement_6012771_1473685.html">annonces récurrentes</a> que la situation ne s’inverse pas sur le terrain ? Au lycée, si le nombre d’élèves qui suivent un cursus technologique ou professionnel est sensiblement égal au nombre de jeunes qui suivent un cursus général, les filières générales sont toujours privilégiées. Au collège, elles sont omniprésentes dans le discours des parents et des professeurs. Entre <a href="https://www.education.gouv.fr/cid57111/l-education-nationale-en-chiffres.html">2014 et 2019</a>, leurs effectifs ont progressé de 8,16 % alors que les inscriptions en bac pro baissent.</p>
<p>Et, comme le constatait le chercheur Aziz Jellab dans un <a href="https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=53486">ouvrage</a> publié en 2017 :</p>
<blockquote>
<p>« Il est pour le moins paradoxal de constater que le renforcement de la massification scolaire, avec le développement des filières, renvoie un peu plus les lycées professionnels dans leur statut “d’auxiliaires de défaillance” de l’école, sorte de “roue de secours” pour des élèves “inadaptés” à la voie générale. »</p>
</blockquote>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/314044/original/file-20200206-43119-36pm6n.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/314044/original/file-20200206-43119-36pm6n.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/314044/original/file-20200206-43119-36pm6n.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/314044/original/file-20200206-43119-36pm6n.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/314044/original/file-20200206-43119-36pm6n.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=611&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/314044/original/file-20200206-43119-36pm6n.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=611&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/314044/original/file-20200206-43119-36pm6n.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=611&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Évolution des effectifs dans l’enseignement secondaire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.education.gouv.fr/cid57111/l-education-nationale-en-chiffres.html">DEPP, L’Éducation nationale en chiffres</a></span>
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<p>Avec la massification, nous avons laissé s’installer la domination du développement des compétences intellectuelles au détriment des capacités manuelles. Le collège unique laisse au bord du chemin tous ceux qui ne sont pas en phase avec ses méthodes d’apprentissage, reposant sur un enseignement encore très magistral.</p>
<p>C’est alors au lycée professionnel que les jeunes doivent trouver l’expression de leur « orientation » scolaire et professionnelle alors qu’ils sont en crise intérieure et en tension entre ce qu’ils ont vécu au collège et ce qui leur permettrait de s’épanouir. Plutôt que de définir ces élèves par leurs manques et les enfermer dans des catégories stéréotypées, il s’agirait de voir quels sont les ressorts de succès possibles pour ces jeunes, qui ont en eux de multiples ressources, que les lycées professionnels s’efforcent d’activer par une pédagogie bien à eux.</p>
<p>Pour ce faire, nous avons réalisé une <a href="https://admee2018.sciencesconf.org/data/pages/ADMEE_2018_Actes_du_colloque.pdf">série d’entretiens</a> auprès de chefs d’établissement puis d’anciens élèves de lycée professionnels qui ont retracé la série de paradoxes et d’émotions qu’ils ont traversés. Ces jeunes que nous avons entendus pourraient être considérés comme une exception. Cependant, <a href="https://admee2018.sciencesconf.org/data/pages/ADMEE_2018_Actes_du_colloque.pdf">leurs témoignages</a> nous montrent comment des élèves considérés hier comme inadaptés au système scolaire trouvent leur voie, jusqu’à devenir des professionnels reconnus.</p>
<h2>Valoriser la diversité</h2>
<p>A leur arrivée en lycée professionnel, beaucoup de jeunes expriment une certaine fatalité. Comme <a href="https://admee2018.sciencesconf.org/data/pages/ADMEE_2018_Actes_du_colloque.pdf">Camille</a>, ils ont perdu confiance dans l’école qu’on leur avait annoncée comme étant le moyen de construire leur avenir.</p>
<p>« J’ai fait une seconde générale, à la base je voulais aller en S. Comme je n’avais pas la moyenne pour, j’ai redoublé », nous raconte-t-elle. Photographie classique d’un jeune à qui l’on a dit qu’il fallait impérativement décrocher un bac scientifique. Cette dominance de la filière générale ne favorise pas l’inclusivité de ceux et de celles qui vont prendre une autre voie… Pourtant, il y a des espaces scolaires où la lutte des places prend un autre visage.</p>
<p>Camille finit par se rendre compte que ce parcours ne lui convient pas : « j’avais besoin de créer quelque chose avec mes mains, et de faire des choses un peu plus concrètes. Donc je suis retournée en seconde BEP ». C’est alors, au fil des mois, que leur regard sur l’avenir se transforme et que revient l’optimisme, comme le raconte <a href="https://www.albertdemun.eu/nos-success-stories/">Marie-Audrey</a> : « le lycée m’a appris à me connaître, et les profs m’ont aidée à prendre du recul, à réaliser que si je n’étais pas très forte dans telle matière, je pouvais compenser par d’autres. »</p>
<p>Le temps est l’une des clés de ces retournements de situation. L’engagement vers une vocation affirmée se construit en effet dans la durée et l’adversité. Mais les évolutions tiennent aussi à l’organisation même de la scolarité en lycée professionnel et à la pédagogie spécifique mise en œuvre.</p>
<p>D’abord, il y a l’effet groupe, ou plus exactement le soutien et l’aide des autres, le sentiment d’appartenir à une communauté humaine. Et c’est Camille qui en parle, elle qui a rejoint un BTS après un brevet de technicien (BT) :</p>
<blockquote>
<p>« En termes de couture, j’étais beaucoup plus en avance, alors qu’en termes d’enseignements généraux, j’avais du retard par rapport aux autres. J’ai pu compter sur l’aide des professeurs, il y a eu aussi beaucoup d’entraide entre nous, certains restaient une demi-heure de plus le soir pour m’expliquer un exercice de math, ou de physique, et moi je leur rendais la pareille quand il fallait leur expliquer quelque chose sur la couture, etc. »</p>
</blockquote>
<h2>Pédagogie de projet</h2>
<p>Au-delà de la solidarité, les jeunes découvrent la richesse de la diversité des compétences, comprenant qu’il est aussi important d’avoir des compétences manuelles que des compétences intellectuelles. Tous les interviewés expriment les périodes de doute et à chaque fois il a fallu des adultes autour d’eux pour qu’ils puissent surmonter ces doutes et retrouver confiance en eux. Ils doivent trouver le chemin d’apprentissage là où d’autres n’ont qu’à « suivre » un chemin tout tracé.</p>
<p>L’ancrage dans l’entreprise facilite la mise en place des formations. Mais l’entreprise doit réapprendre à venir dans le lycée professionnel et à lui confier des missions pour que les jeunes se retrouvent très vite en situation réelle même. L’illustration le plus probante en est dans la restauration où l’on voit souvent des jeunes de lycée hôtelier participer à une réception aux côtés des maîtres d’hôtel et des cuisiniers en exercice.</p>
<p>En lycée professionnel, l’implication des entreprises dans les cursus ne s’arrête pas aux périodes de stage, elle inclut aussi des projets tutorés. Collectifs ou individuels, ceux-ci aident les jeunes à apprendre en faisant et à se réaliser tout en apprenant.</p>
<p>Par ailleurs, l’élève sera évalué pour son CAP ou son bac professionnel sur la réalisation d’un chef-d’œuvre de son choix dans le cœur de métier de sa formation comme l’ont toujours été les maîtres dans leur « art ». C’est la possibilité pour le jeune de laisser s’exprimer son talent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127385/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Patrice Hauchard est membre de Secours Catholique , conseiller municipal de Chatillon (92320), ancien président de Union National de L'enseignement Technique Privé. </span></em></p>En valorisant la diversité des compétences, la filière professionnelle aide les jeunes à trouver en eux de nouveaux ressorts de réussite. Témoignages.Patrice Hauchard, Directeur du lycée Albert de Mun, doctorant en sciences de l'éducation, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1307282020-02-03T20:26:08Z2020-02-03T20:26:08ZDossier : Malaise enseignant, l’envers du métier<p>Au-delà des clichés un peu passés sur les maîtres d’école à la Marcel Pagnol, derrière les reconversions vers l’enseignement et les discours enchantés sur un « métier qui a du sens », le quotidien des professeurs n’est pas un long fleuve tranquille. On le sait depuis longtemps. Mais, de <a href="https://www.franceinter.fr/societe/pasdevague-la-solitude-fait-partie-integrante-de-notre-metier">#Pasdevague</a> en 2018 aux manifestations contre la réforme des retraites depuis quelques semaines, en passant par le mouvement des <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/01/10/mouvement-des-stylos-rouges-pourquoi-les-profs-se-mobilisent-sur-le-point-d-indice_5407369_4355770.html">« stylos rouges »</a>, les récentes mobilisations remettent le sujet sur le devant de la scène.</p>
<p>S'ils doivent réinventer leur rôle dans un monde où le savoir est à portée de clic, les enseignants se heurtent aussi à des questions d'organisation sur le terrain. Et à côté des problèmes de moyens, il faut compter avec les enjeux de statut et de carrière.</p>
<p>Alors que les candidats sont <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/01/15/chute-du-nombre-de-candidats-au-concours-de-l-enseignement_6025882_3224.html">moins nombreux</a> à se présenter aux concours de l’enseignement, et que le ministère a rouvert le chantier de la <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/12/28/enseignants-l-indispensable-revalorisation_6024287_3232.html">revalorisation</a> du métier, nous vous proposons de relire ces analyses d'historiens et sociologues sur les fins de carrière, les grilles de salaire dans l'éducation, ou encore le travail des directeurs d’école.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/reforme-des-retraites-le-probleme-des-fins-de-carriere-dans-leducation-nationale-128559">Réforme des retraites : le problème des fins de carrière dans l’Éducation nationale</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/305845/original/file-20191209-90557-1fpkoi0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C7%2C994%2C658&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/305845/original/file-20191209-90557-1fpkoi0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/305845/original/file-20191209-90557-1fpkoi0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/305845/original/file-20191209-90557-1fpkoi0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/305845/original/file-20191209-90557-1fpkoi0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/305845/original/file-20191209-90557-1fpkoi0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/305845/original/file-20191209-90557-1fpkoi0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À mesure que leur carrière avance, les enseignants sont unanimes à évoquer une fatigue accrue.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/adult-teacher-college-technical-discipline-sitting-1532040341?src=d8edfc03-c7d2-42e0-996e-535cfe6c1982-1-50">Shutterstock</a></span>
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<p>30% des enseignants sont des seniors. Alors que le nombre d’annuités nécessaires pour une retraite complète augmente, la question du vieillissement au travail est pressante dans l’Éducation nationale.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/entre-les-enseignants-des-ecarts-de-salaires-qui-persistent-109545">Entre les enseignants, des écarts de salaires qui persistent</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/252925/original/file-20190108-32136-jmyapa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C7%2C995%2C658&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/252925/original/file-20190108-32136-jmyapa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/252925/original/file-20190108-32136-jmyapa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/252925/original/file-20190108-32136-jmyapa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/252925/original/file-20190108-32136-jmyapa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/252925/original/file-20190108-32136-jmyapa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/252925/original/file-20190108-32136-jmyapa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Malgré la hausse de leur niveau de recrutement, les salaires des enseignants sont restés en retrait.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Alors que le mouvement des « stylos rouges » revendique une augmentation des salaires des profs, retour sur les inégalités de rémunérations entre les niveaux d’enseignement.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/directeurs-decoles-primaires-un-statut-source-de-mal-etre-124454">Directeurs d’écoles primaires : un statut source de mal-être</a></h2>
<p>Le suicide de Christine Renon, directrice de maternelle à Pantin, interroge l’Éducation nationale et les nombreuses contradictions qui pèsent sur la fonction de directeur d’école.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/le-boom-des-profs-non-titulaires-un-tournant-pour-leducation-nationale-123290">Le boom des profs non titulaires, un tournant pour l’Éducation nationale ?</a></h2>
<p>Pour faire face à la pénurie d’enseignants, L’Éducation nationale a de plus en plus recours à des contractuels. Remise en contexte de ce phénomène.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/de-pasdevague-aux-stylos-rouges-le-travail-enseignant-reprend-la-une-109459">De #PasDeVague aux « stylos rouges », le travail enseignant reprend la une</a></h2>
<p>Entre le travail réel des enseignants et sa reconnaissance par leur hiérarchie, il existe un fort décalage, source de malaises qu’ont remis en lumière les mouvements #Pasdevague et « stylos rouges ».</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/la-grande-souffrance-des-profs-face-a-lechec-scolaire-126640">La grande souffrance des profs face à l’échec scolaire</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/301993/original/file-20191115-66932-1n35c1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C5%2C997%2C658&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/301993/original/file-20191115-66932-1n35c1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/301993/original/file-20191115-66932-1n35c1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/301993/original/file-20191115-66932-1n35c1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/301993/original/file-20191115-66932-1n35c1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/301993/original/file-20191115-66932-1n35c1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/301993/original/file-20191115-66932-1n35c1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un climat de lassitude ressort des enquêtes de terrain auprès des enseignants.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/young-beautiful-spanish-girl-studying-tired-573804211?src=5e3045bd-2196-42cc-9eb7-4daf96569ee2-1-1">Shutterstock</a></span>
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<p>Comment mieux lutter contre l’échec scolaire ? Quelles en sont les causes ? Des chercheurs ont demandé directement leur avis aux enseignants. Une enquête qui fait ressortir de multiples clivages.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/retraites-enseignantes-un-systeme-plus-ancien-quon-ne-le-croit-129372">Retraites enseignantes : un système plus ancien qu’on ne le croit</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308627/original/file-20200106-123399-85slv0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C20%2C3445%2C2276&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308627/original/file-20200106-123399-85slv0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308627/original/file-20200106-123399-85slv0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308627/original/file-20200106-123399-85slv0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308627/original/file-20200106-123399-85slv0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308627/original/file-20200106-123399-85slv0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308627/original/file-20200106-123399-85slv0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">C’est dans les écoles normales qu’étaient formés les enseignants de primaire au XIXᵉ et au XXᵉ siècle (ici, façade de l’école normale de Dijon).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Dijon_-_Ecole_normale_instituteurs_-_Facade_1.JPG">Christophe Finot/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Les bases des retraites enseignantes ont été posées au XIXᵉ siècle. Un système aussi ancien peut-il être refondé radicalement, même en quelques années, sans de grandes difficultés ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130728/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Alors que la revalorisation des métiers de l’Éducation nationale est au cœur de l’actualité, nous vous proposons de relire les analyses de nos auteurs sur les problèmes de carrière qui se posent.Aurélie Djavadi, Cheffe de rubrique EducationLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1304082020-01-26T18:26:53Z2020-01-26T18:26:53ZComment accompagner les changements de façon juste ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/311408/original/file-20200122-117962-1fo0dw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C149%2C5528%2C3759&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une vision clairement expliquée aide à accepter les transformations, même douloureuses.</span> <span class="attribution"><span class="source">Fizkes / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Didier Lombard et plusieurs ex-dirigeants viennent d’être <a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-condamnation-de-france-telecom-ne-changera-malheureusement-pas-grand-chose-129231">condamnés</a> à un an de prison et 15 000 euros d’amende pour « harcèlement moral et institutionnel » concernant la façon dont ils ont géré le changement à France Télécom en 2007 et 2008. On peut voir cette décision de justice comme un bon signal : elle pourra en effet donner envie aux managers qui accompagnent une transformation d’identifier des méthodes aux conséquences plus favorables pour les salariés concernés, <a href="https://theconversation.com/risques-psychosociaux-ces-grandes-questions-en-suspens-que-le-proces-france-telecom-pourrait-trancher-117620">pour leur entreprise et pour eux-mêmes</a>. Dans cette optique, la notion de <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-managers-doivent-devenir-plus-justes-107725">sentiment de justice</a> peut leur être particulièrement utile.</p>
<h2>Changer pour ne pas être ubérisé</h2>
<p>L’<a href="https://www.albin-michel.fr/ouvrages/21-lecons-pour-le-xxieme-siecle-9782226436030">incertitude</a> vécue dans nos organisations a probablement atteint le niveau le plus haut depuis la fin des « trente glorieuses ». Dans un contexte de mondialisation des activités et d’évolution rapide des modes de consommation, les entreprises qui n’adoptent pas une vision stratégique rénovée risquent de disparaître à la manière de <a href="https://philippesilberzahn.com/2012/01/23/fin-de-kodak-victime-dilemme-de-linnovateur/">Kodak</a>, qui n’a pas su prendre le tournant du numérique sur le marché de la photographie et qui a déposé le bilan en 2012.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1132794522218450944"}"></div></p>
<p>De nombreux secteurs cherchent aujourd’hui les moyens de ne pas être « ubérisés » à la manière des chauffeurs de taxi. La digitalisation des activités oblige chacun à réinviter son métier pour continuer à réaliser ses missions. L’intelligence artificielle devient une <a href="https://www.cairn.info/revue-questions-de-management-2019-3-page-61.htm">menace concrète</a>, et pas seulement pour les emplois de postiers et de comptables.</p>
<h2>Un accompagnement plus juste</h2>
<p>Dans ces conditions, gérer le changement d’une façon autoritaire, brutale et sans considération pour les dynamiques humaines au travail peut sembler pour certains la seule voie possible. Or, cette méthode qui a été utilisée chez France Télécom a montré qu’elle n’aidait pas les salariés à gérer l’incertitude liée aux changements, qu’elle remettait en cause leur motivation, qu’elle les précipitait dans une logique de conflit et, pour certains, les amenait <a href="https://theconversation.com/france-telecom-une-entreprise-historiquement-dans-la-tourmente-de-la-revolution-technologique-et-sociale-116719">jusqu’au suicide</a>. Le procès de Didier Lombard et des coresponsables de ce type de politique a permis aux familles en deuil de faire connaître les profonds sentiments d’injustice qu’avaient ressentis les salariés victimes de ces pratiques.</p>
<p>Les <a href="http://www.sudoc.abes.fr/DB=2.1//SRCH?IKT=12&TRM=110571096&COOKIE=U10178,Klecteurweb,I250,B341720009+,SY,NLECTEUR+WEBOPC,D2.1,E463823e7-321,A,H,R82.254.51.214,FY">recherches</a> sur les sentiments de justice et d’injustice au travail sont l’un des champs les plus actifs en psychologie des organisations. D’abord elles éclairent les mécanismes négatifs à l’œuvre dans des entreprises comme France Télécom. Les sentiments d’injustice des salariés peuvent entraîner des cocktails d’émotions explosives mêlant le dégoût, la colère et la honte. Celles-ci produisent à leur tour des comportements antagonistes contre l’entreprise ou contre soi-même voire un sentiment d’impuissance.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1068408280752537602"}"></div></p>
<p>Ensuite ces recherches permettent de dessiner d’autres méthodes d’accompagnement du changement. De nombreuses <a href="https://www.cairn.info/psychologie-du-travail-et-des-organisations--9782100738113-page-266.htm">études</a> ont en effet montré que lorsque les salariés se sentent justement traités, ils acceptent les décisions prises, même si les changements leur semblent défavorables, et développent une motivation à gérer la transformation plutôt qu’à la combattre ou à la subir.</p>
<p>L’usine qui était près de chez vous ferme et vous devez changer de lieu de travail. Votre poste disparaît mais vous n’êtes pas retenu pour le premier autre poste pour lequel vous avez envoyé votre candidature. Le niveau des primes dans votre nouvelle entité est plus faible que celui dont vous avez bénéficié jusqu’à présent. Dans ce type de situations difficiles, il y a trois façons pour vous de ressentir que vous êtes justement traité :</p>
<ul>
<li><p>lorsque vous jugez que le processus de décision est juste (l’usine a fermé après des débats contradictoires sur le plan de relance proposé par les salariés) ;</p></li>
<li><p>lorsque les décisions correspondent à vos mérites (la personne qui a obtenu le poste que vous convoitiez était plus qualifiée que vous) ;</p></li>
<li><p>et lorsque l’on vous informe clairement et que l’on <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2008-3-page-221.htm">prend soin de la relation</a> avec vous (on vous donne toutes les explications nécessaires quand vous exprimez votre sentiment négatif sur la politique de primes et on vous montre de la considération et de l’empathie).</p></li>
</ul>
<p>Dans les situations les plus défavorables, ces trois types d’actions combinées ont des effets positifs multiplicateurs. Le sentiment de justice qu’ils favorisent agit en profondeur. D’abord, il rend la souffrance plus légitime en lui donnant un sens : une vision commune expliquée et partagée aide à comprendre et accepter ce qui se passe. Ensuite, la <a href="https://psycnet.apa.org/record/2003-04306-001">théorie du « management de l’incertitude »</a> des chercheurs Allan Lind et Kees Van den Bos a montré qu’être justement traité donne à chaque salarié un outil puissant pour reprendre du contrôle sur les événements.</p>
<p>Autrement dit, si le système tient vraiment compte de vos mérites, si vous participez vraiment au processus de décision lorsqu’un changement vous concerne et si on vous montre un respect et une empathie sincères, vous ressentez que vous avez accès aux ressources nécessaires pour apprivoiser la transformation. Vous restez confiant, même si les décisions finales qui vous touchent ne sont pas celles qui vous conviennent le mieux personnellement.</p>
<h2>L’accompagnement à l’épreuve des faits</h2>
<p>De nombreuses méthodes d’accompagnement du changement incluent ces pratiques managériales justes. Des entreprises comme le spécialiste des services du numérique Atos ou encore le <a href="https://ca-paris.com/humain-management-operationnel/">Crédit Agricole Ile-de-France</a> se sont par exemple emparées du sujet. Dans ces deux entreprises, l’ensemble des managers en France, soit plus de 500 personnes dans chaque cas, du responsable de terrain au membre du comité de direction, a suivi un parcours d’accompagnement organisé par l’école de management EM Lyon qui leur a permis de participer à la politique de changement tout en développant de nouvelles compétences managériales afin, à leur tour, de mieux accompagner leurs collaborateurs.</p>
<p>Chez Atos, les managers ont à la fois construit une nouvelle vision stratégique de leur activité, visant à mettre les clients le plus à l’aise possible dans « l’espace informationnel », et développé leur intelligence émotionnelle pour mieux se relier à leurs équipes. Ils ont également produit près d’une centaine de mini projets de changements en petits groupes de pairs, allant dans le sens de la vision commune, qui ont ensuite été réalisés concrètement.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/311404/original/file-20200122-117907-gnuti.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/311404/original/file-20200122-117907-gnuti.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/311404/original/file-20200122-117907-gnuti.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/311404/original/file-20200122-117907-gnuti.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/311404/original/file-20200122-117907-gnuti.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/311404/original/file-20200122-117907-gnuti.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/311404/original/file-20200122-117907-gnuti.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’intelligence émotionnelle, clé des managers pour se relier à leurs équipes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">GaudiLab/Shutterstock</span></span>
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<p>Au Crédit Agricole Ile-de-France, ce sont des représentants des salariés qui ont créé le nouveau modèle managérial fondé notamment sur la notion de pouvoir d’agir (ou subsidiarité). Les managers ont ensuite été accompagnés pour développer concrètement leur capacité à donner la main à leurs collaborateurs, par exemple en ne leur disant pas ce qu’ils ont à faire mais en leur demandant comment ils peuvent les aider. Ils ont ensuite développé chacun un projet d’action avec leur équipe opérationnelle pour ancrer le nouveau modèle dans le quotidien.</p>
<p>Le fait d’avoir un pouvoir de décision, de recevoir des moyens d’action et d’être considéré favorise les sentiments de justice des salariés. Ils sont alors plus à même de maintenir leur engagement pour dépasser les difficultés et aider leur entreprise à continuer son développement.</p>
<hr>
<p><em>Thierry Nadisic, professeur en comportement organisationnel à l’EM Lyon Business School, est l’auteur des livres <a href="https://www.uga-editions.com/le-management-juste--350769.kjsp">« Le management juste »</a> publié aux éditions UGA en octobre 2018 et <a href="https://www.editions-eyrolles.com/Livre/9782212568530/s-epanouir-sans-gourou-ni-expert">« S’épanouir sans gourou ni expert »</a> publié aux éditions Eyrolles en mars 2018.</em></p>
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<figcaption><span class="caption">« Le management juste », Thierry Nadisic (UGA Éditions).</span></figcaption>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/130408/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thierry Nadisic est directeur pédagogique des parcours d'accompagnement au changement organisés par emlyon business school pour les deux entreprises citées à la fin de cet article : Atos et Crédit Agricole d'Ile de France.</span></em></p>Si les salariés se sentent justement traités, ils acceptent plus facilement les décisions, même si les changements leur semblent défavorables.Thierry Nadisic, Professeur Associé en Comportement Organisationnel, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1268762020-01-23T19:23:30Z2020-01-23T19:23:30ZNumérique et mixité : ces étudiantes qui montrent l’exemple<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/311208/original/file-20200121-117954-16o26er.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=97%2C2%2C860%2C555&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les équipes d'ingénieurs en informatique intégrant des femmes sont encore trop rares.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/team-computer-engineers-lean-on-desk-1104131690">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Inscrite en licence de mathématiques à l’Université de Bretagne Occidentale (UBO), Jeanne fait partie du collectif d’étudiantes <a href="http://lesfillesqui.org/">« Les filles qui »</a>, dont les membres se rendent dans les écoles primaires pour initier les enfants à la programmation informatique.</p>
<p>En endossant ce rôle de référentes, elles espèrent montrer aux filles que les sciences leur ouvrent des carrières tout autant qu’aux garçons. Et à écouter Jeanne, les résultats sont prometteurs : « Nous agissons au niveau local mais, vu l’intérêt que suscite le projet, s’il se déployait à plus grande échelle, je pense que l’on pourrait vraiment changer les choses. »</p>
<p>De fait, la faible proportion de femmes dans ses métiers est une problématique cruciale pour le secteur numérique, identifiée depuis des années. Il s’agit d’un domaine qui recrute, offre de réelles perspectives de progression et des rémunérations attractives aux jeunes. Pourtant, un certain nombre de clichés pèsent sur lui, comme celui du « geek » enfermé dans son bureau, passant des heures devant son écran sans interagir avec le reste du monde.</p>
<p>En réalité, le quotidien de ces métiers est très divers, en perpétuelle évolution et repose sur un travail d’équipe. Cependant, les représentations négatives jouent sur les choix d’orientation des filles. Des études récentes en France ont mis en avant <a href="https://www.education.gouv.fr/cid134408/l-egalite-entre-les-filles-et-les-garcons-entre-les-femmes-et-les-hommes-dans-le-systeme-educatif-vol.-2.html">cet impact</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Pas assez de filles dans le numérique (France 3, 2017).</span></figcaption>
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<h2>Approche ludique</h2>
<p>Comment lutter efficacement contre ces représentations tenaces qui éloignent bon nombre de candidates potentielles ? Comme « Les filles qui », initié en mai 2016 à l’Université de Bretagne occidentale et <a href="https://www.ensta-bretagne.fr/en/l-codent-l-creent-project">« L Codent L Créent »</a>, porté depuis 2018 par l’ENSTA Bretagne, des dispositifs pédagogiques tentent d’offrir de nouveaux modèles aux filles.</p>
<p>A destination de classes de primaire dans le premier cas, ou de collégiennes de troisième dans le second, ils s’articulent autour d’ateliers de programmation, dispensés par des étudiantes ou des élèves ingénieures. Leurs ressorts sont résolument ludiques. Pour réaliser les œuvres numériques – dessins ou jeux par exemple – au centre de chaque atelier, les participantes ont ainsi accès à des supports différents de l’ordinateur classique : des boîtiers Raspberry Pi qui ont l’avantage de permettre de programmer toute sorte d’activités utilisant des robots, des webcams ou encore des capteurs.</p>
<p>En primaire, « Les filles qui » œuvrent à grande échelle dans les classes mixtes : 70 étudiantes ont enseigné la programmation Scratch dans 46 classes en 2018-2019 et nous aurons plus de 70 classes et 1 500 enfants pour cette année. Créé et diffusé par le Massachusetts Institute of Technology (<a href="http://www.mit.edu/">MIT</a>), Scratch est utilisé par des dizaines de millions d’enfants dans le monde et permet de créer des histoires animées, des jeux simples ou sophistiqués, des graphismes, de la musique.</p>
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<figcaption><span class="caption">Exemples d’ateliers pour mettre l’informatique à la portée des enfants (France 2).</span></figcaption>
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<p>Du côté des collèges, le dispositif « L Codent L Créent » est pour l’instant plus confidentiel mais progresse lui aussi. En 2018/2019, 11 étudiantes de l’ENSTA Bretagne sont entrées en action auprès de quatre collèges à Brest et alentour. 53 collégiennes de troisième ont participé aux ateliers. En 2019/2020, elles seront près d’une centaine.</p>
<h2>Figures d’inspiration</h2>
<p>Qu’apportent de tels dispositifs ? Alors que la programmation est une exigence des <a href="https://eduscol.education.fr/cid133066/le-numerique-et-les-programmes-actualises.html">programmes de primaire</a>, le dispositif « Les filles qui » vient à point nommé épauler les équipes enseignantes et leur apporter un <a href="http://www.theses.fr/2018LYSEN076">soutien</a> dans l’accomplissement d’objectifs jugés inatteignables par les seuls moyens scolaires.</p>
<p>Pour les collèges, déjà mieux outillés sur le volet de la programmation, la rencontre avec des étudiantes ingénieures, l’apport d’un dispositif clé en main et ludique constituent des atouts indéniables.</p>
<p>Si, en primaire, les élèves apprécient d’être dans un cadre différent de la classe traditionnelle et confrontés à d’autres manières de faire, les collégiennes tirent satisfaction d’une mise en condition pour le lycée. Et pour toutes et tous, d’après les données que nous avons collectées, l’aspect ludique est un atout majeur des ateliers.</p>
<p>Quant aux étudiantes, elles se déclarent fières d’avoir participé à un projet qui porte « de belles valeurs », et se voient comme des « figures d’inspiration pour les plus jeunes ». Elles ont ainsi pleinement conscience de leur rôle en tant que modèle d’identification. Néanmoins, cet effet est limité aux collégiennes, sans doute parce que la troisième est l’heure des choix d’orientation, et donc des perspectives d’avenir.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-filles-ont-delaisse-linformatique-110940">Pourquoi les filles ont délaissé l’informatique</a>
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<p>À travers ces ateliers de programmation, affleurent à la conscience des étudiantes des aptitudes et compétences qu’elles ne soupçonnaient pas, faute sans doute de ne pas les mobiliser ; qu’il s’agisse de leurs capacités à transmettre, comme de s’adapter à des publics d’enfants et d’adolescentes.</p>
<p>Conjointement, ces dispositifs pédagogiques s’inscrivent dans le cadre d’une recherche action à laquelle nous associons les étudiantes. C’est une autre découverte encore et un moyen complémentaire de valoriser leur investissement : avoir un retour des acteurs et une mise en perspective par la recherche.</p>
<h2>Des dispositifs en débat</h2>
<p>Pour autant, il ne faut pas cacher que la mise en place de tels dispositifs suscite des débats, des questionnements, notamment sur un point : la non-mixité du côté des étudiantes et des collégiennes. Ainsi, un enseignant nous confie : « Je trouve ça bizarre que l’on n’accueille que des filles ou que des garçons. Les messages sont toujours troublants quand on cloisonne. »</p>
<p>Au niveau institutionnel, il est même possible de parler de résistance : les concepteurs et les conceptrices du dispositif doivent composer avec des appels à ouvrir le projet à des étudiants, ces appels émanant du corps professoral ou d’étudiants. Si la mixité scolaire constitue l’une des évolutions pédagogiques majeures du XX<sup>e</sup> siècle, les dispositifs « Les filles qui » et « L Codent L Créent » la remettent en débat.</p>
<p>Pour alimenter ce dernier, il faut garder à l’esprit que c’est en contexte de mixité que les <a href="https://www.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie-2014-2-page-85.htm">stéréotypes</a> masculin et féminin se manifestent le plus et modulent les comportements des élèves. Ainsi, déployer un dispositif non mixte permet de neutraliser les rapports de genre et de créer des conditions plus propices à l’effet d’identification.</p>
<p>Enfin, il ne faut pas oublier que d’autres domaines scolaires ne sont pas mixtes, sans pour autant être sujets à controverse, en sport par exemple. Les temps changent et « Les filles qui » et « L Codent L Créent » sont là pour accompagner une transition féminine vers le numérique, en s’amusant. Les élèves de primaire et de collège, les étudiantes engagées, toutes et tous y trouvent en tout cas un grand plaisir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/126876/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cécile Plaud a reçu des financements de La Fondation Blaise Pascal et du groupe ARKEA</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pascale Gautron a reçu des financements de La Fondation Blaise Pascal et du groupe ARKEA. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Vincent Ribaud a reçu des financements de la fondation Blaise Pascal. </span></em></p>Quand des étudiantes en école d’ingénieur ou en fac de sciences initient des élèves de primaire à la programmation, cela peut-il éveiller des vocations pour le numérique chez les petites filles ?Cécile Plaud, Maître de conférences, ENSTA BretagnePascale Gautron, Enseignante-chercheure, ENSTA BretagneVincent Ribaud, Enseignant-chercheur, Université de Bretagne occidentale Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.